LV ~LT­ LE PONT

DES SO'UPIRS OPgRA.BOUFFE EN QUATRE ACTES'

PAR

HECTOR CRÉMIEUX ET LUDOVIC HALÉVY

MUSIQUE DE • J. OFFENBACH

PARIS MICHEL LÉVY FRE~ES, LIBRAIRES ÉDITEURS

.\ U E V 1 VIf: N NE, 2 DIS. ET BOU LEV A Il 0 DES 1T ALI ENS, 1 ~

A I.lA· LIBRAIRIE NOUVELLE'

)IDCCCLXVIII 1

LE PONT DES SOUPIRS

OPÉRA BOUFFE

Représenté à Paris, sur l~ THÉATRE DES VARIl:TÉS, le 8 mai 1868.

GE Bibliothèque musicale

1111111 ""'111111""11111111111111111111111" 1111111111111 . 1061279186 A J-JE r\ttpONT DES SOUPIRS

OPÉRA BOUFFE EN QUATRE ACTES

PAR

llECTOR CRÉMIEUX ET LUDOVIC HALEVY

MUSIQUE DE

PARIS MICHEL LÉVY FRÈRES, LIBRAIRES ÉDITEURS

RUE VIVIENNE, 2 BIS, ET BOULEVARD DES ITALIENS, 15 A LA LIBRAIRIE NOUVELLE

1868 Buc.·d~Asnières, CUeHy. - Imprimerie MAURICE I...('IGNON et Ce, rue du 12. Droits de reproduction, de traduction et de représentution réserv':s PERSONNAGES LE

FABIA~O FABIANI MALATROMBA ••.••.•..•.•••.••.... MM. DUPUIS. BAPTISTE, écuyer de Cornarino .•..•....•..••.•..•... Kopp. LE CHEF DU CONSEIL DES DIX . GRENIER. CORNARI~O CORNARINI .•.....• 0 - 0 ••••••••••••••••••• THIRON. PONT DES SOUPIRS

ASTOLFO, espion••••••. 0 •••••••••••••••••••••••••••• GUYON. MAG1\JFICO, membre du conseil des Dix .•...... •..• HAMBURGER.

CASCADETTO~ crieur public..•. 0 0 .. BOULA.NGÉ. FRANRUSTO, espion•...... •.••.....•...•.•. GAHDEL PAILLUMIDO, membre du conseil des Dix...... •... GÉRAUD.

GIBETTO, id. id...... ••.. o •• BORDIER.

Un huissier...... •..•....•.. 0 •••••••••• HORTON. Un masque...... •...... TnÉODORE. CATARINA CORNA1UNO .. Mlles TAUTIN. AMOROSO, son pa ge....•...... GAltAIT. LE RETOUR DU MARI LAODICE, suivante ...... •...... •..• CAP.

COLOMBINE 0 • • • ••• t . Jt:LU Il. Une gondolière..•• ; AilLEQUIN ...•... . 1 Une piazzetta à Venise. - Au fond, le canal caché par un parapet. Une gondolière ~ ....•..•.....••.. ' ..•.... " .••.... C.\.RRETlER. - Au milieu de ce parapet, une ouverture sur des marches qui ISABELLE ) descendent de droite à gauche au canal. - A gauche, lu l)fdais :\IARTlN. Cne gondolière ~ •...... •.••...... • .: . Cornarino. -A droite, des maisons et des rues. - .\u mur rlu palais Cornariuo , à gauche de la perte, sont accrochées quatrr­ PIERROT··········i ...... •....•...•...... ~ .•• GRAVIER. Une gondolière ~ guitares. - Au palais Cornarino existe un balcon en saillie (l'.-ec fenêtre praticable. LÉANDRE /, Une gondolière ..•. ~ •.. •.....•.• •. LATOUR.

CASSANDRE .•.....•.•...... ••... 0 ••••••••••••••••• 0 •• BÉNARD. Trois masques..•..•.•.••...... ••...... •.. BIL\TRIX. SCÈNE PI{El'IIÈl{E. MAGNE. HENRIETTE

Membres du conseil des Dix, gens du peuple, sbires, hravi. gardes, COHNJ\HINO j ll.\J)TISTE. masques, gondolières, huissiers, etc. An lever ÙU rideau, il Init Huit. - On voit passer au Ioud , illl-d.·~,-~!'l rlu Let scène se passe it Venise,. en 1321. pnrnpet, les lanternes et le haut des draperies de~ !jonùule;;. cu œ r n. ~\h! que Venise est belle! Toutes les indications sont prises de la gaucho et de la droite du Lejour, elle sourit; spectateur. - Les personnages sont inscrits en tête des scènes dans Le soir, eHe étincelle; l'ordre qu'ils occupent au théâtre, - Les changements de position sont indiqués par des renvois au bas des pages. Elle chante la nuit! 2 LE PONT DES SOUPIRS ACTE PREM1ER 3

Le chant s'éloigne et s'éteint peu à peu. - On voit paraître à I'ouvarture BA PT 1 STE. du parapet la tête de Baptiste, puis celle de Cornarino,- Baptiste a un l'lieux vaut ainsi rentrer, hélas! large bandeau sur l'œil droit; Cornarino en a un sur l'œil gauche. Que de n'y rentrer pas!

·RAPT ISTE. REPRISE ENSE MBLE. Nous voici de retour dans Venise la belle, Dans Venise la belle..• Mais dans quel état tous les deux! • Etc• CORNARINO. CORNA RI NO regardant le balcon de son palais. Mon épouse fidèle Rien! Nous reconnaîtra-t-elle! BAPTISTE, Avec ce bandeau sur les yeux? Rien! BAPTISTE. CORNARINO. Essayons à mi-voix Il est étrange que ma femme ne réponde pas! ... La barcarole d'autrefois! ..• BAPTIS TE. Cornarino et Baptiste vont décrocher deux des guitares suspendues à ln Pour Dieu, Monsieur, ne nous compromettons pas!... muraille du palais Cornarino, reviennent en scène et chantent en s'accom­ CORNARI NO. pagnant. Je voudrais pourtant bien revoir ma Catarina. * CORNARINO. Dans Venise la belle BAPTISTE. Que cherchons-nous '? Je le comprends.•. mais pas d'imprudence, et que Mon­ BAPTIS TE. sieur me permette de lui rappeler notre fâcheuse position. Une épouse fidèle *CORNARINO, passant à droite. A son époux! Je ne la connais que trop, hélasl, ...Mais enfin, remémore, ENSEl\IB LE. remémore; puisque tu le veux.•. Aussi bien, je ne sais plus Tra la la la 1a, guère où j'en suis. Dans Venise la belle! BAPTISTE. CORN ARINO. Voici: Monsieur, il y a un an, a été nommé doge de o mon fidèle Baptiste, Venise. C'est une chose bien triste , CORNARINû. Pour un doge de mon rang, Je le sais! triste honneur, De rentrer dans S1 pat: ic, BApTISTE. Près de S3, femme chérie, Monsieur, il Y a deux mois, a pris le commandement de Sous l'habit d'un mendiant. la tloite1 * Cornarino, Baptiste. * Baptiste, Cornarino. LE PO~T DES SOUPIHS ACTE PREMIER

CORN A RINO. COllNARIXO. Je le sais! Fatale ambition!... Nous nous somInes établi sur les yeux ces deux affreuses BAPTISTE. machines noires qui nous font loucher... Louches-tu, toi?

Enfin, monsieur, il Ya quinze jours, a aperçu l'ennemi. BAPTISTE. COR:'iARINO. Oui, je l'avoue... et ça me gêne. Et enfin, après un voyage Je le sais! Funeste rencontre! ....Je fus taillé en pièces! plein de péripéties, et dont le détail ennuierait, nous tombons ici avec la nuit. BAPTISTE. conNARI~O. Pas précisément... c'est-à-dire que, craignant de l'être ~ monsieur a fui! Nous hélons ma femme..•

COHNARIl\'O. BA PTI ST E. Je n'ai pas fui, Baptiste, je n'ai pas fui! ... Convaincu que Que votre voix, hélas! ne réveille pas! ma femme brûlait du désir de me voir, j'ai fait une retraite CORNARINO. personnelle et honorable, te laissant à toi, mon fidèle écuyer, le soin de me tenir au courant de tout ce qui se passerait. Qu'allor.s-nous faire maintenant? BAPTISTE. BAPTISTE. Il peut être imprudent de vous montrer Lru::quC'lUCUL, Je n'ai tardé à apporter la p:l.s à rejoindre monsieur et lui comme cela... sans être attendu l triste nouvelle que sa flotte était définitivement et cntièrcmcn t coulée. . CORNARINO.

COR~ARINO. Qu'est-ce à dire? Hélas 1... BAPTISTE.

fi APT 1STE, à part. Eh'! eh? j'ai mes idées là-dessus! Ht monsieur sait Lien !... Je dois dire que c'est ce que m'a affirmé le secrétaire de que j'ai toujours blâmé ce mariage-là la flotte, Paolo Broggino , auquel j'avais, à mon tour, laissé CORNARINO. Je soin de tout surveiller , pendant filais que je de mon côté. Monsieur Baptiste, vous êtes un drôle, et je connais (Hout.) Voilà où nous en sommes. Catarina. c o n x An r x o, BAPTISTE, mi-voix. Fâcheuse expédition!... C'est alors que, pour rentrer dans Moi aussi! ... notre patrie, nous avons dû prendre ces déguisements. CORNARINO. BAPTISTE. ÂllonsL.. profitons de la nuit. .. J'ai sauvé la clé, dans Monsieur a cou] é sa noble barbe, et moi ,mes humbles mon désastre ... Entrons!... moustaches. Il püs~;> il gaur-lre, 6 LE PONT DES SOUPI-RS ACTE PRE:MIER 7

* BAPTISTE. Je brave ton cruel tyran! Car, pour briser ta porte, A la grâce de Dieu!... J'apporte Au moment où ils se dirigent vers le palais, entre, par la gauche, Amoroso, Dans mon amour un talisman! qui, sans les apercevoir, leur en ferme l'accès. Catarina, je chante, etc. SCÈNE II. * BA PT 1 S TE, bas, en passant li la gauche de Cornnrino. LES l\{ÊMES, AMOROSO. Seigneur, Seigneur, que vous disais-je en vérité?

** COR NA RI NO effrayé, bas ù Baptiste. COR N AR 1NO, de même. Quelqn'un! .. Non! .le ne le croirai qu'à toute extrémité? B APT 1 STE bas. BA P T 1STE, montrant le balcon. En retraite l.. monsieur!. .• en retraitel., C'est un mou­ Eh bien! soyez donc satisfait, vement que nous connaissons, hélas! ... Le balcon s'ouvre}, .. Elle paraît.... Ils reculent à l'autre extrémité de la scène li droite. - Pendant ce temps Amoroso décroche une des guitares sûspendues au mur du palais Cernerino.

A 1\1 0 ROS 0 , sous le balcon de Catarina. SCÈNE III. f. LES Mf:MES, CATAR 1Nil, au balcon. Une lumière paralt Catarina, je chante, la fenêtre du palais. Catarina se montre au balcon. Je chante, réponds-moi,

Ou sinon, ma méchante, ~* CORNARINO, s'avançant un peu et bas. J'expire devant toi! Catarina! Tout se tait dans Venise, La brise ~ BA P T 1STE, bas ~t l'arrêtant. Sur les flots éteint sa chanson! .La voilà! Seul debout à cette heure, CATARINA. Je pleure o mon chevalier, ne fileurs pas, Et soupire sous ton balcon J Je suis dans un grand embarras ; Catarina, je chante, Mon mari se bat à la guerre, Etc. Un tyran me tient prisonnière; 2. Je suis dans un grand embarras 1 o mon chevalier, ne meurs pas! o ma belle captive, J'arrive, * Cornarino, Baptiste. * Amoros, Baptiste, Cornarino. ** Amoroso, Cornarino, Baptiste. ** Catarina, Amoroso,Cornarino, Baptiste. 8 LE PONT DES SOUPIRS ACTE PREl\llER 9 ENSEMBLE. CA T A Ji 1 NA, ftper~evant Maletromha ; bas ft Amoroso. CORNARINO. BAPTISTE. Prends garde, Amoroso'. ... c'est lui, l'homme fatal, dont Fort surprenant, sur ma parole, Fort surprenant, sur ma parole, l'amour me poursuit. . A tout ceci je n'entends rien. A tout ceci je n'entends rie.i. AMORO SO, has , Répondre à cette barcarolle Répondre à cette barcarolle, L· 1 . , ' · t as ule r • Catarina, ce n'est pas hien. Yraiment, monsieur, ce TI es IJ Q'importel je t'adore...

c.~ AMOROSO. TA RI NA, bas. is l fuis! Il te ferait du mal... Charmantevoix, chère parole, Hors sa chanson, je n'entends rien. Amoroso remonte in peu. Cornarino et Baptiste redpscendent toujours Tu réponds à ma barcarolle, droite. M atromba s'est dirigé vers le palais Cornarino.

Chère princesse, et tu fais bien! * COR AR 1 NO, avec désespoir; bas li Baptiste. Cornarino et Baptiste remontent au fond à droite. Hélas! les v' ilà deux! quel espoir est le nôtre? BA P TISTE, bas à Cornarino, B APT 1STE, philosophiquement et bas. .Ah! monsieurL.. Un mqyen brutal! C'est que ru~ des deux mange l'autre! CORNARINO, bas. Pendant ce temps, Malatromba à son tour a décroché la dernière sûitare. Quoi? )[ A LAT ROM BA, sous le balcon de Cetarina. BAPTISTE ,. hase Ah! daigne en ce jour, Si nous le laissions tomber dans le canal, .. l'le payer de retour, CORNARINO, bas. lIa belle! J'y songeais' vau;u~ment. .. Ne sois plus ce soir, A mon brûlant espoir »APT 1STE, bas, Rebelle! Allons,! En ce moment, Àu moment où ils se. dirigent vers Amoroso, entre par là droite Mala­ Je suis lon tyran, tromba qui prend le milieu de lâ scène en passant devant Baptiste et Tra la la la, Cornarino sans lei voir. Mais je serais, Si tu voulais.... SCÈNE IV. Tra la la la.

LES MÊMES, MALATRO~IBA. II

" AM 0 ROS 0, éc;ntant.• Si je le poursuis, C'est que je te cl.éris, • Quelqu'un encore f

"* Catarina, Amoroso, Malatromba, Cornarino, et Baptiste au l'und. ~ Catarina, MalatromlHl. Amoroso, Cornarlno. 8apti~t,e. J' 1. LE PONT DES-SOUPIRS ACT E PRE 1\[ 1E R it Ma reine; Tu peux, en ce jour, * MAL AT R 0 1\1 BA, se retournant et apercevant Amoroso. Changer en tendre amour Sur ma vie, mon jeune seigneur, vons êtes un enfant Ma haine! hardi devenir chanter sous ces fenètres!. .. En ce moment; AMOROSO. Je suis ton tyran, Tra la la la; N'y venez-vous pas vous-même? Mais je serais, :M A LAT ft 0 1\1 nA. Si tu voulais•.. l'loi1. •. ce n'est pas la même chose. Tra la la la... AM'OROSO. AMOROSO, reprenant en redescendant le. ccène. Heureusement pour moi. - Ces fenêtres, les auriez-vous Catarina, je chante, louées d'aventure?

Etc. 1\1 A IJ A T R 0 1\1 BA.

MALATRO l\IB A. Peut-être! En tous cas, vous m'échauffez les oreilles... Que veut dire ceci? AMOROSO. Sur ma parole, Tout prêt à vous les rafraîchir, si le cœur VOUg en dit l,.. Qui peut oser chanter ainsi ~ ... En garde, donc! mon maître!

AMOROSO. MALATROMBA.

Disons ma barcarolle. En garde!.. J'y suis. Attends un petit peu... (A port. Toutes mes précautions sont bien prises! TOUS. Il donne un coup de sifflet, et, au moment où Amoroso tire son épée Disons ma barcarolle, quatre sbires paraissent, qui le saisissent et le désarment.

ENSEMBLE, en s'avançant sur le devant de la scène. C ATARIN A.

AMOROSO. MALATROMBA C'est un guet-apens! Catarina, je chante, Ah ! daigne en ce jour, COftNARINO, à Baptiste, hase Etc. Etc. Un de moinsl... Bravo!... CATARINA. CORNARINO. BAPTISTE. BAP TIS TE, à Cornarino, de même. mon chevalier, Dans Venise la belle, o Vous pOU vez dire bravi 1. •• Ils sont plusieurs! Etc.• Eté. *k MALATR Ol\lB A, venant au milieu du théûtre , Tous L1S quatre vont raccrocher, l'un après l'autre, leurs guitares nu mur Quand on est membre du conseil des Dix, en l'an de du palais, puis Malatromba gagne la droite, Amoroso le suit; Cornarino 8~ fon~ et Baptiste !;le retirent à l'éaArt El gauche. '* Catarina, Baptiste, Cornarino, Amoroso, Malatromba. ** Catarina, Baptiste, Cornarino, Malatromba, Amoroso. 12 LE PONT DES SOUPIRS ACT E PRE 1\[ 1E R 13 'grâce treize cent vingt ct un, et quand on aime la femme qu'on appelle avec effroi dans la-lagune, le Gonfalonier de son ami absent, voilà comment on se débarrasse de ses Fabiano Fabiani Malatrombat rivaux ! CO RN ARIN 0, bas li Baptiste, CA T A RI~ A, à Malatromba. Fabiano Fabiani Malatromba ! l\Iisérable!... C'est ainsi que tu crois vaincre ma résis­ lance L.. Crois-tu donc que c'est en marchant sur des ca­ BA PT 1 S T~, bas. davres que tu arriveras jusqu'au cœur de Catarina!. .. Je te ),Ialatromba! hais 1. .• Lâche!... CORNARINO, bas, BA P T 1STE, à part. Mon cousin par alliance! Très-bien L•. très-bien! ... très-bien 1... B IL PT 1ST E, élevant un peu la voix. l\fALATROMBA. Je connais votre opinion sur moiL.. Et si je suis venu Horreur !... TOUS chanter cette barcarolle, c'est une pure concession à la Catarina se relè re et quitte le balcon. couleur locale... Mais rien ne lue coûtera pour me venger' MAI. ATROM BA, écoutant. de vos froideurs! ... J'ai maintenant un otage entre les mains... Dans une heure, j'aurai l'honneur de [ne présenter à votre Hein l. .. Quoi? .. On a parlé! boudoir olive... ct c'est en grande partie de votre tenue à COR NA RI NO, bas il Baptiste en Je faisant descendre il droite. filon égard que dépendra la vie de ce gentilhomme! ... A bas!.•. à bas l.•. et ronfle}... CATARINA. Tous deux se couchent pllr terre. Lâche! ... lâche encore! ~ MALATROMBA. MAL A T R 0 AI B'A, aux sbires. Jamais !... Ne 10 lâchez pas '. .. Qu'on l'entraîne et que les Il me semble avoir entendu... (Malatromba heurte du pied Cor­ sombres plombs de Venise se referment SUl' lui! Allez!... narino, qui s'aplatit de son mieux et pousse un ronflement li l'unisson avec C01'na1'1110 et Baptiste gagnent tout doucement le fond li droite. Baptiste.) Quelque mendiant qui dort et qui rêve tout haut l... Heureuse insouciance 1. .• Voilà des gens qui sc reposent, CATARINA. calmes et tranquilles, sur la dalle humide et glacée, avec le Amoroso! .. , ciel bleu sur la tête; tandis que moi, dans mon palais d'agate AMOROSO. et de porphyre, je cherche vainement un sommeil qui fuit éter­ Catarina !... nellement ma paupière fatiguée par les veilles, l'ergie et les On entraîne Amoroso par la droite. - Catar-ina se laisse aller comiquement affaires 1. .. (Il heurte de nouveau Cornarino du pied.) Heureuse sur la balustrade du balcon, la tête et les bras pendants DU dehors. insouciance 1. .. (Se tournant vers le balcon de Catarina.) Dans une * ~IALATRO)IBA. heure, madame!. .. Tremble, Catarina, tremble de pousser à bout un homme Il sort par 18 droite.

1ft Catarina, Malatromba, Baptiste. Cornarino. * Malatromba, Cornarino, Baptiste. ACTE PREMIER 15 LE PONT DES SOUPIRS CO RN ARINO. SCÈNE' V La nouvelle de notre désastre n'est pas encore parvenue COR~ARINO, BAPTISTE. jusqu'ici... je ne suis pas surveillé•.• je puis entre:' avant cet homme, enlever ma femme, fuir avec elle!... que sais-je '? •. CORNARINO, se levant ainsi que Baptiste et s'élançant sur lès traces .mais, au lTIoins, sauver mo{! honneur! ... Suis-moi 1••• de Malatromba. Infâme 1. •• traître et parjure! •.. BAPTISTE.

BA P T 1STE, l'arrêtant. Monsieur, monsieur, quelle déplorable idée!

Pas d'imprudence, monsieur J ~ •• et ne crions pas tant que CORNARINO. cela! Suis-moi, te dis-je 1. •. CORNARINO. Le jour est venu pendant la scène. 'Au moment où ils vont -entrer, ils sont Mais tu n'as donc pas entendu ce qu'a dit cet homme '1 •.. repoussés par une troupe d'hommes et de femmes du peuple, qui entrent Dans une heure, il sera aux pieds de Catarina... de' ma par la gauche en criant; Cascadetto est au milieu d'eux. - Baptiste et femme, dans mon appartement, .. chez moi J.••• Comprends-pl? Cornarino se retirent à l' extrême droit~. BAPTISTE. Oui, monsieur... tr..ès-bien 1... Mais du calme, au nomdu SCÈNE YI ciel1... LES ~rÊM~S; CASCADETTO,. GENS DU PEUPLE. CORNARINO. * TOUS. Du calme 1.•. 'Y.oilà bien de mes gens gui ne.sont pas ma­ riés! A bas Cornarino! BAPTISTE. CASCADETTO. Je le serais... que je dirais la même chose... D'ailleurs, Silence! silence1..• et oyez tous l'histoire mélancolique ITIOn père l'était. et véridique de l'amiral Cornarino Cornarini !... (Cornnrino et CORNARINO. .Baptiste écoutent.) Le récit de sa défaite, de sa fuite honteuse, de sa condamnation à mort par le conseil des Dix, de la pro­ Et mon plus cruel ennemi est mon ami intime, lTIOn cou­ messe de vingt mille sequins à qui le tuera et rapportera au sin Fabiano Fabiani.Malatromha ! conseil: 10 l'anneau; 2° les éperons de l'amiral! (Cornarino est BAPTISTE. tombé à moitié évanoui dans les bras de Baptiste•.) Et maintenantvou­ C'est d'un cousin... lez-vous entendre la complainte que j'ai composée sur ce sujet? qORNARINO. TOUS. .Oh 1. •. à ce nom, à cette idée, toute ma colère mcreflue Oui, oui!. .. -au cœur 1..• Oh! cet homme n'entrera pas là, ou, sur mon; BAPTISTE, hase âme, sur ma part d'éternité, il m'y trouvera!... Partons, monsieur... il n'est qua-temps! BAPTISTE. * Cascadetto, Baptiste, l '. rino. Qu'allez-vous faire, monsieur' '! i6 LE PONT DES SOUPIRS ACTE PREMIER 1'7

CORNARINO, bas. II[ Non, j'entendrai sa complainte. CASCADE TT o. L'amiral Cornarini BAPTISTE, bas. Se dit: Il faut prendre un parti ­ Ah ! monsieurt quand donc serez-vous raisonnable'! Habile, bile, bile, bite; CkSCADETTO. Si mon courage est paru, En avant la musique! ... Je m'en vais courir après lui; Je file, file, file, file! Amiral, en vérité, N'a jamais si bien filé! L'amiral Cornarini Avec nos vaisseaux &st parti! TOUS. Il trotte, trotte, trotte, trotte ; Amiral, en vérité, La mer- s'ouvre devant lui; N'a jamais si bien filé! Il n'aperçoit pas l'ennemi, IV Il flotte, ftottc, flotte, flotte! CASCADETTO. Amiral, en vérité, NIa jamais si bien floué ! L'amiral Cornarini ~Iérite bien d'être puni! TOUS. On offre, on offre, on offre, on offre, Alniral, en vérité, A celui qui le prendra N'a jamais si bien flotté! Un monceaud'or, qui remplira Un coffre, coffre, coffre, coffre! II L'amiral, en vérité. CASCADETTO. Sera bel et bien coffré!. •. L'amiral Cornarini TOUS. S'avance brillant et hardi! ... L'amiral, en vérité, Il semble, semble, semble, semble, Sera bel et bien coffré! ... Que tout fuira devant lui, TOUS. ~Iais, quand apparat; l'ennemi, Bravo! bravo! Il tremble, tremble, tremble, tremble! CASCADE TTO. Amiral, en vérité, ~[ort N'a jamais si bien tremblé! à Cornarino! TOU~. TOUS. l\'Iort à Cornarino! Amiral, en vérité, A ce cri, Cornarino se redresse brusquement et retomLe dans les bras de N'a jamais si bien tremblé! Bapyste. · t8 LE PONT DES SOVPIRS ACTE PREl\IIER 19

CASCADETTO. CASCADETTû. Avis : On a lieu de penser que l'ex-amiral est caché à Avec ce taffetas-là sur l'œil, vous avez dû en perdre bien Venise. Le devoir de tout bon citoyen est de le livrer. (Ii d'autres de vue. montre des oriflammes sur lesquelles sont les portraits de Cornarino et de TOUS, riant. Baptiste, le premier, avec une long~ barbe, le second, avec d'énormes Ah ! ah ! ah ! moustaches.) Pour en faciliter les moyens à tout un chacun, . voici le signalement et le portrait de Cornarino, ainsi que REPRISE DU CHOEUR. celui de son fidèle écuyer, Baptiste, également condamné à L'amiral, en vérité, mort. (Baptiste, à son tour, tombe dans les bras de Cornarino.) L'e tout Sera bel et bien coffré!

ne sevend que dix centimes, deux sous, avec la complainte! Tous les gens du peuple sortent en riant avec Cascndetto par la droite. Demandez, messieurs, qui en veut?

TOUS. Moi ! moi J... SCÈNE VII Cascadetto distribue des papiers à tout le monde. BAPTISTE, CORNARINO. CASCADETTO, arrivé à Baptiste et cl Cornarino, qui sont tremblants

tous deux et se soutenant l'un l'autre. BAPTISTE. Eh! vousautres, là-bas, vous n'en achetezdonc pas? Fuyons, monsieur, fuyons1. ..

BAP T 1 ST E, bas à Cornarino. CORNARINO. Nous sommes perdus! Avec quoi? .. je n'ai plus de jambes!

, CORN AR 1 NO, bas. BAPTISTE. Achète, Baptiste, achète! ... Il est dit que nous boirons le Je vous offreles miennes; vous savez leproverbe : quand calice jusqu'à la lie. il yen a pour un, il y en a pour deux! BA P T 1 STE, achetant la complainte. COR N AR1 NO, se retournant vers le balcon. Elle est charmante, 'monsieur, cette petite chanson L.. Allons! fuyons! ... Adieu, - toi que j'aime plus que tout * COR NAR[ NO, ~Ilant à Cascadetto. tau monde! Et le portrait est bien ressemblant. Il remonte vers la gauche.

cASCADETTO. * BA PT IS T E, le suivant. Vous connaissez donc l'amiral? Il y a votre tête aussi, monsieur, qu'il faut aimer.

CO R NA RINO, troublé, Au moment où ils vont sortir, parait Malatromba tenant une petite clé ù ~ -Nous avons été élevés ensemble..• mais je l'ai perdu de main; il vient de la droite 'et se dirige vers le palais Cornarino. ~ue .. * Cornarino, Baptiste. * Cascadetto, Cornarino, Baptiste. gO LE PONT DES SOUPIRS ACT EPHE II 1E H 21

SC~:NE VIII. c o n x x n 1 x o. Non, je cc m'en irai pas 1. .. l'amour, le désespoir, la f.~­ LElî ~JÊMES, .MALATRO~IBA. taliré, la peur, tout cela me donne du courage! * MA LA T nou n.v. BAPTISTE. L'lieure est écoulée,.. entrons 1. .. Al. ! monsieur, je ne vous reconnais pas r Il va pour ouvrir la porte du palai.... CORNARINO. CORNARINO et BAPTISTE, à part. Suis-rnoi ! Horreur L .. .lui l lui! toujours lui! lui! lui! BAPTISTE. Ils courent vers lui exaspérés, l\Jalatromba se retourne, Cornarino et Bap> Où 'l... .tiste s'appuient l'un contre l'autre au milieu de Ill' scène et se mettent â COR N AR 1 x 0, désignnnt son {lutais. ronfler. Là1... 1\1 A LAT ROM R A, les regarrlnnt. ,. B'AP TI STE. Heureuse insouciance! Qu'allez-vous faire? Il entre au palais dont il reîerme la porte. t: 0 n x A III NO. SCÈNE IX Je n'en sais rien!.:. mais le ciel m'inspirera? .. Vicns' Il va il la porte du pnlais, CORNARINO, BAPTISTE, puis CASCADETTO, et L ES GENS DU PE UPI4E. il AP TI ST E, le suivant. Oh ! les femmes ! les femmes! BAPTISTE. Eh bien! •.. monsieur'! ..• vous ne venez pas? .. vous CORNARINO, tirant une clé énorme et essayant vainement d'ouvrir attendez qu'on nousarrête? la porte. Les misérables ! ils onJ, changé la scrru: c ! COR N A R 1x 0, montrant la droite. A. ce moment, le refrain de l'amiral Coruarino se fait entendr de nouveau.

Mais c'est affreux! .. ' La mort là !... (Montrant son palais.] Le - L'ne troupe de gens du peuple, conduits par Cascedetto, défil ... ml déshonneur ici!. .. que choisir ? .. fond du théâtre, de droite à gnuche, en chantent ln complainte. - Cor­ ~I BAPTISTE. narine et Baptiste escaladent Je balcon du pnluis. (Le rideau tombe. Le déshonneur, monsieur!

CORNARIN o. Le déshonneur... Maistu ne sais donc pas ce que c'est?

BAPTIST E. Si, monsieur; venez tout de même.

* )falatromba, Cornarino, Baptiste. AC TE' D.EUXIÈ}IE 23

REP.RISE. Hélas! noble maîtresse! Etc.

CA T AR 1 NA, à Laodice, ACTE DEUXIÈME Lève-toi, Laodice, et les mets dehors. Laodice pose au fond à gauche de l'horloge son tabouret et son ouvrage et congédie les suivantes, qui sortent par la gauche

HORLOGE .ET BAROM~TRE SCÈNE II CAT ARIN A, LAODIC E. Une salle dans le palais Cornarino. - Porte au fond, portes latérales au 2e plan. - Au fond, en pendant" un grand baromètre et une LAODI CE, revenant près de Catarina, grande horloge à coffres. - Au fond et sur les côtés, des panneaux Voyons, madame, maintenantque nous voilà seules, il fau­ mobiles perdus dans le mur. - L'horloge est au fond à gauche; drait bien nous entendre... le baromètre au fond à droite. - Deux fauteuils sur le devant, à gauche et à droite. - Un.tabouret près du fauteuil de gauche. CATARINA. Que veux-tu dire?

LAODICE. SCÈNEPREl\IIÊRE. Vous me faites tricoter des échelles tic soie comme une femme qui aurait des projets... Et voilà que vous pleurez CATARINA, LAûDICB, SUIVANTES. l'absence de votre mari, comme si vous le regrettiez; cela manque de logique. Au lever du rideau, Catarina est dans le fauteuil à gauche, plongée dans CAT AR IN A se levant. une profonde rêverie. Laodice est assise à ses côtés, en train de faire une échelle de soie; - Les suivantes sont rangées en cercle autour de Laodice, tu vas me comprendre. ,é Mais c'est un terrible Catarina.. secret que je vais te révéler : j'aime ! j'aime! LAODICE. CHOEUR D E:FE 1\1 ME s. Vous aimez? .. Votre mar}? Hélas! noble maîtresse; Laisse-là la tristesse CATARINA. Qui noircit ton beau front. Mon mari l... Allons donc? .. Je parle sérieusement! Il a vingt ans, celui que j'aime; il est.... beau, il est brave; je UNE SUIVANTE. suis sa vie, il est la mienne; il sc nomme Amoroso, et je ne Toutes, tant que nous sommes; sais rien au monde de plus étincelant que. le rayonne­ Nous attendons nos hornrnes ; ment de son jeune front sous la couronne de ses blonds Nos horrimes reviendront l Cheveux! ACTE DEUXIÈllE '"-~ LE PONT DES SOUPIH~ LAODICE. CA T AR I!'\ A. Vous l'aimez? .. l\lais alors , pourquoi désirez-vous le r~­ Quels sont ces deux hommes? tour de votre (~POuX '! LAODICE. C AT A RIX A. Ils me font peur!

Pourquoi? écoute : Ce mati.i, avec le jour) Amoroso était * CA T AR 1N A, allant à Astolfo. sous mon balcon , il chantait ct le ciel s'ouvrait pour 1110i ~ Qui êtes-vous? Que cherchez-vous ici? Qui ne l'a pas entendu n'a rien cntendu l J'allais lui jeter l'échelle de soie. - Tout à coup, armés et masqués, pa­ '..ES DEUX HOMMES. raissent quatre bandits... -- A leur tête, cet affreux Fabiano Vous!. •. Fabiani Malatrombal - On s'empare d'Amoroso, on l'em­ CAT.\ n IN A. 111èu(', on l'entraîne, et voilà pourquoi je rogrctte mon Comment vous nommez-vous, e.ifin'! (~poux. ASTO L}"'O. I.AODICE. Le silence ! ~Iais. ~Jada:l1e, je ne comprends pas~ LAOD 1 CE, il l'autre. CA T A:kIN.\. Et vous '? Quoi! tu ne comprends pas... mais tout cela n'arrive­ ."'RANRUSTO. rait pas, si mon mari était ici. Une fois le doge à Venise, Le tombeau!• qui fait d'Amoroso son plus intime ami? .. Cornarino! Qui En disant ces mots il s se sont ft renees un p~\l. l'invite à dîner? --Cornarino! _. A m'aoconpagner dans ma LAODICE. l., . gondole ou sur la guitare? Cornarino ' Cornariuo Voilà lUadame, n'en doutez pas•..' ce sont des espions de votre ce qu'ont fait el feront toujours les Corunrinil,.. Et voilà infâme persécuteur. pourquoi je regrette mon époux! . CA TARIN A. L.\ODICE. ~lisérables ! A la bonne heure 1. .. comme cela je comprends! A8TOLFO. C AT A RINA. TOUL cc que vous ferez, nous le verrons! -Pauvre Amoroso! où l'ont-ils conduit? ."'RANR USTO. A ce moment deux hommes masqués et enveloppés li,.. munteaux sombres Tout ce que vous direz ,nous l'entendrons. sortent brusquement de la muraille '}lflr deux pannenux mobiles, il gnu­ LES D EUX 11 0 MME S ensemhl•• elH~ pt II droite Et nous le répéterons! SCf~NE III c A TARIN A. LES .MÊMES, A8rÜLFÜ, FHANHUSTO. Eh hien! drôles! commencez par redire ceci à votr~ * LAO DIe E se retournant et jetant un cri. maitre, que je le hais et le méprise; que son âme est aussi Ah! noire que votre visage•.• * Franrusto, Catarina, Laodice, Aslulfo. ... Franrusto, Laodice, Catarina, AsLolfo. SOUPIR~ 26 LE PONT DES ACTE DEUXIÈ~IE 27 LAODICE. II Et jamais nous que ne tromperons notre mari avec un Il a guetté sa proie. homme aussi farouche! Le vois-tu qui tournoie CA TARIN Â. Tout là-haut, dans les cieux Bien dit, Laodiœ l 'Viens et retirons-nous dans le bou.. Lentement, puis plus vite, ' doir olive.• Rétrécissant l'orbite Elles sortent par la droite. Franrusto et A~olfo les suivent jusqu'à la D'un vol vertigineux! porte et après la sortie ils ôtent leurs masques. Ah ! colombe naïve ') Prends donc garde à l'autour SCf:NE IV Qui tourne, tourne autour De ton boudoir olive! MALATROMB~A, FRANRUSTO, A8TOLFO. Malatromba ".après les couplets se dirige silencieusement vers ln porte du A peine Catarina est-elle sortie que Malatromba entre à ravant-scène boudoir olive a droite '; au moment d'ouvrir la porte, il pousse un éclat de gauche par une porte secrète. de rire satanique : Ah ! ah! ah! ah! ah! ah ! et il sort'.

MAL AT ROM BA, aux deux hommes qui sont au fond à droite. Eh bien! SCÈNE V FRANRUSTO. Dans le boudoir olive, Seigneur. FRANRUSTO, ASTOLFO. ASTOLFO. FRANRUSTO. Elle vient de se retirer dans le boudoir olive. Dis donc?

MALATROMBA. ASTOLFO. Hein? 1 ta colombe-craintive, FRANRUSTO. Dans le boudoir 0 live Dans: le. boudoir olive, Astclfo! A fait son nid soyeux, ASTOLFO. Et sous son aile blanche ' Oui, dans le boudoir olive, Franrusto l Sa tête qui se penche , ' FRANR USTO, riant. Déjà ferme les yeux. Oh!'oh! oh t. . Ah! colombe naïve, Prends donc garde à l'autour AS'fOLFO,. riant. Qui tourne, tourneautour Oh! oh! oh! •• De ton boudoir olive! .~JlAN RU ST 0, écoutant. Il gagne la droite, pendant que Franrusto et A8.to~p gasnent la 9auc~ .. Chut!

* Franrusto, Astolfo, Malatromba.. Il passe li droite. 28 LE PONT DES SOUPIR S ACTE DEUXIÈ~lE 29 * A8TOLFO. Vont-ils parler? VonL-ils se taire? Quoi donc? Je ne sais pas quels sont ces gens, FRANRUSTO. lIais à coup sûr ils sont gênants! N'entends-tu pas? CORNARINO et BAPT 1 STE. ** A8TOLFO, allant à droite et écoutant. . Hélas! mon Dieu! que faut il faire? Si fait... Faut-il parler' faut-il se taire' F RA~ RUSTO, montrant le mur i\ l'nvnnt-scène de droite. Je ne sais pas quels sont ces gens, Mais à coup sûr, ils sont gènants ! On marche dans ce mUF. Ils remettent leurs masques. Franrusto et ~~stolfo s'approchent tout doucement de Cornarino el dw ASTOI~FO. Baptiste. Le panneau s'agite! t' CORNARINO et BAPTISTE, it part, Ils reculent vers la gauche. IJ~ s'avancent à pas de loups! FRAN RU STO. Les voici qui viennent vers nous! Il s'entr'ouvre ! ENSE~IBLE. - REPHISE. AS T 0 L F 0, voyant paraltre Cornarino. ASTOLFO et FRANRU8TO.· Un homme! H6Ias! mon Dieu! que vont-ils faire? r R A N R U 8 T 0, voyant parattre Baptiste , Etc., etc. Deux hommes! CORN ARINO et BAPTI STE. ASTOLFO. Hélas! mon Dieu! que faut-il faire ~ Masqués comme nous! Btc., etc. Cornarino et Baptiste passent rapidement FRANR USTO. à gauche. Armés comme nous! ** BAPTISTE, tremblant, bas à Cornarino. Cornarino .t Baptiste , toujours av-ec leurs bandeaux, sont entrés l'un l\lonsieur, si nous quittions la place '? .• après l'autre par une trappe pratiquée également dans la muraille, à Je manque tout à fait d'audace! l'avant-scène de droite. C 0 I\~ A R 1 ~ 0, tremblant aussi, bai'. SCÈNE VI C'est le mo~t d'avoir du cœur! ""STOLFO el FRA XR USTO, ft port. LE"S MÊMES, CORNARINO, BAPTIS..TE. ~(\S deux affreux spadassins me font peur!

OU A TU 0 R. Tors I~ES QUATRE. pnrl ll:' AS TOL FO et; F BAN RUS TO. Allons! l~ Hélas! mon Dieu! que vont-ils faire? JIs mijfchen.t.l'ull.surl'autre le poignard en &"Yant, puis reTiennent sur devant de la scène et très-gaiement. * :\stolfo, Franrusto. * Baptiste, Cornarino, Astolfo, Franrnsto. Franrù~to, ,.. Astolf». '"* r;ornarino, Baptiste, Astolfo, Franrusto. i, A.C.TE DEUXIÈME 31 30 LE PONT DES S~OUPIRS Dzing! dzingl préparons-nous ! CORNJ\BINO et BAPTISTE. Abattons-les à nos genoux! C'est comme ça ! FRÂNR USTO, bas à Astolfo , * AS T OL F Ô', frappant. ,Sans trembler et sans tarder... Tiens donc, pendard ! A8T OL.FO, .bas. COR-NA:RINO, de même •. Nous allens .les poignarder ! Tiens doae, coquin! CORNARINO et lJAPTISTE, à part. .Cet instant sera bien doux! FRANRUSTO, de même. TOUS LES QUATRE. A toi, brigand!

Ils tomberont sous nos coups ! BA PT 1 STE, de même. BAPTIS~E, bas. A loi, gredin!

J'aurais peur s'ils n'avaient pas peur. AS T 0 L F 0, de même. d~ CORN ARINO, même. Pour toi! Puisqu'ils ont peur, ayons du cœur! CORN J.l RINO, de même. A sr OL F 0, de même. Pour toi 1 Allons! montrons du caractère, FRANRUSTO, ù part. rRA~R,~STO, de même. 1 En les attaquant par derrière. Ça ne mord pas Tu m'ascompris, BA:PTISTE. A ST OLFO, bas. Pour toi 1.

.Les voilà pris! CORNAU INO. COR NA R 1 NO, bas en montrant son poignard, Pour toi! L'affaireest faite. A STOLFO. de même, FRANRUSTO, Quel matelas 1 ~ra dague est prête! Il rej oint Franrusto,

< ENSE 1\1 BLE, très-gaiement. ** E.N SE)IBLE sur le devant. Dzing! dzing1préparons-nous! DzingJ dzing! préparons-nous,' genoux! Abattons-les à nos Abattons-les à nos genoux! Ils s'avancent les uns contre les autres, les poignards levés.

LES DEUX nOMMES. * Franrusto, Cornarino, Astolfo, Baptiste. *'* llaptiste~ Cornartno, Ah 1· bah! oui.... dà! ~\ eTE DE U XI È ~I E 33 32 LEP0 N T DES SOUP1R S· ~ dû bruit à l'extérieur.)••• Du bruit! dépouille dépouille, BJp.i-te, FRANRUSTO.. et emporte ces deux corps! masques et Le il·~ Sans trembler et sans tarder ..• Ils enlèvent aux deux hommes leurs manteaux, leurs toquets. ASTOLFO. BAI)T ISTE. Nous allons les poignarder! ~Iais OÙ, mais comment? monsieur. •• Deux espions du CORNARINO et BAPTISTE. Conseil des Dix, ça ne s'emporte pas comme (1 ux bouteilles de Cet instant sera bien doux! vin dans un panier. CûRNARINû. TOUS LES QUATRE. hor1·.·g'~ ... Ils tomberont sous nos coups! Sur mon âme, lu as dit vrai L. Ah! tiens, cc.tc Cebaromètre L. Le tien, ici L. ]0 mien, là !.. C 0 1\ NA R 1 NO.. bas à Baptiste. UA PTI8TE. Baptiste, y allons-nous làchement? Oui, monsieur, oui! BAPT 1STE, de même. lian .. 1 Iw Ils placent les deux corps, Frnnrusto dans J'hotlo,!l;p. Aslotfn Allons-y lâchement! baromètre• Ils remontent li pas de loupa. * CORNARINO. AS T 0 L F 0, bas à Franrusto. Baptiste prends garùe! lu le coguos L. (Ils Î'f>rment It'5 ma~qnei.) ~rain­ Nous ne serions pas les plus forts•.. Laissons-nous tuer! deux armoires, et mettent Ies manteaux, les toquets et lei tenant, nous avons le droit de rester ici... je ne sais pas an sa poitrine, bas. FRA N R U.ST 0, montant juste à quel litre ... mais la suite nous le dira..... Avec ça, il n'y il pas de danger. CA T AR 1 xA, en dehors.

* BA PT1STE et COR N A R 1N 0, les frappant Non, jamais! laissez-moi, seigneur! )Ialalrolll},a. Baigne! Elle entre précipitamment en scène par la droite, sni ..-if> de

Les deux hommes tombent. SCÈNE VII BAPTISTE. ~IALATROMBA. Ça n'est pas plus malin que ça, LES l\JÊMES, CATARINA,

** CA T A RI N A, s'élançant vers Comarino- CORNARINQ. Ah! je vous en supplie, qui, que vous soyez, défendez­ Ah! ça va mieux! Et maintenant, vite leurs costumes (Il t' J.' moi contre cet homme! leurs masques, et prenons leurs places rouvre e manteau • • en jptte un "dot Ja :\Ialntromba, qui s'est arrêté près du fauteuil de droite, d'Âitolfo et. on Toit Sur la poitrine la marque C. D. X.) Des espions rire satanique. du ConselI!... à la solde de mon lâche cousin! (On entend * Baptiste, Cornarino. Cornarino, Catarina, Malatro.nhu, .. Baptiste, Franrusro, A!ilt~lfo~ Cornarîno. ... Baptiste, DEÙXIÈllfE LE PONT DE_S SOUPIRS ACTE - ~ 35 défends... comprends-tu? Il est encore plu hét ' ARINO, à part. . 1 . . S e eque 1autre' CORN Il ne me reste plus qu'â m'é . '., ." ". mais, a·". ors, '. \anOUll. OUI C est C'est ma femme1.. et ne pouvoir•.. ce1 a, Je vais m évanouir J que je ne retrou l , ... ~. ve p us cet homme apres mon évanouIssement!... vous m'e t d ' MALATROMBA. ,( n en ez... c est con- venu.... .Elle pousse un petit cri.) Ah !... . Toutes mes précautions sont bien prises J elle ne peut Elle tombe pantetante et essoufflée dans 1 f . m'échapper! *. . e auteull de gauche. à Cornarino, bas. CATARIN A. BA PT1 STE ,allant (ACornarino ~Ionsieur, elle est évanouie. Oui J •• ils vous appartiennent, les misérables! et à Baptiste.) VOUS êtes hommes, cependant; peut-être avez­ CORN ARIN 0, avec rage. vous eu une mère? Eh bien! c'est en son nom que je vous Ah L.. implore! Je suis Catarina Cornarino, la femme du doge, de Malatromba. votre doge, après tout.,; Et celtii-éi. .. (Montrant Malatromba.) GORNARINO et BAPTISTE, suppliant savez-vous ce qu'il médite pendant que mon noble époux se Seigneur... seigneur!.,. savez-vous '? .• *"11: fait battre pour la patrie? .• le MAL A T ROM BA, se levant devant eux. Second éclat de rire de Malatromha, Eh ~ien! qu'est-ee que ~ela signifie? •. l\Iesespionsordinai_ MALATRûMBA. deVIendrions sensibles" Pa S' t J ., res.... b Est-ce que nous . r a an ce darne, je suis sûr qu'ils le devinent ouffon et presque ID erveilleux'AlI A ~ En vous voyant, belle serait . .... ons mattrs A n' l' br";:) ~t qu'ils m'excusent. draIes... d'un" mot je puis vous faire pendre ... e ou lez Il s'assied dans le fauteuil de droite. pas...

BAPT IST E, à part. CORNARINO, à ~part,. Quelle position pour monsieur! Hélas! il part. CATARINA. B A PT 1 STE, U ne croit pas dire si vrai..• Oh t le monstre! (Elle prend l~ main de Cornarino.) écoute, toi,mon ami; oui, mon ami: pourquoi ne serais-tu pas mon MALATROMBA. ré­ ami'? Il faut que tu me défendes!... Ah ! il le faut! ... Ne Allons sortez !. ~ . ponds pas!. .. c'est inutile 1. ... Il te paye bien, je te payerai CORNARINO. mieux.•. L'argent J tu aimes l'argent, n'est-ce. pas? .. Je t'en donnerai et beaucoup! J'en ai là, chez moi 1 dans un coffre Sortir, jamais! et des bijoux aussi; ils sont à toi, tous, tous!. .. D'ailleurs, BAPTISTE, tu es bon, j'en 5uÏ3 sûre! ... (Regardant Cornarino, qui" sous son Jamais! à Bap-: masque, répond par des Ions inarticulés.) Il est idiot! (Allant MA tATR 01\1 BA. femme, une mère, tiste.) ~ Écoute, toi..• tu dois avoir une Comment,jamais! une sœur, quelque chose enfin 1, ma cause est la tienne, alors, Coraar[n~,Malatromha. en me défendant, c'est ta femme, ta mère ct ta sœur que tu ,* Catarina, Baptiste, "** Catàrina; Malâtromba, Baptiste" Cornarind. * Baptiste, Catarina, Cornarino, Malatromba. DES SOU P 1R S 36 LEP 0 N T ACTE DEUXI.F~lUEj 37 CORNA R 1 ::\0. le harornètre ; c'est le nlien qui est Icd . prendras • .' (te ans... JO ne Notre devoir est de veiller sur vous. veux pas le revoIr... BAPTISTE. BA PTI STE, bas il Cornarino. Sur vos précieux jours. Oui, monsieur... pourvu qu'ils soient bien morts ! MALATROMBA. MA I.. ATROMBA. An fait, si quelque audacieux tentait J. •• Oh! les inconvé­ lIais allez donc! Ia--granelcur..- ne pouvoir jamais être seul... Les pendant (lue Mfllntromhll 1"f'\'iollt ;. Ct' nients de Ils entrent dans les deux coffres, -,, ,R nrma seuls, • gens, dans les cas où il faut ètre seul, ils sont coffres sont munis chacun dunn petites toujours évanouie. - Ces deux , Pf;'tit{l grands de la terre, nous les petites gens; mais nous "autres, lucarne qui s'ouvre li volonté sur le puhlic. ne sommes jamais seuls..• C'est flatteur, mais c'est gênant. Eh bien, cachez-vous et tenez-vous (A Cornarino et à Baptiste.) SC.ÈN·E VIII prêts au cas où j'aurais besoin de vous. COR~ARINO. CATARINA, lUALATROi\JBA, HAPTISTE haroll\l~·tre et dans l'ilorlogf'. Nous cacher

CO ft N AR J NO, ba! à Baptiste. HA Il l' 1 STE, Las. Horreur! Baptiste, si tu 'veux mc faire un plaisir, tn Il me semble que ITJa victime ronfle. DES SOUPIR~ 33 LE PONT ACTE DEUXIÈ~IE . 3~

CORN ARINO, bas. .CORNARINo, bAS Ù Baptiste. gens à Tu es stupide!... On n'a jamais fait ronfler les Il va chanter son rêve! coups de poignard. bas à Cornarino Ils disparaissent. BA P T 1STE, Nous avons cinq minutes à nous. MAL AT ROM. BA, qui regarde Catarina. lis rentrent leurs thfis. Elle sourit... Ça lui va bien de sourire!... (U la eblltouille MALATROMBA. de nouveau.) Cela m'amuse de jouer avec llla victime L.. C'est honteux l. mais cela m'amuse L.. Ah! qu'il était doux, mon beau rêve! CAT A RI NA, revenant à elle. JI m'emportait, Où suis-je? Il m'entralnaij, qui s'élève MALATROMBA. Comme la feuille Au tourbillon chose! Quand une femme Elle ne pouvait pas dire autre De l'aquilon! s'écrie: Où suis-je? .. sort d'un long évanouissement, elle C'était une retraite obscure * CA T AR 1NA, se levant et passant à droite. Où, loin des yeux, ' Lui 1... encore lui! Chantait dans l'ombre et la verdure

MALATROMBA. Un amoureux; Il ébauchait sa barcarolle Oui, je suis lui 1 A vos genoux, COR N AR 1 l'i 0, reparaissant. Et vous appelait son idole Lui !... En vers bien doux! "APT 1 ST E, de même. Ah ! qu'il était doux, mon beau rêve! LuiL.. etc. produisent une espec~ Toutes ces exclamations se succédant coup sur coup IJluf'h~. Au eommencemont du refrain Catarina passe • de siflement prolongé. BA PT 1 STE, bas il Cornarino reparaissant, C AT A RI NA, II 1\Ialatromha. Si on peut jouer ainsi avec les guitares les p! us sacrées. Vous me faites horreur 1 CORNARINO bas à Baptiste. MALATROMBA. Il mérite la corde. Pas de marivaudage ! Tu as bien tort, va•.. jamais bluet MALATUOMBA. dans les blés; jamais grillon dans la çampagne, jamais ra­ mier dans Je bocage, jamais berger sur la fougère, jamais, en Voilà mon rêve. -- Êtes-vous charmée? un mot, la nature au printemps ne chanta l'amour comme je CATARINA. chanté à tes pieds, si tu l'avais voulu 1. .• C'eût été l'aurais Moi, charmée! ... misérable! .. une féerie, un rève ! olive qu'elle Elle repasse il droite et YCl se jeter sur la porte du houdoir * Malatromba, Catarina. trouve fermee. f~ ~r ACT E n.E U X 1 E 41 iu LE PONT DES SOUPIRS BA ~ TIST E, de même. CORNARINO à part. Sapristi! ~ Bravo, ma femme!. l\fALAT ROMBA. MALA TRU}1 BA. .. · Toutes mes précautions sont bien prises Vol e ~. r mari n est , . Ah 1 c'est comme ça °t Eh bien, je l'aime autant! Plus de pas là! barcarolles! ... Aussi bien, je les chanle sans conviction... El COR NA RI NO, a part. en vérité, madame, ne trouvez-vous pas que c'est chose Comment, il n'est pas là! bouffonne que de voir un homme tel que moi s'abaisser à MALATROMBA. supplier une femme L.. Moi qui ai combattu dans Candie. moi qui ai. repoussé trois fois les Matalosses, moi qui n'ai Et plût al;! ciel qu'il y fût !... Je le ferais expirer dans les .. qu'à parler un peu haut pour faire trembler le Turc dans tortures les plus odieuses!. Constantinople 1. .. Mais vous ne savez donc rien, madame?.•. COR N A R IN 0, rentrant sa tête vivement. y avait en Italie une Mais on ne vous a donc pas dit qu'il Fichtre! ville de marbre ct que, dans celle ville dè marbre, il y av-ait un homme de fer? BAPTISTE, même jeu. CATARINA. Sac à papier! Jamais on ne m'a parlé de ça. l\fALATROMBA. l\IALATROM BA. Mais il mo reste encore le petit page qui vous aime, vous savez ? Eh hien, je vous en parle... et j'ajoute que la ville C A T A R 1 NA, vivement. de marbre c'est Venise, et que l'homme de fer c'est Fabiano Am{)fOSO! Fabiani Malatromba, dit le rempart de l'Adriatique! MALATROMBA: CATARINA. Ah! je vons tie.s par là... Vous p1 1Ion ami, mon ami, Tous les quatre sont par terre à plat ventre dans un état d'angoisse qu'il re­ Laisse-moi t'appeler ainsi! d'émotion extraordinaires, - Malatromba près de Catarina un peu phrase garde avec des yeux enf~.ammés, - Cornarino et Baptiste Ne trouble par aucune une La divine extase plus haut. - Catarina tout d'un coup fart It> gf'ste d'attraper ravis! mouche sur le nez'de Malatromba. De mes sens J'ai vu des hommes hien jolis MALATRûMBA, surpris. Mais jamais, cher ange, crois~nloi. Que faites-vous, madame '! Jamais aussi jolis que toi! ' CATARINA. J'irai plus loin, j'avouerai même, mon chevalier, que je t'aime! Mon Dieu! mon Dieu! mais vous voyez bien que je de­ o viens folle! MAl.ATROMBA. bas. Tu nl'aimes ? .. B Â.P TISTE, se relevant et regagnant sa cachette, Elle devient folle, monsieur. CATARINA. CORN ARINO, même jeu. .Je t'aime! C'est pour gagner du temps) Baptiste.. MALATROMBA. ren verse et se C.t.rina pousse Malatrotnoa, qui manque de tember à 18 Elle m'aime! trouve alors assis par terre. .. Catarina, :\lalatromba. LE PONT DES SOUPIRg ACTE DEUXI~~ME 45

ENSEMBLE. Profitons lâchement De son égarement! Allons vivre Lous deux Ali fin fond des Espagnes! CAT A RIN A" à part. Que nous serons heureux Ici, comment, hélas! Au fin fond des Espagnes!

M'arracher de ses bras? CAT ARIN A, dansant, MALATROMBA. Boléro, Eh bien! partons tous deux! Fandango, CATARINA. Caehucha , Et voilà! Oui, oui, quittons ces lieux! Ah! ]'beau pays qu'ça fait tout ça! ENSEMBLE. Boléro, Que nous serons heureux ~ Fandango, ·Tous deux! Cachucha, Je connais au loin Et voilà! Un tout petit coin Ah! comme il faut voir, Fait pour les amours, Du matin au soir, Et là, tous deux, tous les jours, Ce peuple étonnant, Nous nous adorerons, Toujours chantant, Nous nous câlinerons! Toujours riant, Malatromha cherche li entrnlnr-r C:Ü:ll'inll. Toujours sautant, Toujours dansant! CA T A RI NA, li 'part. Sur ce chant, Malatromha danse avec Cataeina. Que faire! •. Ah! ... (Haut.) Attends ..• encore quelque MALATROMBA. chosela. Le petit coin fait pour les amours.:. où est-il, le Les forêts y sont faites petit coin? En bois de castagnettes, MAL AT ROM BA, à part. El ce produit du sol Flattons gamanie... lrouvons le petit coin: (RauL 1 Suffit à l'Espagnol; BOLÉRO. .Sans tambour ni trompette, Mais avec castagneue, C'est un coin tout peti t Il danse tout le temps Au fin fond des Espagnes, Des pas extravagants! Un petit coin blotti Dans ces vertes campagnes A ce moment, Cornaririo et Baptiste sortent du baromètre et de ln pendule Que le soleil rôtit, et se mêlent au chant et à la danse, au deuxième plan; puis Astolfo l·t Au fin fond des Espagnes l Franrusto sortent à leur tour et font le même jeu de scène au fond.

3. LE PONT DES SOUPIRS 46 ACTE DEUXIÈME * EN SEMBLE BÉNÉ BAL, en dansant follement. '7 BAPTISTE et CORN ARINO, li part, C'est un coin tout petit Au fln fond des Espagnes; Fouchtra! Un petit coin blotti, AM 0 RO S 0, ft M818tromb8. Dans ces vertes campagnes Ah t félon! .•. lâche et parjure! •.. lu ne m'attendais point, Que le soleil rôtit n'est-ce pas? Crois-tu donc que pour un cœur bien épris il y Au fin fond des Espagnes! ait des grilles ou des prisons 1.'. Vrai Dieu! mon maltra , le pont des Soupirs est haut, mais l'amour franchit tout! (Il tire A la fm de ce morceau, Cornarino, Baptiste, A$t olfo et Fraurusto rentrent son épée.) Allons! Monseigneur, tes sbires ne sont plus là! dans le baromètre et dans la pendule, et Malatromba cherche à entralner Veyons ce que la crainte de mourir pourra te donner de Catarina, qui résiste, vers le boudoir olive. courage 1.. ** CORN AR 1 la tête à la lucarne, bas à Baptiste, NO, BA PT 1STE, fi Cornarino, bas, Elle s'en va) Baptiste, elle s'en va! Il Y a du cœur dans sa tartine! BAPTIST E, de même. f: 0 RNAR 1NO, cl Baptiste, hRS. Oui, monsieur, mais pas de bon-cœur! Du beurre? BA PTI STE, à Comarino, bAS. MALATROMBA, entralnant toujours Catarina. Du eœur l Enfin, je triomphe! MALA T ROMB A, ricanant. *** AM 0 ROS 0 paraissant tout à coup par la première porte masquée, à droite, Ah! ah! ah! ... tu me crois seul et tu m'insultes, mais toutes Pas enco-e ' lues précautions sont prises ..• à moi, vous autres! Catarina s'arrache des bras de Malatrômba et court se jeter dans ceux Il remonte. d'Amoroso. - Mélodrame à l'orchestre. CATARINA. SCÈNE IX. Prends garde, 'Amoroso!... cette maison est pleine d'es­ pions.et d'assassins •.• (Elle montre les armoires.) Ils sont là!

LES MÊMES, AMOROSO. AMOROSO. MALATROMBA. S'ils ne se pressent pas davantage, Monseigneur.•. tes Malédiction ! valets vont te laisser tuer comme un chien... Il marche sur Malatrombe , *** CAT ARIN A, allant se jeter dsns les bras dAmoroso , Amoroso! l\I A LAT ROM BA, reculant devant lui et passant à droite. A.MOROSO. A l'aide! à l'aide! (En passant, il Irnpp« aux portes des armoiresv] Catarina! Quand vous voudrez, vous autres ...

-l< AMOROSO. 1l" Cornarino, Malatromba, Catarina, Baptisk1, FranrusLo et A,stolf/J au fond. Défends-toi L.. car si tu ne veux pas que je te tuel.•. vrai ,,* Cat.arina, Malatromba. Dieu! ... je t'assassine ...... CfllarU.. Malattotnbâ, Amoro~o, 1< Catarina, Amoroso, Mf;I,latrQmoa.. •

48 LE PONT DES SOUPIRS ACT EDE UX1f: ~[ E 49

* CA TA RI NA, avec énergie. COR~ARINO. Amoroso! tue-le t•• La mienne qui renwe aussi l,.. MA J.J AT ROM BA, se retranchant derrière le fauteuil de droite. BA PTISTE. l\Iais c'est atroce l., mais je suis abandonné à moi-meme Au secours! comme le dernier des honnêtes gens! CORNARINO. AMOROSO. Assieds-toi dessus•.. étouffe-le! Fais comme moi! ... As-tu fini? Cris dans les armoires qU~'éhranlent.-Le duel s'est interrompu. - Cata­ '1 ALAT ROM BA, tirant son {'ppe et portant des bottes par-dessus le rina, Amoroso et Malatromba regardent avec stupéfaction. fauteuil. Eh bien! puisque tu ne rougis pas d'attaquer un homme CORNARINO, BAPTISTE, LES DEUX HOMMES, poussant seul •.• des gémissements dans If'S armoires. Catarina tombe à genoux. Aïet Aïe! Aïe!. CATARINA. T... es armoires s'euvrent ; les quatre hommes sortent en se Îiattant. - Catarina Seigneur, prolongez les jours de mon chevalier et dimi­ et Amoroso gagnent la droite. nuez ceux de mon tyran! ... (A Amoroso.) T,u~-le donc! .. mais tue-le donc! ~ CA TARINA, AMOROSO.

MAL AT ROM BA, remontant en ferraillant. D'où sortent ces cris? A moi! Astolfo! Franrusto! C'est à n'y pas croire 1 11 rompt toujours. Quels sont ces bandits Cachés dans cette armoire? BA P TISTE, pendant le duel, poussant un Ouf! Ah! .. MALATROMBA, à part, CORN ARINO. C'est prodigieux t Quoi donc? J'en mets deux dans l'armoire ! • BA PT IS TE. Quatre au lieu de deux! Monsieur! ma victime répond! elle remue sous mes C'est à ne pas y croire! pieds! CA TA RI NA, AM 0 ROS O. CORNARINO. C'est prodigieux! Allonsdonc, tu es fou... (Poussant un cri.) Ah1..

BAPTISTE. MALATROMBA. Quoi donc ? .. }\[e dira-t-on quels sont ces gens'! Catarina passe à droite, pendant que Malatromba recule toujours devant Amoroso. * Cornarino, Baptiste, Franrusto, Malatromba, Astolfo, Amoroso, Ca­ tarina. * Catarina, Malatromba, Amoroso. • alE

ACTE DEUXIÈME ;)() .. LE PONT DES SOUPIRS 1\1 ALAT ROM BA, désignant Comarino et Baptiste. FRANRUSTO ET ASTOLFO. Arrêtez-moi ce-s deux hommes! .•. Et aux Plombs! Ce sont d'infâmes sacrip~ils., Des assassins! •.. CORNARINO. Aux Plombs? MAL AT ROM BA, reculant effrayé. Pas de bêtise BAPTISTE. Et, prenons nos précautions : Pourquoi? MALATROMBA. ilevant la voix. .A moi, mes sbires, mes espions, Parce que vous êtes deux bravi !

Et la-police de Venise! COR N AR 1N 0 et B APT 1STE. Il va ouvrir la porte du fond. Nous! CHOEUR, en dehors. Il APT 1STE, ft part. Dans Venise la belle Oh 1 quelle idée! (Haut, à Malatromba.) Et si ees deUt bravi . Nous faisons sentinelle; vous apportalentdes nouvelles de l'amiral Cornarino !... Dans les murs, jour et nuit, Mouvement de surprise de Cornarine, Nous nous glissons sans bruit. TOUS. MALATROMBA. De Cornarino 1 - Parlez!

Ce sont eux BAPTISTE. Je reconnais leur chant de guerre! Apprenez donc que le Doge est mort t A Cornarino et Baptiste. Catarina se lève et passe devant Amoroso. Et pour vous, malheureux, Craignez un châtiment sévère! * TOUS. Mort! ' COR N AR 1 NO et BAPTI8T E, parlé. CORN AR IN 0, bas ft Baptiste. Les voilà! c'est fait de nous! Qne diantre dis-Lu là, animal? Les sbires entrent par le fond et se rangent sur une seule ligne l'lU milieu. B APT 1 STE, bas. CHOEUR DES SBIRES. monsieur l., . à REPRISE. Eh! Le seul moyen de vivre tranquilles, cette heure, c'est de passer pour morts! Dans Venise la belle, ete. CORNAR {NO, hase Après les sbires entrent par toutes les portes et par toutes les trappes, - le populaire, - gondoliers, Iazzaroni, gens du peuple. Compris ! ... Sublime! ...

CHOE UR DES G ENS DU PE U PI.. E. MAL A TR OM BA. Les preuves? Pourquoi donc crier ainsi ~ lUalatr.m~a, Que se passe-t-il ici? It Cornarino, Baptiste, Franrusto, Astolfo, CatarMu. Amoroso. La musique continue piano à l'orchestre pendant le dialogue saif.Mi ACTE DEUXIf~l\tE b3 52 LE P·ONT DES SOUPIR S CH DE UR, faiblement. CORN ARINO. ! donnerons. Ce sont là de bons sentiments C'est au Conseil des Dix que nous les Gloire, gloire à MAJ~ATROMBA. Malatromba !

Conseil! au Conseil ! :\lallllromha. Vite, au A5TOL FO et FRANRUSTOJ bas TOUS. Cela ne fait Au Conseil ! Aucun effet. et a Franrusto, à qui il a fait un signe MAL A T ROM BA, bas à Astolfo II. et qui se sont approchés de lui. MALATR01\JBA. Cornarino n'est plus' - Je serai doge! Je suis un profond politique, CA T A R IN A, bas à Amoroso. Et j'accroîtrais par mes talen tf' Amoroso, ces hommes ont menti! La grandeur de la république! Cornarino et Baptiste. Elle observe avec attention C HOE UR, faihlement. les sbires. MAL AT ROll BA, bas à Astolfo et à Franrusto, en montrant Ce sont là de bons sentiments ! à Tous ces gens sont-ils à moi? Gloire, gloire Catarina va se rasseoir sur le fauteuil de droite. l\lalatromba! ASTOLFO et FRANRUSTO, lias :\lfllatromll,l, A ST 0 L F 0, bas, Cela ne fait maitre. oui, Aucun effet! M A I~ A T ROM BA, bas. à CORNARINO, BAPTISTE, CATARINA, AMOROSO, Les avez -vous préparés à me faire une ovation spontanée '! part, avec joie. et FRANRUSTO, bas. ASTOLFO Cela ne fait Oui, maître. Aucun effet hase MALATROMBA, ~I[lialrolllbo, A8TOLFO et FRANRUSTO, has li C'est bien! (Haut.) Écoutez tous! J\h 1"dam', seigneur, pour ces gens-là Reprise de la musique chantée. Il faut autre chose que ça ! COUPLF~TS. MA r, À T ROM B A, bas. I. Pas si haut! qu'Ii leur faut. Mes amis, je n'ai d'autre envie Je voisbien ce affaire, Que de donner tous mes instants Pour enlever une Au service de ma oatrie! Pour brusquer un dénouement, 'Jf. ~: f)o} LE PONT DES SOUPIRS ACT E O"E UX 1 1\1 E

Pour chauffer' le populaire, CH œ UR, très-fort. Le plus solide" argument, C'est l'argent! Vive, vive Malatromba ! Gloire, gloire à Il faut donner de l'argent! l\Ial::ttromba ! Prenez, prenez de l'argent! BAptiste chante plus fort qur- If'S f1utrt's. Il leur donne fi chacun une bourse, dont ils vont distribuer le contenu.

C H OE li R, un peu plus fort. "M A LAT ROM BA, jetant dt' J'or. Prenez, prenez cet or t Vive, vive Malatromba t Prenez, prenez encor! Gloire, gloire à Malatromha ! CH OE U Rf de plus en plus fort.

A.s T 0 L F 0 et FRA N RUS T 0, revenant, bas ;\1 alatromhe . Vive, vive Malatromba ! Quel excellent doge il fera! Encor Pour candidat De l'or! Pour le dogat )1 A LAT ROM BA, donnant de nouvelles bourses, bas. Nous prenons Malatrornba !

Prenez donc cet argent! Catarina se lève et passe devant Amoroso , Prenez, prenez, prenez-en! CA TA RI N A, AM 0 ROS 0, COR NA R 1 N 0, BA P T 1 ~ T E: A S T 0 L F 0 f't FRA N RUS T 0, revenant après une nouvelle dis­ à part. tribution, bas. Il lui faut tout, le scélérat ~ Chauffons, chauffons! De l'or Etmon l honneur et le dogat ! Encor! 1 son )[alotromba don{le toujours de l'or que ses deux espions distribuent. * A ST 0 L F 0 et FRA N RUS T 0, revenant près de MalntromLa, CH OE UR, joyeux. bas. Prènons! Prenons! Une dernière tournée, Et J'affaire est terminée! COR N A R 1 N 0, bas li Baptiste, qui prend de l'argent. Que fais-tu donc? M ALATROMBA, bas. (Parlé.) Ma réserve 1. •• (n tire de sa poche un bas très-riche rempli B APT 1 STE bas. d'or et en verse dans les' mains d'Astolfo et de Franrusto, qui Je distri'­ Monsieur, détournons les soupçons. buent.) Prenez 1...

COR N A R 1 NO, bas, prenant aussi de l'argent. * Cornarino, Baptiste, Astolfo, Malatromba, Franrusto, Catar na, Oui, détournons les soupçons. Amoroso. 56 LE PONT DES SOUPIRS

CHOEU R

Vive, vive Malatromba ! Quel excellent doge il fera! Gloire, gloire à Malatromba ! \ ENSEMBLE. , CORNARINO, BAPTISTE, CA.TARINA, AMOROSO, ft part. 111 lui faut tout, le scélérat! i\CTE TRO)SIÈ~IE 1 Et ~ mon ~ honneur et le dogat l ~ son ~ LE CONSEIL DES DIX. Pendant ce dernier ensemble, on a amené de la gauche un cheval blanc richement caparaçonné, sur lequel monte Malatromba, qui de là jette encore ft la fouTe de l'or qu'il prend dans son bas. Grande salle du palais. - Portes à droite et à gauche au deuxième Acclamations des gens du peuple. - Colère et menaces de Cor.. plan. - Au fond, sur le mur, les armes de la république de Venise. ­ narino, de Baptiste, de Catarina et d'Amoroso. - Le rideau tombe De chaque côté du tribunal une fenêtre. - Siégés autour de la table, sur ce tableau, l'orchestre jouant .la Marche de la Muette, le fauteuil au milieu pour le chef des Dix. triomphe de Mazaniello.

SCÈNE !>REMIÈRE.

LE CHEF DES DIX, PAILLUMIDO, CINQ CONSEIL'· L ERS, HUI S SIE R S, PU1S 1\1 AG N fF 1CO.

Au lever du rideau les conseillers sont assis autour de la table et sont profondément endormis - Les huissiers dorment appuyés au mur. ­ Gibetto est assis sur le premier siégé li gauche et Paillumido sur le

dernier ft droite. - 11 y a deux siégés vides, dont un Ij ln gnu('llp du Chef des Dix.

LECHE}' DES DIX, seul debout terminant un discours . Voilà, messieurs, le résumé consciencieux de nos débats auxquels vous vous intéressez si manifestement: les l\lala~ losses à repousser, le siége de Candie qui n'en finit pas, un doge à élire, puisque le nôtre ne vaut plus rien, et enfin... (Paillumido ronfle.) N'interrompez pas... Et enfin.,. (Gibetto ronfle.) N'interrompez pas••. Et enfin... LE PONT DES SOUPIRS ACTE TROISIÈME :)9

La p~rte de droite s'ouvre et paraîtMagnifico. - Air nonchalant, efféminé MAG NI FIC,0, s'éveillant. et épuisé. Le carnaval! Qui a parlé du carnaval? ..

-\< MAG'NIl"'ICO. LE CHEF DES DIX. C'est moi, ne faites pas attention•.. De charmantes jeunes filles... les plus jolies du Lido...

LE CHE};~ DES DIX. PAILLUMIDO, s'éveillant à son tour. Toujours en retard, seigneur Magni.tico. Des jeunes filles! qui a parlé de jeunes filles't

MAGNIFICO. Tous s'éveillent. J'ai vingt ans. LEe H E}~ DES DIX. Elles nous demandent audience. Elles sollicitent pour la LE (;HEJ:4~ DE~ DIX. durée du carnaval, le privilège des gondoles vénitiennes... Ce n'est pas une raison. Voulez-vous les recevoir?

MAGNI};~ICO. TOUS. Et puis, c'était fête au Lido, hier soir ... Qu'elles entrent! qu'elles entrent! LE CHEF DES DIX. MAGNIFICO. A la bonne heure... placez-vous vite... La séance est Cette question est de la plus grande importance. commencée depuis un grand quart d'heure. TOUS. n MAGNIF1CO, s'asseyant à la gauche du chef des Dix. Oui! oui l,.. Oh! dans une minute je serai au courant. LE CHE};'. LE c HE F DES DIX, reprenant son discours. D'ailleurs, un ancien l'a dit avant moi : (( Le chant, IH Je disais donc... Le siégé de Candie qui n'en finit pas, danse et la conversation des femmes, mulierum conoersatio, un doge à élire, puisque le nôtre ne vaut plus rien, et enfin!... adoucissent les mœurs. » Huissier, faites entrer! (Il s'arrête et regarde Magnifico qui déja dort profondément.) En effet, le Un huissier va ouvrir la porte de gauche. Entrent alors les gondolières, voilà au courant•.. ~Ierveineuse organisation! (Reprenant.) Et qui font le tour de la table et viennent s~ placer. moitié it gauche moitié enfin... (Les ronflements de tous les conseillers couvrent la voix de il droite. I'orateurv) Et dire que c'est tons les jours la mèrne chose... (n agite une sonnette fêlée, puis, voyant que ça ne produit aucun effet, il prend sous la table une grosse crécelle qu'il fait sonnerv] Heu­ SCÈNE II. reusement I'austère Fabiano l\falatromba n'est pas là l, .. Ah! j'ai un moyen de réveiller l'attention de ces nobles pères de LES MÈMES, LES GONnOLIÈHE5. ~ressieurs, lu patrie.,; c'est demain que commence le car­ TOUTES LES GONDOLIÈHE~. naval. Vole, vole, vole, .. Gibertu, Chef des Dix, Paillumido, Magniflco, Ma gondole, ** Gibetto, Chef des Dix, Magnifico, Paillurnido. -

60 LE PONT DEh SOUPIRS A CT E T ROISIÈ 1\'1 E 1\lon chant le bercera sur les flots. Nous vous attendrons Vole, vole, vole, Nous promênerons ' Ma gondole, Les jolis garçons Vole, 'Vole, vole sur les caux. Et les jeunes belles. * UNE GONDOLIÈRE. TOUTES LES GONDOLIÈRES. Nous prenons la place De la triste race Vole, vole, vole. Etc., etc. A. piteuse face

De vos gondoliers; QUATRIÈME GONDOLIÈRE. Lestes et pim pantes, Mines provocantes, Au signal Voici vos servantes, Du gai carnaval, Seigneurs cavaliers! Nous lèverons Nos avirons D.~UXIÈME GONDOLIÈRE. Sur les flots, à nos gondoles! Place Nos jolis canots les barcarolles Quand Seront l1luets, Joyeuses et folles, Seront discret~. Ch~antent nuit et jour! Charmante entreprise! CINQUIÈME GONDOLIÈRE. Tout la favorise, Le cœur el la brise. Nous llleltrons Les flots et l'amour! Sur nos pavillons Les jolis noms GONDOLIÈ.RES. TOUT ES LES De vos tendrons! Vole, vole, vole. Les couleurs Etc., etc. Des chers petits cœurs TROISIÈME GONDoLIÈnE. Flotteront gaîment Au gré du vent J Au milieu du bruit, Voguant dans la nuit, TOUTES LES GONDOLIÈRES. Nous nous glisserons Au pied des balcons Yole, vole, vole. Etc., etc. . De lOS demoiselles; .. Discrètes, fidèles, S(~ aux Pendant ce dernier refrain, les conseillers se sont levés et sont Ul8lés quand arri H' la fin .. Cinquième gondolier, Quatrième gondolier, le Conseil, Premier gondolières. Le chef des Dix s'est animé peu a peu; gondolier. - Les autres au gondolier, Deuxième gondolier, Troisième du chant, il est debout sur la table du conseil, battant la mesure. deuxième plan à auche et à droite. 62 LE PONT DES SOUPIRS A~TE TROISIÈl\fE

* TOUS LES CONSEILLElS. MALATROMBA. Bravo! bravo! Quoi1 vous n'avez que quel ues heu ~ au MAGNIFICO. repos, celles de la séance et qua qd . res consacrer- ) n Je vous cro . ib vous t IS pauu.telnent Cette petite mélodie est ravissante! endormis sur. vos siéges je de ces colombes' ,. rouve roucoulant aux pieds PAILLUMIDO. Je demande qu'elle soit notée au procès-verbal. COUPLETS. TOUS LES CONSEILLERS. 1 adopté! Adopté! Je comprends la joie et 'le rire, LECH E F DES DIX, toujours sur la table. Les farces de Pulcinello' le dél· Et reprenons encore et en chœur : Jé comprends même Et Ies bonds du saltarel1o.ire CHOEUR GÉNÉRAL. Nous sommes les fils de nos p" Vole, vole, vole, Et nous avons de urands d' . eres, . ~ . eSlrs. ~la gondole! (Parlé.) MalS, messieurs les Dix... Mon chant te bercera sur les flots! Les affaires' sont les affaires Vole, vole, vole, Et les plaisirs sont les plaisirs. (Bis en chœul'. 1 . .Ma gondole, Vole, vole, vole sur les eaux! . Il HU moment où Sur ce refrain, les conseillers dansent avec les gondolières; ?ui, lnessieurs, je comprends \r Malatromba entre par la porte de droite ~ l enisa, la danse est le plus animée, es carnavals et ses amour" Que Fon promène CydaIise:S" SCÊNE III. Dans des gondoles de velours. LES :MÊMES, MALATRûMBA. Les aventures singulières, .

MALATROMBA. La. nuit, sous le pont des Soupirs' (Parlé.) lUalS, messieurs les Dix... . messieurs! Très-joli! très-joli! Bon appétit, Les affaires SOnt les affaires. Les gondolières se réfugient ft droite, les Mouvement d'effroi général. Et les plaisirs sont les plaisi~s. f (Bis en ehœuj- conseillers il gauche. Le chef des Dix descend de la table; .. (Aux gondolières.) Et vous ie fUI il~i ** LE clIEF DES DIX,.. li part. Depùis trop Ion te . s , J unes 1.es, que faItes-vous 't hlic' R g mps, votre condUIte est un scandala p. Hagne! L'austère Malatromba ! . angez vos go d 1 u- nêtes femmes qui vo~ ~ e~, d~esdemoiselles, place aux hon­ ** Deuxième gondolière, Cinquième gondolière, üibetto, Quatrième pIe . gon­ gondolière, Paillumido, Troisième gondolière, Magnifico, Première dolière, Chef des Dix sur la taule. LE 8 GOND 0 L IÈ RE S, 8Uppliant. Gibetto, Paillumido, Chef des Dix, Malatromba, (;ondo~ Magnifico, Fabiano! mon peti t Fabiano r lières, les cinq premières sur le devant. 64 LE PONT DES SOUPIRS ACTE TROISIÈl\IE

MALATRO~fBA. LE CHEF DES DIX '1'1" * - , Il . HllSSler, (ln allant à lui. Il n'y a pas de mon petit Fabiano! Vous faites de mes Reconduisez ces demoiselle3 collègues un tas d'arlequins! Avec vos plus jolis gants blancs. Ayez bien soin d'avoir pour elle' , TOUS 1. ESC0 N SEI L r,ERS, exaspérés. Tous les égards dus à leurs ran a:' Oh! r.'> . REPRISE :ENSEMBLE LE CHEF DES DIX, très..ému. LES GONDOLIÈRES.: Mahdromba! Comment nous avez-vous appelés ? Tas d'arlequins? Vos gondolières très-fidèles l\fALATROM BA, il part. Vous pr.ésentent leurs compliments. A demain donc, dans nos nacelles Diable! Ménageons-les! J'ai besoin d'eux pour mon élee­ puissants! ' J'ai A demain, conseillers tion! (Haut.) Messieurs, vous ne m'avez pas compris. - dit : Tas de Charles-Quints ' LES CONSEILLE as. LE CHE F DES DIX, après avoir consulté les conseillers. Reconduisez ces demoiselles, etc. loyales explications. Le conseil admet vos gondolières défilent et sortent 1 Les par a gauche, l'huissier en tête _ Les . '. .es PAIl. L UMID o. conseIllers les suivent jusqu'à 1 .. a porte. "- Ma~mfiCO sort dprrit-rp elles L'h .. ' Le chef d-s Dix est ferme. - UlSSIer rentre après leur sortie. GIRETTO~ C'est un beau caractère ! SCÈNE IV. l.ECHE F DES DIX. l\fALATROMBA, LE CHEF DES DIX, GIIlETTO . que vous nous auriez injustement 'attaqués. ­ .Apprenez PAILLUMIDO, CONSEILLE RS Ces aimables jeunes filles étaient ici pour affaires sérieuses. Elles sollicitent le monopole de l'exploitation des gondoles LE CHEF DES DIX, cl part. vénitiennes. s~ance, séanc! Quelle mon Dieu, quelle -. (Dpsig-JlnJlt ~Jélla- MALATROMBA. trombtl.) TrouhJe-fête, va!

Et le leur avez-vous accordé 't MA J. AT ROM BA. J..IE CHEF DES DIX. Vite! Messieurs pre l . nouvelles. ,nons p ace, Je vous apporte de grandes Sans hésiter... MALATROMBA. LE CHEF DES DIX. el nous laissent causer Eh bien donc, qu'elles se retirent NouveHes de qui? Nouvelles de quoi '! de l'importante affaire qui m'amène auprès de vous. Huissier! et Paij] . r .- Accompagnez-les! * Magnifico, Gibetto - MaJatrnml ~ Chef ri~~ Dix l'H'. 1 u rnido an deuxièmo plan. ' t'huissier vient se placer en tête de~ gondolières. .- , uissrer, Gondolières. 4. LE PONT DES SOUPIRS ACTE TRO'ISIÈ~fE

MALATROMBA. J.J~~ CHJ1~F DES DlX-. De qui? de celui qui a si piteusement compromis la gloire Je l'ai parfaitement remarquée... AfuUer [ormos« super- de notre patrie, de celui que je rougis d'appeler mon COUSin, np•.• ! de l"'amiral Cornarino Cornarini GIBER TO , Ma~nifiro. PAILLUMIDû. Et l'adresse, vous dites? .. Bah! Eh bien, qu'est-il devenu? MAGNIFICO MALATROMBA. 22, quai des Esclavons. que j'ai re~­ C'est ce que vont vous dire deux hommes Tous écrivent l'adresse SIlI' leurs rarllPts. contrés ce matin, dans une des nombreuses tournées que Je fais pour Je bonheur de l'État ... Ces hommes sont là, voulez­ MA LA TR 0 MBA. vous les entendre? Seigneurs, de grâce ... LE CHEF DES DIX. DES DIX, montrant à lVIalntromha l'adresse qu'il Sans "doute! Des nouvelles de Cornarino Cornarini! ­ LE CHEF vient d'écrire. Huissier, allez chercher ces gens. Et nous, messieurs, soyons graves•.. 22, quai des Esclavons. la droltë. L'huissier sort par MALATROMBA, has , MAL A T ROM BA, à part, gagnant la droite. La petite Isolina... peuh J Si ces hommes o ambition... ma mignonne... patience... LE CHBF DES DIX, li part. ont dit vrai, tu touches au but! Il la connaît déjà! Magnifico rentre par la gauche. L'HUI S SIE R, rentrant par la droite. Voici ces deux messieurs! SCÈNE V. LE CHEF DES DIX LES l\IÊM ES, MAGNIFICO. En séance, messieurs, en séance! _

une carte à la main. * l\IAGNIFICO, Les conseillers prennent place autour de la tahle, Le chef des Dix au l\f81tltrombu Isolina, 22~ quai des Esclavons... Elle m'a donné sa carle... milieu, ayant à sa droite Gibetto et ft sa gauche Paillumido, ft droite. sur le premier siege à gauche et lUagnifico sur le dernier IJ E CHE F DES DIX. Laquelle était-ce 't MAL A TROMBA, à l'huissier.

MAGNIFICO. Qu'i \8 entrent! Cornerino : it:t La petite blonde à gauche... Vousne l'avez pas remarquée'? Musique ft l'orchestre. L'huissier introduit Baptiste el la porte entrent par la droite suivis de deux gardes qui restent à Gihetto, Paillumido, Magnifico, Chef de. Dix, l\'lalatr9mba. Après_l'eqtrée, l'hui~sier 1I0r~. ACT E T ROI S1 È ~I E 68 LEP 0 NT DES SOU r 1Il S CORNARINO. SCÈNE VI. Ce sont des bandeaux. tE CHEF nE s ni x. LES I\IÊl\IES, CORNARINO, BAPT·ISTE. Ils ont toujours leurs handeanx, Soit... Alors ôtez ces bandeaux. BAPTISTE. * COR N A R 1NO, bas a Baptiste. C'est impossible..• lUe voilà donc dans cette enceinte où j'ai si souvent parlé Cil maître! PAIJ..LUl\iIno. BAPT ISTE, de même. Il ont peut-être mal à l'œil, Triste retour des choses d'ici-bas! CORNARIXO. LE CHEF DES DIX, aux deux hommes. En effet, nous avons des compères Loriol. Qui êtes-vous? J..ES CHEF DES DIX, à ses voisins. CORNARINO Quand j'étais petit, j'avais des compères Loriot; ma mè: e de l'eau de plantain. Deux vieux loups de terre et de mer. me bassinait J'œil avec MAGNIFICO. MAGNIFICO Vous aviez une bonne mère. -De père et de mère. - (A ses voisins.) Aimez-vous les approximatifs? .• GIBETTO. PA ILL U~IDO. Moi, j'avais des engelures. Oui, mais je ne les comprends pas. MALATROMBA. VOIlS GIBETTO. Messieurs, je vous en prie, laissez parler crs gens vous éloignez de la question. (, Ma femme en raffolle. LE CHEF DES DIX. MALATROMBA Silence, messieurs! C'.est hien possible! mais si l'on ne s'éloignait pas de la quesuon, on n'aurait aucun mérite à JT revenir. LE CHE F DES Dl X, () Cornarino et li BAptiste. 1\1 A LAT ft 0 M B A, il part. Parlez... mais ôtez d'abord ces cravates. . Cet homme a parfois des pensées d'une profondeur ~APTI STE. élonnante!. .. Ce ne sont pas des cravates. PAILLUMIno. MAGNIFICO. Le chef dos Dix est ferme.

Que sont-ce? GIBETTO. C'est un beau caractère ... ~ Le Conseil, Cornarino Cornarini, Baptiste. 70 LE PONT DES SOUPIRS ACTE TROISIÈ1UE il

LE CHEF DES DIX. LE CHEF DE S DIX. Revenons-J~ cependant, à la question. Qu.'est-ce qu'on Ah! bah !... et comment avez-vous fait'? disaiL? BAPTISTE. MALATROMBA. Nous avons fait comme cela... (Il fait le geste df' donner un Ces hommes vous annonçaient des nouvelles oe l'amiral eoup de poignard.) haigne! haigne! Cornarino •.. MALATRûMBA, se levant. CORNARINO. Il n'en faut quelquefois pas plus pour tuer un homme. Ouit CORNARINO. LE CHEF DES DIX. Surtout quand il a l'imprudence de se trouver au coin Ah! Et sa santé? d'un bois J CORNARINû, s'oubliant. MALA TROMBA. Merci, pas mal ct v... Il était vaincu... il était sans défense... c'est très-bien! B APT 1STE, à part, et passant à la droite de Cornarlno . Il se rassied,

:Malheureux! (Hant.) Il est mort! MA6NII<'ICO, se levant. * T 0 lJ S, se levant. Il faut toujours frapper l'homme qui tombe!

J;Iûrt! Cornarino mort! Il VB pour se rasseoir et tombe à côté de son siège, - Il SI' l'elèvr AVN' BAIlTISTE. l'aide de Baptiste et se rassied. Oui, mort, bien mort! ... .MALATROMBA, aux conseillers. -Les ronseil1ers se rasseyent. VOUS le voyez, messieurs, le doge n'est plus!

LE CHEF DES DIX, LE CHEF DES DIX. ~Iort! chose étrange que la vie L.. Aujourd'.hui je suis Pardon •.. un mot encore 1... On rencontre comme cela chef des Dix, je vais, je viensçje me promène, Je cause de des gens qui vous disent: nous avons tué le doge... et ils choses et d'autres, et demain peut-être... chose étrange que n'ont pas. tué le Doge du tout. .. quand on a tué quelqu'un, la vie! ... Et comment savez-vous cela? il y a un cadavre. - (A Baptiste.] Son cadavre, où est-il't BAPT [ST E. BAPTISTE. Nous le savons, parce que nous l'avons tué. Nous l'avons jeté à la rner qui passait pal' là. TOUS. LE CHEI<' DES DIX. Hein? 't CORNARINO. Quelles preuves en avons-nous Oui..• au coin d'un bois... CORNARINO. La mer l * Le Conseil, Baptiste, Cornarino. ACTE TROISli~l\IE 73 LE PON.T DES SOUPIRS , 72 COUPLET. BAPTISTE. Ces éperons, ces compagnons de gloire, Fouillez-la. Ces éperons noircis dans les combats CORN ARI'N o. Ces éperons, grande page d'histoire ' Que burina le sang de nos soldats .' Si elle est honnête, elIe doit l'avoir encore. Ces éperons aujourd'hui peu mettable LE CHEF DES DIX, à Paillumide- Rouillés, tordus par de nobles atouis,s, Est-ce que vous vous chargez de fouiller la mer, vous? · Ces éperons méconnaissables (à Cornarino cl à Baptisle.) vous n'avez pas d'autres preu"es '? •· Ces éperons, les reconnaissez-vo~s? Ah !.. , nOUS avions demandé "l'anncê:l'] et les. éperons de TQ us LE S CON SEI LLE RS, se levant. l'an1Ïral? Ces éperons, ces éperons l\IALAT ROl\lBA, impatieat- Nous les reconnaissons! ' Par le lion de Saint Marc! Aurrz-vOus bientôt fini vos Ils se rasseyent, que-t'ons ~! MALATROMBA, à part. L E C Il E}:;' DES DIX Oh! Ces éperons, c'est le pouvoir l.... EtpUlsqu . .'il1 ne Vous parlez comme si vous étiez notre maitre. peut plus les porter, c'est à moi qu'ils appartiennen L!

l\lA LAT R 01\lBA, à part. LE cHEJ' DES DIX, apres'.aV~lr conféré avec les conseillers. Je le se'~ai bientôt. d C'est ~ien ! Le conseil déclare que vous avez bien mérité LB ellE F DES DIX, agitant sa sonnette- e la patrle... et que vous avez droit aux dix m'Hi' . promis pour la: tète de Cornarino. 1 sequins C'est mui qui tiens la souncüe ! CORN AR 1 NO et BA P TI STE, à part. MALATH01\IBA, ù part. Sauvés! ... Tu ne la tiendras pas longtemps. Haut à Baptiste et ~l Cornorino. MALATROMBA, à. part. '"ite ! CeS éperons, cet anneau? ··· Je triomphe! ...

BAPTISTE. L'huissier entre vivemen tpal . lil gauche, un rouleau de papier ~ la main.

Nous les avons! nous les avons! (HM il Cornarino.) moosieur, passez-n1oi votre anneiu. SCÈNE VII. nA PT 1STE, remettant r anneau au chef des Dix. LES ~IÊ1\fES, HUISSIER. y oici l'anneau! * con N AR 1NO, allant poser sur la table une paire ll' éperons énor­ * L' HUIS SIE R, au chef des Dix. mes, ft tout rouillés. Seigneur, un messager ruisselant. .. El voici les éperons de l'amiral t '* L'HUISSler, . . le conseü," Cornarino, Baptiste. .. Le Conseil, cornarino, Baptiste. LE PONT DES SOUPIRS 74 ACTE TROISIEIUE' i5 DES DIX. LE CHEF LE CHEF DES DIX.

l' •• Essuyez-le. Et puis, les premiers ne nous ont pas Jarl rire Les t . pt.. .. R, continuant. qUI sont masqués seront L' HUI S SIE au res, ~asques. eu -étre plus amusants. Huissier, faites entrer les ce pli très-pressé du secrétaire de Apporte ventre-à-terre de gauche Amor . introduit par la porte C~ltnrlI1a, puis Sp L'huissier . 050 et la flotte, Paolo Broggino. retIre au fond. BAPT18T E, à part. surveiller! Celui à qui j'avais confiéle soin de tout SCÈNE VIII CORNARINO, à part. C • LES MÊMES, Al\'IORüNO~,ATARINA, lllnsqlH'.S - l. Pourvu que cela ne vienne pas compliquer la situation. et habillés en cavaliers. qui a pris le rouleau. LE CHE F DES DIX, deux gardes q . , Ils sont sui vis de Ul restent u la port». ~ lire. Une lettre? • merci, je vais la COUPLETS la lire. Il pose la lettre sur la table sans * AMOROSO et CATARINA. L'HUISSIER. Nous sommes deux aventuriers, masqués demandent Ce n'est pas tout. - Deux hommes De tout tirant ressource tousIss métiers, à être introduits. Faisant .un peu Sans remplir notre bourse. LE CHEF DES DIX. AMOROSo. Deux hommes masqués '? votre esprit s'éveille! L'HUISSIER. Que Daignez prêter l'oreille

également. le C"1 . BapU.,te. Non, il faut les entendre Catarina, onse, , Amoroso, Cornanno, ACT ET ROI S 1È E 76 LE PONT DES SOUPIRS sr 77 LE CHEF DES DIX. AMOROSO et CATARINA. mauvaise~. Nous sommesdeux aventuriers, Nous en avons d{1jà et de bien De tout tirant ressource, CATAR INA. Faisant un peu lous les métiers, Par qui? notre~ourse. Sans remplir LE CHE F DES DIX, Ill_ant Baptisttl pt Cornarino , 'S AMOROSO. Par ces deux messïeurs qui l'ont tué L..

II. AMOROSO, avec énergie. La chose est merveilleuse Ces deux hommes disent qu'ils ont tué Cornarino•..

EL vraiment curieuse, C~TARI~A. C'est moi qui vous le dis, Ce sont des imposteurs... Cornarino est vivant! ~Iessieurs les Dix TOUS. LES MEMBRES DU CONSEIL. Vivant J. •• Messieurs les Dix. BAPTISTE' et CORNARINO, tremblant. CATARINA. C'est faux !...

Les uns pourront en rire, CATARINA, s'avançant jusqu'au milieu de ln scène. l\Iais je puis le prédire, C'est votre récit qui est faux. (Montant Malatromha.) Et voilà Regardant Cornarino et Baptists , l'homme qui vous aura payés pour le faire! Les autres riront gris, MALATROMBA. Messieurs les Dix. l\'Ioi! On m'attaque dans ma loyauté ! LES MEMBRES DU CONSEIL. CORNARINO. Messieurs les Dix. Moi! faire alliance avec lui!... Vous ne me connaissez AMOROSO et CATARIN A. pas!

Nous sommes deux aventuriers, BAPTISTE, à part, De tout tirant ressource, Heureusement pour nous! Faisant un peu lous les métiers, Sans remplir notre bourse. MALA TRûMBA. Chef des Dix, faites-les taire! LE CHEF DES DIX LE CHEF DES DIX. Fort bien!... mais quel rapport entre cette mélodie et Dans un instant; ils m'intéressent. Cornarino ?.• Âttention générale. CA T AR 1NA, montrant Cornarino, Comrnent pouvez-VOUS croire à de semblables mines de AMOROSO. coquins? .. Voyez donc ce regard louche... Nous venons vous donner de ses nouvelles ! 78 LE PONT DES SOUPIRS ACTE TROISIÈME 79 MALATROMBA. TOUS LES CONSEILLERS. Permettez... un compère-loriot n'est pas forcément le signe Corna... d'une conscience troublée... . BAPTI STE, s'avançant. A:M0 ROS 0, montrant le bandeau de Baptiste. Rini!. . Il passe li g'Al1che. Si fait, lorsque le bande~, à droite le matin, est à gaur,he le soir... MALA TRO MBA, stupéfait, Amoroso et Catarina arrachent les bandeaux de Comarino et de Baptiste. Cornarino vivant!

* cATARINA ET AMOROSO. LE CHEF DES DIX. Ah! ciel! Je le savais. Je n'y comprends absolument rien: ils l'ont CORNARINO ET "BAPTISTE-. tué.. il vit toujours I.. et il est marié avec le petit L. C'est égal... c'est bien Cornarino !.. Que d'incidents! .. Je vais le Ah! ciel! saluer. (n va s'approcher de Cornarino, Malatromba l'arrête et lui parle LES CON SEI, L L ERS, se levant. bas.] C'est juste 1.. Messieurs, retirons-nous dans la ruelle des Ah! cjel! quoi donc'? délibérations. Cependant, je voudrais bien le saluer f •

CATARINA. Il marche de nouveau vers Cornarino , 1\lon mari r ' MALA T ROM BA, l'arrêtant de nouveau. CORNARINO. Ma femme!.co Venez donc! venez donc vile dans la ruelle! AMonoso. Les Conseillers se retirent au fond du théâtre et délibèrent. - Pendant r(' L'écuyer! . temps, s'échangent les répliques suivantes. BAPTISTE. ~ORNARINO. Le petit page! . Chère femme! .. LE CHE F DES -DIX. CATARINA. Son mari! Qu'est-ce qu'il etit? Cher époux l... CORNARINO. Ils sc rejoignent de Vilnt III table.

Eh bien, oui l.. je le dis hardiment , maintenant qu'on le CORN ARINO. sait L.• Voilà assez longtemps que 'ça m'étouffe l Je suis le Tu m'as perdu! doge Cornarino Cornarini ! CATARINA. TOUS LES CONSEILLERS. En voulant te sauver. Oh! c'est affreux J.. C'est affreux Corna? .. ce que j'ai fait là l.,

CORNARINû s'avançant. :R APT 1 STE, qui depuis la reconnaissance n'a pas dit un mot, mais n'Il Rina!. . pas cessé de manifester une sourde colère. Il passe à gauche, Ce n'est pas affreux! C'est stupide! * Le Conseil, Catarina, Cornarino, Amoroso, Baptiste. * Baptiste, Cornarino, le Conseil, Catarina, Amoroso. 80 LE PONT DES SOUPIRS ACTE TROISIÈl\[E 8t

CORN AR1 NO, sévèrement. * CORNARINO. ~f. Baptiste! J'ai entendu lire bien des arrêts de mort dans ma vie, AMOROS 0, à Baptiste. mais jamais avec une pareille émotion. Mais, mon pauvre ami, pouvions-nsus supposer que sous ces habits1.. J.. 'HU 1 S SIE R-, durement. BAPTISTE. Silence! , Laissez-moi, j'avais toujours été contre ce mariage-là t LEe HE F DES DIX, rêveur. COR NARINO, furieux. Quand on a tourné le dernier feuillet de son existence, y Silence, M. Baptiste1 (Se plaçant entre Catarina et Amoroso.) ~ a-t-il un second volumeî.. cruelle incertigidel Le doute, tou­ Chère femme; et vous, cher Amoroso, gardien de mon jours le doute! . honneur...

BAPT 1 STE, à part, ironiquement. MALATROMBA, 811 Chef des Dix. Oui, oui, oui! L'arrêt! l'arrêt! COR NA R 1NO, s'attendrissant. La vie allait s'ouvrir douce et facile entre ma femme et LE CHEF DES DIX, se levant. mon ami... crest juste! De quoi parlait-on? (Il trouve sous sa main 1ft B APT1 STE, à part, lettre de Paolo Broggino.) Qu'est-ce que c'est que cela.' Ah! Oui, oui, oui! (Haut.) Et tout à l'heure peut-être grâce à•.. cette lettre que je devrais peut-être lire.:.. (Avec violence, désignant Catarinav] Pintade, va! TOUS LES CONSEILLERS. L' HUI S SIE R, annonçant. L'arrêt, l'arrêt d'abord ... Le Conseil!. Le Conseil reprend place. - Cette fois Magnifico occupe le premier siégé ,.. LE CHEF DES DIX. de gauche et Malatromha le dernier de droite. Enfin, je la lirai après. (à Cornarino.) Cornarino, mon citer

LE CHEF DES DIX. ami, vous vous êtes laissé battre honteusement. ..

Huissier, faites retirer les masques! COR NA R 1 NO, se récriant. CA TARIN A, à son mari, avec douleur. Oh! ne revenons pas là-dessus.•• Ah! mon ami! LE CHEF DES DIX. LE CHEF DES DIX. Monami, je suis fâché de vous le dire.•. honteusement. .. Hâtez-vous... ça m'émeut. Et le Conseil, à l'unanimité..• (Paillumido lui parle bas.) plus une L'huissier fait sortir Catarina et Amoroso .per la porte de droite. - Le voix•.. vient de vous condamner au trépas 1 Chef des Dix donne alors un coup de sonnette. * Le Conseil au fond. - Baptiste, Catarina, Cornarino et Amoroso * Baptiste, le Conseil, Cornarino, l'Huissier. sur le devant. 82 LE PONT DES SOUPIRS ACTE TROISI~~ME 83

CORNAR1NO. MAL A T R 0 1\1 BA, donnant à Cornarino une carte dans le genre de Au trépas! celles des restaurants.

MAL AT ft 0 M BA, se levant et allant à lui. Faites votre choix... II Ya des primeurs.. il Ya de tout.

Voyons, vous vous y attendiez, n'est-ce pas? lVIais- écou­ COR NA RI NO, rendant la carte après l'avoir examinée, tez... Une fois ce point capital réglé... j'ai intercédé pour. Non, je ne vois rien. (Avec indifférence.) Ce que vous voudrez. vous, mon cousin, 'et j'ai obtenu' qu'on serait coulant-sur les détails... D'abord, 'vous pourrez emmener Baptis~e. 1\1 AG NIF 1 CO, AU Chef des Dix. Le pal, est-ce trop? 1 BA PT 1 STE, avec crainte. LE *CHEF DES DIX, se récriant. Qu'est-ce que vous entendez par emmener Baptiste? Oh! nous ne sommes pas des Turcs!.. (Gibetto lui parle l) MAL AT ROM BA, avec un geste significatif allant à- Baptiste. l'oreille.) Ah! oui. .. ça n'est pas mal,.• CA Cornerino-) Pendu Couic... tu verras cela, mon ami. .• couic... alors? •. Pendu?. ça vous va-t-il, pendu? c'est ça, pendu!

BAPTISTE. B APT 1 8 TE, à part. Ah ! Illon Dieu!. .. Quelle position pour Monsieur!

MAL AT ROM BA, retournant à Cornarino, LE CHE F DES DIX, à l'huissier.

Ce n'est pas tout... Le Conseil a décidé, et cela est flatteur Et maintenant qu'on fasse entrer les invités! (Musique if pour vous, qu'on vous laisserait le choix du supplice, ce qu'on l'orchestre. - L'huissier ouvre la porte de gauche; entrent quatre n'a pas fait, remarquez-le, pour MarinoFaliero •. gardes qui viennent chercher les condamnés. - Pendant ce temps, le Chef Il va se rasseoir. des Dix s'est approché de Cornarino et lui dit d'un to~ pénétré:) *. On vous attend, cher ami... vous ne m'en voulez pas? .. J'aurais MAG NIF 1 CO, a vec des larmes dans la voix. voulu faire mieux ... Blais je ne suis pas seul... il Y a des C'était mon oncle! .. exigences... vous savez... ne faites pas attendre Baptiste. Il remonte et va se remettre à sa place. LE CHE F DES n 1 X, à Cornarino.

Voyons, quel genre de suppliee vous serait le plus agréa­ CORNAR INO, venant au milieu. ble? L'instinct ne trompe jamais ... j'avais toujours eu pour la CORNARINO. mort UB~ grande répugnance. - Allons, viens, Baptiste. Mon Dieu, j'aimerais tissez les infirmités que la vieillesse mène après elle. BA PT 1 STE, s' appro?,hant de Cornerino- Je vous suis, monsieur, mais sans enthousiasme. MA LAT ROM BA. co RNARINO. Vous sortez de la question... autre chose••. Mon Dieu l.,; J'aimais pourtant bien la vie 1. •• La vie, LE... CHEF DES Dl x. c'est encore ce que nous avons de meilleur en ce monde! Passez-lui la carle des supplices. * Baptiste, le Conseil, Chef des Dix, Cornarino. ~· AC TE TROI8IÈl\fE 8 t) • 84 LE PONT DES SOUPIRS LE CHEF DES DIX. BAPTISTE. Pourquoi ça? Ah J on cherchera hien longtemps avant de trouver quel­ que chose qui vaillemieux que ça t MALATROMBA.

CORNARINO. Parce que si la petite formalité avait lieu tout de suite cette foule, qui est là sous vos fenêtres, serait allée voir pen: Dieu! que ça m'ennuie de sortir aujourd'hui! dre Cornarino. BAPTISTE. LE CHEF DES DIX. Eh bien, restons, monsieur. Eh bien! qu'est-ce que cela aurait fait? CORNARINO. MALATROMBA. Impossible 1. •• Les affairesavant tout 1..• Allons 1..• (Fière­ Ce que cela aurait fait lOf ••• Vous allez le comprendre. ment, à Malatromba.) Adieu, Malatromba ! Venise est sans d~ge ... Il faut nommer un doge. Il remonte près des gardes. MAGNIF 1CO, menaçant. BA P Tl STE, se retournant vers Malatromba et du même ton que son martre, Ah ! je vous comprends, vous...

Adieu, Malatromba ! MALATROMBA, s'approchant de lui, devant la table. Il remonte près de Cornerino, Ah! vous me comprenez... seigneur ~fagnifico... eh * CORNARINO. bien ... (Il l'amène sur le devant et lui dit bas d'un ton terrible.) Ecoute, Le ciel ait pitié de mon âme! petit père. Tu fais semblant d'être un hOITIme de plaisirs... mais je t'ai percé à jour ... tu es un profond politique... BAPTISTE. MAGNIFICO, bas. Et de l'âme à Baptiste! C'est vrai. Cornarino et Baptiste sortent par la porte de gauche emmenés par les garde •• M ALATROMBA, de même. - La musique a accompagné tout ce jeu de scène. Tu es un ambitieux..•

SCÈNE IX. MAGNIFIC 0, de même.

LES DIX CONSEILLERS, debout. C'est vrai. MALA TR OMBA, le décoiffant, et de même. ~* MAGNIFICO. Il y a du Catilina sous ce petit crâne pointu. Ah, çà J est-ce que nous n'allons pas aller voir ça?

MALATROMBA, se levant. M AGNI F ICO, à part. Rien ne presse, seigneur Magnifico. J'ai dit au chef des Je suis découvert. gardes de ne faire la chose que dans une demi-heure. MAL:ATROMBA, bas. * Cornarino, Baptiste, le Conseil. Suis mon conseil, Magnifico, je ne te veux point de mal, ** Ma~nifico, Malatromba, Paillurnido, Chef des Dix, Gibetto. 86 LE PONT DES SOUPIRS ACTE TROISIÈl\IE 87 tu m'intéresses même, mais pour Dieu! ne te mets pas dans MALATROMBA. mon chemin... (Avec un geste menaçant.] OU je te... Garde tes Attendez un peu... prêtez-moi votre bourse. courtisanes et laisse-moi Venise... petit père! ... LE CHEF DES DIX, la lui donnant. Il va au chef des Dix qui est descendu à droite, devant la table, autour de Voilà. laquelle les autres conseillers restent debout. MA L·AT ROMBA, jetant de l'argent par la Ieuêtre , MAG NIF 1 CO, . il part, passant il droite. ,V'lan J v'lan! Il veut m'effrayer, mais qu'importe... rien ne m'empè­ LE CHEF DES DIX. chera de voter pour moi. Que faites-vous? MALA TROl\lBA. MAL AT ROM B A. Votons, messieurs, votons... Nommons un doge. Écoutez... (Cris, plus forts. Il continue à jeter de T'argent; les cris deviennent tout à fait énergiques.) Eh bien! qu'en dites-vous main­ LE CHEF DES DIX. tenant? Ne pourrait-on attendre à demain '? Il revient près du chef des Dix.

MALATROMBA.. LE CHEF DES DIX. A demain 1. .•. Je ne vous le conseille pas et je crois que A la bonne heure .•. Ça; c'es] de l'enthousiasme... l\fais le peuple qui est là, sous ces fenêtres, n'est pas d'avis d'at­ vous m'avez pris ma bourse... il Yavait cinquante francs. tendre à demain.,; Voulez-vous écouter un peu la voix du MALATROMBA. peuple? Oh ! je vous ferai un billet. LE CHEF D ES DIX. LE CHEF DES DIX. Mon Dieu! ça ne peut pas faire de mal. Très-bien, alors... MALATROMBA. MALATROMBA, fi demi-voix. Écoutez alors... (n va il la fenêtre de ganche qu'il ouvre. - Cris Payable après l'élection. très-faibles de: VIVE l\fALATROMBA 1) Comprenez-vous ce que cela veut dire? LE CHE F DES DIX, à part. Oh ! la canaille t••• Il me tient! (Haut et avec énergie.) Mes­ LE CHEF ns S DIX. sieurs, il faut 'nommer Malatromba, Oui, mais ils ne crient pas bien fort. TOU S, moins Magnifico. MALATROMBA. Oui, nommons Malatromba !•.. Je vous demande pardon... C'est la distance... (Parlant au MALATROMBA. dehors.) Allez donc... allez donc l, .. (Cris très-faibles: VIVE. MA­ Aux voix 1... Aux voix !.•. LATROMBA !) TOUS. LE CHEF DE~ DIX. Aux voix !~ .. Aux voix 1..• Non, ils ne crient pas bien fort. Ils vont tous écrire et voter debout à la table. Le chef des Dix dépose * Malatromba, Chef des Dix, Paillumido, Gibetto, Magnifico. son bulletin dans l'urne le premier. ACTE TROI8IÈl\IE x9 88 LE PONT DES SOUPIRS . LE CHEF DES DIX. LE CHEF DES DIX. C'est juste. Mais venez donc voir... Ah ! je vois très-bien ... Quelle journée! .. Que d'incidents! Dépouillez le scrutin, Cornarino s'avance... Baptiste est plus grand, il se voit Paillumido... (Il re~ient sur le devant.) On a des semaines entiè­ mieux... res où l'on n'a rien à faire.•. On se dit : Si j'avais quelque Malatromha est derrière le chef des Dix. Les autres conseillers sont chose à faire L •. Et puis, un jour, on a tout à la fois... Alors montés sur leurs siégés, les regards tournés vers la fenêtre. on se dit: Ah ! c'est trop! Et puis, il y a d'autres jours ob LE CHE F DES DIX. c'est mélangé. (Remontant à son fauteuil, mais debout.) Eh bien, eSli­ FINALE. ce fait? Ah! qu'il est drôle! * PAl LLU MID 0, lisant le résultat des votes qu'a écrit Gibetto. Ah ! comme il est bien dans cc rôl(\ ! Oui... neuf voix pour Malatromba et une pour Magnifico. TOUS. Tous regardent Magnifico, qui est seul sur le devant, à droite, Ah ! qu'il est drôle t

MAG NIF 1 CO, avec orgueil, à part. Ah ! comme il est bien dans ce rôle! La mienne! La musique continue piano à ~'orchestre pendant le dialogue suivant. LE CHE F DES DIX. LEe Il E F DES DIX. Vive Malatromba ! Ah ! ciel ! que vois-je? .. TO us. TOU S, descendant de leurs siégés. Vive le doge Malatromba ! Qu'est-ce que c'est ?... LE CHEF DES DIX. LEe HE F DES DIX, regardant dans la lettre. Quel coup de feu, mon Dieu! Voyons un peu ce que de­ Arrêtez 1... arrêtez 1. .. II est vainqueur 1. .. vient ce pauvre Cornarino... La demi-heure est passée. MALATROMBA. Il va à la fenêtre de gauche. Comment, il est vainqueur 1. •• ** MAL AT ROM BA, désignant de loin. LEe HEF DES DIX, ayant toujours le rouleau devant les yeux. Aussi voyez... on l'emmène. Oui, vainqueur, il a battu les l\:Iatalosses ! LE CHEF DES DIX. En disant ces mots, il a descendu la scène, qu'il arpente suivi de tous lt's Vous avez de bons yeux... Moi, je ne vois rien du tout. .. conseillers, Malatromba én tête. Ah ! que je regrette de ne pas avoir apporté mes jumelles !... MALATROMBA. (n va à la table, prend le rouleau qu'on lui a apporté au commencement de Où voyez-vous ça ? l'acte et s'en sert comme d'une lorgnette.) Ah ! ceci... cette lettre de * LE CHE F DES DIX, déroulant et leur montrant la lettre. Paolo Broggino'!••• ! !... Il retourne à la fenêtre et se sert du rouleau comme d'une lorgnette•. Là là dans cette lettre dp, Paolo Broggino. MALA TROMBA. PAILLUMIDO. Comment? VOUS auriez dû la lire depuis longtemps. LE CHEF DES DIX. Oui.Jlans celle lettre que j'aurais dû lire depuis si long- * Malatromba, Gibetto, Chef des Dix, Paillumido, Magnifico. ** Chef des Dix, Malatromba, Gibetto, Paillumido, Magnifico. * Chef des Dix, Magnifico, Paillumido, Gibetto. 90 LEP0 N T DES SOUP 1R S

temps: - Tenez, lisez ! - « La fuite de Cornarino, ruse de . guerre. - Admirable manœuvre qui a trompé les Matalosses, ...... ;. Fausse retraite. - Victoire complète! » .- Et il ne le ACTE QUATRIÈME. disait' pas! quelle modestie! TOU s. C'est admirable! LE CARNAVAL DE VENISE RE P RIS Ji, DELA MU~SI QUE CHA N TÉ E.

LE CHEF DES DIX. Une place à Venise. - Au fond le canal. - Palais. - Au milieu du Il est vainqueur! courons là-bas. théâtre, deux mâts de cocagne. - Tous les édifices sont brillam­ ment illuminés. - Des gondoles richement pavoisées et ornées de Courons empêcher qu'on le pende! lanternes aux couleurs variées vont et viennent sur le canal. ­ TOU S LES CON SEI LL ERS, sauf Malatromha , Les fenêtres sont garnies de masques qui jettent des fleurs pl des Il est vainqueur! courons là bas, bonbons. Courons empêcher qu'on le pende!

Tous se précipitent vers la porte .de gauche devant laquelle ils trouvent Malatromba qui les arrête et les ramène en scène. SCÈNE PREMIÈRE. * MALATROMBA. TROUPE DE MASQUES, allant et venant rn scène. TO".t beau! vous ne sortirez pas. Je suis doge, moi ! Je commande! CHOEUR. Et jene veux pas qu'on dépende En avant, pierrots et pierrettes! Un si joli, joli pendu! Battez, tambours , sonnez, trompettes] Voyez donc le joli pendu! Donnez votre joyeux signal. Il gigotte, Vive, vive le carnaval! Il ballotte! La musique continue piano à l'orchestre. Ça dénote UN MAS Q UE~ parlé, en regardant il gnuehe, Un caractère irrésolu. Ah ! le joli pendu! Ohé! les autres, venez donc voir! LES CON SEI L LE RS• UN AUTRE, de même. .Oui, c'est un très-joli pendu, Une mascarade! Mais quoi qu'il soit joli pendu, UN A UTRE, de même. Il faut dépendre ce pendu! Pierrot! Colombine!' Allons dépendre ce peu?u ! UN AU T RE, de même. Tous les conseillers se précipitent de nouveau vers la gauche, qu'ils fran­ chissent malgré les efforts de Malatromba pour les retenir•.- Le ri­ Cassandre, Arlequin! Ils y sont tous! deau tombe sur ce tableau. TOUS, de même.

* Malatromba, Chef des Dix, rtlagnifico, Paillumido, Gibetto, A nous! à nous, la mascarade! 92 LE PO N rD ES SOUPIRS ACTE QUATRIÈ~IE 93

COUPLETS. * LÉA N DRE, à Isabelle, entrant li sa suite pnr la gauche. ~ COL 0 M BI NE, entrant par la gauche, à Pierrot qui 13 poursuit. Que ce cœur Mon Pierrot, Trop rêveur Mon magot, S'éveille, mon Isabelle! Avec ou sans ta farine, Du montant! Je promets Du mordant! Que jamais Et vive la ! Tu n'obtiendras Colombine. LE CHOEUR. LE CHOEUR. Polisson! C'est Pierrot ... LÉANDRE. COLO MBI NE. Ah! crois-moi, mon Isabelle... Qui n'aura pas Colombine 1 LE CH OEUR.

I.E CHOEUR. Polisson! Pauvre sot! LÉANDRE.

COLOMBINE. Mon conseil est fort bon. Pauvre sot de Pierrot ! 1s ABE L LE, à Léandre: Ne dis rien, PIERRO T, à Colombine. Tu sais bien Œil d'azur, Que je t'aime, ô mon Léandre1 l\Iais plus dur Mais ma voix Que celui d'une tigresse! Sur les toits l'Iarcher sur Crierait mal un mot si tendre.

Ton Arthur ... LE CHOEUR. Ce n'est pas bien, ma princesse. Très-bien dit! LE CHOE UR. ISABELLE. Tiens, Pierrot.. Léandre a de l'esprit. PIERROT. "* CAS SANDRE, à Arlequiu, en entrant avec lui par ln gauchs, Dit son fait à sa maîtresse. Arlequin, LE CHOEUR. 1\lon voisin, Veux-tu me prêter ta trique, Ah1 Pierrot. " Je voudrais PIERROT. De tout près Pierrot n'est pas si sot! T'en apprendre la pratique. * Pierrot, Colombine. .. Pierrot, Colombine, Léandre, Isabelle. ** Pierrot, Colombine, Cassandre, Arlequin, Léandre, Isabelle. ACTE QU AT RIÈl\IE 95 94 ~E PONT DES SOUPIRS SCÈNE II. LE CHOEUIL LES l\IÊMES, A1UOROSO, CATARINA. Tiens! tiens! tiens! -\( AMOROSO. CASSANDRE. Ne trouvez-vous pas) camarades, Dieux! que tu m'es sympathique l Que vos chansons sont un peu fades ~? Tiens! tiens! tiens! CATARINA. Je viens vous offrir un refrain, CASSANDRE. Qui, je crois, aura plus d'entrain. Je veux te casser les reins! en OEUR.

ARLEQUIN, il Cassandre. Nous écoulons votre refrain. A tes vœux, CATA.RINA. o mon vieux, . 1 Je suis prêt à condescendre>o. Sur les quais et dans les gondoles, Ce bâton Aux fenêtres, sur les balcons, Est fort bon; Voyez partout ces têtes folles, Si tu le veux, viens le prendre. Entendez partout ces chansons! En "avant! la danse tourbillonne, . LE CHOEUR. Et le plaisir donne Vas-y doncl Son gai signal. ARLEQUIN. En avant, tout un peuple est en fête, Viens- y donc, mon bon Cassand re ! Et chante à tue-tète Le carnaval! ··L E CHOEUR. CHOEUR. Vas-y donc! En avant, la danse tourbillonne, A'RLEQUINo Etc., etc.

Lote voici... prends-le donc! CATARINA.

LE CHOEUR. II Une ville entière en délire, Vas-y donc! Jette parmi ses cris joyeux, RE PRI SE. Un gigantesque éclat de rire, En avant, pierrots et pierrettes! Qui va se perdre dans les cieux! Battez, tambours, sonnez, trompettes! En avant, la danse tourbillonne, Donnez votre joyeux signal! Et le plaisir donne Vive, vive le carnaval! Son gai signal! Pendant ce chœur, entrent de la droite Catarina et Amoroso déguisés et * Pierrot, Colombine, Arlequin, Amoroso,Catalina, Cassandre, Isabelle, masqués, Léandre, 96 LE PONT DES SOUPIRS ACTE QUATRIÈl\IE 97 En avant! tout un peuple est en fête, Et chante à tue-tête: CATARINA. Le carnaval. Aucunes nouvelles ? .. Pauvre Cornarino. Elle passe près d'Amoroso. CHOEUR. En avant! la danse tourbillonne, Etc., etc. Après les couplets, la foule des masques remonte et reste au fond, allant et venant. SCÈNE lU.

LES .MÊMES, PUIS BAPTISTE. BAPTISTE. * CA TA R IN A, à Amoroso. Si, par malheur, madame perdait monsieur, rnadame sait A la faveur de cette romance, nous avons pu, sans être qu'elle peut compter sur moi, reconnus, nous glisser au milieu de la foule. Cris en dehors, à gaushe , Al\fOROSO. AMOROSO. Et Baptiste? .. où est Baptiste? .. Quels sont ces cris '( A ce moment, Baptiste déguisé paraît au fond, venant de la droite. '1 er MASQUE, regardant vers la gauche. CATARINA. Le conseil! ... c'est Je conseil! C'est lui, je crois, que j'aperçois parmi les rnasques. TOU S LES MAS QUE S, de même. ** AM ORO SO, allant cl Baptiste. Baptiste, Baptiste!... Le conseil! *** BA PT 1 STE, interrompant les lazzis auxqu~ls il se livrait, et venant B APT 1 STE, de même 1 au milieu. C'es t le conseil des Dix, madame, le conseil dans son Ah ! c'est vous, seigneur... et vous, madame. grand costume officiel! CATARINA. CATARINA. Oui••. Qu'y a-t-i! de nouveau? Nous allons savoir quelque chose. BAPTISTE. Elle gagne la droite avec Amoroso et Baptiste. - Le chef des Dix et huit Il Ya que ce petit commencement de carnaval me rend conseillers entrent gaiement par la gauche sur 18 reprise du chœur pré­ tout guilleret. cèdent et viennent se mnger en ligne devant le public. AMOROSO. Ce n'est pas de cela qu'il s'agit..• Le doge... qu'est de- ­ C HŒ~UR. venu Cornarino, depuis qu'on l'a dépendu? En avant l la danse tourbillonne, BAPTISTE. Et le plaisir donne Le chef des Dixa fait mander les deux doges... et depuis, Son gai signal. aucunes nouvelles. Etc., etc. * Amoroso, Catarina. ** Catarina, Amoroso, Baptiste. *** Catarina, Baptiste, Amoroso. * Ba{:tiste, Catarina, Amoroso. ACT E QUATRIÈ ~l E. 98 LE PONT DES SOUPIRS Je veux vous laisser la surprise. SCÈNE IV. Il vous suffira que je dise Que ce combat, d'un genre inédit dans Venise, LES MÈMES, LE CHEF DES DIX, })AILLUl\IIDO, Va donner un attrait nouveau, 'MAGNIFICO, GIBETTO ET CINQ AUTRES CON­ A notre gai Carnavallo! SEILLERS. Couic L.. LES CON SE J L LE B.S, très-gravement chanté sur le motif du 3 e acte. 'LA FOULE. Bravo! Bravo! Les affaires sont les affaires... (Très-gaiement.) et les plaisirs sont les plaisirs. CATARINA, au chef des Dix. En chantant ce dernier vers, ils dépouillent leurs robes et paraissent vêtus Que va-t-il se passer '? • en polichinelles. LE CHE F DES DIX, Vous allez le.savoir! (A la cantonade.) Lâchez les doges!... LES CON SEI L LE R S, faisant un geste de Polichinelle. Couic 1. .. Musique à l'orchestre s'enchainant avec le morceau suivant. Ils gagnent la gauche. - Le chef des Dix reste au milieu. SCÈNE V. *.LE CHEF DES DIX, avec dignité. LES MÊMES, CORNARINO, MALATRûl\JIBA. Audite, cives... La situation est grave ..• Ines paroles le seront aussi... mes enfants... La mesure est comble•.. Entrent dans un char à gauche Cornarino en costume de doge; dans un Audite, rursum audite, autre char à droite, Malatrornha portant le même costume qn(' Mélodrame à l'orchestre jusqu'à fin des vers'. Cornarino. - Ils font le tour du théâtre en passant snr l'nvant-scène Par un mal entendu bizarre et peu commun, et viennent se" placer, Malatromba devant le mât de gauche et Cornorinn Nous vous avons nommé deux' doges au lieu d'un; devant celui de droite. Pour mettre un terme à leur. discorde, DÉ FI. Le Conseil des Dix leur accorde 1. Le droit, selon l'antique loi, * CORNARINO, du haut de son char. De 'se mesurer en tournoi. Cousin traître et parjure, Donc, nous, hauts conseillers, pères de la patrie, Écoute, ô Malatromba ! Paf! nous leur décernons le jugement de Dieu! o Malatromba! Mais le jour d'aujourd'hui se doit à la folie.... Aux yeux de la nature; Faudrait tâcher de rire un peu. Je viens t'offrir -le combat, ~'est pourquoi, proscrivant toute lutte banale, o Malatromba! Hache, poignard, lance, espadon, Doge par-ci, doge par-là... Nous avons eu, messieurs, l'idée originale On n'avait jamais vu cela. De leur faire... J'allais vous le dire. - Eh bien, non, Doge par-ci, doge par-là, * .Magnifico, Chef des Dix, Gibetto, Paillumido, Baptiste, Catarina, Il faut régler ce compte-là! Amoroso. * Paillumido, Gibetto, Magnifico, Chef des Dix, Malatromba, Cornarino, ** Paillumido, Gibetto, Magnifico, Chef des Dix, Baptiste, Catarina, Baptiste, Catarina, Amorozo. Amoroso. 100 . LEP 0 N T DES- SOU P1R S ACT E () UA TRI ~: 1\1 E fOl

CHœUR. CRIS DU PEUPLE. Doge par-ci, doge par-là, Bravo! bravo1à la timbale! à la timbale! ~tc.. Musique du Défi à l'orchestre. Les deux doges sur le mélo.lrnme prpn­ nent du sable par terre, se serrent la main, se saluent ù la fnçon l\'IALATIfOMBA, du haut de son char. des lutteurs, s'élancent, empoignent chacun leur mât et SI' mettent Crois-tu donner d'avance, grirnper l\Ialatromha au mât de droite, Cornarino à celui de gauche. Le trac à Malatromba; * REPRISE, pendant l'ascension. A Malatrolnba? LES CORNARISTES. Oui, guerre à toute outrance' Le sort sera contraire, Volons tous deux au combat, Dans ce glorieux combat, Tous deux au combat! A Malatromba ! Doge par-ci, doge par-là, Son rival va, j'espère, On n'avait jamais vu cela. Tomb3r Malatroreba ! Doge par-ci, doge par-là, Doge par-ci, doge par-là; Il faut règler ce compte-là! Il faut règler ce compte-là. LES l\IALATROl\lnïsTEs. CHOEUR. Le sort sera contraire, Doge par-ci, doge par-là, Dans ce tournoi tout nouveau. ·Etc., etc. A Cornarino ! * J-J E CHE F DES DIX, enchanté ~t venant au milieu. Son rival va, j'espère, Tomber Cornarino ! Très-bien, très-bien, de part et d'autre. Courage, enfants... Doge par-ci, doge par-là, Macte animo, generose puer... Descendez de voiture, Il faut règler ce compte-là, (Cornarino et messieurs les doges, descendez de voiture. Tous les deux sont péniblement arrivés fI peu près nu milieu dos mâts, Malatromba descendent de leurs chars.) (On Faites rentrer les chars. Malatromba a une longeur d'avance. - Musique il l'orchestre. emmène les chars. - A Malatromba et à Cornarino.) Ici tous les deux­ MAG NIF 1 CO, de loin li Baptiste. là... l'un à droite, ~et l'autre à gauche. - Vous êtes doges Dites donc, l'écuyer, je parie cinq contre un pour tous les deux... mals ça ne peut pas durer comme ça... (A la Malatrornba ! foùle.) Regardez bien, Vénitiens, regardez bien... c'est le BAPTISTE. moment1••• (Montrant les deux màts.] C'est là haut... Au haut de Oh ! je ne parierais pas deux sous pour monsieur ! cesdeux mâtsqu'estla timbale. Cette timbale, c'est le pouvoir. A. ce moment, Cornarino f st un peu redescendu. - Celui qui la décrochera le premier sera doge!... A la LES CORN.ARINI8TES timbale, messieurs, à la timbale ! Courage, Cornarino l LES MALATROMBI ~TES. Les deux grandes robes des doges tombent. Cornarino et Malatromba Courage, Malatromba! paraissent en costumes pailletés d'athlètes. - On leur attache à chacun BAPT 18TE. autour du corps deux petits sacs de cendre. Ah ! madame, monsieur faiblit! * Conseil, Malatrornha, Chef, Cornarino, Catarina, Amoroso, Baptiste. * Conseil, Magnifica, Malatromba,.Chef, Cornarino, Catarina, Amoroso, Baptiste. i03 i02 LEPONT DES SOUPIRS ACTE QUATRIÈME LE CHEF DES ,DIX. CATARINA. Je suis ravi, mon cher Malatromba. Tous mes vœux étaient Je le reconnais bien là... toujours le même1..• (A Cornaril1o.) pour vous. (:r.ui donnant l'anneau.) Voici l'anneau · Aïe donc! ... Aïe donc! MALATROl\lBA. LA FOULE. Et ma robe? .. Aïe donc, seigneur '1..: Aïe donc 1. •. Deux conseillers lui remettent la robe de doge BA PT1STE, criant ~ Cornarino, CORNARINO. Mettez de la cendre 1... pour monter, il faut des cendres. Ah çà! et moi ~ ... et moi? ... COR NA RINO, s'arrêtant au tiers du màt. BAPTISTE. Un mornent! ... Je fais des concessions... transigeons. Eh bien, nons ne sommes plus rien, nous? Restons dans MA L~ T ROM BA, s'arrêtant éga1em~nt, mais à la moitié du mât. la vie privée, monsieur, cela vaux mieux. (Lui montrant SOI} cos­ ~loi 1. .• tra~sigcr L .. quand j'ai une longueur d'avance! tume,) VOUS avez une carrière maintenant. • CORNARINO. CORN ARINO. Une longueur 1... vous n'avez pas une longueur! Donnez-moi une place au moins. LE CHEF DES DIX. l\IALATROl\lBA. Comment, je n'ai pas une longueur? A quoi êtes-vous bon? .. quelle place (,! 1\1 A G N 1 :F1 CO, riant. CORNARINO Et puis, si vous avez une longueur, c'est que je le veux La place Saint-Marc... pour faire vos tours. bien... je fais une course d'attente... je me réserve. CORNARINO. MA·LATROMBA. Non, pas ça... je voudrais être ambassadeur. Eh bien, nous allons voir l... En avant!. .. * 1\1 A LAT ROM BA, allant à lui. Pourquoi ça ? Il se remet à monter de plus belle. CO RN ARIN o. LA FOULE. Parce qu'un ambassadeur a des secrétaires et que, comme En avant l en avant l,.. premier secrétaire, j' emmènerais le petit, si ça lui va. CORNARINO. A 1\1 0 ROS 0, avec élan. Soit !... En avant l, .. Si ça me va! CATA RI NA, de mêrne, Ils veut monter et retombe en .has, pendant que Malatromba, arrivé en haut, décroche la timbale et redescend majestueusement aux. acclama­ Et à moi donc i BAPTISTE. tions dp la foule. Ça leur va à tous les trois t LA FOULE. MALATROMBA. Vainqueur L.• il est vainqueur 1. .. vive Malatromba! vive Eh bien, soit l on va vous faire ambassadeur. Malatromba! CATARIN A. Cornarino vient tout penaud près de sa femme. ~Iais où ça? ** MAL AT ROM nA, allant ft Catarina. * MALATROMBA. ç~? Merci, mes bons amis, merci 1 Ah1 où ça, où .. Je devine ce que vous désirez , Cata- * Conseil, Magnifico, Chef, Corna~ino. Catarina, A~or~so, Baptist,e. * Conseil, Magnifico,Malatromba, Chef, Cornarino, Catarina Amoroso ** Conseil, l\1agnifico, Chef, cornertnc, Malatromba, CatarIna, Amoroso, Bapttste, ' Baptiste .. tOi LE PONT DES SOUPIRS rina... - En Espagne... l'ambassade d'Espagne est juste. ment vacanle. FINALE. Ah! que-je suis heureuse! Boléro du '2 8 acte.

FINALE. CATARINA, MALATROMBA.

Partons,J· donc Lous les deux Partez Pour ces vertes Espagnes, Dont un soleil heureu x Fait rôtir les canlpagnes: Allons). d Allez ) vivre tous eux Au fin fond des Espagnes!

CHOEUR. Allez vivre tous deux Au fond des Espagnes! AMOROSO, CATARINA. Boléro, Fandango, Cachucha, Et voilà! Oh! le beau pays que cc pays-là! C II DE U R G É NÉ R AL. Parlez donc tous les deux Pour ces vertes Espagnes, Dont un soleil heureux Fait rôtir les campagnes! Danse générale et très-animée pendant ce "hant.

FIN.

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L'Homme à la blouse, drarn > en 4 actes. l) 40 Sardanapale, opéra en 3 actes ...... •.• 1 • Le Lion amoureux, corn. en 5 actes .... 2 " Les Brebis galeuses, corn. (In 4 actes .• 2 • te Massacre des Innocents, dr. en 5 a. > 20 Galilée, drame en 3 actes .....•...... 4 J.a Consigne est de ronfler, com.-v. t a. t > Les Idées de Mme Aubray, corn. en 4 a. 2 Fior d'Aliza, opéra comique en 4 actes. t > M,ldame Patapon, comédie en t acte ... t • Barbe-Bleue, opéra boutre en 3 actes .. 2 » Roméo et Juliette, opéra de Gounod..• i » 'Qui Femme a, Guerre a, prov. en! a.• 1 » La Gr. Duch. de Gerolstein, op. bouffe 3 a. ~ » Cosima, drame en 5 actes 1 50 Une faut pas courir 2lièv. à la fois, provo 1 . » Le Chic, comédie en 3 actes 2 • Les Deux Jeunesses, corn. en 2 actes ISO Le Mariage d'honneur, corn. en t acte. { :. Les Roses jaunes, comédie en t acte t • François le Champi, corn. en 3 actes.. 1 • Le Père Gachette, drame en 5 actes. . .. 2 • La Contagion, comédie en 5 actes ..... 2 • La Cravate blanche, corn. en Lacte••.• t » Gabriel Lambert, drame en 6 actes ....• 2 » Le Casseur de pierres, dr. en 5 actes •• » 50 Didon, opéra boutre en ~ actes .•..... 1 50 La Puce à l'oreille, cora-vaud. en t a .• { » Mangeur de fer, drame en 5 actes 2 » La Vertu de ma Femme, corn. en t acte. 1 » Don Juan, opéra en 5 actes t • Tout pour les Dames,com. en 1 acte.. {. • La Deot de sagesse. comédie en t acte. t • Albertine de Merris, corn. en 3 actes... {50 Lesjoy. Comm.de Windsor, op. corn. 3 a. 1 1) Les Bleuets, opéra corn. en 3 actes ...•• {• Le Serment de Bichette, vaud. en 1 a. • 40 L'homme masqué etle Sanglier de Bou- La Colombe, opéra comique en 2 actes.. t :.: gival, folie...... t • Les Dragées de Suzette, op. corn. en 1 a. 1 »: Roman d'une honnête Femme; corn. 3 a. 2 Le Malheur d'être belle, corn. en 1 acte. 1 » Robinson Crusoë, op. corn. en 3 actes t .: ,! Gringoire, comédie en t acte...... t 50 Miss Suzanne. comédie en 4 actes ..' 2 », La Bergère d'Ivry, drame e'l 5 actes 2 l) Le Frère ainé, drame en 1 acte t '. Le Pays des Chansonnettes, vaud. en 2 a.! > Madame Desroches, comédie en 4 actes. 4 Claudie, drame en 3 actes .....•...... t » Le comte Jacques , corn. en 3 a. et en v. CI l) Le Mariage de Victorine, corn. 611 3 a.. 1 » Geneviève de Brabant, op. bouffe en 3 a. t 00 José-Maria, opéra comique en 3 actes .. 1 » Un jour de déménagement, vaud. en t a.I,,· Les Don Juan de village, corn. en 3 actes. 2 > Un voyage autour du demi-monde, v. 5 a. 1 50 Le Lis du Japon. comédie en t acte ... t » La Jolie fille de Perth, op. corn. en 3 a. 1 Le Maître de la Maison, corn. en 5 act s. 2 » Didier, drame en 3 actes ...... •..... 1 L'Amour d'une ingénue, corn. en t acte.. t » Paul Forestier, corn. en 4 a. et en vers. ~ ,Le Sorcier, opéra comique en 1 acte ...• t " Le Crime de Faverne, dr. en 5 actes .. 2 Nos bons Villageois, corn. en 5 actes ... 2 > Le Papa du prix d'honneur, corn.en 4 a. 2 Les Amours de Paris, dr. en 5 actes... 2 » Molière, drame en 5 actes. ..•...... t La Vipérine, opérette en t acte t » Un Coup de bourse. corn. en 5 actes •.• 2 La Conjuration d'Amboise, dr. en 5 a. 2 Jo Comme elles sont toutes, com. en t a.. t Gredin de Pigoehe, opérette en i acte.! » Hamlet, opéra en 5 actes ...... •..... i La Vie parisienne, pièce en 5 actes 2 » Un Baiser anonyme, corn. en { act» ... i Les Deux Sourds, comédie en 1 acte t » Les Grandes demoiselles, com. en f- a. { Les Chaînes de fleurs. corn.en t acte t l> L'élixir de Cornélius,opératte en t a .. t Nosbonnes Villageoises, parod , 2 actes. t lt La Revanche d'Iris, corn. en 1 a. en v.. t Mignon, opéra comique en 3 actes { ,. Nos Ancêtres, dr. en 5 a. en vers...... 2 • Le Freischutz, op. fant. en 3 actes 1 :. Le Roi Lear, drame en 5 actes, en vers 2 ,. Mauprat, drame en 5 actes.. . . • ...... • t :. Lr. Régiment qui passe. comédieen i a. t l> Flaminio, comédie en 4 actes ....•..... 1 • Cent mille fr. et ma fille, vaud. en fa, a .• Les Thugs à Paris, revue en 3 actes ... t 50 , Le Zouave est en bas t pochade cn la. 1

------•._----- "IIIT. - TT'. ET S'fÉa. DE Â. BOURET.