Revue d’

134 | 2008 Varia

Édition électronique URL : http://journals.openedition.org/alsace/533 DOI : 10.4000/alsace.533 ISSN : 2260-2941

Éditeur Fédération des Sociétés d'Histoire et d'Archéologie d'Alsace

Édition imprimée Date de publication : 1 octobre 2008 ISSN : 0181-0448

Référence électronique Revue d’Alsace, 134 | 2008 [En ligne], mis en ligne le 01 mai 2011, consulté le 26 octobre 2020. URL : http://journals.openedition.org/alsace/533 ; DOI : https://doi.org/10.4000/alsace.533

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SOMMAIRE

La Revue d’Alsace 2008 : diversité des auteurs et des sujets Gabrielle Claerr-Stamm et François Igersheim

Les origines du monachisme en Alsace Certitudes acquises, conclusions provisoires, nouvelles hypothèses René Bornert

Le Kochersberg au Haut Moyen Âge Recherches, thèses et hypothèses Marcel Thomann

Essai sur la hiérarchie des villes médiévales d’Alsace (1250-1350). 2e partie Bernhard Metz

Strasbourg et les femmes publicistes du XVIe siècle Anne-Marie Heitz

Frontières de la sorcellerie entre Alsace et Lorraine : entrelacs juridictionnels et variations contextuelles Maryse Simon

Particularités relatives aux procès de sorcellerie intentés aux enfants à Molsheim au XVIIe siècle Louis Schlaefli

Frédéric Kirschleger : son apport dans la nomenclature botanique et dans les noms des plantes d’Alsace Michel Hoff

L’univers culturel d’une Strasbourgeoise de 1840 à 1859 : archéologie du journal intime d’Amélie Weiler Patricia Szafranski

Les architectes d’arrondissement et la transformation du paysage communal au XIXe siècle Fabien Baumann

Livres et livrets sur les fêtes princières à l’époque du Reichsland Elsass-Lothringen Un outil au service de la (re)germanisation des esprits Gilles Buscot

La métropolisation et la grande vitesse ferroviaire : quels enjeux pour l’Alsace ? Raymond Woessner

Les élections du printemps 2008 en Alsace Richard Kleinschmager

Positions d'habilitation et de thèses

Dieu dans la ville. Les catholiques et la demande sociale urbaine en Allemagne et en France au XIXe et au début du XXe siècle Catherine Maurer

Langues et locuteurs en Alsace : approches sociolinguistiques, approches de politique linguistique Dominique Huck

Revue d’Alsace, 134 | 2008 2

Un procès pour hérésie à Strasbourg en 1400 Georg Modestin

Images et perceptions des Juifs dans l’espace germanique Entre fantasmes et réalités (XIIIe- XVIIe siècles) Carole Wenner

La perception du vêtement féminin des élites et des classes populaires à Strasbourg, Mulhouse et Colmar (XVIIe-XVIIIe siècle). Image de soi, image de l’autre Léone Prigent

L'atelier de l'historien

Chronique des archives Jean-Luc Eichenlaub

Le Service de l’Inventaire du Patrimoine culturel et sa documentation Jean-Philippe Meyer

Comptes rendus

Instruments de travail, généralités

Roth (François), sous la direction de, Lorraine et Alsace, mille ans d’histoire numéro spécial des Annales de l’Est, 314 p., 2006 Claude Muller

Société Française d’Archéologie, Monuments de Strasbourg et du Bas-Rhin Paris, 340 p., 2006 Jean-Pierre Kintz

Braeuner (Gabriel), Lichtlé (Francis), Dictionnaire historique de Colmar Colmar, ARHEC, 2006, avant-propos d’André Klein, 302 p., ill. n. et bl. et coul., index Georges Bischoff

Moyen Age

Rebetez (Jean-Claude) dir., avec la coll. de Tauber (Jürg), Marti (Reto), Auberson (Laurent) et Bregnard (Damine), Pro Deo. L’ancien évêché de Bâle du IVe au XVIe siècle Porrentruy-Delémont, 2006 Georges Bischoff

Modestin (Georg), Ketzer in der Stadt. Der Prozess gegen die Straßburger Waldenser von 1400, Monumenta Germaniae Historica, Studien und Texte, 41, 2007 et Quellen zur Geschichte der Waldenser von Straßburg (1400-1401), Monumenta Germaniae Historica, Quellen zur Geistesgeschichte des Mittelalters, 22, 2007 Élisabeth Clementz

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XVIe - XVIIe et XVIIIe siècles

Jürgensmeier (Friedhelm) und Schwerdtfeger (Regina Elisabeth) Hgg, Orden und Klöster im Zeitalter von Reformation und katholischer Reform (1500-1700) Aschendorff Verlag, 3 volumes, 254 p., 228 p., 238 p., 2005-2007 Claude Muller

Barros (Martin), Salat (Nicole) et Sarmant (Thierry), Vauban. L’intelligence du territoire préface de Jean Nouvel, Paris, éditions Nicolas Chaudun et Service historique de la Défense, 2006, 176 p., ISBN : 2-35039-028-4, Diffusion : Service historique de la Défense, DPV/Publications ; BP 116 ; 004687 Armées, prix 45 euros (+ frais d’expédition) Jean-Pierre Kintz

Mary (Luc), Vauban, le maître des forteresses Paris, 280 p., Ed. de l’Archipel 2007 Jean-Pierre Kintz

Peter (Jean), Le journal de Vauban Paris, Economica, avec le concours de la Commission française d’histoire militaire et l’Institut de stratégie comparée EPHE IV (Sorbonne), 359 pages Jean-Pierre Kintz

Heyberger (Laurent), Pagnot (Yves), Vauban. L’homme, l’ingénieur, le réformateur Université de Technologie de Belfort-Montbéliard, 155 p., 2007 Georges Bischoff

Muller (Claude), Guerres et Paix sur la frontière du Rhin au XVIIIe siècle Annuaire de la Société d’histoire et d’archéologie du Ried-Nord, 302 p., 2007 Jean-Michel Boehler

XIXe siècle

Münch-Mertz (Eveline), Au chevet de l’humanité souffrante. Les médecins cantonaux ou médecins des pauvres dans le département du Haut-Rhin (1825-1870) Société académique du Bas-Rhin, Bulletin t. CXXVII-CXXVIII, 2007-2008 Françoise Steudler-Delaherche

Chateaudon (Jean-Luc), Routes et chemins du Haut-Rhin à l’heure de l’industrialisation (1800-1870) Jérôme Do Bentzinger Éditeur, 258 p., 2007 Claude Muller

Barral (Pierre), Léon Gambetta. Tribun et stratège de la République (1838-1882) Ed Privat, Toulouse, 314 p., 2008 François Igersheim

Guillaume (Jean-Marie), Bisson (Valérie), Saga missionnaire plus de 400 p., de nombreuses illustrations, format 24 x 30 cm, prix 55 euros Marc Heilig

Benay (Jeanne), J-M. Leveratto (éd.), Culture et histoire des spectacles en Alsace et en Lorraine. De l’annexion à la décentralisation (1871-1946) Peter Lang, Berne, 2005 François Igersheim

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Seconde Guerre mondiale

Igersheim (François) avec la collaboration de Baas (Geneviève), éd., Les Carrefours des Tilleuls. Jeune Alsace résistante, suivi de Baas (Emile), Notre aveugle avant-guerre. Lettres à Materne Strasbourg, Société savante d’Alsace, 403 p., 2008 (Recherches et documents, t. 79) Georges Bischoff

Wahl (Alfred), Les résistances des Alsaciens-Mosellans durant la Seconde guerre mondiale (1939-1945) Actes du colloque organisé par la Fondation Entente Franco-allemande à Strasbourg les 19 et 20 novembre 2004, Avant-propos d’André Bord. Centre Régional Universitaire Lorrain d’Histoire, site de Metz, Metz, 336 p., 2006 François Igersheim

Simon (André), Kibler Marcel. (Alias commandant Marceau) raconte la Résistance Alsacienne Propos recueillis par André Simon, Jérome Do Bentzinger, 264 p., 1er trimestre 2008 François Igersheim

Pfister (Gérard) dir., Marcel Weinum et la Main Noire Ed. Arfuyen, s.l. [imprimé à Mesnil sur l’Estrée], 208 p., nov. 2007 François Igersheim

Das Deutsche Archivwesen und der Nationalsozialismus 75 Deutscher Archivtag 2005 in Stuttgart, Essen, 2007 François Igersheim

Bloch (Jean Camille), Juifs des Vosges 1940-1944, 1 200 martyrs presque oubliés préface de Christian Poncelet et de Micheline Gutmann, Editions Jean Bloch, Barr, 537 p., ill., 2007 Jean Daltroff

Farmer (Sarah), Oradour 10 juin 1944. Arrêt sur mémoire traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Pierre Guglielmina, Edition Perrin (Collection Tempus), 314 p., 2007 André Hugel et Nicolas Mengus

XXe siècle

Perny (Pierre), Racing 100 ans Pierre Perny éd., Strasbourg, 350 p., 2006 Alfred Wahl

Arts et techniques

Châtelet-Lange (Liliane), Straßburger Bürgerfrömmigkeit und der Maler David Kandel Anzeiger des Germanischen Nationalmuseums, p. 7-28., 2007 Albert Châtelet

Dufetel (Nicolas), Haine (Malou), Franz Liszt, un saltimbanque en province Lyon, Symétrie, 2007 Christiane Weissenbacher

Bruant (Benoît), Hansi. L’artiste tendre et rebelle, Strasbourg La Nuée Bleue, 2008, 320 p., ill. n. et bl. et couleur Georges Bischoff

Revue d’Alsace, 134 | 2008 5

Gourbin (Patrice), Les Monuments historiques de 1940 à 1959. Administration, architecture, urbanisme Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 286 p., 2008 Nicolas Lefort

Van den Bossche (Benoît), La Cathédrale de Strasbourg. Sculpture des portails occidentaux Editions Picard, 209 p., figures Jean-Paul Lingelser

Vitoux (Marie-Claire), Fluck (Pierre), Frey (Yves), Perrot (Patrick), Stoskopf (Nicolas), De la Fonderie à l’Université de Mulhouse 1826-2007 Strasbourg, 178 p., 2007 François Igersheim

Woessner (Etienne), Le chemin de fer de la vallée de Kaysersberg et les lignes à voie métrique de l’étoile de Colmar Imprimerie Scheuer, 253 p., 2007 Francis Lichtlé

Les Actes du CRESAT, n° 5. Avril 2008 Frédéric Kurtz

Les lieux et les hommes

Chauvard (Jean-François), Laboulais (Isabelle), Lebeau (Christine), dir., Les fruits de la récolte. études offertes à Jean-Michel Boehler Strasbourg, Presses universitaires, 492 p., 2007 Jean-Marie Quelqueger

Fuchs (Julien), Toujours prêts ! Scoutisme et mouvements de jeunesse en Alsace 1918-1970 431 p., éd. La Nuée Bleue, Strasbourg, 2007 Francis Rapp

Bischoff (Georges), Pagnot (Yves), Belfort (1307-2007). Sept siècles de courage et de liberté Éditions Coprur, 301 p., 2007 Claude Muller

Baradel (Yvette), Du val d’Orbey au canton de Lapoutroie. Histoire du Pays Welche, 2003 ; Les Lieux dits du bailliage du val d’Orbey au XVIIIe siècle, 2004 ; Les croix de chemin dans le Pays Welche, 2006 Publications de la Société d’histoire du canton de Lapoutroie et du val d’Orbey Benoît Jordan

Glanes

Les Atlas de Huningue et du Château du Landskron 1775. Plans et mémoires d’Antoine- Norbert d’Artus, ingénieur en chef à Huningue, au crépuscule de l’Ancien Régime Transcrits et annotés par Paul Bernard Munch, Publiés par la Société d’Histoire de Huningue-Village Neuf et de la Région frontalière, et par la Société d’Histoire de Sierentz, 2007 Gabrielle Claerr-Stamm

Glotz (Marc), Promenades historiques à travers le Sundgau oriental Société d’histoire du Sundgau, vol. 2, 238 p., Riedisheim 2007 Claude Muller

Revue d’Alsace, 134 | 2008 6

Herden (Ralf Bernd), Strassburg - Belagerung 1870 - Europas Hauptstadt im Spannungsfeld der deutsch-französischen Auseinandersetzeungen Band 2006/17 der Diskussionspapiere der Fachhochschule Kehl, Hochschule für öffentliche Verwaltung, 198 p., 2006 Marcel Thomann

Le Minor (Jean-Marie) et alii, L’Avant-garde du Rhin Ed. Sutton, 128 p., 2007, Saint-Cyr-sur-Loire Frédéric Kurtz

Rogg (Léa), Regards sur les communautés juives du Sundgau et alentours XVIIe au XXIe siècles Verlag Regionalkultur, 2007 Gabrielle Claerr-Stamm

Schneider (Malou), Le Musée Alsacien de Strasbourg Guide édité à l’occasion du Centenaire du Musée Alsacien de Strasbourg 2007, édition Musées de Strasbourg, 2007 François Igersheim

Schunck (Catherine et François), D’Alsace en Périgord. Histoire de l’évacuation 1939-1940 Ed. Sutton, Saint-Cyr sur Loire, 158 p., 2006 Frédéric Kurtz

In memoriam

In memoriam : Raymond Oberlé (1912-2007) Odile Kammerer

La Fédération des sociétés d'histoire et d'archéologie d'Alsace

Chez nos voisins d'Outre-Rhin

Zeitschrift für die Geschichte des Oberrheins François Igersheim

Die Ortenau (2008) Table des matières

Le réseau Patrimoine de la Regio TriRhena

Historiens et Géographes 2008 Gérard Cholvy

Publications des sociétés d’histoire et d’archéologie d’Alsace (années 2006-2007) Grégory Oswald

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La Revue d’Alsace 2008 : diversité des auteurs et des sujets

Gabrielle Claerr-Stamm et François Igersheim

1 Comme le veut la règle que s’est fixée notre Fédération, après un numéro spécial sur un thème, voici une Revue d’Alsace dite « Varia ». Nul doute que tous nos lecteurs y trouveront de quoi satisfaire leur curiosité. L’on sera rassuré sur les exigences de notre rédaction. À la fois sur la diversité des auteurs et des centres d’intérêt et sur le niveau scientifique que nous souhaitons conserver.

2 Avec les articles du RP Bornert sur les origines du monachisme et de M. Thomann sur le Kochersberg, les vétérans de l’histoire de l’Alsace nous donnent des articles qui synthétisent le travail d’une vie d’historien et avec l’expérience de sources peu accessibles l’assurance de méthodes éprouvées, y compris dans les hypothèses sur les fonctions des territoires.

3 Mais la suite est assurée : Bernhard Metz nous donne la seconde partie de son remarquable article sur les villes au Moyen Âge : une carte, complémentaire de celles d’Himly, devra nous restituer l’aspect du réseau urbain alsacien de cette époque, que l’on sent fort différent de celui d’aujourd’hui. A.- M. Heitz évoque quelques publicistes et prédicatrices protestantes au temps de la Réforme : les femmes n’ont pas fait qu’épouser les Réformateurs, certaines d’entre elles y ont pris une part active, y compris dans les sphères de la vie religieuse réservée aux hommes, et donc souvent contestée, en particulier à Strasbourg.

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4 Deux articles évoquent ce phénomène qu’a été la sorcellerie, l’un plus général de Maryse Simon, l’autre centré sur les procès de sorcellerie intentés à des enfants ou à des adolescents de Louis Schlaefli. Nul doute que nombreux seront ceux qui rêveront de randonnées dans les Hautes-Vosges en lisant les pages que Michel Hoff consacre à Kirschleger et à son œuvre pour la nomenclature de la botanique alsacienne. Amélie Weiler a été une petite bourgeoise de Strasbourg, victime de sa condition sociale : Patricia Szafranski analyse son Journal publié par Nicolas Stoskopf. Promenons nous dans les villages de l’Alsace moyenne, contemplons leurs églises, mairies, écoles : elles sont pour la plupart l’œuvre d’architectes d’arrondissement du XIXe. Ils ont fait le paysage de nos villages, c’est ce que nous montre Fabien Baumann. La lutte contre la germanisation par l’administration et la politique, l’armée, les institutions sociales, l’école, les associations d’anciens combattants a déjà largement occupé les historiens alsaciens depuis 1918. Mais Gilles Buscot éclaire un aspect moins connu de la politique de germanisation, celle des cérémonies publiques qu’organise le pouvoir, autour des monarques de l’Empire principalement, et il est probable qu’elles ont marqué l’opinion alsacienne plus qu’on ne le croit. Déjà, l’Alsace est transformée par le TGV Paris- Strasbourg. Le géographe Woessner nous propose une analyse des conséquences de ces transformations, qui se poursuivront avec le TGV Rhin-Rhône. 2008 a été une année d’élections, et comme à l’accoutumée, la RA avec Richard Kleinschmager nous propose une analyse d’un scrutin où les mutations sont plus profondes qu’il n’y paraît et ne résident pas où on le croit.

5 La RA présente aux lecteurs les recherches de futurs professeurs habilités : Catherine Maurer (la religion dans la ville au XIXe siècle), Dominique Huck (la mutation linguistique en Alsace au XXe siècle), et les essais des docteurs récents : Georg Modestin (hérétiques vaudois à Strasbourg), Carole Wenner (Juifs au Moyen Âge) et Léone Prigent (Les riches et les pauvres : les vêtements des Strasbourgeoises, Colmariennes, Mulhousiennes aux XVIIe et XVIIIe siècles). Tout un éventail des centres d’intérêt de l’historiographie actuelle qui se développe dans les universités !

6 Dans « l’Atelier de l’historien » Jean-Luc Eichenlaub nous informe sur les acquisitions des Archives publiques dans la région. Et Jean-Philippe Meyer nous donne un bel article sur l’histoire de ce service public récemment passé de l’État à la Région, mais qui continue dans le même esprit sa mission de service public : l’Inventaire du Patrimoine, et nous informe sur les richesses de sa documentation.

7 Nous lecteurs trouveront enfin les parties « Comptes rendus » sur les alsatiques parus récemment, informations sur les publications de nos voisins : la ZGO, l’Ortenau. Et la table des publications de nos sociétés.

8 Bref, tout comme la Fédération, la Revue d’Alsace continue, gardant le cap et le niveau, sans jamais perdre de vue les nécessités du changement.

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AUTEURS

GABRIELLE CLAERR-STAMM Présidente de la Fédération des sociétés d’histoire et d’archéologie d’Alsace

FRANÇOIS IGERSHEIM Rédacteur en chef de la Revue d’Alsace

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Les origines du monachisme en Alsace Certitudes acquises, conclusions provisoires, nouvelles hypothèses

René Bornert

1 En 1956, le chanoine André Marcel Burg, conservateur à la Bibliothèque municipale de Haguenau et directeur des Archives de l’Église d’Alsace, y fit paraître un article sous le titre : Les débuts du monachisme en Alsace : hypothèses et vraisemblances1. Le présent article voudrait apporter, à un demi-siècle de distance, des réponses vérifiées aux questions posées. Vingt cinq ans de recherches sur les sources, publiées et archivistiques, et d’investigation de la bibliographie alsacienne, française et allemande, devraient permettre de proposer un nouveau titre au terme d’un nouvel inventaire2.

2 Dans l’intervalle d’un demi-siècle, les études et les recherches sur les origines du monachisme se sont multipliées et approfondies, tant au niveau régional et rhénan que dans l’espace plus vaste de la Francie orientale et occidentale. Un nouveau bilan s’impose. Il serait trop prétentieux de vouloir proposer des certitudes absolues et des conclusions définitives en un domaine où la rareté des sources et la mouvance de leurs interprétations invitent à la prudence et à la réserve. La modestie scientifique doit sans cesse se rappeler que la recherche historique progresse vers une meilleure connaissance du passé et vers une purification progressive de la mémoire individuelle et collective, en dépassant ses propres conclusions.

Méthode distinctive et méthode comparative

3 Comme la manière de poser la question prédétermine le contenu de la réponse, un bref discours préliminaire sur la méthode s’avère d’une importance capitale en un domaine où les sources sont rares et leurs interprétations contradictoires. La précision des réponses exige une analyse ponctuelle, détaillée, datée et localisée, cas par cas. La rigueur demande de « classer les documents dans l’ordre strictement chronologique où ils ont été composés, d’examiner chacun d’eux isolément, en lui-même, d’en extraire ce qu’il peut contenir de vérité. Il ne faut jamais combiner deux documents d’origine

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différente, sans s’assurer si chacun d’eux mérite confiance ». Ce sage conseil donné, il y a plus d’un siècle, par Christian Pfister garde toute son actualité3. Mais il ne servirait à rien de contempler les mosaïques sans recomposer le dessin qu’elles évoquent. Dans un deuxième temps, il importe de comparer les différentes données ainsi obtenues et vérifiées, les relier les unes aux autres, combler les vides interstitiels et recomposer les multiples pièces du puzzle. L’analyse doit être complétée par une synthèse, la dissociation individuelle par une recomposition collective. Bref, la distinction doit être suivie d’une comparaison. Certes la comparaison n’est pas raison. Mais il reste que « la comparaison nous fait distinctement comprendre une raison »4.

4 Il est vrai qu’en raison de la rareté des documents fiables, l’historien des origines du monachisme en Alsace – et ailleurs – se trouve dans la situation délicate d’un paléontologue qui doit reconstituer le corps d’un diplodocus préhistorique à partir de quelques vertèbres découverts : il a le choix entre la description, sans risques, des vestiges trouvées ou l’imagination, à ses risques et périls, du reptile entier !

Le contexte européen et régional

5 Malgré des généralisations hâtives et des globalisations forcées, l’ouvrage de Friedrich Prinz sur le Monachisme primitif dans le royaume franc, paru en 1965, entraîna l’adhésion générale des historiens du haut Moyen Âge. Cet auteur distingue trois mouvements monastiques principaux, de datation et d’extension variables, qui ont traversé le royaume franc entre le Ve et le VIIIe siècle.

L’ancien monachisme gallo-romain (IVe-VIe siècle)

6 Cette première période s’étend de l’établissement du monachisme en Gaule au milieu du IVe siècle jusqu’à l’arrivée des Irlandais à la fin du VIe siècle. Deux dates symboliques marquent son commencement et sa fin : il se situe entre la fondation de Ligugé par saint Martin vers 360 et l’érection de Luxeuil par saint Colomban vers 590. Géographiquement, il était ancré dans le midi de la Gaule, en Provence, dans le couloir du Rhône, en Aquitaine. Au Nord, il n’a jamais franchi une ligne qui s’étend de Trèves à la Somme. Politiquement, il était contemporain de l’effondrement du pouvoir romain en Gaule et l’invasion des barbares. Sociologiquement, il était porté par l’aristocratie gallo-romaine des provinces centrales et méridionales de la Gallia. Après le repli de la préfecture des Gaules de la Trèves mosellane à l’Arles provençale au début du Ve siècle, cette aristocratie gallo-romaine dut se concentrer dans la provincia romana, la seule province restée romaine après l’effondrement du pouvoir et de la culture romaine dans le reste de la Gaule. Culturellement, ce monachisme baignait entièrement dans la civilisation romaine et la langue latine.

7 Le monastère de Saint-Victor à Marseille avec Jean Cassien († 430/435), la ville d’Arles avec l’évêque saint Césaire (503-543), l’abbaye de Saint-Maurice d’Agaune, avec la louange perpétuelle inspirée du monachisme de Constantinople (vers 515), formaient les principaux centres méridionaux de ce monachisme gallo-romain. Ses prolongements se sont étendus jusqu’en Aquitaine, particulièrement à Sainte-Croix de Poitiers sous l’abbesse sainte Radegonde († 587), au bassin parisien, sur les bords de la Moselle, à Metz et à Trèves. Grâce aux routes romaines qui sillonnaient la Gaule, même après les invasions barbares, grâce surtout à la proximité des centres mosellans de ce

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monachisme gallo-romain à Metz et à Trèves, cet ancien mouvement monastique a pu étendre ses ramifications ultimes jusqu’en Alsace.

Le monachisme irlandais et iro-mérovingien (fin VIe-début VIIIe Siècle)

8 La deuxième vague du monachisme se propagea dans l’empire mérovingien virtuellement constitué (486-751) à la suite des invasions barbares et de l’effondrement global de la société et de la culture gallo-romaines. Il aborda l’Europe occidentale et continentale à partir de la Scottia, l’actuelle Irlande avec l’actuel Pays de Galles. C’est pourquoi il porte le nom de monachisme irlandais. Il fut apporté sur le continent par le débarquement vers 591 de saint Colomban et de ses compagnons sur les côtes d’Armorique, l’actuelle Bretagne continentale. Grâce à l’appui de la royauté et de l’aristocratie mérovingiennes, cette expansion colombanienne pénétra très vite à l’intérieur des terres. Il s’établit dès 592 à Annegray et peu après à Luxeuil sur le versant occidental des Vosges. La vingtaine d’années que saint Colomban passa dans les Vosges furent essentiellement consacrées à l’adaptation de ce monachisme insulaire à la société et à la culture mérovingiennes continentales. Sa Règle des moines et la première partie de la Règle conventuelle datent sans doute de cette époque5. La codification monastique de saint Colomban se caractérise essentiellement par la fusion d’observances insulaires celtiques et d’emprunts à des usages continentaux méridionaux. Colomban puisait surtout aux Institutions et aux Conférences de Jean Cassien, un peu moins à la Règle de saint Benoît6. Néanmoins sa législation monastique entra dans les usages sous le vocable de Règle mixte de saint Colomban et de saint Benoît.

9 À la suite de ses conflits avec la reine Brunehaut de Neustrie, Colomban fut exilé en Alémanie. Avant de s’y rendre, il chercha l’appui du roi austrasien Thibert ou Théodebert II à Metz. De là, il descendit la Moselle jusqu’à Coblence et remonta le Rhin jusqu’à Bregenz. Ce voyage se situe en 610-613. Jonas de Bobbio, le biographe du moine itinérant, ne trouve rien de marquant à nous relater entre l’arrêt des navigateurs à Mayence et leur arrivée à Bregenz7. Les nécessités devaient tout de même les obliger à faire des haltes plus ou moins prolongées aux ports de Seltz, de Strasbourg, de Brisach et de Kembs, avant de rejoindre Augst en amont de Bâle. Si le missionnaire véhément cherchait à convertir les Alamans païens qu’il côtoyait, il n’établissait pas de monastère dans les régions qu’il traversait. Il laissa son compagnon Gall à l’endroit où devait s’élever plus tard l’abbaye de ce nom. Lui-même traversa les Alpes, s’établit avec sa communauté itinérante à Bobbio vers 613. Il y acheva sa codification monastique et y mourut en 615. L’expansion du monachisme colombanien resta donc limitée du vivant même de saint Colomban. La fondation de Luxeuil commença à rayonner dans le voisinage vosgien seulement à partir de l’érection de Remiremont en 620.

10 Le monachisme colombanien ne s’étendit vraiment dans le royaume mérovingien qu’après l’accession en 629 du roi Dagobert I, déjà roi d’Austrasie depuis 623, à la tête du royaume de Neustrie. L’aristocratie neustrienne, qui avait absorbé les reliquats des anciennes classes dirigeantes gallo-romaines, soutenait, par ses donations temporelles et l’envoi aux couvents de ses rejetons surnuméraires, l’essor et la diffusion du monachisme colombanien, inculturé sur le continent. De purement irlandais qu’il était à ses origines, ce monachisme insulaire devint iro-mérovingien. Cette royauté et cette

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aristocratie mérovingiennes, encore fragiles, avaient besoin à tout prix d’un appui sacral pour asseoir leur puissance et d’une aura sacrée pour étendre leur rayonnement. Cette sacralisation que le pouvoir mérovingien trouvait autrefois dans les religions celtiques et les cultes germains, il la cherchait désormais dans les abbayes et les cathédrales chrétiennes8. Cette alliance n’allait pas sans introduire un ver pernicieux dans l’institution monastique médiévale. De communauté évangélique et chrétienne, séparée de la société ambiante, alternative à son organisation et contestataire de ses abus, le milieu monastique devint dans le système féodal naissant l’appui sacral du pouvoir politique. Le trône pouvait s’appuyer sur l’autel. La réforme grégorienne (Xe- XIe siècles), l’émancipation des villes (XIIe-XIIIe siècles), les sourdes jacqueries dans les campagnes (XIVe-XVe siècles), la révolte écrasée des paysans (début XVIe siècle) n’arrivèrent pas à rompre cette alliance. La Révolution française rompit violemment ce compromis millénaire. La vente des biens nationaux à partir de 1790 plonge ses racines très haut dans le passé, jusqu’à la genèse de la société médiévale et féodale sous le bon roi Dagobert.

11 Mais revenons à nos Mérovingiens. Les monastères iro-mérovingiens, fondés par l’aristocratie neustrienne, s’étendaient surtout en Ile-de-France : Faremoutiers en 625, Jouarre en 640, Chelles en 657. Durant la première moitié du VIIe siècle, le monachisme iro-mérovingien s’étendit à partir de deux foyers principaux : Luxeuil dans les Vosges sous la protection de la noblesse austrasienne de Metz, Paris et l’Ile-de-France avec l’appui de l’aristocratie neustrienne.

12 Tous les groupements de moines Scotti ne se sont pas rattachés directement à Luxeuil. Certains venaient directement d’outre-Manche. Ils comptaient une douzaine de membres avec à leur tête un abbé qui était en même temps évêque. Le monastère de Péronne en Picardie (vers 650)9, de Fosses près de Namur (également vers 650), de Mazerolles dans le Poitou (vers 675), de Honau sur le Rhin (vers 720), les fondations de saint Déodat d’abord à Ebersmunster (vers 675), puis à Saint-Dié (avant 679) paraissent être surgis par génération spontanée. L’historiographie carolingienne avait tout intérêt à passer sous silence ces groupements de moines irlandais incontrôlés et incontrôlables sur le continent. Ne pouvant supprimer ces gêneurs du nouvel ordre politico- ecclésiastique, il convenait du moins de les ignorer10.

13 Les monastères irlandais puis iro-mérovingiens étaient généralement des monastères jumelés, comprenant un groupe de moines et un groupe de moniales juxtaposés. En Irlande même, les communautés monastiques masculines et féminines, qu’il s’agisse de monastères doubles ou d’établissements voisins, entretenaient des relations réciproques. « Les hommes assuraient la protection. Les prêtres présidaient aux célébrations eucharistiques. Les femmes se chargeaient de diverses tâches, telles que la confection des vêtements pour les moines, de tissus pour les églises et d’autres menus travaux. Sur le plan spirituel, la moniale jouait un inévitable rôle d’épouse, à l’instar de la femme séculière, la reproduction exceptée »11.

14 La puissance spirituelle qui soutenait ce mouvement, la protection royale qui le couvrait, les nombreux centres de diffusion qui se trouvaient à proximité lui ouvraient largement, comme nous allons le voir, les portes de l’Alsace.

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Le monachisme anglo-saxon (milieu VIIe-milieu VIIIe siècle)

15 La troisième et dernière vague d’expansion monastique avant Charlemagne partit du Sud-Est de l’actuelle Angleterre, spécialement de Cantorbéry. L’évêque Théodore (668-690) y avait introduit le modèle romain et la Règle bénédictine. Sur le continent cette mission toucha principalement la Germanie. Elle fut portée d’abord par saint , évêque d’Utrecht (695) et fondateur de l’abbaye d’Echternach (vers 700), puis par , l’apôtre des Germains († 754). Globalement, ce monachisme anglo-saxon mit la pérégrination ascétique au service de la mission ecclésiale. Elle visait moins la conversion individuelle des païens que la christianisation de tout un peuple. La catéchèse post-baptismale par petits groupes devait compléter les manques de l’instruction pré-baptismale insuffisante. Les abbayes bénédictines étaient, avec les cathédrales diocésaines, les pivots de cette structure ecclésiale. La mission locale ou régionale devait être garantie par un envoi donné par le pape. Cette disponibilité à l’Église et cette ouverture à la société faisaient glisser le monachisme cloîtré de la Gaule méridionale et la pérégrination ascétique irlandaise vers un monachisme missionnaire au service de la chrétienté. Ces tendances différentes persistent jusqu’à l’époque moderne et contemporaine. Le monachisme « neustrien » ou « gallican » de vieille France se veut plus contemplatif et plus séparé du monde. Le monachisme « germain » d’Allemagne se met plus volontiers au service de l’Église et de ses besoins. Entre les deux, le monachisme lotharingien d’Austrasie cherche une voie moyenne entre la retraite contemplative, d’une part, et l’ouverture à la communauté ecclésiale et à la société environnante, d’autre part. Située au cœur de l’Europe occidentale, l’Alsace a subi au cours des siècles ces différentes influences monastiques, sans opter unilatéralement pour un courant déterminé. Ces diversités pouvaient coexister tant qu’à l’intérieur du monachisme bénédictin une certaine souplesse était tolérée. Trop de diversité devenait invivable, lorsque les différents courants monastiques se sont durcis idéologiquement et canoniquement. Cette situation de plaque tournante explique peut- être que depuis la Révolution française aucun monastère bénédictin masculin n’ait pu s’y établir malgré les différentes tentatives qui y ont été faites.

Les retombées alsaciennes

16 Cette typologie européenne et rhénane permet un classement des fondations alsaciennes. La vision d’en haut et le regard d’en bas, développé plus loin, se complètent réciproquement.

Ermites itinérants (milieu VIe-milieu VIIe siècle)

17 Ce furent des ermites itinérants, voyageant seul ou en petits groupes, qui implantèrent les premières communautés monastiques en Alsace à partir des centres de l’ancien monachisme gallican. Plus tard, la légende hagiographique en fit universellement des Scotti ou des Irlandais, car la tradition ne prête qu’aux riches12. Il est vrai qu’entre 610 et 615, saint Colomban longea l’Alsace en remontant le Rhin avec ses compagnons, mais sans laisser d’influence durable en cette région13. Peu après, saint Wandrille, maire du palais du roi Dagobert, entré dans le mouvement colombanien, sillonna les marches de l’Est. Il passa peut-être à Labaroche en Haute Alsace. Puis, il séjourna quelque temps

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aux abbayes de Saint-Ursanne (vers 632) et de Romainmôtiers (vers 637). Enfin, il fonda en Normandie en 649 l’abbaye de Fontenelle, à laquelle il donna son nom14. Dès 623/627, saint Amarin s’établit dans les hautes Vosges dans la vallée qui devait prendre son nom et fit de sa solitude un bastion du monachisme bourguignon contre le monachisme austrasien, qui cherchait à s’étendre vers le sud15. Entre 645 et 655, Fridolin, rejeton du monachisme provençal à Poitiers, se donna pour mission de diffuser la vénération de la Sainte Croix et le culte de son patron, saint Hilaire. Il parcourut l’Alsace du Nord au Sud. Venant de Saint-Avold, il érigea un petit monastère en l’honneur de saint Hilaire à Dillersmunster, aujourd’hui Reinhardsmunster. Puis il gagna par Strasbourg le cours supérieur du Rhin, où il établit un monastère sous le titre de la Sainte-Croix à Säckingen16. À la même époque, saint Landelin, d’origine franque, sillonna durant quelque temps l’Alsace moyenne. Puis il traversa le Rhin, pour s’établir dans la vallée de la Schutter en moyenne Forêt-Noire, où il fut assassiné par des chasseurs. Son souvenir devait être perpétué par l’abbaye d’Ettenheimmünster, fondée un siècle plus tard17. Ce sont quelques noms emblématiques, conservés par le hasard. Il devait y en avoir bien d’autres.

Communautés épiscopales

18 Certaines communautés eurent une origine et une existence plus stables. Les monastères épiscopaux, fondés à une époque où la distinction entre « moines » et « chanoines » n’était pas encore faite, restaient liés à l’évêque diocésain et intervenaient activement dans la pastorale paroissiale18. Il s’agissait essentiellement de Saint-Arbogast de Strasbourg (vers 550 ? vers 630 ?), de Saint-Thomas à l’intérieur de Strasbourg (entre 786 et 816) et de son extension à Haslach (avant 824). En 778, les desservants de la cathédrale de Strasbourg sont appelés clerici canonici19. À cette date, la distinction entre les deux ordres – monacal et canonial – était donc faite en principe, sans qu’elle fût entrée universellement dans les mœurs.

Pérégrinants irlandais organisés (VIIe-VIIIe siècles)

19 Les migrations évangélisatrices des moines irlandais au cours du VIIe et au début du VIIIe siècle nous échappent presque totalement. Le phénomène dut être important. Des groupes d’une douzaine de moines, venus d’Irlande, se déplaçaient dans les campagnes pour témoigner de l’évangile. Leur nomadisme attestait l’instabilité et la précarité de la condition humaine. Leur foi pointait vers la patrie céleste, terme définitif et stable de la pérégrination de l’homo viator. L’organisation carolingienne de la société et de l’Église n’aimait pas ces nomades autonomes et gêneurs. L’épiscopat officiel cherchait à éliminer ces parasites. L’historiographie royale faisait tout pour faire oublier ces marginaux. La fondation de Honau (vers 720) nous laisse un exemple tardif d’une institution purement irlandaise en ses débuts.

Moines irlandais et iro-mérovingiens (VIIe-VIIIe siècles)

20 Des moines irlandais, venus directement d’Irlande, ou iro-mérovingiens, recrutés sur le continent, se trouvaient à l’origine des grandes abbayes alsaciennes, devenues bénédictines au cours du IXe siècle et appelées par anticipation de ce nom par l’historiographie carolingienne au IXe siècle et mauriste au XVIIe siècle. Les dates

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précises sont difficiles, voire impossibles à fixer20. Le monastère de Wissembourg fut fondé certainement avant 661, probablement entre 650 et 660, peut-être dès 631. La date de fondation de 590 avancée pour le début de Marmoutier repose certainement sur un anachronisme. Ce monastère porte en ses origines d’indéniables marques irlandaises et colombaniennes. Or saint Colomban a débarqué sur les côtes armoricaines seulement vers 591, a fondé Annegray dans les Vosges seulement vers 592, a côtoyé l’Alsace en remontant le Rhin seulement vers 610-613. Si lui ou quelques-uns de ses disciples s’étaient établis dans la Marche de Marmoutier dès le fin du VIe siècle, son biographe Jonas de Bobbio nous l’eût dit. Si un roi du nom de Childebert avait été le protecteur royal de cette fondation, il ne peut être question de Childebert II (575-596), mais il doit s’agir de Childebert III l’Adopté (656-662). De toute façon le monachisme irlandais ou iro-mérovingien devait prendre racine, pousser et se développer, avant de pouvoir s’étendre et rayonner. « L’essaimage colombanien » dans le royaume mérovingien ne s’est produit qu’après l’accession du roi Dagobert Ier, déjà roi d’Austrasie, à le tête de la Neustrie et de tout le royaume en 629. La fondation de Munster au Val Saint-Grégoire, certainement antérieure à 675, pourrait s’être faite en deux temps : une première implantation vers 633 en amont dans la vallée de la petite Fecht à l’actuel Schweinsbach, un deuxième établissement plus bas au confluent de la Petite et de la Grande Fecht vers 660. Le monastère d’Ebersmunster vit le jour vers 675 sous l’influence conjointe de l’abbé évêque irlandais Déodat, au spirituel, et du duc d’Alsace Adalric avec son épouse Béreswinde, au temporel. La même famille des Étichonides introduisit vers 720 les usages colombaniens et irlandais au monastère castral du Hohenbourg lui-même et de sa dépendance à Niedermunster, le monastère d’en bas, puis à la fondation de Saint-Étienne, un monastère urbain à l’intérieur de l’enceinte romaine à Strasbourg.

Moines bénédictins (VIIIe-IXe siècle)

21 Une tradition, prétendue « constante », mais seulement attestée depuis le XIIe siècle, met le monastère de Munster en rapport avec le pape saint Grégoire, le biographe de saint Benoît. Pour cette raison, déduisait-on, les fondateurs de cette abbaye devaient être des bénédictins. Mais l’observance de la Règle de saint Benoît seule en Alsace au VIIe siècle ne peut être qu’un anachronisme. Le patronage de saint Grégoire, attesté en 746/747, pourrait bien venir, non pas de Rome, où ce saint pontife était plutôt oublié à cette époque, mais plutôt de l’Angleterre et de Canterbury, où ce même pape était très honoré en ce temps. Cette hypothèse rattacherait la seconde équipe des fondateurs de Saint-Grégoire de Munster à la mission anglo-saxonne. Cette probabilité trouve une certaine confirmation dans les relations qui existaient aux origines entre l’évêché de Strasbourg et l’abbaye au Val Saint-Grégoire.

22 La fondation de Murbach vers 727/728 marque un tournant dans l’histoire du monachisme alsacien et rhénan. L’abbé-évêque Pirmin, à l’instigation du maire de palais , substitue la stabilité locale sous la Règle de saint Benoît à la pérégrination irlandaise sous la règle de saint Colomban, déjà interprétée antérieurement par certaines orientations bénédictines. Une vingtaine d’années plus tard, en 749, saint Chrodegang, évêque de Metz, opère le même changement à Arnulfsau, en aval de Strasbourg, l’embryon du futur Schwarzach, pour favoriser l’extension de l’aristocratie et du royaume d’Austrasie vers le Rhin. Mais il faudra

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attendre un siècle pour que dans le royaume franc le monachisme iro-mérovingien cède officiellement la place au monachisme bénédictin.

Extension et Régression du monachisme iro- mérovingien

23 Au fur et à mesure que progressait l’observance bénédictine, le monachisme iro- mérovingien régressait. Commencée avant lui, cette réforme fut surtout l’œuvre de l’évêque saint Boniface. En 744, le pape Zacharie le chargea de réformer l’Église dans le royaume de Pépin et de Carloman, c’est-à-dire en Francie21. Par une série de conciles, le légat papal mit progressivement fin au régime des évêques itinérants. Certains d’entre eux se stabilisèrent dans les monastères passés sous la tutelle de la Règle de saint Benoît. Quelques listes du Liber Confraternitatis de la Reichenau conservent leur nom. De son côté, Pirmin entreprit une opération similaire aux confins du duché des Alémans, à la Reichenau, à Murbach et à Hornbach. Avec l’aide d’évêques francs, ses disciples prolongèrent et étendirent son œuvre. Les évêques itinérants irlandais cédaient la place aux évêques sédentaires francs. Le monachisme irlandais ou iro- mérovingien reculait au profit du monachisme carolingien bénédictin. La liste suivante permet de poser quelques jalons datés et localisés.

Règle mixte de saint Colomban et de saint Benoît

Monastères Dates

Saint-Dié Monachi et peregrini sub regula beati Benedicti et sancti Columbani abbatis. 660-670 J.M. Pardessus, Diplomata, chartae, epistolae, leges aliaque instrumenta ad res gallo- francicas spectantia, t. 2, Paris, 1849, n° 360, p. 147-148.

Wissembourg La charte précédente pour Saint-Dié a été signée par Dragobodo, évêque de Spire (661- vers 670) et sans doute aussi abbé de Wissembourg. Traditiones Wizenburgenses, éd. A. Doll, n° 203 (1), p. 415-416. Palatia sacra, I/2, éd. A. Doll, Mayence, 1999, p. 145, 213. 661-670 L’observance suivie à Wissembourg devait être identique ou semblable à celle de Saint- 719 Dié. Regula sancta (719) : désignation habituelle pour la Règle colombano-bénédictine. Traditiones Wizenburgenses, R 37, n° 45 (37), p. 232.

Honau Venerablis, sancta Regula : Charte du roi Thierry IV (vers 720). MGH. DRM, 2e éd, 2001, t. Vers 720 1, n° 189, p. 471-473 (qualifiée d’inauthentique). Les six premiers abbés (vers 720-772) sont en même temps évêques.

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Marmoutier Secundum normam patrum domni Benedicti et domni Columbani. (724 ?) Charte de confirmation du roi Tierry IV (721-737) pour Marmoutier. MGH. DRM, 2e éd., 163/1179 2001, t. 1, n° 186, p. 462-465 (charte inauthentique). Kölzer, Merowingerstudien II, p. 34-49 : « faux rédigé entre 1163 et 1179, utilisant un authentique du roi Thierry IV ».

Murbach Sub regula sancta, (...) praecipue monasteria Lirinensis, Agaunensis, Luxoviensis. Sub regula sanctorum patrum maxime beati Benedicti et sancti Columbani. Ces règles, observées antérieurement, seront remplacées par la Règle de saint Benoît. Avant Charte de confirmation de l’évêque Widegern de Strasbourg. (728). 728 Chartae Latinae antiquiores, éd. A. Bruckner – R. Marchal, t. 9, France 7, n° 671, p. 5. (avec indication des éditions antérieures). Repris par la charte de fondation d’Arnulfsau (749).

Régression du monachisme itinérant ou pérégrinant

Concile germanique pour l’Austrasie Aucun évêque ni prêtre pérégrinant ne peut être admis dans un diocèse à un ministère ecclésiastique sans être soumis à un examen synodal (Secundum canonicam cautelam 743 omnes undecumque supervenientes episcopos vel presbyteros ante probationem synodalem in ecclesiasticum ministerium non admitteremus). MGH. Concilia, t. 2/1, p. 1-4, canon 4, p. 3.

Concile de Soissons Tout évêque et tout prêtre venant d’une autre région ne peut être admis au ministère ecclésiastique sans examen préalable par l’évêque diocésain. (Supervenientes episcopus 744 vel presbyteris de aliis regionibus non suscipiantur in ministerio Ecclesiae, nisi prius fuerint probati ab episcopo, cuius parochia est). MGH. Concilia, t. 2/1, canon 5, p. 35.

Concile de Ver (dép. Oise, ar. Senlis) Aux moines qui vivent selon une règle il ne sera pas permis de vagabonder à Rome ou ailleurs, à moins qu’ils le fassent dans l’obéissance à l’abbé. Les évêques itinérants, qui n’ont pas d’évêché ou dont l’ordination est inconnue, ne peuvent assumer aucun ministère ni faire aucune ordination dans un autre diocèse, sans l’ordre de l’évêque du 755 lieu. (Ut monachi, qui veraciter regulariter vivunt, ad Romam vel aliubi vagandi non permittantur. De episcopis vagantibus qui parochias non habent () in alterius parochia ministrare nec ullam ordinationem facere non debeant sine iussione episcopi cuius parochia est). MGH. Capitularia, t. 1, canon 10 et 12, 35-36.

Concile de Mayence Que chaque évêque s’enquière diligemment dans son diocèse au sujet des clercs et des prêtres et leurs origines. S’il trouve un fugitif, qu’il le renvoie à son évêque propre. 813 (Ut unusquisque episcopus in sua paroechia diligenter presbyteros vel clericos inquirat, unde sit, et, si aliquem fugitivum invenerit, ad suum episcopum faciat). MGH. Concilia, t. 2/1, 1906, canon 31, p. 268.

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Concile de Chalon-sur-Saône Un prêtre, quittant son domicile pour s’établir en un autre, ne peut être reçu, à moins d’expliquer les raisons de sa migration et de prouver par des témoignages écrits et vérifiés avoir vécu honnêtement dans son diocèse d’origine. (Presbyter proprio loco dimisso ad alium migrans nequaquam recipiatur, nisi suae 813 migrationis causam dixerit et se innocenter vixisse in parochia, in qua ordinatus est, sub testibus probaverit. Litteris etiam habebit, in quibus sunt nomina episcopi et civitatis plumbo impressa, quibus congitis et talibus inventis, quibus fides adhiberi possit, recipiatur). MGH. Concilia, t. 2/1, 1906, canon 41, p. 282.

Concile de Tours Que tout évêque surveille diligemment son diocèse pour éviter qu’un prêtre émigrant d’un autre diocèse présume de célébrer un office sans lettres de recommandation, comme cela s’est fait autrefois en plusieurs endroits. (Ut unisquisque episcoporum 813 parochiam suam diligenter perscrutari nitatur, ne aliquis presbyter ab alterius paroechia in suam commigrans officium celebrare praesumat sine litteris commendatriciis, sicut olim multis in locis actum esse repertum est). MGH. Concilia, t. 2/1, 1906, canon 13, p. 288.

Expansion progressive de la Règle de saint Benoît

24 Les origines et la diffusion de la Règle des moines, attribuée à saint Benoît de Nursie, posent un ensemble de problèmes complexes. Il n’est pas nécessaire de les évoquer ici. Il suffit de résumer les conclusions majeures et communément admises d’une longue investigation historique, allemande et française, durant la seconde moitié du XXe siècle 22. La Règle bénédictine, s’inspirant partiellement de la Règle du Maître, fut rédigée non loin de Rome dans les années qui ont suivi la date de 530. Elle s’est répandue dans l’Europe continentale non à partir d’Italie et de Rome, mais à partir de la Gaule mérovingienne, au cours du VIIe siècle.

25 Bien qu’il fût l’hagiographe élogieux de saint Benoît, le pape saint Grégoire le Grand (590-604) ne fut pas nécessairement le propagateur effectif de sa Règle, du moins cela n’a pas pu être prouvé23. Même en Angleterre, pourtant terre prioritaire de l’action missionnaire et évangélisatrice du pape, il n’est pas sûr que le moine Augustin, envoyé en 596 par le Grégoire le Grand à Cantorbéry, fût bénédictin, observant effectivement la Règle de saint Benoît. Les plus anciennes influences bénédictines se font sentir en Angleterre seulement un siècle plus tard sous l’archevêque Théodore de Cantorbéry (668-690)24.

26 Sur le continent, l’on connaît deux aires de diffusion de la Règle bénédictine au cours du VIIe siècle. Saint Colomban diffusa la Règle bénédictine « mixte », – parce que ajoutée à des observances irlandaises –, dans les monastères fondés par lui à Luxeuil dans les Vosges (591-610) et à Bobbio dans le Piémont italien (610-615)25. Puis, dans le midi albigeois, un abbé du nom de Venerandus cite la Règle de saint Benoît, – qualifié de romain (romensis) – dans une lettre à l’évêque Constantius d’Albi (entre 620 et 630)26. Selon Friedrich Prinz, la diffusion de la Règle bénédictine serait faite du midi provençal vers le centre francilien du royaume mérovingien27. Adalbert de Vogüé suppose une double diffusion de la Règle bénédictine dans le royaume franc, d’abord à

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partir d’Albi dans le Midi et ensuite de Luxeuil dans les Vosges et de Paris, devenu le centre du royaume28.

27 En Alsace la Règle bénédictine « seule » ou « pure » n’est pas attestée et probablement n’a pas eu cours avant la fondation de Murbach vers 727. Là, elle commence à remplacer les règles antérieures de Lérins, d’Agaune et de Luxeuil. La charte de l’évêque de Strasbourg de 728 pour la fondation de Murbach marque un tournant. Désormais, la Règle « mixte » de Colomban et de Benoît régressera. Inversement, la Règle de Benoît « seule » progressera. Il faudra près d’un siècle pour qu’au synode d’Aix-la-Chapelle de 816 l’application de ce principe soit légalement ratifiée29. Puis, il faudra encore un siècle supplémentaire pour que ce principe soit universellement et effectivement appliqué. Les dates indiquées pour l’évolution monastique durant l’époque franque restent des jalons dans une mutation lente et longue. Elles doivent être comprises et interprétées comme telles.

Règle de saint Benoît seule

Monastères Dates

Concile d’Autun pour la Burgondie (Bourgogne) « Pour les abbés et les moines, leur observance doit être telle qu’ils accomplissent et gardent en tout point ce qu’enseignent la loi canonique et la Règle de saint Benoît ». (De 663-680 abbatis vero vel monachis ita observare convenit, ut, quicquid canonum ordo vel regula Vers 670 sancti Benedicti edocet, et implere et custodire debeant.) Les canons des conciles mérovingiens, t. 2, (Sources chrétiennes, 354), p. 588-589. MGH. Concilia, t. 1, 1883, p. 221.

Murbach L’abbé-évêque Pirmin impose la Règle de saint Benoît aux moines pérégrinants. (Perminius episcopus de suis peregrinis monachis instituerit cenobio vel sancto ordine sub regula beati Benedicti. Peregrini monachi sub regula sancti Benedicti coenobialiter congregati. Perminius episcopus congregationes peregrinorum sub una sancta institutione beati Benedicti quoadunavit.) (728). (Chartae Latinae antiquiores, éd. A. Bruckner - R. Marchal, t. 9, France 7, n° 671, p. 5. Avec indication des éditions antérieures) = Charte de 728 fondation d’Arnulfsau (749). La Règle de saint Benoît est implicitement citée par la charte de confirmation du roi Thierry IV (728/780) : Quem ipsa congregatio et melior pars eligerit = Règle Bénédictine, chap. 64. MGH. SRM, 2e éd. 2001, n° 188, p. 468-471 (avec indication des éditions antérieures). Cum peregrinis monachis quem Dominus de diversis provinciis quoadunavit : Donation du comte Eberhard (731/732) = Formule de Flavigny, autre fondation pirminienne. (Angenendt, Monachi peregrini, p. 82).

Concile germanique pour l’Austrasie

Prescrit la Règle bénédictine pour « les moines et les servantes monastiques du 743 Seigneur » (Ut monachi et ancillae Dei monasteriales juxta regulam sancti Benedicti ordinare et vivere vitam propriam studeant). MGH. Concilia, t. 2/1, 1-4, canon 7, p. 4.

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Concile des Estinnes (à l’Est de Charleroi) pour la Neustrie

La Règle de saint Benoît a été donnée aux abbés et aux moines « pour restaurer les 744 normes de la vie régulière ». (Abbates et monachi receperunt sancti patris Benedicti regulam ad restaurandam normam regularis vitae). MGH. Concilia, t. 2/1, canon 1, p. 7.

Gorze au diocèse de Metz L’évêque saint Chrodegang fonde le monastère sous l’observance et la Règle de saint Benoît : 757 Secundum ordinem et regulam sancti patris nostri Benedicti abbatis. Diplôme de l’évêque Chrodegang pour l’abbaye de Gorze. MGH. Concilia, t. 2/1, 1906, 59-63, p. 60.

Ettenheimmünster Le monastère est fondé sous la Règle de saint Benoît : 762 Secundum regulam sancti Benedicti. (A. Bruckner, Regesta Alsatiae, n° 193, p. 116) : charte douteuse.

Wissembourg À partir L’introduction de la Règle de saint Benoît sous l’influence de saint Pirmin († 753) ne de peut être démontrée. Vers 770/780 commence une évolution vers l’observance de la 770-780 Règle bénédictine. (Palatia sacra I/2, éd. A. Doll, Mayence 1999, p. 146, 151).

À partir de 789, la législation ecclésiastique carolingienne identifie l’observance monastique avec l’observance bénédictine. Semmler, Mönche und Kanoniker im Frankenreiche Pippins III. und Karls des Grossen, in Untersuchungen zu Kloster und 789 Stift, hg. v. Max-Planck-Institut für Geschichte (Studien zur Germania Sacra, 14, Göttingen, 1980, p. 96).

Concile de Francfort

Que l’abbé dorme avec ses moines selon la Règle de saint Benoît. (Ut abbas cum suis 794 dormiat monachis secundum regulam sancti Benedicti). MGH. Concilia, t. 2/1, 1906, canon 13, p. 168.

Concile de Mayence Les abbés et les moines doivent vivre selon la doctrine de la sainte règle de Benoît. Leurs représentants au synode ont promis de le faire, pour autant que la fragilité humaine le permette. (Abbates autem censuimus ita cum monachis suis pleniter vivere sicut ipsi, qui in presenti synodo aderant, palam nobis omnibus promiserunt, id est secundum doctrinam sanctae regulae Benedicti, quanta humana permittit fragilitas). MGH. Concilia, t. 2/1, 1906, canon 11, p. 263. 813 Que les moniales qui ont fait profession monastique vivent régulièrement selon la sainte Règle de Benoît. Sinon, qu’elles vivent pleinement à la manière canoniale. (De sacris virginibus. Abbatissas autem cum sanctimonialibus omnino recte et juste vivere censemus. Quae vero professionem sanctae regulae Benedicti fecerunt, regulariter vivant. Sin autem, canonice vivant pleniter.) MGH. Concilia, t. 2/1, 1906, canon 13, p. 263.

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Synode d’Aix-la-Chapelle La Règle de saint Benoît est la norme unique et exclusive de la vie monastique dans l’empire carolingien. Elle est interprétée par la « coutume unique » (unica consuetudo), 816/817 établie par Benoît d’Aniane. Joseph Semmler, Die Beschlüsse des Aachener Konzils im Jahre 816, in Zeitschrift für Kirchengeschichte, 74, 1963, 15-82.

De l’observance ponctuelle à l’observance quasi intégrale de la Règle bénédictine

28 L’empereur Louis le Pieux et son conseiller monastique, Benoît d’Aniane, avaient prévu une application sinon immédiate, du moins assez rapide des dispositions monastiques prises par le synode de 816 et renouvelé par celui de 817. La réalité des faits devait démentir l’utopie des espérances. Il a fallu près d’un siècle pour que la Règle bénédictine, interprétée par les capitulaires monastiques de Louis le Pieux et de Benoît d’Aniane, devienne la norme unique et universelle des monastères carolingiens. Les textes suggèrent plutôt une application progressive. Le cursus des psaumes à l’office semble avoir été la première mesure appliquée, du moins à Munster au Val Saint-Grégoire dès 814 et à Wissembourg en 816. Un certain nombre de chartes insistent sur le fait que l’élection abbatiale devait se faire selon la Règle de saint Benoît. Cette insistance voulait-elle dire que toute la règle bénédictine était appliquée ? La répétition de cette directive insinue le contraire. Il fallait garder à tout prix la liberté des élections abbatiales contre les intrusions, toujours possibles, des rois, des seigneurs et même des évêques. La mise en commun des biens paraît avoir été généralement appliquée. En tout cas, le système de la donation en précaire, pratiqué largement à Wissembourg durant le premier tiers du VIIIe siècle, disparaît des textes. Encore faut-il remarquer que l’extension universelle de la Règle bénédictine ne pouvait correspondre à l’application intégrale. Des chapitres étaient devenus forcément désuets. D’autres demandaient une interprétation. C’était à partir du moment où la Règle bénédictine, présupposée « pure » ou « seule », était interprétée par des coutumes ou des constitutions qu’elle devenait largement applicable.

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Les monastères d’Alsace antérieurs à 817 par suite chronologique

Saint-Arbogast à Strasbourg (vers 550 ? vers 630 ? avant le Xe siècle)

29 Les origines de l’oratoire et du monastère de Saint-Arbogast sur les bords de l’Ill en amont de Strasbourg – l’actuelle Montagne-Verte – sont uniquement connues par des chroniques médiévales tardives. Leur chronologie est incohérente. La Continuation de la Chronique de Mathias de Neuenbourg (XIVe siècle) attribue la fondation au roi Dagobert Ier (623-629)30. Le roi construisit un monastère (caenobium) en l’honneur de saint Arbogast (vers 550) sur la rivière de l’Ill près de Strasbourg. Par cette fondation, le bon roi Dagobert voulait honorer la mémoire du saint évêque Arbogast (vers 550), pour avoir rendu à la vie à son fils, qu’il faut identifier avec Sigebert III (633-656). La Chronique contemporaine de Koenigshoven attribue la fondation d’une chapelle et d’une communauté priante (Bettehus) à l’évêque saint Arbogast lui-même31. Selon la Chronique de Strasbourg, rédigée par Philippe Louis Kunast à la fin du XVIIe siècle, le roi Childebert – qu’il faut sans doute identifier avec Childebert Ier (511-558) – aurait fondé le premier monastère32.

30 Quoi qu’il en soit de la discordance de ces témoignages, des fouilles archéologiques ont prouvé qu’il existait à cet endroit au moins dès l’époque mérovingienne un passage – bac, passerelle ou pont – et un habitat pour les bateliers et les pêcheurs33. Vers le milieu du XIe siècle, une communauté de prêtres et de clercs assure la récitation de l’office et l’animation du pèlerinage en l’honneur de saint Arbogast dans une église

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agrandie. Vers le milieu du XIIe siècle, cette communauté cléricale adopta la règle de saint Augustin.

31 La proximité de la communauté de Saint-Arbogast avec cet évêque diocésain – vivant ou défunt – suggère que dès ses origines sans doute mérovingiennes – la date ne peut être précisée davantage – il s’agissait d’une communauté cléricale au service de l’évêque pour une tâche pastorale précise.

Surbourg (vers 550 ? vers 630 ? avant 749)

32 Le monastère de Surbourg émerge dans l’histoire de façon certaine et actée en 749 par un acte de donation de l’Étichonide Bodol en faveur de l’église et du monastère Saint- Michel de Honau34. Entre novembre 765 et novembre 766, les frères Gerbald et Richbald, fils de Wicbald, donnent à l’abbaye de Wissembourg des biens à Preuschdorf (ct Woerth) et à Dannstadt (Kr. Ludwigshafen)35. L’acte est conclu au monastère de Surbourg. Geroin, le célèbre scribe de Wissembourg, actif entre 757 et 784, s’est même déplacé à l’occasion pour rédiger l’acte. Le Nécrologe de la Reichenau, ouvert en 824 et complété par des additions postérieures, cite la liste « des frères du monastère (coenobium) de Surbourg en Alsace »36. Une notice surajoutée, qui ne peut être antérieure au XIIe siècle, précise que ce monastère appartenait à l’ordre de Saint- Benoît, mais qu’il est devenu par la suite un chapitre séculier. L’inscription de Surbourg au livre de confraternité de la Reichenau prouve qu’il existait au début du IXe siècle une fraternité de prières entre les deux communautés. Elle ne dit pas que la communauté de Surbourg faisait partie du mouvement lancé par saint Pirmin, et encore moins qu’elle relevait de quelque « congrégation » pirminienne. La Vie de saint Pirmin ne cite d’ailleurs pas le monastère de Surbourg parmi les fondations qu’elle attribue au saint fondateur37. La somme de ces trois documents établit au moins une certitude. Dans la seconde moitié du VIIIe siècle, le monastère de Surbourg fait figure d’établissement important : il servait de lieu de rencontre et de tractation pour l’aristocratie alsacienne des Étichonides et l’aristocratie austrasienne gravitant autour de l’abbaye de Wissembourg. Cette importance lui valut au début du IXe siècle l’inscription au Nécrologe de la Reichenau.

33 Que y eut-il auparavant ? Faute de documents probants, diverses hypothèses sont possibles.

34 Au XIVe siècle, la Continuation de la Chronique de Mathias de Neuenburg attribue la fondation de Surbourg, comme celle de Saint-Arbogast à Strasbourg, à ce saint évêque38. La Chronique contemporaine de Koenigshoven associe le fils de Dagobert, Sigebert III, que l’évêque Arbogast aurait ramené de trépas à vie, à la générosité de son père. La translation d’une importante relique de saint Arbogast de Strasbourg à Surbourg dans le dernier tiers du Xe siècle suggère qu’il devait y avoir une relation ancienne et approfondie entre le monastère de Strasbourg et celui de Surbourg. Comme le monastère de Saint-Arbogast à Strasbourg, la fondation de saint Arbogast à Surbourg pourrait remonter au milieu du VIe siècle et avoir eu quelque relation avec l’évêque saint Arbogast.

35 D’ailleurs, le patronage de saint Martin précède celui longtemps et façon tenace celui de saint Arbogast. Ne serait-ce pas l’indice que d’une façon ou d’une autre la fondation de Surbourg se rattacherait au monachisme de saint Martin39 d’abord à Ligugé, puis à Tours ? Médard Barth l’admet et suppose une fondation dès le milieu du VIe siècle40.

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Heinrich Büttner le nie et date la fondation de Surbourg seulement à la fin du VIIe ou au début du VIIIe siècle41. Faute de preuve contraignante en faveur de l’une ou de l’autre hypothèse, la prudence conseille de s’abstenir de tout verdict.

36 L’antiquité du site de Surbourg a été prouvée par des découvertes archéologiques et numismatiques42. À ce passage de la Sauer, deux routes romaines, allant l’une d’Ouest en Est, l’autre du Sud au Nord, se sont croisées43. La fréquentation de cette plaque tournante pouvait y attirer ermites pérégrinants dès le milieu du VIe siècle. Ils pouvaient être suivis par des moines irlandais ou iro-mérovingiens, dont les Étichonides, par ailleurs, se sont faits les protecteurs.

Saint-Amarin (vers 623-627)

37 L’endroit où s’élevait le monastère s’appelait primitivement Duro – angus. Le toponyme évoque la rivière adjacente de la Thur (Dora). La finale correspond au suffixe germanique – ingen. La fondation est connue uniquement par un texte hagiographique : La Vie et la Passion de saint Projet ou de saint Prix, évêque de Clermont-Ferrand, et de saint Amarin44. Assez vague en lui-même, ce récit gagne une certaine clarté s’il est replacé dans le contexte des luttes fratricides entre les royaumes partiels de Burgondie, d’Austrasie et de Neustrie durant le deuxième et le troisième quart du VIIe siècle.

38 Amarin construisit son monastère dans les solitudes des hautes Vosges avec l’appui du maire du palais burgonde Warnéchaire. Ce même potentat aida le roi Thierry II de Burgondie et d’Austrasie à évincer en 612 son frère Thibert II d’Austrasie45. Lors du rétablissement partiel du royaume d’Austrasie en 623, Clotaire II, roi de Neustrie, se réserva le territoire délimité entre les Ardennes et les Vosges46. À la suite de ce partage, le versant méridional des Vosges releva de l’administration formelle de la Neustrie mais sous la dépendance réelle de la Burgondie. La fondation d’un monastère à Duroangus devait renforcer le pouvoir du royaume burgonde sur ces contreforts de la Neustrie et de l’Austrasie.

39 De surcroît, les observances monastiques suivaient ces régimes politiques. La Règle colombanienne commençait à se propager surtout en Austrasie. Aussi vers 626/627, le maire du palais burgonde Warnéchaire, préparait un synode de Mâcon, qui devait interdire la Règle de saint Colomban à Luxeuil même. Il décéda avant la tenue du synode. L’abbé Eustase, successeur de saint Colomban, parvint de justesse à sauver la situation et à maintenir l’observance colombanienne dans la communauté luxovienne47. La fondation du monastère de Duroangus devait se situer entre le rétablissement partiel du royaume d’Austrasie en 623 et le décès du maire du palais burgonde Warnéchaire en 626/627.

40 Par ses origines, saint Amarin gardait ses attaches avec le royaume de Burgondie. L’évêque Projet ou Prix de Clermont-Ferrand le visita personnellement dans sa solitude vosgienne durant son voyage à la cour de Childéric II roi d’Austrasie de 662 à 673 et de tout le royaume de 673 à 675. À l’inverse, Amarin se rendit à l’évêché de Clermont- Ferrand vers 675. Il y fut exécuté le 25 janvier 676, avec son hôte l’évêque Projet ou Prix pour de sombres affaires d’argent et de succession48.

41 Protégé du maire du palais Warnéchaire et ami de l’évêque Projet, Amarin devait partager leurs orientations monastiques. Né en Auvergne, mais de parents gallo- romains, Projet monta sur le siège de Clermont-Ferrand en 666. Il persuada le comte

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Genesius à fonder à Chamalières un monastère de moniales « sous les règles de saint Benoît, de saint Césaire d’Arles et de Colomban »49. La suite de ces fondateurs marquait ses préférences : d’abord la Règle de saint Benoît, qui au moins partiellement montait du Sud de la Gaule vers le Nord, puis saint Césaire d’Arles, un des maîtres spirituels du monachisme provençal, enfin Colomban, le dernier venu, pas encore qualifié de saint.

42 Grâce à ces relations complexes et embrouillées, l’ancien monachisme gallo-romain montait de la Provence jusqu’aux Vosges méridionales et trouvait en saint Amarin un lointain et fidèle disciple, partiellement manipulé il est vrai par le diplomate maire du palais burgonde Warnéchaire. Entre la Provence et l’ancien monachisme gallo-romain et l’Austrasie avec le monachisme irlandais et iro-mérovingien, le duché d’Auvergne avec l’évêché de Clermont jouait un rôle de médiation50.

Dillersmunster (vers 650)

43 Les terriers de l’abbaye de Marmoutier du Xe et du XIIe siècle ont conservé le souvenir et les vestiges d’un Dillerescella. Située à l’intérieur de la Marche, ancienne unité administrative, cette cella fit partie des cellae des anciens moines, aux origines de la fondation de Marmoutier. Avant d’avoir été centralisée sous l’abbé Maur au début du VIIIe siècle, la communauté de saint Léobard paraît s’être composée de plusieurs cellae, disséminées à l’intérieur de la Marche. Sur une hypothèse exprimée dès 1929 par Charles Pfleger, Médard Barth établit en 1946 la dérivation latine de Dillerescella à partir de Sanc[ti Hilarii cella] et la formation populaire de Dillersmunster à partir de Sank[t-Illersmünster] : le t final de l’adjectif s’est simplement accolé au nom propre de Hilarius, dont le H initial restait muet51. Les études de Margrit Koch en 195952 et la réédition critique de la Vie de saint Fridolin par Mechtild Pörnbacher en 199753 ont confirmé cette interprétation. La Vie hagiographique de saint Fridolin contient un noyau historique certain.

44 D’origine inconnue, alémanique ou franque plutôt qu’irlandaise, Fridolin fut moine, puis abbé du monastère de Saint-Hilaire à Poitiers (635-645). Au contact du monastère de la Sainte-Croix, fondée par sainte Radegonde († 587), il apprit à connaître le monachisme provençal de saint Césaire d’Arles. Sur la fin de sa vie, il se découvrit la vocation de missionnaire pour propager le culte de saint Hilaire et de la sainte Croix. Avec l’autorisation de Clovis II, roi de Neustrie et de Burgondie (639-657), il parcourait les marches de l’Est, fonda le monastère de Saint-Nabor, l’actuel Saint-Avold, prit l’ancienne route romaine de Trèves à Metz, traversa le col de Saverne, s’établit non loin de là au flanc des retombées vosgiennes près de l’actuel Reinhardsmunster, y laissa sans doute une petite communauté. De là, il partit vers Strasbourg, où il érigea peut- être une église. Puis, il remonta le Rhin vers le Sud jusqu’en Rhétie, revint dans l’actuelle région de Säckingen. Il y fonda un monastère double sous le vocable de la sainte Croix sur le modèle de Saint-Hilaire et de la Sainte-Croix à Poitiers. Par ce détour, l’ancien monachisme gallican de saint Césaire d’Arles frôlait donc au moins temporairement l’Alsace. Cet exemple illustre la multiplicité et la variété des influences monastiques, ayant eu leurs retombées dans cette province.

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Wissembourg (631 ? 650-660 ? avant 661)

45 Jusqu’au XVIIIe siècle, l’abbaye de Wissembourg passait pour une fondation du roi Dagobert Ier (622-639) en 623. J.-D. Schoepflin en 1772 et Philippe Grandidier en 1776, établissant comme fausse la prétendue charte dagobertine de la fondation54, ont remplacé le prétendu auteur Dagobert Ier par son homonyme Dagobert II (656-660/661, 676-679). La découverte du Codex des Traditions (ou des Donations) en 1842 ouvrit un débat qui n’a pas encore trouvé sa conclusion. Anton Doll, en 1999, résume les discussions par la double constatation : 1. Il est impossible de proposer une année précise pour la fondation. 2. La décennie entre 650 et 660 semble la période la plus probable pour situer cette fondation55. Ces diverses discussions ont eu le mérite d’examiner des textes multiples et de chercher des datations très fines. En cherchant un acte de fondation unique et définitif, elles ont reporté à l’époque mérovingienne des pratiques et des précisions juridiques d’une époque postérieure. Cet anachronisme inconscient a voilé les faits et faussé le débat. La comparaison avec d’autres situations semblables invite, au contraire, à admettre une certaine progressivité des fondations irlandaises et iro-mérovingiennes au cours du VIIe siècle. Certes, les documents ne sont pas très clairs et ils n’imposent pas une conclusion évidente. En filigrane, ils suggèrent une pratique courante. À Munster, une fondation iro-mérovingienne semble avoir précédé vers les années 630 une refondation anglo-saxonne dans la décennie de 660-670. À Marmoutier, les anciens moines ont habité des cellae dispersées avant de se regrouper au début du VIIIe siècle dans un monastère central. L’abbé-évêque Déodat, venant de Rome, pérégrinait dans les régions de Hunawihr, avant de se fixer à Ebersmunster vers 675, pour ensuite passer les Vosges et fonder un nouveau monastère qui devait immortaliser son nom sous l’appellation de Saint-Dié.

46 Le monastère de Saint-Pierre à Wissembourg, édifié par l’évêque Dragobodo, existait certainement le 24 février 661. À cette date, il est mentionné comme tel dans la plus ancienne charte de donation du Livre des Traditions56. Les débuts du pontificat de Dragobodo à Spire sont difficiles à fixer. Il a pu monter sur ce siège dès 634 et jusque vers 66057. Le même évêque Drogobodo signe la charte de l’évêque Numérien de Trèves pour Saint-Dié sous le roi Childéric II (662-675). L’évêque Rothaire de Strasbourg figure comme autre cosignataire dans la liste des témoins. Ce même évêque Rothaire conseille également une donation en faveur de l’abbaye de Munster entre 662 et 66658. La liste des personnages cités dans la charte de l’évêque Numérien invite à la situer entre 660 et 67059. À Saint-Dié, l’observance était celle des moines pérégrinants sous la Règle de saint Benoît et de saint Colomban60. Il devait en être de même pour les premiers moines de Wissembourg.

47 Peut-on remonter plus haut et admettre la fondation de Wissembourg dès l’année 631, comme le veut une inscription61 vers l’an 1100 dans la table pascale de Munster ? François Himly l’a soutenu. Anton Doll l’a mis en doute. La notice ne fournit pas une preuve. Elle peut ouvrir une possibilité. Si tel était le cas, les débuts de Wissembourg se situeraient durant l’interrègne en Austrasie, en raison de la minorité de Sigebert III. Dagobert Ier monta au siège de Paris en 629. Sigebert III régna effectivement en Austrasie de 633 à 656. Sous le règne de Dagobert Ier en Neustrie (629-639), l’aristocratie mérovingienne adopta le monachisme colombanien sous la règle mixte de saint Benoît et de saint Colomban. Or, dans les strates les plus anciennes du Livre des Traditions, c’est précisément la noblesse austrasienne qui soutint le plus activement et le plus

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généreusement la fondation de Wissembourg. Le débouché de la Lauter entre les Vosges du Nord et les Monts du Palatinat ouvrit une percée stratégique vers une extension en direction du Rhin moyen. La falsification de la donation dagobertinienne au XIIe siècle pourrait à la rigueur contenir un grain de vérité. De façon indirecte, la fondation pourrait remonter à une initiative lointaine de ce bon roi.

48 Les différentes sources invitent à regarder la fondation du monastère non comme un acte unique, mais comme un processus échelonné dans le temps. Dans les années 635-640, des moines irlandais ou iro-mérovingiens pouvaient établir leurs cellae sur les bords de la Lauter. Vers le milieu du siècle, soit entre 650 et 660, l’évêque Drogobodo pouvait accorder sa confirmation officielle et son soutien matériel. À partir de 682 et jusqu’en 732, l’aristocratie austrasienne multipliait ses donations, au témoignage du Livre des Traditions. La tradition courante à partir du milieu du Xe siècle connaît « une donation royale »62 qu’aurait faite le maire du palais Pépin le Bref (712-668). Ces hypothèses ne lèvent pas le voile sur une réalité historique qui paraît à jamais cachée.

49 L’observance interne reste également sujette à caution. Saint Pirmin a-t-il effectivement introduit l’observance bénédictine, comme le veut la tradition ? Aucune preuve n’en apporte la garantie63. Tout au plus peut-on constater un changement dans la mise en commun des biens. Jusque vers 737, les rejetons des grandes familles austrasiennes qui firent profession dans leur monastère donnèrent leur bien à l'abbaye et les recevaient en retour en précaire ou en usufruit. Bien que moines, ils continuaient à vivre en grands propriétaires. Après 737, cette rétention des biens personnels après l’émission des vœux cesse. Les tractations postérieures à la profession monastique ne se font plus au nom des traitants, mais au nom du monastère et de la communauté.

50 Après les décrets du synode d’Aix la Chapelle de 816, l’influence unificatrice se fait sentir au moins sur deux points. Les Annales de Wissembourg notent à la date de 815 : « Tous les moines doivent suivre le cursus de saint Benoît pour le chant des psaumes ». Le canon 39 du synode d’Aix-la-Chapelle de 816 donne au praepositus la seconde place après l’abbé. Les sources de Wissembourg antérieures à cette date connaissent un abbé auxiliaire et un doyen (decanus). Un praepositus apparaît en 830 et en 860-86464. Ensuite le langage et les fonctions deviennent de nouveau plus flous. Un decanus réapparaît en 92865, il exerce ses fonctions simultanément avec un praepositus en 128166. Au lendemain du synode du moins, la communauté de Wissembourg s’est conformée aux directives d’Aix-la-Chapelle et à son animateur saint Benoît d’Aniane67.

51 Durant l’histoire postérieure, bien connue, l’abbaye de Wissembourg atteste de façon continue et simultanée des caractères à la fois royaux ou impériaux, aristocratiques et épiscopaux, irlandais et continentaux, « idiorrythmiques » – tolérant des exceptions personnelles – et « cénobitiques » – imposant une règle commune68. Ces gènes héréditaires devaient bien provenir des origines de la fondation.

Munster au Val Saint-Grégoire (633 ? 660 ? avant 675)

52 Faute de documents fiables et probants, les origines de l’abbaye de Munster plongent dans une obscurité presque totale69. La fondation du monastère est certainement antérieure à l’an 675. En effet, le 4 mars de cette année, le roi des Francs Childéric II70 renonce à toutes les perceptions du fisc, amendes et autres sur les hommes habitants à Muntzenheim (canton d’Andolsheim) et à Ohnenheim (canton de Marckolsheim)71. Le

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souverain fait cette renonciation en faveur de Valedius, abbé du petit monastère du Confluent (monasteriolum Confl[u]entis). Ce petit monastère se situe donc à la confluence de la Grande et de la Petite Fecht. La dénomination de Monastère du Confluent ou de la Confluence reste courante jusqu’à la fin du IXe siècle. Elle resurgit encore occasionnellement au XIIIe siècle. Il s’agit donc d’un toponyme bien ancré dans la tradition intérieure et extérieure au monastère.

53 En 675, il n’est pas encore question, dans les actes officiels, d’un patronage du pape saint Grégoire le Grand. Ce patronage apparaît seulement au tournant de l’année 746/747. Le 1er janvier 746, Bodalus, fils de Hugues, de la famille des Étichonides fait une donation « au monastère de Saint-Grégoire et de tous les autres saints qui est construit dans les Vosges, entre les deux rivières de la Fecht »72. Dès lors, le monastère du Confluent s’appelle couramment le Monastère de Saint-Grégoire. La désignation est courante à partir du IXe siècle. Le patronage s’étend du monastère à la ville à la vallée. Dès la fin du XIIIe siècle, le monastère prend le nom d’abbaye du Val Saint-Grégoire (Münster im Gregoriental). L’origine de ce patronage reste une énigme pour nous, comme elle fut déjà un rébus pour les moines de Munster. Au XIIe siècle prend naissance « une tradition commune » qui deviendra l’explication officielle des origines de l’abbaye Saint-Grégoire à Munster73.

54 Cette tradition commune connaît une double fondation du monastère, l’une en 633, l’autre vers 660. « En 633, des moines ont commencé pour la première fois à habiter ce lieu ». Puis de nouveau, cinquante-cinq ans après la mort du pape saint Grégoire († 604) soit vers 660, des moines commencèrent à habiter ce lieu. Sur la base de ces données hagiographiques, la tradition commune élaborée par les moines de Munster, peut-être à partir de l’Histoire ecclésiastique de Bède, admit une double fondation de l’abbaye. Cette tradition constante est transmise par plusieurs documents. On la trouve pour la première fois dans la Cosmographie universelle de Sébastien Munster de 1544 : « Environ l’an 534 (sic) vinrent quelques religieux de Rome au désert des monts des Vosges, et commencèrent là en des lieux mal aisés de bâtir de petites cabanes pour servir Dieu. Puis en l’année 660, Hildéric roi d’Austrasie fonda là même un monastère et une abbaye de l’ordre Saint-Benoît, en l’honneur de la glorieuse Vierge Marie, des Apôtres S. Pierre et S. Paul, et de S. Grégoire : d’où aussi cette vallée est appelée la vallée S. Grégoire. En ce monastère furent abbés Hetto, Remi et Rachio, lesquels depuis ont este faits évêques de Strasbourg au temps de Charlemagne »74. Et si cette tradition constante, attestant une double fondation, gardait le souvenir d’origines réelles, mais déformées par la mémoire collective ?

55 Certes, une éventuelle introduction de la Règle de saint Benoît seule en 633 et même vers 660 relève d’un anachronisme certain. Mais des moines irlandais ou iro- mérovingiens, observant la Règle mixte de Colomban et de Benoît, ont pu se fixer dans la vallée de la Petite Fecht. L’actuel Schweinsbach, appelé primitivement le village des Scotti (Scottenwilre), aurait pu gardé la trace de leur passage75. Il est peu probable que ces moines pérégrinants aient ramené de Rome le patronage de saint Grégoire, peu vénéré alors dans la ville papale. C’est une première hypothèse d’explication.

56 Une seconde supposition est plus vraisemblable et globalement plus fondée dans les textes. Et si le deuxième groupe de fondateurs venait non pas d’Irlande mais d’Angleterre ? Le culte de saint Grégoire y était plus vivant qu’à Rome même. L’évêque Théodore de Cantorbéry (668-690) préparait les bases de la mission anglo-saxonne. La fondation de Munster présente plusieurs traits qui l’apparentent à la mission anglo-

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saxonne. Le roi Oswald de Northumberland († 642) figure dans les Annales de Munster. Selon ces mêmes Annales, trois abbés de Munster, Heddo en 745, Remigius en 768, Rachio en 773 seraient devenus évêques de Strasbourg. La chronologie des abbés de Munster et celle des évêques de Strasbourg ne concordent pas entièrement. Mais ces rapprochements ont pu garder le vague souvenir d’un lien particulier entre l’abbaye de Saint-Grégoire et le diocèse de Strasbourg. En raison de la faiblesse du diocèse de Bâle à cette époque, le siège de saint Arbogast mordait alors sur la Haute Alsace, comme le prouve l’intervention de l’évêque de Strasbourg Widegern aux origines de Murbach en 728. Or, l’érection de monastères bénédictins et conjoints à des sièges diocésains restait une visée permanente de la mission anglo-saxonne.

57 Bruno Judic76 crut même pouvoir mettre un nom sur cet intermédiaire entre le roi Childéric II (662-673/675), sa mère Emnechilde, veuve de Sigebert III (633-656), – deux bienfaiteurs que l’on trouve aux origines de Munster –, d’une part, avec l’évêché de Strasbourg, d’autre part. Il s’agirait de l’anglo-saxon Wilfrid. Celui-ci joua un rôle déterminant auprès du maire du palais Wulfoald pour ramener d’Irlande, où il était en exil, Dagobert II, roi d’Austrasie de 676 à 679. Pour le récompenser de ses bienfaits, le roi, ayant retrouvé son trône, demanda même que Wilfrid reçoive dans son royaume reconquis « le principal évêché attaché à la cité de Strasbourg ». Le protégé du roi devait décliner cette offre. L’expression de « principal évêché attaché à la ville de Strasbourg » laisse entendre l’existence d’un autre évêché en dehors de la cité même. Cette expression, quelque peu alambiquée, ne pourrait-elle pas désigner purement et simplement l’abbaye Saint-Grégoire de Munster ? Le rapprochement est certes astucieux. La démonstration n’est sans doute pas contraignante. Elle est du moins suggestive. Par un ensemble de traits, l’abbaye de Saint-Grégoire de Munster paraît se rattacher et à la pérégrination irlandaise et à l’établissement plus institutionnel de bénédictins anglo-saxons77.

Marmoutier (vers 656-662)

58 Dans son Histoire de l’Abbaye de Marmoutier, parue en 1899, Félix Sigrist data la fondation de Marmoutier en l’année 589 et fit de cette abbaye la plus ancienne des maisons religieuses d’Alsace78. Cette datation repose sur la charte de confirmation du roi Thierry IV, fixée en 724. Il s’agit d’un faux de la seconde moitié du XIIe siècle, fabriquée à partir d’un authentique. Le roi confirme les donations faites par le roi Childebert, apparemment le deuxième de ce nom (575-596)79. D’autres chartes douteuses ou fausses amplifient cette prétendue donation de Childebert II80. Depuis lors, les admirateurs de l’abbatiale et les propagateurs de son histoire – dans une fierté légitime et compréhensible – ont maintenu cette date, sans la remettre en question. Celle-ci se heurte cependant à quelques difficultés historiques et contextuelles.

59 Durant la dernière décennie du VIe siècle, aucun mouvement monastique de quelque importance n’a touché l’Alsace. Colomban et ses disciples abordèrent seulement vers 591 les côtes armoricaines, fondèrent seulement en 592 leur premier monastère d’Annegray dans les Vosges et seulement peu après celui de Luxeuil. Le monachisme irlandais et iro-mérovingien ne s’est vraiment répandu dans le royaume mérovingien qu’après l’accession en 629 du roi Dagobert Ier, auparavant uniquement roi d’Austrasie, à la tête de la royauté centrale. La diffusion s’est faite à partir de deux centres principaux : l’Ile-de-France et les Vosges méridionales.

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60 Les incohérences chronologiques se lèvent, si l’on admet que la fondation de Marmoutier se fit avec l’appui du roi Childebert III l’Adopté (656-662), fils de Grimoald et adopté par le roi Sigebert III d’Austrasie. Cette datation, déjà suggérée par Volcyr81 et André Marcel Burg82, situe la fondation de Marmoutier dans un contexte monastique et politique cohérent.

61 Les terriers de l’abbaye de Marmoutier de la fin du XIe et du début du XIIe siècle ont gardé le souvenir « de celles d’anciens moines » (cellae antiquorum monachorum), à Reinhardsmunster, à Thal, à Sindelsberg et sur la Zorn83. Cette énumération conserve selon toute probabilité la mémoire du premier établissement monastique. Des cellae ou des groupements monastiques dispersés se rattachaient à un noyau central, établi probablement à l’actuel Lochwiller, du nom du premier abbé connu, Leobardi-villa. Le regroupement en un monastère carolingien unique devait se faire seulement au milieu du VIIIe siècle, sous l’abbatiat de Maur (vers 724-761). Cette dispersion des moines d’une même communauté en cellae différentes correspond bien à l’organisation du monachisme irlandais. De même, le regroupement en un édifice central unique répond tout à fait à la visée centralisatrice des carolingiens, dès leur accession au trône.

62 Le bref passage de Benoît d’Aniane durant dix mois en 814 et 815 à l’abbatiat de Marmoutier marqua une insertion plus grande de l’abbaye alsacienne dans le réseau des abbayes royales franques. Peu après son accession au pouvoir, l’empereur Louis le Pieux « ordonna à Benoît [d’Aniane] de se rendre dans le pays de Francie, et lui désigna en Alsace le monastère de Maur, où il [l’abbé] établit plusieurs de ses disciples qui suivaient sa manière de vivre »84.

63 Sous l’abbé Celse (827-853), l’empereur Louis le Pieux confia le monastère de Marmoutier à son demi-frère Drogon, évêque de Metz (823-855). Plusieurs historiens datent la mainmise des évêques de Metz sur l’abbaye de cette époque. Les relations de Marmoutier avec les évêques de Metz devaient être plus anciennes. Elles remontent probablement aux descendants directs de saint Arnould, car l’évêque était marié avant d’accéder à l’épiscopat, et à Grimoald († 662), fils de Pépin Ier, dit l’Ancien, et maire du palais d’Austrasie. L’évêque Drogon y transféra des reliques de ses deux prédécesseurs, Céleste, évêque peu après 275, et Auteur ou Auctor, son successeur vers 451. La translation de ces reliques devait asseoir le pouvoir de l’évêque translatant85. Mais ce renforcement du pouvoir épiscopal, à la fois ecclésial et féodal, devait rattacher l’abbaye alsacienne, à la lisière des influences lorraines, davantage à la capitale de Metz. Ce lien très ancien explique le fait que jusqu’à la Révolution française, les abbés de Marmoutier, relevant au spirituel de l’évêque de Strasbourg seulement à partir du milieu du XIIe siècle, devaient solliciter leur investiture temporelle auprès de l’évêque de Metz, leur seigneur féodal86.

Ebersmunster (671-672 ? vers 675)

64 Une tradition unanime, attestée par la Chronique, les chartes – vraies ou fausses – ainsi que les Vies hagiographiques, attribue la fondation temporelle du monastère de Novientum ou d’Ebersmunster au duc d’Alsace Adalric ou Étichon et à son épouse Béreswinde, les parents de sainte Odile. Une terre occupée dès l’époque celtique, devenue domaine fiscal, fut remise à Déodat, qualifié de Nivernensis episcopus, pour y fonder un monastère en l’honneur des apôtres Pierre et Paul, ainsi que de saint Maurice et de ses compagnons, martyrs.

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65 Ce Déodat aurait d’abord pratiqué la pérégrination dans la région de Hunawihr, où il aurait bénéficié des largesses de Huna et de son mari Huno87. De là il se serait établi à Novientum sur les bords de l’Ill. Puis, il aurait franchi les Vosges et fondé un nouvel établissement à l’endroit appelé Juncturae, qui aurait pris et gardé son nom de Saint- Dié. Sans doute son nom de Nivernensis episcopus (évêque de Nevers) est-il une déformation de Hibernensis episcopus (évêque venu d’Irlande). Le caractère légendaire de la première partie de la Chronique88, l’imprécision des Vies hagiographiques et la falsification des anciennes chartes rendent les origines de la fondation d’Ebersmunster très difficile à déchiffrer. Il est à peu près certain que la fondation du monastère de Saint-Dié eut lieu sous le règne de Childéric II (662-675) et que Déodat y est mort en 77989. On peut en déduire que Déodat a pu passer à Ebersmunster vers 675, peut-être même au début du règne du duc Adalric (vers 671-672). Par la fausse charte, datée de 672, mais reposant sur un authentique antérieur, pas nécessairement rédigé pour Ebersmunster, le roi Thierry III (679-690/691) informe le duc Adalric qu’il concède au monastère d’Ebersmunster, en plus du droit de protection accordé antérieurement, l’immunité fiscale et judiciaire sur le village voisin de Hilsenheim90.

66 Selon Christian Pfister, Déodat, un abbé-évêque probablement d’origine irlandaise, a fondé sous le règne de Childéric II (662-675) le monastère vosgien qui prit plus tard son nom de Saint-Dié. Lui-même ne serait jamais venu à Ebersmunster sur les bords de l’Ill. La fondation alsacienne a pu être l’œuvre de son disciple Erhardus, qui figure en deuxième place dans la liste abbatiale du monastère. C’est le chroniqueur du XIIe siècle qui aurait attribué la genèse d’Ebersmunster à cet abbé-évêque irlandais91. Au contraire, André Marcel Burg tient l’intervention de Déodat à Ebersmunster comme « vraisemblable »92. Quoi qu’il en soit, il parait assuré que le duc Adalric ou Étichon et son épouse Béreswinde ont pris l’initiative de l’érection de ce monastère et qu’ils lui ont fait de généreuses donations. Par ailleurs, les premiers Étichonides ont soutenu la diffusion du monachisme irlandais ou iro-mérovingien, à Hohenbourg même et surtout à Honau. À Novientum, comme à Honau, ces pérégrinants irlandais trouvaient un environnement aquatique, propice à leur ascèse. Les origines irlandaises ou iro- mérovingiennes de cette fondation monastique semblent donc garanties. La communauté d’Ebersmunster a pu garder dans sa tradition orale – qui est souvent tenace – la mémoire de Déodat et elle a pu fixer ce souvenir par écrit au XIIe siècle.

67 Les interventions présumées de Charlemagne en 77093 et en 81094, de Louis le Pieux en 81495, 81796, 82497 et 82998, transcrites dans des chartes fausses mais pouvant s’inspirer de chartes authentiques, attesteraient que le monastère dut passer, après l’extinction du duché d’Alsace au milieu du VIIe siècle, sous la tutelle centrale du royaume. La notice sur les monastères royaux ou impériaux de 81999 et le traité de Meersen de 870 100 confirment ce statut royal ou impérial, mais de second rang, de l’abbaye d’Ebersmunster.

68 En 889, le roi Arnulf (887-895) aurait placé le monastère sous la tutelle de l’évêque de Strasbourg101. D’impériale, l’abbaye serait devenue épiscopale. Le doute sur le texte de ce diplôme et l’imprécision sur le caractère transitoire ou permanent de ce changement ouvrent au XIIe siècle un long débat entre l’évêché de Strasbourg et l’abbaye d’Ebersmunster sur le statut légal de l’abbaye. Par la bulle de 1183, le pape Lucius III prend l’abbaye et ses propriétés sous la protection pontificale, les soustrayant par le fait même à la seigneurie féodale de l’évêque102.

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69 Selon le formulaire usuel de la curie romaine, l’évêque diocésain conserve cependant la justice ou la juridiction canonique. Les moines d’Ebersmunster souhaitaient plus. Par une rature dans le texte, ils ont essayé de s’attribuer la dépendance canonique directe du Siège apostolique. Évidemment, ils ne l’ont jamais obtenue. Inversement, l’évêque de Strasbourg n’a jamais réussi à intégrer l’abbaye d’Ebersmunster dans son bailliage épiscopal de Benfeld, comme il le souhaitait. À terme et du point de vue de la féodalité, l’abbé d’Ebersmunster restait maître chez lui. Il reconnaissait l’évêque de Strasbourg comme supérieur ecclésiastique et canonique, jamais comme seigneur féodal et domanial.

Honau (vers 720)

70 Vers 720 – la date ne peut être précisée davantage –, le duc d’Alsace Adalbert, fils d’Adalric et de Béreswinde, fonda le monastère de Honau et le confia à l’abbé-évêque Benedictus103. Le domaine relevait du patrimoine fiscal que la famille des Étichonides s’était appropriée. Le patronage céleste était remis à l’archange saint Michel, protecteur favori des Irlandais. En 722, le même duc Adalbert augmenta la première donation. La insula Honaugia, difficile à localiser avec précision, ne devait pas être une simple île, de quelques hectares seulement. Les indications cartographiques104 et topographiques105 postérieures suggèrent un vaste territoire, de plusieurs kilomètres carrés, bordé et traversé par les méandres à l’embouchure de l’Ill dans le Rhin. Le domaine monastique proprement dit devait s’étendre à cheval sur le cours actuel du Rhin, sur une grande partie des bans actuels de Honau, sur la rive droite, et de La Wantzenau avec le village disparu d’Abertsheim, sur la rive gauche du Rhin. L’emplacement se situait à proximité du port extérieur de Strasbourg. Le site convenait parfaitement à la prédilection des Irlandais pour les eaux et à leur attirance pour les voyages lointains.

71 Depuis la fondation jusqu’à la disparition du duché d’Alsace et l’effacement de la famille des Étichonides, le monastère de Honau fait figure de fondation propre de la famille ducale. Il en reçoit privilèges et donations, aussi bien en nature qu’en argent. Vers 750, le monastère passe directement sous la tutelle du pouvoir central. Les premiers souverains carolingiens prennent le monastère et ses biens sous la protection royale. Charlemagne lui accorde l’exemption du tonlieu ou du péage, aussi bien par route terrestre que par voie fluviale. Le monastère pouvait commercer au loin. Les propriétés terriennes étaient également importantes. Le cartulaire perdu du moine Léon, copié vers 1070, contenait plus de mille actes de donations.

72 Ces déplacements et ces propriétés soutenaient les missions lointaines. Les cinq premiers abbés connus étaient en même temps évêques. Leurs activités religieuses et missionnaires, sur le site, dans les proches environs en Basse-Alsace, au loin en Hesse, pouvaient se dérouler de façon autonome, sans aucun recours à quelque évêque diocésain. En 778 ou en 810, l’abbé Beatus, le premier abbé non évêque, remit par testament huit églises à son monastère, deux dans la ville de Mayence, six autres en Hesse. Le moine missionnaire avait chassé sur les terres mêmes que saint Boniface s’était réservées. Les Irlandais francs-tireurs tenaient assez longtemps tête aux forces centralisatrices dont la papauté romaine cherchait à quadriller la Germanie.

73 Au début du XIIe siècle, l’ancien monastère de Honau apparaît comme un chapitre épiscopal. Il garde encore un certain lustre grâce à l’écolâtre Hugues, étudiant à Paris,

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envoyé deux fois en mission diplomatique à Constantinople. Puis la montée des eaux obligea les chanoines à déménager d’abord à Rhinau (1290), puis à Saint-Pierre-le-Vieux à Strasbourg (1398). En s’intégrant dans l’Église diocésaine, l’ancien monastère des Irlandais perdit sa vigueur.

Hohenbourg (Mont Sainte-Odile) (vers 720)

74 À défaut de chartes d’époque, la Vie de sainte Odile reste le principal document ancien pour connaître les origines du monastère106. Ce récit hagiographique a été composé à la fin du IXe ou au début du X e siècle à l’abbaye même par un desservant de la communauté des religieuses. Avant cette date, la communauté avait adopté – à une époque impossible à préciser davantage – le statut canonial. Les données certaines de cette biographie, mises en parallèle avec d’autres données contemporaines, permettent de brosser un tableau assez détaillé de la fondatrice et de la fondation107.

75 Sur un site préhistorique, dont la datation est controversée, dans la citadelle de son père Adalric, duc d’Alsace († vers 700) et de sa mère Bereswinda († vers 690), Odile, sœur d’Adalbert, duc d’Alsace († vers 722/723), aveugle de naissance, miraculeusement guérie, fonda un monastère de religieuses. La comparaison des données de la Vie de sainte Odile avec la Vie des saints de Remiremont, Amatus, Romaricus et Adelphus108 permet de situer sa fondation dans la mouvance du monachisme iro-mérovingien qui depuis un siècle s’est étendu dans le royaume mérovingien. Le mouvement des pérégrinants comprenait aussi des pérégrinantes, des religieuses associées aux moines et soutenues par eux. Une telle communauté de religieux existait d’ailleurs à Hohenbourg, pour le service liturgique de la communauté des sœurs. La règle mixte de saint Colomban et de saint Benoît fut selon toute apparence la norme spirituelle de la communauté. Car, à côté d’usages typiquement irlandais, la Vie fait quelques emprunts au texte de la Règle de saint Benoît.

76 Avant sa transformation en chapitre canonial, la communauté de la Montagne d’en Haut (Hohenburg) put rayonner dans une périphérie assez étendue et étoffer le réseau des monastères familiaux de la dynastie des Étichonides.

Niedermunster (vers 720)

77 La fondation du « monastère d’en bas » est étroitement liée aux origines du « monastère d’en haut »109. De concert avec sa communauté, l’abbesse Odile décida l’érection d’une hôtellerie au pied de la montagne, pour y accueillir les pèlerins. En raison de l’aménité du lieu et de la facilité d’y capter l’eau, cette dépendance fut transformée en monastère proprement dit. D’importantes constructions furent édifiées. Les vestiges les plus anciens datent de l’époque de sainte Odile110.

Saint-Étienne à Strasbourg (vers 720)

78 Les origines de ce monastère urbain sont particulièrement brouillées en raison de la falsification des chartes anciennes111. L’existence du monastère est attestée occasionnellement en 801 par la mention d’une « terre de Saint-Étienne », située dans l’extension du périmètre urbain vers le Nord112. Les confirmations impériales de la première moitié du IXe siècle sont des faux, mais ils reposent sur des authentiques. À la

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même époque, les sœurs de Saint-Étienne figurent dans les Nécrologes de Saint-Gall et de la Reichenau. L’incertitude concerne la période antérieure.

79 La tradition, transmise par les documents, attribue la fondation au duc Adalbert, décédé entre juin 722 et juin 723. Le roi Childéric aurait accordé l’immunité royale113. Ni le règne de Childéric II (662-675), ni celui de Childéric III (743-752) ne s’accordent avec la chronologie du duc Adalbert. Il faut donc admettre une confusion entre Childéric et Chilpéric. Le règne de Chilpéric II (715/716-721) s’insère parfaitement dans la suite chronologique.

80 Attala, fille du duc Adalbert et nièce d’Odile, est citée comme la première abbesse. Son mandat devait s’achever à son décès vers 741114.

81 La fondation a été faite pour quatre chanoines (canonici), dont l’un devait assurer la gestion matérielle, et trente religieuses (sanctimoniales)115. Ce titre ne présume rien de leur statut monastique ou canonial. L’observance primitive devait être la même qu’à Hohenbourg, la maison fondatrice. Il est probable que la communauté a opté pour le statut canonial dès le lendemain des synodes d’Aix-la-Chapelle de 816 et de 817. Les références explicites à l’ordre de Saint-Augustin apparaissent dans les documents seulement au milieu du XIIIe siècle116.

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Fondation du Hohenbourg, représentée dans le Hortus Deliciarum de l’abbesse Herrade de Landsberg

Dans le registre du haut, donation par le duc Ettichon du Hohenbourg au Christ, qui se détache sur une église à deux tours, qui pourrait être la représentation de l’église du couvent au XIIe siècle. Le Christ tient dans sa main un long bâton qui passe par Marie sa mère et saint Pierre, et va jusqu’au duc Ettichon, représenté agenouillé et ayant enlevé son manteau ducal qu’il tient dans sa main. Le texte placé au dessus de lui précise : « Le saint duc Ettichon, appelé aussi Adalric, fait donation au Seigneur Jésus-Christ, à sainte Marie toujours vierge, à saint Pierre, du monastère qu’il a fondé sur le mont Hohenbourg, avec toutes ses dépendances. De la main gauche, le Christ déploie une grande banderole qui descend jusque sur l’image du bas et porte le texte : ô vous qui sur cette triste terre êtes emprisonnés, rompus par la fatigue, affligés dans l’exil, épuisés par la douleur, consumés par l’ardeur de la passion, cherchez-moi, espérez en moi, apprenez à me connaître, à m’aimer, et à m’invoquer, je serai dans le ciel votre lumière, votre repos, votre patrie, votre remède, et votre rafraîchissement ». Puis à gauche du Christ, saint Jean-Baptiste, et sainte Odile elle-même. Sur l’image du bas, le duc est assis sur son trône et il remet à sa fille, Odile, entourée des sœurs, la clé du monastère de Hohenbourg, dont elle devient l’abbesse. À droite, Herrade a représenté l’abbesse Relinde, à qui elle a succédé. Le texte placé à coté d’elle précise : « Relinde abbesse vénérable du monastère de Hohenbourg, a su réparer les dommages que le monastère avait subis, elle a restauré avec sagesse l’esprit religieux, alors presque perdu ». Relinde montre la Croix, qui comprend son testament : « Relinde à la congrégation de Hohenbourg : ô cher troupeau, uni sous une loi céleste à l’abri de toute erreur, que celui que l’on appelle la Montagne de Sion, qui est le pont pour arriver à la patrie, qui est la source de toute bien, la voie et la lumière, te serve de guide, que sa Croix te protège. Le Christ procure la douce rosée de la vertu, le bonheur immuable (du ciel) la fleur de la virginité. Qu’il te gouverne, cher troupeau, et qu’il ait pitié de moi, maintenant et à jamais. Amen ». Herrade a voulu ainsi souligner la continuité dans la vie religieuse du monastère de Hohenbourg fondé par le duc Ettichon et sa fille Odile, du VIIe au XIe siècle, où Relinde et elle assurent les fonctions d’abbesse.

Murbach (727-737)

82 La fondation de Murbach n’est pas entachée de légendes, mais garantie par des documents certains. En 727, l’évêque itinérant Pirmin, séjournant à l’île de la Reichenau

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depuis 724, se heurtait à l’opposition de l’évêque de Constance et du duc d’Alémanie. Agissant au nom du maire du palais Charles Martel, l’abbé-évêque Pirmin, sans doute originaire d’Île-de-France, soutenait trop par son activité missionnaire les visées du souverain carolingien vers l’Alémanie. Devant cette opposition, l’évêque missionnaire quitta les bords du Lac de Constance et s’établit dans le vallon du Belchenthal, au pied du Grand Ballon.

83 Les difficultés rencontrées par l’abbé-évêque Pirmin à la Reichenau avec l’évêque de Constance en 727 semblent avoir motivé sa venue dans cette solitude vosgienne117. La fondation de Murbach est attestée par quatre actes dont la fiabilité a été vérifiée par la critique. L’évêque Widegern de Strasbourg confirme la fondation, le 13 mai 728118. Le roi Thierry IV accorde la protection royale, le 12 juillet 728119. Le comte Eberhard et sa femme Hemeltrude font une première donation, le 1er février 731120. Le même couple princier ajoute un second legs entre 735 et 737121. La communauté conclut un acte de vente en 730122 et un don en précaire en 735123. Ces documents permettent de dater la fondation de Murbach au cours de l’année 727, car en mai 728 le monastère est déjà pourvu d’une église, de bâtiments, et de dépendances. Les bases de la fondation ont été jetées en l’espace de moins de dix ans. La seconde donation du comte Eberhard entre 735 et 737 achève l’établissement du monastère. Cette période de fondation correspond à l’abbatiat de Romanus (730-737), que le fondateur Pirmin a sans doute institué.

84 Dans cette fondation, l’évêque Pirmin fait figure d’initiateur spirituel. « Avec ses moines pérégrinants, l’évêque Pirmin institua en ces lieux une communauté monastique sous la Règle de saint Benoît ». Cette phrase lapidaire de l’acte de confirmation de l’évêque Widegern résume la portée de l’initiative de Pirmin. Il met fin à la période de pérégrination, encore rappelée dans la première partie de l’acte, pour transformer un groupe de moines itinérants sous la Règle mixte de saint Colomban et de saint Benoît en une communauté de moines sédentaires sous la seule Règle de saint Benoît. De nombreux signataires ecclésiastiques apportaient leur caution à cette initiative. Parmi eux, figure saint Willibrord, évêque d’Utrecht et fondateur de l’abbaye d’Echternach († 739). Il garantit ce passage dans une fondation d’Alsace du monachisme d’origine irlandais et d’adaptation iro-mérovingienne au monachisme d’importation anglo-saxonne.

85 Le comte Eberhard, fils du duc d’Alsace Adalbert, mit à la disposition de l’évêque Pirmin son domaine allodial124. Il finança la première construction et apporta les premiers subsides matériels125. Lui et le duc Liutfrid, son frère, ont signé tous les deux la charte de confirmation de l’évêque Widegern. Ils apportent la caution de la société « civile ». Ils s’associent en cela le comte Wolfoaldus, peut-être un membre de l’aristocratie austrasienne qui a fondé l’abbaye de Saint-Mihiel. Le comte et le duc engagent ainsi le soutien de la lignée des Étichonides. Après Hohenbourg, Saint-Étienne de Strasbourg, Honau et Wissembourg, Murbach est le dernier monastère familial de cette maison d’Alsace.

86 L’évêque Widegern de Strasbourg, qui étendait alors son influence jusqu’en Haute- Alsace, accorde l’exemption ecclésiastique, la plus étendue. La fondation est absolument indépendante de l’évêque diocésain et de tout autre évêque. Le roi Thierry IV couronne tout l’édifice en tant que tuteur politique. L’immunité royale se transformera par la suite en immédiateté d’Empire. Par l’adoption de la Règle de saint Benoît seule et l’intégration du monastère dans le système féodal naissant, l’évêque

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Pirmin posa la première pierre d’angle du monachisme féodal en Alsace, avec les avantages et aussi les inconvénients de ce système.

Neuwiller (vers 741)

87 Faute de chartes anciennes fiables, les origines de l’abbaye de Neuwiller se perdent dans la nuit des temps. La Chronique de Koenigshoven résume la tradition courante126. Vers l’an 600, le monastère aurait été fondé par Sigebaud, évêque de Metz. Un siècle et demi plus tard, un incendie aurait détruit le monastère. L’évêque saint Pirmin l’aurait restauré. Cette indication situe donc la fondation vers 750.

88 La notice de Koenigshoven contient au moins une vérité géographique, confirmée par les documents postérieurs. Aux origines, le monastère de Neuwiller se situait dans la sphère d’influence des évêques de Metz. En 1163, un acte de donation cite à la fois l’évêque de Metz et l’évêque de Strasbourg, pour n’en léser aucun127. Une charte papale de 1325 situe encore l’abbaye de Neuwiller, et au diocèse de Strasbourg et au diocèse de Metz128. La translation des reliques de saint Adelphe, évêque de Metz, sur ordre de l’archevêque Drogon de Metz (823-855) confirme cette mainmise ancienne – temporelle et spirituelle – des évêques de Metz sur la région du Nord-Ouest de l’Alsace129.

89 Chronologiquement, la tradition rapportée par Koenigshoven paraît également proche de la vérité. Dans ses Faits et gestes des évêques de Metz, Paul Diacre (799) rapporte que l’évêque Sigebaud (768-741) fonda deux monastères : l’un appelé Hilaricum ou Nova Cella, correspond assez bien au monastère appelé par la suite Saint-Avold ; l’autre nommé Novum Villare répond étymologiquement à Neuwiller130. Le toponyme ne dit pas qu’il y eut à cet endroit un monastère antérieur, mais seulement une villa – agglomération – précédente. La Vie de saint Pirmin, rédigé à la fin du Xe ou au début du XIe siècle, cite le monastère de Neuwiller à la dernière place parmi les sept fondations, nommément, citées par saint Pirmin en Francie, Bavière et Alémanie. Une influence au moins indirecte de saint Pirmin sur la fondation de Neuwiller reste probable131. L’évêque Sigebaud de Metz signa la charte de fondation pirminienne de Hornbach vers 741132. Cet évêque pouvait également autoriser saint Pirmin à entreprendre une fondation sur un de ses domaines repeuplé sur le versant alsacien des Vosges du Nord. Aux origines, le monastère de Neuwiller apparaît donc comme un fondation conjointe de l’abbé-évêque itinérant Pirmin et de l’évêque résidentiel Sigebaud de Metz. L’observance de la Règle de saint Benoît seule devait donc y être de rigueur dès les débuts.

90 Au tournant du Xe au XIe siècle, l’abbaye messine de Gorze y renforça son influence133. Un chapitre de chanoines, dépendant de l’abbé du monastère, devait animer le pèlerinage en l’honneur de saint Adelphe134. En 1496, la communauté monastique elle- même fut transformée en chapitre séculier135.

Arnulfsau (749)

91 Le monastère d’Arnulfsau n’est connu que par la charte de confirmation de l’évêque Heddo de Strasbourg de 749. Ce diplôme reprend textuellement la charte de l’évêque Widegern, confirmant en 728 la fondation de Murbach. Seules les particularités locales sont modifiées136. L’acte est daté de Strasbourg au 27 septembre 749. Les nombreuses signatures d’évêques, d’abbés et de notables ont dû être apposées au cours des années

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suivantes, peut-être lors de synodes qui réunissaient l’épiscopat de la fin de l’époque mérovingienne et du début de la période carolingienne.

92 La fondation a été faite sur un domaine donné par le noble Ruthard. Ce comte Ruthard réapparaît en 758 avec sa femme Hirmensinda dans un acte de donation en faveur du monastère de Schwarzach. Ce faux du XIIIe siècle repose sur un acte authentique, dont le contenu est difficile à préciser. Néanmoins, il paraît plus que probable que le fondation a eu lieu d’abord à Arnulfsau, sur la rive gauche du Rhin, puis elle a été transférée, à une date difficile à préciser, plus à l’est, à l’endroit où devait s’élever l’abbaye de Schwarzach. D’après les plus anciennes chartes de Schwarzach ce transfert est probablement antérieur à 758137 et certainement à 828138.

93 Le comte Ruthard est connu comme un propagateur de l’influence austrasienne sur les bords du Rhin après l’effondrement du duché des Alamans vers 749139. Certains évêques signataires appartiennent à l’ancienne tendance pirminienne : comme Heddo évêque de Strasbourg, Baldebert évêque de Bâle et abbé de Murbach, Jacob, abbé de Hornbach et évêque de Toul, Gairoinus, abbé de Flavigny (diocèse d’Autun), Hippolytus, abbé de Saint-Oyend (commune Saint-Claude, département Jura) et évêque de Belley. La Vie de Saint Pirmin attribue la fondation d’Arnulfsau à saint Pirmin lui-même († 753). Comme l’acte de donation ne porte pas la signature, ni ne fait mention de ce propagateur du monachisme bénédictin, il devrait s’agir non d’une fondation directe et personnelle, mais d’une fondation indirecte par des disciples interposés. D’autres signataires font partie du groupe des évêques bonifaciens : comme Chrodegang, archevêque de Metz et chef de file de l’épiscopat franc, Magingoz, évêque de Wurzbourg, Guntfridus de Cambrai, Hiddo d’Autun, Remedius de Rouen. L’abbé-évêque Dubanus de Honau fut invité comme co-signataire en raison d’un proche et bon voisinage.

94 Le toponyme Arnulfo – auga pourrait bien renvoyer à saint Arnulf ou Arnould, évêque de Metz (614-621, † 641), ancêtre de la dynastie des arnulfiens ou des mérovingiens de Metz et par conséquent de la lignée des carolingiens140.

95 Un faisceau de convergences invite à considérer la fondation du monastère d’Arnulfsau comme une extension de l’aristocratie austrasienne, centrée sur la capitale régionale de Metz, en direction du Rhin supérieur. Après l’effondrement du duché des Alamans sur la rive droite du Rhin, le duché d’Alsace, verrou franc face à la menace alémanique, devenait inutile. Le pouvoir franc des austrasiens de Metz se devait d’occuper le terrain vide pour étendre son influence et sécuriser son flanc oriental. Le monastère d’Arnulfsau devait remplir ce rôle politique et stratégique, tout en l’appuyant sur la religion.

96 L’abbé Saroardus n’est pas connu autrement. Les listes nécrologiques de Murbach et de Hornbach contiennent, chacune, un nom rapproché : Sarahard ou Sarohard, sans autre qualification141. S’il y avait identité, partielle ou totale entre ces trois noms, cette similitude confirmerait encore l’orientation pirminienne de la fondation d’Arnulfsau. La charte de confirmation d’Arnulfsau cite, comme celle de Murbach, les Règles antérieures de Lérins, d’Agaune, de Luxeuil, mais surtout celle des abbés saint Benoît et de saint Colomban. Mais l’abbé Saroardus a réuni ses moines pérégrinants dans une communauté sous la (seule) Règle de saint Benoît142. La fondation d’Arnulfsau se situe donc à un moment de la transition entre le monachisme pérégrinant sous la Règle mixte de saint Benoît et de saint Colomban à la stabilité locale sous la Règle exclusive de saint Benoît. Si la charte de confirmation de Murbach de 728 a pu être reprise une

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vingtaine d’années plus tard en 749 à Arnulfsau, cette continuité révèle que la fixation du monachisme pérégrinant s’est faite durant un laps de temps assez long.

97 La charte elle-même ne précise pas la provenance des premiers moines d’Arnulfsau. Les Annales de Lorsch affirment que « l’évêque Chrodegang de Metz a envoyé quelques-uns de ses moines de Gorze au monastère de Ruthard »143. Une tradition jamais critiquée, reposant sur des textes tardifs du XIIe siècle, identifie ce monastère de Ruthard avec Gengenbach. Cette identification ne s’impose pas de façon absolue. Les relations nombreuses et variées du monastère d’Arnulfsau avec la ville de Metz et l’Austrasie permettent d’envisager, au moins comme hypothèse, l’identification du monastère de Ruthard, où Chrodegang envoya des moines de Gorze, avec la fondation d’Arnulfsau144.

Masevaux (vers 750 ?)

98 Selon la Chronique d’Ebersmunster, la fondation du monastère de Masevaux serait contemporaine de la fondation d’Ebersmunster (vers 675) et de celle de Murbach (728). Un certain Maso, descendant du duc Adalric et frère du comte Eberhard, se serait installé dans la vallée de la Doller, qui devait prendre un peu plus tard le nom de « vallée de Maso ». Son fils se serait noyé accidentellement dans la rivière. Pour commémorer ce décès tragique, Maso et son épouse auraient construit à l’endroit même un monastère de moniales et l’auraient placé sous le patronage de saint Léger, évêque d’Autun, allié de la dynastie des Étichonides145. Ce récit, de quatre siècles postérieurs aux faits, a donné naissance à une longue tradition hagiographique.

99 Peut-être y a-t-il un noyau historique à ce récit légendaire, inspiré au chroniqueur d’Ebersmunster par les documents de Murbach au sujet du comte Eberhard. En 780, lors de sa première mention historique, l’abbaye porte le nom de Masunwilare146. Ce toponyme signifie littéralement « le domaine rural de Maso ». L’abbaye fait figure de fondation ancienne sous la tutelle des Mérovingiens, passée ensuite aux Carolingiens. Certes ledit Maso ne fait pas partie de la famille des Étichonides147. À l’approche de la disparition du duché d’Alsace et la liquidation du riche patrimoine des Étichonides vers le milieu du VIIIe siècle, certains exécuteurs testamentaires jouent un rôle d’intermédiaire. Un certain Rantwig, fils de Chrotwig, liquide l’héritage du comte Liutfrid, décédé après mars 739. Ces biens étaient situés en Basse, Moyenne et Haute- Alsace148. Les chartes de Wissembourg connaissent aussi un certain Maso, fondateurs des villages de Masenheim149 (village disparu, commune de Grünstadt Land, Kreiss Bad Dürkheim) et de Massweiler (Kreiss Pirmasens). Ce Maso fut lié de quelque façon à l’abbaye de Wissembourg, puisque en 774 le village de Masenheim figure parmi les possessions de cette abbaye. Est-ce que ce Maso ou un homonyme n’a-t-il pas pu jouer un rôle semblable d’exécuteur testamentaire pour le comte Eberhard († 747), également donateur à ce monastère ? Les distances géographiques n’étaient pas un obstacle à cette éventuelle influence éloignée, car les biens de la famille des Étichonides s’étendaient de la Basse-Alsace au Nord jusqu’au Jura au Sud150. Cette hypothèse – les documents ne permettent pas d’aller à plus de certitude – expliquerait à la fois le caractère noble de Maso, ses liens de proximité avec la famille des Étichonides, sans en faire partie généalogiquement, ainsi que les origines du toponyme de Masunwilare, devenu par la suite Masevaux151. Si cette hypothèse était vraie, la fondation du monastère de Masevaux devrait se situer vers l’année 750152.

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Feldkirch (vers 707/757)

100 Sous l’abbé Regimbert de Moyenmoutier (707-757), la noble dame Theudeline fait une donation à cette abbaye vosgienne à Feldkirch près de Niedernai. Les sources ne précisent pas davantage les dates exactes. Mais comme le piémont sous-vosgien autour d’Obernai est resté sous la domination des Étichonides tant que survécut le duché d’Alsace, il semble peu probable qu’une abbaye lorraine ait pu y prendre pied durant cette époque. Il semble donc probable que la donation ait eu lieu seulement vers le milieu du VIIIe siècle, alors que les Étichonides liquidaient leurs domaines alsaciens. Avec le consentement de son mari Ricpert ou Rupert, la donatrice Theudeline a renoncé au mariage pour entrer dans l’ordre des femmes consacrées. Elle pourrait être identique à la religieuse Theodlindis qui fit une donation à l’abbaye de Wissembourg en 746 à Lortzheim, un village disparu près de Schwindratzheim153. La fondation de Feldkirch s’inscrirait donc dans la poussée de l’aristocratie austrasienne vers l’Alsace, après le vide créé par l’effacement du duché des Étichonides154. Comme l’abbé Regimbert fit construire sur le domaine reçu une église en l’honneur de saint Maximin, il a dû également y envoyer des moines de Moyenmoutier pour la desservir155. La communauté monastique ne fut numériquement jamais très importante. L’établissement restait un important domaine économique sur lequel s’était greffé un réseau paroissial assez dense.

Saint-Hippolyte (vers 768)

101 Vers 768, Fulrad, abbé de Saint-Denis et chapelain royal, reçut d’un certain Wido, grand propriétaire austrasien, un ensemble de domaines dans le piémont sous-vosgien dans la région de l’actuel Ribeauvillé156. De ce territoire, l’actuel Saint-Hippolyte devint rapidement le centre administratif. Vers 774, Fulrad y construisit une cella, sans doute desservie par quelques moines. Il y ramena des reliques du martyr romain saint Hippolyte. En 774, le roi Charlemagne donna à cette cella un important domaine fiscal, détaché de la marche royale de Kintzheim157. Dans le testament de l’abbé Fulrad de 777, la cella de Saint-Hippolyte figure toujours avant le prieuré de Lièpvre, que l’archichancelier royal avait fait construire entre 774 et 777158. Mais la fille allait prendre rapidement la prééminence sur la mère. Dès le milieu du IXe siècle, la fondation de Saint-Hippolyte passa derrière le prieuré de Lièpvre. En même temps, la cella perdit les reliques de saint Hippolyte, qui furent amenées à l’abbaye de Saint- Denis en Ile-de-France. L’antique fondation tomba au rang d’une cour domaniale et d’une paroisse sous la dépendance médiate du prieuré Saint-Alexandre de Lièpvre et sous la tutelle médiate de l’abbaye de Saint-Denis. En 1316, la localité de Saint- Hippolyte acquit le titre de « ville ». En 1502, la cour domaniale de Saint-Hippolyte passa en la propriété de la collégiale de Saint-Georges à Nancy159.

Lièpvre (774-777)

102 Comme la cella de Saint-Hippolyte, le prieuré de Lièpvre tire ses origines de la donation de Wido à l’abbé Fulrad de Saint-Denis vers 668. Au lieu-dit Bobelinocella – la cella de Bobelinus – qui figure dans la description des limites du domaine donnée en 774, Fulrad construisit une seconde cella, appelée Fulradocella, située sur les rives de la Lièpvrette actuelle. Cette nouvelle fondation devint vite le centre administratif et religieux du

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vaste domaine accordé par Charlemagne en 774. Par le testament de Fulrad de 777, cette cella passa, avec la fondation antérieure de Saint-Hippolyte, en la propriété de l’abbaye Saint-Denis en Ile-de-France. Par sa situation avancée vers l’Alémanie, le prieuré de Lièpvre devint un appui pour l’influence politique et de l’expansion commerciale du royaume de Francie vers l’ancien duché d’Alémanie. En 903, à la demande du comte Robert, abbé de Saint-Denis, Charles III le Simple confirma l’appartenance de la petite abbaye (abbatiola) de Lièpvre à l’abbaye de Saint-Denis160. Dès lors, situé à la lisière de la Francie orientale et de la Francie occidentale, le prieuré de Lièpvre devint un objet de convoitise pour les grands seigneurs161. L’abbaye de Saint- Denis garda au moins nominalement la souveraineté jusqu’en 1502. Les ducs de Lorraine, avoués du monastère dès avant 1078, réussirent à s’en approprier progressivement la propriété à partir de 1401162.

Eschau (vers 778)

103 Par son testament de 778, l’évêque Rémi de Strasbourg (avant 778-782/783) lègue à la cathédrale Sainte-Marie de Strasbourg l’île d’Eschau avec la basilique de Saint- Trophime qu’il y a fait construire163. L’évêque avait reçu ce domaine de l’abbesse Adala et de la religieuse Roduna. Il s’agit selon toute vraisemblance de l’abbesse Adala de Hohenbourg et de sa sœur Ruchvina, toutes les deux filles de Bodol de la famille des Étichonides164. La fondation d’Eschau se serait donc faite par une action conjointe de l’évêque Rémi et de l’abbesse de Hohenbourg. Par les signataires qu’il sollicite pour son testament, l’évêque Rémi sollicite l’appui de l’épiscopat carolingien. L’évêque Ratbert, dont il a reçu le petit monastère de Schoenenwerd dans le Jura suisse près d’Olten, était vraisemblablement un évêque itinérant qui a mis son entreprise sous la tutelle d’un évêque résidentiel. La fondation d’Eschau se situe donc à la fin de la pérégrination, en train d’être liquidée, et du début de l’institutionnalisation carolingienne.

104 Durant ses quatre premiers siècles d’existence, l’abbaye épiscopale d’Eschau a sans doute suivi une observance assez variable. Il faut attendre la bulle du pape Alexandre III de 1180 pour que son appartenance à l’ordre de Saint-Benoît soit clairement affirmée165. Mais cette observance restait plus formelle que réelle. À l’époque de la suppression au début du XVIe siècle, les textes officiels hésitent entre le statut monastique et le statut canonial pour la communauté166.

Saint-Thomas à Strasbourg (entre 786 et 816 ?)

105 L’église Saint-Thomas à Strasbourg n’entre dans l’histoire que sous l’épiscopat d’Adaloch (avant 786 – après 816). Le plus ancien document des archives du chapitre de Saint-Thomas, rédigé au XIe siècle, rapporte : « Dans les temps anciens, un évêque de la ville de Strasbourg, du nom d’Adaloch, a construit pour le salut de son âme une église en l’honneur de l’apôtre saint Thomas et l’a richement dotée de biens familiaux »167. Ce texte du XIe siècle appelle Saint-Thomas « un monastère » (monasterium) ou encore « une abbaye » (abbatia). À cette date, un bâtiment conventuel jouxtait donc l’église, construite au tournant du VIIIe au IXe siècle. Ces frères de Saint-Thomas (fratres Sancti Thomae) formaient une communauté (congregatio), dirigée par un prévôt (praepositus). Ces termes reflètent une organisation canoniale évidente.

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106 À quelle date remonte cette institution attestée au XIe siècle ? Si un évêque construit une église, c’est évidemment pour en faire un lieu de culte et un centre de pastorale. Il devait donc y nommer obligatoirement des prêtres pour en assurer le service. À l’époque, ces desservants ne pouvaient être que des monaci, assurant un service pastoral, ou des canonici, menant une vie commune168. Comme les institutions ecclésiastiques n’évoluent et ne changent que très lentement, les structures attestées au XIe siècle doivent remonter pour l’essentiel à la fin du VIIIe ou au début du IXe siècle. Dès l’origine, les « frères de Saint-Thomas » (Fratres Sancti Thomae) – ainsi nommés au XIe siècle – devaient être des « clercs chanoines » (clerici canonici) qui à l’instar de leurs confrères de 778 à la cathédrale169 assuraient l’office choral et animaient la pastorale paroissiale.

107 Des fouilles menées sur place entre 1988 et 1990 ont dégagé « des niveaux de sols aménagés d’époque carolingienne à l’intérieur de l’église »170. Ces résultats archéologiques semblent confirmer les affirmations du texte authentique le plus ancien, directement pour l’église et indirectement aussi pour la communauté canoniale.

108 Cette érection de la collégiale et du chapitre de Saint-Thomas par l’évêque Adaloch était-elle une fondation absolument nouvelle ou une restauration sur des bases anciennes ? Différentes hypothèses ont été émises à ce sujet : première fondation par l’évêque saint Florent171, église érigée par saint Fridolin de passage à Strasbourg vers le milieu du VIIe siècle172, premier établissement de moines irlandais. La réponse donnée par Jacques Twinger de Koenigshoven au début du XVe siècle n’a, jusqu’à présent, pas été démentie : « Nul écrit ne dit quand cette église, avec son monastère, a commencé pour la première fois, ni qui l’a fondée »173. Une ignorance reconnue vaut mieux qu’une explication erronée.

Anachronismes hagiographiques

Haslach (Nieder-)

109 La tradition hagiographique alsacienne attribue la fondation du monastère de (Nieder-) Haslach à saint Florent, évêque de Strasbourg dans la seconde moitié du VIIe siècle. En 1952, Médard Barth essaya de corroborer cette affirmation en accumulant nombre de documents cultuels plus tardifs174. Cette façon de procéder révèle la faiblesse d’une méthode : Des attestations cultuelles postérieures peuvent-elles, à elles seules, démontrer l’existence d’un personnage ou d’un fait historique antérieurs ? Les recherches des bollandistes sur l’hagiographie devraient nous rendre très prudents dans la réponse. À partir d’un examen plus critique de la tradition hagiographique, Christian Wilsdorf conclut en 1955 : « Le but premier [de l’auteur de la Vita de saint Florent] n’est pas de faire œuvre d’historien, mais d’accomplir un acte pieux en célébrant les mérites du patron de son établissement religieux »175. En 1990, Guibert Michiels renchérit : « Rien ne permet d’attribuer la fondation de cette abbaye [de Haslach] à saint Florent, évêque de Strasbourg »176. Déjà en 1910, le bollandiste Albert Poncelet mit en question l’historicité de la fondation du monastère de Haslach par saint Florent177. Dès lors, comment faut-il expliquer la genèse et la valeur d’une légende hagiographique ?

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110 Le « monastère » de Haslach existe certainement vers 824, puisqu’il figure dans le Nécrologe de la Reichenau, commencé à cette date178. Il est alors dirigé par un abbé du nom de Victor. Les termes de « monastère » et d’« abbé » indiquent un établissement monastique, sans préjuger de l’observance concrète de cette communauté. L’inscription dans le Livre de la confraternité de la Reichenau ne permet pas, à elle seule, de conjecturer une appartenance au réseau des monastères fondés ou influencés par saint Pirmin, ni de présumer une observance de la Règle de saint Benoît. Dès 1096, la communauté de Haslach jouit du statut canonial, puisqu’elle est gouvernée par un prévôt (praepositus) et un doyen (decanus)179. La fondation de ce monastère doit être mise en relation avec la translation des reliques de saint Florent de Strasbourg à Haslach par l’évêque Rachio de Strasbourg (782 – après 786). Le transfert de ce corps ou d’une partie de ce corps devait garantir aux évêques de Strasbourg la possession d’un vaste domaine fiscal dans la vallée de la Bruche et de la Hasel180. En 816, l’empereur Louis le Pieux confirme à l’évêché de Strasbourg la possession de cette donation qui devait avoir eu lieu dès l’époque mérovingienne181. Il faut en conclure : Ce fut le tombeau de saint Florent, récemment établi à Haslach, qui a créé la légende, mais non la légende, attestée tardivement182, qui prouve la fondation antérieure d’un monastère autour du tombeau de l’évêque saint Florent.

Saint-Marc près de Gueberschwihr

111 Des origines jusqu’à la Révolution française, les évêques de Strasbourg gardaient Saint- Marc, comme Lautenbach, sous leur seigneurie temporelle et sous leur juridiction spirituelle. Ce fait permet d’induire qu’un établissement religieux devait exister à cet endroit avant l’emprise du diocèse de Bâle sur la Haute Alsace vers le milieu du VIIIe siècle183. Pour le reste, nous en sommes réduits aux hypothèses. Sur la foi de traditions hagiographiques et avec les réserves nécessaires, André Marcel Burg admit en 1956 « à titre d’hypothèse que Saint-Marc doit son origine à l’action conjuguée du roi Dagobert Ier et de l’abbaye de Saint-Maurice en Valais » 184. En sens opposé, Christian Wilsdorf note en 1991 : « L’existence [du petit monastère de Saint-Marc] dès les temps mérovingiens paraît des plus douteuses »185.

112 Les traditions hagiographiques nous sont rapportées par la Vie incertaine de saint Imier186 et la Chronique de Materne Berler, écrite entre 1510 et 1520, de valeur historique inégale187. L’appellation de Sigismundi cella apparaît seulement au milieu du XIVe siècle : elle paraît correspondre à un culte déjà existant. Elle a été diffusée au XVIIe siècle par Coccius188.

113 La bulle du pape Alexandre III de 1179 en faveur de l’abbaye de Sankt Georgen en Forêt Noire est la plus ancienne charte crédible au sujet du monastère de Saint-Marc. Le pape soumet à l’abbaye souabe la cella de Saint-Marc, fondée par le curé Semannus de Gueberschwihr et confiée par lui à cette abbaye. La Vie de Theoger, abbé de Sankt- Georgen (1088-1118), nous apprend que ce père spirituel établit près de son monastère vers 1107 une communauté d’une centaine de moniales sur le modèle des prieurés féminins clunisiens189. Pour les antécédents, il faut nous contenter de conjectures. Il vaut mieux reconnaître une ignorance certaine que d’avancer des probabilités incertaines. Puisque l’appellation de Saint-Marc doit avoir une origine, pourquoi ne pas l’attribuer, comme le veut la légende, au pape saint Léon IX, qui aurait visité l’endroit, probablement durant son troisième voyage en Alsace à la fin de 1052 ?

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Fondations du IXe et du Xe siècle (de 817 à l’An Mil)

Erstein (vers 850)

114 Établie sur un domaine impérial vers 850, – soit une bonne trentaine d’années après les synodes d’Aix-la-Chapelle de 816 et 817 –, la fondation d’Erstein ne portait pas moins à ses origines le titre de monastère (monasterium), alors que son organisation interne la rapprochait davantage d’un chapitre canonial190. Cette fluctuation du langage prouve que les décisions officielles ont mis un certain temps à se traduire dans la pratique. Sur un domaine impérial, l’impératrice Irmingarde fonda vers 850 un monastère en l’honneur de Sainte-Cécile pour une congrégation de servantes du Seigneur ou de femmes consacrées (sanctimoniales feminae et ancillae Christi). La formulation est assez vague pour permettre par la suite toutes les interprétations. Dès 850, le pape Léon IV accorde à l’abbesse (abbatissa) ou à la mère spirituelle (mater spiritalis) la confirmation des biens et des droits. Les souverains ottoniens, puis saliens, enfin les Hohenstaufen figurent parmi les protecteurs et bienfaiteurs de l’abbaye. Bien que réservé à des candidates issues de la noblesse, le monastère impérial d’Erstein abritait à ses débuts une communauté sérieuse. La décadence vint plus tard, au début du XIIe siècle, pour aboutir trois siècles en 1423/1437 à la suppression191.

Herbitzheim (avant 870)

115 C’est par l’application des Articles organiques de 1802 que Herbitzheim se trouve dans le Bas-Rhin et dans l’actuel diocèse de Strasbourg. Avant la Révolution, la localité relevait de la principauté de Nassau-Weilburg et de l’évêché de Metz. Le monastère entre dans l’histoire par le traité de Meersen en 870. Puis, en 908, le roi Louis l’Enfant l’enlève au comte Gérard de Metz et le soumet transitoirement à l’évêque Étienne de Liège192. Cette mesure montre que d’une façon ou d’une autre l’abbaye devait être liée aux comtes de Metz.

116 Dans la seconde moitié du XIIe siècle, l’abbaye de bénédictines193 est en relation avec les prémontrés de Wadgassen194 et les comtes de Dabo195. Le monastère devait disparaître dans les querelles politico-religieuses du XVIe siècle196.

Alanesberg (vers 910)

117 Situé à la lisière de la Basse-Alsace et du diocèse de Metz, confondu parfois à tort avec le village disparu de Colanesberg ou de Kalenberg sur l’actuel ban de Rosteig, le lieu-dit Alanesberg n’est plus identifiable. L’endroit dépendait de l’évêque de Metz au temporel et de l’évêque de Strasbourg au spirituel197. Cette situation conflictuelle engagea l’abbé Baltram à demander au roi Otton Ier à transférer sa communauté dans un lieu plus propice à la vie monastique. Le souverain acquiesça à la demande et autorisa en 959 l’abbé à s’établir au sud du Sundgau, à l’abbaye de Lure198. Cet apport permit au monastère franc-comtois à prendre un nouvel essor199. Pour les institutions monastiques, ce petit monastère présente plusieurs intérêts. La communauté vivait sous le régime et sous la Règle de saint Benoît, qui est devenu la norme générale de l’observance au début du Xe siècle. La refondation de Lure est placée sous la double

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protection de l’Empire et du Siège apostolique. Les comtes éberhardiens, ancêtres des sires d’Eguisheim, dotent le monastère de Lure de leurs biens200. Leurs successeurs continueront la même politique de soutien aux monastères, protégés par eux, mais largement exempts du pouvoir temporel, comme le préconisait la réforme de Cluny.

Graufthal (vers 950 ?)

118 À la suite des Articles organiques de 1802, le village et la paroisse de Graufthal ont été rattachés au département du Bas-Rhin. Avant la Révolution, les deux faisaient partie du comté de la Petite-Pierre (Lützelstein) et du diocèse de Metz. Dans les registres messins, l’abbaye de Graufthal figure parmi les monastères de moniales en dehors des murs de Metz201. L’histoire du monastère appartient donc à l’histoire du diocèse de Metz.

119 Les origines de ce monastère de moniales nous échappent. Les archives – si jamais elles ont existé – auraient disparu lors de la sécularisation au XVIe siècle. Dans son Histoire des évêques de l’église de Metz (1634), M. Meurisse attribue la fondation à l’évêque Sigebaud de Metz († 741). L’hypothèse ne peut être retenue car elle ne s’appuye sur aucun document202. Elle a été rétractée par son auteur même. Dom Calmet et Daniel Schoepflin imputent la fondation à un comte de Metz203. S’agit-il d’un comte Richard du Xe siècle ? d’un comte Folmar du XIe siècle ? Il est impossible de mettre un nom précis sur le fondateur temporel de ce monastère, même si les comtes de Metz – et particulièrement le comte Richard († 967/986) – bénéficient d’un avantage de probabilités204.

120 En 1138, à la demande de Pierre de Lutzelbourg ou de Falkenstein, le pape Innocent II confie le monastère de Graufthal à l’abbé Johann de Sankt-Georgen205. L’évêque de Metz, Étienne de Bar, consentit à cette concession. Dès lors, le monastère gravita dans l’orbite du monastère hirsovien de Sankt-Georgen, sous la Règle de saint Benoît.

Echery (vers 960)

121 L’histoire des origines du monastère d’Echery reste confuse206. En l’absence de chartes anciennes fiables, la Vie de Jean abbé de Gorze par Jean de Saint-Arnoul reste la seule source tant soit peu crédible207. Blidulphe, archidiacre de Metz devenu moine de Gorze, et Gundelach, moine de Fulda, entré également à Gorze après un passage à l’abbaye de Saint-Maximin de Trèves, ont été envoyés au monastère de Moyenmoutier pour le réformer. Ils accompagnaient le nouvel abbé Albert, également bénédictin de Gorze, que Frédéric, duc de Haute-Lorraine, mit à la tête de l’abbaye vosgienne. Désireux d’une plus grande solitude, Blidulphe et Gundelach se retirèrent dans un endroit retiré qui devait correspondre à l’actuel Saint-Blaise près de Sainte-Marie-aux-Mines. En 1140, le pape Innocent II confirma à l’abbaye de Moyenmoutier la possession de l’église d’Echery et de ses dépendances208. Plus tard, à une date difficile à préciser, Guillaume illustrait ce monastère par ses miracles et son successeur Acherius donnait un nouvel éclat à ce monastère et lui léguait son nom d’Echery209. Après le départ des moines vers 1250/1255 – c’est-à-dire avant la rédaction de la Chronique de Senones par Richer –, l’abbaye de Moyenmoutier conserva le patronage et les revenus de l’église.

122 Cette restauration de Moyenmoutier et cette fondation d’Echery prouve la vitalité prolongée de l’abbaye bénédictine de Gorze. Les passages de Gundelach de Fulda à Saint-Maximin, puis de Trèves à Gorze, révèlent aussi qu’au milieu du Xe siècle les

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différentes observances bénédictines exerçaient des interactions les unes sur les autres. Enfin, l’établissement des deux ermites au fond du val de Lièpvre corrobore l’intérêt constant des moines et de ducs lorrains pour cette vallée alsacienne.

Altorf (vers 974)

123 La fondation de l’abbaye d’Altorf vers 974 se réalise dans un contexte politique, ecclésiastique et monastique stabilisé. L’érection d’un monastère à la sortie de la vallée de la Bruche devait permettre à la famille des Éberhardiens, ancêtres des comtes d’Eguisheim-Dabo, d’ancrer leur pouvoir politique dans le Nordgau210. Le comte Eberhard III († avant 968) projeta l’établissement du monastère. La mort l’empêcha de réaliser son projet. Son fils Hugues III, dit l’Enroué, réalisa le projet de son père. Vers 974, l’évêque Erchenbald de Strasbourg consacra l’église nouvellement construite, en présence de l’abbé Mayeul de Cluny. Cette double présence attachait la nouvelle fondation au diocèse de Strasbourg et la plaçait dans l’orbite de Cluny, sans l’affilier à l’ordre de Cluny. Bruno d’Eguisheim, devenu pape sous le nom de Léon IX, visita le monastère durant son premier voyage en Alsace, prit le monastère sous la tutelle pontificale et y reconnut l’observance de la Règle de saint Benoît211. À l’approche du deuxième millénaire, la situation des monastères se clarifie à tous les égards.

Seltz (987/991)

124 L’abbaye de Seltz fut fondée sur un domaine royal, donné en 968 par l’empereur Otton Ier à son épouse Adélaïde. Cette situation juridique prédétermina l’évolution ultérieure du monastère. L’impératrice jouissait de tous les droits sur son douaire, sauf celui de le soustraire à la tutelle royale212. Cette restriction empêchait la souveraine de soumettre son bien à la pleine juridiction de Cluny, comme elle l’eût souhaité et comme Cluny l’eût voulu213. Adélaïde conçut l’idée de fonder un monastère vers 987. Les travaux de construction étaient en voie d’achèvement à la fin de 991. L’évêque Widerold de Strasbourg consacra l’église le 18 novembre 996. Dès ses origines, la fondation fut soumise au siège pontifical au titre de la « liberté » (libertas). Cette notion, assez élastique, pouvait être comprise par Cluny comme l’exemption seigneuriale et comme l’empereur comme la simple exemption judiciaire. Ce double sens empêchait au XIe siècle le pape et Cluny d’intégrer pleinement le monastère à l’ordre clunisien. Sous le premier abbé Ezemann (vers 991 – après 1002), un familier de l’impératrice, et son premier successeur Gerbert, la fondation de Seltz évoluait dans l’orbite de Cluny. Peu après le milieu du XIe siècle, elle glissait sous l’influence des observances germaniques et franques. Mais l’observance de la Règle de saint Benoît est attestée dès l’époque de la fondation214. L’abbaye sera intégrée juridiquement à l’ordre de Cluny en 1418215, une soixantaine d’années avant sa sécularisation en 1480/1481.

Fondations bénédictines du XIe et XIIe siècles

125 Les fondations du XIe et XII e siècles sont plus connues. Il suffit de rappeler ici les caractéristiques essentielles.

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Date de Monastères Fondateur(s) Observance initiale fondation

Règle de saint Benoît Werner, sire de Honcourt 1er quart du XIe s. (sous l’observance de Hurningen-Ortenberg. Hirsau ?).

Sainte-Croix-en- Entre 1006 et Hugues IV d’Eguisheim et son Monastère pontifical sous Plaine 1035 épouse Heilwige de Dabo. la Règle de saint Benoît.

Entre 1030 et Comtes d’Altenberg, ancêtres des Ottmarsheim Règle de saint Benoît. 1040 Habsbourg.

1074 : ermites. Thierry I et Thierry II, comtes de Règle de saint Benoît sous Walbourg 1117 : moines de Montbéliard. l’observance de Hirsau Hirsau. Frédéric II, duc de Hohenstaufen. (1117).

Hildegarde de Souabe, descendant des rois de Règle de saint Benoît. Sainte-Foy Bourgogne et des comtes 1094 Observance de Conques de Sélestat d’Éguisheim, épouse de Frédéric, (Aveyron). comte de Buren, ancêtre des Hohenstaufen.

Règle de saint Benoît Thierry I et Thierry II, comtes de Biblisheim Vers 1105 (sous l’observance de Montbéliard. Hirsau ?).

1104 : ermite. Saint-Léonard Monastère épiscopal sur Chapitre cathédral de Strasbourg. près de Boersch Vers 1109 : le modèle bénédictin. « Moines noirs ».

Règle de saint Benoît Entre 1115 et Sindelsberg Abbaye de Marmoutier. (sous l’observance de 1117 Hirsau).

Règle de saint Benoît, Saint-Jean- 1126 Pierre, comte de Lutzelbourg. sous l’observance de Saverne Sankt Georgen.

Règle de saint Benoît et 1110 : ermites. Conrad de Horbourg. observance de Hirsau. Alspach 1130-1137 : Avec l’appui de l’aristocratie Monastère vendu aux moines de locale, en particulier Conrad de clarisses de Kientzheim Hirsau. Sigolsheim. en 1282

Fin XIe s. : chapelle. Règle de saint Benoît. Laubenheim Comtes d’Eguisheim-Dabo. Vers 1137 : Observance de Lure. bénédictins de Lure.

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1144 : Cella monastique. Observance monastique Saint- 1252 : indéterminée, Apollinaire à Bénédictines Comtes de Ferrette ? probablement Michelbach-le- bénédictine. Puis Haut 1253 : Dépendance de observance cistercienne. Lucelle

1001 ? : Évêque de Strasbourg. pèlerinage en Règle de saint Benoît. l’honneur de Abbaye de Chézy-sur-Marne Rouffach Observance de Chézy-sur- saint Valentin. (Aisne) par l’intermédiaire du prieuré Notre-Dame-des-Champs Marne. Vers 1183 : à Metz. bénédictins.

Règle de saint Benoît. Agnès de Commercy, veuve de Observance de la Chaise- Valdieu 1254/1260 Frédéric de Toul († 1250). Dieu (Haute-Loire).

Clunisiens et clunisiennes

126 Les fondations clunisiennes sont répertoriées grâce à la publication des Statuts, chapitres généraux et visites de l’Ordre de Cluny, par Gaston Charvin, Paris, 7 vol., 1965-1975.

Monastères Date de fondation Fondateur(s) Observance

965 : Cour Règle de saint Benoît. Don de l’empereur Otton I Colmar supérieure. Observance de Cluny. à l’abbaye de Payerne. 1154 : Prieuré.

Prieuré Saint-Alban de Biesheim 1101/1103 Bâle.

Frédéric I, comte de Altkich 1105 Ferrette.

Thierry I, comte de Froidefontaine 1105 Mousson-Montbéliard.

Prieuré Saint-Alban de Enschingen 1105 Bâle.

Avant 1135 : Pèlerinage. Thierenbach Abbaye de Cluny. Entre 1125 et 1142 : Prieuré de Cluny.

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Frédéric I, comte de Feldbach 1144 Ferrette.

1252 : Cour et Saint-Gilles près Prieuré Saint-Pierre de chapelle. Wintzenheim Colmar. 1299 : Prieuré.

Prieuré Saint-Morand Ribeauvillé Vers 1297 d’Altkirch.

Vue de l’abbaye de Lucelle vers le sud-est, d’après Bernardin Walch, Miscellanea Luciscellensia, 1749

L’église gothique du XIVe siècle, consacrée en 1346, survécut pour l’essentiel aux guerres et aux incendies qui ont ravagé ces lieux. Par son architecture, l’abbatiale formait un vaste édifice gothique à façade-pignon percée d’une grande baie à quatre lancettes. La nef à trois vaisseaux était séparée du chœur polygonal par le transept, flanqué par un clocher latéral du côté droit. L’incendie de 1699 démolit complètement l’abbaye, mais il épargna l’abbatiale. La reconstruction des bâtiments claustraux par l’abbé Antoine de Reynold (1703-1708) intégra harmonieusement cette église gothique dans le nouvel ensemble plus classique. L’église abbatiale au nord ferme le quadrilatère du cloître. Haut de trois étages, l’habitat monastique atteint presque la pointe des vitraux de l’église. Le gothique ancien de l’église et le classique plus moderne des nouvelles constructions respectent parfaitement la sobriété et l’élégance de l’architecture cistercienne. Un jardin à la française s’étend vers l’est. Les dépendances économiques s’élèvent à l’ouest, mais toujours à l’intérieur du mur de clôture. Bien qu’encastrée dans une vallée, l’abbaye de Lucelle prétendait être un haut lieu rayonnant de lumière : Lucis –cella ! UB Bâle ; Ms H I, f. 29 a.

Cisterciens et cisterciennes

127 Les fondations cisterciennes sont connues et répertoriées par Joseph Marie Canivez, Statuta capitulorum generalium Ordinis cisterciensis ab anno 1116 usque ad annum 1786. Louvain, 8 vol., 1933-1941. (Bibliothèque de la Revue d’histoire ecclésiastique, 9-14).

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Date de Monastères Fondateur(s) Observance fondation

Règle de saint Benoît. Amédée, Richard, Hugues de Lucelle 1123/1124 Observance de Cîteaux. Montfaucon (près Besançon). Ligne de Morimond.

Reinhold de Lutzelbourg Neubourg Vers 1133 (Falkenstein). Fille de Lucelle. Frédéric II, duc de Souabe.

Pairis Vers 1138 Ulrich, comte d’Eguisheim. Fille de Lucelle.

1138 : Religieuses. Schoenenstein - Sous la protection de Nocker de Wittenheim bach 1157 : Lucelle (1138-1157). Chanoinesses de Marbach.

Frédéric II le Borgne, duc de Vers 1147 : Souabe et d’Alsace, fonde un Fille de Maulbronn, puis de Koenigsbruck monastère de moniales. Entre 1224 et Neubourg. 1235 : Affiliation officielle à l’ordre de Cîteaux.

1125 : Fondation. Les évêques Cunon, Brunon et Eberhard de Strasbourg. Fille de Beaupré. Baumgarten 1148/1153 : Affiliation à Cisterciens de Beaupré (ct De la ligne de Morimond. Cîteaux. Moncel-les-Lunéville).

Frédéric I de Ferrette donne une cour à Entre 1134 et Fille de l’abbaye de Soultz-Haut- l’abbaye cistercienne de 1160 : Lieucroissant, elle-même Rhin Lieucroissant (Doubs). 1210 : fille de Lucelle. Établissement de moines cisterciens de Lieucroissant.

Évêque Berthold de Bâle, comte Sous la paternité de l’abbé Michelfelden 1259/1267 de Ferrette. de Lucelle.

De la Règle de saint Benoît à l’Ordre de Saint-Benoît (IXe-XIIe siècle)

128 Le passage institutionnel et sémantique de la Règle de saint Benoît à l’Ordre de Saint- Benoît fut également progressif. Le tableau suivant jalonne quelques étapes.

Monastères Dates Expressions originales Références

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Bulle de confirmation du pape Lucius III Ordo monasticus secundum 1183 (1183) : Schoepflin, t. 1, n° 330, beati Benedicti regulam. p. 278-279.

Bulle de Boniface IX de 1401 : 1401 Ordo sancti Benedicti. Ebersmunster ABR, H 174, n° 37 (copie XVIIIe s.).

Le couvent d’Ebersheimmünster de Geny, Schlettstadter Stadtrechte, t. 1, 1687 l’ordre de n° 201, p. 231-232. St. Benois (sic !).

Ordo monasticus secundum Schoepflin, n° 323, t. 1, p. 268-269. 1179 beati Benedicti regulam. Würdtwein, N.S., t. 10, n° 29, p. 79-83. (1179).

Conventus monasterii H. V. Sauerland, Vatikanische Urkunden Marmoutier 1330 Maurimonasterii ordinis und Regesten zur Geschichte Lothringens, sancti Benedicti. (1330). t. 1, Metz, 1901, n° 596, p. 279.

Maurmoutier de l’Ordre de 1623 AD Meurthe et Moselle, B 6898, n° 2. saint Benoît.

Bulle du pape Alexandre IV (1259) : AHR, 1 1259 Ordinis Sancti Benedicti. H 127, n° 2.

Charte de l’évêque Berthold II de Bâle 1260 Ordinis Sancti Benedicti. (1260) : Trouillat, t. 2, n° 70, p. 102. Ohl, p. 513.

Bulle du pape Alexandre IV (1261) : 1261 Ordinis Sancti Benedicti. Trouillat, t. 2, n° 70, p. 102-103.

Autorisation du prévôt de Colmar (1261) : 1261 Ordinis Sancti Benedicti. Munster au Val- Trouillat, t. 2, n° 117, p. 158-159. Saint-Grégoire Décret de Henri de Neuchâtel, évêque de 1265 Ordinis Sancti Bendicti. Bâle (1265) : Trouillat, t. 2, n° 117, p. 158-159. Ohl, p. 516-517.

Bulle du pape Boniface VIII (1299) : AHR, 1 1299 Ordinis Sancti Benedicti. H, 127, n° 6.

Ratification par Gérard, évêque de Bâle, d’une décision de l’abbé Jean et du 1312 Ordinis Sancti Benedicti. chapitre de Munster (1312) : Schoepflin, t. 2, n° 865, p. 101-102. Ohl, p. 112.

Traité de Marquart (1339) : Schoepflin, t. 2, 1339 Sant Benedicten Ordens. n° 980, p. 163-167.

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Décret de l’abbé Richard de Munster 1345 Ordinis Sancti Benedicti. (1345) : AHR, 1 H 3, nos 4, 5.

Ratification de l’abbé Charles de Munster 1348 Ordinis Sancti Benedicti. (1348) : AHR, 1 H 3, nos 6, 7.

Mandat du pape Innocent VII (1404) : AHR, 1404 Ordinis Sancti Benedicti. 1 H, 127, n° 8.

Confirmation par le roi Sigismond (1414) : 1414 Ordinis Sancti Benedicti. AHR, 1 H, 124, nos 2, 4, 5, 6.

Information du pape Innocent IV à l’abbé de Saint-Vincent de Besançon au sujet de 1250 Ordinis Sancti Benedicti. Murbach (1250) : AHR, 9 G, 16 et 17 ; Cartulaire 1, p. 49. Schoepflin, t. 1, n° 529, p. 398.

Bulles du pape Innocent IV (1250, 1251) : 1250 AHR, 9 G, Generalia 2/11 et 2/14. A. Hessel, Ordinis Sancti Benedicti. 1251 Elsässische Urkunden vornehmlich des XIII. Jh. Strasbourg, 1913, n° 14, p. 16-20.

Acte de vente de la cour de Blotzheim par 1253 Ordinis Sancti Benedicti. l’abbé Thiébaut (1253) : Urkundenbuch Basel, t. 1, n° 265, p. 192.

Bulle du pape Urbain V (1263) : AHR, 9 G, 1263 Ordinis Sancti Benedicti. Generalia. 2/20.

Bulle de confirmation du pape Grégoire X 1274 Ordinis Sancti Benedicti. (1274) : AHR, 9 G, Generalia. 2/21. Murbach Bulle de confirmation du pape Martin IV 1281 Ordinis Sancti Benedicti. (1281) : AHR, 9 G, Generalia. 2/22.

Bulle de confirmation du pape Boniface 1296 Ordinis Sancti Benedicti. VIII (1296) : AHR, 9 G, Generalia, 2/23.

Acte de vente de la moitié du domaine de 1301 Lutterbach par le chapitre de Murbach Ordinis Sancti Benedicti. 1303 (1301, 1303) : Trouillat, t. 3, n° 14, p. 14 ; n° 24, p. 33.

Acte de vente de la cour d’Isenheim aux Antonites (1313) : Schoepflin, t. 2, n° 872, 1313 Ordinis Sancti Benedicti. p. 104-105. Trouillat, t. 3, n° 106, p. 181-185.

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Acte de vente d’une rente par l’abbé Conrad Widergrun de Stauffenberg et le 1330 Ordinis Sancti Benedicti. chapitre de Murbach (1330) : AHR, 9 G, Generalia, 1/7.

Fondation d’une prébende à l’abbatiale de 1333 Ordinis Sancti Benedicti. Murbach (1333) : AHR, 9 G, Generalia 1/8.

Restitution de biens par l’abbaye de 1341 Sant Benedicten Ordens. Murbach (1341) : AHR, 9 G, Generalia 1/9.

Bulle de confirmation du pape Alexandre Ordo monasticus secundum 1178 III (1178) : Schoepflin, t. 1, n° 321, beati Benedicti regulam. p. 264-266.

Confirmation du pape Alexandre IV (1253, 1256) : W. Wiegand, Beiträge zur 1253 Ordinis sancti Benedicti. elsässischen Kirchengeschichte aus den 1256 Vatikanischen Registern, in BMHA, 16, 1893, n° 6, p. 136. Neuwiller

Accord entre Jacques de Lorraine, évêque de Metz, et Albert Ier, abbé de Neuwiller 1257 Ordinis sancti Benedicti. (1257) : Mone, Urkunden über Lothringen, in ZGO, 13, 1861, p. 60.

Bulle de sécularisation par le pape 1496 Ordinis sancti Benedicti. Alexandre VI : Schoepflin, t. 2, n° 1429, p. 435-439.

Préface de l’abbé Edelin au Livre des Monasterium 1280 possessions, éd. C. Dette, Liber Wizenburgensis ordinis possessionum Wizenburgensis, Mayence, 1284 Sancti Benedicti. 1987, p. 95.

Urkundenbuch der Bischöfe zu Speyer, éd. Wissembourg 1346 Ordinis Sancti Benedicti. F. X. Remling, Mayence, 1852, t. 1, nos 577, 578; p. 565, 566.

1365 Ordinis Sancti Benedicti. Ibidem, n° 631, p. 636.

1370 Ordinis Sancti Benedicti. Ibidem, n° 647, p. 668.

Questions de vocabulaire

Secundum regulam sancti Benedicti

129 Jusqu’au Xe siècle, l’expression dit seulement que sur un point précis, l’observance se fait selon la Règle de saint Benoît, sans impliquer que toute la Règle de saint Benoît était observée. À partir du XIIe siècle, l’expression indique une observance globale et

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générale de la Règle de saint Benoît. Cette observance est nécessairement interprétée et spécifiée par des coutumes ou des constitutions particulières.

Ordo sancti Benedicti

130 Jusqu’à la fin du XIIe siècle, l’expression signifie simplement l’observance bénédictine. À partir du XIIIe siècle seulement, elle peut indiquer un groupement de monastères suivant la Règle de saint Benoît. À partir du XVIe siècle, l’expression désigne couramment l’association de plusieurs ou de tous les monastères de Saint-Benoît. La chancellerie pontificale romaine disposait d’un formulaire préétabli à l’adresse des monastères bénédictins. Les archives des monastères bénédictins d’Alsace conservent quelques exemplaires :

131 L’ordo monasticus signifie d’abord l’observance monastique, établie selon la Règle de saint Benoît :

132 Bulle de confirmation du pape Alexandre III pour Neuwiller (1178) : Ordo monasticus qui secundum Dei timorem et beati Benedicti regulam in ipso monasterio institutus esse dinoscitur : Schoepflin, Alsatia diplomatica, n° 32, t. 1, p. 264-266.

133 Bulle de confirmation du pape Alexandre III pour Marmoutier (1179) : Ordo monasticus qui secundum Dei timorem et beati Benedicti regulam in ipso monasterio institutus esse dinoscitur : Schoepflin, Alsatia diplomatica, n° 323, t. 1, p. 268-269. Würdtwein, Nova subsidia, t. 10, n° 29, p. 79-83.

134 Bulle de confirmation du pape Lucius III pour Ebersmunster (1183) : Ordo monasticus qui secundum Deum et beati Benedicti regulam in eodem monasterio institutus esse dinoscitur : Schoepflin, Alsatia diplomatica, t. 1, n° 330, p. 278-279.

135 Ce n’est que par la suite que l’Ordo Sancti Benedicti signifie la confédération des monastères bénédictins à l’intérieur d’un ensemble plus vaste. Cf. dans le tableau ci- dessus Murbach XIIIe-XIVe siècles.

136 Bulle d’incorporation du pape Jean XXII de la paroisse de Westhoffen à l’abbaye de Marmoutier (1330) : Conventus monasterii Maurimonasterii Ordinis Sancti Benedicti : H. V. Sauerland, Vatikanische Urkunden und Regesten zur Geschichte Lothringens, t. 1, Metz, 1901, n° 596, p. 279.

De l’Ordre de Saint-Benoît aux Congrégations bénédictines (XIVe-XVIIIe siècle)

137 Pour enrayer la décadence des monastères bénédictins, perceptible dès la fin du XIIe siècle, la curie romaine mit en place un double garde-fou : le regroupement des monastères par province, région ou pays et la tenue biennale ou triennale d’un chapitre général, avec des visites canoniques intermédiaires. Cette mesure préventive, qui avait fait ses preuves dans l’Ordre de Cluny et dans l’Ordre de Cîteaux jusqu’à un certain point, devait également être appliquée à l’Ordre de Saint-Benoît. Cette préoccupation resta la ligne directrice de la politique monastique du Saint-Siège jusqu’au concile de Trente et au-delà. Elle aboutit à la création en 1893 de la Confédération bénédictine sous la direction d’un Abbé Primat. L’ordre de Saint-Benoît était centralisé, mais il était réparti en plusieurs congrégations jouissant d’une réelle autonomie. L’évolution était longue et progressive.

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138 Sous le pape Innocent II (1130-1143), la curie romaine introduisit « la clause de régularité » dans les bulles de protection qu’elle accordait aux monastères. Le pape étendait sa tutelle uniquement aux monastères qui reconnaissaient explicitement la Règle de saint Benoît comme norme de la vie commune216. En 1215, le IVe concile du Latran n’admit plus que quatre règles de vie religieuse, dont la Règle de saint Benoît217. En Alsace, le cardinal Otto, légat papal en Germanie, proposa dès 1239 aux monastères un programme de réforme inspiré des statuts du synode de Trèves en 1227218. De fait, les observances et les régimes des monastères bénédictins étaient trop disparates et les intérêts des évêques et des abbés trop divergents pour que le pouvoir législatif de ces assemblées nationales ou régionales ait pu s’imposer.

139 Pour remédier à cette carence, le pape Benoît XII, un cistercien, promulgua en 1336 la bulle qui porte son nom, la Benedictina. Les monastères bénédictins étaient répartis en 36 provinces, selon les divisions des provinces ecclésiastiques. Les monastères de la Basse-Alsace furent rattachés à la province dite de Mayence-Bamberg. Les abbayes de Munster et de Murbach en Haute-Alsace et au diocèse de Bâle restaient oubliées. Les intentions réformatrices de la Benedictina étaient sincères. Il fallut plus de quatre- vingt ans pour que le chapitre de Petershausen219, convoqué par le diocèse de Constance, lui donne en 1417 un commencement d’exécution dans les régions du Rhin supérieur !

140 L’union de Bursfeld devait prendre la relève. Fondée par Jean Dederoth, abbé de Clus et de Bursfel, et par Jean de Rode, abbé de Saint-Mathias de Trèves, elle fut approuvée par le concile de Bâle en 1446. L’union étendit progressivement son influence bienfaisante sur les monastères alsaciens : Wissembourg y adhéra en 1482, Marmoutier en 1517, Walbourg échoua aux pourparlers préliminaires et Honcourt, en principe admis, n’aboutit pas à cause des réticences de son abbé. La crise protestante du XVIe siècle bloqua toute velléité de réforme ou de renouveau. En 1563, l’avant dernière session du concile de Trente exigea que tous les monastères indépendants se réunissent en congrégations – le mot de congregatio est textuellement employé – avec chapitres généraux et visites régulières220. Dès 1607, les sept abbayes du diocèse de Strasbourg – trois cis-rhénanes et quatre trans-rhénanes – entrèrent officiellement dans l’union de Bursfeld. Mais les monastères allemands étaient trop lointains et les intentions du nouvel évêque, l’archiduc Léopold d’Autriche, trop contradictoires pour que cette affiliation pût porter quelque fruit.

141 L’évêque envisagea de réunir les abbayes bénédictines de son diocèse en une congrégation autonome221. Il y parvint habilement en 1624, en instituant la congrégation dite de Strasbourg. L’abbaye de Munster au Val Saint-Grégoire s’affilia en 1659 à la congrégation lorraine de Saint-Vanne-et-Hydulphe. L’abbaye de Murbach refusa toute entrée dans la congrégation souabe ou suisse et aboutit en 1764 à la sécularisation. C’est groupées en congrégations que les abbayes alsaciennes survivantes affrontèrent la tourmente révolutionnaire de 1789.

La fin du monachisme médiéval et féodal en Alsace

142 La Révolution française a porté un coup d’arrêt décisif aux monastères d’Alsace : elle a purement et simplement supprimé les abbayes, chassé les personnes et liquidé le patrimoine en le vendant comme bien national. Les monastères d’Alsace en 1789 étaient loin d’être décadents. Le nombre des religieux et la pyramide de leurs âges

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étaient satisfaisants. L’observance conventuelle et les célébrations liturgiques étaient conformes au concile de Trente et aux directives des différentes congrégations monastiques. Les études restaient sérieuses. Sur la base de « la théologie monastique » héritée des origines s’étaient greffées des tendances nouvelles : ouvertures à la néo- scolastique post-tridentine, à la controverse anti-protestante, même aux sciences modernes naissantes. Plusieurs explications ont été avancées pour interpréter cette fin brutale : l’hostilité des autorités révolutionnaires à l’encontre des ordres religieux, l’attitude ambiguë des catholiques, désireux de secouer le joug pesant des entreprises monastiques et de l’exploitation par les moines, la résignation progressive des religieux eux-mêmes, car le retour à l’ordre ancien des choses était devenu impossible et l’adaptation à l’ordre nouveau restait encore inimaginable222. Toutes ces explications portent leur part de vérité. Il ne faut cependant pas perdre de vue la raison essentielle qui contient toutes les causes subsidiaires. De par leur origine, les monastères d’Alsace, comme d’ailleurs, restaient intégrés à l’ordre féodal qui se mit en place durant l’époque mérovingienne et carolingienne. Malgré des aménagements ponctuels à l’intérieur de ce système institutionnel, ce régime subsista durant plus d’un millénaire. La Révolution française lui a porté un coup d’arrêt fatal et irrémédiable. Le programme s’est effacé tout seul lors de la suppression du logiciel qui lui fournissait le support.

ANNEXES

Abréviations

Les abréviations sont données selon S.M. SCHWERTER, Internationales Abkürzungsverzeichnis für Theologie und Grenzgebiete, Berlin, 1992, et le Nouveau dictionnaire de biographie alsacienne. ABR : Archives départementales du Bas-Rhin ; AEA : Archives de l’Eglise d’Alsace ; AEKG : Archiv für Elsässischen Kirchengeschichte ; AHR : Archives départementales du Haut-Rhin ; AMKG : Archiv für Mittelrheinische Kirchengeschichte ; AMM : Archives municipales de Munster ; AMS : Archives municipales de Strasbourg ; ASBoll : Acta Sanctorum Bollandiana ; ASHADBO : Annuaire de la Société d’histoire et d’archéologie de Dambach, Barr, Obernai ; ASHARN : Association d'histoire et d'archéologie du Ried Nord ; ASHM : Annuaire de la Société d’histoire du Val et de la Ville de Munster ; AS OSB : Acta Sanctorum ordinis sancti Benedicti ; BMHA : Bulletin pour la Conservation des Monuments historiques d’Alsace ; CAAAH : Cahiers alsaciens d’archéologie, d’art et d’histoire ; DHGE : Dictionnaire d’histoire et de géographie ecclésiastique ; MGH : Monumenta Germaniae Historica ; SCHOEPFLIN : Jean Daniel SCHOEPFLIN, Alsatia diplomatica. 2 vol., Mannheim, 1772-1775 ; TROUILLAT : J. TROUILLAT, Monuments de l’histoire de l’ancien évêché de Bâle. 5 vol. Porrentruy, 1852-1867 ; WÜRDTWEIN, N.S. : Stephan Alexander WÜRDTWEIN, Nova subsidia diplomatica. 14 vol. Heidelberg, 1781-1792 ; ZGO : Zeitschrift für die Geschichte des Oberrheins.

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NOTES

1. André Marcel BURG, Les débuts du monachisme en Alsace : hypothèses et vraisemblances, in AEA, 23, 2e série 7, 1956, p. 23-36. 2. Le travail doit paraître aux Éditions du Signe à Strasbourg sous le titre Les monastères d’Alsace. 3. Christian PFISTER, La légende de sainte Odile, reproduit dans les Pages alsaciennes, Paris, 1927, 86-119, p. 88. 4. MOLIERE, Le dépit amoureux, acte 4, scène 2. Cité d’après Paul ROBERT, Dictionnaire alphabétique et analogique de la langue française, t. 1, Paris, 1971, p. 851. 5. Adalbert de VOGÜE, Saint Colomban. Règles et pénitentiels monastiques, Abbaye de Bellefontaine, 1989 (Vie monastique, 20), p. 19. Sur les origines, la diffusion, les caractéristiques du monachisme irlandais, puis iro-mérovingien cf. les multiples travaux de Friedrich Prinz. 6. Adalbert de VOGÜE – Jean NEUFVILLE, La Règle de saint Benoît, t. 1, Paris 1972 (Sources chrétiennes, 181), chap. 5, p. 163-169. Adalbert de VOGÜE, Saint Colomban. Règles et pénitentiels monastiques, p. 47-48, 170-172. 7. JONAS DE BOBBIO, Vie de saint Colomban et de ses disciples. Introduction, traduction et notes par Adalbert de VOGÜE, (Vie monastique, 19), Abbaye de Bellefontaine, 1988, chapitre 27, p. 157-162. 8. Friedrich PRINZ, Mönchtum und frühmittelalterliche Gesellschaft, in Premier Congrès international sur la Règle de saint Benoît, Rome, 4-9. 10. 1971, Hildesheim, 1972, p. 217. 9. Ludwig Traube, Perrona Scottorum, ein Beitrag zur Ueberlieferungsgeschichte und zur Palaeographie des Mittelalters, in Sitzungsberichte der philos.-philol. und der historischen Classe der kgl. bayerischen Akademie der Wissenschaften, 1900, Heft 4, 469-538. 10. Sur l’influence des Irlandais en Europe durant le haut Moyen Âge, cf. Die Iren und Europa im frühen Mittelalter, hg. von Heinz Löwe, 2 vol., Stuttgart, 1982. 11. Garance Six, Les monastères de femmes en Irlande méridionale du VIe au XIIe siècle, Mémoire de maîtrise sous la direction de R. GUILD, Université Marc Bloch, Strasbourg, 1999, p. 20-21. 12. GOUGAUD Louis, Les saints irlandais hors d’Irlande, Louvain-Oxford, 1936, p. 30-31. 13. JONAS DE BOBBIO, Vie de saint Colomban et de ses disciples, op. cit., p. 157-162. 14. Robert VION, Le culte de saint Wandrille en Alsace, in L’abbaye Saint-Wandrille de Fontenelle, 8, 1958, 3-6. La plus ancienne Vie de saint Wandrille. Traduction par Jean LAPORTE, introduction et notes par Joseph THIRON. Fontenelle, 2001. 15. Vie de saint Amarin in ASBoll, Janvier, t. 2, Anvers 1643, p. 628-636 Vie I, p. 630-633 ; Vie II, p. 633-636). 16. Mechtild PÖRNBACHER, Vita sancti Fridolini. Leben und Wunder des heiligen Fridolin von Säckingen. Sigmaringen, 1997. 17. Cf. art. Landelin, in NDBA, n° 23, p. 2190-2191. 18. Joseph SEMMLER, Mönche und Kanoniker im Frankenreiche Pippins III. und Karls des Grossen, in Untersuchungen zu Kloster und Stift, hg. v. Max-Planck-Institut für Geschichte, Göttingen, 1980, (Studien zur Germania sacra, 14), 78-111. 19. Testament de l’évêque Remi de Strasbourg. Strasbourg, 15 mars 778 : Clerici nostri canonici. Éd. W. WIEGAND, Urkundenbuch der Stadt Strassburg, t. 1, Strasbourg, 1879, n° 16, p. 13, l. 10. Cf. J. SEMMLER, Mönche und Kanoniker im Frankenreiche, op. cit., p. 91, 102. 20. Pour le détail et la bibliographie, cf. plus loin les notices individuelles sur chaque monastère. 21. Éd. J. C. LÜNIG, Spigilegium ecclesiasticum, t. 1, Leipzig, 1716, n° 18, p. 14-15. Voir aussi The letters of saint Boniface, trad. Ephraim EMERTON, New York, 1940, nos 44 et 49, p. 91-94, 11-113. 22. Adalbert de VOGÜE – Jean NEUFVILLE, La Règle de saint Benoît, op. cit., t. 1, chap. 5, p. 149-172.

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23. Kassius HALLINGER, Papst Gregor der Grosse und der hl. Benedikt, in Studia Anselmiana, 42, 1957, p. 231-319. Voir aussi Grégoire le Grand, Colloques internationaux du CNRS, Chantilly, 15-19 septembre 1982, Paris, 1986, avec la bibliographie monastique, p. 688-689, les contributions de Friedrich PRINZ, Das westliche Mönchtum zur Zeit Gregors des Grossen, op. cit., 123-136, surtout p. 129, 131-132 ; et de Georg JENAL, Grégoire le grand et la vie monastique dans l’Italie de son temps, op. cit., p. 147-157, surtout p. 152. 24. Philibert SCHMITZ, Histoire de l’Ordre de Saint-Benoît, op. cit., t. 1, Maredsous, 1948, p. 44-54. 25. Adalbert de VOGÜE, Saint Colomban. Règles et pénitentiels monastiques, op. cit., p. 19-20, 47-48. 26. Friedrich PRINZ, Frühes Mönchtum im Frankenreich. Kultur und Gesellschaft in Gallien, den Rheinlanden und Bayern am Beispiel de monastischen Entwicklung (4. bis 8. Jh.). Munich-Vienne, 1965, p. 262-268. 27. Friedrich PRINZ, op. cit., p. 263-292. Le même, Abriss der kirchlichen und monastischen Entwicklung des Frankenreiches bis zu Karl dem Grossen, in Karl der Grosse. Lebenswerk und Nachleben, hg. von W. BRAUNFELS, t. 2, Das geistige Leben, hg. von Bernhard BISCHOFF, Düsseldorf, 1965, p. 290-299. Le même, Mönchtum und frühmittelalterliche Gesellschaft, p. 209-217. Le même, Grundzüge der Entfaltung des abendländischen Mönchtums bis zu Karl dem Grossen, in Studien und Mitteilungen zur Geschichte des Benediktinerordens und seiner Zweige, 102, 1991, 202-230. 28. Adalbert de VOGÜE – Jean NEUFVILLE, La Règle de saint Benoît, op. cit., t. 1, p. 157-169. 29. Joseph SEMMLER, Die Beschlüsse des Aachener Konzils im Jahre 816, in Zeitschrift für Kirchengeschichte, 74, 1963, 15-82. 30. Die Chronik des Matthias von Neuenburg, éd. A. HOFMEISTER, MGH. Scrip. Rer. Germ. Nova series, t. 4, 1924-1940, p. 495, ad 1374. Albert BRUCKNER, Regesta Alsatiae aevi merovingici et karolini. 496-918. 1. Quellenband. Strasbourg-Zurich, 1949, n° 20, p. 6. Résumé de la question : MGH. DM2, t. 2, Dep. 152, p. 562. 31. KOENIGSHOVEN (fin XIVe s.), Chronicke, éd. C. Hegel, Die Chroniken der deutschen Städte, t. 2, Leipzig, 1871, p. 630-631, et surtout p. 746-747. 32. Philippe Louis KUNAST, Chronique de Strasbourg. Rédigée vers 1685, cette Chronique a péri dans l’incendie de la bibliothèque de Strasbourg en août 1870. Cf. NDBA, 22, 2151-2152. Le passage sur l’origine et la fin du monastère de Saint-Arbogast a été copié antérieurement par Louis DACHEUX et édité par lui dans les Fragments de diverses vieilles chroniques, in BMHA, 2e série, 18, 1897, n° 4218, p. 87-89. 33. Robert FORRER, Strasbourg – Argentorate préhistorique, gallo-romain et mérovingien, Strasbourg, 1927, t. 2, p. 748-750. Médard BARTH, Der heilige Arbogast, Bischof von Strassburg. Seine Persönlichkeit und sein Kult, Colmar, 1940 (AEKG, 14, 1939-1940), surtout p. 4-19, 150-157. Strasbourg. Dix ans d’archéologie urbaine, Strasbourg, 1994, p. 142-143. Cf. aussi Lucien PFLEGER, Kirchengeschichte der Stadt Strassburg im Mittelalter, Colmar, 1941, p. 75-76. Philippe DOLLINGER, Origine et essor de la ville épiscopale (Ve-XIIe s.), in Histoire de Strasbourg des origines à nos jours, éd. G. LIVET et Fr. RAPP, t. 2, Strasbourg, 1981, p. 7-9. 34. BRUCKNER, Regesta Alsatiae, n° 167, p. 101. 35. Traditiones Wizenburgenses. Die Urkunden des Klosters Weissenburg 661-864. Hg. aus dem Nachlass von Karl GLÖCKNER v Anton DOLL, Darmstadt, 1979, T 66 (765/766), p. 265-266. 36. Nécrologe de la Reichenau, vers 824, éd. MGH. Libri Confraternitatum, p. 222, et MGH. MN, t. 1, f. 57. 37. Arnold ANGENENDT, Monachi peregrini. Studien zu Pirmin und den monastischen Vorstellungen des frühen Mittelalters. Munich, 1972, p. 49-54, 75-122. 38. Die Chronik des Matthias von Neuenburg, éd. A. HOFMEISTER, MGH. Scrip. Rer. Germ. Nova series, t. 4, 1924-1940, p. 495, ad 1374. BRUCKNER, Regesta Alsatiae, n° 20, p. 6. Résumé de la question : MGH. DM 2, t. 2, Dep. 152, p. 562.

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39. E. EWIG, Le culte de saint Martin à l’époque franque, in RHEF, 47, 1961, 1-18, reproduit in Spätantikes und fränkisches Gallien. Gesammelte Schriften, Bd. 2, Munich, 1979 (Beihefte der , 3, 2), 355-370 (version française) et 371-392 (version allemande). Sur le culte de saint Martin en Alsace, cf. Fr.-J. HIMLY, Recherches sur les origines du culte de saint Martin en Alsace, in AEA, 23, 2e série 7, 1956, 37-65. 40. BARTH, Der heilige Arbogast Bischof von Strassburg. Seine Persönlichkeit und sein Kult, Colmar, 1940, p. 17-19, 24-39, 152-154. 41. H. BÜTTNER, Geschichte des Elsass, 1re éd., Berlin, 1939, p. 56, n. 110. Geschichte des Elsass, 2e éd. Sigmaringen, 1991, p. 67, n. 110. 42. A.-M. BURG, Monnaies trouvées à Surbourg, in CAAAH, 1, 1957, 95-96. 43. J. BRAUN, Histoire des routes en Alsace, Strasbourg, 1987, p. 147. 44. La première Vie (BHL, n° 6915-6916) a été rédigée avant la fin du VIIe siècle. Elle cherche une réconciliation entre le clan des meurtriers et la famille de saint Projet. La seconde Vie (BHL, n° 6917) forme un abrégé, composé au plus tard durant le XIe siècle. Cette version exclut la dimension politique du meurtre. Édition : ASBoll, Janvier, t. 2, Anvers 1643, p. 628-636 Vie I, p. 630-633 ; Vie II, p. 633-636). Le récit de la Passion seul est édité dans MGH. SRM, t. 5, 1910, 212-248. 45. Odette PONTAL, Die Synoden im Merowingerreich, Paderborn, 1986, p. 172. 46. FREDEGAIRE, Chronique, livre IV, n° 47, in MGH. SRM, t. 2, p. 144. Eugen EWIG, Die fränkische Teilreiche im VII Jh., (1953) in Spätantikes und fränkisches Gallien. Gesammelte Schriften (1952-1973), Munich, 1976, t. 1, p. 172-230, p. 194. 47. O. PONTAL, Die Synoden im Merowingerreich, 201-202. Traduction française : Histoire des conciles mérovingiens, Paris, 1989, p. 225. 48. Sur la situation politico-religieuse de Clermont-Ferrand au VII e s., cf. Ian WOOD, The ecclesiastical politics of Merovingian Clermont, in Ideal and reality in Frankish and Anglo-Saxon society. Studies presented to J. M. Wallace – Hadrill, éd. P. WORMALD, D. BULLOUGH, R. COLLINS, Oxford, 1983, p. 34-57. 49. Vie I, chap. 1, n° 3, in ASBoll, Janvier, t. 2, p. 630 col 2, A. Fr. PRINZ, Frühes Mönchtum im Frankenreiche, op. cit., p. 263-271, et carte IX. 50. E. EWIG, L’Aquitaine et les pays rhénans au haut Moyen Âge, in Cahiers de civilisation médiévale, 1, 1958, 37-54. Reproduit dans E. EWIG, Spätantikes und fränkisches Gallien. Gesammelte Schriften (1952-1973), hg. von H. ATSMA (Beihefte der Francia, 3, 1), p. 559-560. 51. Médard BARTH, Zur Mission des heiligen Fridolin im Elsass : Dillersmünster, ein Sankt Hilariusklösterlein, in AEA, 17, 2e série 1, 1946, 21-26. Le même, Sankt Fridolin und sein Kult im alemanischen Raum. Ein Versuch, in FDA, 75, 1955, 112-202. 52. Margrit KOCH, Sankt Fridolin und sein Biograph Balther. Irische Heilige in der literarischen Darstellung des Mittelalters. Zurich, 1969. 53. Mechtild PÖRNBACHER, Vita sancti Fridolini. Leben und Wunder des heiligen Fridolin von Säckingen. Beschrieben von Balther von Säckingen, Bischof von Speyer. Texte – Übersetzung – Kommentar. Sigmaringen, 1997, 218-261. Remplace l’édition de Bruno KRUSCH, Vita Fridolini Confessoris Seckingensis auctore Balthero 1896, réédition 1977, in MGH. SRM, t. 3, 350-369. 54. Éditions : SCHOEPFLIN, Alsatia diplomatica n° 20, t. 1, Mannheim, 1772, p. 22-23. C. ZEUSS, Traditiones possessionesque Wizenburgenses, Appendix, n° 6, p. 323-325 (transcription d’Albert Ier, 1303). PARDESSUS, Diplomata, 1849, t. 2, n° 262, p. 25-27. MGH. DM1, Spuria n° 31, p. 149. MGH. DM2, t. 1, n° 64, p. 158-162 (avec indication d’autres éditions). 55. Anton DOLL, Der Landdekanat Weissenburg (mit Kloster St. Peter in Weissenburg), in Palatia sacra I/2, Mayence, 1999, p. 132-139. 56. Traditiones Wizenburgenses, éd. DOLL, n° 1 (203), p. 415-416. 57. DOLL, Der Landdekanat Weissenburg, op. cit., p. 139.

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58. MGH. SS, t. 3, p. 153. BRUCKNER, Regesta Alsatiae, op. cit., n° 45, p. 16. PFISTER, Le duché d’Alsace, op. cit., p. 13. 59. François HIMLY, Les plus anciennes chartes et les origines de l’abbaye de Wissembourg (VII e siècle), in Bibliothèque de l’École des chartes, 100, 1939, 281-294. 60. Monachi et peregrini sub regula beati Benedicti et sancti Columbani abbatis. J.M. PARDESSUS, Diplomata, t. 2, 1849, n° 360, p. 147-148). 61. Initium Leucopolis cenobii, quod latine Wizenburch dicitur. MGH. SS, 3, 1839, p. 153. 62. Charte d’Otton II de 967 : SCHOEPFLIN, Alsatia diplomatica, t. 1, n° 148, p. 121. Caspar ZEUSS, Traditiones possessionesque Wizenburgenses, Spire, 1842, Appendix. n° 1, p. 317-318. J. RHEINWALD, L’abbaye et la ville de Wissembourg, Wissembourg, 1863, n° 10, p. 415-417. MGH. D, Otton II, n° 15, p. 22-23. 63. DOLL, Der Landdekanat Weissenburg, op. cit., p. 145-146. 64. Traditiones Wizenburgenses, éd. DOLL, n° 172 (243), n° 50 (261), p. 374, 237. 65. Traditiones Wizenburgenses, éd. DOLL, n° 275 (262), p. 519. 66. Livre des Possessions, éd. Ch. DETTE, Liber Possessionum Wizemburgenses, Mayence, 1987, n° 310. Le texte nomme deux praepositi, sans autre qualification. L’un est certainement « un frère de l’abbaye » ; l’autre pourrait être le prévôt du chapitre canonial Saint-Étienne, également de Wissembourg. 67. DOLL, Der Landdekanat Weissenburg, p. 146 -147. 68. DOLL, Der Landdekanat Weissenburg, p. 132-208. 69. Christian WILSDORF, L’abbaye de Munster à travers les siècles, in ASHM, 13, 1958, 47-67, donne un aperçu rapide et fiable sur l’origine et l’histoire de l’abbaye de Munster. 70. Roi d’Austrasie entre 662 et 673, roi de tout le royaume mérovingien entre 673 et 675, 10 août/14 novembre. 71. Éditions : AnOSB, t. 1, p. 421. Schoepflin, Alsatia diplomatica, t. 1, n° 2, p. 4. J. TROUILLAT, Monuments de l’histoire de l’ancien évêché de Bâle, t. 1, n° 31, p. 60-61. A. CALMET – F. DINAGO, Histoire de l’abbaye de Munster, Colmar, 1882, p. 21-22. Ludwig OHL, Geschichte der Stadt Münster und ihrer Abtei im Gregorienthal, Schirmeck, 1897, p. 15. MGH. DM1, n° 30, p. 29. MGH. DM2, t. 1, n° 111, p. 286-287. Chartae latinae antiquiores, t. 9, p. 20-21 (avec fac-similé). 72. LÜNIG, Spigilegium ecclesiasticum, t. 5, Continuatio 1, n° 3, p. 1096. SCHOEPFLIN, Alsatia diplomatica, t. 1, n° 15, p. 16 ; n° 671, p. 473, d’après une ancienne copie disparue depuis lors. GRANDIDIER, Histoire de la province d’Alsace, Strasbourg, 1787, t. 1, n° 33, p. 32. CALMET – DINAGO, p. 36-37 (daté de 796). OHL, Geschichte der Stadt Münster und ihrer Abtei, p. 25-26. BRUCKNER, Regesta Alsatiae, n° 160, p. 91-92 (daté de 747). Traduction française : Ch. WILSDORF, L’abbaye de Munster à travers les âges, in ASHM, 13, 1958, p. 56 (daté du 1er janvier 746). 73. Bruno JUDIC, Le culte de saint Grégoire le Grand et les origines de l’abbaye de Munster en Alsace, in L’hagiographie du haut Moyen Âge en Gaule du Nord, sous la direction de Martin HEINZELMANN, Stuttgart, 2001 (Beihefte der Francia, 52), 263-295. 74. Pierre SCHMITT, Catalogue général des manuscrits des bibliothèques publiques de France, t. 56, Colmar, Paris, 1969, p. XIX-XXI. (Orthographe modernisée). Sébastien MÜNSTER, Cosmographia universalis, Bâle, 1572, De Germania, cap. 130, p. 2, édition allemande en fac- similé, Lindau, 1978, t. 2, p. 827. Johann Christian Lünig, Spigilegium ecclesiasticum, t. 5, Continuatio 1, p. 1076-1095. Augustin CALMET, Histoire de l’abbaye de Munster, éd. F. DINAGO, Colmar, 1882, chap. 1, p. 7-10. 75. Pierre SCHMITT, Schweinsbach. Le problème des origines de l’abbaye bénédictine de Munster. La chapelle. La métairie, in ASHM, 8, 1934, 9-51. 76. Bruno JUDIC, Le culte de saint Grégoire le Grand et les origines de l’abbaye de Munster en Alsace, op. cit., p. 270-271. 77. La première partie des Annales de Munster accordent de l’importance à saint Benoît, au pape saint Grégoire, aux anglo-saxons, convertis à la foi chrétienne en 596, au roi Oswald de

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Nordhumberland († 642), aux évêques Heddo, Remi et Rachio de Strasbourg, à la conversion des saxons en 777. Éd. G.H. Pertz, in MGH. SS, t. 3, 1839, p. 152-154. L’hypothèse proposée ci-dessus fait la synthèse entre ces différentes influences. 78. Félix SIGRIST, L’abbaye de Marmoutier. Histoire des institutions de l’ordre de Saint-Benoît du diocèse de Strasbourg. Strasbourg, 1899. Réédition 2000, t. 1, chap. 1, p. 7. 79. G.H. PERTZ, in MGH. DM 1, 1872, n° 90, p. 204-205, reproduit la charte parmi les diplômes inauthentiques. Th. KÖLZER, in MGH. DM2, 2001, t. 1, n° 186, p. 462-465, t. 2, Diplôme perdu n° 390, p. 658, édite également cette charte en la qualifiant « d’inauthentique ». KÖLZER, Merowingerstudien II, op. cit., p. 34-49 : « faux rédigé entre 1163 et 1179, utilisant un authentique du roi Thierry IV ; la délimitation de la marche est une interpolation postérieure ». 80. Theo KÖLZER, Die Urkunden der Merowinger, in MGH. DM 2, 2001, cite plusieurs chartes perdues et reconstituées, en les qualifiant de douteuses : donation et protection de Childebert I. Marlenheim, 558. Deperditum, n° 26, t. 2, p. 510 ; donation et protection de Childebert II [575-596]. Deperditum, n° 75, t. 2, p. 531 ; confirmation des donations et de l’immunité par Clotaire II. [Avant le 4 avril 630]. Deperditum, n° 126, p. 552. Cette confirmation aurait été renouvelée par les rois mérovingiens Thierry II (Deperditum, n° 130, p. 553), Dagobert I (Deperditum, nos 146, 559), Sigebert III (Deperditum, n° 209, p. 588), et Dagobert II (Deperditum, n° 322, p. 633). Le caractère répétitif de ces prétendues confirmations et le défaut de garantie dans leur transmission ne permet pas de les envisager comme des bases sérieuses pour les origines de Marmoutier. Cf. aussi Theo KÖLZER, Merowingerstudien II, op. cit., p. 34-49. 81. « Childebert le jeune, fils de Sigebert, roy de Metz, doit avoir été le fondateur de Mormonstier » Nicolas VOLCYR, L’histoire et recueil de la triomphante et glorieuse victoire obtenue par Anthoine duc de Lorraine, Paris 1526/1527, 1ivre III, p. 78. Réédition : Relation de la guerre des rustauds, Nancy, 1856, p. 266. 82. La fondation de Marmoutier « nous apparaît comme le fruit de la collaboration entre les moines de Luxeuil, le roi d’Austrasie, Childebert l’Adopté, et l’évêque de Metz ». BURG, Débuts du monachisme, in AEA, 23, 2e série 7, 1956, 30-32. 83. État des domaines et des revenus de l’abbaye de Marmoutier. Cet inventaire regroupe divers fragments de censiers du Xe et du XIe siècle. Le nom de « polyptique de 1120 » qu’on lui a donné ne lui convient pas. La compilation a vu le jour à l’abbaye de Marmoutier durant le second quart du XIIe siècle. Manuscrit : Original aux ABR, H 609, n° 1. Feuille de parchemin 75 x 67 cm, avec texte disposé sur trois colonnes, désignées par les lettres A, B et C. Éditions : SCHOEPFLIN, Alsatia diplomatica, t. 1, n° 249, p. 197-201. Ch. E. PERRIN, Essai sur la fortune immobilière de l’abbaye alsacienne de Marmoutier, Strasbourg, 1935, p. 152-166. 84. ARDON, Vie de saint Benoît d’Aniane. Éd. P. BONNERUE, F BAUMES, A de VOGÜE, Abbaye de Bellefontaine, 2001. (Vie monastique, 39), chap. 35 (47), p. 93. 85. Catalogue des abbés de Marmoutier. Catalogus abbatum monasterii Sancti Martini in Maurs- münster. Sur la couverture : Catalogus abbatum in Maurimonasterio, Ordinis Sancti Benedicti, prope Tabernas Alsaticas, inchoatus anno Domini 1745. f. 1 : Copia facta anno 1752. Original : BNUS., Ms 592 (Als. 16) : 1 vol., 168 f., 326 p. Sur l’abbé Celse et l’évêque Drogon, cf. p. 55-59. 86. Les Regestes des évêques de Strasbourg signalent une seule intervention d’un évêque de Strasbourg dans les affaires de Marmoutier au Xe siècle, l’absence totale des évêques strasbourgeois au XIe siècle, leur présence progressive au XIIe siècle. Au contraire, les évêques de Metz y interviennent constamment au spirituel comme au temporel. Il faut attendre une bulle de Jean XXII de 1330 pour constater une clarification des compétences respectives : l’abbaye de Marmoutier relève au spirituel de l’évêque de Strasbourg, au temporel de l’évêque de Metz. H. V. SAUERLAND, Vatikanische Urkunden und Regesten zur Geschichte Lothringens, t. 1, Metz, 1901, n° 596, p. 279. 87. André Marcel BURG, Sainte Hune : sa légende, son historicité et son culte, in AEA, 17, 2e série 1, 1946, 27-74.

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88. Ludwig WEILAND, Chronicon Ebersheimense, in MGH. SS, t. 23, 1871, 427-453. 89. Christian PFISTER, Les légendes de saint Dié et de saint Hidulphe, in Annales de l’Est, 3, 1889, 379-395. 90. PERTZ, MGH. DM 1, n° 72, p. 188-189. Theo KÖLZER, MGH. DM2, t. 1, n° 132, p. 334-336. Le même, Merovingerstudien II, Hannovre, 1999, 18-23. 91. Christian PFISTER, Les légendes de saint Dié et de saint Hidulphe, in Annales de l’Est, 3, 1889, 377-408, 636-588, surtout p. 575. Christian WILSDORF, art Die, in NDBA, 7, 1986, 640. 92. André Marcel BURG, Le duché d’Alsace au temps de sainte Odile, Woerth, 1959, p. 55-59 ; 2e éd. Paris, 1987, p. 84-92. 93. SCHÖPFLIN, Alsatia diplomatica, 1, n° 130, p. 104. GRANDIDIER, Histoire de l’Église de Strasbourg, t. 2, Strasbourg, 1778, pièce justificative n° 61, p. civ-cv = PL, 97, c. 1080, n° 2. MGH. DK, t. 1, n° 221, p. 295-296. 94. Gallia christiana, t. 5, 1731, c. 461, n° 3 = PL, 97, c. 997, n° 67s d’après l’original. GRANDIDIER, Histoire de l’Église de Strasbourg, t. 2, pièce justificative n° 86, p. CLIV-CLV, d’après l’original. MGH. DK, t. 1, n° 210, p. 280-282. 95. GRANDIDIER, Histoire de l’Église de Strasbourg, t. 2, pièce justificative n° 87, p. CLVI-CLIX (faux du XIIe s.). 96. GRANDIDIER, Histoire de l’Église de Strasbourg, t. 2, pièce justificative n° 93, p. CLXVIII- CLXVIII. Schoepflin, Alsatia diplomatica, t. 1, n° 82, p. 66 (considéré comme authentique) et n° 131, p. 105 (considéré comme faux). 97. GRANDIDIER, Histoire de l’Église de Strasbourg, t. 2, pièce justificative, n° 96, p. CLXXVI- CLXXXI (falsification du XIIe s.). 98. GRANDIDIER, Strasbourg, t. 2, pièce justificative n° 101, p. CXC-CXCII (faux du XII e s. sur la base d’un authentique). 99. Notitia de servitio monasteriorum, 819, in Corpus consuetudinum monasticarum, Siegburg, t. 1, 1963, p. 483-489, p. 496. 100. MGH. L Cap, t. 2, 1897, n° 251, p. 193-195. 101. GRANDIDIER, Histoire de l’Église de Strasbourg, t. 2, pièce justificative n° 159, p. ccxcii- ccxciv. Kehr, in MGH. DK, t. 3, Arnulf, 2e éd. 1955, n° 50, p. 69-73. 102. SCHOEPFLIN, Alsatia diplomatica, t. 1, n° 330, p. 278-279 (de l’original aux archives de l’abbaye). A. BRACKMANN, Germania pontificia, t. III, 3, Berlin, 1935, p. 47. 103. Sur les origines du monastère de Honau, il suffit de renvoyer à Christian WILSDORF, Le monasterium Scottorum de Honau et la famille des ducs d’Alsace au VIIIe siècle. Vestiges d’un cartulaire perdu, in Francia 3, 1975,1 87. Réimprimé dans ASHARN, 1994, 15-118. 104. Cf. le plan de l’Insula Honaugiensis aux ABR, G 4227, n° 8, parchemin, vers 1450. 105. Les principales sources sont indiquées par Christian WILSDORF, Le monasterium Scottorum de Honau. art. cit. 106. Éditions : MABILLON, AS.OSB, t. III/2, Paris, 1672, p. 486-496 (d’après un seul manuscrit) : Vita sanctae Odiliae virginis et abbatissae Hohenburgensis in Alsatia. PFISTER, La Vie de sainte Odile, in An.Boll, 13, 1894, 5-32. LEVISON, Vita Odiliae abbatissae Hohenburgensis, in MGH. SRM, t. 6, 1913, 24-50. Sur les autres éditions, cf. BHL, 1898; BHL S, 1911; BHL. NS, 1986, n° 6271-6274. Traduction allemande : ALBRECHT, History von Hohenburg, 1751, 110-126. Analyses : PFISTER, Le duché mérovingien, 42-68. 107. René BORNERT, Qui était sainte Odile ?, in ASHADBO, 31, 1997, 105-118. 108. Monique GOULLET, Les saints du diocèse de Toul, in L’hagiographie du haut Moyen Âge en Gaule du Nord, sous la direction de Martin HEINZELMANN, Stuttgart, 2001 (Beihefte der Francia, 52), 11-89, p. 42-69.

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109. Vie de sainte Odile, chap. 14 : fondation du monastère d’en bas. Christian PFISTER, La légende de sainte Odile, in Pages alsaciennes, Paris, 1927, 87-119, et Heinrich BÜTTNER, Geschichte des Elsass, 2e éd., Sigmaringen, 1991, passim, voir index p. 369, ne mettent pas en doute que la fondation de Niedermunster a eu lieu au temps de sainte Odile. Christian WILSDORF, Les constructions de Niedermunster antérieures au XIIe siècle. Données fournies par les textes, in Bulletin archéologique du Comité des travaux historiques et scientifiques, 8, 1972 (1975), 17-21, admet comme « vraisemblable » que la première église construite aux temps mérovingiens par le monastère d’en haut à Niedermunster se trouvait déjà à l’emplacement de l’abbatiale construite au XIIe siècle. 110. Jacques PREISS, Le cloître roman de Niedermunster. Résultats des fouilles, description et reconstitution, in ASHADBO, 24, 1990, 7-30. Le même, Sainte-Marie de Niedermunster, le monastère oublié, in Le Mont Sainte-Odile, haut lieu de l’Alsace. Archéologie, histoire, traditions, Strasbourg, 2002, p. 121-123. 111. Wilhelm WIEGAND, Die ältesten Urkunden für Sankt Stephan in Strassburg, in ZGO, 48, NF 9, 1894, 389-442. 112. Urkundenbuch des Klosters Fulda, t. 1/1, éd. Edmund E. STENGEL, Marburg, 1958, n° 281, p. 408-409. Cf. BRUCKNER, Regesta Alsatiae, n° 394, p. 248. 113. BRUCKNER, Regesta Alsatiae, n° 98, p. 43. MGH. DM2, t. 2, Deperditum n° 405, p. 665. 114. Vie de sainte Attale. Éd. M. BARTH, Die Legende und Verehrung der heiligen Attala, der ersten Äbtissin von Sankt Stephan, in Strassburg, in AEKG, 2, 1927, 89-198. Cette Vie a été composé durant la seconde moitié du XIIIe siècle par le chanoine Conrad Mendewin, p. 107-108. 115. SCHOEPFLIN, Alsatia diplomatica, t. 1, n° 676, p. 474. GRANDIDIER, Histoire de l’Église de Strasbourg, t. 2, P.J. n° 127, p. CCXLIII-CCXLVI. Lünig, Spicilegium ecclesiasticum, t. 3, chap. 18, Hochstift Strassburg, n° 5, p. 869. Urkundenbuch der Stadt Strassburg, t. 1, n° 28, p. 23-25. MGH. DRG, t. 1, n° 180, p. 259. BRUCKNER, Regesta Alsatiae, édition partielle, n° 547, p. 341-342. 116. Bulle du pape Urbain IV en 1264, du pape Clément IV en 1268 ; règlement de l’évêque Jean de Dirpheim en 1310 : Urkundenbuch der Stadt Strassburg, t. 1, n° 555, p. 421-422 ; t. 2, n° 16, p. 9-10 ; n° 275, p. 222-225. 117. Cf. U. BEGRICH, Reichenau, in Helvetia sacra, t. III/ 1/2, Bern, 1986, p. 1059. 118. Éditions : BRUCKNER, Regesta Alsatiae, n° 113, p. 53-57. Chartae latinae antiquiores, t. 9, France 7, n° 671, p. 5. (Indication des éditions antérieures). Commentaire : ANGENENDT, Monachi peregrini, p. 81-90. 119. Éditions : MGH. DM, éd. 1885, n° 95, p. 84-86 ; éd. 2001, n° 188, p. 468-471. BRUCKNER, Regesta Alsatiae, n° 114, p. 57-59. Analyse : ANGENENDT, Monachi peregrini, p 90-94. KÖLZER, Merowingerstudien II, p. 60-76. La plupart des éditions datent la charte de l’année 727. BRUCKNER et ANGENENDT proposent l’année 728. Comme la charte royale se réfère implicitement au privilège épiscopal de Widegern, la date de 728 correspond davantage à la réalité. Selon KÖLZER, le texte en a été falsifié vers 780. 120. Éditions : SCHOEPFLIN, Alsatia diplomatica, t. 1, n° 12, p. 8 (fac-similé) et p. 14 (texte). TROUILLAT, Monuments de l’histoire de l’ancien évêché de Bâle, t. 1, n ° 36, p. 74-75. Chartae latinae antiquiores, t. 9, France 7, n° 670, p. 2 indique d’autres éditions antérieures. Étude et édition critique : L. LEVILLAIN, J. VIELLARD, M. JUSSELIN, Charte du comte Eberhard pour l’abbaye de Murbach, (1er février, 731/732), in BEC, 99, 1938, 5-41. Bruckner, Regesta Alsatiae, n° 122, p. 62-63. 121. Éditions : TROUILLAT, Monuments de l’histoire de l’ancien évêché de Bâle, t. 1, n° 35, p. 70-74. Bruckner, Regesta Alsatiae, n° 127, p. 67-72. Commentaire : WILSDORF, Le monasterium Scottorum de Honau, p. 59-65, identifie les lieux, date le texte, démontre l’authenticité de la charte. 122. Édition : BRUCKNER, Regesta Alsatiae, n° 117, p. 59-60. 123. Édition : BRUCKNER, Regesta Alsatiae, n° 125, p. 64-66.

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124. Charte de confirmation du roi Thierry IV (728) : in alodo fidele nostro Eborhardo comite. 125. Charte de confirmation de l’évêque Widegern (728). 126. KOENIGSHOVEN, Chronicke. Éd. C. HEGEL, Die Chronicken der deutschen Städte, t. 2, p. 749. 127. SCHOEPLIN, Alsatia diplomatica, t. 1, n° 308, p. 254-255. 128. RIEZLER, Vatikanische Akten zur deutschen Geschichte in der Zeit Kaiser Ludwigs des Bayern, Innsbruck, 1891, n° 464 d, p. 214. 129. La Vie anonyme (version canoniale : X e s.-1180) : Vita sancti Adolphi patroni collegii Novillarensis, in dominio Liechtenbergensi, diocesis Argentinensis. Ubi et corpus eius requiescit. Édité par Jacques Wimpheling, Strasbourg, Jean Pruss, 1506. Exemplaire : Bibliothèque Municipale de Strasbourg, C 724. Rééditée : ASBoll, Août, t. 6, p. 507-512. Cf. Guy PHILIPPART, La Vie anonyme de saint Adelphe de Metz, plagiat de la Vie de saint Arnoul, in An.Boll, 104, 1986, 185-186. La Vie de Werinharius (version monastique : vers 933-1100) : Guy PHILIPPART, La Vie de saint Adelphe de Metz par Werinharius d’après un manuscrit de Neuwiller, in An.Boll., 100, 1982, 431-442. 130. Paul DIACRE, Gesta episcoporum Metensium, c. 36. MGH. SS, t. 2, p. 267. 131. Vita et miracula sancti Pirminii, in MGH. SS, t. 15, c. 5, p. 25-26. 132. A. DOLL, Das Pirminkloster Hornbach, in AMKG, 5, 1953, 108-142. 133. PARISSE, Le nécrologe de Gorze, Nancy, 1971, p. 82 et 93. Matthias M. TISCHLER, Die Gorzer Reform in Neuweiler bei Zabern an der Schwelle zum 11. Jh. Beobachtungen zu einigen Handschriftenfunden, in AEA, 51, 3e série 12, 1993-1994, 69-90. Le même, Ein Sakramentar saec. XI in. aus Neuweiler im Elsass, in Fragmenta Darmstadiensia. Heidelberger Handschriften – Studien des Seminars für lateinische Philologie des Mittelalters, 3. Hg. v. Walter BERSCHIN et Kurt Hans STAUB, Darmstadt, 1997, 63-74. 134. SCHOEPFLIN, Alsatia diplomatica, t. 1, n° 303, p. 250-251. La confirmation papale est datée de 1162. L’érection du chapitre canonial dépendant de l’abbé de la communauté monastique devait être plus ancienne. 135. SCHOEPFLIN, Alsatia diplomatica, t. 2, n° 1429, p. 435-439. 136. L’original corrompu, aujourd’hui perdu, a été conservé aux anciennes archives de l’évêché de Strasbourg à Saverne jusqu’au XVIIIe siècle. Il a servi de base à trois éditions anciennes. Gallia christiana, t. 5, 1731, Instrumenta, n° 2, c. 458-461, reproduit le texte lacunaire du manuscrit défectueux. SCHOEPFLIN, Alsatia diplomatica, t. 1, 1772, n° 16, p. 17-19, restitue le texte détérioré d’après la charte de confirmation de Murbach de 728 et reproduit le fac-similé des signatures sur la table IV. GRANDIDIER, Histoire de l’Église de Strasbourg, t. 1, 1776, PJ n° 43, p. LXXII-LXXVII, corrige le texte lacunaire d’après cette même charte de confirmation de Murbach. En 1762, le futur cardinal Giuseppe Garampi, préfet des Archives du Vatican, aurait fait une copie de l’original. Édition moderne : BRUCKNER, Regesta Alsatiae, n° 166, p. 97-100. Mention ou analyse : GRANDIDIER, Histoire de la province d’Alsace, PJ n° 34, p. XXIII. Urkundenbuch der Stadt Strassburg, t. 1, n° 9, p. 5. Regesten der Bischöfe von Strassburg, t. 1, n° 43, p. 223. 137. BRUCKNER, Regesta Alsatiae, n° 185, p. 110, avec indication des manuscrits et des éditions antérieures. SCHOEPFLIN, Alsatia diplomatica, t. 1, n° 28, p. 33, et GRANDIDIER, Histoire de l’Église de Strasbourg, t. 2, n° 50, p. 85-87, ont édité cette charte d’après les archives de l’abbaye de Schwarzach. Analyse : P. ZINSMAIER, in ZGO, 107, NF 68, 1959, 9-14. Ce faux, rédigé durant le premier quart du XIIIe siècle, dépend d’un authentique antérieur, dont le contenu est difficile à établir. 138. BRUCKNER, Regesta Alsatiae, n° 470, p. 297-298. 139. M. BORGOLTE, Die Grafen Alemaniens in merowingischer und karolingischer Zeit, p. 235. Alain STOCLET, Autour de Fulrad de Saint-Denis (v. 710-784), Genève, 1993 (École pratique des Hautes Études V, Hautes études médiévales et modernes, 72), p. 138-143.

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140. Eduard HLAWITSCHKA, Die Vorfahren Karls des Grossen, in Karl der Grosse. Lebenswerk und Nachleben, Bd. 1, Persönlichkeit und Geschichte, Düsseldorf, 1966, 51-82, surtout p. 73. 141. Das Verbrüderungsbuch der Abtei Reichenau, hg. von J. AUTENRIETH, D. GEUENICH, K. SCHMID, MGH. Libri memoriales et Necrologia, NS 1, 1979, f. 44, D 4 ; f. 88, A 4. 142. Les moines pérégrinants, vivant sous diverses règles, principalement celle de saint Benoît et de saint Colomban, ont été réunis sous la seule observance de saint Benoît : sub una sancta institutione beati Benedicti quoadunavit. Charte de fondation d’Arnulfsau : BRUCKNER, Regesta Alsatiae, n° 166, p. 97-98. 143. Annales Laureshamenses (Lorsch), éd. MGH. SS, t. 1, 1826, 19-39, p. 28 : Ad 761 : transmisit domnus Hrodegangus suos monachos de Gorcia ad monasterio (sic) Hrodhardi. (Le seigneur Chrodegang envoya quelques uns de ses moines de Gorze au monastère de Ruthard). Le texte figure également dans les Annales Mosellani (703-798), in MHG. SS, t. 16, 1859, 494-499, p. 495. 144. Selon certains auteurs, le Hrodhardi monasterium peut désigner aussi bien Arnulfsau que Gengenbach : G. H. Pertz, in MGH. SS, t. 1, p. 28, n. 21 : monasterium vel Arnulfsaugiae in Alsatia, in Ortenaviam Schwarzaham translatum, vel Gegenbacense a Ruthardo comite, Warini fratre, fundatum. Cette opinion fut partagée par plusieurs historiens. Brackmann, Germania Pontificia, III/3, p. 76-77, met en doute l’identification exclusive, soit avec Gengenbach, soit avec Schwarzach. K. GLÖCKNER, Lorsch und Lothringen, Robertiner und Capetinger, in ZGO, 89, NF 50, 1937, 301-354, p. 309 : „worunter man zunächst Kloster Gengenbach, vielleicht auch Schwarzach verstehen kann“. H. SCHWARZMAIER, Die Klöster der Ortenau und ihre Konvente, p. 6-9 : „Man hat die Nachricht der Annales Laureshamenses auf Gengenbach bezogen, was sich genauso gut auf Schwarzach beziehen kann“.M. BORGOLTE, Die Grafen Alemanniens, p. 232 : „Als das mit Gorzer Mönchen besetzte Kloster kommen Gengenbach, Schwarzach oder eine andere Abtei des Oberrheingebietes in Betracht“. D’autres auteurs identifient sans interrogation critique le monastère de Ruthard avec Gengenbach : ANGENENDT, Monachi peregrini, p. 110 et n. 16. HALLINGER, Gorze – Kluny, t. 1, p. 211. K. HALLINGER, Zur Rechtsgeschichte der Abtei Gorze bei Metz (vor 750-1572), in ZKG, 4. Folge 21, 1972, 325-350, p. 327. A. Wagner, Gorze au XIe siècle. Contribution à l’histoire du monachisme bénédictin dans l’empire, Brepols, 1996, p. 21. Pour concilier les difficultés chronologiques et topographiques, H. JÄNICHEN, Warin, Rudhard et Scrot, in Zeitschrift für württembergische Landesgeschichte, 14, 1955, 372-384, postule l’existence de deux Ruthard : Ruthard père aurait fondé vers 727 le monastère de Gengenbach, Rudhard fils aurait érigé vers 748/749 le monastère d’Arnulfsau, ancêtre de Schwarzach. Le même aurait également renouvelé en 761 la communauté de Gengenbach par des bénédictins venus de Gorze. 145. Chronique d’Ebersmunster, chap. 12, éd. WEILAND, Chronicon Ebersheimense, in MGH. SS, 23, 1871, 427-453, p. 437. La première partie de la Chronique, dont le chap. 12, a été rédigée peu après l’an 1160. 146. Charlemagne donne le monastère de Masevaux (coenobium Masunvilare) en Alsace au moine Adam, pour le remercier d’avoir copié pour lui l’Ars grammatica de Diomède (IVe siècle après Jésus-Christ). Worms, 780. Notice dans BNP., Ms latin, n° 7494 (VIIIe s.), f. 123. Édition : MGH. Poetae latini, t. 1, 88, n° VI, 93-94. Résumé : BRUCKNER, Regesta Alsatiae, n° 289, p. 183. Commentaire : K. HÖRGER, Die reichsrechtliche Stellung der Fürstäbtissinnen, in Archiv für Urkundenforschung, 9, 1926, p. 227, n. 1. PFISTER, Histoire sommaire de l’ancienne seigneurie de Masevaux, p. 169. BARTH, Der Rebbau des Elsass, Strasbourg, 1958, t. 1, p. 34-35. 147. Christian WILSDORF, Le monasterium Scottorum de Honau, p. 59-68. Le même, art. Mason, Maso, Masso, in NDBA, 26, 1995, p. 2549. 148. Traditiones Wizenburgenses, éd. DOLL, n° 35 (50) et 52 (64), p. 213-215, 239-242. 149. Traditiones Wizenburgenses, éd. Doll, n° 53 (100), 61 (107), 63 (102), p. 242-248, 257-259, 261-263. Cf. M. DOLCH – A. GREULE, Historisches Siedlungsnamenbuch der Pfalz, Speyer, 1991, p. 299-300. 150. Ch. WILSDORF, Le monasterium Scottorum de Honau, op. cit., p. 71.

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151. Philippe NUSS, Les Habsbourg en Alsace des origines à 1273, Altkirch, 2002, p. 21-22, et Les regestes des comtes de Habsbourg en Alsace avant 1273, Altkirch, 2000, n° 2a, p.10, considère Maso comme un personnage « mythique ». Mais l’Auteur doit concéder que le patronage de Saint-Léger sur le monastère et l’église de Masevaux « tisse un semblant de lien avec les Étichonides ». 152. Sur l’histoire du monastère et du chapitre de Masevaux, cf. Jean-Luc EICHENLAUB, Les grandes lignes de l’abbaye de Masevaux, in Les chapitres de dames nobles entre France et Empire, Actes du colloque de Remiremont, avril 1996, Paris, 1998, p. 301-311. 153. Traditiones Wizenburgenses, éd. DOLL, n° 141 (74), p. 345. 154. Sur l’histoire de Feldkirch, cf. François KIEFFER, Le couvent de Feldkirch à Niedernai, in ASHADBO, 29, 1995, 147-149. 155. Liber (Libellus) de sancti Hidulphi successoribus in Mediano Monasterio, chap. 1, in MGH. S, t. 4, 1841, 86-92, p. 87. Ce Libellus fut rédigé entre 1016 et 1018 et interpolé entre 1044 et 1048. BRUCKNER, Regesta Alsatiae, n° 191, p. 115. 156. Éditions : FELIBIEN, Histoire de l’abbaye royale de Saint Denis en France, Paris, 1707, réédition : Paris, 1973, n° XLIV, p. XXX. TARDIF, n° 60, p. 49-50. MGH. DK, Pépin, n° 27 (avec indication des éditions antérieures). Rappolsteinisches Urkundenbuch, éd. Karl ALBRECHT, t. 1, n° 2, p. 2. BRUCKNER, Regesta Alsatiae, n° 210, p. 129. 157. Éditions : DOUBLET, Histoire de l’abbaye de Saint-Denis en France, Paris, 1625, p. 706-708. FELIBIEN, Histoire de l’abbaye royale de Saint Denis en France, n° L, p. xxxiv. MGH. DK Charlemagne, n° 84, p. 120-122, avec indication des originaux et des éditions antérieures. Bruckner, Regesta Alsatiae, n° 245, p. 152-153. 158. Michael TANGL, Das Testament Fulrads von Saint-Denis, dans NA, 32, 1907, 167-217. Réédité par Michael TANGL, Das Mittelalter in Quellenkunde und Diplomatik, Graz, 1966, t. 1, p. 540-581. (Forschungen zur mittelalterlichen Geschichte, 12, 1). BRUCKNER, Regesta Alsatiae, nos 261, 262, 263, 264, p. 161-165. A. STOCLET, Autour de Fulrad de Saint-Denis, p. 469-478 a donné une nouvelle édition d’après les Chartae latinae antiquiores, 16, 622-624. 159. Sur l’histoire du prieuré de Saint-Hippolyte, cf. Jean-Paul AUBE, Une terre lorraine en Alsace : Saint-Hippolyte aux XVIe-XVIIe siècles d’après les archives conservées à Nancy, in RA, 129, 2003, 155-193. H. BÜTTNER, Lothringen und Leberau, in Westmärkische Abhandlungen zur Landes- und Volksforschung, 5, 1941/1942, (1943), 59-84. Réimprimé dans Geschichte des Elsass 2e éd., 237-268. A. STOCLET, Autour de Fulrad de Saint-Denis, passim (Index, p. 677). 160. Éditions : Jacques DOUBLET, Histoire de l’abbaye de Saint-Denis en France, op. cit., p. 812. Michel FELIBIEN, Histoire de l’abbaye royale de Saint Denis en France, n° CIII, p. LXXVIII-LXXIX. Recueil des actes de Charles III le Simple, roi de France, éd. sous la direction de F. LOT, par M. Ph. LAUER, t. 1, Paris, 1940, n° 47, p. 103-105, avec indication des originaux et des éditions antérieures. BRUCKNER, Regesta Alsatiae, n° 660, p. 397. 161. Sur l’histoire du prieuré, cf. Christian WILSDORF, Les destinées du prieuré de Lièpvre jusqu’à l’an mille, in ASABS, 13, 1963, 120-134. A. STOCLET, Autour de Fulrad de Saint-Denis, passim. 162. H. BÜTTNER, Lothringen und Leberau, in Geschichte des Elsass, 2e éd., 1991, 237-268, p. 258. 163. Éditions du testament de l’évêque Rémi : GRANDIDIER, Histoire de l’Église de Strasbourg, t. 2, 1778, P.J. n° 73, p. 130-136 = P.L. t. 96, c. 1582. Urkundenbuch der Stadt Strassburg, t. 1, n° 16, p. 11-14. Solothurner Urkundenbuch, éd. A. Kocher, t. 1, Soleure, 1952, n° 2, p. 3-7 (avec photocopie du manuscrit). BRUCKNER, Regesta Alsatiae, n° 271, p. 169-171. Analyses : GRANDIDIER, Histoire de l’Église de Strasbourg, t. 1, p. 303-309. J. TROUILLAT, Monuments de l’histoire de l’ancien évêché de Bâle, t.1, n° 41, n. 3, p. 79. Regesten der Bischöfe von Strassburg, n° 56, t. 1, p. 227-229. W. HOTZELT, Die Translation der hl. Sophia durch Bischof Remigius von Strassburg, in AEK, 13, 1938, p. 35-49. H. BÜTTNER, Das Bistum Strassburg und das Stift Schönenwerd im früheren Mittelalter, in ZSKG, 59, 1965, 60-66 = Geschichte des Elsass 2, p. 333-338 : deux diplômes authentiques du VIIIe siècle auraient été amalgamés en un seul au IXe/Xe

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siècle, en raison d’un même donateur, l’évêque Rémi, et d’un même récipiendaire, l’église cathédrale de Strasbourg. J. GROSS, Le 15 Mars 778, Eschau entre dans 1’histoire avec le testament de 1’évêque Remigius, in Journal de la commune d’Eschau-Wibolsheim, novembre 1987, supplément p. 9-19. K. ARNOLD, Sankt Leodegar in Schönenwerd, in Helvetia Sacra, II/2, 1977, p. 462-474. 164. Fr. VOLLMER, Die Etichonen, in Studien und Vorarbeiten zur Geschichte des grossfränkischen Adels, hg. v. G. TELLENACH, Freiburg, 1957, 137-159, p. 156, admet cette identification. Ch. Wilsdorf, Le monasterium Scottorum de Honau, p. 27, se montre plus réservée : « Ruchvina fille de Bodol n’est pas connue par ailleurs de façon certaine », à la différence de sa sœur Adala, dont l’existence est attestée clairement. 165. Éditions : WÜRDTWEIN, Nova subsidia, t. 10, n° 32, p. 90-97. Cf. JAFFE – LOEWENFELD, n° 13664. Regesten der Bischöfe von Strassburg, t. 1, nos 56, 202, 273, 290, p. 229, 257, 276, 279. BRACKMANN, Germania Pontificia, III/3, p. 29-30. J. DUBOIS, Les ordres religieux au XIIe siècle selon la curie romaine, in RB, 78, 1968, 283-309 (= J. DUBOIS, Histoire monastique en France au XIIe siècle. Les institutions et leur évolution, Londres 1982, n° 1) permet de situer cette bulle papale pour Eschau dans le cadre des lettres de reconnaissance et de protection, délivrées par la curie romaine durant la seconde moitié du XIIe siècle. 166. J. LEBEAU – J.-M. VALENTIN, L’Alsace au siècle de la Réforme, 1482-1621. Textes et documents, Nancy, 1985, 116-119. Fr. RAPP, Réformes et réformation à Strasbourg. Église et société dans le diocèse de Strasbourg (1450-1525), Paris, 1974, p. 388-390. 167. Registre des biens du chapitre de Saint-Thomas. XI e s., après 1007. Original : Archives du chapitre de Saint-Thomas (AMS) : B I 1. Éditions : SCHOEPFLIN, Alsatia diplomatica, t. 1, n° 170, p. 143. WÜRDTWEIN, Nova subsidia, t. 5, n° 128, p. 327-336. GRANDIDIER, Histoire de la province d’Alsace, t. 1, P.J. n° 328, p. CLVII-CLXII. SCHNEEGANS, L’église de Saint-Thomas à Strasbourg, PJ 1, p. 283-285. Charles SCHMIDT, Histoire du chapitre de Saint-Thomas de Strasbourg, Strasbourg, 1860, Chartes et documents, n° 2, p. 285-287. Urkundenbuch der Stadt Strassburg, t. 1, n° 52, p. 43-45. Regesten der Bischöfe von Strassburg, t. 1, n° 68, p. 231. 168. Joseph SEMMLER, Mönche und Kanoniker im Frankenreiche, op. cit., p. 78-111. 169. Urkundenbuch der Stadt Strassburg, t. 1, n° 16, p. 11-14. 170. M.-D. WATON, Saint-Thomas, in Strasbourg : 10 ans d’archéologie urbaine, Strasbourg, 1994, p 145-146. 171. Chr. WILSDORF, La première Vie de saint Florent, 1955, p. 67. Ph. DOLLINGER, De la bourgade franque à la ville épiscopale, Ve-XIe siècle, in G. LIVET et Fr. RAPP Histoire de Strasbourg des origines à nos jours, t. 2, 1981, p. 7. 172. R. FORRER, Strasbourg – Argentorate préhistorique, gallo-romain et mérovingien, t. 2, p. 745. 173. KOENIGSHOVEN, De fundatione pro parte hujus ecclesiae Sancti Thomae et incidentaliter de Alemaniae conversione, Archives du chapitre de Saint-Thomas. Éd. L. Schneegans, L’église de Saint-Thomas à Strasbourg, PJ 2, p. 286-295. (Rédigé en 1397). KOENIGSHOVEN, Chronicke, éd. HEGEL, t. 1, p. 644, t. 2, p. 727-730. (Rédigée entre 1386-1415). 174. Médard BARTH, Der heilige Florentius, Bischof von Strassburg. Sein Weiterleben in Volk und Kirche. Strasbourg, 1952. 175. Christian WILSDORF, La première Vie de saint Florent, évêque de Strasbourg, et sa valeur, in RA, 94, 1955, 55-70. Le même, Note sur un faux diplôme du roi Dagobert Ier en faveur de l’abbaye de Haslach, in RA, 95, 1956, 76-81. La prétendue donation de Dagobert Ier est un faux grossier du XIIe siècle. 176. Guibert MICHIELS, art. Haslach, in DHGE, t. 23, 1990, 479-480. 177. ASBoll, Novembre, t. 3, 1910, 395-399. 178. Éd. MGH.C, 1884, p. 221, et MGH.MN, t. 1, 1979, f. 56.

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179. H.H. KAMINSKY, Das unbekannte Original einer Strassburger Bischofsurkunde aus dem Jahre 1096, in Archiv für Diplomatik, 26, 1980, 126-134. GRANDIDIER, Histoire de la province d’Alsace, t. 2, n° 516, p. 170-171. Urkundenbuch der Stadt Strassburg, t. 1, n° 61, p. 50 (édition partielle). 180. Sur la translation de ces reliques, cf. M. BARTH, Der heilige Florentius, op. cit., p. 83-107. 181. SCHOEPFLIN, Alsatia diplomatica, 1, n° 81, p. 65-66. GRANDIDIER, Histoire de l’Église de Strasbourg, t. 2, n° 91, p. 165. BRUCKNER, Regesta Alsatiae, n° 438, p. 272-273. Cf. GATRIO, Das Breuschthal, p. 132-135. FRITZ, Das Territorium des Bisthumbs Strassburg, p. 24-37. HERR, Bemerkenswerte mittelalterliche Schenkungen, p. 40-48. BARTH, Der heilige Florentius, op. cit., p. 27-29. Christian WILSDORF, La première Vie de saint Florent, in RA, 94, 1955, 62-63. 182. Sur le développement de la légende, cf. M. BARTH, Der heilige Florentius, op. cit., p. 51-82. 183. H. BÜTTNER, Geschichte des Elsass, 1re éd., Berlin, 1939, p. 64. 2e éd., Sigmaringen, 1991, p. 73. Le Haut-Rhin. Dictionnaire des communes, Colmar, 1980, t. 1, p. 20, 494. 184. André Marcel BURG, Les débuts du monachisme en Alsace, in AEA, 23, 2e série 3, p. 28-29. 185. Christian WILSDORF, article Imier (Himier, Himerus, Ymerus), in NDBA, 18, 1991, 1738-1739. 186. Marius BESSON, Contribution à l’histoire du diocèse de Lausanne sous la domination franque (534-888), Fribourg, 1908, p. 70-125, 164-178. 187. Chronik von Maternus BERLER, éd. L. SCHNEEGANS, in Code historique et diplomatique de la Ville de Strasbourg, Strasbourg 1843, t. 2 b, p. 1-130. Fragments de la Chronique de BERLER, éd. L. DACHEUX, in BMHA, 2e série, 17, 1895, 121-157. 188. Iodocus COCCIUS (KOCH), Dagobertus rex, Molsheim, 1623, p. 147. Dagobertus rex fundator Cellae S. Sigismundi quae postea divi Marci nomen sortita est. La Chronique de BERLER n’utilise pas cette expression. 189. Éd. Ph. JAFFE, in MGH.S., t. 12, 1866, 449-479. Hans Joseph WOLLASCH, Die Benediktinerabtei Sankt Georgen im Schwarzwald und ihrer Beziehungen zu Klöstern westlich des Rheins, in FDA, 100 (Kirche am Oberrhein), 1980, 109-128. 190. Paul SCHEFFER-BOICHORST, Zur Geschichte der Reichsabtei Erstein, in ZGO, 43, NF 4, 1889, 282-299. René FRIEDEL, Geschichte des Fleckens Erstein. A. Das Kloster Erstein, B. Die Stadt Erstein. Erstein, 1927. Francis Rapp, L’abbaye Sainte-Cécile d’Erstein, in Contact. Bulletin du C.E.S. Romain Rolland, Erstein, 4, 1975, 100-105. 191. Francis RAPP, Réformes et réformation, p. 100-103, et passim. Le même, La réforme des maisons de dames nobles dans le diocèse de Strasbourg à la fin du Moyen Âge, in Les chapitres de dames nobles entre France et Empire, éd. M. PARISSE et P. HEILI, Paris, 1998, 71-86. 192. Michèle GAILLARD, D’une réforme à l’autre (816-934) : les communautés religieuses en Lorraine à l’époque carolingienne, Publications de la Sorbonne, 2006 (Histoire ancienne et médiévale, 82), surtout p. 260-261, 345. 193. En 1171, l’abbesse Agnès de Sainte-Glossinde à Metz était également abbesse de Herbitzheim. Or l’abbaye de Sainte-Glossinde à cette date était certainement bénédictine. Michel PARISSE, Agnès, abbesse de Sainte-Glossinde de Metz et de Notre-Dame d’Herbitzheim, in Les cahiers lorrains, 17, 1965, 44-51. À la fin du XIIIe siècle, le caractère bénédictin de Herbitzheim est explicitement affirmé dans les diplômes. Donation de Hugues, comte de La Petite-Pierre et de son épouse Élisabeth (1271) : SCHOEPFLIN, Alsatia diplomatica, t. 1, n° 666, p. 468-469. Bulle de Boniface VIII pour Herbitzheim (1297), Charte de l’évêque Renauld de Bar, évêque de Metz (1308), éd. Frank LEGL, Studien zur Geschichte der Grafen von Dagsburg-Egisheim, Sarrebruck, 1998, nos 29, 30, p. 595-597. 194. Joseph BURG, Regesten der Prämonstratenser – Abtei Wadgassen bis zum Jahre 1571. Sarrebruck, 1980, n° 21, p. 19-20 (1179) ; n° 45, p. 30 (vers 1185) ; n° 47, p. 30-31 (1197). 195. Frank LEGL, Studien zur Geschichte der Grafen von Dagsburg-Egisheim, p. 548-552 et passim.

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196. Franz CUNY, Reformation und Gegenreformation im Bereiche des früheren Archipresbyterates Bockenheim, t. 1, Metz, 1937, p. 70-76; t. 2, p. 15-26, 66-67 ; Annexes, nos 3, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 17. 197. Selon la Vie de saint Déicole (MGH.S, t. 15, 674-682, p. 680), Baltram mena la vie monastique avec un groupe de moines en un endroit – connu par la charte d’Otton Ier de 959 sous le nom d’Alanesberg : l’évêque de Metz y détenait le droit de collation (ecclesiae provisor) et l’évêque de Strasbourg y exerçait la responsabilité pastorale (oeconomos ovilis). Une telle convergence situe Alanesberg nécessairement dans le Nord-Ouest de la Basse-Alsace, à la lisière des évêchés de Strasbourg et de Metz. 198. SCHOEPFLIN, Alsatia diplomatica, t. 1, n° 139, p. 113. GRANDIDIER, Histoire de la province d’Alsace, t. 1, PJ n° 276, p. 121. MGH.DRI, Otton Ier, n° 199, p. 279. Eduard HLAWITSCHKA, Die Anfänge des Hauses Habsburg-Lothringen. Genealogische Untersuchungen zur Geschichte Lothringens im 9., 10. und 11. Jh. Sarrebruck, 1969, p. 107-108. 199. Vie de saint Déicole in ASBoll, Janvier, t. 2, 199-210. MABILLON, AS.OSB, t. 2, 102-116. MGH.S, t. 15, 674-682. Gérard MOYSE, Les origines du monachisme dans le diocèse de Besançon (Ve-Xe s.), in BEC, 131, 1973 p. 47-48, 93-94, 439-440. 200. F. LEGL, Studien zur Geschichte der Grafen von Dagsburg-Egisheim, p. 8, 24, 183-185, 449, 553. 201. N. DORVAUX, Pouillés, p. 9, 43 (1360, XVIe s.). 202. Fr. CUNY, Zur Geschichte der Abtei Graufthal im Mittelalter, in AEKG, 11, 1936, p. 108. Le même, Reformation und Gegenreformation im Bereiche des früheren Archipresbyterates Bockenheim, 1, p. 142. 203. CALMET, Histoire de Lorraine 1 et Histoire de Lorraine 2, livre 10, chap. 56, p. 473. SCHOEPFLIN, Alsatia illustrata, t. 2, p. 448. R. WILL, Les vestiges de l’ancien couvent des bénédictines de Graufthal, in CSHASE, nos 147-147, 1989, p. 7. 204. Sur les comtes de Metz, cf. Michel PARISSE, La Noblesse lorraine, Nancy, 1975, p. 174 et 838-840 « Les Folmar ». Le même, Noblesse et chevalerie en Lorraine médiévale, Nancy, 1982, p. 102-107. 205. Édition : T. NEUGART, Codex diplomaticus Alemanniae et Burgundiae transjuranae, t. 2, 1795, n° 854, p. 70 s. = PL, t. 179, c. 347-348. Édition partielle : L. VIELLARD, Documents et mémoire pour servir à l’histoire du Territoire de Belfort. Besançon, 1884, n° 180, p. 231-232. Mention : Gabriel BUCELIN, Germania sacra, t. 3, Monasteriologia, p. 73. JAFFE – WATTENBACH, Regesta Pontificum romanorum, t. 1, 1881, n° 7876. Karl STENZEL, Notitia fundationis cellae St. Johannis prope Tabernas, in ZGO, 76, NF 37, 1922, p. 345-347 et notes, rectifie les fausses interprétations. 206. Le Haut-Rhin. Dictionnaire des communes, Éditions Alsatia, t. 3, 1982, p. 1299. 207. JEAN DE SAINT-ARNOUL, La Vie de Jean abbé de Gorze. Éd et trad. Michel Parisse, Paris, 1999, nos 69-101. 208. HUMBERT BELHOMME, Historia Mediani in monte Vosago monasterii, Strasbourg, 1724, p. 284-288. 209. RICHER DE SENONES, De monasteriis S. Acherici et Lebrahensi, in Gesta Senoniensis Ecclesiae (vers 1255). Ed. MGH. SS, t. 25, p. 249-345, livre 2, chap. 9, p. 274. 210. LEGL, Studien zur Geschichte der Grafen von Dagsburg-Egisheim, Saarbruck, 1998, p. 393-396. 211. SCHOEPFLIN, Alsatia diplomatica, t. 1, n° 208, p. 164-165 ; n° 211, p. 158. 212. René BORNERT, Seltz, abbaye impériale ou monastère clunisien ?, in Kaiserin Adelheid und ihre Klostergründung in Selz. Referate der wissenschaftlichen Tagung in Landau und Selz vom 15. bis 17. Oktober 1999. Hg von Franz STAAB und Thorsten UNGER, Speyer, 2005, p. 229-253. 213. Mathilde UHLIRZ, Die rechtliche Stellung der Kaiserwitwe Adelheid im deutschen und im italischen Reich, in Zeitschrift der Savigny - Stiftung für Rechtsgeschichte, Germanistische

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Abteilung, 74, 1957, 85-97. Robert Folz, Sainte Adélaïde (931-999), in Les saintes reines du Moyen Âge en occident (VIe-XIIIe siècles), (Subsidia hagiographica, 76, 1992), 67-80. 214. Diplôme d’Otton III pour Seltz de 992, in MHG.D Otto III, nos 79a et 79b, p. 485-488. 215. À la suite de la visite canonique du 8 au 10 mars 1418, l’abbé Jean de Seltz, fut mandé à Constance par l’abbé général de Cluny, Robert de Chaudesoles. Il dut reconnaître qu’en vertu de la soumission immédiate de son monastère au Siège apostolique l’abbaye de Seltz a toujours été et doit toujours rester soumise au monastère de Cluny. (Monasterium Salcense subiectum fuisse et esse debere monasterio Cluniacensi). Constance, 18 avril 1418. Vidimus du 25 janvier 1479 à Heidelberg : ABR., 12 J 248. 216. Jacques DUBOIS, Les ordres religieux au XII e siècle selon la curie romaine, in Revue bénédictine, 78, 1968, 283-309. Réimprimé dans Jacques DUBOIS, Histoire monastique en France au XIIe siècle, Londres 1983, n° 1. 217. Texte dans Conciliorum oecumenicorum decreta. – Dekrete der ökumenischen Konzilien, 3e édition, Istituto per le Scienze Religiose, Bologne, t. 2, Ferdinand Schöningh, Paderborn-Munich, 2000, p. 240-241. SCHMITZ, t. 3, p. 48-53. U. BERLIERE, Innocent III et la réorganisation des monastères bénédictins, in RB, 32, 1920, 22-42, 145-159. A. FLICHE, Ch. THOUZELLIER, Y. AZAIS, La chrétienté romaine (1198-1274). Paris, 1950, (Histoire de l’Église, éd. FLICHE-MARTIN, 10), p. 203, 210. P. MAIER, Die Epoche der General- und Provinzialkapitel, in GB 1, 1999, 195-122. 218. Germain MORIN, Statuts du cardinal Otto pour les Bénédictins et Augustins d’Alsace, in Basler Zeitschrift für Geschichte und Altertumskunde, 26, 1927, 223-229. P. VOLK, Die Straßburger Benediktiner – Abteien im Bursfelder Kongregationsverband 1481-1624, in AEKG, 10, 1935, 153-293, p. 167. Le manuscrit est conservé à la Bibliothèque Universitaire de Bâle, B. X. 14 fol. 185-188 (saec. XV). Il pourrait donc provenir d’une abbaye de Haute-Alsace. 219. J. ZELLER, Das Provinzialkapitel im Stifte Petershausen im Jahre 1417, in SMGB, 41, 1922, 1-73. SCHMITZ, t. 3, p. 176-180. HS, III/1/, p. 99. P. MAIER, Die Epoche der General- und Provinzialkapitel, p. 212. 220. Conciliorum oecumenicorum decreta – Dekrete der ökumenischen Konzilien, 3e éd., Istituto per le Scienze Religiose, Bologne, t. 3, Ferdinand Schöningh, Paderborn-Munich, 2002, p. 776-784. SCHMITZ, t. 4, p. 3-7. 221. Sur les relations de l’archiduc Léopold d’Autriche avec les abbayes bénédictines (1481-1624) de son diocèse, cf. P. VOLK, Die Straßburger Benediktiner-Abteien im Bursfelder Kongregationsverband, in AEKG 10 (1935), p. 213-286. 222. Claude MULLER, « Ils brandissaient les torches du fanatisme ». La suppression des ordres religieux masculins en Alsace (1789-1792), in Revue d’Alsace, 116, 1989-1990, 245-271. Le même, La fin d’un monde. La suppression des monastères et abbayes d’Ancien Régime sous la Révolution (1791-1792), in AEA, 52, 3e série 13, 1995-1997, p. 1-255.

RÉSUMÉS

L’Alsace n’ayant jamais été une île, il importe de rattacher les différents établissements monastiques alsaciens aux divers mouvements monastiques qui ont traversé l’Europe occidentale en général et l’espace rhénan en particulier. La datation stricte des documents et la localisation précise des faits et gestes permettent d’y parvenir. L’article propose une vue renouvelée de l’origine des différents établissements monastiques, ainsi que de la progression des règles et des observances. Aux ermites itinérants ont succédé des

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groupes irlandais et iro-mérovingiens. Les fondations épiscopales évoluèrent rapidement vers le statut canonial. La fondation de Murbach vers 728 marqua l’entrée de la Règle de saint Benoît en Alsace. Officialisée par les synodes d’Aix-la-Chapelle de 816 et de 817 pour tous les monastères de l’empire carolingien, cette Règle bénédictine mit près d’un siècle pour s’imposer de façon générale. La relation étroite du monachisme primitif avec la féodalité naissante permit aux monastères de jouer pleinement leur rôle évangélisateur, culturel, social et économique au Moyen Âge. Ils se maintiennent jusqu'à la Révolution et disparaissent avec l’ancien régime dont ils avaient été une institution.

Alsace has never been cut off from the rest of Europe, it is therefore essential to connect the Alsatian monasteries with the various monastic families that are to be found in western Europe at large, and more particularly in the valley. This is possible thanks to a reliable form of document dating and to the localization of religious life places. This article offers a new insight, both into the origin of monasteries and into the evolution of rules and observance. Itinerant hermits were followed by Irish and Irish-Merovingian newcomers. Monasteries founded by bishops adopted, soon after, a canon status. With the foundation of Murbach in about 728, St Benedict’s Rule was propagated in Alsace. As officialized by the Achen synod in 851-817 for all the monasteries of Charles the Great’s empire, it took nearly one century for the Rule to be adopted more generally. The close ties relating early monasticism and feudalism made it possible for monasteries to really play their evangelizing, cultural, social and economic roles in the Middle Ages. Those ties were to subsist to the French Revolution and disappear along with the Ancient Régime, which they had been faithful supporters of.

In seinem 1965 veröffentlichten Standartwerk, Frühes Mönchtum im Frankenreich. Kultur und Gesellschaft in Gallien, den Rheinlanden und Bayern am Beispiel der monastischen Entwicklung (4. Bis 8. Jh.), hat Friedrich PRINZ neue und grundlegende Richtlinien für die Erforschung des merovingischen und karolingischen Mönchtums gegeben. Trotz notwendigen Korrekturen und Ergänzungen in Einzelheiten, wurden seine Vorschläge allgemein von der Forschung angenommen. Inwiefern wurde das Elsass als Grenzgebiet oder Drehscheibe zwischen dem elsässischen, als fränkischer Vorposten in der Mitte des 6. Jahrhunderts errichteten Herzogtum, und der meist alemanischen, aber von fränkischen Angeborenen oder Ansiedler durchdrungenen Bevölkerung von dieser Entwicklung betroffen? Hat das von Ligugé, von Lérins und von St. Moritz im Wallis ausgegangene altgallische Mönchtum das Gebiet zwischen Rhein und Vogesen erreicht? Der Quellenmangel lässt nur Vermutungen zu. Als König des merovingischen Gesamtreiches seit 629, gab Dagobert I. dem irischen oder iro- merogingischen Mönchtum einen entscheidenten Impuls. Die ältesten elsäsischen Abteien, wie Weissenburg, Münster im Gregoriental, Maursmünster, Ebersmünster, gehörten anfangs dieser Richtung an. Sie entfaltenden sich später zur rein benediktinischen Observanz. Die Gründung von Murbach gegen 728 gab der monastischen Entwicklung im Elsass eine bedeutende Wendung. Der hl. Pirmin schrieb den irischen oder iro-merovingischen Wandermönchen die Regel des hl. Benedikt vor und verplichtete sie so zur Stabilität am Ort. Diese Regelung entsprach der gesellschaftlichen und kirchlichen Neuordnung im beginnenden Karolingerreich. Auf den Synoden zu Aachen von 816 und 817, legte Benedikt von Aniane, im Auftrage Kaisers Ludwigs des Frommen, allen Klöstern des Reiches die Regel des hl. Benedikt von Nursia als einzige Norm der klösterlichen Observanz auf. Die konkrete Verwirklichung dieser Bestimmung nahm im Elsass, wie auch anderswo, fast ein Jahrhundert in Anspruch.

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INDEX

Mots-clés : Etablissement monastique Keywords : Alsatian monasteries

AUTEUR

RENÉ BORNERT Historien, Aumônier de l’abbaye bénédictine d’Oriocourt (57590)

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Le Kochersberg au Haut Moyen Âge Recherches, thèses et hypothèses

Marcel Thomann

Introduction

De solides raisons expliquent que le Kochersberg au Haut Moyen Âge a été assez peu étudié1 et qu’un voile recouvre encore des « secrets que la majeure partie de la plaine d’Alsace recèle sûrement »2, sachant qu’ « il y a mille ans de Moyen Âge qui ne les ont pas encore révélés ».3 Les historiens n’ont pas la tâche facile, car du Ve au XI e siècle l’écrit est rare, voire quasiment absent. Peut-on, pour autant, affirmer – comme on l’a fait – que « l’archéologie est la seule méthode d’approche de l’histoire du Kochersberg ancien » ?4 Il paraît difficile d’adhérer à cette thèse. Les archéologues ne sont en effet guère mieux lotis que les historiens. Les avancées dans les domaines de la céramique, des rites funéraires, de l’habitat – y compris militaire – sont certes appréciables, mais en matière d’« archéologie du paysage », qui porte notamment sur l’étude des voies de communication et d’approvisionnement par eau, les installations militaires5 et les édifices publics 6 les progrès sont moins évidents. Et cela s’explique aisément. Un dispositif militaire complexe a changé cinq fois de camp et a, hélas, bouleversé irrémédiablement le paysage, comme nulle part ailleurs en Europe. De 1850 à 1950, et par cinq fois, les inscriptions des pancartes « Terrain militaire - Défense d’entrer » ont été relayées par « Militärgelände – Betreten verboten », et vice-versa. Dans les environs de Hausbergen/ Dingsheim/Griesheim, précisément là où nous localisons un « district équestre » du Haut Moyen Âge, d’innombrables forteresses et fortins ont été implantés et reliés par des réseaux souterrains. Là où des prospections aériennes pourraient être révélatrices – et ce n’est qu’un exemple – les cicatrices des conflits ont défiguré et rendu illisible le paysage7. Pour décrypter l’histoire du Kochersberg au Moyen Âge, il apparaît qu’il faille se résigner à l’intuition d’Etienne Juillard, que c’est par la toponymie qu’on pourra

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« relayer l’archéologie déficiente pour soulever le voile qui masque l’époque des invasions et de la germanisation de la plaine ». En règle générale les dénominations des localités sont en effet des témoins fiables de réalités oubliées, car leur « baptême » remonte bien plus haut que la date de leur apparition dans un écrit8, et l’analyse historique et philologique des noms de lieux actuels est apparue, sur la portion du Kochersberg qu’il s’agissait ici d’explorer, le moyen de suppléer l’absence d’autres sources documentaires. Il va de soi que nous nous sommes astreints à la plus grande prudence possible, et à suivre les conseils de Marc Bloch « ne jamais employer la toponymie seule9 » et d’Etienne Juillard pour lequel « les données (de la toponymie) seraient très insuffisantes si l’on ne pouvait les corroborer par d’autres indices »10. Si certains mystères millénaires pressentis par un maître de la géographie historique resteront néanmoins, et sans doute à jamais, enfouis dans les « siècles obscurs », les progrès récents de l’étude des institutions romaines et mérovingiennes du Rhin Supérieur ont néanmoins pu rectifier quelques idées et préjugés, voire résoudre quelques inconnues. Des conceptions, encore classiquement « reçues » il n’y a pas longtemps, sont aujourd’hui dépassées ou discutées. Des recherches sur l’histoire du droit et des institutions d’Alsace ont attiré l’attention sur des problèmes du Kochersberg, a priori tout à fait insolites. Elles peuvent amener – entre autres – à douter de la vision traditionnelle d’un « Ackerland », où « ... jusqu’à l’Alsace française du XVIIIe siècle, deux mille ans se passèrent sans que le système agricole changeât de base »11 Il se révèle en particulier qu’au Haut Moyen Âge une activité d’élevage, de dressage et d’entraînement de plusieurs milliers de chevaux a pu accaparer, en totalité, la surface et l’activité d’une quinzaine de nos villages actuels. Un constat surprenant susceptible d’éclairer d’un jour nouveau la vie dans cette région avant l’an 1000, notamment en ce qui concerne l’utilisation des terres par l’agriculture. S’il était possible de reconstituer les éléments d’un important élevage équestre, il fallait d’abord, en une première partie, tenter de le mettre « en situation », d’en retrouver la raison d’être dans un cadre plus vaste. Pour fascinant qu’il soit pour la curiosité de l’historien, l’ordonnancement de ce dispositif ne révèle qu’un aspect d’une évolution qui dépasse de très loin le cadre géographique du seul Kochersberg. Le constat amène en effet à s’interroger sur quelques problèmes de l’époque se situant entre la faillite de l’Empire romain et l’entrée en scène des « repreneurs » francs, mérovingiens et carolingiens. Conjuguée avec les apports récents de l’historiographie, le but de l’enquête tentée ci- dessous serait atteint si elle pouvait ouvrir l’une ou l’autre perspective tant soit peu nouvelle ou, du moins, susciter et encourager des investigations innovantes, pluridisciplinaires et transnationales, en matière d’histoire du droit et des institutions, basées sur le vocabulaire juridique et toponymique transmis par ces siècles encore trop « obscurs ».

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Quelques données certaines… et beaucoup de flou

La période romaine

L’acquis des connaissances est maigre et peu assuré pour l’époque s’étalant entre 58 avant J.-C., – date à laquelle on a convenu de fixer l’arrivée des Romains – et 923 où l’influence des souverains de la « Francia Occidentalis » s’efface en Alsace. Jusque vers 260 après J.-C. notre région avait prospéré à l’abri du Limes des Romains, ligne fortifiée lointaine, à l’Est de la Forêt Noire. Mais lorsque ce bouclier dut être abandonné, le Rhin sera la frontière séparant l’Europe en deux. Désormais, et jusqu’aux années après 900, le sort de sa rive gauche dépendra des conceptions stratégiques romaines puis franques et mérovingiennes, des luttes entre des factions et des clans de l’un ou de l’autre camp ; mais aussi des poussées « Barbares » toujours renouvelées. Quel sera le destin du Kochersberg dans cette évolution ?

Le peuplement après le IIIe siècle : Alamans ou Francs ?

Les historiens et les linguistes-dialectologues se sont beaucoup intéressés aux habitants du Kochersberg à la fin de l’Antiquité et à l’aube du Moyen Âge : Ils ont constaté une assez forte densité de population et un nombre de localités habitées au moins égal à ce qu’il est aujourd’hui. Mais quelles ethnies ou tribus ont occupé ces villages ? Celtes, Gallo-romains, Alamans ou Francs se sont-ils succédé sur les mêmes terroirs ou ont-ils vécus côte à côte ? Après plus de deux siècles de débats non dénués d’objectifs idéologiques, la discussion n’est toujours pas close12. Mais une opinion, presque identique à celle qui prévaut pour l’ensemble de la « Francia Occidentalis », semble désormais prévaloir : « encadrement Franc de la population par une aristocratie guerrière sur un très large espace, jusqu’à l’Aquitaine, mais avec une densité variable13 » Pour le territoire s’étendant du Rhin aux Vosges il est désormais admis que lors des invasions de la Gaule par les « Barbares », ce sont des Alamans qui, en vagues successives, se sont installés solidement et majoritairement14. Les Romains ayant certes surveillé le Rhin, mais pas vraiment défendu cette limite15, des ressortissants de tribus alémaniques sont déjà installés sur sa rive gauche – et sans doute depuis 260. Lorsqu’en 357 le César Julien met en fuite une nouvelle coalition d’Alamans surgis d’outre Rhin, son armée, partie de Saverne, avait traversé un pays que manifestement des Alamans avaient cultivé et qui est couvert de moissons – on est fin août – jusqu’aux collines de Hausbergen. Sûrs de leurs droits les chefs Alamans envoient même des messagers, enjoignant à Julien de se retirer de ces terres qu’ils affirment avoir conquises « par leur valeur et à la pointe de l’épée »16. Que le Kochersberg, bien que peuplé essentiellement par des Alamans, ait été politiquement et militairement aux mains des Romains puis des Francs est certes d’explication difficile, mais ne semble plus discuté17. Mais que s’est-il passé de 357 à la fin de l’occupation romaine vers le milieu du Ve siècle ? Il semble bien que sur cette question il faille réviser quelques idées reçues.

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L’endémique querelle sur les noms de lieux en -ingen et en -heim

Il avait été longtemps admis que les villages en -ingen correspondaient à des habitats d’une population d’origine alémanique, ceux avec un suffixe en -heim étant caractéristiques pour les Francs. Mais comme les localités en -ingen sont nettement minoritaires dans le Kochersberg18 on en a déduit « des changements volontaires et systématiques » : les Francs auraient transformé en -heim19 des noms de villages d’Alamans auparavant en -ingen. Le grand nombre de localités alsaciennes en -heim ne correspondrait donc pas nécessairement à l’origine ou à l’ethnie des habitants, mais ne s’expliquerait que par la mainmise militaire franque20. Les Francs occupaient les passages et les points stratégiques de cette terre souvent menacée, tout en assurant le fonctionnement et l’encadrement du vaste district équestre dont il sera question plus bas. Mais ils se considéraient « étranger » en Alsatius21, d’autant plus qu’une rivalité les opposait aux Alamans, ces derniers leur reprochant d’être trop romanisés22.

Un « substrat » gallo-romain ?

Mais les Alamans et les Francs n’étaient pas seuls dans ce territoire. Qu’est-il advenu des occupants antérieurs, Celtes ou « gallo-romains » ? Les noms de lieux comme Kochersberg (sans doute d’une racine paléo européenne kuk-koch = la colline) Rangen (Randan), Mittelkurtz (mutuli curtis = « le domaine de la borne limite »), Brumath (Brocomagus), témoignent de ce substrat.23 Il y a par ailleurs des « points névralgiques » – carrefour des grands voies impériales romaines par exemple – Mutzig (mutatio), Maennolsheim (Mansionaticus) ou Saverne (Tres Tabernae), voire Molsheim, où des structures spécialisées dans les services seront maintenues par les Mérovingiens et les Carolingiens, pour assurer la pérennité des institutions24. Elles garderont leurs noms gallo-romains. D’autres entités territoriales, plus « sensibles » car d’intérêt militaire, seront totalement « francisées » en heim, sans que cela soit nécessairement une indication sur l’ethnie de la population. Ce fut sans doute le cas du « pôle équestre » autour de Dingsheim-Stutzheim.

Présence romaine ininterrompue du Ier au Ve siècle ?

Quoi qu’il en soit, après la bataille de Strasbourg en 357 et la victoire du César Julien sur les Alamans de nouvelles vague d’envahisseurs déferlent sur une partie de l’Europe en 377 et en 388. Ont-ils ravagé la région de Strasbourg25 ? Rien n’est moins sûr. En 377 des Alamans ont certes traversé le Rhin, mais bien plus au Nord, autour de Trèves et de Mayence, et au sud près de Colmar, où ils furent d’ailleurs battus, rejetés et poursuivis sur la rive droite par l’armée de l’Empereur Gratien, de manière à garantir la paix pour quelques années au moins. Ensuite : les historiens ont longtemps estimé « vraisemblable que des Alamans ont pillé Strasbourg et ses environs »26 puis daté de 398 à 406 l’abandon par le généralissime romain Stilicon de la « frontière rhénane » dans son ensemble. Les travaux récents n’adhèrent plus à cette thèse. On estime désormais, arguments convaincants à l’appui que, même avec des effectifs réduits, Stilicon aussi bien que ses prédécesseurs et ses successeurs ont voulu et pu protéger une partie des points fortifiés

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du Rhin supérieur et que notamment « la grande invasion de 407, qui avait submergé presque toutes les Gaules, n’entraîna pas l’évacuation de l’Alsace »27. De même les effets de la ruée des Huns et de leurs alliés en 451 doivent sans doute être relativisés. Avaient-ils l’ambition de s’installer dans l’Empire romain de façon durable ? Il semblerait que non, leur objectif étant de s’enrichir, le plus rapidement possible, par le pillage et par l’exigence de tributs financiers. Qu’on se représente l’exploit logistique de cet invraisemblable « Tour des Gaules » dopé par l’appât du gain : En six mois, à peine, les cavaliers et les chariots de cette énorme caravane ont parcouru près de 2 000 km, tout en livrant de nombreux combats, détruisant les villes de Auxerre, Besançon, Langres, Augst/Bâle, Strasbourg, Worms, Mayence, Trèves, Reims, Metz, Cologne. Mais aussi Tournai, Cambrai, Amiens, Beauvais ; sans compter Paris, Orléans, Lyon ou Troyes qu’ils n’ont que menacés. En dépit de quelques batailles perdues, ils purent d’ailleurs s’en retourner chez eux sans être trop diminués, puisque dès le printemps suivant, en 452, ils seront en mesure d’attaquer l’Italie où ils s’emparent de Padoue, Vérone et Milan, entre autres. Début 451 une partie de cette armée avait certes incendié Strasbourg, mais sans doute la seule ville qui lui barrait la route : Attila voulait percer vers le cœur de la Gaule par les voies romaines pratiques et rapides. Elles l’ont mené le long du Rhin d’abord, puis de Trèves à Metz et de là à Reims, ou encore – en droite ligne – de Cologne à Cambrai. Les Huns n’avaient par conséquent aucun intérêt à s’attaquer à Saverne, ni au réduit du suburbium -Kochersberg, installations militaires hérissées de points fortifiés et où, au surplus, aucun butin intéressant n’était à espérer. Ils auront donc contourné les massifs vosgiens sans les traverser.

Le temps des Francs Mérovingiens

Le dispositif romain du Kochersberg pérennisé

On a longtemps admis qu’après une nouvelle invasion des Barbares en 407, le généralissime et consul Stilicon avait retiré l’ensemble de ses troupes de la frontière rhénane, afin de défendre l’Italie menacée. Dans la « Notice des Dignités » recensant les unités opérationnelles de l’armée vers 422/423, aucun corps de troupe romain ne figure plus après la frontière nord de l’Alsace – qui se situait alors à Seltz – jusqu’à Bingen en Rhénanie28. En réalité, on le sait maintenant, certaines défenses frontalières avaient été laissées en place, notamment celles occupées par les Francs désormais « fédérés ». Et un « Comte de Strasbourg » ainsi qu’un district militarisé de Strasbourg dénommé « Tractus Argentoratis » – dont, par sa situation, le Kochersberg a du constituer la partie essentielle – figurent encore bel et bien dans la « Notice des Dignités »29. Il se confirme ainsi que « face aux flots menaçants, qui quelque fois ont déferlé, l’armée a été solidement implantée en Alsace »30. Par la suite Clovis et ses successeurs – mérovingiens et carolingiens – vont poursuivre, avec succès, des objectifs politiques dynamiques. Le rôle imparti au dispositif militaire dans le Kochersberg faisait partie d’une conception à la fois défensive et offensive d’ensemble, et permet une vue plus précise – du moins en ce qui concerne le Kochersberg – des circonstances du passage de l’Antiquité au monde médiéval.

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Les collaborateurs de la revue Francia et plus particulièrement K. F. Werner ont considérablement fait évoluer la vision traditionnelle de l’historiographie française sur la manière dont le conglomérat ethnique appelé « Francs » a pris la suite de Rome, tant en Alsace que dans le reste des Gaules : « Les conclusions des recherches historiques en ce qui concerne les cinq siècles qui suivent les victoires de Clovis ne sont pas suffisantes. »31 Comme les documents écrits de cette époque sont rares, voire inexistants, trop de conjectures ont tenu lieu de faits prouvés. On considère désormais que : il y a lieu d’exclure la vision d’un monde romain civilisé, chrétien et homogène, subitement exposé à des Barbares qui viennent seulement de quitter leurs forêts pour se ruer sur leurs victimes dans les régions rhénanes d’Allemagne32, et que « celui qui parle des « invasions » à propos de la fondation de l’État franc par Clovis se trompe d’époque33.

Une continuité « romaine » assurée par les Francs

Sait-on assez que Clovis avait commencé sa carrière en tant que titulaire d’une fonction dans l’administration romaine de Reims ?34 Qu’il avait été ensuite « général fédéré » des Romains, et commandant d’une armée de guerriers professionnels Francs associés de Rome, (« l’exercitus Francorum »)35 pour finalement être institué « rex gloriosissimus » ? Et que l’Empereur romain d’Orient lui a remis les insignes de « Consul » ? S’il est connu qu’il avait fait rédiger la célèbre « loi salique », (Pactus legis salicae) dont une partie fut loi constitutionnelle de la monarchie française jusqu’en 1789, on préfère généralement ignorer que ce monument législatif, présenté comme la source première d’une civilisation dite « barbare » était, à l’origine, le code disciplinaire pour les soldats francs servant dans l’armée romaine36.

L’Alsace et Clovis

L’occupation de l’Alsace alémanique par les Francs doit être replacée dans ce contexte. Le roi franc exerce, en Alsace, les pouvoirs antérieurement dévolus au « Comes Argentoratensis » romain, et sans doute en continuité. Pour apprécier tant soit peu le sort fait à notre région dans les siècles qui vont suivre, il faut donc, croyons-nous, mettre l’accent sur ce qu’il est convenu d’appeler la « légitimité franque » de Clovis (465-511). Ce Franc « salien » (originaire des Pays Bas), avait été élu vers 509 chef de tous les « rois » de son peuple, et c’est en vertu de cette « légitimité franque » portant sur l’ensemble de sa nation, qu’il investira la partie de l’Alsace au sud de Seltz, c’est-à-dire – au moins – les territoires dont le Kochersberg est le centre. À juste titre on a reproché aux historiens de n’avoir « pas assez prêté attention à l’extrême importance de cet événement (l’élection de Clovis comme chef de tous les Francs) et de son contenu juridique pour les partages ultérieurs de l’héritage de Clovis »37. Depuis 509 Clovis a la pleine souveraineté qui, à cette époque, nécessitait la conjugaison des trois éléments : le « règne, la puissance et la gloire ». Aussi n’a-t-il pas « conquis »38 l’Alsace à la fin de son règne, mais il l’a « occupée » en vertu, à la fois, de sa légitimité romaine antérieure et de son récent statut de roi de tous les Francs, responsable de l’ensemble du regnum qui venait de lui être reconnu, volontairement, par tous les représentants et rois de son peuple. A-t-il résidé en Alsace ? Durant tout le Moyen Âge et jusqu’au XVIIIe siècle on admettait qu’il avait « placé la première pierre de ce somptueux vaisseau » (la Cathédrale)39, et une inscription gravée dans l’église

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Saint Martin (démolie en 1529) rappelait la fondation de ce sanctuaire en 513, par sainte Clotilde, l’épouse de Clovis40.

Le droit appliqué par Clovis et ses successeurs

Dans la nécessité de maintenir un réseau d’équipements militaires dont déjà Rome ne pouvait ou ne voulait se séparer, le Kochersberg médiéval était régi par un statut juridique qui a fait de l’évêque, nommé à Strasbourg par la puissance franque, le propriétaire de la Cité et des terres alentour. À juste titre on a souligné que c’était la seule explication possible au fait que l’Église de Strasbourg, et plus spécialement le Chapitre de l’Évêque, a été, durant tout le Moyen Âge, le plus important propriétaire foncier d’Alsace41. Sous les Francs mérovingiens le Kochersberg était soumis à ce qu’on a appelé : une forme particulière d’organisation du domaine royal franc »42, en quelque sorte « la reprise de la colonisation militaire romaine sur un domaine du Fisc, devenue ainsi une forme particulière de l’administration du domaine royal franc. //.. « Mais sur la composition et les missions de cette entité les sources ne révèlent pas grand chose43. On sait néanmoins que le territoire était subdivisé en « centena » commandées par un chef le thunginus : on le retrouvera au Kochersberg. • Le témoignage de l’historien Zosime (qui écrit dans les années 500-520) relate que l’armée romaine a été « enrôlée par des (Francs) Saliens... en unités, et précise – et c’est capital pour notre propos – : « (des unités) qui, à ce qu’il paraît, se sont conservées jusqu’à nos jours ».44 • Le voisinage du Palais de Kirchheim. Les souverains Francs mérovingiens et leurs familles ont souvent vécu – et en paix semble-t-il – dans leur imposant Palais de Kirchheim/ Marlenheim45 : en 587, 590, 608/610, 613/61446 comme plus tard aussi les Empereurs carolingiens. Or, les Romains déjà avaient fortifié ce lieu, et ce dès 130-16047. À partir du VIe siècle Kirchheim apparaît comme « palatium », l’un des plus importants du royaume mérovingien avec, notamment, un imposant château de 105 mètres sur 85, sans doute l’un des plus imposants de l’époque. Dans l’organisation des institutions mérovingiennes le « palatium » reproduisait théoriquement le palais de l’Empereur romain. Appelé « sacrum palatium », il était la résidence du gouvernement et peuplé de conseillers, d’officiers, de « ministres », de gardes, et de la « cour ». Parmi les « ministres » qui résidaient au Palais le Comes stabuli ou marescalc était le responsable militaire. De même les chefs de cette armée, les ducs, sont choisis parmi les membres du « palatium »48. Quoi qu’il en soit il est probable que dans cette partie d’Alsace peuplée essentiellement d’Alamans et depuis longtemps « surveillée » par les Francs, il y ait eu des difficultés dans l’application de la politique militaire mérovingienne. En effet un chroniqueur relate que le roi Clotaire II († 639), partant de Marlenheim, a du « intervenir » énergiquement, c’est-à-dire « en trucidant par le glaive de nombreux fauteurs de troubles49 », étaient-ce des Alamans du Kochersberg ? On l’ignore. Mais peut être l’institution des « ducs d’Alsace », d’une famille alémanique étroitement liée aux Francs qui apparaît vers 630, n’est-elle pas étrangère à ces événements. • Le refus de céder l’Alsace aux Burgondes. En 436, lorsque ce sont des Burgondes installés autour de Bâle qui revendiquent l’Alsace, le généralissime des légions romaines, Flavius Aetius en fait massacrer une partie par ses auxiliaires hunniques, puis les transplante en « Sapaudia » (Savoie), plutôt que de céder à leur demande d’installation en qualité de fédérés

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dans le Tractus Argentoratensis. Voilà bien un témoignage de l’importance que Rome apportait à ce glacis protecteur50. • La proximité de Strasbourg a évidemment joué. Mais arrivera-t-on jamais à départager, dans les activités et fonctions des quelques kilomètres carrés de territoire qui les séparaient51, ce qui relevait de l’influence des autorités du Palais royal de Kirchheim et ce qui est à attribuer à celles de Strasbourg, siège épiscopal et militaire ? Les chapitres ruraux ecclésiastiques de Waldulm-Sand sur la rive droite du Rhin et de Saint-Laurent sur la rive gauche avaient sans doute rappelé, jusqu’à leur suppression au XIVe siècle, une ancienne Cité (civitas) romaine, puisque aussi bien on admet généralement que « l’organisation ecclésiastique de la Gaule aux alentours de 600 ne correspond pas au découpage politique du royaume franc, mais reflète encore exactement la structure administrative théodosienne (= romaine) »52. S’il est certain que ce suburbium défensif n’était pas laissé à l’abandon sous les Mérovingiens, on ignore la nature exacte des rapports hiérarchiques entre le Commandant de cette Cité et l’état-major royal de Kirchheim. Mais dépendre de Strasbourg signifiait aussi l’insertion dans la politique diocésaine franque. Par la conversion de Clovis et des siens au christianisme, « orthodoxe » pour l’époque, c’est-à-dire à la religion de leurs sujets romains, le catholicisme, dont – il y a lieu d’y insister – les évêques maintiennent la liaison avec Rome, ils bénéficient d’importants privilèges pour assurer des tâches administratives autrefois dévolues à des laïques spécialisés. Lorsque vers 500, Clovis est institué « rex gloriosissimus » par l’Empereur romain d’Orient, il est aussi – constitutionnellement – « princeps » de « ses » évêques et l’apparition, vers 550-575, dans le diocèse de Strasbourg, du premier évêque au nom germanique franc et très évocateur d’Arbogast, paraît bien témoigner d’une prise en main dans la durée53.

Conclusion provisoire

Pour des raisons impératives, Rome a toujours su maintenir une présence militaire effective entre Strasbourg et Saverne. Et lorsque la présence romaine s’évanouit en Europe – vers la fin du Ve siècle –, ce sont des Francs qui continueront à maintenir l’équipement et le fonctionnement de ce « glacis » protégeant la Gaule appelée à devenir « Francia »54. « Après la victoire de Clovis l’histoire de l’Alsace (et donc du Kochersberg) est toujours déterminée par l’État des Francs »55 et « L’Alsace, sur la rive gauche du Rhin, a été intégrée à la « Francia » en tant que duché régional de caractère alémanique. »56

Un glacis

Traces d’anciennes frontières dans le Kochersberg et son arrière pays

Les compétitions pour la suprématie du territoire donnant accès à la Gallia par la vallée de la Bruche et par le col de Saverne devaient logiquement se limiter à la région située entre le massif forestier de Haguenau au Nord et la limite avec les Séquanes, à hauteur de Sélestat au Sud.

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Au sud du Donon les Vosges constituaient une barrière quasiment infranchissable, et ce n’est nullement par hasard que les fortifications de Kirchheim et de Saverne se dressent là où les obstacles naturels se révélaient plus perméables. Les traces d’anciennes limites politiques détectables dans cette zone névralgique indiquent d’ailleurs que chez les Celtes déjà, la configuration naturelle du Kochersberg a été déterminante : • Au Nord-Est le Kochersberg débute au bord de la zone d’inondation du Rhin et de l’Ill. Là où ce réseau d’îles et de bras fluviaux se heurte aux terrasses de Lœss, le « débarcadère du Rhin » (Rhinstett ancien nom de Reichstett) en permettait l’accès direct57. • Un « avant Kochersberg » sur la première terrasse de lœss, de Cronenbourg et de Koenigshoffen jusqu’au pied de la falaise des collines des trois Hausbergen. • Un noyau central du Kochersberg proprement dit, le « Ackerland » ou « Büreland » du XXe siècle, qui à l’ouest s’étend jusqu’aux horst du Scharrach-Goeftberg et celui des Frankenheim, qui au sud s’adosse à la Bruche et à la Mossig, et qui est bordé au nord par la Zorn. • Un « arrière Kochersberg » d’une largeur d’environ 3-4 km se profile du sud-ouest au nord-ouest. Il est enserré entre deux lignes séparatrices, nettement affirmées, où on distingue : d’une part une antique frontière longeait la voie routière Wasselonne – Rangen (Randa) – Rohr – Mutzenhouse (la station de la Mutatio) qui devait séparer des districts restés celtes de ceux occupés par les Romains, avant les invasions germaniques du IIIe siècle après J.-C.58 ; d’autre part, à l’ouest de cette bande intermédiaire, s’étalait au Moyen Âge un massif forestier, ininterrompu de Wasselonne à Steinbourg-Dettwiller. Sur sa lisière les noms aussi significatifs que Romanswiller, Crastatt59 au sud, Landersheim60 au milieu, Steinbourg61 et Dettwiller62 au nord, indiquent qu’ici s’arrêtait – provisoirement – le « Land », germanophone d’Alsace. • Les territoires de Marmoutier et de Neuwiller dépendant de Metz. Ces « Marches » encadraient le col de Saverne. À l’est une suite ininterrompue de massifs forestiers aujourd’hui largement défrichés les séparait du Kochersberg, et à l’ouest se dressait la barrière vosgienne. Au Haut Moyen Âge, Marmoutier et Neuwiller relevaient au temporel et au spirituel de l’évêque de Metz.

Le Kochersberg plaque tournante des communications européennes ?

Le collaps du commerce intra européen, vers 600 après J.-C., sans doute lié à l’effondrement démographique, n’avait laissé subsister que des vestiges des anciennes voies romaines. Le col de Saverne vers lequel plusieurs de ces voies convergeaient était néanmoins resté d’une importance attestée par les textes. Pour autant rien n’indique que la ville de Saverne a été, avant l’an mil, une ville riche, de commerçants ou de banquiers, et il se peut que les voies routières et fluviales du pays entre la Bruche et la Zorn n’aient servi, pour l’essentiel, qu’aux transports et communications locales ou militaires. Il est certain que les Romains disposaient d’une flotte, assuraient du transport rhénan, qu’un (petit) port a été localisé à Strasbourg où un autel dédié au dieu du Rhin a été retrouvé. Mais les indices de ce type d’activité, pour intéressants qu’ils soient, paraissent sans commune mesure avec les imposantes structures et trouvailles de villes comme Metz, Trèves ou Cologne. Plus tard, du temps de Charlemagne, le poème si

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souvent cité de Ermold Nigellus évoque certes l’acheminement de matières pondéreuses, pierres et bois sur le Rhin ou l’exportation du vin par l’Ill. Mais on s’interroge : le trafic dont il est question n’est-il pas d’abord et surtout local ou régional, et limité au Rhin et à ses affluents – en dépit même du nom de « burgum des routes » qu’a pris Argentoratum63 ?

Fig 1 : Le Kochersberg contourné

Il est en effet bien établi que le commerce international Nord-Sud, qui aurait dû amener et recevoir le frêt – du moins à partir de Kembs – n’empruntait guère le fleuve et les routes qui reliaient Bâle à Mayence. Les caravanes qui avaient remonté le Rhône et la Saône jusqu’à Besançon, ainsi que celles venant du et de Bâle, passaient aussitôt à l’ouest des Vosges ; soit par le Jura, soit par Thann et le col du Bussang64. Quant aux communications « civiles » de l’Allemagne de l’Est et du Nord avec la « Francia », elles n’empruntaient qu’exceptionnellement un trajet traversant la Forêt Noire et les Vosges en passant par Strasbourg, mais contournaient ces massifs par l’Est et passaient par Francfort, Mayence, Trèves, Coblence ou Cologne, pour rejoindre la Champagne, Reims, les Flandres et Boulogne. Dans ce contexte la ville de Metz a été une place commerciale et financière prospère, alors que notre regretté ami Robert Will m’a maintes fois répété que « Strasbourg était le Bitche des Romains », c’est-à-dire une forteresse de frontière sans population civile à activité économique particulière.

Un glacis conforme aux définitions de l’art militaire

Le Kochersberg et les territoires le séparant des Vosges ont constitué une région « d’entre Deux », répondant très exactement à la définition du « glacis », c’est-à-dire une « Zone protectrice formée par des pays indépendants, mais soumis à l’influence militaire d’un autre pays »65. Ce glacis protégeait la Gaule puis la Francia, tout en lui

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étant rattaché jusqu’au IXe siècle et constituait le rempart face à une Germanie éventuellement hostile, et en tout cas toujours dangereuse.

L’équipement militaire aux dépens des activités agricoles

Après une invasion catastrophique en 265, et lorsqu’en 357-360 le César Julien dut repousser les Alamans, la mise en défense des abords de la bande rhénane s’imposait. Julien avait fait fortifier Saverne, et aussi ses avant-postes66, et en toute logique, le Kochersberg a dû faire partie des aménagements militaires dans les siècles qui ont suivi. Les membres de la famille impériale romaine avaient certes organisé l’administration civile de la Gaule, mais la région rhénane était restée zone opérationnelle des Armées, et les représentants politiques en Gaule sont en même temps commandants en chef des légions rhénanes. On en a conclu que « ...la présence de l’armée semble avoir pesé (en Alsace) d’un poids très lourd »67 et certainement aux dépens des activités agricoles.

Une situation stratégique essentielle pour la Gallia franque

Le Kochersberg a été d’un intérêt stratégique capital pour la sécurisation des Gaules. Mais aussi, et le fait est très rarement évoqué en tant que plate-forme avancée pour les incursions assez régulières en Germanie. Certes il ne semble pas y avoir d’écrits le documentant. Mais n’est-il pas évident que l’armée romaine avait impérativement besoin, comme plus tard celle des Mérovingiens et des Carolingiens, d’une base de mobilisation et d’intendance pour regrouper les forces d’intervention offensive le long du Rhin ou sur la rive droite ? Dans ce cas de figure, le plateau du Kochersberg était idéalement situé. Il serait surprenant, compte tenu des structures militaires effectivement décelables, qu’il n’ait pas été utilisé à ces fins.

L’étendue du « tractus argentoratensis »

Le Comte de Strasbourg et son territoire

Le territoire imparti aux unités cantonnées à Strasbourg, le « territorium legionis » dont on ignore l’étendue exacte68 ne s’arrêtait pas à l’enceinte d’Argentoratum et les militaires romains exploitaient les environs de la ville jusqu’au delà de l’actuel Koenigshoffen, notamment pour la production « industrielle » de tuiles69. Dès la fin du IVe siècle, et en tout cas après 408, a eu lieu autour de Strasbourg un regroupement militaire concrétisé par l’installation d’un puissant Comte de Strasbourg (Comes Argentorati) et d’un District de Strasbourg (Tractus Argentoratensis), une mesure qui a rendu pratiquement impossible les activités agricoles, mais qui a sans doute évité au Kochersberg bien des misères.70 La fonction « comtale » d’Argentoratum est connue par le « Tableau des Offices et des grades » (Notitia Dignitatum) datant du début du Ve siècle. Depuis Schoepflin71 – au moins – on ne compte plus les auteurs qui, en toutes langues, ont disserté sur ce sujet resté « énigme difficile »72, mais importante au plan de l’histoire de Rome en Europe. Logiquement le Kochersberg était un élément capital de ce dispositif. Dès lors qu’un tractus est attesté par des documents du Ve siècle, on rappellera qu’en 357, lorsque le

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César Julien arrive devant Argentoratum il se félicite de pouvoir camper, directement à l’ouest des collines de Hausbergen, dans un « vallum » entouré de fossés73. Il est donc probable qu’un dispositif stratégique remontant à une période antérieure existait déjà. Mais quelle était l’étendue du « tractus » que commandait le Comte, et quels ont pu en être les points extrêmes ? Le territoire du Kochersberg consacré à la cavalerie, n’était très certainement qu’un des éléments du système militaire autour de la place d’Argentoratum. Entre Sélestat au sud et Seltz au nord d’autres structures militaires protégeaient les accès à la « Gallia » : • Epfig (Appiacum) dont le proche Stotzheim est philologiquement comparable à Stutzheim, et où a été conjecturée la bataille de César contre Arioviste74 ; • Rhinau, un des bacs du Rhin les plus utilisés dès l’Antiquité, situé sur la limite diocésaine sud, et dont des toponymes « intéressants » peuvent être localisés dans les environs immédiats75 ; • Molsheim76 (Moles.)/Mutzig (Mutatio)/Dinsheim (Thunginus77), verrous fortifiés au débouché du Val de Bruche78 ; • Brumath (Brocomagus) où l’archéologie par vue satellitaire promet d’importantes découvertes.

La partie transrhénane du diocèse de Strasbourg

Et puis, le lit du Rhin n’a pas toujours marqué la frontière. Sur toute la longueur du fleuve (hors l’Alsace du roi de France), les limites administratives ont été fixées, jusqu’en 1815, à 10-20 km à l’Est du Rhin. De fait l’Alsace a été un enjeu international – au sens littéral du terme – plusieurs fois millénaire, notamment quand les auteurs antiques s’efforçaient de séparer les « Galli » des « Germani ». Au XVIe siècle encore une polémique célèbre a opposé le moine franciscain Murner au savant humaniste Wimpheling sur le point de savoir si la « Gallia » s’était arrêtée au Rhin ou aux Vosges79. Dans ce contexte, et pour s’en tenir au seul contexte alsacien, il est inimaginable que les Romains, puis les Francs, aient pu se désintéresser des territoires de la rive droite du Rhin, dont le destin n’est pas si étranger à celui du Kochersberg qu’on pourrait le croire à première vue. Les habitants de l’ancien diocèse de Strasbourg (celui d’avant 1789) qui empiétait sur le Pays de Bade) étaient réunis par le Rhin en un long destin commun et la petite région faisant directement face à Argentoratum/Stasbourg a fait corps avec le « suburbium » ouest de cette ville-forteresse. Une tête de pont avait été aménagée sur la rive droite du Rhin, telle sans doute qu’on la retrouvera encore au XVIIIe siècle80. Il est vrai que dès la fin de la romanité et sous les Mérovingiens deux catégories d’Alamans se sont opposées, d’une part ceux d’Alsace, certes « Alamans » déclarés, mais constitués en « protectorat »81 des Francs – sans doute un héritage romain – avec des Ducs puis des Comtes de la famille des Etichonides, et d’autre part ceux de la rive droite du Rhin. Mais les historiens qui en font état ne précisent pas toujours ce qui est une évidence : à savoir que les Alamans dits « de la rive droite » étaient, sans aucun doute possible, ceux des territoires actuellement souabes à une centaine de kilomètres du Rhin, à l’ouest de la Forêt Noire, et non pas ceux du pays de Bade, résidant aux portes de Strasbourg.

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Le chapitre rural de Saint-Laurent supprimé au XIVe siècle

Les Francs avaient repris telles quelles les structures romaines et, jusqu’à nos jours, l’Église catholique a calqué ses circonscriptions administratives sur ce schéma. Il est donc intéressant d’observer que, jusqu’au XVe siècle, le territoire qui vraisemblablement correspondait au « suburbium » romain, mérovingien et carolingien de Strasbourg était regroupé en quinze, puis vingt-trois paroisses et constituait un « Chapitre ecclésiastique » dit de Saint-Laurent, car il dépendait de la fondation du même nom en la cathédrale de l’évêque de Strasbourg. À ce jour son existence même est souvent ignorée par les historiens82. Il est hautement probable que l’organisation d’un « Chapitre » de pastorale religieuse dans ce territoire entièrement « militarisé » correspondait à un service d’aumônerie prés l’Armée, mais que par ailleurs ses limites et ses structures étaient celles d’une circonscription militaire fortifiée...

Limites du district de Saint-Laurent

Heureusement on dispose de la liste des paroisses dépendant de ce Chapitre83. On en compte 15 en 1371: La Rothenkirche de Sainte-Hélène à Schiltigheim, Bischheim, Reichstett, Souffelweyersheim, Vendenheim, Mundolsheim, Griesheim, Dingsheim, Pfulgriesheim, Ittenheim, Oberschaeffolsheim, Wolfisheim, Eckbolsheim, Hausbergen, Lingolsheim. Au nord l’appartenance d’Olwisheim est discutée84. Huit autres s’y ajoutent en 1454 : Breuschwickersheim, Achenheim, Holzheim, Hangenbieten, Entzheim, Geispolsheim (dont, comme au nord pour Olwisheim, et sans doute pour des raisons identiques, le statut est discuté), Hattisheim (village disparu depuis), Illkirch. On peut donc restituer – grosso modo – l’étendue et les limites de cette circonscription en suivant celles des paroisses actuelles.

Une circonscription ecclésiastique, mais hérissée et ceinturée par des systèmes de défense

Comme le « Tractus » a été maintes fois menacé et attaqué, il serait a priori logique que sur ses limites la toponymie ait gardé la trace des fortifications, des litiges et des combats. L’ouvrage de référence en la matière ne mentionne – au plan européen germanophone – que quatre ou cinq toponymes anciens signifiant « lutte » ou « combat » qu’il considère comme quasi synonymes : Krieg, Hilti, Had et surtout Wig85. Or on retrouve tous ces témoins, sentinelles avancées devant le Rhin et autour du système fortifié d’Argentoratum-Strateburgum, avec, bien sûr, les indications sur la présence de postes d’observations, de « bornes », et des affirmations de « limite » territoriale86.

Wig/Wick

Des nombreuses études parues sur « wig/wick », on peut dégager cette définition : « Site fortifié près d’une route ». Elle semble convenir à la plupart des cas connus87. Autour de ce qui fut le Chapitre de Saint-Laurent, aux entrées de Strasbourg et des accès au Kochersberg on note : une série de sites en « wick » : IllWICKersheim (actuellement Ostwald)88, BreuschWICKersheim, WICKfridesheim (aujourd’hui

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Wiwersheim) et – peut-être – WICHeresheim89 (aujourd’hui Souffelweyersheim) et WIGeresheim (Weyersheim)90. Au Moyen Âge les relais et les carrefours routiers avec un péage et des postes de douanes de Strasbourg étaient « sécurisés », par des sites fortifiés dénommés Wighus91. Ainsi un Wighäusel servait de poste douanier au sud de la ville près de l’Elsau actuelle, Parfois le responsable des marchands portant le titre de wickgraf92 y siégeait. Il peut y avoir confusion avec le vieux haut allemand wihhen, qui rend le latin provehere (transporter)93 mais il était évidemment normal que les transporteurs, aux limites des cités utilisaient des locaux fortifiés.

La limite nord

Vendenheim marquait le flanc nord du district militaire : c’était la station des combattants à pied, ce que révèlent très exactement les premières mentions de la localité à partir de 1100. Vendenheim (-v- prononcé -f- à l’époque) de fendo vieux haut allemand : combattant à pied94 est donc le « Heim » des combattants à pied. Jean-Jacques Hatt avait estimé qu’un « ruisseau innommé sur la carte » au sud est de Vendenheim a marqué la séparation entre le « territorium legionis » d’Argentoratum et la « Municipe » de Brocomagus-Brumath95. Or c’est aussi très exactement l’endroit, au sud du noyau ancien de l’agglomération de Vendenheim, où devait se situer un carrefour routier stratégique face au bac par lequel on passait sur la rive droite du Rhin au nord de Strasbourg. Il est donc logique d’y trouver les indices toponymiques qui caractérisent des limites anciennes. Ils permettent de préciser quelque peu la limite nord du Chapitre de Saint-Laurent : • le lieu-dit Pfuetzenberg96 y rappelle Budina/Bodina qui signifiait « borne limite97 », tant dans le vocabulaire celtique et pré celtique que dans les lois des germains : • les lieux-dits Niefernweg renvoient au « passage frontalier », de même que les toponymes catz et still attestés ici au Moyen Âge98 ; • un lieu-dit Lorenzenacker, un peu plus bas, à 1 km à l’ouest de Pfulgriesheim (Lorenz = Laurent)99 ; • Le patronage de saint Arbogast de la paroisse médiévale de Lampertheim100, à la pointe nord du Chapitre.

La limite sud

Du IXe au XIVe siècle on retrouve au sud du Chapitre les toponymes spécifiques à des limites contestées. Ils sont regroupés autour d’un nœud routier, d’où l’on accédait au bac rhénan du sud de Strasbourg : Hundsfeld : • « bod/bud » déjà rencontré à son extrémité nord : GeisBODESheim, un village dont la forme Geispolczheim > Geispolsheim n’est citée qu’à partir de 1371, et dont le statut d’appartenance a été discuté101. Dans son ban très étendu et à sa limite se trouvaient les villages disparus de : • Hattisheim102 signifiant « champ de bataille » dont le finage également important s’étendait sur 720 hectares103 ; • Künresheim/Kindersheim/Kingersheim104 qui renvoie à un toponyme ancien significatif en « König » ; • Strassheim105, cité au XIIIe et XIVe siècle, au carrefour des routes, et à la limite de son ban :

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• Entzheim cité comme Anesheim en 1224 . Le nom vient de « anasium » signifiant l’ « extrémité », « le lieu du front »106. Un « Schiffgraben » menant sans doute au bac rhénan traversait son ban, et ce n’est certainement pas un hasard que l’entrée sud du territoire fortifié, la paroisse d’Entzheim, avait Arbogast pour saint patron, comme il l’était de Lampertheim/Vendenheim à l’entrée nord.Dans ce contexte on notera que le monastère Saint Arbogast était également situé directement sur l’enceinte de la cité urbaine de Strasbourg.

Des postes d’observation

Goeffede désigne au Haut Moyen Âge le lieu ou la tour d’observation qui permet de regarder au loin, dans toutes les directions, ce qui est bien le cas pour les hauteurs bien connues de Hohengöft ou de Kleingöft107. Les glossaires médiévaux du vieux haut allemand traduisent le terme par skouwunga, qui lui même est l’équivalent de latin speculum108 Or in Gefteta, Goeffedestal (1279, 1380) Goeffedetal 1450, Goffestal 1291, Geffetal 1313, Göftetal 1405, 1498, 1518 XIVe siècle109 sont des lieux-dits, attestés dès le XIIIe siècle à Dingsheim et à Lampertheim. L’inspection du terrain amène à situer probablement ce « point d’observation » à l’endroit précis où se rejoignent actuellement les bans de Griesheim, Pfulgriesheim, Lampertheim, et Mundolsheim. Au travers de l’étroite « fenêtre de tir » dégagée par la retombée des Hausbergen et la remontée des collines bordant la Zorn on y jouit d’une vue exceptionnelle et « imprenable » sur Reichstett et le Rhin. Les prêtres s’occupant des unités de cavalerie stationnées le long de la bande rhénane n’auront plus d’aumônerie à exercer lorsque la frontière de l’Empire germanique sera déplacée du Rhin à la Lorraine et à la Meuse – et ce sera le cas à partir du Xe siècle, le chapitre rural de l’Eglise perd également sa justification. Il sera dissous. Dans cette hypothèse un double constat ne manque pas d’intérêt : • D’une part Saint-Laurent est le seul chapitre rural, de tout le diocèse, qui a été supprimé avant la fin du Moyen Age, avec répartition des paroisses entre les chapitres ruraux voisins. • Ensuite il semble bien qu’un regroupement parallèle ait eu lieu de l’autre côté du Rhin où, à notre connaissance, sans explication, au milieu du XIVe siècle, le chapitre rural de Waldulm- Sand fut scindé en deux archiprêtrés (Offenburg et Lahr)110. Il est hautement probable que ces réorganisations ont consacré la caducité définitive de l’antique structure du tractus. En tout état de cause ce sont uniquement les noms des localités et des lieux dits qui subsistent comme témoins (assez fidèles) d’un passé politique, administratif, militaire et économique révolu.

Un dispositif « modèle » d’Arbogast, évêque « militaire » de Strasbourg ?

Les missions dévolues à la cavalerie du « Tractus », étaient-ce les Romains où les Francs qui les avaient initiées ? Des indices concordants permettent de conjecturer que ce « pôle équestre » avait été mis en place très tôt, en tout cas avant le phénomène linguistique de la « mutation consonantique » du vieux haut allemand, c’est-à-dire avant les années 700-800, avec – au surplus – l’emploi d’un vocabulaire alors déjà vieilli et sans doute plus compris par le plus grand nombre111. Que cette volonté et ait été systématique dans la durée est attesté – notamment – par la pérennité toponymique.

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L’existence même d’un chapitre rural de Saint-Laurent dépendant directement de la cathédrale de Strasbourg attire l’attention sur les rapports étroits entretenus, depuis Clovis au moins, entre le pouvoir séculier et des Evêques choisis pour promouvoir des stratégies politiques et militaires. Il n’était guère possible, au Moyen Âge, de choisir arbitrairement son nom, dès lors qu’on faisait partie de l’aristocratie112. Aussi, lorsque apparaît le patronyme Arbogast dans la région de Strasbourg, on voudrait être fixé sur la mission impartie à ce personnage qui ne saurait être qu’un des plus hauts dignitaires francs, ainsi que sur les dates de son activité, car dès la fin de l’Antiquité les rapports sont étroits entre la : « grande maison franque et romanisée des Arbogast et la personne de Clovis » et que « cette famille est caractéristique des réalités romano-germanique dans les couches dirigeantes des nouvelles entités politiques de la Gaule »113. L’Abbé André Marcel Burg, spécialiste de cette époque114 s’est évidemment posé ces questions capitales, et avec Médard Barth il n’hésite pas à contredire la tradition en affirmant que « l’épiscopat d’Arbogast se situe vers 550-575 (et non au VIIe siècle comme le voudraient la Vita et les faux du XIIe s.) » donc peu après Clovis. On a affirmé (ou conjecturé ?) que le Comte de Strasbourg de la Notitia Dignitatum était le petit-fils d’Arbogast Ier, Franc († 394), généralissime des armées romaines, « l’homme le plus puissant en Occident » « Faiseur d’Empereurs ». A-t-il été le principal chef militaire « commandant supérieur de la défense sur la frontière du Rhin115 », voire même commandant de la rive gauche tout entière comme on l’a conjecturé ? Nous n’avons pas la prétention de trancher cette question très controversée. En revanche il est généralement admis que l’évêque Arbogast, « premier évêque qui porte un nom germanique116 », a été membre de la dynastie, en parenté sans doute étroite avec le Comte, et qu’à « l’époque où les Mérovingiens entreprirent d’incorporer dans leur royaume les Alamans d’Alsace et de les christianiser, c’est Arbogast qui devait entreprendre cette lourde tâche »117. D’autres auteurs, et non des moindres, ont souligné, à juste titre, que la christianisation et l’incorporation des Alamans d’Alsace dans le royaume des Francs n’était qu’une partie de la mission dévolue à cet évêque. L’absence quasi totale de documents écrits ne permet guère, me semble-t-il, d’en être certain. Mais l’hypothèse n’est pas non plus à exclure absolument. Il est en effet bien connu, que les évêques de Strasbourg ont joué un rôle essentiel dans la vie de la Cité – et de ses environs – jusqu’à la fin du XIIIe siècle. S’il est notamment attesté qu’ils disposaient, notamment, de la puissance militaire... c’est sur ce point que des précisions essentielles font encore défaut : qualité et nombre des troupes, leurs lieux de stationnement, l’organisation du suburbium, notamment. Dans ce contexte de rareté documentaire il convient donc de ne négliger aucune piste et on notera donc – entre autres –, que le château de Haldenburg sur les hauteurs de Hausbergen/Mundolsheim, propriété de l’Évêque est le poste fortifié à proximité immédiate du « district équestre »118. Plusieurs toponymes anciens indiquent au XIIe et au XIIIe siècle les chemins qui y mènent. Et le patron de paroisses qui ceinturent aussi bien le district équestre que le chapitre rural de saint Laurent (Offenheim, Lampertheim et Enzheim, voire le monastère de Saint-Arbogast sur la ceinture urbaine) et ce qui devait être son pendant sur la rive droite du Rhin (Marlen) n’est-il pas saint Arbogast119, de haute antiquité et actuellement ?

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S’il paraît possible de voir la politique de Clovis et de ses successeurs, et notamment d’Arbogast à l’origine de l’équipement militaire du Kochersberg sous les Mérovingiens, un double constat peut nourrir la réflexion sur la fin de cette organisation : • D’une part Saint-Laurent est le seul chapitre rural, de tout le diocèse, qui a été supprimé avant la fin du Moyen Âge, avec répartition des paroisses entre les chapitres ruraux voisins. Lorsque à partir du Xe siècle la frontière de l’Empire germanique sera déplacée du Rhin à la Lorraine et à la Meuse, les prêtres s’occupant des unités de cavalerie stationnées le long de la bande rhénane n’auront plus d’aumônerie à exercer et le chapitre rural de l’Église perd également sa justification. Il sera dissous. • Ensuite il semble bien qu’un regroupement parallèle ait eu lieu de l’autre côté du Rhin où, à notre connaissance sans explication, au milieu du XIVe siècle, le chapitre rural de Waldulm- Sand fut scindé en deux archiprêtrés (Offenburg et Lahr)120. Aussi est-il hautement probable que ces réorganisations ecclésiastiques sont l’épiphénomène accompagnant et consacrant la caducité définitive de l’antique structure étatique du tractus. Sa disparition est certes due – et sans doute d’abord – au déplacement des frontières de l’Empire, mais aussi à l’avènement du régime dit « féodal », marquant un changement politique et administratif radical. À partir de la fin du XIIIe siècle l’Évêque et l’Empire se partageront le territoire du Kochersberg ou le géreront en indivis. Dans le nouveau système où des « Seigneurs » (dont l’Évêque) disposeront toujours de troupes, mais « privées » et partageront avec l’Empire un « Comté » (« Grafschaf ») dont la gouvernance et l’administration sont encore assez peu connues. En tout état de cause ce sont uniquement les noms des localités et des lieux dits qui subsistent comme témoins (assez fidèles) du passé politique, administratif, militaire du Haut Moyen Âge désormais révolu.

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Fig 2 : Limites du district du chapitre Saint-Laurent

Limites du district du chapitre Saint-Laurent, probable « Tractus » d’Arbogast, évêque militaire de Strasbourg (avec indication des paroisses dont le patron est saint Arbogast).

Présupposés techniques généraux d’un centre militaire équestre

Besoins considérables d’espaces

En tout état de cause il est établi qu’en 1261 encore, l’évêque Walther de Hohengeroldseck est à la tête d’une importante force de cavalerie : il est entouré de 1 500 chevaliers lors de sa première messe en la cathédrale. En mars 1262 il dispose d’au moins 300 cavaliers cuirassés lors de la célèbre bataille de Hausbergen où il est défait par les milices strasbourgeoises121. Or 300 cavaliers armés, c’est près de 1 000 équidés en campagne : chaque cheval harnaché et monté par un cavalier en armure était nécessairement accompagné de 3 voire de 4 autres, pour porter les écuyers accompagnateurs, le valet d’armes, le matériel et les lourdes armures lors des déplacements. Dans la ville même de Strasbourg il y avait certes la cour de l’évêque, avec une petite troupe de chevaliers, mais à l’intérieur de l’enceinte il n’y avait guère de place disponible pour une masse aussi importante d’équidés. Des espaces disponibles au sud, au nord ou à l’est étaient trop souvent inondés pour des installations durables. Le plateau du proche Kochersberg s’avérait irremplaçable, même s’il était tout à fait insuffisant compte tenu des besoins. Car selon les experts, la zone d’environ 70 km² qu’occupe le « district équestre » ne saurait suffire, par exemple, à 2 000 chevaux et aux installations nécessaires pour la remonte, les poulains, les juments etc. S’il faut au moins 1 hectare pour nourrir une tête de bovin par an122, le besoin en foncier est plus important encore pour les chevaux. Certes, de mai à octobre le bétail du Kochersberg est, au XVIIIe siècle encore, envoyé en

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pâture dans le Ried nord, les îles du Rhin ou le val de Zorn, par les parcours spécialisés (« Viehwege » et autres « Graswege »), mais en hiver le cheval, à l’inverse des bovins, ne saurait être confiné en écurie : pour le garder en bonne santé il faut, impérativement, des terrains à proximité directe de l’écurie pour le « sortir » quotidiennement. Les pentes et plateaux bordant les vallées herbeuses de la Zorn ou les prairies, certes inondables mais néanmoins fourragères du delta Ill/Rhin auraient été favorables pour loger et entretenir des escadrons de cavalerie. Pourquoi alors n’y a-t-on pas installé des complexes hippiques importants ? La réponse est à chercher dans la situation stratégique du plateau entre Hausbergen et Stutzheim. La position est en effet idéale comme centre de rassemblement, de mise en place et d’exercices avant le départ vers « l’Ost ». La situation est tout autant susceptible de verrouiller, en cas d’attaque, les accès au col de Saverne et aux résidences royales de Kirchheim/Marlenheim.

Des contraintes d’organisation : Une armée « populaire » et une armée « de métier »

La cavalerie avait pris une place de plus en plus essentielle entre le IIIe et le Ve siècle, et plus spécialement pour la défense des frontières123. Constat d’un spécialiste : « Dans les derniers temps, l’armée romaine occidentale en pleine décomposition ne peut rien offrir de mieux qu’une bande de cavaliers en armure »124. On en a conclu que les compétences du « Comte de Strasbourg » ayant été purement militaires125, il devait disposer d’importantes forces montées, voire même de celles du plus prestigieux général romain, le magister equitum impérial, dont on sait qu’il a dû rejoindre Arles, dans le sud des Gaules, suite à l’abandon par Rome de la préfecture de Trèves. Dès lors il n’est pas téméraire d’estimer que, dans le cadre de ce repli, une partie substantielle des équipements logistiques ait été transférée dans le « Tractus Argentoratensis », et que ce n’était pas une mince affaire. Opération d’autant plus délicate que dans le système franc, et bien plus tard encore, les « hommes libres » et certaines institutions, et plus spécialement les évêques, étaient astreints à apporter leur contribution au « Hériban » (Heerbann) lorsque le roi ou l’Empereur engageait une expédition militaire. Ils devaient amener avec eux tant et tant de chevaux, plus l’équipement et les indispensables auxiliaires du service militaire dû. Or les hommes « libres » n’étant pas encasernés126 en un lieu unique, mais disséminés sur l’ensemble du territoire. Les hommes comme leurs chevaux devaient évidemment être régulièrement et sérieusement entraînés. L’éparpillement supposait une organisation par « périodes » et par groupes en un centre d’entraînement, de maintenance. Lors de la mobilisation pour une expédition guerrière la mise en route de ces semi-professionnels étant forcément longue et compliquée, il est évident que cette masse devait être organisée, encadrée, entraînée, et structurée en un ordre de bataille et de logistique par un « noyau dur » de permanents constituant l’exercitus Francorum..., dont, à part le nom, on ne connaît pratiquement rien127. Une lacune de la connaissance historique que des vues nouvelles sur l’organisation de la cavalerie romaine et franque comblent quelque peu. Tout concorde pour voir dans le « district équestre » du chapitre rural médiéval de saint Laurent, la concrétisation d’une politique militaire traditionnelle de la lignée des « Arbogast », au service du maintien et du développement d’escadrons d’une cavalerie de combat.

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Un district équestre révélé par les noms de lieux

Il est évident que face à la frontière rhénane les espaces militaires du « Tractus » étaient protégés par des remparts, des fossés, des tours et des forteresses. Au centre du territoire devait se situer la résidence du chef militaire et civil, le thunginus avec des lieux de rassemblement, notamment une place où pouvait se tenir le « plaid » des « libres » constituant la huntena ou centenaria franque. Proche de la station de commandement devaient s’étaler les espaces et stades de « travail », c’est-à- dire d’exercice et d’entraînement pour les chevaux, les cavaliers et les fantassins les accompagnant, tant pour les novices que pour les champions et les unités aguerries, tant pour les poulains non encore dressés, que pour les chevaux de combat harnachés ou non. Déjà l’historien Ammien Marcellin raconte que dans la bataille de Hausbergen de 357 les deux armées étaient de valeur équivalente : les Alamans étaient plus grands et plus athlétiques, les Romains plus entraînés par les exercices continuels auxquels ils étaient soumis. Or on sait que les Francs ont été les conservateurs de cette tradition romaine. Une unité équestre romaine « normale » (« numeri, ala, ou cohortes ») comprenait, à la fin de l’Antiquité entre 130 et 250 de ces équidés128. Devaient donc être prévus – à proximité – des manèges où s’exerçaient les cavaliers et les chevaux, et aussi un manège particulier pour l’éducation des poulains à habituer progressivement au dressage de combat. Sans oublier les indispensables étendues de pâture, séparées pour les juments et les étalons, comme l’étaient aussi les écuries. S’y ajoutaient les locaux de stockage de fourrage. Quant aux hommes ils étaient également « parqués », au plus près de leurs montures : des casernements particuliers servaient aux soldats, d’autres aux pâtres et aux palefreniers. De même les maréchaux, les artisans spécialisés dans la sellerie, le harnachement, les armures et les armes et aussi les vétérinaires devaient résider sur place.

Une source historique crédible : la toponymie

La généalogie des noms d’une douzaine de ses villages, fait en effet apparaître un dispositif cohérent voué à la cavalerie. Il ne manquerait plus que des preuves sur le terrain pour conforter ces données. De fait il est possible de déterminer dans une partie bien délimitée du Kochersberg : • des éléments administratifs de l’autorité mérovingienne et carolingienne ; • des postes et des stations d’équipement et d’entraînement ; • les éléments d’un important district tout entier voué à la cavalerie et répartis en une douzaine de localités contiguës. Toutes choses, pensons-nous, que la toponymie du XXIe siècle est susceptible de révéler. Avant d’en aborder la démonstration, forcément peu romanesque, voici, prime au lecteur pressé129, l’ordonnancement tel qu’à défaut d’autres interprétations toponymiques convaincantes on pourrait se le représenter :

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Un ordonnancement fonctionnel et complet

(Plus de détails sur les localités dans les Annexes) Au centre d’un territoire de 100 km² se situait : • Dingsheim130, (788, Thunchinashaim) la résidence du chef militaire et civil, le thunginus à l’abri du premier rempart fortifié de la colline des • Hausbergen, (Hus= la maison forte) ; et derrière les avant postes de • Schiltigheim, (XIIe s. Schiltencheim), localité sur une première éminence de lœss formant « bouclier » (das Schild = le bouclier) ; • la Haldenburg (la Burg, forteresse de la colline) et la • Kronenburg (la Burg, de la Krone (couronne) royale dont la première trace dans les archives ne date que du XIVe siècle, mais qui remonte sans doute aux Mérovingiens131 • Koenigshoffen (curia regis = cour domaniale royale). • Entre les Hausbergen (« collines de la maison forte ») et la Kronenburg devaient se situer les premiers lieux de rassemblement et notamment la place du plaid des « libres » constituant la huntena, où la justice se rendait sous un chêne • Hundseich132 (chêne de la justice du plaid), nom d’un lieu-dit actuel du faubourg de Cronenbourg ou (?) sous le « noyer du thunginus » (autre lieu-dit Duntzennuss-baum également à Cronenbourg). • Contigus à la station de commandement de Dingsheim, on distingue : • au nord l’espace de travail, consistant en deux manèges d’entraînement qu’au Moyen Âge on désignait par « Gries »133, Griesheim134, le stade normal, pour les chevaliers et leurs montures, à Pfulgriesheim (Fulgriesheimjusqu’au XVIIIe siècle135) le Gries, pour le dressage préalable des poulains (appelés Fuhlen/Fohlen/Rössel) et le lieu-dit actuel de Rösselberg136 (= colline des poulains). Vendenheim = la station des combattants à pied qui bordait et protégeait la limite nord du district (de vieux haut allemand fendo = le combattant à pied). • au Sud et à l’Ouest les résidences/casernements, tant pour les humains que pour les animaux : Hurtigheim137 = les habitations des gardiens (vha hirti = (gardiens et pâtres), prés de Stutzheim138 = le site du troupeau, (vha Stuot = le troupeau) et de Handschuheim139 = l’écurie des étalons, (ancien francique anzacho, et hanzian = l’étalon) voire de Ittenheim (= la « puériculture chevaline »,de Euthu(z), « le descendant », « le petit », « l’enfant »140 où l’on s’occupait des poulains ? On hésite à se prononcer fermement). Aux limites de cet ordonnancement une série d’indices toponymiques permettent de reconnaître les points extrêmes latéraux, sud, et nord : • Eckbolsheim, Breuschwickersheim, Wiwersheim et Eckwersheim141, et, entre Eckwersheim, Vendenheim et Berstett • Niffer, (vha Niufar = le nouveau passage), actuellement un hameau • Catzfeld (de latin cancellum ou de Gallo-roman Gades = la frontière d’un territoire), village disparu142 et – probablement – le lieu-dit Katzenacker143 à la jointure des bans actuels de Truchtersheim, Pfettisheim, Behlenheim, Lampertheim, Pfulgriesheim • Stille (latin stillare : faire passer goutte à goutte )144, cour domaniale. Ces trois établissements délimitaient la transition vers une autre circonscription administrative d’importance autour de Brumath145 tandis que • Offenheim devait alors signaler l’endroit « ouvert = », libre », la zone « franche », à la sortie d’un territoire soumis à des restrictions en tous genre, comme c’est le cas pour d’autres localités en Offen ou en Frei du domaine germanophone.

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Il faut enfin noter que le territoire ainsi défini n’est pas inondable – la précision a son importance – étant recouvert de couches de lœss, de plus en plus conséquentes au fur et à mesure que l’on s’écarte du Rhin et de l’Ill. Souffelweyersheim, Schiltigheim, Cronenbourg et Koenigshoffen sont implantés sur une première terrasse, la seconde s’étale derrière et au dessus de la barrière naturelle relativement abrupte des collines de Hausbergen, Les cours d’eau de la Musau et de la Souffel entaillent cette seconde terrasse du sud au nord. À défaut d’autres explications toponymiques tant soit peu vraisemblables un « district équestre » cohérent peut donc être raisonnablement présumé.

Fig. 3 : Limites nord du district du chapitre Saint-Laurent

Conclusions

La tentative de conjuguer l’histoire du droit et des institutions, avec l’archéologie et la toponymie dans le cadre d’une enquête volontairement restreinte débouche, me semble-t-il, non pas tant sur des conclusions fermes – l’état de la documentation n’en autorise que quelques-unes –, mais sur au moins trois pistes de réflexions fertiles.

Au plan général

L’enquête sur le « district équestre », même sommaire et provisoire, devrait apporter quelques éléments nouveaux à la discussion épineuse des historiens à propos de la cavalerie des Mérovingiens et des Carolingiens.

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Les « 35 000 cavaliers de Charlemagne » : résultat d’une organisation systématique et rigoureuse

Lorsqu’au IVe-Ve siècle romain s’était accentué le développement d’une « cavalerie lourde », voire « ultra-lourde », l’armure, les boucliers, les armes des cavaliers et des fantassins accompagnateurs, mais aussi la carapace et les cuirasses du cheval supposaient des efforts d’équipement et de maintenance aussi gigantesques qu’incontournables. À l’évidence, les métiers de la forge, ainsi que les agents s’occupant de la garde, du fourrage, de l’entretien exigeaient une organisation complexe, hautement spécialisées et faite pour durer. Le tout devant être installé au plus près des chevaux, tant à demeure qu’en déplacement... Si des auteurs du XIXe siècle avaient tendance à surestimer la cavalerie des tribus franques146, on estime aujourd’hui qu’elle ne s’est développée qu’au VIIIe siècle lorsque, sous Pépin le Bref, l’Assemblée annuelle des Francs passe du « champ de mars » (encore dénudé) au « champ de mai » où on pouvait se procurer le fourrage des chevaux. Sous Charlemagne « l’Empire était capable de fournir quelque 35 000 cavaliers solidement équipés auxquels pouvait s’ajouter toute une masse de piétons et d’auxiliaires riche peut-être de 100 000 hommes. »147 On reproche à certains historiens de s’obstiner à confondre l’ancienne armée des « Francs », caractérisée par le courage et la discipline de fantassins combattant à pied, avec « l’armée de Clovis, roi des Francs », qui disposait d’éléments cavaliers équipés et formés « à la romaine », sans qu’on sache vraiment quand, où et comment ces entraînements ont été mis en œuvre148. Dans ce contexte on notera deux difficultés essentielles que les promoteurs d’une cavalerie efficace avaient à surmonter :

Sélection d’une race de chevaux adaptés au combat

• La première consistait à trouver et à assurer l’élevage d’une race de chevaux assez forts pour supporter, en plus de la propre carapace métallique, le poids d’un chevalier lourdement armé, tout en étant capable, ensuite, d’affronter et de charger l’adversaire, puissamment, rapidement et longuement. • En second lieu, ces montures ne devaient pas paniquer, mais obéir à leur cavalier dans le bruit, la fureur et le sang de batailles où elles voyaient se battre et mourir leurs congénères, ce qui suppose un dressage extrême et quotidien.

Incontournables nécessités foncières

On estime qu’une structure équestre d’intervention romaine (ala milliaria) disposait de 1 000 à 2 000 cavaliers et de 2 000 chevaux « de combat »149. Pour diverses raisons il devait en être de même chez leurs successeurs mérovingiens et carolingiens. Chacun des cavaliers était par ailleurs accompagné de 5 à 6 auxiliaires – dont un écuyer (armiger) et deux valets (garciones) – et du nombre correspondant de montures150. Et les cavaliers combattaient en étroite liaison avec des fantassins, dont les cantonnements et les terrains d’exercice devaient également se trouver à proximité immédiate. Or on compte en général de 1 à 2 hectares par animal – les surfaces de logements et d’aménagements techniques divers s’y ajoutant évidemment, et on arrive à un total, de plus de 10 000 hectares nécessités par ce seul « pôle ».

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Au plan régional « Kochersberg »

Dans le glacis militarisé, structuré et équipé, intercalé entre la « Gallia » (qui sera « Francia ») et la Germanie, ce sont donc de prodigieux problèmes d’aménagement du territoire qui se posaient, tant à la fin de l’Antiquité qu’au Haut Moyen Âge mérovingien et carolingiens. Une emprise foncière conséquente était la condition essentielle, sine qua non, à la mise en place et au fonctionnement pérenne des équipements. Le Kochersberg était-il normalement en mesure de fournir un effort aussi gigantesque ?

Accaparement de l’espace dans une implantation stratégiquement idéale

On a vu plus haut que la zone occupée par le district proprement équestre était fort insuffisante pour les besoins des chevaux d’une ala romaine. Les vallées herbeuses de la Zorn auraient été plus favorables mais le plateau entre les Hausbergen et Stutzheim est stratégiquement important parce qu’il permet le rassemblement de « l’Ost » et est susceptible de verrouiller les accès au col de Saverne, aux résidences royales de Kirchheim/Marlenheim et même à Brumath.

Nécessité d’une structure permanente de maintenance et d’un centre de mobilisation – L’ « exercitus Francorum »

Dans le système franc, et bien plus tard encore, lorsque l’armée, à intervalles plus ou moins réguliers, se mettait en campagne (aller à l’Ost), les « libres » et certaines institutions étaient astreints au service militaire du « Hériban » (Heerbann), avec tant et tant de chevaux, plus l’équipement et les indispensables assistants. Or les Francs « libres » n’étant pas encasernés en un lieu unique, mais disséminés sur l’ensemble du territoire, où chacun de ces « barons » disposait d’un « beneficium » de 10 « manses » (contenu du manse : environ 10 hectares) ce qui faisait – en admettant qu’il n’y avait que 100 « libres » épiscopaux – environ 10 000 hectares, soit la surface d’une vingtaine de bans communaux. De plus les hommes comme leurs chevaux devaient être régulièrement et sérieusement entraînés. Une entreprise compliquée et difficile, vu l’éparpillement des cavaliers et qui supposait, pour le moins, une organisation par « périodes » et par groupes en un centre d’entraînement, de maintenance et de mobilisation. Dans tous les cas de figure s’imposait, de plus, une nombreuse équipe de « permanents », militaires professionnels que l’évêque recrutait dans la classe des non nobles : ce fut, semble-t-il, car la question est discutée depuis plus d’un siècle, la couche sociale des « Ministériaux ». On ne pouvait se passer d’un groupement (« exercitus ») hautement spécialisé, et en tout état de cause et de probabilité cette mission incombait aux cavaliers-chevaliers des évêques de Strasbourg, depuis Arbogast au moins151.

Un demi millénaire durant : l’agriculture du Kochersberg sacrifiée à l’armée

Au XIIIe siècle l’étroite entente entre les évêques et les souverains germaniques ayant cessé, l’administration impériale avait pu, soit s’emparer des biens épiscopaux, soit trouver des arrangements d’échanges avec l’évêque, soit réunir leurs souverainetés en

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une entité nouvelle. Les petits féodaux avaient-ils les moyens, l’ambition ou le besoin d’une politique d’élevage hippique ? A-t-on renoncé, sans autre forme de procès, à cette institution ? Ou s’est-on partagé les restes matériels intéressants ? Il n’est pas impossible que des recherches d’archives approfondies arriveront à jour à établir ce qu’il est advenu de ce « district équestre ». Mais on en ignore tout à l’heure actuelle. On restreint ici la question au seul Kochersberg, mais c’est bien du problème général, européen, du passage de la cohérence politique et militaire, assurée en Alsace avant 1250 par les Staufen, à la « territorialisation » de l’époque féodale dont il s’agit. Or il a été établi que dans nos régions cette évolution a été différente qu’ailleurs152. In fine Dingsheim, Offenheim, Griesheim et Pfulgriesheim feront partie de la « Grafschaft » (Comitatus, vulgariter Grafschaft), un amalgame de localités indivises entre l’Empire et l’Evêché. Dans les discussions et recours judiciaires l’évêque aurait revendiqué la pleine propriété de certains villages, sans que malheureusement on sache sur quelles localités sa réclamation a porté, ni sur quels arguments juridiques ou historiques ses demandes se sont appuyées... Encore un écheveau extrêmement compliqué153. Avec le déclin de l’autorité impériale, le déplacement vers l’est de la Lorraine et la Meuse des limites de l’Empire germanique, et plus généralement l’avènement concomitant des structures « féodales » en place vers 1350154 la reconquête des terres par l’agriculture était programmée. L’organisation « militaire » du Kochersberg n’avait plus beaucoup d’intérêt pratique. Aussi l’hypothèse d’un système agricole immuable depuis deux mille ans, à laquelle croyait encore Juillard, est sans doute à écarter. La toponymie historique permet, en tout cas, de concrétiser ce que François Petry notera : « le statut militaire régional n’a pas permis le « décollage » civil »... « sa fonction militaire (stratégique et économique), la prédominance de l’administration militaire ont entraîné moins un sous-développement économique que social et semblent avoir eu des conséquences à long terme » ; « Pour des raisons stratégiques il faut bien accepter l’idée d’un aménagement assez développé de ce boulevard de l’Empire qu’est la bande rhénane. /.. aux abords des points militaires l’armée exerce une emprise certaine... qui entraîne pour les uns (premiers occupants) logiquement le refoulement, pour d’autres une prise de possession en droit » et « une forme d’économie particulière a certainement, à notre sens, été imposée à l’Alsace : elle aurait eu essentiellement une fonction alimentaire et fourragère »155 Le Kochersberg n’a fort probablement pas été, entre l’an 400 et l’an 1000 l’« Ackerland », le grenier d’abondance de l’Alsace.

Une enquête à poursuivre

Il faut y insister : les réflexions ci-dessus ont été orientées, prioritairement, aux fins de mettre en situation un pôle équestre révélé par la toponymie, d’en établir la raison d’être et la logique. N’ont donc pu être retenus maints éléments peu en rapport avec cette préoccupation. Mais il est évident que, pour une époque et un territoire comme le Kochersberg, assez peu explorés à ce jour, des pistes intéressantes, mais « hors du sujet » sont apparues. Certaines se sont révélées passionnantes : mais n’ont pu être abordées ici. D’autres ont certes été évoquées, mais trop brièvement. Elles devraient faire l’objet d’études ultérieures, pour lesquelles l’abolition des barrières – notamment

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linguistiques – qui séparent encore archéologues, historiens, germanistes, latinistes serait cependant un préalable indispensable… (et sans doute, hélas, utopique). Il en est ainsi, du complexe « krieg/gries », un magnifique sujet de thèse pour qui aurait la curiosité et les compétences pluridisciplinaires – notamment linguistiques – adéquates. Continuer l’enquête sur l’étendue de ce « Tractus » sur la rive droite du Rhin serait hautement souhaitable. On a constaté que l’aqueduc parti de Kuttolsheim approvisionnait Stutzheim, et qu’il s’y diversifiait vers le nord-est : c’est la direction de Dingsheim-Griesheim. Ce qui amène à penser que le responsable romain, et après lui le thungravius franc qui y résidaient bénéficiaient du confort d’eau pure ; mais aussi que d’autres institutions ont pu profiter d’une répartition en réseau. L’eau de Kuttolsheim n’aurait-elle pas été destinée aux seuls Strasbourgeois ? Voilà qui mérite réflexion. A-t-on d’ailleurs installé ce réseau pour les seuls humains ? Un élevage pilote d’équidés aurait-il pu en profiter ? Nous avons localisé une bonne vingtaine de Gries, à maints endroits « significatifs » et prometteurs d’Alsace, de Lorraine et du Rhin supérieur. Cette collecte a pu se faire par l’exploitation de documents établis par des géographes et des historiens. À l’avenir elle devrait être fertile en résultats dès lors qu’historiens, linguistes, géographes et archéologues uniront leurs curiosités, leurs connaissances et leurs efforts. Il est en effet hautement vraisemblable que les recherches d’archives et l’exploration des documents cadastraux ouvriraient de nouveaux horizons156. Qu’en est-il, et ce n’est encore qu’un exemple, de l’histoire des canaux avant le XVIIe siècle ? Accédait-on au centre du Kochersberg à partir du Rhin, de l’Ill de la Zorn ou de la Bruche157 ? Reichstett ou Souffelweyersheim158 ont sans doute été de tous temps des vecteurs en ce domaine. Pour le Haut Moyen Âge l’enquête toponymique restera l’élément clef des recherches, à condition d’être menées avec un maximum de prudence, et par des spécialistes expérimentés et reconnus. Au total on ne peut que se rallier à la vue prospective d’une archéologue : « Sans doute les traits d’un nouveau visage du Kochersberg se profilent qui semblent sensiblement différents de celui que l’historiographie classique nous a transmis ».159

ANNEXES

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Éléments du « District équestre »

1. Dingsheim, le poste de commandement du « thungraf »

Formes anciennes : Thunchinashaim, 788 ; Dungenesheim, 1089 ; Tungesheim, 1226 ; Thungensheim, 1253 ; Dingesheim, 1301 ; Düngesheim, 1314, 1454 ; Dengesheim, 1355 ; Tuenngensheim, 1347160. La localité, accolée à la colline et au ruisseau de Musau. Autrefois du Chapitre de Saint- Laurent, aujourd’hui au carrefour où le « Chapitre rural » de Strasbourg rencontre ceux de Saverne et de Molsheim. Entre Niederhausbergen et Dingsheim Jean Braun161 fait passer le « tracé présumé de la route romaine principale » reliant Argentorate-Strasbourg à Brocomagus-Brumath qui prend son départ au carrefour Sainte-Hélène près Schiltigheim. Dingsheim est également sur le trajet de l’autre route romaine menant de Ober-hausbergen à Stutzheim. Les formes les plus anciennes de Dingsheim renvoient, sans aucun doute possible, au Tungravius franc162, chef militaire et civil, commandant d’un district géographique la Centena, où il était responsable des « libres », c’est-à-dire des Francs occupant le territoire. Le germanique thungravius équivaut au Centenarius de l’Antiquité tardive, fonctionnaire d’autorité chargé des territoires environnants. Philologie : Le passage de Thunchinashaim à Dingsheim est tout à fait conforme aux règles de la phonétique historique.

2. Griesheim sur Souffel, « l’arène » pour l’entraînement des chevaliers et des montures prêtes au combat

Formes anciennes : Greuchesheim, 823 ; Griechesheim, 913 ; Griegisheim, 1200 ; Griechesheim, 1243 ; Greichesheim, 1259 ; Criegesheim, 1328 ; Kriegsheim, 1340 ; Crygesheim, 1347 ; Kriegshem, 1501 ; Criegsheim, 1550163. Un témoignage écrit Greuch au début du IXe siècle et Criech – en 913 ne marque pas l’acte de naissance de cette la localité, dont l’origine peut être bien antérieure. En vieux haut allemand « krieg » qui a évolué vers « griez » signifiait « combat singulier », « tournoi », ou « jeu » : pratiqué dans le stade, mais qui pouvait également consister en « joutes » verbales de poètes, de troubadours, voire de juristes. Le « Sängerkrieg » de la Wartburg, connu par les opéras de Wagner, n’est pas une guerre, mais un « jeu ». Les adversaires devaient observer « les règles du tournoi » : la kriegeswis164 et leurs « luttes » sur le griez étaient organisées et arbitrées par un griezwart165. « Krieg » au sens actuel de « guerre » était longtemps absent du vocabulaire médiéval et n’apparaît dans les pays germanophones qu’à partir du moyen haut allemand166. Les terrains, stades ou manèges servaient à l’entraînement, notamment des chevaux et de leurs cavaliers. Dans la seule région du Rhin Supérieur et en Moselle voisine nous avons relevé d’assez nombreux exemples (Griesfeld/Kriegsfeld, Griesacker, Griesmatte, Griesau ou Grieswörth) où un Gries est situé à proximité immédiate d’un centre de décision (Kirchheim/Marlenheim, Dingsheim, Vieux Brisach (Bade), plusieurs exemples en Moselle) ou aux passages d’une frontière (bacs de Strasbourg et de Rhinau).

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Philologie: L’évolution greuch- > griech > crieg > > krieg > > Gries avec chute (ici très tardive) du -ng- est une évolution phonétiquement normale et bien documentée167. Disposer, d’une série d’attestations écrites aussi nettes concrétisant l’évolution phonétique à travers les siècles est rare. Par un phénomène bien connu en philologie, « gries » = sable s’est confondu, dès le vieux haut allemand, avec la notion de « terrain apprêté avec du sable » où se pratiquaient les « jeux » du Greuch/Griech. De ce fait le sens de gries = terrain d’exercices militaires et de joutes a été fortement concurrencé par son homonyme gries venant de vieux haut allemand grioz = sable, et ce d’autant plus que l’ancien Krieg de l’époque franque et féodale (= des joutes, des exercices) ne correspondait plus au sens « moderne » de Krieg = guerre, un terme sur l’origine duquel les spécialistes s’interrogent : « peu claire »168. Parmi les occurrences alsaciennes on se contentera de noter celles où l’hésitation entre Krieg et Gries est manifeste : • à Strasbourg-Robertsau un litige frontalier oppose entre 1604 et 1609 Strasbourg à la seigneurie de Hanau et à la commune de Auenheim (Bade) à propos d’un Kriegerwörth, un lieu stratégique, car situé non loin du bac qui au nord de Strabourg permettait le passage du Rhin. Curieusement Kriegerwörth figure plus tard sur les cartes comme Grieswörthel169 ; • à Gambsheim / Bettenhoffen (Bas-Rhin) – un lieu-dit Grisenau, à hauteur de l’ancienne embouchure de l’Ill dans le Rhin, face au lieu-dit Kriegswerth sur l’actuelle rive droite du Rhin170 (Bade-Wurt.) – Commune de Rheinbischofsheim) ; • à Rhinau (Bas-Rhin), endroit stratégique près d’un coude du Rhin, où un très ancien bac rhénan menait à Kappel (Bade-Wurt.). Sur la rive droite actuelle du Rhin, à environ 500 m au nord de l’embarcadère du bac (l’île du Fahrkopf) figurent deux lieux-dits contigus dont l’un est orthographié Kriegsfeld, et l’autre Griesacker171 ; • Kriegsheim (Bas-Rhin), à 2 km au Nord de l’ancienne Cité Brocomagus-Brumath et du Hundtal172, (le lieu du plaid), on constate les mêmes formes anciennes que celles de Griesheim-sur-Souffel : Creicheshaim ou Creucheshaim en 828, Criegesheim en 1369173.

3. Pfulgriesheim, l’arène pour le dressage préalable des poulains

Formes anciennes : Vuolenkrichesheim, 1224 ; Vuilcriechesheim, 1243 ; Fulcriegesheim (1302 et 1327, 1359) ; 1371 Fulkriegesheim (et 1381)174 ; 1760 foulkriegsheim175 Les anciennes formes de Pfulgriesheim, toutes en -ful, démontrent que cette localité n’a rien à voir avec allemand Pfuhl, « le marécage », contrairement à ce que l’on pourrait admettre à première vue. En effet vul/ful comme Rössel signifient en vieux haut allemand « le poulain », (aujourd’hui allemand « das Fohlen »176). En cavalerie les poulains devaient subir un dressage préalable, avant d’être aptes à suivre l’entraînement des chevaux adultes177. S’il est tout à fait normal que -ful- se soit conservé, jusqu’à nos jours, dans le nom de la localité, il est cependant plus rare, et donc notable, que -Rössel figure également toujours sur les cartes géographiques usuelles sous la forme de Rösselberg178 : « la colline des poulains ».

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Philologie : Origine du terme Griesheim, cf. ci-dessus. Le passage de -f- à -pf- est très récent (XVIIIe s.).

4. Stutzheim, « la localisation du troupeau »

Formes anciennes : Stuzzesheim, 1121179 ; Stucesheim, 1146180 ; Stuzesheim, 1163 ; Stutzheim, 1270 : Stuzesheim v. 1300181. Le nom n’apparaît dans les chartes qu’au début du XIIe siècle, mais la localité est bien plus ancienne. Des trouvailles archéologiques confirment les rapports avec le phénomène « cheval »182. Plusieurs éléments l’attestent, de nos jours encore. Ainsi une bonne partie du ban actuel – une centaine d’hectares au moins – figurent sur la carte IGN 1/25 000. De nos jours encore la terrasse entre Stutzheim et Offenheim est délimitée par un Hengstweg 183. Sur la carte IGN au 1/25 000 figurent encore deux lieux- dits contigus, à l’Ouest de Dingsheim : « Wohlenacker » et « Pfuhlaecker ». Il s’agit d’anciens espaces réservés aux poulains. Ce qu’on remarque d’abord c’est l’étendue de ces zones : plus d’une centaine d’hectares témoignent de l’importance quantitative du troupeau de Stutzheim. Ensuite on note l’ancienneté des transcriptions : des lieux dont l’affectation a changé depuis bien longtemps – peut être depuis plus d’un demi- millénaire – maintiennent, par leurs noms, le souvenir des milliers d’équidés d’une cavalerie médiévale. Enfin on est frappé par la fidélité à l’évolution de la prononciation : ful-, est la forme ancienne que le greffier ou le géomètre a noté, d’après l’oreille : wohl-, tandis que dans la section contiguë on sacrifie à la modernité du XVIIIe siècle et ce sera, toujours d’après l’oreille, Pfuhl pour fuhl. Plusieurs vestiges de l’époque romaine et mérovingienne ont été signalés à Stutzheim. Certains posent problème. Ainsi la conduite d’eau venant de Kuttolsheim : elle y bifurque vers le Nord-Est : vers Dingsheim et Griesheim ? Ou bien encore : des fers à cheval que l’archéologue Robert Forrer a déclaré « romains ». Or les spécialistes semblent aujourd’hui d’accord pour admettre que les Romains ne ferraient pas leurs montures, et que les ferrures à clous ne sont apparus qu’après Charlemagne184. Par ailleurs la tombe d’un guerrier mérovingien était recouverte d’une dalle qui s’est avérée être une partie, très mutilée, d’une sculpture romaine en réemploi. On y distingue une personne tenant quelque chose dans sa main gauche, une figuration qui présente une similitude avec une sculpture représentant la déesse Epona, protectrice des troupeaux. Philologie : La forme en -tz- de Stutzheim prouve que le nom de cette localité est antérieur aux années 600-700. En effet « stuot » signifiant « le troupeau de chevaux », devait exister avant le VIe-VIIe siècle de notre ère, à une époque donc de laquelle aucun témoignage écrit ne nous est parvenu. En une première étape la finale -t- de stuot est restée stable jusque vers l’an 600. Puis le passage de -t- à -tz- ou -zz- est de règle lors de la « mutation consonantique » qui a eu lieu à partir de l’an 600. Exemples alsaciens : le - t- de Mutatio, terme romain signifiant relais ou péage, évoluera vers > tz dans Mutzig ou Mutzenheim. De même l’actuel Blotzheim apparaît sous la forme de Flabotesheim, Blatisheim en 828. Dans les noms de localités nées après le IXe siècle Le -t- final, ne subit pas de changement. La comparaison avec Stuttgart, dont la première mention est Stuotengarte au XIIIe siècle (1229), ne manque donc pas d’intérêt : le nom de cette

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localité n’a pas connu l’évolution de stut à stutz, une preuve que la ville est d’origine (relativement) récente.

5. Beroldsheim ?

Formes anciennes : Beroldasheim 798, Beroltsheim, Beroldesheim, Beroltesheim, XIIe s., 1251, Beroltzheim 1224, 1320, 1361, 1371185. Il y a eu au Moyen Âge un village de Beroldsheim, à la jointure des bans actuels de Stutzheim, Offenheim, et Hurtigheim. et régulièrement cité jusqu’au XIVe s.186. Avec une église sous le patronage de Saint Michel et de Sainte Apolline. De nos jours encore le lieu-dit Bertzenfeld de Stutzheim rappelle son souvenir. Régulièrement cité jusqu’au XIVe s., sa chapelle était sous le patronage de Saint Michel et de Sainte Appoline. Or les toponymes en ber- se rapportent souvent à un endroit où on se livrait au « Bärenhetzen », c’est-à-dire à des combats de cirque avec des ours. Des « jeux » de ce type ont eu lieu à Cologne au lieu-dit appelé Berlich de nos jours, et où s’élevait un stade du temps des Romains. Il en est de même au Barlisgrueb prés de Augst-Bâle et au lieu-dit Perlach de Augsbourg en Bavière où ont effectivement été localisées des ruines de stades187. Un stade dans le Kochersberg ? Dès lors qu’il y a des équipements de cavaliers il est évident que ceux ci disposaient de d’installations d’entraînement et de compétitions d’une certaine importance autour de Griesheim – Dingsheim – Stutzheim ou encore Cronenbourg...

6. Handschuheim « les écuries des chevaux-étalons »

Formes anciennes : Hantscohasheim, 788 ; Hanschoash 803 ; Hanjevesheim 1128 ; Handshuhesheim 1147188. On a la chance de voir figurer « hanzian » et « anzacho » dans des textes écrits de la langue des Francs anciens, dont on ne connaît plus que des bribes dites « Gloses du Malberg », insérées dans leurs lois du VIe siècle après J.-C.), où ils signifient « cheval »189 On considère généralement qu’au moment de la consignation écrite – en latin – de leur droit coutumier, les formules dites du « Malberg » devaient absolument être prononcées, mais qu’elles n’étaient plus guère comprises par les Francs du VIe siècle. En conséquence, et d’après les règles de la philologie historique, hanzian a normalement évolué vers « Handschuh » ce qui donnait un sens au mot, à défaut d’être compris dans son sens originel. Aucune autre explication pertinente sinon convaincante ne semble avoir été proposée, tant pour le Handschuheim du Kochersberg que pour son presque homonyme Handschuhsheim, dans les faubourgs de Heidelberg190. À noter, à titre d’indice complémentaire, qu’avant la Réforme, Saint Georges plus spécialement connu comme protecteur des chevaux était le patron de Handschuheim. Il apparaît ainsi que le nom « Handschuheim » devait désigner l’endroit où étaient concentrés les chevaux disponibles. Le contexte géographique et routier de ce lieu s’avère en effet idéal pour la mise à disposition, voire pour l’intervention de chevaux et

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d’éléments de cavalerie dans les meilleures conditions de rapidité et d’efficacité. Notamment par la proximité immédiate, aussi bien vers la vallée de la Mossig que vers l’entrée du Val de Bruche – Molsheim et Mutzig qui sont à 5 km – que vers les deux voies les plus importantes menant aux places stratégiques de Molsheim, de Marlenheim, et de Saverne. Il semblerait donc que Handschuheim ait eu un rôle complémentaire à celui du « district équestre ».

7. Hurtigheim, la résidence des « pâtres » (Hirten)

Formes anciennes : Hirtencheim, 1199 ; Hirtenkein, 1288 ; Hirtingheim 1351, 1371, 1464 ; Hirtigheim, 1496191. En vieux haut allemand Hirte signifiait déjà, comme de nos jours, « gardien du troupeau », qu’il s’agisse de vaches, de cochons ou de chevaux192. Si Hürtigheim est contigu à Stutzheim, l’endroit où était parquée la « Herde », de chevaux, c’est qu’il était d’usage de débuter l’initiation du jeune candidat chevalier par la garde du troupeau, afin de le familiariser avec ses futures montures. C’est ce qu’explique J.J. C. von Grimmelshausen, célèbre auteur badois du XVIIe siècle ayant longtemps séjourné à Strasbourg : « la fonction de pâtre est la préparation et le commencement de la carrière militaire. Comme la chasse permet de s’initier et de s’exercer aux « bellicosa » et aux « martiali ingeniosa », c’est-à-dire aux habiletés et aux techniques du combat guerrier, il faut donc au préalable initier ceux qui se destinent au métier de soldat dans l’office aimable et agréable de gardien du troupeau… »193

8. Katzfeld, l’espace de la limite

Formes anciennes : Cazfeldes 739, Kacesfelt 760, « in villa seu in marca Gazfeld » 798, Cazfeld 798, Cazfelda 850,« Wider Kazevelt » 1240, Katzevelt 1371, « der Weg bi Catzefeld » 1276. En 1371 une cour royale (« curia dominicalis dicti de Stille in villa Katzevelt »). Village disparu près du hameau de Niffern, entre Eckwersheim et Olwisheim194 et d’une importante forêt limite dite Helinlohn195. Il y a une forte probabilité que Cazfeld bordait le territoire « militaire » du « Tractus Argentinensis » romain, franc et mérovingien (ancien chapitre rural de St Laurent). En témoignent d’abord les formes anciennes du toponyme Catzfeld lui-même, celles du « passage/bac » de Niffer (Niufar), et la « curia dominicalis » de Stille (= le petit passage). Patronage de saint Pancrace. En dépit de certaines légendes locales les noms de lieux en -Katz n’ont le plus souvent rien à voir avec un félin quelconque ; autant dire qu’il ont fasciné de nombreux spécialistes196. Des toponymes de ce type peuvent être ramenés à des termes médiévaux Cancellus et Gades correspondant au latin Meta (borne limite) et limes (frontière), ou à l’allemand Markscheyde et Landscheide197 et ils sont parfois donnés comme synonymes de latin Profundus, un terme signifiant « territoire en marge »198. De fait, en Alsace ou en Moselle plusieurs lieux dits Katzenberg (ou Katzenkopf, ou Katzmatt) désignent les anciennes limites entre les populations qui, au Haut Moyen Âge sont encore de langue gallo-romaine, et celles qui parlent le germanique. Quelques exemples : le Katzenberg au sud-Ouest de Singrist (Bas-Rhin) sur la limite de la « Marche » de Marmoutier avec Romanswiller (826 : Rumoldeswiller) que plusieurs indicateurs font apparaître comme

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reliquat gallo-romain ; le grand et le petit Katzenberg, près de la crête vosgienne, au nord de la maison forestière de Kapellbronn, commune de Lutzelhouse (Bas-Rhin) sur la frontière lorraine ; le Katzenberg (ou Roche du chat sur certaines cartes) au nord-ouest de Eigenthal, commune de Walscheid (Moselle, mais Alsace avant 1789) dont le nom signifie « limite avec les Walen = les Welsch ; La Katzmatt à la Rotlach, commune de Hohwald (Bas-Rhin) où on a situé la limite linguistique vers 1700. Philologie : Katz au sens de limite provient soit de latin cancellus, soit de gades dont on ignore l’origine. Cancellus signifie « barrière » en latin et sera conservé dans le vocabulaire savant allemand de l’Église : (« Kanzel ») : le prêtre s’adressait au peuple à partir de la barrière séparant la nef du chœur. Dans les régions où après le départ des Romains la dénomination latine de barrière « cancellus » a persisté dans un environnement non ecclesiastique et germanophone, cancellus a d’abord évolué vers catila, cakoz ou gazogan199, puis s’est figé en Katz. Le sens originel n’étant plus compris, l’imaginaire populaire ayant horreur du vide a installé le chat dans la place vacante... Gades est couramment rendu par Meta (borne limite) et limes (frontière), ou allemands (Markscheyde et Landscheid). Dans le domaine alémanique le -g- à l’initiale de gades est normalement remplacé par -k- au IXe siècle. De même le -d- du milieu devient -t- suite à la « mutation consonantique ». Démonstrations et bibliographie dans Braune/Eggers, Althochdeutsche Grammatik, 14. Aufl., 1987, paragr. 149 et 163, ainsi que dans Adolf Bach, Deutsche Namenkunde, II, Ortsnamen, 1981, Paragraph 374 ; voir aussi Dictionary of Medieval latin from British Sources, 1975, p. 1044. Ce qui chez nous a donné Katz – se survit dans l’anglais actuel Gate pour « porte » ou « barrière », cf. Ernest Klein, Etymologial Dictionary of the English language, 1966.

9. Niffer

Autrefois une localité souvent citée, devait marquer l’endroit du « passage » (forme de 788 Niufera200) « la nouvelle Fähre », le nouveau lieu de transbordement par dessus le Bruchgraben/Mühlbaechel appelé aussi Neugraben (nouveau canal)201. Ce cours d’eau était sans doute bien plus important au Moyen Âge que de nos jours, et le sens originel de Mühlbächel pourrait éventuellement ne pas correspondre à ce qu’il paraît signifier de nos jours « le ruisseau du moulin »202. Mais une « Fähre » (un bac) était-il nécessaire pour le traverser ?

10. Stille

Le terme signifie petit passage « filtrant » (latin stillare, d’où français « distiller » etc.) vers un col ou un bac203 La cour (royale ? « curia dominicalis ») de Stille permettait sans doute également de passer la frontière, sans être le point de franchissement principal. D’après le contexte territorial et historique Katzfeld délimitait des circonscriptions nullement « ordinaires ». Au nord s’étendait déjà la banlieue de Brocomagus/Brumath l’ancienne capitale de l’Alsace, au sud il limite la douzaine de villages qui formaient le « district équestre » du Kochersberg, une institution militaire de tout premier ordre, c’est-à-dire d’importance européenne, tant pour les Romains que pour leurs successeurs Francs.

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Or dans l’Antiquité, et au Moyen Âge encore, des terrains « neutres » étaient aménagés entre les circonscriptions politiques et administratives. De pouvoir joindre des lieux réservés à la rencontre, sans passer par la douane ou tout autre contrôle garantissant la sécurité des transactions. C’est en ces « zones franches », c’est-à-dire « ouvertes » qu’avaient lieu les marchés où les produits s’échangeaient « librement », hors taxes. C’est là aussi qu’étaient implantées les institutions permettant la rencontre de ceux auxquels les Autorités faisaient obligation de s’entraîner dans les joutes et exercices guerriers, aussi bien en tant que cavaliers, qu’en fantassins ou en pancratiastes, ces spécialistes romains du combat corps à corps. N’y avait-il pas autrefois à Katzfeld une chapelle dédiée à saint Pancrace204 ? Dans cette région du Kochersberg où l’armée a joué un si grand rôle du temps des Romains et de leurs successeurs Francs, un réseau d’arènes et de terrains d’entraînement a nécessairement fonctionné. Il aurait été logique qu’à Katzfeld un établissement de ce type ait été implanté. Peut-être l’archéologie en confirmera un jour une hypothèse de ce genre.

NOTES

1. La bibliographie du Kochersberg au Haut Moyen Âge est relativement restreinte. La meilleure étude sur le Kochersberg que l’on puisse recommander est sans doute celle d’Etienne JUILLARD, un géographe particulièrement intéressé par l’histoire, La vie rurale dans la plaine de Basse Alsace, 1953, 582 p. Les synthèses dues à Albert LORENTZ Kochersberg – Peuples en mouvement sur la route de l’Histoire, La Maison du Kochersberg, 2007, 56 p., à Joëlle Burnouf dans BURNOUF/ BOEHLER/CALLOT, Le Kochersberg, histoire et paysage, 1980, apportent des éléments nouveaux forts utiles qu’on complétera avec les rapports du très précieux, FLOTTE/FUCHS Carte archéologique de la Gaule, Bas-Rhin, 2000 ; et il faut saluer les nombreux apports de détail régulièrement fournis par la revue Kocherschbari ; HATT, SIAT, STIEBER, Recherches sur des domaines gallo-romains du Kochersberg, Cahiers d’Archéologie et d’Histoire d’Alsace, 1958, p. 57-60 ; I. HÖHE, Das Kochersbergerland, eine historische Studie, 1895, 136 p. : Madeleine CHATELET, Une recherche encours : l’étude de l’occupation du sol entre la Zorn et la Bruche à l’époque mérovingienne, dans Bulletin de la Société industrielle de Mulhouse, 1987, p. 35 à 40. 2. Etienne JUILLARD, La vie rurale dans la plaine de Basse Alsace, 1953, p. 160. 3. Etienne JUILLARD, op. cit., p. 27-28. 4. Joëlle BURNOUF, op. cit., Le Kochersberg, histoire et paysage, 1980, p. 29 ; Conviction plusieurs fois répétée. 5. Les tours et postes d’observation (vigies) de type « gefede » (voir ci-dessous en Annexe). 6. FLOTTE/FUCHS op. cit., p. 130 « on connaît peu de chose des édifices publics ». 7. Sans compter les dépressions et vallons comblés par les norias des éboueurs strasbourgeois... et plus de 1 000 hectares compris dans l’emprise de la gare de triage s’étendant de Cronenbourg à Mundolsheim. 8. Il faut certes se méfier de la tradition, qu’elle soit orale ou écrite, toujours susceptible d’avoir trop adapté ou déformé. Mais sans doute moins qu’on le croit d’habitude. Pour deux raisons au moins : a/ une adaptation « normale » et quasi automatique a résulté de l’évolution générale du langage : on en connaît les causes et les règles grâce à la phonétique historique, une science qui permet souvent de reconstituer les « noms de baptême » de certaines localités. b/ dès lors que les toponymes fixent des situations à incidence économique ou administrative, les autorités, et aussi les bénéficiaires, ont toujours eu intérêt à faire respecter les formes « reçues », assurant la sécurité juridique.

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9. Marc BLOCH dans Annales d’Histoire Sociale, t. 2, 1940, p. 44. 10. JULLIARD, op. cit., p. 166. 11. JUILLARD, op. cit., p. 169. 12. Historique détaillé du débat dans Adolf BACH, Deutsche Namenkunde, 1974, II, paragr. 640 à 651 et, surtout, un long et important paragr. 677. L’éminent spécialiste avait « cherché la vérité » dans une position médiane, tenant compte de l’influence déterminante des Francs et des lois qui régissent la propagation des dialectes. Cf aussi l’opinion récente de l’historienne archéologue. Madeleine CHATELET, selon laquelle il est « difficile d’affirmer une implantation massive de Francs dans la région. Néanmoins une colonisation minimale avait certainement existé afin d’assurer l’encadrement de la population locale » La céramique du Haut Moyen Âge (VIe-Xe siècle) au Sud de la vallée du Rhin Supérieur, 1997, 4 vol., p. 320. 13. Opinion reprise par Michel PARISSE, Histoire de la Lorraine, II, 1990, p. 6. 14. Discussion de ces problèmes de chronologie dans Dieter GEUENICH, Ein junges Volk macht Geschichte. Herkunft und „Landnahme“ der Alamannen, dans Die Alamannen, Stuttgart, 1997, p. 73-78. 15. Emilienne DEMOUGEOT, Notes sur l’évacuation des troupes romaines en Alsace au début du Ve siècle, Revue d’alsace, 1953, p. 18. 16. Relation de l’historien romain AMMIEN MARCELLIN, Livre XVI, XII, 3. 17. Bien qu’une vive controverse sur les structures politiques des Alamans vers l’an 500, et avant les Carolingiens, soit toujours en cours. État des recherches, avec références, dans Reinhold KAISER, Das römische Erbe und das Merowingerreich, 3e édition, 2004, un tableau très élaboré et critique des recherches en ce domaine, p. 136. 18. Cf. croquis dans BACH, op. cit., paragr. 542, p. 413. 19. « eine systematische bewusste Umbenennung » – Historique de cette discussion en cours depuis près de deux siècles dans BACH, op. cit., paragr. 677. 20. BACH, op. cit., paragr. 677. 21. Fr. J. HIMLY, dans Revue d’Alsace, 88, 1948, p. 218 « on peut se demander si, de conjecture en conjecture, la moindre certitude pourra jamais être atteinte » Historique argumenté des thèses en présence dans Fritz LANGENBECK, Studien zur elsässischen Siedlungsgeschichte, parus en 1967, t. II, p. 58-88. 22. Cf. Max MARTIN, „Alamannen im römischen Heer“, dans Dieter GEUENICH (direction), Die Franken und die Alemannen bis zur Schlacht bei Zülpich (496/497), 1998, notamment p. 410 et suiv. 23. Sur Molsheim : une étude est en préparation. 24. Nous avons, par exemple, réuni suffisamment d’éléments qui démontrent que les 7 Betbur d’Alsace, ou bien aussi Maennolsheim, sont indiscutablement des toponymes d’origine latine. 25. J. J. HATT, « Strasbourg des origines à l’invasion des Huns » dans Georges LIVET/Francis RAPP, Histoire de Strasbourg des origines à nos jours, t. I, 1980, p. 104-107. 26. C’est en tout cas ce qu’admet J. J. HATT, op. cit., p. 106. 27. E. DEMOUGEOT, art. cité, p. 28. 28. Hans Ulrich HUBER, dans « Das römische Reich » in : Imperium Romanum, Römer, Christen, Alamannen – Die spätantike am Oberrhein, 2005, p. 25. 29. Selon Ralf SCHARF, dans « Die Notitia Dignitatum », in : Imperium Romanum, 2005, op. cit., p. 187 et suiv., qui résume l’état de la recherche en ce domaine. 30. François PETRY, Contribution citée à Histoire de l’Alsace rurale, 1983, p. 67 ; cf. aussi E. DEMOUGEOT : « il est donc possible .../... que le tractus argentoratis ait gardé d’utiles lambeaux du limes plus longtemps que les autres pays rhénans » Revue d’Alsace, 1953, p. 28. 31. Michel Parisse, Histoire de la Lorraine, II, 1990, p. 3. Lorsqu’un érudit aussi consciencieux que Philippe Dollinger doit rédiger l’histoire de Strasbourg au Moyen Âge, il ne pourra consacrer que

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cinq pages à la période du Ve au XIe siècle, ponctuées de plusieurs « Nous n’en savons rien » ; mais il lui faudra 19 pages pour les seuls Xe-XIe s. 32. Karl Ferdinand WERNER, Histoire de France, t. I, Les origines, (Avant l’an mil) – Texte français original mis au point par Jean Favier, 1984, p. 293, 294, et « La « conquête franque’ de la Gaule. Itinéraires historiographiques d’une erreur », dans Bibliothèque de l’École des Chartes, 1996, p. 7-45. 33. Sur ces délicats problèmes cf. Ferdinand LOT, Naissance de la France, 1970, édition revue par Jacques BOUSSARD ; Jean FAVIER / Karl Ferdinand WERNER, op. cit., p. 302 et suiv., p. 318 à 325 et Fritz LANGENBECK, Vom Weiterleben der vorgermanischen Toponymie im deutschsprachigen Elsass, t. II, 1987, p. 82-83. 34. Que cette constatation ait été mise en relief par le très répandu manuel d’histoire du droit constitutionnel allemand de Dietmar WILLOWEIT, Deutsche Verfassungsgeschichte, 2e édition, 1992, p. 21, témoigne de l’objectivité qui désormais anime l’histoire allemande du droit. 35. Olivier GUYOTJEANNIN, Clovis chez les historiens, dans : Collection de l’École des Chartes, 1996, p. 5-240. 36. Cf. Thomas ANDERSON Jr, dans Early Medieval Europe 4, 1995 ; Détails et références des débats entre historiens à ce sujet dans Reinhold KAISER (2004), op. cit., p. 91. 37. K.F. WERNER, op. cit., p. 319. 38. Comme on le lit généralement, et même sous la plume de l’historien du droit aussi intelligemment érudit qu’a été Jacques ELLUL dans son Histoire des Institutions, éd. 1962, p. 36. h 39. Discours de réception de l’évêque François Egon de Furstenberg à Louis XIV ; même indication dans la chronique de Jakob TWINGER VON KOENIGSHOFEN (1346-1420). 40. Sur les assertions concernant Clovis en Alsace cf. E. CHAMPEAUX, Les légendes savantes de la vieille Alsace, 1930, notamment p. 33, et GRANDIDIER, Histoire de l’Église de Strasbourg, I, 1776, p. 165 ; Voir aussi Lucien PFLEGER, Die elsässische Pfarrei, 1936, p. 13 ; Philippe DOLLINGER dans LIVET/RAPP, op. cit., t. II, p. 5, relate cette tradition, mais ne se prononce pas. Il n’est pas impossible qu’on doive au chroniste Twinger von Koenigshofen, qui avait été pleban (vicarius perpetuus) de St Martin et vicaire du Grand Chœur de la Cathédrale la transmission de cette tradition. Cf. sur ce point, la Notice TWINGER par Bernard Metz, du NDBA, 2001, p. 3932-3933. 41. C’était la règle générale sous les Mérovingiens et les Carolingiens Cf. E. LESNE, Histoire de la propriété ecclésiastique en France, I, 1910, p. 80 et Lucien PFLEGER, Kirchengeschichte der Stadt Strassburg, 1941, p. 13 et 227. 42. Définition proposée aussi bien par l’historien du droit français Jacques ELLUL, op. cit., que par les historiens allemands comme DANNENBAUER : „ein militärischer Siedlungsverband, mittels dessen das fränkische Königtum Neuland kolonisiert und fremde Gebiete erobert hat“, op. cit., où aussi le manuel d’histoire du droit de MITTEIS/LIEBERICH, Deutsche Rechtsgeschichte, 15e éd. 1954, p. 61. 43. MITTEIS/LIEBERICH, Deutsche Rechtsgeschichte, 15e éd. 1954, p. 61 : „Die Centene wäre damit eine Wiederbelebung spätrömischer Militärkolonisation auf Fiskalgut und eine Sondererscheinung der Königsgutverwaltung“. 44. ZOZIME, Histoire nouvelle, Éd. Les Belles Lettres, Paris, 1979-1989, III, 8, 1. 45. Un imposant édifice rectangulaire de 85 m x 105 m qui aurait perduré jusqu’au XIIe siècle. Au XVIe siècle encore ses ruines étaient considérées par Beatus Rhenanus comme le plus imposant vestige historique d’Alsace – Très utile exposé de la problématique par Emile RICHTER, Le domaine royal de Marlegia, dans Kronthal et Mossig, Annuaire du Cercle d’Histoire de Marlenheim et Environs, 2001, p. 19 à 74 ; avec références bibliographiques détaillées et reproduction des sources latines (avec traductions). 46. Cf. RICHTER, op. cit. 47. HATT, dans LIVET/RAPP, Histoire de Strasbourg, op. cit., t. I, p. 270.

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48. Il n’est pas possible d’entrer ici dans le détail, parfois controversé, de ces institutions qui relèvent de l’histoire du droit français à ses origines. Une synthèse ainsi qu’une bonne bibliographie critique de ces questions figure dans la partie « Les institutions de la période franque « de Jacques ELLUL, Histoire des Institutions, 1999. 49. Chronique de Frédégaire, IV, 43 : à partir de Marolegia ... « pacem insectans, multus iniqui agentes gladio trucidavit ». 50. Herbert NESSELHAUF, Umriss einer Geschichte des Obergermanischen Heeres, dans Jahrbuch des römisch germanischen Zentralmuseums, 7, 1960, p. 151-179. 51. « Il faudra saisir le rôle exact du palais royal dans l’occupation de la région ». C’était un des projets de la recherche de Madeleine CHATELET, art. cité p. 37... 52. J. MARTIN, Atlas d’Histoire de l’Église, 1990, p. 22 (Théodose était l’empereur romain d’Orient compétent pour l’Alsace, coupée de Rome par les Barbares qui avaient envahis l’Italie. 53. La datation 550-575 est suggérée par A.M. BURG dans le Nouveau dictionnaire de biographie alsacienne, t. I, 1983, p. 59. Quelques éléments du « mystère » ARBOGAST : dans Yves BURNAND, Histoire de la Lorraine, 2, De César à Clovis, p. 209-210, K.F. WERNER, op. cit., p. 293 croit pouvoir admettre qu’autour de l’An 400 le « Comte de Strasbourg » se dénommait Arbogast. 54. Démonstration argumentée par Herbert NESSELHAUF, Die spätrömische Verwaltung der gallisch-germanischen Länder, 1938, reprise en 1960 dans : Umriss einer Geschichte des Obergermanischen Heeres, dans Jahrbuch des römisch germanischen Zentralmuseums, 7, 1960, p. 151-179 ; L’hypothèse de H. BÜTTNER, op. cit., p. 43, selon lequel les Alamans auraient eu la haute main sur l’Alsace jusqu’en 460-480 n’est plus acceptée, les recherches récentes ayant de plus en plus confirmé que les Francs ont su maintenir les positions romaines contre les Alamans. Cf. les contributions de différents auteurs dans Dieter GEUENICH, dir., Die Franken und die Alemannen bis zur Schlacht bei Zülpich (496/497), 1998, notamment p. 97 où on se réfère, entre autres, à Lucien MUSSET, Les invasions : les vagues germaniques, Nouvelle Clio, 1965. 55. C’est la conclusion de H. BÜTTNER, de son étude de l’Alsace au VIe et au VIIe siècle, mais sans donner plus de précisions. Geschichte des Elsass, op. cit., p. 69... 56. Reinhold KAISER, op. cit., p. 20. 57. Il n’est nullement impossible – même si a priori cela peut surprendre – que la Souffel était aménagée en canal, et qu’on pouvait rejoindre directement Dingsheim depuis le Rhin. Il y a lieu d’insister sur le fait que le Rhin s’avançait beaucoup plus vers l’ouest que de nos jours – au niveau de l’actuelle Cour d’Angleterre. À 8 km à l’est de Dingsheim. 58. C’est sur cette ligne de la rivière de Rohr que J.J. HATT, Argentorate-Strasbourg, 1933, situe la limite ouest du territorium legionis romain. 59. Romovileir (1181) « le village des romans » ; Grafsteten (1289), « Dépôt du Comte des germanophones ». 60. « Ici commence le Land » = le pays des germanophones. 61. « Site de la Borne frontière », (Stein). 62. Dieterlen : « Ici commence le Land germanophone », (Diet > deutsch). 63. Cf. Philippe DOLLINGER, dans Histoire de Strasbourg, op. cit., t. 2, p. 8 : « Nous ne disposons d’aucune donnée pour apprécier l’importance de cette population, mais il est douteux qu’elle ait dépassé sensiblement un millier d’habitants, Strasbourg n’était qu’un grand village, quoi qu’il soit toujours qualifié de ville (urbs ou civitas) en raison de l’enceinte et de la présence de l’évêque. ». 64. FLOTTE/FUCHS Carte archéologique de la Gaule, Bas-Rhin, 2000, p. 115-116 « pas un axe économique majeur » ; « l’axe Rhône, Saône, Moselle privilégié ». 65. C’est la définition, classique, du dictionnaire Robert. Cf. aussi Vauban « l’art du glacis consiste à accroître la distance entre assaillants et assiégés ». 66. L’historien Ammien Marcellin en fait expressément état.

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67. François PETRY, La campagne en Alsace de l’époque celtique à la fin de la période romaine (VIIIe siècle avant Jésus-Christ – Ve siècle après Jésus-Christ, dans Jean Michel BOEHLER/ Dominique LERCH/Jean VOGT, Histoire de l’Alsace rurale, 1983, p. 43-67 ; voir aussi HATT, Strasbourg, o. c. p. 199 : Le siège de l’administration de la cité (civitas), le « municipe » était à Brumath, capitale des Triboques... Les habitants d’Argentorate n’avaient pas de conseil municipal élu, et ils dépendaient de l’autorité militaire. 68. François PETRY, art. c., p. 54. 69. Jean-Jacques HATT, Strasbourg, in Livet/Rapp, op. cit., p. 200. 70. Cf. Emilienne DEMOUGEOT, De l’unité à la division de l’empire romain, 395-410, Essais sur le gouvernement impérial, et les fouilles de Jean Jacques HATT : HATT, Strasbourg, .op. cit., p. 104 et suivantes. 71. J. D. SCHOEPFLIN, Alsatia Illustrata, cap. 2, sect. 55. 72. Jean-Jacques HATT, Histoire de la Gaule romaine, 1959, p. 354-356. 73. AMMIEN MARCELLIN, Livre XVI, XII, 12 : « hic quaeso vallo fossaque circumdati ». Restes d’anciennes stations abandonnées après la récente invasion des barbares ? 74. Camille OBERREINER, Campagne de César contre Arioviste, Revue d’Alsace, 1919, p. 250 résume les querelles d’érudits à ce propos. 75. Notamment des lieux-dits en Krieg/Gries. 76. Une étude sur ce site est en préparation. 77. Une série d’éléments toponymiques identiques ou comparables à ceux de Dingsheim sur Souffel y sont localisables. 78. Cf. Marcel THOMANN, Le destin routier de Rosheim, dans Annuaire de la Société d’Histoire et d’Archéologie de Rosheim, 2006. 79. Une discussion relatée en détail par CHAMPEAUX, Les légendes savantes de la vieille Alsace, 1930, et qui a fait l’objet de quelques pages méritant d’être lues – ou relues – dans l’Histoire d’Alsace de Rodolphe REUSS. 80. Sur l’occupation romaine de l’Ortenau face à Strasbourg BÜTTNER, op. cit., p. 107 et 113 apporte des éléments qu’une série d’indices non encore exploités permettraient de développer. Une collaboration avec les historiens du pays de Bade ne saurait être que fructueuse. Sous forme d’un colloque ? 81. C’est l’expression employée par Ferdinand LOT, Naissance de la France, 1970, p. 41. 82. M. BARTH, AEA, 1947/1948, p. 70 à 72 a eu le mérite d’essayer de clarifier les versions anciennes de Grandidier ou de Dacheux. On est d’ailleurs peu renseigné sur l’étendue territoriale des chapitres ruraux d’Ancien Régime. La carte – par ailleurs précieuse – dressée de leur répartition vers l’an mil par CLAUSS dans le Elsass-Lothringischer Atlas, Francfort 1931, ignore totalement le chapitre Saint-Laurent et la thèse de J. BURCKLE, Les chapitres ruraux des anciens évêchés de Strasbourg et de Bâle, 1935, n’aborde pas ce type de problèmes. 83. Il n’y a pas, à ma connaissance, d’étude sur les limites anciennes des possessions épiscopales au Haut Moyen Âge. Le très érudit et regretté Jean ROTT a soutenu en 1933 une thèse de l’École des Chartes sur Le chapitre Cathédral de Strasbourg au XIVe et XV e siècle malheureusement restée manuscrite et que nous n’avons pu retrouver. Gerhard WUNDER, Le territoire rural de la ville de Strasbourg du XIIIe au XVIII e siècle, 300 p. dactylogr., 3 cartes h.t. (édition imprimée allemande Das Strassburger Gebiet, Berlin, 1965, 140 p., 1 graphe, 3 croquis) peut cependant apporter des indications. 84. Sans doute dû à sa situation en limite. Cf. KATZFELD, en Annexe 8. 85. Ad. BACH, Deutsche Namenkunde, op. cit., II, 1, paragr. 285. 86. Les composés en Frid et en Egg/Eck mériteraient aussi une prudente étude, on ne peut l’aborder ici. 87. On hésite entre les notions 1/ de « bourg», du latin vicus : thèse de F.J. HIMLY, dans Revue d’Alsace, 1947, p. 20 (références bibliographiques) et suiv. ; 2/ de « route » : thèse de F.

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LANGENBECK, dans son précieux ouvrage Vom Weiterleben der vorgermanischen Toponymie im deutschsprachigen Elsass, II, 1967, p. 7 à 11 et p. 49 ; cf. aussi germanique wih qui devient wig en francique, selon BRAUNE/EGGERS, Althochdeutsche Grammatik, 14. Auflage, 1987, p. 148 ; 3/ de « guerre » : Exemples : wigan = mener une guerre, wighorn = la trompette guerrière, wigman ou wigant = le guerrier, wigros = bellator equus, le cheval de guerre TAYLOR STARCK/J.C. WELLS, Althochdeutschen Glossenwörter buch, 1984, p.726, 4/ Fortification : wighus = pugnaculum = la tour fortifiée, castrum (TAYLOR STARCK/J.C. WELLS, Althochdeutsches Glossenwörterbuch, 1984, p. 722) ; 5/ endroit dont l’accès est contrôlé, voire « sacer », sacré, TAYLOR STARCK/J.C. WELLS, p. 726. Ce n’est qu’à partir du XVIe siècle que naît le verbe wiegen (peser) dérivé de vha wegan (sur cette question cf. KLUGE, Etymologisches Wörterbuch, 14. Auflage, 2002, p. 967 et 988). 88. Canton de Geispolsheim, dans les bans des localités actuelles de Graffenstaden, Illkirch et Ostwald (= Illwickersheim). Sur carrefour de routes romaines et médiévales et à l’endroit du bac traversant l’Ill et d’un péage des Lichtenberg ; références et bibliographie dans Médard BARTH, Handbuch, 1961, col. 627, avec bibliographie. Cf. aussi CLAUSS, Historisch Topogr. Wörterbuch, p. 399 et PERRIN, La fortune immobilière de l’abbaye de Marmoutier, 1935, qui cite des manuscrits où IUllwickersheim est écrit Mutariovilla et Witariovilla. Comme il est dans la logique des choses que le carrefour du péage ait aussi été la station des changeurs et de l’échange en général, les doublons Betabura signifiant relai douanier (Betabura en 803), Mutariovilla et Wickersheim sont significatifs. 89. En 1165 Wicheresheim (selon M.P. URBAN ; Lieux-dits, Dictionnaire étymologique et historique des noms de lieux en Alsace, 2003, p. 272... M. BARTH, dans AEA, 1962-63, ne cite pas cette forme de 1165. 90. Wigeresheim en 1146 selon une charte de Sindelsberg. Cf. E. HERR, Das ehemalige Frauenkloster Sindelsberg, 1912, p. 100 n. 91. TAYLOR STARCK/J.C. WELLS, p. 726,correspondant au latin propugnaculum = la tour fortifiée. 92. TAYLOR STARCK/J.C. WELLS, p. 637. C’était le préposé des marchands ( praepositus negotiarum) cf. Handwörterbuch zur Deutschen Rechtsgeschichte, col. 1059. (1156 et 1224, Reichsland Elsass Lothringen, Strasbourg, 1901-1903, p. 1211). 93. Gerhard KÖBLER, Lateinisch-germanistisches Lexikon, 2. Aufl., 1983, p. 343. 94. TAYLOR STARCK/J.C. WELLS, p.147. 95. Jean-Jacques HATT, Argentorate-Strasbourg, 1993, p. 43-44 ; s’il est certain que des itinéraires importants se croisaient à cet endroit, on ignore malheureusement tout de leur tracé précis. 96. Sur carte IGN 25 000, à environ 500 m au sud-ouest du noyau ancien de Vendenheim. 97. Mot celtique ou pré celtique selon Pierre FOUCHE, Phonétique historique du français, 1961, Démonstration détaillée p. 60, 141, 470, 804, 862 qui a donné le français borne par emprunt au Picard ; butina/budina = « Grenzmarke » dans la Loi des Francs Ripuaires ou dans la Lex Baiuvariorum : « agger terrae propter fines fundorum antiquitus ingestus ». 98. = « le chemin du nouveau passage ». Cf. ci-dessous sous KATZFELD, Annexe 8. 99. Sur carte IGN au 1/25 000. L’ancienneté de cette dénomination reste évidemment à vérifier. 100. Cf. ci-dessous Une organisation « modèle » de Arbogast évêque « militaire » de Strasbourg ? 101. Médard BARTH, op. cit., 1960, colonne 410, et 1945-47. 102. Hatt- est un synonyme de Wick-. De hadu, le combat et hattjan = combattre – Cf. Adolf BACH, Deutsche Namenkunde, Ire partie, paragr. 198, p. 218 et paragr. 206, p. 225 ; Gerhard KÖBLER, Germanisches Wörterbuch, 1980, p. 227. 103. Détruit au XVe ou au XVIIe siècle. Cf André HUMM, op. cit., p. 114. 104. HUMM, op. cit., p. 129-130. 105. HUMM, op. cit., p. 161.

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106. Les formes anciennes de Entzheim Ensusshaim, 737, Anisheim, 965, Anesheim, 1224, Eneszheim 1297 (Médard BARTH, op. cit., 1960, colonne col. 343-345, 1391) renvoient à Anasium 410. 107. Gefida/Gaphetas/Geffede sont les formes anciennes de Hohengöft en 775, Xe s., et 1239 selon BARTH, op. cit., col. 588. 108. Dans nos lieux-dits le latin Speculum a évolué jusqu’à donner Spiegel. 109. Manuscrit de Charles SCHMIDT, Topographie rurale du Bas-Rhin (Manuscrit BNU Ne 3861). 110. Cf. J. BURCKLE, Les chapitres ruraux des anciens évêchés de Strasbourg et de Bâle, 1935, p. 33, et M. BARTH, AEA, 1947/1948, p. 70 à 72. 111. Les toponymes Stutzheim et Handschuheim plaident en ce sens. Cf. Annexes. 112. Philippe DOLLINGER, dans LIVET/RAPP, Histoire de Strasbourg, op. cit., t. II, 1981, p. 5, insiste sur ce point. 113. Karl Ferdinand WERNER, dans Histoire de France, t. 1, Les origines, 1984, p. 265-266 et p. 293-297. 114. Auteur, entre autres d’une Histoire de l’Église d’Alsace, 1946, 372 p. et un des plus actifs promoteurs de la Fédération des sociétés d’histoire d’Alsace auquel nous tenons à rendre Hommage. 115. Gabriel HANOTAUX, Histoire de la nation française, 1925, p. 41. 116. Paul WENTZCKE, Regesten der Bischöfe von Strassburg, 1908. 117. Un ouvrage de Médard BARTH, Der heilige Arbogast, Bischof von Strassburg avait paru en 1939/1940 ; la notice de A.M. BURG, dans Nouveau Dictionnaire de Biographie Alsacienne, n° 1, 1982, p. 59 en est une mise au point. 118. Emil HERR, Haldenburg und das Dorf Munolzheim, Strasbourg, 1908 (Extrait du journal Strassburger Post, 8.8.1908) BNU M 20 356. 119. Médard BARTH, Der heilige Arbogastus, op. cit. p. 163, 188-189. 120. Cf. J. BURCKLE, Les chapitres ruraux des anciens évêchés de Strasbourg et de Bâle, 1935, p. 33, et M. BARTH, AEA, 1947/1948, p. 70 à 72. 121. Philippe DOLLINGER, dans Georges LIVET/Francis RAPP, Histoire de Strasbourg des origines à nos jours, t. II, 1981, p. 47 et 48. 122. Cf. les savants calculs de JUILLARD, op. cit., p. 50 à 58. 123. Importante bibliographie internationale sur ces problèmes ; cf. Philippe CONTAMINE, dans Histoire militaire de la France, t. I, 1992. 124. RICHARDOT, op. cit., p. 263. 125. Herbert NESSELHAUF, Umriss einer Geschichte des Obergermanischen Heeres, dans Jahrbuch des römisch germanischen Zentralmuseums, 7, 1960, p. 151-179. 126. Y a-t-il eu des exceptions ? Les chartes de Marmoutier font état de « milites casati », une expression qui a intrigué les commentateurs... et demeurée sans réponse à ce jour. 127. Cf. Philippe CONTAMINE, Histoire militaire de la France, tome I, 1992, p. 18 et suiv. avec bibliographie sur les diverses thèses en présence. 128. Cf. Ralf SCHARF, art. cité, 2005, p. 44. 129. Détails et références seront repris en Annexe. 130. Détails, notamment philologiques en Annexe. 131. Louis LUDES, Histoire de Cronenbourg, 1984-1986. 132. Cadastre ancien de la Ville de Strasbourg. 133. Cf. Détails en Annexe 2. 134. Détails en Annexe 2. 135. Détails en Annexe 3. 136. Sur carte IGN au 1/25 000. 137. Détails en Annexe 7. 138. Détails en Annexe 4.

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139. Détails en Annexe 6. 140. Gerhard KÖBLER, Germanisches Lexikon, 2. Aufl., 1982, p. 133. 141. Lieux dits particulièrement « intéressants », mais la place nous manque pour en esquisser les développements qu’ils méritent. 142. Cf. HUMM, op. cit. et Annexe 8. 143. Sur carte IGN 1/25 000. 144. Sur STILL cf. Marcel THOMANN, Haslach-Balbronn-Still : termes institutionnels à l’entrée du Val de Bruche au Moyen Âge, dans Revue d’Alsace, 118, 2002, p. 264-265. 145. Les éléments d’une étude spéciale ont été réunis, mais ne peuvent être développés ici. 146. Intéressante réflexion du linguiste-philosophe spécialiste de l’hermeneutique Hans Georg GADAMER: « von besonderen Heldentaten der Reiterei weiss die Geschichte kaum zu berichten » dans Das Problem der Sprache, 1967, p. 509. 147. Ph. CONTAMINE, La guerre au Moyen Âge, op. cit., p. 103. 148. Articles de L. GANSHOF, « À propos de la cavalerie dans les armées de Charlemagne », Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, II, 1952, p. 531-537 et « Charlemagne’s Army », Providence, 1968 ainsi que J. F. VERBRUGGEN, « L’armée et la stratégie de Charlemagne », dans Karl der Grosse, I, ed. W. Braunfels, Düsseldorf, 1965, p. 420-434 et The Art of Warfare in Western Europe during the Middle Ages: From the Eighth Century to 1340, Amsterdam, 1977. 149. M. JUNKELMANN, Die Reiter Roms, 3 volumes, Mainz 1990-1992. 150. André CORVISIER, Dictionnaire d’art et d’histoire militaires, 1988, p. 175. 151. « libres » et « ministeriaux » – sans qu’on puisse distinguer l’importance et le rôle respectif des uns et des autres. Fritz KIENER, Studien zur Vefassung des Territoriums der Bischöfe von Strassburg, 1912 a eu le méritoire courage d’esquisser quelques réponses à quelques-uns des .périlleux problèmes ci-dessus évoqués... sans toujours emporter l’adhésion. Dans un chapitre intitulé « la chevalerie germanique et la ministerialité » Michel PARISSE, La noblesse lorraine XIe- XIIIe siècle, 1976, p. 264 à 304 arrive à débrouiller la question et ses conclusions se rapprochent sensiblement de celles que propose Heinrich DANNENBAUER, dans le chapitre « Königsfreie und Ministerialen » de ses Grundlagen der mittelalterlichen Welt, 1958, p. 329 à 353. Les thèses d’École des Chartes de Lily GREINER, La seigneurie épiscopales de Strasbourg jusqu’en 1274 et de F.J. HIMLY. Etudes critiques sur l’Alsace à l’époque mérovingienne, 1939 qui ne sont accessibles qu’en quelques pages de résumé, ne paraissent pas avoir approché ces problèmes « militaires ». 152. Dans la remarquable thèse d’habilitation de Odile KAMMERER, Entre Vosges et Forêt-Noire : pouvoirs, terroirs et villes de l’Oberrhein, 1250-1350, 604 p., 1998, dont la Revue d’Alsace, 125, 1999, a publié les « positions de thèse » p. 211 à 216. 153. Eléments (en partie dépassés) de cette problématique avec bibliographie dans Reichsland Elsass-Lothringen, Ortsbescheibender Teil, 1901-1903, p. 355. 154. C’est le terminus ad quem proposé par Odile KAMMERER, positions de thèses, RA, 1999, p. 212. 155. François PETRY, La campagne en Alsace de l’époque celtique à la fin de la période romaine (VIIIe siècle avant Jésus-Christ - Ve siècle après Jésus-Christ), dans Jean-Michel BOEHLER/ Dominique LERCH/Jean VOGT, Histoire de l’Alsace rurale, 1983, p. 43,52 et 53. 156. L’ancien directeur des Archives municipales de Strasbourg, M. François Joseph FUCHS nous signale par exemple que le fonds – qu’il a classé et catalogué – de l’Œuvre Notre Dame aux archives municipales de Strasbourg, est particulièrement riche pour tous les villages du Kochersberg. Très peu exploité à ce jour, il pourrait se révéler fructueux. En tout état de cause, à partir du XIIe siècle l’excuse absolutoire « il n’y a pas de documents » n’est plus recevable Le recueil de Emil HERR, Urkundenbuch des Frauenklosters Sindelsberg, 1913, – un modèle du genre – en est une preuve. 157. L’archéologue Georges Frédéric HEINTZ a relevé que la tradition orale prétend qu’« autrefois le Kolbsenbach était une rivière et on pouvait remonter en bateau jusqu’à la « ville

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de Bourn » Au lieu-dit Bournacker, au pied du Micheslberg les laboureurs dégagaient des substructions si nombreuses qu’on disait qu’à cet endroit il y avait autrefois une grande ville dénommée « Bourn » (Témoignage d’un agriculteur de Lampertheim recueilli en 1939 et reproduit par dans la revue Kocherschbari, n° 53, 2006, p. 10. 158. En dépit des gravières et des canaux modernes qui rendent le retour à la situation médiévale plus difficile qu’ailleurs. Un sujet d’étude, de longue date, de Jean-Marie HOLDERBACH pour le secteur Souffelweyersheim/Reichstett et pour l’Alsace en général de Odile KAMMERER, Le Haut-Rhin entre Bâle et Strasbourg a-t-il été une frontière médiévale ? dans 117e congrés national des Sociétés Savantes, Strasbourg, Hist. méd. et phil., p. 171-193 et Positions de thèses, RA, 1999, p. 213, qui note – entre autres – que les canalisations successives du Rhin ont fait baisser de quelques mètres la nappe phréatique et fait référence aux travaux des géographes ; voir aussi Marcel THOMANN, Le destin routier de Rosheim, Annuaire 2005 de la Société d’Histoire de Molsheim, notamment p. 88. 159. BURNOUF/BOEHLER/CALLOT, Le Kochersberg, histoire et paysage, 1980, p. 29. 160. Selon CLAUSS, Historisch topographisches Wörterbuch des Elsass, p. 252. 161. Jean BRAUN, Carte des Voies et stations romaines présentée en 1968 à la Direction Régionale des Antiquités. 162. Cf. les notices thunginus dans Gerhard Köbler, Rechtsgeschichte, Ein systematischer Grundriss, 3. Aufl., 1981, p. 98-100 et de Ruth SCHMIDT-WIEGAND, Thunginus dans Handwörterbuch zur deutschen Rechtsgeschichte, 1991 et suiv., 5. Band, Spalte 291-296 ; Charles SCHMIDT, Les Seigneurs, les paysans et la propriété rurale en Alsace, 1897, p. 9 et 10 avait pris Tunginisheim comme exemple pour justifier la théorie selon laquelle les villages doivent leur nom à celui qui, à un moment ou à un autre, en a été le maître. Précisons cependant qu’ici il s’agit d’un occupant désigné par sa fonction, et non par son nom personnel. 163. Médard BARTH, Archives de l’Église d’Alsace, 1960, colonne 460-461. 164. BENECKE/MÜLLER/ZARNCKE, Mittelhochdeutsches Wörterbuch, 1858, p. 880. 165. Références détaillées dans Althochdeutsches Wörterbuch, Volume IV, 1986. Le terme Gries/ Grieg/Krieg n’a pas connu, à ce jour, l’étude approfondie philologique et historique qu’il mérite assurément. Les éléments – souvent surprenants – que nous avons rassemblé sur ce problème donnent matière à une publication particulière... Nous ne pouvons donc en donner ici qu’un trop bref résumé. 166. Exposé et multiples exemples dans GRIMM, Deutsches Wörterbuch, 11. Band. De même le latin « bellum » ne se traduit que par « Fehde ». 167. Un processus phonétique bien connu, et commun aux langues romanes et germaniques, permet de comprendre, - les rapports de -g- / -ch- avec -k-, et comment le -ch- (de Greichesheim par exemple) a pu tout normalement évoluer vers -z et de là à -s, avec chute du -g- avant la syllabe finale – Explication détaillées dans PAUL/MITZKA, Mittelhochdeutsche Grammatik, 18. Aufl., Paragr. 69, et Pierre FOUCHE, Phonétique Historique du Français, 1961, p. 552, 553, 613, 614, 623. 168. Le problème a été peu étudié. Heinrich KLUGE, Etymologisches Wörterbuch der deutschen Sprache, 24. Auflage, 2002, p. 539 cite quelques références, mais conclut par « Herkunft unklar ». 169. Arthur BEYLER, Historique de la Robertsau, 1955, p. 51-53 et carte. 170. Sur carte IGN 1/25 000. 171. Sur une carte au 1/50 000 de 1838, reproduite dans Die Ortenau, 2007, p. 300. 172. Carte IGN au 1/25 000. 173. CLAUSS, Historisch topographisches Wörterbuch des Elsass. 174. Médard BARTH, Archives de l’Eglise d’Alsace 1960, col. 1071-1072. 175. Plan de finage de 1760 (ABR C562/238, Mittelhausbergen). 176. Historique du mot : cf. alsacien « Pfüllele », le poulain.

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177. Au XIVe siècle en Bourgogne, notamment : « dès le sevrage les poulains étaient expédiés pour élevage et dressage dans deux autres écuries » BAUTIER, Robert-Henri et Anne-Marie BAUTIER, « Contribution à l’histoire du cheval au Moyen Âge : l’élevage du cheval » Bulletin philologique et historique (jusqu’à 1610), 1976 (Paris, 1978), 1978 (Paris, 1980), p. 9-75. 178. Carte IGN au 1/25 000, Roesselberg, sur la limite du ban avec Behlenheim, et contigu au lieu- dit Lorentzenacker, qui, à huit siècle de distance, rappelle le chapitre rural de Saint-Laurent supprimé au XIIIe-XIVe siècle. 179. Emil HERR, Das ehemalige Frauenkloster Sindelsberg, 1912, p. 87 et 102. 180. HERR, op. cit., p. 94. 181. HERR, op. cit., p. 152. 182. Cf. Bernadette SCHNITZLER, Aux origines de Stutzheim - 6 millénaires d’histoire, du néolithique à l’époque mérovingienne, dans Kocherschbari, n° 34, 1996, p. 13 à 23 et Flotté/Fuchs, Carte archéologique de la Gaule, Bas-Rhin, 2000, p. 616 à 619. 183. Ouvrage collectif Pfulgriesheim, mon village, 2003, p. 3 ; on notera qu’au Moyen Âge le terme Hengst signifiait « cheval » en général. Il n’a pris le sens de « cheval mâle » qu’au XVI e siècle. Explications, entre autres, dans GRIMM, Deutsches Wörterbuch, t. 20. 184. Germain CARNAT,Le fer à cheval à travers l’histoire et l’archéologie, 1951. 185. Cf. Medard BARTH, AEA, 1960, colonne 138-139 (sous BERTZEN) et Colette OTTMANN, Pélerinages ruraux du Kochersberg, Pays d’Alsace, Ne 155, 1991, p. 18 et 31 (où bibliographie). 186. Cf. Medard BARTH, AEA, 1960, colonne 138-139 (sous BERTZEN) et Colette OTTMANN, Pélerinages ruraux du Kochersberg, Pays d’Alsace, n° 155, 1991, p. 18 et 31 (où bibliographie). 187. Adolf BACH, Deutsche Namenkunde, II, 1, 1981, paragr. 327. 188. CLAUSS, Historisch –topographisches Wörterbuch des Elsass, 1895, p. 439. 189. Cf. Karl August ECKHARDT, Glossar zu Pactus legis Salicae, 1962, p. 278 et p. 283. 190. On a proposé dans ce cas, sans aucune référence, que le nom provenait sans doute d’un grand propriétaire dénommé Ansco (Ansgar, Hansco ?). 191. Medard BARTH, Archives de l’Eglise d’Alsace, 1960, colonne 609. 192. MÜLLER/ZARNCKE, Mittelhochdeutsches Wörterbuch : Pferdehirte, m. hipponomus ; HEDERICH 1770, pferdshirtALER 1527b ; rostüscher oder perdehirtte, mango. voc. nigg. abb. 3006, pfertherter ; DIEFENBACH. nov. gl. 245a. 193. Dans son roman, Simplicissimus, 1668, I, 15 : „das hirtenamt sei eine vorbereitung und anfang zum regiment: dann gleichwie die bellicosa und martialia ingenia erstlich auf der jagd geübt und angeführet werden, also soll man auch diejenige, so zum regiment gezogen sollen werden, erstlich in dem lieblichen und freundlichen hirtenamt anleiten.“ 194. André HUMM, op. cit., p. 126. 195. Citée par A. SCHRICKER, Älteste Grenzen und Gaue im Elsass, 1884, p. 346, et Anton DOLL, Traditiones Vizenburgenses, 1979, n° 3, p. 174. 196. Cf. Wilhelm KASPERS, Katz in Ortsnamen : der Tiername Katze, dans Zeitschrift für Ortsnamenforschung, 13, 1937-1938, p. 213 à 225 et Robert SPECKLIN, Katz et Hund dans la toponymie alsacienne, Les Vosges, 1956/4 p. 7-13, mais à notre connaissance les piestes ci-dessus trop sommairement évoquées n’ont pas encore été exploitées. 197. Selon les ouvrages spécialisés de latin médiéval comme Du Cange, t. IV, p. 6 qui donne de nombreux exemples de la pratique ou NIERMEYER, Mediae latin. Lexicon, 1957, p. 459, par ex. 198. Dans les glossaires profundus est rendu, entre autres, par ses synonymes germaniques kacoz et gazogan. Cf. STIEVERS, Althochdeutsche Glossen, I, p. 72-73. 199. Références dans VON WARTBURG, Französisches Etymologisches Wörterbuch, t. 23, p. 158. 200. Le sens de ce terme a donné lieu à une discussion entre érudits ; cf. Friedrich MENTZ, Die badische Ortsnamenforschung, dans Zeitschrift für Ortsnamenforschung, 1930, p. 95. 201. CLAUSS, Historisch topographisches Wörterbuch des Elsass, p. 780.

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202. Wolfgang KLEIBER/Max PFISTER : Aspekte und Probleme der römisch-germanischen Kontinuitä, 1992, p. 21 et Albrecht GREULE, Vor- und frühgermanische Flussnamen am Oberrhein. Ein Beitrag zur Gewässernamengebung des Elsass, der Nordschweiz und Südbadens, dans Beiträge zur Namenforschung, Beiheft 10, Heidelberg, 1973. 203. Détails et références dans Marcel THOMANN, Haslach, Balbronn, Still : termes institutionnels à l’entrée du Val de Bruche au Moyen Âge, dans Revue d’Alsace, 128, 2002, p. 263-265. 204. Antoine WÜRRY, Geschichte des Dorfes Rumersheim, 1910, p. 153.

RÉSUMÉS

Le Kochersberg a-t-il vraiment été, et de tous temps, le grenier à blé de l’Alsace ? Comment a pu se passer, dans cet espace stratégique entre Rhin et Vosges, le relais entre l’occupation romaine et l’avènement des Mérovingiens ? Les noms des localités, régulièrement transmis du VIIIe siècle à nos jours sont une source aussi précieuse que fiable... Or il s’avère qu’on n’y a pratiquement jamais fait valablement appel, de même qu’on n’a guère interrogé les nombreux « lieux dits » du XIIe ou du XIIIe siècle, pourtant collectionnés dans nos archives par de méritoires érudits. Ces données objectives révèlent un contexte essentiellement militaire où des unités équestres, souvent liées au nom d’Arbogast, ont accaparé l’ensemble des terres disponibles. L’étude voudrait attirer l’attention sur une foule de problèmes posés dans ce contexte, aussi bien à l’historien du droit et des institutions qu’au linguiste dont la science est davantage qu’ « auxiliaire ». Et peut- être aussi contribuer, si peu que ce soit, à l’une ou l’autre solution.

Has the Kochersberg really been the historic “corn loft” of Alsace? What about the successive presence of the Roman occupation and the Merovingians in this definitely strategic spot between the Rhine and the Vosges? The names of villages, uninterruptedly transmitted from the 8th century to our days, are a both precious and reliable indication. As a matter of fact, these names have rarely been studied, neither have the numerous smaller localities of the 12th and 13 th centuries, although the latter have been listed systematically in our archives by respectable specialists. They essentially refer to military appellations for places where battle horse units – whose names where often related to Arbogast- have settled on land that was available. This study intends to highlight a series of problems arising in this context, for the benefit of both law and institutions historians and linguists whose contribution is to be taken seriously. It may also offer occasional solutions, however modest.

Die Geschichtsforschung hat sich relativ wenig mit den politischen und militärischen Problemen des zwischen Strassburg und Zabern gelegenen Kochersbergs, („Kornkammer“ des Elsass) beschäftigt. Die lateinischen und althochdeutschen Quellen – insbesondere die seit dem Hochmittelalter regelmässig belegten Ortsnamen – sind Zeugen der jahrhundertelangen Kontinuität einer militärischen Okkupation. Von den Römern bis zu den späten Karolingern war das Gebiet um Strassburg eine vielseitig befestigte Igelstellung, in welcher die römischen und merovingischen Reiterheere mit dem Namen Arbogastus eng verbunden sind. Die planmässige Spezialisierung auf Pferdezucht sowie der Aufbau und die Stationierung von zahlenmässig starken und gepanzerten Kavallerieeinheiten konnte kaum Raum für Agrarwirtschaft lassen. Weniger bekannte Quellen heranzuziehen, die Dokumentation auf Mängel und Desideratas zu

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durchforsten, auf anstehende Probleme hinzuweisen, hie und da deren Aufhellung in die Wege zu leiten und auch einige Lösungen vorzuschlagen, sollten Zweck und Ziel der Untersuchung sein.

INDEX

Mots-clés : élevage équestre, Toponymie Index géographique : Kochersberg

AUTEUR

MARCEL THOMANN Professeur émérite, Université Robert Schumann

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Essai sur la hiérarchie des villes médiévales d’Alsace (1250-1350). 2e partie

Bernhard Metz

1 La première partie de cet article a paru dans le t. 128 (2002) de la Revue d’Alsace. Le lecteur voudra bien s’y reporter, en particulier à la liste des sigles et titres abrégés (p. 97-99 ; complément à la fin de la présente livraison) et à l’introduction, qui expose la problématique et la méthode de ce travail. Mon propos est d’appliquer à l’Alsace une partie au moins de la démarche que Monika Escher et Frank G. Hirschmann ont élaborée pour l’étude comparée des villes du Moyen Âge central dans une région beaucoup plus vaste – un rectangle dont Rotterdam, Paderborn, Winterthur et Semur- en-Auxois occupent à peu près les angles, et dont par conséquent l’Alsace fait partie1. C’est pourquoi les auteurs ont sollicité ma collaboration : c’est le point de départ du présent article, dont ils ont pu utiliser la première partie. Mais comme je travaille beaucoup moins vite qu’eux, c’est moi qui, désormais, peux m’appuyer sur leur œuvre, parue en 2005.

2 Le propos de celle-ci est d’étudier de façon comparative, nombreuses cartes à l’appui, les villes d’une vaste région à cheval sur la frontière linguistique et sur la frontière du Royaume et de l’Empire, entre l’An Mil et 1350. À cette fin, les auteurs ont élaboré une liste de critères d’urbanité et de centralité, affectés de coefficients en fonction de leur importance, ce qui leur permet d’estimer et de comparer la qualité urbaine des villes étudiées – sans s’illusionner sur les multiples imperfections de cet instrument de mesure. C’est sans davantage d’illusions que je le reprends presque à l’identique2. Ce système permet d’attribuer à chaque ville, à des dates conventionnelles (1200, 1250, 1300, 1350), un certain nombre de points, qui donne un aperçu de son importance relative. Par convention, est considérée comme ville toute localité qui atteint au moins sept points au plus tard en 1350.

3 Le travail d’Escher et Hirschmann a des qualités auxquelles le mien ne saurait prétendre, ne serait-ce qu’en raison de la taille de la zone retenue, des comparaisons multiples qu’elle leur permet, de l’étude approfondie à laquelle ils soumettent chacun

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de leurs critères d’urbanité et de centralité, et de la qualité de leur dossier cartographique. Néanmoins, et bien qu’ils consacrent une notice à 37 villes d’Alsace3, leur œuvre ne rend pas superflue la poursuite de mon enquête, dans la mesure où cette dernière est pour l’essentiel fondée sur les sources, tandis qu’Escher et Hirschmann, vu l’étendue de leur territoire, sont forcés de s’appuyer en partie sur la bibliographie, d’où, inévitablement, quelques erreurs et lacunes. Aussi bien leurs notices, plus brèves et plus synthétiques que les miennes, donnent-elles moins de références précises. Le lecteur aura donc tout intérêt à confronter les deux points de vue ; à l’occasion, il s’amusera de voir comment les mêmes sources sont susceptibles d’interprétations différentes qui souvent aboutissent, in fine, au même nombre de points...

4 Dans la première partie de mon article, le calcul des points de telle ou telle ville est bancal. Une des causes en est que, lorsque tel critère n’est plus présent après telle date, je l’indique (comme Escher-Hirschmann) en imprimant son nom en caractères barrés (p. ex. château). Or, au moment de la mise en forme de mon texte, ces mots barrés ont tout simplement été supprimés ! S’y ajoutent quelques erreurs de calcul de ma part. D’ailleurs, la poursuite des recherches apporte inévitablement quelques additions et corrections. Au total, les évaluations de toutes les villes seront à reprendre à la fin de l’article, à paraître dans un prochain numéro.

5 Parmi les critères d’urbanité retenus, le moins problématique n’est pas la superficie des villes intra-muros. L’Atlas de Himly l’indique, mais ses chiffres, outre qu’ils incluent souvent des extensions postérieures à 1350, sont problématiques : dans son tableau de « la superficie comparée des villes » (p. 26-32), le tracé au 1/10000 contredit souvent et le chiffre correspondant (Bergheim, Brumath, Riquewihr, Rosheim, Soultz-sous- Forêts...) et le plan au 1/4000 (p. 47-133)4. On verra plus loin l’exemple particulièrement crasse de Munster. Il n’autorise qu’une conclusion : calculer la surface d’une ville d’après les plans au 1/4000 de Himly, comme je l’ai fait jusqu’ici, ne mène à rien de sérieux. Il est nécessaire de remonter aux plans cadastraux, travail fastidieux que je ne pourrai exécuter, au mieux, que pour la troisième partie de cet article. Ce n’est qu’une raison parmi d’autres de considérer que l’« échelle d’Escher/Hirschmann » n’est qu’une mesure très approximative de l’importance d’une ville. Du moins la présentation détaillée des critères et des sources fournira-t-elle une base de départ pour des évaluations plus fines.

Marckolsheim

6 Paroisse probablement ancienne, bien que la charte de 1215, dont le plebanus de Marcholfesheim est témoin, soit un faux de la seconde moitié du XIII e siècle5. En 1294 et 1297, Rudolf von Habsburg-Laufenburg et sa mère vendent à l’évêché de Strasbourg le village avec la collation de l’église6.

7 Commune : le roi Albrecht confère à Marckolsheim en 1299 les franchises de Sélestat7. Une charte est passée en 1338 vor dem schultheissen, vor dem rate und vor dem gerihte ze Markolzhein. Un Stettmeister apparaît en 14348.

8 Sceau attesté en 1322 et 13389.

9 Château : bien que divers auteurs en fassent état, il n’a jamais existé10.

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10 Enceinte : en projet en 129711, elle semble n’avoir été élevée (ou achevée) que par l’évêque Johann (1306-28)12. Selon Himly, elle entoure une superficie de 19,14 ha ; 14 ha semblent plus plausibles.

11 Péage mentionné en 1385 et avant 141613.

12 Foire attestée vers 1345 par son Zoll, qui ne rapporte qu’une livre bâloise14.

13 Évaluation : 3 points en 1300 (paroisse, commune), 7 en 1350 (sceau, enceinte > 10 ha, foire).

Marmoutier

14 Abbaye bénédictine Saint-Martin, remontant à l’époque mérovingienne15.

15 Sindelsberg, un couvent de bénédictines, a été fondé en 1115-1117 à 1,3 km de l’abbaye et à son initiative, hors de la ville mais dans son ban16.

16 La paroisse Saint-Etienne de Marmoutier s’étendait à l’origine à toute la Marche ; son curé (plebanus presbiter) est cité en 113717 ; elle est incorporée à l’abbaye en 122018. Son église, dite Oberkirche19, située à 200 m hors de l’enceinte au S, a été démolie, sans doute vers la Révolution20, mais son cimetière est toujours en usage.

17 Commune : les habitants de Marmoutier sont appelés cives dès 117021 ; c’est avec leur accord et celui du Schultheiß que les Geroldseck, avoués de l’abbaye et devenus peu à peu seigneurs de la ville, légifèrent en 1281 sur les cens du Buchberg22. Les franchises non datées que les même seigneurs accordent aux bourgeois, très probablement entre 1288 et 1295, mentionnent neuf échevins élus pour un an avec leur accord23. Mais le sceau de la ville n’est attesté qu’en 1384, des jurés qu’en 1392, un Conseil qu’en 147024.

18 Compagnie de tireurs : son existence semble découler de la mention d’un champ de tir au début du XIVe siècle25.

19 Château bâti par l’évêque Friedrich de Strasbourg en 1390/91 pour s’assurer une part de la succession des Geroldseck26.

20 Enceinte : Marmoutier est déjà qualifié d’oppidum entre 1137 et 1146, et à nouveau, avec une allusion à une porte, en 114627. On voit mal si le mur mentionné en 1142 et 1170 entoure la ville ou seulement l’abbaye (voire en 1142 son cimetière), mais celui de la ville est bien attesté en 125328. Himly indique une superficie intra muros de 7,3 ha ; elle ne semble guère supérieure à 5 ha, du moins si son plan est bien au 1/4000.

21 Les Juifs de Marmoutier sont cités en 1280, un pogrom en 134929.

22 Une abbaye ancienne comme Marmoutier avait vraisemblablement un hôpital ; il reste toutefois à le prouver, car ce n’est pas lui qui est cité en 1217 et en 1278, mais l’infirmerie du couvent30. En revanche, une léproserie existe en 1329, mais rien n’indique qu’elle dépende de la ville plutôt que de l’abbaye31.

23 Un maître d’école déjà défunt étant mentionné en 135732, il n’est pas trop audacieux de supposer que l’école existe déjà en 1350. À vrai dire, on a du mal à croire qu’une abbaye importante comme Marmoutier n’ait pas eu d’école bien avant cette date, mais la preuve reste à faire.

24 Un bain existe en 1391 et sans doute avant l’extinction des Geroldseck en 139033.

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25 Péage : un teloneum abbatial existe avant le milieu du XIIe siècle34, mais il s’agit presque sûrement d’une taxe sur les transactions du marché, attesté à la même époque35. Des étals de boucher apparaissent en 1368 et 138436.

26 Commerce : selon le coutumier de l’abbé Meinhard [1137-46], le teloneum déjà évoqué est dû par « tous les marchands établis dans la Marche »37.

27 Monnaie : selon le même coutumier, c’est à l’abbé qu’il revient de la « changer », c’est- à-dire peut-être de la décrier, ou plutôt d’autoriser les changeurs à exercer leur activité 38.

28 Évaluation : 7 points en 1150, 1200 et 1250 (abbaye, couvent de femmes, paroisse, enceinte, marché, change), 10 en 1300 (commune, Juifs), 11 en 1350 (école)39.

Masevaux

29 Abbaye de femmes Saint-Léger, attestée vers 78040, officiellement encore bénédictine en 1254 et 1399, mais de facto chapitre séculier de dames nobles au plus tard au XIV e siècle41.

30 Chapitre de chanoines dépendant de l’abbaye, attesté depuis 1287 et au moins jusqu’au XVe siècle42.

31 Paroisse Saint-Martin, que Pfleger suppose sans véritable preuve plus ancienne que l’abbaye43, et qui existe en tout cas en1302 ; son église, détruite en 1786, était à 150 m hors de la ville au S, à l’emplacement de l’actuel cimetière44.

32 Commune : le Conseil apparaît en 136845, son sceau en 142446.

33 Centre administratif : un Schultheiß est cité depuis 1210, un bailli depuis 133847.

34 Château : en 1368, les Habsburg, en autorisant la commune à s’entourer d’une muraille, lui font aussi obligation de leur bâtir un château dans un angle de l’enceinte48, mais elle ne l’a pas fait. Le château des Masmünster à M. (Ringelstein, sur un rocher hors la ville) est attesté « vers 1362 », puis depuis 140949.

35 Enceinte : elle est en construction en 136850. Himly indique une superficie de 21,7 ha dans les limites de l’enceinte extérieure (non datée) ; on semble plus près de 13 ha à l’intérieur de la première enceinte.

36 Juifs attestés depuis 1325, victimes d’un pogrom en 1338, à nouveau attestés de 1396 à 143551.

37 Hôpital : sa chapelle Saint-Erhard est consacrée en 140552.

38 École avant 143353.

39 Bain en 141254.

40 Péage : en 1435, le duc Friedrich accorde aux bourgeois de Masevaux, pour l’entretien de leur enceinte, un czol à lever à la fois sur les transactions [du marché] et sur les marchandises traversant la ville ou le bailliage ; parmi ces dernières, le tarif de 1481 nomme des draps de Bruges, de Malines et de Londres55. D’après un coutumier peu datable (1324-1579), l’abbesse a un zoll « du Hanenbach au Gresson », qui a lui aussi ce double caractère ; c’est apparemment lui que mentionne un arbitrage de 141356.

41 Foires : il est déjà question de « toutes les foires » de Masevaux en 1418 ; elles sont quatre par an en 150557.

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42 Textile : en 1338, la duchesse Johanna renouvelle les statuts accordés à la corporation des tisserands « par les comtes de Ferrette, ses prédécesseurs »58 ; si l’on prend cette expression au pied de la lettre, il faut remonter au moins à son grand-père Theobald, donc avant 1311. Déjà selon ce premier règlement, la spécialité de Masevaux est le coutil (zwilch), mais celui de 1418 fait aussi allusion à la production de futaine (schürlitz )59.

43 Marché : il est déjà mentionné dans les statuts des tanneurs et cordonniers en 1320, et ceux des tisserands en 1423 montrent qu’il se tenait le mercredi60.

44 Halles : les alles de Masovalx sont visitées en 1432 par des délégués de Belfort et sont sans doute identiques à la gewantloube sous laquelle se lève un zoll en 144[1]61. L’abbesse se plaint en 1412 des nuisances de l’abattoir62.

45 Corporations : en 1320, le comte Ulrich de Ferrette accorde des statuts à celle que viennent de fonder les tanneurs et cordonniers de M., au nombre d’env. 146 (!!)63 ; en 1338, sa fille Johanna renouvelle les statuts de celle des tisserands64. Ces deux corporations sont les seules que citent l’Urbar du comté de Ferrette, dressé après la mort du dernier comte en 132465, et le coutumier domanial de Guewenheim/ Masevaux66. Celle des tisserands a sa « maison » (der zunft huß und hof), qui en 1418 sert non seulement à ses réunions, mais aussi à la vente de ses produits, als das von alter harkomen ist67. Des poêles de corporations sont évoqués en 1477 ; huit corporations auraient existé dans « la ville et la seigneurie » de Masevaux68 – mais quand ?

46 Évaluation : 4 points en 1300 (abbaye, chapitre, paroisse), 9 en 1350 (bailli, Juifs, textile, marché, corporations). Masevaux est à la fois une communauté de vallée, comme Munster et Andlau ; un bourg abbatial, plus lent à démarrer que ces derniers et à plus forte raison que Neuwiller, Marmoutier ou Seltz ; et enfin une ville « industrielle » à l’essor tardif, mais vigoureux (elle aurait 13 points en 1400 et 21 en 1450). Cet essor se fonde sur deux matières premières : d’abord le cuir – et on peut supposer que l’élevage de la vallée de la Doller n’y est pas étranger69, tout en notant que celui de la vallée de Munster, pourtant bien mieux attesté, ne semble pas avoir eu d’effets comparables – et plus tard sur le lin, dont pourtant la culture, dans les environs de la ville, n’a pas laissé de traces bien apparentes dans les textes. En tout état de cause, élevage et culture de plantes textiles sont répandus en divers lieux sans y susciter la naissance d’un artisanat aussi dynamique qu’ici ; aussi faut-il y chercher une autre explication, qui nous échappe encore. On notera d’ailleurs qu’après 1375, Brun n’a plus trouvé qu’un texte sur la corporation du cuir – une banale confirmation de 1442 – alors que sur celle des tisserands, il y en a pléthore au XVe siècle. On peut se demander s’il n’y a pas eu à cette époque une division du travail entre Belfort (métiers du cuir)70 et Masevaux (textile).

Molsheim

47 Collégiale : voir ci-dessous, hôpital.

48 Couvent de femmes : en 1287, un légat charge le provincial dominicain de Teutonie d’accueillir dans son ordre les « sœurs de Molsheim »71. Comme à Obernai, leur couvent n’est plus mentionné par la suite ; il pourrait s’agir du béguinage cité à Molsheim vers 1300, en 1313, et jusqu’en 150172 – mais dont les liens avec les Dominicains ne sont pas attestés73. – Ces derniers ont une maison de quête à M. en 1297 et 134674.

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49 Paroisse : Molsheim dépend à l’origine de l’église-mère du Dompeter, isolée dans les champs près d’Avolsheim, à 2 km au NNE de la ville75. Mais il y a aussi une église Saint- Georges en ville, liée à la cour domaniale de l’évêque (Fronhof), attestée dès 1198 par une allusion à son cimetière fortifié76, et appelée plus tard die Oberkirche77. Cette église, démolie autour de 1800, avait trois nefs, deux tours aux bouts E des collatéraux et deux tourelles d’escalier sur la façade W78. C’était donc un édifice imposant, qui remontait au moins au XIIIe siècle, et qui devait de facto être la paroissiale dès cette époque – dès 1221 selon Barth79. Le texte de 1337 qui affirme que « le Dompeter est l’église-mère de la chapelle de Molsheim »80 ne fait que rappeler des droits qui ne correspondent plus à la réalité, comme à Eguisheim et Lauterbourg.

50 Commune : Frédéric II accorde en 1220 et confirme en 1236 aux cives de Mollesheim des franchises81, qui se présentent comme la confirmation des droits dont ils jouissaient déjà sous ses prédécesseurs, mais qui n’ont pas empêché l’évêque de Strasbourg de prendre le contrôle de la ville. En 1243, la commune est capable de présenter à l’évêque une charte de 1194, ce qui montre qu’elle a un embryon d’archives82. Six jurés sont attestés en 1262 et 1263, quatre Stettmeister en 1350 83. Bien que les franchises de 1220 aient accordé la liberté personnelle à tous les bourgeois, le Magistrat, en 1399, reconnaît qu’ils sont mainmortables84.

51 Sceau attesté depuis 126385.

52 Centre administratif : un Schultheiß est mentionné dès avant 1191 86, un bailli en 1217 et 1221, mais plus par la suite avant 137487, un receveur (Schaffner) sans doute en 1234, puis souvent à partir de 131488. Au milieu du XIVe siècle, le receveur de Molsheim est un des six principaux officiers de la seigneurie épiscopale89 ; le bailliage de Molsheim est expressément cité en 135790.

53 Résidence, château : en 1384, l’évêque engage sa maison de pierre, bâtie sur une cave dite Pfaltzekeller ... uff dem Fronhof91. Or, en 1221, l’empereur et l’évêque se disputent, en même temps que le droit de patronat, une cour et une maison de pierre à Molsheim92. Le Fronhof de 1384 est sûrement la cour de 1221, la domus lapidea est sans doute la même aux deux dates, et le nom de sa cave en 1384 semble garder le souvenir d’un palais épiscopal dont la maison de pierre aurait été le bâtiment d’apparat. Si tel est le cas, il faut croire que ce palais a été précocement désaffecté, car il ne porte déjà plus ce nom en 1221, et on ne trouve guère de traces de séjours qu’y aurait faits l’évêque93. Il remonterait donc au moins au XIIe siècle. Or, à cette époque, Molsheim avait un cimetière fortifié, attesté en 1198, et par des mentions tardives de « celliers »94. Ici comme à Epfig et à Châtenois, le logis et la cour de l’évêque étaient dans l’enclos du cimetière95 – ou, si l’on préfère, le cimetière et la cour seigneuriale étaient entourés d’une enceinte commune, qui en faisait à la fois le refuge des habitants et le château de l’évêque. Toutefois, le terme de château est ici sujet à caution, dans la mesure où aucun texte ne l’emploie, et où la fortification elle-même se déduit uniquement d’une allusion indirecte96. La discrétion des sources tient sans doute à ce qu’une fois incluse dans l’enceinte urbaine, dans la première moitié du XIIIe siècle, la fortification du cimetière (ou du palais) a dû perdre son intérêt et être désaffectée.

54 En tout cas, l’évêque Johann von Dirbheim (1306-28) n’a pas cherché à la moderniser, mais s’est bâti un château à l’autre bout de la ville. Lorsqu’on a démoli sa maîtresse tour en 1766, on a découvert une inscription selon laquelle il avait édifié hoc opus en 132497. En même temps, et non loin de ce nouveau château, il fonde un hôpital, qui prend rapidement l’allure d’une collégiale sans le titre (voir plus loin). Cela semble indiquer

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qu’il avait l’intention de faire de Molsheim sa principale résidence. Ses successeurs n’ont pas poursuivi cette politique, privilégiant qui Dachstein, qui Saverne ; mais tous ont fréquemment séjourné à Molsheim.

55 Enceinte : en 1198, Philippe de Souabe prend Molsheim d’assaut98, ce qui atteste une fortification, mais rien ne prouve qu’elle ait été en maçonnerie. En 1254, l’évêque Heinrich autorise la commune à utiliser les droits qu’elle tient de son prédécesseur Bertold (1223-44) pour la réparation de son enceinte99, ce qui implique que celle-ci existe déjà depuis un certain temps. Pourtant, en 1262, les habitants (populus eiusdem opidi) ne lui font pas confiance, puisqu’ils acceptent de payer une rançon collective aux Strasbourgeois plutôt que de leur résister100 – les murailles étaient-elles inachevées ? Quelques mois après, l’évêque Walter institue un Ungeld à Molsheim « aussi longtemps qu’il sera nécessaire pour les travaux de la ville, le creusement des fossés », etc.101. Selon les chroniques, c’est seulement sous l’évêque Johann (1306-28) que l’enceinte aurait été achevée102. Sans doute faut-il comprendre qu’il l’a agrandie vers l’Est, car à sa fondation, l’hôpital est dit extra muros en 1317, mais in opido nostro Mollesheim en 1318103, ce qui correspond à la situation ultérieure. G. Oswald a plausiblement tenté de restituer le tracé primitif de l’enceinte104. Elle aurait renfermé une superficie de l’ordre de 22 à 25 ha, tandis que celle du XIVe siècle en enserre env. 26 à 29105.

56 Juifs : l’abbaye de Hesse doit 18 lb. « au Juif de Molsheim » d’après un état de ses dettes que son éditeur place entre 1255 en 1349, ce qui ne l’empêche pas d’en parler souvent comme d’une source du XIIIe siècle106. En 1308, Henri VII cède à l’évêque tous les Juifs de Rhinau et de Molsheim107. Ces derniers, à qui l’évêque et le Chapitre avaient promis leur protection en 1340, ont peut-être dû fuir la ville en 1349108.

57 Synagogue attestée en 1343, ce dont D. Fischer conclut abusivement que sa construction a été autorisée par l’évêque Bertold von Buchegg (1328-53)109. Il reste un fragment (non daté, 1re moitié du XIV e siècle) d’une inscription en l’honneur de son fondateur110.

58 Hôpital fondé par l’évêque Johann en 1316-19111. Bien qu’il soit présenté comme destiné aux pauvres et aux malades112, son activité caritative n’a guère laissé de traces écrites ; en revanche, il est doté dès 1326 de sept prébendes sacerdotales ; son sceau le désigne comme « chapitre de l’hôpital » et il a à sa tête un doyen113. C’est à juste titre que G.Oswald y voit « une sorte de chapitre inachevé ». Or une collégiale faisait fréquemment partie de l’équipement d’une résidence aristocratique. Dans la région, les exemples de Dachstein, Saverne, Lützelstein, Sarrewerden et Fénétrange sont tous plus tardifs ; mais le royaume de France en fournit beaucoup qui remontent jusqu’au XIIe siècle. Quoi qu’il en soit, on est très tenté de faire le lien entre la fondation de ce crypto-chapitre et celle du château, et d’y voir deux effets de la même volonté de mettre Molsheim au premier rang des résidences épiscopales114. Johann von Dirbheim a eu l’élégance de se soucier des pauvres et du culte avant de bâtir pour lui-même.

59 Léproserie citée en 1298 et vers 1345115.

60 Péage : le theloneum qui vers 1345 est affermé pour env. 18 lb. par an 116 est très probablement un droit de marché et non un péage.

61 Marché : une maison prope forum est citée dans le livre des fiefs de l’évêque Johann (1306-28), probablement en 1306 ou peu après, et d’autres an dem kornmerckete vers 1345117.

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62 Grand commerce : les franchises de 1220 exemptent les habitants de péage à Strasbourg et autres villes d’Empire (sauf de celui qu’ils payaient déjà au XIIe siècle)118 ; on ignore l’usage qu’ils ont fait de ce privilège.

63 Monnaie : l’atelier monétaire de l’évêque à Molsheim n’aurait été actif que peu de temps, sans doute dans le deuxième quart du XIIIe siècle119. Une famille Monetarius/ Münser s’y rencontre depuis 1271120.

64 Corporations : la domus fabrorum attestée vers 1345121 est probablement le poêle de la corporation des forgerons. Ceux des bouchers et des tanneurs n’apparaissent qu’en 1416 et 1450122.

65 Évaluation : 7 points en 1250 (paroisse, commune, enceinte > 10 ha, grand commerce, monnaie), 10 en 1300 (sceau, Juifs, léproserie, marché, monnaie), 19 en 1350 (quasi- chapitre, centre administratif, résidence, château, enceinte > 25 ha, synagogue, hôpital, 2e marché, corporation).

Mulhouse

66 Augustins : en 1268, comme leur terrain est trop petit, la commune les autorise à étendre leurs bâtiments jusqu’au milieu du ruisseau, et l’Ordre de Saint-Jean leur baille quatre parcelles voisines123. De 1268 à 1271, plusieurs évêques leur accordent des indulgences pour favoriser leur chantier124.

67 Franciscains : Tschamser écrit qu’ils se sont établis à Mulhouse à la fois en 1231, sur une parcelle acquise de Schoenensteinbach, et en 1260, sur un terrain offert par l’évêque Walter125 ! Moeder est enclin à accepter cette seconde date, tout en soulignant que la première mention d’archives est de 1297126. Une chronique franciscaine écrite vers 1327 donne la date de 1285 127.

68 Dominicains : ceux de Bâle ont à Mulhouse une importante maison de quête, qu’ils agrandissent encore en 1291 ; mais c’est à tort que Himly en fait un couvent128.

69 Clarisses : selon Tschamser, leur couvent aurait été fondé en 1283 par la noble Maria von Altkirch et construit en 1285129. Mais une famille noble d’Altkirch n’est pas connue à cette date, et le prénom de Maria est inusité au XIIIe siècle. Néanmoins, Moeder juge ces dates plausibles, car la première mention sûre est un bref de 1306, qui ordonne de faire restituer aux Clarisses des biens illégalement aliénés, ce qui implique que leur couvent existe déjà depuis quelque temps130.

70 Béguines : une maison de Tertiaires franciscaines est fondée en 1326131. Les autres béguinages que cite Moeder ne sont pas des institutions, mais simplement des maisons où vivent une ou deux béguines132. Des bégards (willig armen) sont attestés en 1375 et 1433133.

71 Commanderie teutonique : en 1232, le roi Heinrich (VII) confirme à l’ordre teutonique la donation d’un ancien Schultheiß de Mulhouse 134. Un Teutonique de Mulhouse est témoin à Bâle en 1235135. Un conflit entre les bourgeois et les « frères de l’ordre teutonique dans notre ville » sur un moulin est résolu en 1236136. Moeder admet l’existence d’une commanderie à cette date, bien qu’à strictement parler elle ne soit attestée qu’en 1264, voire en 1272137.

72 Commanderie de Saint-Jean : les Hospitaliers ont à Mulhouse une « maison », dirigée en 1249 par un « maître », en 1263 par un commandeur138, qui par la suite sera souvent

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en même temps celui de Soultz139. En 1269, leur église est consacrée et dotée d’indulgences140.

73 L’église paroissiale Saint-Etienne de la ville basse est en tout cas antérieure à 1003 141. La première mention de son curé est de 1187142. Dès le milieu du XIIe siècle, elle avait trois nefs143.

74 Moeder n’est pas convaincant lorsqu’il considère l’église des Hospitaliers, dans la ville haute, comme une ancienne paroissiale144 : l’abside semi-circulaire qu’une « fouille » de 1894 a mise au jour n’est pas forcément aussi ancienne qu’il le croit, et rien n’indique que le puits trouvé en 1894 et 1954 ait servi à des baptêmes ; enfin, Moeder suppose que l’église était dédiée à l’origine à saint Jean-Baptiste, puis à saint Etienne, dont le vocable aurait été transféré au XIIe siècle à l’église de la ville basse, laissant à nouveau la place à saint Jean-Baptiste ! C’est contraire à toute vraisemblance, et au total, l’existence d’une seconde paroisse dans la ville haute n’est nullement avérée.

75 Cours abbatiales : la cour de Lucelle, près de la porte de Bâle, a été bâtie en 1224 contre l’enceinte urbaine, probablement en même temps que celle-ci, et était occupée en permanence par 2 à 4 moines ; sa chapelle, citée depuis 1267, est sans doute aussi vieille qu’elle145. La cour de Schoenensteinbach, citée en 1286, n’a guère duré146.

76 Commune : Mulhouse est appelé civitas en 1223 et 1231 147. En 1227, le landgrave écrit « au Schultheiß, au Vogt et aux conseillers de Mulhouse » 148. C’est l’unique mention de consiliarii, et il ne sera plus question d’un Conseil jusqu’en 1265. Moeder croit néanmoins qu’il a existé sans interruption, sauf peut-être pendant la brève domination de l’évêque autour de 1260149. En 1236, les bourgeois de Mulhouse émettent (mais ne scellent pas) la charte par laquelle ils mettent fin à leur litige avec l’ordre teutonique sur un moulin150, et en 1246, ils s’allient à ceux de Bâle pour s’emparer du château de Landser151. En 1265, Mulhouse a 12 consules, et en 1338 et 1347 un bourgmestre reconnu par le souverain152 ; celui-ci a accordé à la ville un privilège de non evocando en 1275 et des franchises étendues en 1293153. 77 Sceau mentionné en 1266 154.

78 Centre administratif : l’advocatus attesté à Mulhouse de 1227 à 1240 155 n’est évidemment pas un avoué, comme le comprend Moeder156, mais pas davantage un bailli, car il n’y a pas dans le Sud de l’Alsace d’autres biens d’Empire qu’il serait susceptible d’administrer. Moeder considère que sa seule fonction est l’exercice de la haute justice en ville, et que, comme à Haguenau et à Sélestat, il la perd rapidement au profit du Schultheiß, à l’origine limité à la basse justice.

79 Le secrétaire de la ville n’est pas mentionné avant 1366 157 ; mais en 1266, le maître d’école est en même temps juriste au service de la ville, et en 1304, il fait fonction de notaire, bien qu’il n’ait ni seing manuel ni sceau158. En 1369, le maître d’école est aussi notaire impérial, et Johann Heinrici, le premier secrétaire de la ville attesté par une charte (1378), est aussi rector scolarium159. Au total, le Mulhouse du XIIIe et du XIVe siècle évoque ces villages du XIXe siècle où l’instituteur était eo ipso secrétaire de mairie.

80 Du château de l’évêque de Strasbourg, la première mention est celle de sa destruction par les bourgeois, alliés à Rudolf von Habsburg, en 1262160. Il n’a sans doute existé que peu de temps.

81 Enceinte : Moeder la date autour de 1224, avec de bons arguments ; car Mulhouse est appelé civitas en 1223 et 1236, mais villa encore en 1224161. La construction de la cour de Lucelle, contre la muraille, en 1224, est apparemment une réaction rapide à l’érection

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de celle-ci162. Dès 1231, neuf nobles acceptent la perspective d’être otages à Mulhouse163. Rüdiger zum Tor y est cité en 1236164. Il est vrai qu’en 1246, il est encore question de biens « à l’intérieur des palissades de Mulhouse »165 – faut-il comprendre que la ville n’a encore qu’une enceinte de bois ? ou que ces palissades sont un Etter, entourant les jardins hors les murs ?

82 Superficie : Himly l’estime à 33 ha – en contradiction avec son propre plan, mais peut- être à raison166.

83 Juifs : en 1290, le roi Rudolf remet à la ville les 200 marcs d’argent qu’elle devait au Juif Salman de Neuenburg, dont il a confisqué les biens. Il n’est certes pas prouvé que Salman habitait à Mulhouse, mais à la fin du XIIIe siècle, Robin iudeus doit un cens à Lucelle pour sa maison dans cette ville. Les Juifs y sont persécutés en 1338 et 1349167.

84 Synagogue attestée en 1311168.

85 Le cimetière juif de Rixheim, à 5 km de Mulhouse, mentionné en 1327, était sans doute en première ligne celui des Juifs de cette ville, bien qu’il ait été qualifié récemment de « cimetière central sans rapport avec une communauté urbaine »169. Car à Rixheim même, on ne trouve pas de Juifs avant le XVIe siècle.

86 L’hôpital existe en 1316170. La chapelle Sainte-Catherine, connue depuis 1314, est celle de la léproserie en 1338 et plus tard171.

87 L’école est fréquemment attestée à partir de 1266 ; elle passe sous le contrôle de la commune en 1297172.

88 Un bain existe dès 1264173.

89 Péage : le Schultheiß de Mulhouse vend à la ville en 1368 le zoll qu’il perçoit au nom de l’Empire « aux ponts et aux marchés »174, mais il est bien improbable qu’il s’agisse d’un péage.

90 Les foires, selon Moeder, pourraient remonter au XIIe siècle ; mais il ne donne ni argument, ni première mention175.

91 Grand commerce : les franchises de 1293 exemptent les marchands de Mulhouse de péage dans toutes les villes de l’Empire176.

92 Du marché, Moeder pense également qu’il remonte au dernier quart du XIIe siècle, dans la logique de sa thèse sur la fondation d’une agglomération marchande par Frédéric Barberousse177 ; c’est possible, d’autant plus que la halle aux draps, citée dès 1266, est au cimetière, qui est en même temps la place du marché178. Mais pour des indices précis, il faut attendre la fin du XIIIe siècle : les franchises de 1293 confient à la commune le contrôle des poids et mesures, et une mesure locale apparaît en 1303 pour les grains, en 1311 pour l’argent179. Un second marché, instauré en 1387 ou 1397 dans la ville haute, peu peuplée, n’a pas duré180.

93 Halles : la watschale citée en 1266 est une halle aux draps, qui se trouvait au cimetière181 ; mais elle a été déplacée entre 1346 et 1377, sans doute à l’emplacement du koufhus cité depuis 1417182. Une boucherie est attestée depuis 1268183, et une brotschale – halle au pain ou simple étal de boulanger ? – en 1335184.

94 Corporations : leurs maîtres sont cités depuis 1314 et ont dès ce moment un rôle politique185. Le poêle des bouchers existe en 1342, celui des tailleurs au XVe siècle186. Le nombre des corporations ne semble pas connu pour le XIVe siècle ; il passe de sept à six avant 1449187.

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95 Évaluation : 6 points en 1250 (paroisse, commune, enceinte > 25 ha), 23 en 1300 (2 commanderies, 2 couvents mendiants, Clarisses, sceau, notaire, Juifs, école, bain, commerce, marché, 2 halles), 27 en 1350 (Tertiaires, synagogue, cimetière juif, hôpital, corporations).

Munster

96 Abbaye bénédictine Saint-Grégoire, fondée vers 660188 ; c’est à elle que la ville doit son nom, ses armes (une façade d’église) et son identité, qui s’est forgée dans le combat séculaire de la commune contre les moines, comme p. ex. à Wissembourg et à Seltz.

97 Chapitre de chanoines (certainement dépendant de l’abbaye, à l’instar de Notre-Dame de Murbach) sporadiquement mentionné au XIIIe siècle189.

98 Paroisse Saint-Léger attestée par des mentions de son pléban à partir de 1183 190, incorporée à l’abbaye en 1260191. L’église, située hors de la ville à l’E, brûle avec elle en 1354, ce qui donne à penser qu’elle n’était pas isolée192.

99 Commune attestée en 1287193 par une charte à laquelle elle append son sceau194. C’est une communauté de vallée, comme à Andlau et Masevaux, mais ses habitants sont appelés « bourgeois » en 1291 et 1293195. Un Stettmeister est cité en 1328, 1351 et 1353196. Le conseil siège d’abord à l’abbaye ; en 1328, l’abbé met à sa disposition une maison pour servir d’hôtel de ville (ratstube)197. La charte de 1287 fait allusion à des franchises, dont le texte (s’il a existé) est perdu ; en 1354, Munster se voit conférer le droit de Colmar198.

100 Centre administratif : un Schultheiß est attesté dès 1183, un bailli (vogt), qui administre aussi Turkheim et Wintzenheim, depuis 1287199. Dans la première moitié du XIVe siècle, Steinung von Münster est bailli à la fois de Munster et de Kaysersberg, mais c’est l’exception.

101 Secrétaire de la ville : il n’apparaît qu’au début du XVe siècle200.

102 Enceinte : Bresch parle sans source de « fossés et un double [!] mur d’enceinte exécutés d’après les plans [!!] adoptés en 1308 ». Il a été suivi sans critique par R. Schmitt et Himly201. Mais dès 1304, Monasterium vallis S. Gregorii est cité avec quatre autres opida202 ; et en 1303, la mention de bourgeois « résidant à l’intérieur ou à l’extérieur de la ville » 203 semble faire référence à l’enceinte. Bien plus, la mention d’une ville (stat) en 1287 est presque certainement à comprendre comme « localité entourée d’une fortification maçonnée », car tel est le sens que prend le mot stat en Alsace dans la deuxième moitié du XIIIe siècle204. Pour la superficie de la ville, les indications de Himly étant contradictoires, il vaut mieux se fonder sur le plan de R. Schmitt, d’après lequel elle serait d’env. 5 ha205.

103 Juifs : en 1313, le Juif Anselm de Munster est bourgeois de Colmar206. Des pogroms sont attestés en 1338 et 1348/49207. C’est sûrement à la suite du premier que l’empereur Ludwig confère à Hanemann von Hattstatt la maison à Munster qui lui est échue du Juif Bonami208.

104 Hôpital : ses biens sont mentionnés en 1252 et 1281 209. Le traité de 1339 entre l’abbé et la ville montre qu’il s’agit d’un hôpital abbatial, en principe réservé aux natifs du Val210. La léproserie est mentionnée dans un obituaire de la fin du XIIIe siècle, continué au XIVe siècle211.

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105 École : un écôlatre est cité en 1261212, et des écoliers dans une partie du traité de 1339 qui a toutes les chances d’être reprise d’un Weistum antérieur213.

106 Marché : le traité de 1339 mentionne un zoller, qui ne lève pas un péage – lequel, en l’absence d’une route transvosgienne, serait peu probable – mais des taxes sur les transactions214, ce qui prouve l’existence d’un marché. Or le thelonearius attesté en 1261 avait sûrement déjà la même fonction 215. En revanche, la Laube n’est citée que vers 1456216, et dans le traité de 1339, sant Gregorien messe et sant Martins messe signifient « la fête [et non la foire] de saint Grégoire et de saint Martin ».

107 Corporations : le traité de 1339 en évoque une (celle des bouchers ? et des tanneurs et cordonniers ??)217, mais on n’en trouve plus mention par la suite218.

108 Évaluation : 3 points en 1200 (abbaye, paroisse), 4 en 1250 (hôpital), 12 en 1300 (chapitre, commune, sceau, centre adm., enceinte, école, marché), 14 en 1350 (Juifs, corporation).

Neuwiller

109 Abbaye bénédictine Saints-Pierre-et-Paul fondée avant 740219.

110 Chapitre de chanoines séculiers Saint-Adelphe fondé avant 1147220.

111 Paroisse : la première mention d’un parrochianus ou plebanus sacerdos (à Saint-Adelphe, d’après le contexte) est de 1162221. Selon Barth, Saint-Adelphe serait devenu paroisse « vers 1100 » [?], succédant à une première et « précoce » église paroissiale Saint-Jean- Baptiste222.

112 Pèlerinage à Saint-Adelphe attesté pour la 1 re moitié du IXe siècle, mais avec un rayonnement exclusivement régional223, et qui aurait duré jusqu’en 1622 au moins224. Burg considère le reliquaire de la fin du XIIIe siècle comme preuve de la prospérité du pèlerinage à cette époque, et croit sans raison valable qu’il décline au XIVe siècle225.

113 Commune : l’existence de son sceau (ci-dessous) prouve qu’elle existe dès 1299 ; ses différents organes apparaissent en 1321226. L’empereur Ludwig lui confère en 1337 les franchises de Haguenau227. Un Stettmeister apparaît en 1444 et 1445228.

114 Sceau : « les bourgeois de Neuwiller » scellent une charte en 1299229.

115 Centre administratif : en 1289, les franchises de Diemeringen prévoient des amendes « conformes au droit de Neuwiller, car c’est là qu’ils vont en appel »230. C’est pour l’instant le seul témoignage connu du rayonnement de la cour et du droit de Neuwiller. Ce dernier est inconnu, il a dû être oblitéré par celui de Haguenau conféré à Neuwiller en 1337.

116 Un Waltherus advocatus [de Neuwiller ?] est mentionné en 1247, mais aucun autre bailli n’est connu avant Wolperlin (1380-95)231.

117 Un notaire apparaît en 1313, un secrétaire de la ville en 1327 et 1343. L’échevinage de Neuwiller fonctionne au moins depuis 1426232.

118 Le château des Lichtenberg est attesté depuis 1361233.

119 Enceinte : Neuwiller est qualifié d’opidum depuis 1260 234. En 1321, l’abbé s’engage à fournir du bois aux bourgeois pour les fortifications235. L’autorisation de fortifier Neuwiller, accordée par l’empereur Ludwig à Johann von Lichtenberg en 13[30]236, est

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en tout cas rétrospective. La superficie intra muros, que Himly évalue à 14 ha, semble ne dépasser que de très peu les 10 ha.

120 Juifs : en 1322, l’empereur Ludwig engage à un chevalier le Juif Joseph de Neuwiller237. Pogrom en 1348/49.

121 La synagogue apparaît en 1335238.

122 Hôpital : en 1256, les Lichtenberg donnent à l’abbaye une rente de vingt quartauts de grain, dont cinq pour son hôpital239. L’existence de l’hôpital bourgeois affirmée par Himly240 n’est nullement prouvée : parmi les mentions qu’il en allègue, il n’y en a aucune dont on puisse exclure qu’elle se rapporte à l’hôpital monastique.

123 École : Saint-Adelphe a un écolâtre en 1278 et 1324241.

124 Bain attesté en 1342 et 1344242.

125 Péage : le roi Wenzel concède à Johann von Lichtenberg en 1381 un péage de 2 ß par foudre de vin à Neuwiller et Weiterswiller (sur la Lampartische Straße de Flandre en Italie)243.

126 Marché : la rue du marché est citée en 1321 et 1349, le marché lui-même en 1335 et 1344, un marché au fromage en 1480244.

127 Halles : une boucherie est attestée depuis 1330245, une halle au lait (?) en 1354 (?) et 1409246.

128 Évaluation : 3 points en 1150 (abbaye, chapitre), 4 en 1200 (paroisse), 5 en 1250 (hôpital), 11 en 1300 (commune, sceau, enceinte > 10 ha, école), 17 en 1350 (notaire, Juifs, synagogue, bain, marché, halle).

Obernai

129 Un couvent d’Augustines, apparu en 1231, est soumis aux Dominicains en 1246, après quoi, comme à Molsheim, on n’en entend plus parler jusqu’en 1436, date à laquelle il est déjà abandonné ; on apprend alors qu’il était voisin du reclusoir de Saint-Nicolas uff Gruß247. Ce dernier en aurait-il pris la succession ? Situé hors de la ville au SE, il apparaît en 1326, compte sept recluses en 1377 et est fermé en 1398248. Un béguinage (Luckersgotzhus) est fondé en ville avant 1336249.

130 Église paroissiale : bien qu’elle ne soit mentionnée qu’au XIIIe siècle (expressément en 1297, implicitement en 1240 par la présence de son patron sur le premier sceau de la ville), Gyss a raison de la mettre en rapport avec la curia publica des ducs d’Alsace, le futur Selhof250. Elle est comme lui extra muros, ce qui explique la construction intra muros d’une chapelle Notre-Dame, la future Kapellkirche, dont la première mention est de 1285251. Avant sa destruction en 1867, l’église paroissiale était romane (troisième quart du XIIe siècle ?) ; elle avait une crypte et probablement trois nefs252.

131 À 500 m à l’Ouest de la ville, une église Saint-Jean-Baptiste, paroissiale en 1371 et sans doute bien avant, connue depuis 1251 sous le nom d’Oberkirche, remonte au moins au XIe siècle253. C’est celle d’un habitat dit Oberlinden, attesté depuis 1202, et qui, au Moyen Âge, semble avoir toujours fait partie du ban d’Obernai254.

132 Commune : sa première manifestation est de sceller, en 1240, un arbitrage concernant celle de Rosheim255. En 1276, elle est représentée par un Schultheiß, deux heimbürgen et 12 hommes sans titre, en 1299 par 13 jurés (dont 4 chevaliers), en 1312 par le Schultheiß,

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le Heimbürge et les potiores universitatis256. Le Conseil apparaît en 1327, et le [Bürger]meister dès 1330 ; en 1350, six meister sont élus pour dix ans257.

133 Sceau attesté depuis 1240258.

134 Centre administratif : Gyss suppose avec quelque vraisemblance que le Selhof – cour de l’abbaye de Hohenburg, incluant l’église paroissiale et la justice sur les nobles – lui été a donnée par le duc Eticho, et qu’il s’agit donc à l’origine d’un fisc royal259. Au XIIe siècle, les Hohenstaufen, avoués de Hohenburg, ne font à Obernai que deux séjours bien attestés, en 1178 et 1196260 ; c’est assez pour supposer qu’ils se sont approprié le Selhof, mais non pour admettre qu’ils ont eu un château à Obernai. Toutefois, la localité était un centre de leur administration, puisqu’on y trouve de nombreux ministériaux d’Empire et qu’elle figure dans le Reichssteuerverzeichnis de 1241 pour un montant élevé. Rudolf von Habsburg séjourne encore à Obernai en 1281, 1282 et 1285261.

135 Notaire : Otto notarius de Ehenheim est témoin en 1240, mais un secrétaire de la ville n’est connu que depuis 1381262.

136 Le château d’Obernai n’a pas vraiment été inventé par Gyss 263, mais c’est lui qui a donné une apparence de plausibilité à un ensemble disparate de traditions locales, de sources tardives264 et de vestiges peu probants, en les reliant à de très rares séjours royaux (ci-dessus), et à des fiefs « castraux » destinés (certains explicitement) à la défense de la ville265. Au total, l’existence de ce château reste à prouver.

137 Enceinte : en 1262, « Obernai n’est pas encore protégé par un mur », mais celui-ci existe en 1283266. En 1292, le prix d’un communal vendu par la ville sert à financer l’enceinte extérieure267, qui est par conséquent beaucoup plus précoce ici qu’ailleurs. Aussi bien l’hôpital, qui en 1314 doit être construit infra muros, est-il vers le milieu du XIVe siècle décrit comme « situé entre les enceintes près du Selhof »268, ce qui correspond à l’emplacement qu’il occupe encore de nos jours. Himly indique une superficie de 27 ha, qui inclut l’enceinte extérieure, la Merzgasse (faubourg W) et au N le Selhof, tous deux fortifiés au XVe siècle ; si on les exclut, il reste au maximum 11-12 ha à l’intérieur de la première enceinte (13 selon Fein), et 14-15 à l’intérieur de la seconde, du moins si l’on suppose correcte l’échelle du plan de Himly269.

138 Juifs : en 1215, donc bien avant qu’Obernai ait une enceinte de pierre, on y trouve des Juifs, auprès desquels le couvent de Saint-Léonard est endetté. En 1339, la ville a une amende à payer au sujet des Juifs ; elle leur a fait des torts non précisés en ou avant 1347, et un pogrom a lieu en 1349 ; mais des Juifs habitent à nouveau à Obernai à partir de 1380270.

139 Synagogue : un cens est dû von der judenschule vers le milieu du XIV e siècle ; mais en 1391, c’est sur l’ancienne synagogue qu’un chrétien vend une rente271.

140 L’hôpital est fondé en 1314, sa prébende saint Erhard en 1319 ; il a un maître en 1339272.

141 École : à part deux mentions non datées dans le nécrologe de la paroisse, elle n’apparaît qu’au XVe siècle273.

142 Bains : une rente est vendue sur leur parcelle en 1323 ; les statuts municipaux (du milieu plutôt que de la fin ?) du XIVe siècle évoquent la nider badestube, ce qui prouve qu’il en existe une autre274.

143 Halles : la Laube attestée depuis 1330 sert au tribunal. La boucherie est citée en 1397, et c’est sans date que Gyss évoque un Kaufhaus275.

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144 Draperie : en 1390, les tisserands d’Obernai – dont c’est la première mention – adhèrent à un accord entre ceux de Strasbourg, Haguenau et Saverne; mais leur règlement de 1391 se réfère à la longue tradition du métier276, sans qu’on puisse affirmer qu’il jouait déjà un rôle en 1350.

145 Marché : le roi Albrecht privilégie en 1301 un marché qui selon toute apparence existait déjà (le jeudi)277.

146 Corporations : leurs maîtres, dont le nombre n’est pas précisé, ont un rôle politique à partir de 1348278. Il y aurait neuf Zunftmeister au début du XV e siècle, et au moins cinq poêles de corporations au XVe siècle.

147 Évaluation : 8 points en 1250 (paroisse, couvent de femmes, commune, sceau, centre adm., notaire, Juifs), 11 en 1300 (enceinte > 10 ha, marché), 15 en 1350 (synagogue, hôpital, bain, corporations).

Rhinau

148 Collégiale : celle de Honau est transférée à Rhinau en 1290, puis à Strasbourg (Saint- Pierre-le-Vieux) en 1398, dans les deu cas à la suite d’inondations du Rhin279.

149 Commanderie Saint-Jean attestée en 1264, incorporée à celle de Dorlisheim vers le milieu du XIVe siècle280.

150 Reclusoir attesté en 1328 et 1371, sans doute identique à la samenunge mentionnée en 1362281.

151 Maisons de quête (Herbergen) : les Franciscains de Sélestat, en 1295 et 1365, et les Dominicains de la même ville, en 1391 et 1365, en avaient une à Rhinau282.

152 Paroisse attestée en 1265 par une mention de son pléban283.

153 Commune : mentionnée vers 1261/63, elle a un conseil en 1267284, et un sceau dès les années 1260285.

154 Centre administratif : le bailli cité de 1283 à 1301 n’a pas forcément un rayon d’action plus étendu que la commune286, et par la suite son titre ne reparaît qu’au XVe siècle.

155 Château : il apparaît en 1236 et vers 1345287. Il a disparu au XVe siècle, époque à laquelle toutes les mentions d’un sloß Rinowe désignent la ville.

156 Enceinte : Rhinau est appelé oppidum depuis 1219 et civitas depuis 1223. L’enceinte est mentionnée en 1284, un faubourg en 1371288. Sa superficie est impossible à estimer, la ville médiévale ayant été emportée par le Rhin.

157 Juifs : une maison de pierre à Rhinau est vendue au Juif Samuel en 1294 ; en 1308, Heinrich VII cède à l’évêque de Strasbourg les Juifs de Rhinau et de Molsheim289.

158 Hôpital : qu’une indulgence soit accordée à « l’hôpital Saint-Jean de Rhinau » en 1264 est en soi peu probant, de même que des mentions de biens de l’hôpital du lieu en 1282-83290 : il pourrait s’agir de dénominations conventionnelles pour la commanderie de Saint-Jean. Mais en 1278, Conrad Tanz lègue quatre lits « à l’hôpital de Rhinau »291 : cette fois, la nature du legs ne laisse pas de doute. Or, en 1345, une lettre d’indulgence est accordée « à l’hôpital nouvellement fondé de la ville de Rhinau »292 ; son initiale enluminée figure saint Barthélémy – à qui, en 1501, est dédiée la chapelle de l’hôpital bourgeois de Rhinau293. La ville a donc eu deux hôpitaux successifs, et le premier, bien

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que cela ne soit pas dans leurs habitudes, a sans doute été tenu par les chevaliers de Saint-Jean294.

159 École : ses maîtres sont cités en 1275 et 1301295. Par ailleurs, le chapitre Saint-Michel a un écolâtre ; le premier connu est déjà mort en 1301296.

160 Un bain est cité en 1324, une rente sur le bain du bailli † Gosse en 1328, un « nouveau bain » en 1383297.

161 Péage : vers 1345, l’Ungeld est baillé pour 50 lb., l’office de Schultheiß et le theloneum pour 18 lb.298 ; ce dernier semble donc être une taxe sur les transactions du marché. Mais lorsqu’en 1429, l’évêque engage « notre ville de Rhinau avec le bac sur le Rhin et le zoll »299, il doit plutôt s’agir d’un péage. En 1422, les Strasbourgeois sont exempts « depuis longtemps » du zoll de Rhinau300.

162 Marché : le lieu-dit Merketbruke, attesté en 1294 et vers 1345301, ne serait pas probant sans les mentions contemporaines d’un zoll et de halles. On s’attendrait à ce que Rhinau ait un port, mais il n’est pas attesté – lacune des sources ou des recherches ?

163 Halles : un acte est passé en 1294 sous la Laube302 – qui ne servait pas forcément au marché à cette date, mais c’est le cas au XIVe siècle. Une halle aux draps et une boucherie sont mentionnées en 1362303. 164 Corporations : sept zunftmeister apparaissent en 1420 304.

165 Évaluation : 2 points en 1250 (château, enceinte), 14 en 1300 (collégiale, commanderie, paroisse, commune, sceau, Juifs, hôpital, école, marché), 16 en 1350 (bain, halle). La comparaison avec Benfeld, Erstein et Markolsheim montre qu’aux XIIIe et XIVe siècles, Rhinau est la plus grande ville de la plaine entre Strasbourg et Sélestat. Mais la proximité du Rhin, cause probable de son rapide essor, lui a ensuite été fatale : il a fallu la déplacer, soit vers 1400, soit au XVIe siècle, voire même à deux reprises305. Ce destin est comparable à celui de Neuenburg en Brisgau306.

Ribeauvillé

166 Les Ermites de Saint-Augustin s’installent à Ribeauvillé en 1297307.

167 La prévôté bénédictine Saint-Morand, à faible distance en amont de la ville, est citée depuis 1306, mais sa chapelle a déjà obtenu une indulgence en 1297308. Deux moines de Saint-Morand d’Altkirch sont envoyés en 1312 « à la chapelle de Rappoltstein pour la réformer ». Un administrateur est cité en 1319, un prévôt en 1339309.

168 Un reclusoir est fondé pour quatre incluses en 1350-52310.

169 La paroisse Saint-Grégoire est ancienne, puisque qu’elle doit son saint patron à l’abbaye de Munster, dont les biens à Ribeauvillé sont attestés en 896, mais plus par la suite. Elle est expressément citée en 1284311.

170 Commune : les bourgeois, cités en 1293, forment en 1297 une universitas, encore dépourvue de sceau312. En 1298 la ville est partagée entre deux frères de Rappoltstein ; elle le restera jusqu’en 1362 et le sera à nouveau de 1373 à 1400. Le partage est topographique : en 1298, Anselm reçoit la vieille ville, Heinrich la ville neuve et le village en amont ; en 1373 les deux villes hautes échoient à Ulrich, les deux villes basses à son frère Bruno 313 ; Ribeauvillé forme alors deux communes. Le conseil de la ville basse est cité en 1324 et 1327, celui de la ville haute indirectement depuis 1319314.

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171 Sceau : celui de l’Oberstadt est attesté en 1319, celui de la Niederstadt en 1327, et peut- être dès 1324315.

172 Notaire : Werner der schriber est témoin à Ribeauvillé en 1317 ; les secrétaires des Rappoltstein sont cités en 1335 et 1336, celui de la ville à partir de 1401316.

173 Centre administratif, résidence, châteaux : Ribeauvillé est le chef-lieu de la seigneurie de Rappoltstein, la plus importante de la moitié Nord de la Haute-Alsace après celle de l’Empire317. Les sires de Rappoltstein résident à l’origine dans leurs châteaux au-dessus de la ville : Ulrichsburg et Hohrappoltstein remontent tous deux à la première moitié du XIe siècle, et Girsberg, attesté depuis 1288, semble une construction de la première moitié du XIIIe siècle318. Au XIVe, sans abandonner leurs châteaux de montagne, les Rappoltstein habitent aussi plusieurs hôtels en ville. Le plus connu comprend une tour et une chapelle Sainte-Marguerite, dans le cimetière de laquelle il est parfois localisé319; au XVe siècle, il devient le château des seigneurs en ville, au haut de l’Oberstadt et de l’ Oberdorf, à l’emplacement de l’actuel lycée320. La cour de l’autre branche dans la ville basse est depuis 1388 assimilée à un château321.

174 C’est seulement à partir des années 1370 que les Rappoltstein – ou plutôt leur cohéritier Heinrich von Saarwerden – ont à Ribeauvillé un bailli attesté322, mais ils y ont un Schaffner (procurator) dès avant 1241323.

175 Enceinte : la communis opinio qui veut que Ribeauvillé ait été fortifié entre 1284 et 1287 ne repose sur rien de solide. Lorsqu’en 1287 le roi assiège Rappoltstein et brûle Bergheim, Ribeauvillé n’est pas nommé. B. Bernhard en conclut audacieusement que la ville était déjà protégée par sa muraille. Quant à 1284, c’est la date d’une prétendue visite du roi Rudolf à ses cousins les Rappoltstein ; qu’il ait à ce moment autorisé la fortification est pure spéculation324. En fait, il n’est pas impossible que l’enceinte ait existé dès 1268325 ; on peut être sûr de son existence à partir de 1290, date à laquelle Ribeauvillé est pour la première fois appelé stat326. Mais le Ribeauvillé de la fin du Moyen Âge consiste en quatre enceintes contiguës alignées d’E en W sur la rive N du Strengbach. La plus ancienne (Altstat) est celle dont les Augustins occupent l’angle NW, la seconde en partant de l’E327. Le partage de 1298 en mentionne deux, la ville neuve étant sans doute identique à la ville haute (celle qui inclut l’église paroissiale)328. En 1341 sont citées les deux villes basses et les deux villes hautes, ce qui prouve que l’ Oberdorf, cité en 1306 et 1319, a désormais son enceinte329. Reste l’Unterstadt : Bernhard, Himly et Escher/Hirschmann croient que son enceinte existe dès 1298, mais l’acte de partage ne dit rien de tel330. Je la croirais plutôt érigée entre 1298 et 1341, mais la question reste à étudier331.

176 La superficie des deux villes de 1298 pourrait être de l’ordre de 7-8 ha, celle des quatre villes de 1341 de 13-14 ha.

177 Juifs : en 1311, les Juifs doivent un cens pour la tour près de leur synagogue, qui implique une communauté bien constituée. En 1331, l’empereur engage à Johann von Rappoltstein/Oberstadt les Juifs des villes haute et basse. Ceux-ci sont victimes de pogroms en 1338 et 1349332. La mention d’un hôpital juif en 1425 serait sensationnelle, si elle ne reposait pas sur une simple faute de copie333.

178 L’hôpital aurait été fondé en 1342 par la commune selon une inscription moderne. Son moulin est cité en 1344, son chapelain en 1346334.

179 L’école n’apparaît qu’avec le XVe siècle335.

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180 Un bain est nommé dans un censier commencé en 1339 ; il est en tout cas attesté en 1350336.

181 Draperie et industrie du métal : Escher/Hirschmann retiennent en ce sens la mention de drapiers, de ferblantiers et de couteliers – avec bien d’autres artisans – dans le partage des marchés en 1302337. Je ne les suivrai pas sur ce point : ces drapiers sont des détaillants et non des producteurs, et rien ne prouve que les artisans du métal aient une clientèle supralocale.

182 Marché(s) : restés communs en 1298, les marchés sont partagés en 1302 ; ils comprennent alors notamment un marché au bois et un marché aux légumes ; ils ont lieu le mercredi, comme à Bergheim, car le marché de Ribeauvillé est en fait celui de Bergheim, que les Rappoltstein ont détourné dans leur ville338. Un marché au poisson est attesté en 1321 dans la vieille ville, un marché au grain après 1367, le marché de la ville haute en 1339 ou peu après339.

183 Atelier monétaire : en 1291, Anselm v. Rappoltstein se met à frapper (sans doute à Ribeauvillé) une monnaie très proche des deniers de Fribourg, apparemment sans autorisation. Il se peut que les Rappoltstein aient battu monnaie avant et après cette date, mais en 1387, ils n’avaient plus d’atelier340.

184 Halles : en 1297, les Augustins s’établissent près de la Laube. Peu après, on distingue les halles au drap (1302), au pain (1335), à la viande (1342) ; mais sous cette dernière, on vend aussi du pain. Un abattoir existe en 1339 ou peu après ; les halles au grain ne sont attestées qu’au XVe siècle341.

185 Des Lombards achètent en 1342 la Trinkstube des nobles de l’Oberstadt de concert avec son seigneur Johann von Rappoltstein342.

186 Les changeurs sont nommés dans le partage de 1302 ; on en connaît au moins deux : Lorand der Wehseler en 1339 ou peu après, Hennin Wehseler avant 1352343.

187 Corporations : Scherlen en indique quatre, mais sa source (qu’il ne précise pas) est manifestement postmédiévale344.

188 Évaluation : 1 point en 1200 (châteaux), 2 en 1250 (centre adm.), 13 en 1300 (paroisse, Augustins, commune, enceinte, marchés, monnaie, halle, changeurs), 22 en 1350 (prévôté bénédictine, sceau, notaire, enceinte > 10 ha, Juifs, synagogue, hôpital, bain, plusieurs halles, Lombard, atelier monétaire).

Rosheim345

189 Paroisses : la bulle par laquelle Léon IX, en 1050, est censé confirmer à l’abbaye de Hesse l’ecclesia inferior [Saint-Pierre] serait fausse ; mais la superior ecclesia [Saint- Etienne] que ce nom implique est attestée en 1137. Selon Barth, ces églises auraient été fondées dès l’époque carolingienne par Luxeuil et par Saint-Etienne de Strasbourg ; selon Koenigshofen, elles auraient été consacrées au Xe siècle ; ce sont en tout cas des paroisses anciennes346. Avant sa reconstruction au XVIIIe siècle, l’Oberkirche était romane tardive, avec un clocher-chœur (conservé), et probablement un transept et trois nefs. Quant aux trois nefs romanes de la Niederkirche Saint-Pierre (vers 1150-80), on peut encore les admirer aujourd’hui347.

190 Cours abbatiales : elles sont nombreuses à Rosheim, mais il n’est guère possible de les répartir en cours domaniales et ”procures” (Stadthöfe). La principale est celle de

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Hohenburg, qui revendique une prééminence sur les autres, celles de Niedermünster, de Hesse, de Senones, du Grand Chapitre et de Saint-Pierre-le-Jeune de Strasbourg348.

191 Commune : l’universitas de Rodesheim est citée depuis 1232, des échevins depuis 1341349. En 1380, la commune est représentée par un magister, cinq consules et le tribunus [= Heimbürge]350. Elle append son sceau sans doute en 1262 et sûrement en 1286351.

192 Centre administratif : dès la seconde moitié du XIIe siècle, on trouve à Rosheim un Schultheiß, un Meier, un Keller, un Heimbürge352, mais l’unique Vogt connu occupe un rang si bas dans la liste des témoins qu’il est impossible de lui attribuer une fonction importante353.

193 Résidence, château : que Salch affirme l’existence d’un palais impérial à Rosheim, où, à notre connaissance, aucun souverain n’a jamais séjourné, ainsi que celle de « châteaux » ou « maisons-fortes », qui ne sont que des maisons de pierre à un seul étage, avec une porte au rez-de-chaussée, ne mérite d’être signalé qu’à titre de curiosité354.

194 Secrétaire de la ville : on n’en connaît aucun avant 1412, mais puisque depuis 1341 au moins des échevins de Rosheim scellent des chartes, il doit y avoir sur place quelqu’un qui fait fonction de notaire355.

195 Enceinte : En 1218, Rosheim est un village fortifié « sans autre défense qu’un fossé »356. En 1262, un arbitrage entre la commune et l’abbesse de Hohenburg stipule que cette dernière n’est pas tenue « de faire des fossés, des murs ni quelques ouvrages fortifiés que ce soit dans le village de Rosheim »357, ce qui montre que la question est alors d’actualité. De fait, Rosheim est appelé oppidum en 1267 et 1274 358 ; Ces mentions doivent se rapporter à la première enceinte, qui inclut l’église Saint-Pierre, mais non Saint-Etienne. L’Obertor est cité en 1282 et le futur Löwentor en 1300359 ; ces portes sont sur le tracé de la deuxième enceinte, mais ne prouvent pas que celle-ci soit déjà en pierre, pas plus que son fossé, cité en 1328 et 1350360 : en effet, une enceinte de bois et de terre, comme celle qui devait exister en 1218, a elle aussi des portes et un fossé ; toutefois, la mention en 1322 d’une maison in der stat ... in Breitegasse361, c’est-à-dire entre les deux enceintes, prouve que la seconde aussi est en pierre, sinon on ne parlerait pas de stat : à cette date, en effet, une stat est nécessairement fortifiée en pierre362. Le tracé de cette seconde muraille pourrait bien être celui de 1218.

196 Superficie : la première enceinte pourrait enclore 3 à 3,5 ha ; pour la seconde, Himly indique 36 ha, qu’il faut sans doute réduire à env. 30363.

197 Juifs : en 1215, Saint-Léonard a mis des objets de culte en gage auprès de Juifs de Rosheim pour plus de 9 livres. Cette mention étonnamment précoce est la seule connue jusqu’au pogrom de 1349364.

198 Cimetière juif : une source de 1366 attesterait indirectement l’existence de celui de Rosenwiller365 ; mais celui-ci a toujours été un cimetière « central » et non celui de la communauté de Rosheim.

199 Hôpital : dès 1321 sont cités der spitalweg et der spitelre hof uf den graben, mais ces noms renverraient aux Hospitaliers de Dorlisheim. L’hôpital de Rosheim aurait été fondé en 1345. Il bénéficie en 1363 d’une donation, reçue par son chapelain366. Une léproserie existe dès le XIIIe siècle367.

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200 Le bain cité en 1321 pourrait être plus ancien, à en juger par la mention d’un badegraben dès la seconde moitié du XIIIe siècle – mais sans doute à l’autre bout de la ville368.

201 Marché : en 1240, un accord entre l’abbaye de Hohenburg et la commune stipule que les biens du couvent sont exempts du theloneum, qui est certainement un Marktzoll. Mais, en l’absence de toute autre mention avant 1441, il y a lieu de croire que ce marché a périclité369.

202 Halle : en 1396, le Schultheiß de R. siège sous la Laube370, mais rien ne prouve qu’elle ait servi au marché. La boucherie, attestée en 1328, existe peut-être dès la fin du XIIIe siècle ; en 1438, elle est dans l’Oberstadt371.

203 Corporations : en 1364, à la suite d’une émeute de la commune (die von Rosheim gemeinlichen) contre l’écuyer Johann von Ramstein, le Heimburge et deux autres habitants sont exilés, et les conseillers et les zunftmeister doivent désavouer les émeutiers372. Leur nombre n’est pas connu avant le XVe siècle (7 en 1422, 8 en 1436)373.

204 Évaluation : 1 point en 1200 (paroisses), 5 en 1250 (commune, Juifs, marché), 7 en 1300 (sceau, enceinte, marché), 12 en 1350 (enceinte > 25 ha, hôpital, bain, boucherie).

205 (La fin à un prochain numéro)

ANNEXES

Sigles et titres abrégés

On en trouvera la liste in RA 128.2002, 97-99, mais il y a lieu d’y ajouter les suivants : AEKG : Archiv für elsässische Kirchengeschichte AI : J. D. SCHOEPFLIN, Alsatia Illustrata, 2 vol. 1751-61 AMO : Archives municipales d’Obernai ARA : Archives de la Région Alsace à Strasbourg (1-2J : chartrier de Niedernai, chartes et papiers, voir inv. par Chr. Heider, 2 vol., 2000) ASHAM : Annuaire de la société d’histoire et d’archéologie de Molsheim et environs ASHM : Annuaire de la société d’histoire du val et de la ville de Munster BRUN, Masevaux : A. BRUN, Masevaux aux XIVe et XVe s., les corporations, la ville. Recueil de textes inédits tirés de « Alsatica historica » (Archives de Vienne, Autriche), thèse dactyl., Besançon 1978 (photocopie aux AHR, Ms. 218) CM : X. MOSSMANN, éd., Cartulaire de Mulhouse, 6 vol. 1883-90 ESCHER/HIRSCHMANN : M. ESCHER, F. G. HIRSCHMANN et 9 collaborateurs, Die urbanen Zentren des hohen und späteren Mittelalters. Vergleichende Untersuchungen zu Städten und Städtelandschaften im Westen des Reichs und in Ostfrankreich (Trierer historische Forschungen, 50/1-3) : 1 – Thematischer Teil; 2 – Ortsartikel; 3 – Karten, Verzeichnisse, Register, 2005. FEIN : Hella FEIN, Die staufischen Städtegründungen im Elsaß, 1939.

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GRIMM : J. GRIMM, éd., Weisthümer, 7 vol. 1840-78, rééd. 1957. GYSS : Jos. M. GYSS, Histoire de la ville d’Obernai, 2 vol. 1866 (rééd. 1978). HANAUER, Constitutions : [Ch.-A.] HANAUER, Les constitutions des campagnes de l’Alsace au Moyen Âge. Recueil de documents inédits, 1864. HIMLY, AH : F.J. HIMLY, Inventaire général des archives hospitalières du Bas-Rhin des origines à 1789 (sauf Strasbourg), 2 vol. 1978. Inv. : placée avant une cote d’archives, cette abréviation indique que je n’ai pas vu le document lui-même, mais seulement l’inventaire. MOEDER, Église : M. MOEDER, L’Église de Mulhouse au Moyen Âge, 1957. MOEDER, Études : M. MOEDER, Études sur l’histoire de Mulhouse aux XIIe et XIIIe s. (paru in BMHM 52.1932 à 56.1937 ; la parution en vol. prévue pour 1937 ne semble pas avoir eu lieu). MOEDER, Institutions : M. MOEDER, Les institutions de Mulhouse au Moyen Âge, 1951. Chr. MULLER, « Essai de topographie urbaine et contributions à l’histoire de Rosheim (XIIIe-XVIIIe s.) », in ASHAM 1978, 13-50, et 1979, 41-82. Obernai 1977 : J. BRAUN et X. OHRESSER, éd., Obernai, 1977. OSWALD, Molsheim : Gr. OSWALD, Molsheim à la fin du Moyen Âge (1308-1525), 1994 (= Bulletin de la société académique du Bas-Rhin, 113-114). SindUB : E. HERR, Das ehemalige Frauenkloster Sindelsberg. Urkundenbuch mit einleitenden Untersuchungen, 1912

NOTES

1. ESCHER/HIRSCHMANN ; voir en part. les cartes au t. 3. 2. La liste des critères, avec leurs coefficients, figure in ESCHER/HIRSCHMANN, I, 38-40 (et en français in RA 128 2002, 49-50). À chacun d’eux, les auteurs consacrent un exposé nourri et plein d’intérêt (I 119-387). 3. Y compris Belfort, Wissembourg et Lauterbourg, qui ne font pas encore partie de l’Alsace au cours de la période étudiée. 4. Ce point n’a pas échappé à ESCHER/HIRSCHMANN, I, 55. 5. OHI III 286 n° 239 ; RBS II 823 ; RH I 110. 6. RBS II 2359 et 2415 ; cf. HEK 796-97. 7. Trad. fr. du diplôme in M. KNITTEL, Marckolsheim, fragments d’histoire, 1994, 47, d’ap. AM Marckolsheim CC 1 (copie de 1789). 8. ABR G 1652/5 (1338) ; AHR 132J 29 (1434). 9. ABR G 1652/4-5. 10. B. METZ in Encyclopédie de l’Alsace 8, 1984, 4960-61, et KNITTEL, Marckolsheim (n. 7), 61-73. 11. RBS II 2414. 12. Notae hist. Arg., in MGH SS n.s. 4, 553 ; KÖNIGSHOFEN II 667. 13. ABR G 811/2 (geleit en 1385) ; AMS AA 1446 f° 311r (passagium seu salvum conductum av. 1416). 14. Theloneum in nundinis ... custodiendo nundinas : ABR G 377 f° 33r. On notera cet emploi de la monnaie de Bâle dans le diocèse de Strasbourg, alors que celle de Strasbourg a cours jusqu’à Bergheim et même à Kaysersberg. 15. Sa bibliographie est immense (cf. M. THOMANN, « Bibliographie de l’abbaye et de la ville de M. » in Bull. de la soc. d’hist. et d’archéol. de Saverne n° 10, 1954/4, 29-34). L’étude la meilleure, quoique partielle, reste Ch.-E. PERRIN, Essai sur la fortune immobilière de l’abbaye alsacienne de Marmoutier aux Xe et XIe s., 1935 ; cf. aussi HEK 810-11.

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16. SindUB 7-23. Ce couvent, qui n’a jamais été bien riche, a à sa tête une magistra et non une abbesse. 17. H. BÜTTNER, «Abt Meinrad und die Pfarrei Maursmünster», in Studien und Mitteilungen z. Gesch. des Benediktinerordens 53.1935, 213-28. 18. RBS II 858. 19. C’est sans doute à elle que Berewardus de superiori ecclesia, témoin d’une charte de M. en 1135 (ABR H 555/3, éd. in Jahrbuch der elsass-lothr. wissenschaftl. Gesellschaft 6.1933, 106) doit son nom, bien qu’une famille plus connue (XIIIe-XVIIIe s.) porte celui de l’Oberkirch(e) d’Obernai. 20. Elle est souvent confondue – en dernier lieu dans le Dictionnaire des monuments historiques d’Alsace, 1995, 222 – avec la chapelle Saint-Denis qui s’élevait à coté d’elle au cimetière. 21. ABR H 610/4 ; manque dans l’éd. de HANAUER, Constitutions, 87-88, qui omet la liste des témoins. 22. Scultetus et populares opidi : exp. ABR H 612/1 (peu lisible) ; vidimus H 612/1a ; copie G 1374. 23. Burger und scheffele ont le droit, reht und gewonheit uf ze setzenne : ABR H 610/6-7, éd. CAOU IV 613-18 n° 3570-71 ; la datation exigerait un long développement sur les dates de tous les sires de Geroldseck qui émettent ces deux chartes presque identiques. – Des échevins (scabiniones) font partie de la familia de l’abbaye en [1137-46] (AD I 225 n° 275 ; cf. plus bas, n. 27) et 1170 (cf. n. 21), mais leurs attributions étaient certainement moindres qu’à la fin du XIIIe s. 24. 1384 : AMS 1AST A XX 36/1 ; c’est le seul sceau de ville en navette que je connaisse en Alsace ; le même en 1388 : BEDOS 305 n° 389. – 1392 : ZGO 24.1872, 180 ; 4 gesworne en 1396 : AMS CH 2638. Schoffen und gesworn und der rott gemeinlich en 1470 : AMS 1AST A 60/1. 25. Garten ... wider die stat ..., stoß [!] uf den schiesserein : SindUB 142 n° 17, § q. C’est pour l’instant la seule allusion à une compagnie de tireurs en Alsace avant 1350 ; je n’en tiendrai pas compte dans l’évaluation, en raison de son caractère incertain et par trop contingent. 26. ABR G 131/7 et H 589/8. 27. AD I 226 et 228 n° 275, coutumier de l’abbé Meinhard, daté [1137-46] par PERRIN, Marmoutier (n. 15), 17-18 n. 40. Pratum ... in ipso oppido, cui nomen Portelmata en 1146 : SindUB 92 n° 4. 28. ... sollempni forinsecus iuxta circuitum muri processione en 1142 : AD I 223 n° 270. Iuxta muri ambitum publica pridem via fuerat en 1170 : ABR H 610/4, éd. HANAUER, Constitutions, 87. Extra muros civitatis en 1253 : ABR G 5772/2 ; reg. : SUB IV/1 102 n° 178. 29. MGH SS 17, 116 l. 4 (miracle arrivé en 1280, noté en 1290 ; cf. MENTGEN, 34-35) ; SALFELD 254 ; cf. GJ II/2, 525. 30. Donation aux monastères de M. et Sindelsberg in usus infirmorum utrobique en 1217 : SindUB 113 n° 11. Magister infirmarie en 1278 (ABR H 612/1) et souvent par la suite. 31. SindUB 180 n° 22 (1329). AEA 10.1959, 119 (1330). 32. Filius quondam Alberti rectoris puerorum in M. : SUB VII 248 n° 847. 33. Une rente sur la badstube dans la rue dite Bruchslùck, attestée en 1391 (ABR E 2814/2), figure aussi dans le censier des Geroldseck (StAD D 21A 8/4, copie de 1586, f° 3r). 34. Voir n. 19 (1135) et AD I 225 n° 275, coutumier de [1137-46] cité n. 27. 35. In foro ante portam [monasterii ?] : AD I 226 n° 275, coutumier cité n. 27. Sextarium avene ... forensis mensure Maurimonasterii en 1145 : AD I 230 n° 276 = NSD VII 134 n° 51. Ad nundinas huius fori en 1170 : ABR H 610/4, éd. HANAUER, Constitutions, 87. Le mot nundine suscite un doute : ne s’agirait-il pas plutôt de la foire, attestée avant 1390 (à la Saint-Georges : HANAUER, Constitutions, 81) ? Mais la mention d’une mesure locale convient mieux à un marché. 36. Inv. AM Saverne 33 (1368) ; AMS 1AH 586 f° 304r (1384). 37. Omnes quoque mercatores in hac marcha constituti ... abbati teloneum dabit (sic) : AD I 225 n° 275, coutumier cité n. 27. 38. Mutationem monete abbas constituere debet : AD I 225 n° 275. Cf. ESCHER/HIRSCHMANN, II 398. Pour une clause analogue (mais indatable) à Neuwiller, cf. GRIMM I 756.

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39. ESCHER/HIRSCHMANN, II 398, arrivent à des chiffres supérieurs (8 points en 1200, ..., 13 en 1350) en attribuant 2 points à Sindelsberg, ce qui me paraît trop pour cette très modeste maison, et faisant de l’infirmerie de 1217 un Klosterhospiz, ce que la source (n. 30) ne permet pas. 40. MGH Poetae latini I 94 n° VI (coenobium Masunvilre). 41. MGH Epist. saeculi XIII, III 269 n° 301 (1254). En 1399, l’évêque de Bâle parle encore d’abbatia ... Vallismasonis ordinis sancti Benedicti (AHR 10G 1/4, f° 3v), mais dès 1398, un notaire appelle ses occupantes canonice et moniales (ibid. f° 1v). 42. AHR 32H 6 (6 chanoines sont témoins pour l’abbesse en 1287) ; AHR 10G 18/8 (1344, 1484). En général, les chanoines sont en même temps curés des paroisses à la collation de l’abbesse, p. ex. en 1398 (AHR 10G 1/4, f° 1v). 43. L. PFLEGER, Die elsässische Pfarrei, 1936, 41 et 78 ; CLOUZOT, XLIII et 150 (1302) ; H EK 802 et 804-06. 44. P. TRESCH, Masmünster, seine Abtei, seine Gotteshäuser, 1938, 10-17 (trad. fr. E. MARTIN- TRESCH, s.l.t. Histoire de Masevaux, abbaye et sanctuaires, 1995, 21-30 ; compléments ibid. 167-75). 45. .. der vogt und .. der rat und die burger : AM Masevaux EE 1/1. 46. BUB VI 175 n° 177/1. 47. 1210 : Tr. I 457 n° 297. 1338 : tout nouveau membre de la corporation doit 7 ß dem vogt (et en 1347, tout nouveau maître tanneur ou cordonnier lui doit les 5 ß qu’il devait au schaffener selon les statuts de 1320) : BRUN, Masevaux, I 79 (1338), 35 (1320), 47 (1347). 1368 : ci-dessus, n. 45. 48. AM Masevaux EE 1/1 ; éd. BRUN, Masevaux, I 206-12. 49. Castrum Maßmunster, fief bâlois « vers 1362 » [date très approximative] : Tr. IV 188 n° 76. Burg und vestinen ... ze M. under der stat en 1409 : AHR 1E 38/9. 50. Tr. IV 711 et ci-dessus, n. 48. Cf. A. BRUN, « 1368 : naissance de la ville de M. », in Patrimoine Doller 8.1998, 5-17. 51. GJ II/2, 525 (1325) ; SALFELD 240 (1338). MENTGEN 53 (1396), 62-63 et index. 52. TRESCH, Masmünster (n. 44), 17-18, cite les AP Masevaux, sans autre précision. 53. AHR 10G 1/2/4 (copie XVIIIe s.). 54. AHR 10G 6/10 (maison d’estuves). 55. AM Masevaux EE 1/5, éd. BRUN, Masevaux aux XIVe et XVe s. : les corporations, la ville. Thèse, Besançon 1979, II 280-82 (1435) ; ibid. II 321-29 (1481). Cf. A. BRUN, « Le commerce de M. à la fin du Moyen Âge », in Annuaire de la soc. d’hist. des régions de Thann-Guebwiller 14.1982, 89-92. 56. AHR 10G 6/10 (1413) ; GRIMM IV 80. 57. All jarmarkt dans la confirmation du bail de la fronwage à la corporation des tisserands en 1418 : BRUN, Masevaux, I 147. De cette thèse n’existe aux AHR (Ms. 218) qu’une photocopie de qualité moyenne, mais infiniment préférable au microfilm presque illisible et non paginé de la BNUS. L’essentiel du travail consiste en l’édition et la traduction des copies (1767) de 22 textes concernant deux corporations de M., puis de 32 textes concernant la ville, dont la plupart sont inconnus par ailleurs (quelques-uns existent aux AM de Masevaux, voir l’inv. qu’en a fait depuis Anne Eichenlaub). Les textes ne sont pas toujours satisfaisants (sans qu’on sache toujours si c’est le copiste ou l’éditeur qui est en cause), les traductions encore moins, le commentaire dépasse rarement la paraphrase. L’auteur n’a tiré de sa thèse que trois minces articles (cf. n. 50, 55, 58), où il mentionne ses découvertes les plus spectaculaires, mais sans les éditer ni même en donner les cotes, ce qui n’est certainement pas la meilleure façon de valoriser ses trouvailles ni de faire avancer la recherche : à preuve le fait que Masevaux n’est pas mentionné dans ESCHER/ HIRSCHMANN. 1505 : BRUN, Commerce (n. 55), 91 [d’ap. AM Masevaux HH 7/1]. 58. von unsern vordern seligen von Phirt : BRUN, Masevaux, I 77. A. BRUN, « Les corporations de M. », in Ann. Thann-Guebwiller (n. 55) 10.1974, 67-70. 59. BRUN, Masevaux, I 139 ; sur le coutil de M. au XVe s. cf. aussi GRIMM IV 80, AMS 89Z 126a, et H. AMMANN in Alemannisches Jahrbuch 1955, 174-75. 60. BRUN, Masevaux, I 37-39 et 153.

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61. AM Belfort CC 1/1, compte communal de 1432, p. 21 ; AHR 10G 6/10 (« 1442 XII 28 »). 62. AHR 10G 6/10 (tuerie ou maison d’escorcherie). 63. BRUN, Masevaux, I 27-43. Les membres de la nouvelle zunft sont tous nommés (I 29-33), mais tous n’ont pas un nom du type prénom + patronyme, de sorte que, même en plaçant les virgules de façon plus logique que ne le fait l’éditeur, on voit parfois mal où commence un nom et où finit le suivant ; le chiffre doit en tout cas être compris entre 142 et 150, dont beaucoup sont « le fils » et certains « le frère » ou « le valet » d’un membre déjà nommé. 64. BRUN, Masevaux. BRUN, Corporations (n. 58). 65. Ein jeder zunftmeister under webern und sutern : AHR 1Mi 601. 66. GRIMM IV 82 (sans date, après 1324). 67. BRUN, Masevaux, I 141. 68. Die zunfftstuben (1477, sans autre précision): AHR 2E 122 Masevaux 2. A.M. IMBS- OBERMULLER, « Tableau des corporations alsaciennes », inArtisans et ouvriers d’Alsace, 1965, 43, et BRUN, Masevaux, II 410, tous deux sans date ni source. 69. Ce qui expliquerait que les bouchers de M., plutôt que de fonder leur propre corporation, adhèrent à celle des tanneurs et cordonniers entre 1347 et 1375, comme le prouvent les statuts de ces deux dates, publiés par BRUN, Masevaux, I 43-53 et 53-67. 70. Sur les escoffiers et courvoisiers (tanneurs et cordonniers) à Belfort au XVe s., cf. B. de VILLELE, Belfort à la fin du Moyen Âge, 1971, passim. 71. Sorores in M. : A. PATSCHOVSKY, in Deutsches Archiv 30.1974, 85-86 n. 53, avec sources. 72. ABR G 3690/1 (« charte »), f° 9v : prope bona beginarum conventui [!] de M. (v. 1300) ; AMS 1AH 854 f° 122r (1313). En 1501, le béguinage est converti en Elendenherberge : OSWALD, Molsheim, 202-03. Cf. HEK 853. 73. Rien à ce sujet dans S. TURCK, Les Dominicains à Strasbourg entre prêche, prière et mendicité, 2002. 74. AMS 1AH 855 f° 337v-38r et 343r ; TURCK, Dominicains (n. 73), 60, et la même in RA 123.1997, 52. 75. Cf. H EK 284-85 (Dompeter) et 850-53 (Molsheim), OSWALD, Molsheim, 163-66, et prochainement B. METZ, « Trois cimetières fortifiés », in ASHAM 2008. 76. En 1198, Philippe de Souabe Mollesheim expugnando cremavit, solo cimeterio in deditionem recepto : MGH SS 17, 169 l. 19 = MGH SS rer. germ. V 73 ; RBS I 701. 77. AMS CH 5940-41 (1466) ; AMS 1AST HS Molsheim 14 (1470). 78. R. WILL, « L’église paroissiale primitive de Molsheim », in ASHAM 1994, 45-61. 79. HEK 851, interprétant RBS II 868 (litige entre l’évêque et l’empereur sur la patronat, la dîme, la cour domaniale et la maison de pierre de M. en 1221). OSWALD, Molsheim, 166 remonterait volontiers aux années 1170-80. 80. Ecclesia parochialis S. Petri iuxta Mollesheim, que est matrix cappelle in Mollesheim : OHI V 236 et VI 79 ; OSWALD, Molsheim, 166 (av. source) ; HEK 851. 81. AD I 336 n° 412 (à la date erronée de 1219, rectifiée in RI V/1, 1088) ; rééd. in OSWALD, Molsheim, 261-63. 82. OHI III 361 n° 395 (universitates parochianorum de Mollesheim et de Mutzicha en 1243) ; RBS II 1121. Universitas civium in Molzheim (!) en 1254 : GLAK 69 v. Türkheim, Nachlaß Grandidier, Codex diplom. III/4, d’ap. exp. aux AM Molsheim ; RBS II 1443 cite une copie du XVIe s. 83. Jurati ... opidi en 1262 (GLAK 69 v. Türkheim, Nachlaß Grandidier, Codex diplom. III/4 ; RBS II 1700) ; giswornen en 1263 (AMS CH 119, éd. CAOU V 23 n° N32 ; Reg. : SUB I 391 n. 1. – 4 magistri en 1350 : ABR G 3464 n° 207/137 ; ils ne sont plus que 2 dès 1368 (ibid. n° 212/142). 84. So wissen wir wol, das alle von Molßheim vellig sint : AMS IV 8/1 ; rien à ce sujet in OSWALD, Molsheim.

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85. Sigillum burgensium in M. en 1263 (AMS CH 119 ; Ch. WITTMER, Inventaire des sceaux des AMS, 1946, 43 n° 123) et 1265 (AMS 1AH 7568/1). BEDOS 333 n° 430. 86. SUB I 106 n° 130 ; RBS I 665. 87. 1217 : SUB IV/1, 11 n° 17, RBS II 836 ; 1221 : RBS II 872 ; 1374 : ABR G 4747/4. 88. 1234 : AMS 1AH 1644 f° 12v, RBS II 1030 ; 1314 : SUB II 262 n° 313. 89. Avec les baillis de Rouffach, Bernstein, Ettenheim et Ortenberg (Ortenau) et le Schultheiß de Saverne, p. ex. en 1353 : ABR G 200/1. 90. Allen den dörfern ... die da hörent in die pflegnùße zu M. : SUB V 364 n° 425. 91. Unser steynin hus und den kelre darunder, dem man sprichet der Pfaltzekelre zu Mollsheim mit allem begriffe, als er gelegen ist uff dem Fronhof : exp. ABR G 962/1 ; copie XVIe s. ABR G 3464 n° 253 (183). 92. Jus ... patronatus cum decima, curti et domo lapidea in Mollesheim : RBS II 868. 93. Cf. néanmoins RBS II 1646 (1261) et 2263 (1290). 94. Cf. METZ, 3 cimetières (n. 75), et pour 1198 ci-dessus, n. 76. 95. En 1249, l’évêque a au cimetière un pressoir et un grenier, qui font certainement partie de sa cour domaniale : AMS 1AST A 1305 ; RBS II 1306. Sur le plan cadastral de 1819 (ABR 3P 142/34), l’emplacement de l’église et de son cimetière est appelé Fronhof. 96. Cf. n. 76. 97. OHI IV 102 et VI 76. Cf. OSWALD, Molsheim, 76-79. 98. Cf. n. 76. 99. ...ut jura, que ab antecessore nostro B. bone memorie tenuistis, utilitati et reparationi opidi vestri applicetis : cf. n. 82. 100. MGH SS 17, 113 l. 1-3 ; RBS II 1678. 101. Quamdiu ... ad peragendum opera dicti oppidi necessaria, vallando ... : GLAK 69 v. Türkheim, Nachlaß Grandidier, Codex diplom. III/4, d’ap. exp. aux AM Molsheim ; RBS II 1700. 102. KÖNIGSHOFEN II 667 ; Notae hist. Arg., in MGH SS n.s. IV, 553. 103. 1317 : AMS 1AST B VIII 5 ; reg. : SUB III 259 n° 852. 1318 : ZGO 5.1854, 313 = OSWALD, Molsheim, 263-64 (éd. ABR G 86) ; de même en 1319 et 1324 : E. HAUVILLER, Analecta Argentinensia, I [seul paru], 1900, 52-55 n° 43. 104. G. OSWALD, « Les fortifications de M. du XIIe au XVIIIe s. », in ASHAM 1994, 15-44, ici 17-18 et 35 (et plan p. 20). 105. FEIN, 69 (d’après le plan du XVIIe s.), et HIMLY, Atlas, 29, indiquent 33 ha. 106. H. STEINTHAL, « Un document inédit du XIIIe siècle : un registre des dettes de l’abbaye de Hesse », in Annuaire de la soc. d’hist. et d’archéol. de la Lorraine 47.1938, 219-46, ici 246 l. 94 ; sur la date cf. 242. 107. MGH Const. IV 232 n° 263. 108. 1340 : ABR G 2726/3. 1349 : J. EUTING, „Über die älteren hebräischen Steine im Elsaß”, in Festschrift des protestantischen Gymnasiums Straßburg, 1888, 230-3, et à part, 4-5 ; OSWALD, Molsheim, 209-10. MENTGEN 379 n. 197 est sceptique, la source étant très imprécise. 109. In opido M. in vico Judeorum ex opposito synagoge Judeorum en 1338 : AMS 117Z 76 f° 131v. Area ... super qua nunc synagoga Iudeorum est constructa in opido M. en 1377 : SUB VII 512 n° 1763. D. FISCHER, Geschichte der Stadt Zabern, 1874, 223. OSWALD, Molsheim, 210-12. 110. EUTING, in Festschrift ... (n. 108), 245 (ou à part, 19) n° 13. Fragment repr. in OSWALD, Molsheim, 211. 111. G. OSWALD, « Deux siècles de vie religieuse à l’hôpital de M. », in RA 122.1996, 149-57, ici 150, aec sources. 112. Hospitale pauperum et infirmorum en 1317 : SUB III 259 n° 852 ; area ... cum ecclesia seu capella, domo infirmorum ... sub nomine ... zenodochii seu hospitalis pauperum en 1318 : ZGO 5.1854, 313 = OSWALD, Molsheim, 263. 113. Decanus, custos et alii capellani hospitalis en 1343 : AEKG 9.1934, 132. OSWALD, 2 siècles (n. 111), 151-53, en part. n. 18.

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114. M. THOMANN, „M. und Zabern, Residenzstädte im Bistum Straßburg”, in V. PRESS, éd., Südwest-deutsche Bischofsresidenzen außerhalb der Kathedralstädte, 1992, 35-48, se concentre sur l’époque moderne. 115. Bi der guten lüten hus en 1298 : P.C. v. PLANTA, Adel, Deutscher Orden und Königtum im Elsaß des 13. Jhs., 1997, 288, éd. ABR H 1450/6 ; iuxta domum leprosorum vers 1345 (ABR G 377 f° 12v), mal daté par HEK 854 („um 1306”) et H IMLY, AH, 153 n° 1069 (”1351-53”). Cf. prochainement E. CLEMENTZ, « La léproserie de Molsheim », in ASHAM 2008. 116. ABR G 377 f° 9v. 117. ABR G 377 f° 126v et f° 23r. 118. AD I 336 n° 412 in OSWALD, Molsheim, 262. 119. X. NESSEL, Beiträge zur Münzgeschichte des Elsaß, bes. der Hohenstaufenzeit, 1909 [tiré-à-part de Frankfurter Münzzeitung], 98 et 121-23. 120. AMS 1AH 382/2, éd. CAOU V 77 n° N105. 121. ABR G 377 f° 11r. 122. Metzigerstube en 1416 : AMS 1AH 587 f° 200r (= 582 f° 153r) ; Gerwerstube en 1450 : inv. ARA 1J 333. 123. CM I 56-57 n° 64-65. 124. CM I 59-60 n° 68-69, 68-69 n° 84 (1269, signalant qu’Albert le Grand y a consacré un autel et le cimetière), 70 n° 87, 78 n° 101, 80 n° 104. 125. TSCHAMSER I 97 (confusion avec Bâle, où le couvent franciscain a bien été fondé en 1231 ?) et 155 (ici d’après la chronique de Berard Müller – écrite en 1703 et de valeur inégale – éd. M. SEHI in Alemania Franciscana Antiqua 12.1964, 122 ; RBS II 1613 ne se prononce pas sur la fiabilité de cette source). 126. MOEDER, Église, 43-44 ; 1297 : MOEDER, Études, 282 [= BMHM 56.1937, 50]. 127. 1285 ... recepte sunt domus in M. et Brisaco : « Chronicon provinciae Argentinensis », éd. in Archivum Franciscanum Historicum 4.1911, 679. J.M. GUILLET, « Les ordres mendiants à M., XIII e- XVIe s. », in Annuaire hist. de la ville de M. 8.1997, 65-78, ici 66, donne la préférence à cette source, en quoi il lui fait plus confiance que son propre éditeur (p. 672). Selon TSCHAMSER I 225, un prédicateur célèbre aurait été enterré chez les Franciscains de M. en 1288. 128. CM I 88-89 n° 119 (dormitorium et coquinam hospitii nostri) ; HIMLY, Atlas, 90 n° 56. 129. TSCHAMSER I 212, d’après Berard Müller, cité n. 125, 122-23. 130. MOEDER, Église, 45-46. 1306 : MOEDER, Études, 287 [= BMHM 56.1937, 55] n° 21. 131. M. MOEDER, Les béguinages à M. [tiré-à-part de BSIM, mars 1934], 15 (1326) ; en 1378, cette maison a un sceau : ibid. 14. 132. MOEDER, Béguinages (n. 131) ; MOEDER, Église, 47-48. 133. AHR 32H 5, éd. CM I 291 n° 308 (1375) ; MOEDER, Église, 48. 134. MOEDER, Études, 272 [= BMHM 56.1937, 40] n° 2. Sur les débuts de la commanderie cf. aussi P.C. von PLANTA, Deutscher Orden (n. 115), 12-14. 135. Conradus der Hohiere de Mulehusen de ordine fratrum Theutonicorum : MOEDER, Études, 273 [= BMHM 56.1937, 41] n° 3. 136. Fratres hospitalis S. Marie domus theutonice apud civitatem nostram M. : CM I 5 n° 9. 137. Domus Theutonicorum en 1264 : CM I 15 n° 21 > Tr. II 150 n° 111. Un commandeur en 1272 : Fr. HEFELE, éd., Urkundenbuch der Stadt Freiburg, I, 1940, 228 n° 254. MOEDER, Église, 38. 138. Domus, magister en 1249 : CM I 13 n° 14. Petrus commendator ... hospitalis S. Johannis in Mulnhusen en 1263 : AHR 34H 3, A7, Überstrass. MOEDER, Études, 103-04 = BMHM 53.1933, 51-52. 139. Pour la première fois en 1274 : AHR 32H 5. 140. CM I 63 n° 76. MOEDER, Études, 104 et 182 [= BMHM 53.1933, 52 et 54.1934, 86] n. 207, admet que la consécration fait suite à une reconstruction, ce que les sources écrites ne permettent pas d’affirmer.

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141. MOEDER, Église, 4-6 ; M. MOEDER, « La dîme à M. au Moyen Âge », in BMHM 48.1928, 23-64, en part. 60. D’après R. GUILD et alii, « Fouilles archéol. de l’église Saint-Etienne de M. », in Annuaire hist. de la ville de M. 4.1992, 7-26, elle semble remonter à une chapelle cimitériale implantée au Xe s. sur un cimetière un peu plus ancien. 142. Mitteilungen des Instituts für österreichische Geschichtsforschung 29.1908, 586 n° 6 et RUB I 57 n° 44 ; cf. M. MOEDER, « Maître Daniel », in BSIM 98.1932, 416-37, et MOEDER, Église, 10. 143. GUILD, Fouilles (n. 141). Cf. M. KOEHNLEIN, « L’ancienne église Saint-Etienne de M. », in BMHM 52.1932, 67-84 et 53.1933, 67-102, avec relevés du XIXe s., antérieurs à sa démolition. 144. MOEDER, Église, 7-8 et 40 – que GUILD, Fouilles (n. 141), ne remet pas vraiment en question. 145. Tr. I 495 n° 331 (1224) ; CM I 50 n° 57 (1267). MOEDER, Études, 82-83 = BMHM 53.1933, 30-31. MOEDER, Église, 50 ; M. MOEDER, « La chapelle Sainte-Marguerite de la procure de Lucelle », in Bull. de la soc. d’hist. et de sciences nat. de M. 3.1936, 31-38. – ESCHER/HIRSCHMANN, II 435-37, considérant cette « procure » comme un quasi-prieuré, lui affectent un point. Je ne les suivrai pas : Moeder ne précise pas à quelle(s) époque(s) son effectif dépassait 2 moines, et je soupçonne que c’est plutôt après 1350. Il est vrai que nous ne sommes pas mieux renseignés sur l’effectif d’autres maisons officiellement qualifiées de prieuré, de chapitre, de béguinage ou de reclusoir, et que nous avons là un bel exemple des limites de nos connaissances et par conséquent de la subjectivité de l’« échelle d’Escher/Hirschmann ». 146. AHR 32H 5 (1286) ; MOEDER, Église, 50. 147. 1223 : le passage essentiel de la charte n’est pas dans l’éd. incomplète d’AD I 350 n° 432, mais bien dans les corrections in Ed. WINKELMANN, éd., Acta imperii inedita saeculi XIII, I, 1880, 484 n° 604. 1231 : CM I 4 n° 8. 148. Sculteto, advocato et consiliariis : MOEDER, Études, 272 [= BMHM 56.1937, 40] n° 1. 149. MOEDER, Institutions, 84-86. 150. Universi burgenses in Mulhusen ... communi omnium consilio : CM I 5 n° 9. 151. BUB I 136-37 n° 191 = CM I 11 n° 12 (toute première alliance de villes contre des « chevaliers-brigands » en Alsace). 152. CM I 18 n° 23 (1265), 168 n° 197 (1338), 212 n° 237 (= MGH Const. VIII 455 n° 40 : 1347) ; MOEDER, Institutions, 49. 153. CM I 81 n° 107 (1275) et 90-92 n° 121 = CAOU III 8-9 n° 1671 (1293). 154. CM I 26 et 38 n° 33 et 47 ; empreinte conservée de 1267 : AHR 10H 94/1, éd. CM I 51 n° 57. BEDOS 361-62 n° 476-77. 155. 1227 : voir n. 148 ; 1240 : RUB I 77 n° 74. 156. M. MOEDER, « Les avoués impériaux de M. au XIIIe s. », in Bull. de la soc. d’hist. et de sciences nat. de M. 1.1932, 21-27 (résumé in MOEDER, Institutions, 155-56). 157. M. MOEDER, « Les greffiers-syndics de M. au Moyen Âge », in BMHM 43.1923, 17-64, ici 33, d’après une chronique tardive. 158. CM I 25-26 n° 33-34 (1266) et 105 n° 135 (1304). 159. AHR 10H 66/6 (1369) ; MOEDER, Greffiers-syndics (n. 157), 35 ; cf. CM I 299 n° 315 (1377). 160. MGH SS 17, 108 l. 43 ; SS 25, 342 l. 6-10 ; RBS II 1656, 1666. Cf. MOEDER, Études, 125-31 [= BMHM 54.1934, 29-35] (site, date de construction) et 255-56 [= BMHM 56.1937, 23-24] n° 42-45 (sources). 161. Ci-dessus, n. 147 (1223) ; AD I 351 n° 436 (1224) ; CM I 5 n° 9 (1236) ; MOEDER, Études, 80-84 = BMHM 53.1933, 28-32. 162. Ci-dessus, n. 145. 163. CM I 4 n° 8 ; autres exemples en 1233 (Tr. I 528 n° 354), avant 1239 (RUB I 76 n° 70 ; date : RH I 169) et 1246 (CM I 11 n° 12). 164. CM I 6 n° 9 (Rudeger de Porta). 165. CM I 10 n° 11 (possessiones ... infra septa de Mulhusen).

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166. HIMLY, Atlas, 29 et 91 (où le plan, censé être au 4 000e, est en fait à plus petite échelle). Le chiffre donné par R. KAHL, „Der Grundriß der Altstadt von M.”, in Elsaß-Lothringisches Jahrbuch 13.1934, 1-26, ici 8, est trop faible (24 ha) ; FEIN, 69, et ESCHER/HIRSCHMANN, II 435, proposent 30 ha. 167. CM I 88 n° 118 (1290) et 102 n° 132, rotule sans date. CM I 168 n° 197 (1338). MENTGEN 37, 235 et index. 168. AHR 10H 94/1, éd. CM I 113 n° 145 (1311) ; MOEDER, Études, 228 = BMHM 55.1936, 60. Cf. aussi AHR 10H 97/3 (XIVe s.). 169. AHR 10H 128/3 (1327), que je comprends comme MENTGEN, 48, et non comme R. BARZEN, F. BURGARD et R. KOSCHE, « The hierarchy of medieval jewish settlements seen through jewish und non-jewish sources », in Jewish Studies 40.2000, 57-67, ici 63. 170. CM I 122 n° 154 (phleger [in dem] armen spital zi Mulnhusen). 171. MOEDER, Études, 293 [= BMHM 56.1937, 61] n° 28 (1314) ; BMHM 55.1936, 115 n° 2 (1338). Cf. Ph. MIEG, « La léproserie de M. », in BMHM 55.1936, 77-120, suivi par MOEDER, Institutions, 149. MOEDER, Études, ici in BMHM 55. 1936, 72, la croit antérieure à 1186, mais avec un argument sans valeur. 172. Magister Johannes, scolasticus de Mulhusen (1266) : CM I 25-26 n° 33-34 ; in vico scolarum en 1268 : AHR 10H 97/2 ; MOEDER, Études, in BMHA 57.1936, 51 n° 16 (1297) ; voir ci-dessus, n. 158-59. 173. CM I 15 n° 21 > Tr. II 151 n° 111 ; cf. MOEDER, Institutions, 140-41. 174. Den zoll an den brugken .. an den merketen : AM Mulhouse I 175. 175. MOEDER, Institutions, 241. 176. CM I 91-92 n° 121. 177. MOEDER, Études, 41-44 in BMHM 52.1932, 47-50, est si persuadé de l’ancienneté du marché qu’il ne songe même pas à indiquer sa première mention, probablement assez tardive. 178. 1266 : voir plus bas, n. 181 ; cf. K AHL (n. 166), 10 n. 29. Sur le cimetière comme lieu de marché cf. aussi L.G. WERNER, Topographie historique du Vieux M., 1949, 70. 179. CM I 92 n° 121 (1293) ; BMHM 56.1937, 53 n° 19 (1303) ; AHR 3G évêché de Sbg 50 (18/1A) Niederhergheim (1311). 180. MOEDER, Institutions, 241, avec source. Sur la faible densité du peuplement dans la ville haute, cf. WERNER, Vieux M. (n. 178), 146, et MOEDER, Institutions, 26-27 et 30. 181. AHR 10H 94/1, éd. CM I 38 n° 47 (1266) ; sur le sens du mot cf. M. MOEDER in BMHM 49.1929, 30-33. Ein hus, daz etwenne die watloube waz ... in der statt zu Mulhusen uff dem kilchofe en 1377 : AHR 32H 5, éd. CM I 300 n° 316. 182. 1346 : CM I 204 n° 229 ; 1377 : n. 181 ; M. MOEDER in BMHM 49.1929, 27-35. 183. De macellis, de macello carnium dans le rotule de Lucelle, de 1268 : AHR 10H 97/2 ; de opacelli [faute de lecture pour macelli] banco en 1332 : BMHM 55.1936, 114 ; metzge en 1342 : MOEDER, Institutions, 263. Scampni in macello opidi M. en 1349 : AHR 10H 94/1. 184. Inv. AM Mulhouse I 73. Rente uf der brotschalen ze nehst der steininen sùle en 1342 : AHR 10H 94/1, éd. CM I 177 n° 205 ; ici schale semble signifier « étal », et c’est ainsi que le comprend MOEDER, Institutions, 106 ; mais la watschale citée n. 181 est bien une halle. Fr. STAUB et L. TOBLER, éd., Schweizerisches Idiotikon 8, 1920, 530-34, traduisent Schäl par « halle », mais pour certains des exemples cités, « étal » conviendrait mieux. Rien dans Grimm ni Lexer. 185. BMHM 56.1937, 61 n° 27 (1314) ; CM I 121 n° 153 (1316) et 214 n° 239 (1347). Cf. M. MOEDER, « Recherches sur les origines des corporations de M. (1262-1314) », in BMHM 57.1938, 31-52 [en partie spéculatif], et « L’évolution politique des corporations de M. (1314-54) », ibid. 58.1939, 11-32. 186. MOEDER, Institutions, 263 (1342) ; AHR 10H 97/3 f° 7r (XVe s.). 187. MOEDER, Institutions, 112. 188. RegA 15 n° 44 ; MGH SS III 153 l. 7 et 10-17 ; HEK 876.

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189. Albertus clericus, canonicus S. Gregorii : ASHM 2.1928, 94 ; Joannes rector ecclesie in Meyenheim, canonicus huius monasterii dans l’obituaire de M. éd. par E. HERZOG, ibid. 7.1933, 84 (sur la date de cette mention – fin XIIIe ou XIVe s. – cf. ibid. 14). 190. Thiethardus plebanus, témoin en 1183 dans la suite de l’abbé de M. (RUB I 52 n° 38 = ZGO 106.1958, 174), est appelé plebanus de S. Gregorio en 1187 (Mitteilungen des Instituts für österreichische Geschichtsforschung 29.1908, 586). Magister Heinricus plebanus S. Gregorii en 1212 (NSD X 268 n° 100 = URR I 14 n° 27) est sûrement le pléban de M., et non de Soultzmatt, comme le croit Barth (HEK 1545). 191. Ecclesia s. Leodegarii parrochialis : GÖSSI 194 n° 140 ; cf. AHR 1H 25/1-6 et 127/3-4. 192. ASHM 7.1933, 26 (aussi in J.L. LEMAITRE, Répertoire des documents nécrologiques français, 1980, II 973 n° 2301). 193. Der rat und die gemeinde alle von dem vorgenanten [S. Gregorien] tal : AHR 1H 17/1, éd. CAOU V 255 n° N335 (voir aussi N336) et ASHM 60.2006, 60. 194. S. communitatis vallis sancti Gregorii ; photo in ASHM 9.1935, 32 ; BEDOS 363 n° 479. 195. K. RUSER, Die Urkunden und Akten der oberdeutschen Städtebünde vom 13. Jh. bis 1549, II Städte- und Landfriedenbündnisse 1347-80, 1, 1988, 21 n° 1 (burgern 1291) ; MGH SS 17, 258 l. 27-28 (cives 1293). 196. Wir der vogt, meister und rath zu M. en 1328 : AHR 1H 117a f° 126v/127v (Rotbuch, XVIe s., double foliotation). Inv. AHR 1H 18/3-4 (1351-53). 197. AHR 1H 117a f° 126v/127v (= inv. AM Munster GG 56 f° 37) ; J. MATTER, „Das Münsterer Rathaus”, in ASHM 4.1930, 9-20. 198. Reg. MGH Const. XI 96 n° 157, éd. in W.D. FRITZ, „Die Neuverleihung des Colmarer Stadtrechts an Kaysersberg, Münster und Türkheim im J. 1354”, in B. TÖPFER, éd., Stadt et Städtebürgertum in der deutschen Geschichte d. 13. Jhs., 1976, 372-88 (tiré à part BNU M.708.975). – 1287 : voir n. 193. 199. Voir n. 190 (1183) et 193 (1287). 200. AMC FF 351/35 (Bechtold Heimburg, wilent statschriber zu Mùnster en 1416). Cf. J. MATTER, „Die Münsterer Stadtschreiber”, in ASHM 9.1935, 36-84. 201. J. BRESCH, La vallée de M., guide du touriste, 1871, 123 ; R. SCHMITT, « Essai d’une reconstitution topographique de M. au XVIe s. », in ASHM 16.1961, 23-27 et plan h.t. [publie le dossier qu’il a réuni en vue de l’Atlas de Himly – dossier fort mince, qui ne fait aucun usage des AHR !] ; HIMLY, Atlas, 17 et 92. Bien entendu, l’enceinte extérieure est beaucoup plus tardive, mais je n’ai rien trouvé qui puisse la dater. 202. Archiv für Kunde österreichischer Geschichtsquellen 6.1851, 170 n. b. 203. Burger ... gesessen inwendig diser stat ze Münstertal oder uswendig : Rappolsteiner Urkundenbuch (RUB) I 183 n° 250. 204. B. METZ, « Les enceintes urbaines d’après les sources écrites en Alsace », à paraître dans Y. HENIGFELD et A. MASQUILLIER, éd., Archéologie des enceintes urbaines et de leurs abords en Lorraine et en Alsace. 205. SCHMITT, Essai (n. 201). HIMLY, Atlas, 29 indique une surface de 4,2 ha, mais figure une ville d’env. 9 ha. En revanche, sur son plan prétendu au 1/4 000 (ibid. 92), Munster aurait une surface d’env. 3 ha ; FEIN 69 indique 7 ha, mais d’après la carte au 1/25 000. 206. X. MOSSMANN in BMHA 16.1893, 126-27 n° 36 ; MENTGEN 46 cite AHR 3G St Pierre 16 (D I 9). 207. SALFELD 239 et 253. 208. P. ACHT, dir., Regesten Kaiser Ludwigs des Bayern, 4 (Elsaß, éd. J. WETZEL), 1998, 83 n° 147 n. 1 ; Korrespondenzblatt des Gesamtvereins 47.1899, 154 n° 8. 209. ASHM 2.1928, 112-13. 210. AD II 167 n° 980 ou (mieux) ASHM 60.2006, 19 l. 58 (éd. AHR 1H 17/10). 211. Pratum iuxta domum leprosorum : ASHM 7.1933, 90 ; sur la date cf. ibid. 14 ; HEK 879. 212. AHR 1H 35 f° 13r, éd. AD I 432 n° 594.

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213. AD II 166 n° 980, ou mieux ASHM 60.2006, 18, l. 50. 214. AD II 165 n° 980, ou mieux ASHM 60.2006, 16, l. 27-29. 215. Bibl. Mun. Colmar, Ms. 122 f°1v ; vidimus : AHR 1H 35 f° 13r, éd. AD I 432 n° 594. 216. AHR 1H 35 f° 50r. 217. AD II 165 n° 980, ou mieux ASHM 60.2006, 16, l. 30-31. Ce sont les mêmes métiers qu’on trouve dans l’une des deux premières corporations de Masevaux, autre ville d’éleveurs. 218. A. SCHERLEN, Perles d’Alsace (éd. allemande) I, 1926, 51. 219. RegA 51 n° 109 ; HEK 914 ; Chr. WILSDORF, « Remarques sur la première vie de saint Adelphe de Metz et le pèlerinage de N. », in RA 119.1993, 31-41, ici 40. 220. AD I 235 n° 282. 221. AD I 250 n° 303, qui fait allusion à une matrix ecclesia parochialis apparemment distincte de Saint-Adelphe. HEK 919 date la fondation de l’église paroissiale vers 1100, d’après A.M. BURG, „Das St. Adelphi-Stift zu N. unter Bischof Berthold v. Buchegg (1328-53)”, in AEKG 12.1937, 57-71, ici 57-58, dont les hypothèses reposent sur des bases fausses : l’introduction de la réforme de Hirsau à Neuwiller en 1090 est une invention de Tritheim, cf. M. TISCHLER, „Die Gorzer Reform in N.”, in AEA 51.1994, 69-96, ici 74-75. 222. H EK 919 ; PFLEGER, Pfarrei (n. 43), 25, cite en ce sens des recherches « à paraître » de K. Stenzel, qui n’ont pas été publiées à ma connaissance. 223. MGH SS XV/1, 294-96. Cf. G. WEILL, « Le rayonnement d’un pèlerinage alsacien au IX e s. : Saint-Adelphe de N. », in RA 96.1957, 133-40, et WILSDORF, Remarques (n. 219). 224. Jos. LEVY, Die Wallfahrten der Heiligen im Elsaß, 1926, 49-50. 225. BURG, Adelphi-Stift (n. 221), 69. Sur ce reliquaire (aujourd’hui à l’abbatiale), cf. R. WILL in AEKG 16.1943, 402-05, qui le date vers 1280. 226. Le scultetus, le tribunus [= Heimburge] et 10 judices et jurati représentent les cives ou burgenses de N., in presentia meliorum et potiorum et quam plurium universitatis ipsius opidi personarum, per quas dicti oppidi universitas gubernatur : ABR G 5655 f° A24v, G 5479/1 (copies). 227. WINKELMANN, Acta (n. 147), II, 1885, 361-62 n° 586 ; LU I 457 (mentionne le Conseil de N.) ; Regg. Ludwigs (n. 208), IV 77 n° 136, cf. ibid. II 101 n° 138. 228. LU III 2940 ; ABR G 5655 f° B92r. 229. ABR G 5655 f° A65v (mention : AI II 223) ; pour une empreinte conservée, voir ABR G 5351/8 (1336) et BEDOS 376 n° 500 (1386). 230. Also do ze Nuwilre re[ht ist ?], wan es ir oberste hof ist : CAOU V 297-98 n° N402 in Pays d’Alsace 105, 1978/4, 15 ; commentaire de H.W. HERRMANN ibid. 16. Le terme d’oberhof, dans ce contexte, pourrait faire supposer que l’abbaye de N. ait eu une cour domaniale à Diemeringen ; le fait que l’église de Diemeringen soit dédiée aux saints Pierre et Paul (HEK 275) est compatible avec cette hypothèse, mais elle reste bien fragile, faute d’autres indices en ce sens ; en particulier, cette localité manque dans la confirmation des biens de N. en 1178 (AD I 265 n° 321). – Rien dans le coutumier de N. (GRIMM I 753-57). 231. ABR G 5377/2 (1247) ; LU I 1315 (1380) ; AMS 2OND 136/11 C (1395). 232. Domus magistri Johannis notarii à N. en 1313 : ABR G 5655 f° A76v. Conrat der stette schriber von Nuwilre en 1327 (Inv. des chartes du musée de Bouxwiller, 568) et 1343 (ABR G 5655 f° A45r ; inv. ABR G 5377/5). Inv. ABR G 5345/5 (1426). 233. LU I 904 ; cf. AlsMun 10, 1995, 6 et J.M. RUDRAUF, « Le château médiéval de N., son origine, sa localisation et ses vestiges », in Pays d’Alsace 210, 2005/1, 157-66. En 1356, Simund von Lichtenberg a une curia à N., à côté de Saint-Adelphe (StAD B2/438 ; LU I 791). 234. Les Lichtenberg s’emparent de l’opidum quod ante ipsum claustrum situm est en 1260 [mais ne détruisent pas l’enceinte !] : MGH SS 25, 339. Villa seu oppidum en 1307 : ZGO 14.1862, 63. In opido Novillarensi en 1324 : AMS 2OND 136/1 C. Oppidum Novillarense en 1327 : ZGO 14.1862, 75.

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235. Cum cives .... oppidum duxererint ... solidare et munimen impendere eidem ... ad pontes, portas, et in vulgari serras ac trabes turrium lapidearum dicti oppidi : ABR G 5655 f° A24v, G 5479/1 (copies ; mention : AI II 223). 236. 1316 est une faute de la copie du XVIe s. : ABR E 2031 f° 1 ; elle est corrigée dans l’éd. de Th. MOMMSEN in Neues Archiv 50.1935, 412 n° 31, et dans LU I 370. 237. H. BANSA, Die Register der Kanzlei Ludwigs des Bayern, I, 1971, 112 n° 111 (1322). Autres mentions de Juifs à N. en 1335 (ABR G 5655 f° A12v) et 1336 (Elsaß-Lothringisches Jahrbuch 20.1942, 66 n° 6, LU I 432). SALFELD 253. Cf. A.M. HAARSCHER, Les Juifs du comté de Hanau-Lichtenberg entre le XIVe s. et la fin de l’Ancien Régime, 1997, 37. 238. Les Juifs de N. doivent un cens von ire schullen, die do gelegen ist zu Nuwilr in der stat gegen Harreres hus an Reinfirte : ABR G 5655 f° A12v. Cf. HAARSCHER (n. 237), 38. 239. Ad elemosinam hospitali cedent : ABR G 5655 f° B64v (l’exp. doit être sous G 5401/1). Donation confirmée usibus hospitalis dicti monasterii en 1269 : ABR G 5344, éd. AD I 466 n° 661 ; LU I 53. 240. HIMLY, AH, 158. 241. ZGO 15.1863, 397 n° 33 (1278) et 54.1900, 194 (1324). Maison „neben der Schule” en 1422 : L.A. KIEFER, Pfarrbuch der Grafschaft Hanau-Lichtenberg, 1890, 280, sans source. École du couvent en 1426 : L. WALTER in BMHA 18.1897, 267 cite ABR G 5345/5. „Herr Niklaus, Schulmeister zu N.” en 1462 : LU III 3899. 242. Estuarium ... in Kallegasse, appelé Mulichs badestube en 1415 : ABR G 5655 f° A82-84. 243. ABR C 282/66 ; LU II 1362. 244. Fritscho in Marckgasse parmi les jurati de N. en 1321 : ABR G 5655 f° A24v (en alémanique, le mot Markt peut perdre son t) ; maison am merckete en 1335 : ibid. f° A10v ; in Marckgasse en 1349 : ibid. f° A90v ; in foro dicti oppidi en 1344 : ibid. f° A5v et A69r. Maison am Käsmarkt en 1480 : inv. ABR G 5364/20. Mention du marché, du change et des zoller de l’abbé dans le coutumier de N., tardivement rédigé, mais aux clauses anciennes : GRIMM I 753-57, ici 753 et 756. 245. Super maccello superiori carnificum en 1330 : ABR G 5655 f° A 27. Maison ex opposito macellorum am merckete en 1335 : ibid. f° A10v. In oppido Nuwilre inter maccella en 1392 : ABR G 5375, charte mutilée servant de reliure au censier du camérier de N. Le pluriel macella semble ici désigner des étals de boucher, mais le maccellum de 1330 est plus que cela, puisqu’il sert à plusieurs bouchers. – Maison gegen der metzigen ùber ... stosset vorn zu uff die allmende strasse gegen der louben und fleischbencken ùber en 1457 : ABR G 5655 f° C60r-v (suggère que la loube n’est pas seulement une Gerichts-, mais aussi une Verkaufslaube). 246. 1354 : HIMLY, Atlas, 94, sans source ; ein orthus an der milchlouben (ou milth-, avec un tilde sur le th ou ch) en 1409 : ABR E 1987/6 ; mon hésitation vient de ce qu’aucune autre ville d’Alsace ne semble avoir une Milchlaube. 247. AMS 1AST HE II 1 (1231), I 46-47 et 50-51 (1246), I 238 (1436) ; AD I 389 n° 510 (124[6] ; A. HESSEL, éd., Elsässische Urkunden vornehmlich des 13. Jhs., 1915, 13 n° 11 (1246) ; ces sources sont citées par M. BARTH, „Beiträge zur Geschichte von Oberehnheim, I, Zwei Frauenklöster in O. im Mittelalter”, in ADBO 3.1969, 108-12, ici 108-09 (trad. fr. in Obernai 1977, 333-37, ici 333-34). La localisation du reclusoir est donnée par le lieu-dit in der Glos [= Close = Klause] du plan cadastral de 1812, au SW du Creutzthor (anc. Grüßtor, sur la route de Sélestat) – merci à Christine Muller, archiviste d’Obernai. 248. Swester Grede in der closen ze Ehenheim en 1326 (AMS 1AH 4169), die meisterin und die swester gemeinliche in der closen zu sant Nicholause zu Grùz bi Ehenheim en 1327 (ibid. 4181) ; AMS 1AST HE I 228 (1398). GYSS I 196-98 cite AMS 1AH [4167-88] ; Ch. SCHMIDT in BMHA 9.1876, 210 ; BARTH, Beiträge (n. précédente), 110-12 (trad. fr. in Obernai 1977, 335-37), cite AMS 1AST HE. 249. GYSS I 202-03 y voit sans doute à tort une institution hospitalière (voir plus bas) ; les béguines qui, selon lui, auraient soigné les lépreux du XIVe au XVIIe s. (GYSS I 202, 468 ; II 62, 316) sont tout aussi sujettes à caution.

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250. GYSS I 23-27 ; HEK 976. J. Ph. MEYER, « Notes sur l’ancienne église romane d’O. », in ADBO 16.1982, 7-23 (historique détaillé p. 7-16). 251. Die kapelle, d[i]e nuwelingen zue Ehenheim ist gemaht : AMO DD 10/1, éd. CAOU II 120 n° 728 > AD II 32-33 n° 747. 252. MEYER, Église romane (n. 250), 18-23. 253. J. Ph. MEYER, L’église romane de Balbronn, in ASHAM 2005, 63-76, ici 74 (XI e s.) ; AMS 1AH 7796 (ecclesia que ... Obirchirchin dicitur en 1251) ; AEA NS 2.1948, 84 (1371). 254. X. OHRESSER, « L’église Saint-Jean-Baptiste d’Oberlinden, dite Oberkirch », in Obernai 1977, 377-78, semble supposer qu’Oberlinden a d’abord eu son propre ban, mais n’en donne aucune preuve et ne cite aucune source. 255. Sigillis ... universitatis de Ehenheim : Al. MEISTER, Die Hohenstaufen im Elsaß, 1890, 115 n° 1 ; universitas civium en 1242 : SUB I 213 n° 278. 256. 1276 : SUB III 26 n° 76 ; 1299 : ZGO 7.1856, 191 n° 18 = CAOU IV n° 3206 ; 1312 : ARA 2J 644/26 (copie), éd. AD I 100-01 n° 864. 257. AMS 1AH 4181 (der rat und die burger en 1327) ; MGH Const. VI/1, 626 n° 737 (den meister, den rat … en 1330) ; GYSS I 176 (1330) et 177 (1350). 258. ABR G 2927/2, éd. MEISTER (n. 255), 115 n° 1 ; photo in ADBO 3.1969, 80 ; cf. Chr. MULLER, « Les sceaux d’O. », in ADBO 32.1998, 97-109. BEDOS 382-83 n° 507-08. 259. GYSS I 9-27. 260. 1178 : MGH DD X/3, 319-23 n° 767-69 ; 1196 : RI VI/3, 524-27. GYSS I 42 et 47 suppose sans preuve un séjour de Friedrich Ier en 1153. Critique insuffisante dans MEISTER (n. 255), 52-53. J. BRAUN, « Aux origines d’O. », in ADBO 1.1967, 29-34, ici 34, invente d’autres séjours en 1152, 1180, 1181, 1195 ; dans Obernai 1977, 23, il ne maintient que celui de 1180, qui est encore de trop. 261. GYSS I 45-46, 68-70, 73-78 ; K. BOSL, Die Reichsministerialität der Salier und Staufer, 1950, I 207. Curia Ehenheim, ... quia curia publica ducis dicebatur et sedes judicialis ducis inibi erat ab antiquitate dans le faux testament de sainte Odile (AD I 28 n° 24, 1er tiers du XIIIe s. ; cf. ZGO 91.1939, 113-18). MGH Const. III 3 § 33 (de Einheim 150 marce en 1241). RI VI/1, 1401, 1732a (d’après AD II 25 n° 732 : séance de justice), 1897. 262. MEISTER (n. 255), 115 n° 1 (1240) ; cf. ibid. 116 n° 4 (le notaire royal Rüdiger renonce à la cure d’Ottrott en 1242) ; GYSS I, tableau II h.t. (1381). 263. AI II 403 ; J.M. GYSS, « Le château impérial des Hohenstaufen à O. », in BMHA II/3.1685, 152-62 ; GYSS, I 41-46. 264. KÖNIGSHOFEN I 446 (destruction douteuse en 1246, uniquement selon la version B de la chronique) ; SPECKLIN, Coll., 121 (= BMHA 13.1888, 277) n° 1008 (destruction improbable en 1266) ; cf. RBS II 1831 ; ABR C 295/5 (hoffstatt, die man nennet die purgk en 1398) ; AI II 403 (1466). 265. AMS CH 247, éd. AD II 19 n° 720 (aput Ehenheim en 1280) ; MGH Const. IV/2, 1009 n° 975 (apud oppidum Obernehenheim en 1313). 266. 1262 : MGH SS 17, 112 l. 48 ; ringmur en 1283 : ABR G 114/4, éd. CAOU V 172-73 n° N226. Extra muros Ehenheim superioris in der Merzegassen en 1284 : AMS 1AH 4137/1. 267. Inv. ARA 4J 36/1 (exp.) et 2J 646/9bis (copie XVIIIe s.). AI II 402, GYSS I 103 (cf. I 100) et J. BRAUN, « Les fortifications d’O. », in ADBO 4.1970, 67-88, repris in Obernai, 1977, 67-92, ici 67, datent la 2e enceinte de 1298, sans argument sérieux. 268. AD II 114 n° 893 (1314) ; GYSS I 199-200 (1315) et 202 n. 1 (zwischent den ringmuren bi dem Selehofe nebent dem graben, mil. XIVe s.). 269. FEIN 69 ; HIMLY, Atlas, 29 et 97. Obernai, 1977, 37, signale qu’un géomètre a calculé une surface de 12,4 ha pour « la vieille ville sans le faubourg », mais sans préciser si c’est à l’intérieur de la 1re ou de la 2e enceinte. Pour cette dernière, ESCHER/HIRSCHMANN, II 470, indiquent env. 17 ha.

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270. 1215 : AD I 330 n° 401. 1339 : GYSS I 179 (participation aux menées d’Armleder ?) ; 1347 : inv. AMO AA 6 ; MGH Const. VIII 367 n° 317 et 438 n° 394 ; cf. MENTGEN 361-63 ; 1349 : SALFELD 253 (corrigé par MENTGEN 44 n. 132) et 283. Cf. aussi MENTGEN 255-56. 271. Mil. XIVe s. : ADBO 22.1988, 132 n. 26 ; curia ... qui olim erat synagoga iudeorum in vico dicto Smulhosengasse (??) en 1391 : AMS 1AH 2125 f° 323r. 272. Donation ad usus pauperum infirmorum in synodochio seu hospitali instaurando infra muros en 1314 : AMO GG 45, éd. AD II 114 n° 893 ; GYSS I 199. 1319 : GYSS I 201 [d’ap. AMO GG 46] ; magister hospitalis en 1339 : AMS VIII 188 f° 20v. ESCHER/HIRSCHMANN, II 470, indiquent en outre une Elendenherberge du début du XIVe s. Ils pensent certainement au Luckersgotzhus (ci-dessus, n. 249), que GYSS I 202-03, suivi par J. BRAUN in Obernai 1977, 367, semble interpréter ainsi, sur la foi d’une charte qu’il ne date pas, et qui cite die schwestern und alle, die in demselben gotzhuse die herberge durch Got nemen. Ce n’est pas une preuve suffisante ; à mon sens, cette maison est un simple béguinage, dont l’existence ne semble d’ailleurs plus attestée après 1336. 273. J.M. GYSS, „Ein altes Seelbuch” [AMO GG 14, XIIIe-XVe s.], in Ecclesiasticum Argentinense 11.1892, archiv. Beilage, 122-24 et 126-31, ici 123 et 128 ; GYSS I 259 ; J. KNEPPER, Das Schul- und Unterrichtswesen im Elsaß von den Anfängen bis gegen d.J. 1530, 1905, 256-57. 274. Hoffestette, do die badestube uffe stot en 1323 : Chr. MULLER, « Les anciens bains d’O. », in ADBO 15.1981, 39-51, ici 39, cite ABR G 1230/4 (que d’autres attribuent faussement à Rosheim : ASHAM 1969, 93 et AEA 34.1970, 63) et pour le milieu XIVe s. AMO BB 13 (daté fin XIVe s. in ADBO 31.1997, 102, mais sans doute plus proche du milieu du siècle, à en juger par les rares dates figurant dans l’inventaire). 275. 1330 : MGH Const. VI/1, 711 n° 850 (extrait : GYSS I 114 n. 1) ; Fleischbank unter der Metzig en 1397 : GYSS I 155 ; cf. aussi ADBO 31.1997, 102 (metzig fin XIVe s.). Kaufhaus : GYSS II 78. 276. SUB VI 308 n° 588 = G. SCHMOLLER, Die Straßburger Tucher- und Weberzunft, 1879, 13 n° 15 (1390) ; SCHMOLLER 342-43 n° 206 (1391); les deux chartes parlent d’un antwerck, non d’une zunft. 277. WINKELMANN, Acta (n. 147), II, 1885, 199 n° 288 = GYSS I 107. 278. Consules, magistri artificum dicti zunftmeister totaque universitas : GYSS I 149 et 176-77. Cf. ibid. 180 : les « plébéiens », entendons les métiers, entrent au Conseil en 1339. 279. RBS II 2289 (1290) ; ABR G 1510 (1398) ; HEK 116-18 et 1343-44. 280. RBS II 1769 (1264) ; en 1371, elle a encore un sceau, mais apparemment plus de commandeur : SUB V 722 n° 934. Cf. N. BUCHHEIT, « La commanderie des Hospitaliers de Saint- Jean de Rh. (milieu XIIIe - milieu XIVe s.) », in Annuaire de la soc. d’hist. des 4 Cantons 20.2002, 77-90. 281. SUB III 367 n° 1216 (1328) ; AEA 2.1948, 90 (1371). 282. RBS II 2375 (1295) ; AMS VIII 188 f° 58r (1365) ; petit cartulaire de Saint-Pierre-le-Vieux à la fin de la liasse ABR G 1510, f° 37v (1391). 283. A. KOCHER, éd., Solothurnisches Urkundenbuch, II, 1971, 142 n° 229 (plebanus) ; RBS II 1790. HEK 1115-18. 284. Universitas civium vers 1261/63 : SUB I 413 n° 543 ; consules en 1267 : SUB II 8 n° 13 ; universitas opidi Rynouwe en 1290 : RBS II 2289 ; der rat von Rinowe en 1301 (AMS 1AH 854 f° 137r) et 1304 (AMS 1OND 5 f° 221r). 285. AMS CH 144 et 193, éd. SUB I 413 n° 543 et II 8 n° 13 ; WITTMER, Inventaire (n. 85) n° 161 et 247. BEDOS 432 n° 575. 286. CAOU V 196 n° N239 (1283) ; voget Gosse témoin après le Schultheiß de Rh. en 1301 : AMS 1AH 854 f° 136v. 287. Castra Bernstein, Girbaden, Tagsburg et Rinowe en 1236 : RBS II 1043 ; de ortis et areis sitis circa castrum Rinowe in der Sneckenowe v. 1345 : ABR G 377 f° 31r, cf. aussi f° 32r. 288. RBS II 845 (1219) et 886 (1223) ; murum civitatis en 1284: AMS 1AH 854 f° 139r ; suburbium en 1371 : AEA 2.1948, 90. 289. AMS 2OND 168/1 C (1294) ; MGH Constit. IV 232 n° 263a-b (1308).

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290. Hospitale s. Johannis in R. en 1264 : RBS II 1769 ; StAD F 26/223 (1282, copie de 1660) ; CAOU V 175 n° N230 (1283). 291. SUB III 38 n° 108. 292. hospitale de novo fundatum de oppido Rinowe Arg. dioc. : E. KARLESKIND, in AEKG 10.1935, 415-16 (citant les AM de Rh., qui ont péri en 1945 ; trad. all. de 1626 : ABR G 1864), y voit l’hôpital Saint-Jean, mais celui-ci n’est plus « nouveau » à cette date. 293. HEK 1116 ; cf. HIMLY, AH, I 202-08. 294. C’est aussi l’avis de N. BUCHHEIT (n. 280), 79-80. 295. Der schoulemeister der .... statt von Rinowe en 1275 : GLAK 69 v. Türkheim, Nachlaß Grandidier, Codex diplom. Fasz. 4, éd. in OHI III 407, où « 1257 » est une faute d’impression. Cuntze der kinde meister von Rynowe en 1301 : AMS 1AH 854 f° 137r. 296. RBS II 2537. Un autre, Johann Kusolt, est attesté de 1315 à 1321 (SUB II 284 n° 1315, III 287 n° 952). 297. Estuarium en 1324 : AMS 1AH 855 f° 296r ; in estuario quondam Goßonis advocati en 1328 : AMS VIII 188 f° 57v ; bi der nuwen badestuben en 1383 : AM Sélestat GG 104 p. 63. 298. ABR G 377 f° 31r. 299. Unser stat Rinowe ... mit ... dem vare uf dem Ryne und dem zolle : AMS AA 66 f° 139v-141r. 300. AMS CH 3968 (vidimus de 1427). 301. AMS 2OND 168/1 C (1294) ; ABR G 377 f° 30v (porta zu Mercketbrucken v. 1345). 302. Sub lobio : AMS 2OND 168/1 C. 303. Brotbanck ... under der louben en 1359 (AMS 1AH 2074 f° 178r) ; brotbanck ... nebent der tuchlouben ... schuchsuterbanck under der metzige en 1362 (ibid. f° 180r-v). 304. AMS CH 1335, transfixe. 305. E. KARLESKIND, „Die Rheinüberschwemmungen bei Rheinau”, in Annuaire de la soc. historique, littéraire et scientifique du Club Vosgien NS 5.1938, 105-17 ; AMS AA 1591/69 (1564) ; AMS 117Z 2127 (1594-1602). 306. J. TREFFEISEN, „Beschädigung und Zerstörung Neuenburgs durch den Rhein bis zum beginnenden 16. Jh.”, in U. HUGGLE et Th. ZOTZ, éd., Kriege, Krisen und Katastrophen am Oberrhein vom Mittelalter bis zur Frühen Neuzeit (Das Markgräflerland, 2/2007), 131-39. 307. RUB I 155-59 n° 215-16 et 218-20 ; BUB III 209-10 n° 392. Cf. X. OHRESSER, « Le couvent des Ermites de Saint-Augustin de R. », in AEA 33.1969, 267-325. 308. AHR 4H 1/1 (1297) ; dominus de Sancto Morando doit un cens en 1306 : AHR E 2661/1. 309. Misit duos [monachos] ad capellam de Rapolstein ad reformandum locum en 1312 : G. CHARVIN, Statuts, chapitres généraux et visites de l’ordre de Cluny, II, 1967, 324 ; l’éd. songe à la chapelle d’Ulrichsburg, mais il ne peut s’agir que de Saint-Morand. Bruder Helyas, pfleger des gotteshusez von sante Morande OSB, das gelegen ist in dem obern dorfe vor der obern stat ze Rapolzwilre en 1319 : RUB I 260 n° 352 ; der probst von sant Morande en 1339 : AHR 19J 17, 1er cahier, f° 8v. 310. RUB I 471-75 n° 618 (1350), 509 n° 659 (confirmation en 1352), 540 n° 700 (elle est in der obern stat en 1356). Elle est in der alten stat en 1442 (AHR 19J 1/27) et existe encore en 1509 et 1511 (AHR E 2705). 311. 896 : MGH DD Karol. IV 29 n° 6 ; RUB I 3 n° 4 ; RegA 386 n° 646. 1284 : RUB I 124 n° 156. Dans HEK 1090-92, la mention de 1264 est fausse (c’est celle de 1284, mal datée par Clauss) et celle de 1268 (ci-dessous, n. 325) peu sûre, car toutes les localités citées dans la charte ne sont pas le siège d’une paroisse, p. ex. Hagenach. 312. Cives en 1293 : MGH SS 17, 259 l. 35 (cité in RUB I 151 l. 25) ; universitas en 1297 : RUB I 156 n° 215. 313. Die alte stat ... die nuwe stat und das obere dorf et die nidere stat ... die obere stat en 1298 : RUB I 161-62 n° 223 = CAOU 299-305 n° 3055 ; die zwo öbern stette zu Rapolczwilr – die zwo nidern stette en 1373 : RUB II 89 n° 111.

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314. RUB I 260 n° 352 (die burger gemeinlich von der obern stat ze R. scellent en 1319), 274 n° 376 (1324), 285 n° 389 (1327). 315. Voir n. 314. 316. RUB I 242 n° 334 (1317), 340 n° 459 (1335), 348 n° 470 (1336), II 515 n° 664 (1401). 317. R. BRIEGER, Die Herrschaft Rappoltstein, 1907 (on souhaiterait que l’auteur ait fait de RUB un usage moins superficiel). 318. Cf. Th. BILLER et B. METZ, Die Burgen des Elsaß, Architektur und Geschichte, II, 2007, 225-28 (Girsberg) et 277-83 (Hohrappoltstein), et I, à paraître (Ulrichsburg = Groß-Rappoltstein). 319. Johann von Rappoltstein-Oberstadt achète en 1335 une part an dem turne ze sant Margrede : RUB I 335-38 n° 453 et 456; cf. ibid. 427 n° 553 (1344), 520 n° 673 (uff dem kilchhoffe sitzen mit huse, 1353). 320. P. BRUNEL, « À propos du château bas de Ribeauvillé », in Annuaire de Colmar 26.1976/77, 113-20 ; B. JORDAN, Les sires de Ribeaupierre (1451-1585), 1991, 152-54. J. KOCH, « Le site du château de Ribeauvillé », in Cahiers alsaciens d’archéol., d’art et d’hist. 34.2000, 55-66. 321. Castrum sive curiam suam sitam in inferiori opido R. est à Bruno von Rappoltstein en 1388: RUB II 252 n° 295, tout comme den hof, den man nennet die burg zu R. en 1393 : GLAK 67/73 f° 7v (plainte de Strasbourg contre Bruno von Rappoltstein, différente de SUB VI 438 n° 743). 322. SUB V 1023 n° 1401 (reg. RUB V 557 n° 1564 ; vers 1370-80). RUB II 124 n° 138, 162 n° 176 (1376, 1379). 323. Anshelmus quondam procurator de Rapolzwilre en 1241 : RUB I 79 n° 75. 324. MGH SS 17, 256 l. 6-11 (1287). B. BERNHARD, Recherches sur l’histoire de la ville de R. [éd. posthume par X. Mossmann], 1888 (rééd. 1988), 42-44 – suivi notamment par K. ALBRECHT in Das Reichsland Elsaß-Lothringen, III, Ortsbeschreibung, 1901-03, II 860, et en partie par ESCHER/ HIRSCHMANN, II 498 – cite pour 1284 les Annales de Luck (XVIIe s.), que ni RUB ni RI n’ont suivies sur ce point. Une visite du roi Rudolf à Rappoltstein est attestée en 1281 (MGH SS 17, 208 ; RI VI/1, 1404a), mais il n’avait nul besoin de venir sur place pour autoriser la fortification de R. ; et surtout, les Rappoltstein n’avaient nul besoin d’un privilège royal pour bâtir les murs de la ville : voir plus haut l’exemple de Neuwiller (n. 236). 325. En 1268, la délimitation des territoires de quête des Dominicains de Fribourg et de Bâle est modifiée ; les premiers obtiennent hec oppida et hec ville : Columbaria, Rapolteswilre, Teienhein [Deinheim, disp., juste au N de Colmar], Husen, Osthein, Gemere, Richenwilre, Hunewilre, Hagenoch [disp., entre R. et Bergheim], Bercheim, ..., Cellemberch : UB Freiburg (n. 137), I 195 n° 221. Cette énumération suit un ordre géographique assez logique, sauf que R. n’est pas du tout à sa place – serait-ce que le rédacteur a nommé les oppida – Colmar et R. – avant les ville ? 326. RUB I 139 n° 285 > AD II 45 n° 768. Sur le sens de stat cf. plus haut, n. 204. 327. HIMLY, Atlas, 98-99, l’a bien vu, mais induit le lecteur en erreur tant par ses datations arbitraires que par ses confusions : sur son plan, le n° 37 correspond en fait aux Augustins, le n° 40 au réclusoir, le n° 41 à l’église paroissiale. 328. Voir n. 313. 329. In dem obern dorfe en 1306 : ABR E 2661/1 ; en 1319, Saint-Morand est in dem obern dorfe vor der obern stat ze R. : RUB I 260 n° 352. Die nidern stette R. beide, et die obern zwo stette zu R. en 1341 : RUB I 391 n° 521. 330. BERNHARD (n. 324), 44-45 ; HIMLY, Atlas, 98. 331. Ce que RUB et son index très détaillé facilitent ; mais la difficulté tient au fait que chaque fois qu’une nouvelle enceinte s’ajoute aux précédentes, ce n’est plus forcément la même qui est die obere, die niedere ou die Mittelstat. 332. Die juden 2 ß von dem wighus bi irre schule en 1311 : RUB I 203 n° 284 ; RUB I 307 n° 416 (1331). SALFELD 239 et 253. 333. Dans une copie de 1769 d’une charte de 1425 (AHR E 2702), on dit d’un bourgeois de R. : als der juden spital zu Rappoltswiler kommen ; il faut évidemment lire als der in den spital ...

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334. Inscription citée in RA 43.1892, 248 ; selon d’autres (sans source), les fondateurs seraient les Rappoltstein. Hus in der alten stat ze Rapoltzwilre in Gerwergaße nebent der Spitalmüln en 1344 : AHR 24H 10/5 ; reg. : RUB I 431 n° 557. Her Peter, cappelan ze dem spital en 1346 : RUB I 452 n° 585. 335. RUB II 531 n° 690 (1403) ; KNEPPER (n. 273), 242-43. SCHERLEN, Perles (n. 218), II, 1929, 306, mentionne sans source Dietrich, der alt schulmeister von R. en 1401. 336. Nuwe cinse in der nuwen stat : von der badestube nebent mins herren müle : AHR 19J 1/17, cahier B, f° 9r (1339 svv.) ; rente uf der öbersten badestuben ... in derselben [= nuwen] stat en 1350 : RUB I 475 n° 619. 337. ESCHER/HIRSCHMANN II 498-999 d’après RUB I 177 n° 244 (= AD II 78 n° 825) : die watloube und swas man mit der elen ussnidet, ... spengeler, messerer et nombreux autres artisans. 338. Swas merkete sù hant, die sollent gemeine sin en 1298 : voir n. 313 ; krutmerket, holzmerket, etc., en 1302 : n. 337 ; la charte ne décrivant que la part de Heinrich, il faut supposer que celle d’Anselm comprenait d’autres marchés. 1307 : UBPB 17 n° 8 ; rég. RUB I 191 n° 284 ; cf. RA 128.2002, 62. 339. Ze R. in der alten stat uffen den bach bi dem vischemerkete an der steininbrucke en 1321 : AHR 29H 1/1 ; Syfrit am Kornmerckt (à R.) en 1368 au plus tôt : AHR 11H 12/4 p. 61. Der merket in der Obern stat : AHR 19J 1/17, cahier A f° 16v = cahier B f° 4r. 340. MGH SS 17, 218 l. 33 ; B. BREYVOGEL, Silberbergbau und Silbermünzprägung am südlichen Oberrhein, 2003, 165 („illegale Beischläge”). BUB V 100 n° 94 (1387). NESSEL, Beiträge (n. 119), 169. ESCHER/HIRSCHMANN II 498 citent Al. REVERCHON, Metzer Geldgeschichte, 2004. 341. Hoff ... bei der louben en 1297 : RUB I 156 n° 216. Watloube en 1302 : RUB I 177 n° 244. La mention d’une obern watlouben en 1388 (RUB II 260 n° 301) suggère que chaque coseigneur a voulu avoir la sienne. In der alten stat ze R. uffen den bache gegen der brotlouben en 1335 : AHR 29H 1/1. In der obern stat nebent der fleischlouben en 1342 : RUB I 402 n° 531. Le censier des Rappoltstein commencé en 1339 mentionne notamment 15 fleischbenken under der louben, ... die wage, ... die benke under der fleischlouben, do men brot uffe veile hat (2 e main du XIVe s.), et das schinthuse : AHR 19J 1/17, cahier A f° 16r-v, cahier B f° 4r et 13r. Nebent der nydern kornlouben en 1431 : RUB III 327 n° 668. Il y a donc sûrement une obere Kornlaube, et ce dédoublement doit remonter à l’époque où la ville était partagée entre deux seigneurs, donc avant 1400. 342. Murrin der Lamperter [und] sine gesellen : RUB II 401 n° 531. 343. Die ... wehseler en 1302 : RUB I 177 n° 244 ; AHR 19J 1/17, cahier A, f° 8 svv. ; RUB I 498 n° 645 (1352). 344. SCHERLEN, Perles (n. 218), I, 1926, 51. 345. Cette notice doit beaucoup à ma collègue Christine Muller, qui l’a relue et m’a communiqué de nombreuses informations complémentaires. Qu’elle en soit vivement remerciée. 346. 1050 : A. CALMET, Histoire ... de Lorraine, 2e éd. 1745, II pr. 289; JL 4245; M. PARISSE, « Bullaire de la Lorraine », in Annuaire de la soc. d’hist. et d’archéol. de la Lorraine 69.1969, 15 n° 36, la dit fausse, mais sans argument. 1137 : SUB I 65 n° 85. Selon la chronique latine de Königshofen, éd. L. Dacheux in Fragments des anciennes chroniques d’Alsace, IV 10 (= BMHA 15.1892, 290) n° 3653, l’évêque Erchenbald (965-91) aurait consacré 2 chapelles à R., mais RBS I ne reprend pas cette affirmation. HEK 1145-47. 347. R. LEHNI, « L’église Saint-Etienne de R. », in ASHAM 4.1970, 7-12. Pour Saint-Pierre cf. J. Ph. MEYER, Voûtes romanes, 2003, 239-53 (avec la bibl. antérieure). 348. Sur la cour de Hohenburg cf. notamment HANAUER, Constitutions, 253-66, AMS CH 3574 (1419) et N. BRETZ in ASHAM 2000, 145-78 ; sur le closterhof de Niedermünster (1341) : MULLER, Topographie, ici 1978, 36 et n. 82; sur la curia abbatisse de Hessen v. 1345 : ABR G 377 f° 20r ; sur la curia de Senones, avec domus lapidea avant 1225 : MGH SS 25, 311 ; sur la curtis du Grand Chapitre, liée à l’église Saint-Etienne : SUB I 65 n° 85. Des probstes hove zu S. Peter zu Strazburg en 1328 : AMS 1AH 586 f° 221r. Maison d’Obersteigen à R. 1262 : Alsatia 1874, 190.

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349. ZGO 14.1862, 192 n° 8 (1232) ; MEISTER (n. 255), 114 n° 1 (1240) ; ABR G 111/3 (1262) ; CAOU V 245 n° N321 (die gemeine zu Rodisheim en 1286) ; ABR G 2868/10 (sceau de 2 scheffele en 1341, signalé par Chr. Muller) ; AMS 1AH 4393 (sceau de 2 cheffeln en 1342) ; ABR H 1502/5 (sceau d’un scheffel en 1346). 350. AM Sélestat JJ 36. En 1419, Florenz von Ittenheim est nunc unus magistrorum ex parte nobilium opidi Roßheim : AMS CH 3574 (en partie lue à la lampe de Wood). 351. ABR G 111/3 (1262 ; le 14e sceau, disparu, était probablement celui de la ville, mais il n’est pas clairement annoncé) et 1G 219, éd. CAOU V 245 n° N321 (1286 ; sceau conservé : il figure saint Pierre, qui n’est pourtant patron que d’une des deux églises de R. ; dessin : Chr. MULLER, « Les armes de la ville de R. », in ASHAM 1977, 61-72, ici 67 fig. 6). Un sceau secret apparaît en 1359, et un nouveau grand sceau en 1360 ; tous deux portent une rose (MULLER, Armes, 62 ; dessins : ibid. 67 fig. 7-8). BEDOS 440-41 n° 588-89 ne connaît que ces deux derniers. 352. Annales de l’Est 6.1892, 103-10 n° 6-12. 353. Berhtoldus advocatus en 1262 : ABR G 111/3. 354. Ch. L. SALCH, Rosheim. Châteaux, palais, maisons nobles, remparts (XIIe et XIII e s.), 1988, évidemment sans aucune référence. Cf. en dernier lieu Chr. MULLER, « Le quartier de la « Maison Romane » à R. : note sur les maisons de pierre médiévales d’après les textes (1re partie) », in ASHAM 2006, 67-80, av. la bibl. antérieure. 355. Chr. MULLER, « Greffiers à Rosheim », in ASHAM 1986, 77-89. Échevins : ci-dessus, n. 349. Jacob Grinlins dochterman de[r] schriber est attesté en 1303 (ABR G 1218, f° 20), † Isenhart Scriptor au début du XIVe s. (ABR G 2763/3 f° 4), le patronyme de Schriber en 1327 (ABR H 2673/2) ; je dois ces trois références à Chr. Muller. 356. Richer de Senones, in MGH SS 25, 298-99 ; il mentionne aussi « la porte vers le Val de Bruche », ainsi qu’un cimetière (atrium) servant de refuge. 357. Ad ... fossata vel muros vel ad quascumque munitiones in dicta villa Rodesheim faciendas : ABR G 111/3 ; le passage essentiel est cité par MULLER, Topographie, ici 1978, 45 n. 93. 358. RBS II 1840 (1267) ; MULLER, Topographie, ici 1978, 46 n. 93 (1274). N. BRETZ, « Contribution à l’étude de R. à l’époque romane », in ASHAM 2000, 145-78, date la première enceinte de la fin du XIIe ou du début du XIIIe s., en se fondant sur la datation (bien fragile) de fenêtres percées dans son mur et sur une interprétation des sources écrites qui diffère beaucoup de la mienne. 359. ABR G 114/3 (1282) ; apud Lewerburgetor en 1300 : BN ms. lat. 9074 n° 6 [= f° 5] – ce qui prouve que ce nom n’a rien à voir avec des lions, mais bien avec les « tertres » – Lewer étant le pluriel de Le(he) – auquel un quartier de Rosheim doit son nom. Cf. hof in Lewern in der stat zu R. ... nebent der muren en 1346 : ABR H 1502/5, aimablement signalé par Chr. Muller. Cf. aussi la même, Maisons de pierre (n. 354), 71 n. 15 et 77. 360. MULLER, Topographie, ici 1978, 39. 361. ABR G 3624/5 ; je dois cette référence et la localisation de la Breitegasse à Chr. Muller. La mention d’une inndere stat – impliquant une ussere stat – en 1346 (MULLER, Topographie, ici 1978, 39) va dans le même sens. 362. B. METZ, « Les enceintes urbaines d’après les sources écrites en Alsace », à paraître dans Y. HENIGFELD et A. MASQUILLIER, éd., Archéologie des enceintes urbaines et de leurs abords en Lorraine et en Alsace. 363. HIMLY, Atlas, 30 ; FEIN, 69, indique 22,5 ha, mais d’après la carte au 1/25 000 ! 364. AD I 330 n° 401 (1215) ; SALFELD 253 et 284 (1349). MENTGEN 304-05 ne concerne que les XVe et XVIe s. 365. R. WEYL, Patrimoine d’Alsace. Le cimetière de Rosenwiller, 1988, non paginé, « Historique », cite ABR H 1250. MENTGEN 53 accepte cette source – pourtant problématique, puisqu’on n’en a qu’un extrait du XVIIIe s. ; la date de l’original n’est donc nullement assurée. 366. 1321 : ABR G 2715/20. 1345 : M. JOUANNY, Les Hospitaliers en Basse-Alsace (1217-1529), thèse ms. de l’Ecole des Chartes [vers 1925] (AMS 67Z 8), 65, sans source ; 1363 : HIMLY, AH, 211 n°

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1425 cite AM Rosheim GG 6 ; cf. aussi MULLER, Topographie, ici 1978, 42 n. 33. Chapelain et malades de l’hôpital en 1365 : SUB VII 350-51 n° 1193. 367. MULLER, Topographie, ici 1979, 34-35 n. 17, cite ABR G 1218/1a. 368. MULLER, Topographie, ici 1978, 26, cite ABR G 1243/2 (2e m. XIIIe s.). Ortus in der badegassen ex opposito estuarii in Rodesheim en 1321 : ABR G 2715/20. Sur l’emplacement du badegraben (ville basse ?) et du bain (ville haute), je remercie Chr. Muller de ses informations. 369. 1240 : ci-dessus, n. 349. Le rotule de la cour de Hohenburg à R. évoque bien des hofestete ... do man mercket hette oder veilen kouff (HANAUER, Constitutions, 258), mais ici mercket désigne clairement toute activité commerciale. Allusion au cours des grains uff dem merckete zu R. en 1441 : ABR H 1503/23, signalé par Chr. Muller. 370. under der louben doselbes : AMS 1AH 4396 (charte) ; in der Mittelstat gegen der louben ùber en 1419 : AMS CH 3574. 371. Maisons prope carnifices (fin XIIIe s.) : ABR G 1243/3, 7 et 1243/1, 8 ; vor der metzige en 1328 : ABR H 2673/3 ; by den fleischbencken en 1367 : ABR G 1230/9 ; in der öbern stat by der metzige en 1438 : ABR G 3627/15. Je dois toutes ces références à Chr. Muller. 372. AMH JJ 234/23. 373. Renseignement de Chr. Muller, d’après AM Rosheim DD 1 et CC 7a.

RÉSUMÉS

Il s’agit de la poursuite de l’article commencé dans la RA 128.2002, dont le propos est de mesurer le degré d’urbanité et de centralité des villes d’Alsace à l’aide d’un certain nombre d’indicateurs, pris dans les domaines de l’organisation communale, de l’économie, de l’équipement défensif, sanitaire, cultuel, etc. Sont étudiées 11 villes, de Marckolsheim à Rosheim, les plus grandes étant Mulhouse et Ribeauvillé.

This essay on the hierarchy of medieval towns in Alsace continues the study published in the Revue d’Alsace 128.2002, aiming at assessing the evolution of Alsatian towns in terms of urbanity and centrality, with the help of a certain number of elements describing the organisation of towns, of economy, of defensive, health and religious equipment etc. Among the 11 towns examined (from Marckolsheim to Rosheim) the largest are Mulhouse and Ribeauvillé.

Der Aufsatz, dessen ersten Teil in der RA 128.2002 erschienen ist, wird hier für 11 Städte fortgeführt, von Markolsheim bis Rosheim. Ziel ist es, den Urbanitäts- und Zentralitätsgrad der elsässischen Städte zu messen, anhand einer Reihe von Indikatoren aus den Bereichen kommunale Selbstverwaltung, Wirtschaft, Befestigung, Kultus, Dienstleistungen, usw., die von Escher et Hirschmann übernommen wurden.

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INDEX

Index chronologique : Moyen Âge Mots-clés : Urbanité, ville d’Alsace Keywords : Medieval town, urbanity Index géographique : Mackolsheim, Marmoutier, Masevaux, Molsheim, Mulhouse, Munster, Neuwiller, Obernai, Rhinau, Ribeauvillé, Rosheim Schlüsselwörter : elsässischen Städte, Urbanität

AUTEUR

BERNHARD METZ Archiviste de la Ville et de la Communauté Urbaine de Strasbourg

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Strasbourg et les femmes publicistes du XVIe siècle

Anne-Marie Heitz

« Vous entendrez clairement et publiquement, combien nos femmes sont peu silencieuses »1 La prédication et l’enseignement des laïcs, tolérés au haut Moyen Âge dans des cas bien précis, y compris pour certaines femmes2, furent restreints de manière de plus en plus radicale à partir des XIIe et XIII e siècles3. En raison de l’ampleur prise par des mouvements dissidents qui acceptaient – voire encourageaient – les prises de parole laïques, mais aussi de l’émergence croissante de pseudo-prophètes en ces temps de crise d’autorité, l’Église fut amenée à renforcer les interdits concernant les prises de parole publiques. Les laïcs, s’ils ne cessèrent pas tous de prêcher et d’enseigner, furent moins nombreux à oser s’exprimer ouvertement, et ce jusqu’au moment de la Réformation, où de nouvelles perspectives s’ouvrirent à eux. Les deux traités de Martin Luther de 1520, De la liberté du chrétien4 et l’Appel à la Noblesse chrétienne de la Nation allemande5, jouèrent un rôle primordial dans ce regain des interventions laïques. Le Réformateur de Wittenberg y énonça des principes théologiques fondamentaux, qui contribuèrent à créer un contexte favorable à la prédication des laïcs : chaque chrétien est justifié par la grâce de Dieu, chacun doit entendre la Parole de Dieu, chacun est appelé à une vie sainte et à une vocation chrétienne, que ce soit dans les offices de l’Église ou dans la vie quotidienne6. Luther mit particulièrement en avant l’autorité des Écritures, aux dépens de toute parole d’origine humaine, et rejeta la distinction hiérarchique qui opposait clercs et laïcs7. Cet dernier argument du Réformateur fut largement propagé, alors que ses réserves et ses restrictions relatives aux paroles publiques des laïcs – notamment au sujet de leur caractère exceptionnel – ne furent pas toujours entendues ou acceptées. Grâce à la large diffusion de ces écrits de Luther, à l’alphabétisation qui touchait de plus en plus de femmes et à l’accès à la Bible pour toutes les bourses, les femmes ressentirent qu’elles n’étaient plus exclues des débats théologiques. Aussi certaines d’entre elles décidèrent de s’exprimer publiquement sur des questions religieuses8.

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Nous nous concentrerons, dans cette étude, sur les textes de trois femmes qui vécurent à la même époque, et qui ont eu un lien avec Strasbourg : Catherine Zell, Argula von Grumbach von Stauffen, dont le pamphlet le plus réputé connut une édition dans la cité alsacienne, et la francophone Marie Dentière qui vécut à Strasbourg avant de s’y marier. Notre étude sera divisée en trois parties. Nous présenterons tout d’abord les grands traits de la vie de ces trois femmes et le contexte dans lequel elles se sont exprimées publiquement, puis nous verrons le sort réservé à leurs écrits : d’une part les réactions face aux textes d’Argula von Grumbach et de Marie Dentière, d’autre part la manière dont les prises de position de Catherine Zell furent reçues dans la cité alsacienne.

Argula von Grumbach

Trois femmes prennent la parole

Éléments biographiques

Catherine Schütz est née entre 1497 et 1498 dans une famille strasbourgeoise aisée9. Elle a suivi, dans la maison paternelle, une bonne formation dans la langue vulgaire – elle ne savait en revanche guère le latin – et une éducation religieuse poussée, et ce dès l’âge de sept ans. Elle s’exerçait, selon ses dires, à la lecture de la Bible et aux devoirs pieux : cette première étape de sa vocation religieuse culmina lorsque, à l’âge de dix ans, elle décida de dédier sa vie à Dieu et de se consacrer à son prochain. Catherine raconte qu’elle a ensuite fait tout son possible pour être assurée de l’amour de Dieu, du salut, de la paix de l’âme devant Dieu, mais rien ne la soulagea, jusqu’au jour où elle entendit le message de Luther. Elle devint alors une fervente partisane du mouvement évangélique. Le premier signe de son engagement en faveur de la Réformation fut son

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mariage avec le prédicateur strasbourgeois Matthieu Zell, le 3 décembre 1523. Elle publia à la suite de cet événement une apologie pour justifier son union et, dès lors, elle ne cessa plus son abondante production écrite, composée d’écrits purement théologiques, mais aussi épistolaires et polémiques. Elle s’éteignit le 5 septembre 1562. Argula von Grumbach fut, elle aussi, l’auteur de nombreux écrits, en particulier de pamphlets10. Elle est née en 1492, dans une famille de la haute noblesse bavaroise. Lorsqu’elle eut dix ans, son père, Bernardin von Stauff, choisit de lui donner une éducation digne de son rang : après lui avoir offert une Bible illustrée en langue allemande11, il la plaça chez une sœur de l’Empereur Maximilien, la duchesse Cunégonde, afin qu’elle y fût formée en tant que dame de cour. C’est sous cette prestigieuse tutelle qu’elle fut instruite, en langue vernaculaire. Peu après son entrée à la cour, elle perdit successivement ses parents dans un intervalle de cinq jours, sans doute en raison d’une épidémie de peste. En 1516, elle épousa Frédéric von Grumbach, qui venait d’être promu au poste de Pfleger à Dietfurt ; elle lui donna une fille et trois fils. Dès 1520, Argula devint une fervente lectrice des écrits de Luther et, en 1523, elle écrivit son premier pamphlet en faveur des idées évangéliques, texte qui la projeta sur l’avant de la scène publique. Les conséquences de cette publication ne se firent pas attendre : son mari fut démis de ses fonctions dès le mois d’octobre 1523, et perdit de ce fait toute source de revenus. Dès lors, il se révolta contre les interventions publiques de son épouse ; ses inquiétudes financières l’aigrirent, et le rendirent même violent. Il mourut en 1529. Quatre ans plus tard, Argula épousa un comte von Schilck, partisan des idées luthériennes, mais ce mariage ne dura que deux ans, jusqu’à la mort de ce second époux. Veuve, sans héritage, Argula rencontra de nombreuses difficultés, accentuées par la perte de trois de ses enfants, Georges et Apollonia en 1539, et Jean- Georges en 1544. Malgré ces épreuves, elle demeura active et ferme dans ses convictions. Elle mourut après 1563. Quant à Marie Dentière, on ignore sa date de naissance, mais on sait qu’elle était issue de la petite noblesse12. La famille de son père, Jérôme d’Ennetières, était établie à Tournai, au moins depuis la fin du XVe siècle. Marie y vécut jusqu’en 1521, puis elle s’engagea dans les ordres et fut nommée prieure du couvent des Augustines de l’abbaye de Près. Mais, gagnée par les idées évangéliques, elle quitta son couvent et rejoint Strasbourg au cours du mois d’octobre 152513. C’est là qu’elle épousa Simon Robert, ancien curé devenu pasteur, ami de Farel et connaissance de Bucer, Capiton et Zell. Le couple demeura dans la cité alsacienne jusqu’en mai 1528, avant de s’installer à Bex où Simon Robert fut pasteur jusqu’à sa mort en 1533. Marie épousa alors Antoine Froment, qu’elle alla rejoindre en 1535 à Genève avec ses cinq enfants. C’est dans cette ville qu’elle commença à publier, à partir de 1536, des écrits polémiques. Nous ne possédons en revanche pas de renseignements sur la fin de la vie de Marie ; elle serait décédée en 1561.

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Matthieu Zell

Le contexte de leurs écrits

Catherine Zell est l’auteur de textes de nature très différente14 : • des lettres ; le premier de ses écrits est une lettre de consolation qu’elle adressa aux femmes de Kentzingen, le 22 juillet 1524. Elle entretint par ailleurs des liens épistolaires avec Ambroise Blaurer, Melchior Ambach, Conrad Pellican, Martin Bucer et Paul Fagius. Elle rédigea en 1553 une missive à Gaspard Schwenckfeld qui, du fait de sa longueur, est proche du style d’un traité ; celle adressée à Louis Rabus en 1557 est quant à elle largement polémique, tout comme celles qu’elle envoya aux responsables de l’assistance sociale à Strasbourg15. Sa dernière lettre, qu’elle rédigea en 1558, est proche à la fois du genre de la lettre de réconfort et de celui d’un commentaire purement théologique : Catherine Zell cherchait en effet à consoler Félix Ambruster condamné à l’isolement parce qu’il avait contracté la peste, tout en commentant de manière didactique les Psaumes 51 et 130 et le Notre Père. • une apologie pour son époux, qu’elle rédigea en septembre 1524. Elle était adressée à trois hommes influents : Thomas Murner16, Jean Cochlaeus17 et Conrad Treger18. • une introduction à un recueil de cantiques, qu’elle rédigea en 1534. Michael Weisse, un homme associé aux mouvements dissidents, était le traducteur et l’éditeur de ces cantiques issus du mouvement de Jean Huss. Catherine Zell en adapta certaines mélodies, y ajouta son introduction et certaines annotations pratiques à l’égard des usagers, et le fit publier à Strasbourg en quatre livrets au lieu d’un seul – afin de diminuer son volume et son coût – : les deux premiers furent édités en 1535, les deux suivants en 1536. • un discours qu’elle prononça lors de l’enterrement de son époux, le 11 janvier 1548. Lors de la cérémonie, après un sermon prononcé par Bucer, Catherine Zell prit la parole. Cette

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intervention, longtemps contestée par les historiens du XIXe siècle19, est aujourd’hui incontestablement attribuée à l’épouse du Réformateur20. • la trop grande tolérance de Catherine à l’égard des dissidents, et de Schwenckfeld en particulier. Ainsi Bucer aurait-il souhaité que Matthieu Zell prêche davantage en faveur « de l’unité de l’Église. [… Mais] son épouse le détourne de cette activité »68. • l’influence jugée démesurée que Catherine exerçait sur son époux69. Bucer s’était montré particulièrement sévère à ce sujet, dans une lettre datée du 16 novembre 1533 : il affirma en effet que Matthieu Zell était « gouverné par sa femme »70 et que celle-ci était une personne « déchaînée qui s’aime [trop] elle-même »71. Dans ce courrier, Bucer se montra dur à l’égard de tous ses collègues, Zell, Capiton et Hédion, mais aussi à son propre sujet : « Qu’en est-il de toi, ô mon Bucer ? Mille, mille fois misérable, voyant tout sans exception [mais] d’un zèle inutile »72. Si donc on peut relever le caractère singulier de cette lettre, dans laquelle Bucer confiait sa fatigue et sa déception passagère, ses remarques concernant le caractère et la trop grande estime de soi de Catherine Zell ne sont quant à elles pas exceptionnelles. Aussi estimons-nous qu’il faut ajouter aux deux types de critiques répertoriés par McKee un troisième, qui regroupe les remarques de Bucer relatives à la personnalité de Catherine Zell. En effet, Bucer estimait que l’épouse de son collègue avait une trop grande estime de sa personne et que, de ce fait, elle refusait d’être enseignée par d’autres. Or Bucer estimait qu’il s’agissait là de défauts particulièrement dérangeants73, bien qu’il reconnaisse dans le même temps de véritables qualités à l’épouse Zell. Il souligna cette dualité à de maintes reprises : • en septembre 1531, il se plaignit de son amour propre qui faisait qu’elle appréciait trop de s’entendre parler en public : « elle craint Dieu, cependant […] pour ce qui est de parler [en public] elle se montre douce et sa manière n’y est pas du tout opposée »74. • en octobre 1533, il dénonça sa trop grande influence sur son époux : « cette personne bonne, avec laquelle vous agissez, dirige à travers son homme la grande église et la communauté, et pour la plus grande part de ce qui concerne la prédication »75. • en janvier 1534, il l’accusa de ne porter attention qu’aux personnes qui s’intéressaient à elle : « elle est une personne bonne et aime vraiment le Seigneur ; mais nous nous donnons volontiers beaucoup de mal, nous lui accordons trop d’importance et celui qui ne le fait pas, [c’est comme s’il] ne faisait rien du tout. Conservez-lui votre amitié. Puissions-nous davantage l’entourer ! Elle en écoute d’autres »76. • en février 1534, il dénonça une fois encore son excès d’amour propre : « sa femme aussi est pieuse, quoique pleine d’amour d’elle-même »77. Martin Bucer résuma cette situation dans une lettre de mars 1534, adressée à Marguerite Blaurer : malgré ce caractère difficile, il était important de rester en bons termes avec Catherine, du fait de ses qualités propres et de la notoriété du couple Zell parmi les Strasbourgeois. Ainsi affirmait-il à Marguerite : « la femme de Zell est ainsi. Tu fais bien de préserver son amitié sans discussion »78. Les relations entre Catherine Zell et Martin Bucer étaient donc faites de sentiments mitigés, entre l’agacement et la sympathie. Leurs rapports furent toutefois davantage marqués par l’estime réciproque que par les critiques – condensées dans les années 1533-1534 –, comme en atteste la fin de leurs vies. Ainsi lorsque Matthieu Zell décéda, c’est Martin Bucer qui se chargea de prononcer le discours de remise à Dieu. Il se préoccupa ensuite du sort de Catherine qui vivait très mal son veuvage : il organisa pour elle un séjour à Bâle et à Zurich, la confiant à ses collègues suisses en tant que « veuve de notre [collègue] Zell, une femme pieuse et

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sainte qui vient à vous, [voir] si peut-être elle peut trouver quelque adoucissement dans sa souffrance »79. Catherine Zell sut lui rendre la pareille lorsque Bucer se trouva lui- même dans le besoin. Leurs liens se resserrèrent ainsi au moment de l’Interim, lorsque Martin Bucer fut condamné à l’exil : Catherine Zell n’hésita pas à lui offrir son foyer comme refuge avant son départ, tout comme l’avait fait son époux lors de l’arrivée des Bucer à Strasbourg. La lettre qu’elle lui adressa alors qu’il s’était établi en Angleterre confirma la sympathie qu’elle lui portait puisqu’elle le qualifia, avec Paul Fagius, de « mes chers messieurs et amis particuliers »80. Wolfgang Capiton éprouvait, lui aussi, des sentiments mitigés à l’égard de l’épouse de son collègue. Apréciant les femmes discrètes, il estimait Catherine Zell trop prompte à s’exprimer publiquement81. Toutefois, s’il était surpris – voire gêné – par la liberté d’expression de la jeune femme, il reconnaissait ses qualités, et notamment sa foi. Il faisait ainsi part à un Wittenbergeois de son étonnement au sujet du comportement de Catherine Zell, « laquelle est assez audacieuse pour écrire au maître Docteur [Luther] et faire étalage de sa sagesse »82. Capiton, qui craignait sans doute le scandale, préféra envoyer des recommandations aux Wittenbergeois avant qu’ils n’accueillent le couple Zell. Ses propos attestent de la rareté des prises de parole féminines, puisque le Réformateur tenta d’excuser cette exception strasbourgeoise en invoquant la foi de la jeune femme : « vous entendrez clairement et publiquement, combien nos femmes sont peu silencieuses. Du reste elle est vertueuse et pieuse »83. Strasbourg semble en effet avoir constitué une plate-forme particulière pour les femmes qui désiraient s’exprimer publiquement sur des questions religieuses. Ainsi les trois femmes publicistes Argula von Grumbach, Catherine Zell et Marie Dentière avaient-elles en commun la cité alsacienne. Les éditeurs de la ville avaient éprouvé un réel intérêt pour les écrits féminins : ils avaient imprimé le premier pamphlet d’Argula von Grumbach – le premier écrit féminin en faveur des idées évangéliques –, puis l’apologie de Catherine Zell. C’est sans doute inspirée par ce milieu propice que Marie Dentière osa elle aussi, bien que sous couvert d’anonymat, publier ses écrits à Genève lorsqu’elle s’y établit84.

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Wolfgang Capiton

Le contexte strasbourgeois présente une seconde particularité. C’est dans cette seule ville qu’une femme, Catherine Zell, put s’exprimer publiquement sur une si longue période, de 1524 à 1562. Si cette exception était liée à la personne et à la vie même de Catherine, elle est également liée à l’atmosphère de tolérance qu’y avaient élaborée les Réformateurs de la première génération. S’ils étaient parfois gênés ou agacés par les interventions de Catherine Zell, ils savaient reconnaître ses talents et sa foi. Et, s’ils désapprouvèrent certains de ses actes et ou ses idées, l’accord profond et l’estime réciproque qui les unissaient permirent de passer outre les préjugés de leur temps. Ainsi, trois des quatre principaux Réformateurs strasbourgeois de la première génération firent appel à Catherine Zell – et à elle seule – pour les accompagner dans une « bonne mort », domaine pour lequel elle semblait posséder des capacités particulières85. Certains contemporains laïcs de Catherine ont eux aussi reconnus ses talents de parole, et pas uniquement dans le contexte d’assistance dans la mort. Ainsi un chroniqueur évangélique de Saint-Gall, après avoir lu la lettre adressée aux femmes de Kentzingen, compara-t-il Catherine Zell aux femmes fortes de la Bible qui, sur l’appel de Dieu, prenaient la parole et agissaient dans des domaines généralement réservés aux hommes : « la chrétienne femme Catherine Schütz, épouse du prédicateur Matthieu Zell de Strasbourg, a de tout cœur consolé, enseigné et exhorté avec la Parole de Dieu les chrétiens souffrants, qu’ils se trouvent ici ou là, à supporter volontiers la croix du Christ, grâce à un particulier petit livre imprimé ; elle l’a fait de telle façon que l’on peut s’étonner d’un aussi grand don dans le si fragile vase [que constitue] une femme. On voudrait comparer ces deux sœurs sus-dites [Catherine Zell et Argula von Grumbach] dans l’Ancien Testament à Déborah et Houlda en Juges 4 et 5 et en 2 Chroniques 34,[22-28], et dans le Nouveau aux filles de Philippe dans les Actes des Apôtres [21,9] et à Anne en Luc 2, [36-38] »86.

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De même un érudit strasbourgeois, Abraham Löscher, réagit-il très positivement lorsqu’elle s’exprima publiquement lors de l’enterrement de Matthieu. Il souligna que Catherine Zell « a rappelé les pieuses actions de son cher époux et combien elle souffrait d’être déliée des liens conjugaux, mais qu’elle se fortifiait dans la sainte consolation et elle estimait qu’il était indécent de céder à ses peines »87. Daniel Specklin, un chroniqueur de la génération suivante, légitimait quant à lui cette intervention en affirmant qu’elle était adressée aux femmes de l’assemblée : « son épouse Catherine, debout sur sa bière et son cercueil lors de son enterrement, a fait une belle prédication pour les femmes avec un grand sérieux, elle a démontré que son mari n’était pas mort mais maintenant vraiment vivant, elle l’a prouvé à l’aide de la Parole de Dieu, elle n’a pas pleuré et elle ne portait pas le deuil »88. Ainsi Catherine Zell avait-elle rencontré des réactions plutôt favorables à ses prises de parole. Ce fait était dû à trois facteurs principaux : • elle était docte et connaissait particulièrement bien le contenu des Écritures Saintes. • elle n’avait pas d’enfants. Elle avait donc, par rapport à d’autres femmes, davantage de temps à consacrer aux affaires extérieures, et la société était moins exigeante à son égard au sujet des affaires domestiques. • son mari l’a toujours soutenue et même encouragée dans ses décisions89. Et, si peut-être Matthieu n’a pas toujours partagé les convictions de son épouse de manière aussi entière que Catherine a pu l’affirmer90, le fait que sa femme ait pu continuer à jouer un rôle public si important à Strasbourg prouve bien que le Réformateur y consentait. Sans son soutien, elle aurait été rapidement réduite au silence, comme l’avait été Argula von Grumbach. Ces trois facteurs avaient conféré une certaine liberté de parole et d’action à Catherine Zell, dont les talents étaient reconnus par les Réformateurs de la première génération ainsi que par ses contemporains laïcs. Aussi avait-elle pu s’adresser à de nombreux hommes éminents, y compris en dehors de Strasbourg, comme elle le fit avec Martin Luther. Le Réformateur de Wittenberg lui répondit de manière très cordiale : « à la vertueuse femme, celle de Matthieu Zell de Strasbourg, mon aimable et chère amie. Grâce et paix en Christ ! Ma chère amie91! Je n’ai jusqu’à présent pas répondu à votre écrit, qui m’est parvenu il y a longtemps maitenant. Car j’ai pensé qu’il était trop tôt, car les événements étaient encore si nouveaux. Mais comme (Dieu soit loué) l’âpreté [de la polémique au sujet de la Cène] a un peu diminué92, je veux vous répondre en retour à votre écrit. Que vous cherchiez auprès de vos deux seigneurs et d’autres amis de l’aide et, si cela plaît à Dieu, que la paix et l’unité soient conservées »93. Pourtant, cette liberté d’expression – certes relative94 – de Catherine Zell fut largement restreinte par les Réformateurs strasbourgeois de la seconde génération, comme elle le reprocha à Louis Rabus dans le courrier qu’elle lui adressa : « toutefois si j’ai écrit ou dit quelque chose qui s’oppose à beaucoup de savants, qui sont aussi des êtres humains, et David dit dans le psaume [2 Samuel 1, 19-27] que les grands se trompent95 aussi, ils l’ont cependant très bien accepté de ma part et avec reconnaissance, ils m’ont quand même aimée, sachant de quel cœur que je faisais tout cela, et aucun ne m’a écrit une lettre si déshonorante [que celle de Rabus], même notre maintenant bienheureux docteur Luther lui-même, quand je lui ai écrit à propos de la très difficile action de controverse et de la querelle des sacrements, et il n’a pas dissimulé de m’avoir répondu de manière si amicale »96. Malgré les difficultés qu’elle rencontra à la fin de sa vie, Catherine maintint ses fermes prises de position. Elle estimait que les prédicateurs de la seconde génération, par leurs actes et leur intolérance, déshonoraient la mémoire de son époux et de ses collègues.

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Aussi exprima-t-elle son désaccord par un acte fort : « c’est pourquoi je me retire de la communion de vos sacrements »97. Catherine Zell souffrait de n’être plus appuyée par la seconde génération de Réformateurs, ce que son époux avait craint et lui avait prédit avant sa mort : « Ô que ces paroles m’avaient atteinte comme un coup de couteau ! Elles se sont déjà réalisées en partie : je suis déjà considérée comme si indigne par nos hommes doctes, comme si je n’avais jamais servi l’Église, [je reste] sans aucun amour ni consolation, portant mes croix, si (comme l’avait dit mon cher époux) je ne fais pas tout ce qui leur plaît, et, de beaucoup de manières, je ne suis consolée par personne »98. Catherine Zell n’avait donc plus le soutien des Réformateurs de la seconde génération. Les laïcs, en revanche, lui demeurèrent favorables. Ainsi lorsque Félicitas, l’épouse du Docteur von Andernach99 – disciple de Schwenckfeld – décéda, les autorités religieuses de la ville refusèrent de l’enterrer sans faire mention de ses convictions hérétiques100. Sa famille n’hésita alors pas à faire appel à Catherine Zell pour mener l’office. Un témoin de la scène se réjouit des talents de prédicatrice de la veuve : « la femme du Dr. Andernach est décédée et Catherine Zell, qui en raison d’hydropisie a dû être conduite en carriole au cimetière, a prononcé l’oraison funèbre. Tu sais que toute la famille Scher est partisante de Schwenckfeld. C’est pour cela que la défunte n’a jamais appelé un prédicateur pendant sa maladie. Et lorsque les héritiers ont prié le pasteur de Saint-Pierre-le-Jeune, qui habite à côté d’Andernach, de prononcer l’oraison funèbre, il a accepté à condition que, s’il louait en premier les bienfaits de la défunte et ses autres vertus, il exposerait ensuite sa séparation de l’Église chrétienne du Christ : tel était l’ordre que lui avait donné le surintendant Marbach. Andernach, Scher et sœur Élisabeth s’y sont opposés et ont organisé l’enterrement à une heure inhabituelle, le matin à six heures ; et comme personne n’était présent pour exhorter et consoler le cortège funèbre, [Catherine] Zell a accompli cette tâche avec succès »101. Catherine Zell accepta encore de célébrer, trois mois plus tard, les funérailles de la sœur de Félicitas, Élisabeth Scher Hecklin. En effet, bien que les autorités religieuses se soient déclarées prêtes à accomplir cet acte, aucun prédicateur ne désirait réellement le faire. Aussi Catherine Zell avait-elle accepté d’officier pour honorer la mémoire de son amie, mais également pour dénoncer le comportement du nouveau clergé. Un proche de la défunte écrit : « madame Élisabeth Hecklin est décédée vendredi et, bien que les prédicateurs aient été interpellés pour célébrer l’enterrement, aucun n’a voulu le faire. C’est donc moi qui ai fait porter la veuve bienheureuse de maître Matthieu jusqu’à l’extérieur [de la ville] et, comme cela s’est passé pour la femme de docteur Andenach, je l’ai fait prêcher et j’ai attiré les prédicateurs, et ensuite les prédicateurs de saint Nicolas et ceux de la cathédrale lors de la prédication principale ont amené l’affaire en chaire »102. En effet, les Réformateurs de la seconde génération furent choqués des actes de Catherine Zell, qu’ils dénoncèrent dans leurs offices dès le jour suivant, le dimanche 14 juin 1562. Ils souhaitaient que cette femme soit réprimandée pour avoir pris la parole en public et attaqué le clergé103. Mais le Conseil de la ville ne réagit pas, et invoqua pour justifier son silence l’état de santé de la veuve Zell : « autre point, en ce qui concerne Catherine Zell. Il est reconnu qu’il ne lui sied pas en tant que femme de prêcher, on devrait la convoquer et lui faire part de ce que mon maître s’est plaint à ce sujet, qu’elle doit se soumettre au ministère de la prédication et que surtout elle doit se soumettre à nouveau aux sacrements et aux prédicateurs. Mais parce que maintenant elle est malade, il faut que l’on suspende

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son affaire jusqu’à ce qu’on puisse la convoquer. Si elle meurt, elle ne le fera plus de toute façon »104. Cette réaction du Conseil peut se comprendre de deux manières : soit il estimait vraiment que le problème se réglerait rapidement avec la mort de Catherine Zell, soit il acceptait les interventions publiques de la veuve du Réformateur et il invoquait son état de santé comme prétexte. Toujours est-il que Catherine Zell n’eut pas à pâtir de ses deux dernières interventions pastorales. Mais la controverse liée à sa personne surgit une dernière fois lors de sa mort, le 5 septembre 1562. Sous l’ordre de Marbach, les autorités religieuses de la ville se dirent prêtes à procéder à la cérémonie, à condition d’évoquer la part hérétique de la foi de Catherine Zell. Les amis de la défunte voulaient éviter cet affront. Ils s’adressèrent à Conrad Hubert, ami de longue date des Zell, pour célébrer les funérailles. Il promit d’accepter si les proches de Catherine ne trouvaient personne d’autre, mais il n’était pas enthousiaste à cette idée car il était lui-même dans une position difficile par rapport au clergé de la ville105. Toutefois, devant le refus de ses collègues, Hubert tint sa promesse et célébra l’enterrement de Catherine Zell, le 6 septembre 1562, devant plus de deux cents personnes.

Conclusion

Les premiers Réformateurs avaient ouvert une brèche qui, pensaient-ils, se refermerait lorsqu’un nouvel ordre serait instauré. De fait, les théologiennes laïques représentaient un phénomène nouveau dans les débuts de la Réformation, qui demeura restreint, aussi bien dans l’Empire germanique que dans les villes suisses : les femmes publicistes, y compris les plus célèbres d’entre elles comme Argula von Grumbach et Marie Dentière, furent rapidement réduites au silence et reléguées à la sphère domestique à laquelle elles avaient tenté d’échapper. Catherine Zell fut la seule à s’exprimer sur une très longue période, de 1524 à 1562. Cette situation est due à plusieurs facteurs : Catherine n’avait pas d’enfants, elle fut particulièrement soutenue par son époux, elle était très populaire parmi les Strasbourgeois et les autorités de la ville se montrèrent relativement tolérants à son égard. Les Réformateurs strasbourgeois et leurs concitoyens, bien que troublés par ces prises de parole féminines qui défiaient toute convenance, surent apprécier la qualité des interventions et des actions de cette femme. Ils lui reconnurent même des talents pastoraux spécifiques, en particulier dans l’aide à la préparation à la mort. Il n’en alla pas de même pour les Réformateurs de la seconde génération, qui condamnèrent avec sévérité les prises de parole de l’épouse Zell. Celle-ci conserva toutefois le soutien de la population, et peut-être des autorités civiles qui refusèrent de prendre des sanctions à son égard. Cette particularité était liée à la personne et à la vie même de Catherine, mais également à l’atmosphère de tolérance qui régnait à Strasbourg dans la première moitié du XVIe siècle, et à l’esprit particulièrement ouvert de Martin Bucer et de ses collaborateurs. En outre, les Réformateurs strasbourgeois élaborèrent un système de pensée dans lequel coexistaient la liberté du chrétien, capable de faire des choses exceptionnelles s’il y était appelé par l’Esprit Saint, et un profond respect pour l’autorité de la Parole divine – reconnue comme le droit éternel et immuable – qui avait accordé à des femmes une place privilégiée dans l’œuvre de Salut divine. L’accord profond sur ce message et l’estime réciproque qui unissaient Catherine Zell aux Réformateurs de la première génération permirent à ces derniers de passer outre les préjugés de leur temps. Des femmes surent profiter de ces idées novatrices pour se

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créer des rôles dans lesquels on n’était pas habitué à les voir au XVIe siècle. Elles eurent ainsi accès à la parole publique dans la cité alsacienne plus facilement qu’ailleurs, et ce pour une durée nettement plus étendue.

NOTES

1. « Plane audietis vos coram, quam mulieres nostrae minime mutae sint » (Wolfgang CAPITON, Quellen zur Geschichte der Täuffers Elsass III, 10 mars 1538, doc. 814, p. 138, 17-18). 2. Elles pouvaient s’exprimer dans le cadre privé notamment, mais également lorsque leur titre ou leur fonction sociale leur permettait de s’adresser à des hommes. Voir à ce sujet la belle étude de Claire THIELLET, Femmes, Reines et Saintes (Ve-XIe siècle), Paris, 2004. 3. André VAUCHEZ, Les laïcs au Moyen Âge, Paris, 1987, p. 277-278. 4. WA 7, 20-73. 5. WA 6, 404-469. 6. Gérald HOBBS, « Le cri d’une pierre : la prédication de Katharina Schütz-Zell dans son contexte religieux », Positions luthériennes47 (1999), p. 113. 7. « D’après cela, nous sommes tous ordonnés prêtres par le baptême, comme le dit l’apôtre Pierre en 1 Pierre 2, [9] » (« Dem nach so werden wir allesampt durch die tauff zu priestern geweyhet, wie sanct Petter 1. Pet. ij. [9] sagt » ; WA 6, 407, 22-23). 8. Nous exclurons ici les interventions des femmes des mouvements dissidents, auxquelles nous avons déjà consacré un article : « Femmes dissidentes au XVIe siècle », Positions luthériennes 54 (juillet-septembre 2006), p. 329-362. Nous ne prendrons pas non plus en compte les prises de parole orales féminines au XVe siècle : elles sont assez peu nombreuses et parfois contestables, puisqu’elles nous sont transmises à travers des notes qui ont pu être censurées selon la sensibilité ou les centres d’intérêts de la personne qui les a recueillies. 9. Pour la biographie de Catherine Zell, voir tout particulièrement Elsie Anne McKEE, Katharina Schütz Zell, 2 vol., Leiden, Brill, 1999 (Elsie McKEE a récemment édité une traduction anglaise des textes de Catherine Zell : Church mother: the writings of a Protestant reformer in sixteenth- century , Chicago, University of Chicago Press, 2006) ; Hellmut ZSCOCH, « Katharina Zell », Die Religion in Geschichte und Gegenwart. Handwörterbuch für Theologie und Religionswissenschaft (4 e éd.), Tübingen, Mohr, t. 8 (2005), p. 1830-183 ; Marc LIENHARD, « Catherine Zell née Schütz », in : André SEGUENNY (éd.), Bibliotheca Dissidentium. Répertoire des non-conformismes religieux des seizième et dix-septième siècles 1 (1980), p. 97-125 ; JANCKE- PIRNA Gabriele, « Prophetin, Pfarrfrau, Publizistin – Die Strassburger « Kirchenmutter » Katharina Zell », in : Frauen Mischen sich ein. Katharina Luther, Katharina Melanchton, Katharina Zell, Hille Feicken und andere. Wittenberger Sonntagsvorlesungen, Wittenberg, Drei Kastanien, 1995, p. 55-80 ; KAUFMANN Thomas, « Pfarrfrau und Publizistin – Das reformatorische « Amt » der Katharina Zell », Zeitschrift für Historische Forschung 23 (1996), Berlin, Duncker et Humblot, p. 169-218 ; OBITZ Marion, « Katharina Zell – Kirchenmutter, Publizistin, Apostelin, Prophetin », Evangelische Theologie (2000), p. 371-388. 10. Au sujet de la vie d’Argula von Grumbach, voir Silke HALBACH, « Legitimiert durch das Notmandat. Frauen als Verfasserinnen frühreformatorischer Flugschriften », Zeitschrift für Historische Forschung 27 (2000), p. 365-387 ; du même auteur, « Publizistisches Engagement von Frauen in der Frühzeit der Reformation », in : CONRAD Anne (dir.), « In Christo ist weder Man

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noch Weyb ». Frauen in der Zeit der Reformation und der Katholischen Reform, Münster, Aschendorff, 1999, p. 49-68 ; Roland HERBERT BAINTON, Frauen der Reformation, Von Katharina von Bora bis Anna Zwingli, 10 Porträts, traduit de l’anglais en allemand par Marion Obitz, Gütersloher Verlagshaus, 1995, p. 103-119 ; Martin H. JUNG, « Argula von Grumbach », Die Religion in Geschichte und Gegenwart. Handwörterbuch für Theologie und Religionswissenschaft (4e éd.), Tübingen, Mohr, t. 3 (2000), p. 1306. 11. C’est en effet ce qu’elle affirme dans l’un de ses pamphlets : « Welche mir mein lieber Herr Vatter so hoch beualch zulesen/ und gab myr dye selbyg/ da ich zehen jar alt war » (Argula von Grumbach, Wie eyn Christliche fraw des Adels, 1523, Strasbourg, Martin Flach, 1523, BNUS R. 100.690, fol. C r). Cette Bible, l’une des premières traduites en langue vernaculaire, avait sans doute été éditée par Antoine Koberger en 1483 (Roland Herbert Bainton, Frauen der Reformation, p. 106) ? 12. Au sujet de la vie de Marie Dentière, voir Irena BACKUS, « Marie Dentière : un cas de féminisme théologique à l’époque de la Réforme ? », Bulletin de la Société de l’Histoire de Protestantisme Français 137 (1991), p. 177-195 ; Alice ZIMMERLI-WITSCHI, Frauen in der Reformationszeit, Thèse de doctorat présentée à l’Université de Zurich, 1981, p. 57-73. 13. Philippe DENIS, Les Églises d’étrangers en pays rhénans (1538-1564), Paris, Les Belles Lettres, 1984, p. 63. 14. Ces écrits ont été répertoriés dès 1980 par Marc LIENHARD, « Catherine Zell née Schütz », in: André Séguenny (éd.), Bibliotheca Dissidentium. Répertoire des non-conformismes religieux des seizième et dix-septième siècles 1 (1980), p. 97-125. Ils ont été édités et annotés par Elsie Anne McKEE, Katharina Schütz Zell 2, Leiden, Brill, 1999. 15. Les deux lettres envoyés à l’assistance sociale ont été éditées par Otto WINCKELMANN, Das Fürsorgwesen der Stadt Strassburg 2, Leipzig, Hensius, 1922, doc. 33 et 34. 16. Thomas Murner (1475-1537) était un prédicateur alsacien, un humaniste et un poète, réputé pour ses talents de satire. Il était membre de l’ordre des Franciscains de Strasbourg, et était l’un des opposants les plus féroces du mouvement évangélique (voir en particulier Marc LIENHARD, « Thomas Murner et la Réformation », in : Marc Lienhard (éd.), Un temps, une ville, une Réforme, Aldershot, Variorum, 1990 ; du même auteur, « Les pamphlets anti-luthériens de Thomas Murner », in : Robert SAUZET (éd.), Les frontières religieuses en Europe du XVe au XVIIe siècle, Paris, Vrin, 1992, p. 97-107). 17. Jean Cochlaeus (1479-1552) était humaniste et théologien. Proche du pape, il était l’un des plus grands adversaires de Martin Luther (Monique SAMUEL-SCHEYDER, Jean Cochlaeus : humaniste et adversaire de Luther, Nancy, Presses Universitaires de Nancy, 1993). 18. Conrad Treger (1480- ?), Augustinien, il étudia à Paris et à Fribourg. Prieur du monastère de Fribourg en 1512, il fut appelé à un poste similaire à Strasbourg à partir de 1515 (Adolar ZUMKELLER, Konrad Treger, Katholische Theologen der Reformationszeit 5, 1988). 19. Ainsi Ernest LEHR (Matthieu Zell le premier pasteur évangélique (1477-1548) et sa femme Catherine Schütz, Paris, 1861) et Jules WALTHER (Matthieu et Catherine Zell, Strasbourg, 1864) estimaient-ils qu’une telle intervention était contraire à la pudeur féminine et à la respectabilité de l’épouse Zell. 20. Voir Elsie Anne McKEE, Katharina Schütz Zell 2, op. cit., p. 67-68. 21. Silke HALBACH, « Publizistisches Engagement von Frauen in der Frühzeit der Reformation », p. 55. 22. Wie eyn Christliche fraw des Adels/ in Beiern durch jren jn Gotlicher schrifft/ wollgegründten Sendbryeffe/ die Hohenscul zu Ingolstadt/ umb das sie eynê Euaâgelischen Jüngling/ zu widersprechung des wort gottes/ betrangt habê/ straffet. Mit sampt den Artickeln so er widerrüft hat, Strasbourg, Martin Flach, 1523, BNUS R.100.690. 23. Le jeune homme avait étudié à Wittenberg pendant que Luther se trouvait à Wartburg ; il fut formé par Melanchthon, et sans doute influencé par la pensée de Carlstadt. Voir Silke HALBACH,

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« Publizistisches Engagement von Frauen in der Frühzeit der Reformation », op. cit., p. 52-53 ; Roland Herbert BAINTON, Frauen der Reformation, op. cit., p. 105-106. 24. Le professeur le plus renommé de l’Université était alors Jean Eck, le farouche adversaire de Luther (Roland Herbert BAINTON, Frauen der Reformation, op. cit., p. 106). 25. Marie Dentière, « Restitution de l’écrit intitulé La Guerre et Deslivrance de la ville de Genesve (1536) (et publication en annexe de la Défense pour les femmes) », in : Albert RILLIET (éd.), Mémoires et documents publiés par la Société d’Histoire et d’Archéologie de Genève 20 (1878-1888), p. 309-383. 26. Marie Dentière, L’Espitre tresutile faicte et composée pour une femme chrestienne de Tornay, envoyée à la Royne de Navarre seur du Roy de France. Contre les Turcz, Iuifz, Infidèles, faulx chrestiens, Anabaptistes et Luthériens (extraits), in : HERMINJARD A.-L., Correspondance des Réformateurs dans les pays de langue française recueillie et publiée avec d’autres lettres relatives à la Réforme et des notes historiques et biographiques, tome 5, Paris, H. Georg, 1878, n° 785, p. 295-304. 27. Froment écrivait en effet : « Il advint en ce temps [celui du bannissement de Farel et de Calvin] que la Royne de Navarre, sœur du Roy de France, voulut sçavoir d’une sienne commère, nommée Marie Dentière, de Tournay, femme de Froment, la première femme déchassée pour l’Evangile, de nostre temps, ayant layssé son abbaye et monestère, demourant à présent à Genève, voulut sçavoir de ses nouvelles et comment estoit venu ce différent, et pourquoy on avoit déchassé les ministres de la parolle de Dieu dans Genève. A laquelle envoya une épistre intitulée : Contre les Turcz, Iuifz, Infidèles, faulx chrestiens, Anabaptistes et Luthériens » (HERMINJARD A.- L., Correspondance des Réformateurs dans les pays de langue française, p. 296). 28. BACKUS, « Marie Dentière : un cas de féminisme théologique à l’époque de la Réforme ? », p. 182 ; voir également la démonstration d’Albert RILLIET à ce sujet, Mémoires et documents publiés par la Société d’Histoire et d’Archéologie de Genève 20 (1878-1888), p. 319-335. 29. Lyndal ROPER, The Holy Household, Women and morals in Reformation Augsburg, Oxford, Clarendon Press, 1989, p. 2. 30. « Vos fils et vos filles prophétiseront ». 31. « Welcher spruch ytzo mâcherley weyss/ und sünderlich ytz in gemeltem weib offentlich erscheynet/ dieweyl auss jren nachgeschriben Sendbrieff seunden wirt/ das sie darinnen die schrifft gelertê der Hohenschul zu Ingoldstat (als Judith am viij die irrenden Priester) mit vil ingefürten unüberwindtlichen götlichen schrifften/ von wegen irer vervolgung des heiligê Evangeliums/ mer weder glaublich (und vormals vô weiblichem geschlecht der gleichen gar wenig/ und bey unsern zeytê nitt gehört) straffet/ ermanet un underweyset » (Wie eyn Christliche fraw des Adels, 1523, fol. Aiv r). 32. « Darauss zu versteen ist/ das sie solch ir gethanes schribe nit durch andere underweysung/ sunder allein vô geyst Gottes hatt » (Wie eyn Christliche fraw des Adels, 1523, fol. Aiv r+v). 33. « eine geborene lutherische Hure und ein Tor zur Hölle » (Roland Herbert BAINTON, Frauen der Reformation, p. 108). 34. « hochmütigen Evakindern » (Roland Herbert BAINTON, Frauen der Reformation, op. cit., p. 111). 35. « ketzerischen Hündinnen [...] wie denn auch Luthers Geist jetzt den Weibern eingeblasen [wird] und Närrinnen daraus macht » (Roland Herbert Bainton, Frauen der Reformation, op. cit., p. 111). 36. Sara Matthews GRIECO, Ange ou diablesse. La représentation de la femme au XVIe siècle, Flammarion, 1991, p. 383-385. 37. L’auteur joue ici sur le nom d’Argula, dont la racine « arg » signifie en allemand « scandale ». 38. L’époux d’Argula était en effet demeuré fidèle à la foi traditionnelle. 39. « Frau Argel, arg ist euer Nam/ Viel ärger, dass ihr ohne Scham/ Und alle weiblich Zucht vergessen/ so frevel seid und so vergessen/ Dass ihr eueren Fürsten und Herren/ erst wollt einen

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neuen Glauben lehren/ Und euch darneben untersteht/ Ein ganze Universität/ zu strafen und zu schimpfieren/ mit eurem närrischen Allegieren » (Roland Herbert BAINTON, Frauen der Reformation, p. 109). 40. « Im Namen Gottes hab ich an/ zu antworten dem kühnen Mann/ der sich Johannes nennen tut/ zeiget mir an, er sei von Landshut/ […] Dieser Meister von hohen Sinnen/ Will mich lehr’n Haushalten und Spinnen, Tu doch täglich damit umgahn/ Dass ich’s wohl nicht vergessen kann. […] Ihr gebt uns auch noch ein Bescheid/ Zu dienen in Gehorsamkeit/ Und unsern Mann halten in Ehr’n. Es wär mir leid, sollt’ ich’s verkehr’n. Mein Herz und G’müt dazu geneigt ist/ zu dienen ihm zu dieser Frist/ Gehorsamlich mit ganzer Freud/ Tät’ ich es nicht, es wär’ mir leid. Acht’ auch dafür, es sei am Tag/ Dass er führ’ über mich kein klag » (Roland Herbert BAINTON, Frauen der Reformation, op. cit., p. 109-110). 41. « Hoff’, Gott wird mich auch lehren wohl’/ Wie ich mich gegen ihm halten soll/ Wo er mich aber wollte dringen/ Von Gott’s Wort treiben oder zwingen/ Dass ich davon nichts halten sollt’/ Welches Ihr auch gar gern wollt/ Find’ ich Matthäi geschrieben stohn/ Am Zehnten, da lest davon/ Ja, dass wir müssen treten ab/ Von Kind, Haus, Hof und was ich hab’/ Wer’s über ihn liebt, steht gar frei/ Derselbig sein nicht würdig sei. So ich Gott’s Wort verleugnen sollt/ Eh ich das alles verlassen wollt/ Ja Leib und Leben ergeben frei/ Da mir mein Seel nit lieber sei/ Dann mir ist auch mein Herr und Gott » (Roland Herbert BAINTON, Frauen der Reformation, op. cit., p. 109-110). 42. « Ich habe gehört, wie ihr sollt gesagt haben, so mein Hauswirt nicht woll dazu tun [...] und mich vermauern. Gib ihm aber keinen Glauben. Er tut leider sehr zuviel dazu, dass er Christum in mir verfolgt. […] Ich bin ihm in diesem nicht schuldig gehorsam zu sein, denn Gott sagt, Matthäus 10, Markus 8. Wir müssen alles verlassen, Vater, Mutter, Bruder, Schwester, Kinder, Leib und Leben, und sagt darauf, was nützt’s den Menschen, so er die ganze Welt erobert und verderbt seine Seele? » (Roland Herbert BAINTON, Frauen der Reformation, op. cit., p. 112). 43. L’une des mesures les plus fréquentes était de faire couper des doigts au coupable. Les sanctions pouvaient être bien plus sévères encore puisque, si l’époux d’Argula avait choisi d’étrangler son épouse pour réparer l’affront qu’il avait subi, il n’aurait pas été poursuivi par la Justice (Roland Herbert BAINTON, Frauen der Reformation, p. 110, op. cit.). 44. Silke Halbach, art. cit. « Legitimiert durch das Notmandat », p. 372. 45. « Mir ist gesagt, wie vor Euch gekommen sei, dass ich der hohen Schul zu Ingolstadt geschrieben ; ob welchem ihr über mich nicht wenig erzürnet, und vielleicht also eingebildet, dass es von mir als einem törichten Weib [...] unbillig gehandelt [sei]. […] Daraus mir nicht wenig Schmach, Schand und Gespött nachgeredet wird oder werden möchte » (Roland Herbert BAINTON, Frauen der Reformation, p. 111-112). 46. « Aus dieser Euer erkannten Freundschaft bin ich bewegt, euch zu schreiben und der Wahrheit zu berichten. Schick euch deshalb [eine] Kopie, wie und was ich geschrieben habe. Bitte euch getreulich, das zu lesen, und nach dem Geist Gottes darinnen mich zu [be-]urteilen. […] Darum, mein lieber Herr und Vatter, lasst euch das nicht verwundern, dass ich Gott bekenne. Denn wer Gott nicht bekennet, ist kein Christ nicht, ob er tausendmal getauft würde. Es muss auch ein jeglicher für sich selbst Rechenschaft geben am letzen Urteil. […] Darum […] bitte euch, kein Beschwernis zu nehmen, ob ihr hört, dass man mich schändet und verspottet, dass ich Christum bekenne » (Roland Herbert BAINTON, Frauen der Reformation, p. 112). 47. « Das dürfen wir aber die Bauern nicht wissen lassen, die schon von der Argula von Stauff, die die Bibel auswendig kann, gesagt haben, dass sie gelehrter ist als wir, was aber nicht war ist, denn sie nicht auf der Universität gewesen » (Roland Herbert BAINTON, Frauen der Reformation, p. 116). 48. « Mitto ad te, optime Spalatine, Literas Argule, Christi discipule, ut videas et gaudeas cum angelis super una peccatrice filia Adam conversa et facta filia dei » (WA Br 3, n° 706, 18 janvier 1524, p. 235, 5-7).

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49. « Dux Bavariae saevit ultra modum occidendo, profligando, persequendo totis viribus euangelium. Nobilissima femina Argula a Staufen iam magnum agonem magno spiritu et plena verbo et scientia Christi in ea terra agit. Digna, pro qua omnes rogemus, ut Christus in ea triumphet. Invasit scriptis Academiam Ingolstadiensem, quod Arsacium quendam iuvenem ad foedam adegerint revocationem. Maritus, per sese illi tyrannus, nunc ob ipsam praefectura deiectus, quid sit facturus, cogita ; illa sola inter haec monstra versatur forti quidem fide, sed, ut ipsa scribit, non sine pavore cordis interdum. Ea est instrumentum singulare Christi, commendo tibi eam, ut Christus per hoc infirmum vasculum confundat potentes istos et gloriosos in sapientia sua » (WA Br 3, N° 713, février 1524, p. 247, 24-34). 50. « Prädikaturen mit gelehrten Männern besetzt würden » (Roland Herbert BAINTON, Frauen der Reformation, p. 113-114). 51. « Nun seh ich euch irren, darum kann ich’s auf Befehl Gottes nicht unterlassen, euch zu vermahnen, wiewohl ich’s gar wohl bedencke, mein werde gelacht » (Roland Herbert BAINTON, Frauen der Reformation, p. 116). 52. Marie Dentière, « Défense pour les femmes (1539) », in : Albert RILLIET (éd.), p. 378. 53. Jeanne de JUSSIE, Petite chronique, éditée et commentée par Helmut Feld, Mainz, Philipp Von Zabern, 1996, p. 238. 54. Jeanne de JUSSIE, Petite chronique, p. 238. 55. Jeanne de JUSSIE, Petite chronique, p. 239. 56. Jeanne de JUSSIE, Petite chronique, p. 239. 57. Relevons que l’épisode se déroula sous la direction de la seconde génération des Réformateurs, puisque Calvin et Farel avaient alors été chassés de la ville. 58. A.-L. HERMINJARD, Correspondance des Réformateurs dans les pays de langue française, p. 295-296). 59. On ne connaît de nos jours plus qu’un seul exemplaire de cet écrit, détenu par le Musée historique de la Réformation à Genève (Irena BACKUS, « Marie Dentière : un cas de féminisme théologique à l’époque de la Réforme ? », art. cit., p. 181). 60. Les biographes ont ainsi fait grand cas de l’étonnement de Bucer face à l’attitude de Matthieu Zell, un « brave homme » qui se laisse gouverner par son épouse, de vingt ans sa cadette (voir par exemple Timotheus Wilhelm RÖHRICH, Mittheilungen aus der Geschichte der evangelischen Kirche des Elsasses, 3 tomes, Strasbourg, Silbermann, 1855, p. 132). Plus récemment, des historiens ont encore insisté sur les remarques acides de Bucer au sujet des Zell (Marion OBITZ, « Katharina Zell – Kirchenmutter, Publizistin, Apostelin, Prophetin », art. cit., p. 383). 61. Thomas KAUFMANN, « Pfarrfrau und Publizistin – Das reformatorische « Amt » der Katharina Zell », art. cit., p. 192. 62. Michel WEYER, « Bucer et les Zell : une solidarité critique », in : C. KRIEGER et M. LIENHARD (eds.), Martin Bucer and sixteenth century Europe, Actes du colloque de Strasbourg (28-31 août 1991) t. 1, Leiden, Brill, 1993, p. 275-295. 63. L’analyse de McKEE est d’autant plus intéressante qu’elle étudie les relations de Catherine Zell avec plusieurs collaborateurs de son époux, et non pas seulement avec Bucer (Katharina Schütz Zell 1, op. cit., p. 456-464). 64. Martin GRESCHAT, Martin Bucer (1491-1551), Un Réformateur et son temps, traduction française de Matthieu Arnold, Paris, PUF, 2002, p. 60. 65. « virgine evangelicissima » (BCorr. 1, 28 novembre 1523, n° 53, p. 211). 66. « der liebe Butzer […] der uns auch zusamen geben hat » (Catherine Zell, Ein Brieff an die gantze Burgerschafft der Statt Strassburg, 1557 in : Elsie Anne McKEE, Katharina Schütz Zell 2, op. cit., p. 239). 67. Elsie Anne McKEE, Katharina Schütz Zell 1, p. 456-458. 68. « ecclesiae unitate [...]. Ad opera uxor eum detrudit » (Martin Bucer, in : Traugott Schiess, Briefwechsel der Brüder Blaurer 1, 8 janvier 1534, n° 390, p. 459). Bucer appréciait lorsque

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Catherine Zell se montrait modérée face aux idées des dissidents : « l’épouse de Zell est pieuse et n’approuve pas les idées de Schwenckfeld que nous réprouvons » (Martin Bucer, QGTE n° 502, p. 271, 5-6). L’inverse était tout aussi vrai : Catherine était heureuse que les Réformateurs de la première génération, au contraire de ceux de la seconde, n’aient pas fait part publiquement de leurs différends avec les dissidents : « aussi Bucer lui-même, qui pourtant d’habitude était très dur et sévère contre lui [Schwenckfeld], ne l’a jamais si grossièrement dénoncé publiquement en chaire devant la foule » (Catherine Zell, An herr Caspar Schwenckfelden, 1553 in : Elsie Anne McKEE, Katharina Schütz Zell 2, op. cit., p. 138). 69. Cette influence concernait notamment le rejet de Catherine de la pratique des parrains et marraines lors des baptêmes : « à propos du parrainage, nous essayons de vaincre Matthieu en nous montrant accomodants ; en dehors de cela il est sans reproches et toujours plus courageux contre les sectes. Nous nous efforcerons de conserver son épouse » (Martin Bucer, in : Traugott SCHIESS, Briefwechsel der Brüder Blaurer 1, 3 mars 1534, n° 402, p. 476). 70. Martin Bucer, in : Traugott SCHIESS, Briefwechsel der Brüder Blaurer 1, 16 novembre 1533, n° 377, p. 442. 71. « furit sese amando » (Martin Bucer, in : Traugott Schiess, Briefwechsel der Brüder Blaurer 1, 16 novembre 1533, n° 377, p. 442). 72. « Eccquid tu, mi Bucere ? Milies, milies miser, videns nonnihil, sed inaniori studio » (Martin Bucer, in : Traugott SCHIESS, Briefwechsel der Brüder Blaurer 1, 16 novembre 1533, n° 377, p. 442). 73. En revanche, Bucer ne dit à aucun moment que ces défauts seraient plus spécifiquement féminins. 74. « sie ist gottesfürchtig, alleyn [...] das sy der red etwa milt und yrer weysz nit so gar abholdt ist » (Martin Bucer, in : Traugott SCHIESS, Briefwechsel der Brüder Blaurer 2, Anhang II, 19 sept. 1531, n° 5, p. 792-793). 75. « diss gut mensch, mit dem yr handlet, regieret durch syn man die grosse kirch und gemeyn, so fil die predig belanget, zum grösseren teyl » (Martin Bucer, in : Traugott SCHIESS, Briefwechsel der Brüder Blaurer 2, Anhang II, 23 octobre 1533, n° 24, p. 802). 76. « Sie ist eine gute Person und hat den Herrn wahrhaft lieb ; aber wir machen uns gern zu schaffen, halten zu viel darauf, und wer nicht so tut, der tut nichts. Bewahrt ihr die Freundschaft. Könnten wir nur mehr um sie sein ! Sie hört auf andere » (Martin Bucer, in : Traugott SCHIESS, Briefwechsel der Brüder Blaurer 2, Anhang II, 8 janvier 1534, n° 25, p. 802). 77. « auch seine Gattin ist fromm, obschon voll Eigenliebe » (Martin Bucer, in : Traugott Schiess, Briefwechsel der Brüder Blaurer 1, 16 novembre 1533, n° 377, p. 468). 78. « Zells Gattin ist so. Du tust gut, Freundschaft ohne Disput zu halten » (Martin Bucer, in : Traugott SCHIESS, Briefwechsel der Brüder Blaurer 2, Anhang II, 3 mars 1534, n° 27, p. 806). 79. « S.D. Zelii nostri vidua et pia et sancta mulier venit ad vos, si forsan inde doloris sui remissionem aliquam inveniat » (Martin Bucer à Myconius avant le 16 juillet 1548, cité par McKEE, Katharina Schütz Zell 1, op. cit., n. 103, p. 458). 80. « meinen lieben herren und sonderen freünden » (25 mai 1549, in : McKEE, Katharina Schütz Zell 2, op. cit., p. 111). 81. Elsie McKEE, Katharina Schütz Zell 1, op. cit., p. 460. 82. « quae ad dominum Doctorem scribere suamque sapientiam ostentare ausa est » (QGTE III, 10 mars 1538, doc. 814, p. 138, 11-12). 83. « plane audietis vos coram, quam mulieres nostrae minime mutae sint. Alioqui proba et pia est » (QGTE III, 10 mars 1538, doc. 814, p. 138, 17-18). 84. Marie Dentière avait en effet vécu près de trois ans à Strasbourg. Elle avait sans doute été confortée dans son désir de s’exprimer publiquement par les écrits luthériens de 1520, dont une traduction française était disponible dans la cité alsacienne dès 1526 (Philippe DENIS, Les Églises d’étrangers en pays rhénans (1538-1564), Paris, 1964, p. 63-64).

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85. Ils reconnaissaient donc à cette femme une capacité jusque-là reconnue aux hommes seuls. Voir à ce sujet différentes lettres. Pour la mort de Capiton, voir Martin Bucer, in : Traugott SCHIESS, Briefwechsel der Brüder Blaurer 2, 6 avril 1542, n° 940, p. 120. Au sujet de la mort de Matthieu Zell, voir Catherine Zell, Klag red, 11 janvier 1548, in : McKEE, Katharina Schütz Zell 2, p. 79. En ce qui concerne la mort de Hédion, voir Catherine Zell, Ein Brieff an die gantze Burgerschafft der Statt Strassburg, 1557 in : Elsie Anne McKEE, Katharina Schütz Zell 2, op. cit., p. 237. 86. « Dise lidenden christen, wo sy hin und wider sind, hat die christenliche frow Katharina Schützin, Mathis Zellers, predicanten zu Strassburg, eeliche husfrow, mit ainem besunderen getruckten büchli, das crüz Christi willigklich zu dulden, durch Gottes wort herzlich getröst, underricht und vermanet, der gstalt, das ainer sich der hohen gab in so ainem schwachen gfäss ains wibs verwunderen muoss. [Argula von Grumbach] Diese zwo obgemelten schwösteren möchte ainer verglichnen im alten Testament Delbore und Olde, Judic. 4 und 5, 2 Paralip. 34, und im nüwen den dochteren Philippi in der apostol gschicht und der Anna, Luce 2 » (Johannes Kesslers Sabbata mit kleineren Schriften und Briefen, St Gall, Egli et Schoch, 1902, p. 132, cité par Elsie McKEE, Katharina Schütz Zell 2, p. 2). 87. « recitat pia facta mariti Charaque coniugii vincla soluta dolet , sed se solamine sacro Munit, et aerumnis cedere turpe putat » (Löscher, Epicedion, B2v, cité par Elsie McKEE, Katharina Schütz Zell 2, p. 66). 88. « Sein haussfrau Catharina stund auf sein baar auf der begraebnis, thate eine schoene predig zu den weibern mit grossem ernst, zeigte an wie ihr hausswirth nit gestorben sondern erst recht lebendig worden waere, bewiesse solches mit goettlicher geschrifft, weynet nit, trug auch kein leyd » (Daniel SPECKLIN, 1587, in : Bulletin de la Société pour la conservation des monuments historiques d’Alsace 14 (1889), § 2386, p. 363). 89. Marion OBITZ, «Katharina Zell – Kirchenmutter, Publizistin, Apostelin, Prophetin », p. 383. 90. Marc Lienhard pose par exemple la question de la réalité de la tolérance de Matthieu Zell à l’égard des dissidents (« La percée du mouvement évangélique à Strasbourg : le rôle et la figure de Matthieu Zell (1477-1548) », in : Georges LIVET et Francis RAPP (éd.), Strasbourg au cœur religieux du XVIe siècle, Strasbourg, Istra, 1977, p. 94). 91. Littéralement : « femme ». 92. Littéralement : « s’est un peu modifiée ». 93. « Der Tugentsamen frawen, der Mathes Zellin zu Strassburg, meiner freundlichen, lieben freundin. Gnad und frid inn Christo! Meine liebe frawe! Ich hab ewer schrifft, so nun langest mir zu komen, bis heer nicht verantwirt. Denn ich gedacht, Es wer noch zu frue, Weil die sachen noch so new war. Aber weil (Got lob) ist die scherpfe ein wenig sich geendert, will ich nu widerumb euch ewer schrifft furgehalten haben. Das ihr nu auch beide bey ewern herren und andern freunden helfft anhalten, Das (so es got gefiel) fryd und einikeit mocht erhalten werden » (WA Br 6, n° 1777, p. 27, 1-9). 94. L’apologie de Catherine Zell avait en effet été censurée (voir à ce sujet Merry WIESNER, « Katharina Zell’s Ein Brieff an die ganze Burgerschafft der Statt Strassburg as Theology and Autobiography », Colloquia Germanica 28 (1995), Tübingen, p. 245-254). Les autorités strasbourgeoises, si elles désapprouvaient certains actes de l’épouse Zell et notamment ses prises de parole publiques, agissaient pourtant avec elle avec déférence, en raison de sa très grande popularité (Elsie Anne McKEE, Katharina Schütz Zell 1, op. cit., p. 464). 95. Ou : « chutent, tombent ». 96. « Hab ich aber ettwan geschriben/ und geredt gegen vilen gelerthen/ die auch menschen gewesen/ und David sagt im Psalmen/ Grosse leüth felen auch/ das haben sie mir doch alles zu gut/ und danck auffgenommen/ mich dannocht lieb gehapt/ gewiss auss was hertzen ich das alles thu/ unnd mir keiner einen solchen schmachbrieff geschriben/ wie auch unser jetz säliger D. Luthers selbs/ da ich jhm in der schwern träfflichen handlung und zanck des Sacraments

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schribe/ und auch nit heüchlet/ wie früntlich schribe er mir aber widerumb » (Catherine Zell, Ein Brieff an die gantze Burgerschafft der Statt Strassburg, 1557 in: Elsie Anne McKee, Katharina Schütz Zell 2, op. cit., p. 235). 97. « worumb ich mich/ der gemeinschafft uwerer sacrament entzihe » (Catherine Zell, An herr Caspar Schwenckfelden, 1553 in: Elsie Anne McKEE, Katharina Schütz Zell 2, op. cit., p. 139). 98. « O/ wie gingen diese wort/ wie ein messer jnn mich/ sey sint schon zum theil wor worden/ jch bin schon so unnwert bey unseren gelehrten/ als ob ich der kurchen nie gedienet hete/ on alle lieb und trost/ jnn mynen crützen/ so ich (nach mynes lieben mans redd) nit alles thu wass jnen gefalt/ jch bin aber so manlich unngetröst by allen » (Catherine Zell, An herr Caspar Schwenckfelden, 1553 in : Elsie Anne McKEE, Katharina Schütz Zell 2, op. cit., p. 152). La fin de la phrase, traduite littéralement, est : « et je reste de beaucoup de manières inconsolée par tous ». 99. Gonthier d’Andernach (1497-1574). Humaniste, médecin célèbre, il fut engagé à la cour du roi de France en 1536. Mais, inquiété pour ses convictions religieuses, il vint se réfugier à Strasbourg à partir de 1544. Il consacra toute sa vie à la lutte contre la peste (Robert STEEGMAN, « Gonthier d’Andernach », NDBA 1 (1986), p. 39). 100. Elsie Anne McKEE, Katharina Schütz Zell 1, op. cit., p. 222-223. 101. « Dr. Andernachs Gattin ist gestorben, und Katharina Zell, die infolge Wassersucht in einem Wagen zum Grab geführt werden musste, hat die Grabrede gehalten. Du weißt, dass die ganze Familie Schär Schwenckfeld anhängt. Deshalb rief die Verstorbene während ihrer mehrtätigen Krankheit keinen Prediger ; als dann die Erben den Pfarrer am jungen St. Peter, neben dem Andernach wohnt, die Grabrede zu halten baten, sagte er zu unter der Bedingung, dass er zuerst die Wohltätigkeit der Toten und ihre sonstigen Tugenden preisen, dann aber ihren Abfall von der Kirche Christi darlegen werde ; so habe der Superintendent Marbach im geboten. Andernach, Schär und die Schwester Elisabeth weigerten sich dagegen und nahmen das Begräbnis zu ungewohnter Stunde, morgens um 6 Uhr, vor, und da niemand zugegen war, um das Leichengefolge zu ermahnen und trösten, übernahm die Zellin mit Glück diese Aufgabe » (Gerwing BLAURER, in : Traugott SCHIESS, Briefwechsel der Brüder Blaurer 3, 1 avril 1562, n° 2443, p. 689). 102. « dz frauw Elisabeth Hecklerin jetz freytags mit tod abgangen unnd wiewol die prediger angesprochen mit der leich zügon/ dz hab keiner thun wollen. Also habe ich meister Mathis seligen witwe hienaus tragen lassen und wie bey D. Andernachs hausfraw leich beschehen/ gepredigt und die prediger angezogen/ so haben nachmalen die prediger zu Sanct Claus und in der ober predig im munster die hestori uff die canzl bracht » (AMS XXI, fi86v, 15 juin 1562 ; Elsie Anne McKEE, Katharina Schütz Zell 1, op. cit., p. 225). 103. Elsie Anne McKEE, Katharina Schütz Zell 1, op. cit., p. 226. 104. « Auff dem andern püncten Katharina Zellin belangendt. Erkannt dieweil es ir [als ein weibs]bild nit gebüert zu predigen so [sollte man sy] beschicken und ir anzeigen dz mein hern ein beschwerd darob/ dz sye sich des predig ampts underziehe und sonnderlich dz sye wider sie sacramenten unnd die prediger angezogen. Doch weil sye jetzo kranck/ so soll mans einstellen [ob] ir sachens jer werden wolt dz mans beschicken kont. Sturbt sye/ dann so thut sies one dz nym » (AMS XXI, fi87r, 15 juin 1562 ; Elsie Anne McKEE, Katharina Schütz Zell 1, op. cit., p. 226). 105. Depuis 1556 en effet, les collègues de Hubert lui avaient interdit de célébrer la Cène avec eux ; à partir de l’été 1562, ils lui interdirent également de distribuer la communion (Elsie Anne McKEE, Katharina Schütz Zell 1, op. cit., p. 227-228).

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RÉSUMÉS

La Réformation a apporté de profondes modifications à la vie des femmes au XVIe siècle. A Strasbourg, des femmes ont su à la fois profiter des avantages que leur procurait la Réformation et utiliser les arguments évangéliques pour se créer de nouveaux rôles. Certaines n’ont ainsi pas hésité à intervenir dans la sphère publique, qui leur était pourtant fermée à cette époque.

Reformation brought deep modifications to the life of women in the XVIth century. In Strasbourg, some women were able to take advantage to the ideas of Reformation and at the same time to use evangelical arguments to create new roles for themselves. Some of them did not so hesitate to intervene in the public sphere, which was nevertheless closed to them at that time.

Die Reformation hat grundlegende Veränderungen in das Leben der Frauen des XVI. Jahrhunderts gebracht. In Strassburg haben es Frauen verstanden sowohl die Vorteile, die ihnen die Reformation bot, als auch die evangelische Argumentation zu nutzen, um sich neue Rollen zu schaffen. Einige haben es sogar gewagt, sich in das bis dahin für sie verschlossene öffentliche Leben einzumischen.

INDEX

Schlüsselwörter : Argula von Grumbach von Stauffen, Frauen, Marie Dentière, Reformation Keywords : Argula von Grumbach von Stauffen, Marie Dentière, Reformation, women Mots-clés : Argula von Grumbach von Stauffen, Catherine Zell, femmes, Marie Dentière, Réformation

AUTEUR

ANNE-MARIE HEITZ Historienne. Docteur en théologie protestante

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Frontières de la sorcellerie entre Alsace et Lorraine : entrelacs juridictionnels et variations contextuelles

Maryse Simon

Une recherche historique sur la sorcellerie dans ce qui est aujourd’hui l’est de la France n’est pas aisée : la région concernée, entre l’Alsace et la Lorraine n’est pas homogène du point de vue des sources. La Lorraine, qui semble plus cohérente du fait de la place prépondérante du duché, est en fait morcelée entre les différentes possessions des trois évêchés notamment. Cependant, les archives sont riches, centralisées et bien connues, ce qui a permis à de nombreux historiens de travailler sur ces sources1. En Alsace, à cause du morcellement des territoires et des juridictions, les archives ne sont pas toutes centralisées au niveau départemental, et les archives municipales conservent encore de nombreux documents, sans compter ceux qui sont en dehors des frontières françaises. De plus, de nombreuses séries d’archives n’ont pas encore été répertoriées et les recherches sont parfois tributaires de découvertes dues à la chance, en attendant de pouvoir consacrer le temps nécessaire à une étude exhaustive. L’étude de la sorcellerie peut aussi compter sur l’aide d’historiens locaux qui se sont attelés à la retranscription des procès de sorcellerie qui ont eu lieu dans leur ville2. Mais il n’y a pas de synthèse qui puisse donner un réel aperçu de l’ensemble du phénomène. Bien sûr, des contributions importantes ont été apportées3, et ceci sans compter tous les historiens traitant de l’Allemagne qui ont englobé de façon logique les cas alsaciens dans leur aire d’étude. Les chiffres sont donc approximatifs : 5 000 exécutions auraient eu lieu en Alsace et moitié moins en Lorraine. Si les deux provinces ont abrité un grand nombre de sorcières, elle ont aussi accueilli de grandes figures liées à la chasse aux sorcières : Johannes Nider (ca 1380-1438), qui a composé son Formicarius (« la Fourmilière ») vers 1437, est l’un des auteurs les plus influents des premiers écrits sur la sorcellerie. Il a été formé chez les Dominicains de Colmar dès 1402 où il a complété ses études

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théologiques jusqu’en 1410 probablement4. Son œuvre a inspiré d’autres travaux majeurs : Geiler von Kaysersberg (1455-1510), théologien, réformateur et prédicateur à Strasbourg depuis 1478, a composé en 1509 vingt-cinq sermons sur la sorcellerie, publiés en 1516-1517 à Strasbourg sous le titre Die Emeis (« les Fourmis ») en référence à Nider. Il faut également citer l’auteur du célèbre Malleus Maleficarum, Henry Institoris-Kramer, prieur du couvent des Dominicains de Sélestat qui compose son œuvre-phare en 1484 et la fait publier à Strasbourg en 1486-1487. L’Alsace est un grand centre d’édition (avec des imprimeurs tel Johann Grüninger) et une région aux confluents de divers courants. De nombreux pamphlets et ouvrages de moindre diffusion sont publiés en Alsace5. La Lorraine, quant à elle, a fourni une contribution démonologique importante avec Nicolas Remy et sa Démonolâtrie publiée en 1595 6. Cette région est donc un lieu d’intense activité où les idées sur la sorcellerie fourmillent. L’analyse de la sorcellerie est loin d’y être achevée, mais dès à présent l’étude plus particulière de cette zone entre Lorraine et Alsace va mettre l’accent sur les frontières multiples du phénomène.

Frontières naturelles, linguistiques et juridictionnelles

La toute première question porte sur la notion même de frontière : le Rhin est-il perçu comme une vraie frontière ? Que représente le Rhin pour la communauté villageoise et l’engeance diabolique ? Le fleuve apparaît très concrètement dans un des premiers cas de sorcellerie en Alsace, comme un élément faisant partie du processus de chasse aux sorcières puisque le corps d’une sorcière, Marguerite Weinburnin, morte en prison lors de son procès à Sélestat en 1499, est enfermé dans un tonneau et jeté dans le Rhin7. Il semble bien que le fleuve marque une certaine séparation dans la vallée rhénane, mais cette ligne reste perméable. Un sorcier de Haguenau, Philipp Schloff, l’illustre en décrivant un sabbat qui réunit quarante sorcières d’outre-Rhin qui jouent aux dés avec celles d’au-delà du fleuve8 ! L’Alsace appartient véritablement au monde germanique et le Rhin représente le centre de cette entité géographique et culturelle qu’est la vallée rhénane : de nombreux accusés de sorcellerie parlent de sabbats qui rassemblent toutes les sorcières du Rhin9. Cependant, le fleuve n’est pas facile à franchir concrètement et il reste une frontière pour la vie quotidienne. La véritable séparation se fait souvent en fonction de la langue, ce qui ramène la frontière au piémont vosgien. Un exemple, celui d’Anna Zirch de Molsheim, relate un épisode révélateur : les sorcières de la région ont joué les récoltes de l’année aux dés (les dés semblent être un jeu populaire dans les sabbats rhénans) avec leurs collègues du Welschland français. La frontière linguistique est très importante pour le sentiment d’appartenance à une communauté, mais là encore, il n’existe pas de barrière infranchissable. L’emploi de traducteurs, de « truchement », est très courant et il est facile de trouver quelqu’un dans son entourage pour se faire comprendre. Le brassage linguistique et culturel semble être un élément capital dans les communautés villageoises. Les frontières les plus importantes en ce qui concerne la sorcellerie sont celles des juridictions dont dépendent les accusés. La chasse aux sorcières étant une affaire légale, et les exécutions extrajudiciaires ou lynchages étant peu nombreux, l’appartenance à une juridiction conditionne le sort des accusés. Et le vaste entrelacs des différentes juridictions forme un espace imbriqué et compliqué qui peut devenir un

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élément stratégique. En effet, les accusés jouent avec la proximité des frontières de ces juridictions pour essayer d’échapper à la justice. Il est si facile de sortir des limites de la juridiction dont on dépend, que beaucoup d’accusés sont tentés de fuir. Les évasions et tentatives d’échapper à l’autorité judiciaire semblent plus importantes en Alsace qu’en Lorraine. Les exemples ne manquent pas : Elisabeth Rhem de Saint-Hippolyte appréhendée le 26 avril 1622 ne passe que vingt jours en prison alors que ses complices arrêtées en même temps qu’elle y passent vingt-huit semaines, car elle a réussi à se cacher pendant trois mois à Illhaeusern10. Elle est finalement reprise et exécutée le 28 septembre. L’affaire se complique d’un point de vue administratif car, pendant son évasion, elle hérite de la moitié de la succession de son frère Gaspard Rhem, mort à la guerre. Ce cas résume bien l’entrelacs administratif qui caractérise de nombreuses situations : la part qui lui revient est confisquée par la justice et est échue au duc de Lorraine pour un tiers, mais le reste va à la Collégiale Saint-Georges de Nancy qui y exerce son autorité pour les deux tiers11. Un autre cas illustre le jeu qu’exercent les victimes avec les frontières de la justice12 : Sara Klinger, la femme du prévôt de Lengenberg, village aujourd’hui disparu près de Guebwiller, est emprisonnée en novembre 1617 à Niederentzen13. Elle réussit à ouvrir ses entraves avec un couteau, s’évade avant d’être reprise. Elle réussit à s’évader une seconde fois en brisant ses chaînes avec une pierre14. Elle parvient cette fois à atteindre Boersch, un village distant de 70 kilomètres, dépendant d’une autre seigneurie, et se cache chez le maire (Meÿer) du lieu, un dénommé Höss. Le seigneur de Niederentzen, Christophe Truchsess von Rheinfelden, apprend qu’elle s’est réfugiée à Boersch et donne pleins pouvoirs à un envoyé, David Hartmann, pour la faire arrêter « où qu’il la trouve » et la ramener à Niederentzen. Les choses vont vite : le 4 janvier 1618 le seigneur avise les autorités de Boersch que Sarah Klinger est recherchée. Le 9 janvier, le protocole du Grand chapitre de Strasbourg donne la suite de l’affaire : l’envoyé fait arrêter l’accusée après avoir présenté ses pouvoirs, et un mandataire du seigneur de Niederentzen, Jacob Röderer, est commis pour la chercher. Le secretarius du Grand Chapitre, ainsi qu’un docteur en droit et syndic du Grand Chapitre, Henry André Gail, se rendent à Boersch pour livrer l’accusée aux mandataires15. Finalement elle est remise aux mandataires avec des conditions précises énoncées devant l’accusée : qu’elle ne soit pas jugée avec précipitation, qu’on procède selon la Reichsconstitution, qu’on lui fournisse un avocat et un procureur et qu’on la laisse voir un prêtre catholique16. Le 10 janvier 1618, elle est conduite à la limite du ban de Boersch17 pour être remise aux mandataires du seigneur de Niederentzen18. La procédure de restitution s’achève avec la lettre de David Hartman aux envoyés du Grand Chapitre pour cette livraison gracieuse, faite avec l’accord du doyen du Grand Chapitre Herrmann Adolph zu Salm und Reifferscheidt. Ce cas montre les conséquences pratiques du morcellement de la carte géographique des différentes juridictions, importantes en matière d’autorité et de partage de la justice. Les conséquences financières, avec les va-et-vient des accusés et des appels, le sont tout autant. Dans le village de Chatas, un sorcier, Nicolas Claudon doit être amené jusqu’à Saint-Dié pour y être exécuté en 1618 car le village appartient pour moitié aux comtes de Salm et pour l’autre moitié à l’abbaye de Moyenmoutier, qui dépend de la seigneurie de Saint-Dié. Le résultat de ces opérations est un coût très important en termes de procédures. À cause de cet état de fait, de nombreuses requêtes sont envoyées par les tribunaux pour faire face aux dépenses occasionnées par les procès de sorcellerie.

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Le contexte conjoncturel : situation politique et religieuse

Les frais importants de justice sont à replacer dans un contexte difficile, notamment la contagion de peste qui sévit en Alsace et qui affecte de nombreuses villes. Les habitants de Saint-Hippolyte envoient en 1627 une lettre de doléances au duc de Lorraine19, demandant l’exemption de l’aide due à la saint Rémy et stipulant que « depuis six mois la contagion a ravagé si furieusement et avec tant de violence qu’elle a emporté 417 personnes » et que la ville déjà « petite et non peuplée et présentement comme vague et déserte » offre le « spectacle de son affliction, de la pauvreté et indigence des habitants souffreteux et nécessiteux ». Il ne reste d’ailleurs que 232 habitants en 1632 quand l’épidémie s’arrête. Ils obtiennent la moitié de la remise, c’est-à-dire 270 francs. Le lien entre peste et sorcellerie est fait l’année suivant la requête, en 1628 : « a ceste mortalité dernière, ayant faict prendre et executer quatre femmes convaincues de sortillege », le « règlement prescrit » n’a pas pu être suivi, et beaucoup plus d’argent que prévu a été dépensé. Le comptable n’est « ni vu ni trouvé à cause de la contagion », alors que le maire qui représente l’autorité de la collégiale Saint-Georges de Nancy (qui exerce les deux tiers de l’autorité) est resté en ville « à cette calamité et misère ». Ce dernier ne réclame pas les deux tiers de son dû, car de toute façon « il est fort difficile, veoir impossible de s’en faire rembourser par ceux qui ont faict telle despence d’aultant qu’ils sont mortz pour la pluspart ». Les prévôts et bourgmestres de la ville précisent qu’il ne s’agit que d’environ 130 francs. Ils vont même jusqu’à faire du chantage en terminant leur requête par une menace : dorénavant, « si tels criminelz et autres prisonniers venoient a evader et eschapper de prison avant confession faute de par manquement de gardes, que la faute ne leur en soit imputée », ce qui implique qu’aucune confiscation ne pourra être faite et donc qu’il n’y aura pas d’argent dans les caisses de la ville. L’accent est souvent mis sur les frais de garde des prisonniers, et particulièrement dans leurs propres maisons. En 1621, le duc Henri de Lorraine se voit obligé de régler certaines difficultés dans l’exercice de son autorité en matière de justice20. Le septième point concerne la garde des prisonniers qui ne pourrait se faire qu’une fois qu’ils ont confessé leurs crimes et en ont été convaincus. Jusqu’à ce moment-là, ils doivent être « resserrés en prisons » « fermés et assurés ». D’autre part, le prévôt et les gens de justice peuvent faire appel selon leur bon vouloir au maître des hautes œuvres « soit de nos paiz [lorrain] ou aultres […] au meilleur mesnage que faire ce pourra », ceci pour réduire les frais et la perte de temps à les faire venir de Lorraine. Le problème des frais de garde est détaillé dans une affaire de sorcellerie qui se situe dans le nord de l’Alsace, à Haguenau : Anna Schroeder la Wannenwirthin, 65 ans, a les moyens de se payer des gardiens pour être emprisonnée chez elle quand elle est accusée de sorcellerie le 22 septembre 1627. Mais elle est finalement incarcérée le 1er décembre car elle n’a plus payé les frais de garde depuis le 29 octobre. Après plusieurs séances de torture21 et consultations auprès des docteurs en droit de Strasbourg pour les autoriser, elle nie les accusations et finit par être assignée à résidence à trois ou quatre lieues de Haguenau, où elle pourra se rendre après avoir payé les frais de son procès22. Mais la somme réclamée est si considérable que son gendre menace de saisir le tribunal impérial de Spire. Finalement, il préfère écrire au fils d’Anna pour lui

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conseiller de vendre la vaisselle en argent de l’accusée. En juin, c’est-à-dire dix mois après son arrestation, Anna est toujours en prison. La même cour d’appel impériale est saisie par les trois filles de Marie Laurinelle, arrêtée le 22 août 1629 pour crime de sorcellerie : ses filles23 font une protestation à la suite de son arrestation, mais elle est quand même exécutée le 10 septembre, sans qu’aucune réponse ne soit parvenue de la cour d’appel. Les filles continuent néanmoins la procédure et veulent faire supprimer les effets juridiques de la condamnation auprès de la même cour24. Le temps joue en faveur des tribunaux et à la défaveur des accusés et de leur famille qui supportent le coût financier de la procédure, en plus de celui des conditions de détention. Le problème de l’éloignement du pouvoir central conduit à des situations très différentes : dans le val de Lièpvre25, jusqu’en 1594, les procès se faisaient en total isolement, torture et condamnation à mort étant ordonnés sans en référer à quiconque. Le pouvoir central de Nancy a réussi par la suite à imposer son avis, considéré comme nécessaire pour condamner ou torturer. Un certain lien, notamment financier, peut être fait entre sorcellerie et guerres. L’argent des biens confisqués aux sorcières peut être affecté à diverses causes : une lettre datée du 20 janvier 163726, du bailli de Barr, Jean Daniel Cromer, propose au Magistrat de Strasbourg d’employer les biens de quelques sorcières exécutées pour payer les arriérés de soldes du caporal Philippe Kauss, commandant du château d’Andlau. Mais sorcellerie et affaires militaires sont liées de façon plus générale. L’occupation des troupes dans de nombreux villages alsaciens est souvent rapportée comme un élément déterminant. À Sélestat, le Malefitzregister qui a été conservé pour la période de 1629 à 1642, fait état d’accusations nombreuses pendant toute cette période (91 cas en moins de 13 ans), mais témoigne d’une absence totale d’accusations quand la ville est envahie par les Suédois en 1632 jusqu’à leur départ où les condamnations reprennent. Ce cas n’est pas isolé. Il y a de nombreuses mentions des guerres Mansfeldischer Krieg, Schweizer Krieg, Brandenburgischer Krieg, dans leBlutbuch de Molsheim. Ce « livre du sang » rassemble les manuscrits des comptes rendus de procès, entre 1620 et 1631, menés par le Kayserliches Malefitzgericht, tribunal impérial des maléfices qui juge les affaires de sorcellerie et autres crimes dangereux, et qui dépend directement du prince du territoire, l’évêque de Strasbourg27. Le contexte politique n’est pas le seul à déterminer les variations relevées dans la persécution de la sorcellerie. Le contexte religieux peut être tout aussi déterminant. Les différences confessionnelles aboutissent à des situations très différentes selon le poids de la communauté. Dans le val de Lièpvre, la situation est caricaturale car la quasi- totalité des affaires de sorcellerie se passe du côté catholique lorrain de cette vallée, alors que le côté protestant alsacien est beaucoup plus tolérant et donne peu suite aux accusations. Dans ce cas précis, le contexte social et économique, avec la présence importante de mineurs qui travaillent dans les mines du val de Lièpvre, joue un rôle déterminant. La relative protection des protestants par rapport aux accusations de sorcellerie s’illustre dans un autre cas : en 1613, à Luvigny, Nicolle veuve de Nicolas Destoy, sujet des comtes du Rhin, avait à tort cru trouver refuge dans la partie du village dépendant de la maison de Lorraine, chez le pasteur protestant28 qui apparemment la cachait. Quand une fracture religieuse existe au sein d’une même communauté, on peut souvent constater une différence dans l’intensité de la persécution. Il semble que la sorcellerie soit punie de façon à peu près équivalente quand il s’agit de communautés entièrement catholiques ou au contraire entièrement protestantes.

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Il existe dans la région en question une communauté chrétienne bien à part, les Anabaptistes, qui sont apparemment laissés en dehors de cette persécution. Aucune trace de procès accusant ouvertement des membres de cette communauté ou faisant un lien direct avec eux n’a été retrouvée à ce jour. L’explication peut être justement due à l’isolement de ces familles anabaptistes qui vivent principalement dans des fermes isolées dans les Vosges, qui n’ont souvent de contact avec les communautés villageoises que lors des marchés. Ils représentent également un intérêt économique appréciable pour la communauté villageoise en tant que fermiers et laitiers. La présence d’autres communautés non chrétiennes est parfois mentionnée : une jeune fille de Dettwiller, décapitée et brûlée le 13 septembre 1611 après avoir notamment déclenché un incendie qui a presque complètement détruit le village, aurait agi à l’instigation d’un juif accompagné d’un grand chat noir29. Le lien entre sorcellerie et judaïsme est cependant rare, malgré une présence ancienne et relativement importante de communautés juives en Alsace. La communauté religieuse la plus impliquée dans les affaires de sorcellerie semble être celle des jésuites. Une vague de procès a emporté de nombreux enfants de l’école des jésuites de Molsheim. Ont été recensés 277 cas de sorcellerie dont 201 exécutions, et parmi elles, 35 enfants. Un des plus jeunes accusés, Philippe Schramm30, est élève chez les jésuites de Molsheim, et est âgé de 9 ans seulement. Il est incarcéré le 3 avril 1630 et fait des aveux le 9 du même mois31. Ces aveux ne sont pas très originaux : le jeune Philippe cite la séduction, le pacte avec le diable (pacte écrit avec du sang car le garçon sait écrire), le reniement de Dieu et des saints, l’adoration du diable, la présence au sabbat avec danse et repas, mais sans pain ni sel. Il s’agit en fait d’un catalogue presque exhaustif de tout ce qu’on peut faire au sabbat. Philippe fait cependant mention d’un scène uniquement décrite chez les enfants : le diable apprend généralement aux enfants à créer des souris, mais ici ce sont des lièvres et des poules qui sont évoqués. Il décrit même un baptême diabolique où tout est inversé, le blanc remplacé par le noir et où il se trouvait lui-même dans le berceau. Il décrit aussi l’accouplement avec le diable (malgré son très jeune âge32), ajoute la dénonciation de complices, et les aveux de méfaits commis envers des animaux, mais rien contre des humains. Après une confrontation avec un autre élève, le jeune Brucker, âgé de 11 ans, il avoue également qu’il a écrasé des hosties. Ses aveux sont expédiés à la Régence de Saverne le 12 avril, et le 16, celle-ci donne l’ordre de le préparer à la mort avec ses six complices âgés de 9 à 16 ans33. Les jésuites se chargent directement de la tâche, « comme à l’accoutumée »34. Il est exécuté le 20 avril. Les enfants étaient d’ordinaire étranglés avant d’être brûlés35. Cet enfant paraît être au fait des connaissances en matière de sorcellerie : il avait déjà été directement confronté à la sorcellerie car il se trouvait dans la maison de la Schultheissin, la femme du prévôt de Stotzheim, lorsqu’elle a été arrêtée pour sorcellerie, puis exécutée36. Le jeune Philippe aurait fréquenté de nombreux cercles et de ce fait a dénoncé beaucoup de gens importants37. Le rôle des jésuites dans la chasse aux sorcières est un peu particulier et, dans plusieurs autres endroits, leurs élèves sont accusés d’être de jeunes sorciers. Les cas de Würzburg à la fin des années 1620 (41 enfants condamnés en plus des 199 adultes, entre 1627 et 1629) s’ajoutent aux cas de suspicion dans les écoles de Trèves, Eichstätt ou Hildesheim notamment38. Mais ces cas d’enfants impliqués dans le crime de sorcellerie diffèrent de ceux généralement rencontrés : les enfants sont le plus souvent de simples dénonciateurs de sorcières et ils bénéficient souvent de l’immunité due à leur jeune

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âge. Ce contexte plus habituel se rencontre dans une autre affaire qui se passe non loin de l’école des jésuites : dans la même Régence de Saverne, le bailli Christophe de Wangen reçoit un rapport sur les nombreux cas de privation de virilité, et ceci depuis des années, dans le village de la Wantzenau où des enfants et des femmes officieraient39. Dès le lendemain, le fiscal de l’Évêché doit se rendre sur place pour y enquêter, et surtout interroger avec rigueur les enfants pour savoir par qui ils ont appris ce « tour pendable » (die anvgerumbte Lasster), et si besoin les faire rosser40. Il les fait avouer : ils se sont servi de mouches espagnoles, en fait de petits coléoptères qui secrètent une toxine, que les enfants ont dû capturer et réduire en poudre pour empoisonner les hommes devenus ainsi stériles41. Mais dans cette affaire qui a eu lieu en 1656, les enfants sont simplement battus et seule une femme adulte est incriminée. Le rôle des enfants dans les affaires de sorcellerie est à la frontière de plusieurs champs d’étude. Les frontières de la sorcellerie sont poussées encore un peu plus loin dans un cas exceptionnel où la frontière entre croyance orthodoxe et croyance déviante est très nettement posée. Un habitant d’Ohnenheim, un village catholique au nord de Colmar, envoie une demande très particulière à son seigneur42. Il prend soin de faire enregistrer sa demande par un notaire de Strasbourg qui fait des copies de sa requête43, ce qui la rend encore plus officielle. En effet, Johann Habisreuttinger, maître d’école de son village, demande à Jacques de Rathsamhausen, seigneur du village voisin de Grussenheim, s’il peut organiser une procession pour guérir deux femmes de Grussenheim atteintes d’un mal incurable. Il ajoute à sa demande un dessin de cette procession. Seulement, dans cette lettre datée du 30 novembre 1601, il avoue de lui- même qu’il a étudié la sorcellerie auprès du diable pendant sept ans, « se sentant depuis sa plus tendre jeunesse une aptitude particulière pour ces études surhumaines et surnaturelles, et entraîné vers elles par une passion irrésistible »44. Il s’est donc livré au « génie des sorciers et des devins pour être instruit ». Son instruction prend fin au début de l’année 1601 (il a fait figurer le décompte des années en marge de la lettre), et prétend qu’« à partir de ce moment, l’esprit du mal est obligé de le servir à son tour pendant tout le reste de sa vie comme lui-même l’a servi pendant sept ans ». Il propose, « avec l’aide et la grâce de Dieu », d’organiser avec le concours de toute la ville, une procession comme à la fête-Dieu („wie an unsers Herrgottstag”), mais où tout serait inversé, l’ordre de passage des groupes et le sens de la procession45 : les bannières, crucifix, cierges et dais sont relégués à la fin du cortège, et les bourgeois armés d’épées ouvrent la marche, suivis des femmes. Toute la communauté porte un chapelet à la main. Les deux femmes malades doivent apparemment prendre place dans un cercueil ouvert transportable (on peut voir les deux poignées en haut et en bas de la caisse de bois), tenant chacune dans une main des fleurs, et dans l’autre soit une lanterne soit un flambeau. Entre les deux femmes qui ne sont pas nommées, on aperçoit une sorte de blason entouré de deux paires d’ailes angéliques. Il s’agit probablement du sceau du Christ porté par l’ange, ainsi qu’il est décrit dans l’Apocalypse46. Autour des deux malades, quatre personnages semblent sortir de trappes carrées comme découpées dans la scène centrale. Ils incarnent les quatre fléaux de la vie : la mort (Tod) en haut est représentée par un squelette qui tient dans sa main gauche un sablier. La faim (Hunger) est représentée à gauche par une femme habillée en paysanne avec un haut en fourrure qui tient un panier vide dans sa main gauche. La peste (Pestilentz) est représentée à droite par une femme richement vêtue qui tient un arc prêt à décocher sa flèche. La guerre (Krieg) est incarnée par un chevalier en armure et

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casque à plume qui brandit son épée. Ils portent tous dans leur main droite des verges qui ressemblent étrangement à des balais de sorcières. Ces quatre personnages comportent chacun un nom au-dessous de leur dessin : le médecin Jacob de Grusenheim représente la mort, la femme Kilbert la faim, Suzanne la Française la peste, et Johann Habisreuttinger lui-même Schulmeÿster, le chevalier. Peut-on y voir un portrait de l’auteur de la lettre ? On peut de façon très claire y voir les quatre fléaux et les cavaliers de l’Apocalypse, placés aux quatre points cardinaux. Johann précise que les quatre évangiles doivent être lus devant les quatre fléaux représentés dans le cercle. Ce cercle est représenté par des petites croix plantées dans le sol et délimite l’espace sacré autour duquel la procession doit tourner. Il inclut dans ce cercle « la place centrale, l’église, le cimetière et la tombe des martyrs », « à l’endroit même où tant de guerriers reposent »47 (quels martyrs et quels guerriers ?). La limite de ce cercle ne doit être franchie par personne avant la fin de la procession, hormis les six personnes qui doivent y prendre place. Johann Habisreuttinger demande à son seigneur de lui accorder la permission de réaliser son projet en proposant de payer un droit de trois couronnes d’or. Il déclare sans ambages : « je suis sûr de réussir ayant une pleine connaissance de mon art […] et si toutefois mon entreprise devait ne pas réussir, je consens à être étranglé et ensuite brûlé sans rémission, et je veux que l’exécution ait lieu publiquement avec l’assistance du bourreau, dans une ville où siège la justice, afin que si j’avais menti, l’expiation de mon mensonge soit connue et serve de leçon ». Il reprend là le discours officiel affiché par les autorités en ce qui concerne l’exemplarité de la sentence. Il termine sa lettre avec encore plus d’emphase : « Depuis assez longtemps on réclame quelque chose de nouveau et d’extraordinaire. Ceux qui en désirent en auront à satiété, mais tous n’auront pas lieu de s’en réjouir. Dieu nous a ordonné de veiller, et nous avons dormi et nous n’avons pas voulu nous laisser réveiller, mais soyez bien sûrs qu’avec ses quatre verges, la faim, la peste, la guerre et la mort, de même qu’il a fait pour les juifs dans l’ancien testament alors qu’ils méprisaient sa parole sainte, et quand la mesure de leurs iniquités fut comblée, il leur a envoyé pareille mesure de fléaux et d’autres châtiments et tourments jusqu’à ce qu’ils fussent convertis ou anéantis ». Il conclut à la suite par ces mots : « Chacun est libre maintenant de me croire ou non, mais ce que j’en dis est bien près de nous. Le nom redoutable du village de Graussenheim sera amplement justifié ce jour-là ». Il fait là une sorte de jeu de mots sur le nom du village appelé ici Graussenheim en référence à grausen qui veut dire redouter comme verbe ou horreur comme substantif. Il a parlé au début de sa lettre du lieu de cette procession « à l’endroit même où tant de guerriers reposent » qui serait le lieu d’un combat ancestral. Cette lettre plonge le seigneur de Rathsamhausen dans une certaine perplexité et il en rend compte à son suzerain Eberhardt de Ribeaupierre (le village d’Ohnenheim appartient aux Ribeaupierre depuis 1301). Cette lettre du 23 janvier 1602 est intéressante à plusieurs titres. Jacob vom Rathsamhausen n’utilise à aucun moment des termes reliés au diable ou à la sorcellerie pour parler de cette affaire ; il dit que son sujet, le maître d’école, lui a fait une requête en insistant longuement sur le fait qu’il s’agit de soigner « deux personnes malades depuis longtemps à qui personne n’a pu venir en aide jusqu’à présent ». Il présente les choses d’une façon plutôt positive en parlant de « porter remède » à ces femmes en employant des moyens non naturels (unnatürliche Mittel), mais sans employer aucun mot du champ lexical du diable. Il

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déclare qu’il a beaucoup réfléchi au sujet de cette entreprise, (il écrit cette lettre plus de deux mois après l’avoir reçue48, mais qu’il n’a pas pu trouver le moindre motif de permettre une telle chose sous sa seule autorité. Il précise qu’il n’a pas réussi à connaître les intentions de ce maître d’école. Aussi, en tant que chrétien et seigneur dévoué à la pure religion évangélique (der reinen Evangelischen Religion), il demande conseil à Eberhardt de Ribeaupierre. Malheureusement, la fin de cette extraordinaire histoire n’est pas connue car aucun autre document se rapportant à cette affaire n’a été mis au jour jusqu’à présent49. Mais ces deux lettres sont suffisantes pour révéler la frontière extrêmement floue entre les pratiques jugées déviantes et les pratiques orthodoxes faites en l’honneur de Dieu. Cette procession où tout est inversé et qui a pu être imaginée grâce à des compétences acquises auprès du diable n’est pas immédiatement rejetée par Jacob de Rathsamhausen et condamnée comme acte de sorcellerie. Que ce maître d’école soit persuadé d’être un sorcier, et assez fou pour s’en vanter, c’est une chose, mais qu’il remporte une certaine adhésion de son seigneur et probablement celle du village, en est une autre. On peut très facilement imaginer qu’il a parlé ouvertement de ce projet à l’ensemble de la communauté. Mais cet étrange personnage révèle une grande complexité dans ses croyances. Il s’avoue sans équivoque sorcier50, « écolier de magie comme on les appelle » au service de celui qu’il qualifie de mauvais ennemi51 ou d’esprit du mal et de la divination52. Mais il veut utiliser ses compétences diaboliques au service du bien, avec l’aide et la grâce de Dieu. L’ambivalence de la magie et l’ambiguïté des pratiques sont au cœur de cette affaire. La question d’un mal non naturel est considérée comme claire par toutes les personnes impliquées, et le seul remède à un mal non naturel est un moyen non naturel. La question de l’origine de ce mal est en revanche posée : vient-il de Dieu ou du méchant : von Gott oder den Bösen ? Or, la réponse n’est pas indiquée et importe finalement peu, les deux réponses possibles faisant partie de la même catégorie supra naturelle. Johann Habisreuttinger semble illuminé et affiche une croyance indubitable en un miracle assuré : « Je veux prouver de la façon la plus évidente et montrer au grand jour que depuis l’Ascension du Christ il n’a jamais été vu ni entendu sur cette terre un fait plus merveilleux et plus admirable et qu’on pourrait même appeler un miracle ». Il semble persuadé du bien-fondé de son entreprise mais détaille de façon très explicite un éventuel échec. Il a beaucoup réfléchi à ce propos et se classerait le cas échéant dans la catégorie des charlatans : « afin que moi, ainsi que tous les magiciens convaincus d’imposture, nous soyons un objet d’horreur pour le présent et un exemple terrible pour l’avenir ». Mais il est animé d’une incroyable force combative quand il parle de « réveiller et d’arracher à son sommeil la chrétienté incrédule ». Il est visiblement en prêche pour la foi protestante. Aucun saint généralement associé aux pèlerinages ou processions n’est mentionné dans sa lettre ; il cite avec précision les passages bibliques (indication d’une bonne connaissance de la Bible) et surtout il manifeste une franche hostilité à l’égard du curé du village : « Il est possible que Monsieur le curé de Graussenheim veuille refuser et empêcher cette cérémonie sous prétexte que ce n’est point œuvre de Dieu, mais invention, mensonge et tromperie du diable. Que Monsieur le curé sache donc, lui et tout le monde, qu’une chose pareille ne peut arriver et n’arrivera que par volonté, ordre, force et toute puissance de Dieu afin de renouveler et de proclamer de nouveau sa gloire et sa puissance divine qu’il nous a déjà révélées par Moïse et Jésus-Christ, et enfin de réveiller et d’arracher à son sommeil spirituel la chrétienté incrédule, impie, divisée et révoltée contre la foi ».

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Il a ajouté par la suite un petit paragraphe dans la marge : « Par le mot sommeil spirituel, j’entends l’état de ceux qui ne font aucun cas et ne comprennent pas les prophéties divines, comme ont fait les grands prêtres juifs et les Pharisiens pour la venue du Christ ». Johann Habisreuttinger semble particulièrement obsédé par la faute collective mais beaucoup de zones d’ombre subsistent dans cette singulière affaire. Ce cas extraordinaire ne doit pas occulter les autres cas qui montrent à quel point la frontière entre pratique orthodoxe et pratique déviante est parfois floue et facile à franchir. Johann Habisreuttinger veut bien encourir la peine sévère réservée aux charlatans, comme cela a été le cas à Mulhouse où un procès a été dirigé vers 1460 contre un homme, Louis Meyger de Berne, voleur escroc et sorcier qui se vantait de pouvoir extorquer au diable ses secrets et révéler la cachette d’objets perdus ou volés. En 1624, un soldat congédié se vante, lui, alors qu’il s’enivre à l’auberge de l’Ange, d’avoir appris à être impénétrable aux balles et épées grâce à un sorcier. Il réussit son tour de « magie » trois fois, mais la quatrième il se blesse. Une fois guéri, il est attaché au pilori et battu de verges. La complicité avec un autre sorcier est ici punie de façon relativement clémente. D’autres crimes sont associés à la sorcellerie et ne bénéficient pas de la même clémence. Les accusations de sorcellerie sont parfois entremêlées avec d’autres accusations d’un tout autre registre. On trouve des cas de rébellion à l’autorité et à la bonne morale avec des accusations de vol aggravé d’obscénité et de paillardise, ou bien d’ivrognerie mêlée au blasphème, de violence caractérisée contre des officiers et des gens d’église, parfois d’inceste, cas qui aboutissent tous à des condamnations pour sorcellerie. À ce titre, le cas de Michael Lingelsheim est édifiant sur l’utilisation de l’accusation de sorcellerie. Cet homme est l’envoyé seigneurial d’une petite ville alsacienne à une quinzaine de kilomètres au sud de Strasbourg53. En 1654, il perd 100 Reichstaler qu’il convoie depuis Colmar vers Fegersheim. Il fait étape à Ebersheim où il s’enivre et, le lendemain, il se rend compte, arrivé à Benfeld, que l’argent manque, rebrousse chemin et demande à Ebersheim si quelqu’un a vu son argent. Il est arrêté au château de Lutzelhouse, sur les hauteurs d’Ottrott, où on le questionne. Il avoue s’être enivré et dit que sa femme veut l’obliger à dénoncer son impudicité notoire, mais il prétend que ce n’est pas vrai. Il est torturé54 et avoue l’adultère avec une certaine Elisabeth Genter et s’embrouille au sujet de l’argent. Il soutient qu’il ne l’a pas donné à des prostituées mais qu’il l’a enterré près d’un puits sous un chêne. Puis après une autre séance de torture, il dit qu’il l’a caché chez lui, sous le seuil, à gauche de la porte de la grange. Il s’embrouille encore après ces aveux et cite d’autres paillardises55. Le bailli de Fegersheim ne trouve rien à l’endroit indiqué. L’accusé avoue alors, toujours sous la torture, que le diable a emporté l’argent, et qu’il est possédé par le diable depuis quatre ans, ce dernier ayant pris l’apparence d’une de ses maîtresses, Ursula. Le diable est entré en scène dans cette histoire de vol. Cependant, toutes les questions des juges ne portent ensuite que sur l’argent et sur la façon dont il l’a dépensé. L’accusé n’avoue plus rien mais se livre en revanche à des propos diaboliques, possédé, comme le prouve la noirceur effrayante de son visage, à tel point que l’assemblée remarque visuellement combien l’esprit du mensonge gouvernait sa langue, son cœur et tout son corps. L’entourage de l’accusé fait de multiples supplications au nom de Jésus, et le diable se retire. Après cette intervention diabolique, les questions reprennent leur cours au sujet de sa femme, des complices, et d’autres méfaits. Pendant ce temps, à Fegersheim, l’autorité seigneuriale fait publier une lettre le 1er décembre 1654 où

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impudicité et adultère doivent être punis de la peine de mort, suivant les dispositions sévères du droit impérial en vigueur, car il ne faut pas donner l’impression de favoriser le vice en remplaçant la peine de mort par de lourdes amendes. Le 8 décembre 1654, Ursula, la maîtresse du messager, comparaît donc et avoue des relations coupables avec près de dix personnes. Le 11 décembre, le tribunal de justice criminelle est convoqué à Fegersheim. Directement inspirée par la Carolina, la procédure judiciaire se fait par le représentant du jeune seigneur Wolff Georg de Rathsamhausen-Ehenweyer, mineur, procureur qui représente l’accusation. L’avocat de l’accusé parle de l’accusé comme d’un « pauvre pécheur », mais ce dernier finit par avouer meurtres, vols, empoisonnement, animaux tués, brouillard et gelée blanche, et prétend qu’il a jeté l’argent à la rivière sous l’impulsion du démon pour qu’il ne puisse parvenir à l’autorité seigneuriale. On ne reparle plus de la métamorphose du diable en Ursula. Il est condamné à être brûlé vif, puis sa peine est commuée et il est exécuté par l’épée avant que l’on fasse brûler son corps. L’accusation de sorcellerie semble plaquée sur celle de vol pour justifier la torture et la sentence finale. Les relations conflictuelles à l’autorité séculière et temporelle sont un élément que l’on retrouve souvent dans les documents d’archives. Mais les affaires sont souvent incomplètes et, par endroits, très lacunaires. Or il existe des dossiers complets, dont celui d’un laboureur aisé, rebelle à l’autorité, blasphémateur, ivrogne, violent, voleur, incestueux et sorcier. Le cas de Miclin Parmentier de Labaroche, est connu par un dossier de huit documents en français et allemand entre 1639 et 164456. Malheureusement la fin de cette histoire nous échappe. L’homme est un habitué des registres des amendes car il injurie et blasphème depuis des années. Il ne paie pas la dîme et « ne respecte ny monseigneur ny officier quelconque », ajoutant même que « le diable puisse crever les yeux des officiers », selon un témoin. Il est accusé en 1639 d’un trafic de céréales qu’il aurait organisé en accord avec des soldats du Hohnack. Quand il est interrogé à ce propos, il prétend que deux soldats lui ont donné les quatre sacs de blé et de seigle en question qu’ils avaient pris à des Allemands. Il s’agit donc de recel de grain volé et revendu. Mais il est sauvé par le témoignage de deux habitants d’Orbey, la ville voisine. Il est au cœur d’une autre affaire en 1644 : après avoir fait sa récolte, il ne s’acquitte pas de la dîme, et quand le curé, accompagné des officiers de justice, arrive le lendemain pour le raisonner, il le chasse avec des menaces très explicites (il veut l’étrangler, le battre avec une fourche pour le tuer et le transpercer). Il avait auparavant attaqué à la hache le préposé chargé de récolter la dîme. Le curé Colinchair et le prévôt David Olry décident alors d’écrire au seigneur, le sire de Ribeaupierre, qui le fait venir dans sa ville, Ribeauvillé. Cet homme est un ivrogne notoire qui, alors qu’il était « bien pinté », a demandé la main du curé comme s’il voulait l’épouser. Il se targue aussi de manger de la viande tout le temps, même le vendredi ou pendant le carême, et se vante même que depuis qu’il ne prie plus Dieu, c’est-à-dire depuis sept ans, il a davantage à manger que les autres ! Il est par ailleurs soupçonné d’inceste avec sa fille Odile car il l’aurait mise dans le lit conjugal lors de la nuit de noces de son remariage. Il avait apparemment l’habitude de coucher « avec elle en même lit » quand il se déplaçait en dehors du village. Sa femme témoigne de façon confuse à ce sujet car le greffier ne peut pas dire si elle a réussi à empêcher les tentatives d’inceste. Un témoin qui logeait chez eux certifie que la fille avait gardé sa chemise toute la nuit lors de la fameuse nuit de noces du père. Les choses prennent une autre tournure quand son fils âgé de huit ans proclame partout que son père le conduit au sabbat à cheval. Le curé évoque cette affaire de

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sabbat en chaire, et le sermon virulent alimente les ragots. Le garçon est alors interrogé sur l’identité des cinq femmes qu’il dit assister à ces sabbats, mais comme il dénonce les notables du village, il est qualifié d’affabulateur. Le père avait déjà déjoué des accusations en 1639 quand il avait mis au défi le curé de le confondre publiquement et de prouver qu’il était réellement un sorcier. Miclin Parmentier, sûr de sa victoire, espérait même le renvoi du curé faussement accusateur. Il avait écopé simplement d’une nouvelle amende pour avoir dit à cette occasion qu’il en profiterait pour le tuer ou que le diable l’emporterait. L’affaire reste en suspens et on ne sait pas si Miclin a été cette fois condamné. Il représente le rebelle, le parfait provocateur. Or dans ce cas, malgré des pistes qui peuvent très facilement mener à une condamnation pour sorcellerie, ne lui sont reprochés que les faits concrets, vol de céréales, refus de payer la dîme, blasphèmes, injures, coups et blessures. Il n’y a aucune évocation des traditionnelles accusations de sorts jetés à des personnes ou à du bétail ou des récoltes, malgré la mention de participation au sabbat par le fils affabulateur. Ce cas pose le problème de la crédibilité des témoins, mais surtout celui de la déviance par rapport à des normes acceptées. Coupable de nombreux délits graves par le passé, ce Miclin a toujours réussi à échapper à la condamnation capitale car ses crimes ne semblent pas sortir du cadre des pratiques plus ou moins tolérées ou expliquées par l’emprise de l’alcool ou de la colère. Il semble également bénéficier de protections influentes. L’Alsace et la Lorraine recèlent de nombreuses affaires intéressantes et atypiques : mais cette concentration de cas si différents à quelques kilomètres de distance n’est-elle pas un indicateur des influences et des nombreux courants religieux qui passent par la vallée rhénane ? Les problèmes de l’entremêlement des juridictions font apparaître une plus grande marge de manœuvre de la part des accusés et des accusateurs. La tentation de fuir est plus grande et apparemment les chances de succès sont, elles aussi, plus grandes. Mais ce morcellement des juridictions entraîne aussi une plus grande coopération entre elles, surtout en Alsace, et même si des difficultés existent, des accords sont souvent trouvés pour ramener l’évadé dans sa juridiction. L’exercice efficace de l’autorité reste une inquiétude commune, surtout en matière de confiscation des biens. L’enjeu financier est également un sujet de préoccupation, vu les coûts importants des procédures judiciaires, surtout quand ces dernières prennent place dans un contexte politique et militaire très troublé. Cette étude de la situation particulière de l’Alsace et Lorraine reste à être comparée avec les régions limitrophes, Franche-Comté, Luxembourg et Allemagne d’outre-Rhin pour établir la spécificité de cette région.

NOTES

1. Il faut notamment citer les travaux de Robin Briggs, Witches of Lorraine, Oxford University Press, 2007 ; William Monter, A Bewitched Duchy, Lorraine and its Dukes 1477-1736, Droz, 2007 ; Elisabeth Biesel, Hexenjustiz, Volksmagie und soziale Konflikte im lothringischen Raum, Trèves :

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Spee Verlag, 1997 ; Jean-Claude DIEDLER, Démons et sorcières en Lorraine : le bien et le mal dans les communautés rurales de 1550 à 1660, Paris : Messene, 1996. 2. L’Alsace est la région française qui compte le plus grand nombre de sociétés d’histoire et d’associations historiques. 3. Publications anciennes par Rodolphe Reuss, Auguste Stoeber, ou plus récentes par Joseph KLAITS, «Witchcraft trials and absolute monarchy in Alsace», dans Church, State and Society under the Bourbon Kings of France, éd. Richard M. GOLDEN, Lawrence : Coronado Press, 1982, p. 148-172. 4. Nider devient prieur des Dominicains à Bâle en 1429. Il revient brièvement en Alsace en 1438 pour conduire la réforme dans le couvent des Dominicaines de Sainte-Catherine à Colmar et meurt à Nuremberg lors du voyage de retour. 5. Par exemple LUTZ (Reinhard), Das I. Tractaetlein. Warhafftige Zeittung, von gottlosen Hexen, auch Ketzerischen vnd Teuffels Weibern, die zu Schlettstadt, dess H. Rœmischen Reichsstadt in Elsass, auf den XXII. Herbstmonat dess 1570. Jahrs, von wegen ihrer schaendtlichen Teuffels verpflichtung u. sindt verbrennt worden. [Franckfurt am Mayn, Nicolaum Basseum, 1586]. 6. Nicolas REMY, Daemonolatria, Lyon, 1595. 7. Cas cité par Jean PONS, « Le tragique destin des sorcières de Sélestat », dans Annuaire des amis de la bibliothèque humaniste de Sélestat, 1998, n° 48, p. 57-62. 8. Cas cité par François LECHNER, « Sept procès de sorcellerie à Haguenau en 1627 et 1628 », dans Bulletin du Cercle généalogique d’Alsace, n° 82, p. 471-478, n° 83, p. 531-536, 1988. 9. Cas de Christina Wettermann, femme de Quirin Hans Menner, qui a assisté à un sabbat à Eschbach avec toutes les sorcières de la vallée du Rhin. 10. ADMM B 8918, 1622. 11. Finalement cet héritage qui se monte à 122 francs est octroyé en « don pour Dieu et en ausmone aux enfants de ladicte Elisabeth ». 12. Archives du Grand Chapitre, aux Archives municipales de Strasbourg AN 10. Voir l’article de Louis SCHLAEFLI « Un cas de sorcellerie de Niederentzen (1618) » dans Annuaire de la Société d’Histoire de la Hardt et du Ried, 1996, n° 9, p. 53-54. 13. Après torture, elle a avoué aux juges, les Siebener, qu’elle a tué un homme en lui servant du vin rouge, qu’elle a fait mourir un cheval et deux porcs, et qu’elle a été séduite par le diable à Ammerschwihr quatre ans auparavant. 14. „alhie zue Niederenssen auss Eÿssenbanden gebrochen”. 15. Ils interrogent à nouveau l’accusée qui confirme en partie ses aveux précédents sauf la rencontre avec le diable. Elle précise qu’elle n’a avoué que parce qu’on lui a promis d’être grâciée, ce qui est une ruse habituelle pratiquée par les juges. 16. L’accusée prétend alors qu’elle n’a avoué qu’à cause de la torture „alle seÿen durch pein und durch grausam drawen zur confession gebracht worden” et aussi que l’homme qu’elle aurait soi- disant tué est toujours en vie et que le cheval qu’elle aurait tué serait mort par éclatement de la vessie, selon les dires du bourreau qui avait examiné le cadavre du cheval. 17. Entre Obernai et Bernardswiller «gegen OberEhnheim und Bertschweiler”. 18. „freÿ ledig geliffert”, avec une dernière recommandation „Solle sich willig und geduldig auf der reise erzeigen?” elle doit se montrer bien disposée et patiente pendant le voyage. Elle quitte la juridiction à cheval avec les deux mandataires qui partent vers Bernardswiller. 19. ADMM B 8924. 20. ADMM B 8922, folio à part. 21. Confrontée aux accusateurs, l’accusée riposte « si j’avouais, Dieu ne serait plus Dieu ». Torturée et suspendue trois fois avec pierres, elle est torturée à nouveau le 9 décembre deux fois, si fort que la planche de bois casse. Malgré la torture dite des bottes espagnoles, elle continue de nier. Dans les réunions du Malefizrath du 13 décembre et 31 janvier, une éventuelle troisième séance de torture est discutée. Les juristes Dr Boos et Westermeyer se prononcent contre car déjà

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deux accusatrices s’étaient rétractées. Le 9 janvier, le gendre d’Anna, Sébastien Geyr, une personnalité administrative de Marmoutier, intervient pour la faire libérer. Elle continue néanmoins à être confrontée aux accusés sans sévices. On allait la relaxer quand sa nièce Agnesel l’accuse d’avoir craché un jour l’hostie dans son mouchoir en l’église des Augustins. La procédure reprend son cours avec torture. Le 11 mars elle nie toujours malgré quatre suspensions avec jusqu’à trois pierres. Le docteur Laurentius Boos à nouveau consulté dit qu’on ne peut plus la torturer mais qu’elle doit être assignée à résidence. 22. Ce qui est décidé le 22 mars. 23. Catherine, Marie et Madeleine. 24. La réponse n’est pas connue. 25. Voir à ce sujet Maryse SIMON, Les affaires de sorcellerie dans le val de Lièpvre, Strasbourg, Société Savante d’Alsace, 2006. 26. Cas cité par REUSS (Rodolphe),La sorcellerie au XVIe et au XVIIe siècle, particulièrement en Alsace d’après des documents en partie inédits, Paris, 1871, rééd . Éditions du Rhin Steinbrunn, 1987. 27. L’évêque de Strasbourg était, en 1620 au début du Blutbuch, l’archiduc Léopold de Habsbourg. 28. « au logis du Ministre de Levigny ». 29. Mention dans Rodolphe REUSS, L’Alsace au dix-septième siècle au point de vue géographique, historique, administratif, économique, social, intellectuel et religieux, Paris : Bouillon, 1897-1898, p. 104 note 3. 30. Dans Louis SCHLAEFLI, « Les aveux d’un sorcier de neuf ans originaire de Saverne », dans Pays d’Alsace. Bull. la Société d’histoire et d’archéologie de Saverne et environs, 1998, n° 182-1. 31. ABR 2 B 83, Saverne. Les onze pages manuscrites ont été retranscrites par Louis SCHLAEFLI. 32. La sexualité des enfants sorciers est un thème qu’il faudrait étudier à part entière. Les cas rapportés indiquent plusieurs pistes de recherche : Peter Roller, 13 ans, accusé en août 1627, dit qu’il a couché avec une femme très froide et fait ses noces avec le diable. Hébergé à l’hôpital depuis son arrestation, le 23 mars 1628, il raconte que le diable lui a rendu visite et est parti quand il a crié le nom de Jésus. En juillet 1628, sur un rapport des frères franciscains Udalricus et Rochus, et après consultation de l’évêque auxiliaire de Molsheim, il est rendu à sa famille. Un autre cas associe sorcellerie, sexualité et meurtre rituel : Martinel, employé chez son oncle Vickel Ada, 14 ans, petit-fils d’une sorcière accusée en même temps, dit que son amant est froid comme la neige et que sa grand-mère a enfoncé ses doigts dans le cœur de sa petite sœur. Le cas d’un jeune homme de 18 ans soulève un autre problème, celui des démons succubes : Jacob Wagner dit que son diable s’appelle Maria et on lui répond que c’est impossible ! Il rétorque alors que le diable lui aurait interdit de dire son nom. 33. Sébastien Rauscher 13 ans, François Burgon 9 ans, Anastasius Leber 14 ans, Joannes Andreae 15 ans, Joannes Kleinsberger 16 ans, Daniel Molitor 14 ans. Voir ici même l’article de Louis SCHLAEFLI « Particularités relatives aux procès de sorcellerie intentés aux enfants... ». 34. ABR 2 B 0468/1 : „wozu Sÿe siccch fein eingestellet und bereits von den Hn Patribus fleissig disponirt worden”. 35. ABH 2 B 0467/2 : „morgens vor tag justificiert, nachgehends samptliche durch das fewer verbrannt worden”. 36. Il connaissait aussi un autre sorcier, un certain Wagner de Saverne qui est mort sur la chaise d’insomnie, ainsi qu’un Küchenmeister qui aurait été emmuré. 37. Voir l’article de Philippe WIEDENHOFF, « Les liens de Philippe Schramm avec la sorcellerie savernoise » : l’auteur détaille la vie des personnes dénoncées comme complices par le petit Philippe : la fille du conseiller et administrateur épiscopal de la monnaie, un boucher de Saverne originaire de Hochfelden qui a été brûlé comme sorcier par une justice expéditive après que sa femme a été brûlé elle aussi. Anne Herlein, interrogée le 23 octobre 1628, résiste à la chaise

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d’insomnie pendant deux jours, du 20 au 22 février 1629, et est bannie dans sa maison ; Elisabeth Stoll meurt sur la chaise d’insomnie en 1629. 38. Sur les cas d’enfants impliqués dans les procès de sorcellerie, voir Wolfgang BEHRINGER, „Kinderhexenprozesse. Zur Roller von Kindern in der Geschichte der Hexenverfolgung”, dans Zeitschrift für Historische Forschung, n° 16, 1989, p. 31-47 ; William MONTER, « Les enfants au sabbat : bilan provisoire », dans Le sabbat des sorciers en Europe (XVe-XVIIIe siècles), éd. Nicole JACQUES-CHAQUIN et Maxime PREAUD, Grenoble : Millon, 1993, p. 383-388 ; Rita VOLTMER, «Zwischen Herrschaftskrise, Wirtschaftsdepression und Jesuitenpropaganda: Hexenverfolgung in der Stadt Trier (15.-17. Jahrhundert», dans Jahrbuch für westdeutscche Landesgeseschichte, vol. 27, 2001, p. 37-107. 39. Voir Louis SCHLAEFLI « À propos des mouches espagnoles ou une affaire de sorcellerie à la Wantzenau au XVIIe siècle », dans Annuaire de la société des amis du vieux Strasbourg, 1996-1997, t. 25, p. 57. L’affaire débute le 15 mai 1656 et un rapport est fait le 19 mai où il est dit que la femme de Marx Fromm et quelques gamins se sont servis de mouches espagnoles so der Spanischen Muckhen gebraucht. Le fiscal entend sous serment l’accusée (den beschedigten Mann medio iuramento vornemmen) pour enquêter, l’incarcérer et la faire torturer une ou deux fois si elle ne veut pas avouer. Il doit ensuite envoyer un nouveau rapport qui est étudié lors de la séance du 30 juin 1656, dont on ignore le contenu, mais qui donne le nom de la coupable, Anna, veuve de Marx Fromm. Sur cet ordre, Le bailli doit la soumettre à nouveau à la torture mais plus sévèrement (noch einaml und was Starckhers) et envoyer un nouveau rapport. L’accusée n’avoue rien (dass Marx Frommen Wittib Anna …. Auf nochmalig aussgestandene tortur zur gutlichen bekantnuss in bezichtiger hexereÿ sachen nicht zu bringen gewesst). Elle est donc libérée mais assignée à demeure jusqu’à nouvel ordre par le bailli. Le Conseil de Régence rappelle au bailli de dresser un état des frais pour cette affaire. 40. „wo vonnothen zur bekantnuss durch ruthenstreich anhalten lassen” (G 6351, 64 vo-65). 41. En fait il s’agit d’un coléoptère, cantharide officinale, Lytta vesicatoria, célèbre pour sécréter la cantharidine, substance toxique qui a quelques propriétés aphrodisiaques : la poudre faite avec l’insecte est un stimulateur de l’érection puisqu’il provoque une inflammation des voies urinaires, de l’urètre en particulier, qui a pour conséquence une érection, parmi d’autres troubles. La surdose est mortelle dès 50 mg à 100 mg, ce qui est peu. Ce qui est curieux, c’est qu’à l’époque des sorcières c’est le contraire puisque les mouches espagnoles ont la réputation de rendre les hommes stériles et impuissants. 42. ADHR E 1638. 43. „Diese hier ingeschriebene Missiva sampt einverleibter figur, deren bericht ober Im und underschreibung, ist von einer dergleichen in Originali furgelegten uff und in zwen bögen Papyrs geschriben Missiva, darinn mit einer feder und dinten gemalten figur getrewlich und fleißig von und abgeschrieben, nachgerissen mit derselben allem Inhalt conferirt, uberlesen, besichtiget, und derselben original an wortten, genial und figur aller dings gleichlautendt, änlich und gleichförmig zusehen und zubefinden, Bezeug ich, Joh. Ludwig Schmid auss Röm. Kays. Autoritet Notarius Publicus, bürger zu Strasburg, manupropria”. 44. Ce document a fait l’objet de deux articles publiés au milieu du XIX e siècle : « Lettre d’un sorcier », dans Magasin pittoresque, Paris, 1846 ; et une transcription est parue en 1854 dans la revue Alsatia dirigée par A. STOEBER, puis une traduction partielle en 1861 dans Curiosités d’Alsace, vol. 1. 45. Cette procession a été étudiée, expliquée et située dans le village actuel par deux historiens locaux Jean Philippe STRAUEL et Michel KNITTEL, « Sorcellerie à Grussenheim », dans Annuaire de la Société d’Histoire de la Hardt et du Ried, n° 6, 1993, p. 29-37. 46. Apocalypse 6 : 1-8. 47. „Auf dem Platz da die erschlagene Kriegsleuth ligen”.

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48. Il est assez curieux de constater que Jacob von Rathsamhausen écrit sa lettre le 23 Janvier qui est également la date citée par Johann Habisreuttinger pour son entrée au service du diable. 49. Des recherches en ce sens vont être effectuées dans la correspondance des Sires de Ribeaupierre série E 740 des ADHR. 50. „fuhrend und wahrsagende Schueler”. 51. „dem Bösen feynd”. 52. „dem Geÿst der furenden unnd Warsagenden”. 53. Ce cas est présenté par Jean-Paul LINGELSER, « Le messager seigneurial de Fegersheim victime d’un procès en sorcellerie », dans Diligence d’Alsace, n° 49, 1993, p. 3-12. 54. La description de sa torture est assez détaillée : il est « suspendu à une hauteur de terre de l’épaisseur d’un doigt », puis dévêtu et rasé, et ensuite une pierre est attachée et suspendue à son corps. 55. Il aurait eu des relations avec Ursula femme de Jacob Sidler, aubergiste d’Ohnheim, et Maria, femme de Schwartz Mathis. 56. Conservés dans le fonds Ribeaupierre aux Archives Départementales du Haut-Rhin cote E 1582.

RÉSUMÉS

Dans l’Alsace et la Lorraine de la période moderne où la chasse aux sorcières sévit durement, l’entremêlement des juridictions est tel que les accusés de sorcellerie peuvent essayer de jouer avec les frontières et tenter d’échapper à la justice. Les difficultés de cette dernière à condamner dans certains cas révèlent les frontières mal définies de la sorcellerie, notamment dans des cas exceptionnels où la frontière entre croyance orthodoxe et croyance déviante est ambiguë.

During the early modern period, in the Alsace and Lorraine region, many witch trials took place within a very complicated jurisdictional network. The boundaries of witchcraft were often blurred and, if some of the accused individuals tried to escape from the judicial system, it was hard to convict in certain cases where the difference between orthodox believes and deviancy was ambiguous.

Im Elsaß und in Lothringen der modernen Zeit, in der die Hexenjagt ganz besonders wütet, existiert eine solche Vermischung der Gerichtsbarkeiten, daß die der Hexerei angeklagten versuchen können, mit den Grenzen der Justiz zu spielen um dieser zu entkommen. Die Schwierigkeiten der Justiz, in gewissen Fällen zur Verurteilung zu kommen, weisen auf die schlecht definierten Grenzen der Hexerei hin, vor allem in besonderen Fällen, in denen die Grenze zwischen orthodoxem und dem abweichendem Glauben doppeldeutig ist.

INDEX

Schlüsselwörter : Hexe, Hexerei, Justiz Keywords : justice, Witch, witchcraft Mots-clés : justice, sorcellerie, Sorcière

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AUTEUR

MARYSE SIMON Docteur en histoire, chercheur à l’Université d’Oxford (Royaume-Uni, lauréate du programme Marie Curie)

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Particularités relatives aux procès de sorcellerie intentés aux enfants à Molsheim au XVIIe siècle

Louis Schlaefli

En l’état actuel des connaissances, sur 76 sorciers brûlés à Molsheim même, 30 au moins1 étaient des enfants, soit plus de 40 %, chiffre effarant qu’on doit rarement trouver ailleurs. La liste comprend exactement 49 accusés à Molsheim et dans les environs, dont 34 ont été exécutés (plus 6 dont le sort est inconnu) ; 35 garçons dont 25 ont été exécutés et 14 filles dont 9 exécutées. Pour les cas renseignés, l’âge moyen est de 11 ans. Si l’on noie ces chiffres dans l’ensemble des cas répertoriés dans la région de Molsheim de 1531 à 1697, le pourcentage se trouve réduit, mais cela fait tout de même plus de 17 % du total. De plus le phénomène est concentré sur les seules années 1617-1630 (30 exécutions sur 34). Quelques-uns réussirent à échapper au bûcher : Hans Rinck, 13 ans, rescapé pour n’avoir rien avoué, après l’exécution de son petit frère ; Mathias Boehler, 11 ans, relâché pour avoir su se taire ; Lorentz Boehler, frère du précédent, disparu de son domicile quand on est venu pour l’arrêter ; Bartholomaeus Pfeiffer, 16 ans, banni après avoir enduré des tourments incroyables, sans rien avouer ; Martin Bechtel, étudiant, de Willgottheim, 18 ans, qui a réussi à s’évader. En revanche, le sort de quelques autres reste inconnu. Certains des éléments qui vont être évoqués, tirés entre autres du fameux Blutbuch de Molsheim, ont déjà été publiés dans un article intitulé « La sorcellerie à Molsheim (1589-1697) »2, étude qui a paru en même temps sous forme de livre. Depuis lors ont été exploités de nombreux documents relatifs au même sujet de la série 2 B (justice seigneuriale du bailliage de Dachstein) aux Archives départementales du Bas-Rhin, dont aucun inventaire n’a paru jusqu’ici. Leur étude a permis de compléter le précédent travail et de rallonger la liste des victimes, y compris celle des enfants.

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Une statistique inhabituelle

Tableau récapitulatif

Année Localité Identité Âge Résolution du procès

1617 Oberhaslach Anne, fille de Pétronille 7 ans Sort inconnu

1617 Oberhaslach Christine, sa soeur 5 ans Sort inconnu

1617 Dangolsheim Magdalena N. Inconnu Exécutée

1620 Dahlenheim Ludwig Blintz Inconnu Exécuté

1620 Dahlenheim Anna Blintz, sa soeur Inconnu Exécutée

1621 Bischoffsheim N. Huck 10 ans Hors de cause

1623 Molsheim Catharina (Dilger ?) Inconnu Hors de cause

1623 Molsheim N. Tuppius (?) Inconnu Hors de cause

1624 Dachstein Hensel Müller 14 ans Exécuté

1629 Molsheim Michael Hammerer 9 ans Exécuté

1629 Molsheim Margaretha Lohner Inconnu Exécutée

1629 Molsheim Hans Jakob Holtzwart, apprenti 13 ans Exécuté

1629 Molsheim Catharina Anderwert 9 ans Exécutée

1629 Molsheim N. Halter Inconnu Exécutée

1629 Molsheim Hans Adolph Reiss 9 ans Exécuté

1630 Molsheim Joannes Andreae, collégien 15 ans Exécuté

1630 Molsheim Adam Gottgeb 14 ans Exécuté

1630 Molsheim Joannes Kleinsberger 16 ans Exécuté

1630 Molsheim Daniel Molitor 14 ans Exécuté

1630 Molsheim Anastasius Leber 14 ans Exécuté

1630 Molsheim Philippus Schrammaeus, collégien Inconnu Exécuté

1630 Molsheim Sebastian Rauscher 13 ans Exécuté

1630 Molsheim François Burgon 9 ans Exécuté

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1630 Molsheim Jacobus Brucker 11 ans Exécuté

1630 Molsheim Georg Schultheiss 15 ans Exécuté

1630 Molsheim Hans Zimmermann 10 ans Exécuté

1630 Molsheim Heinrich Walter 15 ans Exécuté

1630 Molsheim Conrad Rinck 10-11 ans Exécuté

Johannes Rinck, 1630 Molsheim 13 ans Hors de cause frère du précédent

1630 Molsheim Mathias Boehler 11 ans Hors de cause

Lorentz Boehler, 1630 Molsheim Inconnu En fuite frère du précédent

1630 Molsheim Veronica N. Inconnu Hors de cause ?

1630 Molsheim Catharina Halter 8 ans Exécutée

1630 Molsheim Christina Liechtenauer 10 ans Exécutée

1630 Molsheim Sébastien Giess 10 ans Exécuté

1630 Molsheim Peter Liechtenauer 11 ans Exécuté

1630 Molsheim Lorentz Keck 9 ans Exécuté

1630 Molsheim Johannes Joessel 10 ans Exécuté

1630 Molsheim Hans Günther 8 ans Exécuté

1630 Molsheim Christian Faber 10 ans Exécuté

1630 Molsheim Barbara Liechtenauer 9 ans Exécutée

1630 Molsheim Hans Koenig 8 ans Exécuté

1630 Molsheim Barthel Pfeiffer 16 ans Sort inconnu

1630 Molsheim Martin Bechtel Inconnu En fuite

1630 Molsheim Diebolt Klein Inconnu Sort inconnu

1630 Molsheim N. Klein Inconnu Sort inconnu

1630 Molsheim Johannes Reiss Inconnu Sort inconnu

1630 Altorf Margaretha Heinrich 13 ans Exécutée

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1630 Altorf Maria Kohler 11 ans Exécutée

A la recherche d’explications

Une répartition dans le temps montre qu’à l’exception d’une exécution à Dangolsheim en 1617, de deux exécutions à Dahlenheim en 1620 et d’une à Dachstein en 1624, les autres sont concentrées sur les années 1629 et 1630, sans parler de deux cas sans suite en 1657. Quelles explications trouver pour une situation aussi dramatique ? Il n’en existe pas de globale. Le grand massacre d’enfants en 1630 correspond à un pic des procès. On peut aussi parler de l’effet boule de neige : tel accusé va livrer une longue liste de soi-disant complices, qui, sous la torture, vont avouer et livrer d’autres noms. Et la justice passe avec toute sa rigueur. Les premiers cas relevés ne se différencient pas des procès intentés aux adultes : Ludwig et Anna Blintz, ont été exécutés à Dahlenheim avec leur mère en 1620 ; le premier a reconnu un meurtre et d’innombrables méfaits, ainsi qu’une vie débauchée, y compris, semble-t-il, des relations incestueuses. Sa soeur, outre la débauche, aurait contribué à tuer un de ses frères et son père. Quant au cas de Hensel Müller, âgé de 14 ans, brûlé avec sa mère à Dachstein en 1620, il est aisément explicable : sa mère a affirmé l’avoir séduit ; lui-même s’est vanté auprès de ses camarades de l’avoir souvent accompagnée pour aller danser au sabbat. Bien plus, il a avoué avoir sorti une hostie de sa bouche. Comme autres victimes, extérieures à Molsheim et exécutées en 1630, on doit citer deux fillettes du proche Altorf, de 11 et 13 ans. La dernière se serait transformée en loup. Trente victimes sont originaires de Molsheim même ou y résidaient. Beaucoup d’entre elles, si l’on fait abstraction des fillettes, comparses obligées pour le mariage diabolique, et de quelques gamins du lieu, sont élèves au collège des Jésuites et logent chez l’habitant. On peut évidemment se demander, si, dans le contexte de la Contre- Réforme, les religieux n’insistaient pas trop sur le Mal, le péché, et n’ont pas trop joué sur les consciences en évoquant les méfaits du diable. On sait qu’ils étaient réputés pour procéder à des exorcismes3. Deux tableaux peints sur les murs de la chapelle Saint-Ignace, dans laquelle se réunissaient les membres de la sodalité, représentaient une cigogne rapportant le pacte diabolique. L’imagination des futures victimes a pu en être marquée. Les jésuites acceptaient aussi de préparer les condamnés à la mort. En auraient-ils trop parlé à leurs élèves, ne serait-ce que pour les mettre en garde ? Nous verrons plus loin que, dans un cas au moins, ils ont déféré un de leurs élèves à la justice.

Des jeux d’enfants

Par ailleurs, ces écoliers ou collégiens assimilaient certainement à l’action maléfique du diable les jeux, plus ou moins innocents, que leur sexualité naissante les poussait à pratiquer avec les gamines du lieu. Il aura suffi que l’un d’eux soit happé par la machine infernale et livre comme complices, sous les coups de verge du maître d’école, ses compagnons de jeu pour en arriver au massacre que l’on sait. Dans ses aveux du 13 août 1629, Michel Hammer fait remonter toute l’affaire à un jeu qui se serait déroulé sur une hauteur. Cette colline n’était certes pas l’endroit à

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fréquenter à l’époque car le tilleul du Molsheimerberg était considéré comme le lieu de rassemblement des sorcières. Mais le danger a toujours constitué un attrait pour les enfants. Sans doute ces jeux étaient-ils à l’occasion trop bruyants et un Molshémien excédé sera intervenu un peu vivement. Pour preuve, Michel Hammer traduit l’aventure en ces termes : « der Böss hab heraus geguckt, gesagt, wan er Sie überkomm, woll er sie schlagen. Seyen Sie herab geloffen4». Ne dirait-on pas l’intervention courroucée d’un vieux Molshémien, dérangé par les gamins et qui les met en fuite ? Au cours de l’interrogatoire du 17 août, Michel Hammer précise qu’il s’agissait d’un mercredi : « Günter und Reiss seyen am Mittwoch, als sie Spieltag gehabt, vor acht tag uffm berg gewesen ». Ce jour de congé revient souvent dans les dépositions. Les filles ont parfois participé à l’équipée. Christina Liechtenauer signale que Michel Hammer l’a emmenée sur la colline, un mercredi et elle quitte le domaine du jeu pour évoquer aussitôt un sabbat, au cours duquel elle a dansé avec les garçons et le Botzenmommel5, et a mangé des gâteaux sucrés. Par ailleurs, Michel Hammer évoque d’autres jeux : « (sie haben) beÿ Jacob Günters Hauss mit Scherben [gespielt] und Kipps gemacht ». Le greffier précise en quoi consiste ce jeu, sans doute à l’adresse des autorités : « Ist ein Kinderspiel, schlagen einander und lauffen einander nach ». La petite Barbe Liechtenauer, âgée de huit ans, commence également ses aveux en évoquant ses camarades de jeu qui l’ont emmenée sur la colline ; elle relate ensuite une sorte de sabbat auquel seraient venus assister des nains. Quelle candeur aussi chez tel gamin qui affirme qu’ils ont joué à cache-cache avec le diable ! Les commissaires, faussement patelins, commencent d’ailleurs leurs interrogatoires de façon candide. La première question qu’ils posent aux enfants consiste à leur demander s’ils ont joué avec les autres. L’imagination créatrice des enfants, relativement aux jeux, a pourtant dû atterrer certains parents, lorsque tel de leurs gamins prétendait savoir créer des souris. Cette particularité revient souvent dans les aveux des petits sorciers de Molsheim et des alentours. En août 1629, à un moment où une dizaine d’enfants se trouvent incarcérés à Molsheim, le jeune Hans Joessel dénonce au maître d’école Hennsel König qui « sait faire des souris » (« könn Mäuss machen »), jeu auquel il se serait livré hors les murs de la ville. Le maître d’école en avise les autorités. Le 14 août, les commissaires font comparaître l’intéressé. A la question « Was er kann ? » [ce qu’il sait ? en l’occurrence ce qu’il sait faire], il répond innocemment : « Der Vater Unnser » [le Notre père]. Les autorités le mettent sur la voie en lui disant qu’ils veulent l’interroger sur les souris. Il répond alors qu’un copain, décédé entre temps, avait enfoncé un bout de bois dans une peau de souris et que celle-ci aurait repris vie. Et le gamin de se perdre dans ses explications. Il prétend, tout d’abord, que cette souris était rouge, puis noire, ensuite qu’il y en a eu six. Son père qui semblait bien conscient du danger d’avouer un tel jeu, est arrivé alors pour le sommer de rentrer à la maison. Finalement l’enfant affirme n’avoir vu partir qu’une souris. (Qui sait si son petit camarade ne disposait pas, dans sa manche, d’une souris vivante avec laquelle il aura essayé de l’abuser ? Toute cette histoire pourrait remonter à une petite supercherie de ce type, autour de laquelle les gamins auront affabulé). Il se défend vivement, malgré la présence menaçante du maître d’école, armé de sa verge : « Er könn kein Meuss machen. Wiewol der Schulmeister mit der ruhten erfordert, unnd für Ihnen gstellt worden, wolt er doch nit gstehn, das Ers könne ».

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Des jeux moins innocents

Pour la démonstration de leur culpabilité, il importe de savoir si les sorciers, fussent-ils des gamins, ont commis l’acte de chair avec le diable. Les documents exposent toutes les appellations courantes du sexe masculin, quand ce n’est pas tout simplement « das Ding » [la chose], formulation également utilisée pour le sexe des fillettes. Michel Hammer dit certainement la vérité lorsqu’il évoque ses relations charnelles avec Grethel de Börss [Boersch] dans le grenier de l’hôpital. Cet endroit est aussi le lieu d’incarcération des enfants et on ne sait pour quelle raison elle y réside. C’est apparemment elle qui l’a dévoyé. Lors de l’évocation de ses relations avec le diable, on demande des détails à une autre fillette : « etwas kalts in Es gestossen, sei (salva reverentia) ein Schwartz Peimpel gewesen »(le diable aurait donc un sexe noir) ; alors que le diable lui aurait fait mal, ce ne fut pas le cas avec les autres gamins : « hab ihm wol gethan ». Le jeune Reiss a été son partenaire préféré : « er seÿ hipsch am gsicht, hab ihm am besten gethan ». Quant à Hammer, c’est le diable qui l’a poussé à l’acte : « Der Bös hat auch gsagt, er soll sein Primpel strack machen ». (C’est le diable qui lui a demandé de mettre son sexe en érection). Malgré ses sept ans, le petit Hans Günter aborde le sujet avec le langage cru de l’époque. Il raconte que ce sont les diables et les sorcières qui l’ont contraint à lever les robes des filles et à passer à l’acte. Lors d’un autre interrogatoire, ce dernier précise : « hat das Christel gebletzt. Der Böss hat Ihnen uff es geworffen und gesagt, soll den Zippel in die handt nemen und dz löchel ». Hans Adolff Reiss sera pressé de questions par les commissaires, qui veulent savoir qui lui a descendu la culotte. Sa réponse est alors très précise : « der Botzenmommel [...] Hab sein Ding hinein thun müessen » – Wie ers strack gemacht ? – Habs müessen heben, der Böss feindt hat gsagt, solls also machen ». Christina Liechtenauer relate les faits de son propre chef. Elle raconte qu’un homme en noir l’a jetée par terre, ; « der Michel (= Hammer) hab Ihm sein Peter wirtzel in den bauch gethan, hab Im we gethan », mais le diable lui a fait davantage mal que les garçons. Avec force détails, Barbara Liechtenauer évoque d’abord ses relations avec le diable, puis avec les garçons : « Der schwartz Mann hab Ihm den Rock auffgehebt und sein Peter wurtzel ins ding gestossen, so zwischen den beinen steht, hab ihm we gethan, seÿ kalt gewesen. Der Buben Ihr Peter Wurtzel hab es gesehen, habens Ihm auch dahin gestossen, hab Ihm wol gethan ». Lors de l’interrogatoire suivant, elle est plus réservée : « hab ihm etwas kalts, eines fingers gross, zwischen die Bein gestossen (hat sich geschemt, es zu nennen) » (Elle avait honte d’appeler la chose par son nom). Catherine Anderwert semble gênée également : « haben Ihm etwas in den leib gestossen wie ein finger, man nennts Peterwürtzel; der Böss hab ein grösser ding ghabt als die Buben, seÿ schwartz gewesen». Une autre gamine, de neuf ans, Catherine Halter, relatera en 1629, son expérience : « Der Botzenmommel hab es auffgedeckt und seÿ uff es gelegen, hab immer hinab gegriffen und Ihm sein ding angerüert und etwas in den bauch gethan, hab nit gesehen, hab Ihm we gethan ». Plus tard, elle se contredit : « habs gesehen, seÿ schwartz gewesen, ein Ding wie die Buoben am bauch haben, seÿ kalt gewesen und Ihm im bauch herumb geloffen ». Cette notion du sexe froid du diable est étonnante de la part de

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fillettes ; cela ne s’invente pas ; elles ont dû l’avoir entendu de la bouche d’adultes. Sans doute faut-il mettre sur le compte de la promiscuité de l’incarcération leur unanimité à parler du sexe noir du diable. Les enquêteurs établissaient sûrement une corrélation entre sexualité précoce et sorcellerie. D’ailleurs les enfants semblent entrer dans leur jeu car, pour eux, le mal ne saurait consister qu’en ces actes prohibés. Qu’auraient-ils d’autre à se reprocher de bien grave, hormis quelques gros mots, des vols de fruits ou autres menus larcins ?

Les particularités des procès d’enfants

Les procès d’enfants à Molsheim ont plusieurs particularités comme le niveau d’instruction des accusés, la manière de procéder aux exécutions, le recours à des auxiliaires de justice comme les sages-femmes, le maître d’école et aussi les parents. Une première particularité mérite d’être relevée. Certains de ces enfants, cultivés, évoquent un pacte écrit avec le diable. Ainsi, Sebastian Gyss, âgé de dix ans, affirme avoir emporté de l’encre à cet effet et la rédaction de son pacte mêle le latin à l’allemand : « Ego Sebastianus Geiss in infima. Ich will iezto dein eigen sein ». En revanche, dans les dépositions des adultes, qui ne savent pas nécessairement écrire, il n’est jamais fait mention de pacte écrit. Les gamins n’ont-ils pas, en la circonstance, été inspirés par l’une des peintures de la chapelle Saint-Ignace ? En 1630, l’épouse de Wolff Kugel, l’un des rares hommes condamnés à mort, supplie à genoux qu’on exécute son mari de bon matin, comme les enfants, pour lui éviter bien de la honte : « dass er, wie die Kinder pflegen, morgen vor Tag möchte hingerichtet und so grosser Spott uns ab dem Hals genommen werden ». C’est donc un point établi que les enfants ne sont pas brûlés vifs. Mais peut-on utiliser pour autant le mot grâce ?

De curieux auxiliaires de justice

Les sages-femmes

Les sages-femmes sont chargées d’examiner les inculpés, garçons et filles. Le 17 août 1629, Agatha Rinck et Apollonia Stein, ont dû faire leur rapport sur Michel Hammer et Grethel von Boersch. Agatha déclare que le garçon est foncièrement dépravé. Elle précise « dz er offt muess gehandelt haben. Das Grethel muess auch schon lang getriben haben ». Cette déposition est complétée par celle d’Apollonia : « das Grethel seÿ schier wie ein gross mensch beschaffen. Der Michel seÿ gantz abgelöst, als einer der es offt getriben ». A leurs yeux, les deux enfants leur semblent donc avoir commis bien souvent l’acte de chair. Le 21 août, Agatha Rinck a examiné la petite Catherine Anderwert, âgée de neuf ans, qui ne voulait pas se laisser faire : « das Meidel hab sich nit wollen besichtigen lassen, aus Scham, auch nit auff den Rücken wollen ligen, habs befunden, das es noch Just ist, wie es gehört, seÿ gantz nit auffgelöst ». Apollonia confirme ce constat. Malgré tout, le 29 novembre 1629 arrivera l’ordre fatal de la Régence. Le même jour, les deux sages- femmes examinent Hans Günter et Hans Adolff Reiss, dont l’innocence première est reconnue. Ils sont même comparés à l’enfant qui vient de naître.

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On imagine aisément le désarroi de ces gamins livrés à de pareils examens. En fait, les sages-femmes semblent appelées pour confirmer la dépravation de ces enfants ; après leur expertise, les enquêteurs en tireront les conclusions qu’ils voudront, mais généralement en défaveur des jeunes inculpés. D’ailleurs, même si leur « virginité » est confirmée par les sages-femmes, les enfants n’échappent pas au supplice.

Le rôle du maître d’école dans l’enquête

Curieusement le maître d’école du lieu prend la relève du bourreau au cours des interrogatoires d’enfants. Alors que les adultes, au début de l’enquête, sont tout d’abord menacés du bourreau, qu’on va placer à leurs côtés, avec ses sinistres instruments, pour les impressionner et les inciter à avouer, ce rôle revient ici au maître d’école, qui ne se contente pas toujours d’assister à la scène. On peut imaginer la crainte révérencieuse que, dès l’abord, pouvait inspirer un de ces maîtres d’école, d’autant plus qu’il avait la latitude d’user du bâton. Il impressionnait certainement davantage que le bailli de Dachstein ou les docteurs en droit qui présidaient la séance. À plusieurs reprises, les enfants reviennent sur leurs aveux ; ils n’ont avoué, disent-ils, que par crainte des coups. Ainsi, le 16 août 1629, Hans Adolff Reiss dit à ses parents, « was er geredt, hab Er auss furcht der ruhten gethan ». De fait, deux jours auparavant, au début de son interrogatoire, il a commencé par tout nier. On a donc demandé au maître d’école d’utiliser la manière forte, ce qui le contraint à avouer. Pratiquement tous les jours de ce mois d’août 1629, le maître d’école est intervenu dans les interrogatoires d’enfants. Le 17, c’est au tour de Michel Hammer (ou Hammerer) de subir ses coups alors qu’il avait déjà fait bien des aveux.

Les parents mis à contribution

Il nous paraît pour le moins singulier qu’on ait pu recourir à l’aide des parents pour faire avouer leurs enfants et les mener plus sûrement au bûcher. Tel fut pourtant le cas. Le petit Hans Günther fit partie de la rafle d’août 1629. Il n’avait qu’un peu plus de sept ans. Il avoue docilement dès le premier interrogatoire. Deux jours plus tard, le 16, les parents peuvent le voir, mais c’est pour l’inciter à révéler tout ce qu’il sait « damit Sie denselben ermahnten, wan die herren Commissarii widerumb zum examen kämen, das er alles, Was Ime zuwissen, güetlich bekennen sollte ». Le gamin en profite pour tout nier et il précise lui aussi qu’il n’a avoué que par crainte des coups de verge. Il est sans doute inutile de continuer à évoquer ces tristes entrevues, scènes d’adieux pour certains parents. D’autres cas montrent bien que les parents étaient convaincus de la réalité de la sorcellerie. En 1630, le portier Paul Rauscher écrit au receveur du bailliage que son fils Sébastien, d’après ses propres aveux, a été séduit par le diable. Il ne sait plus qu’en faire et demande qu’on l’enferme à l’hôpital. La mère de Conrad Rinck demande que justice soit faite à l’encontre de son fils, déjà examiné mais non encore incarcéré. Plus parlant, le cas du chapelier Martzolff Koenig qui intervient à propos de son fils Jean, âgé de huit ans, incarcéré sans espoir d’amélioration, dit-on. Il est inquiet car il a encore quatre autres enfants et craint le retour éventuel de ce fils qui pourrait contaminer les autres. Il se fie donc « à Dieu et aux autorités » pour ce qu’il convient de faire de son fils.

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Un greffier tourmenté

Nous avons la preuve qu’un auxiliaire de justice au moins, témoin de tout ce que ces procès pouvaient comporter d’odieux, en a été pour le moins tourmenté. Il s’agit du greffier du bailliage de Dachstein, Zacharias Benseler, qui, en mars 1630, demande à être déchargé des procès contre les étudiants de Molsheim. Il se dit surchargé de travail et doit, en outre, assumer une tâche difficile, celle d’enregistrer les dépositions de tous les enfants mis en cause. En conclusion, il demande à être déchargé de cette tâche qui perturbe ses sens : « mich des schweren und all mein sensus perturbirenden thuenss zu entheben ». Dans une autre lettre, il revient sur le sujet : « (des) gefährlich und odiosischen werckhs, mich nicht alleÿn ahn Sinn, gesicht und gedanckhen sehr geschwecht ». Dans une nouvelle requête, il évoque d’autres tourments : « sondern noch darzue grewlich, jedoch umb mein Unschuld, geschändet und auch in gefahr gesetzt ». On comprend que les parents des victimes aient pu en vouloir à ce greffier peut-être trop zélé. Lorsqu’il parle de son innocence, il veut dire qu’il n’a agi que sur ordre de la Régence. Il propose, pour le remplacer, Barthélémy Koebel, scribe au bailliage, qui, en mai 1630, a prêté serment comme « Protocollist zue den Examinationibus in crimine maleficii » [rédacteur d’actes en matière de crime de maléfice]. On est heureux d’apprendre qu’au moins l’un des protagonistes a été troublé par ces procès. Mais confier la tâche à un autre ne réglait pas le problème.

La religion des enfants

Il est manifeste que ces enfants ont eu une formation religieuse. A cette époque, à Molsheim, elle était assurée par les jésuites. Par le règlement du maître d’école de Molsheim, nous savons également que celui-ci était tenu de conduire son petit monde à l’office et de l’y surveiller. Le petit Hänsel König, on l’a vu, sait le Notre Père. Christina Liechtenauer affirme que le diable lui a demandé de ne plus prier à l’église, mais de faire semblant : « soll [...] das maul nur uff und zuthun, soll Gott verleugnen » et de renier Dieu. Lors d’un autre interrogatoire, elle prétend que le diable lui a demandé de ne plus fréquenter le catéchisme. Michel Hammerer sait qu’il suffit de prononcer le nom de Jésus pour faire fuir le diable. C’est ce que les gamins ont fait lorsqu’ils jouaient sur la colline et que le diable a sorti la tête du tronc du tilleul. Quant à Catherine Anderwert, interrogée sur son baptême diabolique, elle situe la scène dans une église, noire en la circonstance. Dans l’esprit des enfants, il va de soi que le diable tournera en dérision tout ce qui est sacré. Le 27 octobre 1629, Jean-Jacques Holtzwart et Hans Günther, pourtant interrogés séparément, prétendent que le diable appelle Jésus « Bickelsgäckel » et l’eau bénite « Madel ». Günter précise en outre que le tilleul lui sert de chaire et qu’il y prêche. Les enfants interrogés parlent pratiquement tous de leur Agnus Dei6. Des clercs – sans doute les jésuites – avaient pris la précaution de les en munir au catéchisme. En évoquant son baptême par le diable, Barbara Liechtenauer affirme avoir dû enlever son Agnus Dei pour la circonstance.

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Des omissions de taille dans les interrogatoires des enfants

Dans les aveux des adultes condamnés pour sorcellerie figure régulièrement la longue liste de leurs méfaits envers les hommes et les bêtes ainsi que celle des intempéries qu’ils ont provoquées parfois plusieurs années avant leur mise en accusation. Il n’y a généralement rien de tel chez les enfants. Les commissaires ne les interrogent même pas à ce propos. On ne pouvait certes pas imputer à un enfant de huit ans des méfaits commis quatre ou cinq ans auparavant ! Tout se passe comme si on ne jugeait pas les enfants capables de tels crimes. Nous aurions tendance aujourd’hui à considérer que les sorcières étaient condamnées au vu de ces crimes avoués, bien plus que par le fait même de la sorcellerie. Les procès d’enfants sont là pour nous détromper : le crime de sorcellerie suffisait en lui-même pour envoyer quiconque au bûcher et même des enfants. Il arrive néanmoins que des gamins – sans doute au courant des aveux de sorcières exécutées – parlent toutefois de méfaits. Ainsi, le 13 août 1629, Margrethel Lohner, de Boersch, évoquant un sabbat, prétend avoir provoqué un brouillard. Après avoir affirmé ne pas savoir « faire » des souris, Hans Günther s’empresse d’ajouter qu’il n’a causé de tort à personne. Autre particularité : on ne recherche pas sur le corps des enfants les stigmates du diable.

Les cas d’espèce de Pfeiffer et de Brentel

Bartholomaeus Pfeiffer, 15 ou 16 ans (banni le 27 juin 1631)

Bartholomaeus Pfeiffer est âgé de 15 ou 16 ans. Fils de Peter Pfeiffer, paveur, il a fait preuve d’une rare force de caractère, malgré son jeune âge. Elle lui a permis d’échapper au bûcher. Son histoire sort de l’ordinaire. Le 26 février 1630, il est enfermé à l’hôpital et avoue. Il aurait été séduit par le diable à la Saint-Etienne 1629, alors qu’il se rendait à Dachstein. Il est tout triste, quand le diable survient et lui demande la raison de sa tristesse : « seÿe so arm ». Le diable lui donne alors de l’argent. Il est revenu le vendredi suivant, lui a fait renier Dieu et les saints et l’a emmené sur la colline. Il y a épousé une grande dame, nommée Ketterle et lui-même a été appelé Keerwisch [balayette]. Ce jour-là, il fornique avec elle, de même que les quatre autres fois où il s’est rendu sur la colline. A ces sabbats, ils étaient dans les trois cents personnes, y compris les musiciens qui jouaient de toutes sortes d’instruments : « Lauten, Zittern, harffen, Sackpfeiffen, klein und grosse geigen ». Encore récemment, dit-il, le diable est revenu sous l’apparence de Hans Stein, au moment où il allait se rendre à l’église. Il a voulu l’emmener sur la colline, mais Pfeiffer a demandé à Jésus de le protéger et l’autre s’est envolé dans les airs. Il cite ensuite les noms de vingt-quatre complices, dont douze étudiants. Ces données correspondent au schéma classique des aveux. Mais le 11 mars, il se ravise et nie tout. Il est alors confronté à Leber, Molitor, Kleinsberger et Burgon qui tous affirment l’avoir vu sur la colline. Bien plus, il aurait dansé autour de la croix, érigée à l’emplacement du tilleul des sorcières qu’on s’était résolu à abattre. Comme il persiste à tout nier, il est frappé de verges. Puis il est transféré de l’hôpital dans la prison et mis aux fers. Le même jour, le bailli écrit à la Régence à son propos, en précisant les

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mesures prises à son encontre : « die Schienbein Schrauben bei nahe eine fiertel Stundt auffsetzen, (il s’agit des fameux brodequins espagnols qu’il a dû endurer pendant un quart d’heure !) auch die harr abschneiden und dass rauh hembt abschneiden, so man zum Stuel tormenti vigiliarum gemeiniglich gebraucht ahnlegen lassen », (il a été rasé et revêtu de la fameuse chemise d’infamie). Tout cela est sans effet. Il change de tactique et commence à parler de son ange qui vient le voir en prison et lui donne des conseils. Le garçon se montre bien récalcitrant au goût du bailli, malgré l’évidence des dénonciations de ses camarades. Le lendemain 20 mars, on le soumet au supplice de l’estrapade. A notre connaissance, il est le premier enfant à qui on applique ce traitement. Sans doute est-il assimilé à un adulte à cause de son âge. Passons sur les autres interrogatoires, qui ne le font pas céder davantage. Le 3 avril, la Régence donne ordre de le torturer à nouveau, en l’étirant quelque peu. Manifestement, il n’y a pas moyen de le faire avouer pour de bon et il est de nouveau question de tortures le 16 avril. Ce jour-là, on le fait d’abord « fortement exorciser » avant de recommencer à le tourmenter : « jedoch in voriger halsstarre verplieben. Bald daruff mit ruthen gestrichen und widerumb etwas auffgezogen worden ». Le 25, le bailli signale le fait à la Régence, révélant par la même occasion une curieuse façon de procéder : « Item mit in weÿhwasser geweichten ruthen (les verges ont été ramollies dans de l’eau bénite !) streichen und auch etwas mit gewicht, doch nicht gar vom Boden auffziehen lassen ». Le lendemain, en désespoir de cause, la Régence semble se résoudre à une demi-mesure puisqu’elle le bannit. Le 29 avril, on mande son confesseur, le P. Lüttich, qui n’arrive pas à le persuader que son ange n’est, en fait, qu’un mauvais ange. Le 7 mai, on tente encore de l’impressionner, en le confrontant à nouveau à Walter, Schultz, Rinck et Gottgeb qui tous l’accusent. Le 10, ordre est donné de le dénuder et de le torturer à nouveau : « starckh streckhen ». Sans doute faut-il placer à cette date une supplique de son père à la Régence, puisqu’il se plaint que son fils est incarcéré depuis sept semaines ; il évoque les dures conditions de l’incarcération et les tortures : « in einer herten gefängnus, in grosser frost und hitz zeiten, ohn einich geliger, allein mit wenig wasser und brodt abgespeiset, zu verschiedenen Zeiten hart geuoltert und geschraubt worden ». Le père ne pense pas qu’un garçon de quinze ans puisse endurer ce régime. Il ajoute que si on ne veut pas le libérer, on adoucisse au moins ses conditions de vie : qu’on lui donne de la nourriture chaude et un lit. Il demande aussi que les ecclésiastiques puissent aller le visiter, ce qui n’était pas le cas jusqu’ici. En revanche, si son fils est coupable du crime de sorcellerie, qu’on le fasse avouer et qu’on lui applique le droit. Le brave homme donne l’impression de vouloir en finir à tout prix. Cette supplique ne semble pas avoir trouvé d’écho favorable et nous n’entendons plus parler de Pfeiffer jusqu’au 15 juillet. À cette date, le receveur du bailliage écrit à la Régence qu’on l’aurait volontiers banni si l’ordre en avait été donné par le Statthalter de l’Evêché. Curieusement, nous avons vu une lettre de la Régence du 3 juillet qui disait bien que, s’il ne voulait pas avouer, « wollest (Ihn) der Stifft verweisen ». On a l’impression que quelqu’un s’oppose à Molsheim à cette mesure de clémence. Le 23 août 1630, le père envoie une nouvelle supplique à la Régence pour demander l’élargissement de son fils, incarcéré depuis 24 semaines et soumis à des tortures incroyables « mit Schrauben, mit Streckhen und in die 6 wochen mit einem besonderen Kleÿdt angethon und seiner Kleÿdung entraubt gewesen, also dz diss angelegte Klaÿdt

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an seinem leib verfault, ein gross Unraht beÿ ihme erwachsen und in solcher armseligkeit mit wenig Stroh, so ganz zermahlen und kaum genug hatt sein haupt darauff zuelegen ». L’évocation est terrifiante. Le père rappelle que son fils est resté solide pour clamer son innocence. Il revient sur ses conditions de détention : on lui sert de la mauvaise nourriture et à des heures impossibles. Il ajoute que ses suppliques n’ont pas été entendues et que son fils, qui n’a que quinze ans, pourrait être amené à l’impatience ou à d’autres idées par Satan, le malin, ceci à cause des conditions dans lesquelles il vit. Il demande donc qu’on le libère, disant que ses parents sont prêts à le livrer aux autorités s’ils devaient constater qu’il est ensorcelé. Le libérer serait une grande œuvre de miséricorde que Dieu récompenserait. Comme les autorités ne donnent aucune suite à cette supplique, le père leur en adresse une autre vers la fin du mois d’octobre. Il leur demande à nouveau de libérer son fils ou de lui appliquer le droit. Nous connaissons son contenu par la lettre que la Régence envoya, le 3 novembre 1630, au bailli. Le père doit avoir évoqué à nouveau les conditions de vie du jeune garçon, puisqu’il est question du froid à venir et de la vermine. L’administration épiscopale prend alors une mesure extraordinaire : le garçon pourra rentrer à son domicile, à condition d’y rester enchaîné et que les parents fassent bonne garde. Il ne sera pas permis aux ecclésiastiques d’aller le voir. Six mois plus tard, le 15 avril 1631, le père revient à la charge. Il évoque la dureté des temps : il n’est que journalier et a bien du mal à sustenter sa famille. Il rappelle la triste situation de son fils : « in meiner behausung angeschmiedet ». Il aimerait que celui-ci puisse quitter ses chaînes et l’aider de ses bras. La réponse de la Régence tient en un mot : « Abgewiesen » [récusé]. Une dernière supplique, sans date, revient sur cette triste situation. Le père parle de la misère du ménage qui le contraint à économiser la nourriture pour donner à manger à ce pauvre fils enchaîné. Il vaudrait mieux que celui-ci travaille au lieu d’être assis à ne rien faire. Le dénouement viendra sous la forme d’une mesure de bannissement des terres de l’Evêché, en date du 27 juin 1631. Le garçon a certes échappé au bûcher, mais on peut se demander quelle va être son existence après tant de misères inutilement endurées.

Martin Bechtel, 18 ans (évadé en 1630)

Martin Bechtel est un étudiant de 18 ans, fils de Peter Bechtel, de Willgottheim. Le jour de l’Assomption 1630, la Régence de Saverne donne l’ordre de l’examiner. Il est enfermé à l’hôpital de Molsheim le jour même. On va l’interroger le 17 août à partir d’un certain nombre de dénonciations qu’on lui lit. Neuf de ces accusations proviennent d’étudiants comme lui. L’accusé nie tout et déclare ne rien savoir de ce qui touche à la sorcellerie. On lui rappelle alors qu’il a tout avoué aux Pères jésuites et qu’il leur a raconté comment et par qui il avait été séduit. Il répond en pleurant que les jésuites l’ont enfermé au pain et à l’eau et l’ont fait rosser. S’il a avoué, c’est qu’on lui a assuré qu’on ne le renverrait pas du Collège et qu’il n’y aurait pas de suites. Il se dit donc totalement innocent. Le 23 août, la Régence donne ordre de le garder en prison au pain et à l’eau et de bien le surveiller aussi. Une lettre du bailli, Ludwig Böcklin von Böcklinsau nous en apprend davantage. Datée du 7 novembre 1630, elle est adressée à la Régence. Conformément aux ordres reçus, les autorités ont mis Bechtel au pain et à l’eau et, pour faire bonne garde, l’ont transféré de l’hôpital « in den Lündischen thurn7daselbsten, in gewöhnlicher hexen gefängnüs, ahn eisen angeschlagen ».

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Malgré ces conditions de détention plus que rigoureuses, il est resté sur ses dénégations jusqu’au 2 octobre. Ce jour-là, il a réussi à se libérer de ses entraves et a grimpé sur le haut de la tour. Malheureusement pour lui, il a été aperçu par le Stettmeister Christoph Esslinger et a été transféré dans une autre prison. On lui a mis des entraves aux pieds et aux mains. Néanmoins le 16 octobre, il réussit à s’échapper à nouveau. Plusieurs témoins l’ont vu se promener sur le mur d’enceinte de la ville. Pourtant, quand le bedeau du prévôt arrive dans sa cellule, il y trouve Bechtel toujours entravé. On se résout alors à l’attacher avec des chaînes aux deux pieds et à un bras. Le 18, le bailli se rend à Molsheim dans l’idée de le faire rosser d’importance pour lui faire avouer par quels moyens surnaturels il a pu se libérer : « welcher gestaldt, oder mit wass gehülff er sich also über natürlich ledig gemacht ». Mais, le matin même, à huit heures, il avait réussi à s’évader pour de bon, utilisant à cet effet les chaînes et sa chemise pour descendre : « sich und die ketten loss gemacht, selbige ahn ein ander, und sein hembdt... unden daran gehenckht, sich durch ein Schutz loch ahn der Stadtmauren hinunder gelassen ». Les messagers envoyés à sa poursuite n’ont pu le rattraper. Depuis lors, on a appris que, la nuit même, il s’était trouvé dans la maison paternelle à Willgottheim. Ordre a été donné au prévôt du lieu de se saisir de lui s’il devait de nouveau reparaître, mais on n’entendra plus reparler de Martin Bechtel. Il aura fallu les misères de la guerre de Trente ans pour faire cesser, du moins dans la région de Molsheim, cette abominable chasse aux sorcières, dont furent victimes trop de petites sorcières et leurs jeunes compagnons de jeux. En octobre 1653, l’ère des bûchers était révolue, comme le révèle une affaire sans suite concernant deux enfants. Le 16 octobre 1653, le bailli de Dachstein fait parvenir à la Régence de Saverne les « indices » de sorcellerie relevés à l’encontre de deux enfants d’Altorf. Le Conseil de Régence réagit assez vivement, en soulignant que les enfants sont très jeunes et qu’ils n’ont pas l’âge de raison. Il n’aurait pas fallu procéder à une enquête et encore moins permettre à l’abbé d’Altorf et à un autre conventuel d’y assister. On se contentera d’envoyer ces enfants au curé du lieu pour qu’il les admoneste lui-même. Par une lettre du 20 octobre, le bailli précise qu’il n’a envoyé les indices que pour demander l’avis du Conseil. On le constate : les mentalités ont bien changé depuis les années 1629-1630. Le récent ouvrage de Jacques Roehrig8 fait état de 5 enfants exécutés sur 1665 victimes. On est loin des chiffres de Molsheim. Un tel cas est-il unique ?

NOTES

1. Puisque le sort de quelques-uns est inconnu. 2. Annuaire de la Société d’Histoire et d’Archéologie de Molsheim et Environs, 1993, p. 5-158. 3. REUSS Rodolphe, L’Alsace au XVIIe siècle, Paris, 1897/98 ; II, p. 100. 4. Pour permettre au lecteur germanophone d’appréhender au mieux la situation, beaucoup d’extraits seront fournis dans la langue d’origine (qui n’est pas toujours l’allemand littéraire) et translatés (mais non exactement traduits) en français.

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5. Ce terme qui se rapporte ici au diable, est encore utilisé dans le Haut-Rhin pour désigner un épouvantail. 6. Au sens propre, il s’agit d’un médaillon en cire, souvent de grand format, empreint de la figure d’un agneau portant la croix-étendard. Ils étaient fabriqués avec les restes du cierge pascal. Bientôt seul le pape en bénissait la première année de son pontificat, puis tous les sept ans. Ils étaient en grande vénération et on les renfermait parfois dans des reliquaires. Ils avaient pour effet de détourner le diable. Les gamins de Molsheim ne possédaient sûrement pas de pareilles raretés. Ils portaient, à la rigueur, des « Agnus Dei » de petit format, fragments de cire renfermés dans des pochettes en étoffe. Mais probablement s’agissait-il plutôt de médailles, de scapulaires, voire d’images pieuses avec des motifs similaires à ceux qui décoraient les vrais « Agnus Dei ». 7. Le Lynxthurm, dont la base existe encore, servait alors de prison pour les sorciers. 8. ROEHRIG Jacques, A mort, la sorcière ! Sorcellerie et répression en Lorraine. XVIe-XVIIe siècles, Strasbourg, La Nuée Bleue, 2007, p. 179.

RÉSUMÉS

L’étude des procès de sorcellerie a révélé que, sur 76 « sorciers » brûlés à Molsheim, 30 au moins étaient des enfants, soit plus de 40 %, chiffre effarant qu’on doit rarement trouver ailleurs. On ne saurait fournir d’explication globale à cet état de fait, qui correspond à un pic de procès ; faut-il l’attribuer au seul effet « boule de neige » ? Entre autres particularités, on constate que, lors de l’enquête, le bourreau est remplacé par le maître d’école, armé de verges. En outre, on leur fait la grâce de les exécuter de bon matin au lieu de les brûler vifs.

Studying the witchcraft trials, one finds out that, out of 76 “witches” that were burnt in Molsheim 30 at least were children, that is to say over 40%, an appalling figure that is rarely to be found in any other circumstances. There seems to be no general explanation for such a climax of trials: should it be attributed only to a “snowball” effect? Among other particularities it was found out during the study that the torturer was replaced by the schoolmaster using a rod. Moreover, these children were executed early in the morning instead of being burnt at the stake.

Die Erforschung der Hexenprozesse ergibt, daß mindestens 30 der 76 „Hexen”, die in Molsheim verbrannt worden sind, Kinder waren, das heißt, mehr als 40%. Es dürfte schwer sein, anderswo eine derart erschreckend hohe Zahl zu finden. Eine umfassende Erklärung dieser Tatsache gibt es nicht. Muss man sie einzig dem Effekt eines Phänomens, das wir heute „Schneeballsystem” nennen, zuschreiben? Eine der Besonderheiten war, daß der Schullehrer, mit der Zuchtrute in der Hand, die Rolle des Henkers übernahm. Die einzige Gnade, die man ihnen erwies, war daß man sie nicht bei lebendigem Leibe verbrannte, sondern sie am frühen Morgen umbrach.

INDEX

Index géographique : Molsheim Schlüsselwörter : Hexe, Hexenprozesse Mots-clés : Procès de sorcellerie, sorcier Keywords : witch, Witchcraft trial

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AUTEUR

LOUIS SCHLAEFLI Historien, Comité de la Société d’histoire de Molsheim et environs

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Frédéric Kirschleger : son apport dans la nomenclature botanique et dans les noms des plantes d’Alsace

Michel Hoff

1 Frédéric Kirschleger (1804-1869) (figure 1) a marqué profondément la botanique régionale durant le XIXe siècle (G. Ochsenbein, 1988, 2005). Professeur de botanique à l’École de Pharmacie de Strasbourg, il a publié plus d’une centaine de travaux dont le principal reste les trois s de la « Flore d’Alsace », parus entre 1852 et 1862.

2 Par ses travaux, F. Kirschleger a contribué à de nombreuses disciplines de la botanique, notamment en taxonomie, en morphologie et tératologie, en géographie botanique et en histoire des sciences, en horticulture et en arboriculture. Seul l’apport en floristique : taxonomie, nomenclature et systématique, sera abordé dans le présent article.

3 F. Kirschleger a publié quatre ouvrages successifs sur la flore d’Alsace. Le premier, « Statistique de la Flore d’Alsace et des Vosges » (1831) énumère les espèces par cinq régions : la région rhénane, la région de la plaine inférieure et supérieure, la région calcaire, la région des montagnes, subdivisée en région inférieure et région supérieure, et la région subalpine. Pour la plupart des espèces, il indique succinctement soit la formation végétale, soit le nom du botaniste qui a fait l’observation. Le second ouvrage, le « Prodrome de la Flore d’Alsace » (1836), complète le « Statistique » et cite des espèces ou variétés nouvelles pour la science. Il est suivi par un « Appendice » en 1838. L’oeuvre majeure est la « Flore d’Alsace et des contrées limitrophes » publiée d’abord en fascicules, puis en trois s (1852, 1857 – en trois parties – et 1862). Cet ouvrage est également précieux car il décrit minutieusement de très nombreuses excursions botaniques en Alsace et dans les Vosges. Les informations relatives à ces excursions sont disponibles sur l’Atlas de la Flore d’Alsace (figure 2). Enfin, après sa mort, la « Flore vogéso-rhénane » (1870-1871) corrige et complète la première édition de la Flore d’Alsace. Tous ces travaux ont été numérisés et sont disponibles sur le site du Service Commun de Documentation de l’Université Louis Pasteur.

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Fig. 1 : Frédéric Kirschleger vers 1869

Fig. 2 : Répartition géographique des herbiers et des observations floristiques de F. Kirschleger

(Atlas de la Flore d’Alsace, Société Botanique d’Alsace, 2006)

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Frédéric Kirschleger et la nomenclature botanique

Qu’est ce que la nomenclature botanique ?

4 Précisons d’abord le vocabulaire sur les trois notions de taxonomie, de nomenclature et de systématique en botanique.

5 La taxonomie est l’art de décrire les plantes et de leur donner un rang dans la hiérarchie botanique. Comment décrit-on les plantes ? Le taxonomiste rédige une diagnose. Ce texte décrit la morphologie de la plante : la tige et son écorce, les bourgeons et les rameaux, puis les feuilles sont détaillées, le limbe avec sa marge, le sommet et la base, le pétiole. La partie la plus importante est la description de la fleur, de sa position dans l’inflorescence, des sépales et du calice, des pétales de la corolle, des étamines, des carpelles, de la position de l’ovaire et des ovules. Elle se termine par le fruit et la graine. La description des genres met en évidence les caractères communs à plusieurs espèces proches. Les familles, ensembles plus vastes rassemblent des genres voisins. Les sous-espèces et les variétés identifient des ensembles présentant des variations morphologiques ou biologiques plus fines à l’intérieur d’une même espèce. Ces descriptions se font sur le matériel vivant, mais aussi et surtout sur des spécimens séchés. Les planches d’herbiers peuvent rassembler beaucoup d’individus d’une même espèce, provenant de régions géographiques ou de milieux écologiques variés, récoltés à diverses dates et donc permettent de mesurer et de préciser la variabilité dans les dimensions, la forme, la pilosité, les couleurs, etc. des populations appartenant à la même espèce.

6 La nomenclature est la science qui donne un nom scientifique à un taxon, quelque soit son rang hiérarchique. Généralement c’est à des espèces que l’on s’adresse. Pour cela, le botaniste compare la description d’une plante dont il cherche le nom avec celles qui sont déjà publiées dans des monographies, des revues ou des flores. Mais ces descriptions sont plus ou moins précises et complètes. Carl von Linné (1717-1778), par exemple, en 1753, dans son « Species plantarum » avait créé des espèces relativement polymorphes. Par la suite, d’autres botanistes ont identifié des ensembles plus homogènes et ont ainsi subdivisé une espèce polymorphe en plusieurs espèces. Très vite il est apparu qu’il fallait plus qu’une description et un dessin, il fallait un spécimen d’herbier de référence – un type – qui permettra de savoir très exactement à quelle population biologique un nom a été donné. La nomenclature est donc liée à l’étude des herbiers et à la littérature scientifique. Elle a pour but de donner un nom qui soit unique, constant et universel à une plante. C’est donc aussi la science qui consiste à donner des noms aux nouvelles espèces inconnues auparavant. Pour cela un code a été rédigé, qui est revu tous les cinq ans. Les principes du code sont les suivants : 1. L’application des noms de groupes taxonomiques est déterminée par la méthode des types nomenclaturaux. 2. La nomenclature d’un groupe taxonomique se fonde sur la priorité de la publication. 3. Chaque groupe taxonomique de délimitation, position et rang donnés, ne peut porter qu’un nom correct, à savoir le plus ancien en conformité avec les règles, sauf exceptions spécifiées – c’est le principe d’antériorité. 4. Les noms scientifiques des groupes taxonomiques sont réputés latins, quelle que soit leur étymologie. 5. Les règles de la nomenclature ont un effet rétroactif, sauf indication contraire.

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7 Enfin la systématique consiste à placer les taxons, donc leurs noms, dans un système cohérent, dans une classification, qui soit conforme à l’idée que l’on se fait de l’organisation de la nature. Linné, qui était fixiste, avait élaboré un système basé sur le nombre de pièces florales (nombre d’étamines, de carpelles, de pétales, de sépales, etc.). A.L. Jussieu et A.P. de Candolle, par la suite, ont proposé une classification naturelle au début du XIXe siècle, en rapprochant les groupes les plus semblables et en tenant compte de l’ensemble des caractères des plantes. Les classifications évolutives proposent un ordre d’apparition des divers groupes taxonomiques, et distinguent des familles primitives et des familles évoluées. C’est l’époque de l’arbre de la vie dans lequel chaque groupe avait des ancêtres et des descendants. Actuellement, la classification est phylogénétique et tient compte, outre de la morphologie, de la chimie, de l’anatomie, de la structure génétique de l’ADN des plantes.

Quelle est la place de F. Kirschleger dans ces trois disciplines ?

En systématique

8 D’abord éliminons d’emblée la systématique. F. Kirschleger n’a pas laissé d’écrit sur ce sujet. Il suivait la classification en vigueur à l’époque donc très globalement la classification en familles de A.L. de Jussieu (du Muséum national d’histoire naturelle de Paris – 1748-1836) dans le système et la méthode mise en place par A.P. De Candolle (botaniste à Genève – 1778-1841), avec quelques modifications selon S. Endlicher (professeur de botanique à Vienne, 1804-1849 et auteur d’un système naturel en 1836-1840). La classification de A.L. de Jussieu était également utilisée pour la jardin botanique de Strasbourg (D. Rusque, 2003). Cette classification allait être ensuite modifiée et complétée, en tenant compte des immenses découvertes des plantes exotiques, par G. Bentham (1800-1884) et W.J. Hooker (1785-1865). À la fin des années 1850. F. Kirschleger est au courant de la tendance à classer les plantes selon « l’histoire évolutive ou génétique des espèces » Fl. Als, 2 : III (1857), mais « À cet égard, nous nous sommes bornés à mentionner, à signaler, en peu de mots, les considérations les plus importantes, et à renvoyer nos lecteurs aux divers mémoires si ingénieux et si savants de MM. H. Wydler, Ch. Schimper, J. Röper, Al. Braun, etc. » Fl. Als, 2 : III (1857). Il n’en tient que peu compte dans la rédaction proprement dite de sa Flore.

9 Pour identifier les espèces, F. Kirschleger utilise des clés dichotomiques (ou parfois trichotomiques ou quadrichotomiques), qu’il qualifie de « clé linnéenne destinée à faciliter à l’élève la recherche du nom d’une plante ». Le lecteur a le choix entre deux possibilités contraires et doit suivre un cheminement, « un fil d’Ariane », en répondant à toute une série de questions pour arriver au nom de l’espèce, en plusieurs paliers. F. Kirschleger adapte la clé linnéenne à la Flore d’Alsace. D’abord le floriste identifie une famille (parfois un genre) dans une première grande clé. Puis, au niveau de chaque famille, se situe une clé des genres. Dans chaque genre, une clé permet d’identifier les espèces. Et enfin, pour une espèce ayant des sous-espèces et des variétés, une dernière clé arrive au nom de taxon le plus précis possible.

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Fig. 3 : Partie de la clé linnéenne de F. Kirschleger

7. Périanthe double : aller à 8. Périanthe simple : aller à 27. 8. Pétales libres : aller à 9. Pétales cohérents : aller à 18 ... 27. Ovaire infère : aller à Thesium vol. 2, page 35. Ovaire supère : aller à 28. etc.

En taxonomie

La description des taxons

10 En taxonomie, F. Kirschleger était un maître de la description. « Une Flore est la description méthodique des plantes qui croissent spontanément dans une contrée plus ou moins vaste. » Fl. Als, 2 : I (1857). Dans la « Flore d’Alsace » (1852-1862), les caractères de chaque rang taxonomique sont précisés. Les divisions, les classes, les ordres sont décrits succinctement. Chaque famille (figure 4) et chaque genre (figure 5) est ensuite décrit minutieusement, ainsi que, si nécessaire, les rangs intermédiaires comme les tribus et les sous-tribus. Enfin les espèces (figure 6) sont clairement présentées, avec leur répartition géographique, leurs usages et leur intérêt pédagogique, en un texte de 5 à 10 lignes. Par contre, dans la « Flore vogéso-rhénane » (1870-1871), les descriptions sont plus succinctes, la description des espèces est limitée le plus souvent à une phrase de diagnostic.

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Fig. 4 : Description de la famille des Fagaceae appelée Quercacées en 1857

Fig. 5 : Description du genre Quercus

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Fig. 6 : Notice sur Quercus petraea, le chêne sessile, appelé en 1857 Quercus sessiliflora

Les caractères diagnostiques

11 À ce propos, Kirschleger se lance, comme souvent, dans un petit règlement de compte avec d’autres botanistes car il était d’usage, vers 1850, de mettre des « phrases diagnostiques pour les espèces », c’est-à-dire des descriptions succinctes et standardisées qui ont servi, avant Linné, à nommer les plantes. C’est en fait des dénominations polynomiales des auteurs pré-linnéens. Kirschleger dit à juste titre que ces phrases sont arbitraires et subjectives et « En général, ces phrases, tout en admettant qu’elles soient bonnes et acceptables aujourd’hui, seront demain fausses, incomplètes, insuffisantes » Fl. Als, 2 : IX (1857). Il préfère, comme dans nos flores modernes, fondre les phrases diagnostiques dans la description et décrire plus complètement la plante en mettant en évidence (par des italiques) les caractères spécialement différentiels.

12 Dans le « Statistique » (1831), F. Kirschleger donne dans certains cas et pour des taxons infra-spécifiques, une dénomination polynomiale, comme Hieracium murorum glaudescens acutifolium, obtusifolium et incisum ou Hieracium umbellatum alpestre pauciflorum, Stat. : 105 (1831).

La notion d’espèce

13 F. Kirschleger discute aussi de la notion d’espèce, de sa variabilité, de son polymorphisme. « Il nous reste encore une grande question philosophique à effleurer, c’est celle de l’idée absolue ou relative de l’espèce » Fl. Als, 2 : X (1857). Très schématiquement, faut-il créer une espèce ou une sous-espèce absolue chaque fois qu’il y a quelques petits caractères qui changent ou faut-il préférer des espèces plus relatives à morphologie plus plastique ? Ce débat continue de nos jours entre les diviseurs et les rassembleurs, notamment dans la famille des orchidées et dans les groupes complexes comme les ronces, les potentilles, les violettes, les pissenlits, les épervières, les épilobes, les menthes, etc. F. Kirschleger ne s’engage pas dans ce débat, mais il dit se tenir « au centre gauche », utilisant dans sa flore plutôt la notion d’espèce ou des sous-

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espèce absolue, ce qui est facile à voir tant les sous-espèces et variétés sont nombreuses, mais il dit tenir compte de ce polymorphisme mais sans le traduire dans son texte.

En nomenclature

14 En nomenclature, F. Kirschleger propose plusieurs pistes, à une époque où le Code de la nomenclature botanique n’était pas encore rédigé. Certaines de ses propositions ont été validées et d’autres ont été rejetées.

15 La citation des auteurs avant Linné (1753) « Il est d’usage, parmi les botanistes modernes (Decandolle, Koch, Fries), et leurs écoles), de ne pas citer, après le nom d’un genre ou d’une espèce, des auteurs antérieurs à Linné (Tournefort excepté pour les genres). Cet usage nous a paru souverainement injuste envers les Pères de la Botanique aux XVIe et XVIIe siècle. Aussi nous n’y sommes nous pas conformé ». Fl. Als, 1 : VII (1852) (figure 7).

Fig. 7 : Citation des synonymes et description du Lis martagon (Lilium martagon L.)

Outre Carl Christian Gmelin 1762-1837 (Gmel.), Johann Adam Pollich 1740-1780 (Poll.) et Ludwig Reichenbach 1793-1879 (Rchnb.), qui sont des auteurs contemporains, F. Kirschleger cite également Caspard Bauhin 1560-1624 (C.B.), Marc Mappus 1666-1736 (Mapp.), Tabernaemontanus 1588 (Tabernae.), Hieronymous Bock dit Tragus 1498-1554 (Trag.), Otto Brunfels 1488-1534 (Brunf.), Pierandrea Matthioli 1500-1577, Rudolf Jacob Camerarius 1665-1721 (Camer.) et Léonard Fuchs 1501-1566 qui sont des auteurs pré-linnéens.

16 Sur ce point de nomenclature, F. Kirschleger n’a pas été suivi. Il souhaitait mettre le nom du premier descripteur de l’espèce ou du genre, même si le nom avait été publié avant l’ouvrage fondamental de Linné, le « Species Plantarum » de 1753 qui marque le début de la botanique moderne. Il voulait ainsi voir apparaître les noms de Otto Brunfels (1488-1534), Hieronymus Bock dit Tragus (1498-1554), Pierandrea Mattioli

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(1500-1577), Conrad Gesner (1516-1565), Jacob Theodor Carolus Clusius (1526-1609), Tabernaemontanus (?-1590), Leonard Fuchs (1501-1566), Rembert Dodonaeus (1518-1585), Mathias de Lobel (1568-Johannes Bauhin (1541-1613), Caspard Bauhin (1560-1624), Rudolf Jacob Camerarius (1665-1721), Marc Mappus (1666-1736), etc., botanistes des XVIe, XVIIe et XVIII e siècles. Un congrès international de botanique a décidé que le point zéro de la botanique étant l’ouvrage de Linné (1707-1778) de 1753, les noms de plantes et leurs auteurs pré-linnéens ne sont pas valides et doivent être ignorés. Cela permet de clarifier la nomenclature, surtout que les ouvrages des auteurs pré-linnéens sont assez peu accessibles, et que les noms de plantes pouvaient souvent être discutés. La nomenclature n’était pas binomiale mais plurinomiale, une espèce était caractérisée par une phrase descriptive plus ou moins longue qui parfois pouvait correspondre à plusieurs espèces linnéennes.

Dénominations proposées par Kirschleger Dénominations correctes actuelles

Digitalis purpurea (Fuchs) Digitalis purpurea L.

Eryngium campestre (Dodonaeus) Eryngium campestre L.

Veronica saxatilis (J. Bauhin) Veronica saxatilis L.

Solanum tuberosum (C. Bauhin) Solanum tuberosum L.

La notion de genre

17 Le genre est un niveau taxonomique qui rassemble, parfois une, mais le plus souvent plusieurs espèces ayant un grand nombre de caractères communs. C’est une notion intuitive pour le grand public et souvent le niveau utilisé dans le langage courant. Les amateurs de fleurs distinguent sans problèmes les violettes (Viola), les tulipes (Tulipa), les iris (Iris), les chênes (Quercus), les primevères (Primula), etc., sans entrer dans le détail des plus ou moins nombreuses espèces rassemblées dans ces genres. Pour d’autres groupes par contre, « L’idée de Genre est essentiellement vague et arbitraire : c’est une pure abstraction scholastique ». Fl. Als, 1 : VII (1852). F. Kirschleger rappelle que la plupart des genres avaient déjà été établis par les anciens (Fuchs, Clusius, Tragus, Dodonaeus, Lobel, les frères Bauhin, Gesner, etc.). Même s’il y eu par la suite des corrections et des compléments, « il est impossible de ne pas voir que les Genres européens ont été conçus et compris avec un rare bonheur par quelques anciens, et notamment par Clusius et Dodonaeus » Fl. Als, 1 : VIII (1852). F. Kirschleger décide que « Lors donc que ces auteurs ont fondé un genre, nous ne voyons pas pourquoi nous ne rendrions pas à leur nom l’honneur qu’il mérite » Fl. Als, 1 : VIII (1852).

18 Il s’insurge, avec raison, contre l’idée développée par certains botanistes à cette époque, mais abandonnée maintenant, de faire suivre le nom d’un genre par l’auteur qui en a fait la plus récente synthèse. Cela aurait apporté une grande confusion si plusieurs auteurs modifient en même temps la conception d’un genre et donc les espèces qui s’y rattachent.

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La citation des espèces synonymes à la suite de changement de genre

19 F. Kirschleger s’élève contre une pratique courante à l’époque, celle de démembrer des anciens genres et de placer les espèces soit dans d’autres genres, soit dans des nouveaux genres, de ne citer comme auteur de l’espèce que le botaniste ayant procédée à ce que l’on appelle une recombinaison. « Une autre hérésie que nous nous sommes permise ... consiste dans le refus de nous soumettre à un usage universellement adopté, celui de faire suivre le nom d’une espèce, détachée d’un ancien genre dans un autre genre ou dans un genre nouveau, du nom de l’auteur qui a fait subir ce démembrement à un genre ancien. » Fl. Als, 1 : VIII (1852).

20 Linné, avec les herbiers, le matériel et les connaissances disponibles à l’époque, avait créé peu de genres, et souvent ces genres étaient très vastes, polymorphes, et avec de très nombreuses espèces. Il est apparu, par la suite, que beaucoup de genres linnéens pouvaient être subdivisés en plusieurs entités, de niveau générique, plus homogènes. Par exemple, Linné ne reconnaissait que le genre Ranunculus, les renoncules, qu’elles aient des fleurs blanches ou des fleurs jaunes, qu’elles soient aquatiques ou terrestres. De Candolle crée le sous-genre Batrachium pour les renoncules aquatiques à fleurs blanches. Fries et Wimmer élèvent ce sous-genre au rang de genre. Donc, et c’est mécanique, toutes les renoncules aquatiques à fleurs blanches doivent passer dans le genre Batrachium. L’usage actuel est de mettre entre parenthèse le nom de l’auteur qui a le premier décrit l’espèce, suivi du nom de l’auteur qui a fait la combinaison. La paternité scientifique du découvreur de l’espèce est ainsi conservée, ainsi que la paternité de l’auteur de la recombinaison. Par contre, au courant du XIXe siècle, le nom du premier descripteur était supprimé au profit du seul recombinateur. F. Kirschleger explique en conséquence que : « Nous avouons franchement que ce procédé nous paraît fort peu convenable, quoique suivi par les plus hautes illustrations ... enfin pas tous, excepté par Reichenbach, qui a parfaitement senti ce que ce procédé avait d’illogique » Fl. Als, 1 : IX (1852).

21 F. Kirschleger en profite également pour égratigner son collègue F. Schultz, « M. F. Schultz, adoptant avec empressement ce genre Batrachium, appellera toutes les espèces de Batrachium, que Wimmer n’a pas admises dans sa Flore de Silésie, de son nom illustre : Batrachium Baudotiii F. Schultz ; Batrachium Drouetii, F. Schultz, etc., etc. » Fl. Als, 1 : IX (1852).

22 La postérité lui a donné raison. Il faut admettre que le fait d’omettre le nom du premier auteur de l’espèce a rapidement conduit à des confusions – il pouvait s’agir soit d’une nouvelle espèce et dans ce cas le nom devenait invalide s’il existait un nom spécifique identique préexistant dans le genre ou il pouvait s’agir d’une recombinaison. Il n’était pas possible de le distinguer clairement. Cela a également conduit à des erreurs qui subsistent encore actuellement dans certains grands genres.

Les noms des renoncules d’Alsace avant la Flore de F. Kirschleger

23 Les noms des renoncules d’Alsace avant la Flore de F. Kirschleger :

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Linné 1753 Ranunculus aconitifolius L. Ranunculus acris L. Lamarck 1779 Ranunculus alpestris L. * Ranunculus fluitans Lam. * Ranunculus aquatilis L. Ranunculus arvensis L. Sibthrop 1794 Ranunculus auricomus L. * Ranunculus circinatus Sibthrop Ranunculus ficaria L. Chaix 1795 Ranunculus flammula L. * Ranunculus trichophyllus Chaix Ranunculus glacialis L. Godron 1840 * Ranunculus hederaceus L. * Ranunculus baudotii Godron Ranunculus platanifolius L. (*) taxons qui seront placés dans le genre Batrachium Ranunculus repens L. Ranunculus reptans L. Ranunculus scleratus L.

Les noms des renoncules d’Alsace après la création du genre Batrachium

24 Les noms des renoncules d’Alsace après la création du genre Batrachium :

Noms modifiés Noms non modifiés Sans tenir compte du premier auteur Ranunculus aconitifolius L. Batrachium aquatilis Dumort. Ranunculus acris L. Batrachium hederaceus Gray Ranunculus alpestris L. Batrachium fluitans Wimmer Ranunculus arvensis L. Batrachium circinatus Spach Ranunculus auricomus L. Batrachium trichophyllus Bosch Ranunculus bulbosus L. Batrachium baudotii F.W. Schultz Ranunculus ficaria L. En tenant compte du premier auteur, selon le souhait de Kirschleger Ranunculus flammula L. Batrachium aquatilis (L.) Dumort. Ranunculus glacialis L. Batrachium hederaceus (L.) Gray Ranunculus platanifolius L. Batrachium fluitans (Lam.) Wimmer Ranunculus repens L. Batrachium circinatus (Sibthrop) Spach Ranunculus reptans L. Batrachium trichophyllus (Chaix) Bosch Ranunculus scleratus L. Batrachium baudotii (Godron) F.W. Schultz

La citation des genres synonymes

25 Dans le même ordre d’esprit, « Nous avons, par un procédé très simple, rendu à chacun l’honneur qui lui est dû. À l’auteur du genre nouveau détaché d’un genre ancien, nous avons laissé le mérite d’avoir élevé un ancien sous genre au rang de genre, en y attachant son nom. ... et, pour plus de sûreté, nous avons indiqué en parenthèse le genre sur lequel l’auteur ancien a décrit l’espèce en question » Fl. Als, 1 : IX (1852).

26 Ainsi, le genre Dipsacus L. a été subdivisé en Dipsacus et Cephalaria par Grenier et Godron. L’espèce Dipsacus pilosus L. s’appellera chez F. Kirschleger Cephalaria pilosa (L. sub Dipsaco). Actuellement, si l’on admet ce démembrement de genre, il faut écrire :

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Cephalaria pilosa (L.) Gren. et Godr. Il n’est pas recommandé de préciser le genre sous lequel l’espèce a été décrite la première fois.

Les synonymies modernes

27 La plupart des espèces ont été décrites plusieurs fois, et donc ont plusieurs noms scientifiques. Lorsque la même entité biologique, la même espèce, a été décrite par deux auteurs sous des noms différents, et que la comparaison des spécimens d’herbier montre que les deux entités biologiques sont identiques, il faut choisir un seul nom, le nom correct. Ce sera le plus ancien des deux d’après le code de la nomenclature botanique. L’autre nom, plus récent, devient un nom synonyme. F. Kirschleger a souvent omis les synonymies contemporaines « Ainsi, la plupart des synonymes modernes, nous les avons négligés, comme parfaitement inutiles à notre but, à moins que ces synonymes n’éclaircissent l’histoire de l’espèce » Fl. Als, 1 : X (1852).

28 Cette pratique est généralement admise actuellement. On ne cite en général dans une flore que les synonymies régionales récentes et celles qui peuvent prêter à confusions. N’oublions pas qu’il y a environ 70 000 noms de plantes en France pour environ 6 000 espèces. Chaque espèce a donc en moyenne une dizaine de noms synonymes. Il vaut mieux mettre cette synonymie dans un ouvrage spécialisé que dans une flore de terrain.

29 Dans le cas de la Flore de Kirschleger cependant, certains noms d’espèces posent des problèmes de synonymie, car ils ne sont plus utilisés depuis un siècle. Comme F. Kirschleger n’a pas cité systématiquement les synonymes modernes, il est parfois difficile de trouver le nom correct actuel.

30 Exemple de citation de synonymie :

31 Quercus petraea Liebl. 1784

32 = Quercus sessiliflora Salisb. 1796

33 Quercus robur L.

34 = Quercus pedunculata Ehrh.

35 Ranunculus aquatilis L.

36 = Ranunculus heterophyllus Weber = Ranunculus radians Revel = Batrachium carinatum Schur = Ranunculus acutilobus Merino = Ranunculus longifolius (Rossm.) Hegi = Batrachium gilibertii Krecz = Batrachium mongolicum (Krylov) Krecz

Le principe d’antériorité

37 F. Kirschleger ne reconnaît pas toujours le principe d’antériorité. « Dans le conflit de plusieurs noms, nous avons préféré celui qui exprime une qualité, une propriété évidente ou manifeste » Fl. Als, 2 : IX (1857). Il préfère choisir un nom plus conforme à la plante, à ses caractères morphologiques, à ses propriétés ou à sa répartition. Cette entorse à une règle universelle de la nomenclature botanique pourrait créer, si elle était appliquée sans discernement, une très grande confusion dans les noms des

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plantes. Il sera toujours possible à un auteur de préciser, voire de corriger un nom et donc de semer le trouble. Cette possibilité a cependant été maintenant admise par la communauté botanique, dans des cas très précis, c’est ce que l’on appelle des noms conservés. Il s’agit souvent de garder un nom scientifique en usage depuis longtemps, même si un botaniste a trouvé un binôme plus ancien rarement voire jamais utilisé ou tombé en désuétude. Ces noms conservés ne peuvent cependant être adoptés qu’après un vote lors d’un congrès international de botanique.

La citation des taxons infra-spécifiques (sous-espèces, variétés, formes)

38 F. Kirschleger ne distingue pas les différents niveaux actuels de la hiérarchie des taxons infra-spécifiques en sous-espèces, variétés, sous-variétés, formes, sous-formes. Il place tous les taxons infra-spécifiques au même niveau hiérarchique. Dans ce cas, le Code de la Nomenclature botanique indique qu’il faut les considérer comme des sous-espèces.

Frédéric Kirschleger dans les noms des plantes, Taxonomie et nomenclature de F. Kirschleger dans la Flore d’Alsace

39 F. Kirschleger a décrit peu de taxons nouveaux, un peu plus d’une trentaine. Au total, on compte 13 espèces, 5 sous-espèces, 11 variétés et 5 formes dont 6 espèces, 2 sous- espèces, 7 variétés et 3 formes sont actuellement reconnues comme valides et correctes, soit la moitié. Il a publié 10 combinaisons. 12 sensu ont été répertoriés et 3 taxons lui ont été dédiés.

40 La lecture nomenclaturale des Flores de F. Kirschleger n’est pas facile. Il omet régulièrement d’associer son nom à un nouveau taxon, mettant parfois Nobis, ce qui signifie nouveau pour les espèces, mais pas pour les sous-espèces et les variétés. Il indique également souvent une autre dénomination, issue de ses publications antérieures. Maintenant le code de la nomenclature est clair, pour créer un nouveau nom de taxon, il faut sans ambiguïté associer son nom à la nouvelle appellation en mettant spec. nov. ou var. nov.

41 Plusieurs auteurs ont déjà abordé la place de F. Kirschleger dans les noms des plantes : G. Ochsenbein (1969), P. Jaeger (1971), C. Zimmermann (1992) et G.H. Parent (1996).

42 L’analyse nomenclaturale des taxons a été réalisée à partir de la Banque de Données Nationale de la Flore de France, version 4.02 (tela-botanica, 2007), du référentiel de la Flore d’Allemagne de Wisskirchen et Haeupler (1998), de l’Index de Kew (Index Kewensis, 1993), de la liste floristique du Bade-Wurtemberg (K.P. Buttler et K.H. Harms, 1998) et des travaux propres à l’Herbier de l’Université Louis Pasteur (M. Hoff, en préparation).

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Taxons créés par Kirschleger

Taxons corrects

Asteraceae

43 Hieracium vogesiacum (Monnier ex F. Kirschleger) J.B. Mougeot ex E.M. Fries = Hieracium cerinthoides Linnaeus var. vogesiacum Monnier ex F. Kirschleger F. Kirschleger a décrit une variété des Vosges d’Hieracium cerinthoides L. qui a été élevée au rang d’espèce par E.M. Fries. Cette variété avait déjà été identifiée par Monnier, mais sans avoir été validement publiée. De plus J.B. Mougeot avait également prévu de l’élever au rang d’espèce, mais également sans le publier d’une manière valide. Distribution régionale : Alsace, Escarpements rocheux du sud-est du Hohneck, du Frankenthal, des Spitzköpfe, du Rothenbachkopf (Rotabac) et du Grand-Ballon, sur grauwackes, vers 1350-1380 m d’altitude.

44 Leontodon hispidus L. var. alpestris F. Kirschleger Distribution régionale : Du Brézouard au Grand-Ballon par le Hohneck.

45 Senecio helenitis (Linnaeus) G. Cufodontis forma pratensis (F. Kirschleger) L. Bruneyre = Senecio spathulaefolius A.P. De Candolle var. pratensis F. Kirschleger Distribution régionale : Alsace, prairies du ried ello-rhénan de Huningue à Erstein, Benfeld, Herbsheim, Ohnenheim, Marckolsheim. Abondante entre Sélestat et Colmar.

Caryophyllaceae

46 Dianthus siegolsheimensis F. Kirschleger Individus probablement tératologiques.

Polygalaceae

47 Polygala vulgaris Linnaeus var. montana F. Kirschleger Distribution régionale : Crête centrale des Vosges du Grand-Ballon au Hohneck.

Rosaceae

48 Prunus avium Linnaeus var. silvestre F. Kirschleger (G. Ochsenbein, 1969).

49 Rosa x wasserburgensis F. Kirschleger = Rosa gallico-collina F. Kirschleger Le rosier de Wasserbourg a été observé par F. Kirschleger dès 1823. Distribution régionale : Ruines de Wasserbourg derrière Soultzbach-les-Bains, Hirtzenstein près de Wintzfelden et Frankenthal.

Scrophulariaceae

50 Orobanche alsatica F. Kirschleger F. Kirschleger fait sur cette espèce une erreur de nomenclature dans sa flore. Il décrit Orobanche alsatica dans son prodrome en 1836. Mais dans sa flore, il préfère le nom d’Orobanche cervariae Suard, publié dans la Flore de Lorraine de D.A. Godron en 1843, car la répartition de cette espèce dépasse largement le cadre de l’Alsace, elle s’étend de

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l’est de la France à la Chine. Or le nom le plus ancien prime, selon la règle de l’antériorité, et donc, malgré l’avis de F. Kirschleger, c’est bien Orobanche alsatica qui est le nom actuellement correct. Distribution régionale : Collines calcaires de Rouffach, Sigolsheim, Tuckheim, Ingersheim et Dorlisheim ; Vosges au Vogelsteine, Rossberg ; Sundgau à Illfurth et Ferrette.

51 Veronica serpyllifolia Linnaeus subsp. serpyllifolia var. alpina F. Kirschleger Cité par Lemasson dans sa Flore du Hohneck, sans référence plus précise. Distribution régionale : Sommets des Spitzköpfe.

Violaceae

52 Les violettes rhénanes et le genre Viola étaient l’une des grandes spécialités de Kirschleger, dont il a publié en 1840 un mémoire : « Notice sur les violettes de la vallée du Rhin ». Il crée un espèce et plusieurs sous-espèces et variétés.

53 Viola canina Linnaeus subsp. coerulea F. Kirschleger var. allionii F. Kirschleger var. nemoralis (Kützing) F. Kirschleger var. turfosa F. Kirschleger subsp. sylvatica F. Kirschleger ex E.M. Fries var. vulgaris F. Kirschleger lusus alpestris F. Kirschleger

54 Viola kochii (F. Kirschleger) F. Kirschleger = Viola canina Linnaeus subsp. kochii F. Kirschleger Distribution régionale : Prairies du Ried de Colmar à Haguenau.

Poaceae

55 Bromus grossus Desfontaines ex Lamarck et A.P. De Candolle var. grossus forma glabrescens (F. Kirschleger) B. Tournay = Bromus segetalis A. Braun et Döll var. triticeus F. Kirschleger = Bromus segetalis A. Braun et Döll var. triticeus F. Kirschleger forma glabrescens Kirschleger = Bromus multiflorus sensu F. Kirschleger non J.E. Smith Localité indiquée : Dans les champs de froment, presque partout (sic).

56 Lasiagrostis argentea F. Kirschleger = Calamagrostis argentea = Stipa calamagrostis (Florenliste Baden-Württemberg, K.P. Buttler et al. 1998). Non cité dans l’Index Kewensis (1993). Distribution régionale : Jura.

Taxons maintenant synonymes

Apiaceae

57 Petroselinum sativum Hoffm. = Petroselinum vulgare F. Kirschleger ?

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Asteraceae

58 Hieracium inuloides Tausch subsp. tridentifolium (K.H. Zahn) K.H. Zahn = Hieracium strictum F. Kirschleger

59 Senecio helenitis (Linnaeus) G. Cufodontis var helenitis = Senecio spathulaefolius A.P. De Candolle var. nemorensis F. Kirschleger

Boraginaceae

60 Pulmonaria mollis Wulfen ex Hornenann subsp. mollis. = Pulmonaria angustifolia [Clus. et Tabern.] auct. non Linnaeus var. mollis major F. Kirschleger

Brassicaceae

61 Sinapis alba Linnaeus subsp. alba. = Leucosinapis sativa F. Kirschleger

Cistaceae

62 Helianthemum grandiflorum (Scopoli) A.P. De Candolle in Lamarck et A.P. De Candolle var. grandiflorum. = Helianthemum nummularium (Linnaeus) Miller subsp. ovatum (Viviani) Schinz et Thellung var. serpyllifolium F. Kirschleger

Onagraceae

63 Epilobium duriaei J. Gay ex D.A. Godron = Epilobium montanum Linnaeus subsp. hohneckianum F. Kirschleger Cette synonymie est discutée, G. Ochsenbein (1969) maintient qu’il s’agit d’une bonne sous-espèce vosgienne et non pas d’un synonyme d’une espèce pyrénéenne, l’épilobe de Durieu.

Polygonaceae

64 Rumex thyrsiflora Fingerhut = Rumex intermedius F. Kirschleger et auct. non A.P. De Candolle = Rumex acetosa Linnaeus var. montana F. Kirschleger

Rosaceae

65 Rosa tomentosa Smith = Rosa sufferi F. Kirschleger Distribution régionale : Forêts de la Hardt.

Scrophulariaceae

66 Orobanche reticulata Wallroth = Orobanche serotina F. Kirschleger

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Solanaceae

67 Solanum villosum Miller subsp. miniatum (Willdenow) J.M. Edmonds = Solanum villosum Miller subsp. puniceum (F. Kirschleger) J.M. Edmonds = Solanum puniceum C.C. Gmelin.

Violaceae

68 Viola jordanii H. Henry = Viola canina Linnaeus subsp. persicaefolia F. Kirschleger var. elatior provincialis F. Kirschleger = Viola elatior provincialis F. Kirschleger = Viola provincialis F. Kirschleger ex W. Becker

69 Viola lutea W. Hudson subsp. Lutea = Viola lutea W. Hudson subsp. elegans (F. Kirschleger) W. Becker

70 Viola persicifolia W. Roth = Viola persicaefolia F. Kirschleger = Viola billotii F.W. Schultz ex F. Kirschleger

Poaceae

71 Avenella pubescens (W. Hudson) Dumortier = Avena balloniana F. Kirschleger

72 Deschampsia cespitosa (Linnaeus) Palisot de Beauvois = Aira cespitosa Linnaeus forma alpestris F. Kirschleger

73 Micropyrum tenellum (Linnaeus) Link forma tenellum. = Agropyron halleri Reichenbach ex F. Kirschleger

En conclusion

74 F. Kirschleger a surtout travaillé sur les Asteraceae, les Rosaceae, les Violaceae et les Poaceae. Pour les autres familles, il ne fait qu’ajouter quelques sous-espèces ou variétés des Hautes-Vosges à des espèces déjà bien identifiées.

Combinaisons faites par F. Kirschleger

75 Une combinaison est une procédure en taxonomie et en nomenclature qui consiste principalement à :

76 F. Kirschleger a réalisé une dizaine de combinaisons dont la plupart sont encore valides.

77 Cicerbita plumieri (Linnaeus) F. Kirschleger = Sonchus plumieri Linnaeus La laitue de Plumier, du nom d’un botaniste de Marseille, a été découverte dans les Alpes, près de la Grande Chartreuse, puis identifiée dans les Pyrénées, au Mont Dore dans le Massif Central, dans le Valais, dans le Forez et dans les Vosges par Nestler (G. Ochsenbein, 1969). F. Kirschleger l’a placé dans le genre Cicerbita.

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78 Taraxacum glaucescens (Koch) F. Kirschleger = Taraxacum glaucescens M. Bieb.

79 Campanula glomerata Linnaeus subsp. farinosa (Andrz. in Besser) F. Kirschleger = Campanula farinosa Andrz. in Besser

80 Sedum telephium Linnaeus subsp. fabaria (W.D.J. Koch) Syme = Sedum telephium Linnaeus subsp. fabaria (W.D.J. Koch) F. Kirschleger

81 Sedum telephium Linnaeus subsp. maximum (Linnaeus) F. Kirschleger = Sedum maximum (Linnaeus) Hoffmann = Sedum telephium Linnaeus var. maximum Linnaeus

82 Pisum sativum Linnaeus subsp. sativum var. sativum. = Pisum leptolobum (Reichenbach) F. Kirschleger.

83 Solanum nigrum Linnaeus subsp. nigrum. = Solanum nigrum Linnaeus subsp. luteovirescens (C.C. Gmelin) F. Kirschleger = Solanum nigrum Linnaeus subsp. luteum (Miller) F. Kirschleger

84 Viola canina Linnaeus subsp. kochii F. Kirschleger var. nemoralis (Kützing) Kirschleger = Viola nemoralis Kützing ?

85 Viola canina Linnaeus subsp. schultzii (C. Billot) G. Rouy et Foucaud = Viola schultzii (C. Billot in F.W. Schultz) F. Kirschleger = Viola canina Linnaeus subsp. kochii F. Kirschleger var. schultzii (C. Billot in F.W. Schultz) F. Kirschleger

86 Allium lusitanicum Lamarck = Allium petraeum (A.P. De Candolle) F. Kirschleger.

Les sensu

87 Les sensu sont des erreurs d’interprétation d’un taxon. F. Kirschleger a ainsi donné un nom d’espèce qu’il croyait correct à une entité biologique qui avait déjà un autre nom correct. Prenons un exemple récent. La plupart des auteurs des Flores en France utilisaient le binôme de Linné, Potentilla verna L. pour la potentille printanière qui se développe dès mars sur toutes les pelouses des collines calcaires. Or, après l’étude du spécimen d’herbier de l’herbier Linné, il s’avère que notre potentille printanière n’est pas celle que Linné a décrite en 1753, qui correspond à une plante scandinave. Il a donc fallu rechercher la première description suivante de cette espèce bien connue, et c’est celle de L. Reichenbach de 1832, Potentilla neumanniana qui a été retenue. Ce sont des erreurs difficiles à rectifier car il faut être sûr de l’interprétation taxonomique qu’en a donnée l’auteur. Ces difficultés ne se résolvent qu’en étudiant avec attention les spécimens d’herbier de référence, en comparant le spécimen de F. Kirschleger avec celui de l’auteur de l’espèce.

88 Hieracium vogesiacum (Monnier ex F. Kirschleger) J.B. Mougeot ex E.M. Fries = Hieracium alpinum sensu F. Kirschleger non Linnaeus

89 Myosotis laxa Lehm. = Myosotis sparsiflora sensu F. Kirschleger ex Mutel

90 Knautia dipsacifolia (Host) K.J. Kreutzer = Knautia longifolia sensu F. Kirschleger La scabieuse forestière à longue feuille, d’abord décrite comme une variété de Knautia

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sylvatica, a été élevée au niveau d’une espèce par F. Kirschleger : Knautia longifolia F. Kirschleger, créant une confusion avec une espèce déjà connue des Alpes orientales (Autriche, Tirol) et des Carpathes également dénommée Knautia longifolia (Waldstein et Kitaibel) W.D.J. Koch. La plante vosgienne, sensu F. Kirschleger, F.W. Schultz, M. Grenier et D.A. Godron, etc., est très probablement Knautia dipsacifolia.

91 Stachys officinalis (Linnaeus) Trévisan = Betonica vulgaris sensu F. Kirschleger

92 Stachys officinalis (Linnaeus) Trévisan var. montana (Gaudichaud) Hoff comb. nov. prov. = Betonica alpestris sensu F. Kirschleger non A. Jourdan et P.J. Fourreau

93 Epilobium duriaei J. Gay ex D.A. Godron = Epilobium origanifolium sensu F. Kirschleger

94 Epilobium x waterfallii E.S. Marshall = Epilobium rivulare sensu F. Kirschleger non Wahlenberg L’épilobe de ruisseau, Epilobium rivulare est un hybride entre Epilobium hirsutum et Epilobium parviflorum (Ochsenbein, 1969), mais ne correspondrait pas à l’Epilobium rivulare de Wahlenberg, d’ou la nécessité de lui donner un autre nom correct, postérieur à celui de Wahlenberg.

95 Veronica serpyllifolia Linnaeus subsp. serpyllifolia var. humifusa (Dickson) J.E. Smith = Veronica borealis F. Kirschleger nom. inval.

96 Solanum villosum Miller subsp. villosum. = Solanum nigrum Linnaeus subsp. luteum (Miller) F. Kirschleger

97 Potamogeton x natans Linnaeus = Potamogeton x spathulatus sensu F. Kirschleger

Taxons dédiés à Kirschleger

98 Cirsium x kirschlegeri F.W. Schultz = Cirsium palustri-acaulon F. Kirschleger Type : Glacis de la Citadelle de Strasbourg, 1841, F. Kirschleger. Distribution régionale : Localisé au sud de Strasbourg et au Parc de la Citadelle de l’Esplanade. L’hybride Cirsium oleraceum x Cirsium tuberosum, s’il est valide taxonomiquement, est endémique d’Alsace et du Sud du Palatinat. Rieds de Blotzheim, Village-Neuf, Herrlisheim, Ohenheim, Heidolsheim, graviers entre Artzenheim et Marckolsheim, Ried de Reichstett. Cet hybride n’existe plus qu’en une seule station dans le Palatinat.

99 Hieracium laevigatum Willdenow subsp. magistri (D.A. Godron ex Nyman) K.H. Zahn = Hieracium magistri D.A. Godron Ce taxon a été dédié à F. Kirschleger par D.A. Godron. Type : Hohneck, 27/07/1839, Herbier Perrin (P,STR).

100 Corydalis x kirschlegeri E. Issler = Corydalis fabacea (Retzius non Willdenow) Persoon x Corydalis solida (Linnaeus) Swartz. Localité du type indiquée : Pâturages du Frankenthal au Hohneck (Vosges). Distribution régionale : Une seule station dans le vallon du Frankenthal au pied du Hohneck, vers 950 m d’altitude, sur une pente située au-dessous de la ferme métairie.

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La station est traversée par un ruisseau. Curieusement, peu d’espèces nouvelles ont été dédiées à F. Kirschleger. Il est vrai que trouver de nouvelles espèces en Alsace ou dans les Vosges est difficile, et ce sont surtout des hybrides fixés qui sont reconnus.

Conclusion générale

101 Il faut placer F. Kirschleger dans son temps et le comparer à ses collègues et à ses correspondants. C. Koch (1809-1879), auteur d’une « Flore d’Allemagne », a décrit près de 200 espèces, F.W. Schultz (1804-1876), auteur de la « Flore du Palatinat » (1846) plus d’une centaine, D.A. Godron (1807-1880), auteur de la « Flore de Lorraine » (1857) a décrit plus de 150 espèces, C.C. Gmelin (1762-1837), dans se « Flore du Pays de Bade » (1805 à 1828) a décrit plus de 50 espèces. Et l’on pourrait citer A. Jordan de Lyon (1814-1897) qui a créé des centaines de taxons et plus tard l’abbé M. Gandoger (1850-1926) qui voulait tout renommer.

102 F. Kirschleger se place plutôt dans la lignée des J. Thurmann (1804-1855) « Flore de Porrentruy et du Jura » (1848 et 1849), C. Contejean (1824-1907), « Flore des environs de Montbéliard » (1853 à 1856), J.C. Döll (1808-1885), « Flore Rhénane » et « Flore du Pays de Bade », J.A. Pollich (1840-1880), « Flore du Palatinat », D. Villars (1745-1814), « Flore du Dauphiné ». Ce sont tous des botanistes de grand talent qui ont publiés des Flores qui ont marquées l’histoire de la botanique européenne, mais c’étaient d’abord d’excellents floristiques qui ne décrivaient que quelques nouvelles espèces locales, une dizaine en moyenne pour chacun de ces botanistes.

103 Il faut cependant relativiser le travail effectué. La France se dote actuellement d’un index national des noms de plantes (Brisse et Kerguélen, 1994). Mis en place par Michel Kerguélen, il rassemble tous les noms de plantes qui ont été au moins une fois utilisés en France, soit plus de 80 000. Or, M. Kerguélen nous a indiqué qu’il n’avait pas eu le temps de compiler les travaux des auteurs alsaciens, notamment la Statistique et le Prodrome de F. Kirschleger, comme d’ailleurs la Flore de F.W. Schultz. Il est certain qu’une relecture attentive des Flores de F. Kirschleger montrerait qu’il a cité et décrit certainement d’autres variétés ou formes qu’il n’est actuellement couramment admis.

104 F. Kirschleger s’est montré prudent dans les controverses scientifiques, il adopte la systématique admise à l’époque, celle du Prodrome de A.P. De Candolle, sachant que les progrès des connaissances allaient faire évoluer ce système. Il se dit plutôt en faveur des espèces assez polymorphes, mais cite ou publie un très grand nombre de variétés ou de formes. Il innove cependant dans sa Flore par la qualité de la description des genres et des espèces. C’est peut-être l’aspect le plus important de sa taxonomie. Sur les règles de nomenclature, il agit avec bon sens, certaines de ses innovations sont aujourd’hui reconnues, comme de citer toujours l’auteur de base dans une combinaison de genre, ou de conserver certains noms en n’appliquant pas le principe d’antériorité. Par contre, la citation des noms des auteurs pré-linnéens est interdite par le code. Enfin, F. Kirschleger dit ne citer que peu de synonymes, alors qu’au contraire, il en cite un très grand nombre, ce qui est d’ailleurs très utile car il cite pratiquement tous les noms donnés par les auteurs pré-linnéens.

105 En conclusion, F. Kirschleger aura été la figure marquante de la botanique alsacienne du XIXe siècle. Sa Flore est d’un usage facile et agréable, ce qui n’est pas souvent le cas

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des autres Flores contemporaines. Il n’a pas innové en systématique ni en nomenclature ni dans la définition de l’espèce : ce n’était pas son créneau. Il a créé les nouvelles espèces nécessaires et a fait les combinaisons qu’il estimait justifiées, sans entrer dans les controverses scientifiques qu’il estimait inutiles ou improductives.

Remerciements

106 Le texte de cet article a fait l’objet d’une communication au colloque « Kirschleger » qui s’est tenu à Munster le 5 juin 2004. Le colloque a été organisé par MM. Gérard Leser – Société d’Histoire du Val et de la Ville de Munster et Bernard Stoehr – Société d’Histoire Naturelle et d’Ethnographie de Colmar.

BIBLIOGRAPHIE

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ANNEXES

Plantes patrimoniales d’Alsace

Photos M. Hoff

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Allium victoriale L. (Alliaceae)

L’ail victorial fleurit en été sur les pentes rocheuses des cirques glaciaires des Hautes-Vosges. L’espèce est protégée en France.

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Phyteuma orbiculare L. (Campanulaceae)

Le raiponce orbiculaire est une plante des prairies et pâturages maigres et ensoleillés des collines et des montagnes. Il est protégé en Alsace.

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Polygonum bistorta L. (Polygonaceae)

La renouée bistorte colore les prairies humides des Vosges des sommets aux fond des vallées à la fin du printemps.

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Trollius europaeus L. (Ranunculaceae)

Le trolle d’Europe ou boule d’or ne se trouve en Alsace que dans les pelouses des Hautes-Vosges et du Jura alsacien. Il fait partie des plantes de la liste rouge Alsace.

Pulsatilla alpina (L.) Delarbre (Ranunculaceae)

La pulsatille alpine est localisée dans les pelouses et les landes des hautes chaumes des Vosges centrales. Elle est protégée en Alsace.

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Cicerbita plumieri (L.) Kirschleger (Asteraceae)

La cicerbite de Plumier caractérise les prairies humides à hautes herbes et des éboulis de l’étage supérieur des Vosges. L’espèce est sur la liste rouge de la Flore d’Alsace.

Dianthus superbus L. (Caryophyllaceae)

L’œillet superbe est une plante des prairies humides du ried alsacien. Il est protégé au niveau national.

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Hieracium aurantiacum L. (Asteraceae)

L’épervière orangée est caractéristique des hautes chaumes des sommets vosgiens. Elle est protégée au niveau régional.

RÉSUMÉS

Professeur de botanique à l’Ecole de Pharmacie de Strasbourg, F. Kirschleger (1804-1869) a profondément marqué la botanique régionale du XIXe siècle par son enseignement, ses nombreux travaux et la publication de la Flore d’Alsace (1852-1862). Dans cet ouvrage de référence F. Kirschleger a proposé plusieurs règles propres de nomenclature pour la dénomination des plantes, concernant notamment la citation des synonymies anciennes, la citation des auteurs pour les genres et pour les espèces qui changent de genre et sur la règle de l’antériorité. Ce code de la nomenclature, utilisé dans ses publications, est présenté et discuté au regard des règles actuelles. F. Kirschleger a également décrit de nouvelles espèces ou variétés et proposé des combinaisons. Ces taxons sont présentés et leur validité actuelle est discutée. Enfin quelques botanistes ont dédié des taxons à F. Kirschleger.

F. Kirschleger (1804-1869), Botany teacher at the Strasbourg faculty of pharmacology has played a decisive role in the teaching of regional botany with his many publications, viz. the Flora of Alsace (1852-1862). In this reference book he has offered several rules of classification for naming plants, particularly as far as old appellations, authors’ quotes of changing types and species and the rule of precedence are concerned. This code of appellations, which he uses in his publications, are re-examined against present practices. F. Kirschleger has also described new species or varieties and proposed various combinations. These taxons’ present validity is being examined. Last, a few botanists have mentioned F. Kirschleger for some of these taxons.

F. Kirschleger (1804-1869) war Professor für Botanik an der Pharmazeutischen Hochschule Strasbourg. Sein akademischer Unterricht, seine zahlreichen wissenschaft-lichen Arbeiten und

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die Herausgabe der „Elsässischen Pflanzenwelt” (1852-1862) hatten so großen Einfluss auf die regionale Wissenschaft der Botanik des XIX. Jahrhunderts, dass sie diese von Grund auf prägten. Eigene Regeln sind in diesem Nachschlagewerk Grundlage der Terminologie für die Bezeichnung der Pflanzen. Vor allem, wenn der Autor auf althergebrachte Synonyme zurückgreift und sich auf Bezeichnungen bezieht, die andere Autoren für die Gattungen verwendet hatten. Das gilt sowohl für die Arten, die er in eine andere Gattung einreiht als auch für die Regel des zeitlichen Vorrangs. Dieser Codex der Terminologie, den er in seinen Publikationen verwendet, wird mit den herrschenden Regeln verglichen und kritische erörtert. F. Kirschleger hat auch neue Arten oder Spielarten beschrieben und deren Zuordnung vorgeschlagen. Diese Gattungen werden nicht nur beschrieben. Es wird auch kritisch beleuchtet, worauf die aktuelle Einteilung beruht. Nicht zu vergessen, einige Botaniker haben etliche dieser neugeschaffenen Gruppen von Pflanzen F. Kirschleger gewidmet.

INDEX

Mots-clés : Botanique, Frédéric Kirschleger Keywords : Botany, flora of Alsace, Frédéric Kirschleger Schlüsselwörter : Botanik, elsässischen Pflanzenwelt, Frédéric Kirschleger

AUTEUR

MICHEL HOFF Maître de Conférences à l’Université Louis Pasteur, Strasbourg. Conservateur de l’Herbier d’Alsace

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L’univers culturel d’une Strasbourgeoise de 1840 à 1859 : archéologie du journal intime d’Amélie Weiler

Patricia Szafranski

« Le premier moteur de la recherche archéologique sous toutes ses formes est l’émerveillement ; le désir d’une connaissance historique exacte ne vient qu’après. » Michel Butor, Répertoire III1 Ce titre d’archéologie nous conduit sur les traces de la diariste strasbourgeoise Amélie Weiler. Nous allons rendre compte des « fouilles » livrées dans les archives, les musées ou les bibliothèques, dont nous avons de temps à autre rapporté de « petits » trésors, tels qu’un roman introuvable, Elys de Sault ou le catalogue d’une exposition de peinture tenue au Château Royal de Strasbourg en 1842, et mieux encore la toile oubliée d’un petit maître de la peinture, Oesterley. Ce titre restitue également le « feuilleté » de l’écriture d’un journal intime où les pages se superposent produisant une mémoire commune entre la diariste et son lecteur. Cette visite guidée du monde d’Amélie est destinée à partager cet émerveillement.

Qui est Amélie Weiler ?

Amélie Weiler (Strasbourg, 1822-1895) est l’auteur d’un unique Journal. La jeune fille protestante commence son premier cahier en 1840 sur les conseils de sa mère et dans la lignée de sa grand-mère paternelle, qui lui a transmis le don des Lettres. Son père est avocat. Elle a fréquenté un pensionnat, où quelque talent en matière d’écriture ne lui a pas été dénié. En 1842, Amélie et sa jeune sœur Emma ont la douleur de perdre prématurément leur mère, souffrant de tuberculose. Dès ses dix-huit ans, elle caresse le projet de devenir gouvernante. Elle met celui-ci à exécution en 1858 seulement, et

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s’exile en Prusse. Restée célibataire, elle n’a pas eu d’enfant. On n’a d’elle aucune photo. Son Journal est en revanche pour le lecteur patient et curieux du manuscrit, une merveilleuse fenêtre ouverte sur les multiples facettes de la vie d’une femme strasbourgeoise de la première moitié du XIXe siècle. Six de ses cahiers, retrouvés dans un grenier familial en 1987, ont été édités en 1994. Fruit d’une collaboration entre l’historien Nicolas Stoskopf et l’éditeur alsacien, La Nuée Bleue, le Journal d’une jeune fille mal dans son siècle 1840-18592 est une bonne introduction au Journal d’Amélie3, titre de l’original, dont il présente une version abrégée, destinée au grand public. Ce Journal retrouvé enrichit le patrimoine des journaux de jeune fille, mis en valeur par Philippe Lejeune dans le Moi des demoiselles4. Ma thèse de doctorat en Lettres modernes5 tente de mettre en valeur les intérêts littéraires du Journal d’Amélie Weiler et vise la reconstitution de son époque (1840-1859) en privilégiant les aspects inédits du manuscrit.

La venue au manuscrit

La lecture et a fortiori l’écriture étaient pour les femmes du XIX e siècle un fruit défendu6. Ce constat détermine notre parti pris de lecture. Si le Journal d’Amélie, en dépit des qualités de la romancière naissante, n’est pas une œuvre littéraire, il est en revanche un véritable roman d’apprentissage de l’écriture – qui mérite d’être lu dans son intégralité. Cette entrée dans le Journal est impulsée par le contraste des versions originale et éditoriale qui met en relief (à contre-jour) les modèles littéraires et esthétiques, ainsi que les essais, les trouvailles ou les imperfections de l’écriture de la diariste. En effet, l’étude des deux versions aboutit à deux images différentes d’Amélie, Jeune fille mal dans son siècle pour l’édition, jeune fille qui joue avec les modèles qui lui sont proposés dans l’original. La voyageuse de 30 ans remarque, quant à elle, non sans humour : « Je vois que je ne marche plus avec le siècle et qu’une taupe ne devrait jamais quitter son terrier. » (6e cahier, Saint-Landelin mardi 17 août 1852, ms p. 271, inéd.)7. Le « monde d’Amélie » est le cœur de notre recherche archéologique. La bibliothèque virtuelle, le musée et la géographie imaginaires de la diariste sont toujours redessinés à partir d’indices trouvés dans son Journal. Au détour de cette visite, le lecteur découvre différents portraits à facettes de la lectrice, de l’apprentie écrivain et de la spectatrice, qui offrent une approche souriante de ses multiples personnages. Quel que soit le domaine des arts considérés, Amélie semble privilégier les œuvres mineures, et le lecteur revisite le romantisme naissant à travers les yeux de cette jeune fille, aux goûts inimitables. Les « exercices de style d’Amélie » dans différents genres, la nouvelle, le portrait, la rêverie, sont analysés avec les outils de la critique littéraire. L’on voit notamment émerger la romancière et ses personnages. De manière plus introspective, le journal d’Amélie est aussi une véritable « boîte à souvenirs » qui renferme ses objets, ses images et sa musique.

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« Le monde d’Amélie » : visite guidée

Une lectrice transportée

Bien sûr l’éducation des filles au XIXe siècle ne privilégie pas la lecture. Amélie est pourtant au nombre de ces demoiselles « un peu trop curieuses » dénoncées par Rousseau8. Elle goûte, en effet, avec plaisir et avidité ces lectures qui ont l’attrait du fruit défendu. L’empoisonneuse est au sens propre Marie Cappelle, veuve Lafarge (1816-1852), condamnée à perpétuité en 1840 pour avoir empoisonné son mari9. Au début de l’hiver 1842, Amélie semble appâter son lecteur par l’aspect sulfureux du personnage : J’ai la tête toute montée des Mémoires de Mme Laffarge [sic]; je reviens de chez Sophie Braunwald où nous étions seules dans la chambre elle à son métier moi le livre en main poussant à chaque instant une exclamation d’admiration ; ce n’est point un livre dont je copierai les plus beaux passages c’est un livre dont je ferai ma propriété. Quelle admirable femme innocente ou coupable on ne peut lui refuser le génie. Je suis tout en fièvre ; c’est peut-être du poison que la lecture de ces Mémoires mais qu’importe je veux l’avaler. (3e cahier, samedi 17 décembre 1842, ms p. 219, 220, inéd.). Convenons-en, à l’encontre de l’opinion d’Amélie, ces Mémoires ne sont pas un poison : s’ils empoisonnent, c’est par la force des lieux communs. Bien plutôt qu’un défoulement de l’emprisonnée, cette autobiographie est une dénonciation de l’enfermement des jeunes filles au XIXe siècle par leur éducation. Qu’elles soient réelles comme Marie Cappelle ou sorties de l’imagination du romancier comme Emma Bovary, toutes les jeunes filles du XIXe siècle ont un auteur de prédilection : Walter Scott. La jeune fille alsacienne découvre l’auteur écossais en allemand : die Braut von Lammermoor. L’allemand est, semble-t-il, la voie royale qui la conduit à la littérature : Le ciel était sombre tout le jour ; les toits couverts de neige ; les carrés du jardin semés de bandes raies blanches ; les arbres saupoudrés de légers flocons ; Walter Scott à la main je me suis transportée dans ce Moyen Age que les romanciers nous font tant aimer et dans cette Écosse dont il nous fait adorer le ciel brumeux, les sauvages montagnes, les mélancoliques vallées et les manoirs féodaux. J’ai retrouvé mes rêves un moment mes rêveries de dix-sept ; alors que le mélancolique gracieux et terrible roman de Kenilworth faisait comme maintenant encore le bonheur. Je me souviens je l’ai lu également aussi en hiver et chaque matin je me mettais à la fenêtre je (illis.) je ne voyais jamais mieux la divine figure d’Emma Robsart dans les sombres forêts, radieuse comme une nymphe des bois. (3e cahier, dimanche 22 janvier 1843, ms p. 236, inéd.). Dans ce passage de l’hiver 1843, Amélie semble une émanation du roman : « Walter Scott à la main, je me suis transportée… ». La connaissance de Kenilworth passe par la traduction, de l’allemand au français, des pensées du héros amoureux et désespéré : Je veux essayer de traduire ce passage qui le caractérise si bien, lui et en général toutes ces ames que le Ciel a faites et plus distinguées et plus misérables que les autres, quoique sans doute je vais le dénaturer beaucoup. « Les mélancoliques pensées de Trésillian jetait une teinte sombre sur tout ce qui l’entourait. (3e cahier, dimanche 22 janvier 1843, ms p. 237, inéd.). Rappelons quelques lignes de l’histoire. Trésillian, gentilhomme de Cornouailles avait demandé en vain la main d’Amy Robsart. Celle-ci est l’épouse du comte Leicester, le favori de la reine Elisabeth. Une machination ourdie par leurs rivaux conduit Amy à la

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condamnation à mort. Elle est accusée d’avoir été l’amante de Trésillian. Celui-ci arrive trop tard pour la sauver. Le texte d’Amélie garde une autre trace du passage par l’allemand : Amy devient Emma, un prénom issu du germanique ermin, signifiant « la toute puissance ». Amélie est le plus souvent une lectrice romanesque qui s’identifie pleinement aux héroïnes de ses romans. Elys de Sault, échappée d’un roman à l’eau de rose de Mme Arnaud10, est un modèle du genre. La jeune fille de 1842 en recopie de larges extraits au point d’en composer un véritable roman mosaïque. La femme mûre de 1854 a adopté l’héroïne au point d’adhérer encore à son modèle. Sa passion pour le sculpteur Grass11 provoque cette réminiscence littéraire : […] mais comme Elys de Sault qui ne pouvait oublier le Maure, don Lorimer je suis tentée de m’écrier : Mon Dieu ! faites-moi bientôt mourir pour que votre servante ne vous renie pas. (7e cahier, dimanche 3 décembre 1854, ms p. 137, inéd.) Par contre Amélie refuse avec véhémence le modèle de Julie construit par Rousseau dans La Nouvelle Héloïse. En 1845, elle ouvre un dialogue polémique avec l’auteur, qu’elle prénomme familièrement Jean-Jacques : Ce matin j’ai achevé la lect la nouvelle Héloïse de Jean-Jacques ; c’est une lecture que toute jeune fille bien-née ne fait qu’à la dérobée ou mieux encore ne devrait jamais faire, car l’auteur dit dans sa préface : toute fille qui lit ce livre est déjà perdue. Je ne comprends pas cette idée. Il est vrai : vouloir être Julie c’est être perdue. Mais où trouve dans ce monde un Saint-Preux qui vous fasse commettre une faute ? Où trouver des Claire, des Wolmar, des milord Edouard qui vous honorassent et vous adorassent, ainsi que votre séducteur malgré votre chute. Mainte jeune fille a commis les fautes de Julie mais si elle veut être héroïne de roman qu’elle aie soin d’avoir aussi l’amant, l’amie, la beauté, l’esprit, les grâces, les lumières, les vertus de la fille du baron d’Etange. Pour se perdre il ne faut point la lecture de la nouvelle Héloïse ; il existe dans le monde, et nous sommes à porter d’entendre des histoires plus scandaleuses que celle-là et où il y a moins de merveilleux, moins de sacrifices généreux, de dévorements profonds, d’amour véritable et (illis), de repentir sincère et de retour à la vertu et à Dieu. (4e cahier dimanche 21 septembre 1845, ms p. 264, 265, inéd.) La jeune fille de vingt-trois ans se rebelle contre le modèle trop parfait que lui propose le romancier. Le drame de Julie qui renonce à son amour pour son précepteur, le vertueux Saint-Preux, afin d’obéir à la loi de son père en épousant « le sage et vieux M. de Wolmar », ne lui convient pas. Le modèle est de son point de vue inadapté à la société du XIXe siècle. On peut donc lire cette argumentation d’Amélie contre Julie comme un premier acte salutaire d’émancipation ! Certains de ces modèles portent la lectrice à une telle admiration qu’ils sont une incitation à l’écriture. Les extraits sélectionnés manifestent la liberté de la diariste dans ses jeux avec l’intertextualité. La jeune Amélie est mue par un élan vital. L’on trouve trace de d’un lapsus calami jaillissant de vie dans l’épigraphe du troisième cahier, empruntée au monologue de Polyeucte12, non sans quelque retouche. Amélie substitue aux « Honteux attachements de la chair et du monde » du héros abstinent un « Heureux attachement… » qui dit en creux son attente du premier amour. Citons- la : Source délicieuse en misères féconde, Que voulez-vous de moi, flatteuses voluptés Heureux attachement de la chair et du monde Que ne me quittez-vous quand je vous ai quittés. (3e cahier, épigraphe sans date, vraisemblablement septembre 1841, inéd.)

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La jeune fille dont les pensées sont tournées vers son premier bal se rend très vite à l’évidence : Quelle que résolution que l’on prenne, quels que combats que l’on se livre, quelle que forte que l’on croît être on sent à la moindre occasion que l’on est encore jeune et que l’on n’est point encore aussi stoïque que votre destinée l’exige. (3e cahier, mardi 21 septembre 1841, ms p. 8) L’invention résulte ici d’un heureux processus accidentel. Comment résumer la leçon d’écriture de Corinne à Amélie, accédant à une plus grande maturité ? Le roman éponyme de Mme de Staël13 constitue bel et bien un élément de résolution dans le parcours de recherche de soi d’Amélie. Ce roman miroir s’inscrit dans la formation de sa sensibilité, de sa pensée et de son écriture. Celle-ci a vingt et un ans et cherche dans le roman des nourritures spirituelles, qu’elle trouve. La romancière et son héroïne soulèvent son admiration, éclairée par une certaine lucidité. La question de la féminité nous paraît le mieux définir le point de convergence du roman et du journal. Qu’est-ce qu’un écrivain-femme ? La diariste admirative répond : « dans Corinne « […] brille réuni à toute l’élégance de la plume d’une femme ce que la pensée d’un homme a de plus sublime et de plus profond […]» (4e cahier, mardi 12 septembre 1843, ms p. 48, inéd.). Sans être révolutionnaire, cette pensée combat le XIXe misogyne, à l’encontre des femmes qui tiennent la plume. Qu’est-ce qu’être une femme ? La diariste perspicace donne la définition suivante de son modèle : « […] seule et non libre comme Corinne […] » (4e cahier, samedi 6 avril 1844, ms p. 109, inéd.). Elle aboutit adroitement à un « état de femme », à la manière de Nathalie Heinich14. La romancière et son héroïne l’aident donc à se définir en tant que sujet féminin. Il est manifeste que les citations extraites de Corinne forment dans le journal des îlots de résistance, dans ce cri particulièrement, « […] non non après lu [sic] ces lignes je sens que je n’ai point tort, que je commets pas de crime en voulant devenir gouvernante […] » (4e cahier, dimanche 17 septembre 1843, ms p. 49, inéd.). La question du choix d’un métier placée au cœur d’un « roman » de formation, qui de surcroît n’est pas une fiction, mais un « roman véridique » (pour reprendre une formulation d’Amélie) force notre respect en tant que lectrice à plus d’un siècle de distance. Quant à la question de l’écriture et de ses obstacles, elle est seulement effleurée par la diariste qui, en revanche, se livre avec ardeur à sa passion. À cette étape, Amélie a acquis deux convictions : « le papier ne trahit pas15 », dit-elle, et son journal a trouvé son destinataire idéal. Il est « comme le cœur d’une Mère […]16 ». Nul doute que la lecture de Corinne ne participe à ses révélations sur soi et sur l’écriture. Quel serait le contrepoison aux éventuels excès du romantisme via la poésie mystique et sentimentale, dont certes découlent quelques pages du journal ? La femme mûre a élu l’humour. Amélie présente ainsi son septième cahier : « Il y a quinze jours, le dimanche soir j’écrivis ces quatre vers allemands sur la première page de ce livre […]. » (7e cahier, lundi 23 mai 1853, ms p. 1, inéd.), en y apposant cette épigraphe : Wenn die Lästerzunge trifft So lass dir dies zum Troste sagen : Die schlechten Früchte sind es nicht, Woran die Wespen nagen. Bürger (ibid.)

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Pour le lecteur du journal non familiarisé avec l’alphabet allemand gothique, cet « emprunt », puisqu’Amélie ne le traduit pas17, est d’abord une énigme, avant d’être un mot d’esprit qui le fait sourire : Quand les mauvaises langues parlent de toi, Dis-toi ceci pour te consoler : Les mauvais fruits ne sont pas ceux que les guêpes rongent. La poésie en langue allemande marque son entrée dans le territoire du secret. Loin des regards réprobateurs, Amélie fabrique librement son secret, sous la forme d’une passion avec le sculpteur Grass. Les citations d’autrui, exactes ou non, créent donc bien dans le Journal des espaces de liberté.

Une insatiable collectionneuse d’images

Le lecteur a également le privilège de suivre, de l’intérieur, la formation du regard de la diariste, qui découvre pour l’heure une peinture, un paysage, le théâtre de Strasbourg. Dans sa description de La Fille de Jephté du peintre préraphaélite Oesterley, la spectatrice réussit à s’infiltrer dans le tableau. Son point de vue sur l’héroïne est relayé par les figures féminines qui le composent – au nombre de cinq dans son souvenir ou son imagination : « autour d’elle se groupent cinq de ses compagnes, belles toutes et jeunes comme elles [sic] mais l’entourant comme les étoiles entourent la reine des nuits […] » (3e cahier, dimanche 28 août 1842, ms p. 148, inéd.). Le lecteur constatera de visu la présence de quatre compagnes seulement18. La structure pyramidale des personnages est montrée de la manière suivante : […] sur son épaule droite s’appuie celle qu’elle affectionne peut-être le plus ; belle à ravir mais d’une beauté d’u toute différente de celle de la fille de Jephté ; boucles blondes, yeux bleus; teint blanc et rose ; ce n’est point ce teint légèrement bruni, ce regard majestueux et calme ; cette figure gracieuse et touchante angélique exprime la plus mortelle tristesse19 ; l’autre est une autre se penche sur sa main gau et la baise ; deux autres à genoux devant elle inclinant gracieusement leurs cols d’albâtre ont saisi le bas de ses vêtements et semblent adorer une déesse. (ibid.) La jeune fille se joint finalement au groupe des quatre adoratrices qu’elle vient de décrire, l’une, la préférée de la fille de Jephté sur son épaule, l’autre agenouillée, baisant sa main, les deux autres inclinées dans une posture d’adoration.

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Oesterley, Carl Wilhelm Friedrich (Göttingen, 1805-Hanovre, 1891) La Fille de Jephté,1835

Elle est là debout couverte d’une simple tunique retenue au cou par une riche agrafe de pierres précieuses […] Quel maintien majestueux et quelle grâce simple et touchante tout à la fois ; de son bras, de sa main à mouler elle semble indiquer un objet ; autour d’elle se groupent cinq de ses compagnes, belles toutes et jeunes comme elles [sic] mais l’entourant comme les étoiles entourent la reine des nuits. (3e cahier, dimanche 28 août 1842, ms p.148, inéd.) Huile sur toile 131,2 x 116,8 cm, Niedersächsisches Landesmuseum Hannover

La jeune Alsacienne visite l’Allemagne voisine. Elle est ravie par la station thermale de Baden-Baden où elle a la chance d’assister à la construction de la Trinkhalle20. La configuration des lieux qui combine éléments naturels, légendaires et picturaux se prête particulièrement aux expériences esthétiques d’Amélie, qui vérifie la conformité de l’original à sa représentation par un va-et-vient entre le site et le tableau, et s’amuse au jeu des erreurs : Nous quittâmes les salons de la Trinkhalle ; j’achetais la chronique du pays et qui forme le sujet des tableaux. Je me plaçais devant Le Saut du comte pour imprégner le tableau dans mon imagination comme je le faisais de l’original. Sur le tableau la route d’Obersroth n’existe pas ; les pieds de devant du cheval atteignent déjà les eaux de la Murg qui a la teinte de l’indigo tandis que les pieds de derrière reposent encore sur le rocher. Dans le fond sur la montagne on voit les ennemis armés acharnés aux trousses du comte d’Eberstein représenté sous les traits d’un bel homme aux yeux noirs et à la figure martiale. (6e cahier, samedi 13 septembre 1851, ms p. 138, inéd.) Il semble que l’imagination reproductrice et l’imagination créatrice soient en lice. Son chevalier empruntera les traits de M. Neck, médecin à Gernsbach. À Saint-Landelin21 la voyageuse aiguise son regard par des notations ethnographiques. Elle est d’abord sensible à la magie du nom : « Voilà y compris les personnes qui sont venues avec moi ce qui composent la société de Saint-Landelin ; nom doux et poétique qui donne déjà un avant-goût des lieux qu’ils (illis.) qui le portent. » (6e cahier, mardi 17

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août 1852, ms p. 269, inéd.). Puis elle peint une scène de la culture populaire allemande : Il y a danse ici le dimanche ; beaucoup d’étrangers arrivent des environs. On peut aller d’une salle à l’autre voir danser les habitants des petites villes et les paysans. Ce sont de ces fiancés allemands et langoureux que l’on voit ici avec leurs promises et qui étalent aux yeux de tous la passion profonde qui réside dans leurs cœurs. (ibid., ms p. 269, 270, inéd.) Finalement elle porte un regarde positif sur la liberté des mœurs : Il y a de plus un forestier, vrai faune, ces dames et ces hommes disent vrai type germain ; belle figure allemande. Il dîne tous les jours avec nous à table [sic] d’hôte ainsi que le curé du village ; qui dimanche voit danser ses brebis. J’aime cette tolérance que l’on ne connaît pas en Alsace. (ibid., ms p. 273, inéd.) Si le tourisme, comme on l’a vu, favorise le franchissement des frontières entre la réalité à sa représentation, le lieu de l’illusion complète est bien évidemment le théâtre de Strasbourg, et la salle de spectacle rénovée en 1854 : La salle est vraiment merveilleuse de peinture de décors et de richesse. Cette douce et claire lueur du gaz se jouant sur ces dorures qui se détachent sur un fond blanc, sur ce velours grenat dont sont tendues les loges et revêtus les fauteuils du parquet, ce lustre magnifique éclairant ce plafond tout chargé de ravissantes peintures et se jouant sur ce rideau qui semble un tableau vivant, tout donne à cette salle un aspect féerique. On se croit ou dans le palais d’Armide ou dans l’un des Mille et Une nuits. (7e cahier, vendredi 3 novembre 1854, ms p. 121, inéd.) L’élogieuse description, inédite, confirme le goût d’Amélie pour la fantaisie, à travers ce que Baudelaire nomme le « paysage de fantaisie », « qui est l’expression de la rêverie humaine […]. [ce genre], qui est en petit l’analogue des belles décorations de l’Opéra, représente le besoin naturel du merveilleux »22. La découverte de la nouvelle salle provoque cette saynète : Un sentiment de crainte vint me saisir. Si la loge des lions n’était plus à sa place accoutumée. L’interpellation d’Emma me tira du doute : le statuaire est là me dit- elle en dirigeant ses yeux brillants du côté de la loge chérie à laquelle on a conservé son ancienne place. […] Quand Emma dit le statuaire je levai les yeux. Je rencontrai les siens qui s’étaient attachés à mon visage avec une fixité dévorante. (ibid., ms p. 122, inéd.) De surcroît, M. Grass, le statuaire est à l’honneur au foyer du théâtre, orné du buste du donateur, Apffel23, « sorti de mains habiles et chéries » (ibid., ms p. 124, 125, inéd.). La spectatrice est donc bien le jouet de son imagination.

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Buste de Louis Apffel

Jean-Louis – Guillaume Apffel (1767-1847) légua à Strasbourg la totalité de ses biens « à titre de dotation de l’art dramatique et musical ». « Juste reconnaissance, le buste de Louis Apffel, œuvre du sculpteur strasbourgeois Philippe Grass, trôna sur la cheminée du foyer, resplendissant de lumière. » Geneviève Honegger, « La Musique à Strasbourg au XIXe siècle à l’époque française », Revue d’Alsace, 123, 1997, p.178. Après le premier acte nous sortîmes faire un tour au foyer resplendissant comme la salle de blanc, de dorure, de vaporeux bouquets de fleurs peints sous les tableaux représentant la Suisse ; le tout couronné du buste d’Apffel sorti de mains habiles et chéries. (7e cahier, vendredi 3 novembre 1854, ms p. 124, 125, inéd.)

L’album des souvenirs intimes

Continuons en feuilletant l’album24 des « images-souvenirs » 25 d’Amélie où ses souvenirs sont développés sous l’effet conjugué de la mémoire et de l’imagination. Déjà, la jeune fille se prépare au culte du souvenir. Le don des lettres se fait par l’intermédiaire de sa grand-mère paternelle : Chères lettres que vous me rendez heureuse, je n’ai fait que vous parcourir ; mais je vais vous relire l’une après l’autre ; puis vous prendrez place dans un portefeuille bleu garni d’or et de rubans raisins de Corinthe, également un souvenir de ma bonne G. Maman et où je conserve déjà plusieurs papiers précieux qu’elle m’a donnés, écrits en partie de sa main. Et si le Ciel m’accorde la vieillesse que je serai heureuse de relire ces feuilles, de repasser dans mon âme ces souvenirs de mon adolescence […] (1er cahier, vendredi 24 juillet 1840, ms p. 113-114) Les lettres transmises joignent à l’usage de la correspondance privée, l’amour des belles-lettres et le goût de la diariste pour l’écriture manuscrite.

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Le Journal d’Amélie est aussi une boîte à images, qui présente trois manifestations inédites de la mémoire affective et involontaire. Ces réminiscences ont lieu successivement dans un jardin, une salle de bal et au théâtre, trois espaces que l’on sait propices aux rêveries d’Amélie. La première est d’ailleurs une rêverie, la deuxième un souvenir, la troisième un palimpseste. Regardons ce « diorama »26 : Involontairement sous ces arbres, dans ce jardin anglais je songeais aux eaux de Versailles aux fêtes que Louis XIV donnait dans les bosquets à la duchesse de Lavallière. (5e cahier, mardi 1er septembre 1847, ms p. 31, 32, inéd.) Une Chose curieuse le pilier qui se trouve au milieu de la salle tout à côté du grand poêle fut le seul objet qui me fit ressouvenir que dans cette même salle je me trouvais pour la quatrième fois en ma vie dans l’espace de cinq années. (6e cahier, mardi 3 septembre 1850, ms p. 66, inéd.) Involontairement je ma pensée retournait dans le salon d’Isabel de Bavière et à quelques embellissements près que je tachais d’écarter je voyais quelqu’un qui me faisait souvenir du duc de Bourgogne absorbé dans une pensée d’amour et une femme légère et coupable qui me rappelait Mme de Giac. (6 e cahier, mardi 14 décembre 1852, ms p. 331, inéd.) Nous avons à remonter le mécanisme optique de la mémoire d’Amélie. Le premier tableau est un songe né de la somme des perceptions. Le deuxième tableau serait une illustration du processus créateur défini par Bergson où « les purs souvenirs, appelés du fond de la mémoire, se développent en souvenirs-images […] »27. Le « pilier » est à la fois la source lumineuse et le miroir réflecteur, où sont projetées les autres vues28. La première vue met en jeu l’imagination. Amélie se souvient : La première fois c’était encore à l’époque de ma jeunesse ; le plaisir réunissait là une grande société où figuraient tous les âges : pères, mères, jeunes gens et jeunes filles ; on célébrait la noce d’argent des époux Grün : quand mon imagination retourne en arrière je vois Corinne et Emma […] (6e cahier, mardi 3 décembre 1850, ms p. 66, inéd.) Cette première vue est encore développée sur une dizaine de lignes. Elle est donc un effet de « la mémoire qui imagine », ou « mémoire qui revoit », selon Bergson29. Depuis Proust, on est naturellement enclins à se demander si le souvenir procure à l’esprit « la douce illusion d’une présence retrouvée »30. La réponse n’est pas sans restriction, malgré une conclusion plutôt positive. Le surgissement de la mémoire involontaire se heurte à bien des obstacles : « Pourtant tous ces souvenirs plusieurs fois mon imagination était sur le point de les évoquer et ma mémoire trop paresseuse pour les retrouver. » (ibid., ms p. 67, inéd.). Le désaccord entre imagination et mémoire se serait enfin réglé, puisqu’Amélie conclut : Les choses m’occupaient bien plus encore que le présent tout agréable et tout divertissant qu’il était. En effet la lanterne magique ou le panorama de mon esprit en est aux tableaux sombres, aux sîtes d’hiver ; rien de riant riant rien de rose, rien de printanier n’y passe actuellement. (ibid., ms p. 68, inéd.) La douceur du souvenir n’efface cependant pas la douleur du présent, qui est vu à travers un mécanisme optique, alternativement « la lanterne magique » et « le panorama ». Les deux instruments d’optique caractéristiques du XIXe siècle sont incorporés à une métaphore visuelle. Amélie relate une expérience subjective du temps perçu à travers un écran coloré (rose et noir) et une vision panoramique. Le troisième tableau est une réminiscence littéraire de son auteur favori. La spectatrice est au théâtre : Un roman de Dumas s’ouvrit dans ma mémoire ; sur l’une de ses pages je voyais ces lignes : « Mme de Giac se tenait auprès d’Isabel et de Catherine ; à l’autre extrémité

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du salon un homme se tenait debout dans un riche pourpoint tenant dans les mains un berret [sic] fourré de martre et contemplait31 complétait ce tableau de l’Albane ; c’était le duc de Bourgogne . Ils étaient tous deux absorbés dans une même pensée celle de leur amour. » (6e cahier, mardi 14 décembre 1852, ms p.3 31, inéd.)32 Grattons un peu le palimpseste et ouvrons aux mêmes pages le roman de Dumas33. On y découvre une romancière, un rien plagiaire qui décalque le motif des deux amants livresques34 (M me de Giac et le duc de Bourgogne) pour les remplacer par les deux amants sertis par son imagination (la blonde spectatrice et son admirateur grisonnant)35. L’heureuse trouvaille36 de la romancière consiste simplement à déplacer la scène d’une barque (certes élégante) sous la plume de Dumas à un salon, écrin plus adéquat aux aventures galantes d’un couple bourgeois. Amélie dispose librement d’une mémoire littéraire ludique et créatrice. Ces trois expériences de la mémoire involontaire nous montrent qu’Amélie dispose désormais d’images en attente, toujours prêtes à être réveillées, retouchées et insérées dans des tableautins de son imagination. La mémoire libérée par l’imagination produit un album d’images-souvenirs personnelles que le lecteur feuillette volontiers comme une autobiographie romancée. Comment définir le Journal d’Amélie ? Celui-ci déroule sous nos yeux de multiples tableaux. Le Journal de jeunesse (essentiellement composé du premier et de la fin du troisième cahier, à partir du début de l’année 1843) est interrompu par le Journal de deuil (du troisième cahier jusqu’au début du quatrième, au seuil de l’année 1844). Le Journal de lecture est essentiellement alimenté par la jeune fille (dans son troisième cahier, en 1842, et au commencement du quatrième cahier, l’été 1843). Il est complété par le Journal de la spectatrice, plus épisodique, qui naît à l’occasion d’une exposition saisonnière de peinture (l’été 1842, dans le troisième cahier) et s’étoffe en un Journal de voyages au détour de séjours à la frontière allemande (les étés 1851 et 1852, dans le sixième cahier). La diariste sait aussi lui donner la forme d’un Journal de rêves. Enfin, le Journal d’une gouvernante, presque libertin, termine le tout. La version éditée donne un excellent aperçu des journaux de jeunesse et de deuil et d’une gouvernante, tandis que le journal de la lectrice et de la voyageuse reste accessible au lecteur curieux du manuscrit. Ces sept catégories se marient parfaitement aux six passions définies par Descartes. En effet, nous définirions le Journal d’Amélie comme un manuel d’éducation sentimentale. Le philosophe dénombre six passions primitives : « l’admiration, l’amour, la haine, le désir, la joie et le tristesse »37. Chaque facette du Journal peut ainsi être éclairée par ces passions, de surcroît reliées au temps. Le Journal de jeunesse est animé par la saison des bals. Il est mû par l’admiration, le désir et la joie, et l’espérance. La diariste espère en l’avenir et savoure le présent, mais déjà son Journal de jeunesse est une boîte remplie de souvenirs. Le Journal de deuil accompagne la maladie, puis le décès de madame Weiler. Il contient la tristesse d’Amélie, et le vocabulaire dominant à cette époque est « la consolation ». Le Journal de lecture d’Amélie renoue avec l’admiration – orientée vers « la connaissance de la chose qu’on admire [qui a rapport] avec le cerveau38 » – et le désir39, que l’on retrouve également dans le Journal de la spectatrice. En témoigne le transport de la jeune fille devant La Fille de Jephté du peintre nazaréen Oesterley, ou devant les vaudevilles à la mode. Le vocabulaire dominant de la diariste dans ces deux journaux est sans doute « l’enchantement ». Le journal se métamorphose en journal de voyage, rempli de désir, de joie, et d’amour à Gernsbach, de tristesse et de désir à Saint- Landelin. C’est la joie, la tristesse et le désir qui se partagent son Journal de rêve. Puis,

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la gouvernante découvre, si ce n’est la haine, du moins la colère – celle-ci « est aussi une espèce de haine ou d’aversion que nous avons contre ceux qui ont fait quelque mal, ou qui ont tâché de nuire, non pas indifféremment à qui que ce soit, mais particulièrement à nous »40. Ces métamorphoses du journal, sous la plume même de la diariste, conduisent le lecteur d’un « journal-mémoire », à un journal-miroir, puis à un journal romancé. Une enquête minutieuse conduit pas à pas le lecteur du manuscrit en des lieux de mémoire inattendus. Cette reconstitution de l’univers culturel d’une femme du XIXe siècle est un attrait principal du journal d’Amélie.

Notice Bio-bibliographique

Patricia Szafranski est professeur de Lettres modernes, et membre de l’équipe « Genèse & autobiographie » de l’ITEM/CNRS. Elle a consacré son mémoire de maîtrise à la version éditée du Journal d’Amélie Weiler : Pourquoi lire des journaux intimes ? Réflexion à partir du Journal d’une jeune fille mal dans son siècle 1840-1850, Université de Bourgogne, 1998 ; puis sa thèse de doctorat à sa version manuscrite : L’Archéologie d’un journal intime : Amélie Weiler (1822-1895), thèse pour l’obtention du grade de docteur en littérature française soutenue le 29 mai 2006, sous la direction de Martine Bercot, Université de Bourgogne. Auteur d’un article consacré à la diariste Amélie Weiler, paru dans un ouvrage collectif : Métamorphoses du journal personnel, De Rétif de la Bretonne à Sophie Calle, Louvain-La-Neuve, Bruylant-Academia, coll. Au cœur des textes, 2006.

BIBLIOGRAPHIE

COSNIER Colette, Le Silence des filles, De l’aiguille à la plume, Fayard, 2001.

LEJEUNE Philippe, Pour l’autobiographie, Seuil, coll. La Couleur de la vie, 1998.

STOSKOPF Nicolas, « La délicieuse Allemagne d’Amélie », Saisons d’Alsace, n° 128, 1995, p. 57-61.

SZAFRANSKI Patricia, « Du journal réel au journal publié », Métamorphoses du journal personnel, dir. Catherine Viollet, Marie-Françoise Lemonnier-Delpy, Louvain-La-Neuve, Academia Bruylant, coll. Au cœur des textes, 2006, p. 46-61.

VIOLLET Catherine, « Petite cosmogonie des écrits autobiographiques, Genèse et écritures de soi », Genesis, n°16, 1992, p. 37-52.

NOTES

1. Michel BUTOR, Répertoire III, « Sur l’archéologie », Éditions de Minuit, coll. Critique, 1968, p. 21.

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2. Amélie Weiler, Journal d’une jeune fille mal dans son siècle 1840-1859, éd. Nicolas Stoskopf, préface de Philippe Lejeune, Strasbourg, La Nuée Bleue, 1994. 3. Amélie Weiler, Journal d’Amélie n° 1, n° 3, n° 4, Souvenirs, n° 5, n° 6, n° 7, fac-similé : Bibliothèque Nationale et Universitaire de Strasbourg, section Histoire du livre, ouvrages précieux, cote MS 63 44. 4. Philippe LEJEUNE, Le Moi des demoiselles, Enquête sur le journal de jeune fille, Seuil, coll. La Couleur de la vie, 1993. 5. Patricia SZAFRANSKI, L’Archéologie d’un journal intime : Amélie Weiler (1822-1895), thèse pour l’obtention du grade de docteur en littérature française soutenue le 29 mai 2006, sous la direction de Mme Martine BERCOT, Université de Bourgogne, Dijon. Déposée à la bibliothèque nationale et universitaire de Strasbourg. 6. Michelle PERROT, Les Femmes et les silences de l’Histoire, Flammarion, 1998, p. 14. 7. La transcription du manuscrit est fidèle, si ce n’est le titre des ouvrages ou œuvres signalés en italiques. Les rares erreurs d’orthographe sont indiquées par le signe [sic]. Entre parenthèses sont indiqués le numéro des cahiers, numérotés de un à sept, le troisième cahier n’a pas été retrouvé, la date complète (Amélie, quant à elle, mentionne généralement le jour, le quantième et le mois, au début de chaque mois), la page du manuscrit, « ms ». La mention « éd » signifie que l’extrait a été édité, et « inéd » que l’extrait n’a pas été édité. 8. ROUSSEAU, Émile ou de l’éducation, [éd. 1762], GF Flammarion, Livre cinquième, 1996, p. 480. 9. Hormis ses Mémoires écrits en prison, on peut consulter à son sujet, Denis BERTHOLET, Les Français par eux-mêmes 1815-1885, Orban, 1991, p. 232 à 235. 10. Elys de Sault, ou la Cour des Papes au milieu du XIVe siècle (1834), Henriette Reybaud, née Arnaud, dite dame Charles (1802-1871), 3e cahier, 1842, inéd, 4e cahier, 1843, inéd., 7e cahier, 1854, inéd. Cote BNF : Y2 75016. 11. Philippe GRASS : sculpteur (Wolxheim, 1801, Strasbourg 1876), le Nouveau dictionnaire de biographie alsacienne. 12. CORNEILLE, Polyeucte [1643], éd. Georges Couton, Bibliothèque de la Pléiade, 1980, p. 973-1050. L’épigraphe est empruntée à la scène 2 de l’acte IV. Elle est composée des vers 1105-1108, 1145-1155. Polyeucte accepte son rôle de martyr chrétien et s’apprête à renoncer à l’amour de Pauline. 13. Mme DE STAËL, Corinne ou l’Italie [1807], éd. Simone Balayé, Folio classique, 1999. 14. Nathalie HEINICH, États de femme. L’Identité féminine dans la fiction occidentale, Gallimard, coll. Essais, 1996. 15. Amélie Weiler, 4e cahier, dimanche 10 septembre 1843, ms p. 46. 16. Amélie Weiler, 4e cahier, vendredi 2 février 1844, ms p. 88. 17. On trouve ce proverbe de Gottfried August Bürger, avec quelques variantes, traduit par Jean- Pierre Lefèbvre. Anthologie bilingue de la poésie allemande, Bibliothèque de la Pléiade, 1993, p. 344-345. 18. Voir la reproduction jointe du tableau : Karl Wilhelm Oesterley, (Göttingen 1805-Hanovre 1891), La Fille de Jephté (1835), huile sur toile 131,2 x 116,8, Landesmuseum, Hanovre. Le tableau représente la fille de Jephté faisant ses adieux à ses compagnes, comme il est écrit dans la Bible, ch. 11, versets 38-39, « Livre des juges ». 19. C’est nous qui soulignons les passages en italiques. 20. L’édifice a été construit de 1839 à 1844. Il a été conçu par l’architecte Heinrich Hübsch (1795-1863). 21. Le lieu de résidence d’Amélie dénommé « Saint-Landelin » est situé à Ettenheimmünster, dont l’église, « Saint-Landelin », est consacrée à ce martyr écossais, fondateur d’un monastère bénédictin qui n’existe plus aujourd’hui du fait de la sécularisation qui s’est imposée en Allemagne en 1803, et qui en 1852 avait été transformé en auberge. 22. BAUDELAIRE, « Salon de 1846 », éd. Claude PICHOIS, Bibliothèque de la Pléiade, 1999, p. 480.

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23. L’avocat Jean-Louis-Guillaume Apffel (1767-1847) légua à Strasbourg la totalité de ses biens « à titre de dotation de l’art dramatique et musical ». Cela permit une renaissance du Théâtre, d’après Geneviève Honegger, « La musique à Strasbourg au XIXe siècle à l’époque française », Revue d’Alsace, 123, p. 177, 178. Aujourd’hui encore, l’œuvre du sculpteur strasbourgeois trône sur la cheminée du foyer. Voir photo jointe. 24. C’est le nom donné à ses cahiers par la diariste à partir du 3e commencé en septembre 1841 : Amélie a dix-neuf ans. 25. Le terminologie de Bergson qualifie précisément la mémoire rêveuse d’Amélie : « Pour évoquer le passé sous forme d’image, il faut pouvoir s’abstraire de l’action présente, il faut savoir attacher du prix à l’inutile, il faut vouloir rêver. » Henri BERGSON, Matière et mémoire, PUF, coll. Quadrige, 2004, p. 87. 26. Voir les plaisanteries des personnages de la pension Vauquer. Balzac, La Comédie humaine, t. 4, « Le Père Goriot » [1834], Le Club français du livre, 1965, p. 71. 27. BERGSON, Matière et mémoire, op. cit., p. 140. 28. La lanterne magique joue un rôle de premier plan dans l’expérience du regard au XIXe siècle. Voir Ségolène Le Men, Lanternes magiques, tableaux transparents, musée d’Orsay, n° 57, 1995, p. 17. Elle est un objet familier de l’univers d’Amélie, qui y fait allusion un jour d’étrenne : « Mme Braunwald arriva après ; le petit Edouard apporta sa lanterne magique […] » (6e cahier, mercredi 1er janvier 1851, ms p. 74, inéd.). 29. Bergson, Matière et mémoire, op. cit., p. 87, 95. 30. Georges POULET se pose cette question au regard des souvenirs de Mme de Staël chez qui la comparaison entre passé et présent suscite le regret. Georges Poulet, Études sur le temps humain IV, Mesure de l’instant, Pocket, coll. Agora, 1990, p. 204. 31. « contemplait » est une résurgence romanesque de l’original : « un homme contemplait ce tableau de l’Albane : c’était le duc Jean de Bourgogne. » Dumas, Isabel de Bavière, Calmann Lévy, t. 2, p. 198 (cote BNF Y237740). 32. La jeune fille a lu Isabel de Bavière dix ans plus tôt, durant l’été 1842. 33. DUMAS, Isabel de Bavière, op. cit., t. 2, p. 44, 45. 34. Cela rappelle les gestes délicats de l’écrivaillon : « Pour sa précieuse récolte, l’écrivaillon faisait glisser la citation, du livre vers sa page vierge, avec de vraies précautions de philatéliste décollant d’une enveloppe le timbre convoité. » Régine DETAMBEL, L’Écrivaillon, Gallimard, coll. Haute enfance, 1998, p. 44, 45. 35. Il n’est peut-être pas inutile de rappeler le charmant tableau afin que le lecteur puisse juger de l’effet produit par la surimpression : « Lui, pâle, le visage flétri, la barbe grisonnante dans le haut de cette loge un peu à l’ombre ; moi blonde et blanche[…]faisait [sic]pour mon imagination vive et voyageuse un pittoresque tableau. » (6e cahier, mardi 14 décembre 1852, ms p. 331, inéd.). 36. Signalons une concession d’Amélie à la mode : un « béret » remplace dans la nouvelle version le « bonnet » du duc de Bourgogne. 37. DESCARTES, Les Passions de l’âme, [1649], Classiques de poche, 1998, p. 84. 38. DESCARTES, Les Passions de l’âme, op. cit., p. 85. 39. L’admiration de la diariste pour Mme de Staël et Corinne est au cœur du désir d’Amélie de devenir femme de lettres, et à l’instar de Corinne, une femme libre. 40. DESCARTES, Les Passions de l’âme, op. cit., p. 168.

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RÉSUMÉS

Le long journal de la strasbourgeoise Amélie Weiler, tenu de 1840 à 1859, dans ses deux versions, édition partielle et intégralité du manuscrit, initie son lecteur à différents aspects de la recherche : la découverte et la reconstitution de l’univers biculturel d’une alsacienne, jeune fille puis femme du XIXe siècle, l’analyse des pratiques d’écriture et de réécriture à l’œuvre dans un journal personnel, le relevé des traces mémorielles dans la création d’un espace à soi.

Strasbourg’s Amélie Winter’s sizeable diary kept between 1840 and 1859, published in two versions -a selection and the complete edition- introduces the reader to various aspects of life: the discovery and reconstruction of the bicultural world of a young, then adult Alsatian of the 19th century, the analysis of the writing and rewriting practices that are at work in a diary, the listing of the traces left by memory in the creation of a person’s private space.

Das lange Tagebuch des Strassburgerin Amélie Weiler, das von 1840 bis 1859 in seinen beiden Fassungen, Teilveröffentlichung und ganzer Handschrift gescrieben wurde, führt den Leser in verschiedene Aspekte der Forschung ein: die Entdeckung und der Wiederaufbau der bikulturellen Welt einer Elsässerin, Mädchen dann Frau im 19. Jahrhundert, die Untersuchung der Schreibverfahren und Umarbeitungen, die wir in einem Tagebuch finden, Spuren des Gedächtnisses, notwendig für die Selbstentwiclung.

INDEX

Mots-clés : écriture Keywords : writing Index chronologique : XIXe siècle

AUTEUR

PATRICIA SZAFRANSKI Docteur en Histoire, Université de Bourgogne

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Les architectes d’arrondissement et la transformation du paysage communal au XIXe siècle

Fabien Baumann

Sources : Annuaires du Bas-Rhin.

Architectes départementaux et d’arrondissement

Dans le Bas-Rhin

1 Reiner avait été un architecte départemental fort effacé ; Gustave Klotz voit ses attributions s’accroître entre 1839 et 1843, tandis que son successeur Charles Morin assure à la tête d’un service effectif la fonction d’architecte départemental en chef, de 1843 à 187022.

2 Les postes d’architectes d’arrondissement sont très prisés, dès leur création en 1827, puisque pas moins de 18 candidats se font connaître en préfecture pour obtenir l’une des places. La durée de la carrière d’un architecte dans son arrondissement est très variable – allant de 30 ans pour Ringeisen à Sélestat, 24 ans pour Furst à Saverne et 20 ans pour Morin à Strasbourg. Pourtant, Léon Fuchs, en poste à Saverne, décède après 4 ans d’activité tandis qu’Euclide Justinien Thiébert préfère démissionner au bout de 7 ans pour retourner à Nancy. Les architectes en place doivent faire preuve d’une forme physique à toute épreuve – et disposer d’un personnel compétent pour une circonscription fort vaste et des services fort divers. Kuhlmann n’y résiste pas : un travail harassant et une santé défaillante entraînent son décès prématuré en 1840. D’autres changent de service : anciens officiers du Génie, Samain en 1841 et Zégowitz en 1843 renoncent aux fonctions d’architecte pour occuper en fin de carrière celles de percepteur.

3 Quant au préfet, faisant fi des concours et de leurs résultats, il intervient fréquemment dans le service, nommant, mutant et révoquant des architectes, en particulier en 1840, 1850 et 1863.

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4 Le préfet Sers, passionné par les travaux publics, lance la carrière de Klotz comme chef de service en 1839 et fait nommer Albert Haas à Wissembourg en 1840, déplacer Zégowitz en la même année, enfin fait venir Charles Morin à Strasbourg en 1843. L’un de ses successeurs, l’énergique préfet West, révoque définitivement Klotz et Haas en 1850 pour des raisons politiques23. Aucun agent n’est donc à l’abri d’un blâme sévère ou d’une mise à pied puisque le préfet tient régulièrement à faire valoir ses attributions grandissantes. Il existe aussi des transitions en douceur, comme le renoncement de Morin à sa circonscription de Strasbourg en 1863, au profit de Matuszynski, ce qui permet à Timothée Guillaume Roehrich de s’installer à Wissembourg.

Dans le Haut-Rhin

5 Le Haut-Rhin se caractérise pourtant par le maintien de postes départementaux d’architecture publique, indépendants des Ponts et Chaussées. En 1801, le préfet nomme Treuttlé comme architecte d’arrondissement de Colmar chargé de superviser les travaux départementaux, ainsi qu’un architecte des bâtiments communaux. En 1814, Treuttlé est remplacé par Janinet, auquel succèdera Griois en 1826, Lejeune en 1842, puis après la révocation de ce dernier, le service est divisé entre architecture des bâtiments civils, confié à Louis Laubser et des monuments historiques confié à Auguste Hartmann.

6 Mais le Haut-Rhin n’a pas adopté le système de l’architecte unique par arrondissement, mais celui de la liste d’architectes agréés, par circonscription de taille variable, auquel doivent nécessairement s’adresser les communes pour leurs travaux. Le règlement sur les travaux communaux de 1831, révisé en 1835, fait connaître ce système et ces listes aux communes24.

7 En 186025, on relève 17 architectes agréés dans leurs secteurs géographiques : cinq architectes à Colmar, cinq à Belfort, deux à Mulhouse et un seul à Sainte-Marie-aux- Mines, à Ribeauvillé, à Wesserling, à Oberlarg et à Beaucourt. L’architecte Jean-Baptiste Schacre, de Mulhouse, se charge d’un grand nombre de chantiers dans le Sundgau sous le Second Empire26, alors que Joseph Langenstein, natif de Ranspach, concentre à la même époque l’essentiel de son activité dans la vallée de Saint-Amarin. Le système apparaît donc en tout point de vue très libéral puisque les autorités locales ont un choix assez vaste de l’architecte. Ceci explique en grande partie le choix de l’administration allemande d’appliquer une telle organisation des architectes pour la Basse-Alsace (Bezirk Unter-Elsass) dès 1871 et libéraliser un service depuis longtemps sclérosé par le monopole des architectes d’arrondissements.

L’embellissement communal : un enjeu du XIXe siècle

8 L’activité de l’architecte d’arrondissement se déploie dans les communes rurales d’Alsace qui lui demandent des projets variés. Attaché aux rôles de concepteur d’édifices et de surveillant des travaux, l’architecte d’arrondissement endosse aussi celui d’urbaniste en projetant des ensembles monumentaux parfois très intéressants et s’inscrivant parfaitement dans le bâti existant.

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La reconstruction des bâtiments communaux : une préoccupation constante

9 Au cours du XIXe siècle, rares sont les municipalités qui ne projettent pas de réparer leurs édifices anciens, à les agrandir ainsi qu’à les reconstruire, le tout en fonction de leurs moyens financiers et de la tutelle préfectorale qui demeure tatillonne. La modernisation effective des structures bâties appartenant aux communes est liée avant tout à ces deux contraintes. Mais avant de s’occuper uniquement des bâtiments, les architectes voyers du Bas-Rhin devaient aussi à s’occuper de la voirie communale entre 1827 et 1839, dont les travaux étaient nombreux et requéraient une surveillance particulière. Bénéficiant d’abord d’un traitement fixe dans le cadre de cette partie du service (qui s’ajoute à leurs honoraires), les architectes ne perçoivent plus que leurs honoraires de 5 % sur les travaux à partir de 1840 et les frais de déplacement lors des réceptions de mobilier communal (horloges, cloches, orgues, pompes à incendie…).

10 Le travail des architectes se déroule selon un calendrier immuable avec la présentation d’un programme, suivi d’un avant-projet, puis du projet définitif. Une fois le projet approuvé on procède à l’appel d’offre pour l’attribution du marché par adjudication au rabais. La phase de construction a lieu sous l’étroite surveillance de l’entrepreneur, du maire et de l’architecte qui produit le métrage de réception, document final qui sanctionne la conformité du bâtiment par rapport au projet et établit son coût définitif. Mais le calendrier des opérations est très souvent remis en cause par divers obstacles, telles les modifications par rapport au projet primitif, les malfaçons diverses… C’est très fréquemment le cas pour les appropriations d’édifices anciens – souvent des bâtiments à pans de bois –, car ils entraînent des changements de distribution et nécessitent de fréquentes reprises des matériaux défectueux. L’appropriation ne demeure jamais qu’une solution de transition pour des communes moins fortunées, ce qui explique qu’elle soit très mal vue des autorités préfectorales qui veulent doter les communes d’édifices publics dignes de ce nom et se distinguant des propriétés particulières. Si la majeure partie des bâtiments sont reconstruits séparément, certains figurent parfois dans un projet plus vaste de reconstruction visant à moderniser l’ensemble de la commune.

Des édifices et des projets urbanistiques bien marqués

11 Les conceptions urbanistiques des architectes apparaissent clairement à travers leurs projets. Elles visent principalement à mettre en valeur les édifices construits et à les placer dans un cadre remarquable pour la population.

12 C’est le cas de l’hôtel de ville de Wasselonne et de sa grande halle aux Blés, construite en pierre de taille à partir de 1848 selon les plans de l’architecte départemental Morin. Cet imposant édifice est implanté sur une vaste place située au centre du bourg et offre un style inspiré de la Renaissance alsacienne.

13 L’architecte ne manque d’ailleurs pas d’afficher sur son projet les nouvelles devises de la République « Liberté Égalité Fraternité » (voir fig. 3)27.

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Fig. 3 : Élévation principale de l’hôtel de ville et de la halle aux blés projetés pour Wasselonne en 1848.

14 Dans le bourg d’Erstein, les autorités locales chargent Kuhlmann d’un projet de nouvel hôtel de ville placé en perspective dans le prolongement de la rue du Marché. Le plan proposé par l’architecte en 1838 vise aussi à rendre le bâtiment le plus beau possible et de régulariser la « Place d’Armes » (voir fig. 4).

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Fig. 4 : Plan d’alignement général de 1838 à l’appui du projet d’hôtel de ville pour Erstein

(AM Sélestat, fonds Ringeisen, Erstein).

15 Ce nouvel alignement est d’ailleurs repris par son successeur qui présente en 1842 un projet d’édifice totalement différent. En raison des acquisitions de propriétés souvent nécessaires à la réalisation de grands projets, l’administration est amenée à prendre des mesures d’alignement en coopération avec le service des Ponts et Chaussées et le celui des Chemins vicinaux, sur proposition des architectes.

16 Certaines communes finissent par reconstruire la quasi-totalité de leurs bâtiments publics en l’espace de quelques décennies. C’est le cas de Marckolsheim qui en trois décennies a su remarquablement réorganiser ses services municipaux, notamment son cimetière (1834), son église paroissiale (1836-1838), son hôtel de ville (1842-1843), son corps de garde (1844-1845), l’école de filles (1854-1856), l’école de garçons (1857-1858) et la justice de paix (1862-1864). Dans ce cas précis, chaque édifice a été réalisé séparément et ne répond pas à un projet d’ensemble.

17 Néanmoins, il existe des communes rurales dans lesquelles les circonstances ont abouti à d’heureux résultats. À Heiligenstein par exemple, les deux petites écoles ont été construites en prévision de la reconstruction de l’église protestante, dont la conservation du clocher roman a été prescrite par le préfet. Cet ancien clocher a effectivement servi de point de départ et d’axe de symétrie à la construction des écoles en 1843-1844 et celle de l’église en 1851-1852 avant d’être rehaussé à son tour à partir de 1853 (fig. 5 et 6).

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Fig. 5 : Les deux bâtiments d’école de Heiligenstein

cliché : Florent Ostheimer.

Fig. 6 : Élevation principale des écoles combinées avec l’avant-projet d’église pour Heiligenstein en 1849

ADBR, OTC 107.

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18 Les bons résultats obtenus par Ringeisen à Heiligenstein peuvent expliquer la reprise d’un schéma presque identique pour les écoles de Zellwiller, dont les bâtiments jumeaux sont construits respectivement en 1844 et 1860 (fig. 7).

Fig. 7 : Élevation principale des deux écoles de Zellwiller

19 Pour quelques communes rurales, nous disposons de plans de reconstruction d’ensemble, parmi lesquels ceux de Hessenheim, près de Marckolsheim. À la demande du conseil municipal, l’architecte d’arrondissement propose dès 1842 la réorganisation complète des bâtiments au centre du village. Le plan cadastral (voir fig. 8) présente l’état initial des bâtiments communaux en bleu (de gauche à droite : la maison commune avec corps de garde, l’école, l’église et le presbytère). Cet état laisse entrevoir des constructions petites et mal disposées. Dans son premier avant-projet (fig. 9), Ringeisen propose de construire les édifices communaux en alignement selon l’axe de symétrie mairie-église et de placer l’école et le nouveau presbytère de part et d’autre de l’édifice religieux dont le clocher médiéval conservé est le point de départ. Dans son deuxième plan (fig. 10), moins ambitieux, l’architecte propose de construire une mairie et une école selon un alignement visant à élargir la rue de l’Église et d’aménager le nouvel édifice religieux selon un axe de symétrie formé par cet alignement. Cette formule servira finalement de base à la reconstruction progressive des bâtiments communaux selon une géométrie bien rôdée et un alignement respecté qui embellit la voirie publique.

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Fig. 8 : Le centre de la commune de Hessenheim, d’après le plan cadastral de 1829.

(ADBR, 3P 206/16).

Fig. 9 : Détails du 1er avant-projet de reconstruction des bâtiments communaux de Hessenheim, en 1842

(ADBR, OTC 111).

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Fig. 10 : Détails du 2e avant-projet de reconstruction des bâtiments communaux de Hessenheim, en 1842

(ADBR, OTC 111).

Un paysage communal rationalisé et uniformisé ?

20 Si les architectes d’arrondissement ont pu exercer leur monopole aussi longtemps sur l’échelle d’un département, c’est qu’ils étaient fortement soutenus par l’autorité du préfet. Pourtant, la demande croissante des communes aurait exigé une libéralisation du service des travaux et la nomination d’architectes agréés. Ainsi nos architectes, fort longtemps en fonction dans une même circonscription, ont sensiblement contribué à imprimer leur marque à l’espace communal et l’on peut établir pour chacun d’eux une typologie d’édifices bien définie et une chronologie de leurs styles.

21 Dans un premier temps, entre 1822 et 1840, les architectes ne parviennent pas véritablement à développer de « style » propre et restent tous soumis à la mode du néoclassicisme omniprésent. Ainsi Reiner, Kuhlmann, Thiébert, Zégowitz et Samain proposent successivement de lourds édifices aux combinaisons multiples de colonnes grecques ou romaines pour leurs églises, mairies et corps de garde. Seul le mobilier religieux reflète une certaine originalité, ainsi pour Kuhlmann qui crée le buffet d’orgues de type « caisse » dès 1829.

22 Mais avec la nouvelle génération d’architectes, celle des Haas, Ringeisen, Matuszynski et Furst apparaissent de véritables styles personnels. Les plans des maisons forestières dressés par Haas dans les années 1840 à Wissembourg évoquent les chalets suisses en bois, tandis que celles de Ringeisen à Sélestat, malgré leur simplicité, sont des maisons trapues alliant des éléments décoratifs antiques et vernaculaires.

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23 De même, les synagogues de Ringeisen constituent aussi un type tout à fait original d’édifices cultuels dépourvus des signes habituels de judéité28. Ringeisen, en raison de sa longue activité, a été l’un des architectes les plus actifs et les plus doués.

24 C’est avant tout pour lui que l’on peut établir une typologie très personnelle d’édifices, écoles, mairies et églises (et clochers). Du coup, en l’absence d’un programme exigeant présenté par les municipalités, Ringeisen présente systématiquement le même projet d’église adapté au chiffre de la population et à la topographie du lieu (fig. 11).

Fig. 11 : Élévation principale de l’église projetée pour Steige en 1855

(ADBR, 390 D 825).

25 Parmi les exemples les plus caractéristiques de cette typologie figurent les maisons communes ou mairies, qui sont souvent mises en perspective d’une manière surprenante dans le cadre villageois (Kogenheim, Rossfeld) et réemploient souvent les mêmes formes architecturales. Les mairies de Kintzheim (1863-1864) et de Kogenheim (1867-1868), avec leurs avant-corps centraux en pierres de taille et moellons piqués offrent des similitudes de traitement remarquables par rapport à d’autres mairies de l’arrondissement de Sélestat (fig. 12 et 13), tandis que la charmante façade de la mairie de Goxwiller (1845) est un « clone » de celle de l’hôtel de ville de Marckolsheim, de trois ans sont aînée (fig. 14 et 15). Est-ce dû à un manque de créativité ou à une volonté réelle d’uniformiser les campagnes alsaciennes ?

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Fig. 12 : Élévation principale de la mairie de Kintzheim

Fig. 13 : Élévation principale de la mairie de Kogenheim

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Fig. 14 : Élévation de la mairie de Goxwiller

ADBR, OTC 85.

Fig. 15 : Élévation de l’hôtel de ville de Marckolsheim.

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Conclusion

26 Ainsi, la mise en place d’un service d’architecture publique et son implantation durable dans les départements avaient permis de répondre à une demande forte des communautés villageoises, soucieuses d’adapter leurs édifices à la croissance d’une population située dans une région à démographie forte, qui vit intensément la première révolution industrielle. Il fallait répondre aux besoins administratifs et de sécurité, (mairies, corps de garde et maison de pompe), sociaux et économiques (églises, presbytères, écoles, lavoirs…) de ces villages.

27 Ces architectes bien établis, bien encadrés et appuyés par l’autorité préfectorale et la férule des instances collégiales du conseil des bâtiments communaux, marquent l’image de leurs arrondissements, avec les édifices qu’ils y implantent. Dès la fin du XIXe siècle, et tout au long des deux premiers tiers du XXe siècle, la population des villages diminue, et les besoins cultuels considérés comme indispensables un siècle auparavant ont subi des mutations considérables. Pourtant, l’image des villages est encore dominée par le clocher et l’église, celle qui doit être au milieu de la communauté. Avec eux se perpétue l’œuvre de nos architectes départementaux29.

NOTES

1. Werner (Robert), Les Ponts et Chaussées d’Alsace au XVIIIe siècle, Strasbourg, 1929, p. 1-34. Le service se compose d’un directeur, d’un inspecteur principal, d’inspecteurs particuliers, de sous- inspecteurs et d’élèves à la veille de la Révolution de 1789. 2. Ibid. 3. LEHNI (Roger), « L’église Saint-Étienne de Rosheim », Annuaire de la Société d’Histoire et d’Archéologie de Molsheim et environs, 1970, p. 7-39 ; ABEL (Louis), Kembs en Sundgau rhénan. L’église et l’architecte du XVIIIe siècle. François-Antoine Zeller (1740-1816) et son activité en Haute-Alsace, Strasbourg, 1986, p. 139-265 ; MARTIN (Étienne), J.B. Kléber architecte (1784-1792), Catalogue d’exposition, Colmar, 1986, p. 17-28. 4. ADBR, 32 J 4. Règlement du 15 février 1780 (version imprimée). 5. Notice sur Gabriel Ignaz Ritter (1732-1813) par LEHNI (Roger), NDBA, t. 31, 1998, p. 3244-3246. 6. Notice sur Nicolas Alexandre Salins (1753-1839) par LEHNI (Roger), NDBA, t. 32, 1998, p. 3350-3351. 7. Notice sur François Martin Burger (1747-1804) par BONNEL (Yves), NDBA, t. 21, 1993, p. 1979-1980. Jean-Baptiste Kléber (1753-1800), suite au remariage de sa mère avec le père de Burger, est devenu son demi-frère par alliance. 8. Notice par RIEGER (Théodore), NDBA, t. 41, 2003, p. 4363. 9. ADBR, 32 J 2. Acte de nomination du 17 mars 1780 par Chaumont de la Galaizière. 10. ABEL (Louis), op. cit., 1986, p. 181-248, 259. 11. LEHNI (Roger), op. cit., 1970, p. 12. Selon Th. Rieger (Rieger T. et Vogler B. Alsace baroque et classique 1660-1790, Strasbourg 1993, p. 175 et ss), ces inspecteurs sont parfois confondus avec les inspecteurs des Ponts et Chaussées. Il n’en est rien, puisque aucun des nouveaux inspecteurs n’a travaillé dans le service des Ponts et Chaussées, avant ou après leur nomination.

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12. Procès-verbal des séances de l’Assemblée provinciale d’Alsace, tenues à Strasbourg aux mois de novembre et décembre 1787, Strasbourg, 1788, p. 193-194. 13. Ibid., p. 264. 14. Ibid. p. 194. Cette supplique a été lue par le rapporteur du bureau des travaux publics, le baron de Turckheim, lors de la séance de clôture de l’Assemblée, le 10 décembre 1787. 15. Précis des opérations de la Commission intermédiaire provinciale d’Alsace jusqu’au 15 février 1789, Strasbourg, 1789, p. 44-45. 16. ABEL (Louis), op. cit., 1986, p. 225. 17. FRANZ (Erich), Pierre-Michel d’Ixnard 1723-1795. Leben und Werk, Weissenhorn, 1985, p. 25 et 212. 18. ABEL (Louis), op. cit. 1986, p. 249 et suiv. Selon lui, il aurait été remplacé par un certain Jean- Baptiste Alexis Rondoin pendant trois ans. 19. MARTIN (Étienne), J.B. Kléber architecte 1784-1792, catalogue d’exposition, Colmar, 1986, p. 22-24. 20. Notice de Félix de Rungs (1752-1794) par SCHMITT (Jean-Marie), NDBA, t. 31, 1998, p. 3326. 21. MARTIN (Étienne), op. cit., 1986, p. 25-27. À titre provisoire, Kléber est remplacé à Altkirch par l’architecte Roelly, nommé le 8 juin 1793. 22. BAUMANN (Fabien), « Le service des travaux communaux dans le département du Bas-Rhin entre 1800 et 1840 », Chantiers Historiques en Alsace, t. 8, 2004-2005, p. 171-186. 23. Il est vrai que Klotz, connu pour être un des chefs du parti démoc-soc bas-rhinois, cumulait le département, l’œuvre Notre-Dame et des maîtrises d’œuvre dans l’arrondissement de Saverne, situation dénoncée par le Conseil général. Mgr Raess n’interviendra pas pour lui retirer l’œuvre Notre-Dame, pas plus que le bonapartiste Coulaux, maire de Strasbourg. 24. IGERSHEIM (François), op. cit., 2006, p. 104. 25. SCALABRINO (J.), Annuaire des adresses du commerce, de l’industrie, des professions et des administrations des départements du Haut et du Bas-Rhin, Strasbourg, 1860. 26. BOHLY-MEISTER (Danielle), « Un architecte autodidacte : Jean-Baptiste Schacre (1808-1876) Son œuvre religieuse », Annuaire de la Société d’histoire sundgauvienne, 1992, p. 23-42. 27. ADBR, OTC 323. Pièces du projet d’hôtel de ville et de halle aux blés du 24 juillet 1848, par Charles Morin. 28. JARRASSE (Dominique), « Les synagogues de Ringeisen, architecte de l’arrondissement de Sélestat », Annuaire des Amis de la Bibliothèque humaniste de Sélestat, t. 41, 1991, p. 33-48. 29. Il ne reste plus qu’à confronter le « bâti » avec « l’écrit », c’est-à-dire de consulter les volumineuses liasses d’archives qui nous renseignent sur ces vastes chantiers, afin d’en tirer des conclusions tangibles. C’est ce travail que nous nous proposons de réaliser dans le cadre de notre thèse en histoire sur l’un de ces architectes prolifiques du XIXe siècle, Antoine Ringeisen (1811-1889).

RÉSUMÉS

L’embellissement et la transformation du paysage communal en Alsace n’ont débuté qu’au lendemain de la Révolution française et de l’Empire. Dans le cadre de cette vaste politique d’aménagement – qui se poursuit activement pendant plusieurs décennies – l’architecte d’arrondissement occupe le devant de la scène et dispose d’un statut officiel institué par le

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préfet. Sous l’Ancien Régime déjà, les Inspecteurs des bâtiments publics et communaux – placés sous l’autorité directe de l’intendant – constituaient un précédent comparable en matière de travaux publics, mais qui n’a eu qu’un succès limité en raison du contexte économique difficile des années 1780 et des revendications des institutions provinciales nouvellement créées.

The improvement and the transformation of the communal landscape in Alsace have only appeared shortly after the French Revolution and the Empire. Within the framework of this generalized policy of town and country planning -which was to be actively present for a few decades- the arrondissement (county) architect was the man in charge as he had been given an official status by the prefect. Already at the time of the Ancient Régime Public and Communal Buildings’ Inspectors, who had to report to the intendant, were considered as references in the field of public works. But this was not really successful because of the economic hardship of the 1780s and because of the grievances aired by the recently created provincial institutions.

Die Ausschmückung der elsässischen Gemeinden hatte sich zwar nach der französischen Revolution und der napoleonischen Epoche entwickelt. In dieser riesigen Einrichtungspolitik – die noch während Jahrzehnten dauerte – ist der Kreisarchitekt die Hauptfigur der Bezirksbeamten, die von dem Präfekt unterstützt wird. Aber schon bevor der Revolution gab es im Elsass die Inspektoren der öffentlichen und Gemeinde-Gebäuden, die unter der Verordnungen des provinzialen Intendanten zwischen 1780 und 1787 arbeiteten, aber die leider wegen der wirtschaftlichen Krise keinen befriedigenden Erfolg bekamen.

INDEX

Keywords : Arrondissement architect, county architect, town and country planning Schlüsselwörter : Kreisarchitekt

AUTEUR

FABIEN BAUMANN Doctorant en Histoire. Comité de la Société d’histoire des Quatre Cantons

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Livres et livrets sur les fêtes princières à l’époque du Reichsland Elsass-Lothringen Un outil au service de la (re)germanisation des esprits

Gilles Buscot

La politique de (re)germanisation de l’Alsace-Lorraine par les cérémonies publiques, qui fut systématiquement menée au lendemain du traité de Francfort1 (le 10 mai 1871) – et tout au long des trente-sept années d’existence du Reichsland Elsaß-Lothringen – fait partie des questions restées longtemps peu explorées par les chercheurs allemands et français, ou du moins de celles qui n’ont pas toujours été explicitement thématisées. Les changements de bannière qui devaient encore survenir en l’Alsace-Lorraine, et une mémoire qu’on peut qualifier de douloureuse pour ceux qui ont vécu ces différents revirements historiques sur le sol alsacien ou lorrain peuvent expliquer l’intérêt assez tardif des historiens et civilisationnistes pour la notion même de (re)germanisation en Alsace-Lorraine. La recherche commence à bien combler son retard en la matière, notamment grâce à l’ouvrage récent de Günter Riederer, Feiern im Reichsland2, qui accorde une large place à l’invention d’identités collectives, au sein desquelles la notion de germanité a joué un rôle prépondérant. Dans une précédente communication3, nous avions commencé à explorer la contribution de la presse alsacienne progouvernementale à la germanisation ou la regermanisation des esprits, notamment à travers le prisme des festivités impériales que ces journaux ont relatées par le menu. Nous souhaitons à présent aborder un autre support de la (re)germanisation dans le Reichsland Elsaß-Lothringen : celui des nombreux livres et livrets qui ont paru dans cette « nouvelle » province pour relater et commémorer les célébrations du nouveau pouvoir princier et germanique. Comme si la fête et la presse ne suffisaient pas à marquer les esprits, de nombreux ouvrages ont en effet paru à l’époque pour en prolonger le souvenir, et pour en expliciter l’intention pédagogique. Nous nous proposons tout d’abord de souligner l’étonnante variété de ces ouvrages et des types de discours qu’ils diffusent – variété qui permet, par là même, de recenser les

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différentes fêtes de la (re)germanisation dans le Reichsland. À travers quelques exemples précis, on s’efforcera ensuite de mettre en lumière le mythe d’une continuité historique qui sous-tend fréquemment ces ouvrages. On s’interrogera, pour finir, sur l’apparition progressive, dans l’espace alsacien et lorrain mais aussi en dehors de lui, de textes parallèles, voire concurrents, tendant à remettre en cause le bien-fondé des discours traditionnels de la (re)germanisation.

Un corpus impressionnant et protéiforme

De très nombreux livres et livrets paraissent dans le Reichsland Elsaß-Lothringen, et ce, jusqu’à l’armistice, pour commémorer les festivités princières liées, de près ou de loin, à la personne de l’empereur et à l’appartenance de l’Alsace-Lorraine à l’empire allemand. On peut, à cet égard, distinguer deux grandes catégories de célébrations4 : les « fêtes de la présence », celles où l’empereur se rend lui-même dans la nouvelle province du Reichsland Elsaß-Lothringen, autrement dit les visites officielles, liées souvent au passage en revue des manœuvres militaires ; et les autres cérémonies, cérémonies de l’absence, où l’on célèbre par exemple l’anniversaire du prince, ou tout événement lié à son règne, comme la victoire des troupes allemandes à Sedan. La première remarque générale qui s’impose est que les fêtes de la présence débutent tardivement à Strasbourg. La première visite officielle de Guillaume Ier n’intervient qu’en mai 1877, un an après son premier passage dans la région de Wissembourg. Le caractère tardif de ce séjour peut s’expliquer par la volonté politique impériale de ne pas braquer une opinion locale globalement hostile à l’annexion de l’Alsace-Lorraine au nouvel empire allemand. Dans l’esprit des Alsaciens, la personne même de l’empereur risque en effet d’être directement associée à la défaite des troupes françaises à Sedan. L’effort pédagogique sera donc particulièrement important pour les premières visites officielles, comme en atteste l’imprimé anonyme paru en 1877 à Strasbourg sous le titre : Kaiser Wilhelm in Elsaß-Lothringen5, qui compte non moins de cent pages ! Du fait de son âge avancé, l’empereur Guillaume Ier est plutôt présenté comme un patriarche bienveillant, un pacificateur plus qu’un guerrier, celui qui n’aurait fait que rendre les provinces d’Alsace et de Lorraine à leur patrie légitime, par souci de les protéger du peuple belliqueux des Français, et non par esprit de revanche tardif, plus d’un siècle après la Paix de Westphalie. La publication des comptes rendus prend ici tout son sens. On peut en effet considérer que lors des premières visites, l’empereur est surtout reçu par des fonctionnaires, des militaires et des dignitaires allemands. Si l’on exclut les maires et les personnalités religieuses, il n’est pas exagéré de dire que dans sa grande majorité, la population alsacienne de souche n’aperçoit l’empereur que de loin. De tels ouvrages permettent donc à leurs lecteurs potentiels de vivre par procuration les différentes cérémonies qu’ils n’ont guère pu voir et qui ont marqué le séjour de l’empereur dans des villes telles que Metz et Strasbourg, tout en orientant la lecture dans le sens d’un attachement progressif à la « patrie allemande retrouvée ». Cette volonté de vulgarisation, de popularisation après coup est d’ailleurs explicite, à l’instar du titre d’un des premiers ouvrages parus en Alsace sur la question : Kaiser Wilhelm I., dem Volke erzählt, mit dem Brustbild des Kaisers. Cet ouvrage, qui reprend le compte rendu officiel de la Straßburger Zeitung, explique à la population pourquoi l’empereur ne s’est pas rendu dans la capitale alsacienne lors de son séjour en Alsace de 1876, et

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pourquoi il s’est contenté d’être reçu dans des villes telles que Wissembourg, Soultz et Wörth : Rücksicht und gewissenhafte Schonung der Empfindungen der Bewohner Elsaß- Lothringens, Strassburgs, waren es allein, welche […] Kaiser Wilhelm Jahr um Jahr zögern ließen, seine Schritte nach der Hauptstadt des Landes zu lenken, wo er eines kaiserwürdigen Empfanges immerhin sicher gewesen wäre6. Cette prudence („Rücksicht“) est soulignée un peu plus loin dans l’ouvrage, lorsque l’auteur restitue de mémoire le discours par lequel l’empereur a répondu à l’allocution de Schönlaub, maire de Wissembourg. Le changement de bannière est pudiquement qualifié de « circonstances nouvelles » („neue Verhältnisse“), et la nécessité de laisser le temps au temps est mise en avant : Ich freue mich, Sie hier zu sehen. Ich kann mir wohl denken, daß ihnen der Übergang in die neuen Verhältnisse schwer geworden ist. Ich bin auch keiner von denen, die alles in vierundzwanzig Stunden fertig haben wollen. Wir haben Zeit, die natürliche Entwicklung abzuwarten7. Cette volonté de décrispation est encore présente dans le ton du récit, lorsque l’auteur rend hommage à l’humour des Alsaciens, n’hésitant pas à restituer la harangue d’un vendeur ambulant présent à proximité du champ d’exercice d’Oberseebach, où ont eu lieu les manœuvres de la cavalerie : Auch einige fliegende Wirthschaften waren im Geistershof und nah dem Gefechtsfelde etablirt, wobei uns ein wandernder Eßwaarenhändler, Elsässer, mit folgender oft wiederholter Anpreisung seiner Artikel überraschte : „Wurst, Brod, Chambon-Schinke/ Und ein Gläsle Wei zum trinke“8. On le voit, il s’agit donc dans l’esprit des auteurs – qui, la plupart du temps, sont des enseignants d’origine allemande, tout dévoués à la cause impériale – de donner l’impression d’une réelle sympathie, ou tout au moins d’un rapport de familiarité qui s’instaurerait rapidement entre le peuple alsacien de souche et son nouvel empereur. La plupart des titres sont éloquents à cet égard : „dem Volke erzählt“, Kaiserbüchlein, Unser Kaiserhaus, Kaiser Friedrich der Liebling des Volkes und Kaiser Wilhelm II, dem Volke und seinen Kindern gewidmet9… On va même jusqu’à dédier à l’empereur des vers en dialecte alsacien, et à reconnaître ainsi une spécificité régionale alsacienne, dont la population saura du reste se réclamer à compter des années quatre-vingt-dix - mais pour exiger une véritable autonomie politique au sein du Reich ! En tout état de cause, on s’efforce, dans ces livres et livrets, de ne pas critiquer directement la France, mais on suggère volontiers que la nouvelle appartenance au Reich allemand est synonyme de progrès pour l’Alsace et la Lorraine, à l’image de cette poésie de l’Alsacien Gustav Mühl, censée incarner la reconnaissance des habitants de Mundolsheim qui ont obtenu l’aménagement d’une gare dans leur commune : Vor lange Johre schun, noch unter de Franzose, Henn mer d’Station begehrt, bi Kleine unn bi Große, Unn do hett’s ge’heiße stets: Ihr litt es kann nitt g’schehen, Allez à Vendenheim, der Mäij isch gar zue scheen. [...] Drum danke mier au jeß so reschd vun ganzem Herze Unn welle ganz getroschd d’vergange Zitt verschmerze10. Parallèlement à ces livres et livrets censés immortaliser les séjours successifs de l’empereur, paraissent également des ouvrages qui se réfèrent au deuxième grand type de célébration princière, celui des célébrations de l’absence. Parmi celles-ci, on compte les célébrations mortuaires, comme celles de l’année 1888 qui voit successivement

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disparaître le Kronprinz Frédéric III, puis son père, le vieil empereur Guillaume Ier. Un livret paraît dès l’année 1888, adressé au peuple alsacien, pour honorer à la fois le souvenir de Frédéric III et exhorter les Alsaciens à louer leur nouvel empereur Guillaume II et à accepter leur identité germanique: Du, liebes Elsässer Volk, du hast ihn gesehen, du hast mit ihm gesprochen, es war dir vergönnt, die Hand des edelsten/der Menschen zu berühren! O, bewahre ihm ein treues Andenken! Lerne von dem hohen Dulder ohne Murren und mit Ergebung alles zu tragen, was Gott dir zuschickt! 11 L’effort pédagogique vise surtout à souligner une continuité historique, et ce, à un double titre : les visites de Guillaume Ier et du Kronprinz en Alsace-Lorraine auront fait date, et elles constitueront toujours un point de référence lors des futurs et nombreux séjours de Guillaume II dans la province du Reichsland ; et surtout, on s’efforcera de remettre ces festivités princières en perspective avec le passé germanique plus lointain, suggérant ainsi que la « parenthèse » française n’a guère compté.

Mise en scène de la « continuité historique » germanique

Ainsi, par le simple fait de leur présence en Alsace, les nouveaux empereurs allemands semblent s’inscrire dans une tradition séculaire d’entrées princières germaniques. On voit, à cet égard, fleurir des ouvrages historiques sur les visites princières allemandes dans les villes d’Alsace, ouvrages qui suggèrent une continuité historique germanique et minimisent la période française, ou la présentent comme un accident de l’histoire. Le livret Kaiser-Wilhelm in Elsaß-Lothringen, que nous avons précédemment évoqué, se terminait déjà, à la dernière page, par l’évocation du passage d’anciens empereurs germaniques à Strasbourg (sous la rubrique „Deutsche Kaiser in Straßburg“). Il relatait, en l’occurrence, une anecdote plaisante liée au séjour de l’empereur Sigismond en 1414 : celui-ci aurait oublié ses chaussures en se rendant à un bal, escorté par des patriciennes strasbourgeoises ; ces dernières lui auraient donc acheté une nouvelle paire de chaussures en chemin, et pour les remercier, l’empereur leur aurait fait offrir cent cinquante anneaux d’or12. La volonté est palpable, ici, de toucher l’imaginaire de lecteurs populaires, et non de véritables érudits de l’histoire allemande. L’année suivante, en 1878, paraît à Leipzig un ouvrage spécifiquement consacré aux entrées solennelles de rois et d’empereurs allemands dans la ville de Colmar. Il est écrit par Karl Albrecht, enseignant au lycée impérial de Colmar et s’intitule : Besuche deutscher Könige und Kaiser in Colmar. Festrede zur Feier des Geburtstages Sr. Majestät des Kaisers Wilhelm, gehalten in der Aula des kaiserlichen Lyceum zu Colmar13. Karl Albrecht commence par évoquer le séjour par lequel Guillaume Ier a « honoré et réjoui14 » l’Alsace un an avant cette fête-anniversaire, puis il met immédiatement cette visite en perspective avec les nombreuses entrées princières germaniques du Moyen Age et de la Renaissance, qui eurent lieu à Colmar depuis celles de Charles le Gros (en 884), de Barberousse (en 1153, 1156 et 1186), jusqu’à celle de Ferdinand Ier en 1562. Il évoque ensuite la « violente séparation du Reich15 », et cite un extrait du poème Strassburger Tanne, dont le narrateur est censé être un sapin qui a souffert du rattachement au Royaume de France. Au moment d’être abattu pour servir à la construction d’une préfecture française en Alsace, le vieux sapin prophétise à ses jeunes congénères le retour escompté de l’Alsace à la patrie allemande :

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Und also prophezei’ich, Wie fern die Zeit mag sein: Einst einer von euch allen, Wenn er so altergrau Wird, wie ich falle, fallen, Gibt Stoff zu andern Bau. Da wohnen wird und wachen Ein Fürst auf deutscher Flur. Dann wird mein Holz noch krachen Im Bau der Präfectur.16 Et Karl Albrecht de faire naturellement le lien entre cette prophétie et les deux séjours récents que le nouvel empereur a déjà effectué en Alsace-Lorraine, s’inscrivant dans une continuité historique retrouvée; puis de citer un extrait du discours de Guillaume Ier devant le premier Reichstag du 15 juin 1871, dans lequel l’empereur a souligné que la création de la nouvelle entité du Reichsland Elsass-Lothringen au sein du nouvel empire ne répondait pas à un souci d’invasion militaire, mais à celui de préserver la paix au sein du Reich17. Un autre ouvrage historique sur la présence d’empereurs et de rois germaniques à Strasbourg paraît en 1889, à la Universitäts-Buchhandlung de Strasbourg : Deutsche Kaiser und Könige in Strassburg. Blätter aus der Geschichte der Westmark des Reichs, de Hermann Ludwig von Jan18. Il s’agit d’un bel ouvrage de prestige, richement illustré, qui a reçu l’appui officiel du gouvernement impérial d’Alsace-Lorraine (Kaiserliche Landesregierung von Elsass-Lothringen). Tous les séjours des rois et empereurs germaniques à Strasbourg y sont relatés par le menu, y compris celui de Joseph II en 1777, durant la période française de Strasbourg (alors que Hermann Ludwig von Jan n’évoque aucunement l’entrée solennelle de sa sœur Marie-Antoinette, sept ans plus tôt, en sa qualité de future Reine de France ; et encore moins, bien sûr, celle de Louis XV, en 1744 !). Tout se passe donc comme si ces différentes entrées solennelles germaniques dessinaient un fil historique continu, y compris durant l’intermède français de 1648 à 1770. La parenthèse française se trouve ainsi presque niée, et Hermann Ludwig von Jan insiste au contraire sur le fait que la langue allemande s’est toujours maintenue à Strasbourg. Très habilement, il cite même un Français, l’abbé Saint-Marc Girardin, qui, quelques décennies à peine avant la bataille de Sedan, constatait encore l’attachement persistant de l’Alsace à l’Allemagne : Depuis cent cinquante ans l’Alsace persiste dans son attachement à la langue et au caractère de l’Allemagne. J’aime et j’admire, quant à moi, cette nationalité morale qui survit à la nationalité politique19. Hermann Ludwig von Jan cite encore une lettre de l’Alsacien Ludwig Schneegans, dans laquelle celui-ci, « sans sous-estimer le génie français »20, estimait qu’« une formation allemande du cœur et de l’esprit serait préférable pour un Alsacien »21. Dans le même esprit de prudence vis-à-vis de la culture française, von Jan cite encore les paroles de Stoeber, qui, dans la revue Erwinia de 1838, critiquait les Alsaciens lorsqu’ils cherchaient à singer les Français22, estimant que ce qui est charmant et appréciable chez les Français de souche devient caricature chez leurs imitateurs alsaciens23. Le dernier chapitre de l’ouvrage de Ludwig von Jan peut ainsi s’achever sur l’image transfigurée qu’offre Strasbourg depuis qu’elle a acquis le statut de capitale du Reichsland. L’auteur reconnaît certes quelques mérites aux architectes français, il concède que les Français ont déployé des efforts louables24 pour prévenir l’engorgement de la cité médiévale, mais il insiste bien davantage sur les grands

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changements survenus depuis 1871. Ces nouveaux chantiers répondent, selon lui, aux défis dictés par les impératifs militaires et sanitaires de la nouvelle ère qui commence, et par la nécessité de conférer à la ville un nouveau prestige lié à sa dimension de capitale. Relatant dans le détail les différents séjours de Guillaume Ier à Strasbourg, Ludwig von Jan décrit précisément, photographie et plan à l’appui, le nouveau palais impérial (die Neue Kaiserpfalz), l’actuel Palais du Rhin, que Guillaume Ier n’avait pu voir terminé en 1886. Il suggère ainsi l’idée que cette nouvelle résidence impériale marque l’apogée de la vocation de Strasbourg à recevoir des princes allemands, et qu’elle scelle définitivement son appartenance à l’Allemagne : Möge sich mit der thatsächlichen Verwirklichung dieser Voraussage allezeit der Spruch bewähren, der den bei der feierlichen Einfügung des ersten Quadersteins in die Strassburger Kaiserpfalz benutzten Hammer schmückte: Schirm’, Herr, den Bau mit starker Hand Des Kaisers Haus im deutschen Land25! On retrouve encore cette mise en scène d’une continuité historique dans un ouvrage lié aux célébrations impériales, mais dont le texte appartient, cette fois, au genre théâtral. Pour célébrer le 100e anniversaire de la naissance du l’Empereur Guillaume Ier, une petite pièce en trois tableaux est éditée en 1897 à Strasbourg sous le titre Deutschlands Einiger, ein Festspiel zum 100 jährigen Geburtstage weiland des Kaisers Wilhelm des Großen26. Comme dans le texte de Karl Albrecht, on retrouve la figure mythique de Barberousse, ou plutôt celle de son spectre. Celui-ci est présenté au début du premier tableau, sortant d’un long sommeil, et les indications scéniques précisent que sa longue barbe rousse présente des reflets dorés grâce à l’éclairage électrique27– l’électricité qui, rappelons-le, sert aussi aux illuminations nocturnes lors des visites princières et qui fait désormais partie des avancées techniques qu’on est fier de mentionner à la fin du XIXe siècle ! Entouré de ses mannes et de ses chevaliers, Barberousse se réveille de temps à autres au cours de l’histoire, et suit avec attention le destin de l’Alsace. Lors de son précédent réveil, il avait constaté avec consternation que l’Alsace-Lorraine était tombée aux mains ennemies : Rothbart Noch hebt in meinem Innern der Groll mir zitternd nach. „Entrissen hat der Franzmann das Elsaß uns, o Schmach!“ Das war beim letzten Erwachen vor grade hundert Jahr28. Mais Barberousse est pris, cette fois, d’une vision d’espoir pour la résurrection de l’empire allemand, et celle-ci va être confirmée par l’apparition sur scène d’un tableau de Guillaume Ier. Barberousse va donc pouvoir enfin reposer en paix : Rothbart (prophetisch) In nebelgrauer Ferne seh ich ein Reich entsteh’n, Deß’ Glanz die Welt verdunkelt, das nimmer wird vergeh’n (Ein Vorhang im Hintergrunde öffnet sich und durch elektrische Scheinwerfer verschönt zeigt sich ein Bild Kaiser Wilhelms I. Die Ritter heben die Hände und treten zum Heilrufe näher) Rothbart (auf das Bild weisend) Der König hat’s geschaffen, nun kann in Gott ich ruh’n, Dich grüß’ ich Deutschlands Ein’ger! Preis deutschem Heldenthum! (Der Vorhang fällt langsam)29. Le deuxième tableau se déroule à l’aube, dans un décor de campagne situé aux portes de Paris, le 18 janvier 1871. Les indications scéniques nous indiquent qu’on entend des coups de canon qui vont marquer la victoire allemande. Des soldats en uniforme discutent entre eux. Ils viennent de Prusse, de Bavière, du Wurtemberg, de Saxe, du

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Pays de Bade, et ils louent leurs princes respectifs et aussi les personnalités politiques et militaires allemandes qui conduisent l’Allemagne à la victoire et à l’unification : Roon, von Molkte et Bismark. À la fin du deuxième tableau, ils entonnent tous en chœur l’hymne allemand : Deutschland über alles30. La symbolique de l’unification ne saurait donc être plus claire, mais il lui reste encore à être rattachée visiblement au décor alsacien. Ce sera l’objet du troisième tableau situé explicitement à la terrasse d’une auberge strasbourgeoise31. Pour qu’on puisse identifier avec certitude le décor, un aubergiste, Sprudel, déclame quelques vers très stéréotypés en alsacien. Le but est toujours de donner une image enjouée et populaire des Alsaciens de souche, bons vivants, heureux, parfaitement intégrés au sein de l’Empire Allemand : Sprudel Salut, die herre, Salut, ein schöner Tag ist hitt, Die Eugenie isch wirkli verkraft die ganzi Zitt E Schöppel Win soll’s were, e Brettstell au d’rzue M’ packe’s glich, ihr herre. Puis les trois tableaux vont se fondre en un tableau vivant final, puisque Barberousse apparaît à droite, muni de la couronne impériale, escorté de ses chevaliers et ses mannes; tandis qu’à gauche les soldats du deuxième tableau acclament Guillaume Ier. Un rideau supplémentaire s’ouvre, laissant apparaître le buste central de Guillaume Ier. Parallèlement au couronnement de l’empereur par Barberousse, deux jeunes filles, Bärbel et Margarethe, symbolisant respectivement l’Alsace et la Lorraine, se placent de chaque côté du buste, munies de palmes symbolisant la paix32. On pourrait encore multiplier à l’envi ce genre d’exemples de mythification de l’empereur Guillaume Ier Dans ses mémoires d’un fonctionnaire prussien, Ernst von Ernsthausen ne prétendait-il pas qu’au cours de son premier séjour à Strasbourg, en 1877, l’empereur avait impressionné la population strasbourgeoise par l’image d’éternelle jeunesse qui émanait de lui malgré son grand âge, et le transfigurait presque en une icône : Im Stadthaus fand zu Ehren der hohen Gäste ein großer Ball statt, dem auch viele Elsässer beiwohnten. Sie waren ganz erstaunt über die Rüstigkeit und die geistige Frische des Kaisers, der sich den ganzen Abend nicht setzte, und eine Menge der Anwesenden in seine Unterhaltung zog. Sie meinten, ein solcher Mann könne 100 Jahre alt (un centenaire) werden. Es ist bekannt, wie der Kaiser beim Besuche der neu erbauten Festungswerke vom Volke begrüßt wurde; die jungen Elsäßerinnen drängten sich in seiner Nähe, um seinen Mantel zu berühren. Man konnte für einen Augenblick glauben, der alte Zauber des deutschen Kaisertums sei wieder erwacht und was dazwischen lag, vollständig weggewischt33. Il est bien sûr quasi-impossible de démêler ici la part de projection du narrateur et la réalité, la simple superstition et ce qui serait une réelle sympathie pour le vieux patriarche allemand… On peut, en revanche, comparer ces ouvrages voués au culte de la (re)germanisation à d’autres sources qui ne vont pas dans le même sens. La question est précisément de savoir si, au tournant du siècle et à l’approche de la première guerre mondiale, on ne note pas une évolution des discours sur la (re)germanisation du Reichsland ; si, en d’autres termes, les ouvrages que nous avons répertoriés ne sont pas remis en cause par d’autres approches de la notion de germanité.

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L’évolution et la relativisation des discours officiels sur la (re)germanisation

La première évolution que l’on peut noter n’est pas étrangère à la personne même du prince: le nouvel empereur, Guillaume II, étant le petit fils du fondateur de l’empire allemand, il n’est plus nécessaire, comme pour son grand père, de corriger auprès de la population alsacienne l’image potentiellement négative du vainqueur de Sedan. De plus, comme Guillaume II se rend presque chaque année en Alsace pour assister aux manœuvres militaires qu’il affectionne particulièrement, sa venue n’y revêt plus un caractère exceptionnel, sauf lorsqu’il s’agit d’inaugurer des bâtiments de prestige34. Tout ceci tendrait à expliquer pourquoi on trouve apparemment moins d’ouvrages liés aux séjours très fréquents de Guillaume II dans le Reichsland que pour ceux de son aïeul. C’est désormais de plus en plus la presse qui rendra compte des visites impériales. Les ouvrages dont nous avons pu trouver la trace continuent à commémorer les grandes dates liées à la personne du premier empereur, et même quand on célèbre Guillaume II, c’est toujours pour le présenter comme le petit-fils de son grand-père, fondateur de l’empire allemand. Cette remarque vaut à la fois pour les séjours annuels de Guillaume II, et aussi pour la célébration de son anniversaire. Un ouvrage paru à Saverne en 1904 s’avère, de ce point de vue, particulièrement révélateur de la propagande germanique et impériale que l’on continue d’exercer de façon quasi-routinière sur les jeunes esprits. Intitulé Kaisersgeburtstagsfeier in den Volksschulen35, ce livre établit le lien entre fêtes de la présence et cérémonies de l’absence, puisqu’il commence par relater un séjour de Guillaume II à Strasbourg, en 1893, pour suggérer que le prince est toujours présent dans les esprits au moment où les écoles célèbrent son anniversaire36. Dans les pages qui suivent, l’empereur est présenté comme un prince égalant son grand-père, bon chrétien37, prince miséricordieux envers les sujets les plus nécessiteux38, père de famille comblé39, bon élève lorsqu’il était jeune40, autant d’archétypes qui ne peuvent que faire sourire lorsqu’on connaît la personnalité problématique de Guillaume II41 … Suit alors le texte des discours, des prières qui doivent être prononcées en ce jour de fête, et celui de saynètes théâtrales à la louange de Dieu et de l’Empereur. On trouverait évidemment des textes équivalents dans les autres Länder du Reich, et l’on serait tenté de dire ici que le culte impérial, chrétien et germanique devient progressivement le même en Alsace-Lorraine que dans les vieilles provinces de l’empire. Mais il serait faux d’en déduire que l’évolution se fait uniquement dans le sens d’une simple normalisation des rituels princiers et germaniques dans le Reichsland. On sait que Guillaume II avait le sens de la mise en scène et un rapport particulier à l’Alsace-Lorraine. Par rapport à son grand-père, l’un des traits d’originalité de sa politique de représentation est d’avoir choisi de privilégier en Alsace des sites qu’on pourrait qualifier de « naturels », tels que le col de la Schlucht ou le Haut-Koenigsbourg qu’il a fait restaurer à grands frais, pour y proclamer notamment l’abolition du paragraphe 10 de la loi du 30 décembre 187142, paragraphe dit de la dictature, qui plaçait jusque-là le Reichsland sous la tutelle de Berlin. On peut parler ici d’une continuité symbolique entre un lieu censé illustrer la pérennité de l’âme allemande, et l’abolition dudit paragraphe qui constaterait la maturité du peuple alsacien et lorrain, et sa fidélité à l’empire après une période d’essai. Dans une affiche qu’il fait apposer en 190243, et qui reprend le décret proclamé depuis le Haut-Koenigsbourg, Guillaume II

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estime que les Alsaciens-Lorrains ont suffisamment témoigné de leur fidélité à l’empire44, et que les différentes célébrations en Alsace lui auraient apporté la preuve irréfutable de leur loyauté45. Autrement dit, les festivités princières auraient rempli leur mission : elles auraient pleinement contribué à rapprocher le prince de ses sujets, et la période de convalescence, de (re)germanisation de l’Alsace-Lorraine se terminerait sur un constat de plein succès. Pourtant, parallèlement à cette rhétorique officielle, on voit progressivement émerger en Alsace-Lorraine des discours concurrents, et de nature bien différente, sur la notion de germanité ou de (re)germanisation. Ainsi, le Justizrat Heinrich Ruland, membre de la première chambre du Landtag d’Alsace-Lorraine, fait paraître à Colmar, en 1909, un ouvrage au titre éloquent : Deutschtum und Franzosentum in Elsaß-Lothringen. Eine Kulturfrage46. En tant que conseiller allemand vivant et travaillant en Alsace, Ruland ne remet nullement en cause son attachement à l’empire d’Allemagne. Mais à la différence des ouvrages précédemment cités, son livre pose ouvertement la question du bien- fondé de la politique de (re)germanisation telle qu’elle a été menée dans le Reichsland et Ruland ne cherche pas à nier un mouvement concurrent qui est celui de la perpétuation d’une identité française en Alsace. Il estime que la germanisation a été parfois menée de façon maladroite auprès des Alsaciens-Lorrains, et met en garde contre la fragilité de leur adhésion à l’empire allemand. Cinq années plus tard, Ruland fait paraître un deuxième ouvrage sur la question, intitulé Elsaß-Lothringen und das Deutschtum. Ein offenes Wort 47. Ce deuxième ouvrage paraît à Berlin, chez l’éditeur officiel du pouvoir impérial, et atteste d’une vraie remise en cause de la (re)germanisation telle qu’elle a été mise en œuvre dans le Reichsland. Après le soulèvement de Saverne et à quelques mois de la première guerre mondiale, Ruland tire, en quelques sorte, la sonnette d’alarme en nous restituant le discours qu’il a prononcé devant la première chambre du Landtag d’Alsace-Lorraine, le 18 mars 1914. Il estime notamment qu’on a appliqué à la nouvelle province les modalités de ce qu’il qualifie de « fausse germanisation » : Falsche Germanisation Statt uns zu sagen, daß die Abkömmlinge der Alemannen, Franken, Kelten im Laufe von 200 Jahren mit dem gallischen Stamme auch national und innerlich sich vereinigt hatten, wenn sie auch ihre Muttersprache beibehalten hatten, sind wir von dem Irrtum ausgegangen, daß diese Stämme innerlich unsere nationale Entwicklung mitgemacht hätten! [...] Wir haben „Germanisation“ getrieben! Mit kleinlichen Mitteln, mit Gesinnungsschnüffelei und polizeilichen Schikanen läßt ein freidenkendes Volk sich nicht erobern48. Il ajoute plus loin que cette fausse germanisation a plutôt eu les effets inverses de ceux que l’on escomptait, et le changement de ton est saisissant par rapport aux discours précédemment cités, qui soulignaient pourtant déjà la nécessité de ne pas brusquer les choses : Von „Germanisation“ will keiner von uns mehr etwas wissen [...]. Heute haben wir einsehen gelernt, daß ein politisch und kulturell hochentwickeltes Volk nicht seine nationale Gesinnung wechselt wie die Wäsche! Heute wollen wir dem inneren Entwicklungsgange, der 200 Jahre lang noch Frankreich geführt, volle Zeit lassen, haltzumachen, sich zu besinnen und in treuer Erinnerung an die Wohltaten des verlorenen Vaterlandes, ein neues Vaterland zu finden. Dabei sollen wir uns sagen, daß nicht alles, was wir als nationale Deutsche für das Beste ansehen, auch das Beste ist49.

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Cette idée rejoint, sur ce point précis, celle qu’expriment les Alsaciens autonomistes ou critiques vis-à-vis de la domination allemande. Ainsi, dans un ouvrage qu’il dédie dès 1877 au chancelier Bismarck50, Charles Grad, député alsacien au Reichstag, estime lui aussi que la (re)germanisation de l’Alsace s’effectue de façon trop violente, notamment dans le domaine scolaire où les parents se sont vus privés de tout droit de regard : Les mesures prises pour la réforme ou la transformation de l’enseignement populaire en Alsace, avant la reddition de Strasbourg, montrent que dès lors la conquête du pays était un fait établi. Dès cette époque les ordonnances officielles statuent sur les mesures à prendre pour « l’éducation nationale du peuple » au point de vue de l’unité allemande. Le gouvernement s’attribue à cette fin la faculté exclusive d’instruire la jeunesse alsacienne, en dehors du concours des familles ou des communes. Communes et familles doivent se borner à subvenir aux frais d’instruction, sans intervention possible, pour le plan d’études, ni dans la surveillance des écoles. Nous sommes contraints de livrer nos enfants à l’administration scolaire […]51. L’un des plus célèbres pourfendeurs alsaciens de la (re)germanisation et du pangermanisme sera bien sûr Jean-Jacques Waltz, alias Hansi, qui collaborera entre autres à La Revue alsacienne illustrée, créée en 1899 par le peintre Charles Spindler, et au journal du mulhousien Zislin, Dur’s Elsass. Les fameux Vogesenbilder, ensemble de dix planches tirées par l’association Hazweis, présentent les touristes allemands qui se rendent dans les Vosges sous un angle ridicule, et la deuxième série, intitulée Hohkönigsburg im Wasgenwald und Ihre Einweihung est publiée en 1908 par Bahy52. Il s’agit d’une raillerie sur l’inauguration du Haut-Koenigsbourg et sa mise en scène médiévale, voulue explicitement par Guillaume II, qui ont eu lieu sous une pluie battante Le personnage du professeur Knatschke, Prof. Dr. Knatschke, qui commente la visite, représente, à cet égard, une véritable caricature de l’intellectuel pan-germaniste. Dans les années qui précèdent la première guerre mondiale, on voit donc se radicaliser deux fronts : celui d’une presse pangermaniste qui durcit le ton vis-à-vis des autonomistes alsaciens ; et celui d’une propagande anti-allemande autour de figures telles que l’abbé Wetterlé, directeur du Nouvelliste d’Alsace-Lorraine, et de deux autres députés du Reichstag : Jacques Preiss et Daniel Blumenthal. Dès lors, les livres et livrets sur les fêtes impériales que nous avons passés en revue, et l’angélisme de leur discours sur l’adhésion de toute la population alsacienne à la patrie germanique retrouvée ne peuvent plus guère faire illusion !

Conclusion

Parmi les livres qui paraissent dans l’espace à l’époque du Reichsland, nous avons pu, en définitive, constater l’existence d’ouvrages nombreux et variés relatant ou commémorant les fêtes impériales qui se sont déroulées sur le sol alsacien et lorrain. La pédagogie de la (re)germanisation qui sous-tend de tels ouvrages s’articule le plus souvent sur la mise en scène d’une continuité historique allemande, et d’une mise en perspective des fêtes les plus récentes avec d’anciennes célébrations du Saint Empire Romain Germanique. Ces ouvrages visent un public populaire qui peut avoir l’impression de prendre part rétrospectivement et par procuration à des cérémonies qu’il n’a guère pu suivre intégralement. Ce n’est pas un hasard si le peuple alsacien y est montré sous un jour sympathique, débonnaire, tout acquis à la cause germanique,

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même si on lui reconnaît parfois le droit à une période d’adaptation. Mais alors que la propagande officielle, et notamment le discours de Guillaume II prononcé au Haut- Koenigsbourg, semblent conclure à une relation de confiance qui se serait progressivement instaurée entre les Alsaciens-Lorrains et le Reich allemand, on voit paraître d’autres ouvrages, en langue allemande et en langue française, et d’autres supports (tels que les articles de presse et les caricatures) qui vont thématiser la notion même de (re)germanisation, et bien souvent la remettre en cause. Il est vrai que la crise qui couve à l’approche de la première guerre mondiale favorise le réveil de nostalgies françaises. Et au lendemain de l’armistice, on assistera au même phénomène de mise en scène historique que celui qui avait marqué la première moitié de l’existence du Reichsland, mais dans une perspective pédagogique évidemment inversée : la parution d’ouvrages qui prétendent démontrer la continuité de l’histoire française en Alsace53.

NOTES

1. Georges LIVET, Francis RAPP, Histoire de Strasbourg, Toulouse : éditions Privat/Dernières Nouvelles d’Alsace, 1987, p. 355. 2. Günter RIEDERER : Feiern im Reichsland. Politische Symbolik, öffentliche Festkultur und die Erfindung kollektiver Zugehörigkeiten in Elsaß-Lothringen (1871-1918), Trier: Trier Historische Forschungen E.V., 2004. 3. Gilles BUSCOT : « Les cérémonies strasbourgeoises de la (re)germanisation après 1870. La dernière visite de Guillaume Ier à Strasbourg vue par deux journaux alsaciens ». In : Christine Maurer/ Catherine Lebeau (Dir.): Frontières, Itinéraires, Réseaux: Les dynamiques spatiales dans l’aire germanophone au XIXe siècle, Strasbourg : Presses Universitaires de Strasbourg (actes des journées d’études franco-allemandes des 23 et 24 mai 2003. À paraître). 4. Pour une typologie des fêtes princières, on se référera à l’article de Michael Maurer : « Feste und Feiern als historischer Forschungsgegenstand », in : Historische Zeitschrift 253, 1991. 5. Kaiser Wilhelm in Elsaß-Lothringen 1-9. Mai 1877, Straßburg, 1877. 6. Kaiser Wilhelm I. im Elsaß. Dem Volke erzählt. Mit dem Brustbild des Kaisers, Straßburg: Verlag von J. Schneider, 1876, p. 4. 7. Ibid., p. 6. 8. Ibid., p. 13. 9. Johann WESTENHOEFFER, Unser Kaiserhaus / Kaiser Friedrich der Liebling des Volkes und Kaiser Wlhelm II., Dem Volke und seinen Kindern gewidmet, Strassburg: J.H. Ed. Heitz (Heitz und Mündel), 1888. 10. Gustav MÜHL, Seiner Majestät dem Kaiser Wilhelm bei seiner Durchfahrt im Elsaß dankbar gewidmet, Strassburg: Druck von Fischbach, 1879. 11. Johann WESTEHOEFFER, op. cit., p. 18-19. 12. op. cit., p. 99 (cf. note 5). 13. Karl ALBRECHT, Besuche deutscher Könige und Kaiser in Colmar. Festrede zur Feier des Geburtstages Sr. Majestät des Kaisers Wilhelm, gehalten in der Aula des Kaiserlichen Lyceums zu Colmar im Elsass, von Dr. Karl Albrecht, Oberlehrer am Kaiserl. Lyceum zu Colmar, am 22. März 1878, Leipzig: Verlag von H. Haessel, 1878. 14. „geehrt und erfreut“.

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15. „jähe Trennung vom Reich“. 16. Ibid., p. 15-16. 17. Ibid., p. 16. 18. Ludwig Hermann von Jan: Deutsche Kaiser und Könige in Straßburg. Blätter aus der Geschichte der Weltmark des Reichs. Straßburg: C.F. Schmidts Universitätsbuchhandlung Friedrich Büll, 1889. 19. Ibid. Cf. Aussi: Hermann Ludwig von Jan, Nationalité politique et Nationalité morale en Alsace, Leipzig: J.G. Kastner, 1886. 20. „ohne den französischen Genius geringzuschätzen“. 21. „wie deutsche Geistes- und Herzensbildung für den Elsässer das Bessere sei“ Ibid., p. 191. 22. Il les qualifie de Franzosenthumler. 23. „das wurde zur Karikatur, was an den eingeborenen Franzosen liebenswürdig und schätzbar sei“, in : Ibid. p. 192. La citation de Stoeber est extraite de la revue Erwinia, Strasbourg, 1838, Nr. 19. 24. „lobenwerthes“. 25. Ibid. p. 218. 26. KLATTE Alfred, Deutschlands Einiger, ein Festspiel zum 100 jährigen Geburtstage weiland des Kaisers Wilhelm des Großen, In 3 Bildern, Straßburg: Druck von M Dumont Schauberg, 1897. 27. „Der lange rothe Bart leuchtet golden im elektrischen Lichte“, in : Ibid. 28. Ibid., p. 5. 29. Ibid., p .7. 30. Ibid. , p. 10. 31. „ein Wirthsgarten in Strassburg“, in : Ibid. 32. „Friedenspalmen“, Ibid., p. 15. 33. Ernst VON ERNSTHAUSEN, Erinnerungen eines preußischen Beamten, Bielefeld und Leipzig: Verlag von Velhagen und Klasing, 1894, p. 378. 34. Nous partageons, à cet égard, le point de vue de Thomas Zotz, qui estime que l’efficacité de la praesentia regis se nourrit de son contraire, le cas ordinaire de l’absentia regis. Cf. Thomas Zotz, « Die Stadtgesellschaft und ihre Feste », in : Detlef Altenburg, Jörg Jarnut, Hans-Hugo Steinhoff (Dir.), Feste und Feiern im Mittelalter, Sigmaringen, 1991, p. 201. 35. Kaisergeburtstagsfeier in den Volkschulen. Eine Sammlung von Charakterbildern aus dem Leben unseres Kaisers, Reden, Schulfeiern, Gebeten und Gedichten, Zabern i.E., Druck und Verlag der Schulbuchhandlung U. Fuchs, 1904. 36. Ibid., p. 5-6. 37. „Kaiser Wilhelm II. als Christ”, Ibid., p. 6. 38. „Kaiser Wilhelm der Freund der Geringen seines Volkes“, Ibid., p. 8. 39. „Kaiser Wilhelm der glückliche Familienvater“, Ibid., p. 9. 40. „Aus der Schulzeit Kaiser Wilhelms II“, „Kaiser Wilhelm und seine Lehrer“, Ibid., 10-11. 41. Cf. Christian BAECHLER, Guillaume II d’Allemagne, Paris : Arthème Fayard, 2003. 42. François EHRHARD, « Comment le Haut-Koenigsbourg devint la propriété de Guillaume II », dans Revue d’Alsace 124 (1998), p. 187-200. Monique Fuchs, « Guillaume II au château du Haut- Koenigsbourg : le rêve d’une légitimité impériale », dans Annuaire des amis de la bibliothèque humaniste de Sélestat (1999), p. 63-81. 43. Wilhelm, „An meinen Statthalter in Elsaß-Lothringen“, Hohkönigsburg: Strassburg, Elsäss. Druckerei und Verlags-Anstalt, vorm G. Fischbach, 1902. 44. „Reichstreue“, in : Ibid. 45. „loyale Gesinnung“, in : Ibid. 46. Heinrich RULAND, Deutschtum und Franzosentum in Elsaß-Lothringen. Eine Kulturfrage, Colmar, 1909. 47. Heinrich RULAND, Elsaß-Lothringen und das Deutschtum. Ein offenes Wort, Berlin: Verlag von Georg Stilke, Hochbuchhändler Sr. Kaiserl. u. Königl. Hoheit des Kronprinzen, 1914.

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48. Ibid., p. 11. 49. Ibid., p. 12. 50. Charles GRAD, Considérations sur les finances et l’administration de l’Alsace-Lorraine sous le régime allemand, Paris/Strasbourg/Muhlouse, 1877. 51. Ibid., p. 188. 52. Pierre-Marie TYL, « De J.-J. Waltz à Hansi », in : Pierre-Marie Tyl, Marc Ferro, Tomi Ungerer, Georges Klein (Dir.), Le grand livre de l’oncle Hansi, Paris : Herscher, 1982, p. 8-9. 53. Citons entre autres l’ouvrage de Louis BATTIFOL, L’Alsace est française par ses origines, sa race, son passé, Paris, 1919.

RÉSUMÉS

Si les fêtes impériales qui ont lieu dans le Reichsland Elsass-Lothringen constituent un outil au service de la (re)germanisation des esprits, cette remarque vaut tout autant pour les livres, livrets et brochures qui en relatent le contenu et en prolongent le souvenir. Ce type d’ouvrages va fleurir en Alsace et en Lorraine entre 1871 et 1918. Leur stratégie pédagogique est de créer l’impression d’une continuité historique avec des fêtes princières germaniques beaucoup plus anciennes, ce qui revient à minimiser ou à nier la « parenthèse » française qu’ont connu l’Alsace et la Lorraine depuis la Paix de Westphalie.

If the imperial festivities that took place in Reichsland Elsass-Lothringen, were instrumental in the re-Germanization of mentalities, the same can be said for the written accounts found in books, booklets and brochures where the past was made to live on in memory. Such written works came to flourish in Alsace and Lorraine between 1871 and 1918 whose pedagogical purpose was to invent the historical fiction of an unbroken line going back to the German imperial festivities of ancient times. This amounted to minimizing and denying the intervening “interlude” after the Peace of Westphalia when Alsace and Lorraine turned French.

Dienten die kaiserlichen Feierlichkeiten im Reichsland Elsass-Lothringen der (Re)-Germanisierung der Bevölkerung, so gilt dies umso mehr für die Publikationen, die darüber berichteten und die so die Erinnerung an sie bewahren helfen sollten. Solche Publikationen (Bücher, Broschüren und kleine Heftchen) erschienen im Elsass und in Lothringen im Zeitraum zwischen 1871 und 1918 in großer Zahl. Ihre didaktische Strategie war es, eine Kontinuitätslinie zu den deutschen kaiserlichen Festen der Vergangenheit zu ziehen und damit die französische das französische „Zwischenspiel”, also den Zeitraum vom Westfälischen Frieden bis zur Reichsgründung, während dem das Elsass und Lothringen zu Frankreich gehört hatten, zu minimieren oder ganz zu leugnen.

INDEX

Mots-clés : Reichsland Elsass-Lothringen Keywords : Reichsland Elsass-Lothringen

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AUTEUR

GILLES BUSCOT Maître de Conférences. Département d’études allemandes. Université Marc Bloch, Strasbourg

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La métropolisation et la grande vitesse ferroviaire : quels enjeux pour l’Alsace ?

Raymond Woessner

Selon François Heisbourg, la mondialisation produit « un système-monde visqueux », « un monde sans maîtres » où l’hégémonie des Etats est improbable alors que l’anarchie est possible (Heisbourg, 2007). Si la capacité de structuration des territoires par les Etats va en s’amenuisant, le vide relatif qui en résulte est occupé par les villes et plus précisément par les métropoles. Sur la base du libéralisme économique, celles-ci créent un réseau planétaire, parfois dénommé l’archipel mégapolitain mondial (AMM) (Dollfus, 1997). Il s’agit d’un club restreint, dominé par New York, Londres, Tokyo et Paris. Certaines grandes villes françaises essaient de le rejoindre sans être sûres de pouvoir atteindre la taille critique nécessaire, à l’image de Lille, Lyon et Marseille. En Alsace, Strasbourg n’apparaît dans aucune liste concernant l’AMM ou ses variantes. La région se situe dans une catégorie seconde. Elle cherche sa place en Europe. Elle essaie de développer des fonctions de commandement et d’innovation. D’une manière ou d’une autre, elle tente de se connecter sur les portes d’entrée globales. L’objectif de cet article n’est pas d’analyser l’ensemble du processus de la métro- polisation de Strasbourg et de l’Alsace, mais d’examiner comment la région pose la problématique de l’accès à l’AMM par le développement de ses réseaux de transport. L’année 2007 constitue bien entendu un moment exceptionnel puisque le TGV dessert l’Alsace à partir du 10 juin (si l’on excepte le TGV Méditerranée depuis 2004). Le premier fait important concerne la relation de concurrence et de complémentarité entre le mode aérien et la grande vitesse ferroviaire. Lorsque le temps de parcours total est inférieur à 3 heures, il est usuellement admis que le TGV l’emporte sur l’avion. Outre le choix modal, une deuxième interrogation concerne les impacts de la grande vitesse en fonction des échelles territoriales : les logiques diffèrent selon que l’on raisonne à l’échelle du Rhin supérieur, de l’Alsace, de l’agglomération de Strasbourg ou de Mulhouse, enfin du seul quartier de la gare… Mais tout se tient pour faire système : la performance régionale dépend de l’efficacité relative de tous les maillons associés. De

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plus en plus, la SNCF considère que les TER ont une mission double à remplir : la desserte régionale d’une part, l’alimentation des TGV d’autre part. Dans une région aux jeux d’acteurs traditionnellement fragmentés et dépendant des décisions du pouvoir central, l’accession à l’excellence apparaît difficile ; elle dépend d’articulations complexes associant les élus, les administrations déconcentrées, les entreprises, voire même les associations de citoyens (Woessner, 2007).

Fig. 1 : Croquis de repérage, les lieux cités et les réseaux de la grande vitesse

L’échelle monde : quelles portes globales pour l’Alsace ?

L’Alsace et le Pays de Bade apparaissent comme des territoires « en creux », cernés par des métropoles qui leur sont extérieures, comme Paris (2e aéroport d’Europe et 7e au monde), Francfort-sur-le-Main (3e en Europe) et Zurich (15e) qui sont autant de portes d’entrée globales. On compte 443 km entre Strasbourg et Roissy-CDG, 202 km entre Strasbourg et l’aéroport de Francfort. Sur la base des meilleurs temps de parcours, le TGV-Est met la gare centrale de Strasbourg à 2 heures 29 minutes de la gare TGV de Roissy-Charles de Gaulle. Mais faute de ligne à grande vitesse (LGV), l’aéroport de Francfort-sur-le-Main reste à 2 heures 05 et celui de Zurich à 3 heures 10 minutes environ. (Comme il n’y a pas de connexion directe entre Strasbourg et cet aéroport, il faut changer de train soit à Bâle, soit en gare centrale de Zurich). Malgré tout, la plate-forme aéroportuaire allemande reste la plus proche de l’Alsace ; elle bénéficie en outre de 8 trains quotidiens contre 4 trains directs pour Roissy-CDG. Vers 2013, la combinaison du nouveau pont strasbourgeois sur le Rhin et de la mise à grande vitesse de la ligne ferroviaire Francfort-Bâle donnera un avantage supplémentaire à Francfort et à Zurich. En outre, depuis l’absorption récente de la compagnie Swissair par la Lufthansa, ces deux plates-formes sont devenues complémentaires.

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Dès l’entre deux-guerres, Walter Christaller avait déjà évoqué cette hiérarchie avec Francfort et Zurich comme villes primatiales du Rhin moyen-supérieur (Bailly, 1975). Mais les affrontements nationalistes et le nazisme ont détourné les Alsaciens pour longtemps du tropisme exercé par la métropole allemande. A présent, il importe de se préoccuper des relations avec Francfort tout comme de celles avec Zurich, dont l’Alsace peut devenir une sorte d’arrière-pays au même titre qu’avec Paris. Quant à Munich, elle apparaît plus lointaine pour longtemps encore, à 3 heures 40 minutes de Strasbourg, mais son aéroport compte passer à 50 millions de passagers en 2015 ; il sera alors connecté au Hauptbahnhof en dix minutes toutes les dix minutes par train à sustentation magnétique ! Enfin, il faut également se soucier de l’aéroport de Stuttgart, aux destinations seulement euroméditerranéennes, mais dont le trafic aérien pèse cinq fois celui de Strasbourg en 2006 (10 millions de passagers contre 2), et qui va bientôt être relié par le rail en 8 minutes à la gare centrale contre 40 minutes aujourd’hui.

L’échelle Europe et Méditerranée : concurrences aériennes

Les deux aéroports de Strasbourg-Entzheim et de Mulhouse-Bâle (EuroAirport) desservent largement l’Euroméditerranée, mais de manière fort différente. Etonnamment, Strasbourg, la « capitale de l’Europe », dispose d’abord d’un aéroport franco-français ; sur un trafic total de 2 millions de passagers, la première desserte étrangère est Luxembourg avec seulement 44 830 passagers en 2006. En 2007, avec l’arrivée du TGV-Est, l’aéroport subit un coup terrible puisque la moitié de son trafic concerne Paris ! En 2006, Orly a été sa première destination (742 526 passagers) suivie par Roissy-CDG (262 272 passagers), soit plus d’un million de passagers. Les experts s’attendent à une perte de 500 000 à 600 000 passagers par an. Quant à Bâle et Mulhouse, elles ont construit leur aéroport binational à partir de 1946, ce qui constitue aujourd’hui encore un tour de force juridique inégalé dans le monde. Depuis 2000, la superstructure de l’EuroAirport jette ses colonnes en Y vers le ciel ; les 230 millions d’euros investis dans l’extension des infrastructures visaient un flux de 5 millions de passagers, le hub de Crossair (une filiale de Swissair) permettait d’atteindre quotidiennement 62 villes et les prévisions étaient de 8,5 millions de passagers à l’horizon 2020. Mais tout cela a été balayé par la faillite de Swissair en 2002, et l’activité est redescendue au niveau de 1995. Puis l’arrivée des compagnies low cost a sonné l’heure de la reprise avec EasyJet et SkyEurope en 2005, Ryanair et TUIfly en 2007. En 2006, l’EuroAirport a établi un nouveau record avec 4 millions de passagers transportés. Au sein d’une région aussi densément peuplée que le Rhin supérieur, un aménagement rationnel consisterait à concentrer les flux sur un nombre restreint de plates-formes aéroportuaires afin d’économiser l’espace bâti et d’empêcher le saupoudrage des nuisances qu’ils génèrent. Il se passe exactement le contraire entre Karlsruhe et Bâle. Dans les années 1970 déjà, Strasbourg était restée sourde à la proposition de Karlsruhe en vue de la création d’un aéroport commun à Roechswoog. Puis, après la guerre froide, les militaires de l’OTAN ont déserté leurs bases allemandes de Baden-Baden, de Lahr et de Bremgarten. Aujourd’hui, à 60 km de Strasbourg, voici le Baden Airport (Söllingen), propriété commune de l’Aéroport de Stuttgart, de la Ville de Karlsruhe et du Land de Bade-Wurtemberg. Parti de zéro en 1996, il a transporté 835 000 passagers en 2006. Chassée de Strasbourg par un procès, la compagnie low cost Ryanair y est en pleine

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croissance. Une nouvelle aérogare lui donne une capacité de 2 millions de passagers annuels. Au Black Forest Airport de Lahr, la société Flugplatz Lahr appartient au groupe australien Wiggins basé à Londres. Après le refus du Land de Bade-Wurtemberg d’accorder une licence pour les vols de passagers, Roland Mack, à la tête du parc d’attractions Europa-Park (3,9 millions de visiteurs en 2005), a pesé de son influence au sein de l’Union Chrétienne-Démocrate (CDU) qui dirige le Land. Il s’agit d’organiser un pont aérien entre Europa-Park et l’Angleterre. En mai 2006, le Land du Bade- Wurtemberg a finalement accordé son autorisation pour un aéroport qui ne touchera pas de subventions, contrairement au Baden Airport. Déjà, le Black Forest Airport table sur 1,2 million de passagers en 2011. Enfin, à Bremgarten, le parc d’activité apporte de précieuses ressources foncières aux entreprises de la région de Fribourg-en-Brisgau ; et l’aéroport a commencé à développer des vols charters. Tout ceci fait évidemment désordre dans la région de l’Oberrhein qui se flatte par ailleurs des nombreuses réalisations dues à la coopération transfrontalière. Force est de constater que le monde aéroportuaire y est d’abord devenu une sorte de laboratoire du libéralisme économique que la Suisse et l’Allemagne exploitent avec succès.

L’échelle Rhin supérieur : maillons faibles ferroviaires

Au départ de Strasbourg, dans le périmètre de l’espace-temps des trois heures, les TGV- Est (2007) et Rhin-Rhône (2011 pour la branche Est) permettent d’atteindre Paris, Zurich, Ulm, Francfort, Luxembourg, ou encore Amiens. Lorsque la branche Sud du TGV Rhin-Rhône sera construite (à une date inconnue), Lyon rejoindra ce groupe de villes… La dissymétrie favorable à Paris et à l’Est français au détriment de l’Europe centrale devrait s’amoindrir à partir de 2013 avec l’augmentation des performances de la grande vitesse allemande sur la rive droite du Rhin. Dès lors, la question qui se pose pour le Rhin supérieur devient celle de la localisation des nœuds ferroviaires. Concrètement, on observe un problème de géométrie : le TGV français est construit selon une arborescence à partir de Paris alors que dans les régions rhénanes les axes sont connectés entre des villes-carrefours. Etienne Juillard avait remarqué que l’Alsace occupe un emplacement privilégié au croisement des axes Hambourg – Barcelone et Rotterdam – Gênes (Juillard, 1970). Joël Forthoffer a expliqué la position stratégique de l’Alsace dans le Rhin supérieur (Forthoffer, 1997). Mais on sait également qu’un carrefour n’est pas une donnée naturelle. La grande vitesse ferroviaire provoque des effets d’évitement pour les villes mal pourvues. C’est ainsi qu’au lieu d’un aménagement du territoire on peut assister à des déménagements (Troin, 1995). Depuis la gare de l’Est à Paris, la LGV court jusqu’à Baudrecourt en Lorraine. Elle se ramifie vers les villes de l’Est français et du Rhin moyen-supérieur. Il est très facile pour les Parisiens de faire l’aller-retour dans la journée vers une autre ville, et cela est vrai aussi lorsqu’ils prennent l’avion. Mais les choses se passent différemment pour les villes de province qui sont peu ou mal accessibles directement entre elles. Un exemple ? Lorsqu’un étudiant d’histoire-géographie part de Strasbourg pour aller passer l’oral du concours national du Capes à Châlons-en-Champagne, il quitte sa ville à 14 h 37 et arrive à 19 h 43, soit un voyage de 5 h 06 avec deux TER du fait d’une correspondance à Nancy. Un étudiant parisien, lui, dispose d’un TGV direct en 1 h 31. Ou alors, s’il est rusé et fortuné, notre Strasbourgeois ira à Paris en TGV puis reviendra à Châlons grâce à

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deux TGV, le tout en 3 h 02 ! A l’évidence, le TGV permet aux Parisiens, touristes, cadres, chefs d’entreprise ou encore chercheurs, de se rendre plus vite et pour moins cher dans les autres villes que ne peuvent le faire les habitants de ces villes entre eux. Il en résulte deux conséquences majeures. Tout d’abord, l’Ile-de-France dispose ainsi d’un fort avantage concurrentiel. Ses investisseurs peuvent facilement conquérir des marchés dans les villes de province. Déjà présentes de manière écrasante à Paris, les fonctions supérieures vont évidemment continuer à s’y rassembler et à y prospérer. Les fonctions triviales, elles, sont de plus en plus dédiées à la province. Elles abritent des directions-relais qui pilotent en général plusieurs régions et qui encadrent des exécutants éparpillés en fonction des besoins. Ensuite, lors de l’arrivée du TGV-Est, il a beaucoup été question de devenir une banlieue parisienne, avec des résidents qui iraient travailler chaque jour ou occasionnellement à Paris. Ce phénomène est une réalité avérée pour une distance-temps d’une heure vers Paris, comme c’est le cas par exemple pour Lille. Il le sera probablement pour Reims qui veut requalifier une partie de son centre historique en vue d’accueillir une population de cadres. Mais Saverne est à deux heures de Paris et Strasbourg à 2 h 20… Au total, à bien y regarder, c’est d’abord Paris qui va beaucoup profiter du TGV. A moins qu’on ne reconsidère toute cette géométrie. Pour faire un contrepoids face à Paris, il n’y a qu’une seule solution : il faut mettre les villes du Grand Est français et du Rhin moyen-supérieur en réseau. Il aurait même fallu commencer par là avant de se connecter à Paris par la grande vitesse ferroviaire mais c’était impossible à faire. D’une part, la frontière nationale reste un obstacle puissant qui casse les réseaux. D’autre part, suite à une longue histoire jacobine, les villes et les régions françaises dépendent de Paris et ne travaillent pas ensemble. Toutefois, depuis une quinzaine d’années au moins, l’Etat français lui-même pousse à des collaborations interrégionales et transfrontalières mais les résultats sont pour l’instant limités. Et pourtant ! S’il existe en Alsace des usines allemandes ou suisses de fort contenu technologique, c’est bien parce que la distance qui les sépare de leurs centres de direction est très faible. Le risque de délocalisation est alors proche de zéro. C’est pourquoi il faudrait ramener la distance-temps entre les villes du Grand Est et du Rhin moyen-supérieur à une heure ou deux. Avec le TGV Rhin-Rhône intégral, Strasbourg serait seulement à 2 h 10 minutes de Lyon ! Ce qui veut dire que, aujourd’hui, les infrastructures de la grande vitesse sont insuffisantes. Strasbourg pourrait constituer le nœud naturel d’un tel dispositif mais il n’existe pas un seul mètre de LGV en Alsace. Il n’existe que les Déclarations d’Utilité Publique pour une LGV Baudrecourt-Vendenheim depuis 1996 et pour une LGV Genlis (Dijon)-Lutterbach depuis 2002. Et pour l’instant, depuis le 10 juin 2007, les liaisons vers Nancy et Lyon sont moins nombreuses qu’avant. Le Rhin supérieur possède déjà plusieurs nœuds ferroviaires d’importance, au premier rang desquels figurent Francfort, Mannheim et Bâle (Figure 2). Il s’agit par conséquent de développer de nouveaux nœuds en Alsace, à Strasbourg (16 TGV-Est quotidiens avec Paris) comme à Mulhouse (8 TGV-Est quotidiens). La capitale alsacienne promeut l’idée de la « magistrale est-européenne », un axe Paris-Munich (voire Vienne, Budapest et Bratislava ; mais ces villes se situeront toujours au-delà des 3 heures fatidiques). Cette magistrale recouperait un axe méridien Francfort-Lyon où le TGV Rhin-Rhône jouerait un rôle essentiel, notamment avec sa branche Sud. Le pari d’un nœud strasbourgeois sera difficile à tenir : depuis Paris, la branche qui rejoint Francfort, utilisée également

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par l’ICE-3M allemand, passe par Mannheim (avec, à partir de décembre 2007, 5 ICE-3M et 3 TGV quotidiens). Comment pourrait-on convaincre les Allemands de faire un détour par l’Alsace, sinon en minimisant le temps de parcours à travers Strasbourg et en renforçant l’attractivité de la région en termes de services supérieurs et de poids démographique ? En outre, il s’agit non seulement de construire le nouveau pont sur le Rhin, promis pour 2010 et franchissable à 160 km/h, mais également de trouver davantage de vitesse dans la traversée fort longue de l’agglomération strasbourgeoise. Enfin, les Italiens diraient qu’il manque une direttissima Strasbourg-Stuttgart sans devoir faire le détour par Karlsruhe.

Fig. 2 : Les liaisons interrégionales, état des lieux

Quant à Mulhouse, elle pourrait devenir un triple « X », autoroutier, ferroviaire et fluvial à grand gabarit. Le carrefour A35-A36 a développé un transit intraeuropéen de camions sans profit décelable pour la ville. Depuis 1997, le fluvial est dans l’impasse avec l’abandon de la liaison Rhin-Rhône. Le TGV-Est a son terminus à Mulhouse ou bien il continue en direction de Bâle (5 dessertes avec Paris) et de Zurich (3 dessertes). Pour le TGV Rhin-Rhône, Réseau Ferré de France veut construire un shunt pour éviter la ville en venant de Strasbourg ; seules les rames venant de l’ouest et continuant vers Bâle s’arrêteraient à Mulhouse. Face à ce risque d’éviction, le Contrat métropolitain Saône- Rhin signé en 2005 par Dijon, Besançon, Montbéliard, Belfort, Mulhouse et Bâle entend promouvoir un TERGV d’intérêt interrégional1. Enfin, une partie importante se joue entre Mulhouse et Fribourg. Une ligne de fret électrifiée traverse la plaine rhénane ; grâce au Contrat de projets Etat-Région 2007-2013, elle devrait faire circuler 5 à 6 TER par jour. En collaboration avec la SNCF et la DB, la Région y fait circuler des trains le dimanche à titre expérimental. Mais le « X » mulhousien de la grande vitesse ferroviaire serait possible en construisant une LGV. Dans ce cas de figure, la liaison

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Francfort-Lyon imiterait la morphologie du réseau autoroutier, elle pourrait passer par l’Allemagne et non par Strasbourg. La faiblesse des connexions entre l’Alsace et les régions du grand Est français et du Rhin supérieur constitue donc un réel souci. Si l’on voulait faire un contrepoids à l’influence francilienne, il faudrait alors créer un réseau métropolitain interrégional dont les villes seraient accessibles dans la demi-journée. Mais la logique TGV évite précisément les villes intermédiaires au profit de métropoles extérieures. La situation est particulièrement critique en Lorraine où les TGV passent entre Nancy et Metz, avec de rares arrêts dans la gare de Louvigny uniquement connectée à la route… Au total, il existe de nombreux maillons manquants qui plombent la performance interrégionale et, partant, la réalisation d’une métropole du Rhin supérieur. Ainsi, si les menaces d’éviction sont réelles pour l’Alsace, les opportunités le sont tout autant pour la réalisation d’un double carrefour nord et sud qui viendrait conforter la structuration polynucléaire du Rhin supérieur et qui maintiendrait sinon affirmerait la capacité concurrentielle régionale.

L’échelle gare : la question intermodale

Les « effets TGV » ne génèrent pas de phénomènes automatiques de croissance économique (Offner, 1993). Beaucoup de villes réussissent leur croissance sans TGV alors que d’autres, qui disposent d’une gare TGV, se désespèrent d’en voir des retombées tangibles. Les TGV constituent une opportunité, mais il faut que le système local d’acteurs soit à même de la concrétiser, en particulier en s’appuyant sur les gares. Toutes tailles confondues, elles apparaissent comme des points stratégiques de centralité. Dans le cadre d’une métropolisation réussie, elles constituent des pôles intermodaux (TGV, grandes lignes, TER, tram-train, tramway, autocar, autobus, taxi, bicyclette, navibus, rollers et piétons, en attendant de nouvelles inventions). Les villes sont alors comme obsédées par les aspects de la vie pratique, à l’image de l’optimisation des correspondances ou du confort des voyageurs. Elles deviennent également un centre des affaires, avec de nombreuses activités administratives, commerciales et culturelles. Le tout se décline selon une logique fractale, où l’intensité et la complexité des activités croissent avec la taille de l’agglomération, mais où leur présence est toujours affirmée d’une manière ou d’une autre. En France, Lille, Lyon et Marseille ont engagé de grands travaux de requalification autour de leur gare centrale, en général en récupérant des friches ferroviaires ou militaires derrière la gare proprement dite. Des architectes prestigieux ont griffé ces nouveaux quartiers, comme Jean Nouvel, Rem Koolhaas, Zaha Hadid… Dans son programme de requalification, Marseille a même détruit la portion d’autoroute menant au Vieux-Port. Les nouveaux bâtiments d’Euralille, de la Part-Dieu et d’Euroméditerranée permettent la croissance des emplois métropolitains supérieurs, accessibles avec un minimum de ruptures de charge. Des villes plus petites comme Fribourg-en-Brisgau et Bâle sont entrées dans cette logique avec ce type de nouveau quartier gare ; à Stuttgart, il est question de construire une nouvelle gare souterraine. Sur ce plan, tout reste à faire en Alsace – contrairement à la construction des nouveaux parkings, qui ramènent des voitures en pleine ville et qui vont à l’encontre de la logique du développement durable.

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Les gares de banlieue peuvent également devenir des pôles majeurs. A Strasbourg, l’intermodalité se développe à Hoenheim et à Krimmeri. L’architecte Zaha Hadid a créé un remarquable patrimoine urbain pour le XXIe siècle à Hoenheim. Plus en profondeur, les gares TER peuvent constituer des carrefours intermodaux et des points d’ancrage, y compris à l’échelle des villages, à la faveur de la périurbanisation et de la localisation d’activités supérieures dans les campagnes déruralisées. Le Conseil régional l’a bien compris en finançant de nombreuses rénovations et en développant les P+R. Mais les autres acteurs publics ne s’approprient guère la problématique de la création d’un pôle- gare ; ainsi, les Schémas de Cohérence Territoriale (SCOT) restent très discrets sur le sujet. Depuis le 10 juin 2007, les horaires des TER visent à s’articuler avec ceux des TGV. Il en est résulté une nouvelle organisation régionale sur la base de 17 % de TER en plus, d’un nombre à peu près stable de dessertes mais avec une polarisation accentuée au détriment des petites gares2. En effet, une vingtaine de gares de correspondance sont officiellement désignées et répertoriées. Elles doivent permettre d’irriguer le territoire en profondeur et avec efficacité. Logiquement, elles sont les plus nombreuses là où la population est la plus importante, c’est-à-dire autour de la métropole strasbourgeoise. C’est là que se réalise l’essentiel de la croissance économique et démographique de la région. L’augmentation de l’offre vers Offenburg mérite une mention particulière car elle connecte Strasbourg sur la colonne vertébrale rhénane en émergence avec les grands travaux de la ligne à grande vitesse Francfort-Bâle prévue vers 2012. Ainsi, les moyens TER sont davantage mis en œuvre là où se trouve le plus grand potentiel de clientèle, quitte à poser des problèmes aux petites communes ; il faut parfois ressortir la voiture du garage alors que, avant le 10 juin, on pouvait compter sur un train. Il y a là un télescopage entre la logique de l’entreprise de transport et celle de l’aménagement du territoire. En effet, pour lutter contre l’étalement urbain, qui gaspille l’espace et favorise la pollution automobile, les textes réglementaires incitent à urbaniser en priorité les corridors existants de transport en commun. Mais si les trains y passent sans s’arrêter, alors cette politique n’a plus de sens. Et les ménages écologiquement corrects qui ont fondé leur stratégie résidentielle sur le pari d’une desserte fine du territoire sont les dindons de la farce.

Conclusion : des scénarios antinomiques

L’accessibilité de l’Alsace est bonne et elle va en s’améliorant avec le développement des TGV. Mais, face à des voisins de plus en plus puissants et susceptibles de générer des effets d’éviction, la métropolisation exige de jouer la carte de l’excellence. Afin de mieux cerner les enjeux de la connexité par la grande vitesse, deux scénarios contradictoires méritent d’être exposés. Le scénario de la connexité optimale (Figure 3) présente Strasbourg comme un carrefour TGV complet, avec six axes LGV, selon une logique christallérienne de place centrale (Bailly, 1975). Ces axes se connecteraient directement sur les portes d’entrée aéroportuaires de Paris, Bruxelles, Francfort, Munich, Zurich et Lyon. A son tour, chacune de ces six villes fonctionnerait comme un carrefour arborescent qui rabattrait les flux sur un axe LGV conduisant à Strasbourg. Dans le détail, Strasbourg utiliserait les deux rives du Rhin, avec un axe français vers Lyon via Mulhouse et un axe allemand vers Zurich et Milan via Fribourg-en-Brisgau. Des maillons faibles comme la branche

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Sud du TGV Rhin-Rhône ou comme la liaison Stuttgart-Munich seraient alors améliorés. Logiquement, au lieu d’assister à la pulvérisation du trafic aérien sur plusieurs pôles, une seule plate-forme connectée à la grande vitesse ferroviaire serait leader, probablement quelque part au nord de Strasbourg...

Fig. 3 : La connexité optimale

Le scénario de l’éviction (Figure 4) reprend le constat de Jean Varlet à propos de l’émergence d’un anneau métropolisé européen, où Paris, Amsterdam, Cologne, Francfort, Zurich, Genève et Lyon apparaissent comme les championnes de la connexité (Varlet, 1992). Par rapport à cet anneau, l’Alsace se situerait en position de frange mais elle ne parviendrait pas à s’intégrer à cet univers pour de multiples raisons. Le trafic s’écoulerait principalement sur la rive allemande du Rhin. Les maillons manquants resteraient trop nombreux, les fonctions métropolitaines manqueraient de force ou de lisibilité alors qu’ailleurs elles se renforceraient avec de grands projets urbains et régionaux, les TGV-Est et Rhin-Rhône ne feraient que renforcer la logique jacobine alors qu’ailleurs des réseaux urbains polynucléaires seraient les moteurs de la croissance régionale…

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Fig. 4 : Le scénario de l’éviction

Aucun de deux scénarios ne se réalisera vraiment. Mais en fonction des décisions prises, la balance penchera vers l’un ou vers l’autre. On constate que, quelle que soit l’échelle prise en compte, les incomplétudes des réseaux physiques de la grande vitesse témoignent de la faiblesse des jeux des acteurs en Alsace. Dans la gestion de ce territoire, il s’agit de développer une culture nouvelle où tout projet exige le partage et l’appropriation d’un territoire par des groupes divers aux intérêts parfois contradictoires. En particulier, trois groupes de problèmes mériteraient d’être examinés de près : • La dissymétrie entre la France et le Rhin supérieur apparaît contre-productive. Le rapprochement avec Paris est considéré comme la priorité absolue alors qu’il y aurait tant à gagner et à faire en créant une communauté des villes du Rhin supérieur. • Un réseau vaut par son maillon le plus faible. Or, le TER court à la saturation : entre 1997 et 2006, le nombre de voyageurs a augmenté de 85 % selon la Région. Pour les TGV, de nombreux maillons manquants, en Alsace même comme au-delà de ses frontières régionales ou nationales, plombent les performances d’ensemble du système naissant de la grande vitesse. • Les faiblesses de l’intermodalité constituent un souci majeur. Il s’agit de pouvoir convaincre les entreprises de transport d’en surmonter les obstacles alors qu’elles réalisent leurs activités dans un mode donné. De même, les comportements des acteurs publics posent problème ; compétents pour des territoires de taille différente, ils restent souvent réticents à partager leur souveraineté. Au total, du fait de la persistance de la frontière nationale, l’Alsace apparaît comme un espace interface confronté à deux logiques territoriales différentes. L’enjeu régional consisterait à articuler un système national polarisé par l’Ile-de-France avec un système rhénan multipolaire, tout en ne pouvant compter que sur des ressources

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institutionnelles (la Région et les villes) aux capacités d’action limitées par le cadre réglementaire français. Apparus en rafale (Strasbourg-Ortenau en 2005, Mulhouse – Colmar-Fribourg en 2006, agglomération de Bâle en 2007), les eurodistricts et la Métropole Rhin-Rhône ne pourraient-ils pas servir de levier pour l’action dès à présent ?

BIBLIOGRAPHIE

Données chiffrées : Aéroports, DB, Géoportail, Région Alsace, SBB-CFF, SNCF.

BAILLY A. (1975), L’organisation urbaine, théorie et modèles, Paris, Centre de Recherche d’Urbanisme, 272 p.

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WOESSNER R. (2007), L’Alsace, territoire(s) en mouvement, Colmar, Do Bentzinger, 187 p.

ANNEXES

Le retour du rail en Alsace, repères chronologiques

Repères chronologiques

1989 MétroRhin transfrontalier : inauguration de la ligne Strasbourg-Offenburg.

1992 Introduction du TER 200 entre Strasbourg et Mulhouse.

1994 Retour du tramway à Strasbourg : ligne A sur 9,8 km.

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1997 - TER : Expérimentation de la régionalisation.

- Regio S-Bahn Altkirch-Mulhouse-Bâle-Fricktal.

1998 - TER : débuts du cadencement entre Strasbourg et Mulhouse.

- Tramway de Strasbourg : ligne A prolongée, ligne D ouverte.

2000 Deuxième extension : lignes B et C.

2002 - TER 200 de Strasbourg à Saint-Louis.

- Réouverture de la ligne transfrontalière Lauterbourg-Wörth.

- Gare intermodale de Hoenheim.

2003 - Gare intermodale TER-tramway de Krimmeri.

- MétroRhin : premières rames de la société Ortenau S-Bahn à Strasbourg.

2006 Retour du tramway à Mulhouse avec les lignes 1 et 2 (11,1 km).

10 juin Inauguration du TGV-Est. Refonte de la gare de Strasbourg. 2007

2007 - Tramway de Strasbourg : ring avec la ligne E, la prolongation des lignes C et D.

- TER : interdiction du transport de bicyclettes aux heures de pointe entre Mulhouse et Bâle.

En prévision

2008 Ouverture de la première phase du tram-train Strasbourg-Bruche.

2009 - Mise en service de la 3e voie sur l’axe Strasbourg-Erstein.

- Extension de la ligne 1 du tramway de Mulhouse.

2010 Ouverture du tram-train Mulhouse-Thann. Nouveau pont pour le TGV à Strasbourg.

2011 Ouverture de la branche Est du TGV Rhin-Rhône entre Aisy (Côte-d’Or) et Meroux (Territoire de Belfort).

NOTES

1. Une vison réaffirmée avec force lors de la signature de la Charte de la Métropole Rhin Rhône à Mulhouse le 28 septembre 2007 par les villes de Bâle, Mulhouse, Belfort, Montbéliard, Neuchâtel, Besançon, Dijon, Chalon-sur-Saône et Le Creusot - Montceau-les-Mines. 2. Sur la base d’environ 5 150 dessertes par jour dans 149 gares, arrêts et haltes TER (155 avant le 10 juin) desservis tous les jours de la semaine par train ou autocar, à l’exclusion des lignes uniquement desservies en car, le tout calculé d’après les fiches horaires SNCF. Le chiffre de 17 % est quant à lui donné par la SNCF.

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RÉSUMÉS

Dans le contexte de la métropolisation, les régions urbaines peuvent monter en puissance ou bien au contraire déchoir. Leur accessibilité par la grande vitesse, qui combine le mode aérien et les systèmes ferroviaires, devient un élément stratégique pour leur futur. L’Alsace se place dans une position ambiguë. De plus en plus, elle est irriguée par les systèmes de la grande vitesse qui produisent des effets contrastés sur son territoire et qui exacerbent la concurrence avec des métropoles plus puissantes.

Today metropolization gives rules. An urban region can grow up or misfit. Accessibility through fast speed, with a combination between the high speed trains and aircrafts, gives a regional strategic adavantage. Alsace is situated in an ambiguous position. On one hand, it has ever more high speed accessibility. But inside the region itself they are a lot of differences and it does not play in the same level than the bordering metropolitan aeras.

Für die verschiedenen elsässischen Städte kann die Metropolisierung Wachstum oder Verdrängung mit sich bringen. Die Zugänglichkeit durch hohe Geschwindigkeit, mit dem Flugzeug und dem Zug gegliedert, wird für die Zukunft hervorragend sein. Für das Elsass wird es ein Vorteil sein aber für manche Teile seines Gebietes wird dieser Vorteil zweideutig sein. Das Elsass kann nicht immer gegenüber den grösseren Nachbarmetropole konkurrenfähig sein.

AUTEUR

RAYMOND WOESSNER Maître de Conférences de Géographie, Université de Haute Alsace

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Les élections du printemps 2008 en Alsace

Richard Kleinschmager

Le soir du 6 mai 2007, Nicolas Sarkozy a pu se flatter de réaliser un de ses meilleurs résultats régionaux en Alsace avec 65,5 % des voix. À Strasbourg, toutefois il n’a obtenu que 51,1 % des suffrages exprimés contre 54,3 % à Mulhouse et 61,31 % à Colmar. Un an plus tard, la candidate de son parti, l’UMP Fabienne Keller, maire de Strasbourg est battue avec 16 % d’écart par son challenger socialiste Roland Ries ; Jean-Marie Bockel en candidat de la majorité présidentielle, ministre de la coopération du gouvernement Fillon, maire sortant l’emporte de 168 voix seulement sur son ancien compagnon de route du PS Pierre Freyburger et enfin, le maire sortant UMP de Colmar, Gilbert Meyer ne garde son fauteuil qu’avec une majorité de 149 voix. Les élections municipales de 2008 en Alsace comme dans le reste du pays, ont largement pris le contre-pied des élections présidentielles de 2007. Nicolas Sarkozy l’avait emporté par 53,2 % des suffrages contre 46,8 % à Ségolène Royal avec l’un des plus bas taux d’abstention jamais enregistrés de 15,2 % sur la France entière et 16,4 % en Alsace. Au soir du deuxième tour des municipales de 2008, la gauche contrôle 350 villes de plus de 15 000 habitants et la droite 262. En 2001, la droite en détenait 342 et la gauche 291. Le pouvoir local en France est largement aux mains de la gauche aujourd’hui. Les évolutions de l’opinion publique à l’égard du Président de la République y a contribué pour une large part. Au cours de la première année de son mandat, une certaine déception s’est fait jour à son égard, y compris dans son propre camp. Les promesses non tenues sur le pouvoir d’achat alors même que le chômage a régressé ont fourni un thème de campagne majeur au Parti Socialiste. Par ailleurs, nul doute que les écarts de langage autant que l’exposition de la vie privée du nouveau président sont apparus à bien des Français peu conformes aux standards antérieurs de la fonction, avec notamment un divorce et un remariage dans les trois mois qui ont suivi. De manière générale, l’effet de souffle de la vie politique nationale sur ces élections municipales 2008 a été plus marqué qu’à d’autres échéances en particulier dans les

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villes d’une certaine importance où la politisation des élections municipales est nettement plus prononcée que dans le monde rural.

Une campagne électorale modérée dans l’ensemble, vive sur la fin

Des élus politiques venus aux affaires après les générations issues de l’après-guerre ont profité de ces élections pour quitter la scène politique municipale. Daniel Hoeffel n’a pas été candidat à Handschuheim où il avait succédé à son père en 1965, Alfred Muller ne s’est pas représenté à Schiltigheim après trente et un ans à la tête de la municipalité de même que Théo Schnée maire depuis 1989 à Erstein ou encore Pierre Strasser à Haguenau et André Schneider à Hoenheim après trois mandats successifs. Une des singularités de cette campagne 2008 a sans conteste été le nombre non négligeable de communes où une seule liste s’est présenté aux suffrages des électeurs. On a ainsi dénombré pas moins de treize communes de plus de 3 500 habitants (Barr, Betschdorf, Bouxwiller, Gambsheim, Marckholsheim, Molsheim, Mundolsheim, Reichstett, Souffelweyersheim, La Wantzenau, Huningue, Ribeauvillé, Rouffach) qui n’ont enregistré qu’une seule liste de candidats et ont donc été privées du débat démocratique et contradictoire qui nourrit habituellement une élection communale. Si la participation y est nettement plus faible que dans les autres communes, il est remarquable que sauf à Huningue (47 %), elle ait été supérieure à 50 %, dans un éventail allant de 50,4 % à La Wantzenau (liste Graebling) et à Mundolsheim (liste Reinhardt) à 62,7 % à Ribeauvillé (liste Christ) et même 68,2 % à Rouffach (liste Toucas). Cette situation est réellement nouvelle puisqu’en 2001 seuls Hubert Hoffmann à Gambsheim et Léon Siegel à Marckholsheim avaient été élus dans un scrutin où leurs listes étaient seules à se présenter aux suffrages des électeurs. Les raisons d’une telle situation sont nécessairement multiples. La charge de travail des maires comme les responsabilités judiciaires encourues sont des éléments souvent invoquées pour justifier la réticence à candidater pour une telle charge. La vie associative ou le syndicalisme dans lesquels les futurs élus apprennent souvent à se frotter à la vie publique ne font plus office d’école de formation à la vie politique comme autrefois. Une contrainte légale nouvelle apparue à cette élection municipale de 2008 a pu rendre plus difficile la constitution des listes. En effet pour la première fois, la parité homme/ femme selon un ordre alternatif sur la liste a été obligatoire dans les communes de plus de 3 500 habitants. Nul doute que cette obligation légale a rendu la constitution des listes plus difficiles. Les femmes restent encore pour une part rétives à la vie politique qui ne leur laisse souvent que peu de perspectives de devenir maires. Fabienne Keller élue en 2001 à Strasbourg, était seule avec Danielle Meyer -Traber à Ostwald à devenir maire dans une commune alsacienne de plus de 3 500 habitants. Sur le total des 904 maires alsaciens élus en 2001, 61 étaient des femmes. Le chemin à parcourir vers une parité pleine et entière reste encore long en Alsace comme dans le reste du pays dès lors que les partis politiques ne s’en saisissent pas comme une ardente nécessité. La campagne politique proprement dite a été plutôt plus courte que d’autres, suite notamment à la forte activité électorale de 2007 qui a pu lasser certains électeurs et épuiser les forces des militants. Elle n’a été véritablement intense que sur la fin, en

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particulier dans les trois grandes villes de la région, d’autant que le jeu y est apparu ouvert, compte tenu de l’évolution de certaines donnes locales. À Mulhouse, les cartes ont été redistribuées à l’issue de l’élection présidentielle. La nomination de Jean-Marie Bockel au secrétariat à la coopération et à la Francophonie du deuxième gouvernement Fillon a provoqué un séisme sur la scène politique mulhousienne. Qu’à la fin de son troisième mandat de maire, le cofondateur de la section PS de Thann en 1973, l’ancien député PS du Haut-Rhin de 1981 devenu sénateur PS du Haut-Rhin en 2004 accepte un poste ministériel après l’élection de Nicolas Sarkozy ne pouvait que créer un choc majeur dans son camp autant que dans celui de ses anciens adversaires devenus ses nouveaux partenaires. Persistant à se dire da gauche, il fonde, fin novembre 2007, le mouvement « la gauche moderne » censée incarner un sarkozysme de gauche avec le soutien de Georges Marc Benamou, alors conseiller culturel de l’Élysée mais aussi du marseillais Philippe San Marco, transfuge du PS, de Marielle Gallo, épouse de l’écrivain Max Gallo ainsi que de l’écrivain Olivier Poivre d’Arvor et de son frère Patrick, le journaliste de télévision bien connu. Bien entendu sur place, à Mulhouse, le PS a pris immédiatement ses distances tout comme son adversaire d’hier, la député Arlette Grosskost qui, très tôt, a annoncé qu’elle voterait blanc et a refusé de participer à la liste « Pour Mulhouse ensemble » du maire sortant. Le duel annoncé était remis à d’autres échéances mais le plus difficile restait à faire pour Jean-Marie Bockel : s’approprier un électorat de droite qui lui avait été hostile pendant plusieurs décennies, tout en conservant une partie de son ancien électorat socialiste. À Colmar, Gilbert Meyer, vainqueur au premier tour en 2001 mais défait aux sénatoriales de 2004 puis aux législatives de 2007, retrouvait en face de lui pas moins de six autres listes dont celle de son principal adversaire Roland Wagner qui avait mobilisé les Colmariens hostiles au projet du maire de fermer l’aéroport de la ville. Quant à son adjointe à la culture, Brigitte Klinkert, elle a également constitué une liste d’opposition tout comme l’UDF-Modem Odile Ulrich-Mallet. Le pasteur Bernard Rodenstein, le candidat socialiste Paul Layer comme le Vert Frédéric Hilbert également candidat aux cantonales, ont constitué l’opposition de gauche plus traditionnelle mais dispersée du maire sortant qui a espéré bénéficier du grand nombre de listes présentes pour tirer son épingle du jeu. À Strasbourg, la confirmation de la candidature de Fabienne Keller avec le soutien de l’UMP a été très vite opérée. Sans surprise, l’association avec Robert Grossmann comme président de la CUS et maire délégué a été confirmée. Les divergences politiques et personnelles entre « le tandem » et certains membres de la majorité municipale de 2001 avait tourné assez rapidement à l’aigre entraînant l’opposition dissidente de Ludmilla Hug-Kalinkova et de Chantal Cutajar. Cette dernière, initialement adjointe en charge du quartier gare et de la sécurité et évincée de son poste dès 2002, a adhéré à l’UDF en 2004. Elle devient membre du Modem dont elle porte les couleurs aux législatives de 2007. Elle obtient 11,7 % des suffrages dans la 1re circonscription de Strasbourg-Centre emportée au deuxième tour par le député sortant, le socialiste Armand Jung. Le 19 décembre 2007, les adhérents la désignent comme tête de liste de liste aux municipales strasbourgeoises par 260 voix contre 143 à Ludmilla Hug-Kalinkova et 114 à Jean-Claude Petitdemange, ancien socialiste et ancien directeur de cabinet de Michel Rocard, premier ministre et candidat contre Catherine Trautmann en 2001.

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Au Parti Socialiste, la mémoire des dissensions entre Catherine Trautmann et Roland Ries qui avaient pour une bonne part conduit à la défaite municipale de 2001, ont amené les socialistes à aborder avec prudence le choix de la tête de liste. La nette victoire par 56,3 % des voix contre 43,7 % d’Armand Jung sur la candidate soutenue par le « tandem », Frédérique Loutrel, au deuxième tour des législatives de 2007, a constitué un signe encourageant pour le PS dans la perspective de la reconquête de Strasbourg. La consultation des militants des dix sections du PS strasbourgeois le 11 octobre 2007, a conféré à Roland Ries une incontestable légitimité en tant que candidat. Ayant obtenu 94 % des voix face à un autre candidat, Philippe Petit, qui ne risquait pas de lui porter ombrage, il a pu asseoir son leadership sur une équipe où il a su très habilement intégrer par la suite, et Catherine Trautmann, et Robert Hermann ancien adjoint au maire chargé des sports de 1989 à 2001 et conseiller général de Strasbourg 1 depuis 2001, un temps candidat à la candidature. Qu’il ait su recréer l’unité des socialistes strasbourgeois autour de sa personne a sans conteste été un facteur de mobilisation de son propre camp. Quant aux Verts, ils ont adopté la tactique d’une candidature séparée au premier tour avec en tête de leur liste Alain Jund, 51 ans, responsable des Verts à Strasbourg depuis 2004, consultant dans un cabinet de conseil aux collectivités que les militants ont élu dès juin 2007. Le rapprochement avec le PS pour le premier tour a très tôt été inscrit dans leur calendrier d’autant qu’en ayant la possibilité de se maintenir au deuxième tour s’ils dépassaient les 10 % des suffrages, ils pouvaient espérer peser fortement sur les négociations avec le PS. La campagne proprement dite n’a pas connu d’événements particulièrement marquants. Peu de leaders politiques nationaux ont fait le déplacement en Alsace. Seul Bertrand Delanoë est venu soutenir Roland Ries et à droite les soutiens de Nicolas Sarkozy et des autres leaders de l’UMP ont été très modérément sollicités de crainte de voir les enjeux locaux submergés par les aléas de la politique nationale et la baisse de popularité de la droite présidentielle. On a pu entendre Robert Grossmann déplorer sur les ondes d’Europe 1 le 15 février 2008 que le Nicolas Sarkozy d’aujourd’hui n’était plus celui qu’il avait connu auparavant. Quant à la campagne d’affichage elle est restée très modeste, la distribution d’affichettes de petits formats dits « flyers » distribuées directement aux électeurs étant préférée à l’affichage autorisé ou sauvage dans les rues. Quant à la sphère de l’Internet et des « blogs », il est incontestable que pour une fraction de l’électorat, en particulier l’électorat jeune, il a constitué une des modalités de la communication dans la campagne à tel point qu’un quotidien comme les Dernières Nouvelles d’Alsace a mis en place dès septembre 2007 un « blog » de la rédaction sur les élections municipales à Strasbourg (www.strasbourg2008.dna.fr). Dans cette optique, le blog de Robert Grossmann dénommé « blog-notes » et ouvert depuis trois ans a sans conteste été un des supports souvent évoqué ou brocardé de la campagne sur la « toile » de même que le blog plus récent de Philippe Bies (www.blog.philippebies.fr). Aucun candidat d’importance n’a pu se passer de site officiel consacrant ses mérites et informant les lecteurs sur son programme. Quant aux médias plus traditionnels – presse écrite, radio et télévision – à travers tables rondes et reportages, ils ont poursuivi leur mission traditionnelle d’information dans le détail, constituant le support majeur d’information des électeurs.

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Un premier tour de fragilisation des positions acquises

Les résultats du premier tour des élections municipales ont été marqués par un certain contraste entre une majorité de communes où l’élection est jouée au lendemain de ce premier dimanche électoral et les incertitudes subsistantes dans quelques communes urbaines. Claude Keiflin dans les Dernières Nouvelles d’Alsace a pu, à juste titre, souligner en sous-titre de son commentaire que « près des trois quarts des communes de plus de 3 500 habitants connaissent déjà le nom de leur futur maire » (Claude Keiflin, « Strasbourg, alternance en vue » in DNA, 10 mars 2008). Dans 59 communes de plus de 3 500 habitants sur 81, qui constituent le chapelet des villes petites et moyennes qui maillent l’ensemble du territoire régional, le résultat est acquis dès le 8 mars. À Strasbourg, Roland Ries prend une option sérieuse pour la victoire finale avec près de dix points d’avance sur Fabienne Keller mais à Colmar et à Mulhouse l’incertitude s’est installée. Jean-Marie Bockel obtient 40,3 % des voix contre 45,1 % en 2001 à Mulhouse et Gilbert Meyer à Colmar ne totalise que 34,1 % des suffrages alors qu’il avait été élu dès le premier tour en 2001 avec 50,7 % des suffrages. Habitués des victoires dès le premier tour, le socialiste Jean-Pierre Baeumler à Thann (57,5 % des voix contre 62,2 % en 2001) et l’UMP Jean-Luc Reitzer (64 % des contre 71,4 % en 2001) à Altkirch, confirment leur forte implantation de même que Jean-Louis Christ seul candidat à Ribeauvillé dont la victoire véritable réside dans la mobilisation de son électorat qui participe à 62,7 % à l’élection malgré la candidature unique. Il en est de même pour Laurent Furst à Molsheim (58,7 % de participation). À Saint-Louis, le très chiraquien Jean Ueberschlag chute de 77,3 % des voix du premier tour de 2001 à 45,7 % mais reste en tête. Marcel Bauer confirme son implantation à Sélestat en étant élu dès le premier tour avec 54 % des suffrages contre 45,3 % en 2001. Deux élections sont plus surprenantes à ce premier tour, celle du député UMP Emile Blessig qui l’emporte contre le maire sortant le Modem Thierry Carbiener avec 54,7 % des voix à Saverne, et plus inattendue celle de Christian Gliech qui l’emporte de 31 voix face au maire sortant et vice-président du Conseil Général du Bas-Rhin, Pierre Bertrand à Wissembourg. Le socialiste Jacques Bigot réussit sans conteste la meilleure performance de ce premier tour en l’emportant avec près de 70 % des voix sur son concurrent UMP Jean-Claude Haller à Illkirch-Graffenstaden. Elle est d’autant plus exceptionnelle qu’elle est obtenue dans une commune où il n’avait totalisé que 36 % des suffrages en 2001 et que Nicolas Sarkozy y avait obtenu 64 % des suffrages au deuxième tour de l’élection présidentielle de 2007. Par ailleurs à Erstein, Jean-Marc Willer, premier adjoint de l’ancien maire Théo Schnee qui ne se représentait plus l’emporte avec 62 % des voix. Tous les maires se présentant sans concurrent ont été élus. Dans les élections à plusieurs candidats, nombre de maires sortants de communes de plus de 3 500 habitants comme Jean-Louis Feydt (57 % des suffrages) à Eschau, André Klein-Mosser (54 %) à Bischheim, Nicole Thomas (50 %) à Bischwiller, Etienne Wolf (71 %) à Brumath, Jacky Keller (72 %) à Drusenheim, André Lobstein (56 %) à Eckbolsheim, René Lacogne (58 %) à Fegersheim, Sébastien Zaegel (69 %) à Geispolsheim, Louis Becker (66 %) à Herrlisheim, Vincent Debes (58 %) à Hoenheim, Hughes Danner (69 %) à Ingwiller, Yves Bur 65 %) à Lingolsheim, Frédéric Reiss (70 %) à Niederbronn, Jean-Richard Diebolt 57 %) à Oberhausbergen, Bernard Fischer (58 %) à Obernai, Gérard Kammerer (66 %) à Plobsheim, Hubert Walter (66 %) à Reichshoffen, Marcel Schmitt (51 %) à

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Schweighouse-sur-Moder, Camille Scheydecker (69 %) à Soufflenheim, Henri Bronner (59 %) à Vendenheim, Eric Amiet (67 %) à Wolfisheim et Joseph Ostermann (51 %) à Wasselonne dans le Bas-Rhin ont été élus dès le premier tour. Dans le Haut-Rhin, Richard Lasek (56 %) à Bollwiller, Jean-Paul Meyer (65 %) à Blotzheim, Francis Fleury (61 %) à Brunstatt, Michel Sordi (75 %) à Cernay, Michel Habig (55 %) à Ensisheim, Daniel Eckenspieler (61 %) à Illzach, Gérard Cronenberger (69 %) à Ingersheim, Gérard Kielwasser (72 %) à Kembs, Jo Spiegel (65 %) à Kingersheim, Francis Hillmeyer (72 %) à Pfastatt, Monique Karr (55 %) à Riedisheim, Claude Abel (58 %) à Sainte-Marie-aux- Mines, Daniel Bux (62 %) à Sausheim, Thomas Birgaentzlé (56 %) à Soultz-Haut-Rhin, Stanislas Pilarz (51 %) à Staffelfelden, Jean-Pierre Baeumler (57 %) à Thann et Denis Riesemann (57 %) à Wittelsheim ont également bénéficié de cette prime au sortant qui n’est ni plus ni moins que le satisfecit renouvelé des électeurs pour des gestions municipales estimées satisfaisantes et qui s’inscrivent dans la durée. En Alsace, la coloration dominante de ce socle d’élus de petites villes qui structurent la vie rurale et péri-urbaine reste de centre-droit avec une affiliation majoritaire à l’UMP même si la gauche réussit quelques percées remarquées à l’occasion de cette élection. Sur Strasbourg où le nombre d’inscrits a progressé de 14 493 électeurs par rapport à 2001, Roland Ries efface la contre-performance de Catherine Trautmann. Il totalise dès le premier tour 32 753 voix là où, associée aux Verts elle n’avait recueilli que 19 203 voix et Jean-Claude Petitdemange, candidat dissident de la majorité municipale de l’époque 7 989 voix. Il devance Fabienne Keller de près 7 500 voix. Avec un tel écart, les jeux étaient faits à Strasbourg dès le premier tour. Géographiquement, l’avancée de Roland Ries se diffuse sur l’ensemble de la ville puisqu’il arrive en tête dans 105 bureaux sur 143. Les quartiers populaires votent nettement en sa faveur. Il obtient 48 % dans le canton 2 (Gare-Sainte Aurélie-Finkwiller), 46,6 % des voix dans le canton 6 (Cronenbourg-Hautepierre) et 43,2 % dans le canton 10 (Neuhof-Stockfeld) mais son meilleur résultat est réalisé dans le canton 3 (Krutenau-Esplanade), véritable fief strasbourgeois du PS où l’électorat populaire se mêle de manière croissante à l’électorat dit « bourgeois-bohème » des couches tertiaires de techniciens, cadres et professions intellectuelles, universitaires en particulier. La même tendance est observable dans le quartier Gare.

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Elections municipales de Strasbourg 1er tour, 9 mars 2008 : Participation électorale par cantons

Elections municipales de Strasbourg 1er tour, 9 mars 2008 : Suffrages de M. Roland Ries (en pourcentage par rapport aux exprimés par cantons)

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Elections municipales de Strasbourg 1er tour, 9 mars 2008 : Suffrages de Mme Fabienne Keller (en pourcentage par rapport aux exprimés par cantons)

Quant à Fabienne Keller, c’est dans le canton 5 de la Robertsau qu’elle établit sa plus forte position avec 43,4 % des voix. Elle dépasse les 35 % des voix dans le canton 1 (Hôtel de Ville-Kléber), le canton 7 (Meinau), le canton 8 (Neudorf) et le canton 4 (Conseil des Quinze). L’un des phénomènes notoires de la géographie du vote à cette élection est la très forte érosion du vote d’extrême-droite représenté par Christian Cotelle et Robert Spieler. Ensemble sur le canton 10, vieux fief de ce vote, il ne totalise que 7,7 % des voix alors qu’en 2001, Robert Spieler obtenait 10,8 % des voix et Jean- Louis Wehr 11,7 % soit au total 22,5 %.Le signal de la baisse d’influence avait déjà été donné à la présidentielle de 2007 où Le Pen n’avait obtenu dans ce quartier du Neuhof que 13 % des voix contre 34 % en 1995. De fait, cette élection strasbourgeoise souligne un net renforcement de la bipolarisation de l’électorat autour des deux pôles, le PS et l’UMP comme inspirée par l’élection présidentielle. Roland Ries (43,9 % des voix) et Fabienne Keller (33,9 %) totalisent au premier tour de 2007 près de 78 % des voix alors qu’en 2001 Catherine Trautmann (29,1 %) et Fabienne Keller (29,5 %) recueillaient ensemble moins de 60 % des suffrages. Cette bipolarisation très nette à Strasbourg n’est guère observable à Mulhouse et Colmar où le jeu de l’opposition frontale droite/gauche n’a pu s’opérer. À Mulhouse, la très confortable avance de Bockel en 2001 où il avait obtenu 11 488 voix soit 45,1 % des suffrages s’est réduite à 10 845 voix soit 40,3 % des suffrages en 2001. D’évidence, le ralliement des électeurs de droite (Stoessel, 5 761 voix soit 22,6 % des suffrages en 2001) à Jean-Marie Bockel ne s’est que partiellement opéré même s’il a conservé une part de son électorat antérieur, le candidat du PS Pierre Freyburger n’ayant recueilli que 8 690 voix soit 32,4 % des suffrages. D’évidence, le candidat du FN est l’un de ceux qui a le mieux tiré son épingle du jeu totalisant 2 772 voix (10,3 % des suffrages) en 2008 contre 1 734 voix en 2001 (6,8 %) devançant pour la première fois nettement Gérard Freulet

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(2 082 voix soit 7,7 % des suffrages) candidat sous les couleurs du MPF de Gérard De Villiers alors qu’en 2001 il avait totalisé 5 126 voix soit 20,1 % des suffrages avec l’étiquette MNR du mouvement de Bruno Mégret. À Colmar, le maire sortant (34,1 % des suffrages) n’est pas menacé par les opposants politiques traditionnels, le PS (8,7 %), le Modem (7,6 %) les Verts (7 %) et le pasteur Rodenstein (6 %) mais par des adversaires issus de son ancienne majorité municipale qui peuvent l’obliger à une triangulaire entre candidats de droite pour le deuxième tour ou pire le confronter à un duel comme lors des législatives de 2007 où il avait perdu face à Eric Straumann. En effet, son principal adversaire Roland Wagner a obtenu 23 % des suffrages et Brigitte Klinkert 13,7 % des voix colmariennes et à eux deux, ils totalisent plus de voix que le maire sortant, le résultat global confirmant le fort ancrage à droite du chef lieu du Haut-Rhin. Ce premier tour a rebattu les cartes municipales sans faire apparaître de bouleversement imprévisible si ce n’est dans l’ampleur de l’écart creusé à Strasbourg par Roland Ries avec le maire sortant. Yolande Baldenweck dans le quotidien l’Alsace (lundi 10 mars 2008) donnait bien la tonalité de ce premier tour alsacien des municipales en titrant son article de commentaire « la gauche se sent pousser des ailes, la droite tient bon dans ses fiefs ».

Le deuxième tour : un paysage politique recomposé mais pas bouleversé

C’est sans surprise que le deuxième tour des élections municipales 2008 à Strasbourg a confirmé l’avance du premier tour et consacré la victoire de Roland Ries. La mise à l’écart de Robert Grossmann au cours de cette campagne du deuxième tour n’aura pas suffi à permettre à Fabienne Keller de remonter son handicap. Bien au contraire, l’écart s’est creusé et c’est avec 44 935 voix soit 58,3 % des suffrages que Roland Ries est redevenu maire de Strasbourg. Pour mémoire, Catherine Trautmann l’avait emporté par 52,5 % des voix au premier tour de 1995 et avec 42,7 % des suffrages dans une quadrangulaire au deuxième tour, en 1989. En 1983, Marcel Rudloff avait conservé la ville à la droite avec 54,6 % des voix dès le premier tour devant le candidat socialiste de l’époque Jean Oehler qui avait totalisé 24,5 % des voix. À Mulhouse comme à Colmar, les maires sortants ne l’ont emporté que d’une très courte tête. La quatrième victoire municipale de Jean-Marie Bockel s’est jouée avec une avance de 168 voix seulement sur son challenger socialiste qui obtient 42,6 % des suffrages contre 43,2 % au maire sortant et 14,3 % à Patrick Binder du FN. À Colmar, le résultat proclamé à 21 h 40 après une première annonce indiquant Roland Wagner gagnant suite à une inversion des totaux dans l’un des bureaux de vote, a permis à Gilbert Meyer de l’emporter grâce à 149 voix d’avance sur son challenger. Les autres résultats marquant de ce deuxième tour ont été la victoire de Raphaël Nisand (50,3 % des suffrages) à Schiltigheim qui succède ainsi à Alfred Muller après en avoir été l’adjoint, de Claude Sturni à Haguenau (38,3 %) dans une quadrangulaire, de Roger Niggel (53,6 %) à Mutzig, d’André Wetzel à Benfeld (52,4 %) devant le maire sortant Robert Lustig, de Roger Letzelter à Mertzwiller (58,3 %) empêchant le retour de l’ancien maire Jean-Luc Jung, de Jean-Marie Beutel, PS, (48 %) à Ostwald maire sortant de 2001 et battu à l’époque de 81 voix par Danielle Meyer-Traber et de Michel Herr à Rosheim (51,4 %). Dans le Haut-Rhin, à Guebwiller, Denis Rebmann, PS, (49 %) l’a emporté largement sur ses divers adversaires créant une véritable

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surprise de même que Antoine Homé, PS aussi, à Wittenheim (54,5 %) dans une quadrangulaire. L’élection de Pierre Dischinger, divers droite, à Munster (36,6 %) a été disputée de même que celle d’André Clad, maire sortant UMP, à Lutterbach (46,9 %). Plus sereines ont été en apparence les réélections des maires sortants, Robert Blatz à Horbourg-Wihr (51,4 %) et Gérard Lamy à Habsheim (48,2 %).

Les élections cantonales dans l’ombre portée des muncipales

Du fait d’un renouvellement partiel des Conseils Généraux ne concernant que la moitié des électeurs, les cantonales restent des élections discrètes, peu visibles surtout quand elles se déroulent en même temps que d’autres scrutins. Dans les deux départements alsaciens où la droite a toujours été largement majoritaire, ces élections ne risquaient pas de modifier fortement les équilibres existant d’autant que la prime au sortant joue un rôle non négligeable dans ce type d’élection territoriale uninominale. Sur 39 sièges de conseillers généraux en jeu sur l’ensemble de l’Alsace, 22 ont été pourvus dès le premier tour dont 4 pour le PS, 11 pour l’UMP, 2 au titre des divers droite et 3 sans étiquette, 1 pour l’UDF et 1 indépendant. Le moins bien élu du premier tour est le socialiste est Jo Spiegel (53,3 %), tandis que le mieux élu, l’UMP Richard Stoltz obtient 84,8 % des suffrages. La majorité – 12 conseillers sur 22 – est élue avec plus de 60 % des voix et 3 d’entre eux seulement n’étaient pas des conseillers sortants. Les surprises de cette élection cantonale sont venues du deuxième tour. Dans le Haut- Rhin, dans le canton de Colmar-Sud, le candidat des Verts, Frédéric Hilbert l’a emporté devant le conseiller général sortant Roland Wagner, président de la commission des finances. Nul doute que des électeurs de Gilbert Meyer ont, à leur façon fait payer la candidature de Roland Wagner aux municipales et ainsi favorisé une première victoire surprenante des Verts dans une élection uninominale. Moins étonnante a été l’élection du maire de Hirsingue, le divers gauche Armand Reinhard qui fait perdre à la droite le siège de Francis Demuth. Dans le Bas-Rhin, la suprématie de l’UMP n’a pas été plus menacée que dans le Haut- Rhin dans ces élections marquées par le choix de Philippe Richert de ne plus se présenter à la présidence du Conseil Général. À certains égards, ces élections cantonales ont corroboré les élections municipales en consacrant le poids du fief strasbourgeois dans l’assemblée du département, ce qu’a illustré Jacques Fortier dans les Dernières Nouvelles d’Alsace en titrant « Une île rose dans une mer bleue » (DNA, 17 mars 2008). Les trois conseillers généraux socialistes renouvelables, sur Strasbourg, Robert Herrmann (Strasbourg-Centre), Henri Dreyfus (Bourse-Esplanade) et Armand Jung (Montagne Verte), l’ont emporté sans difficulté. Plus surprenante a été la victoire du jeune candidat socialiste Olivier Bitz dans le canton 4 de Strasbourg, (Conseil des Quinze) détenu depuis vingt ans par le Professeur de Droit et ancien président de l’Université Robert Schuman, Jean Waline qui l’avait emporté lors de la précédente élection, au deuxième tour, avec quinze points d’avance sur son challenger socialiste de l’époque. Par ailleurs, dans le canton de Bouxwiller, Pierre Marmillod a été élu dans une triangulaire à droite qui l’opposait à Marc Danner (sans étiquette) et Laurence Jost (UMP) pour la succession de Jean Westphal qui avait occupé le siège pendant 32 ans offrant à sa formation , l’UDF, un troisième siège au sein du Conseil.

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Au troisième tour de ces élections cantonales, celui de l’élection du Président, Francis Buttner fut réélu sans véritable concurrence dans le Haut-Rhin par 20 voix sur 31, malgré sa petite déconvenue des élections municipales à Riedisheim où il a avait soutenu Denis Liebenguth, auquel les électeurs de la commune ont préféré le maire sortant, Monique Karr. Dans le département du Bas-Rhin, la compétition pour la présidence du Conseil ouverte par le départ volontaire du président sortant, le sénateur Philippe Richert, a conduit sans tumulte à l’élection de Guy-Dominique Kennel à la tête du département. Né en 1952, inspecteur de l’éducation nationale, maire de Preuschdorf depuis 1989, conseiller du canton de Woerth où il a succédé au député François Grussenmeyer en 1992, membre de l’UMP, il hérite d’un Conseil dont les prérogatives se sont élargies et dont l’administration a été restructurée par son prédécesseur qui a fortement marqué l’institution de son empreinte.

Conclusion

Le bilan des élections municipales 2008 en Alsace est contrasté pour les diverses composantes politiques. Le fait marquant est sans conteste la reconquête de la ville de Strasbourg par le Parti Socialiste. Après avoir habilement assis sa légitimité de candidat au sein de son parti, Roland Ries a emporté haut la main la mairie dans une campagne menée avec dextérité et un effort concentré sur la fin de la période électorale qui a obligé ses adversaires à s’épuiser dans l’attente de son entrée en lice. Le PS conquiert d’autres villes d’importance non négligeable comme Guebwiller au sud ou Wissembourg au nord mais surtout renforce son fief strasbourgeois avec la reconquête par Jean- Marie Beutel d’Ostwald, la victoire de Raphaël Nisand à Schiltigheim et le plébiscite des électeurs d’Illkirch-Graffenstaden pour leur maire, Jacques Bigot. Ce dernier a naturellement acquis ce faisant, la dimension propice à la présidence de la Communauté Urbaine. Cette présidence suscitée par Roland Ries ouvre une nouvelle tentative de partage des pouvoirs entre maire de Strasbourg et président de la Communauté Urbaine de Strasbourg. Elle apparaît moins que dans le cas précédent comme un compromis politique mais inaugure une nouvelle position de la ville de Strasbourg dans le dispositif communautaire. La capacité à s’entendre sur les objectifs et les moyens d’y parvenir tout comme l’entente entre les personnes seront décisifs dans cette nouvelle tentative de double pouvoirs à la tête de l’agglomération strasbourgeoise. Cette consolidation de l’influence du PS sur la capitale régionale ne saurait occulter le maintien d’une très large diffusion régionale de l’UMP qui continue de contrôler la majorité des petites villes et des villes moyennes alsaciennes même si nombre de maires proches de cette formation ont préféré occulter leur affiliation partisane et se présenter sans étiquette à cette élection municipale. Il en a été de même pour quelques candidats marqués à gauche. Même si les positions locales du PS n’ont jamais été aussi fortes, l’Alsace ne semble pas encore être entrée dans le mouvement de bascule à gauche que d’autres régions comme la Bretagne ont pu connaître d’autant que la conquête de Strasbourg s’est accompagné de ce qu’il faut bien qualifier de perte de Mulhouse pour le PS. En effet, en faisant le choix de l’acceptation d’un poste ministériel dans le gouvernement Fillon à l’invite du Président Sarkozy, Jean-Marie Bockel, vainqueur sur le fil mais vainqueur tout de même, prive le PS de l’un de ses points

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d’appui majeurs dans le sud de la région. Sa démarche, toutes choses étant égales par ailleurs, n’est pas sans rappeler celle de l’un de ses prédécesseurs de 1956 à 1981, Émile Muller qui après avoir été secrétaire fédéral de la SFIO de 1957 à 1968 avait créé le Parti de la démocratie socialiste devenu en 1972 le Parti Social Démocrate et avait concouru sous cette étiquette à l’élection présidentielle de 1974. L’avenir dira si « Gauche Moderne » lancée par Jean-Marie Bockel le 28 novembre 2007 aura davantage d’avenir que le PSD. Ce qui est certain c’est que les cartes de la scène politique locale à Mulhouse ont été redistribuées suscitant des mouvements divers à droite comme à gauche face à ce ralliement du maire sortant qui , se réclamant du blairisme a voulu structurer l’aile droite du PS et s’emploie désormais à créer l’aile gauche du sarkozysme. La mouvance présidentielle peut désormais s’appuyer sur les deux principales villes du Haut-Rhin. Colmar lui aurait de toute façon été conservée si Roland Wagner l’avait emporté sur Gilbert Meyer qui d’un souffle, a conservé sa mairie après avoir été défait aux législatives. La mouvance centriste hors l’UMP n’a pas réussi de percée et le Modem n’a pas transformé en sièges municipaux nombreux, les bons résultats de François Bayrou aux élections présidentielles dans la région. Le regroupement de centristes et de gaullistes qu’incarne l’UMP sous la férule présidentielle a jusqu’à ce jour empêché la reconstitution du clivage entre gaullisme et centrisme qui a longtemps structuré la vie régionale. Il impose une bipolarité de la vie politique régionale incarnée par l’UMP et l’opposition socialiste. Avec le changement d’affiliation partisane de Jean-Marie Bockel et sa victoire mulhousienne, la géographie de cette opposition s’est modifiée voire inversée : c’est désormais au nord de la région, sur l’agglomération strasbourgeoise, que s’enracine le pôle de l’opposition socialiste même si dans la grande périphérie de Mulhouse, la gauche conserve des points d’appui anciens et en a conquis de nouveaux. Cette bipolarisation a naturellement accentué l’érosion de l’influence des autres formations politiques. L’extrême-droite, en dépit de ses bons scores mulhousiens où elle a su profiter des perturbations introduites dans le jeu politique local, poursuit son déclin que l’avancement en âge de son leader historique ne devrait pas manquer d’accentuer. Quant aux Verts, ils maintiennent quelques positions municipales, imposent l’un des leurs au Conseil Général du Bas-Rhin, font de bons résultats dans nombre de communes urbaines mais ne dépassent pas des niveaux qui leur permettraient d’atténuer les effets de la bipolarisation. Si le sarkozysme qui a notoirement déstructuré l’influence de l’extrême-droite, s’est imposée en Alsace plus qu’ailleurs aux élections présidentielles et législatives de 2007, les élections municipales et cantonales du printemps 2008 ont été marquées par un retour du balancier à gauche. Ces élections font du PS le premier pouvoir local en France. L’Alsace a accompagné ce mouvement à sa façon, avec une ampleur plus mesurée que dans nombre d’autres régions mais avec un impact certain.

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AUTEUR

RICHARD KLEINSCHMAGER Professeur de Géographie, Université Louis Pasteur, Strasbourg

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Positions d'habilitation et de thèses

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Dieu dans la ville. Les catholiques et la demande sociale urbaine en Allemagne et en France au XIXe et au début du XXe siècle

Catherine Maurer

Le dossier que j’ai présenté le 1er décembre 2007 à l’université Marc Bloch de Strasbourg en vue d’obtenir l’habilitation à diriger des recherches1 comportait une étude en majeure partie inédite et intitulée « Dieu dans la ville. Les catholiques et la demande sociale urbaine en Allemagne et en France au XIXe et au début du XXe siècle ». C’est cette étude que je vais décrire ici. Elle s’inscrit dans la continuité de mes travaux antérieurs, en particulier la thèse de doctorat consacrée à la première des fédérations d’œuvres caritatives catholiques, la Caritasallemande fondée en 18972. Mais cette dernière rassemble et organise, elle n’agit pas directement sur le terrain : d’où le regret que j’ai eu, après avoir terminé cette recherche, de n’avoir pas abordé véritablement l’action d’ « en-bas », von unten, en fait la plus visible aux yeux de tous. Celle-ci était désignée au XIXe siècle par le terme de « charité » ou d’ « œuvre de charité » ; on peut la rattacher aujourd’hui à la notion d’intervention sanitaire et sociale. Après la soutenance de thèse, rencontres et lectures me permettent d’acquérir une meilleure connaissance de l’histoire urbaine et je prends à nouveau conscience du fait, observé brièvement lors de ma recherche sur la Caritas, que la ville est le lieu d’élection des pratiques caritatives spontanées comme organisées et, plus largement, un lieu de cristallisation des groupes et des pratiques confessionnelles. Il apparaît en outre que la rencontre entre phénomène urbain contemporain et facteur confessionnel est restée longtemps un parent pauvre de l’historiographie, surtout à l’époque contemporaine, comme l’avait souligné le regretté Michel Lagrée dont les travaux m’ont beaucoup inspirée3. Tout cela m’incite à aller examiner de plus près les réponses chrétiennes à la « demande sociale urbaine ». Cet examen, je souhaite le mener dans un cadre comparatif explicite entre pratiques françaises et allemandes. Là encore il s’agit d’une préoccupation ancienne, mais que je

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n’ai pas encore appliquée à une étude d’aussi longue haleine. À l’instar (modestement) de Marc Bloch, il me semble en effet que la démarche comparative permet de dépasser l’horizon de l’histoire régionale, diocésaine ou nationale pour « dissiper le mirage des fausses causes locales »4 et mettre en partie à distance sa propre inscription nationale, grâce à la confrontation des objets de la comparaison, mais aussi au croisement des approches historiographiques. Loin de se limiter à la « chasse aux ressemblances »5 qui risquerait d’enfermer la recherche dans de fausses symétries, la démarche comparative doit au contraire mettre en valeur des spécificités liées à un lieu, une tradition ou un moment pour répondre à des problématiques récurrentes (dans notre cas par exemple la « cohésion » du milieu catholique et son rapport ambivalent à la modernité) et conduire à la formulation de nouvelles hypothèses explicatives. Dans le domaine de l’approche sociale et culturelle du fait religieux à l’époque contemporaine, elle a en outre été très peu utilisée, ce qui m’encourage encore davantage à y avoir recours. Je songe d’abord à comparer les milieux catholiques de deux villes, Strasbourg et Fribourg-en-Brisgau, avec une grille d’interrogation assez large. Puis la redécouverte des enquêtes sur les œuvres catholiques publiées pour plusieurs villes françaises, puis pour différents diocèses allemands entre 1880 et 1906, rencontrées lors de la réalisation de ma thèse mais non exploitées, m’amène à un autre projet : celui de comparer huit villes françaises (Angers, Elbeuf, Lyon, Nancy, Neuilly, Orléans, Rouen et Saint-Etienne), sept allemandes (Berlin, Bochum, Breslau, Cologne, Francfort, Königsberg et Wurzbourg) et une « franco-allemande », Strasbourg. Toutes ces villes ont fait l’objet d’une enquête spécifique ou, dans le cas allemand, s’insèrent dans le cadre d’une enquête concernant le diocèse dans lequel elles sont implantées6. Je pense avoir recensé la totalité des enquêtes existantes et les ai toutes exploitées, à l’exception de celles concernant Lille, Bordeaux (pour des raisons pratiques) et Paris (par choix délibéré). La recherche à partir de ces sources imprimées a été complétée par des investigations en archives, centrées sur le cas de Strasbourg : archives municipales, archives départementales du Bas-Rhin, archives de la Fédération de charité du diocèse de Strasbourg et, pour les conférences strasbourgeoises de Saint-Vincent-de-Paul, archives du conseil national de la Société de Saint-Vincent-de-Paul, conservées d’abord au siège de la Société à Paris, puis au Centre national des archives de l’Église de France à Issy-les-Moulineaux. Les enjeux généraux de l’analyse tournent autour de la question fondamentale du rapport des catholiques à la modernité : dans quelle mesure les enquêtes sur les œuvres reprennent-elles à leur compte « l’image catholique de la société moderne comme un corps malade »7 ? Les pratiques qu’elles décrivent témoignent-elles d’un refus persistant ou d’une forme d’adaptation à cette modernité sociale à laquelle le discours dominant de l’Église invitait ses fidèles à tourner le dos ? Les acteurs que ces enquêtes mettent en valeur confirment-ils la figure du catholique rétrograde et peu entreprenant telle qu’elle a pu se diffuser, en schématisant, au sein d’une histoire sociale militante, influencée par le principe de laïcité en France, certains préjugés libéralo-protestants en Allemagne et une grille d’analyse issue du marxisme et du structuralisme dans les deux pays ? Autant de questions que le croisement des approches historiographiques, selon leur origine nationale mais aussi méthodologique, doit aider à résoudre, pour tenter de comprendre un « monde qui n’est pas tout à fait perdu », mais survit au contraire dans les mouvements caritatifs et, plus largement, les engagements dits humanitaires d’aujourd’hui.

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Décrire l’action sanitaire et sociale dans les villes au XIXe siècle : enquêtes et enquêteurs catholiques

La nature de mes sources principales m’invite d’abord à revenir sur une question qui m’avait déjà préoccupée lors de la réalisation de la thèse : celle de la constitution des savoirs. L’étude s’ouvre donc sur une réflexion sur la place et les caractéristiques des enquêtes catholiques au sein du mouvement inquisitorial propre au XIXe siècle et sur une description raisonnée de « mes » enquêtes. Permettant, pour les plus riches d’entre elles, de saisir discours et pratiques, elles ont nécessité la mobilisation de plusieurs approches historiographiques : histoire des élites, histoire intellectuelle, histoire des savoirs. J’ai ainsi pu montrer qu’elles avaient une valeur de persuasion et de combat : persuasion auprès des fidèles, notamment les plus favorisés par la vie, de l’importance des œuvres et de la nécessité de leur accorder, sinon de la publicité – ce qui serait contraire à la lettre des Évangiles –, au moins une meilleure visibilité ; persuasion auprès des plus démunis de l’utilité et de la variété des réalisations catholiques, ainsi que de la bonne volonté de leurs soutiens naturels, élites et notables ; combat ensuite contre la politique laïque des républicains en France et les séductions de la doctrine socialiste, surtout en Allemagne. En bref, en dehors de leur rôle purement utilitaire, ces enquêtes sont avant tout des manifestes idéologiques en faveur d’une vision catholique du monde. Mais en même temps, elles s’inscrivent bien dans le régime scientiste de l’ « administration de la preuve » tel que le connaît le XIXe siècle et relèvent donc d’un certain type de modernité intellectuelle, comme le confirme une étude précise de la personnalité de leurs auteurs, clercs lettrés ou représentants de la « bourgeoisie des talents ».

Cadre méthodologique et pesée globale

Le deuxième volet de l’étude présente la méthode définie pour exploiter les enquêtes. En effet, les conceptions et définitions utilisées par les auteurs du XIXe siècle devaient évidemment servir de point de départ à l’étude, mais à condition d’être retravaillées pour pouvoir nourrir l’analyse. En particulier, la conception très large que les auteurs avaient de la « charité » a été resserrée autour de la notion d’action sanitaire et sociale et autour des principaux champs d’intervention qu’étaient l’aide à l’enfance, l’assistance aux jeunes filles ou le soin aux malades et aux infirmes. Les villes prises en compte font ensuite l’objet d’une brève présentation démographique et confessionnelle. Si l’échantillon retenu a un caractère limité et en partie aléatoire, des situations fort diverses ont pu être exploitées. Sur le plan démographique : une ville de 20 000 habitants comme Elbeuf côtoie une métropole de 2 millions d’habitants comme Berlin. Sur le plan des activités : des villes anciennes de services comme Strasbourg ou Cologne sont confrontées à des villes-champignon fondées sur le développement industriel comme Saint-Etienne ou Bochum. Enfin sur le plan confessionnel : des villes quasiment « monocolores » comme Angers la catholique ou Königsberg la protestante voisinent des cités pluri-confessionnelles comme Strasbourg ou Breslau. À partir des fiches de renseignement établies pour chacune des villes, une pesée globale des œuvres a été tentée, à la fois quantitative et chronologique. Pour l’ensemble du corpus, j’ai ainsi évalué le nombre de catholiques et le nombre d’œuvres, puis le rapport numérique existant entre les deux : une œuvre correspond en moyenne à 1477

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catholiques dans les villes françaises, à 1777 dans les villes allemandes – 1583 à Strasbourg–8. Cette première approche suggère des différences de comportement des catholiques selon les villes, avec un dynamisme plus ou moins marqué dans la création d’œuvres, sans qu’un facteur d’explication apparaisse comme véritablement déterminant. Puis je me suis intéressée pour chacun des deux pays à la chronologie des fondations. Celle-ci confirme que l’ « œuvre de charité », dans le sens que nous lui avons donné, est bien un produit du XIXe siècle et non de l’Ancien Régime, même s’il ne s’agit pas tout à fait du même XIXe siècle en France et en Allemagne. En France, les créations s’échelonnent sur une période allant de 1811 aux années 18909. Elles commencent timidement à la fin de l’Empire et sous la Restauration, puis se multiplient sous la monarchie de Juillet et surtout le Second Empire, jusqu’en 1860. Elles restent nombreuses sous la IIIe République, jusqu’aux années 1890. En Allemagne, la concentration des fondations dans le temps est beaucoup plus nette. Les créations sont très isolées jusqu’en 1848, connaissent une première intensification dans les années 1850, puis une seconde, plus marquée, à partir du début des années 1880, en particulier dans la première moitié de la décennie 189010. C’est ce que montrent les graphiques 1 (villes françaises) et 2 (villes allemandes).

Graphique 1 : évolution de la création d’œuvre dans les villes françaises, de l’Ancien Régime à 1905

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Graphique 2 : évolution de la création d’œuvre dans les villes allemandes, de l’Ancien Régime à 1906

Ils montrent également que la réactivité des créations d’œuvre est grande aux mesures de politique intérieure touchant aux cultes, mais aussi à des événements ou à des évolutions de portée plus large, comme les mouvements révolutionnaires ou les transformations économiques et sociales. L’exploitation des sources ne pouvait cependant se réduire à cette étude globale, qui gomme individualités et originalités. Les enquêtes les premières m’invitaient à redécouvrir l’histoire de presque chacune des œuvres et celle de leur(s) fondateurs(trices).

Naissance d’une « œuvre de charité »

La troisième partie de l’étude s’intéresse donc aux itinéraires de formation des œuvres, en esquissant une typologie de leurs fondateurs : élites laïques, prêtres diocésains et religieux congréganistes, parmi lesquels les femmes, notamment au sein des congrégations, jouent un rôle non négligeable à une époque qui ne les encourage pas à l’action publique. Ainsi s’illustrent à Strasbourg l’ecclésiastique Paul Müller-Simonis11 ou Mercédès Zorn de Bulach, épouse de Hugo, secrétaire d’État membre du ministère administrant le Reichsland d’Alsace-Lorraine : cette dernière était engagée sur le terrain de la charité bien au-delà de ce que réclamait d’elle sa position publique. Outre ce qui touche à leur enracinement dans une foi spécifique, ces individus n’évoluent pas dans le vide : ils s’inscrivent souvent dans un réseau, aussi peu contraignant soit-il, mais qui leur facilite la tâche, sur le plan de la conception comme sur celui du financement. C’est ici, me semble-t-il, que l’approche multicentrée et comparative porte véritablement ses fruits : elle permet de repérer des connections là où la source monographique ne voyait que singularité. L’idée de la création même ne surgit pas ex nihilo : elle correspond aussi à différents types d’incitation, spirituelle certes, mais venue également d’intervenants ou d’interventions « profanes » comme la puissance publique, la concurrence confessionnelle ou les conflits internes. Dans ce dernier cas, la

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naissance de deux nouvelles associations à partir de la scission difficile de la filiale strasbourgeoise de l’Association catholique d’assistance pour jeunes filles, femmes et enfants – Katholischer Fürsorgeverein für Mädchen, Frauen und Kinder – au début des années 1910 constitue un exemple éclairant.

Que font les œuvres ?

Le quatrième volet aborde ce qui a été l’une des principales motivations de la recherche : le travail des œuvres proprement dit. Il touche aux interrogations non seulement de l’histoire religieuse, de la pauvreté et de l’action sanitaire et sociale, mais aussi de l’éducation et des genres. La prolifération des œuvres est en effet indiscutable, mais en même temps indissociable d’un processus de différenciation et de spécialisation. Et on peut dire que la grande plasticité des créations tient compte de l’héritage de la tradition caritative chrétienne, mais répond également aux nouveaux besoins sociaux nés de la Révolution industrielle : aide aux enfants abandonnés, mais aussi à ceux dont les mères exercent une activité professionnelle ; attention à la préservation morale et spirituelle des jeunes filles, mais aussi accompagnement de celles qui entrent dans le monde du travail ; soin aux malades, mais en relation avec l’esprit du temps et les évolutions qu’il entraîne, comme la spécialisation des soins. Si les objectifs d’évangélisation restent primordiaux, ils n’empêchent pas certains accommodements tels que la prise en charge des jeunes filles enceintes, qui ont pourtant commis le « péché de chair » fort répréhensible aux yeux des catholiques, et, surtout, ces objectifs ne sont pas exclusifs d’autres préoccupations, comme le souci hygiéniste. Et cela quelles que soient les spécificités nationales, comme la réticence allemande à confier des nourrissons à des mains étrangères, une plus grande capacité d’innovation dans la prise en charge des jeunes filles migrantes ou « en danger » – sous la houlette de Müller-Simonis, les Strasbourgeois s’y distinguent particulièrement – ou encore, toujours outre-Vosges, la présence beaucoup plus marquée d’hôpitaux entièrement confessionnels.

Concurrence ou collaboration ? Action sanitaire et sociale catholique et politiques municipales d’assistance

Le cinquième et dernier chapitre de la recherche observe la rencontre de l’action caritative catholique avec d’autres logiques d’intervention, celles des politiques municipales d’assistance. Pour un domaine étroitement délimité mais sensible à la question confessionnelle, ce chapitre permet de réexaminer l’influence du facteur religieux dans les gouvernements urbains et ainsi de tenter de répondre aux voeux formulés par certains historiens, notamment anglo-saxons12. Mais au-delà du seul cas confessionnel, il offre la possibilité de revenir sur les étapes de l’émergence d’un véritable secteur « privé » face à l’affirmation de l’intervention « publique », des catégories qui s’affirment dans le dernier tiers du XIXe siècle. Sous sa forme catholique, ce secteur privé commence à s’organiser au moment où s’affirme l’interventionnisme des municipalités. C’est le cas à Strasbourg, avec la fondation dès 1898 par Paul Müller- Simonis de l’« Union de charité » de la ville ou Katholischer Charitasverband für die Stadt Straßburg qui se propose de rassembler des informations sur les œuvres et les

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personnes indigentes et de fédérer les œuvres caritatives catholiques, au moment où l’administration municipale met en place une centrale générale d’information sur les œuvres. Ces tentatives de structuration se font d’autant plus que, comme l’école, l’assistance devient, en France comme en Allemagne, un terrain de débats et d’affrontements politiques et idéologiques : au milieu de ces turbulences, les catholiques souhaitent garder leur place. Si frictions et conflits sont incontestables, et j’en donne plusieurs exemples, il me semble cependant que, y compris dans la France de la République laïque, ces conflits sont à relativiser et que, dans les relations entre assistance publique et bienfaisance privée, c’est plutôt la collaboration qui l’emporte sur la concurrence. De ce fait, l’union sacrée à laquelle participent les œuvres en 1914 apparaît moins comme une rupture que comme la poursuite, sur une plus grande échelle, de pratiques déjà en vigueur. En effet, les instances publiques n’avaient pas les moyens humains et financiers de s’imposer sur tous les fronts (école, assistance, influence politique...) et ont donc dû arbitrer entre les impératifs idéologiques, les besoins des populations et les nécessités de l’administration. La conclusion de l’étude revient d’abord sur les choix méthodologiques qui ont été les miens. La comparaison entre deux pays a parfois été lourde à manier, mais elle a permis de mieux montrer la circulation des modèles et les résistances à cette circulation. Tout en ne gommant pas les différences, elle a contribué à effriter un peu plus la notion générique de modèle « national » de société, en mettant en évidence le fait que le caractère international du catholicisme a eu des effets très concrets sur la convergence de certaines pratiques de part et d’autre du Rhin et favorisé ainsi certaines synergies. En ce sens, la comparaison a joué le rôle d’instrument de distanciation que l’on attendait d’elle, même si elle a conduit sans doute, ici ou là, à certaines simplifications. Le cadre urbain choisi dès l’origine semble aussi avoir eu sur le phénomène caritatif l’effet de loupe que l’on en escomptait et a donné la possibilité de mieux saisir les manifestations de concurrence entre acteurs de terrain. Quant à la question des relations entre pratiques caritatives et rapport que les catholiques entretiennent avec la modernité, il est d’abord indéniable que les œuvres et les enquêtes qui les décrivent reprennent bien à leur compte l’image de la société moderne « comme un corps malade » : ce sont peut-être les commentaires allemands sur les crèches et les salles d’asile qui le montrent le plus clairement, mais cette représentation est bien à l’arrière- plan de toutes les créations d’œuvres. Ce constat pessimiste ne paralyse cependant pas l’action, au contraire, et c’est là sans doute que les adversaires du catholicisme, sciemment ou non, s’y sont le plus mépris : au-delà d’un certain type de discours négatif, les catholiques s’engagent et tentent de trouver des réponses à plusieurs aspects de la modernité sociale. Ils ne sont pas toujours créateurs des formes d’intervention qu’ils utilisent, mais hésitent peu, voire pas du tout, à investir les innovations lancées par d’autres, y compris protestants : salles d’asile ou action internationale en faveur des jeunes filles par exemple. Présents sur le terrain social, ils sont des interlocuteurs incontournables de l’assistance municipale et participent donc inévitablement de sa modernisation et du débat qui accompagne cette modernisation. Au total, et pour m’inscrire (modestement) dans les pas d’Urs Altermatt et de Michel Lagrée13, il me paraît évident que la nature a priori non moderne, voire anti-moderne de l’ « œuvre de charité », inscrit pourtant pleinement le catholique qui la pratique dans la modernité qui l’environne, parce qu’elle l’oblige à réagir à des défis qui menacent sa propre survie comme homo religiosus.

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NOTES

1. Ce dossier intitulé « Pour une histoire sociale et culturelle du fait religieux en Allemagne et en France XIXe-XXe siècles » a été soutenu devant un jury composé de MM. Christian Baechler (directeur de recherches), Jacques-Olivier Boudon, Philippe Boutry, André Gueslin, François Igersheim et Hartmut Kaelble. 2. Catherine MAURER, Le modèle allemand de la charité. La Caritasde Guillaume II à Hitler, Strasbourg, 1999. Voir aussiid., Caritas. Un siècle de charité organisée en Alsace 1903-2003, Strasbourg, 2003. 3. Michel Lagrée, « Histoire religieuse, histoire culturelle », Jean-Pierre Rioux, Jean-François Sirinelli (dir.), Pour une histoire culturelle, Paris, 1996, p. 387-406, p. 396. Voir aussi Bruno Dumons, « Histoire sociale et histoire religieuse, deux soeurs ennemies ? Un essai de relecture historiographique pour la France contemporaine », Revue d’Histoire de l’Église de France, 86, juillet-décembre 2000, p. 561-572, et « Villes et ouvriers. Des territoires pour l’histoire sociale et religieuse de la France contemporaine », Revue d’Histoire de l’Église de France, 87, janvier-juin 2001, p. 111-131. 4. Voir Marc BLOCH, « Pour une histoire comparée des sociétés européennes », Revue de Synthèse Historique, déc. 1928, réédité dans Mélanges Historiques, vol. 1, Paris, 1963, p. 16-40, p. 27. 5. Ibid. 6. Dans le cas de Strasbourg, il s’agit de l’enquête réalisée par Paul Müller-Simonis, Die kath. Wohltätigkeits-Anstalten u. Vereine sowie das kath.-soziale Vereinswesen in der Diözese Strassburg. Hrsg v. Kath. Charitas-Sekretariate zu Straßburg, Strasbourg, 1899 (137 p.). 7. Denis Pelletier, « Les pratiques charitables françaises entre « histoire sociale » et « histoire religieuse ». Essai d’historiographie critique », Isabelle von Bueltzingsloewen et Denis Pelletier (dir.), La charité en pratique. Chrétiens français et allemands sur le terrain social : XIXe-XXe siècles, Strasbourg, 1999, p. 33-47, p. 35. 8. Pour les graphiques figurant les valeurs correspondant au nombre de catholiques et au nombre d’œuvres dans chacune des villes, on voudra bien se reporter aux pages 68 et 70 du manuscrit encore inédit, ainsi qu’aux pages 68 à 81 du même manuscrit pour le détail des interprétations concernant l’ensemble des graphiques. 9. Seules deux enquêtes sur huit concernant les villes françaises sont publiées après la fin des années 1890 : celles concernant respectivement Lyon et Neuilly. 10. Cinq enquêtes allemandes sur sept ont été publiées après 1899. 11. Voir Catherine MAURER, « L’élite ecclésiastique au service de la cause caritative : Paul Müller-Simonis », Christian SORREL, L’engagement social des croyants : lignes de force, expériences européennes, itinéraires alsaciens, Strasbourg, 2004, p. 271-283. 12. Voir notamment William B. COHEN, Urban Government and the Rise of the French City. Five Municipalities in the Nineteenth Century, New York, 1998, p. 121-124 et 202-206, et Timothy B. Smith, « Republicans, Catholics and Social Reform : Lyon (1870-1920) », French History, 12, n° 3, 1998, p. 246-275. 13. Voir notamment Michel LAGREE, « Durkheim, Weber et Troeltsch, un siècle après », id., Religion et modernité. France, XIXe-XXe siècles, Rennes, 2002, p. 51-61.

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AUTEUR

CATHERINE MAURER Maître de Conférences, UFR des Sciences Historiques Université Marc Bloch, Strasbourg

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Langues et locuteurs en Alsace : approches sociolinguistiques, approches de politique linguistique

Dominique Huck

Les travaux présentés1 s’organisent autour de trois axes : • la situation sociolinguistique de l’Alsace ; • l’allemand et le dialecte à l’école primaire en Alsace ; • les politiques linguistiques.

Présentation succincte du travail

Les travaux qui sont présentés sont tous ancrés dans un même espace : l’Alsace et essentiellement dans un champ disciplinaire, la sociolinguistique. L’espace et le champ disciplinaire retenus sont, tous deux, polymorphes et pluridimensionnels. S’agissant de la sociolinguistique, il s’agit d’un champ disciplinaire hétérogène par excellence, dans la mesure où il se situe à la croisée de plusieurs disciplines auxquelles il emprunte des méthodes et, parfois, les cadres théoriques pour tenter de rendre compte de l’articulation entre langue et société. La dialectologie d’aujourd’hui s’inscrit de plein droit dans ce champ lorsqu’elle interroge les effets linguistiques des changements dialectaux ou lorsqu’elle cherche à comprendre les causalités multiformes des changements (Dialektwandel). La focalisation sur l’espace alsacien peut indisposer ou, du moins, laisser entendre que le chercheur pourrait manifester des tendances obsessionnelles, voire monomaniaques ou, du moins, tendanciellement nombriliques… Il me semble cependant que cette forme d’unicité d’espace permet d’organiser et de structurer le travail sur plusieurs terrains : les pratiques linguistiques déclarées et le discours sur les langues et les pratiques, les politiques linguistiques (dans le discours des acteurs, dans la réception), le terrain éducatif où la perspective qui est déployée relève d’une approche plus transversale.

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Tous ces éléments doivent contribuer à une meilleure description de la situation sociolinguistique de l’Alsace, avec un effet essentiellement rétroactionnel dans le domaine méthodologique et théorique. En effet, la part « descriptive » m’a paru centrale parce qu’elle est à la fois nécessaire pour contextualiser les langues et leurs pratiques, mais aussi et surtout parce que les langues sont un élément constitutif de la situation et de la complexité de la dynamique sociétale. Les travaux menés, selon les préoccupations scientifiques du moment, s’appuient tantôt plus sur des raisonnements quantitatifs (« qui déclare parler quelle langue »), tantôt plus sur des éléments qualitatifs (en particulier tous les travaux qui auront concerné la « conscience linguistique des locuteurs alsaciens » à la fin du XXe siècle) ou sur des problématiques concernant les domaines spécifiques des politiques linguistiques (intervention de l’État sur les situations linguistiques, les connaissances/ compétences des individus en français, par exemple) ou encore le domaine transversal de l’éducation (enseignement-apprentissage de l’allemand : rôle, fonction, enjeux pour le corps social et l’État), transversal dans la mesure où il met en jeu une observation sociolinguistique, de politique linguistique, de sociodidactique, etc. La « description » ainsi proposée cherche à rendre compte de manière assez approfondie et dans le plus de domaines possible de l’implication des langues dans le corps social en Alsace. Elle tente de dégager, par ce biais, les dynamiques (c’est-à-dire les mouvements et les forces dont les effets ne sont pas prédictibles) qui sont à l’œuvre et les enjeux qui en émergent. Deux approches particulières ont été régulièrement privilégiées : la description de la situation par le biais des représentations des acteurs (ou, plus globalement, par le « discours sur »), d’une part, une focalisation sur la variété dialectale, dans ses dimensions définitoires, mais aussi et surtout dans la dimension linguistique des changements sociolinguistiques, d’autre part. Une part importante des travaux présentés sont autant d’éléments qui cherchent à explorer et à compléter la description sociolinguistique du terrain alsacien. Dans ce sens, ces travaux peuvent être compris, primairement, comme une contribution à la connaissance du terrain alsacien. Mais s’agit-il uniquement de cela ? Ce parti pris « descriptif » commence à devenir une démarche méthodologique systématique et cohérente, dès lors qu’il permet de mettre en évidence des problématiques ou des questions qui ne sont pas/plus propres à un espace, la situation alsacienne, mais qui s’inscrivent dans une réflexion sur les méthodes et les outils théoriques de la sociolinguistique. Et, dans ce cas, c’est bien l’analyse du terrain alsacien qui oblige le chercheur à s’interroger sur ses outils, sur la procédure qu’il adopte, sur les conclusions qu’il en tire. Citons en quelques exemples : • C’est ce qui m’a amené à revoir/à relire, dans l’approche quantitative, les variables « âge », « sexe », « ville/campagne », qui, à mes yeux, ont été insuffisamment débattues en tant que variables pour qu’il faille tenter de préciser leur sens et l’indication que fournit la variable ou les variables combinées dans les descriptions sociolinguistiques. La réflexion sur ces variables n’a pu être élaborée que petit à petit dans la mesure où le sens qu’il y avait lieu de leur donner n’a pu être construit que par un va-et-vient constant entre l’analyse interprétative et le cadre théorique. • C’est aussi par le biais du terrain alsacien que nous avons commencé à comprendre, Arlette Bothorel2 et moi-même, la centralité de ce que nous avons d’abord nommé, à la suite du GdR 09 du CNRS, la « conscience linguistique des locuteurs dialectophones », c’est-à-dire le

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discours des locuteurs, sur les langues, les pratiques linguistiques, etc. C’est, en particulier, le jeu complexe des liens (ou des non liens) entre dialecte et allemand standard (endogène et/ou exogène) dans le discours des acteurs qui a permis de mieux comprendre les rapports d’inclusion et d’exclusion qui circulent dans le corps social, les positionnements a priori paradoxaux et/ou apparemment contradictoires qui ont permis de comprendre que les réalités construites dans le discours étaient fluctuantes, selon le positionnement du locuteur, selon la projection effectuée, par exemple. Peu à peu, avec différentes approches (catégorisations glottonymiques, caractérisations des variétés linguistiques sur l’axe temporel, par ex.), nous avons pu montrer que la subjectivité des locuteurs est constitutive de la réalité linguistique et qu’il s’agit d’une dynamique complexe dans la mesure où mouvements et forces rétroagissent (situations et acteurs). Nous rejoignons, en ce sens, les travaux d’autres collègues, comme ceux de Philippe Blanchet3. • La part factuelle des actions de politique linguistique, mais aussi (et, dans bien des cas, surtout) les discours sur les langues, produits par les acteurs institutionnels et par les usagers « ordinaires », d’une part, l’examen d’un secteur de la politique linguistique éducative (l’enseignement de l’allemand à l’école élémentaire) d’autre part, m’ont amené à m’interroger de plus en plus fréquemment et de plus en plus intensément sur la place, le rôle et, de manière plus délicate, la nature de la politique linguistique qui agit à la fois sur l’empirie (= le licite/le non licite, les contraintes/l’absence de contraintes), mais aussi à m’interroger sur la raison qui pousse les acteurs à agir ainsi, sur la réception des mesures de politique linguistique, sur la rétroaction de ces politiques, sur leur empan. • C’est toujours dans le terrain alsacien que s’inscrit toute une série de questions qui touchent plus particulièrement la variété dialectale. Au premier rang de ces questions se trouve celle concernant la définition même de « dialecte ». L’ensemble des travaux tend à montrer qu’on ne peut plus penser le dialecte comme une variété isolée, sans lien avec les autres ressources linguistiques en présence, mais qu’il est nécessairement défini par rapport à d’autres variétés linguistiques, à d’autres ressources du répertoire linguistique des locuteurs. Ce questionnement est, lui aussi, partagé par beaucoup de nos collègues, dans d’autres espaces, avec, selon les contextes, des réponses différenciées. • De la même manière, les aspects linguistiques, structurels, du changement dialectal sont directement inscrits dans les situations d’énonciation, situations qui font interagir des locuteurs aux répertoires verbaux hétérogènes, avec des intentions communicationnelles diversifiées. Dans ce sens, les évolutions linguistiques présentent des singularités dans leurs effets empiriques (morphosyntaxiques, lexicaux, phonétiques…), mais relèvent d’une problématique qui concerne tous les espaces dialectaux en Europe occidentale (dialecte comme ressource dans l’interaction verbale, « parler bilingue »,4 etc.). Et ce sont, précisément, des questions autour des changements linguistiques dans l’analyse de productions orales qui m’ont amené à m’interroger sur l’articulation entre l’idiolectal et le sociolectal. • C’est encore l’espace alsacien qui, à travers la description diachronique qui en a été donnée,5 a fait apparaître à la fois une lacune descriptive et, en quelque sorte un besoin de description, dans la mesure où le XXe siècle n’a été que peu évoqué d’un point de vue sociolinguistique, mais aussi la nécessité de penser, de théoriser cette description sociolinguistique en diachronie. Cette réflexion est à peine entamée et s’appuie, pour le moment, uniquement sur quelques éléments épars comme la constitution de glottonymes ou des fragments de discours épilinguistique sur les langues. Ce qui était destiné, primairement, à fournir un contexte explicatif, à savoir l’histoire « sociolinguistique » de

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l’Alsace s’avère être un champ de recherche à part entière dont les outils et les méthodes demandent encore à être précisés. Au-delà des questionnements sociolinguistiques, socio-didactique et socio-politiques, le champ éducatif (l’allemand et le dialecte à l’école primaire) a fourni, de manière plus générale, l’occasion d’entamer une réflexion sur la posture du chercheur à la fois face à son objet d’étude, face aux choix qu’il est amené à opérer, aux constructions méthodologiques qu’il est amené à faire, mais aussi, à sa posture quand il est amené à jouer un rôle en tant qu’acteur ou qu’expert dans les politiques linguistiques éducatives de l’État. Au total, l’espace alsacien et les terrains abordés ont constitué mon champ de prédilection à partir duquel des problématiques ont été formalisées, des méthodologies et différents types d’approches ont pu être expérimentées et, parfois, validées. Le fait de rester dans cet espace m’a permis de le connaître plus amplement et cette connaissance plus approfondie a pu faire surgir de nouvelles questions, une attention particulière à des aspects qu’une connaissance plus superficielle n’aurait peut-être pas permis (par ex. : la place et la fonction assignés au dialecte dans le discours institutionnel). Cette manière de procéder permet également de chercher à donner une vision aussi globale que possible de la situation sociolinguistique. Au total, sans le terrain alsacien, je n’aurais pas pu avancer dans la réflexion dans différents domaines de recherche sociolinguistiques, et sans les outils et la réflexion sociolinguistiques, je n’aurais pas pu « décrire » le terrain alsacien. Cependant, toutes les recherches n’ont pas pu mûrir selon le même degré d’intensité et toutes les investigations n’ont pas été menées au même point d’aboutissement. Aussi, serait-il bon que l’une ou l’autre observation faite par les rapporteurs ou que des observations qui émanent de ma propre relecture des travaux fassent l’objet d’une attention plus particulière.

Précisions à partir de questions soulevées par des rapporteurs ou émanant de ma propre relecture des travaux

Éléments pour une histoire linguistique de l’Alsace

Le manuscrit qui fait partie des travaux soumis au jury, intitulé « Éléments pour une histoire linguistique de l’Alsace » a comme vocation première, comme l’indique l’avant- propos, de proposer, à la suite de la belle thèse de Paul Lévy sur l’Histoire linguistique d’Alsace et de Lorraine (1929)6 une synthèse des éléments du contexte socio-politique et sociohistorique qui permettent d’éclairer et de mieux comprendre des éléments sociolinguistiques. Si notre attention s’est focalisée sur une partie de la deuxième moitié du XXe siècle – plus d’un tiers de cette monographie traite des problématiques qui ont été celles des 30 années qui se sont écoulées entre 1945 et 1975 – et si nous avons tenté de traiter cette période de manière plus approfondie et plus complète pour l’éclairer d’informations nouvelles, le point de vue descriptif risque d’apparaître comme trop « strasbourgeois » dans la mesure où, notamment, nous n’avons pas pu exploiter les fonds des Archives départementales du Haut-Rhin. La description de cette période

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présente néanmoins des difficultés parce que des travaux de synthèse d’une certaine ampleur et d’une certaine précision par domaine (presse, cinéma, radio/télévision, spectacle vivant, par exemple) restent rares.7 Une exploration des 25, voire des 35 années qui ont suivi la fin de la guerre nous paraissait indispensable pour tenter de comprendre comment les mutations linguistiques se sont opérées en un laps de temps, au regard de l’histoire, somme toute assez bref. Parallèlement à ce panorama d’ensemble, nous avons esquissé une réflexion sur la place et le statut de l’enseignement de l’allemand à l’école primaire depuis 1918.8 Ce dernier travail n’aurait pas pu voir le jour sans l’exploration de la période d’après-guerre que nous avons entreprise ici. Cette synthèse, qui s’arrête, pour l’essentiel, autour de 1970, peut et doit être complétée temporellement : elle devrait pouvoir être menée jusqu’à la fin du siècle ou, du moins, jusqu’au début des années 1990. En effet, a priori, les informations dont je dispose me poussent à penser que, notamment en Alsace, le segment temporel +/-1970- +/-1985 pourrait représenter une période charnière dans la dynamique linguistique : • la société (toutes les sociétés dans le monde occidental) connaît/connaissent des changements structurels, • la modernité et l’accélération de l’insertion de la modernité dans tous les champs de la vie s’installent durablement – mais il s’agit d’une modernité contestée par une partie du corps social –, • une relève générationnelle (les enfants de l’après-guerre sont, à leur tour, devenus adultes ou en train de le devenir) semble prête à faire d’autres choix linguistiques que ses devanciers (sa réception des politiques linguistiques n’est pas la même, la politique linguistique institutionnelle de l’Etat semble avoir été intégrée dans le discours tenu sur les langues, …), • les débats autour de la conservation et de la transmission des langues minorisées se déploient de manière importante, avec des volets éducatifs, culturels et médiatiques non négligeables avec l’arrivée de la gauche au pouvoir en France. Il y a là une réelle nécessité de rendre compte de la complexité des forces, des enjeux, des comportements en présence pour donner une description aussi complète que possible d’une situation sociolinguistique en changement, pour l’analyser et l’interpréter, par une mise en lien du plus grand nombre d’éléments possible. La question de l’enseignement de l’allemand qui aura été, de fait, un enjeu autour duquel les acteurs des politiques linguistiques auront été fréquemment en conflit ou, du moins, en désaccord, durant l’entre-deux-guerres comme dans l’après-1945, devra être traitée avec une attention particulière, d’autant que c’est une problématique qui est largement présente dans mes préoccupations scientifiques. Cet aspect pourra / pourrait peut-être fonctionner comme point de focalisation sociolinguistique, notamment en ce qu’il pourrait donner des indications sur la manière dont le corps social se projette sociolinguistiquement dans l’avenir, comment il l’imagine (ou non) et signifier, par ce type de positionnement, comment il évalue l’importance et l’enjeu de cette question. Mais il ne faudra pas s’en tenir là. Comme cela a été rappelé précédemment, il est également temps de penser et de formaliser l’intérêt non pas « historique » de la démarche, mais son intérêt sociolinguistique en diachronie. C’est, en quelque sorte, la dynamique sur l’axe du temps, qui non seulement fournit des clefs explicatives des changements sociolinguistiques qui s’effectuent, mais qui permet aussi d’en identifier

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et d’en dégager des éléments qui seraient restés voilés. C’est dans ce sens que la monographie présentée peut combler une lacune et ouvrir d’autres perspectives de recherche. En effet, cette dynamique est à la fois comparable au principe qui anime un film (ce sont des images fixes qui, mises en mouvement, donne du sens à la suite des images), mais aussi à celui qui anime les constructions en trois dimensions : l’axe du temps permet de mettre ou de remettre en perspective les rôles constitutifs des variétés linguistiques, de dégager les complexités multiples, de montrer que tous les champs de la vie participent de la construction des situations linguistiques qui sont sans cesse en mouvement, du moins pour la 2de moitié du XXe siècle. Mais, dans un premier temps, il ne serait pas souhaitable de mélanger les deux perspectives : il s’agit, d’une part, de rédiger l’« histoire » sociolinguistique du dernier quart du XXe siècle et, d’autre part, de (re)penser à la fois les perspectives et les apports, notamment méthodologiques, de cette approche sociolinguistique en diachronie. Même si le « ton » que prendra la description reste le même que celui qui a prévalu dans le texte qui vous a été soumis, « sec et dépouillé » comme le caractérise l’un des rapporteurs, je souhaiterais pouvoir publier ces Éléments pour les mettre à la disposition de lecteurs autres que les étudiants de dialectologie pour lesquels les derniers chapitres de l’étude ont été mis en ligne au fur et à mesure de leur achèvement provisoire. L’un des corollaires de ce travail réside dans le constat qu’au-delà des sources archivistiques dont je continue à penser qu’elles sont essentielles pour alimenter et retravailler sans cesse la description, il convient de faire une place de plus en plus importante aux textes imprimés, quels qu’ils soient : presse quotidienne et hebdomadaire, presse professionnelle, syndicale et associative, presse littéraire, annuaires des sociétés savantes, …, mais aussi, au moins partiellement, les textes littéraires (quelle que soit la variété linguistique utilisée), les (auto)biographies, les relations et essais, … L’analyse thématique et l’analyse discursive – comme certaines de mes études très partielles ont pu le montrer – devraient permettre à la fois d’affiner bien plus les analyses et de mieux comprendre la circulation sociale de la subjectivité et les rétroactions sur les pratiques linguistiques. Dans le même temps, les productions dialectales, constituées en corpus, me permettront de poursuivre l’enquête sur les changements linguistiques ou, du moins, poursuivre la réflexion sur l’idiolectal et son articulation avec le sociolectal. Durant le XXe siècle, le rôle des médias radiophoniques et télévisuels, depuis les années 30 pour les premiers, depuis la fin des années 50 pour les seconds devraient être soumis à un examen fin, avec une focalisation sur les dialectes : place, fonction, rôle des émissions en dialecte, analyse thématique, discursive et structurellement linguistique.

Les questions autour des politiques linguistiques

Plutôt que de m’appuyer sur des propositions définitoires existantes, j’ai retenu le parti de m’appuyer sur l’analyse empirique du terrain alsacien pour commencer à désigner ce qui pourrait être nommé « politique linguistique ».

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J’ai retenu qu’une politique linguistique, telle que je l’ai observée, pouvait être • explicite (expression d’une volonté, argumentation idéologique, mesures à mettre en œuvre, identification des acteurs, réception), mais que • il y avait également des cas où une politique linguistique pouvait être implicite (notamment par l’absence de l’expression explicite d’une volonté), et que • elle pouvait se traduire par une série de mesures qui amène à un constat d’une politique linguistique de fait (parfois uniquement ou essentiellement dans un domaine [l’espace éducatif ou les médias, par exemple]). Dans un certain nombre de cas, nous n’avons pas su trancher entre une « attitude » (au sens de « manière de se comporter et, éventuellement, d’agir »9) et une « politique ». En dernière analyse, c’est la volonté de l’État (exprimée ou non, avec ou sans effets opératoires) qui m’a paru centrale, liée à une forme de cohérence, pour pouvoir nommer cet ensemble critérisé ainsi aux contours flous « politique linguistique ». Par ailleurs, le terrain alsacien permet de montrer un changement fondamental de la position de l’État sur l’axe du temps, où il peut passer d’un refus de politique linguistique éducative vers une politique linguistique éducative revendiquée. En réservant cette dénomination de « politique linguistique » à ces différents éléments, je restreins très fortement le référent à un acteur essentiel, central, voire provisoirement unique, l’État, en combinant cet état de fait avec l’idée de volonté politique exprimée ou non, liée à une forme de cohérence, même partielle ou sectorielle. Pour le moment, ni la catégorisation « aménagement linguistique », encore moins « planification linguistique » ne peuvent convenir pour désigner ce que j’entends provisoirement par « politique linguistique ». Le fait que j’affirme ne pas avoir de « théorie » à proposer n’est toutefois pas totalement exact dans la mesure où, implicitement et, pour partie, explicitement, un début de théorisation s’ébauche par ce biais définitoire. En revanche, je n’ai pas proposé de réflexion sur le périmètre que pourrait recouvrir la désignation et la catégorisation « politiques linguistiques », pour les distinguer, minimalement, des dénominations « aménagement linguistique » et de « glottopolitique ». De la même manière, je n’ai pas proposé de réflexion sur la constitution des politiques linguistiques comme champ scientifique. Des travaux récents de Philippe Blanchet et de Claude Truchot10 tracent des pistes sur ces questions, sous forme de synthèses. L’un des problèmes qui apparaît de manière récurrente réside dans la question de savoir quel est l’objet auquel le syntagme réfère ou, si l’on renverse la perspective : comment les référents sont-ils découpés et articulés et comment les nommer ? Ce va- et-vient entre l’objet référé et la dénomination/catégorisation paraît nécessaire si l’on veut à la fois éviter les malentendus et une discussion sans objet. Il me semble qu’il s’agit là d’un point-pivot auquel il s’agirait de s’attacher et qui, pour l’instant, m’a amené à ne pas aller au-delà d’une forme de conceptualisation opératoire. Dans le travail réflexif autour de ces problématiques, je me suis davantage attaché à des questions de méthodes (qui portent sur la constitution de l’objet « politiques linguistiques »), en particulier aux deux aspects suivants : • Quels critères utiliser pour identifier une politique linguistique ? La question est nécessairement en lien avec les problèmes définitoires.

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• Comment opérer pour lire une politique linguistique ? Si ce questionnement est très certainement également en lien avec la question définitoire et la critérisation, c’est avant tout sur le repérage des indices textuels, leur nature, le statut des textes, … et, surtout, leur mise en lien/réseau que des questions de méthodes essentielles vont se poser. En effet, ce sont les méthodes qui peuvent très largement conditionner l’accès à la lecture et la lecture elle-même. Enfin, à titre plus expérimental, je me suis intéressé à la manière dont il est possible d’avoir accès aux processus d’élaboration de politique linguistique, dont l’intérêt et l’apport ne sont pas encore vraiment convaincants. (cf. la proposition d’entretien que je fais, notamment des entretiens à plusieurs participants) Au total, les travaux présentés ont pour vocation à la fois de contribuer à une meilleure connaissance du terrain sociolinguistique alsacien et de contribuer à une réflexion théorique et méthodologique (et, pour partie, éthique) dans différents champs de la sociolinguistique et de la dialectologie.

NOTES

1. Le dossier réalisé en vue de l’obtention de l’Habilitation à Diriger des Recherches (HDR) comprend cinq volumes, présentés à la soutenance le 23 mai 2008 à l’Université Marc Bloch. Dans le volume I se trouvent un curriculum vitae, une synthèse des activités d’enseignement depuis 1991, une liste des activités en matière de recherche (travaux et publications), la liste des responsabilités collectives exercées depuis 1991 (env. 30 p.). Le volume II est constitué par le document de synthèse présentant nos travaux de recherche (250 p.). Les volumes III et IV contiennent les 48 publications que nous avons retenues comme base du document de synthèse (environ 1000 p.). Le volume V est une monographie nouvelle qui porte le titre Éléments pour une histoire linguistique de l’Alsace (300 p.). 2. A. Bothorel est professeur de dialectologie à l’université Marc Bloch (Strasbourg 2). 3. BLANCHET Philippe (2000) La linguistique de terrain. Méthode et théorie. Une approche ethno-sociolinguistique, Rennes, Presses Universitaires de Rennes ; BLANCHET Philippe (2003) « Contacts, continuum, hétérogénéité, polynomie, organisation « chaotique », pratiques sociales, interventions … Quels modèles ? : Pour une (socio)linguistique de la «complexité» », in BLANCHET Philippe et ROBILLARD Didier de (dir.) Langues, contacts, complexité. Perspectives théoriques en sociolinguistique, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, p. 279-308. 4. LÜDI Georges / PY Bernard (3e éd. 2003) Etre bilingue, Bern, Berlin, Bruxelles, Frankfurt am Main, New York, Oxford, Wien, Peter Lang, p. 139. 5. Manuscrit qui fait partie des travaux soumis au jury, intitulé « Éléments pour une histoire linguistique de l’Alsace ». 6. LEVY Paul, Histoire linguistique d’Alsace et de Lorraine. Tome I Des origines à la Révolution française. Tome II De la Révolution française à 1918, Paris 1929, Les Belles Lettres. 7. Sont disponibles les synthèses de Bernard VOGLER Histoire culturelle de l’Alsace. Du Moyen Age à nos jours, les très riches heures d’une région frontière, Strasbourg 1993, La Nuée Bleue,

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VOGLER Bernard Histoire politique de l’Alsace. De la Révolution à nos jours, un panorama des passions alsaciennes, Strasbourg 1995, La Nuée Bleue et VOGLER Bernard L’après-guerre à Strasbourg, Illkirch 2002, Le Verger ainsi que le remarquable numéro de la Revue d’Alsace (tome 130-2004) consacré à L’Alsace du second XXe siècle où le maître d’œuvre de la livraison, François IGERSHEIM, a publié une innovante contribution sur « La vie politique du Bas-Rhin sous la IVe République : la domination du MRP » (p. 21-69). 8. Deux extraits significatifs ont été publiés dans des versions modifiées : « L’enseignement de l’allemand à l’école primaire en Alsace entre 1945 et 1985 » in Revue d’Alsace, tome 132 (2006), p. 337-406 ; « L’école primaire et les questions linguistiques en Alsace entre 1918 et 1940 », in LIEUTARD Hervé et VERNY Marie-Jeanne (eds) L’école française et les langues régionales. Actes du colloque RedÒc-C.E.O., [Montpellier] 2007, Presses Universitaires de la Méditerranée (Études occitanes n° 3), p. 217-234. 9. Exemple pour l’attitude de la France dans l’après-guerre, attitude qui présente au moins une triple dimension : - sans que cela soit explicitement formulé, elle vise à écarter le dialecte le plus possible parce qu’il représente, pour l’État et ses agents, un obstacle central à la diffusion et à la pratique du français, qui font l’objet d’une politique linguistique explicite ; - en cas de blocage (dans l’apprentissage, dans la communication, …), l’État suggère que le dialecte serve d’auxiliaire occasionnel : dans le domaine éducatif pour l’apprentissage disciplinaire ou l’apprentissage du français, dans la communication comme moyen de lissage entre administration et administrés ; - dans le domaine radiophonique, le dialecte est conçu comme un moyen de substitution de l’allemand : l’État établit une gradation de fait. D’un point de vue politique global, il estime l’usage du dialecte moins préjudiciable que celui de l’allemand standard. Il s’agit d’une politique linguistique stratégique, non pour promouvoir le dialecte, mais pour écarter l’allemand. Le dialecte fait, en quelque sorte, l’objet d’une politique en creux : la politique menée à l’égard du français a des incidences, de fait, non seulement sur le dialecte dans sa dimension sociolinguistique, mais aussi dans son évaluation idéologique et symbolique. Il s’agit là d’un cas intéressant où une politique linguistique en faveur de la langue officielle entraîne une sorte de politique « voilée » que nous avons plutôt nommée « attitude » de l’État face au dialecte. Cette « attitude », largement négative jusqu’à la fin des années 1970, voire cette politique linguistique implicite/« voilée » se transforme en une attitude et un discours explicite en faveur du dialecte, sans que soit, pour autant, formulée une politique linguistique, c’est-à-dire exprimée une volonté et mises en place des mesures assurant l’usage sociétal du dialecte. La critérisation de ce fonctionnement reste encore insuffisamment pensée : s’agit-il d’une « attitude » de l’État ou d’une politique linguistique implicite ou voilée qui déboucherait sur une politique linguistique de fait ou d’un ensemble se situant dans un « entre-deux » ? 10. Cf. Les deux contributions extrêmement intéressantes de Claude TRUCHOT « L’analyse des pratiques d’évaluation des politiques linguistiques : un objet d’étude à constituer » et de Philippe BLANCHET « La nécessaire évaluation des politiques linguistiques entre complexité, relativité et significativité des indicateurs » dans le premier numéro de Les Cahiers du Gepe (revue en ligne : http://www.gepe-strasbourg.fr).

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AUTEUR

DOMINIQUE HUCK Maître de Conférences. Département de dialectologie alsacienne et mosellane, Université Marc Bloch, Strasbourg

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Un procès pour hérésie à Strasbourg en 1400

Georg Modestin

Au cours du printemps de l’année 1400, la ville de Strasbourg fut la scène d’un procès pour hérésie, dont nous avons réédité et analysé les actes1. Cette affaire est connue par l’historiographie spécialisée depuis le milieu du XIXe siècle déjà, sans pourtant avoir reçu toute l’attention qu’elle mérite. Cette constatation apparemment paradoxale s’explique par le fait que les actes, conservés aux Archives de la Ville et de la Communauté urbaine de Strasbourg sous la cote VI 699/1, ont fait l’objet d’une édition partielle établie en 1855 par le pasteur et historien de la Réforme strasbourgeois Timotheus Wilhelm Röhrich2. Cette édition, aussi méritoire qu’elle ait été en son temps pour avoir familiarisé les chercheurs avec les sources en question, ne répondait plus aux exigences modernes en la matière, et cela d’autant plus que le caractère incomplet de l’édition de Röhrich ne permet pas de reconstruire la genèse des actes et, par là même, le déroulement du procès. Il s’est en effet avéré au cours de la recherche que les passages omis par Röhrich contiennent une partie des transcriptions de l’enquête préliminaire. Ces passages furent par la suite repris et partiellement reformulés dans les actes, ce qui fit croire à l’existence d’un doublon. Or, c’est précisément la comparaison entre ces deux versions qui nous renseigne sur les préparatifs du tribunal. L’apport de la nouvelle édition ne se limite cependant pas aux parties omises par Röhrich. Nous avons réussi à augmenter la base documentaire du procès, en découvrant notamment le protocole d’un serment de ne pas se venger (« Urfehde ») que l’on croyait perdu, et qui nous renseigne sur le sort de la plupart de ceux et celles qui avaient été appelés à la barre. La deuxième trouvaille importante est une lettre dans laquelle le Conseil de Strasbourg communiqua à son homologue bernois sa version des événements peu après leur achèvement. Comme les actes du procès ne contiennent pas de dates, il n’est pas possible d’établir le rythme des séances au-delà de la première et de la dernière. En ce qui concerne le début de l’action du tribunal, des indices internes aux actes suggèrent que la première audition eut lieu le 13 mars 1400 : ce jour-là, un témoin avait vu « beaucoup de membres du clergé » ainsi que « celles d’Augsbourg » quitter la maison de l’œuvre

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Notre-Dame – une observation qui peut être rapprochée avec le début de l’enquête préliminaire tel qu’il se reflète dans la structure des actes. L’enquête commença effectivement par l’interrogatoire du clergé des neuf paroisses de Strasbourg au Moyen Âge. Les résultats de cet interrogatoire ne furent cependant pas ceux escomptés : à de rares exceptions près, les curés de Strasbourg et leur vicaires nièrent toute connaissance d’agissements hérétiques dans la ville. Un deuxième groupe de témoins fut plus loquace, à savoir « celles d’Augsbourg », également mentionnées par notre témoin. Il s’agit de trois femmes, une mère et ses deux filles, probablement des réfugiées d’Augsbourg où un procès avait frappé des hérétiques en 1393. Avec deux autres femmes dont l’origine reste obscure, les « Augsbourgeoises » servirent le tribunal comme témoins à charge, une collaboration finalement honorée, à ce qu’il semble, par l’impunité dont elles jouirent à l’issue du procès. Le plus grand apport de ces cinq témoins consista dans les informations fournies aux juges au sujet de la foi et des pratiques religieuses partagées par les hérétiques strasbourgeois, des données permettant d’identifier ces derniers sans ambiguïté comme vaudois, ce qui était aussi le cas des hérétiques d’Augsbourg de 1393. La conclusion du procès, quant à elle, peut être datée du 3 avril 1400. Ce jour là, un groupe de vingt et un vaudois prêtèrent serment de ne pas se venger du sort subi, suite à quoi ils furent bannis à vie. Ce fut le point final d’une affaire qui coûta leur patrie à vingt-sept personnes en tout, c’est-à-dire à la grande majorité des personnes interrogées.

Une vague de persécutions à la fin du XIVe siècle

Le procès de Strasbourg s’inscrit dans la dynamique de la persécution dont furent victimes les vaudois de langue allemande pendant la dernière décennie du XIVe et les toutes premières années du XVe siècle. Les raisons de cette répression ne sont pas entièrement élucidées, mais elle fut rendue possible par la découverte et la conversion partielle d’une série de maîtres vaudois itinérants au début des années 1390. La communauté vaudoise de Strasbourg fut concrètement touchée par ces événements : sur une liste dressée en 1391 contenant des noms de maîtres « démasqués » figure entre autres celui de Conrad de Saxe, fils de paysan, qui fut nommé lors du procès strasbourgeois comme confesseur personnel par l’un des prévenus. Peu avant son arrestation, Conrad avait dû encore, d’après les dépositions faites en 1393 dans le cadre du procès de Stettin (Szczecin), rendre des visites pastorales à ses fidèles dans la Neumark (Brandebourg). C’est une information précieuse qui nous renseigne sur le rayon d’activité de ces prédicateurs hautement mobiles vivant dans la clandestinité. Mais elle illustre aussi l’aire géographique de la persécution qui toucha les vaudois allemands à ce moment-là : elle s’étendait des pays rhénans à l’Ouest à la frange occidentale du royaume hongrois, habitée par des colons allemands, à l’Est ; de la Suisse actuelle au Sud à la Poméranie au Nord. Loin d’être l’œuvre d’un seul persécuteur, la grande « chasse aux vaudois » de la fin du XIVe siècle s’avère être, si on la regarde de près, plutôt une juxtaposition de persécutions distinctes. Certaines étaient manifestement liées entre elles, avant tout quand elles avaient été lancées par des inquisiteurs actifs sur un plan suprarégional ; d’autres, initiées par un évêque ou une ville, avaient un caractère local, ce qui n’exclut par ailleurs pas que l’événement déclencheur soit venu de l’extérieur. C’est le cas de

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Strasbourg. Datant du printemps 1400, ce procès est un procès tardif si l’on tient compte de l’image générale : à Mayence, par exemple, centre de la province ecclésiastique dont dépendait Strasbourg, les vaudois avaient été persécutés dès la fin septembre 1390. De plus, l’exemple strasbourgeois paraît isolé, faute de sources qui puissent en éclairer l’arrière-plan. D’un point de vue chronologique, on est tenté de le rapprocher du procès de Berne, qui eut lieu probablement pendant l’été 1399, et de celui de Fribourg en Suisse, de décembre 1399. Or s’il est possible de reconstituer les liens unissant les affaires de Berne et de Fribourg, il n’en va pas de même pour Strasbourg. Ce procès-là fut déclenché par la prédication publique d’un dominicain affilié temporairement au couvent de Bâle, que nous avons identifié comme étant Pierre Mangold. Ce frère, dont on peut suivre la trajectoire entre 1398 et 1402, prêcha pendant l’Avent 1399 dans l’église du couvent strasbourgeois contre des hérétiques établis dans la ville. Il est possible de percevoir, en marge des actes du procès, les remous que cette prédication suscita dans la ville. Deux mois et demi s’écoulèrent cependant jusqu’au début de l’enquête judiciaire, signe des résistances auxquelles le procédé semble s’être heurté au sein des autorités civiles, qui s’étaient chargées de l’affaire.

Un tribunal laïque

Le procès de Strasbourg fut instruit par un tribunal dont la composition est malheureusement inconnue, mais qui fut recruté parmi les membres du conseil de la ville. Le fait que ce soit une instance laïque qui s’attribua le droit de trancher dans une affaire d’hérésie demande une explication : c’est en effet un exemple parmi d’autres, même s’il est particulièrement parlant, d’un long processus d’appropriation de prérogatives ecclésiastiques par la ville au détriment de l’évêque. Dans le cas précis, les autorités urbaines paraissent avoir été conscientes que leur position était fragile : le bannissement collectif des vaudois de Strasbourg à l’issue du procès, une sanction « civile » par excellence, fut justifié d’une part par le déshonneur dont les hérétiques auraient terni la réputation de la ville, et non par la foi offensée ; d’autre part, les autorités invoquèrent un assassinat remontant à la première moitié des années 1370, dont les vaudois de Strasbourg se seraient rendus collectivement coupables. La victime présumée était un ancien prédicateur converti qui, comme preuve de sa contrition, aurait été chargé d’appeler ses anciens coreligionnaires à désavouer leur foi, ce qui leur aurait faire craindre d’être découverts. Comme la ville de Strasbourg était souveraine au criminel, ce meurtre fournissait aux autorités civiles un prétexte bienvenu pour s’arroger la juridiction en matière d’hérésie.

Le début du procès : des articles vaudois

Le procès débuta, nous l’avons dit, par l’interrogatoire des curés des neufs paroisses de Strasbourg et de sept vicaires. Le seul parmi eux à vraiment collaborer avec le tribunal fut l’ancien curé de la paroisse de Saint-Pierre-le-Vieux, Nicolas (« Claus ») de Brumath, attesté dans sa charge pastorale entre le 11 février 1383 et le 23 septembre 1398. Sa coopération, qui n’eut pas d’égal au sein du clergé strasbourgeois, s’explique par le fait que « sa » paroisse était un centre de la vie hétérodoxe : deux, peut-être même trois sur les quatre « écoles d’hérétiques » (« ketzerschůle ») les plus fréquentées de la ville y

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étaient en effet situées. Le terme désigne des maisons particulières servant d’abri aux prédicateurs itinérants. Ces derniers n’y vivaient pas seulement pendant leurs séjours à Strasbourg ; ils y enseignaient également et écoutaient la confession de leurs adhérents. Or Nicolas de Brumath fournit au tribunal une liste contenant les noms d’une vingtaine de ses paroissiens hérétiques. En outre, faisant preuve d’un intérêt pour ainsi dire « sociologique », il déposa sur la base d’informations recueillies dans sa paroisse que les hérétiques pratiquaient l’endogamie, ne rechignant pas à choisir des partenaires dont le statut social ne correspondait pas au leur : la famille était en effet le noyau de la communauté hérétique, ne serait-ce que parce qu’elle garantissait la transmission de la foi. Les domestiques étaient, eux aussi, compris dans cette cellule solidaire, et on leur demandait de faire preuve de loyauté aussi dans des questions de foi. À la suite du clergé des paroisses, le tribunal appela à la barre les femmes recrutées pour servir de témoins à charge. Leur principal apport consista dans l’énumération des credos, incontestablement vaudois, de leurs coreligionnaires, tels la négation du pouvoir d’intercession de la Vierge et des saints, le refus du purgatoire, d’objets consacrés, des fêtes religieuses – notamment des fêtes des saints – à l’exception du dimanche, de Noël, de Pâques et de la Pentecôte, ainsi que le refus des images de saints. Les articles hérétiques ainsi obtenus furent dans un deuxième temps réécrits, pour être ensuite utilisés comme questionnaire lors des interrogatoires individuels, qui formèrent la deuxième phase du procès.

Les interrogatoires individuels : des signes de désenchantement

La plupart des prévenus avouèrent en bloc les articles qui leur furent soumis « point par point » (« von stúcke zue stúcken vorgelesen »). Le tribunal se contenta de ces confirmations, ne montrant aucun intérêt spécifiquement hérésiologique, ce qui s’explique sans doute par son statut laïque. La lecture des actes donne même l’impression que pour les juges, le « fait hérétique » se résumait plutôt à une question de pratique qu’à une question de croyance, ne serait-ce que parce que pour un membre du conseil de la ville, au sein duquel les juges étaient très probablement recrutés, un comportement hérétique était plus saisissable que des pensées. Un hérétique « type », si l’on en croit les transcriptions des interrogatoires, était donc quelqu’un qui fréquentait des maîtres vaudois itinérants, écoutait leurs prêches et se confessait auprès d’eux. En outre, les scribes du tribunal prenaient soin de noter les noms de ceux qui avaient accueilli les maîtres chez eux, sans que, lors du jugement final, une différence de traitement entre ces hôtes, dont les maisons avaient servi d’école d’hérétiques, et les sympathisants « ordinaires » ne soit perceptible. Si les juges se contentaient, en ce qui concerne les convictions religieuses des prévenus, de leurs aveux en bloc, sans solliciter plus de détails, ils n’empêchaient pas pour autant des retouches personnelles, rares, il est vrai, mais néanmoins instructives, et qui furent dûment notées dans les actes. Retenons parmi ces rectifications la vénération de Marie, en vogue à la fin du Moyen Âge, que l’on observe également chez les vaudois interrogés à Stettin en 1392-1394. Il s’agit ici d’un élément d’acculturation, rappelant que les vaudois, quel que soit l’endroit où ils vivaient, étaient entourés par une « mer » orthodoxe, dont l’influence à travers des contacts au quotidien ne pouvait manquer

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d’avoir un impact sur leur comportement. La vénération de Marie, particulièrement populaire à Strasbourg dont elle était la patronne, n’est d’ailleurs pas le seul indice d’une lente érosion de l’identité vaudoise au sein de la communauté locale. Plus spectaculaires sont les contacts avec des membres d’ordres mendiants triés sur le volet que certains vaudois déposèrent avoir eus plusieurs années avant le procès. Ce sont les symptômes d’une crise profonde, d’autant plus que les personnes qui s’étaient tournés vers lesdits frères comptaient parmi les piliers de la communauté, c’est-à-dire des gens s’étant compromis en accueillant des prédicateurs vaudois. Ce n’est sans doute pas un hasard si ces individus s’étaient adressés aux Mendiants et non au clergé de leur paroisse : les vaudois en quelque sorte repentis accordaient sans doute plus de crédit personnel aux Dominicains, Franciscains et Ermites de Saint- Augustin choisis à cette fin qu’à « leur » curé de paroisse. Citons à titre d’exemple le dominicain strasbourgeois Frédéric d’Eichstätt, à qui trois vaudois s’étaient, selon leurs propres dépositions, adressés par le passé. Vrai spécialiste de l’écoute, Frédéric apparaît encore trois autres fois dans la documentation strasbourgeoise, où il est attesté à chaque reprise dans un contexte lié à la confession : en 1365 et en 1371, deux individus, un homme et une femme, lui léguèrent la somme d’une livre car il avait été leur confesseur. Deux ans plus tard, en 1373, il figure, certainement pas par hasard, parmi les témoins, lorsque les curés de Saint-Thomas et de Saint-Martin durent reconnaître à leurs ouailles le droit de se choisir un confesseur parmi les frères mendiants. Soucieux de la cura animarum, ces frères portaient une attention toute particulière à la confession individuelle, qui était en même temps un trait distinctif de la sensibilité religieuse vaudoise, sauf que, en temps « ordinaire », les vaudois reconnaissaient le pouvoir d’absoudre les péchés uniquement à leurs propres maîtres itinérants. Or depuis une décennie environ, ces maîtres avaient déserté Strasbourg – une observation qui coïncide avec l’hécatombe, évoquée plus haut, dont ils furent victimes au début des années 1390. Le procès de 1400 frappa donc une communauté affaiblie, « désertée » par ses propres guides spirituels. Autre signe du désenchantement parmi au moins certains de ses membres : l’abandon du principe d’endogamie dont nous avons parlé. Ainsi, Hermann zur Birken, maître de la corporation des tailleurs qu’il avait par ailleurs représentée au conseil de la ville en 1390, avait marié sa fille à un orfèvre parfaitement catholique, qui comptait même un prêtre dans sa parenté. Cette fille, Else zur Birken, échappa par la suite au bannissement collectif des vaudois de Strasbourg, car elle est attestée, avec son mari, dans la ville en 1404. Le cas de Hermann zur Birken est également révélateur à d’autres égards : déjà une vingtaine d’années avant le procès, il se serait détourné, à en croire ses propres paroles, des maîtres vaudois à cause des différends que ces derniers auraient eus entre eux ; par la suite, Hermann aurait fait quitter la secte à son fils Claus. Finalement, il se serait confié, après s’être confessé par le passé à Conrad de Saxe, à Frédéric d’Eichstätt et au frère Mineur Nicolas de Blaufelden, attesté en 1391 comme lecteur du couvent franciscain de Strasbourg. Chacun des pas de Hermann zur Birken témoigne d’une prise de distance grandissante de la part de ce croyant de plus en plus désemparé. Or aucune de ces mesures ne fut honorée par les autorités de la ville, qui bannirent cet ancien conseiller avec sa femme, qui se serait d’ailleurs également tournée vers Nicolas de Blaufelden, et son fils Claus. Les actes du procès témoignent d’une autre prise de distance, forcée cette fois-ci et qui ne fut probablement, dans biens des cas, acceptée qu’à contrecœur. Il s’agit de l’abjuration secrète des vaudois de Strasbourg devant un inquisiteur. Si aucun des

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trente-deux vaudois interrogés à Strasbourg n’essaya de nier ses penchants hérétiques, ces derniers remontaient toutefois, selon l’unanimité des témoignages, au passé. Au cours de la première moitié des années 1390 – les dépositions ne concordent pas sur la date – les prévenus du printemps 1400 se seraient réunis pour renoncer à leur foi hérétique devant l’inquisiteur dominicain Nicolas Böckeler, en charge depuis le 10 avril 1390 de la province ecclésiastique de Mayence. Böckeler les aurait alors absouts, leur imposant des pénitences différenciées, allant jusqu’au pèlerinage pénitentiel au sanctuaire marial d’Einsiedeln, situé en Suisse actuelle. Le renoncement à l’hérésie de même que l’absolution avaient été négociés avec Böckeler par un bourgeois nanti de Strasbourg du nom de Jean Blumstein, qui avais mis sa maison à disposition pour cette cérémonie. Blumstein faisait figure de protecteur de la communauté vaudoise locale, entre autres pour avoir orchestré cette absolution, dont la particularité réside dans le fait qu’elle était clandestine. Il réussit ainsi à éviter le scandale, qui éclata seulement à la fin de la décennie. Sa propre mère compta alors parmi les personnes citées devant le tribunal et bannies, tandis que Blumstein lui-même, ayant probablement pris ses distances avec les convictions religieuses de sa mère, échappa à ce sort. Si Nicolas Böckeler prêta la main audit arrangement, il ne le fit pas par mansuétude. Au contraire, en tant qu’inquisiteur pour la province de Mayence, il participa à peu près dans les mêmes années à la persécution, autrement plus brutale, des vaudois de la ville métropolitaine. Les raisons de la différence entre son comportement à Mayence et celui à Strasbourg sont à chercher dans le contexte politique local : si à Mayence la chasse aux hérétiques avait été selon toute évidence initiée par l’archevêque Conrad II de Weinsberg (1390-1396), son homologue strasbourgeois, allié « naturel » de l’inquisiteur dans la lutte contre l’hérésie, n’était quant à lui probablement pas en mesure de faire de même, que ce soit Frédéric de Blankenheim (jusqu’en 1393) ou son successeur Guillaume de Diest. Dans la première moitié des années 1390, tous deux étaient affaiblis, le premier pour avoir participé à une guerre contre « sa » propre ville épiscopale, ce qui lui coûta finalement son siège; le deuxième parce qu’il dut, après sa nomination, s’imposer contre un concurrent issu du chapitre cathédral. Dans le procès de 1400, l’inquisiteur ne joua plus aucun rôle. La ville s’était saisie de l’affaire, tandis que Nicolas Böckeler, toujours inquisiteur de Mayence, cherchait – en vain – à réformer le couvent de Cologne, dont il avait été élu prieur. En ce qui concerne son « partenaire » dans les négociations qui avaient abouti à l’absolution « en privé » des vaudois de Strasbourg, Jean Blumstein, ce dernier fut manifestement tenu à l’écart du procès, à l’issue duquel sa mère fut bannie. Certes, le tribunal avait prévu de l’interroger, comme l’indique une notice dans les actes de procès : « Au sujet de Blumstein… » (« Von Bluemesteins wegen… »), mais l’espace laissé libre à cette fin resta blanc. Le « protecteur des vaudois » devait donc lui-même jouir d’une protection suffisamment puissante pour préserver sa propre personne. Quant à sa réputation, aspect éminemment délicat, elle ne semble avoir été ternie ni par son ascendance hérétique, ni par ses tentatives de prévenir le procès : une année et demie seulement après la fin de ce dernier, le 20 septembre 1401, Blumstein est attesté comme bailli strasbourgeois de la seigneurie de Lichtenau au nord de Kehl, un office dont il avait été, selon toute évidence, déjà investi au début de l’année 1401 ! Bien plus tard, on retrouve même Jean Blumstein parmi les envoyés stras-bourgeois au concile de Constance : en août 1416, dans le contexte des négociations, en marge du concile, concernant l’établissement strasbourgeois de l’Ordre teutonique ; parallèlement, entre juillet 1416 et octobre 1417, lors des tentatives de régler, du côté

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de la ville, la célèbre causa Argentinensis. Il s’agissait de lever l’interdit pesant sur Strasbourg ainsi que les excommunications prononcées à titre individuel contre des fauteurs de l’enlèvement de l’évêque Guillaume de Diest, dont les coupables figuraient parmi les dirigeants de la ville et du chapitre cathédral. Cette affaire continua à occuper la diplomatie strasbourgeoise, tout comme Jean Blumstein : à la fin de l’année 1418, une délégation, dont il faisait partie, se rendit à Mantoue, où elle fut accueillie en audience par le pape Martin V, une rencontre dont les envoyés rendirent compte au conseil de la ville le 13 décembre. Le 17 décembre, le conseil rappela la moitié de la délégation, tandis l’autre moitié, dont faisait partie Blumstein, devait continuer à défendre les intérêts de Strasbourg. Le problème ne fut cependant résolu qu’au printemps 1419, lorsqu’une nouvelle ambassade, représentant à la fois la ville et l’évêque, rejoignit le pape à Florence. Parmi les envoyés de la ville figurait, une fois de plus, Jean Blumstein. Après la résolution pacifique du conflit, ce dernier resta au service de la ville, laquelle fit appel à lui pour diverses tâches. Blumstein mourut avant le 10 mars 1437. À ce moment-là, deux de ses trois enfants attestés avaient endossé l’habit religieux, sa fille Marguerite en tant que béguine (domicella mantellata), son frère Conrad comme chartreux. La famille de l’ancien protecteur d’hérétiques avait donc fini par rejoindre le giron de l’Église.

Des biographies tout à fait ordinaires

Kathrin Utz Tremp, l’éditrice des sources générées par les deux procès de Fribourg en Suisse en 1399 et 1430, a fait remarquer que les biographies de « ses » vaudois fribourgeois différaient en fait peu de celles de leur concitoyens orthodoxes. Cette constatation s’applique aussi aux vaudois de Strasbourg ; à part leur sensibilité religieuse distincte et la peur d’être découverts qui en résultait, les hommes et femmes qui se retrouvèrent à la barre au printemps 1400 partageaient les préoccupations de leurs voisins. Ils étaient bien intégrés à – presque – tous les égards dans leur ville, qui pour une grande partie d’entre eux était, il est vrai, leur ville d’adoption. Mais même ce fait-là est tout sauf extraordinaire : au tournant du XVe siècle, Strasbourg « vivait » de l’immigration. À part leur apport en termes de main-d’œuvre et de consommation, les nouveaux arrivants compensaient, pour reprendre une hypothèse de Philippe Dollinger, les pertes dues à la peste, fléau presque endémique à ce moment-là, à en juger d’après la chronique de Jacques Twinger de Koenigshoffen. Parmi les facteurs susceptibles d’avoir attiré à Strasbourg des vaudois de Souabe, d’Alsace ou de la Suisse actuelle, il faut certainement compter la prospérité économique de cette ville marchande, mais aussi l’implantation vaudoise déjà existante. Nous avons mentionné la tendance des vaudois à l’endogamie, qui avait frappé le curé Claus de Brumath, observation d’ailleurs confirmée par les recherches sur les vaudois du Luberon au XVIe siècle. Cette prédilection pour des partenaires partageant les mêmes convictions religieuses semble avoir favorisé la mobilité des gens – c’est du moins ce que suggèrent certains exemples parmi les vaudois de Strasbourg. Ainsi, la propre mère de Jean Blumstein, bannie à vie, on s’en souvient, à l’issue du procès, était originaire de Spire. Nous n’avons pas d’informations sûres au sujet du père de Blumstein, mais l’étendue des possessions du fils dans la région de Strasbourg, ainsi que la protection dont il jouit pendant la crise de l’année 1400 font penser que la famille était bien enracinée dans la ville.

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Certains auteurs font aussi état de la peur qui aurait poussé les gens à s’établir à Strasbourg ; la ville rhénane fut-elle, jusqu’au déclenchement de son propre procès, la terre d’exil de réfugiés déracinés par les persécutions de la fin du XIVe siècle ? Cette hypothèse est séduisante, mais elle ne peut être confirmée que dans deux cas : celui du tisserand Henri Borschön de Dillingen en Souabe, de son propre aveu miraculé de la répression à Ratisbonne, ainsi que, selon toute probabilité, celui des réfugiées d’Augsbourg, dont nous avons déjà parlé, et qui devaient servir le tribunal comme témoins à charge. Ces deux exemples paraissent toutefois exceptionnels, étant donné que dans plusieurs autres cas, de prétendus réfugiés sont attestés à Strasbourg bien avant le début de la grande persécution. Qu’ils soient originaires de Strasbourg ou venus d’ailleurs, les vaudois de cette ville étaient surtout des artisans, presque exclusivement rattachés d’une façon ou d’une autre à l’industrie du textile. Cet état de choses contraste fortement avec les observations faites parmi les vaudois de Bohême, du Brandebourg et de Poméranie, ainsi que de Fribourg en Suisse, où la panoplie des métiers exercés était beaucoup plus grande, sans que les raisons de cette « monoculture » strasbourgeoise ne soient tout à fait élucidées. Cette particularité est d’autant plus surprenante que Strasbourg possédait, certes, une industrie drapière, mais qui était – comparée à celle de Fribourg, alors en pleine expansion internationale – limitée à l’alimentation d’un marché régional. La vie de ces artisans hétérodoxes était régie par les mêmes impératifs économiques que celle de leurs collègues catholiques. Un exemple parlant est celui du tisserand Borschön, déjà mentionné : après une première abjuration encore à Ratisbonne vers 1380, Borschön aurait été mis sous pression par ses anciens complices, qui l’auraient menacé d’un boycott économique. Il y a fort à parier que ces complices étaient des drapiers, métier également bien représenté parmi les vaudois de Strasbourg. Les drapiers étaient en effet plus puissants que les tisserands, auxquels ils passaient commande. Cédant à la pression exercée contre lui, Borschön aurait à nouveau épousé ses anciennes croyances, s’exposant cependant par là-même à une accusation comme hérétique relaps – situation délicate, qui aurait été finalement à l’origine de sa fuite à Strasbourg. Là, il fut banni comme les autres, preuve que le tribunal de la ville ne s’en tint pas à la législation de l’Église en matière d’hérésie, selon laquelle Borschön aurait dû être brûlé comme relaps, d’autant plus que, du moins selon les informations provenant des témoins recrutées par la cour, Borschön aurait persisté dans ses erreurs dans sa nouvelle demeure. Pour un artisan vivant du travail de ses mains, le commerce représentait une ascension sociale considérable. Certains des vaudois de Strasbourg réussirent à faire ce pas, tel le cardeur de laine Volze Haderer qui est attesté dans les sources strasbourgeoises dès 1374, mais qui apparaît dans la documentation fribourgeoise déjà dès 1372 comme marchand de toile grise et de harengs, ou bien Lawelin zur Birken, fils du tailleur Hermann zur Birken dont il a déjà été question. En 1391, Lawelin avait en quelque sorte hérité de son père Hermann le siège des tailleurs au conseil de la ville, que ce dernier avait occupé l’année précédente. Mais déjà à ce moment-là, Lawelin avait probablement cessé de pratiquer le métier qu’il représentait au conseil. Dès 1389, il est en effet cité dans les registres des notaires fribourgeois comme mercator, une activité qu’il devait poursuivre jusqu’en 1397, avant que son nom ne disparaisse des sources. Un troisième exemple est celui de Berchtold zum Hirtze, fils de l’aubergiste strasbourgeois Werner

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zum Hirtze, banni, quant à lui, à la suite du procès. Berchtold était actif comme marchand à Fribourg dès 1395. Le 26 mai 1400, presque deux mois après la conclusion de l’affaire de Strasbourg, il est attesté à Bâle. S’étant attiré la suspicion d’hérésie, il avait été arrêté par les autorités bâloises, mais dut être libéré, non sans prêter le serment de ne pas se venger (« Urfehde »). Son cas témoigne moins d’une ascension sociale par le commerce que de la perméabilité entre les métiers de l’hôtellerie, représentée par son père, et ceux du négoce, même si Berchtold semble avoir fait sa fortune avant tout avec des peaux d’animaux abattus et de la toile, et non avec du vin, marchandise préférée des aubergistes, dont beaucoup avaient un à-côté dans la revente. Ce n’est pas un hasard si nous avons chaque fois recours à la documentation fribourgeoise. Les registres des notaires de cette ville constituent en effet des sources de premier ordre, dont la série remonte à la moitié du XIVe siècle. Elles nous apprennent que parmi les partenaires locaux des marchands strasbourgeois figuraient des individus impliqués de leur côté dans le procès fait aux vaudois de Fribourg en 1399. On ne peut cependant pas parler d’un commerce en quelque sorte « vaudois », car ces transactions s’inscrivaient dans l’ensemble des échanges en cours entre les villes de Fribourg et de Strasbourg3. Nous avons effleuré le sujet en passant : des vaudois siégeaient au conseil de la ville de Strasbourg, symbole le plus patent de leur participation aux affaires publiques. Hermann zur Birken y représenta sa corporation en 1390, « remplacé » en 1391 par son fils Lawelin. Claus, autre fils de Herman fut, entre 1390 et 1398, trois fois membre du conseil. Hermann et Claus servirent la communauté en outre comme officiati (« Drei auf dem Pfennigturm »), chargés d’administrer les dettes de la ville. Quant au tisserand Kunze Erlebach, il siégea pour sa corporation au conseil en 1393. Au niveau inférieur, l’intégration des vaudois dans les affaires communes passait par leur engagement au sein de leurs corporations.

Les lendemains du procès

Après leur bannissement, les traces des vaudois de Strasbourg se perdent pour la plupart d’entre eux. Certains pourraient s’être fixés en Fribourg en Suisse, où une forte communauté vaudoise avait « survécu » au procès de 1399 sans difficultés majeures. Dans un cas, celui des Waser, originaires de Soleure en Suisse actuelle avant l’établissement de la famille à Strasbourg, cette hypothèse peut être étayée par des sources directes, tandis que dans les autres cas, elle se fonde sur des homonymies. En 1430, lors du deuxième procès intenté aux vaudois de Fribourg, le tondeur de draps Conrad Waser déposa qu’il était natif de Strasbourg, d’où son père avait été expulsé quand lui, Conrad, avait environ neuf ans. Ce père était sans doute le drapier Henri Waser, qui figurait, en compagnie de sa sœur Metza, parmi les personnes bannies à l’issue du procès strasbourgeois. Cette affaire semble avoir sonné le glas non pas de la présence vaudoise à Strasbourg tout court, mais de l’existence d’une communauté autarcique, qui était cependant, au moment du procès, en proie à une crise profonde. Si l’on prend comme toile de fond la répression anti-vaudoise des années 1390, on se rend compte que le procès de Strasbourg fut un cas relativement tardif. Selon toute évidence, les autorités de Strasbourg ne s’étaient pas empressées de persécuter « leurs hérétiques », avant que

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l’affaire ne fût soulevée par un prédicateur étranger. Ce qui fit, finalement, déborder le vase, ce n’est pas l’outrage fait à la religion, mais le déshonneur dont les hérétiques auraient entaché la réputation de la ville.

NOTES

1. Thèse de doctorat soutenue le 9 décembre 2005 à l’Université de Fribourg-en-Suisse (prof. E. Tremp). Elle a été publiée en deux volumes dans les collections des Monumenta Germaniae Historica (MGH) à Munich, à savoir Georg MODESTIN, Ketzer in der Stadt. Der Prozess gegen die Straßburger Waldenser von 1400, Hannover, Hahn (MGH Studien und Texte, 41), 2007, ainsi que Quellen zur Geschichte der Waldenser von Straßburg (1400-1401), Hannover, Hahn (MGH Quellen zur Geistesgeschichte des Mittelalters, 22), 2007. Voir ici le CR d’Elisabeth CLEMENTZ. 2. Timotheus Wilhelm RÖHRICH, « Die Winkeler in Strassburg, sammt deren Verhöracten, um 1400 », in Mittheilungen aus der Geschichte der evangelischen Kirche des Elsasses, 3 vol. Paris – Strasbourg, von Treuttel und Würtz, 1855, ici vol. 1, p. 3-77. 3. Voir à ce sujet Georg MODESTIN, « Weiträumige Kontakte. Strassburger Waldenser in freiburgischen Quellen (bis 1400) », in Freiburger Geschichtsblätter 82 (2005), p. 19-37.

AUTEUR

GEORG MODESTIN Docteur en histoire, Collaborateur suisse au Monumenta Germaniae Historica. Munich

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Images et perceptions des Juifs dans l’espace germanique Entre fantasmes et réalités (XIIIe-XVIIe siècles)

Carole Wenner

Ce travail de recherche ne propose pas d’histoire des Juifs en Allemagne, mais bien plus un éclairage sur les différentes lectures qui peuvent en être faites1. Il participe pleinement de l’histoire des mentalités, tout en se rattachant à l’histoire tantôt nationale, tantôt régionale, quelque fois locale des Juifs, puisqu’il s’agit de mettre en lumière les regards que posent sur eux les chrétiens du Moyen Âge et du début de l’époque moderne. Cette étude prend également en considération la conception que les Juifs eux-mêmes ont de leur propre existence dans l’espace germanique : cela permet de comprendre comment ils vivent leur situation de minorité, par l’étude de sources émanant de leur univers culturel et cultuel. La zone géographique choisie s’impose en fait d’elle-même, a fortiori pour une étude dont la chronologie dépasse le cadre strictement médiéval. Pendant mille ans, l’Allemagne n’a jamais été sans population juive. Ailleurs en Occident, les Juifs sont expulsés définitivement entre le XIIIe et le XVe siècle2 et ne sont pas autorisés à venir s’y réinstaller officiellement avant l’époque moderne. Par espace germanique, il faut surtout entendre l’axe rhénan, compris dans son sens le plus large : les communautés juives ou kehilot sont essentiellement implantées entre Constance et Cologne du nord au sud, et entre Trèves et Francfort d’ouest en est. Cette zone d’implantation dense peut être étendue à un espace sud-sud/ouest qui inclut toute la région située entre le Rhin et Ratisbonne. Des bannissements ont lieu, jusqu’au XVIe siècle, mais ils restent locaux, les Juifs migrant pour la plupart à l’intérieur du territoire. Cela a pour conséquence de déplacer progressivement, au début de l’époque moderne, le centre de rayonnement plus à l’est, autour de Francfort. La permanence du peuplement juif dans l’espace germanique constitue une originalité dans la Chrétienté et offre par

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conséquent un champ d’exploration et des problématiques importants pour les chercheurs. Une chronologie relativement longue a été privilégiée, afin de mieux apprécier dans la durée les attitudes des chrétiens envers les Juifs. Elle s’étend du XIIIe au XVIIe siècle. Dans l’historiographie, c’est la date de 1096 qui est retenue comme étant la césure par excellence dans l’histoire des Juifs en diaspora chrétienne : elle correspond aux premiers massacres perpétrés contre eux suite à l’appel à la première croisade. En effet, à partir de cette date, l’atmosphère devient différente et la perception chrétienne des Juifs se transforme considérablement. Pourtant, les sources textuelles démontrent qu’ils continuent de jouir, un peu partout dans l’espace germanique, tout au long du XIIe siècle, de statuts qui leur sont favorables. C’est bien davantage le XIII e siècle qui porte en son sein une profonde mutation, avec notamment le concile de Latran IV, en 1215, qui consacre dans la société le déclin des conditions d’existence des Juifs. À cette période s’opère une reprise en main de la Chrétienté, par les papes et par l’Église d’une part, par les pouvoirs séculiers d’autre part3. On assiste en Occident à l’émergence des monarchies centralisées comme en France, en Espagne et en Angleterre, tandis qu’en Allemagne se constituent les pouvoirs urbains. Au XIIIe siècle apparaissent également les prémisses d’une société de la peur et du diable, dont les mécanismes ont été fort bien décrits pour les siècles suivants par Jean Delumeau. C’est dans ce contexte que les représentations ou images des Juifs, qu’elles soient mentales ou iconographiques, évoluent dans un sens qui leur est de moins en moins favorable : le thème du peuple déicide notamment leur cause beaucoup de tort, a fortiori lorsqu’il trouve un prolongement dans la société avec les accusations de meurtres rituels. L’étude du XIIIe siècle permet ainsi de mettre en avant cette transformation de la perception des Juifs et leur progressive diabolisation. Quant au choix de terminer ce travail au XVIIe siècle, cela s’explique par la volonté de dépasser la période de l’humanisme et de la Réforme, afin de mieux cerner les éventuels changements dus à ces courants modernes. Il apparaît qu’à cette époque la perception des Juifs évolue, cette mutation étant à inscrire dans une mutation plus vaste qui secoue l’ensemble de la société chrétienne. En effet, la peur de Satan recule face à l’émergence du courant des sceptiques, qui ne contestent pas tant l’existence même du diable que ses agissements dans le monde. Le discours sur le diable subit une transformation qui tend à calmer les esprits les plus passionnés, ce qui a pour corollaire de juguler l’image négative et pervertie des Juifs qui circule dans l’imaginaire collectif chrétien depuis des siècles. C’est donc un temps intermédiaire, durant lequel l’héritage médiéval est relégué au second plan, avant que s’instaure au siècle suivant un antijudaïsme « éclairé », propre aux Lumières. Songeons entre autres à Voltaire… Le XVIIe siècle est par conséquent important pour les Juifs d’Allemagne et d’Occident en général, car il est le siècle d’un changement manifeste et on assiste, dans de nombreux pays qui les avaient expulsés, à leur retour. C’est aussi à cette époque qu’avec la Guerre de Trente Ans et le traité de Westphalie une partie des communautés juives allemandes passent à la monarchie française, en même temps que les terres alsaciennes. Ajoutons que la fin du Moyen Âge juif est traditionnellement placée au moment où les Juifs obtiennent leur émancipation légale, c’est-à-dire au XVIIIe siècle en France, au XIXe siècle en Allemagne. Par conséquent, ce travail de thèse s’inscrit pleinement dans l’histoire médiévale des Juifs en Occident. Différentes thématiques sont abordées au cours de cette étude, la plus importante étant l’évolution de l’antijudaïsme médiéval et moderne. L’Allemagne est-elle un terreau

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fertile pour le rejet et la haine des Juifs ? Mais peut-on seulement employer pour ces périodes anciennes le terme anachronique d’antisémitisme ? Plusieurs grandes périodes apparaissent dans l’écriture de l’histoire des Juifs depuis le XIXe siècle. Tout d’abord, c’est dans les années 1820-1830, en Allemagne, que la Wissenschaft des Judentums , la « science du judaïsme », voit le jour, à une époque où la discipline historique se trouve renouvelée par la méthode critique et le mouvement romantique. Les savants qui s’intéressent à la thématique des Juifs, juifs eux-mêmes en grande majorité, mais pas nécessairement historiens de formation, souhaitent ériger l’historiographie juive en branche reconnue de l’historiographie en général. Entre 1850 et 1930, la « science juive » s’accroît et se développe avec l’instauration de centres d’études partout dans le monde, mettant ainsi en avant une prise de conscience historique généralisée. Toutefois, l’approche historique reste encore très largement sous l’influence de la théologie puisque pour nombre de chercheurs de cette époque, les persécutions que subissent les Juifs sont compris comme un châtiment divin. Un changement intervient dans l’historiographie des Juifs avec la Deuxième Guerre Mondiale : ils sont désormais envisagés dans leurs rapports avec les autorités civiles et religieuses chrétiennes, afin de légitimer leur existence dans l’aire géographique considérée, ou au contraire de justifier le bien fondé de leur disparition. Peu à peu, un lien est établi entre le Moyen Âge et les heures sombres du XXe siècle, certains historiens cherchant dans ce passé éloigné les racines chrétiennes de l’antisémitisme. Les persécutions subies par les Juifs sont alors envisagées selon une longue chaîne ininterrompue et les communautés juives ne sont plus étudiées pour elles-mêmes. Le Moyen Âge – plus encore que l’époque moderne – devient le prélude nécessaire de l’antisémitisme contemporain et s’accompagne d’une tendance à victimiser toujours plus les Juifs. Après 1950, l’Allemagne n’est plus le principal foyer de la Wissenschaft des Judentums. D’Israël aux Etats-Unis, en passant par l’Europe, l’activité, les méthodes de recherche et les finalités sont identiques. Il y a une véritable mobilisation des chercheurs pour comprendre comment une abomination telle que la Shoah a pu se produire et une volonté très nette de se démarquer de cette période, en tentant de prouver par tous les moyens que cette catastrophe n’est pas une invention des hommes du XXe siècle mais l’aboutissement de siècles de rejet. C’est à la fin des années 1980 que s’amorce un renouveau historiographique : peu à peu la victimisation des Juifs et le lien tissé entre le Moyen Âge et l’époque contemporaine deviennent une approche jugée trop misérabiliste, notamment dans les milieux universitaires, qui aspirent dès lors à exploiter les sources médiévales et modernes dans leur contexte propre et pour ce qu’elles sont. Il ne s’agit pas de remettre en cause les périodes de troubles et de souffrances vécues par les Juifs, mais d’y apporter un éclairage différent. Mon objectif premier était d’établir une description de l’antijudaïsme et de suivre son évolution sur deux périodes historiques rarement réunies pour cette thématique. Le but était ensuite de confronter ces données au regard que les Juifs eux-mêmes portent sur le rejet et la haine qu’ils sont supposés générer. L’analyse de sources littéraires juives, de chroniques en hébreu ou en yiddish et d’écrits rabbiniques ainsi que, dans une moindre mesure, celle de miniatures extraites de manuscrits hébraïques, confirme la mauvaise image que les chrétiens ont des Juifs, renforçant ainsi la perception historiographique douloureuse du passé juif. Or, en complétant mon corpus par les sources normatives chrétiennes, en analysant les documents de natures diverses contenus dans les centres d’archives de la vallée du Rhin et en y ajoutant de nombreuses monographies locales des Juifs de

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diverses localités de l’Empire, un constat s’est finalement imposé : quelque chose ne fonctionne pas dans le schéma que propose l’historiographie traditionnelle. En effet, si l’on observe l’espace germanique dans sa globalité, les Juifs sont persécutés partout et à toutes les époques. Mais une approche plus fine et localisée met au jour une existence qui n’est pas fatalement placée sous le signe de la haine et du mépris. La confrontation de sources de différentes natures laisse entrevoir l’image d’un bon Juif, c’est-à-dire un Juif que les chrétiens ne redoutent pas et qu’ils ne cherchent par conséquent pas à contraindre ou à tuer. Se pose alors une question : si les Juifs sont des êtres aussi abominables que les dépeignent les sources chrétiennes et l’historiographie contemporaine, si l’Église médiévale et moderne n’a pas d’autre objectif que d’anéantir les non-chrétiens, si les autorités chrétiennes cherchent à se débarrasser systématiquement des Juifs après les avoir ruinés, et, enfin, si la population n’a de cesse de les massacrer, répétant à l’infini les assauts meurtriers de 1096, comment, dans ce cas, expliquer le fait que les empereurs leur accordent des privilèges, que les magistrats comme les papes leur octroient des chartes de protection, que les chrétiens tissent avec eux des liens professionnels voire conviviaux ? Comment comprendre que l’Allemagne soit la seule terre où les Juifs aient pu vivre de manière continue du Moyen Âge à l’époque contemporaine ? L’histoire des Juifs oscille entre fantasmes et réalités, laissant apparaître aux côtés des « Juifs réels », c’est-à-dire ceux qui vivent au sein de la société et qui fréquentent les chrétiens au quotidien, un Juif imaginaire et fantasmé. Ce dernier n’est pas un être charnel, mais une projection mentale et une construction sociale qui permet de transformer le Juif en Autre nécessaire et salvateur. Il remplit une fonction cathartique : grâce à lui, les chrétiens trouvent un responsable à tous leurs maux. Il existe donc plusieurs réalités et plusieurs formes de l’existence des Juifs en Allemagne et par conséquent plusieurs perceptions de leur histoire. Au fur et à mesure de l’avancée des recherches, il n’a plus été tant question de présenter l’histoire des Juifs que l’histoire de leurs histoires, à savoir la manière dont leur existence est envisagée à la fois dans le passé lointain que sont le Moyen Âge et l’époque moderne, et dans le passé proche ou le présent, à travers l’historiographie. Il est intéressant de confronter d’une part les sources entre elles, d’autre part les sources à la perception historiographique des Juifs. On aboutit ainsi à démontrer que l’histoire des Juifs est complexe, qu’elle se situe en permanence entre le rejet et la tolérance et que, pour cette raison, une lecture simplifiée ne peut ni ne doit en être faite, bien qu’aujourd’hui l’histoire-mémoire prenne souvent le pas sur l’histoire, empêchant cette approche historique moins sombre de se développer pleinement. Quels matériaux et quelles méthodes ont été mis en œuvre pour mener cette recherche à terme ? De manière très schématique, trois types d’historiens peuvent être distingués : l’historien des archives, l’historien de l’art et l’historien des mentalités. Chacun d’entre eux travaille à partir d’un corpus spécifique, et l’on constate souvent qu’il n’existe ni croisement ni étude comparative de leurs sources respectives. L’histoire des Juifs est ainsi le plus souvent abordée et traitée selon un angle particulier. Plutôt que de favoriser ce genre d’étude qualitative, j’ai préféré tenter une approche quantitative, en multipliant autant que possible les types de sources. D’où la diversité de mon corpus : des textes pontificaux et des écrits ecclésiastiques afin de comprendre la place que l’Eglise octroie au judaïsme et aux Juifs ; des documents normatifs émanant d’autorités diverses afin d’estimer la perception des Juifs par les pouvoirs germaniques ; des sources littéraires, chroniques et pièces de théâtre, afin de mieux

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appréhender les représentations populaires des Juifs ; des sources iconographiques issues de supports différents (vitraux, tapisseries et tentures, retables et tableaux, gravures, statuaire, etc.), pour approfondir davantage encore la perception chrétienne des Juifs ; des sources d’archives, afin d’approcher au plus près l’existence des Juifs telle qu’elle a pu être, à travers des textes financiers, des procès, des réclamations de chrétiens contre des Juifs ou de Juifs contre des chrétiens. Par ailleurs, pour la période moderne, j’ai exploré les textes des différents théologiens et les écrits des humanistes, particulièrement les manuels d’apprentissage de l’hébreu qui paraissent, afin de mieux comprendre l’esprit et les enjeux de cette époque. Enfin, comme je l’ai mentionné plus haut, la perception par les Juifs eux-mêmes de leur situation requiert l’étude des sources hébraïques et de l’iconographie juive. Cette démarche comporte des limites évidentes : l’ampleur du corpus empêche la maîtrise de chacune des sources utilisées et contraint à un survol assez superficiel. D’où la volonté de confronter ces différentes sources et de décloisonner les trois secteurs principaux de recherche historique mentionnés plus haut. Toute cette recherche a permis d’aboutir à ce présent travail de thèse qui s’articule autour de quatre axes principaux : les deux premiers dépeignent le contexte religieux dans lequel évoluent les Juifs, l’un au Moyen Âge, le second au temps de l’humanisme et de la Réforme. En effet, la place des Juifs en Occident est conditionnée par le regard que l’Église porte sur eux. Tant que cette dernière lutte contre le judaïsme, ils jouissent d’une relative tranquillité, hormis les massacres de 1096. En revanche, à partir du XIIIe siècle, un changement s’opère : ce sont désormais les Juifs qui font l’objet d’une législation pontificale défavorable, qui déterminera, à terme, leurs conditions sociales et économiques. Quel est le prolongement à l’époque moderne ? Alors que les érudits et les théologiens chrétiens font preuve d’un engouement sans précédent pour les lettres et les sciences hébraïques, les Juifs subissent plus que jamais les assauts des catholiques comme des protestants, qui cherchent à obtenir leur conversion. Martin Luther est, dans ce domaine, la figure emblématique du XVIe siècle. L’attitude des papes et des théologiens, durant le Moyen Âge et l’époque moderne, a pour conséquence, plus ou moins directe, de susciter une haine des Juifs, sur lesquels se concentrent rapidement toutes les peurs et les frustrations de cette période. Les Juifs réels disparaissent ou se font moins présents, notamment dans la littérature et l’iconographie, mais également dans l’historiographie, au profit du Juif fantasmé. La troisième partie propose de construire cette figure terrible du Juif de l’imaginaire collectif, perçu comme portant en son sein les mythes fondateurs de l’antisémitisme. C’est aussi l’occasion d’avoir une réflexion plus large sur la place de l’Autre dans la Chrétienté en étudiant sous forme de triptyque l’image du Juif, de la sorcière et du Turc. Il s’agit de dégager les éléments communs à ces ennemis de l’intérieur et de l’extérieur. Il apparaît que les caractéristiques morales, physiques ou iconographiques des Juifs sont les mêmes que celles de tous les êtres mauvais de la société. Tous ces Autres empêchent la réalisation de l’unité chrétienne et son rejetés pour cette raison. Bien plus qu’un questionnement sur les Juifs, les formes de l’antijudaïsme médiéval et moderne trahissent une profonde déstabilisation du monde chrétien et une remise en question permanente de la place de l’Église. D’où le fait que les Juifs ne sont pas tant perçus ou représentés comme Juifs, mais bien plus comme négatifs ou calques maléfiques des chrétiens. Ils sont pour l’Église un contre-modèle servant à instruire les fidèles. Le « problème juif » est donc avant tout un problème chrétien. La quatrième et dernière partie offre une interrogation sur les différentes approches possibles de l’histoire des Juifs. Trois

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lectures historiographiques sont proposées : la perception traditionnelle des Juifs comme boucs émissaires, le point de vue des Juifs et leur propre élaboration d’une histoire plaintive ou « lacrymale » (Leidengeschichte) et la possibilité d’un regard autre sur le passé juif qui, tout en conservant les persécutions, intègre, par souci intellectuel et au nom du devoir de l’historien qui ne peut passer des sources sous silence, cette autre image d’un Juif toléré et accepté. L’ensemble de cette étude a suscité une réflexion plus profonde sur le métier d’historien et le rôle de l’histoire, sur le lien entre l’histoire et la mémoire et sur la nécessité de mener absolument le devoir de mémoire sans infirmer pour autant la méthodologie historique. Si la mémoire (affective) est un passé vécu au présent, l’histoire (scientifique) est quant à elle un passé conçu au présent mais qui ne se vit pas. Pourquoi est-il si difficile d’accepter que s’effectue aussi un devoir d’histoire ? La notion de temps et la question du sens de lecture de l’histoire sont dans ce questionnement fondamentales : c’est l’antisémitisme qui découlera de l’antijudaïsme chrétien, et non l’inverse. Le Moyen Âge et l’époque moderne ne peuvent se construire au regard des événements tragiques du XXe siècle. Peut-on seulement envisager une lecture moins sombre de l’histoire des Juifs ? Sans aucun doute. Cela ne change rien à ce qu’ils ont subi. La tolérance, comme le rejet, est un état de fait constaté dans de nombreux cas. Il est important que ces deux aspects constitutifs de l’existence juive en terres chrétiennes soient pris en compte dans l’historiographie. Ne sont-ils pas d’ailleurs pleinement illustrés par les figures emblématiques et complexes du Hofjud (« Juif de cour ») et du Mausché des campagnes ? Il est nécessaire de ne pas oublier qu’un événement majeur se produit à la fin de l’époque moderne pour les Juifs d’Occident : l’émancipation. Si le siècle des Lumières est largement à l’instigation de ce mouvement libérateur, des signes de cette ouverture apparaissent dès le Moyen Âge. Puisque l’on accepte le postulat selon lequel, d’une manière ou d’une autre, le Moyen Âge a conduit à la Shoah, il faut alors tout autant admettre qu’il a également permis l’émancipation des Juifs. Il sera alors plus aisé de comprendre pourquoi et comment les chrétiens peuvent tout à la fois accueillir le Juif et persécuter sa communauté, le tolérer en tant qu’homme mais le rejeter comme groupe et comment d’ennemi diabolique il peut redevenir simple voisin. Le Juif doit cesser d’être juif par les seules perceptions qu’on projette sur lui, qu’elles soient théologiques, ecclésiastiques, légales, humanistes, populaires, … pour le redevenir à la lumière de sa propre histoire, qui comprend aussi bien des douleurs que des moments plus paisibles.

NOTES

1. Thèse de doctorat soutenue le 10 décembre 2007 à l’Université Marc Bloch, devant un jury composé de Mme le professeur Annie Noblesse-Rocher (théologie protestante) et MM. Les professeurs Georges Bischoff (histoire du Moyen Âge), Freddy Raphaël (sciences sociales), Daniel Tollet (histoire moderne) et Alain Lemaître (histoire moderne). La mention Très Honorable a été décernée à l’unanimité. Ce travail comprend 3 volumes de 969 pages et un CD-ROM de 185 planches iconographiques en couleur sous forme de diaporama PowerPoint.

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2. Les Juifs sont notamment expulsés d’Angleterre en 1290, de France en 1306 et 1394, d’Espagne et du Portugal en 1492, … 3. En 1236, les Juifs deviennent serfs de la Chambre impériale.

AUTEUR

CAROLE WENNER Docteur en Histoire, Université Marc Bloch, Strasbourg

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La perception du vêtement féminin des élites et des classes populaires à Strasbourg, Mulhouse et Colmar (XVIIe-XVIIIe siècle). Image de soi, image de l’autre

Léone Prigent

Le projet qui est à l’origine de nos travaux de recherche1 est de démontrer l’existence de particularismes vestimentaires locaux, avant même la création des costumes régionaux au XIXe siècle. Ces derniers sont le reflet de la vie privée des hommes et des femmes d’une province et l’image de son histoire culturelle, sociale et politique. La réflexion sur le vêtement féminin alsacien propose une approche nouvelle qui repose sur une problématique basée sur l’intelligibilité du patrimoine et sur sa mise en perspective. Elle permet de resituer le vêtement au centre des arts et des traditions populaires, au même titre que le mobilier ou l’habitat. Nos recherches s’inscrivent avant tout dans la volonté de faire connaître et redécouvrir le patrimoine régional au moyen des œuvres représentant le costume porté sous l’Ancien Régime dans les villes de Strasbourg, Mulhouse et Colmar. Cette thèse pose la question de l’image d’une province à travers les vêtements et les éléments de la parure adoptés par ses habitantes et en quoi celle-ci est l’expression d’une identité provinciale face à une identité nationale forte. La question de l’altérité est au cœur de notre problématique car, à la représentation que l’on cherche à donner de soi à travers sa propre apparence vestimentaire s’ajoute l’image que l’autre se fait d’un groupe social donné ou des habitants d’une province. Les mœurs vestimentaires de l’Alsace à l’époque moderne n’ont jamais été analysées par le biais de leur représentation et de la perception qui en émanent alors même que nos principales connaissances résultent de la représentation iconographique. Le portrait de La Belle Strasbourgeoise de Nicolas de Largillière2 a célébré et magnifié un costume d’apparat urbain et bourgeois caractéristique des années qui suivent le rattachement de

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Strasbourg à la France. Mais, que sait-on réellement du vêtement représenté et de ses accessoires, du contexte dans lequel il fut porté, de l’identité sociale et culturelle qu’il a pu revêtir ? Les costumes alsaciens restent méconnus, car peu de chercheurs s’y sont intéressés depuis les années 80 et Marguerite Doerflinger3 ; les écrits les plus récents se contentant de reprendre ce qui a déjà été dit auparavant. De plus, ces études se sont concentrées sur la période contemporaine, omettant le fait que les siècles précédents sont aussi ceux d’un vêtement particulier dans ses formes, dans ses teintes et dans ses accessoires. Tous les ouvrages et les articles consultés, spécialisés dans l’histoire du costume alsacien et qui s’intéressent à l’histoire du costume campagnard, n’évoquent l’existence d’un habillement urbain typique que pour dire qu’il y eut une adaptation lente et partielle des modes citadines4. Pourtant, les sources iconographiques disponibles pour d’aucuns soucieux d’approfondir la question sont abondantes, riches et de nature diverse, ce qui fait l’originalité et le grand intérêt de ce sujet. Le cadre urbain a été privilégié et porte sur les trois villes de Strasbourg, Mulhouse et Colmar en raison notamment de la richesse des sources examinées. Elles font partie de l’espace rhénan avec lequel elles partagent une certaine unité culturelle. Strasbourg est déjà à l’époque une cité ouverte sur la France et sur l’Europe. Elle apparaît comme une terre d’influence des modes régionales transformatrices des habitudes. Il est donc tout naturel que ses mœurs, y compris vestimentaires, se soient imposées dans l’ensemble de la province. Jusqu’à sa réunion à la France, en 1798, Mulhouse a lié son sort à la Suisse. La république, qui est, comme le souligne à juste titre Sylvie Aprile, un terme « ambigu puisqu’il s’agit d’un petit État indépendant gouverné par une oligarchie restreinte5 », se caractérise par l’enrichissement de ses bourgeois et l’ouverture au commerce régional, mais également par le maintien des mœurs et d’une sensibilité religieuse et politique conservatrice. Cette indépendance au sein même de l’Alsace lui procure le moyen de se développer, tant sur le plan culturel qu’économique. Ancienne ville libre impériale, Colmar compte parmi les dix villes de la Décapole et devient française en 1679. Si l’on peut privilégier l’espace urbain, il est cependant intéressant d’intégrer l’horizon plus vaste des campagnes. Cette étude du vêtement ne relève pas uniquement de l’histoire des élites qui ont souvent mobilisé les sources iconographiques et textuelles, sans que des implications problématiques en soient tirées. L’idéal, qui consisterait à restreindre notre analyse au seul costume populaire, urbain et rural, n’est malheureusement pas réalisable. Très vite, le manque de sources iconographiques, et dans une moindre mesure de sources imprimées, a montré l’impossibilité d’un tel projet. Seules les domestiques semblent être un cas particulier dans la mesure où il existe, notamment dans les recueils de costumes, des représentations de servantes, jardinières, nourrices et cuisinières et où les inventaires après décès mentionnent des legs vestimentaires à leur intention. Par conséquent, nos recherches se sont portées aussi bien sur les usages vestimentaires des élites que sur les tenues populaires. Les costumes alsaciens doivent donc être étudiés dans les rapports sociaux qu’ils créent entre les différentes classes sociales. Le choix de concentrer nos recherches sur une catégorie particulière, les femmes, résulte de deux conséquences. D’une part, en raison de la richesse des sources, de la diversité et de l’originalité des vêtements et de leurs accessoires, le vêtement féminin mérite à lui seul une étude approfondie. D’autre part, les femmes ont joué un rôle moteur et dynamique dans l’élaboration et l’évolution des goûts vestimentaires6. Elles

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sont à la fois les vitrines des hommes qui, à travers elles, étalent leur statut social et économique et les instigatrices de comportements nouveaux. À travers les logiques vestimentaires, c’est une façon et un moyen d’étudier les transformations sociales, le rapport à l’autorité et la capacité d’autonomie des femmes. De plus, au regard de l’iconographie, des sources réglementaires et des récits de voyage, il semblerait que le costume féminin reflète davantage l’identité régionale que celui des hommes. Le fait que la femme soit davantage portée à l’attachement aux traditions justifie le choix que nous avons fait de nous consacrer aux seuls vêtements portés par nos aïeules. Un corpus de sources assez vaste et hétérogène a été pris en compte pour pouvoir étudier dans leur ensemble les usages vestimentaires féminins en Alsace. Cette diversité est à la fois richesse et difficulté. Que les documents soient écrits ou figurés, ils donnent de la réalité une interprétation propre à la nature même de la source étudiée. Parmi les sources couramment utilisées par les historiens du vêtement, figurent les actes notariés comme les contrats de mariage, les inventaires après décès, les testaments dont l’intérêt est de présenter des ensembles vestimentaires et non des pièces isolées et de fournir au chercheur une « banque de données matérielles7 ». Cependant, nous pourrions souvent leur reprocher de ne fournir que des indications de couleur et de matière, sans chercher à donner une description complète et précise de l’aspect d’une pièce de vêtement, comme dans le cas de la coiffe. De telles sources indiquent aussi rarement l’utilisation qui est faite des vêtements, les formes qu’ils avaient et la manière dont ils étaient portés. Elles montrent donc moins la diversité régionale qui peut tenir simplement au choix d’une couleur. Des suppositions peuvent certes être émises concernant l’emploi de certaines pièces de vêtement couramment mentionnées dans les inventaires, mais le chercheur n’est informé que sur ce qui est présent et non sur ce qui manque, n’ayant dès lors qu’une idée approximative de ce qui était réellement porté. Si elles sont fort utiles pour comprendre la civilisation matérielle, elles sont peu appropriées à révéler les apparences et notoirement insuffisantes pour la reconstitution des garde-robes populaires. La démarche propre à l’historien, qui consiste à entreprendre une analyse du costume à partir de l’iconographie, s’inscrit dans une perspective innovante qui revient à faire de l’image un objet historique à part entière. Peu nombreux sont les spécialistes du costume à avoir envisagé le vêtement dans une perspective iconographique, l’image servant le plus souvent à illustrer leurs conclusions. Certains d’entre eux considèrent encore que l’image n’est pas une source fiable dans la mesure où l’artiste a pu être guidé par des règles artistiques précises et a voulu satisfaire les choix esthétiques de ses clients. Certes, travailler sur l’iconographie exige que l’on s’interroge constamment sur la fiabilité que l’on accorde à l’image. Est-elle un témoignage fidèle de la manière dont s’habillaient les femmes à l’époque moderne et est-elle une stricte représentation de la réalité ? Une étude sur le costume à travers sa représentation figurée est concevable à partir du moment où la question de l’authenticité de l’image reste présente et que l’on s’interroge à la fois sur l’usage que les contemporains avaient de leurs vêtements et de leur représentation. Et au regard que porte une société passée sur elle-même s’ajoute la perception de l’historien dont l’objectif est d’éviter l’écueil de tout anachronisme. Les recueils de costumes strasbourgeois nous ont paru être particulièrement pertinents dans la mesure où leur abondance permet de les confronter et d’observer l’évolution du costume féminin entre le début du XVIIe siècle et le milieu du XVIIIe siècle. La question

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de leur originalité s’est posée en raison de leurs nombreuses rééditions et de leurs altérations dues au temps. Quel support doit-on dès lors privilégier ? Le recours aux peintures – portraits de bourgeois, scènes de genre et ex-voto – a alors permis de comparer deux traditions artistiques : la façon de faire du graveur et la manière du peintre qui peuvent engendrer des représentations différentes du vêtement. Le fait que les perceptions soient distinctes en fonction de la nature même de l’œuvre explique pourquoi nous ne nous sommes pas contentée des seuls portraits et gravures, pourtant sources figurées privilégiées des histoires du vêtement. L’utilisation de certains objets conservés dans les musées a pour objectif de montrer l’attachement aux traditions auxquelles le costume appartient et de confronter la perception artistique à la réalité vestimentaire. L’Alsace a fort heureusement préservé de nombreuses pièces du vêtement, mais plus rarement des ensembles complets, ce qui pose un problème de datation, de provenance et parfois d’originalité. De plus en plus, l’idée s’impose que ces sources constituent un patrimoine méritant d’être sauvegardé, étudié et mis en valeur pour lui-même. La connaissance du vêtement du XVIIe siècle passe rarement par l’observation d’une pièce de vêtement authentique, puisque peu nombreux sont les costumes de cette période encore conservés. À nouveau, il nous a fallu procéder à une sélection de vêtements ou plus souvent de pièces de vêtement isolées et dont la grande majorité peut être datée du XVIIIe siècle, voire de la fin du XVIIIe siècle. Il aurait été inconcevable de se contenter des seules sources iconographiques et muséographiques dans la mesure où toute démarche historique suppose la confrontation des sources disponibles. Par conséquent, notre choix s’est porté sur des sources imprimées, telles que les ordonnances somptuaires, des ouvrages de la littérature utilitaire et les récits de voyage, qui permettent de combler les défaillances de l’iconographie et d’infirmer ou de confirmer les représentations parfois curieuses de certaines pièces du vêtement. La notion de perception recouvre alors des dimensions différentes selon la nature de chaque source. L’iconographie propose une interprétation de la réalité soumise à des règles artistiques et guidée par les aspirations du commanditaire. L’analyse iconographique du corpus étudié conduit à la découverte d’une vision du vêtement qui traduit les sensibilités et les préoccupations contemporaines. Les récits de voyage sont la perception que l’étranger a de la région qu’il traverse et de ses usages. La question de l’altérité doit rester au centre de leur lecture. Quant aux sources réglementaires, relèvent-elles de la réalité comme aimeraient à le faire croire certains ou ne sont-elles pas elles aussi affectées par la perception que les autorités ont de leurs concitoyens ? Telle est en tout cas notre hypothèse. Les ordonnances somptuaires définissent ce que l’on peut et ce que l’on ne doit pas porter et, a contrario, ce que portent tout de même les femmes malgré les interdits, puisque la réglementation est la conséquence d’un acte jugé répréhensible. Mais, elles renvoient également à l’image souvent sévère que les autorités ont des mœurs vestimentaires de la population. À ce regard, s’ajoute celui que nous posons nous-même sur les sociétés traditionnelles et notre étonnement incite à nous pencher sur la manière dont les contemporains envisageaient leurs modes et dans quelle mesure ils étaient guidés par une logique vestimentaire différente de la nôtre. Le vêtement est l’expression d’une civilisation et le reflet d’une société dont il indique les sensibilités, les goûts, son rapport au social et au pouvoir.

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Par un travail d’identification et de comptage, nous avons cherché à établir une chronologie des formes vestimentaires. Il devenait dès lors intéressant de se concentrer sur quelques pièces du costume pourvues d’une signification précise pour les femmes, comme les coiffes et les ornements, et d’examiner les signes qui caractérisent un état. Il ne s’agit pas d’établir un inventaire de la consommation vestimentaire, mais de réfléchir à la compréhension des logiques sociales. Nous aimerions ainsi conduire à une analyse sociale du vêtement et à une approche des mentalités, car le vêtement en tant qu’objet de la culture matérielle, permet d’étudier le quotidien, de comprendre les symboles et les croyances qui gouvernent une société, de prendre en considération les usages collectifs et les comportements individuels. Faire l’histoire du vêtement, c’est donc se référer à une double échelle de valeurs, celle de la culture matérielle et celle de la culture intellectuelle, en étant un indice pertinent de la vie sociale et de son évolution ainsi qu’un reflet de ses problèmes. Le vêtement est en cela un fait social total8. Entreprendre une réflexion sur l’histoire du vêtement ne peut se concevoir sans avoir au préalable pris conscience de questionnements d’ordre étymologique, lexicologique et pratique. Quelle distinction y a-t-il par exemple entre un vêtement et un costume ? C’est une étude qui, si elle se veut convaincante, exige également une approche pluridisciplinaire : l’histoire de l’art, la sociologie, la sémiologie, l’ethnologie et même la psychanalyse viennent au service de l’histoire du vêtement pour l’aider à déchiffrer et à analyser des rapports humains complexes. Toutefois, malgré l’exhaustivité des approches scientifiques, le vêtement étant objet polysémique par excellence, nous aborderons la question avant tout avec un regard d’historien. Ce qui intéresse ce dernier, c’est la lecture qu’il peut faire des œuvres iconographiques et la manière dont il associe l’utilisation de l’image aux méthodes historiques. L’image que l’Alsacienne offre d’elle-même, à travers le paraître, et les apparences, et le regard que l’autre porte sur elle donnent ensuite l’occasion de se pencher sur la question identitaire. Cette notion englobe des logiques différentes, mais souvent complémentaires, car sous l’Ancien Régime l’identité est sociale, culturelle, économique, confessionnelle, voire régionale dans le cadre d’une province frontalière. La coiffe est certainement l’un des exemples les plus globalisants en matière d’identité. La perception étant une construction de l’esprit, a-t-elle une incidence sur la manière de voir et de parler du vêtement régional ? Le costume devient un instrument efficace dans l’élaboration et la diffusion de l’image d’une Alsace sous influence allemande ou française, mais participe également à la constitution de véritables stéréotypes sociaux et régionaux. Finalement, le vêtement est un moyen de communication pour une société qui indique ainsi ce qu’elle est, ses valeurs ou du moins ce qu’elle souhaiterait être. L’historien voit la mode comme un système en perpétuelle évolution alors qu’elle est considérée comme un système stable par ceux qui la vivent. Elle est un ensemble de règles vestimentaires qui place les individus dans la catégorie à laquelle les consigne leur rang. Travailler à partir d’un fonds documentaire qui recourt à l’image, à l’écrit et aux objets conduit à déchiffrer le fonctionnement de chaque source. Chacune d’elle a montré sa spécificité et offert des perspectives différentes. Le recueil de costumes traduit toute la diversité et la complexité sociales à travers la représentation du vêtement qui inscrit ce dernier dans une identité à la fois locale, politique, économique et culturelle. Le

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portrait répond aux besoins de s’affirmer des élites urbaines et repose sur une codification dans la façon de cadrer le modèle, dans les symboles qui composent le décor, dans les accessoires du vêtement. Le peintre construit son image et son discours s’embarrasse de règles artistiques propres au genre pictural du portrait. Entreprendre une image du costume régional à partir des récits des voyageurs renvoie quant à elle à la problématique de l’altérité, car percevoir est une construction intellectuelle qui dépend de facteurs culturels et idéologiques. Quel est alors le sens donné à ce que les visiteurs choisissent de voir, qui renvoie généralement au typique et au curieux, ou de ne pas voir, qui peut être de l’ordre de l’insignifiant ou du déjà connu, donc peu pertinent à leurs yeux ? Chacune de nos sources a par conséquent montré ses limites quant à l’interprétation que l’on peut en faire et qui parfois reste de l’ordre de la suggestion. Notre objectif a été de montrer, par une réflexion critique, comment des documents autres que les actes notariés, peuvent conduire à appréhender, par le biais du vêtement, les fondements de la société d’Ancien Régime. L’iconographie pose certes des problèmes d’exploitation, mais elle est parfois plus pertinente que les archives pour une étude socioculturelle. L’archive est descriptive, elle énumère ce que contenaient autrefois les armoires, tandis que l’image est interprétative. Elle montre les différences de rang et permet de comprendre les comportements de chacun. Par l’étude du vêtement alsacien à l’époque moderne, nous avons voulu replacer le costume régional dans un contexte temporel plus ancien que le XIXe siècle, qui fut propice à la création des costumes régionaux. La démonstration que le costume alsacien est déjà le signe de l’appartenance à une province, à défaut d’une région au sens contemporain du terme, s’inscrit dans le cadre de récentes recherches qui tendent à démontrer que l’on ne s’habille pas de la même manière en Alsace, en Bretagne, en Provence ou dans le Poitou. Il s’avère toutefois que, malgré le rattachement de l’Alsace et l’influence des modes du royaume de France, le jeu des influences germaniques pèse de tout son poids dans l’espace rhénan. Il suffit pour s’en convaincre d’observer les représentations des bicornes, des bonnets de fourrure et des coiffes à becs sur les gravures, les portraits et les peintures votives des XVIIe et XVIII e siècles. Aussi les vêtements portés ne témoignent-ils guère d’une identité proprement « alsacienne ». De nombreuses questions ont été soulevées qui pour certaines restent encore sans réponse. Le problème des origines du costume régional est par exemple insoluble. Pourquoi fait-on le choix d’un costume identitaire ? Qu’est-ce qui établit qu’un même village soit fractionné par l’appartenance confessionnelle qui détermine les teintes et les formes des vêtements ? Comment aussi expliquer l’adoption de la couleur au XIXe siècle dans les vêtements des protestantes alors que sous l’Ancien Régime, l’image qui en est donnée par l’iconographie et par les récits de voyage est celle de gens vêtus de manière plus austère que les catholiques ? Une voie nouvelle est ouverte qui cherche à réactualiser le sujet du costume alsacien. La comparaison avec d’autres régions françaises à forte identité culturelle permettrait de se pencher sur la création des costumes régionaux et sur les fondements de leur évolution, puis de leur abandon. L’image de la Strasbourgeoise coiffée d’un large bicorne, transmise par les recueils de costumes ou par l’œuvre de Nicolas de Largillière, a été largement supplantée par l’image de l’Alsacienne au grand nœud noir, la Schlupfkapp. L’un comme l’autre n’a jamais constitué la coiffure traditionnelle de toute Alsacienne. Mais, si la première représentation vise à transmettre à la capitale

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l’image attrayante, mais exotique, des particularismes locaux, la seconde exprime le deuil de voir l’Alsace redevenue allemande. Elle est le symbole politique d’une région séparée de la France. L’histoire du costume régional à travers sa représentation iconographique mérite à présent que l’on s’intéresse avec pertinence au costume contemporain avec pertinence afin de le débarrasser du folklore qui l’entoure.

NOTES

1. Thèse d’histoire moderne présentée pour l’obtention du doctorat nouveau régime, sous la direction de M. le professeur Jean-Michel Boehler, soutenue publiquement à l’Université Marc Bloch le 23 mai 2008 devant un jury composé de Mmes et MM. Gabriele Mentges (Université de Dortmund), Marie-Louise Schneider (Musée alsacien, Strasbourg), Denise Turrel Denise (Université de Poitiers), Martial Guédron (Université Marc Bloch) et jean-Pierre Lethuillier (Université de Rennes). 2. Nicolas de LARGILLIERE, La Belle Strasbourgeoise, 1703, Musée des Beaux-Arts, Strasbourg. 3. Marguerite DOERFLINGER, « Les costumes alsaciens », in Traditions alsaciennes, 1975, t. 2 et Le livre d’heures des coiffes alsaciennes, Strasbourg, 1981. 4. Marguerite Doerflinger est l’une des seules exceptions à la règle, car dans plusieurs de ses ouvrages elle traite du costume strasbourgeois de l’Ancien Régime. 5. Sylvie APRILE, « Un discours patricien sur la ville : la représentation de Mulhouse au XIX e siècle par ses industriels », in Construction, reproduction et représentation des patriciats urbains de l’Antiquité au XXe siècle, Tours, 1999, p. 322. 6. Daniel ROCHE, La culture des apparences. Une histoire du vêtement aux XVIIe et XVIIIe siècles, Paris, 1989, p. 109. 7. Jean-Michel BOEHLER, Une société rurale en milieu rhénan : la paysannerie de la plaine d’Alsace, 1648-1789, Strasbourg, 1994, t. 2, p. 1664. 8. Nicole PELLEGRIN, « Le vêtement comme fait social total », in Histoire sociale, histoire globale ?, Actes du colloque des 27 et 28 janvier 1989, Paris, 1993, p. 81.

AUTEUR

LÉONE PRIGENT Docteur en Histoire, Université Marc Bloch, Strasbourg

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L'atelier de l'historien

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Chronique des archives

Jean-Luc Eichenlaub

1 À l’heure qu’il est le monde des archives connaît des mutations importantes : modifications législatives et réglementaires d’une part, conséquences des réformes administratives et des mutations technologiques de l’autre. La nouvelle loi sur les archives, qui, entre autres choses, modifie les délais de communication, est parue au Journal officiel du 16 juillet 2008. La réforme de l’État est profonde tant au niveau central qu’au niveau régional et départemental ; l’organisation de l’administration de l’État est fortement modifiée.

2 Par ailleurs pour ne prendre que deux exemples la dématérialisation des données du cadastre et du livre foncier devient une réalité. Les archives gardent le papier, en masses importantes, mais elles doivent aussi, et surtout, trouver des solutions fiables pour pérenniser les données numériques. C’est sans doute le plus grand défi que les archivistes ont à relever depuis longtemps.

3 Mais que les historiens se rassurent, les sources sont loin d’être épuisées !

4 Ils trouveront ci-dessous les informations transmises par les services organisés accueillant du public qui ont bien voulu les donner.

Archives départementales

Bas-Rhin

5 L’état civil numérisé sera consultable dès que le nouveau bâtiment sera ouvert au public (la généalogie est encore le sujet de recherche majoritaire avec plus de 53 % de recherches).

6 À l’ouverture du bâtiment une nouvelle politique culturelle sera développée, la collecte et le traitement (y compris des fonds audio-visuels) seront relancés, et la numérisation poursuivie.

7 Les travaux de classement ont porté sur les plans cadastraux et les minutes notariales.

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Haut-Rhin

8 Accroissement de 579 ml, dont 160 ml d’archives privées, parmi lesquelles on relève particulièrement une partie des archives du camp d’entraînement SS de Cernay, les archives d’un photographe colmarien, spécialisé dans le portrait, et un album de 179 photographies des commémorations d’août 1939 sur les champs de bataille de la Première Guerre mondiale. Pour mémoire, plus de 24 kml sont actuellement conservés.

9 Des visas d’élimination ont été accordés pour 5 416 ml d’archives publiques (archives des administrations et archives hospitalières principalement).

10 À l’heure actuelle, 289 communes de moins de 2 000 habitants ont déposé leurs archives « anciennes » aux archives départementales. Dans le cadre des regroupements paroissiaux une action suivie est menée en direction des paroisses, de manière que les archives soient sauvegardées.

11 1 751 pages d’inventaire ont été réalisées, qui sont au fur et à mesure mises en ligne. Le site Internet a été consulté par 36 217 visiteurs ; 346 776 pages ont été vues. En plus des inventaires l’internaute peut aussi consulter en ligne l’Armorial des communes du Haut-Rhin et la collection de cartes postales.

12 21 532 articles ont été communiqués en salle de lecture, 1 059 élèves ont travaillé aux archives dans le cadre du service éducatif.

13 Une exposition de 60 documents remarquables (du VIe siècle à nos jours) a été organisée à l’Hôtel du département à Colmar ; elle a été visitée par 1 000 personnes ; des images ont été mises en ligne sur le site du conseil général.

14 Une brochure sur le château du Hohlandsbourg a été publiée.

Archives communales

Colmar

• Accroissement de 43,5 ml (23 ml d’archives privées) ; • 2 487 communications ; • Deux instruments de recherche : Lichtlé (Francis) : Répertoire numérique du fonds des archives contemporaines 1871-1940, 206 p. ; Lichtlé (Francis), Wernert (Marie-Josée) : Index thématique du fonds des archives contemporaines, 114 p.

Erstein

• Accroissement de 6,4 ml ; • 492 communications ; • Mise à disposition des lecteurs d’instruments de recherche informatisés (archives anciennes, modernes et contemporaines).

Guebwiller

• Accroissement de 29, 6 ml ; • L’état civil de 1792 à 2008 est numérisé, la période 1890-2008 étant en plus indexée, ce qui ne signifie pas, bien entendu, que tout est immédiatement communicable.

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Haguenau

• Accroissement de 10,8 ml ; • 1 509 communications ; • Le public qui vient en salle de lecture peut consulter les dépouillements informatisés des registres paroissiaux et de l’état civil (1605-1906) et de listes de recensement (la plus ancienne est de 1802) ; • 137 élèves ont découvert les archives.

Illkirch-Graffenstaden

• Les collections occupent un peu plus de 800 ml ; • Quatre atlas cadastraux ont été numérisés ; • La salle de lecture a été réaménagée.

Illzach

15 Trois fonds photographiques sont désormais repérés dans la base de données Bora photographies de la direction des archives de France : fonds René Candir (cartes postales et photographies d’Illzach 1880-1989), fonds René Meyer (vie quotidienne à Illzach 2005), fonds Fête de la Libération, 29 juillet 1945.

Saint-Louis

• Accroissement de 68 ml ; • 508 p. d’instruments de recherche (archives modernes et contemporaines) ; • Exposition sur l’ancienne brasserie de Saint-Louis et sur la maison David récemment transformée en café littéraire ?

Sélestat

16 Importante action culturelle : • expositions : « Marques postales et lettres, XVe-XIXe s. » ; « Vin et vignes à Sélestat » ; « Sept siècles de vie juive à Sélestat » ; « Vauban et Sélestat » ; • conférences : « Le nom de l’Amérique inventé à Saint-Dié » (A. Ronsin) ; « Vauban et Sélestat » (Jean Pons) ; • colloque : « Itinéraires humanistes de Sélestat » ; • table ronde « Sept siècles de vie juive à Sélestat ».

AUTEUR

JEAN-LUC EICHENLAUB Directeur des Archives départementales du Haut-Rhin

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Le Service de l’Inventaire du Patrimoine culturel et sa documentation

Jean-Philippe Meyer

Créé pour recenser les édifices anciens et œuvres d’art de la région, le Service de l’Inventaire d’Alsace se compose d’une équipe pluridisciplinaire qui rassemble et met en forme une documentation selon une méthode scientifique et des normes nationales. Après plusieurs décennies, les « archives artistiques de la France », qu’André Malraux appelait de ses vœux, sont devenues une réalité. Elle va largement au-delà de ce qui avait été envisagé à l’origine, au point de vue de la période chronologique couverte et des thèmes abordés. Il convenait de faire le point sur les richesses documentaires accumulées. Notre but sera de présenter ce service et les données que renferment des dossiers élaborés en quarante ans d’activité1.

Avant l’Inventaire général : premières enquêtes

Le souci de répertorier les témoins matériels du passé est ancien. Dès les XVIIe et XVIIIe siècles, l’étude des édifices et œuvres de l’époque médiévale avait été entreprise par des érudits comme Roger de Gaignières ou Montfaucon. À la même époque, recenser les vestiges antiques ou les édifices médiévaux de l’Alsace et les publier fut jugé nécessaire notamment par Jean-Daniel Schoepflin et Jean André Silbermann2. En 1819-1824, alors qu’une enquête d’ensemble avait été lancée par l’Institut de France, le professeur de grec Jean Geoffroy Schweighaeuser s’attacha à parcourir le département du Bas-Rhin en recensant les vestiges antiques, les églises et châteaux du Moyen Âge ; son ami et disciple, le magistrat Philippe de Golbéry, suivit la même voie en ce qui concerne le Haut-Rhin. Schweighaeuser envoya plusieurs mémoires à l’Institut3, puis publia en 1828, avec Golbéry, les Antiquités de l’Alsace, en deux volumes illustrés de lithographies, qui devint aussitôt un ouvrage de base en matière d’archéologie médiévale.

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Après la fondation de la Société pour la conservation des monuments historiques d’Alsace en 1855, Straub, Guerber et d’autres publièrent des enquêtes par cantons4. Mais ce fut Franz Xaver Kraus, alors professeur à l’Université de Strasbourg, qui, le premier, fit paraître en quatre volumes, à l’initiative du Reichsland Elsass-Lothringen, un inventaire artistique couvrant toute l’Alsace et la Lorraine annexée5. Georg Dehio proposa en 1911 le modèle d’un inventaire court ; le fait qu’il fut réédité plusieurs fois démontre son utilité6. À Strasbourg, le centre de documentation fondé en 1901 par Félix Wolff à l’instar des archives des monuments historiques à Paris, sous le nom de Denkmalarchiv7, se voulait une préparation à un inventaire ; ce dernier fut effectivement commencé en 1912 par Hugo Rahtgens, mais ne se prolongea pas au-delà d’un canton, celui de Bouxwiller8. Le Handbuch de Walter Hotz (1965) correspond à une mise à jour très amplifiée de « l’inventaire court » de Dehio, accompagnée de planches9.

Malraux et l’Inventaire général des monuments et richesses artistiques de la France

Projet en maturation depuis 1962, l’Inventaire général fut créé par décret du 4 mars 1964 par André Malraux, ministre d’État chargé de la Culture, sur la proposition de deux universitaires de renom, André Chastel et Louis Grodecki10. Comme l’indique la plaquette de présentation, parue la même année, l’inventaire « consistera… à recenser, à étudier et à faire connaître toute œuvre qui, du fait de son caractère artistique, historique ou archéologique, constitue un élément du patrimoine national »11. Une « Commission nationale chargée de préparer l’établissement de l’inventaire », présidée par Julien Cain12, fut réunie ; elle était assistée d’un Secrétariat Général, qui constitua la partie administrative de l’entreprise au sein du ministère de la Culture. Cette structure fut conçue comme autonome par rapport au Service des monuments historiques13. Des commissions régionales furent mises en place peu à peu, et une méthodologie scientifique élaborée au niveau national14. L’inventaire devait être conduit sur une base topographique, et « tenter de saisir le patrimoine dans l’espace, avec toute la complexité des situations concrètes »15. La présentation des dossiers fit l’objet de spécifications uniformes. La normalisation du vocabulaire visait à préciser et à expliciter la terminologie technique, à unifier le langage utilisé lors des enquêtes, et enfin à permettre le tri des résultats par des procédés mécanographiques, puis par des calculateurs, selon les principes de l’histoire sérielle, que préconisait l’école des Annales16. Différents vocabulaires spécialisés furent publiés, afin de fournir aux enquêteurs des typologies (mobilier, objets domestiques, culte catholique…) ou de faciliter l’étude des techniques (la tapisserie, l’architecture, la sculpture, le métal, la céramique…)17. La photographie, importante dans un tel recensement, se caractérise par un style spécifiquement documentaire : éviter si possible les déformations dues à la perspective et obtenir la netteté de tous les détails par l’emploi de la chambre grand format, choix de vues souvent frontales, éclairage neutre sans forts contrastes, refus du pittoresque au profit du caractère informatif, absence de personnages sur les vues de bâtiments. L’exposition « Photographier le patrimoine », qui se tint en 2004 à Paris, à la Bibliothèque nationale, à l’occasion des quarante ans de l’Inventaire, mit en évidence ce style de prises de vues, d’une évidente valeur esthétique18. D’autre part, de nombreux relevés photogrammétriques furent réalisés afin d’enrichir les dossiers.

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Après la création des structures de départ, Malraux n’accorda plus guère d’attention à l’Inventaire général et à ses résultats ; ceux-ci étaient sans rapport avec les œuvres qui l’intéressaient dans ses écrits sur l’art19. En revanche, André Chastel continua à suivre et à stimuler les progrès de l’entreprise qu’il avait contribué à lancer.

Le développement de l’Inventaire en Alsace

L’Alsace et la Bretagne furent les premières régions où l’inventaire ait démarré. Plusieurs raisons justifiaient ce choix : existence d’un enseignement en histoire de l’art et d’une tradition de la recherche archéologique, densité des sociétés d’histoire, large intérêt pour le patrimoine, présence de personnalités susceptibles de soutenir le projet20. En mars 1964 fut créée une Commission régionale sous la présidence du préfet, le vice- président, responsable scientifique, étant Hans Haug, ancien Directeur des Musées de Strasbourg21 ; suivit la création, en 1965, des deux Comités départementaux, dont les très actifs vice-présidents furent Robert Will (Bas-Rhin) et Pierre Schmitt, puis Philippe Mieg (Haut-Rhin)22. La Commission régionale et les Comités départementaux avaient pour rôle de fédérer les efforts des spécialistes locaux et régionaux (enseignants, archivistes, conservateurs de musées, historiens…), ainsi que toutes les bonnes volontés, en vue d’un travail qui, par son amplitude, allait au-delà de ce qu’un chercheur isolé pourrait faire. Le recensement était, du moins à l’origine, conçu comme une « entreprise de coopération », une « œuvre absolument collective de tous ceux qui connaissent et aiment le patrimoine de ce pays »23. En 1965, Louis Grodecki, professeur d’histoire de l’art à la Faculté des Lettres de Strasbourg, membre de la Commission nationale de l’Inventaire24, chargea Roger Lehni, qui faisait partie de ses anciens étudiants, de créer et diriger le Secrétariat de la Commission régionale d’Alsace.

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Louis Grodecki à Guebwiller, au pied du Burgstall, avec l’équipe de l’Inventaire, vers 1967

Archives Inv.

Prises de vues devant l’église collégiale de Lautenbach, 1966

Archives Inv.

Le Secrétariat (futur Service de l’Inventaire)25 eut ses locaux à Strasbourg, au Palais du Rhin, où se trouvaient déjà les bureaux du Service des Monuments historiques26. Le nouvel organisme dépendait directement du Secrétariat Général de l’Inventaire à Paris.

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Les premiers collaborateurs de Roger Lehni furent, comme lui, des historiens de l’art, anciens étudiants de Grodecki27. En 1970, l’équipe comportait notamment quatre chercheurs et deux photographes, outre une vingtaine de vacataires (documentalistes, enquêteurs, chercheurs, aides-photographes, dessinateurs, dactylographes)28. Dès l’origine, les Conseils généraux des deux départements attribuèrent des fonds de concours aux opérations d’inventaire29. Ultérieurement, l’appui financier des deux Départements et de la Région se fit par le biais de l’Association pour le Développement de l’Inventaire des Monuments et Richesses artistiques de l’Alsace, créée en 197930. En juillet 1983, l’organisation de l’Inventaire général fut entièrement modifiée. En conséquence des lois de décentralisation, les commissions régionales de l’Inventaire et comités départementaux furent supprimés31. Au Palais du Rhin, ce qui avait été le Secrétariat de la Commission régionale devint le Service régional de l’Inventaire, dirigé par un Conservateur régional ; celui-ci releva désormais du Directeur des Affaires culturelles d’Alsace. Ainsi s’établit, au sein de la DRAC, une complémentarité entre la gestion des Monuments historiques32, l’Archéologie et l’Inventaire. Le service est dirigé depuis le 1er octobre 2001 par Mme Frédérique Boura, Conservatrice du Patrimoine. Suite à la loi de décentralisation du 13 août 2004, il a intégré la Région Alsace au 1er février 2007, avec l’intitulé Service de l’Inventaire du Patrimoine culturel, au sein de la Direction de la Culture, des Sports et de l’Identité régionale.

Les méthodes d’enquête et la couverture du territoire alsacien

L’objet de l’inventaire se construisit au fur et à mesure qu’avançaient les enquêtes sur le terrain. Celles-ci reposent sur des choix qui évoluèrent dans le temps. L’Alsace eut un rôle de pionnier dans la mise au point des méthodes d’investigation.

Premières enquêtes de terrain

Dès 1964, un essai d’inventaire porta sur le quartier Saint-Thomas à Strasbourg. Le Comité départemental du Haut-Rhin choisit en mars 1965 de concentrer les efforts sur le canton de Guebwiller ; l’étude des communes de Guebwiller, Buhl, Murbach, Lautenbach et Orschwihr fut commencée durant l’été33. À partir de l’année suivante, la Commission régionale fit également entreprendre des campagnes de terrain dans le canton de Saverne. En 1966, Louis Grodecki se rendit sur place à Guebwiller, où les investigations se poursuivaient, pour guider et conseiller les enquêteurs34 ; à ce moment-là, tout restait à mettre au point : choix des édifices et des œuvres, contenu des futurs dossiers, type d’approche.

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Maison d’Uttenheim (1623), 64 rue Principale, en cours de rénovation

Cl. C. Menninger, 1986.

Inventaire fondamental

Tandis que la méthode de travail se précisait et s’affermissait, grâce à de constants échanges de vues au niveau national, les enquêtes dans les cantons de Guebwiller, Saverne, Thann et la ville de Mulhouse se déroulèrent durant les années 1965 à 1989. Elles furent réalisées selon les principes de l’inventaire fondamental. Les dossiers comprennent alors pour chaque édifice ou objet mobilier une étude dactylographiée, qui renvoie à la bibliographie et aux sources d’archives, avec reproduction exhaustive de la documentation graphique ancienne. Dès l’origine était prévue une sélection, relativement sévère, des édifices et œuvres à étudier ; ainsi, en ce qui concerne les maisons et fermes, les premières enquêtes aboutirent à ne retenir que quelques exemples, afin d’éviter la multiplication des dossiers d’édifices pour chaque commune35. L’appel à des étudiants de l’École d’Architecture de Strasbourg permit de dresser de nouveaux relevés pour différents édifices. Les clichés, pour une grande partie en noir et blanc, étaient réalisés par les photographes du service. La couleur se trouvait réservée principalement aux tableaux, vitraux, peintures murales. La présentation, par communes, des résultats, dans des classeurs (les « classeurs verts »), remonte aux origines de l’Inventaire général. Durant la même période, des enquêtes de pré-inventaire36furent conduites par quelques sociétés d’histoire et d’archéologie, comme celle réalisée de 1967 à 1978 par la Société d’histoire de Dambach-Barr-Obernai dans son secteur37. Elles servirent de point de départ pour les investigations des chercheurs du service ; les résultats sont conservés dans la documentation préliminaire de l’Inventaire.

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Autel de l’église de Bernardvillé, vers 1770

Cl. J.-C. Stamm, 1975.

Ribeauvillé, église Saint-Grégoire. Reliquaire, XVe siècle

Cl. C. Menninger, 2002.

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Une nouvelle démarche : l’inventaire topographique

Des publications très détaillées purent voir le jour à partir des nombreux dossiers ; mais l’inventaire fondamental, dans les trois premiers cantons, avait pris près de quinze ans. Une nouvelle méthode, l’inventaire topographique38, fut mise en œuvre dans dix-huit cantons durant les années 1975 à 1993. Le but était de progresser plus rapidement, et de couvrir l’ensemble de l’Alsace dans un délai raisonnable, de manière à conserver, notamment par la photographie, une trace des bâtiments anciens (susceptibles d’être démolis ou altérés) et des objets (pour lesquels on ne pouvait exclure des dégradations, le vol ou la destruction). La carte de référence était désormais constituée par le plan cadastral, sur la base duquel se fit le repérage de tous les édifices anciens de la commune, puis dans un second temps la sélection de ceux, particulièrement intéressants, retenus pour faire l’objet d’une étude. Dès lors apparut la distinction entre deux catégories d’édifices et objets, ceux étudiés (ou sélectionnés) en tant qu’unica (seule construction de leur catégorie dans un village), et d’autre part ceux simplement repérés (les typica, faisant partie d’une famille d’édifices). Les éléments sélectionnés bénéficièrent d’une étude dactylographiée, avec historique, description, bibliographie, accompagnée de photographies, de relevés ou autres documents graphiques. D’autre part furent établis désormais des « dossiers collectifs » concernant des catégories d’édifices ou d’œuvres existant en grand nombre (maisons, fermes, croix, calvaires), et qu’il n’était pas souhaitable d’étudier sous forme de monographies ; ces synthèses par communes relatives à l’habitat avaient pour but de définir des groupes ou familles de constructions, en indiquant leurs particularités. Les édifices repérés, à la base de cette vue d’ensemble, furent consignés dans un tableau récapitulatif, avec leur adresse, les dates inscrites sur le bâtiment, et ses spécificités les plus remarquables39.

Inventaire et débuts de l’informatique

Dès le départ, l’inventaire général fut conçu en fonction d’une future exploitation automatique des données, au moyen de la mécanographie (fiches perforées), puis de l’informatique naissante40. Ce parti pris, délibérément moderne, suscita d’ailleurs des résistances. On préconisait certes, vers 1970, le recours systématique à l’ordinateur. Mais son emploi ne se répandit véritablement qu’au début des années quatre-vingt41. Les « fiches signalétiques » établies durant les opérations d’inventaire topographique furent d’abord, vers 1980, saisies de façon centralisée, sous le contrôle direct du Ministère. La publication sur l’ancien arrondissement d’Erstein eut lieu en 1984 à partir de ces fiches, gérées par un centre de calcul au niveau national. En outre, les notices informatiques concernant les premiers cantons étudiés (ceux de Guebwiller et Saverne) furent elles aussi rédigées et saisies à ce moment-là, sur la base des études dactylographiées ; ces fiches furent établies seulement en vue d’un tri par ordinateur, d’où leur grande concision42.

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La méthode de l’inventaire préliminaire

Le temps nécessaire pour les opérations d’inventaire topographique restait toutefois trop important (au début des années quatre-vingt-dix, un tiers seulement du territoire alsacien était couvert). Pour cette raison, en 1992, lors de l’étude des cantons de Brumath et de Bischwiller, le Service de l’Inventaire d’Alsace mit au point une méthode simplifiée d’enquête et d’archivage, l’inventaire préliminaire. L’objectif n’était pas de résoudre les problèmes posés par chaque édifice ou objet, mais de recenser l’existant, en reportant l’approfondissement à plus tard, à un moment où une couverture plus complète permettrait d’entreprendre des synthèses. On renonça aussi à ces synthèses partielles qu’avaient été les « dossiers collectifs », relatifs aux édifices simplement repérés, de même qu’aux recherches d’archives, sauf dans des cas particuliers. Désormais, les chercheurs prirent eux-mêmes des photos au cours de l’enquête, ce qui permit de constituer une documentation plus complète et de gagner du temps lors de la mise en forme des dossiers. D’autre part, l’équipement en micro-ordinateurs se généralisa à cette époque ; grâce à quoi, depuis 1992-1993, les chercheurs purent saisir directement les notices historiques et descriptives43, autre facteur de gain de temps. Selon cette méthode, suivie dans trente neuf cantons ruraux, tous les unica (église, chapelle, mairie, école, gare, etc.) d’une commune furent étudiés, ainsi que tous les édifices et éléments mobiliers antérieurs à 1800. Les bâtiments plus récents, notamment les fermes et les maisons, devaient, pour être sélectionnés, répondre à deux critères parmi les cinq suivants : ancienneté (avoir été construits avant 1850) ; porter une date, signature, indication héraldique ou le nom du donateur ; posséder des éléments remarquables (formes décoratives, iconographie) ; manifester une singularité typologique ou iconographique ; ou enfin faire partie d’un ensemble. Le repérage sur le terrain est exhaustif pour la période jusqu’en 1940, très sélectif pour les décennies postérieures44. Les « cartes du patrimoine » localisent les édifices étudiés et repérés, sur la base du plan cadastral de la commune. Par la suite, d’autres régions s’inspirèrent de cette méthode. En pratique, une équipe formée par deux chercheurs parcourt la commune rue par rue, puis le reste du ban communal ; elle examine chaque maison, édifice religieux ou public, ainsi que les croix de chemin, châteaux forts ou autres constructions isolées, en consignant des observations, en prenant des photos et en annotant une copie du plan cadastral. Une fois de retour au bureau, après la saison propice aux études de terrain (mai-octobre), est entreprise la rédaction des fiches et leur saisie sur ordinateur, l’immatriculation des clichés et la mise en forme des dossiers. Les cartes du patrimoine sont réalisées par les dessinateurs-cartographes en fonctions des annotations faites sur le plan cadastral lors des visites sur place. Un photographe du service se rend sur les lieux pour réaliser les clichés des édifices et objets les plus remarquables. Comme un grand nombre de photos ont déjà été prises par les chercheurs au moment de l’enquête, les dossiers d’inventaire préliminaire sont en général illustrés de façon plus abondante que ceux établis antérieurement.

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Prises de vues des tapisseries, dans l’église abbatiale de Neuwiller

Cl. E. Fritsch, 2004.

Saint-Jean-Saverne. Tapisserie, XVe siècle : chasse des hommes sauvages, détail

Cl. J. Erfurth, 1972.

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Enquêtes récentes ou en cours : cantons ruraux, études urbaines

Les enquêtes récentes ont permis de prendre en compte les nouveaux champs du patrimoine. Ainsi, parmi les derniers cantons traités, celui de Munster donna l’occasion d’étudier la reconstruction postérieure à 1918, ainsi que les anciennes marcairies, avant leur disparition ou leur transformation. Dans la vallée de la Bruche, le camp de concentration du Struthof, avec ses annexes, a été inclus dans l’étude. Depuis la fin des enquêtes d’inventaire préliminaire dans les cantons ruraux, la priorité a été donnée à la mise au point d’une méthode appropriée aux deux villes principales, Strasbourg avec sa banlieue et Colmar. Le recensement des bâtiments pris isolément devait être complétée par l’étude des ensembles, considérés du point de vue de l’urbanisme (rues, quartiers, faubourgs, lotissements) ; les banlieues et édifices du XXe siècle ne pouvaient être négligés. Ces études urbaines sont d’autre part conçues comme des outils de gestion pour les municipalités concernées. L’inventaire de la commune de Schiltigheim, entrepris en 2007, permet d’expérimenter la démarche de l’inventaire urbain ; celui-ci se fait selon la méthode de l’inventaire topographique, mais en considérant aussi les modalités d’accroissement et de mutation de la ville. La commune de Strasbourg a fait l’objet d’un début de couverture. Des opérations d’urgence y ont été assurées depuis l’origine du service ; elles ont permis d’effectuer des observations et de prendre des photos, lors de démolitions ou de travaux de transformation. Outre la rue de l’Épine, déjà citée, et le Palais du Rhin, des secteurs limités ont bénéficié d’une étude systématique : le quai des Bateliers (2002), la rue du 22-Novembre et le boulevard du Président Poincaré (2003). Pour ces rues, comme pour la ville de Schiltigheim, les dossiers intègrent les informations fournies par les archives communales.

Études complémentaires et enquêtes thématiques

Grâce au quasi-achèvement de l’inventaire préliminaire, des recherches plus spécialisées, de type thématique, ont débuté, pour tenir compte de l’élargissement de la notion de patrimoine. Ainsi, une série d’études a porté sur les jardins historiques, à Strasbourg et dans le restant de l’Alsace, sur la base des dossiers existants, complétés grâce au retour sur place et en recourant aux documents d’archives. Le patrimoine ferroviaire, dont seules des gares avaient été recensées, bénéficie actuellement d’une approche globale, grâce à des investigations commencées en 2007. À Lorentzen, en 2007, un complément d’étude a permis d’adapter les résultats de l’inventaire aux attentes de la commune, lors de la préparation du Plan Local d’Urbanisme. Réalisé en partenariat avec le ministère de la Recherche et l’Université Louis Pasteur, l’inventaire du patrimoine scientifique de l’Observatoire (instruments d’optique, de mesure…) vient de s’achever ; celui des instruments liés à la physique et à la sismologie est encore en cours, dans le cadre du recensement des collections scientifiques de l’Université.

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L’Observatoire (1877-1881) et ses jardins

Cliché C. Menninger, 2004.

Enfin, dans le cadre d’une étude thématique nationale, des enquêtes sont menées de façon systématique, depuis une quinzaine d’années, par secteurs géographiques, sur le patrimoine industriel de l’Alsace ; le but est de conserver des témoins (photos, plans de masse, notice historique et descriptive) relatifs à des installations qui, à plus ou moins long terme, sont menacées de disparition ou de transformation45.

Poterie de Soufflenheim : pichets, fin du XIXe ou début du XXe siècle

Soufflenheim, collection municipale. Cliché B. Couturier, 2003.

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Un centre de documentation sur le patrimoine de l’Alsace

Les « classeurs verts » par communes

Le Service de l’Inventaire est localisé depuis sa création au Palais du Rhin, où il dispose de locaux d’archivage étendus. Sa documentation comprend à présent près de 300 mètres-linéaires de dossiers communicables, de format standard (les « classeurs verts »), soit près de 20 000 dossiers d’édifices, 25 000 dossiers d’objets mobiliers qu’accompagnent près de 275 000 photographies. C’est le résultat de quarante ans d’enquêtes menées, certes avec des inflexions dans la méthode, mais avec un objectif resté le même. Les dossiers ont pour but principal de rendre compte de l’état du patrimoine à partir des recherches sur le terrain. Ils comportent des photographies de l’état actuel, éventuellement la reproduction de documents anciens (plans, dessins, photographies). Ils font le point des informations collectées dans l’ensemble de la bibliographie et dans certains cas dans les sources d’archives. Les dossiers par communes fournissent en outre les cartes du patrimoine et des renvois bibliographiques. Ils comprennent un ou plusieurs classeurs pour chaque village ou ville, jusqu’à 126 pour celle de Mulhouse ou 26 pour la seule collégiale de Thann. La présentation des dossiers suit toujours le même ordre : table des matières, généralités sur la commune, cartes du patrimoine, reproduction de plans anciens de la localité (si possible le plan cadastral napoléonien), généralités sur les maisons et les fermes avec le tableau des maisons simplement repérées (d’intérêt moindre), les édifices religieux et couvents avec leur mobilier (un tableau des objets repérés sert de complément), l’architecture publique (mairie, écoles…), éventuellement les fortifications d’agglomération, les maisons et fermes classées en fonction de leur adresse, l’architecture commerciale, le patrimoine industriel, les écarts (hameaux ou villages rattachés à la commune, maisons forestières, châteaux isolés, croix situées dans la campagne, etc.). Les bases de données nationales Mérimée (édifices) et Palissy (objets mobiliers) servent d’index à cette masse d’informations. Les édifices et objets repérés (d’intérêt secondaire) sont répertoriés de façon concise dans des bases de données régionales, qui sont interrogeables seulement depuis le service et font elles aussi fonction d’index.

Autres composantes de la documentation

Une abondante documentation préliminaire (notamment tirages de photos anciennes, coupures de presse, notes et clichés pris lors d’opérations d’urgence, etc.) a déjà été réunie sur les villes de Strasbourg (20 mètres-linéaires de classeurs) et de Colmar (5 mètres-linéaires). Elle concerne surtout les édifices anciens et les quartiers du centre. Les architectes, étudiants et spécialistes travaillant sur ces communes y ont déjà recours. En outre, une série de photocopies des dessins préparatoires relatifs au second plan- relief de Strasbourg (1836)46, rend de grands services pour connaître l’état du bâti dans la première moitié du XIXe siècle. Une couverture photographique des deux plans-

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reliefs47 (celui de 1725-1728 et celui de 1836), ainsi que des reproductions du plan Blondel (1766), s’avèrent également utiles lors des recherches sur les bâtiments de la ville. Enfin, la bibliothèque de travail, créée en même temps que le service, constitue un complément à la documentation rassemblée lors des enquêtes. Cet ensemble documentaire est accessible aux chercheurs, étudiants, historiens de l’art ou historiens, architectes ainsi qu’à toute personne intéressée, sur rendez-vous.

La diffusion des résultats : publications, expositions, accès par Internet

« Recenser, étudier, faire connaître »

Faire connaître les résultats des enquêtes avait été l’une des principales missions assignées à l’Inventaire général. Dès les premières années, la Commission régionale estima indispensable de publier rapidement, pour faire ressortir l’intérêt de l’entreprise48. Restait à déterminer une maquette qui se différencie de celle des inventaires étrangers, notamment allemands et suisses. À titre expérimental, la Commission régionale fit paraître en 1968 les premiers résultats de ses travaux, sous forme de deux brochures hors commerce, sur la rue de l’Épine, faisant partie du quartier Saint-Thomas de Strasbourg, étudié d’abord, et sur la commune d’Ottmarsheim, dont la célèbre église romane intéressait particulièrement Louis Grodecki. Mais ce type de publication, nourrie de nombreuses recherches et basée sur une documentation graphique trop longue à réunir, sembla peu adapté et ne fut pas retenue49.

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Progression des enquêtes d’inventaire

Les collections d’ouvrages : publications nationales et régionales50

La solution choisie en définitive fut celle de volumes in-quarto, dans la série dite des Inventaires topographiques. Leur réalisation matérielle fut confiée à l’Imprimerie nationale, réputée pour la qualité de ses travaux. Les premiers cantons couverts en Alsace selon les règles de l’inventaire fondamental firent l’objet, dans cette collection nationale, de trois importantes publications : Canton de Guebwiller 1972 ; Canton de Saverne, 1978 et Canton de Thann, 1980. Par la suite, les résultats des enquêtes, par cantons, parurent sous forme de volumes largement illustrés, dans une seconde série nationale, celle, plus maniable et moins coûteuse, des Images du Patrimoine, mise au point en Alsace (19 vol. de 1980 à 1997). Elle correspond aux opérations d’inventaire topographique. Les réalisations principales de chaque commune sont présentées chacune grâce à une ou plusieurs photographies, qu’accompagnent les principales données historiques. Cette anthologie d’éléments du patrimoine, soit prestigieux, soit plus modestes et moins connus, visait à toucher un large public51. Les volumes sur les cantons d’Obernai, d’Erstein, de Geispolsheim, d’Illkirch-Graffenstaden et de Benfeld furent accompagnés par un fascicule multigraphié, de la série Indicateurs du Patrimoine architectural, couvrant le même secteur, l’ancien arrondissement d’Erstein (1984). Il s’agit des notices informatiques (celles de l’actuelle base de données Mérimée), correspondant à l’ensemble des édifices étudiés, avec des index, plans et cartes, mais sans reproduction de photographies. L’ouvrage Haguenau. Art et architecture, paru en 1988 dans la série nationale Cahiers de l’Inventaire, offre une synthèse sur l’histoire de l’art et de l’architecture dans la ville, ainsi qu’une partie « répertoire des édifices et des œuvres », avec une abondante

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illustration et des renvois bibliographiques. La participation à l’enquête nationale sur les vitraux anciens a abouti en 1994 à un volume « Recensement » du Corpus vitrearum, relatif à l’ensemble des vitraux de l’Alsace, médiévaux et plus récents (jusqu’au XVIIIe siècle). La collection régionale Patrimoine d’Alsace (13 vol. de 1999 à 2006) présente les résultats des opérations d’inventaire préliminaire. Ces ouvrages prirent le relais des Images, avec une maquette moins contraignante. Ils eurent pour but de fournir une vue d’ensemble sur les villages d’un canton et un choix d’œuvres parmi les plus intéressantes, accompagnées d’informations historiques, d’une datation, d’explications iconographiques. Les maisons et fermes, les objets mobiliers, les croix de chemins, sont représentés par des exemples significatifs. Le volume consacré à la céramique de Soufflenheim fait connaître la diversité des pièces produites par les artisans de cette localité d’Outre-Forêt, et fournit des données sur les techniques de fabrication. Les ouvrages les plus récents s’attachent à la prise en compte du patrimoine au sens élargi ; ils tendent à préciser l’identité patrimoniale d’un « pays » : haute vallée de la Bruche, pays de Ribeauvillé. Trois volumes de la collection nationale des Itinéraires valorisent des aspects méconnus de l’Alsace : patrimoine minier du Bassin potassique, patrimoine industriel de l’Alsace Bossue ; témoins de l’industrie textile dans la vallée de Munster. Pour accompagner l’exposition « Strasbourg 1400 » (mars-juillet 2008), le Service de l’Inventaire a conçu quatre itinéraires en Alsace, à Bâle et dans le Pays de Bade ; ils font le lien entre les objets exposés et le cadre topographique pour lequel ils furent créés à l’origine. En exploitant les dossiers, et en associant des chercheurs extérieurs au service, ils proposent la découverte d’églises avec leur décor intérieur (peinture, sculpture, vitrail…), ainsi que celle de l’architecture civile et publique des décennies entre 1350 et 1450, dans la région du Rhin supérieur. Les publications de l’Inventaire (46 ouvrages au total) couvrent désormais près de la moitié du territoire de l’Alsace (34 cantons sur 64). Consultables notamment au Centre de documentation de la DRAC et au service de l’Inventaire, elles se trouvent, par ailleurs, en libre accès depuis plusieurs années à la Bibliothèque Nationale et Universitaire de Strasbourg ; les illustrations offrent aux historiens de l’art les éléments de comparaison pour leurs recherches (architecture, vitrail, peinture, mobilier, orfèvrerie…). Elles constituent par ailleurs un instrument de travail pour les historiens et les professionnels du patrimoine, ainsi que, de manière beaucoup plus large, une source d’informations pour le grand public.

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Publications de l’inventaire

Expositions

Des expositions52 se succédèrent à de courts intervalles durant les années 1970 à 1980. Elles étaient destinées à faire connaître les résultats des enquêtes, cantons après cantons, mais aussi à sensibiliser le grand public au patrimoine local, en vue de favoriser sa préservation53. Elles s’accompagnaient de catalogues limités à quelques pages. L’accélération des enquêtes conduisit à renoncer à ces présentations, qui étaient bien relayées par la presse et très fréquentées. Renouant avec cette pratique, une exposition itinérante fut consacrée à Quarante ans d’inventaire en Alsace54, à l’occasion du transfert à la Région Alsace ; centrée sur la photographie et présentant la mission du service, elle s’est tenue en 2005 à Strasbourg, à la Maison de la Région, puis dans différents musées et lieux culturels de l’Alsace, avec à chaque fois des compléments relatifs au patrimoine local55.

La publication des résultats sur Internet

Les fiches par édifices et par objets que renferment les bases de données nationales du Ministère de la Culture (Mérimée, Palissy, qui sont communes aux Monuments historiques et à l’Inventaire), devinrent accessibles d’abord par le Minitel (vers 1995). Elles le sont désormais par Internet56, qui est devenu un mode de publication à part entière, à destination des chercheurs mais aussi de personnes aux centres d’intérêts très divers. Consultables par ce biais, les notices d’édifices et d’objets fournissent au lecteur, des informations historiques, des éléments de description, les dates figurant sur l’œuvre,

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autant que possible le nom de l’architecte ou de l’artiste qui en est l’auteur, une datation par le moyen de l’étude stylistique. Grâce à quoi, les chercheurs peuvent établir ou compléter des listes d’édifices ou d’œuvres intéressant leurs travaux, tandis que le public le plus large est à même de s’informer, par exemple, sur les maisons anciennes de tel ou tel village. L’interrogation peut se faire par communes, par nom d’architectes ou d’artistes, par périodes, par types d’édifices ou d’objets, ou en combinant plusieurs critères. En ce qui concerne les illustrations, il faut rappeler que la technique consistant à numériser les photographies est apparue assez tard. Cela explique le peu d’homogénéité, à cet égard, des bases de données Mérimée et Palissy. Un premier plan de numérisation, lancé en 1997-1998 au niveau national, fut mené à bien en plusieurs années. Par ce moyen, une partie des notices consultables sur Internet comportent au moins une photo récente57. Mais la numérisation des résultats d’enquêtes, dans leur ensemble, est prévue. Ainsi, le contenu des « classeurs verts » (totalité du texte et des illustrations) relatifs à certains cantons est désormais numérisé et accessible sur Internet par le biais des bases Mérimée et Palissy58. D’autre part, le site Internet de la Région Alsace présente les résultats de trois ans d’enquêtes consacrées aux jardins historiques, avec de nombreuses vues récentes et la reproduction de documents anciens59. Les dossiers documentaires complets relatifs au patrimoine scientifique de l’Observatoire (bâtiments et instruments), accompagnés de photos, sont accessibles depuis 2007 sur le site de l’Université Louis Pasteur60. Enfin, au niveau national, la revue Internet de l’Inventaire, In Situ61, offre depuis 2001 une autre possibilité pour diffuser des études basées sur les enquêtes. Concernant l’Alsace ont paru des contributions sur les moulins hydrauliques d’Alsace Bossue (n° 8, mars 2007), en rapport avec une campagne de terrain qui venait de s’achever, ou sur les églises romanes de la région couvertes de voûtes (n° 6, septembre 2005).

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Accès sur Internet à la documentation de l’inventaire

Etat de l’avancement des études sur le patrimoine industriel

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Conclusion : acquis et projets

En quarante ans, les enquêtes de l’Inventaire contribuèrent de manière décisive à la connaissance du patrimoine alsacien, en favorisant la diffusion des données auprès des spécialistes mais aussi d’un large public. Cela répond au projet initial, celui de la « démocratisation culturelle », qui s’exprimait également, à la même époque, dans les Maisons de la Culture, ou les Théâtres populaires62. Aux objectifs tels que l’aide à l’aménagement du territoire63, ou encore l’incitation à préserver l’héritage des siècles, en le faisant mieux connaître, se sont ajoutées de nouvelles missions : aide à la gestion et à la valorisation du patrimoine, ou aide au développement, apportés aux collectivités locales. La méthode a évolué depuis les origines ; mais elle reste fondée sur l’étude systématique du territoire, la sélection et une démarche normalisée, qui sont spécifiques de l’approche scientifique de l’Inventaire, par opposition à d’autres façons d’aborder le passé (monographies de type universitaire, consacrées à un édifice, un type d’œuvres ou un artiste, études basées sur les archives, etc.). Reconnaissons qu’il n’a jamais été aisé de fixer un compromis entre l’approfondissement de la recherche, la nécessité de faire progresser les enquêtes, et enfin le souci de faire connaître les résultats par des publications et des expositions. Des investigations systématiques restent à réaliser en ce qui concerne les villes de Strasbourg et Colmar. D’autre part, le concept de patrimoine s’est élargi64. Il s’étend désormais à de nouveaux domaines et à des périodes plus récentes. L’enquête devait d’abord porter principalement sur l’architecture et la production artistique, et s’arrêter au milieu du XIXe siècle ; depuis se sont ajoutés le patrimoine industriel, scientifique, mémoriel, les jardins, les édifices et œuvres de la fin du XIXe ainsi que du XXe siècle. Le regard de la société sur son passé a changé, conduisant à adapter les objectifs. Il sera donc nécessaire de compléter, par des enquêtes thématiques, les recensements dans les cantons traités d’abord, afin de tenir compte d’édifices et d’objets qui n’avaient pas été sélectionnés. Depuis 2005, les missions du service se modifient et s’élargissent. Rattaché à la Région Alsace, il est devenu, pour celle-ci, un outil de culture, d’aménagement et de développement territorial. Par ailleurs, comme tout autre domaine de la recherche, l’Inventaire continue à évoluer, grâce à des enquêtes reprises sur le terrain, sur la base d’une réflexion renouvelée ; il reste ainsi, selon la formule jadis employée par Malraux, une « aventure de l’esprit ».

Publications du Service de l’Inventaire d’Alsace (1965-2008)

Rue de l’Épine. Quartier Saint-Thomas, Strasbourg. Essai de publication, Paris, Imprimerie nationale, 1968.* Haut-Rhin. Commune d’Ottmarsheim, Paris, Imprimerie nationale, 1968.*

Collection Inventaire topographique

Canton Guebwiller, Paris, Imprimerie nationale, 1972, 2 vol.* Canton Saverne, Paris, Imprimerie nationale, 1978.* Canton Thann, Paris, Imprimerie nationale, 1980.*

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Collection Cahiers de l’Inventaire

Haguenau : art et architecture, Strasbourg, Valblor, 1988 (Cahiers de l’Inventaire, t. 16).*

Collection Recensement des vitraux de la France

Les vitraux d’Alsace-Lorraine, Paris, CNRS, 1994.*

Collection Indicateurs du Patrimoine architectural

Ancien arrondissement d’Erstein [cantons de Benfeld, Erstein, Illkirch-Graffenstaden, Geispolsheim, Obernai], Paris, Ministère de la Culture, 1984.*

Collection Images du Patrimoine

Canton de Huningue, Mulhouse, L’Alsace, 1980 (Images du patrimoine, n° 1).* Canton d’Obernai, Mulhouse, L’Alsace, 1981 (Images du patrimoine, n° 2).* Canton d’Erstein, Mulhouse, L’Alsace, 1982 (Images du patrimoine, n° 3).* Canton de Geispolsheim et Illkirch-Graffenstaden, Mulhouse, L’Alsace, 1983 (Images du patrimoine, n° 5).* Canton de Benfeld, Mulhouse, L’Alsace, 1986 (Images du patrimoine, n° 19).* Canton de Wittenheim et Mulhouse-Sud, Mulhouse, L’Alsace, 1987 (Images du patrimoine, n° 32).* Orgue en Alsace, Mulhouse, L’Alsace, 1988 (Images du patrimoine, n° 39).* Canton de Haguenau, Illkirch, Le Verger, 1989 (Images du patrimoine, n° 61).* Canton de Rosheim, Illkirch, Le Verger, 1989 (Images du patrimoine, n° 65).* Canton de Mulhouse, Illkirch, Le Verger, 1990 (Images du patrimoine, n° 82).* Canton d’Ensisheim, Illkirch, Le Verger, 1990 (Images du patrimoine, n° 83).* Canton de Soultz. Haut-Rhin, Illkirch, Le Verger, 1991 (Images du patrimoine, n° 98).* Canton de Barr, Illkirch, Le Verger, 1991 (Images du patrimoine, n° 99).* Canton de Soultz-sous-Forêts, Illkirch, Le Verger, 1992 (Images du patrimoine, n° 112).* Canton de Habsheim et Illzach, Illkirch, Le Verger, 1992 (Images du patrimoine, n° 113).* Canton de Sélestat, Illkirch, Le Verger, 1994 (Images du patrimoine, n° 138).* Le vitrail en Alsace du XIe au XVIIIe siècle, Eckbolsheim, Éditions du Signe, 1995 (Images du patrimoine, n° 141).* Canton de Sierentz, Eckbolsheim, Éditions du Signe, 1996 (Images du patrimoine, n° 155).* Palais du Rhin. Ancien Palais impérial, Strasbourg, Imag’In l’Édition [I.D. l’édition], 1997 (Images du patrimoine, n° 165).

Collection Patrimoine d’Alsace

Canton de Ferrette, Strasbourg, I.D. l’édition, 1999 (Patrimoine d’Alsace, n° 1). Canton de La Petite-Pierre, Strasbourg, I.D. l’édition, 1999 (Patrimoine d’Alsace, n° 2).* Canton de Wintzenheim, Strasbourg, I.D. l’édition, 2000 (Patrimoine d’Alsace, n° 3). Canton de Niederbronn-les-Bains, Strasbourg, I.D. l’édition, 2000 (Patrimoine d’Alsace, n° 4).* Ville de Kaysersberg, Strasbourg, I.D. l’édition, 2000 (Patrimoine d’Alsace, n° 5).

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Ville de Wissembourg et Altenstadt, Strasbourg, I.D. l’édition, 2001 (Patrimoine d’Alsace, n° 6) ; également en allemand : Stadt Wissembourg (même éditeur, 2001). Canton de Masevaux, Strasbourg, I.D. l’édition, 2001 (Patrimoine d’Alsace, n° 7). Canton de Wasselonne, Strasbourg, I.D. l’édition, 2002 (Patrimoine d’Alsace, n° 8). Canton de Hirsingue, Strasbourg, I.D. l’édition, 2002 (Patrimoine d’Alsace, n° 9). Canton de Wissembourg. Villages et châteaux, Strasbourg, I.D. l’édition, 2002 (Patrimoine d’Alsace, n° 10). Canton de Cernay, Strasbourg, I.D. l’édition, 2002 (Patrimoine d’Alsace, n° 11). La céramique de Soufflenheim. Cent cinquante ans de production en Alsace. 1800-1950, Lyon, éd. Lieux Dits, 2003 (Patrimoine d’Alsace, volume hors série). La haute vallée de la Bruche, Lyon, éd. Lieux Dits, 2005 (Patrimoine d’Alsace, n° 12).* Le Pays de Ribeauvillé, Lyon, éd. Lieux Dits, 2006 (Patrimoine d’Alsace, n° 13).

Collections Itinéraires du Patrimoine et Parcours du Patrimoine

Patrimoine minier d’Alsace. Le bassin potassique haut-rhinois, Lyon, éd. Lieux Dits, 2004 (Itinéraires du Patrimoine, n° 299). Patrimoine industriel de l’Alsace Bossue, Lyon, éd. Lieux Dits, 2006 (Itinéraires du Patrimoine, n° 318). Des usines au fil de la Fecht. Le patrimoine industriel dans la vallée de Munster, Lyon, éd. Lieux Dits, 2008. (Parcours du Patrimoine, n° 333).

Hors collections

Grand angle sur le patrimoine. 40 ans d’Inventaire en Alsace, catalogue d’exposition, Lyon, éd. Lieux Dits, 2005. 1400, Strasbourg au cœur de l’Alsace gothique, Lyon, éd. Lieux Dits, 2008 ; également en allemand : 1400, Elsass und Oberrhein im gotischen Europa (même éditeur, 2008). (*) Les ouvrages suivis par un astérisque sont épuisés ; les autres sont disponibles (au 1.3.2008).

Mode de diffusion des ouvrages

Les publications du Service de l’Inventaire d’Alsace sont diffusées en librairies (qui peuvent les commander auprès des éditeurs), par le biais d’Internet (librairies en ligne) ou directement par les éditeurs eux-mêmes : • ID l’Édition : 122, rue du Général de Gaulle, 67560 Rosheim, tél. : 03.88.34.22.00 ; fax : 03.88.34.26.26. • Éditions Lieux Dits : 17, rue René Leynaud, 69001 Lyon, tél. : 04 72 00 94 20 ; fax : 04 72 07 97 64 ; mail : [email protected] ; site Internet : http://www.lieuxdits.fr/

Région Alsace / Service de l’Inventaire du Patrimoine culturel

Chef de Service : Mme Frédérique Boura, Conservatrice régionale de l’Inventaire. Adresse postale : Région Alsace, 1 place du Wacken, BP 91006 – 67070 STRASBOURG cedex, tél. 03 88 15 38 33 (secrétariat). Localisation : Palais du Rhin, 2 place de la République, Strasbourg. Documentation consultable du lundi au vendredi, de 9 h à 12 h et de 14 h à 18 h, sur rendez-vous, tél. 03 88 15 38 36 / 03 88 15 38 40.

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Bases de données : http://www.culture.gouv.fr/ rubrique : « bases de données », bases : « Mérimée » (architecture) et « Palissy » (mobilier) ou http://www.culture.fr/ rubrique « Collections », recherche par texte libre.

NOTES

1. Cet article a bénéficié de la relecture et de compléments de la part de Mme Frédérique Boura ; je l’en remercie, ainsi que M. Roger Lehni, Brigitte Parent, Marie-Philippe Scheurer et Michèle Bardout pour les informations fournies sur les débuts et le développement de l’Inventaire en Alsace. 2. WILL Robert, « Histoire de l’inventaire en Alsace », dans Saisons d’Alsace, n° 33-34, 1970 (numéro spécial consacré à l’Inventaire), p. 25-33 ; du même, « Une facette méconnue de l’activité du facteur d’orgues strasbourgeois J. A. Silbermann (1712-1783) », dans Revue d’Alsace, n° 119, 1993, p. 183-216 ; SCHNITZLER Bernadette, La passion de l’Antiquité, Strasbourg, 1998, p. 31-40 ; IGERSHEIM François, L’Alsace et ses historiens. 1680-1914. La fabrique des monuments, Strasbourg, 2006. 3. Institut de France, archives : Jean Geoffroy SCHWEIGHAEUSER, Mémoires sur les antiquités du département du Bas-Rhin, 5 vol. de texte et 5 vol. de planches, 1819-1823, cotes 3 H 85 (texte) et 3 H 86 (planches, in-f°). Une copie du 4e mémoire, concernant l’Antiquité romaine, se trouve à la bibliothèque municipale de Strasbourg, ms. 4. 4. STRAUB Alexandre, « Énumération des monuments historiques des cantons de Molsheim et de Rosheim », dans Bull. de la Société pour la conservation des monuments historiques d’Alsace (SCMHA), 1re s., t. 2, 1858, p. 162-171 ; du même, « Statistique monumentale des cantons de Kaysersberg et de Ribeauvillé », dans Bull. SCMHA, 1re s., t. 3, 1859, p. 99-126 ; Guerber Victor, « Énumération des monuments historiques de la ville et du canton de Haguenau », dans Bull. SCMHA, 1re s., t. 2, 1858, p. 172-182 ; KNOLL Charles, « Statistique monumentale du canton de Soultz (Haut-Rhin) », dans Bull. SCMHA, t. 3, 1858-60, p. 194-210 ; IGERSHEIM, 2006, op. cit., p. 231. 5. KRAUS Franz Xaver, Kunst und Alterthum in Elsass-Lothringen, 4 vol., Strasbourg, 1876-1892 ; du même, Tagebücher, éd. SCHIEL Hubert, Köln, 1957, p. 322, 360-365 ; HAUVILLER Ernst, Franz Xaver Kraus : Ein Lebensbild aus der Zeit der Reformkatholizismus, Colmar, 1904. 6. DEHIO Georg, Handbuch der Deutschen Kunstdenkmäler, t. IV, Südwestdeutschland, Berlin, 1911, réimpr. sans modification : Handbuch…, t. IVb, Elsass und Lothringen, 3e éd., Berlin, 1940 et 4e éd., 1942. 7. WOLFF Felix, Verzeichnis der Zeichnungen und Abbildungen der geschichtlichen Denkmäler in Elsass- Lothringen, Strasbourg, 1905, p. III-IV. 8. IGERSHEIM François, « Un inventaire des monuments historiques d’Alsace qui ne verra pas le jour : l’inventaire de Georg Dehio et Hugo Rahtgens », dans Cahiers als. d’archéol., d’art et d’histoire, t. 46, 2003, p. 127-136. 9. HOTZ Walter, Handbuch der Kunstdenkmäler im Elsass und in Lothringen (1965), 3 e éd., München-Berlin, 1976. 10. BALSAMO Isabelle, « Comme le coq du clocher… André Chastel et l’Inventaire général », dans Revue de l’Art, n° 93, 1991, p. 41-44 ; du même auteur, « André Chastel et l’aventure de

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l’Inventaire », dans Les Affaires Culturelles au temps d’André Malraux, sous la dir. de GIRARD Augustin et GENTIL Geneviève, Paris, 1996, p. 95-105 ; CHASTEL André, « L’invention de l’Inventaire », ibid., p. 85-93 ; KOWALSKI Alexandra, « L’inventaire Malraux, une conquête administrative et culturelle », dans Malraux et l’Inventaire général, Paris, 2003 (Présence d’André Malraux, hors série), p. 30-50. 11. L’Inventaire général des monuments et richesses artistiques de la France, Paris, [1964], p. 17. 12. Julien Cain (1887-1974), ancien administrateur de la Bibliothèque nationale, Directeur général honoraire des bibliothèques de France, membre de l’Institut. Procès-verbaux de la Commission nationale : Archives du Ministère de la Culture, 79477/3. 13. Rappelons que les enquêtes de l’Inventaire général, à but scientifique, sont indépendantes de l’inscription à l’inventaire supplémentaire des monuments historiques, qui est une mesure de protection, gérée par la Conservation régionale des Monuments historiques (DRAC). 14. MASSARY Xavier de, COSTE Georges et alii, Principes, méthodes et conduite de l’Inventaire général, Paris, 2001 (coll. Documents et méthodes). 15. BALSAMO Isabelle, « Maturité et mutations de l’Inventaire général », dans Patrimoines, n° 2, 2006, p. 44. 16. LAURENT Xavier, « Naissance et développement de l’Inventaire », dans Malraux et l’Inventaire général, 2003, op. cit. (note 10), p. 27 ; BALSAMO, 1996, op. cit. (note 10), p. 98-99. 17. Dans la série Principes d’analyse scientifique ont paru notamment : La tapisserie. Méthode et vocabulaire, 1971 ; Architecture. Méthode et vocabulaire, 1972 ; La sculpture. Méthode et vocabulaire, 1978 ; Objets civils domestiques. Vocabulaire, 1984 ; Le mobilier domestique. Vocabulaire typologique, 1987 ; Le Vitrail. Vocabulaire typologique et technique, 1993 ; L’art du métal. Vocabulaire technique, 1998 ; Jardin. Vocabulaire typologique et technique, 2000 ; Céramique. Vocabulaire technique, 2001 ; Espace urbain. Vocabulaire et morphologie, 2003 (plusieurs rééditions pour les vol. les plus anciens). 18. Photographier le patrimoine, catalogue d’exposition, Paris, 2004. L’exposition reste accessible sur Internet : http://www.culture.gouv.fr/culture/inventai/itiinv/expobnf/intro.htm 19. MELOT Michel, « L’art selon André Malraux, du Musée imaginaire à l’Inventaire général », dans In Situ, revue Internet de l’Inventaire, n° 1, 2001 ; KOWALSKI, 2003, op. cit. (note 10), p. 30-31 ; HERVIER Dominique, ARNAL Francine, « André Malraux, André Chastel », dans Malraux et l’Inventaire, Paris, 2003, p. 58-59. 20. DELAROZIERE Roger, conférence publiée dans Malraux et l’Inventaire, 2003, op. cit. (note 10), p. 98 ; CHASTEL, 1996, op. cit. (note 10), p. 88-89. 21. À Hans Haug († 15.12.1965) succéda l’historien colmarien Pierre Schmitt. Celui-ci avait été brièvement vice-président du Comité départemental du Haut-Rhin. Il resta vice-président de la Commission régionale jusqu’à sa suppression en 1983 (F. GUETH, « Schmitt, Pierre », dans NDBA, n° 33, p. 3486). 22. Composition en 1968/1970 de la Commission régionale et des deux Comités départementaux dans Saisons d’Alsace, n° 33-34, 1970, p. 49-52. 23. Archives du Service régional de l’Inventaire (SRI), carton « CRIA [Commission régionale de l’Inventaire d’Alsace], Comités départementaux, arrêtés, PV », intervention de Louis Grodecki à la séance du 5.3.1965 du Comité départemental du Bas-Rhin, p. 7. Cette orientation de départ ne put être maintenue ; il devint peu à peu évident que la mise au point de dossiers strictement normalisés, et l’ampleur des connaissances nécessaires, lors d’une enquête couvrant l’ensemble de la production artistique, rendait difficile l’intervention de bénévoles. Voir Actes du colloque sur les inventaires des biens culturels en Europe. Centre d’études du Bischenberg / Obernai- Bischoffsheim, 27-30 octobre 1980, Paris, 1984, p. 140-141 ; LAURENT, 2003, op. cit. (note 16), p. 28-29. 24. KOWALSKI, 2003, op. cit. (note 10), p. 39.

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25. Sur l’histoire de l’inventaire en Alsace : LEHNI Roger, « La réalisation de l’inventaire », dans Saisons d’Alsace, n° 33-34, 1970, p. 34-52 ; PARENT Brigitte, « Inventaire Général des Monuments et des Richesses Artistiques de la France (région Alsace) » dans Encyclopédie de l’Alsace, t. 7, Strasbourg, 1984, p. 4282-4283 ; LEHNI Roger, « Quarante ans d’inventaire en Alsace » et BALSAMO Isabelle, « Une place à part dans l’Inventaire français », dans Grand angle sur le patrimoine. 40 ans d’inventaire en Alsace, catal. d’exposition, Lyon, 2005 ; archives du SRI, notamment carton « CRIA… » cité (note 23), 3 liasses, avec procès-verbaux des séances de la Commission régionale (1964-1981) et des Comités départementaux (1965-1972) ainsi que Bilans d’activité annuels, dactylogr., 1964-2001, Service de l’Inventaire, 3 classeurs. 26. La Direction régionale des Affaires culturelles d’Alsace fut créée en mai 1969 (site Internet de la DRAC). 27. Christiane Block (première photographe du service), Agnès Merle (dessinatrice), Roland Recht, Brigitte Rahmani-Parent, et un peu plus tard Jean-Daniel Ludmann et Marie-Philippe Scheurer. 28. Saisons d’Alsace, n° 33-34, 1970, p. 46. Actuellement (au 1.3.2008), le personnel comprend, en plus du chef de service portant le titre de Conservatrice régionale de l’Inventaire, 1 conservatrice du Patrimoine, 6 chargés de recherche, 2 photographes professionnels, 2 dessinateurs- cartographes, 1 administratrice des bases de données, 3 documentalistes, 1 secrétaire. 29. Archives du SRI, carton « CRIA… » cité (note 23), réunions du bureau de la Commission régionale. 30. Devenue l’Association pour la Connaissance et l’Étude du Patrimoine de l’Alsace en l’an 2000. 31. Sur la suppression des Commissions régionales : CHASTEL, dans Les Affaires Culturelles, 1996, op. cit. (note 10), p. 92-93. 32. PIECHAUD Simon, « Comment les Monuments historiques ont changé », dans Revue d’Alsace, n° 131, 2005, p. 125-135 (p. 131-132 : souci de disposer de plus d’informations sur les édifices protégés ou à protéger). 33. Archives du SRI, carton « CRIA… » cité (note 23), séance du Comité départemental du Haut- Rhin, 4.3.1965 et de la Commission régionale, 11.12.1965. 34. Témoignages sur la période strasbourgeoise (1961-1969) du professeur Grodecki : CHASTEL André dans GRODECKI Louis, Le Moyen Âge retrouvé, Paris, 1986, p. 6 ; BRAUN Lucien, « Louis Grodecki à Strasbourg », dans Études d’art médiéval offertes à Louis Grodecki, Paris, 1981, p. 9-11. 35. Principes de sélection, fixés au départ : LAURENT, 2003, op. cit. (note 16), p. 22-23. Déjà dans le cadre de l’inventaire fondamental, au moins pour certaines communes, on créa un « dossier collectif » sur les maisons et les fermes, à titre de synthèse remplaçant de multiples études individuelles d’édifices. En ce qui concerne la ville de Mulhouse furent établis de copieux dossiers collectifs relatifs aux écoles et aux demeures. 36. Voir archives du SRI, carton « Rapports d’activité » : correspondance avec les personnes ou sociétés d’histoire procédant au pré-inventaire (1965-1972) et carton « CRIA… » cité (note 23), comptes rendus de réunions des Comités départementaux ; cartographie : Saisons d’Alsace, n° 33-34, 1970, p. 44-45. Les premières opérations d’inventaire menées par le service bénéficièrent de la participation d’érudits locaux comme Antoine Gardner à Guebwiller, Alphonse Wollbrett à Saverne, Joseph Baumann à Thann, membres des Comités départementaux. 37. HICKEL Anne-Marie, « Quarante ans de quête du patrimoine », dans Annuaire de la Société d’histoire et d’archéologie de Dambach-la-Ville, Barr, Obernai, t. 40, 2006, p. 45-84. 38. Pour désigner l’inventaire topographique, on se servit d’abord, durant les années 1974-1989, du terme de pré-inventaire normalisé. Voir PARENT, 1984, op. cit. (note 25), p. 4283 ; R. LEHNI, Introduction de l’ouvrage Ancien arrondissement d’Erstein, 1984 ; Images du patrimoine, n° 19 (Canton de Benfeld), n° 32 (Wittenheim), n° 61 (Haguenau), n° 65 (Rosheim).

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39. Inventaire général, Livret architecture, juin 1978 (multigr.), p. 43-46 ; Actes du colloque sur les inventaires…, 1984, op. cit. (note 23), p. 138-139 ; « L’Inventaire général », dans Revue de l’Art, n° 65, 1984, p. 5. Alors que les observations de synthèse étaient dactylographiées, les tableaux restèrent d’abord manuscrits. Premiers tableaux mis au net concernant les édifices repérés : dossier de la ville de Haguenau (1987-1988). 40. GARDIN Jean-Claude, « L’informatique dans l’inventaire », dans Saisons d’Alsace, n° 33-34, 1970, p. 53-58 ; L’inventaire général des monuments et des richesses artistiques de la France, Paris, 1978 (texte d’André CHASTEL), p. 16-18 ; Revue de l’Art, n° 65, 1984, p. 5, 6 ; KOWALSKI, 2003, op. cit. (note 10), p. 35, 44-46. 41. CHASTEL, dans Les Affaires Culturelles…, 1996, op. cit. (note 10), p. 90 ; Kowalski, 2003, p. 45 n. 48. 42. Ces résumés furent mis au point, lors d’une opération de reprise d’antériorité, en 1981-1987, par des vacataires, et non par les chercheurs. Le principe, retenu au niveau national, était celui de brèves fiches au contenu indexé, permettant d’établir des listes par traitement informatique. 43. Dans une base de données appelée à cette époque Mistral. Vers 1993 eut lieu la création des deux bases de données distinctes Mérimée (édifices) et Palissy (objets mobiliers), utilisées actuellement. 44. Inventaire préliminaire de l’Alsace. Manuel du terrain et de l’archivage, janvier 2000, multigr., p. 11. 45. Le patrimoine industriel a été étudié notamment sur le territoire de la commune de Strasbourg et de huit communes environnantes (1992) ; dans le Bassin Potassique (2003), dans la vallée de la Bruche (2004), en Alsace Bossue (cantons de Drulingen et de Sarre-Union, 2005-2006), dans la vallée de Munster (2006). 46. Plan-relief réalisé en 1830-1836, puis mis à jour en 1862 ; les originaux des dessins préparatoires et l’œuvre sont conservés au Musée des Plans-Reliefs (Paris). 47. GRODECKI Louis, « Les deux plans-reliefs de Strasbourg », dans Cahiers alsaciens d’archéologie, d’art et d’histoire, t. VI, 1962, p. 121-136. 48. P.V. de la Commission départementale du Haut-Rhin, séance du 4.3.1965, p. 8, 12-13 ; P.V. de la Commission régionale, 11.12.1965, p. 13, intervention de Roger Delarozière. 49. Archives du SRI, carton « CRIA… » cité (note 23), séance de la Commission régionale, 24.2.1971, p. 6 ; LAURENT, 2003, op. cit. (note 16), p. 28. 50. Voir la liste des publications du Service de l’Inventaire en fin de cet article. 51. Archives du SRI, carton « CRIA… » cité (note 23), Commission régionale d’inventaire, procès- verbal de la séance du 6.3.1981, à propos de l’origine des Images : le volume sur le canton de Huningue (premier de cette collection nationale) résulte de la recherche d’une « formule permettant de sensibiliser le public au patrimoine, tant sur le plan de sa connaissance que de sa sauvegarde… » 52. L’inventaire des monuments et richesses artistiques de Saverne, Saverne : Château des Rohan, juin-septembre 1970 ; L’inventaire des Monuments et Richesses Artistiques de l’Alsace, Strasbourg : Musée de l’Oeuvre Notre-Dame, 14.2-8.3.1970 / Colmar : Musée Unterlinden, 14.3-5.4.1970 / Mulhouse : Musée historique, 12.4-3.5.1970 ; Handschuheim vous est conté, Achenheim : C.E.S., juin 1971 ; Découverte du Vieux Molsheim, Molsheim : Musée, juillet-août 1971 ; Achenheim hier, aujourd’hui, Achenheim : C.E.S., mai 1973 ; Thann, richesses architecturales et artistiques, Thann : hôtel de ville, 1974 ; Autour de l’église Notre-Dame. Art et artistes à Guebwiller à la fin du XVIIIe siècle, Guebwiller : Ancienne maison canoniale, 4 rue Casimir de Rathsamhausen, décembre 1974 ; L’art roman en Alsace, exposition itinérante, Paris : Maison de l’Alsace, octobre 1975, également présentée à Wissembourg, Barr, Molsheim, Saverne, Guebwiller, Colmar (musée Unterlinden), 1975-1976 ; Sculpture médiévale de la région de Guebwiller, Guebwiller : Hôtel de ville, juillet-septembre 1975 ; L’art dans le canton de Saverne, Saverne : mairie, octobre 1978 et Strasbourg : Palais du Rhin, décembre 1978. D’autre part, les

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trois expositions : L’inventaire du patrimoine régional, d’autre part : La collégiale de Thann, haut lieu du gothique tardif et : Le XVIIIe siècle dans l’arrondissement d’Erstein, images d’un renouveau architectural et artistique, furent présentées au Bischenberg : Centre d’études du Crédit Mutuel, 30.10-16.11.1980, lors du Colloque international sur les inventaires européens, organisé par le Service de l’Inventaire d’Alsace (27-30.10.1980) ; l’exposition La collégiale de Thann fut aussi présentée à Paris (Grand Palais) et à Strasbourg (Bibliothèque municipale). Sur les expositions : archives du SRI, carton « Presse ». 53. CHASTEL André, Architecture et patrimoine. Choix de chroniques du journal « Le Monde », Paris, 1994, p. 203-204 ; PARENT, 1984, op. cit. (note 25), p. 4283. 54. Grand angle sur le patrimoine. 40 ans d’Inventaire en Alsace, catalogue d’exposition, Lyon, 2005 et site Internet www.region-alsace.eu/expo-inventaire 55. Strasbourg : Maison de la Région, 23.09-12.11.2005 ; Sélestat : FRAC Alsace, 8.3-7.5.2006 ; Mulhouse : Musée historique, 3.6-3.9.2006 ; Molsheim : Musée de la Chartreuse, 9.9-15.10.2006 ; La Petite-Pierre : Parc régional des Vosges du Nord, 30.10-30.12.2006 ; Cernay : Espace Grün, 7.1-19.2.2007 ; Wissembourg : Relais Culturel, 13.3-13.4.2007 ; Husseren-Wesserling : Musée du Textile, 12.5-2.9.2007 ; Guebwiller : siège de la Communauté de Commune, 5.9-23.10.2007 ; Altkirch : lycée J.-J. Henner, 26.10-26.12.2007 ; Saint-Louis : Forum de l’Hôtel de Ville, 7.2-6.3.2008. 56. Site Internet du ministère de la Culture http://www.culture.gouv.fr/ rubrique : « bases de données », « architecture-patrimoine », bases de données nationales : « Mérimée » (architecture) et « Palissy » (mobilier) ou http://www.culture.fr/ rubrique « Collections », recherche par texte libre. 57. Notices concernant les cantons de Brumath, Wintzenheim, Ferrette, Saint-Amarin, Masevaux, Hirsingue. 58. Voir ci-dessus, note 56. Une icône de couleur verte, en forme de classeur, est associée aux notices de ces bases de données ; elle permet de visualiser les pages composant chaque dossier d’édifice ou d’objet mobilier. 59. Adresse du site : www.region-alsace.eu/jardins-alsace 60. http://www.hp-physique.org/sdx/sriaulp/main.xsp en validant « navigation par composante », rubrique « observatoire astronomique ». 61. http://www.revue.inventaire.culture.gouv.fr/insitu/insitu/index.xsp 62. CHOAY Françoise, L’allégorie du patrimoine, Paris, 1992, p. 162-163 ; Balsamo, dans Les Affaires Culturelles, 1996, op. cit. (note 10), p. 104. 63. Motivation qui, parmi d’autres, était celle d’A. CHASTEL, « L’Inventaire général et le Patrimoine », dans Architecture et Patrimoine, op. cit. (note 53), p. 25-27 ; voir aussi l’introduction de cet ouvrage, par Pérouse de Montclos Jean-Marie, p. 13-23. 64. () NORA Pierre, « L’explosion du patrimoine », dans Patrimoines, n° 2, 2006, p. 6-11.

RÉSUMÉS

Créé en 1965, le Service régional de l’Inventaire a réuni depuis cette date, grâce à ses enquêtes sur le terrain, une documentation très considérable sur l’architecture et l’art dans l’ensemble de l’Alsace (Strasbourg et Colmar excepté). Elle l’a fait connaître par des publications (46 ouvrages). D’autre part, les résultats des enquêtes par communes sont consultables sous forme de copieux classeurs, comprenant une identification du patrimoine, largement illustrée, accompagnée de relevés et de reproduction de documents anciens, soit près de 20 000 dossiers d’édifices, 22 000

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dossiers d’objets mobiliers, 275 000 photographies. Les fiches historiques et descriptives issues de ce recensement sont accessibles en ligne, sur le site du ministère de la Culture, en partie accompagnées d’illustrations. Created in 1965, the Alsatian Inventory “Service régional de l’Inventaire” has produced, since that time, thanks its investigations on place, a very considerable documentation on architecture and art throughout the Alsace (except Strasbourg and Colmar). This documentation became known through publications (46 books). On the other hand, the results of the investigations are available in the form of records, including an identification of heritage, widely illustrated, accompanied by plans and reproduction of ancient documents, nearly 20000 records on buildings, 22000 records on movable objects, 275000 photographs. The historical and descriptive notices from this survey are also available online at the website of the Ministry of Culture, partly accompanied by illustrations.

Das im Jahr 1965 gegründete Amt „Service régional de l’Inventaire“ hat seit diesem Zeitpunkt durch seine Untersuchungen vor Ort eine sehr umfangreiche Dokumentation über die Architektur und die Kunst des Elsass zusammengebracht (Straßburg und Colmar ausgenommen). Sie hat durch Veröffentlichungen (46 Bände) zu deren Kenntnis beigetragen. Andererseits werden die Ergebnisse der Untersuchungen in Form von Dossiers vorgestellt. Sie enthalten eine Identifizierung des Kulturerbes mit zahlreichem Bildmaterial, begleitet von Planaufnahmen und von Kopien alter Dokumenten, insgesamt etwa 20000 Dossiers über Gebäuden, 22000 Dossiers über Objekten, 275000 Photographien. Die historischen und beschreibenden Notizen dieser Bestandaufnahme sind online auf der Website des Ministeriums für Kultur zu lesen. Ein Teil der Notizen ist begleitet von Illustrationen.

AUTEUR

JEAN-PHILIPPE MEYER Chercheur au Service régional de l’Inventaire, Strasbourg

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Comptes rendus

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Comptes rendus

Instruments de travail, généralités

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Roth (François), sous la direction de, Lorraine et Alsace, mille ans d’histoire numéro spécial des Annales de l’Est, 314 p., 2006

Claude Muller

RÉFÉRENCE

Roth (François), sous la direction de, Lorraine et Alsace, mille ans d’histoire, numéro spécial des Annales de l’Est, 314 p., 2006

1 Histoire générale, histoire nationale, histoire régionale, histoire locale. Le mille-feuille paraît bien pratique pour qui apprécie le confort des habitudes. Mais le cycle actuel ou mode ambiante, qui procure l’avantage de faire converger les historiens dans la même direction, s’attache aux relations entre les différentes entités. Le souffle nouveau vise évidemment à décloisonner à la fois l’espace et les hommes. Le Comité d’histoire régionale de Lorraine à l’initiative de François Roth, s’est donc tout naturellement intéressé aux liens entre la Lorraine et l’Alsace. Le colloque pionnier, tenu les 9 et 10 novembre 2005 au Conseil régional de Lorraine, réunissant une vingtaine d’historiens-auteurs, a largement débroussaillé le sujet.

2 Dans le cas de l’Alsace et de la Lorraine, l’époque carolingienne signifie un point de départ obligé. Les deux espaces sont associés dans le cadre du Saint Empire romain germanique. Michel Parisse plante le décor autour d’une montagne commune jusqu’au XIIIe siècle. La maison forte de Niederstinzel dans la vallée de la Sarre, décrite par Gérard Giuliato, reflète le jeu des influences politiques et culturelles dans le domaine de l’habitat seigneurial. Pierre Pegeot évoque Saint-Hippolyte, une curieuse verrue lorraine en terre alsacienne, indispensable pour son vin. Réflexion de Catherine Guyon à propos de la bataille de Nancy le 56 janvier 1477 : « En Lorraine, elle fut réinterprétée pour les besoins du duc de Lorraine qui s’efforçait d’unifier ses états et contribua à faire naître un sentiment patriotique ; en Alsace, elle fut occultée parce qu’elle ne servait pas

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les intérêts locaux. » Mireille Chazan analyse finement la politique d’André de Rineck. Francis Rapp, puis Georges Bischoff nous introduisent dans la compétition armée des antagonismes nationaux, quand les Vosges deviennent plus une frontière qu’un massif commun.

3 Avec la période moderne, portion un peu congrue du colloque, s’ouvre une nouvelle page. La Réforme bouleverse la donne. Bernard Vogler insiste sur le clivage religieux qui s’installe, avivé par les massacres du duc de Lorraine en 1525. L’irruption de la France transforme des localités : Marsal, Sarrelouis, Bitche et Phalsbourg, autant de villes d’étapes devenues verrous (Hubert Collin). Didier Hemmert propose une approche démographique avec l’arrivée des Picards dans les deux régions au XVIIe siècle. Pour Rodolphe Brodt, le décor de la maison de l’Alsace Bossue, « cette partie du Bas-Rhin enfoncée comme un regret dans la Moselle », constitue un témoin et un miroir de son temps. Le centre de gravité bascule. « Le déséquilibre au profit de l’Alsace apparaît à l’évidence » pour qui s’intéresse aux échanges intellectuels et spirituels du XVIIIe siècle, selon Louis Châtellier.

4 Les événements de 1870 constituent une nouvelle rupture, caractérisant en partie l’époque contemporaine. François Roth rappelle le demi-siècle de vie commune de l’Alsace et de la Lorraine dans le cadre du Reischland. Les optants quittant l’Alsace pour Nancy y insufflent la Belle Époque (Hélène Lenattier). Cinq à six mille Alsaciens s’installent dans les Vosges (Gilles Grivel). La randonnée devient, à grande échelle, le loisir des urbains de part et d’autre du massif (François Igersheim). Chantal Metzger souligne un autonomisme alsacien plus virulent que son homologue mosellan. Pour Jean de Pange, évoqué par Jean-François Thull, Alsace et Lorraine sont liées par un destin singulier qui en fait des pays d’Entre Deux, orientés vers un horizon européen. Jean-Noël Grandhomme décrit l’iconographie chrétienne des monuments aux morts communaux, qui tranche avec les édifices a-religieux de la France. Enfin, Bertrand Hoze conclut avec l’évolution des mémoires collectives : « Les revendications et commémorations en rapport avec l’Alsace-Lorraine connaissent actuellement un ultime pic. »

5 Les contributions de ce colloque peuvent être enrichies par les nombreuses études parues dans Dialogues transvosgiens. Cette revue, fondée par feu l’abbé Holtzmann, se propose depuis un quart de siècle, de relier les deux versants et les deux histoires, à la fois semblables et dissemblables, de la célèbre ligne bleue.

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Société Française d’Archéologie, Monuments de Strasbourg et du Bas- Rhin Paris, 340 p., 2006

Jean-Pierre Kintz

RÉFÉRENCE

Société Française d’Archéologie, Monuments de Strasbourg et du Bas-Rhin, Société Française d’Archéologie, Paris, 340 p., 2006

1 La Société Française d’Archéologie fondée en 1834 organise chaque année un congrès dans l’un des départements français. En 2004, elle a tenu sa 162e session à Strasbourg et en Basse-Alsace. Les contributions des auteurs alsaciens ont pu être publiées grâce aux concours financiers de la Région, du Conseil général du Bas-Rhin, et de la Communauté urbaine de Strasbourg. Trente et une contributions concernent les édifices situés dans le Bas-Rhin. La présentation est faite dans l’ordre alphabétique des localités. Pour Andlau, deux auteurs ont apporté une contribution. Jean-Philippe Meyer traite de l’architecture de l’église, tandis que qu’Oriane Grandclément en décrit la sculpture. Nous retrouvons des articles du premier pour Saint-Trophime d’Eschau, Saint-Jean de Saverne, et la partie orientale de la cathédrale de Strasbourg. Liliane Châtelet-Lange évoque le château de Birkenwald et décrit l’ancien Hôtel de Ville de Strasbourg et sa place. Elle qualifie de « papiste » ce Neubau d’architecture Renaissance et insiste sur ce qu’a été la première place moderne de la ville. Il revenait à Laurent Baridon et à Jean- Jacques Schwien de s’intéresser au château du Haut-Koenigsbourg, tandis que Suzanne Braun et Anne Vuillemard ont traité de l’art de l’église Saint-Etienne de Marmoutier. Grégory Oswald évoque l’ancienne église des Jésuites de Molsheim. Stephan Gaiser a porté son intérêt sur l’église de Neuwiller-lès-Saverne. Peter et Brigitte Kurmann ont attiré l’attention sur les richesses de l’église Saint-Florent de Niederhaslach et traitent également de l’église de Saint Pierre-le-jeune (protestant) de

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Strasbourg et de l’église Saint-Pierre-et-Saint-Paul de Wissembourg. Il revenait à Henri Heitz de présenter le château de Saverne. à Sélestat, Sainte-Foy et Saint-Georges ont comme présentatrices Caroline Viennex, Denise Borlée et Françoise Gatouillet. Cette dernière décrit également les vitraux de Saint-Guillame de Strasbourg. Cinq articles sont consacrés à la cathédrale de Strasbourg, par Jean-Philippe Meyer, Willibald Sauerländer, Yves Galler, Marc-Carel Schurr et Bruno Boerner. Le professeur Albert Châtelet, avec sa finesse coutumière, a retracé la richesse et l’importance historique des fresques de Saint-Pierre-le-Jeune. Deux articles ont pour sujet un thème plus vase : Gilbert Poinsot décrit le Rosheim médiéval et Pierre Garrigou, l’architecture médiévale dans les agglomérations alsaciennes. Christian Corvisier résume admirablement les pérégrinations des congressistes à travers la Basse-Alsace. Ils ont été accueillis par des spécialistes dont la présentation orale forme les dernières pages de ce magnifique ouvrage d’histoire de l’art.

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Braeuner (Gabriel), Lichtlé (Francis), Dictionnaire historique de Colmar Colmar, ARHEC, 2006, avant-propos d’André Klein, 302 p., ill. n. et bl. et coul., index

Georges Bischoff

RÉFÉRENCE

Braeuner (Gabriel), Lichtlé (Francis), Dictionnaire historique de Colmar, Colmar, ARHEC, avant-propos d’André Klein, 302 p., ill. n. et bl. et coul., index., 2006

1 Felix Colmar ! Après la Topographie du Vieux Colmar, traduction fortement enrichie et remarquablement bien illustrée du livre classique d’Auguste Scherlen (1996), l’Association pour la Restauration des édifices historiques de Colmar nous offre ce Dictionnaire historique de Colmar qui est le fruit d’une amitié trentenaire entre Gabriel Braeuner et Francis Lichtlé.

2 Ne boudons pas notre plaisir : c’est l’exemple même de ce qu’on est en droit d’attendre pour toutes les villes d’une certaine importance ou pour les différents sous-ensembles de l’Alsace : Kochersberg, Outre-Forêt, Sundgau, etc. D’autant que les textes sont pensés et argumentés, dans un esprit de cohérence qui n’a pas grand-chose à voir avec l’improvisation dont l’Encyclopédie de l’Alsace avait jadis donné l’exemple.

3 Dictionnaire, donc, ce qui suppose une approche lexicographique, un ordre alphabétique et des renvois et, bien sûr, la pédagogie qui convient au genre. On donnera raison aux auteurs qui ont opté pour des entrées un peu inhabituelles comme « Colmar devient ville », « Guerre de 70 à Colmar » plutôt que de traiter la chose sous une rubrique « origine » ou « développement urbain », ou dans une sous section du chapitre « guerre ».

4 Au total, les auteurs nous proposent un demi-millier de notices d’« Académie militaire » (de Pfeffel à « Zwickert (Charles) », sénateur, des notices souvent assez

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longues et doublées par un index (qui pourrait être plus exhaustif malgré ses 2 000 noms).

5 Rien que du bon, et rien à corriger, qu’il s’agisse de mises au point générales, de biographies ou d’entrées moins attendues comme « Centre dramatique de l’Est », « É conomie après 1945 », « Prostitution », etc. Dans de nombreux cas, des illustrations bien choisies viennent éclairer le texte : parfois, sous la forme d’un véritable corpus (p. les « armoiries », p. 38-40), souvent sous la forme de vues anciennes (ex : l’ancienne gare, p. 59), d’affiches (p. 98, à propos de la Bibliothèque nationale) ou de documents d’archives (lettres à en-têtes commerciales, p. 77-78), de plans (p. 72-73, p. 278) ou de cartes anciennes (p. 281), le tout, dans une diversité sympathique (p. 136-137, figuration humoristique de la Libération de 1945). Le format album est serti par une solide reliure en toile et une bonne mise en page (parfois pâlotte), malgré une jaquette d’allure un peu rétro – mais c’est une question de goût.

6 L’état des lieux auquel se livrent les deux auteurs constitue un excellent exercice : en effet, il permet de cerner un imaginaire colmarien balisé par le temps et par l’espace. Ce Dictionnaire est une mise en scène de l’histoire de Colmar – du « Vieux Colmar » –, et ils le savent mieux que quiconque. Les « couches » d’information les plus denses correspondent à ce que les historiens ont eux mêmes étudié : autrement dit, la matière la plus authentiquement colmarienne telle qu’elle s’incarne dans les archives, les bibliothèques ou les musées, et telle qu’elle est coulée dans le bronze des statues de Bartholdi. L’absence d’une entrée « Archéologie », « Préhistoire » ou « Rome » est significative : elle est partiellement compensée par « Horbourg » et par la « Table de Peutinger », mais il aurait été intéressant d’évoquer le travail des archéologues colmariens tels Marie-Madeleine Jehl ou Charles Bonnet qui ont éveillé de belles vocations, même si le centre ville n’a pas livré de tumulus, et encore moins d’amphithéâtre. De même, la strate la plus récente est inégalement labourée : la justice n’a-t-elle plus d’histoire après l’aménagement de la Prison actuelle en 1903 et de la Cour d’Appel en 1906 ? L’Ecole normale a-t-elle survécu au déménagement de 1879 ? Et le chemin de fer, rien non plus depuis 1907, si ce n’est la réfection des grandes verrières de la Gare ? Les bulles d’histoire contemporaine (notice « cinéma », « festival international de Musique », par exemple) qui remontent à la surface témoignent d’une volonté de mise en perspective du passé le plus récent, c’est sûr, mais c’est ce n’est pas l’objet du livre. Quelques biographies bien venues invitent, elles aussi, à se rapprocher du présent.

7 L’inventaire des notices manquantes donne la mesure d’un chantier à faire, sachant que l’histoire médiévale, l’histoire moderne et le premier siècle de l’époque contemporaine sont pratiquement fixés, sinon dans les détails1. Prenons le registre politique ou social : centrisme, socialisme, syndicalisme, nazisme, catholicisme, protestantisme, immigration… manquent à l’appel (même s’ils se retrouvent partiellement ailleurs). Les lieux forains sont rares, et encore moins les destinations lointaines : New York, pour Miss Liberty ? Paris, en vertu d’un rapport privilégié – s’il existe, mais c’est sans doute un horizon constant pendant deux ou trois siècles, les Vosges (le Club vosgien est à sa place) ? Et même le Japon, qui contribue à sa façon à l’imaginaire colmarien (références à la Maison Pfister dans le Château ambulant de Hayao Miyazaki, p. ex.). Et l’Europe, et l’Alsace – ou l’Alsatia, sous toutes ses acceptions – Colmar étant promue au rang d’archétype, par les Régamey (oubliés dans ce dictionnaire) et par Hansi ? Du coup, quid de la dimension touristique qui suinte par tous les pores du paysage urbain : on

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cherche vainement un article Tourisme, et, corrélativement, la Petite-Venise et la Gastronomie où il pourrait rebondir. Et l’optimum climatique, qui est peut être un mythe, mais qui nous donne une des clés du vignoble ? Et le ciel de Colmar, avec ses pistes d’aviation, Sundhoffen autrefois, l’aérodrome de Houssen (illustré dans la Grande Menace de Jacques Martin), ou la base aérienne éponyme de Colmar- Meyenheim, qui fut l’un des nids d’aigles de la guerre froide ?

8 Le travail accompli par G. Braeuner et par F. Lichtlé est remarquable en soi et n’appelle aucune objection de fond. Je crois même qu’il est salutaire parce qu’il cristallise une identité à un moment où elle se délite – ou se métamorphose. Longtemps, Colmar a été un relais de pouvoir et un centre effectif, avec des institutions et des élites visibles, ses réseaux, ses fonctions et ses connivences culturelles, dans un système de relations binaires chef-lieu/capitale. Le système s’est complexifié et la puissance publique a changé d’horizons (l’oubli des termes Département ou Conseil général en rend compte). Le centre a passé à la périphérie, et le noyau urbain a perdu son attractivité marchande au bénéfice d’un ailleurs indifférencié. Colmar est désormais la grande banlieue de Dessenheim.

NOTES

1. Deux exemples de ces « détails ». Les trois couvents dominicains donnent lieu à d’excellents notices, mais aucune ne signale la tenue du chapitre général de l’ordre des prêcheurs en 1434 : cet événement a une grande importance pour la Chrétienté toute entière, mais sa dimension locale est pour ainsi dire fortuite. Autre domaine, celui des biographies : rien sur la famille Golbéry, notamment sur Meinrad, inconnu dans sa ville natale mais connu de tous les historiens de l’Afrique pour son exploration princeps du Sénégal, vers 1785.

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Comptes rendus

Moyen Age

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Rebetez (Jean-Claude) dir., avec la coll. de Tauber (Jürg), Marti (Reto), Auberson (Laurent) et Bregnard (Damine), Pro Deo. L’ancien évêché de Bâle du IVe au XVIe siècle Porrentruy-Delémont, 2006

Georges Bischoff

RÉFÉRENCE

Rebetez (Jean-Claude) dir., avec la coll. de Tauber (Jürg), Marti (Reto), Auberson (Laurent) et Bregnard (Damine), Pro Deo. L’ancien évêché de Bâle du IVe au XVIe siècle, Porrentruy-Delémont, 2006

1 Destiné à accompagner quatre expositions thématiques présentées au Musée Klingenthal de Bâle (Les origines de l’Evêché de Bâle, Archéologie et Histoire), à l’Hôtel Dieu de Porrentruy (Fêter, vivre et prier. Une paroisse à la fin du Moyen Âge), au Musée jurassien de Delémont (Etre de chair et de ciel) et au Musée Neuhaus de Bienne (L’hérésie sous la Crosse. Les réformes dans l’évêché de Bâle), l’ouvrage piloté par J.- C. Rebetez appartient au genre difficile de la vulgarisation savante : il est tout à la fois un catalogue et une série de monographies qui s’appuient sur les travaux les plus récents, dans un esprit de mise en perspective qu’on rencontre rarement. En effet, au seuil du XXIe siècle, la déchristianisation aidant, un grand nombre de repères ont disparu et des représentations mythiques ou mythifiantes se sont souvent substituées à des savoirs précis. On accueillera donc cet ouvrage comme un essai de pédagogie, ou même de pastorale laïque dopée par des exempla les mieux choisis : des encadrés chronologiques ou thématiques, p. ex. sur les établissements religieux bâlois, des extraits de documents – « menus » de fête des chanoines bâlois, p. 71, correspondance à

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l’époque de la Réforme, p. 287 –, des graphiques (les comptes paroissiaux de Porrentruy entre 1473 et 1524) des tableaux récapitulatifs (p. 303), un glossaire qui mériterait d’être assimilé par tout étudiant en histoire (p. 334-339), une bibliographie où rien d’important ne manque (sauf, peut-être, le Rasser de Bücking).

2 L’apéritif historique proposé par le maître d’œuvre sur le thème « Evêché et diocèse » est une excellente mise au point, accompagnée, comme tout l’ouvrage, de reproduction et de figures d’une exceptionnelle qualité. La carte suffit à faire comprendre l’enjeu du problème : l’évêque de Bâle relève d’un archevêque de langue française, Besançon, mais l’essentiel des terres de sa circonscription se trouve dans le domaine alémanique, entre Jura et Vosges, en aval et en amont de la ville épiscopale. La principauté proprement dite, qui émerge à la veille de l’An Mille, se délite et se dilate et ce qui perdure jusqu’à la Révolution française se trouve – paradoxalement, dans une région restée romane et, qui mieux est, étrangère au diocèse. Les institutions s’enchevêtrent, en mêlant leur mémoire et en conservant leurs limites. On pense aux doyennés, modèles de permanence (p. lire Ingersheim au lieu d’Ungersheim à propos du chapitre Ultra Colles), ou au plaid appelé pledenal, qui propose une alternative à l’officialité diocésaine dans le Jura.

3 Si « la Haute-Alsace n’a sans doute pas dans ce volume toute la place à laquelle le sujet lui donnerait droit » (p. 8), reconnaissons pourtant qu’elle y est bien présente : rien de ce qui se passe à Bâle ou à Porrentruy ne lui est vraiment étranger.

4 Les fondements de l’Eglise bâloise sont revisités à partir des apports de l’archéologie la plus récente, même si une grande partie du dossier provient de fouilles déjà anciennes : en effet, l’interprétation de celles-ci donne lieu à des comparaisons et à un important travail de mise en forme des relevés : l’église du castrum de Kaiseraugst (p. 31, p. 32 : reconstitution très suggestive) remonte au IVe siècle, dans une configuration – avortée –, qui sera celle du groupe épiscopal de Genève (p. 35, comparaison). La continuité des lieux de culte s’observe à travers l’exemple de l’église d’Oberwil et invite à situer le processus dans un espace et dans une temporalité plus larges : christianisation des campagnes (p. 55 et suiv.), dans une véritable généalogie de la chose (chronotypologie, p. 61). Les indices de progression s’observent à travers les rites funéraires – stèles de Kaiseraugst ou boucles de ceinture ornées de croix, etc. L’exemple bien choisi de Schöntal, dans l’actuel canton de Bâle-Campagne montre ce qu’on peut tirer d’une documentation qui se rapporte au temporel du monastère du lieu (p. 74, p. 86-87). Cette méthode bien rodée trouve d’excellentes illustrations dans les trois sections qui suivent. Ainsi, les « Voies du Salut » sont-elles explorées grâce à une succession de coups de projecteur bien ciblés, avec des classiques – le Manuale Curatorum de Jean-Ulrich Surgant (appelé Jean par erreur p. 175) ou les indulgences (p. 117), les pèlerinages lointains, comme celui de Jean-Bernard d’Eptingen à Jérusalem, incontournable. Mais la piété populaire peut être également approchée par le bas, au regard des fidèles : on lira avec bonheur la contribution de Fr. Rapp sur les pèlerinages mariaux de Haute-Alsace (p. 130 et suiv.) et les pages de Jean-Claude Rebetez consacrées aux saints emblématiques du ciel bâlois : le répertoire qui rassemble des vedettes, saint Germain, le martyr de Moutier-Grandval, pour lequel on aura rassemblé – et restauré – des reliques dispersés – notamment les sandales liturgiques –, des hérauts plus modestes – saint Morand en est un –, et même un apocryphe, saint Fromond, à l’origine d’une dévotion populaire à Bonfol (p. 154-155). La trace d’un pèlerinage dédié à saint Jean Baptiste et situé à Biesheim nous est révélée par une

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image de la fin du XVe siècle initialement imprimée pour les hospitaliers de Bâle, mais corrigée au nom du village alsacien (p. 237).

5 L’intelligibilité des comportements va de pair avec une présentation claire des institutions de l’Eglise ou des questions théologiques. Ainsi, dans le troisième volet, dont la paroisse de Porrentruy donne un modèle transposable dans toute la chrétienté (les revenus du curé, p. 175). Grâce à P. Pégeot et aux historiens jurassiens, on possède désormais le guide de cette mine d’or archivistique– un registre de baptême ouvert en 1481 (p. 229), le plus ancien de l’espace suisse, et une série de comptes sans équivalents ailleurs – y compris, dans le domaine artistique (on pense aux chefs d’œuvre de Jörg Schongauer à l’église de Poerrentruy, croix d’autel et ostensoir de la fin du XVe siècle).

6 La vie religieuse peut être saisie dans toutes ses dimensions au rythme d’un calendrier ponctué de fêtes et corseté d’obligations. Là encore, saluons la qualité de l’exposé (« mode d’emploi » de l’année liturgique, p. 208) et la richesse des « illustrations », à tous les sens du terme : la promotion du repos dominical à travers une image du Christ agressé par les outils de ceux qui travaillent le jour du Seigneur (église d’Ormalingen, fin du XIVe siècle, p. 262) ou l’évocation de Guillaume Grimaître, curé de Fénis à partir de 1460, qu’on peut considérer comme le prototype du prêtre réformateur.

7 Le diocèse et la mouvance épiscopale de Bâle sont au cœur de l’Europe : pendant une vingtaine d’années, dans le deuxième quart du XVe siècle, au moment du plus long concile de l’histoire, ils ont été à l’épicentre du monde chrétien, et c’est peut-être ce qui explique la suite : une sensibilité et une foi en questions et un partage de Dieu, qui a fracturé durablement ce petit pays.

8 Passé le souvenir des expositions de l’année 2006, il reste ce catalogue, qui n’est pas seulement le commentaire des objets exposés. C’est un outil d’intelligence historique et, à ce titre, un livre à lire, à relire et à faire connaître.

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Modestin (Georg), Ketzer in der Stadt. Der Prozess gegen die Straßburger Waldenser von 1400, Monumenta Germaniae Historica, Studien und Texte, 41, 2007 et Quellen zur Geschichte der Waldenser von Straßburg (1400-1401), Monumenta Germaniae Historica, Quellen zur Geistesgeschichte des Mittelalters, 22, 2007

Élisabeth Clementz

RÉFÉRENCE

Modestin (Georg), Ketzer in der Stadt. Der Prozess gegen die Straßburger Waldenser von 1400, Monumenta Germaniae Historica, Studien und Texte, 41, 2007 et Quellen zur Geschichte der Waldenser von Straßburg (1400-1401), Monumenta Germaniae Historica, Quellen zur Geistesgeschichte des Mittelalters, 22, 2007

1 Comme le suggère l’intitulé bibliographique, l’ouvrage de Georg Modestin comporte deux volets. Il y a d’une part une remarquable édition de sources concernant le procès des Vaudois à Strasbourg en 1400, avec une biographie détaillée pour chaque Vaudois, et d’autre part l’analyse de ces sources. L’auteur, dans un souci de mise en perspective,

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n’a pas hésité à ouvrir la focale et à replacer le procès de Strasbourg dans un contexte beaucoup plus large, celui des persécutions de Vaudois de Stettin à Bern, d’Augsburg à Mainz dans la dernière décennie du XIVe siècle.

2 À l’issue d’un procès de trois semaines, 21 personnes sur 27 qui avaient adhéré à l’hérésie vaudoise sont bannies pour toujours de la ville de Strasbourg ; cinq autres sont exclues de la communauté urbaine pour cinq ans. À Stettin ou Mainz, les persécutions contre les Vaudois avaient commencé dès le début des années 1390. Ce décalage d’une décennie s’explique par la situation politique particulière de la ville de Strasbourg. Depuis 1392, les tensions entre l’évêque de Strasbourg, Friedrich von Blankenheim, et la ville sont vives et dégénèrent même en conflit armé. Le successeur de Blankenheim, Wilhelm von Diest, dut se battre pour son siège épiscopal. Ces situations conflictuelles permettent de comprendre pourquoi les évêques de Strasbourg n’ont guère eu le temps de s’occuper des Vaudois et de seconder activement les inquisiteurs, contrairement à Mainz, où l’archevêque Konrad II von Weinsberg a promu la chasse aux hérétiques. Pour Modestin, le déclenchement d’une procédure contre les Vaudois à Strasbourg en 1400 a été possible grâce au fait que les relations entre la ville et son évêque s’étaient décrispées... pour très peu de temps !

3 Venons-en aux faits. Au courant de l’Avent 1399, un Dominicain de Bâle, que Modestin identifie avec Peter Mangold, prêche qu’il y a des hérétiques à Strasbourg. Contrairement à ce que l’on pourrait attendre, ce n’est pas un tribunal inquisitorial qui se met en place, mais c’est le Magistrat qui engage une procédure que même Johann Blumstein, le protecteur des Vaudois à Strasbourg, n’arrivera plus à arrêter. Dans un premier temps, les curés et les vicaires de la ville sont interrogés au sujet d’éventuels hérétiques dans leur paroisse. Si la plupart d’entre eux prétend ne rien savoir, l’ancien curé de Saint-Pierre-le Vieux, Claus von Brumath, fournit une liste de vingt noms. Les Vaudois de Strasbourg semblent avoir été très discrets, ce qui explique que la plupart des curés des différentes paroisses n’ait pas été au courant. Parmi les autres personnes qui déposent dans cette affaire, on relève encore une femme originaire d’Augsburg, qui a échappé de justesse au bûcher dans cette ville en 1393, et ses deux filles. Leurs dépositions permettent d’entrevoir la vie des milieux vaudois et leurs croyances. Pour eux, la Vierge et les saints ne sont d’aucune utilité à l’homme, car ils ignorent tout de leur vie ici-bas („sie wissen nämlich gar nit umbe uns hie niden”). Pour cette raison, les Vaudois ne célèbrent pas les fêtes des saints ni celles de la Vierge. À leurs yeux, ni les prêtres, ni même le pape ne peuvent les absoudre de leurs péchés. Seuls les confesseurs vaudois en sont capables. Ils nient également l’existence du Purgatoire. Très intéressante est également la position des Vaudois à l’égard des images : il leur est strictement défendu de les vénérer. Si un maître vaudois en visite dans une maison découvre des images de saints accrochées aux murs, il les arrache.

4 Les dépositions révèlent aussi l’existence de Ketzerschulen, d’« écoles d’hérétiques », dans lesquelles les fidèles venaient assister aux prêches et se confesser.

5 À plusieurs reprises, l’affaire Weidenhofer est évoquée par les Vaudois dans leurs dépositions. Les faits remontent à l’année 1372 ou 1374. Weidenhofer, un ancien maître vaudois, abjure son hérésie. En pénitence, il doit aller de maison vaudoise en maison vaudoise pour convaincre ses anciens coreligionnaires d’abandonner l’hérésie. Par cette démarche, Weidenhofer pointe du doigt les Vaudois. Ces derniers, se sentant menacés, le font assassiner. Pour punir ce crime, la ville de Strasbourg a fait mettre à mort deux compagnons innocents qui passaient par hasard à l’endroit du meurtre. Le

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procès de 1400 va tenter d’éclaircir les circonstances dans lesquelles Weidenhofer a été assassiné et qui a commis le crime.

6 Après avoir présenté avec beaucoup de précisions les faits, Modestin publie un tableau récapitulatif des auditions individuelles (p. 56-63), dans lequel apparaissent le nom de chaque Vaudois, la durée de son adhésion à l’hérésie, les écoles fréquentées, l’accueil de maîtres itinérants, les peines infligées par le passé par divers inquisiteurs. En effet, d’après les actes du procès, Blumstein avait organisé l’abjuration des Vaudois de Strasbourg. L’inquisiteur Nikolaus Böckeler leur avait infligé diverses peines. Les uns avaient été condamnés à prier, à jeûner, les autres à entretenir des lampes dans les églises, à aller en pèlerinage à Marienthal ou à Einsiedeln, d’autres encore à porter la croix, marque de reconnaissance imposée aux hérétiques. Ces abjurations collectives, qui ont eu lieu dans la plus grande discrétion, ne semblent pas avoir eu d’incidence sur la vie sociale des prévenus : on en retrouve l’un ou l’autre au Petit Conseil ou encore responsables des finances municipales.

7 Modestin a également réussi à tracer le profil social et professionnel des Vaudois. Premier point : 17 des 32 Vaudois auditionnés n’étaient pas strasbourgeois d’origine. La ville insiste bien sur ce fait : ce sont des étrangers qui ont terni la réputation de la cité. Par ailleurs, les Vaudois de Strasbourg appartiennent essentiellement au monde du textile. Ils sont tisserands, tondeurs de drap, batteurs de laine, drapiers et tailleurs. La majeure partie des Vaudois vivaient dans la paroisse de Saint-Pierre-le-Vieux, quelques uns à Saint-Pierre-le-Jeune. Cela n’a rien de surprenant puisque c’est dans ces deux paroisses que se concentraient les métiers liés au textile. D’autres Vaudois sont aubergistes, cordonniers ou merciers. Parmi eux, Johannes Blumstein a une position atypique. C’est un homme riche, dont la fortune repose sur la terre. C’est aussi une figure-clé du valdéisme à Strasbourg dans la décennie qui précède le procès. Blumstein, qui a été élevé dans la foi des Vaudois, va jouer un rôle de médiateur entre les Vaudois et les autorités religieuses. À la fin des années 1380, il réussit à intimider le Dominicain Johannes Arnold, inquisiteur de la province de Mayence, qui était en exercice avant Böckeler, au point que ce dernier renonce à son office. Blumstein lui avait fait clairement comprendre que s’il continuait ses investigations, sa vie serait en danger. C’est également lui qui organise discrètement une séance d’abjuration dans sa maison avec l’accord de l’inquisiteur. Il n’hésite pas à intimider ceux qui risquent de parler en les menaçant de la prison. Il intervient encore lorsque le Dominicain de Bâle vient prêcher à Strasbourg et dénonce la présence de Vaudois en ville. Une fois de plus, il essaie de protéger les Vaudois en se rendant chez l’ammeister, chez les plébans de Saint-Pierre-le-Jeune et de Saint-Martin en leur assurant qu’il n’y a pas de Vaudois à Strasbourg. Cette fois-ci, sa démarche sera vaine. Curieusement, Blumstein n’a pas été cité devant le tribunal, si ce n’est de manière informelle. Il n’y a pas de déposition de sa part, alors que sa propre mère sera bannie pour toujours de Strasbourg à l’issue du procès. En plus de cela, Blumstein est un homme bien en vue au sein de la société strasbourgeoise. En 1401, il est bailli de la Ville dans la seigneurie de Lichtenau ; en 1416-1417, il est envoyé par la Ville au Concile de Constance. En 1418-1419, elle lui confie une mission auprès du pape Martin V. Cette carrière remarquable ne peut s’expliquer que par des protections, dont a dû jouir Blumstein, et par un important réseau de relations. Par ailleurs, d’après Modestin, on ne peut pas exclure que les nombreux services qu’il a rendus à la ville après 1400 l’aient été pour se racheter et retrouver toute sa place au sein de la société strasbourgeoise. En 1411 et 1424, un dénommé Johannes Blumstein siège au Conseil de la ville. Il s’agit peut-être de lui. Une

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chose par contre est sûre : les enfants de Blumstein sont retournés à la « vraie foi ». Sa fille, Margrethe, est domicella mantellata (béguine) ; son fils Konrad conventuel.

8 Avec beaucoup de perspicacité, Modestin a encore réussi à cerner les difficultés de la communauté vaudoise. Au printemps 1400, il y avait bien dix ans qu’un maître vaudois n’avait plus visité la communauté de Strasbourg. Du coup, la spiritualité des Mendiants de Strasbourg a pu attirer les Vaudois délaissés par leurs maîtres. En effet, à l’article de la mort, les Vaudois réclamaient un confesseur. Comme il n’y avait plus de maître vaudois sur place, il fallait s’adresser à un prêtre catholique. Par ailleurs, les Vaudois étaient sous pression depuis un bout de temps. Pour donner le change et ne pas attirer l’attention, ils devaient participer à la vie religieuse de la paroisse, plus ou moins contre leur gré. Les Strasbourgeois adeptes de l’hérésie savaient aussi ce qui se passait dans d’autres villes. Il y avait eu procès à Mainz en 1390, à Bingen et à Augsburg en 1393, à Stettin en 1392-1394, à Friburg in Üchtland en 1399. Cette situation permet de comprendre pourquoi certains ont cherché à quitter une communauté repliée sur elle-même et pourquoi Blumstein a réussi à organiser, avec toute la discrétion requise, une séance d’abjuration collective.

9 Le procès des Vaudois de Strasbourg a probablement été l’avant-dernier procès de ce type. Le dernier s’est déroulé en 1430 à Freiburg in Üchtland. La ville de Strasbourg sera encore une fois confrontée à l’hérésie au milieu du XVe siècle. En 1457, Friedrich Reiser s’installe à Strasbourg. Il avait été ordonné évêque taborite à Prague et comptait trouver des adeptes à Strasbourg. Il fut condamné comme hérétique récidiviste et brûlé place Broglie en 1458. Par la suite, il n’y a plus aucune trace d’hérésie à Strasbourg.

10 G. Modestin a traité le corpus documentaire concernant les Vaudois de Strasbourg avec une clarté et une rigueur exemplaires. Ses hypothèses de travail, ses conclusions sont formulées avec toute la prudence requise eu égard aux sources. Dans le sillage des travaux de Kathrin Utz-Tremp et d’Alexander Patschovsky, ces deux nouveaux volumes des MGH viennent utilement compléter nos connaissances sur les Vaudois. Une seule petite réserve : p. 95, l’auteur écrit „Haupthandelsartikel war der Wein, der sich ohne Qualitätseinbußen transportieren und mehrere Jahre lagern ließ”. Cette vision des choses est trop optimiste pour l’époque médiévale. En réalité, le vin se conservait très mal et pour très peu de temps. Ceci mis à part, la remarquable synthèse de Georg Modestin est aussi une contribution particulièrement réussie à l’histoire de Strasbourg à la fin du XIVe et au début du XVe siècle.

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Comptes rendus

XVIe - XVIIe et XVIIIe siècles

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Jürgensmeier (Friedhelm) und Schwerdtfeger (Regina Elisabeth) Hgg, Orden und Klöster im Zeitalter von Reformation und katholischer Reform (1500-1700) Aschendorff Verlag, 3 volumes, 254 p., 228 p., 238 p., 2005-2007

Claude Muller

RÉFÉRENCE

Jürgensmeier (Friedhelm) und Schwerdtfeger (Regina Elisabeth) Hgg, Orden und Klöster im Zeitalter von Reformation und katholischer Reform (1500-1700), Aschendorff Verlag. 3 volumes, 2005-2007, 254 p, 228 p, 238 p., 2007

1 Y a-t-il une relation entre l’avènement sur le trône pontifical du cardinal Ratzinger devenu Benoît XVI, le nombre impressionnant de fidèles allemands sur la place Saint- Pierre de Rome et les publications exponentiellement croissantes consacrées à l’histoire du catholicisme national ? Force est de constater l’inflation des titres d’histoire religieuse, alors que la bibliographie récente n’en était pourtant pas avare. Si les éditions Herder de Fribourg publient une impressionnante série de volumes rédigés par Erwin Gatz, les éditions Aschendorff à Münster en Westphalie, nous proposent une histoire des ordres religieux entre 1500 et 1700 sous la direction de Friedhelm Jürgensmeier et Regina Elisabeth Schwerdtfeger. Trois volumes parus entre 2005 et 2007, évoquent une trentaine de familles monastiques.

2 Avant et même après 1648, date du traité de Westphalie, les couvents alsaciens font partie d’une structure religieuse allemande, propre à chaque ordre. Il importe par conséquent de se référer à ce précieux et incontournable ouvrage pour repérer tel ou

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tel établissement outre Rhin avec lequel cisterciens, bénédictins, chartreux, etc. alsaciens sont en relations constante par leur correspondances, les visites canoniques, les échanges de moines et à un moindre degré, de moniales. Les différents auteurs, une trentaine, suivent un canevas préétabli : état des lieux au moment de la Réforme, vie spirituelle et intellectuelle, conséquences de la Réforme et impact du Concile de Trente. En revanche peut d’indications statistiques, peu d’investigations sur le temporel, peu d’allusions sur le paradoxe du silence et de l’opulence.

3 En l’absence d’études alsaciennes citées en bibliographie, le chercheur aurait intérêt à consulter les tables de la revue Archives de l’Église d’Alsace (N° 16, 1943) et N° 39 (1976-1979) et à se connecter au site de la BNU Strasbourg, pour réunir des informations sur les monastères locaux.

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Barros (Martin), Salat (Nicole) et Sarmant (Thierry), Vauban. L’intelligence du territoire préface de Jean Nouvel, Paris, éditions Nicolas Chaudun et Service historique de la Défense, 2006, 176 p., ISBN : 2-35039-028-4, Diffusion : Service historique de la Défense, DPV/Publications ; BP 116 ; 004687 Armées, prix 45 euros (+ frais d’expédition)

Jean-Pierre Kintz

RÉFÉRENCE

Barros (Martin), Salat (Nicole) et Sarmant (Thierry), Vauban. L’intelligence du territoire, préface de Jean Nouvel, Paris, éditions Nicolas Chaudun et Service historique de la Défense, 176 p., ISBN : 2-35039-028-4, Diffusion : Service historique de la Défense, DPV/Publications ; BP 116 ; 004687 Armées, prix 45 euros (+ frais d’expédition), 2006

1 Dans le passé, les historiens ont particulièrement apprécié le « Vauban » de Bernard Pujo, édité en 1991 et celui d’Anne Blanchard paru en 1997 et récemment réédité.

2 L’œuvre de Vauban si bien analysée fut-elle, le grand public et même les spécialistes ne sauraient l’apprécier sans avoir sous les yeux la reproduction des abondantes illustrations de l’époque et des photographies actuelles de forteresses et de citadelles. La richesse du présent ouvrage ne s’arrête pas à ces choix : nombreuses sont les reproductions de portraits et de gravures. Cette profusion des reproductions en couleurs sur chaque page qui illustrent le texte transforme cette publication en œuvre d’art. Nous avons particulièrement apprécié leur choix : elles justifient essentiellement les affirmations ou les démonstrations des auteurs.

3 Le plan de l’ouvrage présente une logique parfaite. Dès les premières lignes de la préface, Jean Nouvel mentionne les grands traits de la publication : « De l’ingénieur qui

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construit la ceinture de fer, des systèmes mis en œuvre par le stratège, du maréchal qui a assiégé et fait tomber cent villes, de ses relations avec Louis XIV et ses ministres, de la vision de ce surhomme par ses contemporains, ce livre remarquablement documenté vous donnera les clefs ». Cinq grands chapitres précisent avec beaucoup de finesse et de profondes connaissances l’œuvre de Vauban.

4 Le chapitre premier constitue un grand tableau consacré à « Vauban dans la monarchie du Grand Siècle », un récit de vie plein de nuances et de précisions. Qui se souvient que Vauban a été le seul ingénieur du Roi à être honoré pendant toute la durée de l’Ancien Régime de la dignité de Maréchal de France ?

5 Le deuxième chapitre au titre fort court « Le preneur de villes » entraîne le lecteur dans la poliorcétie. On admire les grands plans de sièges de Douai et de Lille. La technique de la prise des villes est décrite avec précision (reproduction de l’utilisation des mines et de la technique des sapes, p. 62-63), la tactique de la guerre a évolué depuis Coehorn (batteries de 50 canons). Pour l’ingénieur et son roi, il ne s’agissait pas seulement d’assiéger des citadelles, mais de consolider des forteresses de construire des citadelles. L’expression pré-carré a fait fortune. Nos auteurs proposent et décrivent assurément mieux la « ceinture de fer » dans le troisième chapitre (p. 74 à 107). La fortification bastionnée mise au point par des ingénieurs italiens a été diffusée en France au XVIe siècle. Vauban adapta et parvint à parfaire le système plans de Neuf-Brisach, p. 92 et 132-133).

6 Le quatrième chapitre intitulé « De l’ingénieur au politique » (p. 108-131) retiendra l’attention des historiens soucieux de connaître et de comprendre « la métamorphose de l’ingénieur » transformé de guerrier en écrivain. Cette approche de Vauban est ordinairement mieux connue. Vauban suggéra l’aménagement du territoire (traité sur la « Navigation des rivières ») et des colonies ; il proposa la méthode de recenser la population qui fut oubliée pendant près d’un siècle ; il était sensible à la misère des peuples et des persécutés (Mémoire sur le rappel des huguenots, p. 126-127). La critique de « l’aqueduc de Maintenon » (p. 124-126) a permis à l’éditeur d’illustrer en pleine page un plan d’élévation de cet aqueduc. Vauban n’approuva pas ce projet et osa poser la question de savoir si on cherchait à « surpasser la gloire des Romains ». Pourtant, Vauban resta, selon les auteurs, « un loyal serviteur de la monarchie absolue » (p. 128) tout en proposant une nouvelle fiscalité, celle de la « Dîme royale ». Il conçut aussi une véritable philosophie de la guerre (p. 121-124) qui « a paru dans ce monde aussitôt que les premiers hommes », inhérente à la nature humaine, mais aussi génératrice de nouvelles sociétés et d’états.

7 Le cinquième chapitre rappelle que nombreux furent ceux qui participèrent depuis 1707 à « l’invention d’un grand homme ». La reconnaissance de la nation que des propos de certains esprits y compris de Choderlos de Laclos – sur l’énormité des dépenses dans la construction de la ceinture de fer. Historiens, économistes, hommes politiques forgèrent un mythe ou s’efforcèrent d’analyser les traits de génie de Vauban. Ne citons que deux faits : la translation du cœur de Vauban sous le dôme des Invalides en face du tombeau de Turenne en 1807 et la parution en 1928 de « l’organisation défensive du Nord et de l’Est au XVIIe siècle » de Gaston Zeller. Parmi les témoignages, signalons aussi l’œuvre de Georges Mathieu (1969) que l’on peut admirer au Musée d’Unterlinden à Colmar. Vauban aura été un continuateur et un précurseur est-il rappelé dans la conclusion du livre (p. 156-161). Le lecteur appréciera la riche partie consacrée aux annexes (p. 162-175) : glossaire, chronologie, liste des sièges, répertoire

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détaillé des mémoires de Vauban sur les sièges, sources manuscrites et bibliographiques.

8 Ce livre contribuera à renforcer le mythe de Vauban, de celui qui savait que la gloire était vaine et les éloges souvent fallacieux. Osons écrire que la beauté de cet ouvrage, sa richesse intellectuelle, la finesse de la rédaction permettent d’affirmer que, parmi les quelques ouvrages parus récemment, celui-ci est l’un des plus attachants et des plus appréciables.

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Mary (Luc), Vauban, le maître des forteresses Paris, 280 p., Ed. de l’Archipel 2007

Jean-Pierre Kintz

RÉFÉRENCE

Mary (Luc), Vauban, le maître des forteresses, Paris, Ed. de l’Archipel, 280 p., 2007

1 Luc Mary peut être qualifié d’écrivain et d’historien. Il a déjà composé plusieurs essais sur la Seconde Guerre mondiale, les Grands Assassinats ou les Mystères des cathédrales. On apprécie la simplicité de son style, son don de la démonstration, la logique et l’originalité de la construction de ses livres. Contrairement à de nombreux autres ouvrages, cet ouvrage est formé de trois éléments. Le premier est constitué par l’introduction qui retrace à grands traits la carrière de Vauban et le prologue qui décrit l’enfance de Vauban de 1633 à l’époque de la Fronde. Après être entré comme cadet dans le régiment d’infanterie du prince de Condé en 1651, il changea de camps au début de 1653, rallia les troupes royales et fut placé comme volontaire auprès du chevalier de Clerville, chargé du siège de Sainte-Menehould, ville qui se rendit. Vauban fut nommé lieutenant au régime de Bourgogne et promu ingénieur ordinaire du roi dès 1655. Il conduisit plusieurs sièges dans la guerre contre l’Espagne, en particulier ceux de Gravelines, Audenarde et Ypres. Après le retour à la paix, le roi lui confia plusieurs missions : démolition des ouvrages de Nancy (1661-1663) et direction des travaux de Brisach (1664-1666). Le « nœud gordien » espagnol était tranché. Lors de la guerre de la Dévolution on découvrit que « l’ingénieur » cachait un « stratège ». Le traité d’Aix-la- Chapelle, du 2 mai 1668 accorda à la France douze villes flamandes aussitôt fortifiées par Vauban. Durant quatre ans, le « vagabond du roi » parcourut la France, inspectant toutes les places. C’est alors qu’il rédigea le « Mémoire pour servir d’instruction à la conduite des sièges » (1669-1672) Sans relever les détails de la guerre de Hollande, Luc Mary a mis en relief des informations qui intéressent ordinairement le lecteur : la prise de Maastricht après 13 jours de siège, la gratification royale qui permit au roi

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d’acquérir le château de Bazoches (p. 97), la nécessité de mettre en pratique une nouvelle stratégie, celle du « pré carré ».

2 Le récit des années 1678-1707 forment la deuxième partie du livre avec pour titre « commissaire général des fortifications ». L’exergue rappelle l’adage : « ville assiégée par Vauban, ville prise : ville défendue par Vauban, ville imprenable ». Il fut nécessaire de fortifier l’ensemble des villes acquises au lendemain de Nimègue, d’où la rédaction du « Mémoire des places frontières des Flandres qui faudrait fortifier pour la sûreté du Roi ». Cette période fut aussi celle ou « réunion rime avec annexion », ainsi celle de Strasbourg en 1681. Luc Mary décrit alors la guerre que l’Espagne déclara à la France en 1683. La technique des tranchées ouvertes permit à Vauban d’arracher la capitulation de Luxembourg, réputée imprenable après 26 jours de siège. La trêve de Ratisbonne (15 août 1685) mit fin aux hostilités. Elle marque l’apogée de la puissance française. L’auteur cite aussitôt le jugement de Saint-Simon « ici finit l’apogée du règne, et ce comble de gloire et de prospérité ». Il composa donc les pages consacrées aux « premières lignes de fracture » couvrant la période 1684-1697. Vauban, nommé lieutenant général des armées du roi, contesta l’utilité de l’aqueduc Maintenon (détourner les eaux de l’Eure, pour alimenter Versailles) dans son « Mémoire sur le Canal » et désapprouva la révocation de l’Edit de Nantes dans le « Mémoire pour le rappel des Huguenots » (1690). Une terrible bronchite chronique frappa Vauban et l’éloigna temporairement des champs de bataille alors que la guerre de la Ligue d’Augsbourg avait éclaté. Aidé de Vauban, Louis XIV put investir Mons (1691) et Namur (1692). La paix de Ryswick (1697) le ramèna en Alsace. Il visita Belfort, Huningue, Colmar et Strasbourg et présenta au roi dès le mois de juin trois plans différents pour édifier Neuf-Brisach. Malgré tout, le prestige de Vauban déclina et pendant la guerre de Succession d’Espagne, il fut tenu à l’écart des sièges de Kehl et de Landau. Son élévation à la dignité de Maréchal de France en 1703 fut sans doute moins une consécration qu’une mise à l’écart. Il avait obtenu le titre « dans le cadre d’une vaste promotion d’une vingtaine de noms » (p. 184). Ne s’était-il pas attaqué à la forteresse de l’absolutisme ? Rappelons que six semaines avant son décès (30 mars 1707) le Conseil privé avait signé l’arrêt de la confiscation de son « Projet de dîme royale ».

3 Luc Mary aborde alors sa troisième partie consacrée au « bâtisseur de forteresses ». Il distingue les fortifications en montagne (p. 205-225) et celles situées en plaine (p. 227-243) et les fortifications maritimes (p. 245-261). Dans les « Annexes », il reprend la liste des principes des fortifications, celles du « pré carré », les quatorze places fortes de seconde ligne et les places arrières (p. 271). D’autres listes du livre pourront servir aux enseignants : les principaux sièges, l’urbanisme etc. Signalons que six planches seulement comportent des illustrations en couleur. Nous avons apprécié les notes de bas de page qui apportent un éclairage supplémentaire au texte et qui donnent au livre un cachet original, celui d’un petit manuel d’histoire. Ouvrage de lecture agréable, qui sera apprécié par beaucoup de lecteurs et qui devrait aussi se retrouver dans les bibliothèques des collèges et des lycées.

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Peter (Jean), Le journal de Vauban Paris, Economica, avec le concours de la Commission française d’histoire militaire et l’Institut de stratégie comparée EPHE IV (Sorbonne), 359 pages

Jean-Pierre Kintz

RÉFÉRENCE

Peter (Jean), Le journal de Vauban, Paris, Economica, avec le concours de la Commission française d’histoire militaire et l’Institut de stratégie comparée EPHE IV (Sorbonne), 359 p.

1 Jean Peter est un auteur reconnu parmi les spécialistes d’histoire militaire. Il a décrit les ports et les arsenaux du Havre, de Toulon, de Brest et de Rochefort. Il a non seulement composé des ouvrages sur l’artillerie, les fonderies et les manufactures de la Marine, mais a également retracé le rôle des maîtres de forges et des maîtres fondeurs. Tout naturellement il a retracé le rôle de Vauban à Brest, Saint-Malo, Dunkerque et Toulon. Le journal de Vauban constitue en réalité une admirable biographie de l’ingénieur du roi devenu maréchal de France à la fin de sa vie. Le titre du livre déconcerte dès lors le lecteur. Jean Peter a exploité les agendas de Vauban. Cela l’a-t-il poussé à donner un titre original à l’ouvrage ? La couverture est illustrée par un croquis sur les sapes. On pourrait croire que l’éditeur propose un ouvrage de poliorcétique. Il n’en est rien. Jean Peter nous offre une présentation fine et riche de la vie et de l’œuvre de Vauban. Elle est particulièrement bien documentée. L’auteur cite les analyses et les appréciations de nombreux écrivains, historiens anciens et récents pour étayer ses démonstrations. Ne relevons que quelques noms : Daniel Halévy, Anne Blanchard, François Bluche, André Corvisier, Jean Meyer, Michel Morineau, Jean- François Pernot… Les références de bas de page montrent à elles seuls l’importance des recherches faites principalement dans le fonds Rosambo des Archives Nationales et dans celui des manuscrits de la bibliothèque du génie à Vincennes. Tout cela donne une réelle et forte consistance au livre.

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2 Celui-ci a été conçu en cinq parties, regroupées autour d’un personnage. La première partie décrit les débuts de Vauban (p. 11-42) et conduit le lecteur aux années 1669-1670. Vauban est alors chargé des fortifications de Louvois et on observe les premières approches de Colbert. La deuxième partie « Vauban et Louvois » concerne les années de la guerre de Hollande qui voient l’ascension de Vauban nommé commissaire général des fortifications en 1678 (p. 43-94). Il renforce alors le « pré carré ». La troisième partie (p. 95-184) retrace la « défense du Royaume » : les côtes de l’Atlantique, de la Manche, les frontières de l’Est et du Midi (places et citadelles, avec Sarrelouis, Strasbourg et Mont-Royal ou les sièges de Luxembourg en 1684 et de Philippsbourg en 1688). La guerre de la Ligue d’Augsbourg représente une menace des frontières du royaume. Elle est surtout rappelée dans la quatrième partie (p. 185-252). Après la paix déshonorante de Ryswick, Vauban a conçu et fait réaliser son chef d’œuvre : Neuf-Brisach. Jean Peter ne s’attarde pas tout comme Vauban, qui prend son temps et établit les projets de Colmar, Griesenheim (Saint-Louis), Sélestat et Landau (p. 245-246). La cinquième partie « Vauban et Louis XIV » (p. 253-328) retiendra beaucoup l’attention des historiens. On restera sensible à ce Vauban, si souvent mêlé parmi les ouvriers, pour comprendre qu’un individu qui comptait à 72 ans et 52 années de service, 50 sièges considérables et 140 actions de vigueur, mais de « maigre noblesse » dut attendre longtemps une nomination de maréchal de France. Il a cependant été le seul ingénieur à obtenir une telle promotion sous l’Ancien Régime.

3 Jean Peter propose une appréciation nuancée pour comprendre la réaction de la Cour et de l’aristocratie devant la parution de la « Dîme royale ». Louis XIV n’a pu admettre cette publication. Il a cependant reconnu après la mort de Vauban. « Je perds avec lui un homme fort affectionné à ma personne et à l’État. Il n’ignorait rien de l’art de castramétation, ses places sont imprenables, ni de la poliorcétique et on connaît l’adage : place investie par Vauban, place prise. Il baptisa, assura et affermit « le pré carré ». Il construisit ou améliora la ceinture de fer de la France : 120 places fortes ou châteaux de Dunkerque aux Pyrénées. Il sait tout de la guerre, à l’instar de Turenne et plus que Louvois ou Chamblay ». Ce témoignage important n’a-t-il pas été le fil conducteur de la rédaction du livre ? On ne peut que féliciter Jean Peter pour cet ouvrage de grande politique au siècle de Louis XIV.

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Heyberger (Laurent), Pagnot (Yves), Vauban. L’homme, l’ingénieur, le réformateur Université de Technologie de Belfort-Montbéliard, 155 p., 2007

Georges Bischoff

RÉFÉRENCE

Heyberger (Laurent), Pagnot (Yves), Vauban. L’homme, l’ingénieur, le réformateur, Université de Technologie de Belfort-Montbéliard, 155 p., 2007

1 Les textes réunis dans cet ouvrage publié avec le concours de la ville de Belfort forment le bouquet d’anniversaire du tricentenaire de la mort de Vauban, le 30 mars 1707. Ils sont aussi la preuve de la vitalité de la recherche historique dans ce petit territoire de France si riche de son passé : 2007 était aussi, rappelons le, le 7e centenaire des franchises belfortaines célébrées par de nombreuses manifestations savantes et populaires, ou mieux encore, à la croisée des deux.

2 Piloté par un jeune maître de conférences de l’Université de Technologie de Belfort- Montbéliard et par le conservateur des Archives Municipales, qui avait déjà eu fort à faire, ce volume est le mode d’emploi de l’année Vauban : il s’ouvre tambour battant sous la baguette de Martin Barros (p. 9-31), qui donne les clés d’une réussite exceptionnelle. Sorti du rang, ou presque, promu Commissaire général des fortifications à l’âge de 44 ans, en 1678, Sébastien Le Prestre finit Maréchal de France et contribue, plus que tous, à la « sûreté perpétuelle » d’un royaume dont la puissance rayonne sur l’Europe. Son œuvre est « au centre d’un dispositif orchestré de promotion de la couronne et [il] en est un des plus brillants solistes, comme Le Nôtre, Mansart et Lully le sont pour les jardins, l’architecture et la musique » (p. 28). Mais Vauban n’est pas seulement un interprète ou un metteur en scène : c’est avant tout un grand serviteur de l’Etat, un praticien et un théoricien de la chose publique, il a « l’intelligence du territoire » (c’est le titre d’un ouvrage de M. Barros et de deux autres

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historiens). Le portrait du « Poliorcète aux champs » (p. 33-62) que brosse Emmanuel Le Roy-Ladurie est un morceau d’anthologie à lire et à relire pour comprendre les différentes figures du héros : « dîme royale et famine » stimulent une relecture de l’œuvre et permettent de restituer le contexte de la « vision anticipatrice » de Vauban. Faut-il pour autant rabaisser le socle de la statue que lui avaient élevée Lavisse et les pères fondateurs de la France républicaine ? « Héros de la mentalité démocratique à l’usage de nos « écoles primaires » : pourquoi pas ? et, d’ailleurs, ce livre y invite.

3 L’approche psychologique proposée par Michèle Virol (p. 63-71) trouve sa substance dans la correspondance du Maréchal et dans les mémoires réunis sous le titre paradoxal (pour nous, au XXIe siècle) d’« Oisivetés ». Vauban est un homme qui se sert de sa plume comme le montre son libelle sur « le rappel des Huguenots » – « un acte d’écriture pensé comme un impérieux devoir » – ou ses différents plaidoyers pour la modernisation du pays par des infrastructures de communication (à l’exemple du Canal de Languedoc) ou par des réformes. L’édification de l’Etat moderne invite aux métaphores architecturales et on comprend que Laurent Heyberger y accorde la part belle aux ingénieurs militaires (p. 73-92) : la généalogie de l’institution est à l’image du rôle qui lui est impartie : des moyens, un grand corps de l’Etat, des écoles (celle de Mézières), une vocation « technocratique » avant la lettre : l’évolution des effectifs d’ingénieurs est saisissante : une vingtaine à la fin du règne d’Henri IV, quinze fois plus un siècle plus tard (p. 92). Faut-il répliquer au crachat de Choderlos de Laclos selon lequel « Vauban n’est pas un grand homme » au motif que la « ceinture de fer » qu’il a donnée à son pays n’aurait été qu’une œuvre stérile et sans utilité réelle ? L’auteur pense le contraire : Vauban a contribué à organiser l’Etat et à garantir une paix durable. Et l’exemple de Belfort montre que son œuvre a servi la Nation toute entière, tant par son efficacité militaire que par sa valeur de symbole. On rendra grâce à Yves Pagnot d’avoir su présenter l’histoire de la « ville des trois sièges » dans la dimension stratégique et architecturale qui est la sienne. Vauban arrive en 1675 et reconnaît les lieux : il en saisit l’intérêt, que Turenne venait d’illustrer brillamment, le mémorise et passe aux travaux pratiques lorsque les circonstances le rappellent, pendant la Guerre de la Ligue d’Augsbourg. Le projet de 1687 est le modèle du 2e système de Vauban qui se caractérise par des tours bastionnées permettant la défense lointaine aussi bien que le contrôle des abords. Le site est réorganisé par défaut, en fonction des impératifs d’urgence, mais l’ingénieur sait particulièrement ce qui reste à faire sur les collines qui commandent la vallée de la Savoureuse : le programme proposé en 1698 sera finalement mis en œuvre par Haxo sous la Restauration, amélioré par Denfert et étendu dans le cadre du système Séré de Rivières. Accompagnée d’un beau dossier de plans en partie inédits et de photographies, la contribution d’Y. Pagnot sur « Vauban et la fortification de Belfort » (p. 93-131) donne toutes les bonnes raisons qui auraient dû valoir au site belfortain le titre de « Patrimoine mondial » décerné par l’UNESCO. On sait qu’il n’en a pas été ainsi. L’omission est d’autant injuste que des efforts remarquables ont été consentis pour la mise en valeur de cet ensemble qui combine patrimoine et pédagogie.

4 Enfin, avant de clore ce volume d’hommage, le lecteur aura droit à un dessert des plus savoureux sous la forme du livret d’un spectacle musical de Christine Kobus, « Vauban avait deux filles » (p. 133-153), composé d’extraits de textes du Maréchal de France et de ses contemporains et de musiques du temps. Un moment jubilatoire, presque surréaliste (p. 141) : le « traité de la cochonnerie », qu’on appréciera avec d’autant plus

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bonheur que l’Alsace a été privée d’une commémoration digne de ce nom, en oubliant que la province construite par Louis XIV est, en réalité, la troisième fille de Vauban.

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Muller (Claude), Guerres et Paix sur la frontière du Rhin au XVIIIe siècle Annuaire de la Société d’histoire et d’archéologie du Ried-Nord, 302 p., 2007

Jean-Michel Boehler

RÉFÉRENCE

Muller (Claude), Guerres et Paix sur la frontière du Rhin au XVIIIe siècle, Annuaire de la Société d’histoire et d’archéologie du Ried-Nord, 302 p., 2007

1 On a du mal à cerner cet ouvrage, tant il foisonne en thèmes divers et variés, le binôme guerre-paix constituant un dénominateur commun fort commode pour les fédérer. Alors que l’historiographie traditionnelle a tendance à opposer le « tragique XVIIe siècle », avec son chapelet de guerres et de crises, au « beau XVIIIe siècle » et sa légendaire prospérité, Claude Muller nous montre que la guerre est omniprésente à une époque considérée, à tort ou à raison, comme une ère de paix et cela en dépit des « guerres de succession » (d’Espagne en 1702-1714, de Pologne en 1733-1738, d’Autriche en 1740-1748) qui, en définitive ne font qu’effleurer l’Alsace jusqu’au renversement des alliances de 1756, scellant le rapprochement de la France avec l’Autriche et éloignant de la province le théâtre des opérations.

2 Mais on aurait tort de considérer ce livre comme un ouvrage d’histoire militaire, même si les sources utilisées sont abondamment puisées, en dehors de l’apport de quelques bibliothèques provinciales, dans les archives du quai d’Orsay (Affaires étrangères), de Vincennes (Service historique de la Défense) et, en ce qui concerne les papiers du gouverneur de Bourg, dans la Bibliothèque de l’Arsenal. Certes les préoccupations stratégiques ou diplomatiques affleurent régulièrement (p. 35-38, 59-66, 81-87, 103-110, 159-163, 225-227), dévoilant les succès militaires par ci et par là, les dévastations de l’Outre-Forêt ou la construction de la ligne de la Lauter. Mais l’auteur mobilise des sources tellement diversifiées qu’elles ne sauraient se cantonner à l’histoire proprement militaire : le mémoire de l’intendant de La Grange de 1697, la chronique

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de 1702 signée par Richard Schlee, confesseur des cisterciennes de Koenigsbruck, les rapports des ingénieurs militaires ou des directeurs des fortifications (Guillin en 1702, Baudoin en 1752, Langeron en 1773), les lettres adressées par ses maréchaux, entre 1707 et 1713, au comte de Bourg, enfin les récits de voyage de nobles anonymes en 1721 et 1753, de Mademoiselle de Mortemart en 1769, du marquis de Pezay vers 1772. Voilà une banque de données particulièrement fournie.

3 Mais même les ingénieurs militaires, soucieux de « tenir le Rhin », ne limitent pas leurs observations aux fortifications et le mérite de Claude Muller aura été de dégager l’intérêt que revêtent leurs rapports au delà de toute considération étroitement stratégique : description des localités, avec leurs murailles ou leur Dorfgraben, des églises fortifiées ou des châteaux, des routes et des voies d’eau dont les qualités défensives sont, bien entendu, privilégiées. Si la grande enquête de 1732, qui indique la topographie des lieux et le nombre de « feux » par localité, conserve un lien avec ce genre de préoccupations, il n’en va pas de même dans cette chronique anonyme de 1753 où l’on trouvera la description des monuments et hôtels particuliers de Strasbourg, pas davantage que dans la visite pastorale du grand vicaire Guillaume Thual, qui, en 1706, passait au peigne fin les chapitres ruraux de Rhinau et de Marckolsheim, relevant l’état matériel des églises et des maisons curiales et fournissant à l’évêque Gaston de Rohan de précieux renseignements tant sur la liturgie que sur la pratique religieuse. Les récits de voyage, qui n’oublient pas les fortifications dans cette province frontière, tiennent à la fois des guides touristiques et des enquêtes ethnographiques sur ces « Allemands » que sont les habitants de l’Alsace et dont, vu du côté français, on relève la bizarrerie du langage, des costumes et des coutumes. L’observation est mise à contribution quand, vers 1770, Victurnienne de Mortemart visite la manufacture royale de Klingenthal ou quand le marquis de Pezay chante la fertilité de la campagne alsacienne et les exploits des anabaptistes. C’est que tout voyage d’étude se double d’un voyage d’agrément et d’investigation : « Une chose essentielle pour voyager utilement, c’est d’avoir une connaissance assez détaillée des endroits où l’on va; afin de ne pas paraître tout à fait étranger, il faut savoir au moins ce qu’il y a de plus beau et de plus curieux à voir » glisse, en 1782, ce voyageur anonyme dijonnais dont la référence du récit de voyage se sera malencontreusement perdue (p. 275).

4 Ce faisant, Claude Muller ne risque-t-il pas de perdre de vue et le sujet et le titre, pourtant suffisamment englobant, de sa contribution afin de pouvoir accueillir des témoignages aussi disparates ? La conclusion de son livre, qui « rattrape » les mémoires non utilisés précédemment et soulève la question de la francisation de l’Alsace, rend compte de ce désir d’exhaustivité qui, à notre sens, ne répond pas à une nécessité absolue. On pourrait lui reprocher par ailleurs un penchant pour l’anecdotique et l’événementiel, parfois au prix de citations fort longues des auteurs consultés. Mais le thème traité illustre magistralement la rencontre entre « la grande » et « la petite » histoire : au delà des opérations militaires, décidées à Versailles et exécutées sur le terrain, lorsque Stanislas Leszcynski envoie son flot de missives au comte de Bourg, n’est-ce pas l’intimité de la Cour qui pénètre en Alsace ? Reste à savoir pourquoi une étude d’une telle ampleur, sur le plan à la fois thématique et géographique puisqu’elle porte sur l’ensemble d’une Alsace ouverte sur l’Europe, paraît sous les auspices d’une société d’histoire locale, aussi proche soit-elle d’une frontière si souvent invoquée.

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Comptes rendus

XIXe siècle

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Münch-Mertz (Eveline), Au chevet de l’humanité souffrante. Les médecins cantonaux ou médecins des pauvres dans le département du Haut-Rhin (1825-1870) Société académique du Bas-Rhin, Bulletin t. CXXVII-CXXVIII, 2007-2008

Françoise Steudler-Delaherche

RÉFÉRENCE

Münch-Mertz (Eveline), Au chevet de l’humanité souffrante. Les médecins cantonaux ou médecins des pauvres dans le département du Haut-Rhin (1825-1870), Société académique du Bas-Rhin, Bulletin t. CXXVII-CXXVIII, 2007-2008

1 C’est à une catégorie particulière du monde médical du XIXe siècle que s’intéresse Eveline Münch-Mertz dans cet ouvrage issu de sa thèse, dirigée par Jean- Michel Boehler, aujourd’hui professeur émérite à l’Université Marc Bloch de Strasbourg, qui, dans sa préface, souligne tout l’intérêt de cette étude, véritable histoire socio-culturelle d’un groupe, celui des médecins cantonaux du département du Haut- Rhin, des praticiens « de terrain » au service des indigents malades. L’auteur a su en effet tirer parti d’un riche matériel archivistique, en exploitant essentiellement les nombreux dossiers relatifs à la médecine cantonale proprement dite, mais en ayant également recours à beaucoup d’autres documents, dans la mesure où ses investigations l’amenaient nécessairement à s’intéresser aux questions de santé publique, d’hygiène, d’assistance et, d’une façon plus générale, d’administration du département.

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2 L’originalité de l’Alsace, et du Haut-Rhin en particulier, que montre bien Eveline Münch-Mertz, est d’avoir constitué, de façon précoce, un véritable laboratoire pour la mise en place d’une médecine des pauvres, puisque, dès 1825, des médecins cantonaux y sont nommés (des tentatives ayant été menées également dans quelques autres départements, un peu plus tardivement), l’officialisation de l’institution ne survenant qu’en 1854. L’auteur, qui se situe dans la lignée des travaux de Jacques Léonard et d’Olivier Faure sur la France médicale du XIXe siècle, ne néglige pas les éléments chiffrés, tirés de ses sources et présentés sous forme de nombreux tableaux et diagrammes, mais cherche aussi et surtout à transcrire le plus fidèlement possible les réalités concrètes de l’expérience qu’elle retrace, déclarant s’être fixé pour ambition de « donner de la chair aux textes et de voir, sur le terrain, les différents protagonistes à l’œuvre, c’est-à-dire les décideurs (les politiques), les vecteurs (les médecins) et les bénéficiaires (les malades indigents) » (p. 11). Un premier chapitre est ainsi consacré à l’historique de l’institution, les deux départements alsaciens étant ceux où l’initiative des pouvoirs publics paraît la mieux accueillie, comme résurgence d’une ancienne coutume à dominante germanique d’initiative locale (les Stadtphysici et Landphysici), mais aussi comme manifestation d’une gestion centralisatrice à la française, puisque, même si ce sont les conseils municipaux qui financent l’indemnité du praticien accomplissant un tel service, c’est l’administration préfectorale qui impulse la dynamique et exerce un contrôle sur les médecins cantonaux, dont on attend des rapports circonstanciés. Le deuxième chapitre s’attache, très concrètement, en déroulant une intéressante galerie de portraits, à ces hommes, à leur formation, leur carrière, leurs motivations, leurs activités annexes, ce qui permet de prendre la mesure de l’extrême hétérogénéité du groupe, qu’illustrent parfaitement trois exemples détaillés : quoi de commun, en effet entre Etienne Onimus, grand propriétaire terrien et véritable notable local, peu impliqué en apparence dans sa mission sanitaire, Louis- Auguste Jadzewski, hygiéniste convaincu, rédacteur acharné de rapports, qui s’épuise à sillonner les campagnes et Victor West, le frère du préfet du Bas-Rhin, qui accomplit son travail avec une rigueur « qu’il appelle scientifique ». A l’extrémité de la chaîne, les pauvres malades, qui font l’objet du dernier chapitre, nous apparaissent, qu’ils vivent en ville ou en milieu rural, comme situés dans un autre monde que celui de leurs thérapeutes. Si les contours et la composition de cet ensemble des nécessiteux sont fluctuants, et donc malaisés à définir, tout comme restent encore indéterminées un grand nombre des pathologies qui l’affectent du fait de l’imprécision nosologique persistante, il appartient à ces médecins cantonaux, au premier chef, de soulager cette humanité souffrante, ce qu’ils font de façon empirique, en s’appuyant sur « un savoir savant appliqué de temps en temps avec les outils du savoir populaire » (p. 92). Mais, au-delà de la « conservation de la vie du peuple », il s’agit aussi de ramener celui-ci « à la dignité humaine, à la religion et à la morale » (p. 112), en conduisant une véritable entreprise d’acculturation exercée sur ces marges de la société. La position de ces praticiens, qui, de fait, affinent leur regard clinique au contact de ces réalités, les place aussi, comme au temps de l’ancienne Société royale de médecine, en situation d’observateurs privilégiés des conditions sanitaires locales, dont on leur demande de rendre compte, ce qui les insère dans une vaste entreprise de rassemblement des connaissances et donc d’élaboration permanente du savoir. Eveline Münch-Mertz, en s’appuyant méticuleusement sur ses sources, montre ainsi le succès, dans le Haut-Rhin, de ce dispositif de la médecine cantonale, confiée à des docteurs de plus en plus

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chevronnés, et qui sont avant tout des hommes « de terrain », animés d’un idéal philanthropique, non dénué cependant de préoccupations morales et sécuritaires.

3 L’auteur fait peut-être preuve pourtant d’un excès de réserve lorsqu’elle déclare, « par respect pour les travaux de nombreux chercheurs dans le domaine de l’histoire de la médecine » (p. 140) ne pas avoir voulu procéder à une compilation de leurs résultats. Même s’il est vrai que les références à ces recherches ne manquent pas, on note une tendance d’ensemble à « laisser parler les documents », le lecteur restant parfois sur sa faim quant aux interprétations d’ensemble qu’une dimension un peu plus théorique aurait permis de développer. Plusieurs enjeux importants apparaissent bien cependant, à travers les abondantes données fournies au tout long de cet ouvrage. La question de la santé publique y est montrée comme occupant, pendant la période considérée, une place centrale dans les préoccupations des politiques, cependant que le caractère souvent contradictoire des positions des acteurs a tendance à agir comme un frein. L’Etat hygiéniste fait de l’action sur le terrain une véritable nécessité, mais, œuvrant dans un cadre qui demeure libéral, il ne peut compter que sur la bonne volonté des professionnels et des pouvoirs locaux, en se heurtant à la ladrerie des municipalités, signalée comme un problème omniprésent. De leur côté, les médecins développent des stratégies qui ne sont pas exemptes d’ambiguïtés. On aurait peut-être un peu tendance à oublier parfois que le service des pauvres décrit ici n’occupe qu’une petite partie du temps des praticiens concernés, qui se consacrent essentiellement à leur clientèle privée et payante (dont certains membres, d’ailleurs, ne sont peut-être pas si différents des indigents qu’ils ont à prendre en charge). Et lorsque Eveline Münch-Mertz transcrit les motivations qui animent ces hommes dans leurs déclarations de candidature, au- delà des proclamations philanthropiques convenues qu’elle relève et qui sont récurrentes (même si leur sincérité n’est pas, pour autant, à mettre radicalement en doute), il est possible de se demander plus fondamentalement comment cette activité assez peu rémunératrice et ingrate prend place, parmi d’autres responsabilités (dont la participation aux sociétés de médecine, de prévoyance ou de bienfaisance, ou bien les fonctions politiques, pour certains), dans un « plan de carrière » (p. 72) et, au-delà, dans l’édification de la profession et l’accession de celle-ci à une véritable reconnaissance sociale. Ces médecins, on le voit bien, entendent, sur la base d’un savoir reconnu, authentifié par les prestigieuses facultés de médecine de Strasbourg ou de Paris, qui leur ont délivré leur diplôme, asseoir leur pouvoir dans la société, tout ayant la garantie de la préservation de leur statut libéral. Significative sur ce plan est la position du Congrès médical de Paris de 1845, qui a exprimé une franche opposition à cette médecine cantonale accusée de menacer d’asservissement les praticiens : « Tout médecin imposé est un médecin déprécié ». L’hétérogénéité de la catégorie des médecins cantonaux, en définitive, semble parfaitement refléter la diversité de l’ensemble du groupe des hommes de l’art de l’époque et de leurs aspirations, ainsi que les tâtonnements de leurs positionnements, d’autant plus que, avant l’ère pastorienne, leur efficacité curative reste très relative et qu’ils cherchent encore leur place sur l’échiquier social, aspirant profondément à « jouer un rôle » (« du mérite à la notoriété et à la notabilité », est-il suggéré, p. 144). Les archives relatives aux médecins cantonaux paraissent donc à certains égards, représenter une voie privilégiée d’accès à l’ensemble du monde médical, dans toute sa complexité. Il aurait pu être intéressant, d’ailleurs, d’esquisser une typologie faisant apparaître des sous-groupes, aux intérêts dissemblables, et une hiérarchie plus ou moins implicite. On peut trouver, cependant, chez ces hommes, un plus petit dénominateur commun, l’hostilité aux empiriques, qui

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est supposée souder la profession, même si dans la pratique, il s’agit de composer parfois avec les médiateurs (comme les sages-femmes, par exemple). Un consensus existe donc sur la nécessaire médicalisation de la société, jusque dans ses strates les plus profondes. Mais celle-ci ne peut se réaliser sans que soient patiemment tissés des liens étroits avec les différents niveaux de l’administration publique (dont ne saisit pas toujours très clairement les compétences respectives) et divers partenaires agissant dans le domaine social (sociétés de bienfaisance, congrégations religieuses, etc.), le tout fonctionnant en un véritable « réseau » (p. 61) dans lequel s’insère le professionnel, qui est en passe d’en devenir l’indispensable cheville ouvrière.

4 Peut-on alors considérer que, entre 1800 et 1870 nous sommes, comme le dit Eveline Münch-Mertz, dans « un temps long, homogène, à la limite de l’immobilisme » (p. 12) ? Elle note bien, pourtant, que le Second Empire, qui officialise et généralise l’institution, fait preuve d’une volonté nouvelle d’efficacité et de rationalisation, en opérant une mobilisation plus autoritaire des médecins cantonaux, et que ceux-ci (stimulés par l’inspecteur Thannberger) prennent bien davantage au sérieux leurs missions et acceptent de devenir un « outil aux mains de l’administration » (p. 82). La disparition progressive des officiers de santé au profit de docteurs en médecine, aux curriculum vitae parfois impressionnants, et un rajeunissement d’ensemble des détenteurs de la fonction sont sans doute révélateurs. A une demande plus contraignante des autorités correspond désormais une offre réelle de services de la part de praticiens qui jouent un rôle considérable sur le terrain (bataille de l’hygiène, surveillance des épidémies, campagnes de vaccination, etc.), même si, dans les rapports très détaillés qu’ils envoient désormais, il est peut-être possible de déceler une bonne part d’autosatisfaction et la nécessité de « faire du chiffre », car peut-on croire totalement à ces taux de « guérison » (?) spectaculaires dont ils se prévalent ? Nous sommes bien ici au cœur de stratégies professionnelles sous-jacentes, de tels succès « publics » ne pouvant que conforter position « privée » et statut social. La partie ne sera véritablement gagnée que lorsque, dans les années 1870, des savoirs plus efficaces viendront légitimer pleinement les ambitions des médecins.

5 Au total, ce livre, dense et stimulant, ouvre d’intéressantes perspectives non seulement dans le domaine de l’histoire de la santé et la médecine, mais dans celui de l’histoire sociale en général.

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Chateaudon (Jean-Luc), Routes et chemins du Haut-Rhin à l’heure de l’industrialisation (1800-1870) Jérôme Do Bentzinger Éditeur, 258 p., 2007

Claude Muller

RÉFÉRENCE

Chateaudon (Jean-Luc), Routes et chemins du Haut-Rhin à l’heure de l’industrialisation (1800-1870), Jérôme Do Bentzinger Éditeur, 258 p., 2007

1 « Née de la nécessité des échanges entre les humains, la route est l’expression la plus ancienne et la plus claire de la vie de relations. » C’est par la jolie formule de Henri Cavaillès que Jean-Luc Chateaudon (voir Revue d’Alsace, 2006, p. 497) débute fort opportunément son propos. L’apport principal de l’ouvrage consiste dans la chronologie fixée. De 1800 à 1815, grosso modo le temps de Napoléon Ier, l’urgence l’emporte. Les finances exsangues ne permettent que d’éphémères rafistolages du réseau routier, support premier du déplacement des troupes. La période suivante, de 1815 à 1836, plus pacifique, s’écarte des préoccupations militaires. Les besoins industriels engendrent un développement des routes au détriment des chemins ruraux. Entre 1836 et 1870, le mouvement s’intensifie. Le réseau arrive à maturité vers 1840, soit 2 500 kilomètres de routes.

2 Un deuxième aspect intéressant de l’étude réside dans les « à-côtés », sans jeu de mots, de la route : pavée ou empierrée, bordée d’arbres – ce qui pose un épineux problème à Dessenheim en 1838 – ou de fossés, munie de poteaux indicateurs en fonte ou de trottoirs en ville, bien entretenue dans la Porte de Bourgogne ou impraticable dans les endroits reculés, enneigée au Ballon d’Alsace... Chemin faisant, quelques détails amusants apparaissent. À Husseren-les-Châteaux, en 1837, les villageois utilisent des souches pour freiner leurs véhicules dans la vertigineuse descente. Ailleurs les paysans comblent les fossés du bord pour pouvoir entrer dans leur parcelle, alors que

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l’administration s’était évertuée à les faire creuser ! En hiver, l’usage des traîneaux met à mal le réseau. Que penser du chemin de croix que constitue la départementale de Ferrette à Lucelle, où « l’absence désespérée de trafic », malgré les forges, s’explique par le cul-de-sac de la frontière suisse ?

3 Reste pour finir des images suggestives de gens entretenant les ouvrages : le commissaire-voyer Gouget qui se recommande à la « bienveillance » de l’administration pour obtenir un secours, les auxiliaires et les cantonniers, les habitants obligés aux prestations en nature, les ateliers de charité, les indigents occupés à casser des cailloux. Tout un monde multiforme au service des routes, ressuscité par l’auteur.

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Barral (Pierre), Léon Gambetta. Tribun et stratège de la République (1838-1882) Ed Privat, Toulouse, 314 p., 2008

François Igersheim

RÉFÉRENCE

Barral (Pierre), Léon Gambetta. Tribun et stratège de la République (1838-1882), Ed Privat, Toulouse, 314 p., 2008

1 Voilà qui était une bonne idée que de confier une biographie synthétique de Gambetta à un des meilleurs connaisseurs de l’histoire de l’histoire de la vie politique française. Qui plus est à un des spécialistes de la vie politique de l’Est, et tout particulièrement de la Lorraine. L’on parcourt les lignes aisées qui évoquent la vie et la carrière du fils de Cahors, entré au barreau à Paris, puis dans la vie politique, comme député de Belleville, ayant signé le programme de son comité électoral « Léon Gambetta, candidat radical ». Voilà lancées un programme et le nom d’un parti qui durera, y compris dans la souplesse dont sait faire preuve le grand orateur républicain. En octobre 1870, Gambetta anime la Délégation de la Défense nationale à Tours, ce qui lui vaut une popularité immense auprès des populations d’Alsace et de Lorraine, qui se savent sacrifiées en cas de défaite de la France. Le comité républicain de Strasbourg le place sur la liste des candidats à l’Assemblée nationale de Bordeaux, et il est élu dans le Bas- Rhin, dans le Haut-Rhin, en Moselle, et en Meurthe. Il acceptera de représenter le Bas- Rhin. Il a pris toute sa part dans la rédaction du texte des protestations de Bordeaux (et c’est aussi lui qui inspirera celle de ses amis protestataires de Berlin en 1874). Il quitte l’Assemblée nationale avec le départ des députés de l’Alsace-Lorraine en 1871. Après la guerre, des capitaux d’industriels alsaciens et l’aide de Scheurer-Kestner lui permettent de lancer « la République française » un quotidien radical où il exerce une influence déterminante. Barral mêle de façon attachante les portraits et les analyses politiques.

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Ainsi de la vie familiale (si l’on peut dire) de ce célibataire ou encore de son talent oratoire, fait de l’enchevêtrement de phrases et d’idées, et de soudains élans de passion, des éclats enflammés et de « beaucoup de fatras », comme le reconnaissait Léon Blum. Barral nous fait relire ses discours, réunis pieusement après sa mort par son ami Joseph Reinach. Gambetta, « le commis voyageur de la République » intervenait dans des banquets, des réunions, répondait à des toasts etc. : beaucoup de fatras. Et puis tout à coup, la formule éclatante : « N’ont-ils pas vu apparaître, depuis la chute de l’Empire, une génération neuve, ardente… » Question 3 fois reprise pour se terminer par le « Oui, je pressens, je sens, j’annonce, la venue et la présence dans la politique d’une couche sociale nouvelle…. ». L’Alsace, Gambetta la place au cœur même du patriotisme français. En novembre 1871 à Saint-Quentin, il dit bien : « ne parlons jamais de l’étranger, mais que l’on comprenne que nous y pensons toujours », en une formule qui conclut sur le devoir de régénération nationale. On croit toujours que la formule s’applique à l’Alsace-Lorraine. Voilà un propos de correctement rectifié. Car dans ce chapitre où Barral analyse « les valeurs fondamentales » qui gouvernent la politique de Gambetta : la Patrie, la République, la laïcité, l’entente sociale, retenons cette citation extraite d’un des discours de Gambetta, prononcé le 9 mai 1872, en réponse à une députation de l’Alsace ;

2 « Car à coup sûr, s’il y avait dans toute la France, une population qui n’eut pas dû être choisie comme victime expiatoire de nos défaillances et de nos lâchetés, c’était celle de l’Alsace et de la Lorraine. S’il y avait un pays qui eut, dans l’histoire de France, sa véritable histoire ; un pays qui eut joué un rôle véritablement national, un pays qui eut inscrit, dans tous les services de la France, sa noblesse et ses titres, c’était à coup sûr l’Alsace et la Lorraine. Ah ! elles n’avaient jamais marchandé leur sang, ces deux provinces chéries ; jamais elles n’avaient compté avec les difficultés qui accablaient la patrie ; jamais elles ne s’étaient demandé, ces deux sœurs jumelles que nous pleurons – en attendant de pouvoir… elles ne s’étaient jamais demandé où était le chemin de l’invasion ; jamais elles n’avaient calculé si c’était du côté de la Provence ou du Nord qu’on entrait en France ; non, elles étaient placées sur la route des envahisseurs, et c’étaient elles que l’ennemi foulait les premières, il passait sur leur corps ; et c’était leurs enfants dans les poitrines étaient trouées les premières. Ah, nobles provinces… toujours dévouées à la France, toujours regardant son drapeau… Oh nous souffrons, disaient elles, mais c’est pour la patrie, nous souffrons mais nous portons en nous le cœur même de la nation… »

3 On ne peut s’empêcher de croire que Barral a choisi de citer ce passage parce qu’il pensait à une autre période plus proche de nous, où l’Alsace et la Lorraine avaient été à nouveau des victimes expiatoires. Et ce faisant, il resitue le rôle central de Gambetta dans la définition des contours du patriotisme française, qui après 1870, fait de l’Alsace et de la Lorraine, « le cœur même de la nation ». On appréciera en conclusion, le chapitre consacré à la mémoire de Gambetta, celle qu’il laissa dans l’opinion française et celle qui ressort de l’œuvre des historiens. Bref, voilà un ouvrage de lecture aérée et substantielle qui passionnera ceux qui ne connaissent pas la biographie du grand républicain, tout comme ceux dont elle remettra à jour les souvenirs.

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Guillaume (Jean-Marie), Bisson (Valérie), Saga missionnaire plus de 400 p., de nombreuses illustrations, format 24 x 30 cm, prix 55 euros

Marc Heilig

RÉFÉRENCE

Guillaume (Jean-Marie), Bisson (Valérie), Saga missionnaire, plus de 400 p., de nombreuses illustrations, format 24 x 30 cm, prix 55 euros, port compris, en s’adressant aux Missions Africaines, 4 rue Le Nôtre, 67000 Strasbourg

1 Créée en 1856 à Lyon par Mgr de Marion Brésillac, la Société des Missions Africaines compta rapidement dans ses rangs de nombreux Pères d’Alsace et de Moselle. Dans les années 1920, elle se divisa en Provinces qui jouirent d’une autonomie assez large.

2 Saga Missionnaire relate les débuts et l’essor de la Province de Strasbourg. Son action, en particulier dans l’enseignement, est intimement liée à la région : le collège des Missions Africaines, à Haguenau, jouit encore aujourd’hui d’une renommée considérable. En Afrique, les Pères de l’Est de la France travaillèrent au Nigeria, au Bénin, au Togo et en Côte d’Ivoire. Ils ouvrirent, souvent dans des contrées défavorisées, des missions dans lesquelles ils associaient l’instruction, les soins médicaux et le développement agricole à leur œuvre d’évangélisation. Ils sont près de 500, de divers villages et villes de la région, qui ont participé à cette grande aventure. Tous sont mentionnés dans ce beau livre, où l’illustration et les cartes soutiennent avec bonheur un texte intelligent et détaillé.

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Benay (Jeanne), J-M. Leveratto (éd.), Culture et histoire des spectacles en Alsace et en Lorraine. De l’annexion à la décentralisation (1871-1946) Peter Lang, Berne, 2005

François Igersheim

RÉFÉRENCE

Benay (Jeanne), J-M. Leveratto (éd.), Culture et histoire des spectacles en Alsace et en Lorraine. De l’annexion à la décentralisation (1871-1946), Peter Lang, Berne, 2005

1 Cet ouvrage de la collection Convergences, dirigée par Michel Grunewald réunit les contributions d’un colloque tenu à l’Université Paul Verlaine de Metz en 2004, à l’initiative de la regrettée Jeanne Benay, professeure de littérature et de culture autrichienne à l’Université de Metz. Le champ géographique des contributions recouvre l’Alsace et les trois départements de la Région Lorraine. Le spectacle, quant à lui recouvre « toute forme d’expression artistique, figée ou mouvante, défilés, cérémonies, théâtre, cinéma, architecture ». L’angle est donc fort vaste et nous amène nécessairement à opérer un choix dans les 21 riches contributions faites dans ce colloque. Les apports de François Roth (Visites impériales et anniversaires impériaux à Metz 1871-1918), Niels Wilcken (l’Architecture publique à Metz 1871-1918) ou encore de Günter Riederer (Culture festive politique, nationalisme et régionalisme dans une région frontalière) n’en sont pas moins importantes, et renvoient à des ouvrages qui ont fait ici l’objet de comptes rendus. La contribution d’Olivier Thomas, le spectacle comme moyen d’évangélisation, l’exemple du Théâtre de la Passion de Nancy (1904-2004) renvoie aux études qui ont été consacrées ou devraient l’être sur les innombrables « Passions » qui ont été jouées dans les paroisses et les maisons religieuses alsaciennes. Suggestives aussi les études consacrées, par Philippe Alexandre

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à Maurice Pottecher, et les débuts du Théâtre du peuple de Bussang, ou encore par Jean-Marc Leveratto et Sandrine Wüttke à « l’industrie sidérurgique et au développement des spectacles en Lorraine au début du XIXe siècle ». Ce théâtre populaire s’insère dans une entreprise d’éducation, proche de l’Université populaire (Leveratto-Wüttke) et s’appuie sur une fédération créée à Gérardmer en 1907, qui avait fondé également un théâtre de plein air au Saut-des-Cuves. Ce qui semble distinguer « le Théâtre du peuple » du Théâtre de la Fauvette de Longlaville près de Longwy : à Bussang, ouvriers et paysans ne sont que figurants des pièces dont Pottecher est l’auteur et si à Longlaville, le répertoire est composé surtout de vaudevilles parisiens, et l’animateur Alfred Brunet semble bien l’auteur de la plus grande partie du répertoire local, le groupe réunit « des acteurs amateurs issus de toutes les classes et de tous les corps de métiers… ». Leveratto et Wüttke poursuivent leur étude jusqu’à l’après-guerre, relatant comment la maison de Wendel va bientôt prendre en charge ces loisirs ouvriers en offrant salles, moyens etc, en une époque où le cinéma va largement relayer le théâtre comme offre de spectacle pour la population (du théâtre en société à la société du cinéma)… Voilà qui fait partie de l’histoire du temps libre ouvrier, et bien sûr de la réduction du temps de travail, et devraient renvoyer aux travaux portant sur l’autre versant des Vosges… ou les susciter.

2 Consacrées plus spécifiquement à l’Alsace, relevons d’abord la contribution d’Annette Daiger sur la « vie culturelle à Haguenau entre 1870 et 1914 ». Dotée d’une salle de théâtre dès 1845, l’offre à Haguenau semble largement dominée par la présence de la garnison française d’abord puis allemande (4 000 hommes en 1914 !). L’étude des programmes nous met en présence d’une vive activité, nourrie surtout par les compagnies qui viennent de Strasbourg, pour y donner des représentations d’opéras ou de théâtre. C’est le répertoire allemand qui domine, mais cela n’étonnera personne, et son succès n’est concurrencé que par le théâtre alsacien de Strasbourg, qui présente à Haguenau des spectacles déjà rodés à Strasbourg.

3 Dominique Huck revient précisément sur « le théâtre alsacien de Strasbourg et la production dramatique de ses fondateurs ». La contribution enrichit le travail de Gall, en ce qu’il insiste sur le débat qu’a suscité le théâtre alsacien. Ainsi Schickelé s’élève contre un théâtre alsacien où les spectateurs ne viennent que pour s’amuser. Mais Greber réplique « Ich bin nämlich nicht der Ansicht, dass sich die elsässiche Mundart nur für komische und satirische Behandlung eignet, ich meine vielmehr, dass sich auch Grosses und Tragisches aus dem unerschöpflichen Brunnen der Volkssprache herausholen lässt ». Stoskopf pour sa part s’en tient à un répertoire centré sur la distraction et l’amusement, mais aussi à la satire politique et sociale, comme en témoigne son « Herr Maire ». Il faudra sans doute revenir sur le répertoire de Greber, l’un des fondateurs du Théatre Alsacien, dont la famille d’Aix-la-Chapelle s’installe en Alsace en 1872, lorsqu’il a 4 ans, et qui sera juge au Tribunal de Hochfelden. Huck relève qu’il n’a pas eu le succès auquel il aspirait. Le travail de Stanley Hoffmann sur « le conflit franco-allemand au Théâtre municipal de Strasbourg, la censure et le public » est une première approche intéressante, qui doit encourager à reprendre toute la question. Passionnante aussi l’étude de Pia Le Moal-Piltzing : « la censure française du cinéma allemand en Alsace-Lorraine (1918-1939) », même si l’on regrette certaines maladresses ou inexactitudes. Ainsi, pourquoi ne pas citer les références de ses sources ? Elle nous présente l’activité de la commission chargée de viser les films qui peuvent être diffusés en Alsace-Lorraine, « compte tenu des intérêts nationaux, de la

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conservation des mœurs et traditions nationales… (1928). Un décret ultérieur de 1934, est publié par les DNS qui précisent à l’attention des exploitants, désireux de diffuser des films allemands, surtout depuis l’avènement du parlant, pour rentabiliser leurs salles la proportion des films français et allemands, à diffuser dans les salles qui varie de 10 à 75 %. Malgré le conflit opposant les exploitants alsaciens aux maisons de location françaises, il semble bien que la majorité des films parlants projetés en Alsace soient allemands. Pia Le Moal-Piltzing nous donne un exemple particulièrement significatif des effets de cette censure. En 1930, le film américain « A l’Ouest rien de nouveau », quasiment interdit de projection par les manifestations nazies en Allemagne a pu être projeté en Alsace dans sa version allemande : les pacifistes allemands venaient à Strasbourg pour le voir. Par contre, le film allemand, « Quatre de l’Infanterie », de Pabst qui ne célèbre pourtant pas les sacrifices des Feldgrau, a été interdit dans sa version allemande : les Alsaciens qui voulaient le voir devaient aller de l’autre côté du Rhin, mais là aussi, sa projection était troublée par les manifestants nazis. Voilà encore de quoi fournir du combustible aux protestations autonomistes du centre, de gauche et surtout d’extrême gauche. C’est donc là une contribution qui fournit un utile complément à la thèse d’Odile Gozillon-Fronsacq sur Cinéma et Alsace (1896-1939), 2003.

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Comptes rendus

Seconde Guerre mondiale

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Igersheim (François) avec la collaboration de Baas (Geneviève), éd., Les Carrefours des Tilleuls. Jeune Alsace résistante, suivi de Baas (Emile), Notre aveugle avant- guerre. Lettres à Materne Strasbourg, Société savante d’Alsace, 403 p., 2008 (Recherches et documents, t. 79)

Georges Bischoff

RÉFÉRENCE

Benay (Jeanne), J-M. Leveratto (éd.), Culture et histoire des spectacles en Alsace et en Lorraine. De l’annexion à la décentralisation (1871-1946), Strasbourg, Société savante d’Alsace, 2008 (Recherches et documents, t. 79), 403 p., 2008

1 Le titre Jeune Alsace résistante donne le sens de ce livre qui comprend en réalité trois ou quatre volets de taille inégale : une longue introduction sur les jeunes réfugiés alsaciens dans l’espace de la « zone libre » entre 1940 et 1944 (p. 5-110), avec des informations souvent neuves, le texte des « Carrefours des Tilleuls » de 1941, 1942 et 1943 (p. 111-200), une mise en perspective de l’esprit de résistance avant et après la libération de l’Alsace (p. 201-290) et, pour finir, l’édition du manuscrit de Lettres à Materne composées par Emile Baas pendant l’automne 1944.

2 L’unité du propos tient à la fois à la personnalité des acteurs de cette histoire – des intellectuels catholiques décidés à faire vivre une certaine idée de leur province – et à une même philosophie de l’action. Les exposés et les notes de F. Igersheim assurent la

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cohérence scientifique de cet ensemble documentaire qu’on peut d’ores et déjà considérer comme l’une des clés de l’histoire contemporaine de la région.

3 Cette aventure est celle d’une génération d’hommes et de femmes dont la conscience s’est façonnée dans l’exil, sous le coup de la débâcle militaire de mai-juin 1940, aussi bien que dans le désenchantement quand elle aura compris la vraie nature du régime de Vichy. Génération refondatrice, surtout, qui travaille pour l’avenir : les centaines de jeunes gens des écoles normales délocalisées en zone libre, les étudiants de Clermont ou d’ailleurs et les réfugiés du même âge, scouts, routiers et soldats démobilisés forment une élite instruite, mieux intégrée à la culture française que leurs camarades exposés à la dictature nazie entre Vosges et Rhin. Ils sont bien encadrés et bénéficient d’institutions qui les soutiennent (le GERAL, p. exemple), avec de véritables appuis dans l’administration et même, dans les services centraux de l’Etat. On pourrait même dire qu’ils disposent déjà d’une série de réseaux.

4 La publication intégrale du rapport du sous-lieutenant Bernard Metz sur la genèse de la Brigade Alsace-Lorraine (p. 225-248) est une des pépites que contient cet ouvrage : ce récit avait été mis par écrit en 1946, pour s’intégrer dans une histoire de la Résistance, mais il n’avait jamais été livré intégralement : des informations factuelles irremplaçables, mais aussi beaucoup de choses sur l’état d’esprit – et le climat de tension – qui règne au moment où se constitue cette unité de combat destinée à prendre part à l’offensive libératrice sous la conduite, un temps contestée, d’André Malraux.

5 Né en 1907, professeur agrégé de Philosophie au Lycée Kléber, Emile Baas est l’une des grandes figures du milieu intellectuel strasbourgeois, et plus précisément, de cette paroisse universitaire éclairée par une sorte de « personnalisme civique » dont les inspirateurs gravitent autour de Jacques Maritain ou des jésuites. Son engagement s’exprime avec courage dès l’été 1940, quand il refuse de prêter le serment d’allégeance exigé par les autorités nazies et décide de rejoindre les réfugiés alsaciens demeurés dans le sud-ouest. Le 11 décembre 1938, en réponse à la « nuit de cristal » organisée un mois plus tôt (et présentée sans grandes réactions par la presse régionale d’Alsace), il avait fait partie des signataires de l’appel contre « les doctrines qui ont donné naissance à un tel déchaînement de barbarie » publié par la Dépêche de Strasbourg (p. 99-100).

6 Nommé au Lycée de Rodez, Baas n’a pas de peine à renouer avec le milieu catholique dispersé en zone libre. Il y retrouve notamment les réseaux issus du scoutisme (p. 52), avec des hommes comme Pierre Schaeffer, Bernard Metz, Schmidt-Le Roi ou Pierre Stahl, qui dirige le « bureau du jeune réfugié » et recourt volontiers à ses conseils.

7 Son action militante s’exprime sur le terrain de la refondation morale, maréchaliste d’abord, mais circonspecte à l’égard du régime de Vichy, puis franchement résistante, dans le courant du Témoignage Chrétien (dont il est un correspondant efficace). Elle s’attache plus spécialement aux enseignants qui gravitent dans l’orbite de l’Académie de Strasbourg repliée à Périgueux et aux élèves des écoles normales catholiques. C’est à leur intention qu’il organise des « universités d’été », les Carrefours des Tilleuls, qui tirent leur nom d’un centre de formation (ou de récollection) fondé par Mgr Saliège aux environs de Saint-Bertrand de Comminges. A trois reprises en effet, fin août-début septembre 1941, 1942 et 1943, Emile Baas anime ces journées d’études dont les conclusions sont multigraphiées et diffusées à plusieurs centaines d’exemplaires. Le

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programme porte sur la politique à mettre en œuvre à l’attention de la jeunesse alsacienne lorsque l’Alsace aura été libérée des nazis : il s’agit d’une réflexion de fond sur la nature des mouvements de jeunesse dans leur rapport au politique et sur le rôle de l’éducation dans la « décontamination » de l’école et de la société. Les analyses du totalitarisme hitlérien s’appuient sur une excellente connaissance de ce qui se passe en Allemagne entre 1933 et 1939 et sur des informations de première main sur l’annexion de fait (p. 123 et suiv.) : Baas met à la disposition de ses auditeurs une véritable anthologie des textes fondateurs, Mein Kampf et Rosenberg notamment : « on fait d’un ci-devant chrétien une belle brute païenne écrasant du haut de son orgueil les races inférieures » (p. 157). Le philosophe strasbourgeois écrit ces fortes pages au moment où Martin Heidegger parade à la Reichsuniversität de Strasbourg.

8 Le troisième et dernier Carrefour des Tilleuls revient sur le pluralisme imparti aux mouvements de jeunesse et porte, en filigrane, la critique des évolutions en cours dans la France de Vichy, « l’Etat actuel ». « Le retour de nos provinces à la France inaugurera pour la vie intérieure de l’Alsace et de la Lorraine une violente rupture avec un état de choses existant en fait… Il y aura un instant la déroute des esprits puis il faudra se mettre à faire du neuf » (p. 125). Convaincu que « dans les années 40, l’Alsace et la Lorraine seront parvenues par les luttes héroïques qu’elles auront eu à soutenir à prendre de soi une conscience encore plus aiguë », Emile Baas insiste sur la combinaison féconde de l’humanisme chrétien, du patriotisme français et du régionalisme.

9 Comme on le sait, la relève politique de 1945 prendra un chemin différent, mais les idées forgées par ces années d’exil n’en resteront pas moins vivantes. Emile Baas les reprendra dans ses Lettres à Rémy sous le titre de Situation de l’Alsace, un exposé profond et nuancé de ce qu’il appelle le « paradoxe alsacien » à l’attention du public français « de l’intérieur ».

10 Jusqu’à la présente publication des Lettres à Materne, dont François Igersheim donne le sens en les intitulant « Notre aveugle avant-guerre », on ignorait qu’il en avait composé un volet symétrique destiné au lectorat alsacien de tendance « autonomiste ». Là encore, la réflexion suit une logique démonstrative bien huilée qui permet de saisir les enjeux d’une réintégration douce aux lendemains de la libération. Le bilan politique et moral qui constitue les deux tiers de l’exposé est un modèle de lucidité, parfois un peu trop lisse par manque d’exemples très ciblés, mais, sur le fond, implacable. C’est « l’examen de conscience d’un Alsacien », un peu à la façon de l’étrange défaite de Marc Bloch. On y lira de vigoureuses critiques du parti catholique, et de la médiocrité des élites politiques, et des pages parfois féroces sur la presse locale. Le manuscrit avait été écrit au cours de l’automne 1944. Il était resté inédit, par retenue, peut être, pour ne pas accabler ses compatriotes, ou peut être aussi, parce que l’histoire était allée plus vite que prévu.

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Wahl (Alfred), Les résistances des Alsaciens-Mosellans durant la Seconde guerre mondiale (1939-1945) Actes du colloque organisé par la Fondation Entente Franco-allemande à Strasbourg les 19 et 20 novembre 2004, Avant-propos d’André Bord. Centre Régional Universitaire Lorrain d’Histoire, site de Metz, Metz, 336 p., 2006

François Igersheim

RÉFÉRENCE

Wahl (Alfred), Les résistances des Alsaciens-Mosellans durant la Seconde guerre mondiale (1939-1945), Actes du colloque organisé par la Fondation Entente Franco- allemande à Strasbourg les 19 et 20 novembre 2004, Avant-propos d’André Bord. Centre Régional Universitaire Lorrain d’Histoire, site de Metz, Metz, 336 p., 2006

1 Les Actes de ce colloque, de novembre 2004, s’articulent en cinq parties. La première partie aborde « les résistances en Alsace-Lorraine », la seconde « les résistances hors de l’Alsace-Lorraine », la troisième le cas de M-J. Bopp ou la « Resistenz », la quatrième, les témoignages individuels, autant de cas types ou d’itinéraires… Enfin la quatrième fait le point sur l’activité des Associations pour des études sur la résistance intérieure des Alsaciens et Mosellans (AERIA et AERIM).

2 Le débat mené entre François Marcot et Alfred Wahl sur la possibilité d’appliquer à l’Alsace et à la Moselle, la définition de la résistance adoptée par le droit positif français puis par les historiens est fort important. On sait que l’ordonnance du 9 février 1943 qui institue la Médaille de la Résistance visait à « reconnaître les actes remarquables de foi et de courage qui, en France, dans l’Empire et à l’étranger, auront contribué à la

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résistance du peuple français contre l’ennemi et contre ses complices depuis le 18 juin 1940 ». Une ordonnance de janvier 1944 ne faisait qu’expliciter ces termes, en y rajoutant la participation à la propagande contre l’Axe, et aux Forces Françaises en guerre ». François Marcot, qui pilotait alors la rédaction collective de l’important Dictionnaire historique de la Résistance (Bouquins, Lafont 2006), s’appuie sur la définition donnée en dernier lieu par Pierre Laborie, et reprise dans le Dictionnaire. L’acte de résistance est défini par 3 critères : 1) la volonté de nuire à un ennemi identifié comme tel, à l’occupant, ou au collaborateur à son service 2) la conscience de résister, de participer à une expression collective, par un choix volontaire, avec la conscience du risque et du sens de la lutte 3) un engagement dans l’action lié à des pratiques de transgression. Soucieux d’intégrer la résistance dans la société de son temps, comme processus socio-culturel, Marcot admet que pour l’Alsace et la Lorraine annexées, il faille prendre en compte outre la définition de Widerstand, qui a pour but de lutter contre le régime pour le renverser, les définitions allemandes de Resistenz, dont la palette est assez vaste, c’est à dire d’opposition défensive, plus ou moins publiquement exprimée (Protest) ou de déviance par non-respect ou contestation plus ou moins collective (Dissidenz, Dissens) des opinions, de partie des doctrines ou des règles diffusées ou imposées par la dictature (M. Brozsat). Compte tenu de la mainmise du régime national socialiste sur l’Alsace, des actes qui à Paris ne seraient pas en soi des actes de résistance, comme d’assister en simple participant ou badaud à la manifestation du 11 novembre 1940, le sont incontestablement en Alsace, ainsi la manifestation du 14 juillet 1941 à Hochfelden. Alors que l’attitude de Bopp pourtant Studienrat d’un gymnase national-socialiste et Blockleiter de l’Opferring. qui tient un journal oppositionnel en secret est celle d’un « Dissident ».

3 Venons-en à présent aux contributions. Les Actes s’ouvrent sur une contribution de Françoise Olivier-Utard, titrée « la Résistance ouvrière en Alsace ». L’auteur la cantonne au PCF et à la CGT – ex U –, l’exclusive étant jetée expressément sur la SFIO. Le sujet n’est pas facile, s’agissant d’un parti enraciné dans la classe ouvrière alsacienne, pour une histoire qui va du congrès des « ouvriers et paysans » de 1925 proclament le droit du peuple alsacien à l’autodétermination et à l’indépendance jusqu’à ce « Heimat unterm Hakenkreuz » écrit par l’un des derniers dirigeants de la Résistance alsacienne, Georges Mattern, où le mot « Heimat » n’est pas choisi au hasard, dont les embardées politiques sont si marquées et l’historiographie si lacunaire.

4 La contribution s’articule en deux grandes parties : les formes d’action et la chronologie de l’action des communistes. Elle se structure en quelques étapes : Répression par les autorités françaises en 1939-1940, puis par les autorités nazies, début de la résistance, arrestations massives au printemps 42, temps des procès en 1943, exécutions des condamnés, juillet 1943, dernière vague d’arrestations en août 1944 de ceux qui avaient pris le relais). Les formes de l’action : presse clandestine, sabotages, passeurs. Les deux bastions professionnels de la résistance communiste : les cheminots, et les mines de potasse. La presse clandestine s’en tiendrait jusqu’à la fin de 1943 à la ligne du parti communiste pour l’Alsace-Lorraine : celle d’une Alsace-Lorraine libre et indépendante.

5 Et l’auteur affirme : « La résistance ouvrière n’a pas été d’essence patriotique ». Voilà d’abord l’un des grands inconvénients de l’utilisation du mot « ouvrière » pour « communiste ». Qu’est-ce qui autorise cette généralisation ? Ces orientations autonomistes du PC n’expliqueraient-elles pas l’anticommunisme « trop fort » qui est précisément un obstacle majeur à « l’union avec les autres mouvements de résistance »

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(p. 44). Mais la formule nous paraît excessive, s’agissant de qualifier la résistance du PC alsacien lui-même.

6 Certes, l’auteur a raison de relever que nombre de lacunes de la recherche restent à combler. Encore faut-il tenir compte de tous les acquis. On sait bien que la ligne du parti communiste alsacien n’est plus exclusivement autonomiste en 1939 ; le Mulhousien Rosenblatt a prôné l’union avec le peuple de France en 1937, pratiqué les alliances de Front Populaire jusqu’en mai 1939. A Strasbourg, la Stimme des Jungen Elsass, organe des Jeunesses communistes alsaciens et lorrains, rédigé en allemand soutient le député Daul. En janvier 1939, on y lit sous la manchette « 1789-1939 », la proclamation « Wir sind die Junge Generation », et l’attachement affirmé à la « Heimat, [« Wir lieben unser schönes, reiches Elsass » … Wir haben das Recht auf Arbeit… Wir haben das Recht auf Freiheit »], et la conclusion : Wir wollen würdig sein unserer Väter, die unter die Klängen der Marseillaise, ihre Freiheit, ihre Zukunft erkämpften. 150 Jahre nach dieser heroïschen Zeit unserer Heimat, ertont unsere Stimme des Jungen Elsass für das Freiheit, für den Frieden, für die Einigkeit und das Recht der jüngen Generation ». Les jeunes communistes ne faisaient ils pas leurs, cette référence au passé révolutionnaire de l’Alsace, même en tenant compte de l’ambivalence des énoncés programmatiques ? Les retombées du Pacte germano-soviétique d’août 1939 dans l’opinion publique alsacienne et dans les rangs du PC alsacien ont rudement secoué le parti alsacien. Un pacte Hitler-Staline, dans une région qui était aux frontières de l’Allemagne nazie ? L’Alsace et la Moselle n’avaient-elles pas fourni un des plus forts contingents aux Brigades Internationales en Espagne ? Autre lacune, qui a trait au « travail de mémoire ». Il n’aurait pas été suffisamment fait par les communistes alsaciens après la Libération. Mais quelle mémoire aurait-on du célébrer ? Celle des martyrs de la « Volksrepublik Elsass-Lothringen » ? A partir de 1945, le culte rendu aux martyrs de la résistance communiste alsacienne, torturés et exécutés deux ans auparavant seulement, est celui rendu à des résistants patriotes morts pour l’Alsace française, tout aussi français que tous les martyrs de la résistance communiste française. N’aurait-on pas dû souligner fermement cette mutation fondamentale, qui ne portait pas atteinte à la « mémoire » de résistants antifascistes !

7 Pierre Schill nous livre une belle évocation de Jean Burger, instituteur antifasciste et communiste de Moselle, animateur du groupe résistant communiste « Mario » mort à Nordhausen le 3 avril 1945, après guerre « référence mémorielle » du PC mosellan. Avec les Passeurs mosellans, François Petitdemange nous présente une des principales activités des groupes résistants alsaciens et mosellans : les « passeurs. Ils font l’objet d’analyses plus fines récemment, que résume bien Petitdemange. L’on distingue les passeurs sédentaires, qui habitent des régions frontalières et connaissent bien le pays et les moyens d’éviter postes et patrouilles, ou itinérants, essentiellement des cheminots. Au début, le passeur est « occasionnel », mais bientôt il est intégré dans « une filière » et dans un réseau. Les grands réseaux mettent bientôt en place des filières propres, salariant des spécialistes, qu’ils mettent à l’abri s’ils sont brûlés. Paradoxalement, l’activité des passeurs n’est pas reconnue comme acte de résistance, sauf pour ceux qui ont fait partie d’un réseau reconnu.

8 Pia Nordblom, dans une contribution hypercritique, analyse la production de Camille Schneider, qui publie pendant la guerre le journal résistant clandestin, « l’Alsace ». Il paraît en 37 numéros à périodicité irrégulière du 11 novembre 1940 au 19 novembre 1944. Rédigé en français tout d’abord, puis en allemand, il se réclame de

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l’appel du général de Gaulle. Son attitude générale se définit par ce titre de son éditorial du N° de 1940, « attendiste ». Les Alsaciens doivent « attendre la Libération ». Son rédacteur se fit connaître après la guerre, il s’agit de l’homme de lettres et professeur Camille Schneider, co-fondateur de la Société des Ecrivains d’Alsace, qui entreprend la re-publication de son journal (1946), puis en fait une seconde édition en 1948, en affirmant qu’il était le témoignage de « la manière de penser et de se taire de la grande majorité des Alsaciens ». L’ennui, c’est que ce journal resta tout à fait inconnu des autorités allemandes. Ce qui amène Pia Nordblom à se demander si l’activité de Schneider relève de l’un des critères de « la résistance », la participation à une entreprise collective pour mettre fin à la dictature nationale-socialiste. Ce fut mieux que rien, conclut-elle, mais est-ce que cela a été suffisant ? Eugène Riedweg nous livre une contribution sur « la Résistance des Incorporés de Force » ; il en avait développé les thèmes dans son « Les Malgré-Nous ». Auguste Gerhards fait une première présentation des victimes de la justice militaire du IIIe Reich, qu’il développera en 2007 dans son « Morts pour avoir dit Non ». La contribution de Léon Strauss – Des Alsaciens dans la Résistance Intérieure (Hors d’Alsace) est plus qu’une synthèse des différents groupes dans lesquels s’engagent les réfugiés alsaciens ; il évoque de façon fort documentée la résistance clermontoise, en particulier étudiante. Après Bernard Veit (De la Septième colonne d’Alsace aux FFI d’Alsace), Bernard Metz fait un historique de la Septième colonne d’Alsace. Bernard Veit se concentre sur le GMA (Groupe mobile Alsace) Vosges, que commanda Kibler-Marceau ; Bernard Metz relate de façon magistrale l’histoire complète des GMA, puis à partir du débarquement, se concentre sur le GMA Sud, (Dordogne et Toulouse) qui vont fusionner dans la Brigade Alsace-Lorraine. La publication de son rapport du 1er avril 1946, pour un historique de l’ORA qui ne parut jamais, dans « les Carrefours des Tilleuls, Jeune Alsace résistante » paru cette année, nous autorisera à ne pas approfondir ce récit. La confrontation des deux textes permet d’établir combien la mémoire de B. Metz est restée sûre, à soixante ans de distance. Il faudrait y rajouter le témoignage de Jean- Pierre Spenlé, pour disposer d’un aperçu de la constitution et de l’activité du GMA- Suisse commandé par Ernest Georges, qui refusera de rejoindre la Brigade Alsace- Lorraine, désapprouvant le choix de Malraux opéré par les chefs du GMA Sud.

9 Le « journal de Bopp » n’est publié partiellement qu’en 1978, par Béné, et attend 2005 pour sa publication par N. Stoskopf et M-C. Vitoux, qui le présentent au cours du colloque. C’est un témoignage irremplaçable sur l’opinion colmarienne pendant la guerre, dressé par un « dissident de l’intérieur », pas un résistant.

10 Les témoignages de Kleinmann (La Main Noire), Marthe Gress-Oltra (Agent de liaison en Alsace), Jean Laurain (de l’évasion aux campagnes de Tunisie, de France, d’Allemagne du Sud et d’Autriche) de Raymond Olff (Résistant de l’Intérieur), François Beck (l’Ecole Normale d’Obernai repliée à Solignac, Haute-Vienne de 1939 à 1945) de Jean Claus (Clandestinité et Brigade Alsace-Lorraine) de Francois Joseph Fuchs (Histoire d’Evasion), de Jean Koenig (Incorporé de force évadé), évoquent les itinéraires et d’actes résistants réels, dont les historiens se sont efforcés de dresser les typologies… sans toujours parvenir à les faire entrer dans le moule.

11 Concluant cependant, le débat entre Marcot et Wahl : la résistance des Alsaciens doit être probablement mesurée à l’aune adoptée pour les régimes totalitaires, et tout particulièrement par l’historiographie allemande.

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Simon (André), Kibler Marcel. (Alias commandant Marceau) raconte la Résistance Alsacienne Propos recueillis par André Simon, Jérome Do Bentzinger, 264 p., 1er trimestre 2008

François Igersheim

RÉFÉRENCE

Simon (André), Kibler Marcel. (Alias commandant Marceau) raconte la Résistance Alsacienne, propos recueillis par André Simon, Jérome Do Bentzinger, 1er trimestre 2008, 264 p.

1 L’organisation qui a pris en fin de compte le nom de « la Résistance alsacienne », a joué un rôle important dans l’histoire de l’Alsace. Elle a réuni les Alsaciens de la France de l’Intérieur, dans les GMA, qui voulaient que l’Alsace soit libérée par les Alsaciens, et on y a rattaché les FFI d’Alsace (mars 1944), dont on aurait tort de sous-estimer le rôle. « Marceau » a été son dernier chef. Il y avait quatre ensembles de sources pour l’histoire de ce/ces réseaux, rattachés dès 1943 à l’OMA, puis ORA. Au Service historique de la Défense, les fonds des historiques des unités de la résistance, dans les fonds des correspondants du Comité d’histoire de la Seconde guerre mondiale aux Archives Nationales, un autre jeu d’historiques et de témoignages ; aux archives départementales du Bas-Rhin, les enregistrements des interviews opérés en 1982 par Léon Mercadet pour son ouvrage sur la Brigade Alsace-Lorraine, où se déploie la chaleureuse voix, à l’accent alsacien si fort, de Kibler, enfin, les souvenirs laissés par Bernard Metz, dont le plus important était à présent la contribution qu’il avait donnée au colloque organisé par la Fondation franco-allemande de 2004 sur la Résistance alsacienne, publié en 2007 et dont nous faisons le CR, ici-même, et son rapport d’avril 1946, publié dans « les Carrefours des Tilleuls ».

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2 Voici que s’y rajouteraient les souvenirs dictés de Kibler, recueillis et publiés par son neveu, André Simon. Disons le d’entrée de jeu, cet ouvrage n’est pas convaincant et ne répond guère au pieux souhait de son auteur. Un tri s’imposera de toute évidence. Les « historiques » établis par d’Ornant (Marchal) et Kibler (Marceau) dès décembre 1944 seront les plus probants. Certes ils n’ont pas la verdeur des souvenirs dictés ici par Kibler. On ne s’arrêtera donc pas aux innombrables erreurs qui parsèment le texte et qui sont dues au choix de l’auteur qui a décidé de publier tels quels les propos du chef de la « Résistance alsacienne » tenus un demi-siècle après les évènements. Les commentaires de Simon en notes de bas de page sont encore plus étonnants. Ainsi, cette rencontre de Kibler et Dungler avec un personnage non-identifié qui leur demande un acte d’allégeance au général de Gaulle et qui s’avère être Jean Moulin dont « les journaux publient quelques jours après son arrestation la photo en première page ». On savait l’état-major de la 7e Colonne faite d’hommes d’extrême droit : on nous confirme ici que ce groupe s’est constitué dès le Front populaire et pour lutter contre lui. Ernest-Charles Georges, ingénieur à la Manurhin à Cusset est resté le grand inconnu de cette aventure et tous les renseignements, (et la photo) qui nous sont donnés dans l’ouvrage sont précieux. On souhaiterait enfin une biographie de cet étonnant personnage. Il est des évocations dont il faudra tenir compte. Que Kibler n’ait jamais été gaulliste est bien connu : on ne s’étonnera pas des opinions qu’il émet. Il admire Leclerc, et le récit de la rencontre du 15 novembre, à Baccarat, avec Leclerc, qui souhaite connaître les effectifs des FFI d’Alsace, avant de foncer sur Strasbourg, est un des passages importants de l’ouvrage. Par contre, il déteste Malraux, en affichant pourtant l’indifférence, et n’a pas pardonné à Metz, le rôle qu’il a joué dans la nomination du chef de la Brigade Alsace-Lorraine, et sans doute moins encore à Bockel, parce que Thannois et considéré comme l’un des principaux thuriféraires de Malraux.

3 L’intention de l’ouvrage, Simon la livre dans les dernières pages. Pour lui « la Résistance Alsacienne » a été quelque peu oubliée et son importance réduite. Car « la résistance alsacienne est connue par la Brigade Alsace-Lorraine, émanation directe du GMA-Sud, indissociable de la personnalité médiatique de Malraux et compte tenu du profil de ce dernier, communiste puis gaulliste. Il s’agit d’une image bien altérée ». On savait que le débat autour de la personnalité de Malraux se poursuivait dans les rangs bien éclaircis des anciens de « la Résistance alsacienne ». Allons ! « La Résistance alsacienne » dont a fait partie aussi la Brigade Alsace-Lorraine n’a pas été oubliée, pas plus que ne l’a été son chef, Marceau-Kibler. Mais publier « l’historique de la Résistance alsacienne », écrite en 1950 par d’Ornant et Kibler aurait sans nul doute bien mieux servi l’intention du neveu de Marceau.

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Pfister (Gérard) dir., Marcel Weinum et la Main Noire Ed. Arfuyen, s.l. [imprimé à Mesnil sur l’Estrée], 208 p., nov. 2007

François Igersheim

RÉFÉRENCE

Pfister (Gérard) dir., Marcel Weinum et la Main Noire, Ed. Arfuyen, s.l. [imprimé à Mesnil sur l’Estrée], nov. 2007, 208 p.

1 C’est un devoir de piété qu’accomplissent Gérard Pfister et Marie Brassart-Goerg qui réunissent en un beau volume les témoignages relatifs à la Main Noire, ce petit réseau de jeunes héroïques, qui perpétra le seul attentat contre le Gauleiter Wagner qui eut lieu pendant la guerre. Ils réunissent les témoignages déjà publiés, particulièrement dans le t. IV de Béné, paru en 1978, consacrés à ce réseau, mais aussi dans d’autres publications plus difficiles d’accès. Ce volume prend place dans « La collection des Maîtres spirituels » éditée par Arfuyen. On ne peut que s’incliner devant ce travail, où l’on témoigne de la détermination de jeunes Alsaciens à entreprendre, malgré l’ampleur de l’appareil totalitaire de répression qui déjà enserre l’Alsace, la résistance contre l’occupant.

2 Pour quelles raisons l’historien reste quelque peu sur sa faim ? Non pas parce que tous les textes publiés le sont dans une traduction française. L’historien de l’Alsace reproduit suffisamment de sources en traduction française, pour le reprocher à d’autres. Sauf si… il s’agit d’une publication de sources, où le texte doit être publié en original doublé de sa traduction. Disons donc qu’on aurait aimé voir la version originale de certains textes, publiés ici. La publication ne souffre-t-elle pas trop d’absence de contextualisation ? « Croisade des enfants » que l’action de Weinum et de ses compagnons ? On n’est pas convaincu de la référence, pas plus que celle que produit le préfacier Alfred Grosser, évoquant les jeunes Scholl.

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3 Certes, les membres du groupe de la « Main Noire » sont pour la plupart des catholiques fervents, élèves ou anciens élèves de collèges catholiques. Mais ils sont aussi, c’est le cas de Weinum et de René Kleinmann, des aspirants officiers français. Nous sommes donc bien devant des représentants de cette génération de jeunes catholiques alsaciens, marqués par leur engagement dans les cadres de la jeunesse française, comme les routiers scouts de Saverne, ou les jeunes étudiants du Front de la Jeunesse d’Adam, ou les jeunes jocistes que le curé Neppel réunit autour de lui. Ils ont été pour une partie d’entre eux évacués et sont rentrés avec leurs parents. Pourtant, et cela est remarquable, Weinum écrit en allemand à ses parents (lettres transmises en cachette, et traduites par J-J. Bastian), ce qui pourrait démontrer que les parents lisent mal le français (et que Weinum écrit bien l’allemand ?). Il est dommage que l’on n’ait pas respecté la langue utilisée par Weinum lui-même. Sa dernière lettre transmise en cachette a-t-elle été rédigée en français ? Bien entendu, la lettre du 13 avril qui devait passer par la censure a été rédigée en allemand et ne fait pas allusion au patriotisme ardent qui anime Weinum, mais à sa foi. La dernière lettre de Guy Môquet a suscité de nombreux commentaires. On pouvait ne pas s’y référer ; pourtant les commentaires qui l’avaient accompagnée et qui portaient sur les dernières lettres de jeunes condamnés à mort, avaient été importants pour en éclairer le sens. Mais ne devait on pas citer aussi une dernière lettre fort émouvante elle aussi, du jeune condamné à mort communiste, Réné Birr, exécuté un an plus tard à Stuttgart, qui a été publiée dans l’ouvrage, pratiquement introuvable aujourd’hui, de Mattern, Heimat unterm Hakenkreuz, de 1953. Reste un mystère qui ne sera probablement jamais élucidé. Alors que tout le monde est arrêté en juillet 1941, que les « chefs » sont incarcérés en août 1941, on attend 6 mois avant d’exécuter Sieradski, sans procès. L’exécution pour résistance « wegen Widerstandes » – terme ambigu, qui peut désigner aussi bien la résistance à ses gardiens que la résistance en général – est annoncée par un communiqué publié en première page des Strassburger Neueste Nachrichten du 16 décembre 1941. Le communiqué émane du Reichsführer SS en personne, soit Heinrich Himmler. Visiblement, la SS a isolé le cas de Sieradski, « ehemalige polnische Staatsangehörige » [il n’existe alors plus de Pologne], et en a fait le chef « Rädelsführer » d’une petite bande, qui devait être exécuté sans jugement, car les autres attendent d’être poursuivis devant les tribunaux ». Pour Sieradski, une sorte d’affiche rouge !

4 Le procès des autres membres du réseau eut lieu à huis clos trois mois plus tard, à partir du 27 mars 1942. Les avocats, qui auraient renseigné Bopp (Journal), relatent que le Gauleiter aurait voulu éviter une condamnation à mort mais se prit de bec avec le Président du Sondergericht qui s’y refusa. Il est vrai que le 21 mars 1942, Hitler s’était plaint du laxisme des magistrats. Le 31 mars 1942, Weinum est le seul condamné à mort, les autres écopant de peines de prison allant de trois ans pour l’un d’entre eux à trois mois et pour la plupart d’entre eux, ces peines sont purgées par la préventive. Ils n’en furent pas moins incarcérés au camp de Schirmeck jusqu’à leur incorporation de force : voilà ce que nous avait appris Bené. Utile par contre, le rappel des efforts faits par les survivants de la « Main Noire » pour que le souvenir du sacrifice de ces jeunes résistants, sur le sol alsacien, ne soit pas oublié. L’ouvrage que publie Gérard Pfister constitue à cet égard un témoignage important.

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Das Deutsche Archivwesen und der Nationalsozialismus 75 Deutscher Archivtag 2005 in Stuttgart, Essen, 2007

François Igersheim

RÉFÉRENCE

Das Deutsche Archivwesen und der Nationalsozialismus, 75 Deutscher Archivtag 2005 in Stuttgart, Essen, 2007

1 L’Archivtag (Congrès des Archivistes allemands) de 2005 a été consacré à l’histoire des archives allemands sous le national-socialisme. Le congrès commence par une importante communication de Wolfgang Ernst sur la technologie des archives sous le national-socialisme et en particulier sur l’essor des fichiers mécanographiques, nouvelle archive et traitements automatiques nouveaux. L’accent est mis sur les fichiers des recensements et les sous-fichiers juifs, qui furent utilisés pour la politique d’extermination, en liaison avec d’autres fichiers logistiques : ceux des chemins de fer, ceux de l’économie de guerre. Une grande importance est accordée aux archives généalogiques, extrêmement sollicitées pour les certificats d’aryanité.

2 Le congrès aborde également la question de la protection et du pillage des archives dans les territoires occupés, de l’Est et de l’Ouest (la France).

3 La communication du professeur Konrad Krimm (General Landesarchiv Karlsruhe) sur les archives d’Alsace pendant l’annexion de fait : Karl Stenzel und die « oberrheinischen Staatsarchive, Deutsche Archivpolitik im Elsass 1940-1944 (p. 195 à 208) retient plus spécialement l’attention de la RA. La recherche de Krimm est fondée sur les archives de service des Archives Départementales du Bas-Rhin (rapports de Woytt et d’Emile Herzog du printemps 1945) ainsi que sur la procédure en dénazification qui a visé Stenzel, classée en 1948, puisque Stenzel est mort en mars 1947 et qui est conservée à Karlsruhe. Elle n’a pas manqué d’évoquer ce que les Allemands appellent des « Persilscheinen » ou certificats de blanchiment, d’anciens collègues. Les

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Archives départementales du Bas-Rhin avaient été évacuées à Périgueux et celles de Colmar, à Auch, faute de locaux à Agen, siège de la préfecture du Haut-Rhin. Leur retour avait été exigé par les autorités allemandes dans le cadre de l’application de l’armistice et il a eu lieu progressivement de 1940 à 1943, ce qui a fait l’objet d’une étude de Wolfgang-Hans Stein, in Michel Espagne, éd., Archiv und Gedächtnis, Studien zur Interkulturellen Uberlieferung, Leipzig 2000 ; et Torsten Musial, Deutsche Archivare in den besetzen Gebieten 1939 bis 1945, in Archive und Herrschaft, Referate des 72 Deutschen Archivtags 2001 in Cottbus. Siegburg 2002. Krimm ne revient pas sur ces études ; son objectif est d’apporter un éclairage sur la politique de Stenzel. Ce dernier, Allemand né à Strasbourg et qui avait fait ses débuts d’archiviste rue Fischart, avait été expulsé en 1919. Il est directeur du GLA en 1939 et Robert Wagner lui confie la mission de mettre sur pied un Landesarchiv, ou Reichsarchiv du nouveau Gau Baden- Elsass à Strasbourg. Son premier mouvement est de réunir les AD du Bas-Rhin et celles du Haut-Rhin, mais le projet est bloqué à Berlin par le directeur général des Archives du Reich, et par les vives protestations des Colmariens… et des Fribourgeois. Par contre, Stenzel installe son administration dans un immeuble saisi 10 avenue de la Forêt Noire, où doivent également s’installer les locaux de l’Oberrheinische Historische Kommission et ainsi que ceux du « Verband der Oberrheinischer Geschichts und Altertumsvereine ». On sait peu de choses sur l’administration des archives pendant la guerre, l’hypothèse la plus vraisemblable est que les dossiers ont été détruits en 1944. Une grande partie des informations données par Krimm reposent sur les rapports donnés par Woytt, administrateur provisoire des Archives en février 1945 et par Herzog. Le rôle de trois personnalités est analysé et critiqué : celui de Jean Rott à Auch, Strasbourg et Karlsruhe, de Helmut van Jan, archiviste à Colmar, décrit comme hautain et arrogant », par Herzog, enfin celui de Charles Wittmer, bibliothécaire de la ville de Colmar. Mais même Herzog reconnaît que malgré les torts évidents qu’il leur impute, ils réussirent un tour de force, celui de mettre à l’abri au Fort Desaix, les fonds des archives de Strasbourg et de Colmar et ainsi de les sauver, en particulier d’une évacuation vers l’Allemagne, Karlsruhe, ou les mines de Heilbronn, où sont stockées les archives de Karlsruhe. Les notices NDBA consacrées à ces personnages sont fort bienveillantes, écrit Krimm. Mais enfin, c’est comme pour tout le reste de la période nazie : les jeunes ont interrogé trop tard et les vieux ont trop peu raconté. Bref, une contribution importante, qui encourage à reprendre la recherche et en particulier à être à propos du nazisme et de ses complices volontaires ou non, aussi salubre que l’est la recherche allemande, comme le démontre à nouveau la contribution de Krimm.

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Bloch (Jean Camille), Juifs des Vosges 1940-1944, 1 200 martyrs presque oubliés préface de Christian Poncelet et de Micheline Gutmann, Editions Jean Bloch, Barr, 537 p., ill., 2007

Jean Daltroff

RÉFÉRENCE

Bloch (Jean Camille), Juifs des Vosges 1940-1944, 1 200 martyrs presque oubliés, préface de Christian Poncelet et de Micheline Gutmann, Editions Jean Bloch, Barr, 537 p., ill., 2007

1 Après le Memorbuch de René Gutman en 2005 et le Mémorial des Juifs du Haut-Rhin de Jacky Dreyfus et de Daniel Fuks en 2006, le livre de Jean Camille Bloch vient à point nommé exposer son approche sur les Juifs des Vosges entre 1940 et 1944.

2 À partir de documents d’archives et de témoignages, il fait œuvre d’historien et travaille pour la mémoire.

3 L’ouvrage est composé de deux parties inégales ayant pour titre : « Le processus d’élimination » (p. 23-244) et « le martyrologue-1940-1944 » (p. 245-531).

4 Dans la première partie constituée de dix chapitres, l’auteur fait d’abord un bref historique de la présence juive dans les Vosges de 1773 à 1939. Le chapitre deux est consacré aux recensements du 31 octobre 1940 et du 20 juin 1942 qui apparaissent comme une politique d’éradication des familles juives des Vosges prises dans le piège élaboré par les nazis et perfectionné par l’administration du gouvernement de Vichy. Le chapitre suivant, souligne trois mesures discriminatoires : le marquage des commerces juifs, des cartes d’identité et le port de l’étoile jaune, mesure intervenue à la suite de l’ordonnance allemande du 29 mai 1942. Par exemple, le maire de Martinville (p. 56-57) remet l’étoile Jaune le 28 juillet 1942 à Albert Lazard, né en 1881 à Courcelles-

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Chaussy, ancien courtier en bestiaux et à Madame Eugénie Lazard, née en 1893 à Metz. Un mois plus tard, les époux Lazard sont incarcérés au camp d’Ecrouves, transférés à Drancy, puis exécutés à Auschwitz en septembre 1942. L’auteur évoque le rôle de trois banques, la Barclays Bank, la Treuhand und Revisionstelle et la Caisse des dépôts et consignations. Elles jouent un grand rôle dans la spoliation des biens juifs des Vosges (Blum et Compagnie, tissus à Neufchâteau, Weiller, meubles à Saint-Dié, Robert Lévy, déchets de coton à Fresse-sur Moselle etc.). Jean-Camille Bloch propose ensuite le journal des arrestations (p. 117-213) entre juillet 1942 et octobre 1944. 1 223 personnes au minimum ont fait l’objet d’une arrestation : 742 familles juives habitant ou réfugiées dans les Vosges, 334 familles juives rescapées des ghettos polonais, transférées au camp de Vittel, parmi lesquelles le grand poète yiddish Ytzkhak Kacenelson, 74 personnes familles juives vosgiennes réfugiées en dehors des Vosges et 73 familles arrêtées en un lieu inconnu. Sur les 964 déportés juifs des Vosges, arrivés dans des camps d’extermination dont 900 Juifs au camp d’Auschwitz, seuls 8 survivants ont été identifiés.

5 Dans la deuxième partie, Jean Camille Bloch dresse, à partir de centaines de documents conservés aux Archives départementales des Vosges (cotes 3W 1), le martyrologue des 1 200 Juifs des Vosges entre 1940 et 1944. Ce travail méthodique par ordre alphabétique précise le lieu de naissance, le nom des parents, le nom de l’épouse s’il y a lieu, l’état socioprofessionnel, le lieu d’internement et de déportation et les documents de base ayant servi à la recherche.

6 On peut tout au plus regretter que l’auteur ne développe pas assez les réactions de la population non juive des Vosges et ne propose aucune conclusion de son travail.

7 Il n’en reste pas moins qu’il s’agit là d’un ouvrage de référence sur l’histoire des Juifs des Vosges pendant la Seconde Guerre mondiale. Le livre de Jean Camille Bloch très bien documenté avec force tableaux et photographies fait œuvre de témoignage émouvant sur la vie des Juifs dans les Vosges entre 1940 et 1944. Son ouvrage constitue aussi une solide construction et de transmission de la mémoire établissant le martyrologue le plus complet qui existe pour la région vosgienne.

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Farmer (Sarah), Oradour 10 juin 1944. Arrêt sur mémoire traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Pierre Guglielmina, Edition Perrin (Collection Tempus), 314 p., 2007

André Hugel et Nicolas Mengus

RÉFÉRENCE

Farmer (Sarah), Oradour 10 juin 1944. Arrêt sur mémoire, traduit de l’anglais (Etats- Unis) par Pierre Guglielmina, Edition Perrin (Collection Tempus), 314 p., 2007

1 L’historienne américaine de Berkeley (Californie) Sarah Farmer, spécialiste d’histoire française, nous livre ici une seconde édition revue et augmentée d’un ouvrage de 1994, où elle s’était appuyée sur les interviews des survivants du massacre d’Oradour.

2 Sarah Farmer n’offre pas une analyse des faits eux-mêmes et se contente d’un récit linéaire du déroulement du massacre de 1944 et du procès de 1953 (qui est ici modifié et plus développé que dans la première édition de 1994 parue chez Calmann-Lévy), dénué de critique historique. Du fait des importantes modifications apportées à la première édition, des comparaisons entre les deux vont s’avérer ici nécessaires. Mais nous ne reviendrons pas ici sur tous les poncifs (souvent accusateurs vis-à-vis des Alsaciens) qui émaillent son texte, d’autant que l’édition 2007 n’apporte rien par rapport à celle de 1994.

3 « Des questions jamais résolues » pouvons-nous lire en 4e de couverture. Faut-il, donc, admettre que tout n’a pas été dit sur le drame terrifiant qui s’est déroulé le 10 juin 1944 à Oradour-sur-Glane ? Une de ces questions semble être le nombre exact d’incorporés de force présents sur le banc des accusés au fameux procès de Bordeaux en 1953. Le chiffre erroné de 14 est à nouveau énoncé. Répétons-le donc encore une fois : il y avait 14 Alsaciens à Bordeaux, soit 13 « Malgré-Nous » incorporés de force et un engagé volontaire. Dès la présentation du livre, l’impasse est faite sur les sept accusés allemands ; il est vrai que, depuis le procès de 1953, chez certains auteurs, ce sont les

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Alsaciens qui sont présentés comme les principaux responsables de la mort des habitants d’Oradour – pour un peu, les Waffen-SS allemands n’y seraient plus pour grand-chose !

4 Malgré les critiques déjà formulées ci-dessus, l’étude de Sarah Farmer est passionnante en ce qu’elle s’intéresse à l’après 10 juin 1944, à la construction de la mémoire et à la préservation des vestiges. C’est là que réside tout l’intérêt du livre, c’est là que se dévoilent les interrogations réelles de l’historienne confrontée à une histoire que l’on est bien obligé de qualifier, avec elle, d’« officielle ». Un exemple, somme toute anecdotique, est mis en avant : c’est celui de la « véritable » voiture du docteur Desourteaux présentée à l’entrée du Champ de Foire qui s’avère « emblématique des contradictions du site commémoratif d’Oradour » (p. 231/2007).

5 D’autres questions, restées sans réponses, subsistent si l’on en croit le guide, M. Hivernaud, qui déclarait à qui voulait l’entendre : « Voyez qu’il y a des choses qui s’expliquent difficilement » (p. 112/1994 – témoignage retiré de l’édition 2007).

6 Ainsi, Sarah Farmer s’interroge : « on peut aussi se demander si le respect inspiré par la mémoire ne dilue pas la réflexion critique et analytique sur laquelle les meilleures enquêtes historiques sont fondées » (p. 210/1994). Elle met en avant, au sujet des vestiges d’Oradour, que « l’artificiel a empiété sur l’original (...). L’objet commémoré constitue une interprétation, par ses créateurs, du passé qui fera sens pour toujours » (p. 211/1994).

7 Le déroulement de la tragédie du 10 juin 1944 est bel et bien figé de manière officielle, d’autant que « les circonstances politiques façonnent l’expression des vérités « éternelles » ainsi que leur réception » (p. 212/1994). C’est, d’après Sarah Farmer en 1994, le rôle du (alors futur) Centre de la Mémoire : il est destiné à « influencer dès l’abord l’état d’esprit du visiteur » (p. 209/1994), à faire du village martyr « un village mythique, idéalisé » (p. 153/2007), mais aussi à « protéger la « vérité historique » de ce qui s’était produit » (p. 234/2007).

8 Dans ces conditions, le récit du massacre d’Oradour-sur-Glane serait-il une histoire sous influence ? La réponse de l’historienne (bien que moins tranchée qu’en 1994) est positive : « L’histoire de la commémoration d’Oradour-sur-Glane est dans une large mesure celle de l’effacement des circonstances historiques et politiques particulières pour parvenir au symbole universel de l’innocence outragée » (p. 77/2007). En 1994, elle précisait sa pensée : « Au cours des années, les habitants d’Oradour ont pris l’habitude de défendre leur interprétation de ce qui leur est arrivé » (p. 198/1994). Ainsi, « au cours de ce processus, des idées fortes viennent appuyer certaines histoires. Les récits cessent alors d’être les véhicules de la mémoire locale et deviennent les mythes de la commémoration » (p. 68/1994).

9 Le Centre de la Mémoire d’Oradour a ouvert en 1999 et dispose d’un site Internet. Pour Sarah Farmer, ce Centre « gomme la distinction entre histoire et mémoire » (p. 234/2007), entre les faits établis et ceux basés sur des souvenirs, « processus consistant à trier les histoires qui seraient publiquement racontées et celles qui resteront non dites » (p. 236/2007).

10 Dans sa nouvelle conclusion, Sarah Farmer décrit, malgré ses critiques, le Centre de la Mémoire comme présentant « le cadre historique du massacre » (p. 245/2007). Elle rappelle aussi qu’il y avait des étrangers et des juifs parmi les victimes du 10 juin 1944 ce qui montre qu’Oradour était bel et bien « une partie du monde secoué par les

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déchirements de la guerre et de l’Occupation » (p. 244/2007). Mais elle semble avoir oublié qu’il s’y trouvait aussi quelques Alsaciens. En effet, Oradour-sur-Glane accueillait l’une des 80 écoles de statut alsacien-lorrain dépendant de l’Inspection d’Académie de Strasbourg repliée à Périgueux : l’institutrice (promotion 1942 de l’Ecole Normale de Strasbourg) et les élèves périrent dans l’église d’Oradour. Pour mémoire, rappelons que les victimes natives d’Alsace officiellement portées disparues sont Serge Bergman, Dora et Simone Kanzler, Odile Neumeyer (nés à Strasbourg), Maria Broustein (née à Erstein), Charles Levignac (né à Colmar), Albertine Zeler (née à Sainte-Marie-aux-Mines) et Emile Neumeyer (né à Schiltigheim).

11 Au total, serions-nous à nouveau là en présence d’un énième livre sur Oradour dans lequel l’Alsace brille par son absence, excepté sur le banc des accusés ? Cette absence se remarque aussi dans la bibliographie : en-dehors de Bopp (Revue d’Histoire de la Deuxième Guerre mondiale du 20.10.1955) et Wahl (Mémoire de la Seconde Guerre mondiale, Actes du Colloque de Metz 6-8.10.1983, 1984), on se serait attendu à y trouver notamment les études d’Eugène Riedweg sur les Malgré-Nous (1995) et de Jean- Laurent Vonau sur le procès de Bordeaux (2003), deux publications qui n’ont pourtant rien de confidentiel.

12 Ainsi, pour toutes les raisons invoquées ici, nous ne pouvons que recommander la lecture de l’édition de 1994 plutôt que celle de 2007.

13 Enfin, ne sommes-nous pas en droit, à la lecture de cet ouvrage, de nous demander pourquoi s’est développé, au centre de la construction mémorielle du 10 juin 1944, une telle insistance à faire d’Oradour-sur-Glane un havre de paix, à l’écart de tout, mais sis dans un département largement dominé par les FTPF tant redoutées par l’Occupant ? Pourquoi cette persistance à présenter les Malgré-Nous comme les assassins des femmes et des enfants d’Oradour, malgré, soulignons-le une fois encore, une absence flagrante de preuves lors du procès de Bordeaux ? D’ailleurs, l’Alsace toute entière (avec, ne l’oublions pas, le soutien de nombreux compatriotes d’Outre-Vosges) aurait- elle osé prendre en 1953 la défense des incorporés de force s’ils avaient été des criminels de guerre avérés ? Encore « des questions jamais résolues ».

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Comptes rendus

XXe siècle

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Perny (Pierre), Racing 100 ans Pierre Perny éd., Strasbourg, 350 p., 2006

Alfred Wahl

RÉFÉRENCE

Perny (Pierre), Racing 100 ans, Pierre Perny éd., Strasbourg, 350 p., 2006

1 La Revue d’Alsace a choisi d’accueillir un ouvrage portant sur le football. Cette innovation mérite un mot d’explication car les lecteurs ne savent pas tous que depuis plus d’une décennie, l’histoire des sports et du football a fait son entrée comme territoire légitime dans l’enseignement et la recherche à l’Université. Cette histoire-là s’intéresse au football parce qu’il s’agit d’un phénomène social, économique, culturel et politique de première importance du XXe siècle. Son traitement ne se distingue nullement de celui des autres domaines de l’histoire.

2 A ne pas confondre donc avec les chroniques ou histoires « fabuleuse », complètement décontextualisées et relatives aux compétitions, aux clubs et aux joueurs, caractérisées par la relation de résultats, par des descriptions truffées d’anecdotes pittoresques, d’exploits « entrées dans la légende » et issues de la plume de journalistes ou de passionnés du football. Il s’agit donc de deux mondes différents. Le deuxième constituant lui-même une source privilégiée pour l’historien qui cherche à appréhender le phénomène football.

3 Le livre de Pierre Perny appartient globalement à la seconde catégorie de production, même si, par moments, il accède à la première par quelques développements, notamment à propos des questions juridiques et financières ou politiques, ordinairement occultées dans ce cas. L’auteur qui est son propre éditeur vise le grand public familier du football qui éprouvera du plaisir à suivre année après année les rencontres du Racing, les départs et les arrivées de joueurs, les matchs « fabuleux » du passé, les innombrables résultats. Sur ce point, le libre contribuera à entretenir la mémoire, la nostalgie d’un « passé glorieux », à enraciner des lieux de mémoire inscrits dans l’histoire régionale par le Racing, « notre Racing » comme il est dit

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communément. Pierre Perny note que l’histoire du Racing constitue un pan de l’histoire de la région et de l’identité régionale. On aurait aimé qu’il nous en dise davantage sur cette intéressante idée. Quoiqu’il en soit, il développe sa chronique avec compétence et avec la chaleur qui sied à ce type de publication ; son écriture est de qualité et vivante même si le récit tourne à la litanie parce qu’il est conduit saison après saison.

4 Ce beau livre, illustré avec soin où figurent les équipes de chaque saison devient ainsi un document iconographique et constitue une véritable source pour l’historien. Il donne envie à ce dernier d’en savoir plus. En particulier sur le milieu social qui a introduit le jeu avant 1914. Perny évoque l’existence de clubs allemands et de clubs autochtones mais en restant à la périphérie de la question ; l’on ne connaît pas précisément la couches sociales concernées, ce qui interdit la mise au jour d’éventuels enjeux. Une recherche plus approfondie aurait pu être menée et dès lors le recours aux travaux de François Igersheim, de François Uberfill aurait sans doute aidé Pierre Perny à trouver des réponses à des questions qu’il ne fait qu’esquisser. Est-il fondé de présenter les joueurs de Neudorf comme des patriotes français de toujours alors que le président qu’ils avaient mis en place avant 1914 a été contraint de démissionner parce qu’il ne disposait pas de la carte A en 1918 ? Dans sa thèse récente sur les débuts du ski en Alsace, Sébastien Stumpp met en lumière les enjeux qui y opposaient les cadres politico-militaires allemands à la bourgeoisie allemande nouvelle et aussi aux autochtones en s’appuyant sur les travaux de Kocka, Haupt et Kaelble. Ses conclusions sont peut-être transposables sur le football. Comment évoquer la convivialité à Neudorf avant 1914 sans s’appuyer sur l’étude de François Uberfill pour étayer ce constat ?

5 Une dernière remarque encore. Lorsque l’auteur écrit que « très rapidement le football et l’athlétisme deviennent des disciplines qui se complètent », il commet une erreur : il n’y a pas eu d’évolution car l’unité est d’origine. Lorsque les sports se sont constitués dans les collèges britanniques, il s’agissait des « sports athlétique », c’est-à-dire des courses, du football-association et du football-rugby pratiqués par les mêmes élèves dans la même journée, puis peu à peu en été pour les courses et en hiver pour les deux types de jeu. A la fin du XIXe siècle, la presse française spécialisée présentait classiquement une rubrique « sports athlétique » avec trois sous-rubriques : courses ou athlétisme, football-association, football-rugby. On y parlait encore de « courir » un match. Ce point ainsi que la marche ultérieure vers l’autonomisation des trois disciplines ont pourtant fait l’objet de travaux nombreux.

6 Au total, un livre qui devrait susciter des vocations nouvelles en faveur de la lecture et qui fera comprendre aux néophytes combien le phénomène football occupe bien une place considérable dans la société et dans la convivialité du XXe siècle, au sens de Maurice Agulhon, par ses commentaires inépuisables entre initiés, ses évocations historiques et nostalgiques échangés dans tous les lieux de rencontres. Tout cela est à porter au crédit de Pierre Perny.

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Comptes rendus

Arts et techniques

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Châtelet-Lange (Liliane), Straßburger Bürgerfrömmigkeit und der Maler David Kandel Anzeiger des Germanischen Nationalmuseums, p. 7-28., 2007

Albert Châtelet

RÉFÉRENCE

Châtelet-Lange (Liliane), Straßburger Bürgerfrömmigkeit und der Maler David Kandel, Anzeiger des Germanischen Nationalmuseums, p. 7-28, 2007

1 Madame Liliane Châtelet-Lange vient de publier dans le numéro 2007 du Anzeiger des Germanischen Nationalmuseums de Nuremberg une étude qui concerne plusieurs aspects de l’histoire de Strasbourg au seizième siècle.

2 En 1881 furent dégagées une série de peintures murales dans la modeste maison à colombages du 10 place de la cathédrale dont Paul Lechten publia une description en 1936. Depuis, ce décor était tombé dans un oubli total jusqu’à ce qu’en 1993, puis en 1999/2000 un groupe d’archéologues procède à une étude systématique du groupe de maisons situées à l’angle de la place de la cathédrale et de la rue Mercière, autour de l’ancienne pharmacie du Cerf. La pièce peinte ne fut toutefois pas l’objet de leurs analyses.

3 Le pharmacien Martin Breun, de confession protestante, que l’auteur a pu identifier, a commandé autour des années 1577/80 une série de huit peintures murales en grisaille dont l’une a disparu au XVIIIe siècle lors d’un percement d’une porte, qui illustrent le premier psaume. Le texte, en latin, du psaume, copié dans une édition de la Vulgate, figure, fragmenté, sous chaque image. Toutefois, l’iconographie ne se borne pas au seul texte du psaume qui se prête mal à une traduction figurative. Aussi, le commanditaire et l’artiste ont ensemble interprété ce premier thème avec une richesse d’invention qui a abouti finalement à un programme complexe. L’idée dominante de toutes les scènes

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est celle qui est exprimée dans le premier psaume, à savoir que ceux qui suivent les lois de Dieu atteignent au salut, tandis que ceux qui s’en écartent vont à leur perdition. Le cycle commence donc avec Moïse qui enseigne la bonne voie. De la deuxième à la quatrième scène ont été interpolés plusieurs des dix commandements. La quatrième apporte en plus une note polémique en montrant deux ecclésiastiques catholiques suivant un fou, donc la mauvaise voie, motif plusieurs fois représenté à cette époque. La sixième scène, de nouveau, ajoute un deuxième niveau d’interprétation avec la représentation de plusieurs œuvres de la miséricorde. Dans les arrières fonds on distingue en outre une multitude de petites scènes pittoresques, toujours symboliques, comme, du côté des bons, un sacrifice symbolisant la prière, et du côté des mauvais, un pénitent devant sa grotte à côté du bouc émissaire biblique, un pendu au gibet, un autre attaché sur la roue. Le cycle se termine par la représentation du Jugement Dernier. A l’origine la compréhension de ces multiples sujets était facilitée pas des inscriptions en latin dont seules les phylactères sont encore visibles, les textes étant presque entièrement effacés.

4 Malgré le mauvais état de conservation de la peinture, on reste surpris par la qualité de l’exécution. Madame Châtelet-Lange a pu démontrer avec une quasi-certitude que le peintre engagé par Breun était David Kandel dont le style narratif et pittoresque, pas encore marqué par le maniérisme d’un Tobias Stimmer, est connu surtout par ses illustrations du Kreuterbuch de Hieronymus Bock (1545). Né entre 1520 et 1530, il avait dix, sinon vingt ans de plus que Stimmer et avait été encore fortement influencé par Hans Weiditz, le Petrarcameister. Kandel était aussi un excellent portraitiste : au dessin (Louvre) et à la gravure du portrait de Hieronymus Bock et d’un jeune homme (Louvre) déjà connus, l’auteur a pu ajouter le portrait à la plume et aquarellé de Lorenz Schenckbecher, le frère de l’éminent membre du Magistrat, Johannes (Strasbourg, Fondation Saint-Thomas) qui est signé et daté de 1554. Inconnues jusqu’à présent étaient aussi les cinq pages avec dessins à la plume aquarellés du livre d’amitié (Stammbuch) de Johannes Schenckbecher, également signés et datés de 1584, une œuvre de circonstance, certes, mais pleine de charme. Kandel y a représenté une scène biblique, les portraits de Schenckbecher et de sa femme, leurs armoiries, des scènes de différents métiers et une allégorie (Strasbourg, Archives municipales).

5 Grâce à l’étude de Liliane Châtelet-Lange nous saisissons désormais beaucoup mieux le personnage artistique de David Kandel, mais nous disposons aussi d’un nouveau et important témoignage pour l’histoire de l’habitat au XVIe siècle. Les peintures de la maison 10 place de la cathédrale, remarquables par leur qualité d’exécution et leur richesse d’invention méritent une place privilégiée dans la liste déjà longue de peintures murales des maisons bourgeoises en Allemagne et en Suisse dont l’étude systématique à commencé il y a une vingtaine d’années.

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Dufetel (Nicolas), Haine (Malou), Franz Liszt, un saltimbanque en province Lyon, Symétrie, 2007

Christiane Weissenbacher

RÉFÉRENCE

Dufetel (Nicolas), Haine (Malou), Franz Liszt, un saltimbanque en province, Lyon, Symétrie, 2007

1 On peut se demander ce que, du haut du ciel d’où il observe l’évolution du regard porté sur son œuvre, Liszt pensera de ce titre – même si c’est lui qui en a fourni les termes : le « saltimbanque » est une image réductrice, voire dévalorisante, de sa personnalité artistique ; quant à la « province », elle réduit d’autant l’envergure de sa carrière européenne... Ceci dit, Liszt a bien répandu jusqu’en France profonde l’image inédite d’une star internationale en tournée, ainsi que l’écho inouï d’une virtuosité pianistique sans égale : dans son originalité tant sociologique qu’idiomatique, le phénomène méritait d’être étudié, et c’est de cette étude que rend compte le livre publié par les éditions Symétrie sous la direction scientifique de Nicolas Dufetel et Malou Haine, avec la contribution de Jacqueline Bellas, Michelle Biget-Mainfroy, Florence Doé de Maindreville, Nicolas Dufetel, Mária Eckhardt, Florence Gétreau, Guy Gosselin, Serge Gut, Malou Haine, Geneviève Honegger, Claude Knepper, Bruno Moysan, Pauline Pocknell, Cécile Reynaud et Corinne Schneider.

2 Substantiel (424 pages), le livre comprend dix-sept articles : sept issus d’interventions au colloque tenu à Angers en 2005 sous le titre « Liszt à Angers », sept repris de publications antérieures, et trois spécialement rédigés pour l’occasion. Après une introduction générale (« Quelque 200 concerts de Liszt en province »), un rappel des conditions de voyage dans la France de l’époque (« Voyager avec Franz Liszt »), et un premier tour de France en compagnie du « petit Litz » et de son père entre 1823 et 1827,

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le lecteur est invité à suivre Liszt adulte dans une tournée fictive construite à partir des étapes françaises de sa « période brillante » (1844-1845) : on passe ainsi par Marseille, Bourges, le Sud-Ouest, l’Alsace, Metz, la Champagne, l’Ouest, avec, pour finir, un « petit détour par la Belgique ». En cours de voyage, deux articles font le point sur « les programmes des concerts de Liszt en 1844 et 1845 », et sur « l’auditeur et le critique de province en 1845 », tandis qu’un troisième se souvient d’« un portrait oublié de Liszt par Calamatta » datant de 1837. Et au terme du voyage, quatre articles questionnent la virtuosité : sa place dans les écrits de Liszt, ses rapports avec celle d’autres pianistes ou avec d’autres activités du même Liszt (« Franz Liszt, artiste-roi ou roi des artistes ?), son rôle dans la pratique de l’arrangement et de la composition.

3 Bien sûr, tout lecteur se précipitera en priorité sur le plat pays qui est le sien, et les Alsaciens seront ravis de retrouver aux pages 245 à 266 une plume familière : celle de Geneviève Honegger, qui leur a déjà donné l’occasion de rencontrer « Franz Liszt en Alsace » lors de l’exposition qu’elle a organisée à Strasbourg en 1988 « Sur la trace des musiciens célèbres à Strasbourg » : le catalogue (publié par l’ARDAM et La Nuée Bleue) présente précisément, en première page de couverture, une caricature de Liszt interprétant au piano le Galop chromatique – l’œuvre fétiche du « saltimbanque en province » –, par laquelle il a notamment terminé le concert du 28 juin 1845 à Strasbourg… Comme toujours lorsqu’on est en compagnie de Geneviève Honegger, c’est toute la province qui s’éclaire à la lumière de la star (saviez-vous que le premier « TER » Bâle-Strasbourg date de 1841 ?), et on a l’impression « d’y avoir été » : au château de Pourtalès en décembre 1823 quand Liszt joua à quatre mains avec un jeune De Turckheim de son âge (12 ans) ; à Mulhouse le 18 juin 1845 quand Liszt accepta s’associer à ses concerts locaux M. Giovanni, professeur de chant récemment établi dans la région ; à la Salle des Actes du Collège de Colmar (l’actuel lycée Bartholdi) onze jours plus tard, quand Liszt invita les pensionnaires de l’établissement à son concert mais essuya le refus du principal ; etc., etc.

4 Le texte de Geneviève Honegger est complété par de nombreux documents de première main : des affiches de concerts, les programmes des concerts (liste chronologique suivie d’un tableau identifiant les titres souvent elliptiques des œuvres citées…), la critique du concert du 24 juin 1845 à Mulhouse concluant sur les mérites respectifs de Liszt (« le type de l’extraordinaire ») et de son rival Thalberg (« celui du beau et du parfait »), et même… un poème de circonstance : « Des bords de l’Ill », signé « J.B.C.M. » et adressé à Liszt par le biais du Courrier du Bas-Rhin… Cette richesse documentaire est du reste commune à l’ensemble de l’ouvrage, qui fait preuve par ailleurs d’un soin éditorial exemplaire : le format (celui du livre comme celui de la mise en page) est « confortable », les notes attendent l’œil impatient en bas de pages, les citations se détachent bien du corps de texte par leur retrait et leur taille propres ; l’index accueille les lieux autant que les personnes, et une biographie des auteurs fait apparaître la qualité des intervenant ainsi que la variété des points de vue. Voilà qui garantit à la fois la fluidité nécessaire à la lecture dilettante et la précision requise par la curiosité scientifique, et qui permettra donc à cet ouvrage de figurer à la fois sur les rayons spécialisés et dans les bibliothèques particulières.

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Bruant (Benoît), Hansi. L’artiste tendre et rebelle, Strasbourg La Nuée Bleue, 2008, 320 p., ill. n. et bl. et couleur

Georges Bischoff

RÉFÉRENCE

Bruant (Benoît), Hansi. L’artiste tendre et rebelle, Strasbourg, La Nuée Bleue, 320 p. ill. n. et bl. et coul., 2008

1 Un siècle après son irruption sur les devants de la scène, Hansi trouve enfin son historien.

2 Ce décalage chronologique a de quoi surprendre, comme si l’auteur de l’Histoire d’Alsace racontée aux petits enfants de France était resté une sorte de fantôme omniprésent autant qu’insaisissable. Sa biographie se réduisait à des coups d’encensoir officiels, souvent très datés, à des jugements définitifs dans un sens ou dans l’autre ou à des morsures venimeuses, comme celles d’Eduard Haug, lors des Oberrheinische Kulturtage in Strassburg de 1940 (« Hansi-en-France, der übelste Deutschenhetzer der im Elsass lebte »), ou, plus tard, jusque dans les années 90, dans Der Westen.

3 L’intelligentsia alsacienne contournait l’obstacle, trop embarrassant, d’un artiste dont la réussite populaire se confondait avec des bouquets tricolores quand elle ne surenchérissait pas, elle-même du côté des inquisiteurs : « J’ai été élevé dans le monde anti-germanique de Hansi et je me suis rendu compte que c’était un salaud qui enseignait la haine aux enfants ! » (T. Ungerer) ou « son talent est remarquable, son esprit contestable, et son influence pernicieuse » (A. Finck).

4 La biographie que propose Benoît Bruant rompt avec les interprétations partisanes (et très réductrices) qui ont eu cours jusqu’à présent et prend ses distances avec les témoignages comme ceux des amis de l’artiste, tel Robert Perreau, à qui l’on devait, pourtant, un assez bon portrait. Elle se fonde sur les archives personnelles de Hansi (aux AD Haut-Rhin, au Musée de Riquewihr notamment), et sur des documents puisés

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aux meilleures sources (p. 311), en s’efforçant de retrouver l’environnement dans lequel il a œuvré. Le texte se lit bien, il est accompagné de notes, d’une présentation suffisante de la bibliographie (l’exhaustivité étant impossible en l’espèce), et de notices biographiques qui jouent un peu le rôle d’un index.

5 Conformément à la loi du genre, la biographie suit un fil chronologique en quinze chapitres dans lesquels l’auteur juxtapose les informations, les explications et les commentaires, ce qui lui permet d’éviter les redites ou les exposés récapitulatifs. Une lecture progressive permet de saisir les différentes facettes, successives ou simultanées de sa création : le moment fondateur est très court, entre 1908 et 1914, dans un climat de luttes politiques autour de l’autonomie avant et après 1911 – après Haut-Koenigsbourg et avant-guerre. En amont, c’est l’histoire d’une génération et de son héritage : la belle époque de l’Alsace alsacienne, avec sa pléiade d’artistes presque décomplexés, une liberté de ton incontestable. En aval, 1918-1951, celle d’un notable malgré lui, devenu une figure de l’Alsace française et, somme toute, prisonnier d’une partie de son œuvre. Les pages de Benoît Bruant ont de quoi stimuler l’appétit des plus exigeants : dommage qu’il n’ait pas été possible d’en savoir plus sur les années d’apprentissage, trop vite esquissées, et plus encore sur le réseau dont bénéficie Hansi : il est né en 1873, à Colmar, microcosme d’une « Alsace éternelle » mûrie sous la domination de la France – une configuration très différente de Strasbourg qui est une « fille du Rhin » (L. Febvre) ou de Mulhouse, républicaine et manufacturière. La formation graphique que Jean-Jacques Waltz reçoit à Lyon mériterait de longs développements : comment se combine-t-elle avec l’esprit du théâtre alsacien, où le futur Hansi va trouver les modèles de ces caricatures. Et là, Benoît Bruant met au jour l’une des clés de cette jeunesse alsacienne : avant d’être des intrus, « lourdauds » ou « faméliques », les touristes des Vogesenbilder ou le Pr Knatschke sont des types venus de la comédie – du guignol ou des ombres chinoises. Le génie de Hansi tient d’abord à la mise en scène. Les tensions politiques entretenues par les pangermanistes, et attisées par l’abbé Wetterlé, sont une occasion a saisir, mais on se situe dans le registre de la dérision, et pas encore de la subversion. Ce qui donne son retentissement à la chose – l’antigermanisme moqueur, voire insultant, est un topos de l’illustration ou de la littérature revancharde française et notamment des Régamey (dont l’importance pourrait être davantage soulignée) – c’est le refus du pathos et, surtout, la vérité du décor offert à la caricature. Les deux grands albums de l’Histoire d’Alsace (1912) et de Mon Village (1913), fabriqués pour le public français comblent une attente d’actualité – où se retrouvent d’ailleurs la droite nationalise barrésienne et un patriotisme vraiment républicain (Hansi et Zislin les fédèrent, ce qui est neuf, dix ans après l’Affaire Dreyfus). On appréciera tout particulièrement les pages riches et denses qui encadrent le chapitre « La France reconnaît une icône alsacienne » : l’amitié d’Henri Colignon, secrétaire général de la Présidence de la République, membre de la Ligue des Patriotes, certes, mais incontestablement proche du pouvoir, celle de l’éditeur Floury et la mission politique à laquelle répondent les deux grands albums publiés par ce dernier. La genèse de l’Histoire d’Alsace, composée en temps record, est ici retracée avec de nombreux détails inédits : le texte de Hansi, un peu pataud, est dynamisé par P.- A. Helmer – son mentor – et par l’historien parisien Raymond Guyot, les images sont validées par l’érudition d’Henri Stein et l’académisme de Victor Huen. Mon Village propose l’image d’une Alsace rêvée, poétique autant que militante. Les recherches récentes de Philippe Tomasetti vont permettre de rendre à Auguste Spinner ce qui lui revient dans ce montage tricolore. Hansi est projeté dans une histoire qui le dépasse et

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se raccroche à des convictions simples : son ingénuité sert de révélateur à la « brutalisation » qui s’annonce à travers son procès hautement médiatisé à la cour de Leipzig (p. 159 et suiv.).

6 Benoît Bruant démonte avec intelligence les ressorts qui animent son héros : sa fuite inopinée, au moment où l’Europe bascule dans la guerre, puis son engagement dans l’armée française, terriblement exposé d’abord – il a été condamné à mort et son œuvre est proscrite –, puis à l’arrière, où il livre un combat de papier dans les services de propagande. Avec le germaniste Ernest Tonnelat, c’est l’un des inventeurs de l’« intox » moderne destinée à saper le moral de l’ennemi à grands coups de tracts, de faux journaux, etc. La libération de Colmar en fait une vedette, mais ses positions assimilationnistes et souvent maladroites contribuent à l’isoler. Il n’empêche que cet entre-deux guerres est une période féconde pour l’artiste, le conservateur du Musée d’Unterlinden, et l’imagier d’une Alsace souriante : on l’oublie, mais Hansi est un des meilleurs connaisseurs (et le véritable promoteur) du patrimoine de son petit pays, avec quelques chefs d’œuvre dans des domaines aussi variés que la gravure, les arts décoratifs, la publicité, l’héraldique, etc. Enfin, il n’est pas inutile de rappeler qu’il a compris avant tout le monde la nature du régime nazi. Sa description de la « machine à broyer le monde » parue dans la Revue du Rhin en mars 1939 est un texte prophétique (p. 279) : il en sera lui-même une victime, laissé pour mort dans une rue d’Agen (un épisode derrière lequel on reconnaît la Gestapo), puis contraint à l’exil en Suisse, via la Haute-Savoie, grâce à la bienveillance personnelle du Maréchal Pétain. Le retour à « Colmar en France » est assombri par ces épreuves.

7 « Artiste tendre et rebelle », Hansi a imprimé son style à l’Alsace toute entière. Le livre de Benoît Bruant le lui rend bien. Il est enluminé par près de cent cinquante vignettes qui en font une anthologie portative du plus bel effet. Enfin consécration suprême, l’éditeur vient de faire paraître les traductions anglaise et allemandes de Mon Village.

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Gourbin (Patrice), Les Monuments historiques de 1940 à 1959. Administration, architecture, urbanisme Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 286 p., 2008

Nicolas Lefort

RÉFÉRENCE

Gourbin (Patrice), Les Monuments historiques de 1940 à 1959. Administration, architecture, urbanisme, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2008, 286 p.

1 L’histoire du service français des Monuments historiques est en cours d’écriture. La thèse récente d’Arlette Auduc sur Le service des Monuments historiques de 1830 à 1940 (à paraître en 2008) et l’ouvrage de Xavier Laurent sur la Grandeur et misère du patrimoine d’André Malraux à Jacques Duhamel (1959-1973) (paru en 2003) ont posé les premiers jalons. La thèse de Patrice Gourbin vient compléter utilement ces travaux pour la période allant de la défaite de 1940 à la création du ministère des Affaires culturelles en 1959.

2 La période considérée possède une certaine unité : la politique des hommes nommés par le régime de Vichy n’est pas fondamentalement remise en cause par leurs successeurs à la Libération, et il faut attendre 1959 et le tournant Malraux pour voir une nouvelle génération leur succéder.

3 Par ailleurs, les périodes de l’Occupation et de la Reconstruction constituent deux moments-clés dans l’histoire du service des Monuments historiques, le premier par l’ampleur de la réflexion et de l’évolution administrative, et le second par celle des interventions concrètes.

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4 En 1940, l’architecture est encore perçue comme un vecteur de domination et d’expansion. Par conséquent, l’Etat doit y jouer un rôle important et posséder un grand service d’architecture capable de servir de modèle, d’encourager la création, et de contrôler la construction. Nommé à la direction des Beaux-Arts en juillet 1940, l’historien de l’architecture Louis Hautecoeur entreprend immédiatement de constituer une direction de l’Architecture regroupant les services des Bâtiments civils et Palais nationaux d’une part, et celui des Monuments historiques d’autre part. Afin de pouvoir contrôler l’ensemble des bâtiments de l’Etat sur le terrain, la direction de l’Architecture crée des agences locales d’architecture, les agences des Bâtiments de France (décrets de 1946), qui s’inspirent largement de l’organisation alsacienne-lorraine de la période du Reichsland. Les architectes chefs d’agence sont fonctionnaires et sont chargés de l’entretien des bâtiments classés. Cette grande réforme est complétée en 1948 par la création des premières conservations régionales des Bâtiments de France, désormais en charge de l’élaboration des programmes de travaux. Ainsi, agences et conservations des Bâtiments de France réduisent les pouvoirs discutés des architectes en chef des Monuments historiques.

5 L’invasion allemande de 1940, puis les bombardements alliés et les combats de la Libération causent d’importantes destructions urbaines. Les services de la Reconstruction sont complètement réorganisés et se rapprochent de ceux en charge de l’Urbanisme. Dans un premier temps, architectes en chef des Monuments historiques et urbanistes partagent la même doctrine conservatrice et la même préoccupation pour les centres anciens qu’il faut assainir et moderniser tout en conservant leur aspect. Les Monuments historiques restaurent les façades, tandis que les services de la Reconstruction se chargent des intérieurs. Mais à partir de 1950, le Ministère de la Reconstruction et de l’Urbanisme encourage les nouvelles formes architecturales (barres et tours) et une nouvelle organisation urbaine (fin des « îlots »). Le seul outil du service des Monuments historiques pour contrôler la reconstruction des centres anciens est la loi du 25 février 1943 sur les « abords » qui se révèle alors notoirement insuffisante. La direction de l’Architecture espérait que les monuments serviraient de modèles aux reconstructeurs. Dans la réalité, le fossé se creuse entre patrimoine et architecture contemporaine.

6 Les mesures de protection connaissent une expansion quantitative, mais non qualitative. Le nombre de monuments classés et inscrits augmente fortement durant la période. Cette augmentation est le fait d’une volonté du service des Monuments historiques de protéger et d’intervenir sur le plus grand nombre d’édifices possible. D’un point de vue qualitatif, les nouvelles protections sont plus souvent dictées par leurs conséquences financières que par l’intérêt réel des édifices. En outre, le service des Monuments historiques hésite à étendre son champ d’intervention à de nouveaux patrimoines : les édifices du XIXe et XX e siècles, le patrimoine industriel et les monuments folkloriques sont encore laissés de côté. Par ailleurs, le service se montre réticent à l’idée d’un « classement régional » et s’oppose à celle des « listes de priorités » malgré la pénurie des crédits. A la Libération, le service entend limiter le nombre des monuments commémoratifs et en contrôler la construction. Seuls les sites d’Oradour-sur-Glane, de Natzwiller-Struthof et les plages du débarquement de Normandie sont protégés au titre des Monuments historiques.

7 Le service des Monuments historiques cherche également à mieux connaître les monuments. En 1944, il lance le Recensement des monuments anciens, qui devait

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aboutir à la constitution d’un « casier archéologique », et encourage l’élaboration de plans archéologiques de villes, mais la lenteur du travail les rend inutiles dans l’optique de la reconstruction.

8 Le déclenchement du deuxième conflit mondial pose des problèmes d’une ampleur sans précédent au service des Monuments historiques. Dès 1935, le service prépare les mesures de « défense passive » : les vitraux sont déposés, les parties sculptées les plus intéressantes sont protégées par des sacs de sable, des mesures sont prises contre l’incendie, et les objets et œuvres d’art sont évacués. La « drôle de guerre » constitue une chance pour le service, en lui laissant le temps de mener à bien toutes ces opérations, qui ne sont toutefois que partielles et sélectives. Le souvenir de la « barbarie allemande » est encore bien vivant en 1939, mais les destructions volontaires de monuments sont réduites, en partie grâce à l’action du service allemand de protection des monuments : le Kunstschutz. À la Libération, les alliés se dotent eux aussi d’un tel service. Toutefois, de nombreux édifices souffrent des réquisitions. Après les combats, les difficultés sont multiples. Les dommages de guerre sont pris en charge par le seul service des Monuments historiques (loi du 12 juillet 1941) mais l’argent manque.

9 Les architectes en chef des Monuments historiques n’hésitent pas à reconstruire les monuments à partir de presque rien : pour eux, l’architecture est un art reproductible à partir du moment où il existe une documentation suffisante. Les travaux de reconstruction sont l’occasion d’« améliorer » les monuments d’un point de vue esthétique, technique ou archéologique. Le souci d’authenticité n’est pas toujours respecté par les architectes en chef qui profitent parfois de l’occasion pour reconstituer un état idéal ou antérieur. Certains éléments sont simplifiés afin de faire des économies. Le choix des matériaux est déterminé par leur solidité, car les restaurations doivent être les plus durables possible. Pour les vitraux, le service encourage la création contemporaine pour remplacer ceux du XIXe siècle jugés de mauvais goût. Enfin, le service s’inquiète de la réception de la reconstruction par l’opinion et organise expositions et conférences, utilise les médias (films, campagnes de presse) pour faire connaître son action.

10 Le dernier aspect développé par l’auteur est celui de la « vie » dans les monuments. Le meilleur moyen de conserver un monument est de lui trouver une utilité sociale. Une préoccupation majeure du service des Monuments historiques est par conséquent de trouver une utilisation convenable aux monuments. Dans la mesure du possible, le service évite l’utilisation des monuments comme hôpitaux ou comme usines et privilégie les affectations culturelles (lieux de rencontres, de festivals), mais les choix du service sont toujours pragmatiques. Il s’attache également à mettre en valeur les monuments, en organisant leur visite, en créant les premiers sons et lumières (1952) qui connaissent un certain succès.

11 Ainsi, le mérite de la thèse de Patrice Gourbin est d’avoir montré que les Monuments historiques ne forment pas un champ clos, isolé de l’architecture contemporaine, mais participent activement à la modernité. Ils constituent des objets politiques et sont une image de leur temps. Enfin, il convient de souligner la richesse de l’illustration, composée de nombreuses photographies et dessins, dont la plupart sont de l’auteur.

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Van den Bossche (Benoît), La Cathédrale de Strasbourg. Sculpture des portails occidentaux Editions Picard, 209 p., figures

Jean-Paul Lingelser

RÉFÉRENCE

Van den Bossche (Benoît), La Cathédrale de Strasbourg. Sculpture des portails occidentaux, Editions Picard, 209 p., figures

1 Professeur d’histoire de l’art du Moyen Âge à l’université de Liège en Belgique, Benoît Van den Bossche n’en est pas à sa première publication sur la cathédrale de Strasbourg. Il avait déjà fait paraître en 1997, aux Editions du Zodiaque, une monographie sur cet édifice et, en 1999 et 2000 aux Editions de la Petite Pierre, Le livre sculpté de la cathédrale de Strasbourg. Les douze Signes du Zodiaque de la cathédrale de Strasbourg et les douze Travaux des Mois, ainsi que d’autres travaux. Il nous livre à présent une vaste synthèse sur la façade occidentale et son programme iconographique pour en souligner son originalité, son unité et sa place dans l’art gothique européen. Démarche ambitieuse de l’auteur, qui a bénéficié de la préface de Roland Recht, maître incontesté du gothique du Rhin Supérieur.

2 Sujet vaste, disions-nous, mais aussi ambitieux. On peut regretter qu’Annick Hoffet- Roquet (p. 10) ait abandonné ses travaux sur le style des sculptures des portails occidentaux. Sans doute une approche pluridisciplinaire aurait permis de mieux comprendre les sources d’inspiration des sculpteurs qui ont accompagné, dans une harmonie parfaite, les maîtres d’œuvre de la façade occidentale.

3 Benoît Van den Bossche engage son chantier de recherche par un inventaire exhaustif et critique des nombreux travaux que les portails occidentaux ont déjà suscités au fil des décennies, depuis le XIXe siècle jusqu’à l’époque récente. Il convoque tous les

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auteurs depuis Kraus, Meyer-Altona, Secker, Otto Schmitt avec sa monumentale Gotische Skulpturen des Straßburger Münster de 1924, mais aussi l’abbé Walter, Reinhardt, Fast, etc. pour un vaste débat lui permettant de dégager quelque certitude.

4 L’auteur s’applique ensuite à livrer une étude méticuleuse sur l’authenticité iconographique de l’ensemble des sculptures pour en identifier les éléments originaux et les altérations successives, et en datant, autant que faire se peut, les restaurations qui ont été entreprises. Il sollicite les archives de la Fondation de l’Œuvre Notre-Dame, les dessins et les gravures, ainsi que les différents fonds photographiques. Il attribue toutefois à tort les clichés les plus anciens à Charles Winter autour des années 1860 (p. 47), alors qu’une campagne photographique avait déjà été menée par Henri Le Secq en 1855.

5 Avec prudence, Benoît Van den Bossche s’interroge sur les origines stylistiques de la sculpture des portails occidentaux. Question complexe qu’il se garde bien de trancher, tout en notant les similitudes déjà relevées par les historiens de l’art et les rapprochements avec d’autres chantiers (Paris, Reims, Amiens, Troyes, Naumburg, etc.). Faute de repères, il en résulte une datation des sculptures relativement incertaine. Pour autant, l’auteur pense que l’année 1300 resterait malgré tout le terminus ad quem.

6 Le chapitre consacré à l’iconographie est particulièrement abondant, bien documenté et richement illustré par des photos en noir et blanc de bonne qualité. L’imagier strasbourgeois, qui réunit parfois plusieurs épisodes dans une même séquence, livre une composition narrative très expressive. Le tympan du portail septentrional, comme le relève l’auteur, met l’accent sur les rois mages comme thème essentiel de l’enfance du Christ, en laissant de côté la représentation traditionnelle de l’Annonciation, de la Visitation et d’autres scènes du Nouveau Testament. Pourquoi ? Sans doute, Benoît Van den Bossche aurait-il pu évoquer le sac de Milan par les troupes de Frédéric Barberousse ainsi que le rapt des fameuses reliques des rois mages de la basilique St- Eustorge ramenées à Cologne en 1164 par l’archevêque Raynaud de Dassel, archichancelier de l’empereur, en passant par Strasbourg. Cet événement a certainement laissé des traces dans la mémoire collective locale en favorisant une dévotion populaire pour ces premiers pèlerins de Palestine venus jusqu’à Cologne. Cet épisode tiré de l’évangile de Matthieu participe ainsi à la catéchèse des illettrés, tout comme la mise en scène du mystère Stella des rois mages. L’auteur énumère les différentes identifications proposées par les nombreux spécialistes. Il semble rejoindre N. Gramaccini qui avait identifié le jeune homme de la niche centrale de l’ébrasement de gauche comme étant le poète latin Virgile dont la tradition chrétienne a vanté les prophéties, et non l’autoportrait « amusant » (p. 80) d’Erwin de Steinbach comme le veut la tradition strasbourgeoise. Cette interprétation serait plus cohérente avec l’ensemble des prophètes représentés.

7 C’est aussi une description systématique, méthodique et comparative qui est réalisée à partir des différentes figurations. Il s’y ajoute une touche d’érudition théologique pour donner tout son sens à la représentation de l’histoire du salut. Lecture analytique en quelque sorte. « Si le vocabulaire utilisé est bien connu, la syntaxe est, par contre, nouvelle », note l’auteur (p. 142). Faut-il pour autant suivre ce dernier lorsqu’il distingue dans les représentations un cycle « mariologique » (p. 144), voyant dans la Vierge l’héritière de Salomon ? Ne serait-elle pas plutôt l’Epouse du Christ, c.-à-d. la personnification de l’Église préfigurant au sommet du gable la réunion des royaumes

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d’Israël et de Juda symbolisés par les deux grands lions se tenant debout ? Bernard de Claivaux, venu à la cathédrale de Strasbourg en décembre 1146, avait déjà développé dans ses écrits un tel symbolisme mystique.

8 Il faut à présent s’interroger sur l’auteur d’un programme iconographique aussi élaboré. Alors que l’attribution du projet au célèbre dominicain Albert le Grand a été communément retenue par de nombreux auteurs, Benoît Van den Bossche considère que le contexte religieux strasbourgeois et les conflits entre les ordres mendiants et l’évêque de Strasbourg ne militent guère en faveur d’une telle hypothèse. L’auteur se livre à une longue analyse de toute la littérature disponible sur la question de la paternité spirituelle de l’iconographie. On ignore notamment quelle a été la diffusion de son vivant des écrits d’Albert le Grand († 1280) et si certaines singularités de ses œuvres ont été retenues par les imagiers. Ainsi l’illustre docteur n’aurait jamais traité de la psychomachie de Prudence, ce qui n’est pas en soi une preuve à contrario. Et l’auteur de conclure qu’il n’est pas établi que Albert le Grand soit le concepteur du projet iconographique, même si certaines sources d’inspiration pourraient le laisser croire.

9 L’auteur termine sa monographie par un important catalogue raisonné de l’ensemble des sculptures des portails occidentaux dont les sources d’inspiration et la paternité n’ont pu être vraiment élucidées. En tout cas, le livre de Benoît Van den Bossche, très documenté, fait le point sur l’état actuel des connaissances en la matière et reste un jalon indispensable pour de nouveaux travaux de recherche.

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Vitoux (Marie-Claire), Fluck (Pierre), Frey (Yves), Perrot (Patrick), Stoskopf (Nicolas), De la Fonderie à l’Université de Mulhouse 1826-2007 Strasbourg, 178 p., 2007

François Igersheim

RÉFÉRENCE

Vitoux (Marie-Claire), Fluck (Pierre), Frey (Yves), Perrot (Patrick), Stoskopf (Nicolas), De la Fonderie à l’Université de Mulhouse 1826-2007, Strasbourg, 178 p., 2007

1 A la rentrée 2007, la Faculté des Sciences économiques, sociales et juridiques de Mulhouse s’installait dans les locaux de la fonderie de la SACM de Mulhouse, édifiée en 1927 par l’architecte Paul Marozeau, remodelée par le cabinet Mongiello et Plisson, qui y loge en outre, la bibliothèque de l’université et de la SIM, les archives de la ville et de communauté d’agglomération, le Centre de recherches sur les activités économiques, et le centre d’art contemporain. Cette opération marquait l’aboutissement d’un long débat, dont les colloques de 2004 et 2005, publiés par Pierre Lamard et M.-C. Vitoux, dans « Les friches industrielles, point d’ancrage de la modernité » UHA-UTBM. 2006, donnaient le sens en évoquant aussi d’autres opérations de ce type en France. C. Plisson y présentait son projet de remodelage de la fonderie Marozeau. Pierre Fluck procédait à une étude de l’évolution de l’architecture du site, basée sur la succession des images, cartes et plans de la SACM. Stoskopf, Fluck et Tacquard y développaient enfin les éléments d’un plan de reconversion d’une vallée industrielle vosgienne, autour du parc de Wesserling.

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2 L’ouvrage de 2007, centré sur la SACM, vise à joindre les maillons de la chaîne de la mémoire mulhousienne, et à nous faire passer de la production technique et industrielle des siècles derniers à la production de savoirs du XXIe siècle. Son format et l’abondance de son illustration, dont de fort luxueux cahiers encartés, pourrait le faire passer pour l’un de ces « coffee table books » que l’on feuillette en ne s’attardant que sur les images. On aurait tort. Il mérite une lecture approfondie.

3 Marie-Claire Vitoux nous présente les étapes du débat qui conduisit la Ville de Mulhouse à prendre le parti d’installer une de ses Facultés et la bibliothèque en centre ville. Nicolas Stoskopf prend le relais avec une longue et substantielle histoire de la SACM (p. 18 à 112, en double colonage et police de corps 10). François Bernard nous avait donné déjà une thèse sur l’histoire de la SACM des origines à 1965 (L’Alsacienne de construction mécanique des origines à 1965, Strasbourg, PUS, 2000, CR de Pierre Lamard, RA 2001). Nicolas Stoskopf reprend cette histoire d’une plume alerte, aux exposés clairs, mettant en relief les stratégies, explicitant les choix, les bons et les mauvais. Il accorde une importance primordiale aux hommes, et ne propose de modèle de management ou d’entreprise qu’après avoir bien campé les acteurs. Ce faisant, il renouvelle largement le sujet et ce dès le récit de la première phase, dominée par André Koechlin. Est mise en relief la personnalité contrastée d’André Koechlin, formé par la pratique, mais patron visionnaire, autoritaire et dominateur, qui n’inspire guère la sympathie. Il articule le textile et la mécanique, puis passe au chemin de fer, alors dans ses balbutiements, s’appuyant d’étape en étape sur les savoir-faire techniques par ses entreprises. Tout en restant maître chez lui, il sait réunir les capitaux de sa nombreuse famille, cousins, gendres, neveux, s’ouvrir aux participations de banques parisiennes et bâloises, et faire appel aux innovations de pointe d’ingénieurs, au départ anglais, dont il développe les brevets. On le voit s’allier en affaires à son cousin Nicolas Koechlin dont il est l’adversaire en politique, étendre ses affaires à la Ruhr ; il en est aussi l’un des grands patrons. On ne pourra plus faire de portrait d’André Koechlin sans se référer à ces pages. Importante aussi l’analyse de la main d’œuvre de l’entreprise AK et Cie, où Stoskopf s’appuie sur le mémoire d’habilitation, partiellement inédit d’Hermann Schäfer, Die Maschinenfabrik André Koechlin, Mülhausen/Elsass und ihre Arbeiter 1985), qui met en relief la rotation étonnante de la main d’œuvre jusqu’en 1870. Elle n’est pas seulement due aux coups d’accordéon de la conjoncture. Pour les ouvriers non qualifiés, souvent encore paysans (45 % dans les années 1860), le travail industriel est répulsif et ils ne semblent pas vouloir s’y maintenir. Et aux ouvriers qualifiés métallurgistes (55 % dans les années 1860) s’ouvrent de fortes possibilités d’embauche concurrentes. L’effectif d’AK et Cie est de 1931 salariés en 1868. Après l’annexion de 1871, ce sont deux patrons alsaciens établis depuis longtemps à Paris, André Koechlin et Alfred Renouard de Bussierre qui procèdent à la fusion de leurs entreprises, celle de Graffenstaden et l’AK et Cie sous le nom de SACM (1872), que Bussierre, un banquier, préside jusqu’à 1887. La restructuration imposée par l’annexion et la dépression économique de 1872-1890 est drastique. A partir de 1889, seul le bureau d’études des locomotives reste à Mulhouse. La fabrication est pratiquée à Graffenstaden pour le marché allemand, Belfort produisant pour le marché français. Mulhouse poursuit la fabrication de machines textiles, de machines à vapeur, de moteurs à gaz, et se lance dans la grande chaudronnerie industrielle pour la chimie et la production d’énergie électrique. La recette d’André Koechlin continue de s’appliquer : fabrication de produits de haute technicité, à partir de brevets achetés, que l’on met au point, justifiant par la qualité,

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des prix plus élevés. Les effectifs de Mulhouse atteignent 4 200 salariés en 1900. A ce moment là, la gestion de la SACM ou ELMAG (Els. Maschinenbau AG) est confiée à un conseil d’administration présidé par un banquier ou un comptable, d’âge avancé – plus de 70 ans en règle générale – qui supervise les activités de départements particuliers confiés à des ingénieurs. En 1912, événement capital : après « l’affaire de Graffenstaden », la direction sépare l’ELMAG (Alsace) de la SACM (Belfort). Elles seront réunies en 1922, constituant alors « un géant de la construction mécanique française » avec 8 usines et 5 annexes. En 1926, on célèbre avec faste le centenaire. Mais la fermeture progressive du marché allemand, et la spécialisation croissante de Belfort dans la construction électromécanique conduit à une décision à terme fatale pour Mulhouse. La SACM et Thomson-Houston spécialisent Belfort dans la construction électromécanique. Stoskopf résume en une formule : « aux locomotives électriques fournies par Alsthom répondaient les locomotives à vapeur de Graffenstaden. Leur avenir ne devait pas être le même ». Et pourtant, c’est alors que l’on fait appel à l’un des plus grands architectes parisiens, Marozeau, pour construire « la fonderie mécanique » qui doit remplacer celle sortie très abîmée de la guerre. Tout a été pensé pour en faire « une usine moderne ». A chaque étape majeure du développement historique, Stoskopf passe la plume à Pierre Fluck, qui procède à une description du site. Ainsi en 1900 (p. 49 à 53) puis en 1928 (p. 59 à 62), en 1945 encore. La crise de 1929 touche durement la SACM, marquée par la chute du chiffre d’affaires et les vagues de licenciements. Dès septembre 1940, la SACM passe sous séquestre allemand ; Graffenstaden est vendue à Junkers. L’ELMAG reste sous contrôle militaire puis est affermée à la société Krupp. Elle est vouée à la fabrication de guerre. Les horaires de travail passent à 72 heures hebdomadaires, mais exposent au risque des bombardements. L’après-guerre est marquée par la réintégration dans la SACM française, où l’usine de Mulhouse n’est qu’un élément d’un ensemble d’usines qui s’étend sur toute la France. Pourtant, les besoins de reconstruction provoquent un afflux de commandes : machines à tisser, machines à vapeur pour les mines et les usines sidérurgiques. En 1948, la SACM avait retrouvé un effectif de 4 500 ouvriers et se spécialise dans la fabrication de machines textiles, où elle se trouve à la pointe de l’innovation. Et puis en l’espace de quelques années, la situation se retourne : la SNCF n’achète plus de locomotives à vapeur, ce qui frappe Graffenstaden et à partir de 1951, commence la crise du textile, qui va peu à peu condamner Mulhouse et la construction de machines textiles. Pourtant, on y réagit vite et bien, en revenant à la construction de moteurs et en choisissant le moteur Diesel pour l’industrie ou la marine. Mais dans le même temps, l’on multiplie les diversifications dans les fabrications qui s’éloignaient toute de Mulhouse. En 1956, la SACM installe son siège social à Paris. Son incursion dans la grosse chaudronnerie nucléaire, ne s’avéra pas heureuse, et ses dirigeants semblent bien avoir sacrifié la SACM à Alsthom pour ce marché encore en plein démarrage, puis regroupent ces activités dans une nouvelle société Alcatel. En 1965, intervient la fusion avec Hispano- Suiza et donc « la fin désolante de la SACM ». Terme aussi de la thèse de Bernard. Stoskopf, qui s’attache désormais aux entreprises qui se succèdent dans les lieux, mène son récit jusqu’au début du XXIe siècle. Ainsi, Hispano-Suiza est à son tour démantelée en 1968, et une Alsacienne de participations industrielles (ALSPI) prend la suite, avec pour filiale une SACM-M pour Mulhouse. Car pour les Mulhousiens, l’histoire de la SACM n’est pas terminée. Elle fut « hélas marquée du sceau d’un déclin industriel inexorable ». En 1966, elle comptait encore 4 156 ouvriers, 3 925 en 1980. En 1982, l’ALSPI passe sous le contrôle de Suez nationalisée ; elle procède à une scission de la

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SACM-M, et crée une nouvelle entité, la SACM-T pour la fabrication des machines textiles, destinée à bénéficier du « Plan textile » du nouveau gouvernement, alors que la SACM-M continue à produire ses moteurs Diesel. La SACM-T met ses espoirs dans des métiers à tisser d’avant-garde, qui ne trouvèrent pas de preneurs. En août 1986, la SACM-T cesse ses activités. La poursuite de l’activité de fabrication de moteurs Diesel de la SACM-M, fusionnée en 1988 avec le finlandais Wärtsilä ne relève-t-elle pas de « l’acharnement thérapeutique », se demande en fin de compte l’historien !

4 C’est à Yves Frey qu’est dû un fort belle évocation de la mémoire ouvrière de la SACM, fondé sur des interviews qu’il a pratiqués auprès d’anciens de la SACM : « d’Giesserei- Liira ». Avec eux nous parcourons les lieux, ateliers et fonderie, mais aussi les environs, avec leurs bistrots, stations précédant l’entrée ou marquant la sortie. Nous vivons au rythme des horaires de la journée, travail, pause, apéro, cantine ou restaurant d’entreprise. De la perruque, que permet une savante négociation du temps imparti par le chronométreur, les dirigeants et les cadres profitent tout autant sinon plus que les ouvriers. Mais on est à la SACM de père en fils, ou en fille… et la solidarité de l’équipe est une réalité. Les femmes avaient un moment déjà occupé des postes ouvriers dans la SACM, comme en témoignent les belles photos des postes occupés par des ouvrières datant de la guerre de 14, mais dans les années 60, leur arrivée dans les ateliers provoque quelques remous. Car les femmes étaient déjà bien présentes dans les bureaux, qui sont pourtant un autre monde. La description du sentiment de déconfiture ressentie par les ouvrières et les ouvriers lorsque disparaît ce monde qui avait été le leur est également un beau passage de ce texte. Trois regrets cependant. Le passage sur les classifications est trop allusif. Or elles ont entretenu des divisions fortes dans le personnel ouvrier. On aurait pu les mettre en relations avec le conflit de 1968 et ses résultats. En général d’ailleurs, la grève est décrite de façon trop mécanique. Elles manifestait aussi un moment de solidarité, surtout dans un monde ouvrier si majoritairement syndiqué. On s’étonne de ne pas voir mentionné le Comité d’entreprise de la SACM. « C’était pourtant quelque chose à Mulhouse ». Il exprimait aussi la solidarité de la famille SACM (bibliothèque, fêtes, colos, etc.) et pesait sur la vie économique et culturelle de la ville, d’autant qu’il a été à l’origine de fort importantes associations qui exprimaient bien « la culture SACM ». Enfin, il semble qu’on aurait pu ajouter un passage sur la langue de l’ouvrier : elle va passer dans ces années-là de l’alsacien au français, mais sans doute selon une chronologie fort différente de celle de la population globale. Qu’elle n’ait pas figuré dans les évocations de la mémoire ouvrière (ni dans le questionnement du chercheur ?) est un témoignage de plus de cet « habitus », invoqué dans sa thèse d’habilitation par D. Huck, (voir la RA 2008) qui peu à peu s’imposa à tous, de tous milieux, au cours de ces années. Bref, un grand et bel ouvrage, superbement illustré, associant une exemplaire histoire de l’entreprise à une évocation de ceux qui en assuraient le fonctionnement, loin du pont, où les capitaines décident, quitte à entrer dans icebergs, et qui dans les histoires d’entreprises, sont souvent les seuls que l’on met en scène.

5 Il faut supposer que la conclusion sur l’héritage à assumer par l’Université, pour répondre au titre : « de la Fonderie à l’Université », est laissée aux étudiants et à leurs enseignants.

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Woessner (Etienne), Le chemin de fer de la vallée de Kaysersberg et les lignes à voie métrique de l’étoile de Colmar Imprimerie Scheuer, 253 p., 2007

Francis Lichtlé

RÉFÉRENCE

Woessner (Etienne), Le chemin de fer de la vallée de Kaysersberg et les lignes à voie métrique de l’étoile de Colmar, Imprimerie Scheuer, 253 p., 2007

1 L’histoire de Colmar et de sa proche région s’enrichit d’un volume supplémentaire. Etienne Woessner vient de publier un remarquable ouvrage sur le réseau ferroviaire en étoile de Colmar. L’ouverture de la ligne ferroviaire Strasbourg-Mulhouse, en plusieurs tronçons en 1840-1841, marque le début de l’aventure ferroviaire. La ville s’ouvre au royaume de France, mais ce n’est qu’au cours du Second Empire qu’elle sera correctement reliée. Si le grand projet de la Percée des Vosges n’a pas pu se concrétiser, une première branche du réseau étoilé colmarien est néanmoins inaugurée. C’est la ligne Colmar-Munster ouverte en 1868. Après 1871, de par sa position géographique non loin de la frontière franco-allemande, Colmar devient une ville de garnison importante. A la ligne Colmar-Munster, héritière du Second Empire, se rajoute, dès 1877-1878, celle de Colmar-Brisach-Fribourg, reliant d’une part Colmar au réseau allemand, d’autre part à la plaine de la Harth.

2 C’est dans un climat économique renaissant qu’apparaissent dès 1874, les premières études d’une nouvelle branche de ce réseau en étoile, la future ligne Colmar- Kaysersberg-Lapoutroie. Destinée à désenclaver la vallée de la Weiss et à faciliter l’exportation de ses produits industriels, viticoles et agricoles, elle est inaugurée en 1885. Une troisième branche de ce réseau est la ligne Colmar-Wintzenheim, évoquée

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dès 1873 mais dont la réalisation ne se fait qu’en 1885. Une quatrième branche vient se rajouter au réseau colmarien. Ouverte en 1890, la voie Horbourg-Marckolsheim dessert des villages d’agriculteurs dont les principales ressources sont la culture des betteraves, des céréales, du tabac ainsi qu’un important élevage bovin à Grussenheim. La Kaysersberg Talbahn gestionnaire du réseau souhaitait à terme rattacher cette voie à Marckolsheim au réseau de tramway venant de Strasbourg. Devant le refus du gouvernement, considérant cette ligne comme stratégique, elle vend la voie aux chemins de fer d’Alsace-Lorraine. La dernière branche du réseau colmarien est la ligne Colmar-Ensisheim-Bollwiller évoquée dès 1896 mais ouverte qu’en 1901. Ce réseau ferroviaire a conforté Colmar dans sa vocation économique. La voie ferrée a largement contribué au développement commercial de la cité. Grâce au rail, Colmar devient le centre commercial de tout un arrière pays, de la plaine du Ried et de la Harth jusqu’au piémont viticole.

3 Les combats de la Poche de Colmar en 1944-1945 eurent raison de ces lignes. Celles de Kaysersberg et de Marckolsheim cessèrent d’être exploitées. Celle de Wintzenheim, intégrée au réseau urbain de Colmar, fonctionna jusqu’en 1960, remplacée par un service de bus. Par contre, certains tronçons de la ligne de Bollwiller restent en activité pour les marchandises jusqu’au milieu des années 1990.

4 Deux ans ont été nécessaires à Etienne Woessner pour dépouiller minutieusement les nombreux dossiers et documents conservés aux archives départementales du Haut- Rhin. En dehors des repères chronologiques liés à l’histoire de chaque ligne, il évoque avec la passion d’un professionnel, les aperçus et caractéristiques techniques ainsi que la composition du matériel roulant. Cet ouvrage est une belle contribution à un thème de l’histoire colmarienne, peu traitée jusqu’à présent, celle des transports. Un livre référence dans ce domaine.

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Les Actes du CRESAT, n° 5. Avril 2008

Frédéric Kurtz

RÉFÉRENCE

Les Actes du CRESAT, n° 5. Avril 2008

1 Voilà donc un quinquennat bouclé pour ce petit fascicule qui affiche les activités du Centre de Recherche sur les Économies, les Sociétés, les Arts et les Techniques, relevant de l’Université de Haute-Alsace. Comme pour le numéro précédent (2005-2006), la couverture est censée nous présenter les activités de l’année 2006-2007, mais l’annuaire rend compte aussi d’activités qui ont eu lieu au premier semestre 2007-2008, toutes proches de la date de parution : avril 2008. Bien entendu, voilà encore un Bulletin dont on finira par se demander s’il ne serait pas tout aussi utile comme publication électronique. Ne décourageons cependant pas des chercheurs qui font confiance à ceux qui veulent afficher leur travail noir sur blanc et permettre de le lire à tête reposée, pour en avoir une vue d’ensemble, comme nous faisons ici. L’annuaire est divisé en sections que nous connaissons désormais bien. Il relate les communications faites au séminaire 2006-2007 du CRESAT, où se partagent les sujets d’histoire, de géographie, d’analyse économique. Deux mémoires de Master, mais substantiels figurent au menu, celui d’Eric Tisserand, sur la filière bois dans le département des Vosges (1790-1850) : il reconstitue la filière et analyse la localisation des activités principales dans le département. Erwann Mattern a étudié le destin de la SACM-M, l’entreprise qui prend la succession de la SACM liquidée en 1965, et qui se divisera à son tour en 1981 en SACM-M et T (octobre 2007). Suit la partie « Activités et projets », qui portent sur des Journées d’études du 1er semestre 2007-2008. Comme les séminaires elles se différencient par les centres d’intérêt des membres : économie avec les JE sur « la décennie de désindustrialisation 1974-1984 » du 11 et 12 octobre 2007 (Nicolas Stoskopf) – histoire des idées politiques avec le vocabulaire politique du monde parlementaire au XVIIIe (16 et 17 novembre 2007) (Alain J. Lemaitre). La 7e table ronde

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Rhin-sud, dont on a oublié de nous préciser les dates, a été consacrée aux « territoires de la cohésion sociale », et les contributions ne se cantonnent pas aux territoires de la pauvreté en Alsace et dans ses villes, mais nous emmènent en Asie et au Sénégal (Raymond Woessner). On attendra donc avec intérêt la publication de ces actes. Enfin, l’Annuaire nous informe de l’exécution des conventions de recherche contractées par le CRESAT : Transrisk de Brice Martin, Inondations historiques dans le Rhin supérieur de L. With, Fouilles de mines de Sainte-Marie aux Mines, Etude diagnostic du patrimoine industriel de Sainte-Marie aux Mines ; des bâtiments de l’ancienne SACM Mulhouse (Pierre Fluck). On nous annonce enfin les séminaires de 2007-2008, qui feront l’objet du Bulletin no 6. Parmi les publications signalées, « La SACM quelle belle histoire », où est saluée la performance de M.-C. Vitoux, qui est parvenue à convaincre les éditions de la Nuée Bleue de publier ce bel ouvrage paru en 2007, dont la présente RA rend compte. Bref, une activité fort diverse et fort riche et surtout, un souci d’affichage du travail réalisé qui constitue un modèle à imiter par d’autres.

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Comptes rendus

Les lieux et les hommes

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Chauvard (Jean-François), Laboulais (Isabelle), Lebeau (Christine), dir., Les fruits de la récolte. études offertes à Jean-Michel Boehler Strasbourg, Presses universitaires, 492 p., 2007

Jean-Marie Quelqueger

RÉFÉRENCE

Chauvard (Jean-François), Laboulais (Isabelle), Lebeau (Christine), dir., Les fruits de la récolte. études offertes à Jean-Michel Boehler, Strasbourg, Presses universitaires, 492 p., 2007

1 Tout au long de ses années de recherches, Jean-Michel Boehler n’a cessé de croiser l’économique, le social et le culturel pour restituer l’histoire du monde rural. Le titre des hommages qui lui sont destinés est évocateur : quels « fruits de la récolte » peut-on offrir à un paysan du Kochersberg, descendant des tenanciers de la Cour colongère de l’abbaye de Schwarzach à Kuttolsheim, également prévôts, puis maires du village ? Le « grain de blé » du Kochersberg a germé depuis les années 1960 et s’est ouvert au travers de nombreuses contributions sur l’Alsace moderne. Alain Belmont, en quelques lignes fort chaleureuses (p. 217), présente le bénéficiaire de ces « mélanges » : « comme tout habitant du Kochersberg…, le grain de blé est un être compliqué. Sous une peau un tantinet coriace, il cache un cœur tendre autant que généreux… ».

2 Les contributions à ce volume se répartissent en quatre parties thématiques sur les campagnes et sociétés rurales en France, les terres d’Alsace, la ville de Strasbourg et son arrière-pays, l’histoire culturelle, enfin la mobilité et les témoignages des voyageurs.

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3 Dans la partie concernant la production agricole, les blés sont paradoxalement absents, mais Alain Belmont (Université de Grenoble, p. 217-233), à travers l’exemple de la Mühlsteinbrücke, nous montre, en amont, l’importance de la meule de moulin extraite des carrières de la région. Ensuite, Gérard Béaur (CNRS/EHSS, Paris, p. 93-107), par le biais du mouvement concomitant des prix de la terre et des grains, met en cause, en aval, à travers l’exemple de la région de Chartres, le caractère systématique de la « soudure » et des conséquences sociales qu’on lui prête traditionnellement, à savoir la spéculation blatière. Le texte très instructif de Dominique Dinet (Université de Strasbourg, p. 109-117) dévoile les théories d’un moine bourguignon au XVIIIe siècle, dom Le Gentil, sur la question de savoir si la multiplication des labours pouvait suppléer à l’apport d’engrais naturels : rencontre entre le monachisme et l’agronomie. La vigne est présente par l’intermédiaire de la statuette de saint Urbain, patron du vin en Alsace, ce dernier étant présenté par Elisabeth Clementz (Université de Strasbourg, p. 197-216) sous l’angle des multiples usages qu’en font les Antonins d’Issenheim. Le même vin est perçu à travers l’œil de la caméra, devenant un véritable « acteur » de cinéma selon Françoise et François Steudler (Université de Strasbourg, p. 149-164). La pisciculture dans le Sundgau et son intégration dans l’économie de marché, du XIVe au XVIIe siècle, sont analysées par Georges Bischoff, (Université de Strasbourg, p. 179-195). La cavalerie trouve sa place grâce à Daniel Roche, spécialiste de l’histoire du cheval (Collège de France, Paris, p. 29-47), mais il s’agit bien du cheval rural, de trait ou de labeur, lequel, à la fin de l’Ancien Régime, devient synonyme de mutation qualitative de l’agriculture, grâce à une rationalisation des méthodes d’élevage. Jean Vogt (BRGM, Strasbourg, p. 249-258), malheureusement disparu depuis lors, démontre que l’Alsace se trouve sur le chemin de l’approvisionnement de Paris en bétail de boucherie, ce qui génère, au passage, de substantiels profits pour les habitants de la région. Enfin il appartenait à Anne Radeff (Université de Marne-La-Vallée, p. 421-436) de mettre en lumière les relations commerciales transfrontalières à partir du canton des Waldstätten, avantageusement situé entre l’Alsace et Milan.

4 Alors que Jean-Marc Moriceau (Université de Caen, p. 65-92), dans une contribution bien illustrée et très documentée, érige en modèle la « grande agriculture » aux mains des gros fermiers de l’Ile-de-France, à travers l’exemple des Bocquet à Juilly en 1758, la suite des contributions met l’accent sur la complexité des facteurs sociaux. Hidemi Uchida (Université de Tokyo, p. 259-275) rappelle la place que tiennent les propriétaires forains, suisses en l’occurrence, dans l’agriculture alsacienne au lendemain des guerres du XVIIe siècle. Erich Pelzer (Université de Mannheim, p. 235-248) dégage, dans sa contribution, l’originalité de la noblesse alsacienne, après le rattachement de 1648, prise entre les Habsbourg et les Bourbon. Entre l’histoire sociale et l’histoire politique, le pas est aisément franchi par François Chauvard (école française de Rome, p. 313-332) qui plonge dans la querelle juridictionnelle autour des droits de souveraineté, de bourgeoisie et d’émigration à Strasbourg à la fin de l’Ancien Régime. Odile Kammerer (Université de Haute-Alsace, p. 167-178) illustre, à travers l’exemple mulhousien au Moyen Age, la relative proximité entre la ville et la campagne, la dernière organisant ses terroirs et orientant sa production en fonction de la première. Ouvrant les horizons rhénans sur le monde méditerranéen à la même époque, Pierre Racine (Université de Strasbourg, p. 11-28) revient sur le dialogue ville- campagne en reprenant le thème historiographique de citta et contado, à propos de la naissance des communes italiennes et de leur progressive émancipation par rapport à leurs seigneurs.

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5 L’exotisme italien introduit le lecteur dans le monde des voyages. Jean-Claude Waquet (Ecole pratique des Hautes Etudes, Paris, p. 437-456) évoque celui de Dominique Vivant- Denon, un graveur et négociant à la fin du XVIIIe siècle, fin observateur des réalités politiques, qui décrit, autour de Naples, le « jardin de l’Europe » – allusion à peine voilée au jardin d’Alsace – et le « paradis terrestre » aux alentours d’Otrante. Quant à la contribution d’Isabelle Laboulais (Université de Strasbourg, p. 457-477), elle porte sur un autre mode de communication, à savoir l’échange de correspondance entre savants (1771-1823), dans lequel les informations géologiques et botaniques sont nourries d’observations sur le terrain et d’entreprises cartographiques.

6 L’histoire intellectuelle n’est jamais très éloignée des préoccupations de l’agriculture. C’est ce que montre Antoine Follain (Université de Strasbourg, p. 119-133), qui replace les progrès agricoles, au XVIIIe siècle, dans le mouvement des idées de l’époque, en évoquant le rôle des « thesmophores » en Anjou. Christine Lebeau (Université de Paris- Sorbonne, p. 135-147) réconcilie, dans l’Empire des Habsbourg comme dans la France du XVIIIe siècle, les théories de la science économique avec les réalités rurales. François Igersheim (Université de Strasbourg, p. 277-300) nous conduit sur le terrain de l’histoire des organisations agricoles d’Alsace de 1940 à 1947, tandis que, traitant de l’enseignement spécialisé à Strasbourg entre 1918 et 1939, Dominique Lerch (Inspecteur d’Académie, p. 333-350) nous rappelle, à travers sa propre expérience de prise en charge de l’enfance défavorisée, que nous ne nous contentons pas d’être des chercheurs enfermés dans leur tour d’ivoire, mais que nous sommes des pédagogues et des éducateurs aux prises avec la réalité quotidienne.

7 L’histoire des mentalités est abordée par Robert Muchembled (Université de Paris- Villetaneuse, p. 365-380) qui tente une histoire des émotions et par Alain Cabantous (Université de Paris-Sorbonne, p. 49-64) qui inscrit sa contribution dans le thème nocturne à l’époque moderne. Leur emboîtent le pas deux élèves du récipiendaire, à savoir Léone Prigent (Université de Strasbourg, p. 381-401) qui reprend le dossier du vêtement féminin en tant que signe social et symbole, en associant histoire matérielle et histoire des mentalités, et Anne-Claire Claudel (Université de Strasbourg, p. 403-417) qui analyse les archives criminelles pour y trouver un système de représentation et d’appropriation révélateur des structures mentales d’autrefois.

8 Matérialisant les liens très étroits que continue à entretenir Jean-Michel Boehler avec la Société savante d’Alsace, le mot de la fin revient tout naturellement à deux de ses collaborateurs. Bernadette Schnitzler (Musée archéologique de Strasbourg, p. 351-361) reconstitue une maison d’édition strasbourgeoise, le Hunenburg Verlag , datant des années 1930 et dont les archives ont été, en partie, perdues. Benoît Jordan, quant à lui (Archives de la Ville et de la Communauté urbaine de Strasbourg, p. 303-311) nous décrit l’impossible réforme de l’abbaye de Murbach au début du XVIIe siècle, abordant une histoire religieuse qui confine à l’histoire politique.

9 En dépit de leur diversité, l’ensemble des contributions est en phase avec les préoccupations du récipiendaire et reflète les multiples facettes de son activité de recherche. Il appartenait tout naturellement à Marcel Thomann, président d’honneur de la Fédération des Sociétés d’histoire d’Alsace, au nom de la sociabilité historique, de rendre hommage au « laboureur-universitaire » du Kochersberg pour avoir dégagé et fertilisé le terrain de cette entité multiforme qu’on appelle « paysannerie ». L’ouvrage se termine par la bibliographie exhaustive de Jean-Michel Boehler, entre 1968 et 2007.

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Fuchs (Julien), Toujours prêts ! Scoutisme et mouvements de jeunesse en Alsace 1918-1970 431 p., éd. La Nuée Bleue, Strasbourg, 2007

Francis Rapp

RÉFÉRENCE

Fuchs (Julien), Toujours prêts ! Scoutisme et mouvements de jeunesse en Alsace 1918-1970, 431 p., éd. La Nuée Bleue, Strasbourg, 2007

1 C’est un beau sujet que Monsieur Fuchs a choisi de traiter. Un grand sujet, trop grand peut-être. En tout cas la matière en est riche et complexe. Les mouvements de jeunesse sont aussi divers que nombreux, ne serait-ce qu’en raison des options religieuses ou, au contraire, a-religieuses de leurs inspirateurs et de leurs animateurs. Ils sont aussi, par la force des choses, changeants parce que la société qu’ils se proposent de transformer ou dans laquelle ils veulent insérer leurs membres n’est pas restée figée pendant le bon demi-siècle qui sert de cadre chronologique à cette étude. Quant à son cadre géographique, l’Alsace, le destin en a rudement bouleversé le contenu, l’intégrant tantôt au monde germanique, tantôt à la France « de l’intérieur » ; rien n’y est donc parfaitement simple, rien n’y est tout à fait comme ailleurs. Pour appréhender des réalités aussi diverses et les pénétrer, l’historien a disposé en l’occurrence de sources relativement abondantes, certes, mais dispersées et disparates. Il a pu compléter ce que lui ont appris les documents écrits par le témoignage des acteurs qu’il lui a été donné de retrouver et d’interviewer. Il était grand temps car pour la plupart ces personnes ont atteint le grand âge. Elles sont déjà trop isolées pour qu’à partir du point de vue occupé par chacune d’elles l’ensemble du puzzle puisse être reconstitué. Dans ces conditions, il était pratiquement impossible de satisfaire au commandement d’exhaustivité que Clio prescrit à ses disciples. Nous ne reprocherons donc pas à l’auteur d’y avoir manqué. Courageusement, il s’est enfoncé dans le maquis des

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questions et des problèmes et ce qu’il a rapporté de son expédition est consigné dans un livre important qui mérite d’être lu attentivement.

2 Suivons le plan chronologique de l’ouvrage qu’il nous incombe de présenter. L’exposé remonte au-delà de 1918 car, à juste titre, l’auteur a pensé qu’il devait inclure dans son étude « le terreau associatif hérité du Reichsland ». Dès avant la Première Guerre les Eglises avaient compris qu’il était urgent de compléter la catéchèse des enfants et d’attirer les jeunes gens dans des cercles paroissiaux afin de contrer les effets d’une ambiance de plus en plus indifférente, voire hostile à la religion. Après la fin du conflit, le problème était toujours aussi préoccupant. Les formes d’action se multiplièrent en se diversifiant. Entre les deux confessions chrétiennes, l’émulation s’avéra stimulante et la communauté juive, confrontée aux mêmes défis, recourut aux mêmes moyens pour les relever. Les initiatives prises par les milieux laïcs, soucieux de ne pas être distancés par les Eglises, furent moins fructueuses. Au total, au début des années trente du XXe siècle, une gamme déjà large d’institutions avait été créée et proposait à des jeunes gens nombreux ainsi qu’à des jeunes filles en nombre moins élevé des activités faites pour faciliter leur insertion dans la société moderne sans que fût mis en péril leur attachement à leurs convictions.

3 Au cours des quelque dix ans qui précédèrent le second conflit mondial, le scoutisme, qui, né en 1907, n’avait poussé que de courtes racines en Alsace à l’époque du Reichsland, connut un développement considérable. Il avait en commun avec les sociétés de gymnastique qui s’étaient greffées sur les cercles paroissiaux dès les années 1880-1890 la volonté de réagir contre les effets d’une civilisation industrielle trop éloignée de la nature. A la culture physique, il ajoutait une pédagogie où les activités en plein air formaient le caractère et le sens des responsabilités. D’abord peu favorable à ce mode d’éducation inventé par un protestant, l’évêché en encouragea la version catholique afin d’éviter que sa propre jeunesse subît l’emprise des Unionistes. L’éventail des institutions s’ouvrit davantage encore lorsque l’Action catholique décida de gagner les jeunes des différents secteurs de la société et que naquirent la JOC, la JAC et la JEC. Par delà les limites confessionnelles, enfin, l’Etat estima qu’il avait le devoir de s’intéresser à la jeunesse lui aussi. La République fit de l’éducation une tâche nationale et le Front Populaire chargea Léo Lagrange, le « ministre des auberges », de veiller à tout ce qui contribuait à l’épanouissement des jeunes. Ainsi se manifestait pour la première fois, à côté des Eglises et de la communauté israélite, un troisième chef d’orchestre : le pouvoir politique. Son rôle ne devait pas cesser de grandir. Outre Rhin, il avait déjà conquis la maîtrise absolue des institutions éducatives. Si des autonomistes n’étaient pas insensibles aux redoutables attraits du nazisme, les Eglises en discernaient le venin mais c’était surtout la communauté juive qui en dénonçait clairement les méfaits.

4 En 1940, une fois de plus, l’Alsace éprouva la rigueur d’un destin singulier. Alors que l’armistice ne l’y autorisait aucunement, l’Allemagne incorpora le Reichsland d’autrefois et résolut d’en faire un modèle de pays nazi. La germanisation fut menée tambour battant. Le 16 août 1940 tous les mouvements de jeunesse furent dissous et le 2 janvier 1942 l’appartenance à la Hitlerjugend déclarée obligatoire. Mais l’acquis de deux décennies n’était détruit qu’en apparence. De nombreux groupes reprirent clandestinement leurs activités. Non contents de faire en secret ce que naguère ils avaient fait ouvertement, ils s’engagèrent dans la résistance à l’occupant. Ne citons que la Main Noire de M. Weinum et les Pur-Sang de L. Welschinger. Le jeu qui les avait

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préparés à l’action les conduisit à l’héroïsme que nombre d’entre eux durent payer cher. Tous les Alsaciens n’étaient pas en Alsace; ceux qui avaient refusé de rentrer dans une province annexée de fait furent rejoints par ceux qui s’en étaient échappés au péril de leur vie. Eux aussi, parce qu’ils entendaient bien un jour revenir chez eux libres et vainqueurs, prirent part à la lutte contre les Allemands. La Brigade d’Alsace-Lorraine, issue des maquis du sud, et le GMA, recruté dans les camps d’internement de Suisse, participèrent aux opérations de la 1re Armée en 1944-1945 et s’y distinguèrent. De l’épreuve du feu, les mouvements de jeunesse étaient sortis renforcés.

5 Accueillie dans l’enthousiasme, la libération permit aux mouvements de refleurir immédiatement, mais cette résurrection n’allait pas sans poser des problèmes. Celui de l’encadrement d’abord. Les aînés qui s’étaient préparés à cette tâche dans la clandestinité n’étaient pas assez nombreux. D’autre part, pendant plus de quatre ans, l’Alsace avait été retranchée du reste de la France. Il fallait resserrer les liens de la province avec la mère patrie. Créée dès décembre 1944, Jeune Alsace s’employa à surmonter ces deux difficultés et coordonna le travail d’institutions tout aussi diverses qu’avant la guerre. L’Etat, soucieux d’assurer l’éducation populaire, était représenté par les services de la Jeunesse et des Sports qui veillaient à la qualité de ce qui était entrepris dans ce domaine. Ils considéraient les Maisons des Jeunes et de la Culture, ouvertes à tous les habitants d’une commune ou d’un quartier, comme des centres culturels locaux qui méritaient tout spécialement d’être soutenus. A juste titre, l’après- guerre jusqu’en 1960 passe pour avoir été l’âge d’or des mouvements de jeunesse. Les différentes obédiences scoutes rassemblaient à elles seules plus de 6 000 membres ; l’Avant-Garde du Rhin, où se retrouvaient toutes les sociétés de gymnastique catholiques, en comptait 15 000.

6 Dès la fin des années 50, des signes avertisseurs furent perçus. Entre la direction de certains mouvements et leur base l’entente n’était plus parfaite. La guerre d’Algérie en fournit la preuve. Au sein des Routiers Scouts de France et de la JEC les désaccords se manifestèrent clairement en 1957. Aux « progressistes » qui voulaient des changements profonds s’opposaient des « conservateurs » ; le scoutisme catholique se divisa. Les réformes accomplies à la suite du Concile de Vatican II devaient encore étendre la gamme des sujets de discorde après 1963. L’unanimité joyeuse de l’immédiat après- guerre ne survécut pas à ces tensions.

7 La crise ne tarda pas à s’aggraver. La société dans laquelle, depuis la fin du XIXe siècle, les adultes s’efforçaient d’insérer la jeunesse changeait profondément et rapidement. Deux valeurs qui avaient tenu la première place dans l’éducation, la religion et la patrie, s’effritaient. Le cadre national semblait trop étroit à la jeunesse : il lui fallait l’Europe et même le monde. Elle aspirait au « tout loisir », nécessaire à l’épanouissement personnel ; il ne devait être ni limité, ni réglementé. L’animateur remplaça le chef, un animateur dont la qualification professionnelle justifiait le salaire. Le bénévolat avait fait son temps. Ce qui agitait sourdement la société occidentale la fit exploser soudainement en 1968. Cette révolution lui fit prendre conscience en quelques semaines du malaise qui la travaillait depuis plusieurs années. Les revendications proclamées en mai devinrent en fait, voire en droit, des règles de vie. Le règne de l’individualisme commençait et, ce qui était plus redoutable, les jeunes ne rêvaient plus d’être « grands », les adultes jouaient aux jeunes. Moderniser les institutions – et les scouts l’avaient fait hardiment –, à quoi bon ? C’était l’ordre social dans lequel les mouvements voulaient intégrer la jeunesse que la jeunesse refusait. L’effondrement des

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effectifs le prouvait impitoyablement. Fallait-il entonner le Requiem pour les institutions éducatives patiemment édifiées depuis près d’un siècle ? Elles ne disparurent pas toutes, ni complètement ; elles ont pour une part survécu, mais, dans la jeunesse, elles ne forment plus que des isolats.

8 Lorsque le lecteur referme le livre, ce qui le frappe, c’est la continuité des efforts accomplis par les aînés pour faciliter l’insertion des plus jeunes dans un ordre social. Et leur variété, car c’est un trait de ce travail persévérant d’avoir imaginé constamment de nouvelles formules. On comprend que l’auteur ait tenu à les connaître et à les faire connaître toutes, quitte à s’exposer au risque d’avoir mal étreint l’immense matière qu’il avait décidé d’embrasser. Il serait injuste d’alourdir ce compte-rendu en y faisant figurer la poignée d’erreurs légères que le recenseur y a dénichées. S’il n’est pas facile à lire, cet ouvrage n’en est pas moins une contribution de grande valeur à notre histoire. Qu’il me soit permis de dire que je n’ai pas lu et relu cette évocation de ce qui fut aussi mon passé sans éprouver une émotion où se mêlaient reconnaissance et nostalgie.

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Bischoff (Georges), Pagnot (Yves), Belfort (1307-2007). Sept siècles de courage et de liberté Éditions Coprur, 301 p., 2007

Claude Muller

RÉFÉRENCE

Bischoff (Georges), Pagnot (Yves), Belfort (1307-2007). Sept siècles de courage et de liberté, Éditions Coprur, 301 p., 2007

1 C’est une bien jolie perle qu’ajoutent au collier des monographies urbaines d’Alsace Georges Bischoff et Yves Pagnot, joailliers reconnus de l’histoire régionale. L’antériorité de leurs recherches n’exclut pas la modernité de la forme de leur ouvrage. Précisons le propos. Il ne s’agit pas d’une monographie supplémentaire – il existe déjà, pour mémoire Histoire de Belfort des origines à nos jours, paru en 1985, par Yvette Baradel, Georges Bischoff, André Larger, Yves Pagnot, Michel Rilliot et 1648, Belfort dans une Europe remodelée, paru en 2000 – ou d’une étude échafaudée sur un canon universitaire tripartite et exhaustive dans son propos. Les deux compères-auteurs rompent joyeusement le schéma convenu. En vingt et un épisodes ou coups de projecteur, il sécrètent, dans un style pétillant, des événements marquants, des anecdotes significatives, des transformations conséquentes de Belfort, survenus depuis la charte de franchise de mai 1307, l’acte de baptême de la ville.

2 Délaissons l’écrin de la forme pour rendre compte du bel orient du fond. Dans leur démonstration, Georges Bischoff et Yves Pagnot convoquent Aliate de Cheveney, Alix de Bade, la mère Bardot, Jeanne d’Arc, Vauban, Kléber, Louis Herbelin. Chacun de ses personnages vit et lutte dans un environnement décrit avec précision et imagination. Des documents de première main étayent le propos. L’histoire de Belfort,

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ainsi revisitée et vivifiée, ne répond peut-être pas aux règles traditionnelles. Mais qu’il est agréable de folâtrer sur de tels sentiers historiques.

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Baradel (Yvette), Du val d’Orbey au canton de Lapoutroie. Histoire du Pays Welche, 2003 ; Les Lieux dits du bailliage du val d’Orbey au XVIIIe siècle, 2004 ; Les croix de chemin dans le Pays Welche, 2006 Publications de la Société d’histoire du canton de Lapoutroie et du val d’Orbey

Benoît Jordan

RÉFÉRENCE

Baradel (Yvette), Du val d’Orbey au canton de Lapoutroie. Histoire du Pays Welche, 2003 ; Les Lieux dits du bailliage du val d’Orbey au XVIIIe siècle, 2004 ; Les croix de chemin dans le Pays Welche, 2006, Publications de la Société d’histoire du canton de Lapoutroie et du val d’Orbey

1 La vitalité de la société d’histoire du canton de Lapoutroie Val d’Orbey se manifeste par la publication de trois ouvrages en 2003, 2004 et 2006.

2 Le premier titre est signé par Madame Yvette Baradel. La présidente d’honneur de la société d’histoire offre au lecteur une présentation générale de l’histoire du secteur couvert par la société. L’exercice suit un plan classique : géographie, chapitres chronologiques avec, comme souvent, une part dédiée au Moyen Age nettement moins étoffée que celles dévolues aux périodes modernes et contemporaines. Mais l’histoire est tributaire de sources qui sont rares pour les périodes anciennes. Madame Baradel a tenu à replacer l’histoire du futur canton dans un cadre régional, ce qui donne à

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l’ouvrage une envergure certaine ; ce souci se retrouve dans la présentation d’une chronologie in fine. Tous les aspects d’un territoire sont abordés et des éclairages intéressants sont apportés sur l’ouverture et l’essor du canton aux XIXe et XXe siècles. L’iconographie choisie est fort belle, bien que l’on regrette que les cartes soient reproduites à partir de manuscrits.

3 Le second ouvrage traite des lieux-dits. Le domaine est fort complexe et particulièrement difficile à présenter. L’équipe en charge de ce travail a trouvé une bonne formule : présentation typologique des domaines évoqués, dictionnaire toponymique avec références bibliographiques cumulées pour chaque entrée, index des lieux-dits par thème. In fine, la reproduction des plans d’intendance évoque une opération de très grande envergure menée par les autorités publiques au XVIIIe siècle et que les travaux de M. Louis Tschaen mettent en valeur. On dispose ici d’un instrument de recherche qui prolonge et valorise les études plus érudites, dont celles de M. Wulf Müller. Le territoire est rendu à ses habitants alors que le patois du val d’Orbey tend à s’estomper. Ce travail est un travail conservatoire, mais cela n’est pas la moindre de ses qualités !

4 Troisième publication : les croix de chemin dans le pays welche. Le souci de répertorier les « petits monuments » est ancien et la Fédération s’est illustrée dans le repérage et l’étude de ces édicules, bornes, croix… qui se dressent du nord au sud de la région. L’ouvrage débute par une mise au point sur les matériaux et les techniques de taille et de sculpture. C’est un savoir-faire qui devait être mis en relief. S’en suit une présentation typologique qui surpasse et élimine une navrante publication sur les croix en général parue il y a quelques années. Enfin, des cartes permettent de situer les croix. L’intérêt de ce travail est de présenter un tableau complet (les croix récentes, dont la qualité esthétique est souvent misérable, y figurent) et de donner un état sanitaire de chaque édicule. La société participe ainsi à la conservation de ce patrimoine d’autant plus en danger qu’il est exposé aux intempéries, aux tempêtes, aux accidents et aux rénovations intempestives.

5 En conclusion, que dire sinon saluer l’enthousiasme d’une société bien ancrée dans son territoire, qui montre l’éventail de ses champs de recherche et fait la preuve de sa volonté de valoriser une histoire et un patrimoine dans sa diversité, de l’étudier et de le transmettre. Tout cela avec passion.

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Comptes rendus

Glanes

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Les Atlas de Huningue et du Château du Landskron 1775. Plans et mémoires d’Antoine-Norbert d’Artus, ingénieur en chef à Huningue, au crépuscule de l’Ancien Régime Transcrits et annotés par Paul Bernard Munch, Publiés par la Société d’Histoire de Huningue-Village Neuf et de la Région frontalière, et par la Société d’Histoire de Sierentz, 2007

Gabrielle Claerr-Stamm

RÉFÉRENCE

Les Atlas de Huningue et du Château du Landskron 1775. Plans et mémoires d’Antoine- Norbert d’Artus, ingénieur en chef à Huningue, au crépuscule de l’Ancien Régime, Transcrits et annotés par Paul Bernard Munch, Publiés par la Société d’Histoire de Huningue-Village Neuf et de la Région frontalière, et par la Société d’Histoire de Sierentz, 2007

1 L’année Vauban a vu de nombreuses publications sur l’illustre personnage, dont la biographie « Vauban, ingénieur et homme de guerre » du général Yves Barde (Editions de l’Armançon), ou encore les splendides vues aériennes de « Plein ciel sur Vauban » de Franck Lechenet et Frédéric Sartiaux (Cadre Plein ciel) pour n’en citer que quelques uns. La Société d’Histoire de Huningue, sous la plume de son président Paul- Bernard Munch a opté pour la publication d’un document de 1775, l’Atlas 43 et 45

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d’Antoine-Norbert d’Artus, ingénieur en chef à Huningue, de la place-forte de Huningue et du château du Landskron.

2 Le texte et les gravures sont reproduits à l’identique, quelques notes en bas de page facilitent la compréhension. L’ouvrage s’adresse plutôt à des spécialistes des ouvrages militaires, qui ne sont pas rebutés à la lecture de mémoires, assez hermétiques pour le non-initié. Une bonne introduction générale sur l’histoire de la place et du château aurait été la bienvenue pour préparer le lecteur à la découverte et la compréhension des plans et textes du XVIIIe siècle.

3 Mais saluons le rôle des sociétés d’histoire qui est aussi de publier intégralement des documents pas forcément accessibles selon leur lieu de conservation ou pas forcément connus de tous.

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Glotz (Marc), Promenades historiques à travers le Sundgau oriental Société d’histoire du Sundgau, vol. 2, 238 p., Riedisheim 2007

Claude Muller

RÉFÉRENCE

Glotz (Marc), Promenades historiques à travers le Sundgau oriental, Société d’histoire du Sundgau, vol. 2, Riedisheim, 238 p., 2007

1 Le guide touristique, consciencieusement utilisé par le voyageur, constitue un excellent support ludique pour découvrir les charmes de Clio. D’habitude, ce genre d’ouvrage est l’apanage des journalistes, possédant par ailleurs une solide formation historique. Marc Glotz casse quelque peu cette image, puisque l’historien reconnu du XVIIIe siècle et du Sundgau s’atèle à une tache qui ne considère pas, visiblement comme ingrate ou de seconde zone. Son deuxième volume de « Promenades historiques » comprend comme le premier (RA, 2007, p. 587) vingt-cinq circuits, tous situés sur le versant oriental d’une ligne Mulhouse-Ferrette. Les propositions de balades commencent au nord par le Horst de Mulhouse jusqu’au sud dans les vallées de Thalbach et de l’Ill. Des cartes et le schéma de l’itinéraire facilitent le repérage. Un véritable index permet de trouver rapidement les lieux. L’ouvrage renferme, ce qui fait son intérêt, de multiples renseignements sur des familles ou des personnages célèbres, des anabaptistes, et des juifs, des églises, des maisons anciennes avec ou sans colombages, des arbres, des crois à panneaux. Il suggère le pas lent du paysan, en provoquant la résurgence du Sundgau à l’apogée de la société rurale. Si la randonnée constituait le loisir du citadin hier, est-elle désormais le délassement de l’urbain cultivé aujourd’hui ?

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Herden (Ralf Bernd), Strassburg - Belagerung 1870 - Europas Hauptstadt im Spannungsfeld der deutsch-französischen Auseinandersetzeungen Band 2006/17 der Diskussionspapiere der Fachhochschule Kehl, Hochschule für öffentliche Verwaltung, 198 p., 2006

Marcel Thomann

RÉFÉRENCE

Herden (Ralf Bernd), Strassburg - Belagerung 1870 - Europas Hauptstadt im Spannungsfeld der deutsch-französischen Auseinandersetzeungen, Band 2006/17 der Diskussionspapiere der Fachhochschule Kehl, Hochschule für öffentliche Verwaltung, 198 p., 2006

1 Avec ce qu’il faut d’habileté pour séduire à la fois le lecteur « moyen » et le spécialiste, l’auteur réussit le tour de force de présenter objectivement – et ce n’est pas rien, vu le sujet – une attractive chronologie dramatique des évènements à l’aide de documents, souvent peu connus, de l’un et de l’autre camp. Avec adresse il a de plus intercalé entre l’un ou l’autre chapitre des « digressions » (Exkurse) qui, le plus souvent, n’ont absolument rien à voir avec 1870, mais qui ont le grand mérite d’intéresser le lecteur. C’est ainsi que, des Romains à l’occupation de 1940/44, on lui racontera la visite incognito de Frédéric II de Prusse ou celles, « officielles », de Guillaume II. De même on apprécie les détails, plus ou moins inédits – du moins pour le lecteur français – sur les tergiversations des autorités à propos du sort de la Cathédrale de Strasbourg en 1940. Un « Exkurs » plus long que les autres, expose les très curieuses méandres généalogiques de la famille des bourreaux Grossholz et aboutit à Paris où la

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strasbourgeoise Madame Truffaut, née Grossholz, ouvrira son célèbre cabinet de cire. « Une importante préoccupation » de l’auteur a été de s’engager pour la compréhension réciproque, la coopération et la réconciliation entre tous les humains, la paix entre les peuples. Devant une affirmation aussi généreuse on aurait tendance, a priori, à se référer au mot d’un personnage célèbre : « Vaste programme ». Mais a posteriori, en refermant le livre on se dit que l’ironie désabusée de la formule gaullienne ne se justifie nullement dans ce cas concret. Merci à M. Herden pour cet apport généreux au rapprochement franco-allemand.

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Le Minor (Jean-Marie) et alii, L’Avant-garde du Rhin Ed. Sutton, 128 p., 2007, Saint-Cyr-sur-Loire

Frédéric Kurtz

RÉFÉRENCE

Le Minor (Jean-Marie) et alii, L’Avant-garde du Rhin, Ed. Sutton, 128 p., Saint-Cyr-sur- Loire, 2007

1 L’on pourrait bien entendu faire une histoire de l’Avant-garde du Rhin en mettant bout à bout, les abondantes légendes de ce fascicule de photographies reflétant la vie de cette fédération, pendant les 110 années de son existence. La précieuse bibliographie nous renvoie aux historiques « maison » publiés à l’occasion des 80e et 90e anniversaire de l’AGR. On a manqué le 100e, ce petit ouvrage le remplace donc. Mais on ne boudera pas son plaisir, tant l’iconographie est éloquente, passant des photos de groupes des Sociétés de gymnastique, aux photos contemporaines illustrant les différents sports dans lesquels a excellé l’AGR. N’aurait-on pas du insister un peu plus sur l’appartenance de l’AGR à la Fédération des Cercles catholiques d’hommes et de jeunes gens (Verband der Katholisch Männer und Jünglingsvereine), mentionné cependant, par une reproduction de la page de titre « Les jeunes d’Alsace » de l’avant guerre (p. 52) ainsi que par les renvois en bibliographie ? L’importance politique de cette association, présidée en son temps par des personnalités du « parti catholique » est soulignée par les préfaces contemporaines du président du Conseil régional et des deux conseils généraux. Mais plus encore ce petit ouvrage d’illustrations témoigne éloquemment : l’Eglise catholique avait su occuper et organiser le temps libre de la jeunesse d’Alsace.

Revue d’Alsace, 134 | 2008 492

Rogg (Léa), Regards sur les communautés juives du Sundgau et alentours XVIIe au XXIe siècles Verlag Regionalkultur, 2007

Gabrielle Claerr-Stamm

RÉFÉRENCE

Rogg (Léa), Regards sur les communautés juives du Sundgau et alentours XVIIe au XXIe siècles, Verlag Regionalkultur, 2007

1 Nous avions salué précédemment la sortie d’un ouvrage consacré par Gil Hüttenmeister et Léa Rogg, au cimetière israélite de Hegenheim, un travail scientifique remarquable, un inventaire détaillé avec plans et photos.

2 Le présent ouvrage est dû à la seule plume de Léa Rogg. D’emblée, on a quelque peine à en comprendre le plan ; ce sont en effet, comme le dit le titre, des « regards » sur les communautés, jetés pêle-mêle, entrecoupés de descriptions de fêtes juives, de flash sur quelques personnages illustres comme Anne Frank ou Didisheim… le tout sans note ni source.

3 Au fil des pages, le lecteur glanera cependant bien des renseignements sur les communautés juives de Hégenheim, Bâle, Buschwiller, Hagenthal et Saint-Louis, tout comme sur les fêtes juives et leur signification. Mais en l’absence de références, difficile de faire la part des choses. Dommage pour le travail fourni. Nous regrettons l’absence d’une relecture d’un comité de lecture ou la mise en forme par la maison d’édition.

Revue d’Alsace, 134 | 2008 493

Schneider (Malou), Le Musée Alsacien de Strasbourg Guide édité à l’occasion du Centenaire du Musée Alsacien de Strasbourg 2007, édition Musées de Strasbourg, 2007

François Igersheim

RÉFÉRENCE

Schneider (Malou), Le Musée Alsacien de Strasbourg, Guide édité à l’occasion du Centenaire du Musée Alsacien de Strasbourg 2007. édition Musées de Strasbourg

1 Les expositions sont de plus en plus l’occasion d’éditer de somptueux alsatiques, alors que l’édition d’ouvrages vit une traversée du désert, espérons-le, provisoire. Mais ne boudons pas notre plaisir devant ce guide dont nous devons les textes à Madame Malou Schneider, la splendide maquette à l’Atelier Valblor et les photos à Mathieu Bertola et Alexandre Tourscher. L’alternance des photos détourées et de la pleine page permet de laisser au texte toute son importance, tout en mettant en relief somptueusement, les objets représentés. Une petite introduction historique nous relate les circonstances de la fondation du Musée, qu’avait étudié Anne-Laure Rohé, dans une belle maîtrise restée malheureusement inédite.

Revue d’Alsace, 134 | 2008 494

Schunck (Catherine et François), D’Alsace en Périgord. Histoire de l’évacuation 1939-1940 Ed. Sutton, Saint-Cyr sur Loire, 158 p., 2006

Frédéric Kurtz

RÉFÉRENCE

Schunck (Catherine et François), D’Alsace en Périgord. Histoire de l’évacuation 1939-1940, Ed. Sutton, Saint-Cyr sur Loire, 158 p., 2006

1 Ce petit ouvrage sympathique sur l’histoire de l’évacuation, qui entre dans la collection « Témoignages et récits » est remarquable par la richesse de son iconographie. Il cite bien quelques sources d’archives, mais le récit est fondé prioritairement sur le dépouillement de l’Argus du Périgord et sur des témoignages oraux d’une cinquantaine de témoins, et sur les extraits d’ouvrages de souvenirs publiés sur l’évacuation avec les risques que comporte ce genre de sources. Qu’on ne s’attende donc pas à trouver une analyse du fonctionnement des institutions repliées et de leurs rapports avec les réfugiés dont l’énumération est renvoyée à un tableau fort sec en Annexe. L’existence du sous-secrétariat aux Réfugiés de Robert Schuman n’est pas mentionnée. Le livre se concentre donc sur « le choc des cultures » et sur « la vie quotidienne ». L’historien attendra donc un grand ouvrage plus exhaustif pour enfin satisfaire notre curiosité : ce n’était pas le but de cet ouvrage. On se reportera volontiers à cet ouvrage estimable dû à deux historiens périgourdins qui n’ont pas oublié la visite forcée que leur firent quelques dizaines de milliers d’Alsaciens en 1939-1940, ainsi que… le séjour que firent des milliers d’entre eux pendant les cinq années qui ont suivi.

Revue d’Alsace, 134 | 2008 495

In memoriam

Revue d’Alsace, 134 | 2008 496

In memoriam : Raymond Oberlé (1912-2007)

Odile Kammerer

« Vous avez parlé de mérite en ce qui me concerne mais a-t-on du mérite à faire ce que l’on aime ? Non, il n’y a pas de mérite à être heureux »1. C’est à cet homme heureux, modeste et érudit, disparu le 5 juin 2007, que la Revue d’Alsace rend hommage. À bien des reprises, lors de sa longue carrière, la société a tenté, en dépit de ses protestations, de témoigner à Raymond Oberlé admiration et reconnaissance. Un bouquet de médailles2 a jalonné sa fructueuse vie professionnelle, des prix 3 ont sanctionné la qualité de ses travaux reconnue de part et d’autre du Rhin et les laudationes

Revue d’Alsace, 134 | 2008 497

prononcées4 à l’occasion de sa retraite, de ses 80 ans ou de son départ résonnent encore de chaleur et de sympathie. Raymond Oberlé est entré dans la mémoire vive de tous ceux qui l’ont rencontré, élèves et étudiants, collègues, chercheurs, élus, agents administratifs, public des archives et tous ceux qui lui ont demandé conseil. Pour tous, il a incarné l’histoire à Mulhouse et l’histoire de Mulhouse5. Son parcours se révèle atypique tant il doit à sa ténacité, sa clairvoyance, sa capacité de travail et son incroyable inventivité professionnelle6. Rappelons la trame de son cursus. Instituteur à 18 ans, en 1930, puis professeur d’allemand à Mulhouse, Raymond Oberlé découvre les archives puis l’histoire à son retour du front, en 1944, où il a perdu l’usage de sa main droite. Une singulière harmonie de vie se construit alors entre ses activités d’archiviste de la ville de Mulhouse (1950-1987), d’enseignant au lycée (1945-1968) puis à la faculté des Lettres (dont il sera le directeur en 1974 avant d’être vice-président de l’université de 1977 à 1982) et de chercheur publiant (1948-20077). Raymond Oberlé a inventé (au sens médiéval de révélation) l’histoire moderne de Mulhouse. Lecteur assidu et méthodique8 des archives mulhousiennes, il a abordé l’histoire de la petite République dans sa globalité, à une époque où l’histoire économique avait les faveurs des historiens. Pour comprendre la singularité d’une ville qui a connu si brusquement (en apparence) deux révolutions, l’une industrielle (à partir de 1746), l’autre politique (1798), Raymond Oberlé a cherché dans la période précédente des facteurs d’explication. Une approche renouvelée de Mulhouse pendant la guerre de Trente ans lui a permis de compter les finances, de scruter en détail la vie quotidienne, de remettre en scène le réseau intense de relations diplomatiques destiné à assurer la sécurité. Et il n’a pas craint de dévoiler le fruit de ses recherches dans sa thèse soutenue en 19589 : oui, la guerre a été bénéfique pour Mulhouse. La République a su profiter de sa position géographique et politique dans le couloir de circulation qu’était le fossé rhénan pour jouer un rôle financier, accumuler des capitaux et des atouts économiques : le démarrage en flèche de l’industrie ne doit pas tout, comme les historiens l’avaient affirmé, aux capitaux bâlois. Les banquiers mulhousiens ont été des acteurs à part entière et Raymond Oberlé le démontre vigoureusement à plusieurs reprises10. Tout aussi féconde, sa thèse secondaire, portant sur L’enseignement à Mulhouse de 1798 à 187011, mettait en lumière, pour la période industrielle, « les mutations culturelles », la volonté des fabricants « de capitaliser sur la matière grise »12. De nombreuses publications lui ont permis d’approfondir l’évolution des patrons vis-à-vis de la formation et « l’instruction » de leurs ouvriers mais aussi de leurs propres pratiques culturelles. Raymond Oberlé, même dans une enquête portant apparemment sur des questions économiques, a d’abord voulu voir l’homme dans la société et pratiquer ce que l’on appellera plus tard l’histoire globale. Mulhouse, cette petite République indépendante, ce Manchester français, cette alliée des Suisses, ce havre réformé, a constitué pour Raymond Oberlé un magnifique laboratoire. Prenant la suite du médiéviste Marcel Moeder, il a dépouillé toutes les archives de la ville à l’époque moderne. Ayant traqué dans les autres villes les documents concernant Mulhouse, il a beaucoup publié et les résultats de ses recherches constituent une bibliothèque à part entière. Il a su restituer toutes les facettes de la vie mulhousienne et à toutes les échelles. Chaque angle d’attaque, même le fait divers, toujours replacé dans une perspective globale, permet de comprendre les préoccupations essentielles des Mulhousiens : défendre leur île contre les marées

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venues de tous les azimuts et se nourrir. La défense passait toujours par un jeu très complexe d’alliances, parfois par la résistance armée. L’histoire de Mulhouse continue et Raymond Oberlé, pour en sauvegarder la mémoire et en permettre l’étude par les générations futures, s’est dépensé sans compter dans la vie contemporaine de « sa » ville. Avec le président Jacques-Henri Gros et sous l’égide de la Société Industrielle de Mulhouse, il a constitué une association13 pour préserver de la perte irrémédiable les archives des entreprises mulhousiennes contraintes à la fermeture et pour former le personnel des entreprises en activité au bon usage de leurs documents. Les élus mulhousiens n’hésitaient pas à faire appel à ses compétences historiques pour des articles, des noms de rues, des avis concernant le patrimoine bâti. Raymond Oberlé, éminent spécialiste de Mulhouse, n’a jamais exercé le moindre monopole. Il a toujours accueilli avec bienveillance et soutien tous ceux qui voulaient travailler à ce chantier. Ses nombreuses préfaces en portent témoignage. Mulhouse est en Alsace. Raymond Oberlé a toujours travaillé de concert dans le cadre alsacien avec Colmar (son ami Lucien Sittler) et Strasbourg (le doyen Livet, Francis Rapp, Philippe Dollinger etc.). Il a été associé à l’écriture de l’histoire de l’Alsace14 et à des instruments de travail tels que le Dictionnaire des communes ou les biographies des Grands notables du Premier Empire. Dans le cadre de la Fédération des Sociétés d’histoire et d’archéologie dont il a été vice-président de 1979 à 1993, Raymond Oberlé a su transmettre sa passion pour l’histoire et son exigence de qualité pour les publications des sociétés, lui-même très actif dans celle de Mulhouse. Chancelier de l’Académie d’Alsace en 1988 puis président pendant deux mandats successifs, il a impulsé une dynamique amicale à cette vénérable institution en créant le prix de la Décapole qui récompense les travaux notoires et en organisant plusieurs expositions de grande qualité artistique. Il entretenait discrètement une grande passion pour l’art. L’Alsace est en Europe et les contacts suivis que Raymond Oberlé a su entretenir avec des chercheurs allemands et suisses lui ont permis d’aborder sans réserve les jeux d’alliances et de négociations à une vaste échelle.

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Le comité de la Fédération des sociétés d’histoire et d’archéologie d’Alsace (21/12/1991)

Premier rang, de gauche à droite : Jean-Marie Schmitt, François-Joseph Fuchs (vice-président), Marcel Thomann (président), Raymond Oberlé (vice-président), Gabrielle Claerr-Stamm, Roger Ehrsam, Jean-Paul Bailliard. Deuxième rang, de gauche à droite : Jean-Pierre Kintz, Maurice Kubler, Georges Foessel, Marcel Krieg, Francis Lichtlé, Michel Rilliot, Georges Bischoff. Troisième rang, de gauche à droite : Francis Bucher, Jean-Marie Holderbach, Henri Heitz.

En tant qu’enseignant d’histoire, soucieux de l’avenir professionnel de ses étudiants, Raymond Oberlé a, dans ce domaine également, été un pionnier. Le premier en France, il a mis en place (que de démarches et de force de conviction il a fallu !) une formation universitaire d’archivistes pour les communes15 et les entreprises. En tant qu’archiviste, il a mis à disposition des chercheurs (et de l’administration) une série d’inventaires d’archives essentiels et des outils de travail, eux aussi indispensables. Jusqu’à son dernier souffle, Raymond Oberlé a suggéré des thèmes à traiter dans l’Annuaire de la Société d’Histoire et de Géographie de Mulhouse ou même des cours : il tenait à l’historiographie et au traitement des images. Un hommage doit rester ouvert pour que durent la mémoire et le travail à venir. Les historiens de l’Alsace et de Mulhouse continueront la trace...

NOTES

1. Réponse au maire de Mulhouse lors de la remise de la médaille de la Ville, le 22 juin 2003.

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2. Chevalier de l’Ordre national du Mérite en 1976, commandeur des Palmes académiques en 1978, chevalier de la Légion d’honneur en 1980, médaille de la Ville de Mulhouse en 2003. 3. Prix Jacques Flach de l’Académie des sciences morales et politiques en 1967, Bretzel d’or de l’Institut des arts et traditions populaires d’Alsace en 1990, l’Oberrheinischer Kulturpreis de la Goethe-Stiftung en 1992. 4. Les villes (Mulhouse, Pfastatt), les institutions (Académie d’Alsace, Société Savante, Société d’Histoire et de Géographie de Mulhouse etc.). 5. L’ouvrage de référence réalisé avec le doyen Livet n’a pas été remplacé. Histoire de Mulhouse des origines à nos jours, en coll. avec Georges LIVET, Strasbourg, 1977. 6. On se reportera pour plus de détails à l’ Annuaire historique de Mulhouse, Hommage à Raymond Oberlé, t. 7, 1996 et à la même revue à paraître en novembre 2008. Notice de François Joseph Fuchs dans le Nouveau Dictionnaire de Biographie Alsacienne. 7. Il avait encore en chantier un article pour l’Annuaire historique de Mulhouse. 8. Son fichier constitué au fur et à mesure des dépouillements systématiques des Ratsprotokolle (conservés à partir de 1550) est déposé aux Archives municipales de Mulhouse cf. Annuaire historique de Mulhouse, t. 17, 2006, p. 57-58. 9. Raymond OBERLE, La République de Mulhouse pendant la Guerre de Trente ans, Institut des Hautes études alsaciennes, publications de la Faculté des Lettres de Strasbourg, Paris, 1965. 10. Voir la bibliographie de Raymond Oberlé dans l’Annuaire historique de Mulhouse, Hommage à Raymond Oberlé, t. 7, 1996, p. 57-67. 11. Raymond OBERLE, L’enseignement à Mulhouse de 1798 à 1870, Paris, 1961. 12. Marie-Claire Vitoux dans le numéro de l’Annuaire historique de Mulhouse à paraître. 13. Centre rhénan d’archives et de recherches économiques (CERARE). 14. L’histoire de l’Alsace du XVIe siècle à nos jours, t. 2 de L’histoire de l’Alsace, Ingersheim, SAEP, 1983. Raymond OBERLE, Toute l’Alsace, t. 4 : L’histoire, Wettolsheim, 1987. 15. L’École des Chartes formaient les conservateurs des Archives Départementales.

AUTEUR

ODILE KAMMERER Professeur émérite de l’Université de Haute Alsace

Revue d’Alsace, 134 | 2008 501

La Fédération des sociétés d'histoire et d'archéologie d'Alsace

Revue d’Alsace, 134 | 2008 502

La Fédération des sociétés d'histoire et d'archéologie d'Alsace

Chez nos voisins d'Outre-Rhin

Revue d’Alsace, 134 | 2008 503

Zeitschrift für die Geschichte des Oberrheins

François Igersheim

Inhaltsverzeichnis Band 156 (2008)

Table des matières du numéro 156

Die Bischöfe von Speyer und Worms, die Lorscher Vögte und die Anfänge der Zister- 1 zienserabtei Schönau im Odenwald im 12. Jahrhundert. Von Christian Burkhart

Das Dorf und die bäuerliche Lebenswelt im Schwabenspiegel. Ein Rechtsbuch als 85 soziohistorische Quelle. Von Jens Peter Kutz

Wohnraumbewirtschaftung und Versorgungsdeckung beim Konstanzer Konzil (1414-1418). 109 Zur logistischen Bewältigung eines Großereignisses im Spätmittelalter. Von Ansgar Frenken

Der Mord an Georg Northofer, vormals Rektor der Universität Freiburg. Von Hansjörg 147 Weckerlin

Mit furderung des gemeynen nutz. Die Badner Stadtordnung von 1507. Von Kurt Andermann 167

Mathias Grünewalds Tauberbischofsheimer Andachtsbilder in der Kunsthalle Karlsruhe und 179 Martin Luthers Theologia crucis. Von Reiner Marquard

Eine Wasserkunst für die Stadt Straßburg aus den Jahren um 1575. Von Liliane Châtelet-Lange 195

Ein Exempel sine Exemplo. Das Kriegsgerichtsverfahren gegen den Heidelberger 207 Stadtkommandanten von Heddersdorf im Jahr 1693. Von Max Plassmann

Staatsreligion und religiöse Minderheiten. Katholiken, Protestanten, Juden und Wiedertäufer 235 im Elsass des 18. Jahrhunderts. Von Claude Muller

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Jung-Stilling und die oberrheinische Literaturlandschaft seiner Zeit. Von Gerhard Schwinge 261

Sport und Glückspiel zwischen feiner Gesellschaft und Massenpublikum. 150 Jahre 285 internationale Galopprennen in Iffezheim. Von Martin Furtwängler

„Beides hängt zusammen, das Nationale und Religiöse.“ Zum elsässischen Protestantismus in 315 den Jahren des Ersten Weltkriegs. Von Sebastian Kalden

Ludwig Marum und die Batschari-Reemtsma-Affäre 1929 (II). Von Monika Pohl 351

Die badischen Taubstummenanstalten und ihr Niedergang im Dritten Reich. Von Arnulf 405 Moser

Karl Siegfried Bader und der Wiederaufbau der Kriminalwissenschaft an der Universität 429 Freiburg i. Br., 1945 bis 1952. Zum 10. Todestag von Karl S. Bader. Von Imanuel Baumann

Streit um die „Rheinschiene“. Der Konflikt um den Französischunterricht an den 445 oberrheinischen Gymnasien. Von Ansbert Baumann

Zeitschrift für die Geschichte des Oberrheins. 2007

Nous avons publié dans la RA 2007, la table de la ZGO 2007. Faisons ici la cueillette de ce qui peut intéresser l’historien de l’Alsace. Deux articles retiennent l’attention. En nous signalant une œuvre du roi Stanislas Leczynski, « L’incrédulité combattue par le simple bon sens », traduite en allemand par Théophile Conrad Pfeffel, Walter E. Schäfer évoque le rôle de « passeur » entre le monde savant de la France et de l’Allemagne assuré par Pfeffel (Eine religionspolitische Schrift von Stanislaus Leszcyniski in einer bislang unbekannten Ubersetzung von Gottlieb Konrad Pfeffel). La traduction avait été sollicitée par son « correspondant » à Halle, le pasteur Nicolas Christian Sander, un ami de la famille Pfeffel, qui avait poussé le jeune Théophile à faire ses études de théologie dans cette ville, et lui avait déjà réclamé des traductions de l’allemand vers le français. Ce qui amorçait une longue œuvre de traducteur et de transmetteur. Kurt Hochstuhl, directeur des Archives de Fribourg, étudie l’émigration badoise en Algérie, en se fondant sur les archives du grand-duché conservées à Karlsruhe et à Fribourg. (Die badische Auswanderung nach Algerien, Auswandererbriefe aus Afrika) L’émigration comme phénomène de masse, se déclenche en Bade, après la Révolution de 1848. Dans la décennie 1840 à 1847, 2 565 personnes par an émigrent, mais dès 1851, ils sont 7 900 et en 1852, 14 366. Mais alors que voyages, traversées et installation sont assurés par le gouvernement français, qui a fait distribuer une publicité en ce sens, quelques dizaines de familles seulement émigrent avant 1850. Mais en 1854, les Badois émigrés en Algérie dépassent les mille. Pour réprimer l’escroquerie d’agents d’émigration souvent d’origine alsacienne, qui veulent se charger de « toutes les formalités » contre espèces sonnantes et trébuchantes, le gouvernement du grand- duché, de tous temps réservé, encourage l’activité d’une association pour la prise en charge des réfugiés et son plénipotentiaire à Paris se fait renseigner par le consul général d’Autriche à Alger sur le sort des Badois émigrés en Algérie. Le flux d’émigrés badois s’assèche dès 1855… mais l’on estime que la majorité des 5 700 émigrés

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allemands installés en Algérie en 1857 sont badois. Ils vivent dans des villages qui regroupent Alsaciens, Badois, et Suisses. Hochstuhl publie en annexe les textes de 28 lettres adressées par des émigrés badois à leurs familles. On y relève deux lettres écrites par le pasteur réformé d’Oran, H. Paira à son confrère Trautz de Bötzingen. Paira signale que la terre n’est distribuée aux colons que contre une mise de fonds de 1 500 F, et se demande si des collectes ne pourraient pas être faites pour assurer cette somme aux pauvres Badois (1854). Dans une seconde lettre, il annonce la mauvaise nouvelle : le choléra a tué la moitié des émigrés badois, à peine avaient-ils touché terre. Aux survivants, souvent des veuves, on a remis une maison et une terre, mais ils n’ont ni attelage ni semences et pas d’argent pour en acheter. Bref, l’Algérie … On lira enfin avec intérêt l’article de Michael Horn sur les députés allemands du Sud au Zollparlament (Die suddeutschen Abgeordneten im Zollparlament und die nationale Frage 1868-1870). On sait que les élections au suffrage universel des députés au Zollparlament suscitèrent l’espoir des bonapartistes français au printemps 1868, car en Allemagne du Sud, elles sont remportées par l’opposition à l’adhésion à la Confédération d’Allemagne du Nord et à la solution « petite-allemande » de l’unité allemande. Le mirage du « trialisme » dissipé depuis la crise du Luxembourg de 1867, pouvait il reprendre consistance. Dans le grand-duché de Bade, dont la politique officielle prône l’unité allemande sous direction prussienne, sur 14 députés, 5 appartiennent au « parti catholique », ce qui n’échappe pas aux observateurs politiques dans les rangs de l’Église d’Alsace. Horn montre que les maîtres d’école parlementaires de cette opposition allemande du Sud, au demeurant très hétérogène sont les grands leaders parlementaires du Reichstag d’Allemagne du Nord, Reichensperger, mais surtout Windthorst. Les députés allemands du Sud opposent une minorité de blocage aux tentatives des Nationaux-libéraux d’outrepasser les compétences du Zollparlament pour en faire une instance prônant l’élargissement de la Confédération de l’Allemagne du Nord – ils nomment significativement leur groupe, la « Mainbrücke ». Très conscient du rapport de forces, Bismarck lui-même s’en tient à la stricte application des textes, mais soulève l’Assemblée en une acclamation, lorsqu’il rejette l’imprudente mise en garde d’un député sud-allemand à une intervention française. Bismarck sait déjà quels seront les combustibles du feu qui embrasera l’Allemagne et la fusionnera autour de la Prusse. Les élections au suffrage ultérieures seront les élections au premier Reichstag de l’Empire allemand.

AUTEUR

FRANÇOIS IGERSHEIM Professeur émérite, Université de Strasbourg

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Die Ortenau (2008) Table des matières

Alte Bräuche, junge Bräuche

Editorial Klaus G. Kaufmann. Die heiligen drei König mit ihrigem Stern Dreikönigssingen im Wandel der Zeit Alois Krafczyk. Das Dreikönigsingen in Haslach im Kinzigtal, sein ¸berliefertes Liedgut und dessen Verbreitung Dieter Kaufl. Wallfahrten im Ortenaukreis Dieter Kaufl. Osterbräuche aus dem christlichen Glauben, aus Volks- und Aberglaube Heinz G. Huber Franz von Papen als Wendelinusreiter - Zur zeitgeschichtlichen Dimension der Nuflbacher Wendelinuswallfahrt in den 1950er-Jahren Martin Ruch. Trenderle und Holegrasch: Spuren jüdischen Brauchtums in der Ortenau Uwe Schellinger. Religionsgeschichte als Familiengeschichte: Die Chewra Kadischa in Kippenheim Ekkehard Klem. Die Tradition des Scheibenschlagen in der Friesenheimer Ortschaft Heiligenzell Gerhard Finkbeiner. Die Tracht, festlicher Ausdruck bäuerlicher Kultur Erinnerungen an das einstigeì Bauerndorf Schuttertal Ingrid Hahn. Bräuche, Sitten und Traditionen aus dem einstigen Flecken Willstätt Bernhard Uttenweiler. Ein vergessener Brauch: Schülerpostkarten vom Gymnasium Ettenheim 50 Jahre Abiturienten- und 30 Jahre Einjährigenkarten

Freie Beiträge

Suso Gartner. Wolf von Windeck und seine Hinterlassenschaft Karl Maier. Der Zimmerer Waldbrief von 1389

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Constanze Albecker-Gänser. Hunger nach Bildern und Bildung Beispiele früher Druckerzeugnisse in der Offenburger Historischen Bibliothek Manfred Merker. Im Namen der Hyazinthe Ein Barockgedicht auf dem Grabstein des Offenburger Franziskanerpaters Hyacinthus Pfister, OFMCon (1659-1736) im Kloster Unserer Lieben Frau in Offenburg Dr. Franz Hahn und Walter Schneider. Die Glashütte der Herrschaft Hohengeroldseck am Grassert und die Bedeutung des Waldes für ihren Betrieb... Lina-Mareike Dedert. Waren für die Weills Eine Untersuchung der Lieferantenstruktur der Eisenwarenhandlung Weill aus Kippenheim anhand des Höfer-Fundes. Ernst Gutmann. Krankenversorgung im Mittelalter Beispiel Stollhofen Heinz Nienhaus. Altes Kinzigtäler Haus identifiziert Ulrich Coenen. Die katholische Pfarrkirche Herz-Jesu im Baden-Badener Stadtteil Varnhalt. Ein Spätwerk von Albert Bofllet Hans Harter. Schiltacher Schiffer machen die Gutach floflbar Johannes Werner. Zur Bedeutung von Wilhelm Hausenstein. Eine Rede, gehalten in Paris. Christel Seidensticker. Ein armes Schwein kommt in den Himmel. Wilhelm Busch und Moritz Schauenburg Johannes Werner. Die « entsetzlichen Rheinschnaken » Worüber Goethe klagte, und woran Schiller litt Wolfgang Kleiber Zur Galloromania im Mittleren Schwarzwald und in der nördlichen Ortenau Friedel Scheer-Nahor. Jüdischdeutsch zwischen Kippenheim und Jebenhausen Ein Gespräch mit der aus Kippenheim stammenden Dr. h. c. Inge Auerbacher Wolfgang Stengele. Dramatische Veränderungen in der Natur in der 2. Hälfte des 20. Jahrhunderts Marlon Poggio. Felix Wankel, ein Wegbereiter des Nationalsozialismus in Baden? Zu seiner Rolle in der Wehrjugenderziehung in Heidelberg und in der Lahrer Notgemeinschaft

Junge Autoren

Christine Fix - Hausschlachtung und Säcklestrecken im Harmersbachta

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Le réseau Patrimoine de la Regio TriRhena

La Regio Trirhena est l’un des espaces de coopération transfrontalière territorialisée, réunissant des collectivités territoriales infra-étatiques, comme il en existe plusieurs réunissant la Région Alsace, le Palatinat, et le Bade-Wurtemberg, les cantons suisses du Rhin supérieur. L’Alsace est partie prenante dans deux de ces espaces, PAMINA au Nord et la REGIO TRIRHENA au Sud. Depuis 2003, les gouvernements français, allemands et helvétiques ont ouvert la possibilité de coopérations nouvelles, sous le nom d’Eurodistricts. La RegioTriRhena est une plate-forme trinationale de coopération politique dans la région du sud du Rhin Supérieur dont le périmètre englobe les agglomérations de Colmar, Fribourg en Brisgau, Mulhouse, Lörrach et Bâle. Il regroupe des villes, des groupements de communes et autres collectivités territoriales, mais aussi des organismes économiques, des établissements d’enseignement supérieur, ainsi que des associations. Le conseil de la RegioTriRhena a été créé en 1995 à l’initiative des trois associations Regio Basiliensis, Regio du Haut-Rhin et RegioGesellschaft Schwarzwald-Oberrhein et constitué en association de droit allemand en 2003. Elle est administrée par un Conseil de la Regio Trirhena, et par un Secrétariat régional. En 2003, ce Conseil a décidé la création d’un Réseau Patrimoine. Ce réseau s’était fixé les 4 principaux objectifs suivants : • Encourager la coopération transfrontalière entre les Sociétés • Faciliter les échanges d’informations et l’accès aux archives et objets • Soutenir les projets de recherche et de publication • Stimuler la réalisation de projets collectifs entre les Sociétés Il réunissait au départ une cinquantaine de Sociétés et en compte actuellement environ 80, également réparties en Alsace, en Bade et dans le nord-ouest de la Suisse. Un bulletin de liaison électronique est publié 2 à 3 fois par an et une journée rencontre a lieu tous les 3 ans. Pour recevoir le bulletin il suffit d’en faire la demande à Caroline Buffet : [email protected]

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Comité d’organisation : Caroline Buffet, Gabrielle Claerr-Stamm, Daniel Hagmann, Markus Moehring, Dominik Wunderlin. Secrétariat : Caroline Buffet, [email protected] Adresse postale : Museum am Burghof : Baslerstrasse 143, D-79540 Lörrach ; Société d’Histoire du Sundgau : 14 rue d’Altkirch, BP 26, F-68400 Riedisheim ; Gesellschaft für Regionale Kulturgeschichte BL, D. Wunderlin, Hardstrasse 122, CH-4052 Basel La dernière rencontre du Réseau patrimoine a eu lieu le 31 mai 2008 et son compte rendu a été publié en pdf sur le site http://www.regiotrirhena.org, auquel on peu se reporter. Le Réseau patrimoine a mis sur pied une Expo TriRhena, dont l’hôte est actuellement le Musée de Loerrach, siège du Secrétariat, qui présente de façon vivante l’histoire de la zone de la Regio Trirhena.

L’Expo TriRhena : Une exposition interactive sur la région des Trois-Pays et son histoire

L’histoire régionale est présentée de façon vivante grâce à 60 saynètes et stations sonores. Le cinéma du musée montre par ailleurs une dizaine de séquences filmées illustrant les 60 dernières années. Les stations jeux sont très appréciées aussi bien des enfants que des adultes. Le carnet de jeux bilingue français et allemand « du bist dran - à toi de jouer ! » emmène les enfants et jeunes adolescents dans un parcours ludique et informatif tout au long des nombreuses stations interactives de l’exposition. L’Expo TriRhena s’articule autour de quatre grandes questions : quels sont les traits communs de la Regio ? Comment les trois pays actuels sont-ils apparus ? Comment la population vit-elle avec les nouvelles frontières créées au XXe siècle ? Quelles sont les perspectives d’avenir pour la Regio ? De nombreux thèmes se rattachent à cette structure : les contrôles de frontières, la contrebande, les diverses unités monétaires, l’aspiration à la démocratie en 1848, la terreur nazie et le renouveau après la Seconde Guerre mondiale.

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Historiens et Géographes 2008

Gérard Cholvy

Dans Historiens et Géographes, la revue officielle de l’Association nationale des professeurs d’histoire et de géographie de mai 2008 (n° 402), on trouve ce compte rendu de notre Revue d’Alsace 2007, dont la renommée a comme il se doit, passé aussi les Vosges. Historiographie régionale.Landesgeschichte en France et en Allemagne et ses vecteurs: Universités, Revues, Collections, Sociétés savantes Bilan critique du second XXe siècle (1950 2000), Colloque de Strasbourg (1er et 2 décembre 2006) publié dans la Revue d’Alsace, 2007, n° 133, 635 p. 25 Ce colloque placé sous la direction du professeur François Igersheim, est superbement publié (jusqu’aux illustrations en couleur) avec ses 27 contributions en français (21) et en allemand (6). Chacune d’entre elle est suivie d’un résumé en trois langues, dont l’anglais. En 1974, Georges Livet et Christian Gras avaient réuni à Strasbourg un colloque consacré à Régions et Régionalisme en France. L’idée régionale était à l’ordre du jour, voire, dans le contexte de profondes mutations économiques découlant des Trente Glorieuses et du take off de l’économie, I’essor de revendications identitaires bretonne, « occitane », corse et autres. Les deux survivants de ce premier colloque (P. Barral et G. Cholvy), associés au second, ont mesuré combien, entre 1974 et 2006, le bilan des recherches différait. Dans la foulée de la démocratisation des études ; des créations de postes dans les universités, et forte de l’héritage de la géographie vidalienne, l’histoire des espaces en région s’était trouvé favorisée. L’histoire régionale avait alors le vent en poupe. C’est beaucoup moins vrai aujourd’hui. En témoignent, non seulement une diminution relative des soutenances de thèse depuis 1990, mais aussi un tarissement des grandes séries éditoriales (C. Amalvi, à partir de l’exemple de Privat, mais on peut élargir à d’autres maisons). Ceci est naturellement à nuancer selon les périodes de l’histoire, la désaffection concernant surtout l’époque contemporaine. En Allemagne (A. Schindling, K. Krimm, B. Theil, K. Ditt) I’historiographie régionale est beaucoup mieux organisée qu’en France où les Fédérations et les sociétés ont une vitalité variable, toutes n’ayant pas la vitalité de celle du Sundgau. À vrai dire, le bilan d’ensemble est très positif pour l’Alsace (F. Rapp, M. Thomann, B. Vogler), bien que la coopération transfrontalière soit difficile (K. Hochstubl). Il est en de même en Lorraine

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(F. Roth). Ce n’est pas le cas pour l’Aquitaine (P. Guillaume). Même affaiblissement des structures fédératives en Bourgogne (A. Bleton-Ruget et Ph. Poirrier). En Bretagne ce sont les problématiques nationales qui s’imposent avec une application sur un terrain spécifique (J. Sainclivier). Dans le Nord les sociétés savantes demeurent vivantes, malgré un vieillissement tangible de leurs membres à la fin du XXe siècle (Ph. Guignet). Georges Bischoff présente, quant à lui, une Revue d’Alsace qui a acquis une stature scientifique sans précédent et contribué à décrisper l’historiographie de la région. Sur la présence juive et les mémoires de la Seconde Guerre mondiale, une synthèse suggestive due à Dominique Lerch. Il appartenait à Philippe Joutard de dresser un tableau d’ensemble de L’Université française et l’historiographie régionale (1945-2000) » : facteurs d’évolution et dynamisme qui en a résulté, « une acmé autour du début des années 1990 suivi d’un tassement et d’un déclin », aux exceptions près. Une synthèse analogue est faite concernant l’Allemagne, la Landesgeschichte parvenant à se maintenir (Winfried Speitkamp). Outre les fort beaux portraits d’une pléiade d’historiens connus, disparus ou vivants, ce numéro de la Revue d’Alsace se recommande par la diversité d’une approche transfrontalière. Au-delà du colloque il contient une présentation (avec d’excellentes cartes) des élections du printemps 2007 en Alsace, par Richard Kleinschmager; une étude sur « Les corporations de Strasbourg au Moyen Âge » (S. von Heusinger) ; des positions de thèses, une chronique des archives et d’autres apports à l’Alsace dont de nombreuses recensions.

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Publications des sociétés d’histoire et d’archéologie d’Alsace (années 2006-2007)

Grégory Oswald

Bas-Rhin

Société d’histoire d’Alsace Bossue

Cahier n° 55 (2007)

R. LETSCHER, Légende de Tieffenbach ; Ph. JEHIN, Tieffenbach au XVIIIe siècle : les hommes et leur environnement ; R. BRODT, De la Nouvelle Orléans à Tieffenbach, une histoire à l’envers ; R. BALLIET, Réponse à l’histoire à l’envers ; R. BRODT, Le décor de la maison paysanne de Tieffenbach ; C. MULLER, L’historique de Tieffenbach ; M. BIEBER, Tieffenbach et ses églises.

Cahier n° 56 (2007) Tieffenbach : Souvenirs du pasteur Charles Wagner

J.-L. WILBERT, Les souvenirs du pasteur Charles Wagner ; M. BIEBER, Tieffenbach et ses cimetières ; J.-M. NEIS, La Bohnenmühle ; A. BOUR, Le moulin dit de « Tieffebach » ; M. BIEBER, Complément sur les moulins. Contacts : 3 place de l’École, 67430 Dehlingen

Cercle généalogique d’Alsace

Bulletin n° 157 (2007/1)

I. Sources et recherches : A. ROST, Alsaciens et autres étrangers à Stuttgart d’après les registres paroissiaux (1667-1684) ; D. DUILL, Notes historiques quant aux « besoins de la Cour des ducs de Wurtemberg-Montbéliard », en allemand Württemberg-Mömpelgard,

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lignée collatérale de la Maison de Wurtemberg, sur la Stiftskirche et trois personnes trouvées dans les RP de 1685-1698 ; W. PALLASCH et P. BALLIET, Elsässer und Lothringer im Regiment Royal Deux-Ponts (début) ; R. BORNERT, Listes-éclairs informatisées. II. Articles : F. FISCHER, Vorfahren des Werner v. Lützelburg (1549-1617), génération X ; P. MARCK, Les Gatrio, de la maçonnerie en Suisse à la choucroute en Alsace ; N. de COINTET, Notes généalogiques sur la famille Baratin de Pechery ; P. SCHNEIDER, Les ancêtres sundgauviens d’un grand Européen, ascendance de Pierre Pflimlin (1907-2000).

Bulletin n° 158 (2007/2)

I. Sources et recherches : A. ROST, Alsaciens et autres étrangers à Stuttgart d’après les registres paroissiaux (1627-1666) ; W. PALLASCH et P. BALLIET, Elsässer und Lothringer im Regiment Royal Deux-Ponts (suite) ; B. NICOLAS, Alsaciens condamnés au bagne de Toulon. II. Articles : Fr. FISCHER, Vorfahren des Werner v. Lützelburg (1549-1617), génération XI ; F. BIJON, Les fonctions électives des Mauler de Gertwiller (1606-1732) ; V. MULLER, Les ancêtres alsaciens et lorrains de l’égyptologue Jean Philippe Lauer (1902-2001).

Bulletin n° 159 (2007/3)

I. Sources et recherches : A. ROST, Alsaciens et autres étrangers à Stuttgart d’après les registres paroissiaux (1610-1626) ; W. PALLASCH et P. BALLIET, Elsässer und Lothringer im Regiment Royal Deux-Ponts (suite) ; B. NICOLAS, Alsaciens condamnés au bagne de Toulon (II) ; R. SCHMIDT, Abjurations relevées dans les registres catholiques d’Oberbronn 1701-1749 ; R. BORNERT, Les bases de données du CGA. II. Articles : Fr. FISCHER, Vorfahren des Werner v. Lützelburg (1549-1617), génération XII ; M. FRANCOIS, Nicolas Milan, bourreau et victime, lors des procès de sorcellerie du Ban de la Roche en 1620/1621 ; V. MULLER, Les ancêtres alsaciens d’Adolphe Gutbub, égyptologue (1915-1987) ; Andolsheim ; Rôles de la compagnie du dépôt de la Légion royale allemande 1810-1813 (suite) ; A. SPAETH-NAGEL, Des verriers alsaciens dans le Cantal au XVIIIe siècle.

Bulletin n° 160 (2007/4)

I. Sources et recherches : A. ROST, Alsaciens et autres étrangers à Stuttgart d’après les registres paroissiaux (1558-1609) ; W. PALLASCH et P. BALLIET, Elsässer und Lothringer im Regiment Royal Deux-Ponts (fin) ; B. NICOLAS, Alsaciens condamnés au bagne de Toulon (III). II. Articles : Fr. FISCHER, Vorfahren des Werner v. Lützelburg (1549-1617), génération XIII à XVIII (fin) ; P. BERTRAND, Trois fois exilée…, le cas de Madeleine Muller (1885-1969) de Neewiller-près-Lauterbourg ; C. WOLFF, Trois artistes alsaciens : Marcel Marceau, alsacien ? ; C. SCHNEIDER, Quelques ancêtres alsaciens d’Edwige Feuillère (1907-1998) ; J.-L. KLEINDIENST, Les ancêtres alsaciens de Pierre Fresnay (1897-1975). Contacts : 5 rue Fischart, 67000 Strasbourg Site Internet : www.alsace-genealogie.com e-mail : [email protected]

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Société d’histoire et d’archéologie de Brumath et environs

Annuaire (2007)

C. MULLER, La tragique disparition du Maire Geoffroi Richert ; F. RITTER, Les vitraux de l’église Saints-Nazaire-et-Celse de Brumath ; J.-P. SIEFER, Les vitraux de l’église protestante de Weitbruch ; C. SENGEL, L’émigration en Amérique de trois frères Sengel ; C. SENGEL, De Brumath à Fort Smith (Arkansas, USA) ; G. STROHL, Geoffroi Velten ; M. WOLF, Une pierre tombale au fond d’une grange ; C. MULLER, L’omoplate ; C. MULLER, La rue Raymond Poincaré ; L. GANTER, Numismatique - une pièce romaine trouvée à Brumath ; C. ARNOLD, Techniques des peintures murales ; Les thermes de Brocomagus. Contacts : 72 rue du Général Duport 67170 Brumath, tél. 03 88 51 07 61 e-mail : [email protected]

Fédération du Club vosgien

Les Vosges 1/2007

M.-L. WITT, Les fondateurs de la Société savante du Club Vosgien (1re partie) ; † J. PELTRE, Les espaces collectifs villageois, l’exemple des « usoirs » lorrains ; F. JACQUOT, Détour par l’Ouest vosgien d’un petit rapporté (3e partie) ; R. KLEINE, Le flottage du bois sur la Sarre ; CV Lièpvre, Les bornes frontières de 1871 dans la haute vallée de la Liepvrette ; F. LUNG, L’évolution des paysages vosgiens : la vallée de Munster.

Les Vosges 2/2007

A. ROSSINOT, Congrès de la Fédération du Club Vosgien ; M. JEANTY, Bienvenue à Nancy ; J. HURSTEL, Nancy la Ducale ; Nancy la Royale ; L. GUILLEMIN, Le blason de Nancy ; P. LEONET, La place Stanislas ; R. PIERREL, Le jardin botanique du Montet ; M. JEANTY, le GR534 Stanislas-Kléber ; F. GEANTY, Jacques Callot ; Des spécialités lorraines.

Les Vosges 3/2007

J. SALESSE, Formation GRP 2007 : 10 ans après… ; M.-L. WITT, L’annuaire de la Société savante du Club Vosgien (2e partie) ; H. SICARD-LENATIER, Les Alsaciens à Nancy : 1870-1914 ; Le sentier de la mémoire de la vallée du Hure ; F. GUTH, Le Kochersberg : entre Rhin et Vosges ; L. GANGLOFF, Le massif des Vosges et son grand tétras.

Les Vosges 4/2007

M.-L. WITT, L’annuaire de la Société savante du Club Vosgien (suite) ; J.-P. AUBE, Le vignoble des côtes de Nancy au XIXe siècle ; G. SICHLER, A la découverte du Clos du Doubs ; J. LORCY, Baccarat, terre du cristal ; R. BUCHELE, Entre le Steinbaechlein et la vallée de l’Ill ; H. MATHIEU, Le cinquième commandement de l’église ; A. LEMBLE et J.- M. PARMENT, En balcon au-dessus de la vallée de la Bruche ; H. HEITZ, Un paysage

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familier et cependant méconnu, le Kronthal ; J.-R. ZIMMERMANN, Visite d’une colline méconnue : le Koppberg. Contacts : 16 rue Sainte-Hélène, 67000 Strasbourg, tél. 03 88 32 57 96, fax 03 88 22 04 72, e-mail : [email protected]

ASSOCIATION ESSOR

Numéro 213 (2007)

G. et M.-Th. FISCHER, Pourquoi « La Maix » ? , Cl. JÉROME, Une plante rare aux environs du Lac de La Maix ; G. et M.-Th. FISCHER, La Maix avant l’histoire ; P. LOISON, Recherches subaquatiques ; G. et M.-Th. FISCHER, Nouveaux regards sur l’histoire de La Maix ; G. et M.-Th. FISCHER, La Maix, un « sanctuaire à répit » parmi d’autres ; G. et M.- Th. FISCHER, Un exemple concret de « répit » dans nos contrées : le « cas miraculeux » de Malfosse (1672) ; G. et M.-Th. FISCHER, Une statue entêtée ; G. et M.-Th. FISCHER, Un lac légendaire ; G. et M.-Th. FISCHER, Espérer un mari à La Maix ; P. HUTT, Le Violon du Diable au Donon ; P. LOISON, Autour du lac de La Maix. Contacts : 9 rue Principale, 67130 Grandfontaine, tél. 03 88 97 22 56

Fédération des associations pour l’étude et la mise en valeur du patrimoine hospitalier et de la santé en Alsace

Patrimoine & Mémoire Hospitalière n° 1 (2007) Musique et orgues des hôpitaux d’Alsace

Musique et Santé : V. FLUSSER, La musique à l’hôpital ; A. SICKERT-DELIN, La musique à l’hôpital, A la recherche de l’harmonie perdue ; J. SOUTTER, Musique récréative pour clients hospitaliers ; Musique et personnel des hôpitaux : F. BUCHHEIT, Chorales et fanfare aux HCS ; J.-J. BERTRAND, L’orchestre folklorique du personnel des HCC ; Musiques dans les chapelles des hôpitaux et cliniques d’Alsace : J.-P. ZENGLEIN, Musique sacrée ou profane dans les chapelles des hôpitaux ; A. ROTH et F. AST, Les musiques de l’Église catholique romaine ; W. BRINKERT, Les musiques des Églises protestantes ; Les orgues des hôpitaux d’Alsace : E. EISENBERG et Ch. REITENBACH, La Structure sonore et interne, La Tuyauterie, La transmission et la console, La soufflerie, Le buffet, L’art du facteur d’orgues, L’orgues alsacien. Répertoire des Orgues des chapelles des hôpitaux d’Alsace : Brumath : chapelle catholique d’hôpital, Brumath : chapelle protestante de l’hôpital, Colmar : hôpital Pasteur, Colmar : hôpital départemental (CDRS), Mulhouse : hôpital Haserain, Mulhouse : maison du Moenschberg, Mulhouse : clinique St-Damien, Orbey chapelle de l’hôpital intercommunal du canton vert, Rouffach : chapelle catholique du centre hospitalier, Rouffach : chapelle protestante du centre hospitalier, Saverne : chapelle de hôpital, Strasbourg : chapelle protestante de l’hôpital civil, Strasbourg : chapelle catholique de l’hôpital civil, Strasbourg : clinique des Diaconesses, Strasbourg : clinique Bethesda, Strasbourg-Neudorf : clinique Ste-Odile, Strasbourg : clinique de la Toussaint, Strasbourg-Robertsau : clinique Ste-Anne, Liste des facteurs d’orgues d’Alsace. Contacts : Département d’histoire de la Médecine des Hôpitaux - Institut d’Histoire de la Médecine et des Sciences Humaines, Hôpitaux Universitaires de Strasbourg (HUS) BP 426, Strasbourg cedex

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Amis des Hopitaux universitaires de Strasbourg

Revue n° 18 (2007)

Histoire et Patrimoine Hospitalier : D. DURAND de BOUSINGEN, Quelques aspects de l’architecture de la Clinique médicale A ; A. SACREZ, La Clinique médicale A ; R. MATZEN, Méditations versifiées d’un vieil optimiste alsacien à l’hôpital ; J. ROETHINGER, Hermann Wolfgang Freund (1859-1925) ; V. CASTEL, Pierre Masson (1880-1959) ; E. ROESSLIN, Der Swangern Frauwen und hebamen Rosegarten : Physiologus.

Revue n° 19 (2007)

Histoire et patrimoine Hospitalier : J.-M. VETTER, Meurtre au presbytère ou la maladie favorise-t-elle le crime ? ; M. IMLER, Daniel Kuhlmann (1908-2006) ; R. KLAUSSER, D’anciens de Saint-François se retrouvent ; D. DURAND DE BOUSINGEN, Les dangers du tabac vus par l’Académie de médecine en 1865 ; R. MATZEN, Wihnàchte im Elsàss - Noël en Alsace ; S. DORE, Quelques croyances et remèdes traditionnels au XVIe et XVIIe siècle ; Mémoire de la Médecine à Strasbourg (MMS) : P.-A. BEFORT, De la ménespausie à la ménopause, 1812-1821 ; M. PHILIPPE, L’univers magique selon Paracelse. Contacts : Institut d’Histoire de la Médecine et des Sciences humaines, Département d’Histoire de la Médecine, BP 426, 1 place de l’Hôpital, 67091 Strasbourg cedex.

Association des amis de la maison du Kochersberg

Kocherschbari n° 55 (2007)

J. VOGT (†), L’attrait des terres du Kochersberg au XVIIIe siècle : cas de la famille Poirot, dynastie d’avocats et de juristes, originaire de Giromagny en Haute-Alsace ; J. DALTROFF, Histoire et approche pédagogique du cimetière israélite de Quatzenheim ; F. HEIM, La persécution religieuse de 1792-1797, Martyrs du diocèse de Strasbourg et héros du Kochersberg ; J.-M. QUELQUEGER, De Durningen aux USA. Contribution à l’émigration en Amérique Nord au cours du XIXe siècle ; A. LORENTZ, Michel Heim (1799-1868), originaire de Wintzenheim-Kochersberg, fondateur en 1828 d’une brasserie à Montauban (Tarn-et-Garonne) ; A. LORENTZ, Gendarme à cheval, commissaire de police à Cayenne, puis commissaire-commandant à Iracoubo en Guyane française : Jacques Mandel (1818-1868), originaire de Pfettisheim ; J.-Cl. OBERLE, Un atelier de chapellerie à Wingersheim au milieu du XIXe siècle ; Faits divers évoquant la guerre franco-prussienne de 1870 dans le Kochersberg ; P. GUTKNECHT (†), Fête patronale à Behlenheim dans les années1930 ; M. RUCH, Il y a 50 ans… la construction de l’école de Truchtersheim (1947-1953).

Kocherschbari n° 56 (2007)

A. KRIEGER, Souvenirs d’Afrique d’un missionnaire : les dangers de la brousse. Témoignages de vie du Père André Krieger ; J.-C. OBERLÉ, Près de Donnenheim : Une grange cistercienne dépendant de l’abbaye de Neubourg ; A. LORENTZ, La famille Walter, De Kleinfrankenstein à… la place Stanislas de Nancy (1761-1947) ; M. MEYER,

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Mémoires inachevées de Marius Meyer (1917-2006), Directeur d’école et secrétaire de mairie à Hohatzenheim ; B. JOST, La libération de Hohatzenheim et des environs en 1944-1945 ; J. WURTZ, La domesticité dans les fermes, ‘s G’sindel uf’em Bürehoft. Contact : 4 place du Marché, 67370 Truchtersheim

Le parc de la Maison alsacienne

Cahier n° 9

D. KEIGLER, Maisons nobles de Wintzenheim ; J.-Cl. KUHN, Visite d’une maison de 1724 de Vendenheim (1 rue des Champs) ; Évolution des boiseries décorant les Stubes à Vendenheim ; Découverte d’un coffre de la fin du Moyen Âge ; L. POTEUR, Une recette ancienne ; J.-Cl. KUHN, Maisons alsaciennes disparues ou sauvées cette année. Contacts : 34 rue Courbée, 67116 Reichstett, tél. 03 88 20 59 90

Société d’histoire et d’archéologie de Molsheim et environs

Annuaire 2007

Chr. MULLER, Une famille de vitriers entre Rosheim et Obernai ; L. SCHLAEFLI, Données relatives au clergé de Dachstein avant 1648 ; L. SCHLAEFLI, Note relative à une commande faite à Bartholomaeus Beck, sculpteur à Molsheim (1624) ; J.-P. HIRSCH, L’enseignement de l’allemand dans la haute vallée de la Bruche avant 1914 ; E. DELBECQUE, Deux armoiries de la chartreuse de Molsheim dans l’Armorial général de 1696 ; E. FRITSCH, Les voyages de l’autel de saint Bonaventure de l’église des capucins de Molsheim ; P.-V. BLANCHARD, Le fer et le feu à Molsheim : Origines et développement de la société COULAUX et Cie (1805-1870) ; J. RAIMBAULT, Retour sur la statue de saint Jean l’évangéliste conservée au Württembergisches Landesmuseum de Stuttgart ; L. SCHLAEFLI, Un livre de prix du pensionnat de Molsheim (1843) ; C. KEMPF, Et la photographie vint à Rosheim… ; R. KELLER, Nouvelles du « chantier des bénévoles » de la chartreuse de Molsheim ; L. SCHLAEFLI, Un centenaire à Molsheim au XVIIe siècle : le pelletier Laurent Dillinger ; G. OSWALD, Index des articles publiés dans les annuaires de la Société d’histoire et d’archéologie de Molsheim et environs de 1997 à 2006. Contacts : 4 cour des Chartreux, 67120 Molsheim, tél. 03 88 49 59 38

Société d’histoire de La Poste et de France Telecom en Alsace

Diligence d’Alsace n° 76 (1/2007)

Poste aux chevaux et messagerie: A. DENNEFELD, Le relais de la Cour du Corbeau à Strasbourg ; A. DENNEFELD, Victor Hugo en malle-poste de Strasbourg à Fribourg et Bâle en 1839 ; A. PEINE, Lesentrepreneurs demessageries àStrasbourg au XIXe ; Social : J. LERAT, Les jeunes facteurs du télégraphe et la promotion sociale ; A. RAHMANI, Histoire de la Mutuelle Générale : la solidarité en mouvement ; Témoignage: F. GASTEBOIS, Mes années aux chèques Postaux ; In Memoriam : P. CHARBON et J. LERAT, Eugène Niva ; Télécommunications: J. LERAT, A propos du Minitel en Alsace.

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Diligence d’Alsace n° 77 (2/2007)

Postes:P. CHARBON, Jean Dramard,maître de poste et administrateur des Messageries ; M. PUIBOURDIN, Un Alsacien devenu maître de poste en Anjou:François Ignace Sig ; A. DENNEFELD, Une nouvelle rue à Mulhouse : la rue François-Donat Blumstein ; D. SIEBLIST, Le service postal et l’Empire allemand, il y a cent ans ;Télécommunications: J. LERAT, Un aspectparticulier du télégraphe : la télécopie ou fac-similé ;Découverte :J. KÜSTER, Lemusée de la communication à Francfort ; Philatélie : M. CARNEVALE, La série fantôme des « Timbres de Colmar » février 1945 ; A. PEINE, Chronique philatéliquerégionale 2007 ; In Memoriam: M. DUPOUY, Charles Stinus. Contacts : 5 rue des Clarisses, 67000 Strasbourg, tél. 03 88 52 98 99, fax 03 88 52 18 11, e- mail : [email protected]

Société d’histoire des Quatre Cantons

Annuaire n° 25 (2007)

L. BRASSEUR et J.- M. ZUGMEYER, Les cinémas à Illkirch-Graffenstaden ; C. RIEBER, Sand au XIXe siècle (1800-1914) ; V. HUSSER, L’Hôtel de Ville d’Erstein ; V. BAUMANN- GSELL, Les synagogues de l’architecte Gustave Adolphe Beyer dans le Kreis d’Erstein ; R. RIETSCH Les Hofnamede Fegersheim-Ohnheim ; M. RUNNEBURGER, De la Restauration à nos jours : Les sœurs de la Toussaint au service de l’accompagnement des personnes en diverses souffrances à Benfeld ; M. BEZLER, 1793-1892 : un siècle d’état civil à Geispolsheim ; M. BARTHELMEBS, Le monument aux morts de Plobsheim ; Ch. BALLA, In memoriam : Martin Allheilig et Georges Hansmaennel. Addenda: deux affaires alsaciennes autour de l’empereur Guillaume II. Contacts : 56 rue de l’Église, 67230 Herbsheim, tél. 03 88 74 34 39, e-mail : guth-soc- [email protected]

Société d’histoire de Reichshoffen et environs

Annuaire n° 27 (2007)

E. POMMOIS, Le château de Froeschwiller en 1920 ; B. ROMBOURG, Les Blum, Holcroft, Beckenhaupt et Schitter ; J. SALESSE, Août 1870 par Albert de Dietrich, maire de Niederbronn ; B. ROMBOURG, L’extraction du minerai de fer à Mietesheim ; A. LAURENT et B. ROMBOURG, De la scierie Singer à la scierie De Dietrich ; B. ROMBOURG, Les Richshoffen, les Richshoffer, les Reichshoffer et les Reishoffer ; B. ROMBOURG, Les dépôts de chiffons à Reichshoffen et à Niederbronn ; B. ROMBOURG, Les vignes du Rebberg ; B. ROMBOURG, Du tramway à vapeur au tramway électrique ; D. HICKEL et B. ROMBOURG, Le marteau-pilon ; B. ROMBOURG, De Dietrich et le wagonnage ; G. RICHARD, De Dietrich et la navigation rhénane. Contacts : 5 rue du Chevreuils, 67110 Reichshoffen, tél. 03 88 09 65 73

Revue d’Alsace, 134 | 2008 519

Société des amis du musée régional du Rhin et de la navigation

Bulletin n° 19 (2007)

R. DESCOMBES, Les écluses à bassin d’épargne. Les Voies navigables au service du développement durable. Vocabulaire du halage et de la traction ; H. BICHONNIER, L’Ourgon de la Saône ; R. KLEINE, Le flottage des bois sur la Kinzig ; M.-H. DAVID, La reconstitution du parc français d’automoteurs rhénans après 1945. Contacts : Pousseur « Strasbourg », rue du Général-Picquart, 67000 Strasbourg

Société d’histoire et d’archéologie du Ried-Nord

Annuaire 2007

Cl. MULLER, Guerre et Paix sur la frontière du Rhin au XVIIIe siècle : L’Alsace au moment du traité de Ryswick. Le mémoire dit « de La Grange » (1697) ; La guerre de succession d’Espagne en Alsace (1702-1714) ; Stanislas Leszczynski et l’Alsace. Aux origines de la guerre de succession de Pologne ; La guerre de succession d’Autriche (1740-1748) et ses conséquences ; Après le renversement des alliances, paix éphémère et voyages divers ; D’une province-frontière à une nouvelle Amérique ?

Association d’histoire et d’archéologie de Sarre-Union

Annuaire 2007 Revue des vallées de la Sarre, de l’Eichel et de l’Isch

J. WOLFF, Une hache polie à Sarre-Union ; G. METZGER, J. WOLFF, Un trésor gallo- romain à Sarre-Union ; X. BLUM, La vie de l’Abbé Antoine Gapp (1766-1833) - 6e partie ; J. WOLFF, La spoliation des biens juifs à Sarre-Union pendant la Seconde Guerre mondiale ; J. WOLFF, Ex-libris ; R. BRODT, Habitat rural ancien ; J. WOLFF, Quelques pièces de céramique d’art d’Alsace Bossue ; G. METZGER, J. WOLFF, Les de Schlumberger et le domaine de Bonnefontaine ; J. WOLFF, Histoire des Gazogènes (N° 3). Contacts : 11 Grand’Rue, 67260 Sarre-Union

Société savante d’Alsace

Collection « Recherches et Documents » tome 77 (2007)

M. DEBUS KEHR, Travailler, prier, se révolter : Les compagnons de métier dans la société urbaine et leur relation au pouvoir (Rhin supérieur au XVe siècle) 1re partie : Les compagnons de métier dans la société urbaine – Chapitre I/ Le salariat, un groupe social différencié : Une approche globale de la stratification urbaine ; L’insertion des compagnons de métier dans une couche sociale ; Le droit de bourgeoisie, vecteur d’ascension sociale. – Chapitre 2/ Les caractéristiques des compagnons salariés : Les salaires ; L’objectif : le statut de maître ; Une donnée capitale : les pérégrinations. – Chapitre 3/ Salariés et autres groupes sociaux : quelle image ? : Troubles, mésententes, désordres : une ambiance sulfureuse ; Un groupe social redouté, les lansquenets : sans foi ni loi ? ; Les musiciens et autres bateleurs : des professionnels libres de tout ?

Revue d’Alsace, 134 | 2008 520

2e partie : Les confréries et associations – Chapitre I/ Typologie des sources : Terminologie ; Les critères de sélection des sources ; Les sources : ce qu’elles révèlent ou passent sous silence. – Chapitre 2/ Les statuts et règlements : entre simplicité et complexité : L’administration donne le ton ; Le cadre ecclésial et la piété ; Les nécessités du fonctionnement ; La prévoyance au temporel ; Un ensemble juridique autoritaire. 3e partie : Le salariat et le pouvoir – Chapitre I/ Les détenteurs du pouvoir urbain : La lente et conflictuelle mise en place des pouvoirs urbains ; Une image diversifiée des corporations. – Chapitre 2/ L’expression du pouvoir urbain et corporatif : Les règlements corporatifs des cordonniers strasbourgeois ; Les règlements interterritoriaux relatifs au salariat. – Chapitre 3/ L’expression du pouvoir du salariat : Le mouvement des compagnons cordonniers : chronique d’une intention égarée ; Le pouvoir sous-jacent du salariat dans les conflits du travail. Contacts : 17 Haute Corniche, 67210 Obernai

Société d’histoire et d’archéologie de Saverne et environs

Pays d’Alsace n° 218 (I-2007)

P. GERBER, A Weiterswiller, l’église « historique ». La peinture représentant saint Materne ; A. BRUCKER, Wilwisheim, du Moyen Âge à 1789 (4e partie) ; Cl. MULLER, La région de Saverne vue par l’ingénieur militaire Guillin en 1702 (2e partie) ; J. WOLFF, Les Schneider, pasteurs à Alteckendorf (1802-1855) (3e partie) ; † R. RATINEAU, J.-L. WILBERT, Jean Kremp, maire de Sarre-Union sous l’Empire et la Restauration. XV-Les maires Louis Karcher et Nicolas Henry. La mort de Jean Kremp ; E. BARTHELME, Léonard Dossmann de Maennolsheim, paysan, industriel et pionnier (1846-1920) ; M. SCHAUBER-LEFEBVRE, Le journal d’une « malgré-elle » de Herbitzheim.

Pays d’Alsace n° 219 (II-2007)

A. BRUCKER, Wilwisheim, du Moyen Âge à 1789 (5e partie) ; Cl. MULLER, L’abbé François Antoine Garnier au service du cardinal de Rohan ; H. HEITZ, Lorsque Saverne inspire un roman d’Edmond AboutMadelonSon excellence le prince d’Armagne; Centenaire de la SHASE : H. HEITZ, G. IMBS, Fr. KUCHLY, P. VONAU, La Société d’Histoire et d’Archéologie de Saverne et Environs a cent ans ; Tricentenaire de la naissance de Neusaarwerden : J.-L. WILBERT, Neusaarwerden ou la naissance d’une nouvelle ville au XVIIIe siècle ; Contribution à l’histoire du pont de la Sarre ; A propos des armoiries du comté de Sarrewerden et des Nassau ; Règlement pour les églises du culte réformé de Saarwerden ; Louis Crato (1661-1713), fondateur de Neusaarwerden ; H. GACHOT (†), Les habitants de Neusaarwerden.

Pays d’Alsace n° 220 (III-2007)

A. BRUCKER, Wilwisheim, du Moyen Âge à 1789 (6e partie) ; H. HEITZ, Petit conte d’archéologie médiévale. Mémoire d’un intrus dans l’architecture de notre pays ; P. BALLIET, Douze familles du pays de Hanau déportées à la Nouvelle Orléans ; J.-L. WILBERT, Enrôlés au régiment de « Nassau-Infanterie » ; R. ENGEL, L’abonnement de la forêt du Tannenwald près de Marmoutier ; H. HEITZ, Contribution à l’étude de l’urbanisme savernois à l’époque du Reichsland (1871-1918). Les Bauscheine, permis de construire de 1913 ; H. HEITZ, Edmond About, correspondant de guerre à Saverne.

Revue d’Alsace, 134 | 2008 521

Pays d’Alsace n° 221 (IV-2007)

A. BRUCKER, Wilwisheim, du Moyen Âge à 1789 (7e partie) ; H. HEITZ, Petit conte d’archéologie médiévale. Mémoire d’un intrus dans l’architecture de notre pays (suite) ; E. CLEMENTZ, B. METZ, Le crime de l’ermite de Himmolsheim en 1558 ; R. BRODT, Habitat rural en Alsace Bossue. Le style de Lohr. Encadrements néoclassiques en Alsace Bossue : variantes et exemplaires uniques ; G. GILLIOT (Transcription), Edmond About, correspondant de guerre à Saverne (2e partie) ; J.-L. WILBERT, Drôle de guerre 1939-1940. Les souvenirs du trio « Pe.Pi.To. » à Sarre-Union et environs. Contacts : BP 90042, 67701 Saverne cedex, tél./fax 03 88 71 06 01, e-mail : [email protected]

Les amis de la bibliothèque humaniste de Séléstat

Annuaire 2007

Ch. MUNIER, Beatus Rhenanus et la pénitence ecclésiastique (suite et fin) ; J. PONS, La ville impériale de Sélestat et sa participation aux mouvements sociaux, politiques et religieux des années 1490-1536 par Joseph Gény ; F. HIERONYMUS, Von Ptholomeus zu Sophianos « König Ptolomeus » und der frühe Kartendruck am Oberrheim ; L. NAAS, Une bibliothèque conventuelle à la fin de l’Ancien Régime : la bibliothèque des Capucins de Sélestat à travers son catalogue de 1773 ; M.-J. STUDER, Frédéric II de Hohenstaufen ; P. STEINMETZ, Le Kritterbusche ; J.-C. KLINGER, Un héritage préhistorique exceptionnel en Alsace centrale ; Y. MERLIN, Marie-Joseph Erb, Sélestadien d’adoption (2e partie) ; S. de RAGUENEL, La Guerre des Paysans à Sélestat : le témoignage de Paul Volz, abbé de Honcourt ; F. SCHLIENGER, Beatus Rhenanus et l’antijudaïsme d’Erasme de Rotterdam (suite) ; C. MULLER, Sélestat, Colmar… ou Canossa ? L’allégeance de Mgr Joseph Guillaume Rinck de Baldenstein à la monarchie française (1744 et 1747) ; H. SCHUHLER, Anecdotes sélestadiennes (famille Catala) ; F. RUHLMANN, Vivre ou mourir ensemble ; M. MULLER, Sélestat : une ville d’accueil ; L. ADONETH, Une procession mouvementée à Châtenois en 1777 ; P. WALTER, Cinq siècles d’histoire, la mairie de Châtenois ; P. WALTER, La fin de la salle des fêtes de Châtenois ; J.-M. JOSEPH, Le Kelsch ; J. PONS, Aimé Spitz (1909-1980) Résistant et déporté sélestadien ; A. DORLAN, Casier des rues et maisons de Sélestat ; J. PONS, Souvenirs du Vieux Sélestat ; P. HURSTEL, Journal des événements survenus à Schlestadt à l’occasion de la guerre austro-serbe (du 1er août 1914 au 25 novembre 1918) (3 e partie) : du 7 février 1915 au 9 mars 1917 ; H. MEYER, Liste des documents patrimoniaux offerts à la Bibliothèque Humaniste ; H. MEYER, La grille en fer forgé de la salle Beatus Rhenanus ; H. MEYER, Un timbre-poste pour la Bibliothèque Humaniste ; H. MEYER, Il y a 20 ans que le Chanoine Paul Adam nous quittait ; P. ANDLAUER, Joseph Andlauer, le général et l’humaniste ; J. VOGT, Les patrimoines fonciers des Sainctlo, notables de Sélestat et de Strasbourg au XVIIIe siècle ; H. MEYER, Bibliographie sélestadienne (2006). Contacts : Bibliothèque Humaniste, 67600 Sélestat

Revue d’Alsace, 134 | 2008 522

Société des amis du Vieux Strasbourg

Annuaire XXXII (2006-2007)

M. MOSZBERGER, A propos des notions de banlieue, faubourg, et quartier à Strasbourg ; J.-P. HAETTEL, Portraits de seigneurs, en 1480, au couvent des Pénitentes de Sainte- Madeleine à Strasbourg ; L. SCHLAEFLI, Un fragment inédit de la chronique de Sébald Büheler (1529-1595) à propos d’une violente explosion accidentelle rue des Couples en 1581 ; F.J. FUCHS, Employés de la ville de Strasbourg du XVe au XVIIIe siècle (nouvelles données – 2e partie K-Z) ; G. BANDERIER, A propos du Triomphe de la Foy de Du Bartas traduit en allemand par J.V. Andreae et imprimé à Strasbourg en 1627 ; J.-M. LE MINOR, Jacob Bartsch (1600-1633), mathématicien, astronome, et docteur en médecine strasbourgeois, gendre de l’illustre Johannes Kepler (1571-1630). Répertoire bibliographique de ses publications ; Ch. WOLFF, Deux testaments strasbourgeois de 1701 et 1702 concernant la famille du peintre Georges de La Tour (1593-1652) ; Ch. VOGLER, Les monuments antiques à Strasbourg au XVIIIe siècle ; C. MULLER, Un auvergnat à Strasbourg : Toussaint Duvernin, évêque d’Arath de 1757 à 1785 ; C. BETZINGER, Sur le véritable lieu de la première exécution de la Marseillaise chez le maire Frédéric de Dietrich le 26 avril 1792 ; A. HECK, L’observatoire astronomique de Strasbourg de 1877 à nos jours ; B. SCHNITZLER, « La Kultur est passée par là… ». Les monuments de Strasbourg durant l’Annexion (1940-1945) ; M.-Th. LUDWIG, Notes historiques sur la Société des Amis du Vieux Strasbourg (1957-2007). Contacts : 6 rue du Maroquin, 67000 Strasbourg, tél. 03 88 32 92 08

Société d’histoire du val de Villé

Annuaire 2007

C. DIRWIMMER, R. MAURER, Neuve-Église, un peu de géographie ; J.-L. SIFFER, Neuve- Église : la paroisse et l’église à l’épreuve du temps ; A. DUBAIL, La maison curiale de Neuve-Église, témoin prestigieux d’une époque révolue ; C. HUMMEL, Croix, chapelles et bornes de Neuve-Église ; A. DUBAIL, Promenade architecturale à travers Neuve- Église ; F. DIETRICH, Lo pautouè d’chu no ! Le patoi de chez nous ; C. DIRWIMMER, Les chemins du patrimoine de Villé et d’Albé. Contacts : Mairie, 67220 Villé

Haut-Rhin

Société d’histoire de Bennwihr

Bulletin n° 9 A. WAGNER, Aménagement des viabilités du village provisoire ; Liste des occupants des baraques. Liste des commerçants, artisans et services ; Plan réduit du village provisoire ; S. CLUZEL et A. WAGNER, La vie dans les baraques ; A. WAGNERR, Les débuts du village provisoire. Témoignages de Marie Fuchs et Odile Fonné ; F. KIENTZLER, Souvenirs d’enfance du village provisoire (1948-1955) ; E. et A. BUNNER, 1944-1956, petit à petit nous avons refait notre vie ; L’école au village provisoire ; A. WAGNER, La vie municipale ; A. WAGNER, La vie paroissiale ; A. BAFFREY, R. WAGNER, J. XUEREB,

Revue d’Alsace, 134 | 2008 523

Renaissance des associations ; G. FAIVRE, Le Général de Gaulle dans le Haut-Rhin ; P. ESCHBACH, La cave coopérative ; M. et P. GRESSER, Le village provisoire a vécu ; L. SIBLER et A. WAGNER, S’Feldbrennala. Contacts : 3 rue des Vosges, 68630 Bennwihr – tél. et fax 03 89 47 91 83

Société d’histoire de Bruebach

Bulletin n° 5 (2007)

J.-P. EISELÉ, Questions et réponses à propos du tableau St Jacques ; J.-P. EISELÉ, St Jacques - St Roch ; J.-P. EISELÉ, Brève histoire de l’école élémentaire en France ; J.-P. EISELÉ, Histoire des écoles de Bruebach ; Inauguration de l’école Montjoie (28 juin 2003), Discours prononcé par le sous-préfet Jean-Claude Fonda ; P. KARLEN, Les enseignants de Bruebach, liste des enseignants, compléments généalogiques et affaires diverses. Contacts : 27 rue de Flaxlanden, 68440 Bruebach

Association châteaux-forts et villes fortifiées d’Alsace

Bulletin 2007

A.-M. FALLER, La Renaissance en Alsace ; Carte des monuments Renaissance du Haut- Rhin ; Carte des monuments Renaissance du Bas-Rhin ; H. MALO, Renaissance : le cadre économique et social ; I. GUENZI, Une architecture nouvelle en Alsace ; A.-M. FALLER, La maison Kammerzell, fleuron de l’architecture Renaissance en Alsace ; A.-M. FALLER, Colmar, une ville musée ; N. MENGUS, Les châteaux aux XVe et XVI e siècles : une mutation à coups de canon ! ; J.-M. NICK, Châteaux médiévaux d’Alsace transformés à la Renaissance ; J.-M. NICK, Le Kapellturm d’Obernai, du Moyen Âge à la Renaissance ; J.-S. PRIOT, Les églises Renaissance en Alsace ; Ph. LEGIN, L’abbé Barthélemy d’Andlau, précurseur de la Renaissance ; D. HANN, Petit glossaire de termes d’architecture liés à la Renaissance. Contacts : 4 rue Reiss, 67000 Strasbourg, tél. 03 89 51 08 92, e-mail : [email protected]

Dialogues transvosgiens

N° 22 (2007) Le 16e colloque des historiens des Hautes Vosges, Abbayes : le réseau transvosgien

G. ANDRES, De la Tête des Faux au cimetière Duchène ; S. FOSTER, Songe et mensonge, ou La lunette d’Emile Erckmann ; M. GRASSELER, Du pays Basque aux Vosges : les Saroïhandy ; C. MULLER, De Sainte-Marie-aux-Mines à Colmar au XVIIIe siècle, Les Jacquot une dynastie de procureurs au Conseil souverain d’Alsace ; H. MATHIEU, Du parler des Hautes Vosges ; R. STEPHANN, Salm… la principauté oubliée ; J. VOGT, Les redoutables chiens de boucher : exemples rhénans ; M. DROUOT, Les biens mobiliers et immobiliers d’un juifs thannois ; G. BORDMANN, Traces de la campagne de Turenne dans les registres paroissiaux de Rouffach ; C. MULLER, La croix et la goutte : le cardinal, le chapitre et les eaux de plombières au milieu du XVIIIe ; P. ERNY, Prophéties des temps de guerre : un visionnaire au couvent de Sigolsheim en 1914 ? ; C. MULLER,

Revue d’Alsace, 134 | 2008 524

Des réseaux transvosgiens des abbayes bénédictines à la géographie de l’Alsace au tournant du XVIIIe siècle ; M.- Th. FISCHER, Sainte Odile : réalités et traditions ; B. LARGER, Le filigrane et la gravure « transvosgiens » dans les imprimés du gymnase vosgien. Contacts : 15 rue du Maréchal Foch, 68600 Neuf-Brisach.

Société d’histoire d’Eguisheim et environs

Annuaire 2007 (tome IV)

P. GINGLINGER, Un quart de siècle au service de l’histoire d’Eguisheim ; S. HUBSCHWERLIN, La naissance d’une nation. L’Alsace à ses origines ; Ch. MUNIER, Le privilège du pape Léon IX en faveur de Hohenbourg ; B. PIERROT, Scènes de la vie ordinaire. Le prisme de la justice à Eguisheim (1520-1525) ; C. MULLER, Au pied des trois châteaux… en 1732 ; B. PIERROT, Le climat, les récoltes et les vendanges dans la chronique de Dominique Bendelé (1824-1870) ; B. PIERROT, La vie quotidienne à Eguisheim au temps du Reichsland à travers le Hausbuch de Joseph Zinck (1876-1887) ; C. MULLER, Le versificateur et le coadjuteur. Un poème en l’honneur de Mgr Stumpf (1881) ; C. MULLER, De la faveur au désamour, Joseph Guerber et Mgr Pierre Paul Stumpf (1881-1890) ; M. BEYER, Le sculpteur Alphonse Keck (1890-1939), un enfant d’Eguisheim ; B. PIERROT, A saute-mouton dans l’histoire d’Eguisheim (XVIe-XXe siècles). Contacts : 8 place Charles de Gaulle, 68240 Eguisheim

Société d’histoire de la Hardt et du Ried

Annuaire n° 19 (2006-2007)

P. BIELLMANN, De quelques traces épigraphiques militaires trouvées sur le camp d’Oedenburg à Kunheim ; P. BIELLMANN, De nouvelles tuiles estampillées à Houssen ; P. BIELLMANN, Nouvelles découvertes sur le site d’Oedenburg-Biesheim : résultats de la prospection 2006 ; J.-Ph. STRAUEL, 20 ans d’archéologie à Grussenheim ; M. HAEGI, Les peintures de la nef en l’église historique de Baldenheim ; G. BORDMANN, Les nobles d’Oberhergheim et leur château ; E. DECKER, L’église paroissiale de Blodelsheim ; N. LOMBARD, Le maréchal comte Dagobert Sigismond de Wurmser, dernier seigneur de Sundhouse ; J. ARMSPACH, Règlement concernant les moissons à Logelheim en 1663 ; G. FLESCH et E. SIGRIST, Les Schelcher, origine ; E. DECKER, L’école de Blodelsheim à partir du XVIIe siècle, une histoire, une évolution ; L. SCHLAEFLI, Un épisode de la guerre de Trente ans à Fessenheim ; Cl. MULLER, La croix, le bréviaire et la violence scripturaire. Clergé et fidèles du Chapitre Citra Rhenum au XVIIIe siècle ; L. SCHLAEFLI, Un pauvre hère de Weckolsheim assassiné à Neuf-Brisach (1734). Une équipe de voleurs à l’œuvre à Heiteren en 1727 ; O. CONRAD, « Une affaire de fantaisie et d’agrément ». Le vignoble de la Hardt et du Ried au XIXe siècle ; L. SCHLAEFLI, Un cas de lèpre à Niederhergheim en 1587. Un meurtrier d’Oberentzen qui a eu de la chance (1685) ; E. URBAN, Une notabilité de Kunheim Jean Frédéric Aufschlager ; O. CONRAD, La contrebande au début du XIXe siècle dans la Hardt. Un fléau inévitable ? ; E. DECKER, Joseph Phillippi, curé de Blodelsheim au XIXe siècle ; H. GOETZ, La borne PK 207 Blodelsheim ; L. SCHLAEFLI, Ce qu’il en coûte à un jeune de Hettenschlag d’aller conter

Revue d’Alsace, 134 | 2008 525

fleurette à une servante de Logelheim (1769) ; E. BERINGER, Marcel Foechterlé, un instituteur hors du commun ; M. FOECHTERLE, Itinéraire d’un patriote réfractaire à l’annexion de fait. Mon parcours de Baltzenheim à Meilhan 1939-1945 ; E. BERINGER, Marcel Foechterlé et Victor Schoelcher ; A. BRUNSPERGER, Monuments et lieux du souvenir du Canton de Neuf-Brisach. Contacts : 32 rue de la Krutenau, 68180 Horbourg-Wihr

Société d’histoire du Haut-Florival

Les cahiers du patrimoine du Haut-Florival n° 30 (2007)

F. TONDRE, Cinquante ans au Grand-Ballon ; M. KECH, Marquis, chien-guide au Ballon ; J.-P. BECK, L’école du Grand-Ballon ; C. STOECKLE, Le Ski-Club Florival ; C. STOECKLE, L’Union sportive mulhousienne ; E. J. BERTRAND, Le Ski-Club Riedisheim ; R. LEDERMANN, Un service quotidien de transport en commun sur la Route des Crêtes ; M. KECH, Belchenfahrer-Lied ; M. KECH, « D’Belchengeischter », les fantômes du Ballon ; M. KECH, Le mémorial Redslob ; M. KECH, Anecdotes du Grand-Ballon ; M. KLIPFEL, La Poste au Grand-Ballon ; M. KECHT, Un timbre-poste du Ballon ; M. KECH, Triple inauguration au sommet ; F. TONDRE, Itinéraire naturaliste autour du Grand- Ballon. Contacts : BP 10, 68610 Lautenbach, tél. 06 76 30 20 00, e-mail : [email protected]

Cercle d’histoire de Hégenheim et environs

Bulletin n° 11 (2007) Histoire du Piémont jurassien. De Bâle à Lucelle

R. GREDER, Mémoires de guerre de notre papa Eugène Greder ; Les grades dans l’armée allemande en 1914-1918 ; C. SANCHEZ, Ex-libris du docteur Prosper Zimberlin natif de Hégenheim ; C. SANCHEZ, Historique de l’asile israélite de Hégenheim de 1874 à 1924 ; J.-P. BLATZ, Les Bacher de Hégenheim au service des paroisses sundgauviennes au XVIIIe siècle ; S. HAENEL-ERHARDT, Charles Heinimann, sa vie et sa passion ; S. HAENEL-ERHARDT, Hégenheim il y a cent ans à travers l’état civil et les délibérations du conseil municipal ; H. NAAS-MISSLIN, Les événements d’aujourd’hui… seront l’histoire de demain ; C. SANCHEZ, Répertoire des Blasons de nos villages ; C. SANCHEZ, Antoinette Vischer et son « Hasenhaus » sur le Hengelberg ; T. LITZLER, « D’Zitt isch do ! » ; L. TSCHAEN, Les cadastres de la commune d’Oltingue au XVIIIe et XIXe siècles ; J. WIEDMER-BAUMANN, M.-M. BOHRER-LEGENDRE, Folgensbourg il y a plus d’un siècle à travers l’état civil ; V. HEYER, Le drame de l’évasion de Ballersdorf ; G. MUNCH, La reconstruction du château de Morimont au XVIe siècle ; M. ADAM, Les châteaux de Biderthal. Contacts : 20 rue des Vignes, 68220 Hégenheim, tél. 03 89 67 37 15

Société d’histoire de Kingersheim

Bulletin n° 5 (2007)

J.-C. LOUIS, L’archéologie à Kingersheim ; L. et R. VALLET, Mithra ; J. CHECINSKI, La situation d’un émigré n’est jamais enviable ; R. GARRE, Le scoutisme à Kingersheim en 1944 ; Le curé Bourgeois Vital ; Nos jeux d’après guerre ; Le dernier « Appariteur » à

Revue d’Alsace, 134 | 2008 526

Kingersheim ; Le journal parlant de Kingersheim ; Incendie au restaurant : « A l’Arbre Vert » ; Le Restaurant Stebler « A l’Ancre » ; Le « Centre Commercial Vaudlet » ; « Dr Schangalabeck » ; La cité « Baechlein » ; « S’Citéplatzla ; Les sœurs gardes-malades ; J.-C. LOUIS, Les vieilles maisons de la rue de l’Église ; R. VALLET, 20 novembre 1944 ; Y. GARDERES, Souvenirs de guerre ; E. et R. GIOVANETTI, A la recherche de Stefano ; L. AMBIEHL, Le destins des frères Ambiehl ; R. LIECHTLE, Sabotage ; G. POITREY, La libération de Kingersheim ; J.-P. KELLER, Il était une fois les mines de potasse (suite) ; R. FREY, Biographie d’un enfant de la cité minière. Contacts : 3A rue de Lyon, 68230 Kingersheim

Société d’histoire du canton de Lapoutroie val d’Orbey

Bulletin n° 26 (2007)

A. SIMON, Marie-José Couty (1943–2006) ; E. HAMRAOUI, Maria Julliard (1914–2007), la Dame des Idères ; Ph. JÉHIN, Faune et chasse dans le Val d’Orbey, du XVIe au XIXe s. ; L. JECKER, Contestation et défense des droits de l’abbaye de Pairis ; Cl. MULLER, Le chemin du Val d’Orbey et du… ciel : Les Larcher au XVIIIe siècle ; Cl. MULLER, Lux perpetua luceat eis : Prosopographie de douze cisterciens de Pairis au XVIIIe siècle ; Y. BARADEL, Signature des épouses et société dans le Val d’Orbey au XVIIIe siècle ; Y. BARADEL, La religion communautaire dans le Val d’Orbey au XVIIIe s ; E. DELACÖTE, Marie-Catherine Gander, de Pairis (1799-1852), une femme différente pour son époque ; Ph. JÉHIN, Le plébiscite de 1851 dans le canton de Lapoutroie ; Fr. JACKY, Journal d’un conscrit de 1870, Nicolas Minoux ; Cl. MULLER, Le ciel par les femmes : les sœurs de la Charité dans le Val d’Orbey à la fin du XIXe siècle ; G. GUERIN, Les grands travaux à Fréland dans les années 1890 ; P. BEDEZ, La direction et les ouvriers de l’usine Herzog d’Orbey en 1922 : une photo ; B. WIRRMANN, Un film tourné à Fréland : La Grande Illusion de Jean Renoir ; P. BEDEZ, La station de ski des Bagenelles en 1973 ; G. BAUMANN, En é ko fè èk de dja ! On a encore fait du joli ! ; M. HERMANN, Prako i pauw patwè : quelques expressions bien de chez nous ; M. HERMANN, Noté mokèr d’ensekwan. Nos paysans d’autrefois ; G. MICHEL, Lo vi èrbè : le vieux sorbier ; Ph. JEHIN, Les événements dans le canton de Lapoutroie en 1907 ; A. SIMON, Les tables de patois. Contacts : 26 route de Remomont, 68370 Orbey, tél. et fax : 03 89 71 32 43, e-mail : [email protected]

Société d’histoire et de géographie de Mulhouse

Annuaire historique 2007 (tome 18)

Etudes et documents :B. JACQUE, Une manufacture face au cordon douanier autour de Mulhouse (1792-1797) ; G. ARNOLD, Le bicentenaire d’un compositeur mulhousien oublié : Napoléon Henri Reber (1807-1810) ; Y. FREY, 1897, à Bâle : la naissance du mouvement sioniste ; L. HENNEQUIN-LECOMTE, Un monde virtuel : l’Antiquité dans l’imaginaire des contemporains au tournant du XIXe siècle ; E. MICHELON, Revivre : les difficultés du quotidien dans l’immédiat après-guerre, le témoignage d’un photographe anonyme conservé aux Archives de Mulhouse ; G. ARNOLD, Paul Meyer (1911-2006) ; R. WOESSNER, La métropolisation et la grande vitesse : quels enjeux pour Mulhouse ? ;

Revue d’Alsace, 134 | 2008 527

Conférences :G. BISCHOFF, Mulhouse et l’Alsace médiévale ; N. STOSKOPF, Industrialisation et désindustrialisation à Mulhouse, une trajectoire singulière (XVIIIe- XXe siècles) ; R. KLEINSCHMAGER, Mulhouse dans le paysage politique alsacien, de la géopolitique et de la géographie politique ; B. REITEL, Mulhouse et Bâle : une histoire ancienne, quelles perspectives ? ; Lieux et Images :F. GUTHMANN, La « cathédrale SACM », histoire d’un sauvetage ; Vie culturelle :E. BOEGLIN, Rendre Dreyfus à Mulhouse ; J. DELAINE, 1906-2006, le centenaire de la réhabilitation du capitaine Dreyfus ; l’appel des cent pour un monument Dreyfus ; M.-C. VITOUX, Chronique de l’Université ; Chronique mulhousienne 2006 ; A. J. LEMAÎTRE, La vie musicale à Mulhouse : urgences. Contacts : 4 rue des Archives, BP 3089, 68062 Mulhouse cedex

Société d’histoire de Pulversheim

Cahier n° 5 (3/2007) (numéro spécial – La libération de Pulversheim)

Le 3 février 1945, la libération de Pulversheim ; Pulversheim fête les 60 ans de sa libération ; Pose d’une plaque commémorative ; La Société d’histoire raconte la Libération de Pulversheim ; Hommage à Francis Lentz. Contacts : 7 rue Pierre Curie, 68840 Pulversheim

Société d’histoire « les amis de Riedisheim »

Bulletin n° 35 (2007)

F. PERRIN-SCHMITT, In memoriam, Roger Perrin ; G. CLAERR-STAMM, Histoire des rues de Riedisheim (4e partie) les rues : « Maréchal Joffre » et « Verdun » ; A. GAFANESCH, Rions un peu ; M. BARTHELEMY, La classe 1924 – École de garçons : 1933 ; R. MULLER, « L’Idéal » (2e partie) : une revue pour les jeunes, écrite par les jeunes 1939/40-1944/46 ; J. BUCHER, Wiehnachtsowe im Exil ; A. FURHMANN, L’évasion d’André Fuhrmann ; Les anniversaires de nos organismes et associations locales. Contacts : 8 rue Jeanne d’Arc, 68400 Riedisheim, tél. 03 89 44 75 96

Société d’histoire et d’archéologie du canton de Rouffach

Annuaire n° 1 (2007)

La Société d’histoire et d’archéologie du canton de Rouffach : une année d’activité ; Vieilles maisons et inscriptions sur les maisons de Gueberschwihr ; Qui était Auguste Hertzog ? ; Règlement des bals en 1754 à Soultzmatt ; Histoire des Juifs à Soultzmatt ; La chapelle Saint-Léonard de Pfaffenheim ; Joseph Antoine Thoma : dernier physicien de Rouffach ; Sépultures des « De Reinach » dans l’église des Récollets de Rouffach ; Rouffach Rubeaca Rubeacum… ; lieux dits de Rouffach. Contacts : 4 rue du Château, 68250 Pfaffenheim

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Société d’histoire de Saint-Louis « les Amis du patrimoine »

Annuaire 2007

Histoire de Saint-Louis : P.B. MUNCH, Municipalités de Saint-Louis : derniers maires du Second Empire ; Artères et rues de Saint-Louis, dates de création ; Biographies : Victor John (1844-1897) ; Emile Stupfler (1862-1936) et son épouse Jeannette Koessler ; Chanoine Eugène Gage (1865-1947) ; Pasteur Georges Haessig (1873-1952) ; Économie : A. MISLIN, Auberges et cabarets à Saint-Louis ; A. MISLIN, Fabriques de cigares à Saint- Louis ; L. ROGG, Trimeca à Saint-Louis ; E. HABE, Les bouilleurs de cru ; Guerres : P.-B. MUNCH, Organisation de l’évacuation de 1939 ; C. MEDER, Devoir de mémoire (UNC) ; La cité : C. MEDER, Un golf urbain à 18 trous à Saint-Louis ; M. BOOS, L’école protestante à Saint-Louis ; Neuweg : A. ALBIENTZ, L’exode de 1939-45 ; A. ALBIENTZ, L’Union chorale 1896 ; Vie quotidienne : D. WITTMER, S. CHOQUET, Rétrospective ludovicienne 2006 ; Souvenirs : M. FURSTENBERGER, Souvenirs d’antan ; L. CRONENBERGER-RIDE, L’exode de 1939 et la Libération : Je me souviens… ; R. FONNE, Témoignage : l’ancien golf ; Patrimoine local disparu : C. MEDER, Propriété de la famille Aeschbach, forgerons ; Vie associative : A. MISLIN, Le Bann-Ritt ; Poème : J. GROLL, Unter d’r Holdere. Contacts : 17 rue Henner, 68300 Saint-Louis

Société d’histoire du Sundgau

Annuaire 2006-2007

1931-2006, la Société d’Histoire du Sundgau a fêté son 75e anniversaire. Assemblée générale, exposition et nouvelles publications ont marqué l’année par Gabrielle Claerr- Stamm C. GUTKNECHT, In memoriam : Pierre Gutknecht ; J.-M. NICK et G. CLAERR-STAMM, In memoriam : Gérard Bihler ; G. CLAERR-STAMM, In memoriam : François Imbert ; Agriculture et élevage :† J. VOGT, Boige/baschi, mélanges, élément essentiel des campagnes du Sundgau, au XVIIIe siècle en particulier ; † P. GUTKNECHT, Du nouveau sur la fièvre charbonneuse ; Architecture :J.-P. GIRARD, La Vieille porte à Altkirch et son environnement, à travers les siècles ; Arts :G. CLAERR-STAMM, Rencontre avec le peintre sundgauvien, Pierre Gessier à l’occasion de son 75e anniversaire ; Guerre de 1914-18 :† M. HIGELIN, Kriegstagebuch-Journal de Guerre 1914-1919 ; Guerre de 1939-45 :J. BABÉ, Courtavon durant la Seconde Guerre mondiale, un gamin de cinq ans se souvient ; Histoire générale :C. GUTKNECHT, Le passage à gué de la Largue entre Dannemarie et Retzwiller en 1675 ; Cl. MULLER, Le riche Sundgau ? L’opinion du chevalier de Bouliguez en 1783 ; J.-M. PORTIER, Henflingen, un petit village du Sundgau en quête de son indépendance paroissiale et scolaire aux XVIIIe et XIX e siècles ; G. CLAERR-STAMM, Autobiographie du général Augustin-Xavier Richert (2e partie) ; Histoire et patrimoine religieux :C. CONTASSOT, Étude architecturale de l’église prieurale de Feldbach ; E. SPIELMANN, Drei Jungfrauen von Wentzwiller ; P.-B. MUNCH, Au monastère Saint-Alphonse à Landser, depuis trois quarts de siècle, les Rédemptoristines chantent les louanges du Seigneur ; M. WISSELMANN, Le Mont-des- Oliviers, un élément du patrimoine religieux de Landser, a été restauré ; P.-B. MUNCH, La chapelle Notre-Dame de la Vallée aux larmes à Schlierbach ; Juifs: D. ROUSCHMEYER, La mezouzah ; Révolution :Cl. MULLER, La croix et la liberté : Deux familles de prêtres

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heimsbrunnois confrontées à la Révolution, les Stromeyer et les Waelterlé ; D. ROUSCHMEYER, Mariastein, les pèlerins de la paroisse de Friesen et les révolutionnaires ; Vie quotidienne d’autrefois :P.-B. MUNCH, Un singulier baptême sierentzois au printemps 1886, relaté par l’écrit et le dessin ; † A. BITSCH, L’arrachage des pommes de terre autrefois dans le Sundgau ; A. SPYCHER-GAUTSCHI, Rund um das Winzerhaus von Fislis ; Ph. JEHIN, La chasse aux loups dans le Sundgau au début du XIXe siècle ; P. KLEIN, Chronique d’une querelle au village : la mort de Sébastien Cachelin ; Varia : † L. HERGES et M. FRANC DE FERRIERE, E comme…

Collection Découvrir le Sundgau : Cuisine et recettes d’autrefois

I. La cuisine au fil des siècles et des saisons: A. DUBAIL, Manger au fil des saisons : ce que mijotaient les cuisinières de Pfetterhouse au début du siècle dernier ; Père J. ZIMMERMANN et G. CLAERR-STAMM, Lorsque les moines de Lucelle publiaient des recettes de cuisine ; R. PIERRE, Les nourritures d’autrefois dans les fermes de la région de Montreux ; Y. OFFENSTEIN, Miettes éparses recueillies autour de tables paysannes à Gommersdorf au début du XXe siècle ; P.-B. MUNCH, Les asperges. II. Des étangs et des carpes : G. BISCHOFF, Pour une histoire de la carpe frite, de la pisciculture et de la pêche en rivière à l’époque de Dom Bernardin Buchinger et avant ; D. ROUSCHMEYER, La pisciculture à Friesen ; M. GROSS, A la table du Freihof à Friesen. III. Des gâteaux et des fruits : A. DUBAIL, Les petits gâteaux de Noël, D’Wianàcht’s Bredla ; A. SPYCHER, Das Basler Leckerli : vom « Lebkuochen » zum « verzuckerten Lebküchly » ; Ch. GUTKNECHT, La pomme dans le Sundgau : évolution d’un patrimoine ; A. BITSCH, Histoire du vieux pommier ; J.-P. GIRARD et Th. TSCHAMBER, Ustensiles des cuisines d’autrefois. Contact : BP 26, 68400 Riedisheim, e-mail : [email protected]

Les amis de Thann

Petite et grande histoire n° 22 (2007)

Chr. HEIDER, La première vocation de la halle aux blés : un grenier d’abondance au temps des Habsbourg (1519-1648) ; M. DROUOT, La halle aux grains pendant les périodes mazarine (1658-1789) et révolutionnaire (1789-1799) ; Chr. HEIDER, La halle aux blés au XIXe siècle ou la fin d’une époque ; D. PY, Du premier musée à la halle aux blés : des Thannois se souviennent : interviews réalisées ; A. EHRET, A. ROHMER, Les conservateurs du musée de l’ancienne halle aux blés ; Marcel WERDERER, un artiste aux talents incomparables ; Le drapeau des Chantiers de la Jeunesse et ses écussons ; Les annales de la météo 2006. Contacts : 13 rue du Steinacker, 68800 Thann

Société d’histoire et d’archéologie Wickram

Annuaire N° 30 (2007) 60e anniversaire Turckheim au 19e siècle

I. Biographies: D. VETTER, Pierre-Paul Blanck ; A. et L. WIDERKEHR, Michel Hertrich ; F. SIGWARTH, Charles Martin ; C. MULLER, Victor Sieg ; F. EDEL, Charles Grad ; P.A. CATTIN, La famille Herzog et les artistes. II. Les autorités de la ville et leurs

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réalisations ; III. La vie quotidienne des habitants ; IV. La vie économique ; V. La vie religieuse ; VI. La vie scolaire ; VII. La vie associative. Contacts : Hôtel de ville, 68230 Turckheim

Autres

Association française d’histoire anabaptiste et mennonite

Souvenance anabaptiste n° 26 (2007)

J.-J. HIRSCHY, Historique de l’Assemblée Mennonite de Colmar Ingersheim ; J. HEGE, Inauguration du cimetière réhabilité de Dorst ; F. NAAS, Les Mennonites et le Concordat ; R. BAECHER, Peter Rich du Birkenhof écrit à l’Assemblée constituante en 1790 au nom des communautés anabaptistes ; N.-A. STUCKEY LEVINE, La bible Eymann raconte ; R. BAECHER, L’apparition du nom Peterschmitt. Complément d’enquête ; J.-Cl. KOFFEL, Glanes sur la présence anabaptiste à Phalsbourg et ses environs ; J. HEGE, Les Dettweiler dans la région de Wissembourg et le sud du Palatinat ; J. HEGE, Ouvrages et fascicules disponibles. Contacts : 4 Grand Rue, 70400 Couthenans

Société belfortaine d’émulation

Belfort, 1307 : L’éveil à la Liberté Actes du colloque de Belfort (19-21 octobre 2006)

La genèse des villes : O. KAMMERER, Aux origines des villes : paix et territoire ; J.-L. FRAY, Les réseaux de villes au Moyen Âge. Quelques réflexions sur les orientations nouvelles de la recherche historique ; J.-C. REBETEZ, Des villes sous la crosse. Franchises urbaines dans l’Évêché de Bâle ; J. THEUROT, Développement urbain et franchises municipales. L’exemple de quelques villes comtoises (1249-1337) ; A. LARGER, De Brasse à Belfort : la naissance d’une ville ; Les institutions urbaines : T. ZOTZ, Les villes de l’Empire et leur statut politique ; P. PEGEOT, Les chartes de franchises de Renaud de Bourgogne ; G. BISCHOFF, Subsidiarité, dépendance et autonomie : Le « gouvernement » de Belfort de 1307 à 1563 ; L. BRETON, Les Belfortains et la guerre à la fin du Moyen Âge ; C. HEIDER, Une ville et son seigneur : Thann sous la domination des Habsbourg ; Bourgeoisie, citoyenneté, exclusion : L. DELOBETTE, « A notre cher fidèle citoyen de Besançon ». Une alliance bien comprise, Jean de Chalon (+1267) et les citoyens de Besançon ; P. DELSALLE, Bourgeoises et citoyennes : aux origines de la citoyenneté des femmes en Franche-Comté au XVe, XVIe et XVIIe siècles ; M. BLONDAN, Les bourgeois de Saint-Claude : des bourgeois du Seigneur aux bourgeois de la ville ; E. DERMINEUR, Communautés villageoises et justices seigneuriales du Pays Belfortain (XVIIe et XVIIIe siècles) ; C. WENNER, Les Juifs et les autorités urbaines dans les villes du Rhin : Discrimination ou tolérance (XIVe-XVIe siècles) ; Les missions du gouvernement urbain: J.-B. RAZE, Les hôpitaux de Belfort des origines à la Révolution ; P. LEGUAY, Les mauvaises odeurs, fléau urbain au Moyen Âge ; C. GRUDLER, Les franchises de Belfort à travers le temps ; Y. PAGNOT, Les pouvoirs de police du Magistrat du Moyen Âge au XVIIIe siècle ; E. CLEMENTZ, La Froideval, fête des

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Belfortains ou fête des bergers ? ; G. BISCHOFF, En guise de conclusion : Marianne et Clio. Contacts : BP 40092, 90002 Belfort cedex

Bulletin n° 98 (2007)

Hommages à Georges Schouler ; Mémoires : M. COLNEY, D. BILLOIN, La nécropole mérovingienne de Florimont ; G. BISCHOFF, La charte de franchise de Belfort (1307) ; R. BILLEREY, La « montre d’armes » de 1604 ; † J. JOACHIM, La paroisse de Delle pendant la Révolution.

Société d’émulation de Montbéliard

Bulletin et Mémoires n° 129 (2006)

G. KUHNLE et alii, Mandeure « Rue de la Récille » : un quartier périurbain inédit d’ Epomanduodurum; M. CUENIN-LIEBER, Médée et Jason : un ballet de Noverre dansé au château d’Etupes en 1771 ; D. VARRY, Note bibliographique sur l’édition de 1760 des Lettres sur la danse et sur les ballets, par M. Noverre ; J. M. GUILLET, Les routes et les chemins du Pays de Montbéliard et de l’ancien évêché de Bâle (1793-1815) ; P. TAQUET, Les années de jeunesse de Georges Cuvier ; P. CROISSANT, Quand deux sociétés Peugeot concurrentes construisaient des automobiles (1895-1910) ; P. LAMARD, Paradoxe d’une naissance : l’école pratique d’industrie de Montbéliard (1893-1953) ; Y.-C. LEQUIN, Une soixantaine d’églises pour un bassin industriel Belfort-Montbéliard (1945-1978) ; Y.-C. LEQUIN, Parlementaires de Belfort-Lure-Montbéliard (1945-2004) ; N. THOMAS et alii, La fouille archéologique du quartier Velotte à Montbéliard : nouvelles données sur des opérations de chimie oubliées. Contacts : BP 251, Hôtel Beurnier-Rossel, 25204 Montbéliard cedex

Société philomatique vosgienne

Mémoire des Vosges – Histoire – Société – CoutumesRevue n° 14 (2007)

G. GRAU, Belliccvs svrbvro : de l’énigme à la supercherie. Petit résumé d’une dérive iconographique ; M.-H. SAINT-DIZIER, Le repeuplement de la prévôté de Rambervillers et l’habitation champêtre aux 17e et 18e siècles. Ébauche d’un code de la construction sécurisée ; J.-Cl. FOMBARON, La communauté de Nompatelize sous les débuts de la République (1793-1794) ; R. REVERT, M. MARTIN, Trois assiettes de Rambervillers contemporaines de la conquête de l’Algérie (1830) ; Trois moulins de l’arrondissement de Saint-Dié, vestiges du savoir-faire technique du 19e siècle ; H. ANTOINE, Dimanche dans une ferme du Spitzemberg ; Y. PROUILLET, Quelques hameaux morts pour la France Ban-de-Sapt, 1914-1918 ; J.-Y. HENRY, L’architecture rurale de la première reconstruction dans le canton de Provenchères-sur-Fave ; D. GRANDIDIER, Les Fermes à l’est de Saint-Dié-des-Vosges et leurs décors : circulez, y a tout à voir ! ; Th. CHOSEROT (d’après A. COMBEAU et Cl. TAILLARD), Villages de la région de Ban-de-Laveline : un itinéraire entre ruralité et beauté ; M.-H. SAINT-DIZIER, Naissance du village de Mortagne.

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Mémoire des Vosges – Histoire – Société – Coutumes Revue n° 15 (2007) Voyager et découvrir

G. BANDERIER, Le tabac aux 16e et 17e siècles. Promenade à travers l’Europe baroque ; D. PARMENTIER, Devotio moderna, pédagogie et livres imprimés à la fin du 15e et au début du 16e siècle dans la vallée de la Meurthe ; M.-H. SAINT-DIZIER, Des pommes de terre cultivées dans les Vosges au 17e siècle. Une pomme de terre peut en cacher une autre ; J.-C. FOMBARON en collaboration avec J. RITTRE, A propos d’une tombe du cimetière de Saint-Dié. Henry d’Ollone, explorateur (1868-1945) ; J.-C. FOMBARON, Voyager et découvrir par l’image. Les couvertures de cahiers de l’école laïque, autour de 1900 ; Y. PROUILLET, Les Vosgiens, voyageurs immobiles dans un monde en guerre, 1914-1918 ; H. ANTOINE, Prisonnier de guerre vosgien au Mecklembourg ; D. GRANDIDIER, Au fil de l’eau et des chemins. Voyagez, y a tout à voir ! ; T. CHOSEROT, P.-M. DAVID, C. GRANDIDIER, L’Ormont, montagne de légendes et de sabbats. Découvertes et redécouvertes ; M.-H. SAINT-DIZIER, Paléographie : la « dixme des pommes de terre » dans les Vosges. Révoltes avant la Révolution. Contacts : Bibliothèque Municipale, BP 231, 88106 Saint-Dié cedex

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