LE DÉPÔT DE BRONZE DE VILLETHIERRY () Photo de couverture : Pendentifs en rouelle et différents types d'épingles du dépôt (cliché M. Thierry). CLAUDE ET DANIEL MORDANT — JEANYVES PRAMPART

LE DÉPÔT DE BRONZE DE VILLETHIERRY (YONNE)

avec la collaboration de Jean BOURHIS, Jacques BRIARD et Jean-Pierre MOHEN

IXe supplément il « GALLIA PRÉHISTOIR-E »

Ouvrage honoré d'une subvention du Secrétariat d'Etat à la Culture

ÉDITIONS DU CENTRE NATIONAL DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE 15, quai Anatole- - 75700 PARIS 1976 SUPPLÉMENTS

A "GALLIA " IX. Abbé P. MOUTON et R. JOFFROY, Le gisement aurignacien des Rois à Mouthiers (Charente), 1958.

A "GALLIA PRÉHISTOIRE"

Déjà parus dans la même collection :

I. G. CORDIER, Inventaire des mégalithes de la France, 1. Indre-et-Loire, 132 p., 40 fig., 33 pl., 1963. M. GRUET, Inventaire des mégalithes de la France, 2. Maine-et-Loire, 348 p., 97 fig., 8 pl., 1967. J. DESPRIEE et CI. LEYMARIOS, Inventaire des mégalithes de la France, 3. Loir-et-Cher, 252 p., 147 fig., 19 pl., 1974. J. PEEK, Inventaire des mégalithes de la France, 4. Région parisienne, 410 p., 37 fig., dont 1 dépl., 1975. II. G. BAILLOUD, Le Néol hique dans le bassin parisien, 394 p., 52 fig., 7 pl., 1964 (réimpression, 1974). III. A. NIEDERLENDER, R. LACAM et J. ARNAL, Le Gisement néolithique de Roucadour (Thémines-Lot), 226 p., 16 pl., 1966. IV. M.-N. BREZILLON, La dénomination des objets de pierre taillée. Matériaux pour un vocabulaire des préhistoriens de langue française, 417 p., 227 pl. h.-t., 1968 (réimpression, 1971). V. H. de LUMLEY-WOODYEAR, Le Paléolithique inférieur et moyen du Midi méditerranéen dans son cadre géologique. Tome I, 1969, Ligurie-Provence, 476 p., 353 fig. au trait, 24 tableaux dont 6 dépliants hors-texte. Tome II, 1971, Bas-Languedoc - Roussillon - Catalogne, 454 p., 300 fig. au trait dont 2 dépliants h.-t., 9 tableaux. VI. Béatrice SCHMIDER, Les industries lithiques du Paléolithique supérieur en fle-de-France, 1971, 224 p., 109 fig. au trait. VII. A. LEROI-GOURHAN et M. BREZILLON, Fouilles de Pincevent. Essai d'analyse ethnographique d'un habitat magda- lénien (La section 36), 1972. 1. Texte, 334 p., 148 fig. au trait, 177 fig. en simili, 1 dépliant. II. Plan en 10 feuilles. VIII. B. CHERTIER, Les nécropoles de la civilisation des Champs d'Urnes dans les marais de Saint-Gond (Marne). 1976. 180 p., 38 fig., 10 planches h.-t.

Sous presse : Jean CLOTTES, Supplément I. Inventaire des mégalithes de la France, 5. Lot. En préparation : Jacques TARRÊTE, Le Montmorencien.

9 Centre national de la Recherche scientifique, Paris, 1976 ISBN 2-222-01845-5 AVANT-PROPOS

Les découvertes archéologiques effectuées dans l'Yonne au cours de ces dernières années sont plus le fait de travaux de terrassement et de culture que le résultat de fouilles planifiées. Le dépôt de Villethierry s'inscrit dans la liste de ces trouvailles fortuites dont la plus récente est celle d'installations et d'ateliers paléolithiques supé- rieurs à . Les objets qui ont révélé l'existence du dépôt doivent leur mise au jour à un simple binage que M.G. Letteron exécutait au tracteur, en juin 1969, dans un champ de betteraves du lieudit La Lucarne. Lorsqu'il vit les épingles de bronze sorties de terre, M. Letteron les rassembla avec précaution; il les présenta à M. Chodat, instituteur à Villethierry, qui prévint aussitôt M. J.-Y. Prampart, président de la Société archéologique et culturelle de Pont-sur- Yonne. M. Prampart aidé de M. H. Carré et de ses collaborateurs, put alors mener en temps voulu une fouille de sauvetage et faire des observations précises sur la position du vase qui servait de resserre, sur la disposition des bijoux qui s'y trouvaient rangés par catégories, sur l'environnement de l'urne qu'accompagnaient des fragments d'outils et d'armes destinés à la fabrication de nouveaux objets. Avec ses 867 bijoux, le dépôt de La Lucarne est apparu d'une richesse inhabituelle. Son importance tient certes à la quantité exceptionnelle des pièces qui le composent, mais aussi à leur qualité technique, voire esthétique; de plus la variété même des types de bijoux en renforce notablement l'intérêt archéologique. Toutes ces parures travail- lées ad ungem et prêtes à être commercialisées constituent un dépôt d'un type original, bien différent des cachettes d'outils et d'armes restés bruts de coulage et des réserves d'objets cassés et de rebuts voués à la refonte. La Direction des Antiquités préhistoriques avait naturellement pour mission de faire connaître cet ensemble unique. L'étude en a été conduite, dans la perspective des recherches modernes, par MM. CI. et D. Mordant avec le concours de MM. J. Briard, J. Bourhis et J.-P. Mohen. C'est ainsi qu'ont pu être traités, parallèlement aux questions archéologiques, des problèmes de technologie variés; des indications précieuses ont été obtenues sur la nature des métaux et la composition des alliages mis en œuvre, sur les procédés de fonte, sur les techniques de façonnage, sur les méthodes d'assem- blage des tiges et des têtes d'épingles, sur les modes de finition, de polissage et d'exécu- tion des décors qui témoignent d'ailleurs de l'usage du tour. Cette étude a pu être en définitive menée à bien grâce à l'obligeance et au désin- téressement de M. Letteron dont il convient de souligner l'esprit de coopération, grâce à la perspicacité de M. Chodat, à l'efficacité de M. Prampart et de M. Carré, enfin à la compétence des archéologues et des spécialistes dont les noms signent les travaux qui suivent. Tous ont contribué à mettre en valeur ce dépôt qui est sans aucun doute le plus important jamais trouvé en Bourgogne et l'un des plus riches de France. Jean-Paul THEVENOT Directeur des Antiquités préhistoriques de Bourgogne LE SAUVETAGE

I. — SITUATION ET CADRE DU SITE Puis les cours d'eau ont dû s'enfoncer dans la craie, le niveau phréatique a baissé à la suite des sondages des pétroliers, enfin le cli- Le village de Villethierry est situé à l'extré- mat est devenu plus sec qu'au siècle dernier, mité nord-ouest du département de l'Yonne, à et certainement plus qu'à l'époque proto-histo- une dizaine de kilomètres de la rivière du rique où un petit ruisseau pouvait exister là en même nom. Il n'est distant que de 2,5 km du permanence. Une enquête récente, auprès des département de la Seine-et-Marne et d'une habitants de Chaumasson, permet de savoir quinzaine de celui du Loiret (fig. 1). que seules des personnes ayant vécu avant 1900 l'avaient vu couler parfois dans leur jeu- Le dépôt se localise à la limite nord du ter- nesse. ritoire de la commune (Coordonnées : X = 3° 3-' 52" Est; Y = 48° 11 49" Nord. Altitude : De toutes façons, la pente, faible en cet en- 125 m), au lieu-dit La Lucarne, dans un champ droit, et la nature relativement sableuse du ter- rain ont dû limiter l'érosion à quelques centi- longé par la route C.D. 105, qui met en commu- mètres — voire décimètres au maximum — nication Villethierry, situé sur un plateau d'une altitude moyenne de 150 m, avec Ville- depuis 3 millénaires (à l'emplacement même du neuve-la-Guyard, une dizaine de kilomètres vase, les apports ont pu compenser les pertes). plus au nord, bâtie dans la vallée de l'Yonne Il est à noter que ce ravin long de 10 km, (altitude : 60 m). pendant lesquels il ne perd en altitude qu'une La craie du Campanien forme l'ossature de cinquantaine de mètres, est orienté est-ouest : la région; elle est recouverte de placages de il débute à La Bonneau, hameau situé à 4 km terrains tertiaires continentaux sablo-argileux. à l'est de notre gisement, et va rejoindre à A l'emplacement même du dépôt, la craie n'est Diant la vallée de l'Orvanne, rivière tributaire surmontée que de un à quelques mètres de du Loing (fig. 3). sable stampien essentiellement, mêlé à de De nos jours, 5 routes orientées nord-sud, l'argile à silex et peut-être à un peu d'argile franchissent ce ravin, mettant en communica- sableuse sparnacienne. Ces terrains, glissés des tion les villages du plateau et la vallée de pentes voisines, peuvent éventuellement être l'Yonne. Ces routes recoupent une ligne de considérés comme les alluvions de ce que l'on hauteurs boisées (altitude maximum dépassant nomme maintenant «le Ravin de Bonval ». parfois 180 m), séparant Le Ravin de Bonval Le plateau est en effet sillonné de petites de cette vallée. Ce n'est pas un obstacle à pro- vallées, en général sèches : l'une d'elles, le prement parler, mais cela suffisait peut-être à Ravin de Bonval, dont le lit est situé à une orienter les communications d'alors selon l'axe quarantaine de mètres de l'emplacement de la est-ouest, en direction du Gâtinais (surtout s'il découverte, coulait, dit-on, parfois avec abon- y avait là un ruisseau). Actuellement, des tron- dance lors des orages ou au moment de la çons de petites voies secondaires suivent, plus fonte des neiges (fig. 2) 1. ou moins, le fond du « ravin ». Dans cette zone boisée, située plus au nord, pas de découverte connue à proximité; mais, 1. M. BARDOT, Annuaire de l'Yonne, 1846. Abbé le long du ravin, outre les trouvailles peu pré- PISSIER, Notice historique sur . Bull. Soc. cises citées au siècle dernier et quelques « ha- archéol. , t. XXVII, 1912, p. 79. Reprenant des ches polies», il faut signaler un éventuel renseignements donnés par M. Bardot, l'abbé Pissier écrit : « le ravin de Bonval ... à la fonte des neiges, monument mégalithique (1,5 km à l'est du ou à la suite des orages, ce torrent devient formi- gisement), un ferrier gallo-romain (1,5 km à dable ... On a trouvé dans son lit desséché des l'ouest), et le menhir de Diant. De plus, les médailles romaines... ». villages voisins, situés sur le plateau, sont FIG. 1. — Situation du dépôt de Villethièrry. Principaux sites et découvertes du Bronze final dans le sud-est du Bassin parisien. 1 : Villethierry; 2 : Cannes-Ecluse; 3 : Champagne-sur-Seine; 4 : ; 5 : Marolles- sur-Seine; 6 : Gravon; 7 : Longueville; 8 : Barbuise-Courtavant; 9 : Sens-Champbertrand ; 10: - La-Colombine; 11 : ; 11 b : Monéteau et ; 12: Sainte-Pallaye; 13 : Saint-Père-sous-Vézelay, Les Fontaines Salées; 14 : ; 15 : marais de Saint-Gond; 16 : Ramerupt, Les Vinets; 17 : Fougues les-Eaux; 19 : Courchapon; 20 : Chalon-sur-Saône. riches en vestiges gallo-romain et mérovingiens (Villethierry, Lixy, Blennes...). A remarquer, par ailleurs, la situation de frontière de cette région (des Sénons à nos jours) et enfin le voisinage des vallées de l'Yonne et de la Seine, éternelles voies de pas- sage, riches en vestiges de la fin de l'Age du Bronze 2 (fig. 3). Objets isolés (dragages) : Seine : La Grande Paroisse; Yonne : Pont-sur-Yonne, Sens. Dépôts : Cannes-Ecluse [34] ; Sens (Champ- bertrand) [36, p. 18-21, fig. 36-54], Longue- ville, à 40 km [43]. Habitats-fosses : Bronze final I-lla : Cannes- FIG. 2. — Vue générale du site, Ecluse [34], Misy (fouilles C. Mordant, J. Bon- prise vers le nord. tillot, inédites), Sens (Maillot) [52]. Bronze final IIb-III : Courtois, , Ville- bougis (comm. H. Carré, inédit), II. — ÉTUDE DU DÉPÔT (La Marcassine) (fouilles J.-Y. Prampart, iné- dites), Vinneuf [30]. 5 Nécropoles : Bronze final 1-Ila : Barbey A. Circonstances de la découverte et du sau- (inédit), Gravon [45], Marolles-sur-Seine [46], vetage Misy - sur - Yonne, Pont - sur - Yonne (Beaujeu) [53], Villeneuve-la-Guyard (Prépoux) 3 (Groupe Cette année-là, M. Georges Letteron avait d'Auxerre à 60 km au sud). labouré le champ qu'il exploite au lieu-dit La Bronze final Ilb - III : Châtenay-sur-Seine Lucarne plus profondément que de coutume, et (fouilles J. Bontillot, J. Paris, inédites), Gravon il n'avait rien remarqué d'anormal. (fouilles Mordant, inédites), Marolles-sur-Seine, Le 7 juin 1969, passant le « canadien » dans Sens (Champbertrand) [49], Villeneuve-la-Gu- les betteraves qu'il avait semées, il sentit une yard (Prépoux). soudaine résistance : croyant avoir accroché une roche ou une racine, il s'arrêta et décou- vrit une pelote de grosses épingles prises dans les dents de sa machine. « Craignant pour les pneus de son tracteur », il enleva à la bêche le plus gros des objets... Perplexe devant les « pointes » découvertes, il les plaça dans sa « valise à outils » et en fit porter quelques 2. Dans la liste ci-après, les numéros suivant exemplaires à M. Chodat, alors instituteur de chaque site renvoient à la bibliographie en fin de Villethierry, qui prévint à son tour M. Jean- volume. On trouvera des bibliographies régionales Yves Prampart. Ce dernier put recueillir les complètes dans : J.-Y. PRAMPART, Nouvelles décou- bijoux que lui remit généreusement M. Lette- vertes et précisions sur les civilisations protohisto- ron, et visiter l'emplacement de leur décou- riques dans le nord du département de l'Yonne. I. Les civilisations du Bronze et des Champs d'Ur- verte, où il en ramassa encore quelques-uns, nes. Mém. Ac. Ses. Arts et Belles Lettres de Dijon, épars à la surface du champ, parmi les bette- 1965, t. CXV, p. 141-146, fig. 1. C. et D. MORDANT, raves. Le site protohistorique des Gours-aux-Lions à Ma- rolles-sur-Seine (Seine-et-Marne), Mém. S.P.F., 1970, t. 8, annexes 1 et 2, p. 85 et fig. 38 (carte). Site de Vinneuf : H. CARRÉ, Les dernières découvertes 4. Les deux campagnes de sauvetage (1969-1970) du Bronze final, à Vinneuf (Yonne), B.S.P.F., 67, étaient organisées par la Société archéologique et 1970, fasc. 1, p. 386-398. culturelle de Pont-sur-Yonne, sous la direction de 3. Inédite, signalée par P. Parruzot, conservateur son vice-président M. J.-Y. PRAMPART. Ont participé du Musée de Sens. De Prépoux provient également aux fouilles : M. et Mme G. LOUIS-CLÉMENT, MM. une épée de type Rixheim. P. PARRUZOT, Une sépul- AUDON, CHUFFAT, DELBREUVE, DEMARD, DUPRÉ, GIU- ture du Bronze III à Villeneuve-la-Guyard, R.A.E., DICELLI, GONDRIAUX, GOUEZOU, LÉGER, MALOT, REMY 1951, t. II, pl. XVII et XVIII b. RICHARD, SELLIER etc. Après un rapport à M. l'Abbé Joly, Directeur en céramique grossière. Somme toute, peu de de la Circonscription, fut délivrée une auto- vestiges. risation de sauvetage dans un rayon de Pendant l'été 1970, on procéda à une exten- quelques mètres autour du dépôt. C'est ainsi sion des recherches autour de l'emplacement qu'en août et septembre 1969, une aire de 6 m2 exploré ainsi deux années de suite; le terrain fut passée au crible jusqu'à une profondeur de fut dégagé, m2 après m2, dans toutes les direc- 0,4 à 0,5 m où l'on rencontrait un sable jaune, tions jusqu'à ce que la densité des découvertes sol naturel, certainement intact. On crut un devienne pratiquement nulle; cette exploration moment à la présence d'un atelier. plus étendue et quelques sondages dans le En août 1970, après une année de culture, la champ ont paru démontrer qu'il ne s'agissait même surface fut fouillée une seconde fois, que d'un dépôt isolé (fig. 4). livrant à nouveau un certain nombre d'objets replacés là par l'action des machines agricoles M. Letteron avait extirpé les objets au (fig. 4). moyen de quelques coups de bêche dont les Lors des labours d'hiver, en 1969, puis en traces étaient encore bien visibles, deux mois 1970 (et quelques autres fois depuis), l'obser- plus tard, sur les bords de la cavité ainsi creu- vation des sillons derrière la charrue ne devait sée dans le sable légèrement argileux (fig. 5). livrer que deux ou trois fragments d'objets, à Il fallut d'abord vider la terre qui avait l'emplacement de la fouille de l'été 1969, quel- comblé ce trou : elle contenait beaucoup ques tessons de poterie grossière, une tren- d'objets intacts ou non, ainsi que de nombreux taine de mètres plus au sud; les traces d'un fragments de céramique (fig. 5). Vers le fond grand feu (terre cendreuse sur un diamètre (0,2 m de profondeur), on découvrit de plus en de 8 m) à 90 m plus à l'est; enfin, 145 m plus plus de tessons de poterie, d'abord isolés, puis au nord-est, un fragment d'anse néolithique enfoncés verticalement dans le sol, juxtaposés,

TABLEAU 1. — Dispersion verticale du dépôt. A : objets en bronze. B : tessons du vase et objets en bronze. C : tessons du vase et tessons de céramique gallo-romaine : ces derniers sont plus profonds que les premiers, récemment mobilisés.

TABLEAU 2. — Dispersion horizontale cllI dépôt : proportion des objets remaniés, dispersés et en place. FIG. 3. — La région de Villethierry : Cercles : nécropoles; carrés : habitats (ou fosses) ; triangle, dépôt. Clairs : Bronze final 1-IIa. foncés : Bronze final IIb-III. FIG. 4. — Zone fouillée en 1970 (sauyetage 19(59, en hachures). Les tessons galloromains sont, en moyenne, plus profonds que les objets de bronze, récemment mobilisés. F iH. 5. — Découverte du dépôt. A : trou creusé par M. Letteron, à la DèChe: B : les objets encore en place apparaissent au fond de la cavité, épingles à tète discoïdale épaisse, épingles à tête enroulée, pendentifs en rouelle.

FIG. 6. — Le vase du dépôt. A : forme reconstituée. B : les objets dans le vase : essai de restitution. Les anneaux, les bracelets, une pile de pendentifs et quelques épingles étaient en place lors de la fouille : les autres objets sont donc figurés à titre uniquement indicatif. plus ou moins en place. La suite du décapage aucun ne peut être considéré comme ayant fait devait montrer qu'il s'agissait de l'extrémité partie d'un rebord, ni même d'un col. supérieure de la panse d'un vase, tronquée et Ce fond d'urne a dû être placé dans des usée par le passage des charrues; le fond de conditions topographiques et géologiques voi- cette urne se trouvait à 0,37 m sous le niveau sines de celles observées lors de sa découverte : actuel du sol. Enfermés dans les parois de ce en effet, malgré les témoignages relatifs au fond, des bijoux de bronze étaient restés Ravin de Bonval, nous ne pensons pas que le intacts sur une hauteur de 0,15 m environ : niveau du sol ait pu changer beaucoup en ce leur état de conservation était des plus satisfai- point situé à plus de 40 m du fond du vallon, sants (oxydation assez peu importante, comme sur une faible pente sablo-argileuse où l'eau d'ailleurs dans l'ensemble du dépôt); plus en s'infiltre bien. Les quelques centimètres en- surface, c'est surtout l'action des engins mo- levés par des orages exceptionnels ont pu être dernes qui avait détruit les objets. compensés par des apports glissés de plus Au cours des deux campagnes de fouilles qui haut. allaient suivre cette découverte, de nombreux autres exemplaires d'objets, souvent fragmen- b) Le vase. C'est une urne à panse bitron- tés, analogues à ceux trouvés dans le vase, et conique, de type courant, assez grossière et de nouveaux tessons de ce dernier furent récu- mal façonnée (fig. 6). pérés dans la terre labourée, sur un rayon de Dimensions : hauteur reconstituée jusqu'au 5 à 6 m; certains étaient enfouis plus profondé- haut de panse, 300 mm; diamètre maximum, ment, cependant jamais au-dessous de 0,5 m. 380 mm; diamètre du fond, 120 mm; épaisseur Il faut signaler, enfin, des fragments de des parois, 5 à 13 mm. bronze ayant appartenu à des objets plus volu- Décor : le haut de panse porte un bourrelet mineux que ceux qui avaient été trouvés en limitant la région inférieure du vase, sommai- place dans le fond du vase : il s'agissait sur- rement lissée, de la supérieure plus soignée et, tout de faucilles, de haches, de fragments de selon toute vraisemblance, recouverte d'un lames, de tôles, voire de lingots de cuivre et... engobe. de tessons de céramique gallo-romaine (tabl. 1 Pâte : grossière, gris noir, assez résistante et 2). à la cassure et renfermant d'abondants élé- ments non plastiques : chamotte et fragments de silex, de 2 à 3 mm en moyenne. Surface B. Le vase et les objets en place. extérieure : bas de la panse, brun rouge faible; supérieure recouverte d'un engobe noir assez a) Conditions de dépôt du vase. La partie brillant. Surface intérieure, gris noir à bistre inférieure d'une grande urne a été déposée moyen. dans un trou creusé dans la terre de façon à ce que son extrémité supérieure affleure pres- Comparaison : c'est une forme classique, que l'on trouve utilisée comme urne cinéraire au que le niveau du sol. En effet, par rapport à ce dernier, son fond se trouvait encore récem- Bronze final Il, dans la région. ment à une profondeur de 0,37 m. A partir de c) Découverte du contenu du vase. Il impor- là, nous avons d'abord rencontré des tessons tait tout d'abord de limiter ce qui n'avait été fragmentés, mais en connexion sur une hau- touché ni par le labour, ni par les coups de teur de 0,19 m; les plus haut placés montraient bêche de l'inventeur : le trou fut donc vidé de des traces d'usure sur leurs extrémités supé- sa terre remaniée, nettement reconnaissable de rieures (passage des charrues). Quelques-uns, celle, un peu plus dure, laissée intacte. Bientôt, légèrement déplacés, cassés fraîchement d'un plus bas, les objets apparaissaient en place côté, usés de l'autre (labour plus profond de dans un sable resté plus compact, en parti- 1968) permirent d'évaluer à 0,25 m la hauteur du vase avant sa rencontre avec la charrue culier au-dessous de la terre fouillée par la bêche. Le décapage horizontal fut mené d'em- moderne; d'autres enfin, plus dispersés (au blée sur une zone de 1 m2, axée sur les restes cours de travaux agricoles plus anciens), pu- du vase (fig. 5). La plus grande densité des rent cependant assurer la reconstitution d'un découvertes fut évidente, immédiatement sur important fragment de vase, jusqu'à une hau- une aire circulaire de 0,3 à 0,4 m de diamètre, teur que l'on peut évaluer à 0,30 m. circonscrite par des tessons, les uns encore Il y a bien identité entre tous ces tessons verticaux, d'autres basculés par le passage des en ce qui concerne la texture de la pâte, la machines (la dernière atteinte de la charrue, couleur, l'épaisseur, la courbure. Tous pro- ayant déplacé des objets, semble ainsi être viennent de la panse d'un même vase, mais venue du nord). FIG. 7. — Décapage superficiel du dépôt encore en place. Quelques épingles à tète massive, les plus super- ficielles dans le dépôt, sont visibles. Remarquer les 3 exemplaires groupés, l'un à tête globuleuse, les 2 autres à tête sub-biconique. Quelques épingles à tête enroulée sont rassemblées par paquets. Plus bas, se distinguent déjà les bracelets, les bagues et une pile de pendentifs en rouelle. Les tessons de la panse du vase sont bien visibles et limitent les objets.

A la partie supérieure de la zone dégagée, paquet, orientée dans la même direction (le on pouvait repérer quelques groupes d'épingles plus souvent vers le sud). Pour un certain formant de petits faisceaux encore plus ou nombre, on trouvait aussi des têtes détachées moins en place (fig. 7). C'est ainsi qu'on des corps, surtout des discoïdales épaisses pouvait voir un ensemble de 3 épingles, de (fig. 9). Les groupes ainsi formés ne semblaient même taille, 2 à tête sub-biconique (mais pas guère compter plus d'une dizaine d'unités, d'un même diamètre), leur tige de part et sauf peut-être, pour le cas des épingles à tête d'autre de celle d'une épingle à tête globuleuse enroulée. aplatie et à collerettes. Quelques centimètres La première couche enlevée, les épingles plus loin, après deux bagues entremêlées, des parurent moins nombreuses tandis que la po- épingles de même format, orientées de façon sition « en pile » des pendentifs se confirmait. semblable, évoquaient un même faisceau dé- Ces derniers, rouelles à 6 rayons surmontées truit; trois d'entre-elles, à tête discoïdale épais- d'un triangle, appartenaient à trois types dont se et bord aminci, une autre, sub-biconique, l'un, en général mieux conservé (série C), suivait le sommet d'une petite pile de pen- formait une première pile parmi les épingles dentifs, puis des épingles à tête enroulée res- et une autre plus profonde entre la masse des taient groupées, d'autres se trouvaient dans le bagues et celle des bracelets. Les deux autres même alignement, ainsi qu'une épingle en types de pendentifs furent retrouvés de façon crosse (fig. 8). Ensuite, orientée dans l'autre plus dispersée et bien souvent fragmentés : sens, une épingle à tête discoïdale épaisse, puis sans doute avaient-ils été placés plus haut. deux autres placées perpendiculairement. Vers Au même niveau, des bagues ouvertes don- le fond de cette couche, une des dernières nèrent un moment l'illusion d'une chaîne. épingles en crosse, cassée, présentait ses frag- Légèrement en-dessous et le long de la paroi ments en connexion. A remarquer la dispo- du vase, maintenant à peu près en place, fut sition, toujours horizontale, de ces épingles découvert un amas de bracelets ouverts, pareil- (fig. 7). lement enchevêtrés entre-eux (fig. 10). En général, les modèles associés étaient de Plus au fond, les épingles disparurent. Seul, taille sensiblement voisine; leur tête, pas né- le groupe de pendentifs voisinait avec les deux cessairement de même type, était dans chaque amas formés par les bagues et par les bra- FIG. 8. — Détail des objets du dépôt. Rouelles (série C), bagues, FIG. 9. — Détail des objets du dépôt. Epingles épingles à tète enroulée et en crosse. à tète discoïdale épaisse, bracelets, épingles il tête enroulée et en crosse.

FIG. 10. — Décapage plus profond. Les 2 masses distinctes FIG. 11. — Bracelets déplacés par la charrue des bagues et des bracelets apparaissent; la pile de ayant entraîné avec eux une fihule. rouelles est placée entre les 2. celets. A remarquer qu'aucun de ces derniers celets. En effet, bien souvent, tordues et ne se trouvait pris dans aucune des bagues. Ce brisées, elles sont mêlées à ces derniers quand dernier fait, et l'aspect globuleux des deux ils ont été déplacés (fig. 11). masses constituées par les deux catégories En ce qui concerne les épingles, une cin- d'objets, évoquent la présence de sacs les ayant quantaine, à peine (9 %), étaient restées en contenus. Par ailleurs, aucune tige d'épingle ne place (fig. 9) : le reste avait surtout été extirpé s'introduisait parmi ces objets, aucun pen- par les coups de bêche, dans les vingt pre- dentif n'était pris par l'un d'eux, sauf pour miers centimètres sous le sol actuel, ce qui quelques bagues, tout à fait dans la zone correspond à la moitié supérieure du vase. supérieure, légèrement bouleversée. Enfin, les fragments de gros objets et les Tout au fond, parmi la terre fine infiltrée culots de bronze et de cuivre, pour moitié fortement oxydée, tout à fait indépendante des traînés, souvent assez loin, et pour moitié objets précédents, se trouvait, en excellent état dans les objets trouvés en surface (fig. 6 et de conservation, une pincette. tabl. 2), devaient surmonter le tout.

C. Les objets dispersés. D Reconstitution de la position originelle des objets. Il s'agit des fibules, de différentes sortes d'épingles, puis de fragments de gros objets On en arrive à résumer ainsi les positions (épée, faucille, hache, etc.) enfin, de quelques relatives de ces objets : (fig. 6) : lingots de cuivre et débris de bronze. tout à fait à la base, une petite pince en Les plus haut placés ont été depuis long- bronze; temps remaniés, au hasard de l'occupation un sac contenant 75 à 80 bracelets, placé humaine du site. A remarquer, de plus, une au-dessus, reposait sur un côté du fond. Il assez forte densité de tessons gallo-romains devait atteindre, ainsi rempli, une hauteur de (fig. 4, n° 4) témoignant de l'utilisation du sol 15 à 20 cm, pour un diamètre de 10 à 15. Il à cette époque; cependant, ils ne sont pas ne devait pas être en tissu car des fragments assez abondants pour indiquer l'emplacement de ce dernier n'auraient pas manqué de rester précis d'une villa, ni même celui de quelques incrustés sur l'oxyde des bijoux. Ces bracelets fonds de cabanes. formaient une masse ovoïde, mais une quin- zaine parmi les plus haut placés, facilement Tous ces vestiges furent déplacés ensemble accrochés par les socs de charrues, traînés, par les travaux modernes, en particulier assez déformés, fragmentés, furent retrouvés parfois fortement en 1968. Les quelques coups de à plus d'un mètre de là ; bêche de M. Letteron et son ramassage en sur- sur l'autre côté du fond, un autre sac, moins face perturbèrent encore plus leur ordonnance. important, renfermait 244 bagues bien entre- La fouille de 1969 permit de positionner les mêlées, l'ensemble formant un second bloc à objets les moins écartés de leur point d'ori- côté des bracelets; gine. A noter que malgré le peu de découvertes par dessus, dans l'intervalle séparant ces au cours du labour, il en fut remis beaucoup sacs, furent disposés une quarantaine de pen- sur ce même emplacement par les travaux dentifs évoquant une rouelle. Ils semblent agricoles de 1969-70. Au mois d'août de cette avoir été placés en petites piles, 8 d'entre-eux dernière année, le criblage du terrain fut ef- ont été retrouvés dans cette position vers la fectué sur une plus grande échelle. La synthèse partie inférieure de cette zone; certains, dépo- de ces observations a pu être faite en mesurant sés plus haut et déplacés par les machines les positions de tous ces objets dans les trois agricoles ont été très dispersés et très frag- dimensions de l'espace. mentés; L'étude de cette répartition montre bien que les 22 fibules, souvent mélangées aux bra- les objets du genre de ceux « observés en celets dispersés, devaient se trouver juste place dans le vase » (hormis les épingles) n'ont au-dessus du sac contenant ceux-ci; été que peu traînés et pratiquement jamais surmontant cet ensemble venaient les épin- retrouvés en surface. Encore ne s'agit-il que : gles, groupées en petits faisceaux d'une di- d'une quinzaine de bracelets, dont la forme et zaine : dans chacun de ces groupes, les têtes la position se prêtaient bien à l'accrochage par étaient du même côté, mais les épingles pou- une charrue, et de fibules (à peine plus nom- vaient être de catégories différentes; breuses) qui, à vrai dire, n'ont jamais été enfin, tout à fait au sommet, masquant peut- observées entières dans le vase, mais qui être le reste, les fragments de gros objets, les devaient être posées juste sur le sac de bra- débris de bronze et les lingots de cuivre. TABLEAU 3. — Inventaire des objets du dépôt.

passage entre le bassin du Loing et celui de l'Yonne, il semble bien devoir être considéré comme une cachette occasionnelle. Les nom- Comme la plupart des dépôts de bronze, celui de Villethierry était contenu dans un breuses prospections et les fouilles aux abords vase en céramique. Cette sorte d'urne, d'un de la découverte n'auraient pas manqué de type tout à fait courant, était peut-être déjà repérer les traces d'un habitat ou d'ateliers décapitée au moment de l'enfouissement : en de fondeurs, s'ils avaient existé. Les objets ont effet, aucun fragment de bord n'a été retrouvé; donc été déposés dans le vase — peut-être il est cependant possible que sa destruction déjà mis en place dans le sol — d'une manière soit due à des travaux de culture anciens, tout à fait rationnelle, autant qu'on puisse en puisque le haut de panse, reconstitué, ne se juger après les bouleversements qu'ils ont subis. Les 2 sacs de bracelets et d'anneaux trouvait qu'à une dizaine de centimètres sous le niveau actuel du sol. étaient les plus faciles à loger. La position de la pincette sous cette masse d'objets est cu- Par contre, la nature du dépôt est d'une rieuse. Les paquets de pendentifs, glissés entre grande originalité, puisqu'il s'agit essentiel- les précédents, comblaient ainsi les espaces lement d'articles de parure, neufs de surcroît, vides; sur la surface sensiblement horizontale dont l'abondance et la qualité ne sont pas sans ainsi aménagée, ont pu être déposées fibules, surprendre. Les épingles représentent plus de épingles en faisceaux, sans doute en cherchant la moitié des pièces (56 9c) et se regroupent à tirer le meilleur parti de la place disponible. en 7 catégories dont 4 bien représentées Puis, enfin, on a coiffé le tout de fragments (tabl. 3); les anneaux, pratiquement tous iden- destinés à la refonte, comme pour chercher à tiques, atteignent 28 % du total; on y observe remplir le vase. aussi des objets rares comme les fibules, On pourrait, bien sûr, se livrer à toutes d'autres originaux comme les pendentifs en sortes de suppositions pour tenter d'expliquer forme de rouelle. A ces pièces neuves s'ajou- l'abandon d'une telle fortune, représentant, tent les éléments classiques des « cachettes de sans doute, le stock d'un atelier de bijoutiers. fondeurs » : fragments de haches et de fau- Hypothèses gratuites qui doivent attendre des cilles, lingots, débris divers, etc. fouilles étendues, ou, pourquoi pas, une nou- L'isolement de ce dépôt, du moins dans velle découverte fortuite, pour prendre toute l'état actuel des recherches, pose le problème leur valeur. de sa signification. Localisé sur une voie de J.-Y. P. RECHERCHE D'UNE MÉTHODE

L'étude des objets de Villethierry devait Mais il n'était pas question de se limiter à déjà être un catalogue exhaustif dans lequel ce catalogue. Les séries de Villethierry figurait le dessin de chaque pièce. Ces dessins, offraient aussi, enregistrées dans les distri- exécutés en même temps qu'études typologique butions de leurs variables, de précieuses et technologique, permirent en effet d'accéder informations relatives à leur fabrication et à une connaissance très précise de l'objet, leur conception. Il fallait donc en entrepren- intime pourrait-on dire. Cela ne fait d'ailleurs dre une étude statistique, en relation avec la que confirmer l'importance de l'acte du dessin typologie et la technologie. dans les Sciences d'observation, naturelles ou humaines 5.

ANALYSE STATISTIQUE.

5. Plans et figures des auteurs. Etude du maté- riel : dessin et étude des épingles décorées par Nous n'avons utilisé que des moyens d'ex- C.M.; dessin et étude du reste des objets par D.M. pression simples et courants. L'analyse des Nous sommes grandement redevables à M. Thierry, séries de Villethierry, comme c'est sans doute dont les remarquables photographies d'objets, pri- le cas pour toutes les séries artisanales, ne ses à la Circonscription de Bourgogne, apportent tant aux études technologiques aussi bien que typo- s'avère pas simple. Il était donc indispensable logiques. Les photographies des fig. 2, 5, 7 à 11 de noter et d'enregistrer, dans une première sont de J.-Y. Prampart, celles des fig. 180 à 184 étape, des données élémentaires qui pourront du Centre technique des Industries de la Fonderie ètre éventuellement reprises dans une étude et la fig. 190 du Musée des Antiquités nationales. plus approfondie ou, du moins, servir de point Notre plus vive gratitude va à M. l'Abbé J. Joly, de départ. Directeur de la Circonscription des Antiquités pré- historiques de Bourgogne, au moment de la décou- verte, pour la haute confiance dont il a honoré 1. Schémas de la distribution. deux d'entre-nous (C.M., D.M.), en les chargeant d'assurer la publication de cet exceptionnel docu- Le diagramme en bâtons : peu utilisé en ment, en collaboration avec le responsable de la statistiques classiques, celui-ci possède pour- fouille (J.-Y. P.) ; ainsi qu'à M. J.-P. Thévenot, qui tant un avantage considérable dans notre cas : lui succéda à la direction de la Circonscription, pour le précieux appui qu'il n'a cessé de nous ap- celui de représenter fidèlement la population porter. M. le Professeur A. Leroi-Gourhan, pro- d'objets, en conservant la précision des mesu- fesseur au Collège de France, a bien voulu nous res pour chaque variable (0,1 mm). C'est ainsi faire part de ses impressions concernant la fabri- que l'on peut observer ces « micro-regrou- cation des épingles et a assuré la publication de pements », dans le cas des têtes d'épingles ce travail : nous tenons à lui en exprimer notre moulées, que l'on attribuera à la fabrication profonde reconnaissance. M. le Professeur J.-J. de celles-ci par surmoulage. Hatt, Directeur de l'Institut des Antiquités natio- nales de Strasbourg, a orienté les recherches biblio- graphiques de l'un de nous (C.M.) et lui a permis de travailler avec profit à la très riche bibliothèque à MM. H. Carré et P. Parruzot, pour avoir favorisé de son Institut. Qu'il veuille bien trouver ici l'ex- la mise en place de l'équipe de publication et nous pression de notre respectueuse gratitude. M. le avoir signalé maintes comparaisons sur le plan Professeur R. Joffroy, Conservateur en chef du régional ; à Mme Besnehard, bibliothécaire de l'Ins- Musée des Antiquités nationales, nous a donné titut des Antiquités nationales de Strasbourg, pour libre accès à des collections inédites ainsi qu'à la son amicale et efficace collaboration; à Mme F. Bibliothèque de la Conservation. Nous lui en som- Audouze et M. J.-C. Blanchet pour nous avoir com- mes profondément reconnaissants. muniquer des renseignements bibliographiques; et Nos remerciements les plus sincères vont à M. enfin à tous ceux qui ont contribué à la réalisation J.-Y. Prampart, responsable des fouilles, pour matérielle de ce travail : Mme Navarro, M. J. avoir accepté en toute amitié notre collaboration; Scherer. Toutefois, les effectifs n'apparaissent pas Il y aurait sans doute intérêt d'entreprendre clairement car il faut tenir compte, pour les des analyses non plus bi-factorielles mais apprécier, de 2 critères : la densité des bâtons polyfactorielles dont la programmation reste et leur taille. l'un de nos objectifs. Cette étude spécialisée, sortant du cadre de la simple monographie L'histogramme : contrairement au précédent, que nous présentons ici, sera envisagée ulté- il donne une image globale de la population et rieurement. peut être le point de départ des calculs de paramètres. 3. Paramètres. Critique : les 2 premiers schémas donnent souvent l'image de distributions plurimodales Ils n'ont été donnés qu'à titre indicatif, dont l'interprétation est délicate. En effet, ce mais aussi peut-être, avec l'intention de caractère peut être lié, par exemple, au mé- « quantifier » les observations en cherchant à lange de populations différentes (par éga- éliminer les données subjectives, toujours lement d'autres variables) ou à la simple employées, mais discutables, voire erronées lorsque les populations d'objets deviennent intention de l'artisan de fabriquer des objets nombreuses. d'aspect différent (fins, moyens, massifs...), ou bien encore aux deux à la fois.

2. Diagramme de dispersion. La synthèse de toutes ces informations con- On peut étudier les corrélations entre varia- duisait ensuite, avec l'aide des analyses tech- bles prises 2 à 2 en utilisant cette méthode. niques, vers la reconstitution des méthodes Elle a l'avantage de faire ressortir, d'une part, de fabrication des objets qui avaient aussi d'éventuelles relations entre variables (ex. gardé les moindres stigmates résultant des entre le diamètre d'une tête d'épingle et la opérations techniques successives. Enfin, la longueur) et, d'autre part, de mettre en évi- recherche classique des pièces de comparaison dence des populations isolées, définies par 2 devait permettre de situer chronologiquement variables, et qui n'apparaissaient pas sur les le cadre culturel du dépôt de Villethierry. histogrammes (cas des épingles à tête enroulée, fig. 100). C. et D.M. LES ÉPINGLES

1. Etude typologique et description 1. LES ÉPINGLES A TÊTE DISCOÏDALE ÉPAISSE ET BORD AMINCI.

Le classement basé sur la forme de la tête Définition du type. permet de ranger les épingles en 7 familles Le disque massif de la tête montre une face typologiques principales, inégalement repré- supérieure nettement convexe (variante mor- sentées (fig. 12) : épingles à tête discoïdale : phologique I, fig. 12) ou plus faiblement 149 pièces; épingles à tête sub-biconique : 172 bombée (variante morphologique II, fig. 12) pièces; épingles à tête bitronconique : 1 pièce; et une partie inférieure conique ou très épingles à tête cylindro-bitronconique : 8 piè- légèrement concave. ces; épingles à tête globuleuse aplatie, munie de 2 collerettes (dérivées du type de Bin- Le raccord tête-tige se fait progressivement ningen) : 3 pièces; épingles à tête enroulée : (variante II) ou par un ressaut net, précédé de 99 pièces; épingles à tête en crosse : 56 pièces. cercles gravés concentriques marqués (va- riante I). A ce niveau, sur tous les exemplaires, L'analyse de détail des formes des têtes et se remarque une différence de patine entre la surtout du décor porté par celles-ci aboutit à tête et la queue ou une fissure plus ou moins distinguer de nombreuses variations au sein de prononcée. Ces observations et l'examen radio- chaque type (variante morphologique, variété graphique des têtes ont permis de mettre en décorative). évidence que tête et tige étaient fondues sépa- rément. (Et. techniques, p. 207). Le bord, aminci en général, parfois un peu tronqué (quelques exemplaires de la variante II, nos 5, 22, 42, A 127), présente un petit listel I. — LES ÉPINGLES A TÊTE DISCOÏDALE large de 0,5 à 1 mm, limité par deux cercles gravés, superposés, portant des incisions obli- ques, plus ou moins fines et régulières, exé- Famille bien représentée, elle regroupe 149 cutées au burin. Seules, les épingles 95 et 97 exemplaires. La forme du disque terminal (variante I), gardent une tranche lisse (ina- conduit à subdiviser cette famille en 2 groupes chevées ?). bien distincts, d'inégale importance numé- La face supérieure porte l'essentiel du décor, rique : les épingles à tête discoïdale épaisse l'inférieure ne montre, le plus souvent, que massive : 138 pièces; les épingles à tête dis- des cercles concentriques serrés. coïdale plate, munie d'un bouton conique sur Les 2 variantes I et II s'identifient donc la face supérieure : 11 pièces. facilement par la forme de la tête, mais éga- lement par le décor porté : nous étudierons successivement les variations au sein de A. LES ÉPINGLES A TÊTE DISCOÏDALE chaque catégorie. ÉPAISSE. Analyse typologique de la variante I.

Deux types s'y distinguent suivant l'aspect Toutes les têtes présentent un même profil du bord du disque, aminci ou tronqué (fig. 12). avec face supérieure convexe et troncature Le type à bord aminci est le plus représenté : nette au raccord tête-tige. 134 exemplaires contre 4 pour le second à La pénétration de la tige dans la tête se bord tronqué. distingue même très bien sur certains exem- TABLEAU 4. — Epingles à tête discoïdale épaisse et bord aminci : variante I. Tableau typologique et répertoire. (Voir fig. 90-91, p. 106-107 pour l'illustration du tableau). EPINGLES A TETE DISCOIDALE EPAISSE ET BORD AMINCI. VARIANTE 1

Il. MOTIFS EN PEIGNE au centre de la face supérieure.

1 II. 4 MOTIFS ET CERCLES CONCENTRIQUES en nombre variable sur les 2 faces.

Il 11. 3 cercles sur la face supérieure. — 1 + 2 sur la face inférieure (n° 104). — 1 + 3 sur la face inférieure (n° 107). 1112. 4 cercles sur la face supérieure. — 1 + 3 sur la face inférieure (n° 109). 1113. 5 cercles sur la face supérieure. - 1 + 3 sur la face inférieure (n°' 105, 110). — 1 +4 sur la face inférieure (n° 99). 1114. 6 cercles sur la face supérieure. — 1 + 3 sur la face inférieure (n° 106, 108).

112. 4 MOTIFS - LISERE HACHURE ET CERCLES CONCENTRIQUES.

— 1 + 3 sur la face inférieure (n° 76).

113. MOTIFS - COURONNE DE TRIANGLES HACHURES ET CERCLES CONCENTRIQUES.

1131. 4 motifs — couronne de triangles hachurés et cercles concentriques. 11311. 9 triangles hachurés. • disjoints - 1 + 3 cercles concentriques sur la face supérieure. — 1 + 3 cercles sur la face inférieure (n° 62). 11312. 10 triangles hachurés. • jointifs — 1 + 3 cercles sur les 2 faces (n° 59). — 1 + 5 cercles sur la face supérieure. 1 + 4 cercles sur la face inférieure (no 97) (pas d'incisions sur la tranche) 11313. 11 triangles hachurés. • disjoints — 1+3 cercles sur les 2 faces (n° 49). • jointifs. - 1+3 cercles sur les 2 faces (nos 47, 50, 52 à 58, 60, 61, 63, 64, 66, 67, 70, 72, 74, 78). — 1+4 cercles sur la face supérieure. 1 + 3 cercles sur la face inférieure (nos 81, 83, 88, 89, 90, 93, 95). 1 + 6 cercles sur la face inférieure (n° 86). — 1+5 cercles sur la face supérieure. 1 + 3 cercles sur la face inférieure (n° 96). 3 + 6 cercles sur la face inférieure (n° 98). 11314. 12 triangles hachurés • disjoints (I 13 141). — 1+3 cercles sur les 2 faces (nos 67, 73). . jointifs (I 13 142). — 1+2 cercles sur la face supérieure. 1 + 3 cercles sur la face inférieure (n° 46). — 1+3 cercles sur la face supérieure. 1 + 3 cercles sur la face inférieure (nos 51, 68, 69, 77). 1 + 4 cercles sur la face inférieure (n° 75). — 1+4 cercles sur la face supérieure. 1 + 3 cercles sur la face inférieure (nos 80, 82, 92, 94). 1 + 4 cercles sur la face inférieure (n° 85). — 1+6 cercles sur la face supérieure. 1 + 4 cercles sur la face inférieure (n° 101). 11315. 13 triangles hachurés. • jointifs. — 1 + 4 cercles sur la face supérieure. 1 + 3 sur la face inférieure (n°' 84, 87). — 1 + 5 cercles sur la face supérieure. 1 + 4 cercles sur la face inférieure (n° 100). 11316. 14 triangles hachurés. • jointifs. - 1 + 3 cercles sur les 2 faces (n°' 48, 79). 11317. 16 triangles hachurés. • jointifs. — 1 + 3 cercles sur les 2 faces (n° 71). 11318. 17 triangles hachurés. • jointifs (et non) — 1 + 4 cercles sur la face supérieure. 1 + 3 cercles sur la face inférieure (n° 91). 1132. 3 motifs - couronne de triangles et cercles concentriques. — 10 triangles hachurés. • jointifs. — 1 + 4 cercles sur la face supérieure. 1 + 5 cercles sur la face inférieure (n° 111). 1133. 5 motifs — couronne de triangles et cercles concentriques. 11331. 9 trapèzes hachurés. • jointifs. — 1 + 6 cercles sur la face supérieure. 1 + 4 cercles sur la face inférieure (n° 102). 11332. 10 triangles hachurés. . jointifs. — 1 + 4 cercles sur la face supérieure. 3 + 5 cercles sur la face inférieure (n° 103).

12. CERCLES CONCENTRIQUES ET COURONNE DE TRIANGLES HACHURES, (face supérieure)

121. PAS DE MOTIF CENTRAL MAIS DES CERCLES CONCENTRIQUES.

1211. uniquement des cercles concentriques sur la plage centrale. 12111. 8 triangles hachurés. • jointifs. — 1 + 5 cercles sur les 2 faces (n° 113). 12112. 10 triangles hachurés. • jointifs. — 1 + 6 cercles sur la face supérieure. 1 + 4 cercles sur la face inférieure (n° 115). 1212. 1 liseré hachuré en plus sur la face supérieure. 12121. 7 triangles hachurés. • jointifs. — 1 + 6 cercles sur la face supérieure. 1 + 5 cercles sur la face inférieure (n° 114). 12122. 13 triangles hachurés. • jointifs. — 1 + 11 cercles sur la face supérieure. 1 + 4 cercles sur la face inférieure (n° 112).

122. 5 BANDES HACHUREES RAYONNANTES AU CENTRE ET CERCLES.

11 triangles jointifs. — 1 + 4 + 1 cercles sur la face supérieure. 1 + 2 cercles sur la face inférieure (n° 116). IMPRIMERIE LOUIS-JEAN Publications scientifiques et littéraires TYPO - OFFSET

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Dépôt légal 304-1976

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