Cahiers d’Études Germaniques

68 | 2015 Quelques vérités à propos du mensonge ? (Volume 2)

Hélène Barrière, Susanne Böhmisch, Karl Heinz Götze et Ingrid Haag (dir.)

Édition électronique URL : http://journals.openedition.org/ceg/1247 DOI : 10.4000/ceg.1247 ISSN : 2605-8359

Éditeur Presses Universitaires de Provence

Édition imprimée Date de publication : 15 juin 2015 ISBN : 978-2-85399-993-9 ISSN : 0751-4239

Référence électronique Hélène Barrière, Susanne Böhmisch, Karl Heinz Götze et Ingrid Haag (dir.), Cahiers d’Études Germaniques, 68 | 2015, « Quelques vérités à propos du mensonge ? (Volume 2) » [En ligne], mis en ligne le 17 décembre 2017, consulté le 01 décembre 2020. URL : http://journals.openedition.org/ceg/ 1247 ; DOI : https://doi.org/10.4000/ceg.1247

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CAHIERS D’ÉTUDES GERMANIQUES

QUELQUES VÉRITÉS À PROPOS DU MENSONGE ?

VOLUME II

Études réunies par

Hélène BARRIÈRE, Susanne BÖHMISCH, Karl Heinz GÖTZE et Ingrid HAAG

2015/1 – no 68 CAHIERS D’ÉTUDES GERMANIQUES

DIRECTRICE Hélène BARRIÈRE (Aix Marseille Université)

BUREAU Hélène BARRIÈRE (Aix Marseille Université) Hilda INDERWILDI (Université Toulouse Jean‑Jaurès) Katja WIMMER (Université Paul-Valéry Montpellier) Ralf ZSCHACHLITZ (Université Lumière Lyon 2)

COMITÉ SCIENTIFIQUE Dieter BORCHMEYER (Université Heidelberg) Ulrich FUCHS (Bremen – Marseille) Maurice GODÉ (Université Paul-Valéry Montpellier) Ingrid HAAG (Aix Marseille Université) Michael HOFMANN (Universität Paderborn) Steffen HÖHNE (HFM Weimar) Thomas KELLER (Aix Marseille Université) Dorothee KIMMICH (Universität Tübingen) Jean-Charles MARGOTTON (Université Lumière Lyon 2) Gerhard NEUMANN (Ludwig-Maximilians-Universität, München) Gert SAUTERMEISTER (Universität Bremen) Michel VANOOSTHUYSE (Université Paul-Valéry Montpellier) Marcel VUILLAUME (Université Nice Sophia Antipolis)

COMITÉ DE RÉDACTION Florence BANCAUD (Aix Marseille Université) Hélène BARRIÈRE (Aix Marseille Université) André COMBES (Université Toulouse Jean‑Jaurès) Claus ERHART (Université Nice Sophia Antipolis) Wolfgang FINK (Université Lumière Lyon 2) Karl Heinz GÖTZE (Aix Marseille Université) Hilda INDERWILDI (Université Toulouse Jean‑Jaurès) Françoise KNOPPER (Université Toulouse Jean‑Jaurès) Jacques LAJARRIGE (Université Toulouse Jean‑Jaurès) Michel LEFÈVRE (Université Paul-Valéry Montpellier) Fabrice MALKANI (Université Lumière Lyon 2) Nathalie SCHNITZER (Aix Marseille Université) Christina STANGE-FAYOS (Université Paul-Valéry Montpellier) Katja WIMMER (Université Paul-Valéry Montpellier) Ralf ZSCHACHLITZ (Université Lumière Lyon 2)

COMITÉ DE LECTURE Sylvie ARLAUD (Université Paris-Sorbonne) Heike BALDAUF (Université Lumière Lyon 2) Bernard BANOUN (Université Paris-Sorbonne) Jean-Marc BOBILLON (Université Nice Sophia Antipolis) Susanne BÖHMISCH (Aix Marseille Université) Véronique DALLET-MANN (Aix Marseille Université) Lucile DREIDEMY (Université Toulouse Jean‑Jaurès) Hélène LECLERC (Université Toulouse Jean‑Jaurès) Dorle MERCHIERS (Université Université Paul-Valéry Montpellier) Nadia MESLI (Aix Marseille Université) Jean-Michel POUGET (Université Lumière Lyon 2) Christine SCHMIDER (Université Nice Sophia Antipolis)

CORRESPONDANCE Julie FABRE, responsable administrative adjointe COMMANDES (no 1 à 67) Maison de la Recherche ALLSH Aix Marseille Université 29, avenue Robert Schuman 13 621 AIX-EN-PROVENCE Cedex 1 Tél. : 04 13 55 33 68 Courriel : [email protected] Sommaire

Hélène Barrière, Susanne Böhmisch, Avant-propos...... 7

Art du mensonge et mensonge de l’art ? Christian Klein, (Dis-)simulation et fiction dans le roman « Ich » de Wolfgang Hilbig (1993)...... 21 Emmanuel Béhague, L’espace public dans la photographie d’art du socialisme « réellement existant » : Helga Paris, Ulrich Wüst, Kurt Buchwald...... 31 Christine Schmider, Écriture de la ville et poétique du mensonge – l’espace urbain chez Flaubert et Balzac...... 49 Heinz Thoma, Lüge und Realismus: Italo Calvinos La giornata di uno scrutatore und Louis Aragons Le mentir-vrai...... 63 Jochen Mecke, Esthétique du mensonge...... 77 Susanne Greilich, Unverlässliches Erzählen und romantische Ironie in einem spanischen Roman der Restaurationszeit...... 93 Walburga Hülk, Ambiguitätstoleranz und die Dinge des Lebens...... 105 Nathalie Schnitzer, « Das Bier unter den Alkoholfreien » – Mensonge et tromperie dans la communication commerciale...... 117 Clemens Knobloch, Die Image-Lüge in der Massendemokratie – über einen neuen Typ der politischen Lüge...... 131

Mensonge et genre Susanne Böhmisch, Pour une approche genrée du mensonge...... 149 Friederike Kuster, « Durch die List ist der Willen zum Weiblichen geworden. » Bemerkungen zu einer Stelle aus Hegels Jenaer Systementwürfen...... 165 Catherine Teissier, Le mensonge féminin comme principe libérateur. D’Irmtraud Morgner à Brigitte Burmeister : passage de témoin...... 177 Christiane Solte-Gresser, Begabte Schwindlerinnen. Über die Inszenierungen der Lüge bei Ljudmila Ulickaja...... 191 Paola Bozzi, Thomas der Lügner – und seine Geistesmenschen. Vom Lebenswerk als Lebenslüge...... 207 Patrick Farges, Masculinité, mensonge, Jeckischkeit dans le roman de Yoram Kaniuk, 1948...... 219 Marc Décimo, Qui de Léonard de Vinci ou de Marcel Duchamp fait de la Joconde un portrait fallacieux ?...... 229 6 SOMMAIRE

Romana Weiershausen, Das « Lebenerhaltendere der Lüge » bei Lou Andreas‑Salomé: Weibliche Widersprüche gegen männliche Wahrheitsansprüche um 1900..... 241

Résumés...... 251 Avant-propos

Ce volume constitue le deuxième volet des réflexions sur le mensonge développées à l’initiative du laboratoire de recherches des germanistes et des slavistes d’Aix Marseille Université. Il poursuit l’analyse de ce concept complexe dans un même esprit transdisciplinaire, que manifestent tant la pluralité des approches (artistique, linguistique, littéraire, philosophique, cultural et gender studies) que celle des aires culturelles envisagées (française, germanique, hispanique, israélienne, italienne et russe). La première partie de l’ouvrage se situe dans la continuité des travaux présentés dans le numéro 67 des Cahiers d’Études Germaniques : l’atténuation du rejet suscité par le mensonge s’y esquissait déjà ; elle s’affirme ici, sous un éclairage nouveau. Dans la seconde partie, un dossier consacré à la thématique « Mensonge et Genre » explorée lors de deux journées d’études organisées par le même laboratoire de recherches, une « resignification » du mensonge se fait également jour, au sens que Judith Butler confère à ce mot 1 : les contributions qu’on y trouve tendent pour une grande part à revisiter la perspective éthique dans laquelle le mensonge est appréhendé depuis saint Augustin ; il devient le moyen incontournable de mettre en œuvre une éthique autre. Plus de la moitié des articles du volume portent sur la période postérieure à 1945 : il ne surprendra guère que l’image y tienne une place plus importante que dans le numéro précédent, ni que les théories postmodernistes jouent un rôle dans les analyses qui déconstruisent la théorie classique du mensonge.

Qu’ils y renvoient de manière explicite ou implicite, les textes contenus dans le numéro 67 s’accordent dans une large mesure, en effet, sur une définition du mensonge héritée de la formulation augustinienne : une divergence consciente entre opinion – ou sentiment – et expression, que le locuteur dissimule à des fins elles aussi cachées et le plus souvent égoïstes. Sous la forme d’une vaste mise en perspective rattachée à des champs disciplinaires variés ou d’une étude littéraire centrée sur un auteur, ces essais se réfèrent de diverses manières à ce noyau définitionnel : les uns envisagent les temps où le mensonge ne tombe pas encore sous le coup de la condamnation morale prononcée par saint Augustin, ou encore les difficultés à mesurer le mensonge à l’aune augustinienne après Nietzsche, puis la crise du sujet et du langage ; les autres l’utilisent comme outil d’analyse pour critiquer certaines pratiques individuelles ou collectives ; d’autres encore s’en servent pour dégager le seul fonctionnement du mensonge, ses tenants et aboutissants psychiques, sociaux ou politiques ; il est même une contribution qui, constatant l’irréductible composante morale de sa définition, finit par invalider le mensonge comme catégorie d’analyse.

1 Judith Butler, Le pouvoir des mots. Politique du performatif [1re éd. Londres/ New York, Routledge, 1997], Paris, Éditions Amsterdam, 2004. 8 HÉLÈNE BARRIÈRE, SUSANNE BÖHMISCH

Plusieurs des textes rassemblés dans la première partie de cet ouvrage affichent, cette fois, la volonté d’évacuer ou du moins de relativiser la dimension morale comprise dans son acception “canonique”. Dans les contributions qui ne revendiquent pas cette démarche, l’aspect éthique semble malgré tout passer au second plan. Ce qui occupe à présent le devant de la scène, c’est la productivité du mensonge, dans un registre positif ou négatif : en régime totalitaire, la parole officielle mensongère fait surgir des images capables de la contrer (Emmanuel Béhague) tout autant que des écrits dont les processus d’élaboration se calquent sur l’invention du réel pratiquée par un pouvoir discrétionnaire – une production de réalité factice qu’en cela ils redoublent (Christian Klein) ; en régime narratif, le mensonge remodèle l’espace fictionnel, approfondit la visée esthétique de l’œuvre, intensifie l’activité du récepteur, rend le rapport au réel plus pénétrant (Christine Schmider, Jochen Mecke, Susanne Greilich, Heinz Thoma) ; en situation de communication sociale ou interpersonnelle, il peut, par un jeu sur les marges d’incertitude qu’offre le fonctionnement imprécis du langage et dont la littérature déploie les subtilités, s’avérer civilisateur ainsi que producteur et protecteur de singularité, mais aussi bien noyer le sujet dans l’indéchiffrable prolifération des signes d’une tromperie supposée (Walburga Hülk) ; en situation de communication politique et publicitaire, il préside, selon des mécanismes dans les deux cas similaires, à la construction et à l’entretien d’images, dans une logique de confrontation ou d’assujettissement (Clemens Knobloch, Nathalie Schnitzer). Chez un certain nombre d’auteurs, une telle mise au jour de la productivité du mensonge ressortit au choix d’une perspective esthétique. L’une des questions qui fédère les approches réunies dans la première section de ce volume concerne, en effet, les relations que les arts (littérature, photographie) entretiennent avec le mensonge : quel regard portent-ils sur lui, quelles influences – réciproques – peut-on mettre en lumière, voire appeler de ses vœux, tel J. Mecke qui souhaite esquisser une « théorie littéraire du mensonge » ? L’autre axe qui oriente les investigations des auteurs du premier volet de ce numéro est l’analyse de la manière dont s’articulent mensonge et pouvoir, qu’il s’agisse d’un pouvoir d’État, d’une autorité narrative, ou encore de la force de suggestion d’une image politique ou publicitaire. Les jeux et joutes de l’art, du mensonge et du pouvoir sont au cœur des textes proposés.

Le premier d’entre eux, l’essai de C. Klein, présente un lien chronologique avec les études menées dans le précédent volume des Cahiers d’Études Germaniques et engage la réflexion sur l’imbrication thématique que nous venons d’évoquer. Il met à nu, à partir du roman « Ich » de Wolfgang Hilbig, le fonctionnement du mensonge d’État tel qu’il fut pratiqué en RDA : Hilbig, écrivain est-allemand familier des thèses de Jean Baudrillard, donne à voir un système tout entier fondé sur la « simulation », où le réel est disqualifié au profit des signes interchangeables censés le représenter. L’activité des innombrables mouchards (« IM ») n’est pas recherche de ce qui, dans la réalité, contrevient à la doxa du régime et constitue une menace pour l’ordre public, mais moyen d’alimenter la production d’une autre réalité, autoréférentielle : on traque moins la subversion qu’on ne la fabrique, l’étendant, sous la forme d’une virtualité généralisée ou par une définition extensive de la notion de « délit », AVANT-PROPOS 9

à l’ensemble de la population. La parole officielle « institue le mensonge comme invention du réel ». C. Klein montre, pour finir, comment ce type de mensonge d’État (un rapport perverti du pouvoir à la réalité) contamine la pratique artistique du personnage principal, un écrivain-ouvrier-espion. L’élaboration, par la substitution de produits de l’imagination aux faits, d’une « fiction de réalité » (Hilbig) est le fruit de processus identiques, qu’elle relève de l’État, de l’espionnage individuel ou de la littérature. Cette dernière a donc bien des difficultés à dénoncer une parole officielle dans les mécanismes de laquelle elle se trouve empêtrée. Le héros de Hilbig, sujet fragile mais sujet tout de même, constitue toutefois une critique des écrivains du , qui puisent dans les théories postmodernes de déconstruction de quoi donner bonne conscience à leur « résignation ». Avec E. Béhague, nous demeurons en territoire est-allemand, confrontés ici encore au défi qui s’y impose à l’artiste : se situer par rapport à une réalité inventée. Mais, cette fois, est explorée la manière dont la photographie d’art, à partir de la fin des années 70, parvient à s’inscrire en faux contre la « réécriture du réel » que constitue le discours doublement performatif (par son objet et sa forme de production) du « socialisme réellement existant ». L’analyse de la genèse du phénomène – une relative libéralisation qui permet aux artistes de subvertir l’approche documentaire seule tolérée jusqu’alors – conduit E. Béhague à interroger la place de la subjectivité dans « le rendu exact de ce qui est vu ». Les choix du photographe (sujet, cadrage, etc.) contredisent l’idée d’un langage photographique de vérité, calque d’une vérité objective et donc capable de produire des « preuves » contre le mensonge d’État. Seule existe une « pluralité de stratégies esthétiques au sein d’une même démarche qui se donne le réel pour objet ». Pour l’illustrer, E. Béhague analyse des séries que Helga Paris, Ulrich Wüst et Kurt Buchwald consacrent à l’espace urbain, l’espace public étant le « cadre de l’expression performative du mensonge » et la reconstruction urbanistique, sous la forme du Plattenbau, le support d’idéologèmes fondamentaux du régime. Tandis que H. Paris rend vie et identité à des réalisations architecturales du passé que le credo moderniste a placées hors-champ, U. Wüst propose un espace “public” dépouillé de ses habitants et donne à voir « la réalité d’une absence ». K. Buchwald, lui, rend le spectateur actif dans la découverte d’un objet que la photographie révèle précisément parce qu’elle semble vouloir l’occulter. « Toujours », conclut E. Béhague se référant à J. Derrida, « la subjectivité du regard intervient […] sur l’objet de ce regard […], elle “fait mensonge” au regard du réel, là où le discours politique aspire à “faire réalité”. Un mensonge nécessaire. » C. Schmider choisit elle aussi d’explorer la dialectique de la vérité et du mensonge à travers le lien qui se tisse entre le regard de l’observateur et la ville, mais l’étudie, pour sa part, tel que le reflète l’écriture de l’espace urbain chez Balzac et Flaubert. Du premier au second, le geste narratif qui accompagne l’appréhension de Paris par le héros ou l’héroïne subit une modification radicale : d’énigme déchiffrable par le truchement du narrateur en posture d’initié, seul capable de conduire, au-delà d’apparences trompeuses, vers la vérité urbaine (sociale, politique et amoureuse), la ville devient mensonge irréductible, car projection du désir fallacieux des protagonistes. Flaubert abandonne personnage et lecteur aux pièges d’un Paris dont la représentation ne relève plus de la figure du labyrinthe, mais de celle de 10 HÉLÈNE BARRIÈRE, SUSANNE BÖHMISCH la répétition. Le héros flaubertien piétine dans sa quête de richesse et de pouvoir, dépourvu de la perspicacité nécessaire pour lire les signes qui lui permettraient, à l’instar du héros balzacien, de jouer du mensonge ou de le déjouer. C. Schmider soupèse, en conclusion, le rôle de la révolution de 1848 et de la réécriture urbaine par Haussmann dans cette révolution : désillusions politiques et bouleversements architecturaux interdisent toute vision totalisante et engendrent, chez Flaubert, des héros verbeux et velléitaires, des récits dont le mensonge et l’illusion sont le moteur et signent la modernité. Une modernité que H. Thoma, sondant de même la fécondité du mensonge au sein d’une approche littéraire « réaliste », propose quant à lui de situer plutôt au xxe siècle. Une vaste mise en perspective lui permet de replacer la problématique du réalisme dans le débat antique autour de la notion de mimesis, dont il relève les liens de parenté avec le mensonge. Avec Horace, par exemple, elle est moins calque fidèle d’une extériorité supposée “réelle” que tentative d’approcher une vérité grâce à un savant usage du mensonge. L’anathème chrétien jeté sur ce dernier, puis, dans la logique de la croyance au progrès scientifique, l’exigence d’authenticité individuelle (Rousseau) et de respect des faits (« dire la chose comme elle est », Diderot) léguée par les Lumières détournent la fiction, au xixe siècle, de s’interroger plus avant sur les potentialités de la mimesis. À l’orée du xxe siècle, la crise du sujet et les changements de paradigmes scientifiques, avec l’ébranlement des catégories de l’espace et du temps, permettent, dans une sorte de retour aux sources, d’explorer les implications longtemps occultées des ambiguïtés initiales de cette notion. Elles sont au cœur des controverses des années cinquante et soixante autour du « réalisme socialiste », moment où paraissent les deux textes que H. Thoma analyse plus en détail : La giornata di uno scrutatore (1963) d’Italo Calvino et Le mentir-vrai (1964) de Louis Aragon. Chacun à leur manière (Calvino sur la base d’une vision du monde de nature anthropologique, Aragon par le recours à une forme d’autofiction), ils explorent les subtilités d’un rapport littéraire au réel qui, pour gagner en profondeur par une écriture réflexive et produire ainsi une autre forme de “vérité”, ne peut faire l’économie du mensonge. Avec J. Mecke, nous ne quittons pas le domaine de la théorie littéraire, mais l’axe choisi relève cette fois non plus tant de l’histoire que de la narratologie, du moins pour partie. J. Mecke émet l’hypothèse que la littérature permet de corriger la définition classique du mensonge – qui, toujours prisonnière de la tradition augustinienne, le connote négativement – en évacuant le critère éthique au profit d’un point de vue esthétique. La revalorisation du mensonge s’effectue en deux temps. Mesurant tout d’abord la littérature à l’aune du mensonge dans sa définition canonique, J. Mecke utilise cette dernière comme instrument d’analyse pour affiner l’approche esthétique de l’œuvre littéraire : il s’emploie à nuancer la thèse généralement admise selon laquelle la littérature ne saurait “mentir”, puisque les codes auxquels elle a recours affichent clairement son statut fictionnel, et repère à plusieurs niveaux (histoire, narrateur, auteur implicite, violation du pacte fictionnel, trahison des visées esthétiques de l’œuvre) des « mensonges littéraires » spécifiques, reposant bel et bien sur une volonté de dissimulation. Le second volet de son argumentation inverse la perspective : littérature et esthétique sont mises au service d’une tentative AVANT-PROPOS 11 de renouvellement de la problématique du mensonge. Une « théorie littéraire » de celui-ci permettrait, selon J. Mecke, d’éclairer les raisons de son rejet (une blessure narcissique sémiotique) et de les désamorcer, par une mise en question du critère d’intentionnalité, qui ne correspond pas au rapport effectif que nous entretenons avec le langage. C’est également une perspective narratologique qu’adopte la contribution de S. Greilich. Elle fonde son analyse sur le concept d’unreliable narration, et plus précisément sur l’infléchissement qu’imprime Ansgar Nünning à la définition fondatrice de Wayne Booth : éliminant le paramètre de l’auteur implicite, Nünning confie au lecteur la détection des signaux intratextuels et des contradictions entre univers fictionnel et horizon d’expérience personnel qui signent selon lui la narration non fiable. S. Greilich considère cette dernière comme un « mensonge narratif » et repère en quoi les cinq narrateurs du roman Pepita Jiménez (1874) de Juan Valera en fournissent un exemple. Le texte, dont la structure narrative complexe et la dimension métafictionnelle mettent en exergue le travail de mise en forme artistique du “réel”, peut être lu comme une prise de position de Valera contre l’esthétique naturaliste. W. Hülk envisage l’ambiguïté à travers un autre prisme que celui de la narratologie. Ses réflexions prennent pour point de départ le fonctionnement imprécis du langage. Deux personnes différentes entendent-elles un même mot de manière identique ? Rien n’est moins sûr, et cette marge d’incertitude se propage, tel un rond dans l’eau, à travers la langue tout entière. Les sociétés pré-modernes ont observé cette imprécision pour en codifier le maniement, en tirer d’utiles enseignements en matière de conduite personnelle ou politique (La Rochefoucauld, Machiavel) – exploitation dont l’effet civilisateur a été maintes fois souligné – ou, au contraire, pour tenter de l’évacuer au nom d’un idéal obsessionnel de transparence (Rousseau) qui oppose l’authenticité d’une intériorité entièrement connaissable et exprimable à un univers social de la représentation et de la dissimulation. W. Hülk développe l’idée que définition et perception du mensonge sont affaire de point de vue et de contexte, qu’elles ne relèvent pas tant d’une évolution linéaire que de « conjonctures discursives » dessinées par des appartenances individuelles, culturelles, politiques, sociales. Les exemples littéraires qu’elle cite (Tristan et Iseut de Béroul, l’Heptaméron, Le Rouge et le Noir) montrent que la « tolérance envers l’ambiguïté » n’est pas l’apanage de la modernité ni de la postmodernité, mais se manifeste aussi aux xiie, xvie et xixe siècles. Toutefois, c’est dans la sphère de la communication intime, celle de la relation amoureuse en particulier, qu’elle a le plus de mal à s’imposer : la jalousie y est une quête monomaniaque des signes qui généralise le mensonge et dont l’aboutissement se heurte au caractère toujours évanescent de la vérité. Si Schnitzler, dans la Traumnovelle, parvient à légitimer l’ambiguïté, sorte de bain de jouvence où se régénère le désir, Proust livre sans merci ses personnages, lancés à la poursuite du mensonge, aux affres d’un délire sémiotique sans fin. L’observation du fonctionnement du mensonge en situation de communication se poursuit avec deux textes qui proposent, quant à eux, une approche linguistique. L’un et l’autre récusent toute analyse fondée sur des critères moraux. N. Schnitzer, notant que le mensonge est indécelable en langue, situe ses observations dans le cadre 12 HÉLÈNE BARRIÈRE, SUSANNE BÖHMISCH d’une description pragmatique du discours. Elle étudie, dans celui de la publicité et du marketing, les vecteurs linguistiques du mensonge autres que la forme assertive, d’ordinaire considérée comme la seule à jouer ce rôle. La législation européenne ne connaît que l’action « trompeuse », et non « mensongère » : la marge de manœuvre offerte par une qualification qui dispense les tribunaux de statuer sur l’intention de l’émetteur permet de développer des stratégies discursives favorables à la mise en œuvre du mensonge, au nombre desquelles N. Schnitzer compte la délégation, l’omission, l’hyperbole, la désactualisation de la promesse ou la dénomination. Les mécanismes qui gouvernent la fabrication de l’image publicitaire présentent une grande similitude avec ceux qui interviennent dans la construction de l’image en politique. C’est ce que montre C. Knobloch, qui, lui aussi, se démarque clairement du point de vue éthique et situe sa réflexion sur le terrain de la stratégie. Son étude porte sur le sens et les effets du reproche de mensonge au sein de la démocratie de masse. Se fondant sur les thèses de Hannah Arendt, il analyse le mécanisme de l’affrontement des acteurs publics en termes de confrontation d’images : tout acteur public s’applique à préserver l’intégrité de celle qu’il s’est construite, tout en cherchant à entamer celle de l’adversaire. Ce dessein exige que les « vérités de fait » soient apprêtées pour servir l’image, donc la cohésion du groupe. Les risques associés sont les contraintes de plus en plus nombreuses exercées par l’image elle-même : toute absence de vigilance conduit à la maladresse médiatique et à la détérioration de l’image, qui peut entraîner la chute. L’image circonscrit ainsi l’étendue du dicible, dont les propagateurs se meuvent dans la sphère de la représentation ; le véritable danger vient de la sphère de la fabrication, où règne une tout autre logique : celle du pouvoir, avec ses incontournables compromissions et concessions envers tout ce qui détient une capacité de nuisance. Le camp adverse qualifie de mensonge l’image destinée à masquer les rapports de force à l’œuvre dans les officines où l’image se fabrique ; pour le groupe se prévalant de cette dernière, en revanche, est “mensonge” ce qui y contrevient, qu’il s’agisse d’un fait extérieur irréductible, ou encore de dires ou d’actes internes. Le reproche moral ne peut s’appliquer aux règles de ce qui constitue un pur jeu stratégique connu de tous et universellement pratiqué. Il ne devient pertinent, du reste uniquement d’un point de vue fonctionnel, que lorsqu’il permet de convaincre le camp opposé, dans son ensemble ou de manière individuelle, de « véritable mensonge » et d’écorner ainsi sa moralité de façade. Mais là encore, la perte de l’adversaire n’est pas assurée, car l’image de moralité, ingrédient obligatoire dans la course au succès qui forme le pivot de la société de marché, finit par être perçue comme n’engageant pas la responsabilité morale individuelle.

Dans le dossier consacré à la thématique « Mensonge et Genre », nous retrouvons les mécanismes de fabrication d’images et le recours à la sémantique du mensonge pour des raisons stratégiques. La productivité du mensonge, toujours dans un registre positif ou négatif, s’allie ici à la performance du genre. Réfléchir à la notion du mensonge et à celle du genre nous confronte tout d’abord au même type d’embarras : premièrement, nous avons tendance à condamner le mensonge moralement, alors que nous savons par ailleurs qu’il peut avoir une fonction esthétique, existentielle et même éthique, ambivalence que nous retrouvons dans AVANT-PROPOS 13 le besoin de maintenir les catégories “universelles” homme et femme, d’opérer en pensée binaire masculin/ féminin tout en mettant en relief le caractère construit, voire performatif du genre. Deuxièmement, nous avons tou-te-s affaire, dans notre vie quotidienne et nos relations humaines et amoureuses, à du mensonge et à du genre. La valeur empirique de la thématique est indéniable. Néanmoins, il ne s’agit pas, dans ce dossier, d’approches sociologiques ou communicationnelles des différences entre les mensonges proférés par les femmes et ceux formulés par les hommes, l’un des rares domaines, du reste, où la question d’un lien entre mensonge et genre a été posée 2 et où l’on apprend par exemple qu’existerait une différence genrée dans les motifs du mensonge : chez les hommes, le motif majeur serait l’infidélité, chez les femmes l’âge, le poids, l’orgasme. Ces approches, d’ailleurs, interrogent peu les performances du genre et semblent souvent confirmer les stéréotypes. Les contributions s’intéressent ici à l’interaction entre les deux concepts, au lien étroit, structurel, discursif entre l’histoire du mensonge et l’histoire de la différence sexuelle 3. L’amorce d’une telle histoire genrée du mensonge a déjà été présentée dans le premier volume des Cahiers d’Études Germaniques dédié au mensonge, par le biais de deux articles qui ont relevé deux « conjonctures discursives » majeures : la fin du xviiie siècle et le code bourgeois qui impose un impératif moral quasi tyrannique de la sincérité et de l’aveu, dont la femme est la première victime ; puis le début du xxe siècle et l’inflation de la sémantique du mensonge qui caractérise la modernité viennoise, où l’on peut repérer un discours genré et profondément ambivalent entre affranchissement nietzschéen de la condamnation morale du mensonge et retour de thèses misogynes sur la “nature mensongère” de la femme. Les analyses présentes dans ce dossier poursuivent ces réflexions et confirment l’importance des rapports de pouvoir dans une histoire genrée du mensonge. En analogie avec le modèle présenté par C. Knobloch, l’on pourrait dire qu’ici ce n’est pas toute la classe politique qui est suspectée de mensonge, mais l’ensemble d’une catégorie de sexe : toutes les femmes sont mensonge, mais l’on ne s’en offusque pas outre mesure, cela participe à la représentation du féminin et notamment à la moins-value attribuée à leur parole. Cependant, gare à celle dont le mensonge sera découvert, surtout quand celui-ci consiste à tromper l’homme, déstabilisant une certaine hiérarchie des sexes et, par conséquent, une certaine image de cohésion sociale. Tout particulièrement, c’est donc le reproche de mensonge qui devient acte de domination, puisqu’il équivaut à une condamnation morale, qu’il discrédite la parole de l’autre, qu’il le prive de légitimité. Les articles sondent ainsi l’impact des normes dominantes sur les représentations de la menteuse (Susanne Böhmisch) ou de la ruse féminine (Friederike Kuster), mais aussi les tentatives de résister à

2 Cf. Peter Stiegnitz, Die Lüge – Das Salz des Lebens, Wien, Ed. Va Bene, 1997 et Lügen – aber richtig ! Angewandte Theorie der Lüge, Wien, Ed. Va Bene, 2008. D’autres études, souvent psychologiques, s’apparentent à des guides pratiques : Harriet G. Lerner, Was Frauen verschweigen : Warum wir täuschen, heucheln, lügen müssen, Frankfurt a. M., Fischer, 1996 ; Dory Hollander, Die Lügen der Männer – und wie Frauen ihnen auf die Schliche kommen, München, Goldmann, 1998 ; Catharina Lohmann, Frauen lügen anders. Die Wahrheit erfolgreich den Umständen anpassen, Frankfurt a. M., Krüger, 1998. 3 Jacques Derrida, Histoire du mensonge. Prolégomènes, Paris, Galilée, 2012, p. 45. 14 HÉLÈNE BARRIÈRE, SUSANNE BÖHMISCH différentes formes de répression par un recours au mensonge (Catherine Teissier). Les questions identitaires deviennent capitales, sous forme de récits autofictionnels et de variantes nettement genrées du « mensonge vital » (Lebenslüge) ibsenien, où l’on feint d’être ce que l’on n’est pas et finit par y croire soi-même (Paola Bozzi, Christiane Solte-Gresser). Les analyses mettent ainsi en relief l’importance de la simulation et de la performance dans la construction d’identités genrées (Patrick Farges). La fonction de la littérature et des arts s’y révèle être, premièrement, la mise en lumière de nos performances de genre et de la part fallacieuse et mensongère qu’elles recèlent. Deuxièmement, en convoquant les apparences trompeuses et les figures ayant recours au mensonge, il s’agit de faire apparaître une vérité autre sur l’identité genrée (Marc Décimo, Romana Weiershausen). Outre le fait que la plupart des contributions éclairent ainsi le rapport qu’entretient le mensonge à la norme du genre, à l’image, à la représentation, l’on y constate un intérêt croissant pour la ruse. Or, mensonge et ruse aiment certes faire alliance, mais désignent deux postures différentes. A priori, le mensonge est au service de la ruse. Il est parfois, mais pas toujours, l’un de ses instruments : si Ulysse l’emploie, Shéhérazade, elle, ruse sans mentir. La ruse est le plus souvent connotée positivement, entre autres parce qu’elle sollicite davantage l’intelligence, l’ingéniosité, la créativité : elle relève d’un plan, s’étend sur une certaine durée, suppose donc une préméditation, une élaboration d’une plus ou moins grande complexité. Le mensonge est surtout connoté de manière négative. Il ne surprend donc guère que, dans ce volume où s’affirment les efforts pour aller à l’encontre de ce jugement et mettre en lumière la productivité du mensonge, la ruse soit davantage présente. Elle constitue un dispositif stratégique. Elle est l’arme des faibles physiquement ou socialement, mais “forts” intellectuellement, donc aussi l’arme de tous ceux et toutes celles qui sont opprimé-e-s pour des raisons de genre. On “biaise” pour éviter l’opposition frontale et pour s’affirmer ou gagner malgré un rapport de forces défavorable. La satisfaction intellectuelle que nous procure une ruse bien menée est proche de la manière dont nous jouissons d’un trait d’esprit, nous sommes à l’abri de la culpabilité qui guette toujours le menteur en raison de l’opprobre moral jeté sur le mensonge. Complicité et différences entre mensonge et ruse expliquent l’importance de cette dernière dans le dossier consacré au thème « Mensonge et Genre ». Nous y sommes, en effet, confronté-e-s aux rapports de pouvoir entre les sexes, aux questions identitaires liées au genre, aux mécanismes subtils des normes et représentations culturelles qui possèdent un impact sur notre statut de sujet et notre place dans la société. La ruse sert à déconstruire, détourner ou, précisément, « resignifier » ces rapports de force. Elle est une forme de jeu, de dédoublement, non sans parenté, du reste, avec les concepts et stratégies narratives développés par le féminisme des années quatre-vingt 4. La ruse est un moyen d’arriver à ses fins, un dispositif d’autant plus intéressant lorsque l’on cherche à déjouer les normes du genre.

4 Cf. la notion de « mimesis subversive » chez Luce Irigaray (Ce sexe qui n’en est pas un, Paris, Éd. de Minuit, 1974) ou bien de « schielender Blick » chez Sigrid Weigel (« Der schielende Blick. Thesen zur Geschichte weiblicher Schreibpraxis », in Inge Stephan, Sigrid Weigel (dir.), Die verborgene Frau. Sechs Beiträge zu einer feministischen Literaturwissenschaft, Hamburg, Argument-Verlag, 1983, p. 83‑137. AVANT-PROPOS 15

L’article de S. Böhmisch, qui ouvre le dossier thématique, constitue une introduction à la problématique : se fondant sur les écrits de Simone de Beauvoir et de Judith Butler, il donne un argumentaire sur la pertinence de l’approche genrée et, par le biais de la figure de la menteuse et de la ruse féminine au cours de différentes époques, illustre comment la sémantique du mensonge affecte l’évolution des discours normatifs sur le genre. De la logique répressive du code bourgeois à la femme fatale en passant par la grande hystérico-menteuse, S. Böhmisch montre comment la tolérance ou la sanction à l’égard de la menteuse est en lien étroit avec les représentations du féminin en vigueur, comment le stéréotype de la menteuse se construit, et comment l’interprétation de la ruse féminine se modifie et influe sur la performativité du genre. La ruse d’Hérodiade, par exemple, initialement motivée par le pouvoir, l’ambition politique et la superbia, se charge au xixe siècle d’érotisme, de cruauté, de juvénilité aussi, et se déplace vers la figure centrale de Salomé. Ce déplacement permet de retracer la genèse de la popularité de la “femme fatale” autour de 1900 – ou du moins d’en montrer un aspect. Ici, la ruse s’est faite corps, s’est érotisée, c’est la femme qui ruse en dansant, ce n’est plus Hérodiade qui utilise sa fille comme instrument de sa ruse. F. Kuster interroge d’un point de vue philosophique l’association entre la ruse et le féminin chez Hegel à partir d’un passage des Esquisses de système d’Iéna : « Par la ruse, la volonté est devenue le féminin ». De même que la différence sexuelle correspond chez Hegel à une polarité entre État et famille, entre homme comme sujet et femme comme objet de désir, Hegel n’est pas non plus très innovateur en associant la ruse, le féminin et, dans ce texte, le Mal. F. Kuster retrace la façon dont ce lien se construit, dans le contexte d’une réflexion sur le travail. Selon Hegel, le sujet se voit, par le travail, obligé de différer la satisfaction immédiate de ses pulsions. Mais il reste maître de la nature grâce à l’outil, puis grâce à la machine. Là est la ruse, puisqu’il obtient de la nature un savoir qu’il dirige ensuite contre celle- ci. C’est précisément dans le fait de différer, de réguler, de se dédoubler – une forme de négativité ou de retournement – que réside selon Hegel le “féminin” de cette ruse. Une logique semblable serait à l’œuvre, selon F. Kuster, dans le concept de la pudeur féminine chez Rousseau, dont elle propose une lecture féministe. Là aussi, il revient à la femme de différer la satisfaction immédiate des pulsions. Mais, plus précisément, par sa pudeur, par sa résistance, son rôle serait de stimuler l’homme assez pour que la reproduction puisse avoir lieu, sans pour autant l’effrayer car sa réalité biologique à lui est fragile. C’est donc à elle de doser le degré de cette stimulation, de ruser. Les deux articles suivants sont centrés sur des textes littéraires où les personnages féminins se caractérisent par un recours systématique au mensonge. C. Teissier comprend l’utilisation du mensonge et de la ruse chez les protagonistes féminins dans l’œuvre d’Irmtraud Morgner comme moyen de résistance au silence imposé tant à la femme qu’à la citoyenne dans un système totalitaire qui prétend incarner une vérité unique. Par ce biais, les femmes se libèrent et se construisent, du moins dans le champ littéraire, comme sujets souverains. D’après C. Teissier, on retrouve une stratégie esthétique semblable chez une héritière de Morgner, Brigitte Burmeister : tout particulièrement dans son roman Unter dem Namen Norma, la 16 HÉLÈNE BARRIÈRE, SUSANNE BÖHMISCH lutte par un brouillage des catégories de la vérité et du mensonge continue, cette fois contre les mécanismes de domination subtils mais toujours existants qui affectent les relations entre l’Est et l’Ouest dans une Allemagne réunifiée. C’est une véritable typologie de mensonges féminins qu’établit C. Solte-Gresser dans sa contribution sur le roman de Ludmila Oulitskaïa, Mensonges de femmes, en focalisant sa réflexion sur l’importance du rôle de récepteur dans le mensonge. Pas de tromperie sans public trompé ou qui veut bien être trompé ! Ce rôle de réceptrice est joué par Genia, personnage principal et pivot du roman, confrontée à toutes sortes d’affabulations à prétention autobiographique de la part des autres personnages féminins, affabulations dont elle cherche à analyser les ressorts intimes, les contours, le degré de fictionnalité et de vérité. Ancrés dans l’univers quotidien des femmes, ces mensonges se révèlent être la plupart du temps des évasions, des stratégies afin de dépasser le cadre socialement et politiquement étroit dans lequel les femmes sont confinées. Mensonges pour survivre, mensonges par désespoir, mensonges pour appeler à la vigilance sur la réalité mensongère, ou tout simplement mensonges à but divertissant, cette typologie montre aussi la dimension métapoétique du roman. Genia, c’est aussi la figure du lecteur face à toutes sortes de “mensonges romanesques”. C. Solte-Gresser émet toutefois quelques réserves quant à l’éloge des mensonges de femmes et de leurs capacités romanesques, qui relève parfois d’un essentialisme douteux, comme le montre ce passage de la préface du roman : « Chez les femmes, le mensonge est un phénomène de la nature, comme les bouleaux, le lait ou les frelons. » Viennent ensuite deux articles qui réfléchissent au rapport entre mensonge et construction/ déconstruction de la masculinité en littérature. Le mensonge au service d’un discours autobiographique ou autofictionnel, déjà évoqué dans la contribution précédente, opère également dans les textes de Thomas Bernhard. Cependant, ainsi que le donne à voir P. Bozzi, le dispositif sert chez lui à mettre à mal une certaine idée de la masculinité et à en dénoncer la dimension fallacieuse. Quasiment tous ses protagonistes masculins se fantasment comme génie intellectuel et artistique, comme Geistesmenschen, êtres exceptionnels appelés à réaliser une grande œuvre. C’est par ce mensonge, dans lequel P. Bozzi reconnaît une variante du mensonge vital tel que le conçoit Ibsen, qu’ils essaient de se mettre à l’abri de la médiocrité et de donner un sens à leur existence. Ils passent leur vie à nourrir ce fantasme, mais ne cessent d’échouer. Ici, le mensonge vital consiste même à se fixer un but qu’ils ne peuvent atteindre. À l’opposé d’un discours traditionnel qui associe la masculinité de ce génie artistique et intellectuel à la puissance et à la créativité, Bernhard y relie une sémantique de l’échec, de la maladie et de la stérilité. L’autonomie du Geistesmensch est ainsi déconstruite, et avec elle celle du sujet masculin ainsi que sa prétendue solidité. Bernhard nous fait entrevoir leur caractère artificiel. P. Farges, dans sa contribution sur le roman 1948 de l’auteur israélien Yoram Kaniuk, qui traite de l’année 1948 dans l’histoire d’Israël, interroge lui aussi le masculin, trop longtemps considéré comme allant de soi. P. Farges repère dans ce texte une hiérarchie genrée de masculinités : le « nouveau juif » constitue en cette période historique le modèle hégémonique et incarne le mythe d’une nouvelle masculinité juive, à savoir héroïque, soldatesque et virile. Ce modèle est dénoncé AVANT-PROPOS 17 par le narrateur comme imposture, tout comme le maintien de ce mensonge de genre par les acteurs de la performance de genre eux-mêmes ; la masculinité « yekke » – européenne, juive-allemande et bourgeoise –, incarnée par le père du narrateur et qui apparaît d’abord comme une alternative, est elle aussi rejetée comme mensonge, car dissimulant l’histoire de la migration et de l’assimilation des juifs allemands, ainsi que l’élitisme de la bourgeoisie juive-allemande, tout aussi nationaliste et agressive. P. Farges retrace ainsi les processus de simulation et de dissimulation par lesquels ces mensonges genrés associés à des modèles hégémoniques du masculin se constituent et se perpétuent de part et d’autre. Avec la contribution de M. Décimo, nous quittons le domaine de la littérature pour entrer dans celui des arts visuels et envisager un autre type de trouble dans le genre : l’indécidable, l’hybride. La Joconde de Marcel Duchamp, L.H.O.O.Q., confirme le système Duchamp : l’œuvre annonce une femme – ici par le « L » du rébus et l’expression sexiste « avoir chaud au cul », état prêté aux femmes –, mais présente un homme (dispositif que l’on retrouve aussi avec Rrose Sélavy). M. Décimo, s’intéressant aux conditions d’émergence de l’œuvre, situe la Joconde de Duchamp dans le contexte de la Belle Époque, avec ses représentations souvent caricaturales de la duplicité de la femme – bourgeoise respectable et débauchée sexuelle – et avec son féminisme naissant moqué par ses détracteurs, qui usent d’expressions telles que « femmes hominalisées » ou « femmes-hommes ». Dans cette perspective, le portrait que fait Duchamp semblerait moins fallacieux qu’on aurait pu le croire, dévoilant ce que dissimule la respectabilité, tout en renvoyant au canon bourgeois les fausses vérités sur les nouvelles femmes-hommes que celui-ci édicte : femmes à barbe transformées en figures de monstre. Le sujet de la dernière contribution se situe vers la même époque, mais nous transporte dans l’Empire austro-hongrois. R. Weiershausen part du constat d’un consensus, dans les discours du xixe siècle, sur la nature mensongère de la femme et sur ses embarras avec la vérité – consensus dont l’apogée, autour de 1900, est marquée par les deux représentations majeures de la femme fatale et de la femme fragile – et montre comment Lou Andreas-Salomé, dans ses écrits théoriques et son œuvre littéraire, notamment Fenitschka, s’approprie ce discours et s’en affranchit en donnant aux mensonges des femmes un sens positif, en les ancrant dans une philosophie existentielle. La recherche traditionnelle de la vérité, associée au masculin, est déconstruite comme réduction falsificatrice de la réalité. Les mensonges des femmes concourent à la recherche d’une vérité autre, au service de la vie. Lou Andreas-Salomé s’inspire de la philosophie vitaliste nietzschéenne et de sa critique de la vérité, tout en renversant la hiérarchie sexuelle de son époque. La femme devient le paradigme de l’artiste qui, en ayant recours au mensonge, accède à une vérité plus profonde de la vie et sauve celle-ci, puisqu’elle lui rend son ambivalence que le rationalisme avait bannie et la met à l’abri de l’aliénation qui guette les défenseurs du positivisme et des vérités purement logiques. La thèse de R. Weiershausen sur le renversement des valeurs qui caractérise les mensonges des femmes chez Lou Andreas-Salomé est peut-être l’exemple le plus révélateur du mécanisme de la resignification défini par J. Butler. 18 HÉLÈNE BARRIÈRE, SUSANNE BÖHMISCH

Au terme de ce parcours pluridisciplinaire qui s’est attaché à dégager des aspects du mensonge encore peu explorés, nous exprimons l’espoir que les pistes ouvertes conduiront d’autres chercheurs à traquer le mensonge avec le même plaisir que celui que les auteurs des volumes 67 et 68 des Cahiers d’Études Germaniques ont éprouvé 5. Hélène Barrière, Susanne Böhmisch

5 Une bibliographie succincte sur la question du mensonge figure à la fin de l’avant-propos du numéro 67. Art du mensonge et mensonge de l’art ?

(Dis-)simulation et fiction dans le roman « Ich » de Wolfgang Hilbig (1993) Christian KLEIN Université Paris Ouest Nanterre La Défense

En 1993 paraît un roman de Wolfgang Hilbig au titre à double entrée, « Moi » (« Ich »), sur les mésaventures identitaires d’un écrivain-ouvrier de RDA qui a été recruté par la Sécurité (Stasi) pour espionner le milieu des écrivains de la scène alternative du Prenzlauer Berg à dans les années qui ont précédé l’effondrement du socialisme d’État en 1989. Hilbig s’inspire de faits réels. Depuis que Wolf Biermann accusa publiquement, en 1991, l’écrivain dissident Sascha Anderson, chef de file du Prenzlauer Berg, d’avoir travaillé pour la Stasi (IM-David Menzer), une polémique nationale s’est emparée des médias. L’affaire donne lieu à des révélations en cascade dans la presse sur d’autres représentants de la culture parallèle comme Rainer Schedlinski (IM-Gerhard), Ibrahim Böhme (IM‑Maximilian), etc. Chaque semaine, jusqu’en 1993 et au-delà, les journaux publient des interviews, des plaidoyers, des prises de position morales ou politiques 1. L’auteur, Wolfgang Hilbig, ouvrier autodidacte né en 1941 dans une région minière près de Leipzig, a travaillé comme outilleur, comme chauffeur dans une fonderie, puis dans une blanchisserie industrielle. Très tôt il écrit des nouvelles, puis des poèmes. Il écrit la nuit sur son lieu de travail, sur la table de cuisine chez sa mère et mène une double existence difficile. Repéré par son entreprise, il est envoyé en 1964 dans un « cercle d’ouvriers-écrivains » dont il est rapidement exclu. Ses textes, qui sont nourris entre autres par la lecture des romantiques allemands, d’Edgar Poe, de Rimbaud, ne correspondent pas aux canons du réalisme socialiste et sont refusés par les revues et les éditeurs officiels. Il fréquente les scènes alternatives de Leipzig, plus tard de Berlin. En 1976, paraissent sept de ses poèmes dans la revue ouest-allemande L 76. En 1977, Karl Corino lit certains de ses poèmes au Hessischer Rundfunk. Le lecteur des éditions Fischer, Thomas Beckerman, le contacte. En décembre 1977, Hilbig lui fait parvenir un premier envoi de poèmes et ils se rencontrent en mars 1978 à la foire de Leipzig 2. Mais le 9 mai Hilbig est arrêté sous prétexte qu’il aurait mis le feu à un drapeau national. Il sera libéré deux mois plus tard après avoir refusé de travailler pour la Stasi. Il existe trois textes de Hilbig sur cet événement : les deux premiers sont intégrés dans un récit fictionnel, en 1989

1 Cf. bibliographie détaillée in Peter Böthig, Klaus Michael, MachtSpiele, Leipzig, Reclam Verlag, p. 392-413. 2 Cf. Thomas Beckermann, « Eigenwillige Ankunft », in Uwe Wittstock (dir.), Wolfgang Hilbig. Materialien zu Leben und Werk, Frankfurt a. M., Fischer Verlag, 1994, p. 93-113. 22 CHRISTIAN KLEIN dans le roman Eine Übertragung (« Une métaphore ») 3, et en 1993 dans le roman qui nous occupe aujourd’hui, « Ich » 4. Le troisième est un témoignage personnel dans le cadre des Conférences de Francfort (Frankfurter Vorlesungen) en mai 1995 5. Dans ce dernier, Hilbig témoigne : Am 9 Mai 1978 wurde ich […] unter einem Vorwand verhaftet […]. Zur Aufklärung des Verdachts, der den Grund meiner Festnahme abgegeben hatte, wurde ich im Verlauf meiner Haft so gut wie nie verhört, sehr schnell wurde mir klar, daß meine Vernehmer Angehörige der Staatssicherheit waren, denen es um die Umstände ging, unter welchen der Kontakt zu meinem Verlag in Frankfurt am Main für mich zustande gekommen war. On lui propose un marché : Schließlich redeten meine Vernehmer Klartext, und aus dem Ganzen wurde ein Anwerbungsversuch […]. Man sagte mir, was ich vorhabe, unter Umgehung aller Vorschriften und gesetzlichen Genehmigungsverfahren, sei kriminell und subversiv, die Höchststrafe dafür […] betrage fünf Jahre Gefängnis. En échange de sa libération immédiate, il pourra publier son recueil à l’Ouest. Mais à une petite condition : il devra informer « une personne dont on lui donnera le nom » sur tout ce qui se passe 6. S’il accepte, le ministère de la Sécurité d’État (MfS) lui assure le statut d’écrivain, des revenus conséquents et tous les avantages des artistes officiels : l’autorisation de circuler à l’Ouest, un logement confortable et toutes facilités pour publier en RDA. En cas de refus, il ne serait jamais publié en RDA. Il refuse. Derrière le prétexte de l’arrestation se dissimulait le véritable motif d’une opération de recrutement d’un nouvel agent de renseignement au service de la Sécurité d’État. Ce qui trouble l’écrivain-ouvrier 7 Hilbig, c’est d’avoir été choisi pour servir d’informateur : Als es mir passierte, fragte ich mich besorgt, was habe ich an mir, daß sie ausgerechnet mich wollen, ich selber war mir immer denkbar ungeeignet für ihre Zwecke vorgekommen. Aber sie schienen da anderer Meinung zu sein, woraus ich schloß, es müsse an meiner Situation liegen. 8 Le roman « Ich » est né de cette interrogation, comme « une réflexion expérimentale » (« Gedankenexperiment ») 9. On notera que Hilbig ne se positionnera pas d’un point de vue moral et qu’il n’a pas participé à la controverse publique sur les IM – même s’il a formulé ses reproches par ailleurs dans un échange de correspondance avec Schedlinski 10.

3 Wolfgang Hilbig, Eine Übertragung [1989], Frankfurt a. M., Fischer Verlag, 2003, p. 85-125. 4 Wolfgang Hilbig, « Ich », Frankfurt a. M., Fischer Verlag, 1993. Dans la suite, les références à ce roman figureront entre parenthèses dans le corps du texte, sous la forme : « Ich » page(s) concernée(s). 5 Wolfgang Hilbig, Abriss der Kritik, Frankfurt a. M., Fischer Verlag, 1995, p. 76-81. 6 « [I]ch müsse nur eine bestimmte Person, die mir noch genannt werde, ganz genau über alle Abläufe informieren ». Ibid. 7 Nous désignons ainsi le double statut de Hilbig. Hilbig, quant à lui, récusait à son sujet la désignation officielle d’« ouvrier-écrivain » (« Arbeiterschriftsteller »). 8 Hilbig, Abriss der Kritik, p. 81. 9 Ibid. 10 Cf. Stephan Pabst, « “Leere Signifikanz”. Hilbigs Kritik des Poststrukturalismus », in Frédéric (DIS-)SIMULATION ET FICTION DANS LE ROMAN « ICH » DE WOLFGANG HILBIG (1993) 23

L’univers diégétique du système : le mensonge d’État

On retrouve cet événement – transformé et fictionnalisé – comme base du contrat narratif du roman « Ich ». Le narrateur, W., qui vit dans une petite ville près de Leipzig, partage son temps entre les sous-sols d’une chaufferie d’usine et les bars de la ville où se retrouve un réseau d’asociaux en rupture avec les autorités. Dans ses temps libres, au travail, à la cuisine, il écrit en secret des textes littéraires – ignorés de tous : une double existence imposée par un système où toute littérature qui sort des canons du réalisme socialiste est interdite de publication. Jusqu’au jour où il est convoqué par la mairie et où la Stasi lui fait signer au bout de convocations répétées, malgré ses dénégations, par lassitude, une reconnaissance fictive de paternité qui le lie comme informateur IM (« Ich » 95-107). Tout commence donc par un mensonge d’État : alors qu’il proteste n’avoir jamais couché avec cette jeune femme, Cindy, qui passait de main en main mais jamais dans les siennes, et qu’il met les autorités au défi de prouver sa responsabilité, la Sécurité prétend fabriquer les preuves dont elle a besoin : Glauben Sie wirklich, wir könnten Ihnen das Kind nicht beweisen? Das können wir, selbst wenn Sie in Ihrem Leben noch nie eine Frau niedergemacht haben. (« Ich » 105) Libre d’abord d’aller et venir comme avant, de continuer son travail à l’usine, et de s’adonner à ses travaux d’écriture, libre dans un premier temps de toute contrepartie concrète, le narrateur est pris progressivement dans les rets de la Firme. Il s’enfuit à Berlin, où la Sécurité le retrouve. Il y fréquente et espionne les artistes de la scène alternative du Prenzlauer Berg et continue d’écrire. Malgré des moments de confusion identitaire, la perte récurrente des repères temporels et spatiaux, il fournit des renseignements qui oscillent, mêlant les genres, entre le rapport de police et l’essai littéraire. Il publie aussi, avec le soutien plus ou moins opaque de la Stasi, des textes hybrides, médiocres, fragmentés, dans des revues alternatives. Deux espaces diégétiques se croisent et se contaminent. Deux impostures structurent le récit sous le signe de la dis-simulation et de la simulation. Il y a d’abord la parole officielle qui, on l’a vu, invente une représentation de la réalité. Le récit emprunte explicitement la notion de « simulation » aux écrits de Jean Baudrillard. Les textes de Baudrillard circulaient au sein de la scène est-allemande. Hilbig, qui fréquentait irrégulièrement les milieux alternatifs, connaissait aussi les principaux écrits de Baudrillard, en particulier L’Échange symbolique et la Mort 11, dont un extrait du chapitre 2 est reproduit dès 1978 avec plusieurs autres articles du même auteur dans le petit volume du Merve Verlag – qui circulait en sous-main en RDA sous le titre Kool Killer oder der Aufstand der Zeichen 12. Les thèses de

Teinturier, Bénédicte Terrisse, « Ich » de Wolfgang Hilbig. Littérature, identité et faux-semblants, Paris, L’Harmattan, 2013, p. 127. 11 Jean Baudrillard, L’Échange symbolique et la Mort, Paris, Gallimard, 1976 (en allemand : Der symbolische Tausch und der Tod, München, Matthes & Seitz, 1982). 12 Jean Baudrillard, Kool Killer oder der Aufstand der Zeichen, Berlin, Merve Verlag, 1978. Le roman y emprunte explicitement, p. 34, l’expression de « signifiant vide » (Baudrillard, L’Échange symbolique, p. 122 : cf. Baudrillard, Kool Killer, p. 26). 24 CHRISTIAN KLEIN

Baudrillard sur la « simulation » fournissaient aux intellectuels de l’underground est‑allemand – au prix d’une lecture singulière transposant les analyses de Baudrillard aux sociétés socialistes – un modèle interprétatif du décalage qu’ils dénoncent entre les discours officiels du SED, médias et institutions comprises, sur les acquis et les objectifs de la révolution socialiste, et la réalité quotidienne des citoyens. Pour Baudrillard, en effet, il s’est opéré, à la suite de la dernière révolution technologique, une déconnexion entre la représentation du réel et le réel, une suspension du principe d’équivalence du signe et du réel, qui conduit à « la négation radicale du signe comme valeur 13 ». Nous ne sommes plus alors dans « l’ordre de l’apparence », mais dans celui de la « simulation 14 », c’est-à-dire d’une « substitution au réel des signes du réel 15 ». En d’autres termes, dans le domaine de la communication, tous les signes sont simulation, c’est-à-dire interchangeables entre eux, mais non échangeables contre quelque chose de réel 16. Schedlinski, chef de file de la Scène berlinoise, écrit encore en 1992, à propos de ces années 80 : « C’était l’ère postmoderne de l’interchangeabilité des signes 17. » Le postulat de l’érosion de la signification par son excès peut se lire comme un discrédit radical du discours politique des dirigeants de RDA en raison même de la surcharge idéologique des mots, et d’une représentation qui fonctionne comme un « simulacre », dont la fonction est de masquer l’absence de tout référent. « Simulacre » (en allemand « Trugbild » 18) est précisément le terme qu’utilise le narrateur pour désigner le jargon des officiers de la Sécurité en prenant pour exemple quelques lignes prélevées dans un document interne du MfS : « […] Festlegung der durchzuführenden Zersetzungsmaßnahmen auf der Grundlage der exakten Einschätzung der erreichten Ergebnisse der Bearbeitung des operativen Vorgangs. » (« Ich » 23) Une telle expansion potentiellement illimitée de bases nominales suspend la syntaxe prédicative dans « un enchaînement monstrueux d’abstractions » (« Ich » 23). Elle dissout le sujet d’une action et, note le narrateur, « mine la réalité avec ce simulacre 19 ». Ainsi la parole officielle ne décrit pas la réalité politique, elle se substitue à elle, échappant alors à toute confrontation. Elle institue le mensonge comme invention du réel, comme vérité unique, dont elle prétend être dépositaire. Telle est la doxa du MfS exposée par l’officier Feuerbach, qui est chargé de contrôler les faits et gestes du narrateur : « Nous sommes en possession de l’unique vérité 20. »

13 Jean Baudrillard, Simulacres et simulation, Paris, Galilée, 1981, p. 16. 14 Ibid., p. 17. 15 Ibid., p. 11. 16 Jean Baudrillard, « Politik und Simulation », in Baudrillard, Kool Killer, p. 39. Nous renvoyons au texte original publié dans Le Monde Diplomatique de mai 1978, p. 28 : « Le politique et la simulation. » 17 « « Es war das postmoderne Zeitalter der austauschbaren Zeichen » (Rainer Schedlinski, « Die Unzuständigkeit der Macht », Neue Deutsche Literatur, n° 6, 1992, p. 75-105, ici p. 97). 18 Cf. Baudrillard, Kool Killer, p. 6. 19 « sie unterwandert mit diesem Trugbild die Wirklichkeit ». C’est nous qui soulignons (« Ich » 24). 20 « wir sind im Besitz der alleinigen Wahrheit » (ibid., 76). (DIS-)SIMULATION ET FICTION DANS LE ROMAN « ICH » DE WOLFGANG HILBIG (1993) 25

Il faut comprendre ici, non la découverte (par exemple scientifique) de la vérité, mais sa production. En conséquence, ironise Feuerbach, le pouvoir continuera d’« envoyer sous les verrous les gens qui ne veulent pas croire à nos discours grandiloquents 21 ». Ces propos – sous la plume de l’auteur – disqualifient la parole officielle comme rhétorique de l’imposture. L’officier de la Sécurité, Feuerbach, fabrique des « faux » à l’insu du narrateur, devenu l’IM-Cambert. C’est ainsi que ce dernier découvre, des années plus tard, que sa mère recevait régulièrement des lettres tapées en son nom, sur sa propre machine à écrire, avec sa signature parfaitement imitée, en provenance de différentes villes ouest-allemandes, qui faisaient croire qu’il vivait en RFA alors qu’il se trouvait à Berlin-Est (« Ich » 375). Il apprend aussi que Cindy s’est rendue à un rendez- vous qui lui fut donné en son nom et qu’elle s’est fait arrêter (« Ich » 306, 328). La Sécurité échafaude par ailleurs des mises en scène dont il serait l’acteur pour juguler les candidatures au départ dans les délégations étrangères (« Ich » 178) : il devrait, par exemple, feindre de se réfugier dans une délégation étrangère à Berlin, en bleu de travail, y déclarer son désir de quitter la RDA, puis se raviser publiquement par crainte, dirait-il, de perdre les bonnes conditions de vie qui lui sont assurées à l’Est. Ces supercheries diverses culminent avec l’énorme mensonge sur la nature même de sa mission : le poète underground « Reader » qu’il est chargé d’espionner est lui‑même un IM. En le surveillant, il le crédite du statut de dissident, avant son transfert à l’Ouest où ce dernier pourrait tranquillement espionner les artistes qui ont fui la RDA. Le narrateur sert en réalité d’appât pour « fabriquer » un faux contestataire. Cette révélation en fin de récit oblige personnage et lecteur à relire à l’envers tout le parcours précédent (fictif et narratif). L’un et l’autre ont été « dupés ». Hilbig multiplie les références aux thèses de Baudrillard dans son roman pour signifier l’érection du mensonge en praxis dominante : le narrateur affirme à chaque nouvelle étape de sa vie d’informateur avoir vécu ou vivre dans « la simulation ». Par exemple, lorsque le narrateur, devenu l’IM-Cambert, résume sa nouvelle situation : Ich lebte in einer Welt der Vorstellung […] immer wieder konnte es geschehen, daß mir die Wirklichkeit phantastisch wurde, irregulär und von einem Augenblick zum anderen bestand die Ruhe für mich nurmehr in einer unwahrscheinlich haltbaren Simulation […]. (« Ich » 44) Face à l’écart programmé entre les discours officiels et la réalité, les représentants du pouvoir vivent au cœur de la simulation, dans la dualité et l’absurdité : Wir betrieben ununterbrochen Aufklärung, inwiefern sich die Wirklichkeit unseren Vorstellungen schon angenähert hatte […] wir glaubten unseren Vorstellungen nicht, denn wir klärten ununterbrochen auf – für uns selber! –, daß es keinen Grund gab, ihnen Glauben zu schenken, den Vorstellungen. Aber es war schwer, aufzuklären ohne eine Vorstellung davon, was durch Aufklärung sichergestellt und gegebenenfalls verhindert werden sollte, möglichst im Ansatz schon verhindert werden sollte, wie es unser ausdrückliches Ziel war. Darum war es notwendig zu simulieren, daß die Wirklichkeit unseren Vorstellungen entsprach. (« Ich » 44-45)

21 « unser bombastisches Geschwätz » (ibid., 77). 26 CHRISTIAN KLEIN

Passons sur les variations sémantiques des termes « Vorstellung(en) » – entre « imaginaire », « idées » ou « vision des choses » –, et « Aufklärung » – qui était un fondement du discours de légitimation en RDA et qui se trouve ironiquement détourné de ses origines historique et philosophique. Mais notons encore qu’il est difficile de déterminer, dans cet univers irréel de duplicité, si l’objet de ces « explications » (« Aufklärungen »), comme le note le narrateur, relève « encore » de la simulation ou « déjà » de la réalité : [O]b sie noch in den Bereich der Simulation gehörten, ob sie schon im Ansatz Wirklichkeit geworden waren. (« Ich » 45) 22 Sur le même mode ironique, une dizaine d’années plus tôt, Volker Braun pointait une rhétorique du camouflage dans les discours des dirigeants politiques, qui dissout les difficultés ou les échecs du présent dans les promesses d’un avenir proche (sur le modèle encore/ bientôt – hier/ demain) pour fonder le « mensonge » et la ruse comme méthode de gouvernement : Kunze sagte nicht : Wir sind im Rückstand, er sagte : Wir müssen das Tempo erhöhen. Er sagte nicht : Da wurde ein Fehler gemacht, er sagte : Vorwärts zu neuen Erfolgen. 23 La perplexité qui envahit le récit ouvre et ferme l’ensemble du texte, puisqu’on retrouve le même motif en position exacte de miroir à la fin du roman : Ich lebte in einer Welt der Vorstellung […] in einer unhaltbaren Simulation. (« Ich » 45) [I]ch lebte in der Simulation, ich lebte in einem Land voll von simulierter Konsequenz. (« Ich » 335) Un tel enchâssement – ou plus précisément une telle épanadiplose (c’est-à-dire une répétition en forme de chiasme d’un groupe de mots du début vers la fin) – symbolise de façon précise l’autoréférentialité du discours public et, au‑delà, le déclin partagé du personnage et du pays/ système. L’auteur confie ici sa propre analyse sur le système au personnage central : Die DDR [war] in dem, was sie vorgab, eben nicht existent, sie war eine Simulation, jedenfalls ihr Charakter, den sie proklamierte, eine Simulation. 24 La police politique poursuit moins une subversion réelle qu’elle ne l’invente, allant jusqu’à l’étendre à toute la population : dans cette logique, le système n’existe que pour déjouer des complots réels ou « imaginaires ». « Nous contribuons à maintenir le système », s’impatiente Feuerbach devant l’absence de révolte ouverte chez les intellectuels depuis l’affaire Biermann, « et qu’est-ce qu’un système qui n’a pas d’adversaire 25 » ? « Pensez-vous, ajoute-t-il, que ça nous fasse plaisir d’être sans cesse

22 C’est nous qui soulignons. 23 Volker Braun, Berichte von Hinze und Kunze, Frankfurt a. M., Suhrkamp, 1983, p. 8. 24 Wolfgang Hilbig « Die Abwesenheit als Ort der Poesie », entretien avec Werner Jung, Neue Deutsche Literatur, n° 4, 1994, p. 16. 25 « wir sind systemerhaltend, und was ist das für ein System, das keinen Widerpart hat » (« Ich » 204). (DIS-)SIMULATION ET FICTION DANS LE ROMAN « ICH » DE WOLFGANG HILBIG (1993) 27 obligés d’édifier un nouvel adversaire 26 » ? Ou encore : quand les « faits » font défaut, il faut les inventer (« Ich » 224). L’exemple le plus simple de cette stratégie politique consiste à repérer des candidats au départ, ou à défaut à en décréter, en posant l’hypothèse que cette question doit nécessairement agiter toute la population : de la « préposée aux toilettes » jusqu’aux députés de la Chambre du peuple. Ne pas en manifester le désir relèverait par conséquent de la « provocation » et constituerait déjà en soi un délit. De deux choses l’une, selon le MfS : ou on n’en parle pas, mais on y pense, ou on affirme vouloir rester, mais c’est nécessairement louche. De sorte que les organismes chargés de faire la lumière sur les pensées secrètes des citoyens de ce pays n’envisagent qu’une seule question : est-il vrai que tous ceux qui se taisent sur ce sujet « planifient leur passage imminent de l’autre côté de la frontière » ? Dans ce cas, s’interrogent-ils, comment se fait-il qu’ils se taisent avec autant d’obstination (« Ich » 155) ? De façon plus générale, il s’agira de définir la notion de « délit » de telle manière que tout le monde, mais absolument tout le monde, puisse ainsi tomber sous le coup de la loi et faire alors l’objet de chantage. Dans cette nouvelle « utopie », chacun est potentiellement coupable et devient objet de défiance et de surveillance. L’univers narratif de Hilbig, en s’appuyant sur une réalité historique, prend une dimension hallucinatoire. On le voit, il ne s’agit pas du tout de surveiller et d’espionner afin de découvrir une vérité ou des activités secrètes qui seraient dangereuses pour l’ordre public. Il s’agit de construire un réseau d’observations et de délations au service d’un modèle qui précède la quête de renseignements. Nous sommes dans la situation, énoncée par Baudrillard, où la simulation – comme modèle de représentation d’un pouvoir discrétionnaire – précède la collecte des informations. On passe de la dis-simulation (du mouchard) à la simulation comme système. Comme le note Baudrillard dans Simulacres et simulation : « Dissimuler est feindre de ne pas avoir ce qu’on a. Simuler est feindre d’avoir ce qu’on n’a pas. » Je corrigerais ici en remplaçant avoir par être : dissimuler – pour le mouchard – est feindre d’être ce qu’on n’est pas. Et Baudrillard de conclure : Donc, feindre, ou dissimuler, laissent intact le principe de réalité : la différence est toujours claire, elle n’est que masquée. Tandis que la simulation remet en cause la différence du “vrai” et du “faux”, du “réel” et de “l’imaginaire”. 27 Dans le roman, le siège du mensonge d’État est localisé, longuement décrit et commenté par le narrateur lors d’une brève incursion dans le bâtiment du MfS à l’angle de la Normannenstraße et de la Ruchstraße. Le lieu est repérable, il a une réalité historique :

26 « einen neuen Widerpart aufbauen zu müssen » (ibid., 204). Heiner Müller a donné une version comique de cette perversion : Heiner Müller, « Kentauren » (1988), in Die Schlacht, Wolokolamsker Chaussee, Berlin, Verlag der Autoren, 1988, p. 59-65 (« Der Staat ist eine Mühle die muß mahlen/ Der Staat braucht Feinde wie die Mühle Korn braucht/ Der Staat der keinen Feind hat ist kein Staat mehr », p. 60). 27 Baudrillard, Simulacres et simulation, p. 12. 28 CHRISTIAN KLEIN

Es waren hier die gewaltigen Areale von Neubauten […] direkt über mir begannen sie in ihrer unübersichtlichen Vielzahl und Verschachtelung : sie waren unzugänglich für beinahe jedermann. Il aperçoit un dédale de cours intérieures qui sont entourées de bâtiments à plusieurs étages empilés comme des boîtes. Il se sent observé par mille regards dissimulés : Es war Abend, und doch fühlte ich mich beobachtet, und ging gemächlich auf und ab in dem Bestreben, mich möglichst harmlos zu verhalten zwischen diesen vieläugigen Wänden […] hoch über mir verfärbte sich der Himmel zu düsterem Violett, Scharen von Krähen jagten schreiend darin umher […] da fragt man sich sofort, ob man je wieder rauskommt, da drin, sagte ich. (« Ich » 31-32) Cette description, placée au début du roman, est à lire comme une métaphore spatiale de la société de surveillance où sont plongés tous les personnages. Elle reproduit la machine panoptique de Bentham qui symbolise, selon Michel Foucault, la société disciplinaire moderne : Cet espace clos, découpé, surveillé en tous points, où les individus sont insérés en une place fixe, où les moindres mouvements sont contrôlés, où tous les événements sont enregistrés, où un travail ininterrompu d’écriture relie le centre et la périphérie, où le pouvoir s’exerce sans partage 28. Mais, si le mensonge fait partie des « technologies de pouvoir » (Foucault), si l’espion est à son tour espionné par mille regards dissimulés, le siège de ces dispositifs, ici localisé, reste un point aveugle. La désignation, pourtant précise par l’auteur, des opérations de pouvoir ne conduit pas à l’identification de ce pouvoir, qui reste une simulation. Comme chez Foucault, je reprends ici un commentaire de Jacques Rancière, le pouvoir reste une énigme 29. Il n’a pas de « réalité » ni de « vérité ».

L’univers diégétique du personnage

Y aurait-il cependant, derrière les contre-vérités d’État, une vérité du personnage ? La réponse, négative, se décline en deux temps : comme écrivain et comme espion. Dans un récit analeptique, le narrateur W. raconte comment autrefois il observait la nuit, seul, tapi à l’ombre des buissons, les habitants dans leurs appartements éclairés. Gêné par le double vitrage et le voile des rideaux tirés, il ne comprenait pas les phrases souvent inaudibles qui y étaient prononcées. Et dans la lueur des lampes électriques et la phosphorescence des écrans de télévision, les mots prenaient alors « une tout autre signification ». N’ayant aucune idée du sens de ces discours, il cherchait à reconstituer leur signification à partir des gestes et du mouvement des lèvres. En fin de compte, il décidait de « remplacer les phrases inaudibles prononcées à l’intérieur par d’autres qu’il puisait dans sa tête 30 ». Il est à cette époque encore chauffagiste

28 Michel Foucault, Surveiller et punir, Paris, Gallimard, 1975, p. 228-267, ici p. 230. 29 Jacques Rancière, La Méthode de l’égalité, Paris, Bayard, 2012, p. 75-76. 30 « es blieb ihm nichts übrig, als die ungehörten Sätze aus dem Innern der Räume durch solche aus seinem Kopfe zu ersetzen » (« Ich » 126). (DIS-)SIMULATION ET FICTION DANS LE ROMAN « ICH » DE WOLFGANG HILBIG (1993) 29

à l’usine, occupé par ses travaux d’écriture. Et, bien que recruté récemment par la Stasi, il ne semble pas encore exercer sa nouvelle activité d’espionnage, même si, à l’usine, ses collègues le suspectent de rédiger des rapports pour la Sécurité, alors qu’il prend simplement des notes pour ses travaux littéraires personnels. L’auteur se garde de clarifier son statut exact entre écrivain encore ouvrier ou ouvrier déjà espion. Cette indétermination, recherchée par l’auteur, nous autorise à privilégier ici la quête d’inspiration de l’écrivain à partir de l’observation de situations concrètes. L’auteur installe subtilement un décrochage en plusieurs étapes. On note d’abord que l’écrivain amateur complète les lacunes dans sa perception du réel en faisant appel à son imagination. Mais progressivement, il opte pour le procédé de substitution d’un contenu et d’un sens fictifs indépendamment du contenu et du sens réels des phénomènes observés : Freilich ging es ihm anfänglich darum, das wirklich Gesagte zu erkennen […] später machte er die Erfahrung, daß man sich sehr gut darauf einigen konnte, daß es um das wirklich Gesagte überhaupt nicht ging. Das wirklich Gesagte war in der Regel sowieso unter einer oder mehreren Lagen von banalem Gewäsch versteckt. (« Ich » 126-127) 31 Cette fois, on passe de la perception acoustique (das wirklich Gesagte [1], c’est ce qui a été effectivement dit, mais resta inaudible) à un sens dissimulé derrière des propos anodins (das wirklich Gesagte [2] signifie ce que les locuteurs ont voulu dire à mots couverts). Dans un troisième temps, il s’agira de dégager – entendons reconstituer, inventer – ce sens prétendument caché : Da er jetzt die Sätze nicht mehr um ihrer Mitteilung willen aufnahm, sondern weil er einen in einem dunklen Bereich hinter ihnen verborgenen Sinn suchte […] war alles Sprechen für ihn nach und nach zu einer Verschwörung geworden. (« Ich » 130) 32 On pourrait objecter que notre écrivain en herbe se met à distance du réel pour mieux le décrire et en dégager la signification profonde, que la fiction distord nécessairement le réel pour en dégager des vérités enfouies. Pour citer Hegel, dans son Introduction à l’esthétique : « Loin d’être, par rapport à la réalité courante, de simples apparences et illusions, les manifestations de l’art possèdent une réalité plus haute et une existence plus vraie 33. » Or, ici, il en va tout autrement. « L’écrivain » épie des conversations, non pour découvrir une « vérité », mais pour prêter à leurs auteurs une pratique conspirative imaginaire, des intentions élaborées ailleurs, dans les cuisines du pouvoir. Comme le mouchard, l’écrivain reste étranger au peuple, extérieur au réel. L’écrivain du roman, que Hilbig décrit finalement comme un écrivain raté, médiocre (« Ich » 232), dépossédé en partie de ses textes, et dont le succès à venir est dû plus à l’intervention secrète de la Stasi qu’à son talent (« Ich » 201), mêle de plus en plus, par la suite, ses rapports de police et ses essais littéraires, en mixant les genres (« Ich » 208). Quant à l’espion, dont la tâche consiste théoriquement à transmettre des renseignements sans les interpréter, il se met un jour, par jalousie, à falsifier ses

31 C’est nous qui soulignons. 32 C’est nous qui soulignons. 33 Georg Wilhelm Friedrich Hegel, Introduction à l’esthétique, trad. par Samuel Jankélévitch, Paris, Aubier, 1964, p. 38-39. 30 CHRISTIAN KLEIN rapports sur l’écrivain Reader, à inventer des rencontres et des conversations qui n’ont pas eu lieu pour noircir son rival et faciliter son propre passage à l’Ouest. L’un et l’autre, l’écrivain et l’espion, s’installent finalement dans l’imposture et le mensonge. À un journaliste qui lui reprochait de mettre dans ce roman fiction et espionnage sur le même plan, Hilbig répondit : Nicht gleichgesetzt, sondern verglichen. Das war eine beklemmende Idee. Ich hatte den Eindruck, daß sich beide Tätigkeiten ähneln. Beide, der Spitzel und der Schriftsteller, schaffen sich eine Wirklichkeitsfiktion und eine Fiktion von Figuren, die sie überdenken, ausloten, observieren. 34 Dans son roman, Hilbig confère aux thèses de Baudrillard sur la simulation un double statut. S’il le convoque pour mettre en scène l’écart qui oppose un discours des dominants fondé sur l’imposture et la « dépossession de la parole » chez les dominés (Bourdieu), il remet en cause la « résignation » (W. Hilbig) des écrivains du Prenzlauer Berg, qu’il fréquentait avec une certaine réserve. Or ces derniers se prévalaient (aussi) des thèses de Baudrillard sur la simulation et des analyses sur l’autoréférentialité du langage chez les poststructuralistes français, pour décréter la disparition du sujet dans la littérature d’avant-garde et justifier leur refus de toute confrontation avec la parole officielle en s’adonnant à des jeux de déconstruction – même si on peut y voir une attitude « politique » 35. Dans son roman « Ich », Hilbig choisit de réintroduire le sujet, mais il s’agit d’un personnage fragile à ses yeux, dont la fragilité et les frustrations favorisent la manipulation, un sujet condamné à « l’inauthenticité 36 », autant victime que coupable. À travers ce personnage, Hilbig expérimente aussi, hors de toute moralisation, les contradictions, voire les compromissions et les impasses d’une littérature de la résignation 37.

34 Wolfgang Hilbig, « Die DDR-Literatur hatte völlig resigniert », entretien avec Karim Saab, in Wittstock, Materialien zu Leben und Werk, p. 222-228, ici p. 224. 35 Voir à ce sujet le témoignage et l’analyse de Jan Faktor, « Sechzehn Punkte zur Prenzlauer-Berg- Szene », in Böthig et Michael, MachtSpiele, p. 91-111. 36 « ein kommissarisches Ich » (« Ich » 5). 37 Voir les propos sévères de Hilbig sur cette question : Hilbig, Abriss, p. 53-55. L’espace public dans la photographie d’art du socialisme « réellement existant » : Helga Paris, Ulrich Wüst, Kurt Buchwald Emmanuel BÉHAGUE Université de Strasbourg

Niemand hat die Absicht, eine Mauer zu errichten Walter Ulbricht

À travers cette réponse apportée à la journaliste de la Frankfurter Rundschau Annamarie Doherr lors de la conférence de presse du 15 juin 1961, le premier secrétaire du comité central du parti socialiste unifié d’Allemagne (SED) plaçait la construction du mur de Berlin sous le signe du mensonge, mensonge de la dénégation adressé au monde dans un contexte de regain de tension entre l’Est et l’Ouest depuis 1958. D’autres avatars du mensonge jalonnent l’histoire de la RDA, et en particulier son histoire économique. Ainsi, la correction des chiffres de la production réelle, afin de les faire correspondre aux objectifs du plan, participe de ce qu’on pourrait considérer comme une forme de “mensonge à soi” global, dans lequel sont refoulées les contradictions entre réalité des résultats et prétention idéologique, et que Stefan Wolle décrit non sans une certaine poésie : Nichts galt so, wie es auf dem Papier stand : Weder Theorie, Gesetze, Unterordnungs‑ verhältnisse noch gar Planziffern und Statistik. Trotzdem nahmen sich die Funktionäre ungeheuer wichtig, berauschten sich an den gefälschten Zahlenkolonnen und an fremd klingenden Schlagworten, die geheimnisvoll wie Zauberformeln klangen und sangen wie kleine Kinder im dunklen Wald das Hohelied der Mikroelektronik. 1 Le point de départ de cette contribution est un autre énoncé, célèbre également, à savoir celui qui revient à affirmer, dans la RDA d’Erich Honecker, que le socialisme existe désormais réellement. « Real existierender Sozialismus 2 » : à travers cette formulation, associée aux années qui suivirent l’arrivée au pouvoir de Honecker, le

1 Stefan Wolle, Die heile Welt der Diktatur. Alltag und Herrschaft in der DDR 1971-1989, Bonn, Bundeszentrale für politische Bildung, 1999, p. 189. 2 Socialisme réellement existant. 32 EMMANUEL BÉHAGUE régime mettait un terme aux aléas des réformes économiques entreprises par Walter Ulbricht, mais marquait également la volonté d’un resserrement idéologique qui opposait l’objectif d’un présent à améliorer à un avenir à construire et signalait un tournant pragmatique : An die Stelle des Ziels, die Utopie in einer großen Kraftanstrengung zu erreichen oder zumindest die “sozialistische Menschengemeinschaft” in kurzer Zeit zu verwirklichen, trat eine ernüchternde Perspektive. Im Mittelpunkt der Theorie und Politik sollten künftig die “realen Prozesse des gesellschaftlichen Lebens” stehen, insbesondere “der Mensch mit seinen materiellen und geistigen Bedürfnissen”. 3 La formulation avait ainsi, selon S. Wolle, des accents défensifs et résignés 4. Dans cette réorientation idéologique, l’objectif d’une société sans classe dans laquelle se développerait la personnalité socialiste occupait une place centrale, tout en étant également formulée sous la forme d’une “réalité” : Die Konzeption beschrieb dem Anspruch derer, die sie formulierten, zufolge aber immer zugleich die Wirklichkeit, wenn auch eher aus der Perspektive der Entwicklungspotentiale, die sie in ihr sehen wollten. Aus diesem Umstand erklärt sich der unübersehbare Hang zur ideologischen Überhöhung des bereits Erreichten : der Komparativ, ohnehin ein beliebtes marxistisch-leninistisches Stilmittel, nahm seit den siebziger Jahren überhand. 5 À partir des années 70, les idéologues du SED invoquent donc de manière régulière cette « existence réelle » du socialisme en RDA, qui cherche en outre à compenser son manque de légitimité par le contrôle étroit de la population 6. De ce point de vue, une telle invocation relève du mensonge politique moderne tel que le définit Hannah Arendt : Le mensonge politique traditionnel, si manifeste dans l’histoire de la diplomatie et de l’habileté politique, portait d’ordinaire ou bien sur des secrets authentiques – des données qui n’avaient jamais été rendues publiques – ou bien sur des intentions qui, de toute façon, ne possèdent pas le même degré de certitude que des faits accomplis […]. À l’opposé, les mensonges politiques modernes traitent efficacement de choses qui ne sont aucunement des secrets mais sont connues de pratiquement tout le monde 7. Dans cet essai, la philosophe évoque ainsi des phénomènes de réécriture de l’Histoire, donnant pour exemple De Gaulle faisant de la France un des vainqueurs de 1945 ou Adenauer déniant l’ancrage fort de l’idéologie nazie dans la population allemande. De la même manière, le discours affirmant la réussite du socialisme est‑allemand relève d’une réécriture du réel. Au socialisme réellement existant s’oppose la “réalité existante” vécue par la population. Celle-ci, précisément, est l’objet d’une photographie est-allemande dans laquelle la visée documentaire occupe une place importante. Ulrich Domröse et

3 Sigrid Meuschel, Legitimation und Parteiherrschaft in der DDR, Frankfurt a. Main, Suhrkamp, 1992, p. 221-222. 4 Stefan Wolle, DDR, Frankfurt a. Main, Fischer, 2004, p. 101. 5 Meuschel, Legitimation und Parteiherrschaft in der DDR, p. 223. 6 Cf. Ralph Jessen, « Partei, Staat und “Bündnispartner” : die Herrschaftsmechanismen der SED- Diktatur », in Matthias Judt (dir.), DDR-Geschichte in Dokumenten, Bonn, Bundeszentrale für politische Bildung, 1998, p. 36. 7 Hannah Arendt, « Vérité et politique », in La crise de la culture, Paris, Gallimard, 1972, p. 321. L’ESPACE PUBLIC DANS LA PHOTOGRAPHIE D’ART DU SOCIALISME « RÉELLEMENT EXISTANT » 33

Enno Kaufhold l’associent à une génération intermédiaire, tandis qu’une autre tendance se caractériserait par une prise de distance vis-à-vis de la photographie comme “reproduction” et une proximité avec les milieux de l’art contemporain de la performance et de l’actionnisme 8. Sans que la subjectivité en soit absente, l’enjeu d’une photographie documentaire réside dans le rendu de la réalité. Dans le contexte d’un état autoritaire, l’acte photographique devient alors un geste de visualisation d’un réel tangible et vécu opposé à l’abstraction du discours idéologique. Matthias Flügge fait de ce geste la raison d’être de la photographie est-allemande qui ne se met pas au service du régime, et dont « les premières caractéristiques sont la sincérité, la prudence et la quête réfléchie d’une vérité visuelle 9 ». Pour ce qu’Ulrich Domröse appelle « straight photography », l’objectif est le rendu exact de ce qui est vu (« genaue Wiedergabe des Gesehenen »), les moyens artistiques (« gestalterische Mittel ») y sont subordonnés 10. L’enjeu devient une résistance contre la déformation idéologiquement motivée du réel : Die Bilder der straight photography kamen beim Publikum gut an, weil sie das Bedürfnis nach einer vermeintlich realistischen Wirklichkeitswiedergabe und einer emotionalen Ansprache miteinander verbanden. Ihre verhältnismäßig leichte Lesbarkeit begünstigte es, dass ihre Botschaften verstanden und sogar als Beweismittel gegen die nach wie vor herrschende Wirklichkeitsverzerrung in den Medien angesehen werden konnten. 11 Si un tel geste traverse la photographie d’art, la question n’en demeure pas moins de savoir s’il s’agit d’apporter des preuves. Ici semble en effet s’opérer une identification entre “réalité” et “vérité” qu’il convient d’envisager avec prudence, dans la mesure où elle revient à postuler le principe d’une vérité objective des faits. Par définition, le cadrage définit un hors-champ, et ne circonscrit donc qu’un fragment du réel. En choisissant son sujet, le photographe opère une sélection, et ce seul acte, quel que soit le traitement réservé à l’image à travers les choix esthétiques (pose du sujet, cadrage spécifique, plan, couleur/ noir et blanc…) est une empreinte qui contredit le principe d’une vérité objective. Le principe même d’une subjectivité de l’artiste vient contredire celle-ci : il ne peut y avoir de langage photographique de vérité, mais une pluralité de stratégies esthétiques au sein d’une même démarche qui se donne le réel pour objet. Afin d’illustrer ces stratégies seront convoqués avec Helga Paris, Ulrich Wüst et Kurt Buchwald trois artistes développant un travail photographique dans les années 80. Le tertium comparationis sera l’objet de la représentation (le « sujet » dans la terminologie photographique), à savoir l’espace public physique

8 Ulrich Domröse, Enno Kaufhold, « Zwischenzeiten. Bilder ostdeutscher Photographen 1987- 1991 », in Franz C. Gundlach (dir.), Zwischenzeiten. Bilder ostdeutscher Photographen 1987-1991, Düsseldorf, Richter Verlag, 1992, p. 7. 9 Matthias Flügge, « Helga Paris, Christian Borchert », in Foto-Anschlag. Vier Generationen ostdeutscher Fotografen, éd. par Stiftung Haus der Geschichte der Bundesrepublik Deutschland/ Zeitgeschichtliches Forum Leipzig, Leipzig, E. A. Seemann Verlag, 2001, p. 56. « Ihre [der alten Bildern der DDR] ersten Kennzeichen sind Aufrichtigkeit, Behutsamkeit und die zweifelnde Suche nach einer bildnerischen Wahrheit. ». 10 Ulrich Domröse, « Realität, Engagement, Kritik », in Geschlossene Gesellschaft. Künstlerische Fotografie in der DDR 1945-1898, éd. par la Berlinische Galerie, Berlin, Kerber, p. 20. 11 Ibid., p. 21. C’est nous qui soulignons. 34 EMMANUEL BÉHAGUE

(öffentlicher Raum), très présent dans le travail des artistes évoqués. Il s’agira donc tout d’abord de mettre en évidence le lien étroit entre cette notion et la question du mensonge politique moderne. En abordant ensuite les transformations du champ photographique en RDA au cours des années 60 et 70, on s’intéressera au contexte dans lequel devient possible une diversification dans le langage photographique, avant de présenter et d’analyser les travaux des artistes.

Performativité du mensonge et espace public

Le lien entre mensonge et espace public apparaît dès lors que l’on pense de manière conjointe le discours idéologique et les formes de sa production et de sa diffusion par le biais de la notion de performativité, que nous introduisons ici dans la mesure où elle s’articule de deux manières avec le mensonge. Évoquant la production de discours ou de vérités à dimension “étatique”, à partir de l’exemple de la reconnaissance officielle par le Président Jacques Chirac de la culpabilité de l’État français dans la déportation de dizaines de milliers de Juifs et d’autres mesures durant l’Occupation, Jacques Derrida, dans les prolégomènes à son Histoire du mensonge, met en évidence le caractère performatif de tels objets, non pas de l’acte discursif lui-même, le « mentir », mais de l’objet du discours. Proclamation d’une indépendance, d’une souveraineté, reconnaissance ou non d’une frontière, il existe des objets qui en soi « produisent une vérité » : Je ne parle pas ici de l’acte de langage performatif par lequel, avouant une culpabilité, un chef d’État produit un événement et provoque une réinterprétation de tous les langages de ses prédécesseurs. Non, je veux souligner avant tout la performativité à l’œuvre dans les objets même de ces déclarations : la légitimité d’un État soi-disant souverain, la position d’une frontière, l’identification ou l’attestation d’une responsabilité sont des actes performatifs. 12 Certes, on objectera que si le socialisme réellement existant est une construction discursive, la culpabilité française est, elle, une réalité ; la reconnaître revient donc à rétablir une vérité jusque là occultée. Néanmoins, il s’agit bien pour le régime est-allemand de « faire vérité », pour reprendre ici les termes de Derrida. Du reste, le philosophe élargit le spectre de cette performativité aux « contre-vérités » pour lesquelles « la puissance capitalistico-techno-médiatique » peut produire des « effets de vérité » 13. Il n’existe peut-être pas, dans la RDA des années 70, de puissance « socialisto-techno-médiatique », même si le pouvoir utilise massivement les médias. Il existe néanmoins d’autres moyens de produire de tels « effets de vérité » : faire défiler des chars, des hommes, une jeunesse socialiste, produire une architecture à la fois moderne et sociale, construire un Palais de la République que l’on remplira d’ampoules électriques (« Erichs Lampenladen »), comme pour attirer sur soi la lumière. Nous avons désormais affaire à une seconde performativité, qui vient doubler celle de l’objet, et touche à la forme de sa production, de sa “mise

12 Jacques Derrida, Histoire du mensonge. Prolégomènes, Paris, L’Herne, 2005, p. 65. 13 Ibid., p. 77. L’ESPACE PUBLIC DANS LA PHOTOGRAPHIE D’ART DU SOCIALISME « RÉELLEMENT EXISTANT » 35 en scène”: cette scène, c’est l’espace public physique, dans lequel le collectif doit s’inscrire harmonieusement. Car il s’agit bien de garantir une visibilité de cette vérité produite. Dans ses Réflexions sur le mensonge, publiées pour la première fois en 1943 et consacrées au lien entre totalitarisme et mensonge, Alexandre Koyré, de manière apparemment paradoxale, associe celui-ci au modèle de la société secrète, contrainte à la dissimulation et à la dénégation pour garantir son existence au sein d’un groupe plus large. Les régimes totalitaires, certes, « opèrent » au contraire « en plein jour » : « Aussi, bien loin de vouloir se fermer, et d’élever une barrière entre eux-mêmes et les autres, leur but, avoué et patent, est-il justement d’absorber tous ces “autres”, d’englober et d’embrasser la nation (ou la race) toute entière 14. » Opérant un retournement qui nous paraît fécond pour une réflexion sur le mensonge politique, Koyré réinterprète néanmoins le rapport entre mensonge et vérité : Il est vrai qu’Hitler (ainsi que les autres chefs des pays totalitaires) a annoncé publiquement tout son programme d’action. Mais c’était justement parce qu’il savait qu’il ne serait pas cru par les « autres », que ses déclarations ne seraient pas prises au sérieux par les non- initiés ; c’est justement en leur disant la vérité qu’il était sûr de tromper et d’endormir ses adversaires 15. Ici encore, il est nécessaire de procéder avec prudence dans l’argumentation. En aucune manière, il ne s’agit de mettre sur le même plan le régime nazi et le régime est-allemand, notamment quant à la question du caractère « totalitaire » du système ; par ailleurs, la proclamation du socialisme réellement existant ne relève pas de ce « mensonge au deuxième degré » – selon l’expression de Koyré 16 – qui s’inscrirait dans la même stratégie. Néanmoins, le régime est-allemand des années 70, du fait même de la véhémence à la fois rhétorique et visuelle avec laquelle il affirme son succès, paraît pouvoir être associé à ce que Koyré appelle les « conspirations en plein jour », qu’il décrit de la manière suivante : Une conspiration en plein jour – forme nouvelle et curieuse du groupement d’action, propre à l’époque démocratique, à l’époque de la civilisation de masses – n’est pas entourée de menace et n’a donc pas besoin de se dissimuler ; bien au contraire, étant obligée d’agir sur les masses, de gagner les masses, d’englober et d’organiser les masses, elle a besoin de paraître à la lumière, et même de concentrer cette lumière sur elle-même et surtout sur ses chefs 17. Si l’espace public physique est le cadre de l’expression performative du mensonge, l’architecture, véritable fil rouge de l’histoire de la RDA, en modèle les contours, depuis les années de jeunesse de la « meilleure Allemagne » durant lesquelles le programme de reconstruction urbanistique est présenté par la propagande comme le point de départ de la construction de toute une nation 18, jusqu’aux grands programmes de construction de logements fondés sur le principe de la standardisation

14 Alexandre Koyré, Réflexions sur le mensonge, Paris, Alia, 1998, p. 35. 15 Ibid., p. 36. 16 Ibid., p. 37. 17 Ibid., p. 37-38. 18 Joachim Palutski, Architektur in der DDR, Berlin, Reimer Verlag, 2000, p. 44. L’ouvrage constitue une étude particulièrement éclairante sur l’évolution de la politique urbanistique en RDA jusqu’en 1989. 36 EMMANUEL BÉHAGUE dans les périphéries urbaines. Depuis les années 50, l’architecture est donc un sujet privilégié tant d’une photographie assumant la fonction d’une illustration affirmative des réalisations du régime, que d’une photographie plus indépendante, à visée « documentaire », à l’instar des travaux d’Arno Fischer, qui dans la série Situation Berlin 1953-1960 témoigne de l’actualité de la ville et des traces de son histoire, en en saisissant les habitants évoluant dans l’espace public 19. En photographiant les éléments architecturaux, les artistes des années 80 s’inscrivent donc dans une tradition. La production d’un tel langage visuel n’est cependant possible que si le permet l’organisation du champ de la photographie.

L’évolution du champ photographique en RDA

Le premier constat à faire concernant la photographie en RDA est celui d’une visibilité quasi exclusive de la photographie vantant les mérites du socialisme durant les vingt premières années. Le contrôle exercé par l’État est étroit, ce qui rend presque impossible l’avènement d’une photographie dite documentaire et sociale 20. La production photographique qui bénéficie des possibilités d’exposer et de publier est avant tout la photo de presse. À celle-ci est associée une fonction illustrative, axée sur la représentation de la société socialiste en devenir, de l’homme socialiste. Malgré tout existe bien une photographie qui se démarque du discours officiel en ce qu’elle se donne pour objet le quotidien est-allemand. Néanmoins, les possibilités d’accéder à une visibilité sont très limitées, et les artistes soucieux de documenter la réalité est-allemande travaillent avant tout « pour le tiroir ») (« für die Schublade ») ou « pour le carton » (« für die Kiste »). Pour cette photographie se pose la nécessité de s’organiser à travers la formation de groupes, en créant, autant que faire se peut, des espaces et des cadres institutionnels. Le premier de ces espaces est la classe de photographie documentaire à la Hochschule für Grafik und Buchkunst, seul lieu de formation à la photographie en RDA. Y enseignent en particulier, non sans entraves, Evelyn Richter et A. Fischer, qui vont largement influencer la génération suivante et jouer un rôle essentiel dans le développement de la photographie en RDA. À partir du milieu des années 60 sont constitués divers regroupements, dans lesquels les artistes disposent de davantage de possibilités pour développer un style propre et acquérir une relative visibilité. Il faut citer ici les groupes Signum (1965-1969), Jugendfoto Berlin (1969-1979), ou encore le Gruppe DIREKT (1966-1982), constitué autour d’A. Fischer. Cette organisation en collectifs ne dispense cependant pas les artistes d’être rattachés à une organisation officielle, condition nécessaire pour que soit reconnue leur production : il s’agit du Journalistenverband ou du Verband Bildender Künstler. Par ailleurs

19 Voir notamment les photographies choisies dans le catalogue de l’exposition Geschlossene Gesellschaft. Künstlerische Fotografie in der DDR 1945-1989, organisée à la Berlinische Galerie du 5 octobre 2012 au 28 janvier 2013 (cf. note 10). 20 Bernd Lindner, « Ein Land – Zwei Bildwelten. Fotografie und Öffentlichkeit in der DDR », in Karin Hartewig, Alf Lüdtke, Die DDR im Bild, Göttingen, Wallstein, p. 189 sq. La synthèse que nous faisons ici de la structuration du champ photographique s’inspire largement de cet article. L’ESPACE PUBLIC DANS LA PHOTOGRAPHIE D’ART DU SOCIALISME « RÉELLEMENT EXISTANT » 37 est fondée en 1958 au sein du Kulturbund la Zentrale Kommission für Fotografie, chargée de coordonner le travail dans ce secteur, ce qui implique la définition de l’orientation idéologique, mais aussi le soutien à la jeune création, la mise en place de publications, l’organisation d’expositions 21. À partir de la fin des années 70, la photographie d’art va disposer d’une plus grande visibilité. La volonté de fonder un groupe autonome au sein du Verband Bildender Künstler débouche en 1981 sur la création du Arbeitsgruppe Photographie dans laquelle A. Fischer a une part active, ce que l’on peut considérer comme un pas décisif dans l’établissement de la photographie d’art 22. Les artistes qui en font partie vont dès lors être représentés dans diverses expositions d’art contemporain. Cette reconnaissance se traduit également par l’organisation nouvelle de manifestations d’envergure telles que l’exposition Medium Fotografie à en 1977 ou la 9e exposition d’art de Dresde, avec une section photo indépendante. En 1985 est fondée à Berlin la première galerie de photographie indépendante en RDA, à l’initiative d’U. Domröse et Ralf Herzig ; elle restera la seule jusqu’en 1989. Les maisons de la culture de quartier, à partir des années 70, constituent de petits lieux d’exposition, tandis qu’apparaissent peu à peu des galeries autonomes, installées dans des espaces privés ou des ateliers. Celles-ci font du reste l’objet de l’observation attentive de la Stasi 23. C’est donc dans ce contexte d’une émergence d’espaces de création que travaillent les artistes dont il est ici question.

Helga Paris

Née en 1938 à Gollnow, l’actuel Goleniów en Pologne, H. Paris est entrée dans le domaine photographique en autodidacte, puisqu’elle a suivi une formation à la Fachschule für Bekleidung de Berlin avant d’exercer la profession de graphiste à la Deutsche Werbe- und Anzeigengesellschaft. Elle travaille en 1967-68 dans un laboratoire de photographie avant d’intégrer le Verband Bildender Künstler en 1972, tout en finançant son activité artistique par la reproduction d’œuvres d’art pour des catalogues. En 1978, elle connaît sa première exposition individuelle dans le cadre de la Hochschule für Bildende Künste de Dresde. Elle consacre avant tout son travail à l’exploration visuelle de divers milieux sociaux, dans des séries telles que Müllfahrer (1974), Berliner Kneipen (1975), Möbelträger (1975), Altersheim (1980), Berlin-Gürtelstraße (1980), Berliner Jugendliche (1981-82). À cette photographie documentaire vient s’ajouter, à partir de 1981, une réflexion sur l’autoportrait. La série étudiée dans le cadre de cet article rassemble des clichés de la ville de Halle, et a connu une histoire particulière, qui permet d’en mieux saisir la portée critique. Ce travail n’est pas le fruit d’une commande, mais l’initiative personnelle d’une photographe confrontée “par hasard”, parce que sa fille faisait ses études à

21 Monika Eigmüller, Katrin Sonntag, Kerstin Ziehe, « Biographische Hinweise und Stichworte zur Fotografie in der DDR », in Foto-Anschlag. Vier Generationen ostdeutscher Fotografen, p. 147. 22 Lindner, « Ein Land – Zwei Bildwelten », p. 196. 23 Eigmüller, Sonntag, Ziehe, « Biographische Hinweise und Stichworte zur Fotografie in der DDR », p. 144. 38 EMMANUEL BÉHAGUE

Halle 24, au délabrement du centre-ville. Dans cette confrontation, la photographe elle-même souligne la distance qui la sépare du sujet : Ich habe Halle fotografiert wie eine fremde Stadt in einem fremden Land – Versuch, alles, was ich wissen und verstehen könnte zu vergessen. So, als hätte ich beispielsweise in Rom fotografiert. 25 C’est précisément ce regard « étranger » sur la ville, révélateur de ce que ses habitants ne voient pas, qui incite les artistes locaux à préparer une exposition intitulée Häuser und Gesichter. Halle 1983-1985 dans la Galerie Marktschlößchen de Halle. Le projet fut tout d’abord validé par le bureau de la section locale du Verein Bildender Künstler, puis, deux semaines avant le vernissage en juin 1986, repoussé. Malgré ses démarches, notamment auprès du Président du Verband, le peintre Willi Sitte, mais aussi des fonctionnaires du Parti et de la ville, l’exposition fut finalement annulée après de longues tergiversations 26. Elle ne sera finalement présentée qu’en 1990 sous le titre Diva in Grau. Häuser und Gesichter in Halle. En photographiant un centre-ville délabré, H. Paris le confronte à la politique de construction de logements neufs sous la forme du Plattenbau (immeuble en dalles préfabriquées), telle qu’elle fut développée en RDA à partir du début des années 60, pour connaître rapidement un essor considérable. L’année même où H. Paris photographiait la ville, les bâtiments de logement sous cette forme représentaient 75% de la construction en RDA 27. L’extension de la ville de Halle elle-même commença vers le sud en 1959, mais connut une étape importante avec la construction de la Chemiearbeiterstadt Halle-West, qui devint en 1967 la ville indépendante de Halle‑Neustadt, par son ampleur le plus important projet urbanistique de RDA dans les années 60 28. La première pierre en fut posée le 15 juin 1964 par Horst Sindermann, et sa réalisation se fit par étapes. Durant les années 70, le centre-ville fut délaissé, et des parties importantes de celui-ci furent détruites au cours de la décennie suivante. La démarche de la photographe revêt donc une dimension critique : il s’agit d’opposer au projet architectural de la modernité la permanence d’une autre architecture, celle du passé, comme refoulée, mais pourtant bien présente. Comme l’indique son titre initial, le travail de H. Paris peut être divisé en deux parties : d’une part des clichés de bâtiments, souvent pris en plan large, d’autre part des portraits individuels ou de petits groupes de personnes, photographiées en plan rapproché, le plus souvent en extérieur. Si certains clichés dérogent dans leur composition à cette distinction, elle n’en demeure pas moins essentielle quant au sens à donner au projet : si les habitants de Halle “habitent” bien leur ville, celle-ci n’est pas seulement conçue comme contexte, comme cadre de vie. Il s’agit au contraire, par un jeu de miroir ou de symétrie, de conférer à la ville, à travers ses bâtiments,

24 Helmut Brade, « Vorwort, 15 Jahre später », in Diva in Grau. Häuser und Gesichter in Halle. Fotografien von Helga Paris, s. l., Mitteldeutscher Verlag, 2006 [1991], p. 6. 25 Helga Paris, citée dans : Lindner, « Ein Land – Zwei Bildwelten », p. 198. 26 Pour un historique plus détaillé, voir ibid., p. 197-202. 27 Christine Hannemann, Die Platte. Industrialisierter Wohnungsbau in der DDR, Berlin, Schelzky und Jeep, 2000, p. 24. 28 Palutzki, Architektur in der DDR, p. 280-289. L’ESPACE PUBLIC DANS LA PHOTOGRAPHIE D’ART DU SOCIALISME « RÉELLEMENT EXISTANT » 39 une “vie” telle que celle de ses habitants, ce que le second titre donné à l’exposition, Diva in Grau, semble suggérer. Les maisons de Halle sont autant de figures en gris certes, mais l’identité est soulignée, par-delà la dimension de témoignage du travail photographique sur l’état du centre-ville. Cette valorisation passe en particulier par une verticalité marquée notamment dans les clichés de grands immeubles bourgeois. Le bâtiment apparaît d’autant plus imposant que se trouvent presque toujours à son pied quelques habitants ou quelques véhicules, comme s’il s’agissait d’en suggérer la taille par comparaison.

Fig. 1 – Helga Paris, Häuser und Gesichter. © Helga Paris, VG Kunst 40 EMMANUEL BÉHAGUE

Fig. 2 – Helga Paris, Häuser und Gesichter. © Helga Paris, VG Kunst L’ESPACE PUBLIC DANS LA PHOTOGRAPHIE D’ART DU SOCIALISME « RÉELLEMENT EXISTANT » 41

Fig. 3 – Helga Paris, Häuser und Gesichter. © Helga Paris, VG Kunst

Par ce regard jeté sur le centre de la ville, H. Paris révèle donc ce qui est délibérément placé “hors-champ”. Ce faisant, elle ne confronte pas seulement l’oubli de l’histoire à la modernité, mais oppose en outre une fière verticalité à la standardisation horizontale du Plattenbau. La signification critique d’une telle esthétique apparaît lorsqu’on mesure l’importance de ce mode de construction de masse dans l’histoire urbanistique est-allemande. Dans l’étude qu’elle y consacre, Christine Hanemann fait de celui-ci le produit de la convergence de trois idéologèmes qui sont le postulat de l’égalité sociale, la famille nucléaire socialiste (sozialistische Kleinfamilie) comme cellule modèle de la société nouvelle, et la foi dans le progrès technologique. Comme elle le souligne, le développement de cette architecture conduit précisément à l’abandon d’un urbanisme hérité du passé tel qu’il caractérise le centre historique de Halle : Aus dieser Sichtweise heraus erklärt sich auch die jahrzehntelange Vernachlässigung der Altbausubstanz und die systematische Reduzierung der Sanierungskapazitäten im Bausektor : Die aus der kapitalistischen Gesellschaft überkommene Stadtstruktur und Wohnbausubstanz wurden als gesellschaftlich überholt betrachtet. 29

29 Hanemann, Die Platte. Industrialisierter Wohnungsbau in der DDR, p. 111. 42 EMMANUEL BÉHAGUE

Ulrich Wüst

Si on la compare au travail de H. Paris, la série Stadt-Bilder d’U. Wüst, composée de photographies prises entre 1979 et 1987, paraît se situer dans un double rapport de contiguïté et d’opposition. En effet, pour une très grande part de cette série, c’est sur la modernité urbanistique est-allemande que le photographe pose son regard. Mais comme chez Paris, l’architecture en elle-même constitue le sujet photographique, et pas seulement comme “cadre de vie”. Né en 1949 à Magdeburg, Wüst n’est devenu photographe qu’après un parcours d’urbaniste. Après des études à la Hochschule für Architektur und Bauwesen de Weimar, il travaille dans ce domaine à partir de 1972 pour la municipalité de Berlin-Est, avant de rompre avec cette activité en 1977 pour se consacrer à la photographie. Il devient membre du Verein Bildender Künstler en 1980, année où il est exposé pour la première fois dans la maison de la culture de Treptow. Il travaille alors en indépendant pour divers magazines tels que Farbe und Raum, Form und Zweck, Bildende Kunst, ou Sonntag. On peut voir dans cette série, avec U. Domröse, une « critique générale de l’état déprimant du cadre de vie urbain […], d’un modèle de construction à bon marché et sans imagination en constante expansion, et des nouvelles zones d’habitation surdimensionnées et sans âme en marge des villes 30 ». L’atténuation des contrastes au profit de nuances de gris renforce l’impression de monotonie et la recherche d’une “objectivité” par le photographe 31. Celle-ci se traduit également par l’utilisation systématique d’une focale de 50 mm, qui correspond à l’angle de vue “naturel” de l’observateur 32. Néanmoins, l’analyse du propos photographique et notamment du rapport qu’il suggère entre l’espace urbain et la population censée l’habiter doit sans doute être poussée plus loin. Ainsi, la construction sous la forme de diagonales, l’utilisation soulignée de la perspective, confèrent à l’image une forme de dynamique d’autant plus intéressante qu’elle est paradoxale, dans la mesure où l’espace urbain – et c’est la caractéristique fondamentale de ce travail – est dépeuplé, ou quasiment : il n’y a ici aucune interaction entre l’espace et l’individu. En faisant disparaître les habitants, le photographe remet donc en cause l’espace public comme espace d’échanges et de communication hors de la sphère privée. Vidé de ses habitants, l’espace est vidé de son sens.

30 Domröse, « Realität, Engagement, Kritik », p. 25 : « Seine dokumentarisch angelegte Serie Stadt- Bilder […] ist eine umfassende Kritik an dem deprimierenden Zustand des städtischen Lebensraums […], an der sich immer mehr ausbreitenden billigen und einfallslosen Bauweise und an den überdimensionierten, seelenlosen Neubaugebieten an den Rändern der Städte ». 31 Ibid., p. 25. 32 Matthias Flügge, « Die Fotos von Ulricht Wüst aus Berlin-Mitte », http://uinic.de/berlin-mitte/ de/text.html, dernière consultation le 17 mars 2014 : « Das kulturelle Klima als Ausfluß politischer Möglichkeiten erlaubte im Osten für eine Weile den visuellen Gewinn einer Art Wahrheit mit beschränktem Geltungsbereich ». L’ESPACE PUBLIC DANS LA PHOTOGRAPHIE D’ART DU SOCIALISME « RÉELLEMENT EXISTANT » 43

Fig. 4 – Ulrich Wüst, Stadt-Bilder. © Ulrich Wüst

Fig. 5 – Ulrich Wüst, Stadt-Bilder. © Ulrich Wüst 44 EMMANUEL BÉHAGUE

Fig. 6 – Ulrich Wüst, Stadt-Bilder. © Ulrich Wüst

Chez Wüst, la frontière entre photographie documentaire et photographie subjective devient floue. Le photographe inscrit certes sa démarche dans une volonté de témoigner de la réalité est-allemande, de contribuer, dans le contexte d’une relative libéralisation du champ photographique, au « bénéfice visuel d’une sorte de vérité au champ d’application restreint 33 ». Mais ce regard photographique passe également par une forme de dissimulation, celle d’une population qui pourtant habite bien ses immeubles et traverse bien ces places. Photographier l’espace public “nu” devient la marque d’une subjectivité qui s’affirme au cœur du propos documentaire. Cette articulation entre espace public, “habitants” et subjectivité du photographe caractérise de manière plus poussée encore le travail de K. Buchwald.

Kurt Buchwald

Né en 1953 à Wittenberg, Buchwald ne dispose pas lui non plus vraiment d’une formation photographique. Après un apprentissage de mécanicien puis des études d’imprimerie à la Technische Hochschule de Karl-Marx-Stadt de 1971 à 1981, il travaille dans ce secteur de 1981 à 1985 à Dresde, avant de s’installer à Berlin-Est pour y devenir artiste indépendant. Loin de la distance préservée entre le sujet photographique et le regard du photographe chez H. Paris, l’acte photographique en soi constitue chez Buchwald

33 Ibid. L’ESPACE PUBLIC DANS LA PHOTOGRAPHIE D’ART DU SOCIALISME « RÉELLEMENT EXISTANT » 45 une intervention dans l’espace public. Artiste actionniste, il développe un discours métaphotographique en analysant le médium lui-même quant à sa possible manipulation et son instrumentalisation. Le travail intitulé Fotografieren verboten, qui commence en 1988 et s’achève en 2005, peut être évoqué à titre d’exemple : le photographe présente des panneaux d’interdiction de photographier sous la forme d’un pictogramme dans diverses capitales du monde et photographie lui-même les réactions des passants… et des forces de l’ordre dans certains cas. Dans le cadre de cet article, on s’intéressera plus particulièrement à deux séries complémentaires, dans la mesure où y est repris le même dispositif spécifique entre le sujet photographique et le photographe. Dans Stehplätze-Störplätze, l’artiste constitue un ensemble de vingt photographies prises entre 14h et 15h le 10 décembre 1984, en différents points de l’Alexanderplatz ; en 1986, l’ensemble Ein Tag in Ostberlin reprend le même principe en le déclinant en divers lieux de Berlin-Est : dans le dispositif mis en place, l’artiste se positionne devant l’objectif et gêne la saisie photographique du sujet, ici les passants évoluant dans la ville.

Fig. 7 – Kurt Buchwald, Ein Tag in Ostberlin. Courtesy Galerie David, Bielefeld. © Kurt Buchwald 46 EMMANUEL BÉHAGUE

Fig. 8 – Kurt Buchwald, Ein Tag in Ostberlin (Détail). Courtesy Galerie David, Bielefeld. © Kurt Buchwald

La photographie est donc « empêchée », pour reprendre le titre d’une exposition de Buchwald à Paris en 1994 à la Galerie Bouqueret-Lebon, ce qui a tout d’abord pour effet paradoxal de voir naître un nouveau rapport d’égalité entre l’observateur et l’objet de l’observation. Regardant la photographie, le spectator cherche à distinguer ce qui demeure visible autour de la surface masquée par le corps de l’operator 34. Ainsi, leurs positions semblent inversées. À la successivité du phénomène photographique (une photographie est “prise” d’un référent qui lui préexiste, et elle est ensuite “regardée”), Buchwald vient substituer une dynamique dans laquelle l’acte de visée semble être le fait du spectator. La dissimulation du sujet par le photographe est précisément ce qui déclenche l’activité du regard désormais happé dans l’espace public. Mais dans le même temps, les passants photographiés peuvent – il demeure ici une dimension aléatoire qui s’oppose à la construction de l’image chez Paris et Wüst – prendre conscience de la présence du photographe devant son appareil, vers lequel s’oriente alors leur regard. Ainsi naît une forme d’interaction précisément provoquée par l’obstacle que constitue le photographe. Cette interaction

34 Afin de mieux éclairer le fonctionnement du phénomène photographique dans l’œuvre évoquée, nous employons ici la terminologie proposée par Roland Barthes dans La chambre claire : « J’observai qu’une photo peut être l’objet de trois pratiques (ou de trois émotions, ou de trois intentions) : faire, subir, regarder. L’Operator, c’est le Photographe. Le Spectator, c’est nous tous qui compulsons, dans les journaux, les livres, les albums, les archives, des collections de photos. Et celui ou cela qui est photographié, c’est la cible, le référent, sorte de petit simulacre, d’eidôlon émis par l’objet, que j’appellerais volontiers le Spectrum de la Photographie, parce que ce mot garde à travers sa racine un rapport au « spectacle » et y ajoute cette chose un peu terrible qu’il y a dans toute photographie : le retour du mort. » (Roland Barthes, La chambre claire, Paris, Cahiers du cinéma, Gallimard/ Seuil, 1980, p. 22-23). L’ESPACE PUBLIC DANS LA PHOTOGRAPHIE D’ART DU SOCIALISME « RÉELLEMENT EXISTANT » 47 n’est cependant qu’une possibilité, un hasard qui ne dépendra que de la curiosité du personnage au moment d’être photographié. Par la présence même de l’obstacle est donc préservée une liberté du sujet photographique.

À travers le prisme du sujet photographique que constitue l’espace urbain, la photographie est-allemande contredit donc l’affirmation du « socialisme réellement existant » grâce à un langage visuel multiple qui ne saurait être résumé dans une démarche de restitution d’une “vérité”. Conçu comme une photographie du souvenir, le travail de H. Paris oppose à des projets urbanistiques où s’expriment les nouvelles “valeurs” mises en exergue par le régime une mémoire visuelle architecturale saisie au moment de sa disparition. La photographie fait ici œuvre de révélation de ce que veut faire oublier la modernité socialiste. Les travaux des deux autres artistes présentés ici se distinguent de cette démarche dans la mesure où les approches esthétiques déployées en réponse au mensonge politique d’État semblent relever d’une stratégie qui, dans une forme de dialectique entre le fond et la forme, renvoie à des avatars du mensonge lui‑même. En faisant littéralement disparaître les habitants dans l’espace, U. Wüst produit ainsi une illusion. Vide, privé de sa raison d’être, l’espace n’est dès lors précisément plus “public”, et devient de ce fait le reflet métaphorique de l’absence de “l’autre” espace public, celui de la sphère intermédiaire entre la sphère privée et l’État (Öffentlichkeit), dans un sens habermassien. On parlera ici d’un subterfuge photographique par lequel l’artiste suggère, à travers la déréalisation du sujet, la réalité d’une absence. Ce faisant, il intervient directement sur ce sujet, une démarche à laquelle paraît s’opposer radicalement celle de K. Buchwald, dont le regard se pose sur l’espace public habité, en mouvement. Mais s’agit-il bien de son regard ? En venant s’intercaler devant l’objectif, l’artiste, s’il ne “ment” pas, n’en dissimule pas moins la réalité observée. Il brouille la distribution traditionnelle des cartes de l’art photographique pour mieux faire du fragment capté du réel l’objet non d’une contemplation passive, mais d’un regard actif, car tendu vers son objet. Alors qu’il s’agit bien, pour une photographie à visée documentaire, de rendre compte de la “réalité” de la société est-allemande par rapport au mensonge idéologique, les démarches analysées montrent combien peuvent être ténues les différences entre les genres telles que les rappellent les observateurs du champ photographique est-allemand invoqués plus haut. Les exemples choisis, sans doute, appellent à être confrontés à d’autres pour rendre mieux compte de sa diversité. Toujours, la subjectivité du regard intervient cependant sur l’objet de ce regard selon des modalités différentes et à des degrés divers. Ce faisant, elle « fait mensonge » au regard du réel, là où le discours politique aspire à « faire réalité ». Un mensonge nécessaire 35.

35 Nous remercions H. Paris, U. Wüst et K. Buchwald pour l’aimable mise à disposition de leurs photographies.

Écriture de la ville et poétique du mensonge – l’espace urbain chez Flaubert et Balzac Christine SCHMIDER Université Nice – Sophia Antipolis

« Plus encore qu’un sujet, le lieu d’une fiction peut être sa vérité 1 » constate Roland Barthes dans Le Degré zéro de l’écriture. Nous nous proposons, dans notre contribution, d’explorer ce lien paradoxal entre un lieu – la ville –, la fiction – et plus précisément la littérature urbaine du xixe siècle – et la vérité d’une fiction – paradoxe poétique s’il en est –, pour mettre en évidence ce qui s’inscrit en filigrane dans cette relation tri-partite, à savoir le mensonge, l’autre face de la vérité et de la fiction. Nous nous intéresserons d’abord à la longue tradition de la littérature urbaine qui illustre la citation barthésienne et où le lieu de la fiction – la ville – détient ou déclenche effectivement une vérité, politique, sociologique ou sentimentale qu’il faut trouver derrière l’apparence souvent mensongère que représente le paysage urbain. Car historiquement, dès le xviiie siècle, les grandes entreprises poétiques, qu’elles relèvent de la chronique urbaine feuilletonesque ou du roman, s’attachent à découvrir derrière le visage trompeur de la ville, et notamment de Paris, une vérité cachée et une promesse de connaissance que les habitants des grandes villes ont de plus en plus de mal à saisir en raison de la complexité croissante de la topographie urbaine 2. Ainsi, chez Balzac, les protagonistes doivent déchiffrer la ville dans sa complexité sociale et érotique afin de connaître sa vérité et de pouvoir ainsi prétendre au pouvoir mondain et sexuel. La physionomie de la ville dévoile ses mystères aux yeux de celui qui sait la lire correctement et pour qui cette vérité urbaine est à son tour synonyme de conquête personnelle, d’ascension sociale et de gratification sexuelle. Si pour l’auteur de La Comédie humaine, Paris est donc avant tout une formidable énigme en attente d’une solution qui permette de distinguer le physionomiste perspicace (l’écrivain) d’un observateur naïf (le lecteur), il ne fait pourtant pas de doute que la vérité du lieu peut et doit se dévoiler. Dans l’œuvre de Flaubert, c’est l’inverse qui se produit, comme nous allons

1 Roland Barthes, Le Degré zéro de l’écriture, Paris, Éditions du Seuil, 1972, p. 158. 2 Cf. Priscilla Parkhurst ferguson, Paris as a Revolution. Writing the Nineteenth-Century City, Berkeley/ Los Angeles/ London, University of California Press, 1994 ; Christopher Prendergast, Paris and the Nineteenth Century, Oxford/ Cambridge Mass., Blackwell, 1995 ; Pierre Citrons, La Poésie de Paris dans la littérature française de Rousseau à Baudelaire, 2 vol., Paris, Éditions de Minuit, 1961 ; Karl-Heinz Stierle, La Capitale des signes. Paris et son discours, Paris, Éditions de la Maison des Sciences de l’Homme, 2001. 50 CHRISTINE SCHMIDER le démontrer dans notre deuxième partie : le lieu d’une fiction y est toujours un mensonge que la poétique flaubertienne parvient à conjurer d’une façon magistrale, rompant ainsi avec les codes de la littérature urbaine, tels que nous les connaissons depuis la Révolution française. On assiste, chez Flaubert, et notamment dans L’Éducation sentimentale que nous étudierons dans la troisième partie, à une mise en question radicale de l’espace urbain comme lieu de véracité. La ville devient alors synonyme de mensonge, de tromperie, d’inauthenticité. Elle engendre un texte qui déforme la vérité et illustre le décalage entre émotion et expression – constitutif de la notion de mensonge telle que nous la comprenons – et cela au niveau scénarique, narratologique et sémiotique. Pour terminer, nous allons nous interroger sur les raisons politiques et épistémologiques qui peuvent expliquer les changements intervenus dans la poétique de la ville et le regard de l’écrivain urbain.

I

Historiquement, le déchiffrement du paysage urbain en vue d’une vérité à découvrir se trouve au cœur du projet littéraire lié à la ville. Cette ambition était revendiquée par les écrivains-flâneurs comme Louis Sébastien Mercier et fonde le genre des chroniques urbaines 3. L’essor de cette littérature physionomiste que sont les tableaux de Paris est lié à la croissance et aux bouleversements politiques et urbains, qui, à partir du xviiie siècle, ont tendance à rendre la ville étrangère et incompréhensible aux yeux de ses propres habitants, un fait que Mercier ne cesse de souligner. Devenant de plus en plus complexe, la ville nécessite désormais un travail d’interprétation et de déchiffrement que les écrivains urbains ont vocation à fournir afin d’expliquer à leurs lecteurs la vérité de la ville – sa configuration sociale, sa fonction politique symbolique, sa signification amoureuse et érotique. Si les auteurs feuilletonistes se sont arrogé le rôle du guide virgilien qui présente un tableau urbain intelligible, les grands romanciers de Paris comme Balzac et Hugo, pour leur part, s’approprient une fonction encore plus impérieuse et triomphante : celle de l’artiste tout-puissant qui n’interprète pas seulement la ville réelle, mais la recrée en lui superposant un double imaginaire d’autant plus véridique 4. L’analyse de Ferragus, roman parisien d’amour et d’espionnage que Balzac publie en 1833 met en évidence le jeu de miroirs entre vérité et mensonge constitutif de la littérature urbaine 5.

3 Cf. Eckhardt Köhn, Straßenrausch. Flanerie und kleine Form. Versuch zur Literaturgeschichte des Flaneurs bis 1933, Berlin, Das Arsenal, 1989; Lewis Mumford, La Cité à travers l’histoire, Paris, Éditions du Seuil, 1964 ; Joachim Schlör, Nachts in der großen Stadt. Paris, Berlin, London 1840-1930, München, Deutscher Taschenbuch Verlag, 1991 ; Philippe Hamon, Imageries. Littérature et image au XIXe siècle, Paris, Corti, 2001. 4 Pour une analyse de l’instabilité des signes et de la double métamorphose de l’écrivain par la ville et de la ville par le regard de l’écrivain, voir Pierre Sansot, Poétique de la ville, Paris, Payot, 2004. 5 Il convient de rappeler ici l’appartenance de Ferragus à L’Histoire des Treize. Le lien qu’entretient ce roman avec La Duchesse de Langeais et La Fille aux yeux d’or explique en partie l’atmosphère mystérieuse dans laquelle baigne le texte. La dimension fantastique est, certes, quelque peu désamorcée par la préface de l’Histoire des Treize : « Ferragus est un premier épisode qui tient par d’invisibles liens ÉCRITURE DE LA VILLE ET POÉTIQUE DU MENSONGE 51

L’auteur de La Comédie humaine affirme la nature insaisissable et opaque de la capitale qui en fait un lieu de mensonge pour le commun des mortels. Or, cela permet surtout de mettre en valeur les connaissances du romancier et son regard supérieur, capable de cerner la vérité derrière les apparences mensongères. Car, comme le souligne Balzac dans sa modestie habituelle, l’écrivain appartient à cette espèce rare des flâneurs-artistes capables de « surprendre le sens caché dans cet immense assemblage de figures, de passions et d’événements 6 » que constitue la vie, et à plus forte raison la vie parisienne. Cette connaissance intime de la ville permet de distinguer la vérité de l’illusion et du mensonge et d’avoir une vue d’ensemble qui échappe aux non-initiés. En revanche, pour les initiés, [les écrivains] « Paris est une créature ; chaque homme, chaque fraction de maison est un lobe du tissu cellulaire de cette grande courtisane de laquelle ils connaissent parfaitement la tête, le cœur et les mœurs fantasques. Aussi, ceux-là sont-ils les amants de Paris 7. » Passons, pour l’instant, sur l’érotisation de la ville et du regard de celui qui essaie de lui arracher ses vérités secrètes et tenons-nous en à constater qu’être le prétendant de la courtisane Paris implique de maîtriser cette « science des distinctions et des identifications 8 » à laquelle Balzac excelle dans la Comédie humaine. Une telle science permet de cerner les nuances infimes et à peine perceptibles qui ont désormais remplacé les signes sociaux distinctifs, de façon à découvrir des vérités cachées ou des mensonges dissimulés. Cela dit, tout le roman s’attache à montrer combien il est facile de se tromper dans l’interprétation sociale et le déchiffrement urbanistique (les deux étant intimement liés). Les conséquences peuvent alors s’avérer tragiques. Ferragus nous fait ainsi assister à une scène de déduction trompeuse que l’on peut considérer comme paradigme même de l’influence mensongère qu’exercent la physionomie urbaine et le désir de l’homme sur la perception : lors d’une course dans Paris, Auguste de Maulincour, jeune homme bien comme il faut, croise par hasard les pas de Claire Desmarets, la femme mariée et vertueuse dont il est secrètement amoureux, et cela dans la rue Soly, une des rues les plus mal famées de Paris : « Il connaissait Paris ; et sa perspicacité ne lui permettait pas d’ignorer tout ce qu’il y avait d’infamie possible pour une femme élégante, riche, jeune et jolie, à se promener là, d’un pied criminellement furtif. Elle, dans cette crotte, à cette heure 9 ! ». Ce paragraphe, tout comme les pages qui le précèdent et le suivent, repose sur une mise en scène subtile. Car le narrateur ne cesse de cautionner et la réaction du jeune homme (le choc, suite à la rencontre d’une femme de bonne réputation dans un endroit déshonorant), et sa raison (l’effet contagieux de la rue). Non seulement, le point de vue du paragraphe en

à l’Histoire des Treize, dont la puissance naturellement acquise peut seule expliquer certains ressorts en apparence surnaturels » (Honoré de Balzac, Histoire des Treize, éd. par Pierre-Georges Castex, Paris, Garnier, 1966, p. 12). Mais cette explication narrative de l’ambiance énigmatique qui règne dans le roman ne parvient aucunement à neutraliser la sensation étrange et inquiétante qui surgit à sa lecture. 6 Honoré de Balzac, La Comédie humaine, t. I, éd. par Pierre-Georges Castex, Paris, Gallimard (coll. « Bibliothèque de la Pléiade »), 1976, p. 11. 7 Honoré de Balzac, La Comédie humaine, t. V, éd. par Pierre-Georges Castex, Paris, Gallimard (coll. « Bibliothèque de la Pléiade »), 1977, p. 795. 8 Jacques Neefs, « L’épreuve littéraire de la ville », Temps Libre. Crise de l’urbain. Futur de la ville, n° 11, 1985, p. 100. 9 Balzac, La Comédie humaine, t. V, p. 796-97. 52 CHRISTINE SCHMIDER question est clairement attribuable au narrateur jusqu’au moment où l’exclamation introduit la voix du protagoniste, mais de plus, avant même de nous montrer la scène de rencontre néfaste, le narrateur prépare le terrain : « Il est des rues, ou des fins de rue, il est certaines maisons, inconnues pour la plupart aux personnes du grand monde, dans lesquelles une femme appartenant à ce monde ne saurait aller sans faire penser d’elle les choses les plus cruellement blessantes 10. » Au cas où nous, lecteurs innocents et pudiques, n’aurions pas encore compris de quoi il était question, le narrateur précise : Si cette femme est riche, si elle a voiture, si elle se trouve à pied ou déguisée, en quelques-uns de ces défilés du pays parisien, elle y compromet sa réputation d’honnête femme. Mais si, par hasard, elle y est venue à neuf heures du soir, les conjectures qu’un observateur peut se permettre deviennent épouvantables par leurs conséquences 11. Comment alors ne pas comprendre la réaction du jeune héros, après une telle introduction de la part du narrateur ? Comment ne pas partager son indignation et, avec un peu d’empathie, même son orgueil blessé d’amoureux qui a renoncé, là où d’autres, apparemment, avaient moins de scrupules ? Le lecteur est d’autant plus prêt à adopter le regard du jeune homme, que tout suggère qu’il dispose bel et bien de ce regard délicat et perspicace qui permet de saisir l’espace urbain et social et les femmes qui le fréquentent. Le narrateur nous en donne même un exemple : « La lueur vacillante que projetait le vitrage d’une boutique de cordonnier illumina soudain, précisément la chute des reins, la taille de la femme qui se trouvait devant le jeune homme. Ah ! certes, elle seule était ainsi cambrée ! Elle seule avait le secret de cette chaste démarche qui met innocemment en relief les beautés des formes les plus attrayantes 12 ». Malgré la tournure fantasmatique que prend l’observation de Maulincour, il a effectivement, aux yeux du lecteur, livré une preuve de son œil sagace, capable de reconnaître la silhouette de la femme qu’il désire. En laissant le lecteur partager l’interprétation de Maulincour, soigneusement préparée et rendue encore plus convaincante par la réflexion du narrateur sur la physionomie des rues, Balzac fait de nous un complice du drame qui se déroulera. Car loin de retrouver quelque vil amant dans un lieu mal famé, Mme Desmarets ne fait que rendre une visite inspirée par l’amour filial à son père, Ferragus, ancien forçat échappé du bagne. Balzac prouve au lecteur que lui aussi se serait trompé, que lui aussi aurait été dupe d’une lecture hâtive et erronée et surtout, que lui aussi a besoin du narrateur comme guide et interprète. Car c’est bien de cela qu’il s’agit : démontrer au lecteur que l’écrivain seul détient les clés du mystère que forment Paris et le récit qui y prend place, que lui seul sait reconnaître la vérité, là où le lecteur ne voit que mensonge. Par ce geste narratif suprême, Balzac se situe pleinement dans la tradition des tableaux urbains et reprend à son compte la posture que L. S. Mercier y avait

10 Ibid., p. 795. Cf. Gérard Genette et ce qu’il appelle « le démon explicatif » chez Balzac (« Vraisemblance et motivation », in Gérard Genette, Figures II, Paris, Seuil (coll. « Points »), 1979, p. 79). Cette posture narrative qui imprime sa marque à Ferragus n’est pas limitée au traitement de Paris dans les fictions balzaciennes (nous remercions Hélène Barrière pour ses précieuses remarques sur la poétique balzacienne). 11 Ibid., p. 795-96. 12 Ibid., p. 798. ÉCRITURE DE LA VILLE ET POÉTIQUE DU MENSONGE 53 adoptée. Le début du roman ne décline pas seulement la devise du flâneur, ce « j’y suis allé pour vous 13 » que fait valoir Mercier quand il s’aventure dans les bas-fonds de Paris, mais s’attache surtout à montrer au lecteur que même s’il avait osé mettre les pieds dans une rue pareille, il aurait été incapable d’interpréter correctement la scène. En mettant en scène un « vaste appareil d’interprétation des singularités 14 », Balzac signifie au lecteur que la tâche qui incombe au flâneur ne se résume plus à côtoyer les lieux de mystères et de dangers à la place du lecteur, mais consiste bel et bien à les déchiffrer et à les expliquer aux non-initiés. Dès lors, la réflexion sur la nature trompeuse de Paris prend tout son sens. Il se rencontre dans Paris des effets de nuits singuliers, bizarres, inconcevables. Ceux- là seulement qui se sont amusés à les observer savent combien la femme y devient fantastique à la brune [...] ; enfin les clartés incertaines d’une boutique ou d’un réverbère donnent à l’inconnue un éclat fugitif, presque toujours trompeur, qui réveille, allume l’imagination et la lance au-delà du vrai. Les sens s’émeuvent alors, tout se colore et s’anime ; la femme prend un aspect tout nouveau ; son corps s’embellit ; par moments ce n’est plus une femme, c’est un démon, un feu follet qui vous entraîne par un ardent magnétisme 15. Situé juste avant la rencontre rue Soly, ce passage fait figure d’avertissement quant au danger d’une perception erronée sous l’influence fallacieuse de la ville et, bien sûr, de la femme et de son désir pour elle. L’évocation du Paris nocturne est empreinte d’une atmosphère mystérieuse où toute vision est sujette à confusion, où toute apparition est trompeuse et potentiellement mensongère. Dans la plus pure tradition de la littérature fantastique, la femme apparaît, suite à la nature mystérieuse de la ville, sous les traits d’un démon qui charme et entraîne l’aventurier urbain. L’énigme de Paris et celle de la femme se confondent et le narrateur s’apprête à les résoudre pour nous. La clairvoyance affichée du narrateur qui perce les secrets de la ville et du sexe, assimilant par cela la physionomie urbaine à un corps de femme à explorer, caractérise la représentation de Paris dans Ferragus, mais aussi dans toute l’œuvre balzacienne. La Comédie humaine procède à une appropriation de l’espace urbain par le récit, et s’avère une formidable entreprise de contrôle narratif et symbolique et de rétablissement de la vérité 16. En cela, elle participe à un discours

13 Louis Sébastien Mercier, « Cabaret borgnes », in Le Tableau de Paris, t. I, éd par Jean-Claude Bonnet, Paris, Mercure de France, 1994, p. 179. 14 Neefs, « L’épreuve littéraire de la ville », p. 100. 15 Balzac, La Comédie Humaine, t. V, p. 797. 16 La lecture balzacienne de la physionomie urbaine et le regard perspicace du narrateur qui sait reconnaître la physiologie des passants se situent dans la continuité du genre des physiologies, en vogue pendant les années quarante du xixe siècle. Walter Benjamin a souligné le rôle sécurisant et pédagogique dévolu à ces textes qui réagissent à la nature inquiétante de la grande ville (Walter Benjamin, « Le Paris du Second Empire chez Baudelaire », in Charles Baudelaire. Un poète lyrique à l’apogée du capitalisme, Paris, Payot, 1979, p. 57-63.) Celle-ci devenant de plus en plus menaçante, les lecteurs ont besoin d’être rassurés par une représentation simple et reconnaissable des types urbains. Or, l’émergence du roman policier montre que le potentiel menaçant de la ville ne pouvait plus être contenu dans des esquisses de caractères facilement identifiables. La diversité urbaine demande désormais une véritable enquête policière, menée par un flâneur qui se fait détective. Physiologies et roman policier, malgré leur approche diamétralement opposée, témoignent de la même nécessité de prendre acte de la complexification de l’espace urbain. La Comédie humaine se nourrit des deux traditions et, de façon presque perverse, pousse 54 CHRISTINE SCHMIDER littéraire qui affirme sa maîtrise sur le paysage de la ville par un regard qui accède à la connaissance et perce le mensonge.

II

Dans notre deuxième partie sur l’écriture de la ville chez Flaubert, nous allons étudier comment l’auteur de L’Éducation sentimentale pratique une poétique urbaine qui, tout en reprenant un certain nombre de motifs et de figures narratives propres à ce genre, met en relief l’illisibilité croissante de la texture urbaine, de façon à faire de la ville un lieu de tromperie et de mensonge par excellence. Qu’est-ce qui nourrit la nature foncièrement mensongère de la ville ? Quels procédés narratifs ou symboliques font que Paris devient le lieu suprême du mensonge dans l’œuvre flaubertienne ? Voilà les questions que nous allons aborder en suivant Frédéric Moreau dans ses pérégrinations dans la ville lumière. À la lecture de L’Éducation sentimentale, on constate aisément que la vision unifiée qui caractérisait la représentation de Paris dans les écrits de Balzac ou de Hugo et qui, in fine, aboutissait à une vérité sociale, politique ou imaginaire se fissure. Le narrateur flaubertien dédaigne le regard surplombant et auctorial qui pourrait produire une vision d’ensemble significative. Flaubert se refuse à déchiffrer la texture urbaine à la place de son protagoniste ou à donner des indications qui permettraient aux lecteurs et aux personnages de sortir du labyrinthe de la ville, de faire la distinction entre vérité ou mensonge. La capitale paraît alors plus difficilement cernable que dans les enquêtes urbaines mises en scène par Balzac. Car, grâce aux connaissances supérieures du narrateur balzacien, les énigmes citadines et urbaines de la Comédie humaine finissent toujours par être résolues, de façon à souligner la maîtrise narrative de l’écrivain. Par rapport au fonctionnement d’auteurs comme Balzac, l’autorité symbolique que Flaubert exerce sur le texte urbain et le texte romanesque se déplace. Ce n’est plus dans l’acte de déchiffrement que la maîtrise de l’écrivain s’affirme, mais dans la représentation accomplie de l’illisibilité urbaine et de la ville comme mensonge. Le procédé le plus important qui contribue à faire de la physionomie urbaine une topographie trompeuse et mensongère, réside dans la narrativisation spatiale des désirs et des sentiments des protagonistes. La ville ne signifie plus une vérité, mais change en fonction des états d’âme du protagoniste. Ainsi, dans L’Éducation sentimentale, Paris matérialise les espoirs de Frédéric Moreau, elle donne corps à son ennui et elle scénarise ses trahisons subies et commises. Cette contamination de l’espace par les émotions du personnage principal, sa représentation par le filtre de ses perceptions font de la ville une topographie du désir. La ville est mensonge car elle est un lieu de désir. Ou, autrement dit, l’inscription du désir dans la ville fait de l’espace urbain un texte foncièrement mensonger, car, bien entendu, pour Flaubert, le désir relève au mieux de l’illusion, mais la plupart du temps tout simplement du mensonge. Dans Madame Bovary, cette inscription d’un désir fallacieux dans une topographie qui ne

à l’extrême l’aspect opaque de la ville que seul son narrateur sait éclaircir. ÉCRITURE DE LA VILLE ET POÉTIQUE DU MENSONGE 55 l’est pas moins se cristallise d’abord dans l’achat du plan de la ville, permettant à Emma de s’évader de sa morne vie provinciale vers Paris, incarnation ultime de cette « attirante fantasmagorie des réalités sentimentales 17 » qu’elle désire si ardemment et qui finira par lui faire perdre réputation, économies et même la vie. Elle s’acheta un plan de Paris, et, du bout de son doigt, sur la carte, elle faisait des courses dans la capitale. Elle remontait les boulevards, s’arrêtant à chaque angle, entre les lignes des rues, devant les carrés blancs qui figurent les maisons. Les yeux fatigués à la fin, elle fermait ses paupières, et elle voyait dans les ténèbres se tordre au vent des becs à gaz, avec des marche-pieds de calèches, qui se déployaient à grand fracas devant le péristyle des théâtres 18. Illustrant la puissance de projection et la qualité fantasmagorique des plans de ville dont « la force invisible n’est pas […] moins importante que la vie propre à l’agencement de la ville 19 » comme le souligne Walter Benjamin dans Le Livre des Passages, ce paragraphe met en évidence le pouvoir hypnotique et érotique qui émane du nom de la ville et de ses rues et qu’Emma subit à maintes reprises : « Comment était ce Paris ? Quel nom démesuré ! Elle se le répétait à demi-voix, pour se faire plaisir ; il sonnait à ses oreilles comme un bourdon de cathédrale, il flamboyait à ses yeux jusque sur l’étiquette de ses pots de pommade 20. » La sensualité du nom de la ville conjure des images de rencontres galantes et des jouissances urbaines que les prés normands et le mari rustre d’Emma ne peuvent lui promettre. Il n’est donc pas étonnant que la seule évocation du nom de la ville suffise à faire perdre la tête et le sens du devoir conjugal à Emma. Car nous trouvons, dans Madame Bovary, la scène matricielle qui met en scène la fonction et la symbolique mensongère de la ville dans l’œuvre flaubertien. Il s’agit de la rencontre fatidique entre Emma et Léon à Rouen, qui à la simple évocation du nom de la capitale amène l’héroïne du roman au passage à l’acte adultère et Flaubert au tribunal pour « outrage à la morale publique et religieuse et aux bonnes mœurs 21 ». Emma et Léon, après s’être tourné autour depuis un certain temps et avoir épuisé les plaisirs platoniques des échanges spirituels sur la poésie, le chant lyrique, les sentiments héroïques et les amours chevaleresques,

17 Gustave Flaubert, Madame Bovary, éd. par Claudine Gothot-mersch, Paris, Bordas, 1990, p. 42. 18 Ibid., p. 59. 19 Walter Benjamin, Paris, Capitale du XIX e siècle, Le Livre des Passages, Paris, Les Éditions du Cerf, 1993, p. 533. Une analyse du rôle fantasmagorique de la ville chez Benjamin, intimement lié à la figure du flâneur qui se fait chiffonnier de l’histoire, dépasserait le cadre ce cet article. Cf., à ce propos, Walter Benjamin et Paris, éd. par Heinz Wismann, Paris, Les Éditions du Cerf, 1983 ; Christine Schmider (en collaboration avec Michael Werner), « Das Baudelaire-Buch », in Benjamin Handbuch. Leben – Werk – Wirkung, éd. par Burkhardt Lindner, Stuttgart, Metzler, 2006, p. 569-584 ; Susan Buck- morss, The Dialectics of Seeing. Walter Benjamin and the Arcades Project, Cambridge Mass./ Londres, The MIT Press, 1995 ; Michael Opitz, « Lesen und Flanieren. Über das Lesen von Städten, vom Flanieren der Bücher », in Aber ein Sturm weht vom Paradies her. Texte zu Walter Benjamin, Leipzig, Reclam, 1992 ; Rainer Rochlitz, « La ville de Paris, forme symbolique », Revue d’esthétique, hors série Walter Benjamin, Paris, Éditions Jean-Michel Place, 1990 ; Heiner Weidmann, Flanerie, Sammlung, Spiel. Die Erinnerung des 19. Jahrhunderts bei Walter Benjamin, München, Fink, 1992. 20 Flaubert, Madame Bovary, p. 59. 21 Gustave Flaubert, Œuvres, t. I, éd. par René Dumesnil et Albert Thibaudet, Paris, Gallimard (coll. « Bibliothèque de la Pléiade »), 1951. Voir l’appendice : « Réquisitoire ». 56 CHRISTINE SCHMIDER se trouvent à Rouen devant la cathédrale, pour un rendez-vous qui doit, pour Emma ayant apporté une lettre de rupture, mettre un terme à leur relation et dont Léon au contraire espère qu’il lui permettra enfin de conclure. À la fin d’une interminable visite de la cathédrale conduite par un guide zélé, Léon, n’en pouvant plus de voir différer le plaisir promis, parvient enfin à héler un fiacre. Pourtant, Emma, tout à son rôle de chaste épouse, résiste : « Ah ! Léon !... Vraiment… je ne sais… si je dois… ! Elle minaudait. Puis, d’un air sérieux : C’est très inconvenant, savez-vous 22 ? ». Finalement, ce n’est ni le charme du jeune homme, ni l’amour qu’elle lui porte ou la promesse d’une gratification sexuelle incomparable à celle que le pauvre bougre Charles peut lui garantir qui lui font franchir le pas. C’est la réponse de Léon, qui avance l’argument imparable : « En quoi ? répliqua le clerc. Cela se fait à Paris 23 ! ». Il est évident que l’on ne peut rien opposer à pareil raisonnement. Emma succombe à la tentation et monte dans le fiacre qui arrive opportunément.

III

Paris comme lieu ultime de la trahison, du mensonge et de la tromperie, c’est aussi ce qui nous est donné à voir dans L’Éducation sentimentale, à travers les yeux d’un protagoniste qui y projette ses rêves, ses fantasmes et ses désirs. La ville y devient ainsi un espace hautement fantasmagorique. Faisant miroiter des promesses sentimentales et politiques à Frédéric et à sa génération, la capitale déçoit pourtant les espoirs qu’elle engendre, et s’avère un lieu d’illusion. Peuplé de figures trompeuses qui cristallisent les rêves collectifs et alimentent une économie du désir, le Paris de Flaubert se présente comme un monde marchand, illusoire et ambigu, propre à nourrir les mensonges du jeune héros et à le tromper à son tour. Frédéric Moreau, en proie au même sentimentalisme éculé qu’Emma, n’a pas beaucoup de convictions. Or, il y a bien une chose dont il est certain, tout comme Emma, c’est qu’« il n’existait au monde qu’un seul endroit pour […] faire valoir [les secrètes opulences de sa nature] : Paris ! car, dans ses idées, l’art, la science et l’amour […] dépendaient exclusivement de la capitale 24 ». Seulement, tout au long du roman, cette promesse qu’incarne la ville ne cesse de se dérober. L’art, la science et l’amour fuient le héros qui s’avère totalement incapable de déchiffrer la physionomie urbaine, de sonder sa stratification sociale, de saisir le moindre indice qui lui permettrait de maîtriser la ville et de satisfaire ses ambitions et ses désirs. C’est comme si la ville, personnage maléfique et trompeur, se moquait de lui, s’efforçait de l’induire en erreur, le faisait tourner en rond pour finir par le perdre. « Dramatisé comme espace labyrinthique de recherches, de conflits, de pertes, de rencontres 25 », l’univers de la capitale possède un caractère dédaléen qui structure

22 Flaubert, Madame Bovary, p. 249. 23 Ibid. 24 Gustave Flaubert, L’Éducation sentimentale, éd. par Claudine Gothot-mersch, Paris, Flammarion, 1985, p. 144-145. 25 Jacques Neefs, « Description de l’espace et espaces de socialité », Histoire et langage dans L’Éducation sentimentale de Flaubert, Paris, Société des Études romantiques, C.D.U.-SEDES, 1981, p. 116. ÉCRITURE DE LA VILLE ET POÉTIQUE DU MENSONGE 57 l’intrigue romanesque. La figure du labyrinthe qui, chez Balzac encore, fonctionnait comme vecteur d’une initiation reposant sur une quête et permettant au jeune héros comme Rastignac d’accomplir son utopie personnelle, se transforme, dans L’Éducation sentimentale, en figure de l’immanence et de la répétition. En rythmant le roman par une multitude de scènes qui se font écho, comme les courses fiévreuses de Frédéric dans la ville nocturne ou ses balades au bras de différentes femmes, Flaubert agence l’espace citadin comme une suite de répétitions et de variantes, de façon à véhiculer l’intrigue qui, en fait, n’avance pas. Les confrontations imprévues entre les femmes-rivales 26, les innombrables rencontres fortuites dans les rues, les apparitions gênantes de l’ami de Frédéric, Deslauriers, qui rappelle les promesses d’argent non tenues et les nombreux rendez-vous manqués, scénarisent le texte urbain et déçoivent les espoirs du personnage qui se retrouve toujours au même endroit, malgré les efforts désespérés pour atteindre son but. Paris est narrativisé comme un lieu de la tromperie où la promesse d’un événement n’est qu’illusion, où les rues ne sont que des impasses et le désir de la femme aimée devient mensonge. La ville égare et trompe, elle « contrecarre [...] les ambitions des personnages et tisse d’imperceptibles ironies 27 », comme quand elle fait échouer la déclaration d’amour de Frédéric : « L’occasion était bonne, le temps pressait. Il se donna jusqu’à la rue de Richelieu pour déclarer son amour. Mais, presque aussitôt, devant un magasin de porcelaine, elle s’arrêta net, en lui disant : Nous y sommes, je vous remercie! À jeudi, n’est-ce pas, comme d’habitude 28. » La ville devient aussi, dans L’Éducation sentimentale un lieu de substitution, voire de prostitution 29. Le contraste entre les endroits toujours identiques et l’échange continuel des femmes accentue l’ambiance de promiscuité et de mensonge qui règne dans Paris : Quelques fois, il se réveillait le cœur plein d’espérance, s’habillait soigneusement comme pour un rendez-vous, et il faisait dans Paris des courses interminables. À chaque femme qui marchait devant lui, ou qui s’avançait à sa rencontre, il se disait : La voilà : C’était chaque fois une déception nouvelle. L’idée de Mme Arnoux fortifiait ses convoitises. Il la trouverait peut-être sur son chemin 30. Or, les chemins dans Paris ne font venir, vers lui, que d’autres femmes lui faisant miroiter l’image de Marie Arnoux et suscitant un désir polymorphe et mobile : « Les prostituées qu’il rencontrait aux feux du gaz, les cantatrices poussant leurs roulades, les écuyères sur leurs chevaux au galop, les bourgeoises à pied, les grisettes à leur fenêtre, toutes les femmes lui rappelaient celle-là, par des similitudes ou par des

26 Par exemple à l’hippodrome lorsque Frédéric, fort gêné car accompagné par Rosanette, rencontre Mme Arnoux et les Dambreuse (Flaubert, L’Éducation sentimentale, p. 269-270.), ou chez Mme Arnoux quand Rosanette interrompt les déclarations mutuelles (ibid., p. 434), ou encore à la saisie du mobilier des Arnoux qui donne lieu à une confrontation entre Marie Arnoux et Mme Dambreuse (ibid., p. 495). 27 Michael Wetherill, « Paris dans L’Éducation sentimentale », in Marie-Claire Bancquart, Flaubert, la femme, la ville, Paris, Presses Universitaires de France, 1980, p. 132. 28 Flaubert, L’Éducation sentimentale, p. 119. 29 Cf. Marie-Claire Bancquart, « L’espace urbain de L’Éducation sentimentale : intérieurs- extérieurs », in Bancquart, Flaubert, la femme, la ville, p. 148-151. 30 Flaubert, L’Éducation sentimentale, p. 73. 58 CHRISTINE SCHMIDER contrastes violents 31. » La nature unique de celle qui faisait « le point lumineux 32 » de son existence se perd au profit d’une multiplication illimitée et vénale, contaminant l’idéal amoureux qui sous l’influence pernicieuse de la ville se dégrade pour devenir mensonge. Ainsi, au retour de son exil forcé à Nogent, Frédéric retrouve Paris plein d’espoir et d’un esprit conquérant. Ayant hérité la fortune de son oncle qui jusque-là refusait de le soutenir, il retourne à Paris pour enfin y faire carrière, briller en société et séduire la femme de son rival Arnoux : « Frédéric alla de l’estaminet chez Arnoux comme soulevé par un vent tiède et avec l’aisance extraordinaire que l’on éprouve dans les songes 33. » Cependant, l’élan que Frédéric ressent à l’idée de retrouver la femme aimée n’est pas fait pour durer. Ayant enfin retrouvé sa bien aimée qui entretemps a déménagé, il subit une déception cruelle : Frédéric s’était attendu à des spasmes de joie ; – mais les passions s’étiolent quand on les dépayse, et, ne retrouvant plus Mme Arnoux dans le milieu où il l’avait connue, elle lui semblait avoir perdu quelque chose, porter confusément comme une dégradation, enfin n’être pas la même. Le calme de son cœur le stupéfiait 34. Une fois de plus, la satisfaction du désir échoue sous l’impulsion de la ville qui dérobe l’objet désiré, le déplace en son sein, de façon à modifier le scénario fantasmé de Frédéric. À l’évidence, notre héros ne parvient pas à atteindre ses buts, que ce soit dans le domaine de l’amour, de la carrière artistique ou autre, ou dans la conquête du pouvoir. À mille lieues d’un Rastignac, Frédéric peine à agir, à saisir les occasions et à lire les signes qui lui permettraient de distinguer le vrai du faux, de repérer le mensonge et de se placer comme il le faut au cœur d’une physionomie urbaine indéchiffrable. Flaubert multiplie d’ailleurs les allusions explicites ou implicites aux codes balzaciens du roman et aux scènes archétypales de la vie parisienne que l’on y trouve. Ainsi, la scène de l’enterrement du banquier Dambreuse sur les hauteurs du cimetière Lachaise ou les innombrables scènes qui nous montrent Frédéric en train de contempler la ville du haut de son balcon, repérant l’endroit ou habite la femme aimée, parodient le fameux « à nous deux, Paris » de Rastignac dans le Père Goriot. Ces tableaux panoramiques construisent une vision de la capitale où la conquête de la ville et de la femme se superposent, mais qui joue avec l’intertexte balzacien pour mieux le déconstruire 35. La maitrise de la topographie du désir que représente Paris, ce geste balzacien par excellence, est irréalisable pour Frédéric et cela pour deux raisons : Frédéric n’a ni le courage nécessaire pour s’approprier la ville, ni la perspicacité qui permet aux héros balzaciens de lire les signes

31 Ibid., p. 119. 32 Ibid., p. 55. 33 Ibid., p. 162. 34 Ibid., p. 163. 35 En ce qui concerne les rapports d’intertextualités et d’influences entre Balzac et Flaubert, voir aussi : Graham Falconer, « Le travail de débalzaciénisation dans la rédaction de Madame Bovary », in Gustave Flaubert 3. Lettres Modernes, Paris, Minard, 1988, p. 123-156 ; Guy Sagnes, « De Balzac à Flaubert : l’enfance de Deslauriers d’après le manuscrit de L’Éducation sentimentale », Littératures, n° 2, automne 1989, p. 17-27 ; Alain Vailliant, « Conversation sous influence – Balzac, Baudelaire, Flaubert, Mallarmé », Romantisme, Influence, n° 98, 1997, p. 97-110. ÉCRITURE DE LA VILLE ET POÉTIQUE DU MENSONGE 59 distinctifs de la vie sociale dans la capitale et de s’imposer au milieu des mensonges. Le meilleur exemple en est le projet de séduction avorté qui le fait tourner autour de Mme Dambreuse, la richissime femme du banquier. Le scénario, tout en imposture et mensonge, est on ne peut plus balzacien : lassé par les tentatives vaines de séduire Mme Arnoux dont la chasteté niaise lui résiste depuis des années et ennuyé par le ménage avec l’appétissante mais vulgaire cocotte Rosanette, Frédéric se donne un défi tout balzacien – la conquête de Mme Dambreuse dont le mari possède « deux coffres monstrueux, dressés dans les encoignures. [Frédéric] se demandait combien de millions pouvaient y tenir 36 ». Il va de soi que la promesse de cette richesse immense donne un attrait particulier à la femme du banquier et fait mieux passer son physique sec et sa nature revêche, au moins jusqu’au dénouement tragique. Car dès le début, Frédéric se leurre sur toute la ligne et s’empêtre dans le tissu de tromperies et de manipulations que forme le triangle amoureux. Ainsi, son amour pour la femme du banquier se nourrit de la richesse qu’elle lui fait miroiter et du dépit qu’il éprouve par rapport à la poursuite infructueuse de Mme Arnoux. Mme Dambreuse quant à elle veut prendre du bon temps, mais surtout punir son mari de lui avoir imposé, dans leur foyer, la présence de sa fille illégitime. Et le banquier lui-même ne fait semblant d’accepter les escapades de sa femme que pour mieux mûrir sa vengeance et la déshériter à sa mort. Frédéric, dupe de tous les mensonges, se retrouve finalement devant des coffres vides : ceux du banquier ne contiennent pas le testament qui aurait fait de lui un homme enfin riche, et la femme qui aurait dû le combler dans ses ambitions sociales et le faire accéder à la haute société se montre, une fois désargentée, sous son vrai jour – vaine et superficielle. Dans l’une des rares interventions directes du narrateur, celui-ci commente alors : « les cœurs des femmes sont comme ces petits meubles à secret, pleins de tiroirs emboîtés les uns dans les autres ; on se donne du mal, on se casse les ongles, et on trouve au fond quelques fleurs desséchées, des brins de poussières – ou le vide 37 ! » Loin du héros balzacien qui manipule habilement les mensonges pour s’en servir dans sa quête du pouvoir, le protagoniste flaubertien n’arrive jamais à les percer et en finit toujours victime, sans que nous, lecteurs, ne compatissions. Car Frédéric n’est pas seulement dupe de tous les mensonges, il est surtout terriblement faible et lâche, à l’opposé du jeune héros conquérant auquel La Comédie humaine nous a habitués.

IV

Nous aimerions, pour conclure, présenter quelques éléments de réflexion sur cette rupture saisissante que nous constatons entre Balzac et Flaubert. On peut s’interroger sur les raisons historiques, épistémologiques et aussi générationnelles qui font que vers la deuxième moitié du xixe siècle, la ville perd sa fonction symbolique de représentation d’une vérité (politique, personnelle ou utopique) pour devenir une figure du mensonge et de l’illusion, peuplée de héros pitoyables. Quel rôle joue par

36 Ibid., p. 214. 37 Ibid., p. 468. 60 CHRISTINE SCHMIDER exemple la désillusion politique engendrée par l’issue de la révolution de 1848 dans la perception de la ville comme vecteur de trahison et de mensonge ? Et en quoi la réécriture urbaine par Haussmann expliquerait-elle que la topographie urbaine se transforme en texte trompeur ? Commençons par le rôle de l’haussmannisation de la ville. À ce propos, il faut rappeler que L’Éducation sentimentale se situe avant les grands aménagements par Haussmann et évoque donc une ville qui par la suite a connu des transformations et des destructions importantes. L’auteur du roman fait surgir une vision d’un Paris disparu, la conjuration d’une ville-fantôme qui n’est plus, une fantasmagorie d’une époque révolue. Le phénomène de l’haussmannisation n’est guère anecdotique. La réécriture du texte urbain constitue une figure imaginaire, sociale et narrative dont l’impact peut difficilement être surestimé. Comme l’affirme Marie-Claire Banquart, « l’espace parisien de L’Éducation sentimentale se présente d’emblée comme un espace romanesque, mettant en jeu les puissances de l’imaginaire, parce que le lecteur de 1869 le ressent à la fois comme connu et comme disparu 38 ». Sans effacer complètement le passé, les transformations urbaines du préfet créent un sentiment de dislocation et d’anéantissement important. L’haussmannisation de la capitale terrasse littéralement l’image de la ville éternelle, et la modernisation urbanistique et sociale que les Parisiens ressentent à tous les niveaux remet en question la vision urbaine vibrante et totalisante que nous rencontrons dans les textes de Balzac ou d’Hugo. Quant au rôle de la révolution de 1848, on peut s’interroger sur le positionnement politique de l’auteur de L’Éducation sentimentale. Dans l’histoire littéraire, l’image du rentier machiste et réactionnaire colle à la peau d’un Flaubert qui, il faut le dire, a abondamment donné matière dans sa correspondance et dans ses brouillons à la nourrir. La critique acerbe de la bêtise humaine dans laquelle Flaubert excelle prend fréquemment pour cible les idéologies révolutionnaires et leur promesse d’égalité. Persuadé du fait qu’égalité veut surtout dire égalité dans la bêtise, Flaubert ne saurait être considéré comme parangon d’une littérature classiquement engagée. Au grand dam par exemple d’un critique comme Lukács qui, tout en critiquant violemment la prétendue position politique de l’auteur, n’a pu s’empêcher, presque contre son gré, de nous laisser, dans La Théorie du roman, une des plus belles descriptions de la prose flaubertienne 39. Mais la posture politique flaubertienne qui s’appuie sur la haine de la masse, qui n’est pas la même chose que le mépris du peuple, prend son origine dans ce qui a été pour la génération de Flaubert un des plus grands traumatismes politiques et humains, la révolution de 1848. Celle-ci a vu la Province contester le rôle de guide spirituel revendiqué par Paris, et échouer le rêve révolutionnaire en raison de la trahison du peuple par la bourgeoisie et de l’opportunisme des nantis. L’échec de la révolution, l’étalage généralisé de la bêtise, de la haine et du mensonge politique hanteront Flaubert et fourniront matière à quasiment tous ses romans et à

38 Banquart, « L’espace urbain de L’Éducation sentimentale », p. 143. Deux remarques de la part du narrateur évoquent la distance qui sépare le lecteur contemporain de l’époque pré-Haussmanienne. L’une est le commentaire sur l’intérieur de Rosanette (« ces élégances, qui seraient aujourd’hui des misères pour les pareils de Rosanette ») et l’autre la réflexion sur « le public des courses, plus spécial dans ce temps- là ». (Flaubert, L’Éducation sentimentale, p. 172 et p. 266.) 39 Georg LukÁcs, La Théorie du roman, Paris, Éditions Denoël, 1968, p. 125. ÉCRITURE DE LA VILLE ET POÉTIQUE DU MENSONGE 61 la caractérisation de ses protagonistes. À travers le personnage de Frédéric, anti- héros aussi verbeux que velléitaire, il met en évidence le sentimentalisme de cette génération de 1848 qui, enivrée de paroles et de rêves, s’est compromise dans des mensonges politiques et sociaux et a finalement vécu une désillusion cinglante. Cette génération est à mille lieues d’un Rastignac, brûlant de s’approprier la ville et ses promesses. « Je veux faire l’histoire morale des hommes de ma génération ; “sentimentale” serait plus vrai. C’est un livre d’amour, de passion ; mais de passion telle qu’elle peut exister maintenant, c’est-à-dire inactive 40 », dit-il dans une lettre à une amie, et le roman nous apprend que « l’action, pour certains hommes, est d’autant plus impraticable que le désir est plus fort 41 ». Cette corrélation inverse entre le désir – démesuré – et la capacité d’action – inexistante – fait de Frédéric le représentant parfait d’une génération qui se perd dans l’assouvissement imaginaire de ses désirs, d’une « génération d’un romantisme attardé, dégradé, qui continue de vivre, sous Louis-Philippe, les révoltes et les rêves nés sous la Restauration ; qui verra ses réussites se retourner, et le second Empire naître de la IIe République 42 ». Dans L’Éducation sentimentale, le mensonge devient alors le moteur d’un récit qui met en scène l’avilissement de l’amour, la dégradation des idéaux politiques, la transformation de l’art en marchandise et la réduction de la langue aux clichés et aux idées reçues 43. Flaubert rejoint, avec cette vision désillusionnée, un contemporain et son diagnostic non moins sévère de l’époque. Ainsi, dans Le 18 Brumaire de Louis Bonaparte, Karl Marx dresse lui aussi un portrait cinglant de l’époque : « Passions sans vérité, vérités sans passions ; héros sans héroïsme, histoire sans événements ; développement dont la seule force motrice semble être le calendrier, fatiguant par la répétition constante des mêmes tensions et des mêmes détentes 44. » L’impossibilité de donner un sens à l’histoire, narrative et politique, d’y trouver une vérité objective est certes affligeante d’un point de vue politique. Elle a toutefois, dans L’Éducation sentimentale, donné lieu à une poétique moderne qui tire subtilement parti du retardement de l’assouvissement et où « par un remarquable et mélancolique paradoxe, l’échec devient l’origine de la valeur, la conscience [et le vécu] de ce que la vie a refusé, la source même d’où semble jaillir la plénitude de la vie 45 ». Du mensonge et de l’illusion naît une prose radicalement moderne, ou, pour citer Amédée de Cesena, dans Le Figaro du 20 novembre 1869 : « Est-ce bien un roman ? C’est peut être le roman de l’avenir, comme la musique de Wagner est la musique de l’avenir, comme la peinture de Courbet est la peinture de l’avenir 46. »

40 Gustave Flaubert, Correspondance III, éd. par Jean Bruneau, Paris, Gallimard (coll. « Bibliothèque de la Pléiade »), 1991, p. 409. Lettre à Mademoiselle Leroyer de Chantepie, 6 octobre 1864. 41 Flaubert, L’Éducation sentimentale, p. 230. 42 Claudine Gothot-mersch, « Introduction à L’Éducation sentimentale », in Flaubert, L’Éducation sentimentale, p. 16. 43 Pour une réflexion sur le statut des idées reçues dans l’œuvre de Flaubert, voir Anne Herschberg- pierrot, « Introduction » à Gustave Flaubert, Le Dictionnaire des Idées reçues et Le Catalogue des idées chic, éd. par Anne Herschberg-pierrot, Paris, Libraire Générale Française, 1997, p. 5-43. 44 Karl Marx, Le 18 Brumaire de Louis Bonaparte, Paris, Éditions Mille et une nuits, 1997, p. 53. 45 Lukács, La Théorie du roman, p. 125. 46 Amédée de Cesena, « À propos de L’Éducation sentimentale », Le Figaro, 20 novembre 1869.

Lüge und Realismus: Italo Calvinos La giornata di uno scrutatore und Louis Aragons Le mentir-vrai Heinz THOMA Martin-Luther-Universität, Halle-Wittenberg

Einleitung

Lüge und Realismus ist ein schwieriges und zugleich produktives Thema. Am einfachsten scheinen die Dinge noch zu liegen, wenn die Lüge als Thema verhandelt wird und obendrein der Rettung dient, so z. B. in Jakob der Lügner (1969) von Jurek Becker, wo der Protagonist durch die Erfindung, er besitze ein Radio und wisse so vom nahenden Vormarsch der Russen, d.h. der sowjetischen Armee, die Hoffnung der Ghettobewohner am Leben erhält. Zugleich produziert diese gut gemeinte Lüge aber Gefahren, erzeugt weitere Lügen, führt auch zu Selbstmord und Verfolgung. Schließlich belässt der Autor durch seine Erzählführung den Handlungsausgang im Blick auf das Schicksal des Protagonisten in einer quälenden Mehrdeutigkeit. Sicher ist nur die tatsächliche Ankunft der Roten Armee. Jurek Beckers Text bewegt sich temporal in der Nähe der beginnenden Revisionen und Umdeutungen des zeitgenössischen Geschichtsbilds. Zu diesen gehört die Demontage des Résistance- bzw. Resistenza-Mythos, in der scheinbar feststehende Wahrheiten zu Widerstand und Antifaschismus, oft auch mit durchsichtigen antikommunistischen Intentionen, hinterfragt werden. Begünstigend für die Absicht der symbolischen Delegitimierung der Linken waren die Enthüllungen auf dem XX. Parteitag der KPDSU, welche auch die Glaubwürdigkeit bei der Suche nach einer politischen Alternative zum kapitalistischen System erschwerten. Die Krise der marxistischen Linken betrifft hierbei nicht nur ihr politisches Erscheinungsbild, sondern auch ihr ästhetisch-politisches Programm des sozialistischen Realismus. Im französischen Zusammenhang ist Roger Garaudys auch als Selbstkritik verfasster Text D’un réalisme sans rivages (1963)1 hierfür ein sprechendes Dokument. Der führende Theoretiker des PCF, der später zum Islam übertreten wird, plädiert für eine künstlerisch-ästhetische programmatische Weite, die viele, darunter Aragon, begrüßen, manche Kritiker indes Uferlosigkeit nennen. In Frankreich existiert im literarischen Feld als Konkurrent seit 1960 OULIPO, ein avantgardistischer Schriftstellerkreis für

1 Roger Garaudy, D’un réalisme sans rivages, Paris, Plon, 1963. 64 HEINZ THOMA potentielle Literatur (Ouvroir de littérature potentielle), der vor allem auf formale Experimente setzt. Ähnliches Interesse an einer formalen Erneuerung findet sich in der italienischen Neoavanguardia und dem Gruppo 63, dem neben Umberto Eco u.a. auch der marxistische Dichter Eduardo Sanguineti (1930-2010) angehört. In diese Zeit intensiver literarischer und kultureller Debatten fallen ebenso die im Folgenden zur Erörterung stehenden Erzählungen, Italo Calvinos (1923-1985) La giornata di uno scrutatore (1963)2 und das den Titel eines Oxymorons3 tragende Fragment einer Autobiographie Le mentir-vrai (1964)4 von Louis Aragon (1897-1982). Beide haben auf je verschiedene Weise im Zentrum das Problem der Mimesis von Wirklichkeit in Verbindung mit dem Thema der Lüge bzw. des Lügens.

Der Traditionsvorlauf

Aus der Philosophie kennen wir das logische Problem, das der Kreter darstellt, der behauptet, alle Kreter seien Lügner. Derlei schützt davor, wahr und falsch allzu strikt trennen zu wollen und führt auf das Feld, wo sich beide begegnen, das der Fiktionalität. Platon hält im zweiten Buch der Politeia bekanntlich Hesiod und Homer als untauglich für die Erziehung der Wächter, da sie den Göttern unwahre Taten unterstellen und Zeus für des Guten wie auch des Schlimmen fähig halten, ihm gar trügerische Gestaltwechsel zutrauen. Diese Erfindungen der Dichter seien Lügen. Platon ist es aber auch, der befindet, dass die Seele in einem Zustande der wahren Lüge sein könne – für ihn ein abscheulicher Zustand – und dass, diskursiv gesehen, Lüge in gewissem Sinn höher einzustufen sei als die wahrheitstreue Rede. Denn der Lügner bedarf, will er zusammenhängend und widerspruchsfrei erzählen, um nicht entdeckt zu werden, eines besseren Gedächtnisses, stärkerer Vorstellungskraft und gewiss einer höheren Intelligenz und Phantasie als derjenige, der nur wahrheitsgemäß von sich gibt, was er erlebt hat. Noch Hanna Arendt wertet in Wahrheit und Politik (1963) den Lügner insofern auf, als sie ihn vom Verlogenen unterscheidet, der seine Lügen als solche nicht wahrzunehmen in der Lage ist. Jedenfalls, so Arendt, sei die Wahrheit nur beim Lügner noch zuhause. Philosophisch gesehen ist der Lügner also ein gnoseologisch interessanter Fall und als Dichter eher gefährlich. In der Literatur hat die Lüge bzw. die Auseinandersetzung mit ihr ebenfalls eine weit zurückreichende Anciennität, nicht zuletzt wegen der Verteidigungsposition gegenüber der Philosophie. Am bekanntesten ist wohl der Eintrag in Horaz’ Ars poetica, der von Homer sagt, er lüge

2 Italo Calvino, La giornata di uno scrutatore, Turin, Einaudi, 1963, im Folgenden zitiert nach Milano, Mondadori, 1994; dt. Der Tag eines Wahlhelfers, in Italo Calvino, Marcovaldo, Frankfurt a. M., S. Fischer, 1964, S. 139-206. 3 Auf der Ebene der politischen Höflichkeit findet diese rhetorische Figur ein paar Jahre später ihre Entsprechung in der Antwort Mitterands, mit der dieser 1972, nach der Verabschiedung des gemeinsamen Programms der Linken in der hochgestimmten Pariser Mutualité, Georges Marchais’ Bitte, ob man sich denn nun duzen könne, wie folgt beschied: „Si vous voulez“. 4 Louis Aragon, Le mentir-vrai, Paris, Gallimard, 1980, S. 7-47; dt. Das Wahr-Lügen, Berlin, Volk und Welt, 1980, S. 5-43. Nach diesen beiden Ausgaben wird zitiert. LÜGE UND REALISMUS: LA GIORNATA DI UNO SCRUTATORE UND LE MENTIR-VRAI 65 schön und mische wahr und falsch so voller Kunst ineinander, dass das Ganze wie aus einem Stücke scheine.5 Mimesis von Wirklichkeit ist, wo nicht eine Form der Lüge, so doch gleichsam mit ihr verschwistert, jedenfalls zumindest deren entfernte Verwandte. Dies gilt auch für die Wahrheit, wie der Begriff der Wahrscheinlichkeit in der ästhetischen Diskussion zeigt. Die Ambiguität geht in beide Richtungen. Terminologische Sicherheit sucht die Antike mit dem Begriff der fabula, sie ist im Unterschied zur historia keine wahre, und im Unterschied zum argumentum eine falsche, also erlogene bzw. erdichtete Erzählung. Im Christentum geht es elementarer zu. Nach Johannes 8, 44 ist der Teufel in Gestalt der Schlange der Vater der Lüge. Die auf die Fiktion ausgedehnte Haltung, die Literatur sei Teufels- und Blendwerk, lässt sich bis in die Polemiken gegen den Roman des 18. Jahrhunderts verfolgen. Blickt man auf die Anfänge des bürgerlichen Realismus zurück, die in das Zeitalter der Aufklärung fallen, so ist dort der Antipode der höfische-galante Roman des 17. Jahrhunderts mit seinen unzähligen und unwahrscheinlichen Handlungsführungen wie mit seinen garantierten glücklichen Ausgängen. „C’est du roman“ lautet im 18. Jahrhundert die Formel für ein unter dem Aspekt der Wahrheit und Wahrscheinlichkeit unhaltbares, erfundenes Geschehen. Im Deutschen haben wir hierfür die Wendung des Romanesken. Die Funktion des höfisch-galanten Romans war die Zerstreuung des Adels. Dagegen versucht man dann eine neue, wenn man so will, bürgerliche Erzählweise im Namen von Wahrheit und Moral. Diderot unterscheidet im poetologischen Nachtrag zur Novelle Les Deux Amis de Bourbonne (1772) drei Arten von Erzählungen: den conte merveilleux (Homer), den conte plaisant (La Fontaine) und den conte historique mit Cervantes und Marmontel. Dem conte historique, modern gesprochen, der realistischen Erzählung, gilt sein Augenmerk. Ihr Erzähler soll nach Diderot Lüge und Wahrheit gut verbinden, er muss „véridique et menteur“ sein. Hierbei darf er kein platter und kalter Lügner („menteur plat et froid“) sein, soll vielmehr interessieren, rühren, mitreißen, und wollen, dass man ihm glaubt. Wie also richtig täuschen? Der Erzähler muss seine Geschichte mit kleinen Umständen („petites circonstances“) so durchsäen („parsemer“), dass der Leser nicht umhin kann zu sagen: „Meiner Treu, das ist wahr“ („Ma foi, cela est vrai“).6 Seine eigene Erzählung gestaltet Diderot mit vielfältigen Kunstmitteln so, dass sie letztlich nur eine Lesart erlaubt. „Die Sache sagen, wie sie ist“ („dire la chose comme elle est“), heißt dann in dem gleichzeitig zur Erzählung unternommenen Roman Jacques le Fataliste et son maître aus dem Mund des Dieners die ideale, auch für die Fiktion geltende, Äußerungsweise. Während Diderot seinen Realismus gleichsam materialistisch zu begründen sucht und die Raffinesse seiner erzählerischen Konstruktion exklusiv im Dienst der Aufklärung des Lesers steht, driftet die gemeine moralische Erzählung der Aufklärung durch meist auf Rührung zielende Konfliktlösungen oft in den Kitsch ab, eine der manifestesten literarischen Formen der Lüge, die, nicht zu vergessen, gleichwohl

5 „[…] atque ita mentitur (sc. der Dichter), sic veris falsa remiscet, primo ne medium, medio ne discrepet imum.“ Epistula ad Pisones [De arte poetica], in Q. Horatius Flaccus, Briefe, Berlin, Weidmannsche Verlagsbuchhandlung, 7. Aufl., 1961, V. 151-152. 6 Denis diderot, Contes et romans, hrsg. v. Michel Delon, Paris, Gallimard (Bibliothèque de la Pléiade), 2004, S. 448 und 449. 66 HEINZ THOMA eine Sehnsucht nach Harmonie bedient.7 Die Prosafiktion des Höhenkamms der Literatur im 19. Jahrhundert behält die Frage nach der Wahrheit des Erzählten durch die Konkurrenz mit den Wissenschaften im Zentrum ihres Interesses. Balzac, so das Vorwort zur Comédie humaine, will der Linné der sozialen Klassen werden. Die Leser verbergen in ihrer Bibliothek ihren Sade hinter dem hl. Chrysostomus, frequentieren auch gern einen Autor der Scheinheiligkeit wie Octave Feuillet (1821-1890), mit dem sie ihre Selbstidealisierung pflegen. Und Lügen kommen selbstverständlich als Sachverhalt vor.8 Jedoch bleibt die Erzählhaltung am Kausalitätsmodell der Naturwissenschaften orientiert. Dies gilt nicht nur für Balzac, sondern auch für den kühl sezierenden Flaubert und den der Vererbungslehre folgenden Zola. Da Aragon sich in Das Wahr-Lügen nicht nur mit der Mimesistheorie auseinandersetzt, sondern er dies zugleich am Beispiel eines Autobiographieversuchs unternimmt, bedarf es noch eines kurzen Blicks auf eine andere Erbschaft, jene Rousseaus. Nach der langen Reihe der vergeblichen theoretischen und narrativen Versuche Rousseaus, ein transparentes gesellschaftliches Zusammenleben schlüssig zu denken, situiert er sich zum Ende seines Schaffens auf dem anderen Pol, jenem des isolierten Individuums. Nur für dieses ist Transparenz möglich, heißt es in den zwischen 1765 und 1770 verfassten Confessions. In diesen finden wir an einer der Schlüsselstellen einen Sachverhalt vermuteter Lüge. Es handelt sich um die berühmte Kammepisode, in welcher Jean-Jacques als Jugendlicher einen von der Magd gereinigten Kämme seiner Ziehmutter, die zum Trocknen ausgelegt waren, in deren Abwesenheit zerbrochen haben soll: „Man konnte mir das geforderte Geständnis nicht entreißen.“9 Und das erzählende Ich beschwört noch aus fast 50jähriger Distanz seine Unschuld. Im Nachgang zu dieser Szene verrät Rousseau, dass er gleichwohl gelegentlich ein kleiner Lügner war. Wichtiger als diese vielleicht unbewusste Selbstrelativierung ist aber, dass seine Darstellung von Anfang an denselben Anspruch auf Wahrheit erhebt wie Diderots objektivierendes Erzählkonzept. Personale Authentizität und „die Sache zu sagen, wie sie ist“, gehören beide zum Erbe der Aufklärung. Mit der Wissenschaftsorientierung scheint für die Fiktion der Weg zur Selbstproblematisierung ihrer mimetischen Konstruktionen vorerst definitiv verschlossen. Mit der Krise des wissenschaftlich verbürgten Fortschrittskonzepts um 1900 und der tradierten Raum- und Zeitvorstellungen in der Physik10 beginnt sich indes das narrative Paradigma wieder der keineswegs definitiv beantworteten Frage von Wahr und Falsch zuzuwenden. Zeit und Raum werden nun dem Subjekt

7 Vgl. Kathrin Ackermann, Von der philosophisch-moralischen Erzählung zur modernen Novelle: ‚contes‘ und ‚nouvelles‘ von 1760-1830, Frankfurt a. M., Klostermann, 2004. 8 Vgl. etwa die für das Thema der Desillusion im frühen 19. Jahrhundert typische Szene aus Alfred de Mussets Confessions d’un enfant du siècle (1836), wo man sich über dem Tisch liebevolle Blicke wirft und unter dem Tisch eine neue Beziehung anbahnt. 9 „On ne put m’arracher l’aveu qu’on exigeait.“ Jean-Jacques Rousseau, Les Confessions, Œuvres complètes, hrsg. v. Bernard Gagnebin und Marcel Raymond, Paris, Gallimard (Bibliothèque de la Pléiade), 1959, S. 19. 10 Vgl. Vf., „Krise der Fortschrittsauffassung und Strukturreflexion auf die bürgerliche Formation“, in Georg Neugebauer et al. (Hrsg.), Aufklärung um 1900. Die klassische Moderne streitet um ihre Herkunftsgeschichte, München, Fink, 2015, S. 63-82. LÜGE UND REALISMUS: LA GIORNATA DI UNO SCRUTATORE UND LE MENTIR-VRAI 67 anheim gestellt, auch die Art der Darstellung selbst ist wieder stärker Problem und Gegenstand der Reflexion. Bergsons Philosophie, Prousts Recherche und Gides Les Faux-monnayeurs (1925) sind hierfür sprechende Beispiele. Einsteins Relativitätstheorie ist nur die Spitze sich verlierender Selbstverständlichkeiten. Hierhin gehört auch der Erfinder des Metatheaters Luigi Pirandello, bei dem schon in der Prosafiktion die Marquise nicht mehr zu einer bestimmten Uhrzeit aus dem Haus zu gehen hat. Valéry, Breton und Robbe-Grille nehmen seine zum Allgemeinplatz werdende Formel auf. Die veränderte Subjektstellung und die mit ihr einhergehenden Wahrnehmungsveränderungen thematisiert ausführlich Musils erster Band von Der Mann ohne Eigenschaften (1930).11 Um 1950 setzt der Nouveau Roman schließlich zielstrebig die bisher wahrheitsverbürgenden Koordinaten von Chronologie, Kausalismus, identitätssicheren Protagonisten etc. auch für die Er-Erzählung außer Kraft. Deswegen hatte Brecht zuvor schon durchaus Recht, wenn er im Streit mit Georg Lukács eine Wiederholung des auf agonalen Individuen basierenden Realismus des 19. Jahrhunderts aus der Perspektive des Proletariats, jedenfalls für die kapitalistische Sphäre des 20. Jahrhunderts, für einen ungeeigneten narrativen Zugang hielt. Zu dieser innerlinken Debatte gehört auf andere Weise auch diejenige, die in Italien zwischen dem populistischen Neorealismus und dem sozialistischen Realismus am Beispiel des Romans Metello (1955) von Vasco Pratolini sich entzündete.

La giornata di un scrutatore

Italo Calvinos rund achtzigseitiger Text hat zum Gegenstand die Durchführung der Parlamentswahl von 1953, genauer den Wahlablauf in einer großen, von der katholischen Kirche geleiteten und kontrollierten Behindertenanstalt, dem sogenannten Cottolengo in Turin. Die Hauptperson, ein Mitglied der Kommunistischen Partei mit liberalen Überzeugungen namens Amerigo Ormea ist Wahlhelfer. Der italienische Terminus scrutatore ist, wie der an den Entdecker Vespucci erinnernde Vorname des Protagonisten, auf die Haltung der Erkundung ausgerichtet, im Unterschied zum in der Übersetzung gewählten neutraleren und im Deutschen geläufigen Terminus. Die Er-Erzählung mit stark personaler, verhalten kommentierter und korrigierender Erzählführung gehört sachlich insofern zu unserem Thema, als impostura, so der Vorwurf des Betrugs seitens der Linken am Wahlverfahren, als Synonym auch menzogna, die Lüge, mit sich führt. Zu dieser Semantik gehört ebenso die für diese Wahl von 1953 verabschiedete legge truffa, auf deutsch „Schwindelgesetz“, das vorsah, dem Wahlsieger auch bei der knappsten Mehrheit 65% der Sitze zuzugestehen. Narrativ gesehen erscheint die an der Oberfläche realistische Erzählung zunächst wie ein Rückfall gegenüber Calvinos so genanntem phantastischem Erzählen der Trilogie der Antenati aus den 1950er Jahren (die sich im Übrigen durchaus als kontinuierliche Auseinandersetzung mit der

11 Vgl. hierzu Vf., „Von der Entdeckung des Ichs zur ‚Amputation des Individuums’ – Subjektposition und Subjektkonstruktion an literarischen Beispielen“, Sitzungsberichte der Sächsischen Akademie der Wissenschaften zu Leipzig – Philologisch-Historische Klasse, Bd. 140. H. 1, Leipzig, 2007. 68 HEINZ THOMA

Weltdeutung durch die Kommunistische Partei Italiens lesen lässt). Jedoch bereits der erste Satz des Textes hält zur Vorsicht an: „Amerigo Ormea ging um halb sechs morgens aus dem Haus.“12 Der Texteingang nimmt den bereits von Pirandello als lügenhafte Illusion denunzierten Erzähleinsatz auf und verwendet auch das passato remoto, das wie das französische passé simple die Sicherheit der Weltbeherrschung durch den Erzähler als gegeben signalisiert.13 Die temporale Verschiebung um eine halbe Stunde und auf den frühen Morgen statt den späten Abend ist indes schon ein Hinweis auf eine bewusste Instrumentierung dieses Erzählbeginns und keineswegs Indiz für eine simple Restitution realistischer Verfahren. Das Problem der Wahrheit bzw. der Lüge erscheint also zuerst in der narrativen Gestalt, bevor es sich im Thema der Wahlfälschung sachlich konkretisiert. Calvino gelingt im Folgenden der Spagat zwischen einerseits einer eindrücklichen Kritik an den Wahlpraktiken und Tricks der zahlenmäßig dominierenden christdemokratischen Wahlhelfer, die das Wahlgesetz extensiv formalistisch auslegen, um die Gültigkeit der auf diese Weise abgegebenen Stimmen zu erzwingen und sich skrupellos der großen Zahl an Nonnen bedienen, die den Wasserköpfigen, Hand- und Armlosen, Dementen und Gelähmten etc. stellvertretend die Hand beim Ankreuzen führen, und andererseits einer tiefer gehenden Reflexion des Protagonisten auf die Rechte und den Gleichheitsanspruch dieser Benachteiligten, die in dieser gleichsam unsichtbaren Stadt des sogenannten Cottolengo ihr Leben fristen und ihr Auskommen finden. In dieser Welt verliert der Held angesichts der geballten Anschauung des „Elends der Natur“, wie es heißt, zwischen den Gipsmadonnen und Heiligenfiguren, angesichts derer ihm die zeitgenössische Dominanz der abstrakten Kunst erklärlich wird, zeitweilig die moralische und ästhetische Orientierung: In der Cottolengo-Welt (in unserer Welt, die „Cottolengo“ werden könnte oder es schon ist) gelang es Amerigo nicht mehr, die von ihm als richtig erkannte […] moralische oder ästhetische Linie zu verfolgen. […] Für einen einzigen Tag seines Lebens gezwungen, sich über das Ausmaß des sogenannten Elends der Natur klar zu werden […], fühlte er, wie sich zu seinen Füßen die abgründige Leere aller Dinge auftat. Ob dies der Zustand war, den man als „religiöse Krise“ bezeichnet?14 Die Welt insgesamt scheint Amerigo (oder dem Erzähler?) im Begriff, dem Cottolengo zu ähneln. Zwar versucht der historische denkende Mensch (lo storicista) in ihm, aus dieser Krise wieder herauszufinden, indem er sich die Möglichkeit besserer und zukunftsträchtiger baulicher Anlagen für Behinderte in einer besseren Gesellschaft vor Augen stellt, er wird aber letztlich eine gewisse Relativierung seiner fortschrittsgläubigen marxistischen Überzeugungen jedoch nicht mehr völlig los. Hierauf weist vor allem das Schlussbild der Erzählung am Ende des

12 Calvino, Der Tag eines Wahlhelfers, ,S. 139. „Amerigo Ormea uscì di casa alle cinque e mezzo del mattino.“ La giornata di uno scrutatore, S. 3. 13 Vgl. hierzu Roland Barthes, Le Degré zéro de l‘écriture, Paris, Éditions du Seuil, 1953. 14 Calvino, Der Tag eines Wahlhelfers, S. 171. „ Nel mondo-Cottolengo (nel nostro mondo che potrebbe diventare o già essere „Cottolongo“) Amerigo non riusciva più a seguire la linea delle sue scelte morali […] o estetiche. […] Costretto per un giorno della sua vita a tener conto di quanto è estesa quella che vien detta la miseria della natura […] sentivi aprirsi sotto ai suoi piedi la vanità del tutto. Era questa, che chiamano una ‚crisi religiosa’?“ La giornata, S. 45. LÜGE UND REALISMUS: LA GIORNATA DI UNO SCRUTATORE UND LE MENTIR-VRAI 69

Wahltags, welches eine gelungene Utopie der Gegenwärtigkeit entwirft: Unter den letzten Wählern des Tages erscheint ein Arbeiter ohne Hände, der sich mit zwei zylindrischen Stümpfen geschickt und schnell eine Zigarette anzündet und der all seine Fertigkeiten, darunter auch das Wählen und Falten des Stimmzettels sich und den Schwestern verdankt, wie er sagt. Dieser Dialog vollzieht sich in der Abendröte, während zwerg- und riesenwüchsige, lachende Frauen gemeinsam einen Karren mit Reisig voran schieben, den Hof fegen und in einem auf zwei Fahrräder montierten Kessel „vielleicht“, die Suppe transportieren: „Auch die allerletzte unter den Städten der Unvollkommenheit hat ihre Stunde der Vollkommenheit dachte der Wahlhelfer, hat die Stunde, den Augenblick, da eine jede Stadt die Stadt ist.“15 In die Darstellung des Wahltags verwoben ist die Beziehung Amerigos zu seiner Freundin, mit der er ein oberflächliches Verhältnis zu haben glaubt, die ihn am Telefon mit der Bemerkung ihrer Schwangerschaft überrascht und mit dem Hinweis, sie reise am nächsten Tag, wie am Vortag besprochen, tatsächlich zu ihrer Tante nach London (sc. vermutlich, um abzutreiben), wozu er sie ja ermutigt habe. Aus seiner Sicht hat sie ihn zu wörtlich verstanden, wie immer, wenn er etwas sage. Das Paar hat offensichtlich verschiedene Wege des Verstehens und der Mitteilung, da sie sich wenig gleichen, ohne sich indes zu belügen. Und doch findet der Protagonist im Verlauf der Telefonate des Tages, sichtlich befördert durch seine Anschauung des Cottolengo, zur Akzeptanz der prälogischen Art der Partnerin, wie er deren Charakter nennt, und ihres momentgebundenen Verhaltens, das, so kann man ex post schließen, ein Äquivalent in jenem, nur für die Dauer eines Augenblick möglichen Zustand einer perfekten Stadt zu haben scheint. Calvino, der, wie auch im Übrigen der frühe Aragon, einen patriarchalisch gefärbten Kult des Weiblichen pflegt, ist in seiner Erzählung von 1963 bereits auf dem Weg zu einer neuen Phase seiner von Beginn an anthropologisch basierten Anschauung der Welt. Die ‚Schwindel‘-Wahl im Cottolengo ist Anlass zu einem hochreflexiven Realismus zweiter Ordnung, mit dem die Forschung bisher nicht zu recht kam. Man hat indes zeigen können, dass dieser Realismus an die im Cavaliere inesistente (1959) ungelöst gebliebenen Fragen der Moral anschließt und er zugleich die Schriftstellerexistenz des 20. Jahrhunderts im Spannungsfeld von Arbeiterklasse und allgemeiner gesellschaftlicher Verantwortung vorführt. In dieser Hinsicht, wie in den unauffällig und doch sichtbar mitgeführten gnoseologischen und sozialen bzw. politischen Referenzebenen, bildet La giornata di uno scrutatore gleichsam eine Summe des bisherigen Werks des Autors.16

15 Der Tag eines Wahlhelfers, S. 207. „Anche l’ultima città dell’imperfeziona ha la sua ora perfetta, pensò lo scrutatore, l’ora, l’attimo, in cui ogni città c’è la citta.“ La giornata, S. 83. 16 Siehe die glänzende Interpretation des Textes durch Kristin Reichel, L’uomo completo, Anthropologie und Gesellschaft in Poetik und Praxis von Italo Calvino, Würzburg, Könighausen & Neumann, 2006, S. 329-423. Sie liest La Giornata im Prisma von Barthes, Hegel, Diderot, Popper, L. Goldmann und Italo Balbo als mythen- und ideologiekritischen Text und erkennt im Cottolengo auch Dantes Divina commedia wieder. 70 HEINZ THOMA

Le mentir-vrai

Auch Aragons autobiographische Erzählung steht im literaturhistorisch präzise benennbaren Kontext des Nouveau Roman wie der linken Debatten um ein epochengerechtes Schreiben.17 Zugleich fallen in die Jahre der Entstehung von Aragons Text zahlreiche autobiographische Versuche von Sartre, Simone de Beauvoir u.a. Vorauszusetzen ist, dass Aragon nach seinen surrealistischen Schreibanfängen ab 1930 zum sozialistischen Realismus wechselte und in dieser, von ihm in keiner Hinsicht schlicht geführten Erzählhaltung einen Romanzyklus Le Monde réel nach der Art des 19. Jahrhunderts schrieb, der die soziale und politische Totalität Frankreichs des frühen 20. Jahrhunderts abbilden sollte.18 Um 1964 begann er mit der Umschreibung des Zyklus. In diese Phase gehört die Revision der Cloches de Bâle. Dieser erste Band des Zyklus handelt von der Belle Époque und führt das ganze politische Personal der dritten Republik vor, teilweise auch Personen, die zu unserer Erzählung gehören. Die Umschreibung des Romans begründete Aragon mit der veränderten Sichtweise seiner Zeit. Der Titel von Mentir-vrai ist zugleich die Formel seiner damaligen Poetik des Erzählens, wie er auch anderwärts betont.19 Im Gehalt bildet die Erzählung einen Ausschnitt einer echten und zugleich fiktiven Biographie: das Jahr der Erstkommunion, eines Jungen, dessen narrative Situierung und Fakten auf den elfjährigen Louis Aragon (1897-1982) verweisen. Die Handlung spielt also im Jahr 1908. Die Darlegung aus der Sicht eines Kindes ist funktional ähnlich jener aus der Sicht des Edlen Wilden, topisch für Situationen der Verfremdung und der Dekuvrierung, die Lügen gut sichtbar machen kann. Das erzählte jugendliche Ich hat keinen sicheren Namen, nennt sich Pierre oder Jacques oder Louis Aragon.20 Pierre nennt ihn auch das erinnernde Ich. Der junge Pierre ist ein Bastard. Der Vater ist hoher Beamter und Politiker im republikanischen Geschäft. Er ist Laizist, und nahm bereits an den antiklerikalen Maßnahmen unter Louis Grévy (1817-1891) vor der Jahrhundertwende aktiven Anteil. Zur erzählten Zeit ist er bereits 68 Jahre alt. Die Mutter undeutlichen Alters muss der Junge offiziell Marthe nennen, er gilt als Adoptivkind, dessen Vater und Mutter verstorben seien. Es handelt sich also um eine Kindheit im Horizont der Lüge. Wir sind in Paris. Der gelegentlich vorbeischauende Vater dringt auf Fechtunterricht, schenkt dem Sohn einen ausgedienten Zirkelkasten seiner legitimen Söhne und deren abgelegte deutsch-französischen und französisch-deutschen Wörterbücher. Sie enthalten um die Worteinträge gruppierte obszöne Kritzeleien. Der Junge verbirgt

17 Sie erschien zum ersten Mal im vierten Band der Œuvres romanesques croisées d’Elsa Triolet et d’Aragon, Paris, Laffont, 1964, S. 263-297. 18 Les Cloches de Bâle 1934, Les Beaux Quartiers 1936, Les Voyageurs de l’Impériale 1942, Aurélien 1944, Les Communistes 1949-1951. 19 „[…] Le Mentir-Vrai est, plus qu’une nouvelle, un ‘art romanesque’“ in Œuvres romanesques complètes, Paris, Gallimard, Bd. 1, 1997, S. 237, zit. nach Wolfgang Babilas, Études sur Louis Aragon, Münster, Nodus Publikationen, 2002, 2 Bde., Bd. 2., S. 879. 20 Tatsächlich ist Aragon uneheliches Kind von Louis Andrieux, einem Polizeipräfekten und nachmaligen Deputierten, der sozial aus der (protestantischen) Großbourgeoisie stammt, ideologisch dem Milieu der Freimaurer angehört. Die Mutter ist Marguerite Toucas-Massillon, sie kommt aus der katholischen Mittelbourgeoisie und führte eine Familienpension. LÜGE UND REALISMUS: LA GIORNATA DI UNO SCRUTATORE UND LE MENTIR-VRAI 71 diese Wörterbücher so gut wie möglich. Zum Kreis der engeren Familie, die sich mütterlicherseits vom Hofprediger Ludwigs XIV., Massillon, herleitet, gehört der Onkel Edouard, zeitweilig Sekretär des Vaters, mit eigenen politischen Ambitionen, auch ein zeitweiliger Zeitungsgründer im Dienst des Quai d’Orsay. Er ist ein Mann vieler Amouren und seichter Lektüren. Ferner ist da die Großmutter, eine dumme Gans, so der Erzähler, die zur Religion tendiert. Sie bekommt eine Tabaklizenz in Toulon zugeschoben und kontrolliert den Jungen. Schließlich ist da noch Paulette, eine Verwandte, die auf Kosten der Mutter lebt, später durch die Heirat mit einem General in die oberen Kreise gelangt und die Mutter zu bestimmten gehobenen Anlässen nicht einlädt. Kurz, der Junge gehört und doch auch nicht zur guten Gesellschaft. Die zwei familles d’esprit, die im Horizont Pierres erscheinen, sind der Katholizismus und der Republikanismus. Zeitlich liegt die Trennung von Staat und Kirche drei Jahre zurück. Die weltanschaulichen Strömungen spiegeln sich auch in Pierres Freundschaften. Paul, der Lieblingsfreund, absolviert den Mathematikzweig und liebt populäre Bildergeschichten (Le Pionnier Cambembert). Er ist Pierres Freund für Wissenschaften und Reisepläne. Beide wollen sie Jules Vernes Programm weiterschreiben, planen eine Polarexpedition. Im fortgeschrittenen Planungsstadium wollen sie auch eine Frau mitnehmen. Guy, der zweite Freund, ist katholisch, Camelot du roi und Anhänger des Herzogs von Orleans. Pierre, der den sprachlichen Zweig besucht, ist ihm zugeneigt, weil er für seinen Hang zum Dichten Verständnis hat und er seine Verse schätzt, die er Paul nicht zeigt. Paul und Guy distinguieren sich gegenüber Pierre durch ihre teuren Bücher bzw. Schultaschen. Der Kreuzungspunkt dieser Freundschaft ist ein privates, geschlechtergemischtes katholisches Gymnasium, in dem der Bestschüler Pierre unter den Abbés Freunde gewinnt. Einer dieser Abbés nennt ihn Jacques. Als sich unter dem Eindruck der bevorstehenden Erstkommunion Pierres religiöse Leidenschaft steigert, sieht man ihn für das Priestertum vor. Die Religion ist indes für ihn eher eine Antihaltung, mit der er gegen den Vater reagiert und mittels derer er, durch seine Gebete, die Mutter zu schützen sucht. Kleine mystische Anwandlungen weisen auch in die erotische Richtung. Die Erstkommunion schließlich ist für ihn emotional eine herbe Enttäuschung. Am Ende der Erzählung sind jedenfalls die religiösen Anwandlungen verflogen, und es heißt, sich in der zeitlichen Gegenwart einzurichten: „Jedenfalls glaube ich an nichts mehr. Weder an Gott noch an den Nordpol und das Leben wird so sein wie es sein wird.“21 Dieses Fazit hat seinen Platz nach dem Hinweis auf eine aussichtslose Ferienliebe zu einer Vierzehnjährigen. Die Freundinnen des Erzählers sind altersmäßig für ihn unerreichbar. Da ist die wesentlich ältere Catherine, die ihm Bücher leiht, so den für die Poetik bedeutsamen Roman Tolstois Anna Karenina. Wichtiger für Pierre ist aber Sonja, eine Mitschülerin russischer Herkunft, die sich wie die Figur eines Trivialromans als Zigeunerin verkleidet. Er hält sie für ein morganatisches Kind des Zaren und wähnt sich angesichts der Gemeinsamkeit in der Illegitimität der Abstammung schon in einer Sonderbeziehung mit der Angebeteten. In Wirklichkeit war die Großmutter

21 Aragon, Das Wahr-Lügen, S. 43. „De toute façon, je ne crois plus à rien. Ni à Dieu, ni au pôle Nord, et la vie sera ce qu’elle sera.“ Le mentir-vrai, S. 47. 72 HEINZ THOMA das illegitime Kind. Am Ende dieser Wirrungen greift er zu Goethes Werther und beklagt sich, er habe nicht einmal einen Wilhelm, dem er schreiben könne. Goethes Sturm und Drang-Text gehört zu seinen zahlreichen Lektüren. Pierre liest, was ihm in die Hände kommt, Catherine ihm mitbringt und was er sich aus den Familienbibliotheken zusammenklaubt, etwa Télémaque, Chateaubriand, Marmontel, Le Jeudi de la jeunesse, Hector Malot (1830-1907). Einerseits handelt es sich um Autoren zweiter Ordnung, wie Malot, die im gewissen Sinn das Milieu, in dem er lebt, aus der Erwachsenenperspektive reproduzieren und ihn so über manches aufklären, dessen er noch nicht ansichtig geworden ist. Zum anderen sind dies aber auch Texte, die nur für einen frühreifen Jugendlichen taugen, und das ist er dann doch noch nicht ganz. So liest er parallel zu Rousseaus Confessions, die er nicht richtig versteht, die Confession de Nicaise, von Pierre Valdagne (1854-1937), ein Gesellschaftsautor zweiter Ordnung, der die Erinnerungen eines von seinen Schwestern verkauften jungen Mädchens feilbietet. Geständnis ist der Parameter für ein neugieriges Kind, das noch nicht viel weiß und nicht sortieren kann. Noch zu früh kommen für ihn auch die ersten Lieferungen von Jean-Christophe, ein Roman zur deutsch-französischen Verständigung (1904-1912) von Romain Rolland (1866‑1944). Der Unsicherheit der Identität des Heranwachsenden im Prisma der Erinnerung entsprechen Auslassungen zur Poetik seitens des erinnernden Ich. Armer Junge im Spiegel. Du siehst mir nicht mehr ähnlich, und dennoch siehst du mir ähnlich. Ich bin es, der spricht. Du hast nicht mehr deine Kinderstimme. Du bist nur mehr eine Manneserinnerung, später. Wenn das hier dein Tagebuch wäre, stünde da der Preis deines Kreisels drin, das Thema des französischen Aufsatzes, die Besuche im Louis XVI.-Salon und die kleine Zwergdominoschachtel, die du gestern abend aus Vernis-Martins Vitrine stibitzt hast. Ich wiederhole mich fünfundfünzig Jahre später. Das entstellt die Wörter. Und wenn ich glaube mich zu betrachten, imaginiere ich mich. Das ist stärker als ich. Ich bringe Ordnung in mich hinein. […] Ich glaube mich zu erinnern, aber ich erfinde mich. […] Übrigens hieß ich nicht Pierre, lediglich Abbé Pangaud (und nicht Prangaud) nannte mich Pierre, er nannte mich nicht Jacques. […] Diesen Guy pflückst du obendrein von einem merkwürdigen Baum. Wer weiß, wie er sich jetzt sieht, seine Pelerine… Und jedenfalls dachtest du (ich meine „ich“), dachtest du (ich) nicht „Mama“ mit elf Jahren. […] Im Augenblick legst du die Dinge übereinander. Ich…nun, der Grundstein ist gelegt, wir posieren.22

22 Das Wahr-Lügen, S. 7f. „Pauvre gosse dans le miroir. Tu ne me ressembles plus, pourtant tu me ressembles. C’est moi qui parle. Tu n’as plus ta voix d’enfant. Tu n’es plus qu’un souvenir d’homme, plus tard. Si c’était ton journal, il y aurait le prix de ta toupie, le sujet de la composition française, les visites dans le salon Louis XVI et la petite boîte de dominos nains que tu as chipée hier soir dans la vitrine de Vernis-Martin. Cinquante ans plus tard. Ça déforme les mots. Et quand je crois me regarder, je m’imagine. C’est plus fort que moi, je m’ordonne. Je rapproche des faits qui furent, mais séparés. Je crois me souvenir, je m’invente. […] D’ailleurs, je ne m’appelais pas Pierre, c’était l’abbé Pangaud (et non Prangaud) qui m’appelait Pierre, et pas Jacques […]. Ce Guy-là, aussi tu le cueilles dans un drôle d’arbre. Qui sait comme lui se voit maintenant, sa pèlerine… Et de toute façon, toi, je veux dire moi, tu je ne pensais pas Maman, à onze ans. Cela est un mensonge concerté, de faire croire que tu jouais ainsi double jeu entre toi et les autres. Cela viendra plus tard. Pour l’instant tu superposes. Je… enfin, c’est posé, nous posons.“ Le mentir-vrai, S. 9f. LÜGE UND REALISMUS: LA GIORNATA DI UNO SCRUTATORE UND LE MENTIR-VRAI 73

In dieser ersten größeren poetologischen Erörterung des sich erinnernden Ich lässt dieses sich über seine fiktiven Verfahren, etwas später auch über seine Mogeleien aus, spricht von der Zurechtrückung der Erinnerung, die er kindgerecht korrigiere. Es beginnt also mit der Beschreibung des so genannten Wahr-Lügens, dessen Erinnerungsstückchen, wie es anderwärts heißt, keine Photographie, sondern einen Karneval ergeben. Die Unzuverlässigkeit wird meist dem Jungen zugeschoben, gleichwohl ist sie immer die nachvollziehbare Konstruktion des erinnernden Ich, wobei die Parameter von Wahrheit und Wahrscheinlichkeit keineswegs aufgegeben werden.23 Das bleibt im Grundsatz in der Tradition Rousseaus, jedoch wird hier der Schwierigkeit authentischen Darstellens mehr Raum gegeben. In der zweiten größeren poetologischen Erörterung reflektiert der erinnernde Erzähler auf die Schreibzwänge, unter denen er selbst steht: Es ist notwendig, dass meine Gestalt (Pierre) mit elf Jahren Rousseau und Valdagne gelesen hat. Wenn das ich wäre…Mir natürlich würden Sie alles durchgehen lassen. Ich bin eine ungewöhnliche Gestalt, nicht jeder hat das „Pariser Landleben“ (i.e. Le Paysan de Paris, H.T.) geschrieben, nicht jeder hat im Telemach (i.e. Télémaque von Fénelon, H.T.) lesen gelernt. Es ist notwendig, dass Pierre mit 11 Jahren Valdagne und Rousseau gelesen hat und vieles andere mehr […], damit sich diese Sprache erklärt, die ich fünfundfünzig Jahr später spreche […] wenn ich 1908 erstehen lassen will. […] niemals würde jedenfalls dieser Junge dieses synkopierte Sprechen schreiben, dieses mündliche Französisch, das meiner Generation eigen ist. Ich kann ihm indes nicht, unter dem Vorwand, wahr zu lügen, das imaginäre Schreiben zudiktieren, das er hätte haben können, nur damit das zu den typischen Texten kleiner Jungen passt. Die Worte dieses Schülers, der mir ähnlich ist, dürften eben gerade nicht den meinen von damals ähneln, oder es wäre aus mit der Wahrscheinlichkeit.24 Ziel ist also, im Namen der Wahrscheinlichkeit wiederzugeben, wie Pierre das schriebe, was der Erzähler heute über ihn damals denkt.25 Etwas befremdlich wirkt angesichts solcher Subtilitäten jene andere Stelle, die mit Hinweisen auf Zensur und Selbstzensur und Tabus des 20. Jahrhunderts zu der Voraussage kommt, die „Realisten der Zukunft“ würden „immer mehr lügen müssen, um die Wahrheit zu sagen.“26 Das ist angesichts der kommenden gesellschaftlichen und literarischen

23 Eine filigrane Auseinanderlegung des Lügenkontexts gibt Wolfgang Babilas, „‘Vérité’ et ‘mensonge’ dans la nouvelle Le mentir-vrai de Louis Aragon“ in Études sur Louis Aragon, Bd. 2, S. 875‑900. 24 Das Wahr-Lügen, S. 10f. „Il faut que mon personnage (Pierre) ait lu Rousseau et Valdagne à onze ans. Si c’était moi… Naturellement à moi, vous me passeriez tout. Je suis un personnage hors série, tout le monde n’a pas écrit Le Paysan de Paris, tout le monde n’a pas appris à lire dans Télémaque. Il faut que Pierre ait lu à onze ans Valdagne et Rousseau, et bien d’autres choses […] pour expliquer ce langage que je parle cinquante-cinq ans plus tard […] jamais de toute façon, cet enfant il n’écrirait ce parler syncopé, ce français oral, qui est de ma génération. Je ne puis pourtant pas, sous prétexte de mentir vrai, lui donner l’imaginaire écriture qu’il aurait pu avoir pour que ça ne jure pas avec les textes des petits garçons typiques. Cet écolier qui me ressemble, il ne faudrait pas justement pas que ses mots ressemblent aux miens d’alors, ou adieu la vraisemblance.“ Le mentir-vrai, S. 12f. 25 Vgl. auch die abgründige Passage, in der der Erzähler bedauert, die Frische der Religiosität des Knaben nicht nachempfinden zu können und so ihm die Fähigkeit zu einem grundsätzlichen Neuanfang abgehe (Das Wahr-Lügen,S. 28). 26 Das Wahr-Lügen, S. 22 ; „Les réalistes de l’avenir devront de plus en plus mentir pour dire vrai.“ Le mentir-vrai, S. 24. 74 HEINZ THOMA

Entwicklungen von geringer prognostischer Kraft. Von romantheoretischem Interesse ist schließlich die Integration von Catherine Simonidzé, einer georgischen Anarchistin und Figur aus dem aus „Träumereien gemachte[n]“ 27 Zyklus des Monde réel von 1934-1951, in Le mentir-vrai. Sie heiße in Wirklichkeit Elisabeth, so der ältere Erzähler, eine Figur also aus seinem Leben, ein Geschenk an den jungen Pierre, der es nicht annahm, sondern sich in Sonja verliebte. Diese, tendenziell die Mimesiskonzeption auflösende, jedenfalls verzweigende, Episode betrifft vor allem den älteren Erzähler.

Fazit

Mit beiden Autoren und ihren Erzählungen verlässt man die Enge mancher Erörterungen der 1950er Jahre. Beide Autoren zeigen, dass sie sich auf der Höhe der zeitgenössischen Debatten über den Roman befinden, hierbei jedoch eigenständige Positionen beziehen. Aragon, Jahrgang 1897, ist vielschichtiger und abgründiger als Calvino, näher auch an der bürgerlichen Schicht älterer Provenienz und raffinierter in der Evozierung von Täuschungen und Selbsttäuschungen, die gleichsam eine Wahrheit eigener Art hervorbringen. Hierzu eignet sich natürlich besonders auch der autobiographische Versuch, der einen Anspruch auf Authentizität in der Art Rousseaus ausschließt, ohne indes auf den Zwang zur Plausibilisierung gänzlich zu verzichten. Dieser Tendenz zur bleibenden Weltanbindung fiktiven Geschehens, die sich auch in der Persistenz der ästhetischen Kategorie der Wahrscheinlichkeit manifestiert, dient nicht zuletzt der Ausgriff auf die Genese von Tolstois Roman Anna Karenina, mittels dessen Aragon das Romanschaffen und dessen Entstehungsbedingungen in den Horizont der Geschichte und damit unter das Signum der Veränderlichkeit stellt. Diese Sichtweise verändert auch die Antworten auf das Problem von Fiktion, Wahrheit und Lüge. Im Vergleich zu Aragons Schreibweise ist die Erzählung des in einem naturwissenschaftlich geprägten Elternhaus aufgewachsenen und eine Generation jüngeren Calvino, Jahrgang 1923, ruhiger und elementarer. Die mise en abyme eines strikten Gegensatzes von Wahrheit und Lüge mit Mitteln der ironischen Distanz ist bei ihm weniger ausgeklügelt und ergibt sich weit stärker aus der Einsicht in elementare soziale und anthropologische Gegebenheiten. Zugleich hat die Historisierung der Lüge bei Calvino, trotz der Enge des gewählten Weltausschnitts, prospektiv die größere Chance zu einer mental und skriptural adäquaten Amplitude im Prozess der Wahrheitsfindung. Die anthropologische Suche nach dem „kompletten Menschen“ („uomo completo“) geht bei ihm offenere Wege, der Horizont wird die Welt, der Autor in Paris, den USA und in Rom zum Weltbürger und die gewählten literarischen Formen werden, auch durch die Mitgliedschaft in OULIPO, mit Le città invisibili (1972) und Palomar (1983) freier verfügbar, ohne dass sie den Wirklichkeitskontakt aufgäben. Die jeweiligen Unterschiede erklären sich vermutlich aus der Dichte und Bindungskraft des nationalen kulturellen Felds, das Calvino zum Zeitpunkt von

27 Das Wahr-Lügen, S. 36. LÜGE UND REALISMUS: LA GIORNATA DI UNO SCRUTATORE UND LE MENTIR-VRAI 75

La giornata di uno scrutatore zu verlassen im Begriff steht und aus dem Aragon sich nie zu entfernen gedachte. Dieser Gesichtspunkt bedürfte einer gesonderten Erörterung. Spannt man den ästhetisch-kulturellen Bogen zeitlich etwas weiter, so liegen sowohl Calvinos wie Aragons Text noch deutlich diesseits der Postmoderne, in deren kognitiv-pragmatischen wie ästhetischen Grundmustern sich die Wahrheitsfrage grundsätzlich zu verflüssigen beginnt – und damit das Thema der Lüge, jedenfalls im literarischen Feld, fürs erste gegenstandslos zu werden scheint.

Esthétique du mensonge Jochen MECKE Université de Regensburg

La littérature – un art incapable de mentir ?

Si nous essayons de faire abstraction de la longue tradition de la condamnation catégorique du mensonge – une puissante tradition fondée par saint Augustin, refondée par Immanuel Kant et qui détermine toujours le catéchisme catholique ainsi que l’éducation laïque des enfants – et de nous abstenir également de tout jugement moral, pour nous baser sur ce qui peut être considéré comme le plus petit dénominateur commun de toutes les définitions du mensonge, nous pouvons en établir les éléments suivants : 1. Tout mensonge consiste en une divergence entre un sentiment ou une opinion d’une part et une énonciation ou une expression d’autre part. 2. Cette divergence est dissimulée. 3. Elle sert à des objectifs qui restent en général également dissimulés 1. De cette définition s’ensuit que la littérature n’est point capable de mentir au sens propre du terme. Car si, bien sûr, elle fait bel et bien montre d’une divergence entre opinion et expression – puisque l’auteur feint de croire à une histoire qu’il a simplement inventée – elle ne remplit pourtant point la deuxième condition, car cette divergence n’est pas du tout dissimulée mais connue de chaque lecteur, dès qu’il ouvre un livre. C’est évidemment le code littéraire même qui signale au lecteur qu’il s’agit d’une fiction et qui révèle donc le “mensonge” littéraire. Or, tout mensonge qui se révèle lui-même comme tel n’en est plus un 2. Toute œuvre littéraire s’inscrit d’emblée dans un « pacte fictionnel » qui inclut la suspension of disbelief, c’est-à-dire qui permet au lecteur de suspendre tout soupçon de mensonge et toute incrédulité, ce qui est une partie intégrante et structurelle du pacte littéraire 3.

1 Cf. Simone Dietz, Die Kunst des Lügens. Eine sprachliche Fähigkeit und ihr moralischer Wert, Reinbek. Hamburg, Rowohlt, 2003, p. 25. 2 « Kunst behandelt den Schein als Schein, will also gerade nicht täuschen, ist wahr » (Friedrich Nietzsche, Kritische Studienausgabe in 15 Bänden, éd. par Giorgio Colli et Mazzino Montinari, München, dtv, 1999, Nachgelassene Fragmente 1869-1874, p. 632). 3 Le terme consacré dans la théorie littéraire a été forgé par Coleridge. Il décrit l’attitude d’un lecteur averti, qui consiste à “croire” à la réalité du monde de la fiction, même s’il contient des éléments fantastiques (cf. Samuel Taylor Coleridge, Biographia Literaria, t. II, Oxford, Clarendon Press, 1907, p. 6). 78 JOCHEN MECKE

Il est d’ailleurs significatif que le premier roman moderne mette en scène un lecteur qui est incapable de décoder les signes du “mensonge” et du pacte de la fiction, ce qui fait qu’il prend les œuvres littéraires au pied de la lettre pour les confondre avec la réalité. Don Quichotte peut et veut croire que les histoires qu’il a lues dans les livres de chevalerie sont réelles. De cette manière, Cervantès ridiculise la confusion entre littérature et mensonge. Il répond également de façon implicite au reproche de Platon pour s’en moquer. Par une mise en abyme, l’auteur introduit le reproche de mensonge comme un vieux préjugé contre la littérature dans le Don Quichotte même. Car dans le chapitre peut-être le plus célèbre du roman qui relate entre autres le combat contre les moulins à vent, le récit s’interrompt de manière abrupte, parce que le manuscrit dont dispose l’auteur fictif s’arrête à cet endroit précis 4. Or, dans ses recherches, le « premier auteur » trouve par hasard à Tolède un manuscrit où un auteur arabe nommé Cide Hamete Benengeli raconte la suite des aventures de Don Quichotte. Mais, comme l’auteur le souligne malicieusement, le fait que dorénavant les prouesses du héros sont racontées par un Arabe met le lecteur face à un problème grave, car les Arabes – comme tout le monde le sait – ont la réputation bien ancrée de mentir. Toutefois, comme le « premier auteur » le souligne, s’il est certain que les Arabes mentent, il n’en est pas moins certain qu’ils sont très hostiles à l’égard des Espagnols, ce qui laisse supposer que Cide Hamete Benengeli a probablement volontairement minimisé les exploits de Don Quichotte. Le lecteur doit donc conclure qu’en réalité ses actes héroïques ont certainement dû être encore beaucoup plus grandioses que ce qu’en dit le narrateur arabe 5. Évidemment, le passage regorge d’ironie, non seulement à l’égard du héros et du narrateur, mais surtout à l’égard du vieux préjugé que les poètes sont des menteurs. Apparemment, déjà le premier roman moderne pouvait se permettre de jouer de manière ironique avec le reproche de mensonge. Mais si, même pour la réception traditionnelle et “normale” de la littérature, il n’est plus question de mensonge, on peut se demander dans quelle mesure il pourrait être légitime de parler quand même de « mensonge littéraire » ? Car si la littérature ne savait mentir, on pourrait soupçonner que lorsqu’on parle de « mensonge littéraire », il s’agit souvent d’une métonymie ou d’une simple métaphore. Dans la plupart des publications sur le mensonge dans la littérature, celui-ci intervient seulement à titre d’objet de la représentation littéraire. Ainsi l’on peut évidemment parler, d’une manière métonymique, de mensonge romanesque pour évoquer des personnages menteurs dans La verdad sospechosa d’Alarcón 6, Le Menteur de Corneille 7 ou bien Le Tartuffe de Molière 8. Le même argument vaut pour la métaphore, car souvent on emploie l’expression « mensonge littéraire » de manière figurée, ne conservant en cela qu’un seul trait du mensonge, comme par exemple la divergence entre opinion et énonciation qui est valable pour presque toutes les figures de style et tous les tropes, sans tenir compte de la deuxième condition, à savoir la dissimulation de

4 Miguel de Cervantes Saavedra, El ingenioso hidalgo Don Quijote de la Mancha. éd. par Francisco Rico, Madrid, Galaxia Gutenberg, 2005, p. 120. 5 Ibid. 6 Juan Ruiz de Alarcón, La verdad sospechosa, Madrid, Cátedra, 1990. 7 Pierre Corneille, Le Menteur, éd par Geneviève Winter, Paris, Gallimard, 2006. 8 Molière, Le Tartuffe ou L’Imposteur, éd. par Françoise Rullier-Theuret, Paris, Larousse, 2011. ESTHÉTIQUE DU MENSONGE 79 cette divergence. En fait, quand on utilise des tropes littéraires tels que « l’oiseau de la liberté », il y a certes une divergence entre conviction et expression, mais cette divergence n’est point celée. Elle est, tout au contraire, signalée ouvertement par le code littéraire même. Si l’on parle donc, dans ce cas, de « mensonge littéraire », cela se fait évidemment dans un sens métaphorique. Tous les travaux sur le mensonge littéraire, qui analysent surtout la représentation du mensonge et du menteur dans le roman et dans le théâtre, enrichissent incontestablement notre connaissance du mensonge et de son fonctionnement 9. Cependant, une telle approche connaît malgré tout des limites, car elle se borne à appliquer une certaine notion du mensonge à l’histoire racontée pour examiner de quelle manière il y est représenté. Un défi théorique plus important consisterait à se demander si, dans le cadre établi ci-dessus, nous pouvons concevoir l’idée d’un mensonge qui serait spécifique à la littérature ou à l’esthétique en général, c’est‑à-dire une manière de mentir caractéristique de la littérature et de ses codes. Il y aurait donc deux manières bien distinctes d’aborder la relation entre littérature et mensonge : soit appliquer une définition et une théorie du mensonge développées par d’autres disciplines que la littérature, pour examiner dans quelle mesure l’esthétique en général et la littérature en particulier sont susceptibles de mentir ; soit renverser la relation entre théorie générale du mensonge et théorie littéraire, et se demander sous quel jour le mensonge apparaît à la lumière de la littérature, ou bien ce que la théorie littéraire peut apporter à une théorie générale du mensonge.

Formes du mensonge en littérature

Dans un roman, le mensonge peut se situer à plusieurs endroits. En effet, la narratologie distingue plusieurs niveaux de la communication littéraire, dont le plus visible est évidemment celui de la communication interne entre les personnages. Ici, nous sommes confrontés aux menteurs et aux mensonges au niveau de l’énoncé littéraire, c’est-à-dire sur le plan de la macrostructure, à savoir la constellation des personnages et l’histoire 10. Depuis ses débuts jusqu’à « l’extrême contemporain », la littérature a toujours représenté des menteurs et des mensonges. Il suffit d’évoquer les plus mémorables : La Bible avec Adam et Ève, le Serpent, Jacob, saint Pierre, l’Odyssée avec Ulysse, le Iago dans Othello de Shakespeare, le picaro de Lazarillo de Tormes, le Don García de La verdad sospechosa d’Alarcón, le Dorante du Menteur de Corneille, le Tartuffe ou le Dom Juan de Molière, Claggart dans Billy Budd de Melville, Pinocchio de Collodi, dont le nom est devenu le symbole du mensonge, le Stavrogin dans Les Démons de Dostoievski, le Felix Krull de Thomas Mann,

9 À titre d’exemples : Gilles Barbedette, L’Invitation au mensonge. Essai sur le roman, Paris, Gallimard, 1989 ; Anne-Marie Baron, Balzac ou L’Auguste Mensonge, Paris, Nathan 1998 ; Llewellyn Brown, Figures du mensonge littéraire. Études sur l’écriture au XXe siècle, Paris, L’Harmattan, 2005 ; Maria Bettetini, Eine kurze Geschichte der Lüge. Von Odysseus bis Pinocchio, Berlin, Wagenbach, 2003. 10 Rolf Fieguth, « Zur Rezeptionslenkung bei narrativen und dramatischen Werken », Sprache im technischen Zeitalter, n° 43, 1973, p. 186-201. 80 JOCHEN MECKE

Tom Buchanan dans The Great Gatsby de Scott Fitzgerald, l’Albertine de À la recherche du temps perdu de Marcel Proust, le Thomas de Fontenoy de Thomas l’imposteur de Jean Cocteau ou bien le tricheur des Mémoires d’un tricheur de Sacha Guitry. Dans toutes ces œuvres, les menteurs et le mensonge sont des thèmes centraux. Néanmoins, dans tous ces exemples, il ne s’agit évidemment point d’une forme spécifiquement littéraire ou esthétique du mensonge. Cependant, nous trouvons le mensonge littéraire non seulement au niveau de l’histoire, mais aussi au niveau de sa narration. Dans ce cas-là, le narrateur d’une histoire fait la même chose que le héros de l’histoire : il induit sciemment quelqu’un en erreur, le cas échéant le lecteur. Ce passage du mensonge de l’histoire à la narration se fait d’une manière plus continue et moins perceptible si le héros est en même temps le narrateur de son histoire. Ainsi, dans La Symphonie pastorale, le pasteur relate dans son journal intime comment il accueille dans sa famille une jeune orpheline aveugle qu’il se propose d’éduquer et dont il veut élever l’âme. Or, le narrateur passe sous silence sa passion grandissante pour Gertrude, à tel point qu’il essaie d’empêcher son fils Jacques de l’épouser 11. Le récit autodiégétique attribue toujours les actions du pasteur aux motifs les plus nobles et les plus altruistes, jusqu’à ce que la vérité brutale éclate : le pasteur a été la victime des désirs que Gertrude lui a inspirés. Gide conçoit donc un cas où non seulement le héros ment à ses enfants et à sa famille, mais où il ment également à son lecteur. Toutefois, dans le cas de La Symphonie pastorale, le statut du mensonge est équivoque, car il appartient en même temps à l’histoire et au discours narratif. Comme le roman prend la forme d’un journal intime, on ne peut pas décider si le pasteur se ment simplement à lui- même, ce qui relèverait de l’histoire racontée, ou bien si le narrateur ment également au lecteur, ce qui relèverait du discours narratif. Le roman de Gide puise une partie de son intérêt esthétique dans cette ambiguïté fondamentale. Le statut du mensonge est plus clair quand le narrateur homodiégétique est simplement le témoin des événements racontés. On peut illustrer ce type de mensonge littéraire situé entièrement au niveau du discours narratif à l’aide d’un texte devenu célèbre dans l’histoire littéraire : le roman policier The Murder of Roger Ackroyd d’Agatha Christie 12. L’histoire relate comment le détective Hercule Poirot essaie d’élucider, comme le titre l’indique, l’assassinat de Roger Ackroyd. Selon le modèle créé par Conan Doyle, les événements sont racontés par le docteur James Sheppard, un témoin qui joue de temps à autre le rôle d’assistant du détective. Le narrateur ne dispose que d’un savoir limité sur l’histoire du crime et sur les pensées du détective dont les actions restent souvent énigmatiques pour lui, ce qui se traduit sur le plan narratif par une focalisation interne sur Sheppard et qui correspond à une focalisation externe sur l’assassin inconnu et Hercule Poirot. Jusqu’au bout du récit, le docteur Sheppard semble ne pas deviner qui est soupçonné par Hercule Poirot et encore moins qui est l’assassin. Or, à la fin de l’histoire, il se révèle que le docteur a été un narrateur non fiable qui a dissimulé des événements au lecteur et en a rajouté d’autres. Il s’avère qu’il est lui-même l’assassin. Cependant, il y a une différence

11 André Gide, La Symphonie pastorale, Paris, Gallimard, 1998. 12 Agatha Christie, The Murder of Roger Ackroyd, London, Harper Collins, 2002. ESTHÉTIQUE DU MENSONGE 81 considérable entre un narrateur non fiable classique et le docteur Sheppard d’Agatha Christie. En général, selon la définition classique de Wayne Booth, un narrateur non fiable se définit par sa déviance ou bien sa discordance avec les normes de l’auteur implicite 13. Si l’on préfère une formule moins personnalisée, on peut dire également que le narrateur non fiable s’écarte des normes établies par l’œuvre littéraire elle- même. Toujours est-il que cette déviance ou discordance doit être signalée par l’œuvre elle-même, sinon elle serait complètement inopérante. Un narrateur non fiable, si l’expression fait sens, doit être signalé comme tel par l’auteur, sinon il ne joue aucun rôle lors du processus de lecture. Or, dans la perspective de la théorie du mensonge, la narration non fiable ne constitue pas un mensonge, car le mensonge potentiel est signalé par l’œuvre elle-même. Ainsi, le narrateur non fiable ne représente, sous forme de mise en abyme, qu’un cas particulier du « mensonge littéraire » en général. Tout comme celui-ci est signalé par les signes de la fictionnalité, la non fiabilité du narrateur est signalée par la discordance entre les opinions du narrateur et le monde du roman lui-même. Or, dans le roman d’Agatha Christie, nous ne rencontrons de la part du docteur Sheppard aucun signe de déviance par rapport au monde romanesque qui pourrait mettre en garde le lecteur contre un trucage éventuel. Le docteur est entièrement conforme au monde du roman, ainsi qu’aux normes de l’auteur implicite. C’est à la toute fin du roman qu’il apparaît comme l’assassin. Nous sommes donc confrontés à un véritable mensonge du narrateur, car il nous dissimule ce qu’il sait et simule n’être que le simple investigateur d’un crime dont il est en réalité l’auteur. Comme nous l’avons vu, il n’y a aucun signe apparent de mensonge à la première lecture du roman. Nous sortons donc du système littéraire de la narration non fiable. Ce n’est qu’à la deuxième lecture que le lecteur peut voir à quel point il est passé à côté de certains indices qui désignaient Sheppard comme l’auteur du crime. En fait, le mensonge du docteur peut passer parfaitement inaperçu parce qu’en même temps qu’il ment au niveau de l’histoire et de la narration, il contrevient aux normes du roman policier. Ce serait donc également Agatha Christie, ou bien l’auteur implicite, qui serait à l’origine d’un véritable mensonge spécifiquement littéraire : ce dernier se réalise grâce au pacte littéraire lui-même, dont elle feint de respecter les règles implicites pour induire son lecteur en erreur. Selon ces règles implicites du roman policier, l’histoire se divise en général en deux histoires, la première correspondant à celle du crime et la deuxième à celle de son élucidation 14. Chaque histoire comporte une constellation de personnages différente, à savoir celle du crime constituée principalement de l’assassin et des victimes, et celle de l’investigation se composant du détective et des suspects. Or, à la différence du thriller, la règle du roman policier classique présuppose une séparation nette entre l’histoire du crime et celle de son investigation 15. De ce fait, le narrateur se trouve en général du côté du détective et ne fait point partie des suspects. C’est pour cette raison que la plupart des lecteurs

13 Wayne C. Booth, The Rhetoric of Fiction, Chicago, University of Chicago Press, 1961, p. 158 sq. 14 Cf. Tzvetan Todorov, « Typologie du roman policier », in Poétique de la prose, Paris, Seuil, 1978, p. 9­19, ici p. 11. 15 Ibid., p. 14. 82 JOCHEN MECKE passent à côté des indices qui signalent le docteur Sheppard comme l’assassin, car ces indices-là contreviennent aux conventions littéraires. Ainsi, le mensonge se trouve aussi à un niveau narratif supérieur, car ce n’est pas seulement le narrateur qui ment, mais aussi l’auteur implicite qui abuse le lecteur implicite, en adoptant en apparence les règles du roman policier qu’il a déjà abandonnées en secret. Toutes les conditions pour un mensonge seraient donc remplies : primo, une divergence entre opinion (infraction aux codes du roman policier) et expression (respect apparent de ces mêmes codes), secundo la dissimulation de cette divergence et tertio des objectifs supérieurs (ici un effet esthétique de surprise pour le lecteur et peut-être aussi une prise de conscience des règles du roman policier). Évidemment, le roman policier classique constitue un cas facilement analysable de mensonge littéraire, car il s’agit là d’un genre hautement codifié. Mais nous trouvons également des exemples dans des genres qui le sont moins. Dans le roman Je m’en vais de Jean Echenoz, conduit en focalisation zéro, un narrateur apparemment omniscient raconte l’histoire du galeriste Ferrer qui, après la mort soudaine de son assistant Delahaye, entreprend une expédition au pôle Nord au cours de laquelle il trouve un trésor d’œuvres d’art. Mais malheureusement, ces œuvres lui sont volées après son retour en France. Dans la suite de l’histoire, le roman raconte en narration alternée les méfaits de l’auteur du vol, le gangster Baumgartner, et les tentatives de Ferrer pour récupérer les œuvres perdues. À la fin du roman, Ferrer réussit à coincer Baumgartner. Mais au grand étonnement du lecteur, Ferrer découvre que ce Baumgartner n’est personne d’autre que Delahaye : « Tiens, dit Ferrer, Delahaye. Je me disais bien, aussi 16.» Mais ce qui est une véritable découverte pour Ferrer et le lecteur ne devrait pas l’être pour le narrateur omniscient. Celui-ci a donc dissimulé au lecteur la véritable identité de Baumgartner, qu’il est censé connaître parfaitement bien. Dans ce cas spécial, nous trouvons également réunies toutes les conditions du mensonge : 1. Une divergence entre opinion et expression, car l’auteur sait que Delahaye et Baumgartner ne font qu’un et fait croire au lecteur qu’il s’agit de deux personnages différents. 2. La dissimulation de cette divergence entre ce qu’il sait et ce qu’il dit. 3. Son utilisation pour réaliser des objectifs esthétiques, comme par exemple provoquer la surprise du lecteur. À l’opposé des romanciers modernes qui dénoncent les conventions romanesques pour rompre avec elles, Jean Echenoz fait semblant de les respecter, alors qu’il se borne à s’en servir pour tromper le lecteur. Tandis que la pratique singulière d’Echenoz présuppose la validité incontestée du code littéraire dont il use pour abuser le lecteur, et qu’elle constitue donc de ce fait un véritable exemple de mensonge romanesque et d’inauthenticité, le roman moderne – en particulier le Nouveau Roman – dénonce l’inauthenticité des conventions romanesques mensongères. Le texte d’Echenoz se démarque de cette logique moderne de la surenchère, du dépassement et de la destruction. Il ne dépasse point la forme conventionnelle mais triche avec elle, ment grâce à elle, tout en restant volontiers en deçà des normes romanesques et en constituant une espèce de « sous-enchère » esthétique.

16 Jean Echenoz, Je m’en vais, Paris, Minuit, 1999, p. 227. ESTHÉTIQUE DU MENSONGE 83

Jusqu’ici nous avons établi différents types de mensonge narratif : au niveau de l’histoire, de la narration, et de la composition par l’auteur implicite. Mais il existe une autre forme de mensonge spécifiquement littéraire qui se situe à un niveau narratif encore supérieur et qui concerne cette fois-ci la communication entre l’auteur comme producteur du texte et le lecteur comme destinataire littéraire. À ce niveau-là, le pacte littéraire ou le pacte fictionnel lui-même est concerné. Si celui-ci consiste en un code de la fiction qui signale lui-même que le texte que nous lisons est purement inventé et qu’il dénonce donc le mensonge tout en le supprimant, on peut se demander s’il existe des œuvres littéraires qui violent ce pacte. Ce serait le cas si un auteur mélangeait pacte fictionnel et pacte référentiel : les signes de la fictionnalité ne fonctionneraient plus comme des signaux indiquant la divergence entre conviction et opinion d’une part, et expression ou énonciation d’autre part. Cette divergence resterait dissimulée comme dans un mensonge normal. Une œuvre qui joue à la fois sur le registre de la fiction et sur celui d’un discours référentiel livre un exemple de ce mécanisme, présent dans tous les genres hybrides tels que la docufiction ou l’autofiction. Dans Soldados de Salamina de Javier Cercas 17, héros et narrateur autobiographique portent le même nom que l’auteur, ce qui fait croire au lecteur qu’il a affaire à un « pacte autobiographique », où auteur, narrateur et héros sont identiques 18. D’autres éléments du texte, tels des personnages célèbres de la guerre civile espagnole, des lieux, des événements historiques et des auteurs connus, comme Roberto Bolaño, suggèrent également qu’il s’agit d’un texte référentiel. Mais si le lecteur peut authentifier certains faits de la biographie du Javier Cercas du livre, il est amené à constater qu’il y en a d’autres qui sont complètement inventés. Le lecteur est donc mis sur une fausse piste. Ce qui se passe ici est clair : c’est grâce au code des genres que l’auteur est parvenu à tromper le lecteur. Les mêmes « mensonges littéraires » sont à l’œuvre chaque fois que nous sommes confrontés à un texte dont le statut factuel ou fictionnel est équivoque. En fait, ce qui dérange dans des textes comme Fils ou Le Livre brisé de Serge Doubrovsky, dans les docufictions de François Bon ou bien dans la nouvelle autobiographie d’Alain Robbe-Grillet, c’est qu’ils nous laissent croire qu’il s’agit là de textes référentiels relevant du « pacte autobiographique » ou de textes référentiels dotés d’instances narratives bien ancrées dans la réalité, faisant intervenir des lieux et des personnages du monde réel, mais qu’ils y insèrent subrepticement des épisodes inventés, ce qui confère à l’auteur un statut équivoque qui oscille entre factualité et fictionnalité. Nous pouvons donc conclure que même s’il n’y a pas de mensonge littéraire primaire, ou au sens propre du terme, il y a néanmoins des mensonges littéraires secondaires, au sein même du discours littéraire. Ce type de mensonge consiste en une divergence entre, d’une part, ce qui peut être considéré comme la position ou la tendance générale de l’œuvre, et d’autre part ses manifestations esthétiques concrètes, entre prétention et réalisation esthétique. Dans une conférence intitulée La verdad de las mentiras, Mario Vargas Llosa, tout en reconnaissant l’incapacité de la littérature à mentir au sens propre du terme, parle toutefois de l’existence d’un

17 Javier Cercas, Soldados de Salamina. Barcelona, Tusquets, 2007. 18 Philippe Lejeune, Le Pacte autobiographique, Paris, Seuil, 1996. 84 JOCHEN MECKE mensonge littéraire 19. Pour lui, la fiction elle-même, son monde, ses personnages peuvent être considérés comme la « vérité inhérente» au texte ou bien comme « la conviction » de l’auteur implicite ou du narrateur. Cette tendance générale de l’œuvre correspond, sur un certain plan, à ce que W. Booth appelle les normes de l’auteur implicite. Si nous considérons cela comme la conviction ou bien l’opinion de l’œuvre, le texte lui-même peut bien sûr converger vers cette tendance générale ou au contraire s’en écarter. Chez Booth, le premier cas était nommé narration fiable, le second narration non fiable. Si l’auteur réussit à trouver une forme adéquate pour la représentation de ce monde fictionnel, s’il y a donc une correspondance entre le monde fictif d’une part et son expression esthétique d’autre part, l’œuvre serait authentique. Mais si cela n’est pas le cas, si le texte tente en même temps de dissimuler cette divergence, ce qui se produit dans la plupart des textes littéraires qui manquent de cohérence interne, nous avons affaire – selon Vargas Llosa – à un mensonge littéraire 20. L’objectif de ce type de mensonge littéraire consiste à tromper le lecteur sur la qualité esthétique du texte. Les romans kitsch, comme le texte suivant de Delly, une auteure de littérature populaire à succès de la première moitié du xxe siècle, en offrent un exemple : De tous les hommes qui étaient là, aucun ne pouvait se vanter d’égaler quelque peu l’être d’harmonieuse beauté et de suprême élégance qu’était Élie de Ghiliac. Ce visage aux lignes superbes et viriles, au teint légèrement mat, à la bouche fine et railleuse, cette chevelure brune aux larges boucles naturelles, ces yeux d’un bleu sombre, dont la beauté était aussi célèbre que les œuvres de M. de Ghiliac, et la haute taille svelte, et tout cet ensemble de grâce souple, de courtoisie hautaine, de distinction patricienne faisaient de cet homme de trente ans un être d’incomparable séduction 21. Il est évident que l’auteure a voulu créer un personnage extraordinaire qui évolue dans un monde non moins extraordinaire. Il apparaît cependant clairement que la forme que Delly donne à ce monde fictif produit un effet contraire. La surcharge d’épithètes extraordinaires rend l’extraordinaire ordinaire et l’usage exagéré du superlatif subvertit la crédibilité du texte et produit un effet de distanciation involontaire. S’y ajoute une histoire dont les péripéties et la fin – bien sûr heureuse – sont prévisibles dès les premières lignes. La tendance du texte à créer des personnages et une histoire hors du commun se trouve donc contredite dans sa forme commune et triviale. Le texte se sert de stéréotypes et de clichés au lieu de développer une description particulière d’un personnage singulier, tout en essayant également de cacher cet écart, dans le dessein de conserver l’intérêt du lecteur. Toutes les conditions du mensonge sont donc remplies, mais comme ce mensonge relève du monde de la fiction ou bien de la communication strictement littéraire, il s’agit d’un mensonge secondaire, qui fonctionne à l’intérieur de la véracité de base du pacte fictionnel. La référence de cette critique est évidemment constituée par la

19 Mario Vargas Llosa, La Verdad de las mentiras. Ensayos sobre literatura, Barcelona, Seix Barral, 1990, p. 5-20. 20 Ibid., p. 10. 21 Delly, Entre deux âmes, Montréal, La Bibliothèque électronique du Québec (collection « Classiques du XXe siècle »), vol. 99 [http://beq.ebooksgratuits.com/classiques/Delly-ames.pdf ; 1er mars 2014], p. 6 sq. ESTHÉTIQUE DU MENSONGE 85 notion « magique » d’authenticité – comme la qualifiait jadis Theodor W. Adorno –, véritable impératif catégorique de l’esthétique moderne, qui incite tout auteur à se méfier de l’imitation des poncifs et l’oblige à trouver son style individuel, sa forme littéraire originale 22. Si la modernité peut se définir comme ce mouvement permanent de destruction des formes traditionnelles et de leur remplacement par des formes nouvelles, si elle se caractérise par la recherche de moyens pour exprimer de manière authentique le moment présent que Charles Baudelaire a si bien décrite dans Le Peintre de la vie moderne, la littérature est susceptible de mentir. Car si un texte littéraire est incapable de correspondre par sa forme littéraire à la “réalité” ou la “vérité” fictive et donc “secondaire” du monde romanesque créé par lui, il constitue un véritable mensonge esthétique. Ainsi, dans une conférence célèbre, Hermann Broch a déclaré que le kitsch était la forme littéraire du mensonge. Comme le mal dans la religion, le kitsch est identifié au mal dans le système de valeurs de l’art 23. Dans le cas de Delly, le mensonge esthétique naît d’une divergence entre la prétention du monde fictif d’une part, et l’incapacité de l’auteure à créer une forme narrative qui lui corresponde d’autre part. Mais nous pouvons également concevoir un mensonge littéraire où la forme générale du roman conventionnel empêcherait l’auteur de trouver une expression adéquate de ce qu’il pense ou ce qu’il sent. Avec ce phénomène, nous sommes confrontés à toute une tradition de critique du langage qui commence avec l’essai de Nietzsche Über Wahrheit und Lüge im außermoralischen Sinn 24, en passant par le célèbre Ein Brief (dit Chandos-Brief) de Hugo von Hofmannsthal 25, pour culminer ensuite dans le reproche formulé par Roland Barthes lors de sa Leçon inaugurale au Collège de France, où il affirme que le langage est « tout simplement fasciste 26 ». Mais en dehors de cette critique radicale du Barthes tardif, le jeune Barthes des années cinquante a développé, dans Le Degré zéro de l’écriture, une critique du système romanesque qui revient également à considérer le roman conventionnel comme un mensonge esthétique. Selon Barthes, le passé simple, le récit à la première personne et la structure téléologique du roman obligent le romancier à s’exprimer au moyen d’une forme figée, fausse et mensongère : « On s’explique alors ce que le passé simple du Roman a d’utile et d’intolérable : il est un mensonge manifesté 27 ». Le roman de facture conventionnelle contraindrait donc le

22 Cf. Jochen Mecke, « Der Prozess der Authentizität », in Susanne Knaller, Harro Müller (dir.), Authentizität, Paderborn, Fink, 2006, p. 82-114. 23 « Der Kitsch ist das Böse im Wertesystem der Kunst» (Hermann Broch, « Zum Problem des Kitsches », in Hermann Broch, Die Idee ist ewig. Essays und Briefe, München, dtv, 1968, p. 117-132, ici p. 128). 24 Friedrich Nietzsche, « Über Wahrheit und Lüge im außermoralischen Sinn », in Werke, vol. III, éd. par Karl Schlechta, Frankfurt, Ullstein, 1972, p. 1017-1030. 25 Hugo von Hofmannsthal, « Ein Brief » (1902), in Gesammelte Werke in zehn Einzelbänden, vol. VII, Erzählungen. Erfundene Gespräche und Briefe. Reisen, Frankfurt a. M., Fischer, 1979, p. 461‑472. 26 « La langue, comme performance de tout langage, n’est ni réactionnaire ni progressiste ; elle est tout simplement fasciste ; car le fascisme, ce n’est pas d’empêcher de dire, c’est d’obliger à dire. » (Roland Barthes, Leçon : leçon inaugurale de la chaire de sémiologie littéraire du Collège de France, prononcée le 7 janvier 1977, Paris, Seuil, 1978, p. 14). 27 Roland Barthes, « Le degré zéro de l’écriture », in Le Degré zéro de l’écriture, suivi de Nouveaux essais critiques, Paris, Seuil, 1972, p. 7-65, ici p. 27. 86 JOCHEN MECKE romancier à produire un mensonge qui trahirait ses propres convictions et intentions esthétiques. L’écriture romanesque est conçue comme une espèce de fatalité littéraire qui mène directement au mensonge esthétique, et ce indépendamment de la volonté du romancier individuel. Ainsi Barthes développe, dans le domaine esthétique, une notion que Walter Benjamin avait conçue pour le domaine sociopolitique, c’est-à- dire l’idée d’un « mensonge objectif » qui est le produit d’une contrainte structurelle, indépendamment de toute volonté individuelle de mentir 28.

Pour une théorie littéraire du mensonge

Dans ce qui précède, nous avons envisagé la littérature à l’aune d’une notion et d’une théorie générales du mensonge, pour nous demander s’il existe un mensonge spécifiquement littéraire. Mais on peut inverser l’ordre du questionnement et examiner sous quel jour le mensonge apparaît à la lumière de la littérature, et si la littérature et l’esthétique peuvent apporter quelque chose à une théorie générale du mensonge. Si nous reprenons les termes de notre définition, à savoir qu’un mensonge consiste en une divergence entre ce que nous pensons ou bien ressentons d’une part, et l’expression que nous essayons de lui donner d’autre part, il apparaît tout de suite que le mensonge relève d’une problématique de l’expression et de la forme, et comporte donc une dimension esthétique. Tout d’abord, la littérature pourrait aider à mieux comprendre le problème de la reconnaissance du mensonge. Le symbole littéraire le plus visible de cette problématique est évidemment Pinocchio. Mais en réalité, le personnage littéraire qui incarne peut- être le mieux le mensonge, à tel point qu’il en est devenu l’icône, ment très peu et s’il le fait, c’est toujours pour se protéger lui-même ou protéger ses amis quand il y a un danger 29. Pinocchio a quand même pu devenir le symbole du mensonge parce qu’il semble compenser une blessure narcissique qui, en plus des blessures copernicienne, darwinienne et freudienne 30, constitue une blessure sémiotique. Comme l’acte de mentir consiste en une dissimulation de la divergence entre pensée et expression ou signe, il inflige une véritable humiliation à l’homme qui n’est plus maître des signes, car il ne peut reconnaître le mensonge comme tel. Il en naît un véritable « complexe de Pinocchio », dont le héros de Collodi, les machines à détecter le mensonge et des séries américaines comme Lie to me ne sont que les manifestations les plus connues 31. Dans ce contexte, la littérature elle-même peut être considérée comme une compensation permanente de cette blessure narcissique, car elle permet de réaliser le rêve de pouvoir reconnaître tout mensonge. Tandis que dans la vie quotidienne nous n’avons pas la possibilité de connaître les véritables pensées d’une personne, la littérature, quant à elle, nous apprend bien les pensées intimes d’autrui et nous rend de ce fait capable de

28 Walter Benjamin, « Notizen über “Objektive Verlogenheit” I », in Walter Benjamin, Gesammelte Schriften, t. VI, éd. par Rolf Tiedemann et Hermann Schweppenhäuser, Frankfurt a. M., Suhrkamp, 1985, p. 60-62. 29 Carlo Collodi, Pinocchios Abenteuer. Die Geschichte einer Holzpuppe, Stuttgart, Reclam, 2008. 30 Sigmund Freud, Introduction à la psychanalyse, Paris, Payot, 2001, p. 33. 31 Brian Grazer, David Nevins, Samuel Baum, Lie to me, USA, Fox, 2009-2011. ESTHÉTIQUE DU MENSONGE 87 savoir s’il ment. En fait, la littérature a développé de multiples techniques pour codifier le mensonge tout en révélant la divergence entre conviction/ sentiment d’une part et expression/ énonciation d’autre part, une divergence qui peut s’établir à plusieurs niveaux narratifs, c’est-à-dire au niveau des personnages, mais aussi au niveau du narrateur et de l’auteur, ainsi que de l’œuvre. Pour ce qui est du premier niveau, la focalisation interne et le discours indirect libre ont évidemment constitué un pas décisif dans la représentation du mensonge, car ils ont permis de créer l’impression d’avoir accès à la conscience d’un personnage, de pouvoir prendre connaissance de ses pensées les plus intimes et de disposer d’une échelle à laquelle on puisse mesurer le mensonge. La fascination de la littérature réside en ceci qu’elle permet de connaître les pensées cachées ou dissimulées d’autrui et de fonctionner de cette manière comme un véritable “détecteur de mensonge” qui compense la blessure narcissique sémiotique due au mensonge. Si la conception courante du mensonge a tendance à dissimuler sa dimension esthétique, c’est en général parce qu’elle part de l’idée que les formes linguistiques ou sémiotiques destinées à exprimer nos pensées sont toujours à notre disposition. Selon cette idée répandue, nos énoncés sont toujours contrôlés par notre intention, qui, comme Jacques Derrida l’a souligné dans Histoire du mensonge. Prolégomènes, est considérée comme une présence-à-soi 32. Mais c’est justement ici que la prise en considération de la dimension esthétique subvertit la présupposition cachée de la théorie conventionnelle du mensonge selon laquelle l’expression est une espèce de forme transparente qui se moule parfaitement sur le contenu. Elle permet de concevoir l’idée que nous pouvons mentir “malgré nous” parce que la langue, c’est‑à‑dire la forme, nous a fourché et que nous n’arrivons pas à dire ce que nous voulons dire. Si nous imaginons un acte sémiotique qui, au lieu de nous empêcher de dire ce que nous voulons, nous fait dire autre chose que ce que nous voulons, nous nous approchons du mensonge. Nous nous servons alors d’un langage qui trahit notre pensée au lieu de l’exprimer. C’est le cas si les expressions que nous choisissons sont marquées par l’empreinte d’une idéologie opposée à notre conviction personnelle. Si par exemple quelqu’un veut exprimer l’idée que l’homme peut s’émanciper de la nature et des contraintes sociales grâce au travail, et s’il utilise, en allemand, les paroles « Arbeit macht frei », il exprime certainement autre chose que ce qu’il pense, car il reprend, peut-être même à son insu, le slogan cynique que les nazis avaient inscrit à l’entrée des camps de concentration. Ainsi, la pensée initiale a été détournée par l’expression choisie, et si ce détournement reste dissimulé, la véracité subjective s’est transformée en mensonge objectif. Mais nous n’avons point besoin de recourir à des exemples aussi spectaculaires. À ce titre, Madame Bovary est très instructif : Eh quoi ! dit-il [i.e. Rodolphe], ne savez-vous pas qu’il y a des âmes sans cesse tourmentées ? Il leur faut tour à tour le rêve et l’action, les passions les plus pures, les jouissances les plus furieuses, et l’on se jette ainsi dans toutes sortes de fantaisies, de folies. Alors elle le regarda comme on contemple un voyageur qui a passé par des pays extraordinaires, et elle reprit : – Nous n’avons pas même cette distraction, nous autres pauvres femmes ! – Triste distraction, car on n’y trouve pas le bonheur 33.

32 Jacques Derrida, Histoire du mensonge. Prolégomènes, Paris, l’Herne, 2005, p. 24. 33 Gustave Flaubert, Œuvres complètes, t. I, Madame Bovary, Paris, Lévy, 1857, p. 204. 88 JOCHEN MECKE

Ici, Rodolphe se sert évidemment de manière délibérée et mensongère des topiques du romantisme qui se sont transformés en des formules toutes faites. Mais contrairement à Rodolphe, pour Emma, ces clichés traduisent ses espoirs et ses désirs les plus intimes, alors que leur caractère usé et stéréotypé lui reste caché. Cela apparaît clairement lors des trois jours de « lune de miel » passés avec son amant Léon à Rouen, où ils se laissent aller à leurs penchants romantiques : Une fois, la lune parut ; alors ils ne manquèrent pas à faire des phrases, trouvant l’astre mélancolique et plein de poésie ; même elle se mit à chanter : Un soir, t’en souvient-il ? nous voguions, etc. 34 Ici, la divergence ne s’ouvre plus, comme dans le cas de Rodolphe, entre conviction et expression, mais entre les sentiments d’Emma et de Léon d’une part, et les moyens linguistiques qu’ils ont à leur disposition pour les exprimer d’autre part. Et il semble qu’il en soit de même pour le narrateur dont les formules comme « faire des phrases » et « etc. » ne sont certainement pas aptes à exprimer l’intensité des sentiments des deux amoureux 35. Si nous considérons les sentiments des deux protagonistes, leur monde et leur conscience comme la “vérité” interne du passage cité, il s’agit d’un mensonge, car l’expression n’est point capable de leur correspondre. Mais ce mensonge est d’ordre esthétique, car la divergence entre conviction et expression s’installe malgré la bonne foi apparente des protagonistes. Or, cette incapacité ostensible des personnages remplit une fonction bien précise dans l’esthétique de Flaubert. Car les expressions plates et banales correspondent à quelque chose de plus profond que la banalité des émotions et des sentiments d’Emma et de Léon : elles renvoient à une inauthenticité de fond. Ce qu’elles dénoncent, c’est le caractère stéréotypé du discours romantique qui sert de modèle à Emma et Léon, mais qui, en réalité, met à leur disposition un langage de seconde main, où ils ne trouvent que des formules toutes faites, des stéréotypes et des clichés. Le texte de Flaubert nous révèle que le mensonge comporte une problématique de l’expression et du langage, et nous amène à concevoir l’idée d’un mensonge non intentionnel, dû au fait que le dire ne correspond pas au vouloir-dire, ou imputable à notre incapacité à exprimer ce que nous ressentons. Mais à la différence d’une incapacité individuelle, celle-ci est pour ainsi dire “institutionnalisée”. En fait, si Emma pense de Charles que sa « conversation […] était plate comme un trottoir de rue, et [que] les idées de tout le monde y défilaient dans leur costume ordinaire 36 », cela vaut aussi pour elle-même, même si ses idées à elle s’opposent à celles de son mari. Nous avons donc affaire à un type de mensonge qui ne relève plus de l’éthique ou de la morale : il ne dépend plus du sujet de l’énonciation mais constitue une espèce de mensonge esthétique « objectif », qui partage quelques traits caractéristiques avec le type de mensonge dont parle W. Benjamin dans l’esquisse citée plus haut 37.

34 Ibid., p. 362. 35 Contrairement à ses personnages, Flaubert est évidemment parfaitement conscient de ce clivage entre sentiments et expressions, et il s’en sert dans le passage cité pour créer un effet de distanciation ironique. 36 Flaubert, Madame Bovary, p. 59. 37 Cf. n. 28. ESTHÉTIQUE DU MENSONGE 89

Benjamin conçoit l’idée d’un mensonge qui ne relèverait plus de l’individu, mais qui serait plus profond que lui et ancré dans la collectivité d’une société, d’une nation ou d’une culture. Flaubert, dans Madame Bovary et L’Éducation sentimentale, en montre la dimension esthétique, qui ressortit non seulement à une problématique de l’expression, mais aussi à la sensibilité, à la perception et à la sensation, comme l’indique l’étymologie de aisthesis. C’est à cet endroit précis, et non pas comme une théorie générale ou une philosophie du langage, que l’on peut situer la pertinence de la conception du langage développée par Nietzsche dans Über Wahrheit und Lüge im außermoralischen Sinn et de celle exposée par Barthes dans sa Leçon inaugurale au Collège de France. Les deux théories, dont il a été question plus haut, trouvent en Flaubert leur prédécesseur. Cependant, Flaubert pousse ses analyses encore plus loin, car il sonde également la conscience subjective. Dans le chapitre consacré à l’éducation d’Emma, il détecte les sources de ses attitudes dans une littérature schématique truffée de clichés : Ce n’étaient qu’amours, amants, amantes, dames persécutées s’évanouissant dans des pavillons solitaires, postillons qu’on tue à tous les relais, chevaux qu’on crève à toutes les pages, forêts sombres, troubles du cœur, serments, sanglots, larmes et baisers, nacelles au clair de lune, rossignols dans les bosquets, messieurs braves comme des lions, doux comme des agneaux, vertueux comme on ne l’est pas, toujours bien mis, et qui pleurent comme des urnes 38. Comme on peut le voir, ce sont des romans romantiques à quatre sous qui ont inspiré à Emma ses aspirations à un amour idéal. On pourrait cependant penser que le caractère stéréotypé est ici dû au fait qu’Emma ne lit que des œuvres de mauvaise qualité. Mais Flaubert rajoute plus tard un passage sur la lecture de la “grande” littérature : Emma fut intérieurement satisfaite de se sentir arrivée du premier coup à ce rare idéal des existences pâles, où ne parviennent jamais les cœurs médiocres. Elle se laissa donc glisser dans les méandres lamartiniens, écouta les harpes sur les lacs, tous les chants de cygnes mourants, toutes les chutes de feuilles, les vierges pures qui montent au ciel, et la voix de l’Éternel discourant dans les vallons 39. Le passage cité fait bien sûr allusion aux grands auteurs romantiques, une littérature “légitime” donc, qui est néanmoins, elle aussi, ramenée aux mêmes lieux communs et clichés que ceux déjà présents dans les lectures à quatre sous de l’enfance d’Emma. On peut donc constater que chez Flaubert rien n’est plus à l’abri d’un soupçon généralisé d’inauthenticité, pas même la littérature légitime. Et un deuxième constat s’impose : Flaubert ne considère pas le mensonge et l’inauthenticité comme un simple phénomène limité au domaine de l’expression, mais pour lui, ceux-ci se manifestent également dans la conscience même. Dans l’acide chlorhydrique de cette analyse, la conscience d’Emma se décompose en une masse indistincte d’idées convenues. La conscience individuelle, chez saint Augustin encore zone de l’authenticité par excellence, est montrée comme envahie par des idées reçues, des stéréotypes et des

38 Flaubert, Madame Bovary, p. 48. 39 Ibid., p. 98 sq. 90 JOCHEN MECKE lieux communs, de sorte que la frontière entre authenticité et mensonge se situe maintenant à l’intérieur de la conscience individuelle. De ce fait, Flaubert subvertit la base même ou bien la condition de possibilité de la véracité. Bien sûr il peut y avoir encore une expression authentique des opinions ou sentiments individuels, mais ce qui est inauthentique et mensonger, c’est cette conscience même, avant même qu’elle puisse s’articuler sur le mode du mensonge. Il s’ensuit que nous avons ici affaire à un type de mensonge qui ne relève plus de la volonté ou de l’incapacité d’expression d’un sujet, mais qu’il est devenu structurel ou bien « objectif » au sens de W. Benjamin. Nathalie Sarraute, quant à elle, va plus loin encore dans la subversion entamée par Flaubert, car chez elle l’instance qui jusqu’alors avait servi de référence à toute théorie du mensonge, à savoir l’individu, se trouve être décomposée. Dans Le Planétarium, elle scrute ses personnages à travers le microscope d’une focalisation interne et du discours indirect libre. En agrandissant la conscience individuelle de cette manière, elle révèle que l’individu, qui de l’extérieur paraît comme un bloc homogène, est un être composé de plusieurs personnages. « Je » n’est pas seulement « un » Autre, mais « des » Autres, véritable caisse de résonance qui fait écho à différentes voix, à des lieux communs et des stéréotypes. Ainsi le « monologue » intérieur d’Alain, un des principaux personnages du roman, qui se sent tiraillé entre le milieu littéraire de l’écrivain Germaine Lemaire d’une part et sa famille bourgeoise d’autre part, est montré comme un véritable « polylogue », au cours duquel interviennent les voix de sa femme, de l’écrivaine célèbre et les lieux communs de tout le monde. Dans une conversation avec son idole, Alain construit un terrain d’entente entre eux en se servant de quelques clichés de la vie littéraire : Rimbaud, Baudelaire et sa mère, le général Aupick... Paresseux, infantiles, gaspillant leur temps, perdant leur vie [...] Ce sont les modèles dont il veut qu’elle s’inspire. Elle lui obéit. Il regarde, ravi, en elle l’image à leur ressemblance [...] 40. Mais ce terrain d’entente sera miné ensuite, car leur conversation est interrompue par un appel téléphonique, après lequel Germaine change d’attitude : « Elle revient vers lui. Mais il sait que le spectacle est fini. [...] Il est rejeté, dégradé... Ah, c’est magnifique, cette supériorité... [...] 41 ». Ce rejet le fait finalement revenir vers sa femme : Gisèle... mon amour, ma femme... Ce nom exorcise. Le répéter sans fin… Gisèle… c’est l’apaisement, c’est la sécurité. C’est cela qui est vrai, qui est sain. Ils ont tout de même raison avec leurs vieilles conventions ; c’est le reste qui est tout faux, de la camelote. Et lui, l’imbécile, l’infantile, jouant au révolté, faisant l’énervé 42... Pour éviter des malentendus, il convient de préciser ici qu’il ne s’agit chez N. Sarraute ni de vilipender la bourgeoisie ni de critiquer le milieu littéraire, et surtout pas d’attaquer la soi-disant « mauvaise foi » de ses personnages ou bien leur mensonge à soi. Son approche est plus radicale, car elle montre que nous

40 Nathalie Sarraute, Le Planétarium, Paris, Gallimard, 1972, p. 83. 41 Ibid., p. 88. 42 Ibid., p. 91. ESTHÉTIQUE DU MENSONGE 91 portons en nous une multiplicité de voix différentes et que ce que nous appelons notre « conviction » n’est souvent que la dominante parmi toute une chorale de voix dissonantes. Compte tenu de cette diversité, il faut se demander où se trouve par exemple la “véritable” personnalité d’Alain, et quand il est vraiment susceptible de “mentir” : quand il est avec Germaine Lemaire pour dénigrer sa famille bourgeoise ou bien quand il se trouve en présence de sa femme pour critiquer les milieux littéraires ? Ainsi, N. Sarraute, dont le premier roman a été salué par la préface d’un Jean-Paul Sartre enthousiaste, sape les fondements de l’authenticité même et montre que le règne du Man de Heidegger se prolonge jusque dans les régions les plus intimes de l’individu. Cependant, le roman de Sarraute ne se limite pas à subvertir les fondements de la théorie classique du mensonge, il en modélise une autre conception où la forme joue un rôle considérable. Le Planétarium montre que l’idée selon laquelle nous avons d’abord une conviction qui est ancrée en nous et que nous essayons ensuite d’exprimer est erronée. Chez Sarraute, il n’y a pas de conviction qui précède toute expression, mais celle-ci se développe au cours de la communication ou bien dans le contact avec autrui. La conviction s’élabore donc grâce à l’expression et grâce à la conversation avec les autres. Comme Kleist l’a bien montré dans son essai intitulé Über die allmähliche Verfertigung der Gedanken beim Reden, nous développons nos convictions non pas indépendamment du discours, mais en parlant avec les autres 43. Il s’ensuit que la conviction ne peut plus servir comme point de départ intouchable de toute théorie du mensonge, il n’y a pas d’identité pure qui se construise dans un simple rapport à soi. Cela signifie-t-il que la notion même de mensonge serait devenue obsolète, car il n’y aurait plus d’aune à laquelle mesurer s’il y a oui ou non mensonge ? Certainement pas, car il existe toujours une mesure du mensonge, mais celle-ci ne s’établit plus, comme dans la théorie classique, avant l’avènement de l’expression et en dehors de tout contact avec les autres, mais plutôt grâce à un acte performatif par lequel nous signifions aux autres que telle est notre opinion ou bien notre conviction. Notre conviction sera donc celle que nous aurons choisie après ce processus et que nous aurons signalée comme telle aux autres. Grâce à cet acte, nous nous attribuons nous-même une conviction d’après laquelle on peut bien sûr juger si nous exprimons ce que nous avons choisi et désigné comme notre conviction ou si nous mentons. Ainsi la théorie esthétique du mensonge ne met pas en question la notion même du mensonge mais en transforme les coordonnées.

43 Heinrich von Kleist, « Über die allmähliche Verfertigung der Gedanken beim Reden », in Heinrich von Kleist, Werke und Briefe in vier Bänden, vol. III, éd. par Siegfried Streller, commenté par Peter Goldammer, Frankfurt a. M., Insel, 1986, p. 722-723.

Unverlässliches Erzählen und romantische Ironie in einem spanischen Roman der Restaurationszeit Susanne GREILICH Universität Regensburg

Der Erzähler als Lügner – einleitende Bemerkungen zur Theorie der unreliable narration

Nach der ‚Erfindung‘ des Begriffs der unreliable narration 1961 hat sich Booths Konzept des unzuverlässigen oder auch: unverlässlichen, unglaubwürdigen Erzählens über nahezu 40 Jahre zu einem festen Bestandteil literaturwissenschaftlicher Erzähltheorie entwickelt1, bevor es an der Jahrtausendwende eine entscheidende Neuorientierung erfahren hat. Booth knüpft die Bewertung einer Erzählung als verlässlich oder unverlässlich2 an die Idee des implied author.3 Die Distanz zwischen implizitem Autor und Erzählinstanz ist damit das entscheidende Kriterium zur Bewertung erzählerischer Verlässlichkeit. Neben der Diskrepanz zwischen den Werte- und Normensystemen des impliziten Autors und des Erzählers, wie Booth sie betont, wurden von der Forschungsliteratur in der Vergangenheit insbesondere kognitive Defizite des Erzählers zur Bestimmung von Unverlässlichkeit zu Grunde gelegt. Demnach meint(e) unreliable narration zwei verschiedene Dinge. Einerseits eine faktische bzw. epistemologische unreliability des Erzählers, die daraus resultiert, dass seine Schilderung nicht den fiktionalen Tatsachen entspricht und andererseits eine moralisch-normative Diskrepanz zwischen Erzähler und implied author, bei der

1 Vgl. entsprechend Ansgar Nünning, „Unreliable Narration zur Einführung: Grundzüge einer kognitiv-narratologischen Theorie und Analyse unglaubwürdigen Erzählens“, in Ansgar Nünning, Unreliable narration. Studien zur Theorie und Praxis unglaubwürdigen Erzählens in der englischsprachigen Literatur, Trier, WVT, 1998, S. 3. 2 Vgl. in diesem Zusammenhang die Definition sprachlicher Unverlässlichkeit bei Jahn: „[…] unverläßlich in sprachlichem Verhalten ist jemand, dessen Diskurs entgegen seinem Anspruch in Darstellung und Urteilsfähigkeit Defizite aufweist und daher nicht als glaubwürdig oder maßgeblich anerkannt werden kann.“ Manfred Jahn, „Package Deals, Exklusionen, Randzonen: das Phänomen der Unverläßlichkeit in den Erzählsituationen“, ibid., S. 82. 3 „I have called a narrator reliable when he speaks for or acts in accordance with the norms of the work (which is to say, the implied author’s norms), unreliable when he does not.“ (Wayne C. Booth, The Rhetoric of Fiction [1961], Chicago, Chicago UP, 1983, S. 158f.). 94 SUSANNE GREILICH

Wertmaßstäbe und ethische Urteile des Erzählers – etwa über das Verhalten der Figuren – als fragwürdig bewertet werden.4 Entgegen den terminologischen und theoretischen Problemen, die mit der „undefinierte[n] Verlegenheitsformel“5 des implied author verbunden sind – wie können etwa die Normen eines impliziten Autors überhaupt ermittelt werden, wie entsteht der Eindruck unverlässlichen Erzählens im Leseprozess – hat Nünning 1998 eine Neukonzeptualisierung der unreliable narration vorgeschlagen. Demzufolge ist der unreliable narrator als „eine Projektion des Lesers zu verstehen […], der Widersprüche innerhalb des Textes und zwischen de[r] fiktiven Welt des Textes und seinem eigenen Wirklichkeitsmodell auf diese Weise auflöst“6. Damit stellt Nünning die Frage nach textimmanenten Signalen unverlässlichen Erzählens einerseits ebenso wie die nach der Aktivierung außertextlicher Bezugsrahmen (frames of reference) durch den Leser andererseits, greift also auf einen Ansatz kognitiver Theorie zurück.7 Die zumeist intuitive Fähigkeit des Lesers, unverlässliches Erzählen als solches zu erkennen, ist damit nicht länger als Ergebnis eines Abgleichs der im Text getroffenen Aussagen mit hypothetischen Annahmen zur ‚wahren Absicht‘ des impliziten Autors zu verstehen, sondern vielmehr als Resultat eines Vergleichs textintern gegebener Informationen mit entsprechenden Korrektivinformationen8 bzw. eines Vergleichs textinterner Informationen mit den frames of reference der außertextlichen Realität, mithin dem eigenen Erfahrungshorizont des Lesers.9 Zu den textuellen Signalen unverlässlichen Erzählens zählen u.a. explizite Widersprüche des Erzählers bzw. – im Falle polyphoner Texte – kontrastive Versionen desselben Geschehens10; autoreferentielle, metanarrative Thematisierungen der eigenen Glaubwürdigkeit; eingestandene Unglaubwürdigkeit, Erinnerungslücken und Parteilichkeit; schließlich häufige Leseransprachen und bewusste Versuche der Rezeptionslenkung durch den Erzähler.11

4 Vgl. dazu detaillierter Nünning, „Einführung“, S. 11. Jahn nimmt im Anschluss an Rimmon- Kenans eine andere Differenzierung vor: „Ein Erzähler ist mimetisch autoritativ, wenn er die Sachverhalte und Ereignisse der Story adäquat (ohne erkennbaren Irrtum oder Irreführung) darstellt; ein Erzähler ist interpretativ autoritativ, wenn er die Sachverhalte und Gegebenheiten der Story in seinen expliziten Kommentaren ohne erkennbare Fehldeutung einschätzt.“ (Jahn, „Package Deals“, S. 82-83). 5 Nünning, „Einführung“, S. 13. 6 Ibid., S. 5. 7 Vgl. ibid., S. 25: „Überblickt man die vorliegende Forschungsliteratur zum Phänomen des unreliable narrator, so kann man sich des Eindrucks nicht erwehren, daß es diese lebensweltlichen kulturellen Modelle und Bezugsrahmen sind, die die Wahrnehmung und Beurteilung der Unglaubwürdigkeit von Erzählinstanzen bestimmen, und nicht allein die vom Text vorgegebenen Informationen. Das bedeutet, daß ein Erzähler nicht an sich unglaubwürdig ‚ist‘, sondern daß es sich dabei um eine Feststellung des Betrachters handelt, die historisch, kulturell und letztlich sogar individuell stark variieren kann.“ 8 Vgl. Jahn, „Package Deals“, S. 83. 9 Vgl. Nünning, „Einführung“, S. 25: „Ob ein Erzähler als unglaubwürdig eingestuft wird oder nicht, hängt somit nicht von der Distanz zwischen seinen Werten und Normen und denen des implied author ab, sondern davon, inwiefern die Weltsicht des Erzählers mit dem Wirklichkeitsmodell des Rezipienten zu vereinbaren ist.“ 10 Zu den Wirkungszusammenhängen zwischen Polyphonie und unverlässlichem Erzählen vgl. Felicitas Menhard, Conflicting Reports. Multiperspektivität und unzuverlässiges Erzählen im englischsprachigen Roman seit 1800, Trier, WVT, 2009. 11 Vgl. Nünning, „Einführung“, S. 27f.; Dagmar Busch, „Unreliable Narration aus narratologischer UNVERLÄSSLICHES ERZÄHLEN UND ROMANTISCHE IRONIE IN EINEM SPANISCHEN ROMAN… 95

In der Aufzählung einschlägiger Typen, in die sich – Jahn zufolge – unverlässliche Figuren einreihen lassen oder besser: mit denen sich unverlässliche Erzähler mit Hilfe eines lebensweltlichen Bezugs typologisieren lassen – etwa als Heuchler, Angeber, Aufschneider, Träumer, Naive, Engstirnige, Besessene, Unverbesserliche, Irre, Verwirrte, Ignoranten, Blender, Verblendete, Neurotiker usw.12 – finden sich auch jene Typen, die im Kontext dieses Bandes von besonderem Interesse sind: der Lügner und der Täuscher. Am Beispiel eines spanischen Romans aus dem späten 19. Jahrhundert, nämlich Valeras Pepita Jiménez (1874), werden im nun Folgenden die Formen erzählerischer Lüge beleuchtet werden. Abschließend wird umrissen, welche Funktion dem Gebrauch unverlässlichen Erzählens bei Valera im Kontext der spanischen Literatur der Restaurationszeit13 und ihrer poetologischen Debatten zukam, um damit einen ersten Schritt in Richtung der Beseitigung eines Forschungsdesiderats zu gehen, das Nünning in seinem programmatischen Aufsatz formuliert hat.14

Nichts als Lügner? – Juan Valeras Pepita Jiménez (1874)

Pepita Jiménez, der bekannteste Roman Juan Valeras, erzählt die Geschichte des Priesteranwärters Luis de Vargas, der in seinem andalusischen Heimatstädtchen die junge, von seinem Vater Don Pedro umworbene Witwe Pepita kennenlernt. Zunächst voller Vorurteile gegenüber der schönen, klugen und selbstbewussten Frau gerät Luis zunehmend in ihren Bann, bis er schließlich in einem ausweglos erscheinenden Konflikt zwischen religiöser Berufung und weltlicher Liebe gefangen ist. Luis’ Begehren, das er sich selbst nur zögerlich eingesteht, kulminiert in einer Liebesnacht mit Pepita. In einem Duell mit einem Widersacher verwundet, gesteht Luis seinem Vater auf dem Krankenbett alles. Don Pedro verzichtet auf seine Ansprüche, die jungen Leute heiraten und beginnen – so erfährt der Leser am Schluss – eine vorbildliche Ehe zu führen. Augenfällige strukturelle Merkmale des vierteiligen Romans – der sich aus einem Prolog, den „Cartas de mi sobrino“ („Briefe meines Neffen“), einem „Paralipómenos“ („Paralipomena“) betitelten Teil und einem Epilog („Cartas de mi hermano“, dt.: „Briefe meines Bruders“) zusammensetzt – sind die für Beginn

Sicht: Bausteine für ein erzähltheoretisches Analyseraster“, in Nünning, Unreliable narration, S. 41‑58; Gaby Allrath, „‚But why will you say that I am mad?‘ Textuelle Signale für die Ermittlung von unreliable narration“, ibid., S. 59-79. 12 Vgl. Jahn, „Package Deals“, S. 82. 13 Die spanische Restauration, Epoche der Wiederherstellung der Monarchie, umfasst in der weiteren Begriffsbestimmung die Zeitspanne zwischen der Ersten und der Zweiten Spanischen Republik, also die Jahre 1874/75-1931. Im engeren Sinne wird unter der Restauration der Zeitraum von 1874/75 bis zum desastre 1898 verstanden, als Spanien seine letzten Kolonialgebiete verlor. Vgl. José María Jover Zamora, „Restauración y conciencia histórica“, in Real Academia de la Historia, España: Reflexiones sobre el ser de España, Madrid, Real Academia de la Historia, 1998, S. 331. 14 Vgl. dazu Nünning, „Einführung“, S. 36: „Völlig ungeklärt sind etwa die historisch und kulturell variablen Funktionen, die der Gebrauch von unreliable narration erfüllen kann, sowie die dialogische Beziehung dieser Erzählform zu anderen Diskursen.“ 96 SUSANNE GREILICH und Ende gewählte Briefform und die Polyphonie. Der Roman hat fünf Erzähler. Unter diesen kommt dem Herausgeber des allograph fiktiven Vorworts15, das der eigentlichen Romanhandlung vorangestellt ist, eine besondere Funktion zu: Er kommentiert das Konvolut, bewertet die Urheberschaft und schaltet sich auch im weiteren Romanverlauf immer wieder ein. Die editorialen Kommentare fungieren als Rahmung der Geschichte, der fiktive Herausgeber wirkt als übergeordnete Instanz.16 Die Teile I und III: „Cartas de mi sobrino“ und „Epílogo – Cartas de mi hermano“ bedienen sich der Ich-Erzähler Luis bzw. Pedro de Vargas. Für Teil II, die Paralipomena, wird der Onkel des Protagonisten, ein Dechant, als Urheber genannt. Ergänzende Informationen über das Verhältnis zwischen Pepita und Luis bilden den Kern dieses mittleren Textteils, in dem die Liebenden ausführlich zu Wort kommen und sich ebenfalls ein Erzähler angelegentlich einschaltet.17 Insbesondere werden Auslassungen des Berichts kommentiert, der neben dem Gebot der Kürze dem Prinzip der ‚Wahrheit‘ unterworfen wird: „Wir mögen Pepita sehr, doch die Wahrheit steht über allem und so müssen wir es sagen, auch wenn es das Ansehen unserer Heldin beschädigt“,18 heißt es im Text.19 Diese Einlassung des Erzählers ist als wichtiges Signal in Richtung des Lesers zu werten, denn tatsächlich ist ein zentrales Motiv des Romans das Ringen um die narrative Wahrhaftigkeit des Erzählten, an dessen Prozess alle Erzähler beteiligt sind. Den Beginn macht im Prolog zu Pepita Jiménez der fiktive Herausgeber. Mit dem Herausgebervorwort ruft Valera eine Gattungstradition des Briefromans auf, die sich in Frankreich seit Beginn des 18. Jahrhunderts herausbildete und die zugleich ihre Wurzeln im spanischen Ritterroman und bei Cervantes hat.20 Die

15 Vgl. Gérard Genette, Seuils, Paris, Éd. du Seuil, 1987, S. 175. In der von Genette so genannten „préface allographe fictive“ ist die Urheberinstanz des Vorworts ebenso fiktiv wie die Erzählinstanzen der eigentlichen Haupterzählung, jedoch nicht mit diesen identisch. 16 Zur Rahmungsfunktion der Herausgeberfunktion und den Unterschieden zwischen bzw. Gemeinsamkeiten von Rahmenerzählung und Herausgeberfiktion vgl. Uwe Wirth, Die Geburt des Autors aus dem Geist der Herausgeberfiktion. Editoriale Rahmung im Roman um 1800: Wieland, Goethe, Brentano, Jean Paul und E.T.A. Hoffmann, München, Wilhelm Fink, 2008, S. 160-164. 17 So situiert er zu Beginn der Paralipomena die Erzählung in zeitlicher Hinsicht („A los cinco días de la fecha de la última carta que hemos leído empieza nuestra narración“, S. 249; Dt.: „Fünf Tage nach dem letzten Brief, den Don Luis seinem Onkel und geistlichen Berater geschrieben, hebt die Fortsetzung der Erzählung an […]“, S. 150), kommentiert die Gefühle Don Luis’ für Pepita („No se crea, con todo, que no amaba a la joven viuda.“, S. 264; Dt.: „Nicht als ob er die junge Frau nicht liebte.“, S. 173 ), rechtfertigt den Sprachgebrauch des Conde de Genazahar in seiner Unterhaltung mit Don Luis über Pepita sowie den Antoñonas im Gespräch mit Luis de Vargas. Sämtliche spanische Textzitate nach der Ausgabe Juan Valera, Pepita Jiménez, hrsg. v. Leonardo Romero, Madrid, Cátedra, 2011. Deutsche Übersetzung der Zitate – sofern nicht anders angegeben – gemäß der Ausgabe: Juan Valera, Pepita Jiménez. Roman. Aus dem Spanischen von Annemarie und Fritz Wahl, Zürich, Manesse-Verl., 1950. 18 Übersetzung von mir. Die Textausgabe von Wahl unterschlägt diese Passage des spanischen Originals: „Mucho queremos a Pepita; pero la verdad es antes que todo, y la hemos de decir aunque perjudique a nuestra heroína“ (Valera, Pepita Jiménez, S. 294). 19 Integriert ist ferner ein Briefwechsel zwischen dem Dechanten und Pedro de Vargas, der von letzterem verlesen wird (ibid., S. 337ff.). In vertikaler Vervielfältigung der Stimmen macht der (auktoriale) Erzähler der Paralipomena die Figur Don Pedro selbst zum Erzähler einer sich zwischen zwei Figuren entspinnenden Korrespondenz. 20 Romero bemerkt ergänzend dazu, dass die Referenz auf Quellen der außertextlichen Realität auch in der spanischen Romantik ein Topos war, wobei die Romantiker auf mündliche Quellen, nicht auf UNVERLÄSSLICHES ERZÄHLEN UND ROMANTISCHE IRONIE IN EINEM SPANISCHEN ROMAN… 97

Beschreibung des Textursprungs (ein durch Zufall in die Hände des Herausgebers gelangtes Manuskript eines verstorbenen Bekannten), die scheinbar rücksichtsvolle Verschleierung der vollen Identität des Verfassers und der im Text auftretenden Personen, die Versicherung der Authentizität des Dokuments, die Beschreibung des ursprünglichen Manuskripts und der wenigen daran vorgenommenen Veränderungen: all dies sind typische Elemente fingierter Herausgeberschaft. Zum besseren Verständnis sei an die verschiedenen Formen des Vorworts erinnert, wie sie Genette in der ihm eigenen Systematik unterschieden hat.21 Zentraler Ausgangspunkt ist die instance préfacielle, d.h. die Frage danach, 1. wem die Urheberschaft des Vorworts als para- bzw. peritextuellem Element zugeschrieben wird: einem Autor (auctorial), einer Figur der Diegese (actorial) oder einer anderen, dritten Person (allographe) und ob 2. diese Urheberschaft als authentisch (authentique), unecht (apocryphe) oder fiktiv (fictif) wahrgenommen wird.22 Zusätzlich untersucht Genette die Äußerung der Vorwortinstanz in Hinblick auf den Text der Haupterzählung. Verneint die Vorwortinstanz die Urheberschaft dieses Textes, so ist der Prolog als verneinend auktoriales Vorwort23 zu charakterisieren. Das Resultat dieses Verfahrens ist in der Tat aber eine fingierte Herausgeberschaft: Der Autor tut so, als ob er nur als Herausgeber eines Dokuments fungierte, während er tatsächlich Urheber des gesamten fiktionalen Textes ist. In diesem Sinne verwendet auch die deutsche Forschung den Begriff des fingierten Herausgebers24 bzw. die spanische Forschung den Begriff des apócrifo – und in diesem Sinne wird er auch hier verwendet werden. Das Verfahren, im Romanvorwort die Verantwortung für die Herausgabe der ‚Dokumente‘ zu übernehmen, ihre Urheberschaft aber einem oder mehreren, vorzugsweise anonymisierten Verfassern zuzuschreiben, stellte zunächst ein ästhetisches Mittel dar, sich u.a. dem häufig an den Roman gerichteten Vorwurf der Lüge zu entziehen25, indem Authentizität im Sinne einer objektiven, referentiellen Wahrheit behauptet wurde. Der Roman bediente sich mit der fingierten Herausgeberschaft also einer Lüge, um Wahrheit zu reklamieren. Im Verlauf des 18. Jahrhunderts verschob sich der Fokus zunehmend in Richtung einer die interne, narrative Wahrhaftigkeit des Romans thematisierenden Diskussion.26 Zugleich wurde die fingierte Herausgeberschaft zum Anlass einer Metareflexion über die Kategorien von Fiktion und Realität, für die das Romanvorwort der privilegierte Ort war.

Manuskripte, verwiesen (vgl. ibid., S. 136). 21 Vgl. Genette, Seuils, S. 166-180. 22 Aus der Kreuzung der genannten Kategorien ergeben sich insgesamt 9 Möglichkeiten, die Vorwortinstanz bzw. das Vorwort zu beschreiben (vgl. ibid., S. 169). 23 „instance préfacielle auctoriale authentique dénégative“ (ibid., S. 172). 24 Vgl. etwa Wirth, Geburt des Autors, S. 146. 25 Im französischen 18. Jahrhundert war der Begriff des roman in genereller Form als Bezeichnung für einen ebenso unwahren wie unwahrscheinlichen Bericht geläufig, weshalb sich u.a. die noch vielfach auf eine unsichere Quellen- und Informationslage fußenden Gazetten den Vorwurf gefallen lassen mussten, nichts weiter als romans hebdomadaires zu sein. Vgl. dazu etwa Yannick Seité, „Le ‚Roman Hebdomadaire‘, fiction et information dans la gazette au XVIIIe siècle“, in Malcolm Cook/ Annie Jourdan, Journalisme et fiction au 18e siècle, Bern, Peter Lang, 1999, S. 63-74. 26 Vgl. Jan Herman, Le Mensonge romanesque. Paramètres pour l’étude du roman épistolaire en France, Amsterdam, Rodopi, 1989 und Jacques Rustin, „Mensonge et vérité dans le roman français du XVIIIe siècle“, in Revue d’Histoire Littéraire de la France, 1, 1969, S. 13-38. 98 SUSANNE GREILICH

Quoique je ne porte ici que le titre d’éditeur, j’ai travaillé moi-même à ce livre, et je ne m’en cache pas. Ai-je fait le tout, et la correspondance entière est-elle une fiction? Gens du monde, que vous importe? C’est sûrement une fiction pour vous 27… So leitet Rousseau die Julie ein. Indem sich bei der Leserschaft allmählich die Erkenntnis durchsetzte, dass der Autor zugleich Verfasser des Vorworts wie auch des eigentlichen Romantextes war, und gleichzeitig die Bekundung des Gegenteils im Prolog beibehalten wurde, konnte sich der spielerische Charakter der fingierten Herausgeberschaft zunehmend entfalten, wie ihn auch Genette als charakteristisch für alle fiktionalen Vorworte annimmt. Dabei verlor gleichzeitig der tatsächliche Akt des Fingierens seine eigentliche Wirkung. Der Sprechakttheoretiker Searle unterscheidet zwischen dem Fingieren als Vorgeben mit Täuschungsabsicht und der Fiktion als Vorgeben ohne Täuschungsabsicht28 und greift damit eine Unterscheidung auf, wie sie bereits Hamburger in Logik der Dichtung vorgenommen hatte.29 Ausgehend von der „Seinsweise dessen, was nicht wirklich ist“30 ist das Fiktive „wahr, weil es zugibt, nicht wirklich zu sein“31. Diese von der Autorenseite her gedachte Unterscheidung ist von Wirth 2008 im Anschluss an Austins Untersuchung zum Sprechakt des pretending (Vorgeben, illukotionär) und des making believe (Glauben machen, perlokutionär) in Richtung der Rezipientenseite gewendet worden: „es geht nicht mehr darum, ob der Autor beim fiktionalen So-Tun-Als-Ob Täuschungsabsichten hat, sondern umgekehrt darum, ob der Rezipient die Täuschungsversuche ernst nimmt oder nicht“.32 Das Herausgebervorwort in Pepita Jiménez konnte vom Leser des ausgehenden 19. Jahrhunderts unmittelbar als Gattungselement und Bestandteil der literarischen Fiktion erkannt werden, der Herausgeber selbst als Figur der erzählten Welt.33

27 Jean-Jacques Rousseau, Julie ou La Nouvelle Héloïse, hrsg. v. Michel Launay, Paris, Garnier- Flammarion, 1967, S. 3. 28 Vgl. John R. Searle, „Der logische Status fiktionalen Diskurses“, in John R. Searle, Ausdruck und Bedeutung. Untersuchungen zur Sprechakttheorie [1979], Frankfurt a. M., Suhrkamp, 1982, S. 87. 29 Hamburger unterscheidet zwischen dem Fiktiven und dem Fingierten und macht diese Unterscheidung im Besonderen an der „Bewusstseinshaltung“ fest: „Der Begriff des Fingierten bedeutet ein Vorgegebenes, Uneigentliches, Imitiertes, Unechtes, der des Fiktiven dagegen die Seinsweise dessen, was nicht wirklich ist: der Illusion, des Scheins, des Traums, des Spiels“ (Käte Hamburger, Die Logik der Dichtung, Stuttgart, Klett, 1957, S. 247). Vgl. zu dieser Thematik detaillierter Wirth, Geburt des Autors, S. 122-126. 30 Hamburger, Logik der Dichtung, S. 247. 31 Wirth, Geburt des Autors, S. 123. 32 Ibid., S. 126. 33 Ansorge betont in seiner Studie zu den Arten der Vorrede im Briefroman mit Blick auf den Herausgeber: „Die Herausgeber-Rolle [d.i. die instance préfacielle auctoriale authentique dénégative in der Terminologie Genettes, Ergänzung von mir] betrachten wir als unecht, die Herausgeber-Figur [d.i. die instance préfacielle fictive nach Genette, Ergänzung von mir] als gedichtet und damit als echt in einer nicht-wirklichen Welt, nämlich der des Romans.“ (Hans-Jürgen Ansorge, Art und Funktion der Vorrede im Roman. Von der Mitte des 18. Jahrhunderts bis zum Ende des 19. Jahrhunderts, Diss., Würzburg, 1969, S. 75). UNVERLÄSSLICHES ERZÄHLEN UND ROMANTISCHE IRONIE IN EINEM SPANISCHEN ROMAN… 99

Diese Feststellung schafft nun aber das Problem unverlässlichen Erzählens nicht aus der Welt, ja man könnte sogar behaupten, dass es sich im Kontext des fiktiven Herausgebers erst eigentlich stellt. Denn wo die fingierte Herausgeberschaft Anlass bietet zur spielerischen Metareflexion über die Kategorien von Realität und Fiktion, da stehen der fiktionale Charakter weder des Vorworts noch des restlichen Romantextes in Pepita Jiménez noch in Frage. Steht das fingierte Herausgebervorwort bzw. die Herausgeberrolle, derer sich der Romanautor im Vorwort bedient, in der Tat noch an der „Schwelle“ zwischen lebensweltlicher Realität und literarischer Fiktion34, so haben sich der fiktive Herausgeber und sein Vorwort von den ‚Texträndern‘ in die erzählte Welt selbst, vom „dehors“ ins „dedans“35 bewegt.36 Als Teil der Gesamtfiktion unterliegt das Vorwort, mithin die Rede des Herausgebers als Erzähler mit allen darin enthaltenen Äußerungen, nun vielmehr der Frage nach narrativer Zuverlässigkeit und Glaubwürdigkeit. In Pepita Jiménez erweist sich der fiktive Herausgeber nun tatsächlich als unverlässliche Erzählinstanz. Die anfängliche Versicherung, das Manuskript unverändert in den Druck gegeben zu haben37, wird im weiteren Romanverlauf konterkariert, als der Herausgeber unumwunden eingesteht, an den Paralipomena umfassendere Modifikationen vorgenommen zu haben: Mit Rücksicht auf die Gegebenheiten des zeitgenössischen Marktes habe er die Glossen des Dechanten gestrichen.38 Ganz offensichtlich hat der Herausgeber in Hinblick auf seinen Anteil an der Textproduktion zunächst gelogen, ist er nicht nur Editor, sondern beinahe Co-Autor der novela. Dabei stellt sich die Frage, inwiefern dieses Eingeständnis für den Leser überraschend kommt. Mit dem Geständnis der Herausgeberfigur spiegelt Valera nämlich im Grunde nur ein Element fingierter Herausgeberschaft, in der das

34 Genette spezifiziert: „Le paratexte est donc pour nous ce par quoi un texte se fait livre et se propose comme tel à ses lecteurs, et plus généralement au public. Plus que d’une limite ou d’une frontière étanche, il s’agit ici d’un seuil, ou – mot de Borges à propos d’une préface – d’un ‘vestibule’ qui offre à tout un chacun la possibilité d’entrer, ou de rebrousser chemin. ‘Zone indécise’ entre le dedans et le dehors, elle- même sans limite rigoureuse, ni vers l’intérieur (le texte) ni vers l’extérieur (le discours du monde sur le texte), lisière ou, comme disait Philippe Lejeune, ‘frange du texte imprimé qui, en réalité, commande toute la lecture’“ (Genette, Seuils, S. 7f.). 35 Ibid., S. 8. 36 Insbesondere im Falle der fiktiven Herausgeberschaft ist das Vorwort im Grunde nicht mehr als Teil des Paratextes, sondern als integraler Bestandteil der Erzählung selbst zu betrachten. Vgl. in diesem Zusammenhang Werner Wolf, Ästhetische Illusion und Illusionsbrechung in der Erzählkunst. Theorie und Geschichte mit Schwerpunkt auf englischem illusionsstörendem Erzählen, Tübingen, Niemeyer, 1993, S. 222. 37 „fielmente trasladado a la estampa“, „mudando sólo los nombres propios“ (Valera, Pepita Jiménez, S. 137). Dt.: „Und nun folgt buchstabengetreu das erwähnte Manuskript“, „Nur die Namen hab ich geändert […]“ (Valera, Pepita Jiménez. Roman, S. 7 und S. 6). 38 „Lo que sí hizo fue poner glosas y comentarios de provechosa edificación, cuando tal o cual pasaje lo requería; pero yo los suprimo aquí, porque no están en moda las novelas anotadas o glosadas, y porque sería voluminosa esta obrilla si se imprimiese con los mencionados requisitos“ (Valera, Pepita Jiménez, S. 321). Dt.: „Was der Herr Dekan dann doch tat, war, die ein oder andere Passage, wo es ihm angebracht erschien, mit erbaulichen Glossen und Kommentaren zu versehen, doch ich streiche sie hier allesamt, da annotierte und kommentierte Texte nicht in Mode sind und dies kleine Werk einen erheblichen Umfang erhalten würde, wenn man es unter den genannten Voraussetzungen drucken wollte.“ [Übersetzung von mir. Die deutsche Fassung des Textes von Wahl weicht an dieser Stelle deutlich vom spanischen Original ab und verfälscht die eigentliche Aussage]. 100 SUSANNE GREILICH

Eingeständnis partieller Autorschaft zunehmend zur Konvention geworden war. Konnte der Leser des 19. Jahrhunderts von der Herausgeberfigur des Romans etwas anderes erwarten als dieses Eingeständnis, gelogen zu haben? Auch Luis de Vargas als Ich-Erzähler der „Cartas de mi sobrino“ ist als unverlässlich einzustufen, versucht er doch über lange Strecken des Romans, sich selbst, den Dechanten und damit auch den Leser über seine wahren Gefühle für Pepita zu täuschen. Aus der Diskrepanz zwischen Luis’ Versicherungen über sein Desinteresse an Pepita und widersprüchlichen Textsignalen (insbesondere etwa die Vielzahl der Stellen, an der er auf die junge Witwe zu sprechen kommt) resultiert ein Großteil des humorigen Charakters, jener „pleasing ambiguity“39, die dem Roman zu eigen ist. Bereits die lateinische Sentenz „Nescit labi virtus“ („Die Tugend kann nicht fallen“/ „Die Tugend weiß nichts vom Fallen“), die als Maxime den Roman überschreibt, gibt dem Leser einen Hinweis darauf, dass Luis’ moralische Standfestigkeit einer schweren Prüfung unterzogen werden wird. Dieser Informationsvorsprung des Lesers und die daraus resultierende Diskrepanz zwischen der Absicht des Erzählers (nämlich glaubhaft zu versichern, dass er sich überhaupt nicht für Pepita interessiere) und dem Wissensstand des Lesers hat zur Folge, dass der Romantext von Beginn an mit dem Vorzeichen der dramatischen Ironie versehen ist: Mit Chatman können wir das unverlässliche Erzählen als Form dramatischer Ironie begreifen.40 Schließlich erscheint auch der Paralipomena-Erzähler als unglaubwürdige Instanz. Wird der Erzähler, respektive Verfasser der Paralipomena von der Herausgeberfigur zunächst als absolut verlässlich qualifiziert41 und seine Glaubwürdigkeit durch den Verweis auf Berufsstand (Kirchenmann) und das Verwandtschaftsverhältnis zum Protagonisten (Onkel) über jeden Zweifel erhoben, so wird diese Einschätzung im weiteren Textverlauf sukzessive aufgeweicht. Dies geschieht über einen zweifachen Erzählerkommentar des Dechanten selbst.42 Beide Male zielt der Kommentar augenscheinlich darauf ab, dem Eindruck von Unverlässlichkeit vorzubeugen, den die Geschichte durch die Wortwahl der Figuren beim Leser auszulösen Gefahr läuft, erzielt dadurch aber den genau gegenteiligen Effekt: „Ernsthafte Leute, die nicht in derartigen Herrenklubs verkehren, werden sich von solch brutaler und maßloser Sprache, [die nahezu unwahrscheinlich erscheint, Ergänzung von mir], angewidert fühlen. Aber andere, die sich in dem Milieu häufiger bewegen, müssen bestätigen, daß die feinsten Damen […] in diesen Zirkeln oft Zielscheibe eines infamen und schmutzigen Spotts werden“43, heißt es in Hinblick auf die Unterhaltung von Don Luis

39 Robert E. Lott, „‘Pepita Jiménez’ and ‘Don Quixote’: A structural comparison“, in Hispania, 45 (1), 1962, S. 395. 40 Vgl. Seymour Benjamin Chatman, Story and discourse. Narrative structure in fiction and film, Ithaca, Cornell University Press, 1978. 41 „un sujeto, perfectamente enterado de todo“ (Valera, Pepita Jiménez, S. 247). Dt.: „jemand, der den Vorgängen in allen Einzelheiten nahe war“ (Valera, Pepita Jiménez. Roman, S. 146). 42 Es bleibt letzten Endes unklar, ob es tatsächlich der Dechant ist, der hier als Erzähler zu Wort kommt. Angesichts des Spiels mit der Identität des Paralipómenon-Erzählers ist es auch möglich anzunehmen, der Herausgeber komme hier mit einem satirisch gefärbten Kommentar zu Wort. 43 Valera, Pepita Jiménez. Roman, S. 182. „[…] [L]es parecerá desbocado y brutal hasta la inverosimilitud; pero los que conocen el mundo confesarán que este lenguaje es muy usado en él […]“ (Valera, Pepita Jiménez, S. 272). UNVERLÄSSLICHES ERZÄHLEN UND ROMANTISCHE IRONIE IN EINEM SPANISCHEN ROMAN… 101 mit dem Conde de Genazahar, bevor der Erzähler kurz darauf den Sprachstil der Dienerin Antoñona vor dem Vorwurf der inverosimilitud in Schutz nimmt: [...] su lenguaje fue tan digno y urbano, que no faltaría quién le calificáse de apócrifo, si no se supiese con la mayor evidencia todo esto que aquí se refiere, y si no constasen, además, los prodigios de que es capaz el ingénito despejo de la mujer, cuando le sirve de estímulo un interés o una pasión grande.44 Die übertriebene Versicherung der ‚Echtheit‘ des Erzählten im zweiten Textbeispiel und die Referenz auf eine außertextliche Wirklichkeit im ersten verweisen dabei umso deutlicher auf die Unglaubwürdigkeit („apócrifo“, „inverosimilitud“) der Erzählung, wie auch auf ihre ästhetische Unzulänglichkeit. Die offensichtliche Diskrepanz zwischen dem ‚unnatürlichen‘ Sprachgebrauch Antoñonas und der Versicherung des Erzählers, er berichte streng und allein nach seinem Wissen, lassen Zweifel an der Zuverlässigkeit der Quelle und der vom Erzähler versicherten Zeugenfunktion aufkommen, die durch den in seiner Abgeschmacktheit nahezu hilflos anmutenden Erklärungsansatz für die überraschende Eloquenz Antoñonas in der zweiten Parataxe (die Wunder des weiblichen Verstandes) zusätzlich genährt werden. Der Eindruck unglaubwürdigen Erzählens entsteht durch den expliziten Appell des Erzählers an den Erfahrungshorizont des Lesers. Indem dieser die Einlassungen Antoñonas mit seinem frame of reference abgleicht, kann er gar nicht anders, als den Erzähler als unverlässlich zu qualifizieren. Diesem Urteil unterliegt die Bewertung erzählerischer Glaubwürdigkeit im weiteren Textverlauf. Dabei erscheint der Erzähler zunehmend weniger als neutraler Berichterstatter der Ereignisse, als der er zunächst qualifiziert worden war, denn als engagierter Autor einer Geschichte, in der er seine eigenen moralischen Werte und sprachlichen Duktus den Figuren in den Mund legt. Insbesondere die Selbstbezichtigungen Pepitas, sie sei eine „höllische Sünderin“ und eine „Götzendienerin“ lassen dies zu Tage treten.45 Dabei ist die

44 Valera, Pepita Jiménez, S. 280. Dt.: „Man kann nicht leugnen, daß Antoñona sich in diesem Fall sehr umsichtig benahm und sich einer durchaus würdigen und höflichen, ja sogar bewundernswerten Sprache bediente. [Es fehlte gewiss nicht an Jenen, die ihre Sprache als zweifelhaft erachteten, wenn man nicht mit völliger Gewissheit all dies wüsste, was hier berichtet wird, Ergänzung von mir] […] was bringt der aufgeweckte Verstand einer Frau nicht alles zustande, sobald ihn ein wirkliches Interesse oder gar eine Leidenschaft bewegt!“ (Valera, Pepita Jiménez. Roman, S. 195). 45 Vgl. Valera, Pepita Jiménez, S. 309: „Ahora conozco cuán vil es el metal del que estoy forjada y cuán indigno de que le penetre y mude el fuego divino. Lo declararé todo, desechando hasta la vergüenza. Soy una pecadora infernal. Mi espíritu grosero e inculto no alcanza esas sutilezas, esas distinciones, esos refinamientos de amor.“; sowie ibid., S. 310: „Yo amo en usted, no ya sólo el alma, sino el cuerpo, y la sombra del cuerpo en los espejos y en el agua, y el nombre y el apellido, y la sangre, y todo aquello que le determina como tal don Luis de Vargas; el meta de la voz, el gesto, el modo de andar y no sé qué más diga. Repito que es menester matarme. Máteme usted sin compasión, No: yo no soy cristiana, sino idólatra materialista.“ Dt.: „Jetzt erkenne ich, wie häßlich das Metall sein muß, aus dem ich geschmiedet. Ich bin wahrlich unwürdig, daß das göttliche Feuer mich läutere und durchdringe. Ich werde Ihnen alles ohne Scham bis aufs letzte bekennen. Ich bin eine höllische Sünderin! Mein gemeiner und simpler Geist begreift solche Feinheiten, solche Unterschiede, ein solches Raffinement der Liebe nicht.“ (Valera, Pepita Jiménez. Roman, S. 236) und weiter: „Ich liebe nicht nur ihre Seele, sondern Ihren Körper und dessen Widerschein im Spiegel, wie im ruhenden Wasser, Ihren Vor- und Nachnamen, Ihr Blut und alles, was den Don Luis de Vargas nun einmal ausmacht. Ich liebe den Klang Ihrer Stimme, die Gebärde, die Art, wie Sie schreiten, und ich weiß nicht, was noch. Ich muß es Ihnen noch einmal wiederholen, bringen Sie mich um, ermorden 102 SUSANNE GREILICH

Selbstanklage der jungen Witwe als verfälschte Darstellung der Erzählerfigur zu qualifizieren. Dieser Verdacht wird genährt durch die offensichtliche Diskrepanz zwischen der Darstellung Pepitas in den Briefen Luis de Vargas und der Version des Verhältnisses der Beiden, wie sie die Paralipomena präsentieren: Bei dem einen mariengleiche Unschuld ist sie bei dem anderen die lockende Sünde in Person. Es liegt die Vermutung nahe, dass der Dechant hier unzuverlässig erzählt, um den Verzicht auf das Priesteramt des von ihm über Jahre erzogenen und ausgebildeten Neffen weniger als moralische Schwäche des jungen Mannes, denn als Resultat weiblicher Untaten erscheinen zu lassen. In Pepita Jiménez werden also verschiedene Dynamiken wirksam. Der Verdacht der Unverlässlichkeit des bzw. der Erzähler entwickelt sich zum einen unabhängig von der Polyphonie des Textes:46 Der Herausgeber als Erzähler des Vorworts entlarvt sich im Verlauf des Romans durch eigenen Kommentar als unverlässliche Instanz, die Unverlässlichkeit des Ich-Erzählers Luis de Vargas in Hinblick auf seine Gefühle für Pepita wird innerhalb der Erzählung von Luis’ selbst durch widersprüchliche Textsignale (wie auch durch die Interaktion zwischen Textinformation und Weltwissen des Lesers) deutlich. Auch der Erzähler der Paralipomena löst zunächst durch eigenen Verweis auf die Erfahrungswelt der Leser jenen Rezeptions- und Deutungsprozess aus, an dessen Ende der Befund der unreliable narration steht – ein schönes Beispiel für den in der Literatur bisher eher selten behandelten Fall unverlässlichen Erzählens bei auktorialer Erzählsituation.47 Zum anderen wird der Verdacht der unreliable narration über die diskrepanten Darstellungen Pepitas ausgelöst, die der Polyphonie des Textes geschuldet sind. Der Zweifel an der Verlässlichkeit der Erzählinstanzen ist dabei zu guter Letzt auch an die Frage nach der Identität des Paralipomena-Erzählers geknüpft. Dije al empezar que me inclinaba a creer que esta parte narrativa o Paralipómenos era obra del señor Deán [...] pero [...] al notar la libertad con que se tratan ciertas materias y la manga ancha que tiene el autor para algunos deslices, dudo que el señor Deán, cuya rigidez sé de buena tinta, haya gastado la de su tintero en escribir lo que el lector habrá leído.48 Mit diesem Kommentar sät der Herausgeber gegen Ende von Teil III nicht nur Zweifel an der Autorschaft der Paralipomena, vielmehr entlarvt er sich selbst als unzuverlässige Instanz in Hinblick auf die eingangs vorgenommene Bewertung

Sie mich ohne Zaudern. Nein, ich bin keine Christin, ich bin eine Götzendienerin.“ (Ibid., S. 238) 46 Menhard hält fest: „das Wirkungspotential von Multiperspektivität und unreliable narration im Text [wird] sowohl von der Frage nach der internen reliability einer Perspektive als auch von der Interaktion zwischen allen vorhandenen Perspektiven geprägt“ (Menhard, Multiperspektivität, S. 4). 47 Vgl. dazu Nünning, „Einleitung“, S. 9: „Daher hat sich die Forschung zum Problem fiktionaler unreliability bislang fast ausschließlich auf den Typus des […] Ich-Erzählers beschränkt […]. Im Gegensatz dazu gelten auktoriale Erzähler […] von vorneherein als vertrauenswürdig.“ 48 Valera, Pepita Jiménez, S. 318. Dt.: „Ich erklärte gleich zu Anfang, daß ich vermute, der erzählende Teil, der den Titel ‚Paralipomena‘ trägt, sei das Werk der Herrn Dekans gewesen […]. Jetzt, da ich wahrnehme, mit welchem Freimut gewisse Stellen behandelt sind und welch weites Gewissen der Verfasser für manche Entgleisung des Priesterschülers zeigt, bin ich wieder schwankend geworden, ob die Niederschrift aus dem Tintenfaß des Herrn Dekans stammt. Zudem weiß ich aus guter Quelle, welch strenge Maßstäbe der geistliche Herr anzulegen pflegte“ (Valera, Pepita Jiménez. Roman, S. 251f.). UNVERLÄSSLICHES ERZÄHLEN UND ROMANTISCHE IRONIE IN EINEM SPANISCHEN ROMAN… 103 der ergänzenden Bemerkungen als „Werk des Herrn Dekans“. Die Freizügigkeit des Berichts etwa über das Tête-à-Tête der jungen Liebenden scheinen bei näherer Betrachtung mit den Überzeugungen eines Seminarrektors in der Tat nur schwer vereinbar. Die Frage nach der Identität des Paralipomena-Erzählers ist von der Valera-Forschung bereits aufgeworfen, nicht aber abschließend beantwortet worden, wobei sich manche Autoren dem Problem mit der Behauptung, es handele sich um eine „non-question“ schlicht entzogen haben.49 Ruano de La Haza hat zu belegen versucht, dass Don Pedro, der Vater des Protagonisten, als Erzähler der Paralipomena ungleich plausibler erscheint als der Dechant, habe er doch beispielsweise im Unterschied zum Dechanten Zutritt zu Pepitas Haus gehabt und gleiche seine Wahrnehmung der jungen Frau in den „Cartas de mi hermano“ manchen Passagen der Paralipomena.50 Doch so eindeutig wie Ruano de la Haza behauptet, lässt sich die Identität des Erzählers keineswegs bestimmen. Es findet sich nämlich im Text mindestens eine Passage, in der sich die Erzählerstimme des fiktiven Herausgebers mit der des Paralipomena-Erzählers vermischt, als nämlich der Herausgeber von einem editorialen Kommentar übergeht zu einem narrativen Rückblick51, mit dem die Erzählung fortgesetzt wird. Indem der Herausgeber an dieser Stelle als Erzählinstanz der Paralipomena fungiert, wirft der Text die Frage auf, ob nicht der Herausgeber selbst Urheber dieses Textes und ihr eigentlicher Erzähler ist, also auch die zitierten Einlassungen über die Autorschaft/ Nicht-Autorschaft des Dechanten (s.o.) nicht mehr gewesen sind als ein Täuschungsversuch, eine Lüge des Herausgebers.

Fazit

Nichts ist gewiss in Pepita Jiménez, kein Erzähler ist tatsächlich vollkommen zuverlässig, der Leser permanenter Zeuge eines Spiels des Romans mit der Kategorie der narrativen Wahrheit. In diesem ironischen, selbstreflexiven Spiel liegt das Ziel unverlässlichen Erzählens in Pepita Jiménez.52 Mit ihm knüpft Valera an die Tradition des cervantinischen Realismus und dessen metafiktionale Verfahren53 und unverlässliche Erzähler an: Unweigerlich muss man im Kontext der unreliable narration an Cide Hamete Benengeli aus dem Don Quijote denken.54 Alle Figuren

49 Vgl. James Whiston, Valera: Pepita Jiménez, London, Grant & Cutler [u.a.], 1977. 50 Vgl. José M. Ruano de Haza, „La identidad del narrador de los Paralipómenos de Pepita Jiménez“, in Revista Canadiense de Estudios Hispánicos, VIII (3), 1984, S. 335-350. 51 Valera, Pepita Jiménez, S. 295-296. 52 Vgl. zur Bedeutung der Ironie in Pepita Jiménez den sehr kurzen, aber inspirierenden Aufsatz von Frank Durand, „Valera. Narrador irónico“, in Insula, 31 (360), 1976, S. 3. Orejas bezeichnet den Roman gar als „obra plenamente metafictiva“, ohne diese Einschätzung aber detaillierter zu begründen. Vgl. Francisco G. Orejas, La metaficción en la novela española contemporánea. Entre 1975 y fin de siglo, Madrid, ARCO/ LIBROS, 2003, S. 233. 53 Vgl. in Hinblick auf den Begriff der Metafiktion die Definition von Waugh: „Metafiction is a term given to fictional writing which self-consciously and systematically draws attention to its status as an artefact in order to pose questions about the relationship between fiction and reality“ (Patricia Waugh, Metafiction: The Theory and Pratice of Self-Conscious Fiction, London, Methuen, 1984, S. 2). 54 Vgl. zu den strukturellen und sprachlichen Parallelen zwischen Pepita Jiménez und Don Quijote Robert E. Lott, Siglo de oro tradition and modern adolescent psychology in Pepita Jiménez. A stylistic 104 SUSANNE GREILICH des Romans sind in der ein oder anderen Weise als Autoren tätig: Luis und Pedro de Vargas als Briefeschreiber, der Herausgeber als Co-Autor des Romans, der Dechant als Verfasser der Paralipomena. Vermittels des unverlässlichen Erzählens dieser Figuren macht Valera die Bedingungen literarischen Schreibens sichtbar: Jeder narrative Text ist als Erzählung Produkt der Selektion, Komposition und Formung – kurz: der künstlerischen Arbeit – eines Autors. Dieser allein trägt die Verantwortung für den Text, weder kann er neutraler Berichterstatter einer beobachteten ‚Realität‘, noch bloßer Lieferant von ‚Dokumenten‘ sein. Dergestalt nimmt Valera mit Pepita Jiménez eine ästhetische Gegenposition zum französischen Realismus und Naturalismus und dessen Postulat quasi-naturwissenschaftlicher, objektiver Beobachtung ein, das er von seiner frühen Schaffensphase an in zahllosen Aufsätzen als „ciencia y […] no arte“ verdammte.55

study. Nachdr. der Ausg. Washington 1958, New York, AMS Press, 1976. 55 „Y aquí llamo ciencia al arte de escribir novelas naturalistas, porque ahora sacamos en claro que la tal novelería es ciencia y no es arte; y es ciencia, no así como se quiera, sino ciencia experimental“ (Juan Valera, „Apuntes sobre el nuevo arte de escribir novelas“, in Obras completas, Bd. II, Madrid, Aguilar, 1949, S. 625). Dt.: „Die Kunst naturalistische Romane zu schreiben, nenne ich Wissenschaft, denn es ist klar, dass diese Romanschreiberei eine Wissenschaft ist und keine Kunst; und es ist nicht irgendeine Wissenschaft, sondern eine experimentelle Wissenschaft“ [Übersetzung von mir]. Vgl. zur Bedeutung der Apuntes sobre el nuevo arte de escribir novelas Luis López Jiménez, El naturalismo y España. Valera frente a Zola, Madrid, Alhambra, 1977. Ambiguitätstoleranz und die Dinge des Lebens Walburga HÜLK Universität Siegen

Tell me lies, tell me sweet little lies Fleetwood Mac, 1987

Il faut se méfier des mots. Die gleichnamige Arbeit des französischen Künstlers Ben, 1993 als Schriftzug an einer Hauswand im Pariser Viertel Belleville installiert, ist zweifellos ein kritischer Einsatz, der auf den alltäglichen Sprachgebrauch aufmerksam macht: In der langue de bois öffentlicher Reden und Verlautbarungen1 werden Wahrheiten verschleiert und verheimlicht, es wird auch dreist gelogen, die Beispiele sind unzählig. Die Lüge kann ein öffentliches Ärgernis sein und eine intime Qual, eine Kommunikationspraxis mit zivilisatorischem Anspruch und ein Arrangement, das ist eine Frage des Blickwinkels und des Kontextes. Die Sprache der Verstellung nimmt viele Formen an; sie kann plump sein und grob dort, wo feine Nuancen vonnöten sind. Sie kann aber auch elegant und spitzfindig sein da, wo Klarheit guttun würde. Der Verdacht, der den Worten entgegengebracht wird, ist nicht grundlos, und es ist ein alter Verdacht. Er hat noch da, wo er einer diffusen Empfindung Ausdruck verleiht, gute sprachphilosophische und anthropologische Argumente auf seiner Seite. Das sprachphilosophische Argument lautet wie folgt: Weil der Bezug zwischen Sprache und Ding arbiträr und konventionell, wankelmütig und kontingenzanfällig ist, ist Sprache offen für Missverständnisse, Ambiguitäten, Verschleierung und weitere Varianten der Lüge oder halbe Wahrheit. Seit Platons Kratylos und dem Sündenfall ist die Problemlösung, wie Eindeutigkeit herzustellen sei, keinen Schritt weiter, „les mots […] bougent”2, und das nicht nur im Verlauf der Wort- und Begriffsgeschichte, sondern bis hinein in jede Kommunikationssituation. Die Vernunft, und mehr noch Unvernunft, Empfindung und Gefühl haben die semantische Unbestimmtheit und den „dynamisme sémantique“3 auszuhalten, die Wahrheits- und Wahrhaftigkeitsproben schwierig machen. Dieser Sachverhalt

1 Walburga Hülk, „Politiksprache zwischen Information, langue de bois und Fachsprache oder: Fische im Eimer“, in Claudia Frevel et al., Gli uomini si legano per la lingua. Festschrift für Werner Forner, Stuttgart, ibidem Verlag, 2011, S. 49-63. 2 Alfred Fabre-Luce, Les Mots qui bougent, Paris, Fayard, 1971. 3 Paul Ricœur, La Métaphore vive, Paris, Seuil, 1975, S. 375. 106 WALBURGA HÜLK verlangte Hermeneutiken, begründete Analogieschlüsse und probabilistisches Verstehen, erlaubte Ironie und Sprachspiele, nährte aber doch auch den Verdacht. Bei Wilhelm von Humboldt heißt es 1836: Keiner denkt bei dem Wort gerade und genau das, was der andere [denkt], und die noch so kleine Verschiedenheit zittert, wie ein Kreis im Wasser, durch die ganze Sprache fort. Alles Verstehen ist daher immer zugleich ein Nicht-Verstehen, alle Übereinstimmung in Gedanken und Gefühlen zugleich ein Auseinandergehen.4 Die anthropologische Betrachtung setzt hier ein: Das Menschengeschlecht hat sich diese Verschiedenheit oft zunutze gemacht und uneindeutige Sprach- und Verhaltensmuster auf Basis dieses „Kreises im Wasser” reflektiert, legitimiert und codifiziert. Vor allem in der Frühen Neuzeit gab es literarische Texte und Ratgeber, die sprachliche Unstimmigkeiten bedachten, daraus Lehren für die eigene Lebensführung zogen und Schlussfolgerungen über den Menschen ableiteten. Mit Machiavelli verstanden sie Uneindeutigkeit und Verstellung zunächst, nach genauer Beobachtung von Macht, Rang und Gunst, als Signatur politischen Handelns; sie empfahlen diese sodann im guten Rat und in einer Klugheitslehre, die demjenigen Selbsterhalt und Freiheit in Aussicht stellen, der wie Proteus in wechselnden Kostümen und Reden erscheint: selbst opak, und dabei die Opazität des anderen voraussetzend und als unverfügbar respektierend; sie fassten Verstellung zuletzt im Bild der Fassaden, die dem Menschen zur Natur geworden und zugleich, wie La Rochefoucauld stets betonte, Ausdruck dieser schwachen und selbstverliebten Natur seien. Da in allen (privat-) politischen Kontexten Anpassung zwingend war, wurden Menschenbeobachtung und Menschenkenntnis zu wesentlichen Kompetenzen, mittels derer die jeweilige Situation eingeschätzt, das Verhalten reguliert und der eigene Status gesichert werden konnten. Menschenkenntnis meinte hier freilich zunächst nicht die Lektüre und Diagnostik eines Temperaments, einer Empfindung oder Haltung, sondern die Sondierung und Kalkulation eines in einer Kommunikationssituation angebrachten Verhaltens, sei es einer Geste des Respekts oder der Demut, oder auch eines Kompliments, das nicht sofort als Schmeichelei, als Heuchelei gar verurteilt wurde.5 Eine solche Politik, die Intelligenz auf Augenhöhe voraussetzte oder anstrebte, setzte Vieldeutigkeit und den Gegensinn des Redens und Verhaltens, einen vielleicht wahren, aber verheimlichten Kern voraus, akzeptierte sie und agierte dementsprechend. Sie rechnete nicht, wie La Bruyères Les Caractères ausführen, mit einem „moralischen” Charakter, und noch ist Kants Anthropologie fern, die „Aufrichtigkeit” als „sozusagen archimedische[n] Punkt des moralischen Charakters”6 setzt. Diese Politik kannte keine Identitätssemantik, fragte nicht nach

4 Wilhelm von Humboldt, Über die Verschiedenheit des menschlichen Sprachbaues und ihren Einfluß auf die geistige Entwicklung des Menschengeschlechts [Berlin, 1836], zit. in Byung-Chul Han, Transparenzgesellschaft, Berlin, Matthes & Seitz, 2013, S. 79. 5 Karl Heinz Götze, „Legitimationen für das Kompliment. Zu den Aufgaben einer historischen Kommunikationsbetrachtung”, in DVJS, Nr. 61, 1987, S. 189-205; Ursula Geitner, Die Sprache der Verstellung. Studien zum rhetorischen und anthropologischen Wissen im 17. und 18. Jahrhundert, Tübingen, Niemeyer, 1992, S. 132ff. 6 Immanuel Kant, „Anthropologie in pragmatischer Hinsicht”, in Schriften zur Anthropologie, Geschichtsphilosophie, Politik und Pädagogik 2, Werkausgabe, hrsg. von Wilhelm Weischedel, Bd. 12, AMBIGUITÄTSTOLERANZ UND DIE DINGE DES LEBENS 107

Echtheit hinter den Oberflächen und war getragen von Ambiguitätstoleranz und Ambiguitätsperformanz, wenn man darunter zunächst versteht, dass semantische und pragmatische Ambiguitäten oder auch nicht-konforme Begrifflichkeiten wahrscheinlich und legitim sind. Solcherart zivilisierte sie die kommunikative Praxis des „höfischen Menschen”. Die Skepsis oder der Verdacht, die Sprache sei dazu da, die Gedanken zu verbergen, traf nicht den einzelnen und sprach niemanden der Arglist schuldig. Vielmehr hatten Rhetorik und sprachlicher Stil, indem sie die Spielräume und Grauzonen der Sprache für die reservatio mentalis nutzten, einen zivilisatorischen, ja egalisierenden Effekt, wie Werner Krauss schon 1934, in einer klassisch gewordenen Replik auf Erich Auerbach, für die „formale Gesinnung” einer mit Dummheit unvereinbaren honnêteté gezeigt hat.7 Die Uneindeutigkeit der Sprache oder die Verschleierung durch Sprache war deshalb zunächst ein Problem für den, der die ars dissimulandi und die ars coniectandi hominum mores gar nicht oder noch nicht beherrschte. Das galt besonders für den, der allzu freimütig „Klartext” sprach; wegen des Hangs zur sincérité oder gar franchise war er ungesellig, stand zuletzt im Abseits – ein Nörgler und Menschenfeind von Gnaden. Molières Misanthrope ist ein solcher. Überhaupt ist das ganze Feld der Reflexion auf die Interferenzen von Sprache und Gedanken ein geeigneter Stoff für Komödien von Molière bis Yasmina Reza: Man konnte und kann sich furchtbar lächerlich machen mit missverstandener sincérité, wie die Marquise in Marivaux’ Einakter von 1739, Les Sincères: Sie nämlich muss erkennen, dass sich ihre beiden größten Wünsche nicht gleichzeitig erfüllen lassen: zum einen im Land ihrer Sehnsucht zu leben, in dem uneingeschränkte Aufrichtigkeit herrscht, zum anderen, auch dort als Schönste zu gelten. Freilich scheint es, dass der moralistische, kritische und doch auch gnädige Blick auf die Sprachen der Verstellung und den wenig gefestigten amour propre der Menschen zunächst, bei aller gebotenen Vorsicht gegenüber Nationaltypologien, eine sehr französische oder romanische (vielleicht auch österreichische) Domäne des Sprach- und Sozialverhaltens ist. Denn sie berührt auch Nuancen von Diskretion, Höflichkeit, Takt oder délicatesse, die in Deutschland schon im 18. Jahrhundert als hypocrisie, artifice oder esprit français beargwöhnt wurden.8 Wer nachdenkt über einige Wahrheiten über die Lüge, hat es jedenfalls nicht leicht mit dem Sortieren von Wahrheit und Lüge und sieht sich konfrontiert mit Begriffsnuancen und -verschiebungen (sincérité, probité, franchise gegen ein ganzes Inventar verborgener Wahrheiten und deformierter Wahrhaftigkeit: hypocrisie, mensonge, opacité, dissimulation, frivolité, politesse, flatterie, tact, ironie), notiert kulturelle Unterschiede und kann, nicht einmal im nur nationalen Rahmen, gerade historisch-kulturelle Linien beobachten in Definitionen und Beurteilungen dessen, was Lüge ist. Wenn seit Jahrzehnten in unterschiedlichen Feldern, in Psychotherapie, Soziologie und Kommunikationstheorie, beim

Frankfurt a. M., Suhrkamp, 1977, S. 637, dazu Geitner, Die Sprache der Verstellung, S. 48. 7 Werner Krauss, „Über die Träger der klassischen Gesinnung im 17. Jahrhundert“ [1934], in Gesammelte Aufsätze, Frankfurt a. M., Vittorio Klostermann, 1949, S. 321-338, hier S. 324. 8 Geitner, Die Sprache der Verstellung, S. 111ff.; vgl. auch Philippe Raynaud, La Politesse des Lumières. Les lois, les mœurs, les manières, Paris, Gallimard, 2013, S. 58ff. 108 WALBURGA HÜLK coaching und imaging „Ambiguitätstoleranz” als spezifische Qualität des modernen und postmodernen, durch Rationalität gekennzeichneten Menschen bezeichnet wird9 – als Ausdruck von Intelligenz, cooler Rollenflexibilität, die den multiplen Adaptationsforderungen des „Theaterspiel[s] des Lebens” angepasst sind –, dann ist das so keinesfalls richtig. Ist nicht Coolness vielmehr eine Variante des anmutigen Maskenspiels und Rollentheaters der höfischen Kommunikationspraktiken?10 Eines jedenfalls gilt: Je näher man die Lüge anschaut, desto ferner starrt sie zurück. Wenn man nämlich Lüge und Verstellung in der Literatur über eine längere Dauer beobachtet oder Stichproben macht, dann zeigen sich ein Schwanken und roll-back oder auch Konjunkturen von Diskursen viel eher als klare Entwicklungslinien – hin zu größerer Eindeutigkeit, Aufrichtigkeit, „Echtheit” in Kommunikationspraxis und -kritik oder umgekehrt hin zu größerer Ambiguitätstoleranz und Rollendistanz. „Wir alle spielen Theater”: Goffmans Befund des zeitgenössischen Interaktionsverhaltens gilt jedenfalls nicht nur für die Gegenwart, sondern längst für die Vormoderne. So gesehen, sind wir nie modern gewesen. Denn die Uneindeutigkeit der Sprache ist oft hilfreich, zuweilen lebensrettend gewesen. Ein paar Beispiele, kleine Geschichten über die Legitimität der Lüge: Um 1170: Tristan und Isolde sind in der altfranzösischen Fassung des Béroul, mehr als in der etwa gleichzeitigen Version des Thomas d’Angleterre, Gesellschaftswesen, und sie sind gezwungen, auf die Nachstellungen des Hofes und König Markes berechtigten Verdacht zu reagieren.11 Denn es ist das Misstrauen, das die Handlung maßgeblich bestimmt und vorantreibt, weil es Reaktionen, Erklärungen und Rechtfertigungen ebenso wie Listen, Zweideutigkeiten und artistische Metaphern herausfordert, ein bel mentir, heißt es im Text. Ausdrücklich spricht der Einsiedler Ogrin, der gemäß der Frömmigkeitstradition ein heiliger Mann ist und die Flüchtigen bei sich aufnimmt, Isoldens Sprachspaltereien im Baumgarten und an der gefährlichen Furt von Sündhaftigkeit frei: Dort, wo sie Tristan in Bildersprache vor Marke warnt, der ihrem Stelldichein von einem Baum aus auflauert, dem Baum des Verkennens; und dort, wo sie kühn schwört, der einzige Mann, der sie je zwischen den Beinen gehabt habe, sei der Aussätzige, der sie über die Furt trage. Und dieser war Tristan-Tantris in einem seiner Kostüme und unter einem Pseudonym. Der Einsiedler legitimiert Isoldens Reden als pia fraus, als fromme Lüge, und als solche halten diese dem ordalium stand. Sie retten die Liebenden fürs erste im Namen der Natur, gegen die Feudalordnung und gegen kirchenrechtliche Normen: Denn während Thomas von Aquin die Lüge in Gänze als Übel verdammte, wird hier

9 Else Frenkel-Brunswik, „Intolerance of Ambiguity as an Emotional and Perceptual Personality Variable“, in Journal of Personality, Nr. 18, 1949, S. 108-143; Erving Goffman, Wir alle spielen Theater. Die Selbstdarstellung im Alltag, München, Piper, 1959; Georg Müller-Christ/ Gudrun Wessling, „Ambivalenz- und Ambiguitätstoleranz. Eine modellhafte Verknüpfung“, in Müller-Christ et al., Nachhaltigkeit und Widersprüche. Eine Managementperspektive, Berlin/ Münster, LIT-Verlag, 2007. 10 Geitner, Die Sprache der Verstellung, S. 49ff.; vgl. auch Donald N. Levine, The Flight from Ambiguity. Essays in Social and Cultural Theory, Chicago/ London, University of Chicago Press, 1985, bes. S. 20ff. 11 Vgl. eine ausführliche Fassung: Walburga Hülk, „Lügenzauber und Wahrheitsterror“, in Helmut Pfeiffer/ Franziska Sick, Lüge und (Selbst-)Betrug. Kulturgeschichtliche Studien zur Frühen Neuzeit in Frankreich, Würzburg, Königshausen & Neumann, 2001, S. 79-93. AMBIGUITÄTSTOLERANZ UND DIE DINGE DES LEBENS 109 ein heiliger, anarchischer Zweck legitimiert mit unheiligen Mitteln, die seit dem Sündenfall und dem Verlust der adamitischen Sprache möglich sind. Die Sprache bringt so, durch die Verdunkelung der Wortbedeutungen, sowohl die Anpassung an die äußere Welt, die Konkordanz mit den Regeln des Hofes, hervor, als auch die Emigration ins Innere, die freilich noch nicht als Individualisierungsprozess reflektiert wird. Begehren und Empfindung ereigneten sich abrupt, exterritorial, auf dem Meer, im Wald, als ein ganz Anderes: All my thoughts go hiding. 1548: Im Heptaméron von Marguerite de Navarre vertreiben sich zehn Personen, die nach einem Unwetter von der Außenwelt abgeschnitten und in einem Kloster zusammengekommen sind, an sieben Tagen mit je zehn Geschichten die Zeit. Das ist die gute Tradition Boccaccios. Die fünf Männer und fünf Frauen erzählen von einer ère du soupçon, einer Hofgesellschaft als Überwachungsgesellschaft, in der Lügen und Verstellung die Normalität bilden.12 In diese Gesellschaft generalisierter Mimikry sind die Protagonisten aller Novellen verstrickt, nichts ist denkbar jenseits einer Ordnung, in der die Wahrheit hartnäckig deformiert wird. Und da es in den Erzählungen ausschließlich um verbotene Liebe geht, ist dieses inter-dit Gegenstand einer intrikaten Kommunikation, die zum einen Information vorenthalten, zum anderen Verstehen ermöglichen muss. Die Mitteilung, im Text als rumeur, tromperie, couverture, faux-semblant, ruse, masque, prétexte oder als Operation von celer, dissimuler, feindre erscheinend, bringt exemplarisch ein Ego hervor: Liebe, immer eigentümlich, ist vor allem ein selektiver Kommunikationsvorgang. 1830: Le Rouge et le Noir, Julien Sorels Auftritt. Von Stendhal ist der schöne Satz überliefert, er wolle lieber für ein Chamäleon als für ein Rindvieh gehalten werden.13 Das Pathetische Julien Sorels ist, dass er zugleich das eine und das andere ist und dass Proteus nach 1800 – nach Rousseau und vor Flaubert – auch einfältig sein durfte. Julien Sorel nämlich ist einerseits ein gewiefter hypocrite, der die Regeln und Rhetoriken der Restaurationsgesellschaft virtuos beherrscht, und er hat zugleich ein lauteres Herz, das schüchtern, linkisch, wortkarg, kurzum: „blöde”14 ist. Der Moralist und Romantiker Stendhal ist auf der Höhe seiner Zeit: Lüge und Aufrichtigkeit werden funktional differenziert und jeweils prototypisch ganz durchgeführt. Julien Sorel, wie nach ihm Eugène de Rastignac, der die Gesetze der Julimonarchie durchschaut, ist ein dezentriertes Subjekt, ein Rollensubjekt; das gleichermaßen politiktauglich wie moralfähig ist. Benjamin Constant hatte 1816 in Adolphe treffend geschrieben, dass niemand ganz aufrichtig oder ganz unaufrichtig sei.15

12 Gisèle Mathieu-Castellani, „‘Mentir de bonne foi’: la vérité du mensonge dans les Essais de Montaigne“, in Pfeiffer/ Sick, Lüge und (Selbst-)Betrug, S. 15-30. 13 Stendhal in Louis Desroches, „Souvenirs anecdotiques sur M. de Stendhal“, in Revue de Paris, nouvelle série, 25, 1844, S. 49-68, hier S. 54: „J’aime mieux être pris pour un caméléon que pour un bœuf“. Desroches sieht die Äußerung zunächst als Reflexion auf die „Hässlichkeit“ Stendhals. 14 Zur Begriffsklärung Georg Stanitzek, Blödigkeit. Beschreibungen des Individuums im 18. Jahrhundert, Tübingen, Niemeyer, 1989. 15 Benjamin Constant, Adolphe, in Adolphe/ Le Carnet rouge, Einl. von Dominique Aury, Lausanne, Guilde du livre, 1953, S. 48. „Personne n’est tout à fait sincère ni tout à fait de mauvaise foi.“ Dem Begriff der „mauvaise foi“ kann an dieser Stelle nicht weiter nachgegangen werden. 110 WALBURGA HÜLK

Drei Zeitpunkte, historisch einander fern, drei von tausend Gesichtern der Lüge, interessant deshalb, weil in ihnen die Deformierung der Wahrheit jeweils als Kommunikationsform erscheint, mit der die Protagonisten auf Praktiken der Gesellschaft reagieren und Eigentümlichkeit – reflektiert oder nicht – behaupten. Man kann über die Lüge aber nicht sprechen, ohne zugleich ihre quälenden Aspekte hervorzuheben, die vor allem in der Kommunikation unter Vertrauten erlebt wird, die miteinander sprechen oder auch einander schreiben. Das notierte bereits Gracián. Im Criticón gibt die Figur des decifrador, des Dolmetschers und Ratgebers, die Auskunft, dass Opazität ohne Ausnahme alle Beziehungen beherrscht, „biß zu den Freunden, zu den Vätern, zu den Müttern, biß zu den Kindern”16. Denn auch wenn Sprache nicht eindeutig ist und deshalb Verstellung, Verschleierung, Lüge ermöglicht, so ist es, wie Clemens Knobloch zu Recht angemerkt hat, nicht die Sprache, die lügt.17 Das ist ein klares und wichtiges Argument, das über die linguistische Differenzierung hinaus ein moralisches Urteil erlaubt. Es schlägt vor, dass der Lügner für seine Aussage ebenso bürgt wie derjenige, der mit seiner ganzen Person für eine Wahrheit einsteht – so hat Foucault parrhesia18 beschrieben. Und selbst wenn man beobachten kann, dass die strukturell generalisierte Unwahrheit – das cliché, die idée reçue, der Gemeinplatz – zu einem Akteur werden kann, der Bewusstsein formatiert und deformiert, behält das Argument seine Gültigkeit. Und man kann manche Unklarheit über die Lüge klären, wenn man das Augenmerk auf den Lügner und den Belogenen richtet – auch wenn sich dabei zugleich manches wieder verdunkelt. Das war der Weg, den Montaigne 1580 eingeschlagen hatte. In seinem Wahrhaftigkeits-Unternehmen selbst nicht frei von Frivolität, unterscheidet er in dem Essai Des menteurs zwischen le mensonge und le mentir: Le mensonge ist ein Irrtum, eine Falschaussage, die der Sprecher für richtig hält, le mentir hingegen eine vom Sprecher intendierte Falschaussage.19 Montaigne zitiert sodann nicht nur die Sentenz des Gottesstaates, der Mensch sei in Begleitung eines ihm bekannten Hundes besser aufgehoben als in Gesellschaft eines Menschen, dessen Sprache er nicht kenne, sondern erinnert vor allem an die augustinische Definition der Lüge, die das Herz von Zunge und Zeichen scheidet.20 Damit eröffnete sich eine Betrachtung der Lüge „im moralischen Sinne”, die eine andere Geschichte von Lüge, Wahrheit und Moderne zeichnet. Deren Prüfstein ist Intimität, denn Freundschaft, und mehr noch Liebe, bedienen sich der Kardiognostik, um die Tiefe

16 In der Übersetzung von Caspar Gottschling, Balthasaris Graciani, Criticon, Bd. 3, Frankfurt/ Leipzig, Johann Friedrich Zeitler, 1710, S. 115, zit. in Geitner, Die Sprache der Verstellung, S. 120. 17 Clemens Knobloch, „Was man Sprach- und Kommunikationswissenschaftler über die ‚Lüge’ fragen darf – und was nicht“, in Cahiers d’Études Germaniques, Nr. 67, 2014, S. 27-44. 18 Michel Foucault, Le Courage de la vérité. Le Gouvernement de soi et des autres II. Cours au Collège de France (1983-1984), Paris, Seuil, 2009. 19 Michel de Montaigne, „Des menteurs“, in Essais, hrsg. von Maurice Rat, Bd. 1, Paris, Classiques Garnier, 1962, S. 30-35, hier S. 32: „[…] aller contre sa conscience […] ne touche que ceux qui dissent contre ce qu’ils scavent […] ou ils inventent marc et tout, ou ils déguisent et alterent un fons veritable. 20 Vgl. hierzu Historisches Wörterbuch der Philosophie, hrsg. von Joachim Ritter et al., Bd. 5, Basel/ Stuttgart, Schwabe & Co AG, 1980, S. 533-545 (Günther Bien: Lüge); Historisches Wörterbuch der Rhetorik, hrsg. von Gert Ueding, Bd. 10, Darmstadt, Wissenschaftliche Buchgesellschaft, 2012, S. 589-605 (Jochen Mecke: Lüge). AMBIGUITÄTSTOLERANZ UND DIE DINGE DES LEBENS 111 und Aufrichtigkeit des „Herzens” zu erforschen. Eingedenk der moralistischen Erwartung des Auseinanderfalls von Außen und Innen, Ausdruck und Empfindung und angetrieben durch den Willen zum Wissen, brachte der Aufrichtigkeitsdiskurs Semiotiken hervor, die das Opake, das „Buchstabengitter”21 sondieren, die Zeichen des Innen verlässlich dechiffrieren sollten. Das aber war ein Gedanke, der eine enorme Wirkmächtigkeit hatte, von der peinigenden protestantischen Befragung der eloquentia cordis bis hin zu Rousseaus calvinistischer Transparenzobsession und ‑illusion: jenem grandiosen Irrtum, das eigene Innere, intus et in cute, ganz erkennen, entblößen und entäußern zu können, als „reinen” Vorwurf gegen die ganze Welt des Schauspiels und der Verstellung, die mit Arglist gleichgesetzt wurden. Ähnliche, durchaus gediegene Bestrebungen hatte es zur gleichen Zeit in Deutschland gegeben. Das Erscheinen der Moralischen Wochenschrift Der Redliche ab 1751 setzt Moral mit „Offenherzigkeit”, „edle[r] und ächte[r] Einfalt” gleich, und redlich ist, wer aufrichtig redet.22 Und während Rousseau für sein universalistisches Unternehmen die Bürgschaft der Instanzen beanspruchte, deren Autoritäten im 18. Jahrhundert die Lüge moralisch zu beurteilen hatten – am Anfang der Confessions im Pastiche eines Gesetzestextes und durchgehend im Gewande eines Beichtkindes –, geriet ihm selbst in Julie ou La nouvelle Héloïse, in der Utopie von Clarens, diese Transparenz zum Albtraum einer ganz und gar humor- und ironiefreien Zone des Verdachts und der Selbstgerechtigkeit, zum Prototyp und Lehrstück eines Überwachungsstaates, einer freiwillig begründeten „Transparenzgesellschaft”, die Privatheit und Intimität in Gänze durchleuchtet.23 Diskursgeschichtlich und praxeologisch ist nicht uninteressant, dass zur gleichen Zeit Benthams Panoptikum entstand, von Foucault 1975 in Surveiller et Punir als Dispositiv des Überwachens und Strafens beschrieben. Die Schriften zu diesem Konzept sind gerade neu ins Deutsche übersetzt und mit großer Aufmerksamkeit bedacht worden.24 Rousseaus Unterscheidung von aufrichtiger Selbst-Entblößung und generellem Verfall der Welt an die Lüge trieb jene Individualitätssemantik auf die Spitze, die sich in der Moralistik nicht fand und von der wir heute auch schon lange nicht mehr überzeugt sind: die Idee, Selbstreflexion und Selbstentblößung brächten Identität hervor, und diese sei die Grundlage des moralischen Wesens, das zu Aufrichtigkeit fähig und verpflichtet sei. Es ist eine Betrachtung von Wahrhaftigkeit und Lüge, die ein besonderes Verhältnis zwischen Kommunikationspartnern herstellt: Individuen gehen eine Verpflichtung ein, gegen die verstoßen werden kann. Ich würde das als „Aufrichtigkeitsvertrag” bezeichnen. Das erlaubt hin und wieder einfache Entscheidungen. Wenn Emma

21 Heinrich Bosse, Autorschaft ist Werkherrschaft, Paderborn/ München/ Wien/ Zürich, UTB, 1981, S. 61. 22 Geitner, Die Sprache der Verstellung, S. 32ff.; Walburga Hülk, „Einige Gedanken zum performativen und dekonstruktiven Charakter intellektueller Redlichkeit”, in Michael Einfalt et al., Intellektuelle Redlichkeit – Intégrité intellectuelle. Literatur – Geschichte – Kultur, Festschrift für Joseph Jurt, Heidelberg, Winter Universitätsverlag, 2005, S. 15-22. 23 Byung-Chul Han, Transparenzgesellschaft; Manfred Schneider, Transparenztraum. Literatur, Politik, Medien und das Unmögliche, Berlin, Mathes & Seitz, 2013. 24 Jeremy Bentham, Das Panoptikum, aus dem Englischen von Andreas Leopold Hofbauer, hrsg. von Christian Welzbacher, Berlin, Matthes & Seitz, 2013. 112 WALBURGA HÜLK

Bovary ihrem Ehemann sagt, sie fahre zur Klavierstunde nach Rouen, wird man das als Lüge ansehen dürfen. Denn sie tut ja nicht nur dieses nicht, sondern etwas ganz Anderes, das durchaus den „Vertrag” berührt, der auf jener Semantik der Liebe und Ehe beruhte, die Luhmann für das 19. Jahrhundert, nicht schon für das 17., beschrieben hat. Flaubert bringt die Kommunikation in die Schieflage und lässt den „Liebesverrat”25 nur die wissen, die das gar nichts angeht, die Leser und Gaffer, deren triviale Vorstellungskraft einem Ereignis, der berüchtigten Kutschfahrt durch Rouen, beiwohnt qui ne les regarde pas. Lüge also für den einzigen, der Wahrhaftigkeit erwarten darf und zunächst von ihrer Grausamkeit verschont wird, die Wahrheit der Kunst für die, die diese gar nicht verdient haben. Was sich hier aber als Lüge einfach benennen lässt und von Emma nicht problematisiert wird, steht vor schwierigeren Entscheidungen, wenn Ambiguitätsbewusstsein und moralisches Empfinden vorhanden sind, womit nach 1800 durchaus zu rechnen war: Beides kann man z.B. in [Den] Wahlverwandtschaften an Charlotte studieren. Und weil deren stete Selbstbefragung, die Beteuerung von Aufrichtigkeit, das Bekenntnis, etwas verborgen zu haben, das ausgesprochen werden muss, sowie die beharrliche Sorge um die eigene, doch nicht beabsichtigte „Verstellung”, kurzum: ihr moralischer Wille vom Schicksal ganz ignoriert und stattdessen die „Dunkelheit der anderen […] das Bewußtlose, womit sie in eine Falle gehen”26 durchgeführt werden, strafen bereits Die Wahlverwandtschaften Rousseaus Transparenzfeldzug Lügen und sind den Fragen ganz nahe, welche die Literatur um 1900 stellte: Kann man, auch wenn man nicht lügen will, die ganze Wahrheit sagen? Welches Risiko geht man damit ein? Und ist die Wahrheit dem Menschen tatsächlich zumutbar? Nirgends sind diese Fragen dringender als in der Intimkommunikation. Und seit der romantischen Liebe, der stärksten und anhaltenden Liebessemantik, fällt es Liebe schwer, ambiguitätstolerant zu sein. Genau genommen ist diese Liebe exklusiv. Und es sind vielleicht Texte der Jahrhundertwende 1900, in denen sie den ärgsten Prüfungen unterliegt. Denn vor allem Arthur Schnitzler und Marcel Proust exerzieren die intrinsische Qual des Verdachts durch, und ebenso die Unmöglichkeit, jemals die ganze Wahrheit zu sagen oder zu wissen, ob der andere oder man selbst wahrhaftig ist oder lügt. Eine Variante erzählt Schnitzler in der Traumnovelle.27 Die Eskapaden und Phantasien von Albertine und Fridolin im Wien der Jahrhundertwende 1900, von Alice und Bill im New York des Millenniums (in der kongenialen Verfilmung Eyes Wide Shut von Stanley Kubrick) zeigen das Risiko des entblößten Herzens, wenn es um erotische Bekenntnisse geht: Die Eheleute nämlich werden in ihren treulosen Absichten nicht einfach ergriffen von dem „gefährlichen Wirbel”, dem „unfassbaren Wind des Schicksals”, „und wär’s auch nur im Traum”, sondern sie ergreifen amouröse Gelegenheiten, „bang, selbstquälerisch, in unlauterer Neugier”28

25 Peter von Matt, Liebesverrat. Die Treulosen in der Literatur, München, dtv., 1991, bes. S. 67ff. 26 Johann Wolfgang von Goethe, Die Wahlverwandtschaften, in Werke, Hamburger Ausgabe, Bd. 6, München, dtv, 1982, S. 315. 27 S. zu Schnitzler die Beiträge von Gerhard Neumann und Susanne Böhmisch, in Cahiers d’Études Germaniques, Nr. 67, 2014, S. 185-194 und 169-183. 28 Arthur Schnitzler, Die Traumnovelle und andere Erzählungen, in Das erzählerische Werk, Bd. 6, Frankfurt a. M., Fischer Verlag, 1961, S. 60f. AMBIGUITÄTSTOLERANZ UND DIE DINGE DES LEBENS 113

– wissens- erlebens- und erzählsüchtig. Und sie schwören einander nicht nur Treue da, wo längst „deviante” Wünsche29 in jenen geheimen Bezirken tätig sind, die Freud als Metapher für das Unbewusste entwarf30, sondern sie gestehen auch, wenngleich argwöhnend, „daß der andere es an der letzten Aufrichtigkeit fehlen ließ”31, die Versuchungen und den Sog des Begehrens. Aber dieses Wechselspiel von Wahrhaftigkeit und Verstellung, das beides oder auch je das Gegenteil immer anklingen und erahnen lässt, wird auf wunderbare, traumwandlerische Weise ausgelotet, als Maskenspiel und Ambiguität ausgehalten. Schnitzler rettet Liebe, Ehe und Familie, ja lehrt, dass das Begehren auch ein Effekt der Eifersucht ist – das Ende von Eyes Wide Shut sagt das deutlich im four-letter-word. Nicht zu helfen ist hingegen den Liebenden bei Proust, denn deren eifersüchtige Neugier geht aus vom generell verstellten Verhältnis zwischen Empfindung und Ausdruck und der gleichwohl obsessiven Suche nach Wahrheit. Die Eifersucht in À la recherche du temps perdu gleicht Tantalusqualen, denn gerade dann, wenn ein Wort oder eine Gebärde die Liebe zu verbürgen scheint, tritt augenblicklich der Verdacht der Fälschung umso drängender und hartnäckiger hervor. Prousts Figuren, allen voran Swann und Marcel, sind Semiotiker mit inquisitorischer Energie, Entzifferer, déchiffreurs, verlassen jedoch von aller moralistischen Gelassenheit und getrieben von dem argwöhnischen Wissen, dass jedes geliebte Wesen, noch wenn man es in einem Zimmer in Saint-Germain gefangen setzt, ein dezentriertes Fluchtwesen ist, ein unerforschliches geschlossenes Gefäß, das ein Geheimnis hütet. Denn jedes Liebeszeichen ist kompromittiert: Les signes sind, wie Gilles Deleuze gezeigt hat32, die Grundierung des proustianischen Erinnerungsunternehmens, einer recherche de la vérité: Alles ist erleuchtet und entbirgt Finsternisse, Profanationen und Komik. Immer wieder gibt es bei Proust Szenen erleuchteter Fenster und Zimmer, die voyeuristische Qualität haben und durch den Hinweis auf grausames Misstrauen33 vorbereitet werden: Sie zeigen, wie die verstörende Episode von Montjouvain, eine Wahrheit, die anders ist als der Schein, oder auch einen Schein, der anders ist als die Wahrheit. Die wohl entlarvendste dieser Episoden findet sich im ersten Teil der Recherche, in Du côté de chez Swann: Swann durchlebt alle Torturen der Eifersucht, bevor er merkt, dass ihm unmerklich die Liebe zu Odette entglitten ist, jener Frau, die gar nicht sein Typ war und die er liebte um eines Bildes von Botticelli willen, dem sie ähnelte. Eines Abends, Odette hat Swann bei sich empfangen, ein seltenes Gefühl der Gewissheit ihrer intakten Liebe – der Geist ruhig, das Herz zufrieden – überkommt ihn, da verabschiedet sie ihn ohne catleyas, eine Chiffre

29 Gerhard Neumann, „Lektüren der Liebe”, in Ders./ Heinrich Meier, Über die Liebe. Ein Symposion, München/ Zürich, Piper Verlag, 2001, S. 9-79, hier S. 41. 30 Sigmund Freud, „Vorlesungen zur Einführung in die Psychoanalyse und neue Folge”, in Studienausgabe, hrsg. von Alexander Mitscherlich et al., Bd. 1, Frankfurt a. M., Fischer Verlag, 1969, S. 293; vgl. dazu auch Walburga Hülk, „Entgleisung im Salon. Kubricks Eyes Wide Shut nach Schnitzlers Traumnovelle”, in Michael Lommel/ Volker Roloff, Surrealismus und Film. Von Fellini bis Lynch, Bielefeld, transcript Verlag, 2008, S. 187-204. 31 Schnitzler, Das erzählerische Werk, Bd. 6, S. 61. 32 Gilles Deleuze, Proust et les signes, Paris, P.U.F., 1964, bes. S. 111ff. 33 Marcel Proust, À la recherche du temps perdu, hrsg. von Jean-Yves Tadié, Bd. 3, Paris, Gallimard (Bibliothèque de la Pléiade), 1988, S. 190 : „cruelle méfiance“. 114 WALBURGA HÜLK für den Liebesakt. Zuhause angekommen, überfällt Swann die Idee, Odette habe ihm Müdigkeit und Kopfweh vorgetäuscht und erwarte einen anderen Mann für die Nacht. Er macht sich auf den Weg zu ihrem Haus, sieht, dass das ganze Viertel finster ist und nur in einem Zimmer Licht brennt, und er spürt mit allen Sinnen, dass sie ihn dort, gerade jetzt betrügt. Er klopft an die Blendläden, zwei alte Herren öffnen das Fenster und leuchten mit einer Lampe die Straße aus, während Swann in den ihm unbekannten Raum schaut, der zum Nachbarhaus gehört. Der Vorfall beschämt ihn, empfand er sich in klaren Momenten doch längst als stalker, und beruhigt ihn gleichwohl für den Augenblick, auch wenn er nichts an seiner Überzeugung ändert, dass Odette ihn grundsätzlich und ständig hintergeht. Das Vokabular dieser Szene, komprimiert auf vier Seiten, ist einschlägig, skandiert Falschheit und Verdacht ebenso wie die gleichsam wissenschaftlichen Methoden der Investigation, den bohrenden Schmerz und den augenblicklichen Irrtum, der in vollem Lampenlicht aufscheint: „dass sie ihn nur gebeten habe […], damit er glaube”, „er wollte wissen”, „die Falschheit Odettes”, „das andere Leben Odettes, das er […] jäh und ohnmächtig geahnt hatte”, „Zweifel[s]”, „Qual”, „der leidenschaftliche Drang nach Wahrheit, einer Wahrheit jedoch, die ebenfalls zwischen ihm und seiner Geliebten stand”, „spionierend”, „geschickt gleichgültige Menschen zum Reden bringen, die Dienstboten für sich gewinnen, an den Türen horchen […] wie das Entziffern von Texten, das Vergleichen von Augenzeugenberichten und die Interpretation von Baudenkmälern”, „ernstzunehmende Methoden wissenschaftlicher Forschung, die für die Findung der Wahrheit geeignet wären”, „mißtrauisch”, „Verlangen, die Wahrheit zu kennen”, „eine brennende Lust, die erregende Wahrheit […] zu erfahren”34. Die pessimistische Anthropologie, derzufolge der Mensch schwach und seine Sprache unzuverlässig und schleierhaft ist, erreicht bei Proust eine unübertroffene Intensität35, und les lumières, gemeinhin doch das Reich der Erkenntnis, strahlen ab in den geheimen Bezirk terroristischer Unvernunft. Prousts wilde Semantik der Liebe heißt Eifersucht, und diese Eifersucht ist eine Zeichenobsession, die die Lüge generalisiert und das stets für arglistig und schuldig befundene geliebte Wesen, wie es in La Prisonnière heißt, einem Tribunal unterzieht.36 Noch unter dem Messer (der Guillotine?) aber, so Marcels ebenso hochgereizte wie trübe Gedankenschleifen, würden jene lügen, deren Charakter die Lüge ist und die gleichwohl in dieser Welt voller Lügen glauben, niemandem Schaden zuzufügen.37

34 Marcel Proust, Auf der Suche nach der verlorenen Zeit, hrsg. von Luzius Keller, Bd. 1, Frankfurt a. M., Suhrkamp Verlag, 1994, S. 394ff. und Proust, À la recherche, Bd. 1, 1987, S. 268ff.: „qu’elle avait simulé”, „il voulait savoir”, „la fausseté d’Odette”, „l’autre vie d’Odette dont il avait eu […] le brusque et impuissant soupçon”, „doute”, „douleur”, „passion de la vérité, mais d’une vérité, elle aussi, interposée entre lui et sa maîtresse”, „espionner”, „faire parler les indifférents, soudoyer les domestiques, écouter aux portes”, „aussi bien que le déchiffrement des textes, la comparaison des témoignages, l’interprétation des monuments”, „investigation scientifique d’une veritable valeur intellectuelle”, „soupçons”, „désir de connaître la vérité”, „volupté à connaître la vérité qui le passionnait […].” 35 Rainer Warning, „Proust und die Moralistik“, in Marcel Proust und die Philosophie. Achte Publikation der Marcel-Proust-Gesellschaft, Frankfurt a. M./ Leipzig, Insel Verlag, 1997, S. 100-120. 36 Proust, À la recherche, Bd. 3, S. 566. 37 Ibid., S. 607 : „Le mensonge est bien peu de chose, nous vivons au milieu de lui sans faire qu’en sourire, nous le pratiquons sans croire faire mal à personne, mais la jalousie en souffre et voit plus qu’il AMBIGUITÄTSTOLERANZ UND DIE DINGE DES LEBENS 115

An Beweisen für Lüge und Unaufrichtigkeit mangelt es jedoch: [...] notre jalousie, fouillant le passé pour en tirer des indications, n’y trouve rien; toujours rétrospective, elle est comme un historien qui aurait à faire une histoire pour laquelle il n’est aucun document; toujours en retard, elle se précipite comme un taureau furieux là où ne se trouve pas l’être fier et brillant qui l’irrite de ses piqûres et dont la foule cruelle admire la magnificence et la ruse. La jalousie se débat dans le vide, incertaine comme nous le sommes dans ces rêves où nous souffrons de ne pas trouver dans sa maison vide une personne que nous avons bien connue dans la vie, mais qui peut-être en est ici une autre et a seulement emprunté les traits d’un autre personnage [...].Quel air avait notre amie en nous disant cela; n’avait-elle pas l’air heureux, ne sifflait-elle même pas, ce qu’elle ne fait que quand elle a quelque pensée amoureuse? [...] Ne nous a-t-elle pas dit une chose qui se trouve en contradiction avec ce qu’elle nous affirme maintenant? [...] Nous ne le savons pas, nous ne le saurons jamais [...].38 Die Eifersucht produziert, da sie dem Dämon der Lüge nachjagt, das wahre Delirium der Zeichen.39 Und weil nahezu alle Protagonisten der Recherche Eifersüchtige sind, ist durchgängig die Kommunikation verstellt: semiotisch, als Unlesbarkeit, Uneindeutigkeit und stets mögliche Falschheit der Zeichen, hermeneutisch, als immer misslingender Versuch, den Anderen zu verstehen und Vertrauen herzustellen. Die unauflösliche Ambiguität der Sprache, die Opazität des geliebten Wesens und mit ihnen der ungeklärte Status von Wahrheit und Lüge sind die Hölle, und diese Hölle sind die anderen und mehr noch das Drängen der Zeichen in der Hirnhöhle, einem geschlossenen Raum ohne Ausgänge, wie Roland Barthes es darstellt.40 Jeder vermeintliche Ausweg führt nur in einen neuen Verdacht. Méfiez-vous des mots? Die Frage nach Wahrheit und Lüge bleibt, so will es scheinen, auch nach vielleicht einigen Wahrheiten über die Lüge, interessant und umso beunruhigender, je mehr man über den Menschen weiß.

ne cache […]. Mais elle ne peut rien obtenir, car elles qui jurent ne pas mentir refuseraient sous le couteau de confesser leur caractère.“ 38 Ibid., S. 653. 39 Deleuze, Proust et les signes, S. 167: „le délire propre des signes”. 40 In Roland Barthes, Fragments d’un discours amoureux, Paris, Seuil, 1978, ist diese Idee stets präsent, vgl. dazu auch Violette Morin, „Dans les Fragments d’un discours amoureux [...] un huis clos de corties“, in Communications, Nr. 36, 1982, S. 89-105.

« Das Bier unter den Alkoholfreien » – Mensonge et tromperie dans la communication commerciale Nathalie SCHNITZER Aix Marseille Université

Cette contribution relève le défi d’aborder dans une perspective linguistique un phénomène qui n’est pas inscrit en langue, mais seulement en discours. L’analyse s’appuie sur un corpus français et allemand et sur une conception pragmatique du mensonge, défini comme un acte de langage consistant à affirmer ce que l’on croit faux dans le but de tromper l’interlocuteur. La réflexion est étayée par des exemples relevant de la communication commerciale, qu’il s’agisse de slogans publicitaires, de noms de produits ou de marques, ou encore d’appellations d’origine protégée (AOP) et d’indications géographiques protégées (IGP) régies par la réglementation européenne.

Mensonge et langue

Défensif ou offensif, altruiste ou égoïste, moralement condamnable ou humainement excusable, le mensonge possède de multiples facettes. Pour le linguiste, étudier le mensonge est une entreprise risquée dans la mesure où il n’existe pas de marqueurs linguistiques spécifiques du mensonge comme on pourrait parler de marqueurs de l’hypothèse, de l’interrogation, de la concession ou de la subjectivité du locuteur. Comme le souligne l’anthropologue Gérard Lenclud, le mensonge s’appuie sur les mêmes conventions linguistiques que l’assertion sincère : « C’est pourquoi, même s’il revêt un habit langagier, le mensonge ne relève pas de l’analyse du linguiste, en tout cas pas de celui traitant du langage comme d’un code » (Lenclud 2011 : 4). Le linguiste Franz Hundsnurscher ne dément pas, mais précise : […] solange die Sprachwissenschaft ihr Erkenntnisinteresse ausschließlich auf zeichenhaft-funktionale Aspekte der Äußerungsformen, d.h. auf die Beschreibung der Struktur und Systemeigenschaften der sprachlichen Mittel nach grammatischen Kategorien beschränkte, konnte die Lüge nicht sinnvoll untersucht und auch nichts Nennenswertes über sie herausgefunden werden, eben weil Lügen kein grammatisches Phänomen ist (Hundsnurscher 1994 : 98). Le mensonge ne devient objet d’étude pour le linguiste que dans le cadre d’une description pragmatique du discours prenant en compte non seulement le message 118 NATHALIE SCHNITZER en tant que tel (l’énoncé comme produit fini), mais aussi les circonstances de son énonciation, les interlocuteurs et le contexte. C’est à ce niveau, pragmatique, que se situent les indices de la présence du mensonge. La conception du mensonge adoptée ici est formulée de manière synthétique par Anne Reboul : (i) mentir, c’est dire ce que l’on croit faux ; (ii) le menteur a l’intention de tromper son interlocuteur (Reboul 1992 : 131) Elle fait écho à celle proposée par Bettina Kümmerling-Meibauer et Jörg Meibauer : (i) Lügen ist ein Sprechakt, bei dem der Sprecher etwas behauptet, an dessen Wahrheit er nicht glaubt. (ii) Lügen ist verbunden mit der Intention, den Hörer zu täuschen. (Der Sprecher ist nicht wahrhaftig.) (iii) Ein Sprecher lügt, wenn er die Absicht hat zu täuschen, auch wenn er zufällig die Wahrheit gesagt hat. (Kümmerling-Meibauer, Meibauer 2011 : 115) Il est remarquable que la notion de vérité ne soit pas directement invoquée pour définir cet acte de langage. En effet, le mensonge ne s’oppose pas à une vérité objective, factuelle, dont il prendrait l’exact contrepied. D’une part la vérité n’est pas toujours clairement établie, d’autre part il arrive au menteur de dire la vérité sans le savoir. Le mensonge est en revanche étroitement lié à la conscience du locuteur, à ses propres croyances et à une intention de communication, cette intention trompeuse que la morale condamne, à quelques exceptions près. On tolère généralement que le locuteur énonce ce qu’il croit faux pour se protéger, sauver sa vie ou celle d’autrui, ou plus couramment pour se ménager ou ménager autrui. Inversement, l’énonciation sincère n’est pas toujours motivée par une intention louable. Dire à quelqu’un ce que l’on croit vrai, alors que, dans certaines circonstances, il vaudrait mieux se taire, peut relever de la volonté de nuire, voire de la délation.

intention adéquation de tromper intention de nuire avec la vérité

énoncé sincère – ? ? énoncé mensonger +

La définition du mensonge qui vient d’être proposée ne s’appuie pas sur des critères moraux et le linguiste doit se garder de toute attitude moralisatrice, même lorsqu’il a affaire à un corpus publicitaire dont l’affinité avec le mensonge ne fait pas de doute. Le rôle de l’analyste n’est pas de disqualifier ce type de discours en général, comme le souligne très justement Nina Janich, mais d’en déceler les ressorts cachés : Statt vor Manipulation zu warnen, vergeblich Information einzufordern und nicht informative Werbung moralisch zu verurteilen, könnte sprachwissenschaftlich begründete Aufklärung darin liegen, möglichst wertungsfrei die werbesprachlichen Überzeugungsstrategien zu beschreiben, den intentionalen Charakter von Werbung zu betonen, die Inszeniertheit ihrer Sprache bewusst zu machen und auf die Selektivität und Subjektivität der Produktinformationen hinzuweisen. (Janich 1999 : 35) MENSONGE ET TROMPERIE DANS LA COMMUNICATION COMMERCIALE 119

Les réflexions qui suivent s’inscrivent dans cette perspective et visent une meilleure compréhension du fonctionnement du mensonge dans le domaine du marketing et de la publicité, des activités dont on sait qu’elles ont pour fonction première d’augmenter le chiffre d’affaire des entreprises et non de fournir des informations objectives et désintéressées au consommateur et client potentiel. En ce qui concerne le vecteur linguistique du mensonge, on a coutume de l’associer à la forme assertive, c’est-à-dire à une proposition qui peut être dite vraie ou fausse. Kümmerling-Meibauer et Meibauer utilisent d’ailleurs le verbe « behaupten » pour décrire l’action du menteur. Or si le mensonge peut à la limite se passer de tout vecteur linguistique (mensonge par omission), sa capacité à se fixer sur un simple mot, un groupe de mots, une phrase nominale, ou encore dans une phrase verbale non assertive est rarement évoquée ; peut-être parce que la force du mensonge est d’être toujours là où on ne l’attend pas. C’est ce que l’analyse du corpus tentera de mettre en évidence.

Éléments de législation

Dans un souci d’harmonisation, l’Union européenne s’est progressivement dotée d’outils législatifs permettant de lutter contre ce qu’on appelle communément la « publicité mensongère ». Les deux principales directives actuellement en vigueur, l’une portant sur les pratiques commerciales déloyales, l’autre sur la publicité trompeuse et sur la publicité comparative datent respectivement de 2005 et 2006. La directive du 11 mai 2005 « relative aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs » définit précisément ce qu’est une action trompeuse : Une pratique commerciale est réputée trompeuse si elle contient des informations fausses, et qu’elle est donc mensongère ou que, d’une manière quelconque, y compris par sa présentation générale, elle induit ou est susceptible d’induire en erreur le consommateur moyen, même si les informations présentées sont factuellement correctes, [...] et que, dans un cas comme dans l’autre, elle l’amène ou est susceptible de l’amener à prendre une décision commerciale qu’il n’aurait pas prise autrement (extrait de l’article 6 de la directive 2005/29/CE 1). Cette directive est complétée par celle du 12 décembre 2006 « en matière de publicité trompeuse et de publicité comparative » et visant la protection des professionnels. On entend par « publicité trompeuse », toute publicité qui, d’une manière quelconque, y compris sa présentation, induit en erreur ou est susceptible d’induire en erreur les personnes auxquelles elle s’adresse ou qu’elle touche et qui, en raison de son caractère trompeur, est susceptible d’affecter leur comportement économique ou qui, pour ces raisons, porte préjudice ou est susceptible de porter préjudice à un concurrent (extrait de l’article 2 de la directive 2006/114/CE 2).

1 http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=OJ:L:2005:149:0022:0039:FR:PDF (dernière consultation pour ce lien et les suivants : 10 mai 2014) 2 http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=OJ:L:2006:376:0021:0027:FR:PDF 120 NATHALIE SCHNITZER

On remarque que l’adjectif « trompeur », mis en avant dans les deux directives, n’est pas synonyme de « mensonger ». Un contenu mensonger suppose une intention de tromper, d’induire le consommateur en erreur. Alors qu’un contenu peut produire un effet trompeur sans intention de tromper, simplement par maladresse ou ignorance, et cela même lorsque « les informations présentées sont factuellement correctes ». Pour sa défense, un diffuseur accusé de publicité trompeuse ne pourra donc pas se contenter d’arguer de sa bonne foi ni de la vérité de ses allégations. Le législateur épargne ainsi aux tribunaux la tâche délicate de statuer sur le caractère intentionnel de l’action trompeuse. Il est déjà assez délicat pour le linguiste de décrypter l’intention du locuteur. Mais lorsque le message consiste en une combinaison d’éléments verbaux, visuels, acoustiques, comme c’est souvent le cas en publicité, la tâche n’en est que plus périlleuse et le résultat incertain. Le législateur a donc choisi de ne tenir compte que de l’effet que le message est susceptible de produire sur le récepteur, que cet effet ait été ou non anticipé.

intention de tromper effet trompeur contenu trompeur ? + contenu mensonger + +

La même précaution, qui consiste à éviter toute référence explicite à la mauvaise foi de l’annonceur, a également été appliquée aux lois transposant ces directives européennes en droit français et en droit allemand. Du côté français, on pourra consulter sur ce point la loi du 4 août 2008 (article L121-1 du Code de la consommation 3). Du côté allemand, on se référera à la loi intitulée « Gesetz gegen den unlauteren Wettbewerb » (UWG 4), où il est question de « irreführende geschäftliche Handlungen » (§5).

Culture du mensonge en publicité

Si l’Union européenne s’est dotée ces dernières années d’un véritable arsenal législatif pour lutter contre les pratiques commerciales trompeuses, on aurait tort de voir dans les pratiques qu’elle tente de juguler un effet récent du développement de la société de consommation et de ses excès. Le recours au mensonge en publicité n’est pas une nouveauté, un dévoiement de la publicité des origines, « la réclame », qui aurait été véritablement dédiée à l’information du client. La presse du début du xxe siècle contient déjà nombre de publicités suggestives manifestement destinées à tromper le consommateur. L’étonnante campagne pour la promotion du médicament Urodonal (Lefèbvre 2004 : 680) en fournit un bel exemple. Sur l’une

3 http://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do;jsessionid=91CB08968D3CB0A6CE9876A 8AE2B8B9B.tpdjo17v_1?idArticle=LEGIARTI000019293636&cidTexte=LEGITEXT000006069565& dateTexte=20131124 4 http://www.gesetze-im-internet.de/bundesrecht/uwg_2004/gesamt.pdf MENSONGE ET TROMPERIE DANS LA COMMUNICATION COMMERCIALE 121 des nombreuses annonces publicitaires consacrées à cette potion miracle, on voit un homme confortablement installé dans son fauteuil dans un intérieur bourgeois, il fume un cigare dont s’échappent de belles volutes blanches qui se transforment en silhouettes de femmes aux formes avantageuses et aux décolletés plongeants 5. Le pavé rédactionnel associé à cette illustration retient également l’attention : (1) L’Urodonal permet le cigare en supprimant le danger de la nicotine Songez, fumeurs, au précieux Urodonal. Rappelez-vous qu’il n’est rien de tel pour assouplir les vaisseaux, conserver la tonicité du cœur, abaisser la tension vasculaire, enrayer la sclérose, décrasser le sang, éliminer les toxines, enfin et surtout dissoudre l’acide urique, comme l’eau chaude dissout le sucre ; bref, neutraliser au fur et à mesure la néfaste besogne de la nicotine. Il est évident que si deux forces égales pèsent, chacune de son côté, contre une cloison, l’équilibre aura toutes les chances d’être assuré. Voilà comment, avec l’accompagnement d’un verre d’Urodonal, un bon cigare, une bonne pipe, voire même une série de cigarettes, ne sauraient plus désormais faire du mal à personne. Il y a déjà dans cette publicité suggestive datant de 1918 des outils très performants de manipulation : l’utilisation hors de propos et l’érotisation du corps féminin (dans la partie iconographique), les allégations de santé non vérifiées scientifiquement (dans la partie textuelle). Même si l’on considère qu’on n’avait pas à l’époque la même connaissance qu’aujourd’hui des méfaits du tabac, il semble difficile de nier la présence dans ce message d’une intention de tromper, subordonnée à la volonté de vendre. Le mensonge ne s’expose plus aujourd’hui de façon aussi outrancière. La législation actuelle sur les médicaments 6 ne permettrait d’ailleurs plus de proférer de telles allégations de santé. La marge de manœuvre s’étant considérablement réduite, les professionnels de la communication ont recours à des moyens plus indirects pour créer des besoins, faire connaître et valoriser leurs produits, se démarquer de la concurrence et bien sûr pousser les consommateurs vers l’acte d’achat. Les méthodes utilisées s’inscrivent le plus souvent dans une logique d’idéalisation du produit et vont de l’omission à l’hyperbole en passant par l’exagération.

Diversion par omission

En publicité, il est courant de faire diversion, c’est-à-dire de détourner l’attention des consommateurs des inconvénients, des risques et autres conséquences indésirables liés à l’utilisation d’un produit ou d’un service en mettant l’accent sur ses avantages réels ou supposés. Cette stratégie de l’évitement est même nécessaire pour des produits controversés comme le tabac et les alcools (conséquences pour la santé, dépendance), l’automobile et l’aviation (pollution, bruit), les médicaments (effets secondaires), l’énergie nucléaire (gestion des déchets), les crédits à la

5 http://commons.wikimedia.org/wiki/File:Urodonal_add2.jpg 6 Voir la directive 2001/83/CE du 6 novembre 2001 instituant un code communautaire relatif aux médicaments à usage humain : http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=CONSLEG:2001L0083:20110120:FR:PDF 122 NATHALIE SCHNITZER consommation (surendettement), etc. La dissimulation des questions qui fâchent sous un verni flatteur est un classique des slogans publicitaires. (2) Lufthansa : Verkürzte Reisezeit – verlängerte Ferien! (1961) 7 (3) Air France : L’art du voyage (1988) 8 (4) Cabinet : Von Mensch zu Mensch (1995) 9 (5) Gauloises blondes : Liberté toujours (2000) 10 La volonté de valoriser le produit sans insister sur ses faiblesses se mue parfois en opération de désinformation. Il y a alors non seulement omission d’une information substantielle, mais le contenu qui vient se substituer au contenu gênant est en outre lui-même trompeur. Dans les années 80, une campagne pour la cigarette « R1 Slim Line », destinée principalement aux femmes, s’appuie sur la formule d’accroche : (6) Schlank steht mir ! (1987) 11 Cette exclamative est associée à un visuel montrant une jeune femme mince et élégante fumant cette cigarette. Le slogan « Schlank und geschmackvoll » complète le message. Le terme « schlank », employé dans le slogan et dans l’accroche, réfère aussi bien à l’objet qu’à la personne qui le consomme, ce qui non seulement détourne les destinataires de l’idée de nocivité du tabac, mais les incite en outre à en déduire que la cigarette favorise la minceur, un argument auquel les femmes, le cœur de cible de cette campagne, sont particulièrement sensibles. La publicité pour les produits du tabac est aujourd’hui interdite au niveau européen 12, et dans les autres domaines, la législation a été durcie en matière de mensonge par omission que les textes qualifient d’« omissions trompeuses 13 ». Cela n’empêche évidemment pas certains annonceurs de contourner les interdits et d’exploiter les failles du système. Dans le secteur alimentaire, c’est notamment le cas pour les sodas dont les publicitaires vantent les qualités rafraichissantes et dynamisantes, en oubliant de préciser qu’elles contiennent de grandes quantités de sucre. Les associations de consommateurs dénoncent régulièrement ces procédés. En France, ce rôle est notamment assumé par l’association « UFC-Que Choisir 14 ». En Allemagne, l’association « Foodwatch » s’est quant à elle fixé pour seul objectif la lutte contre la publicité mensongère et trompeuse dans le domaine de l’alimentation. Ses membres ont lancé depuis 2009 une campagne médiatique

7 http://www.slogans.de/slogans.php?BSelect[]=283 8 http://memoireairfrance.canalblog.com/archives/2007/05/07/4865108.html 9 http://www.reemtsma.com/images/home/Reemtsma_100-Jahre-Broschuere.pdf 10 http://gauloises-100ans-de-design-de-marque.blogspot.fr/ 11 http://www.reemtsma.com/images/phocagallery/Historie/Werbemotive/thumbs/phoca_thumb_l_ R1%20Slim%20Line-Schlank%20steht%20mir%20Werbeanzeige%201987.jpg 12 Voir la directive 2003/33/CE du 26 mai 2003 « concernant le rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres en matière de publicité et de parrainage en faveur des produits du tabac ». http://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/PDF/?uri=CELEX:320 03L0033&from=FR 13 L’omission trompeuse est définie dans la directive européenne 2005/29/CE sur les pratiques commerciales déloyales. 14 L’UFC-Que Choisir a récemment fait grand bruit en déposant plainte contre l’opérateur Orange à propos de la campagne de publicité pour la technologie 4G. MENSONGE ET TROMPERIE DANS LA COMMUNICATION COMMERCIALE 123 intitulée « abgespeist » relayée par un site web sur lequel les internautes peuvent élire la publicité la plus mensongère de l’année (« die dreisteste Werbelüge des Jahres »). L’association remet chaque année le « goldener Windbeutel » à la campagne ayant obtenu le plus grand nombre de suffrages et fait en sorte d’attirer l’attention des médias sur cet événement 15.

Diversion par délégation

Si, comme on l’a vu plus haut, le mensonge est un acte de langage lorsqu’il fait l’objet d’une énonciation, il se manifeste également sous des formes non linguistiques. Dans la communication commerciale, la tentation est forte de faire transiter le contenu mensonger par le biais de l’iconographie ; le phénomène ne concerne pas seulement les annonces publicitaires, mais aussi les emballages. À côté des contraintes techniques liées au conditionnement, l’emballage constitue en effet un espace de communication gratuit que les marques ont tout intérêt à exploiter. Certaines respectent les limites du cadre légal 16, d’autres non. En matière de fraude, on pense au récent scandale des lasagnes étiquetées « pur bœuf » qui contenaient en réalité de la viande de cheval 17. Un procédé plus subtil consiste à agrémenter l’emballage d’images flatteuses d’ingrédients que le produit ne contient qu’en quantité infime ou sous forme d’arômes. Le packaging trompeur de la tisane « Landlust Mirabelle & Birne » de la marque Teekanne a ainsi été dénoncé par l’association Foodwatch : « Genießen Sie einen kleinen Ausflug aufs Land und entdecken Sie den ursprünglichen Genuss vertrauter Früchte, die noch in Ruhe heranreifen können », verspricht TEEKANNE auf der Verpackung des Früchtetees « Landlust Mirabelle & Birne », auf der goldgelbe Mirabellen und Birnen prangen. Doch genau genommen ist das Produkt ein ganz normaler Industrie-Früchtetee : Billige Standard-Zutaten plus Aroma für imitierten Geschmack. Trotzdem ist er mit 4 Euro je 100 Gramm deutlich teurer als normaler Früchtetee. 18 Le mensonge véhiculé par l’image consiste pour l’annonceur à « déléguer » son énonciation à la cible publicitaire que la vue d’un emballage richement illustré va entraîner à une conclusion erronée du type : « On voit des fruits sur l’emballage, donc ce produit contient des fruits ».

15 Le prix a été décerné au Soda « Capri-Sonne » en 2012 et à « Hipp-Kindertee » en 2013. 16 Voir la directive 2000/13/CE du 20 mars 2000 « relative au rapprochement des législations des États membres concernant l’étiquetage et la présentation des denrées alimentaires ainsi que la publicité faite à leur égard ». http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=OJ:L:2000:109:0029:0042: FR:PDF 17 L’affaire qui mettait en cause la société Spanghero de Castelnaudary avait éclaté en janvier 2013 et s’était soldée par la fermeture de l’entreprise. 18 http://www.abgespeist.de/landlust/index_ger.html 124 NATHALIE SCHNITZER

perception visuelle / émetteur récepteur interprétation énonciation image à caractère trompeur du contenu trompeur

Une autre manière de déléguer l’acte de mensonge en faisant porter au destinataire la responsabilité de son énonciation consiste à dissimuler le contenu trompeur dans la partie implicite du message linguistique. Le slogan suivant fonctionne sur ce principe : (7) Clausthaler, das Bier unter den Alkoholfreien (2009) 19 La séquence, qui se compose du nom du produit auquel est apposé un groupe nominal complexe, ne fait pas l’objet d’une assertion explicite, mais elle incite le destinataire à reconstruire par inférence plusieurs assertions souhaitées par l’annonceur : 1) Clausthaler est une bière, 2) elle est sans alcool, 3) les autres boissons sans alcool (« die Alkoholfreien ») ne sont pas des bières. L’emploi de l’adjectif substantivé « d- Alkoholfrei- » n’est pas innocent et a d’ailleurs fait l’objet d’une campagne de protestation de la part de l’association Foodwatch 20 qui considère comme mensonger le fait de qualifier de bière « sans alcool » une boisson qui en contient 0,45 %. La législation européenne l’autorise (jusqu’à 1,2 %), mais le terme exact serait selon Foodwatch « alkoholarm » (à faible teneur en alcool). Un autre aspect discutable, non mentionné par Foodwatch, concerne le dénigrement indirect des marques concurrentes de bières dites « sans alcool », auxquelles ce slogan dénie implicitement le droit de porter le nom de « bière », un contenu habilement induit par le groupe prépositionnel « unter den Alkoholfreien » à valeur sélective incident à la description définie « das Bier ». Dans l’absolu, l’emploi du terme « bière » pourrait d’ailleurs être remis en cause pour toute boisson à faible teneur en alcool, Clausthaler comprise, quelles que soient ses qualités gustatives. Il faudrait en effet se demander s’il est vraiment légitime (bien qu’aujourd’hui légal) que cette dénomination s’applique à un produit normalement alcoolisé lorsqu’il se trouve privé de ce qui en constitue une caractéristique essentielle (son degré d’alcool). Dans l’exemple qui vient d’être analysé, tout ce qui peut être contesté et qualifié de trompeur, sinon de mensonger, est exprimé sous forme implicite, mais ce n’est pas toujours le cas comme on va le voir à présent.

Exagération et hyperbole

Une alternative aux mensonges reposant sur des stratégies de diversion consiste à faire un éloge exagéré du produit, et donc à pousser le curseur au-delà du mensonge.

19 http://www.clausthaler-genuss.de/ 20 http://www.abgespeist.de/clausthaler/index_ger.html MENSONGE ET TROMPERIE DANS LA COMMUNICATION COMMERCIALE 125

Certes, les publicitaires prennent des risques lorsqu’ils affirment explicitement que tel produit possède telle merveilleuse qualité ou engendre tel effet extraordinaire : (8) Aix en Provence guérit la phlébite (Casino municipal, vers 1910) 21 Si l’objet vanté ne produit pas l’effet explicitement décrit, le client pourra se sentir trahi et manifester son mécontentement, à moins que la promesse ne soit tellement démesurée qu’on ne puisse plus raisonnablement la prendre au pied de la lettre : (9) Le pneu Michelin boit l’obstacle (vers 1898) 22 (10) Ala : Le détergent glouton ! Ses multi-enzymes dévorent les taches (1969) 23 Si les situations de la vie quotidienne sont systématiquement idéalisées en publicité (personnages plus beaux, plus jeunes, cadre de vie plus luxueux…), à tel point que les consommateurs n’y prêtent généralement plus attention, l’hyperbole publicitaire pousse la logique plus loin en désamorçant dans la foulée toute critique sur la nature trompeuse de l’exagération : il n’y a plus d’intention trompeuse lorsque le caractère décalé, irréaliste, voire surréaliste de la situation présentée ou de la promesse associée à la campagne devient évident. Catherine Kerbrat-Orecchioni mentionne à ce propos un spot publicitaire des années 80 pour les valises de la marque Samsonite, qui avait été accusée par la société concurrente Delsey de publicité mensongère. On y voyait des bulldozers jouer au football avec une valise Samsonite sans la détruire. Le spot s’achevait sur ce message en voix off : (11) Samsonite, voyagez tranquille (1981) 24 L’annonceur avait été condamné en première instance, mais ce jugement avait été invalidé par la Cour d’appel, qui avait jugé qu’une telle hyperbole publicitaire n’était pas de nature à tromper le consommateur (Kerbrat-Orecchioni 1986 : 337). L’exagération de la promesse est aussi l’autre face de la dissimulation dont il a été question dans les exemples (2) à (6) ; les compagnies aériennes, soucieuses de diffuser une image lisse et épurée d’un moyen de transport bruyant et polluant, y ont volontiers recours : (12) Lufthansa : Fliegen in der Luft, Vögeln gleich (1975) 25 (13) Air France : Gagner le cœur du monde (1998) 26 Le recours à une forme infinitive, qui désactualise le procès, dispense l’annonceur de tout engagement clair quant à la réalisation de la promesse. Peu importe qu’il s’agisse d’un idéal inatteignable. L’actuel slogan d’Air France fonctionne sur le même principe : (14) Faire du ciel le plus bel endroit de la terre (1999) 27

21 http://feguide.free.fr/affiche.htm 22 http://commons.wikimedia.org/wiki/File:Michelin_Poster_1898.jpg Voir aussi : Lelieur 1999 : 293. 23 Bargiel, 2007 : 91 24 http://www.ina.fr/video/PUB3250586025 25 http://www.slogans.de/slogans.php?BSelect[]=283 26 http://memoireairfrance.canalblog.com/archives/2007/05/07/4865108.html 27 http://corporate.airfrance.com/fileadmin/dossiers/documents/communiques_de_presse/Lenvol_ FR.pdf 126 NATHALIE SCHNITZER

Ce slogan a été illustré en 2011 par un film publicitaire intitulé « L’envol » où un couple semble danser entre ciel et terre sur un concerto de Mozart 28. À côté de sa construction infinitive, le slogan comporte une autre spécificité sur le plan grammatical, à savoir l’emploi de la forme superlative qui permet de souligner les qualités exceptionnelles et inégalées du produit vanté (Schnitzer 2014 : 104-105). L’usage de structures comparatives est bien ancré dans la tradition publicitaire : (15) Pneu Hutchinson : Plus solide que l’acier (affiche de 1920) 29 Mais en (14), à la différence de (15), la comparaison ne porte pas sur le produit lui-même, mais sur le ciel dont l’extrême beauté n’a pas à être prouvée. Le ciel a-t-il besoin d’Air France pour devenir le plus bel endroit de la terre ? Ce que les publicitaires appellent couramment la « promesse » de la marque n’a donc qu’un lointain rapport avec une promesse au sens linguistique. Cet acte de langage est rarement accompli par le biais des slogans qui se contentent le plus souvent d’orienter l’interprétation tout en laissant au récepteur le soin de tirer les conclusions souhaitées. On a vu que des éléments mensongers, ou tout au moins de nature à induire le consommateur en erreur, étaient couramment véhiculés par l’association des constituants textuels et iconographiques de la publicité, mais il n’est pas rare qu’ils soient directement inscrits dans le nom des produits. Des noms qui apparaissent comme les prémisses des mensonges développés ensuite dans les campagnes de publicité.

Mensonge et dénomination

La question de la dénomination se pose dès le lancement d’un produit, le nom jouant un rôle non négligeable dans le succès ou l’échec de la mise sur le marché. Dans cette mesure, le choix du nom s’inscrit déjà dans une démarche commerciale. On le constate pour de nombreux modèles de voitures dont les noms sont des promesses d’évasion, d’aventure, de grands espaces : (16) Jeep Grand Cherokee, Opel Agila, Porsche Cayenne, Renault Captur, Seat Ibiza, Toyota Avensis, etc. La même logique s’applique à certains parfums aux noms évocateurs, sans rapport avec la composition des parfums mais qui confèrent à ces produits une aura de mystère, de sensualité : (17) Allure de Chanel, Amazone d’Hermès, Byzance de Rochas, Opium d’Yves Saint-Laurent, etc.

28 Cette chorégraphie très réussie contribue à la mémorisation du slogan par l’association son- image-texte. http://www.dailymotion.com/video/xl57fk_pub-air-france-envol-2011-hq_creation 29 ftp://ftp.bnf.fr/901/N9011313_PDF_1_-1DM.pdf MENSONGE ET TROMPERIE DANS LA COMMUNICATION COMMERCIALE 127

Les vertus réelles ou supposées, pour ne pas dire fantasmagoriques, des crèmes, huiles, parfums et autres produits cosmétiques s’expriment également par le biais de groupes nominaux lexicalisés de forme « adjectif épithète + nom générique » ou assimilée, ou encore de noms composés : (18) Huile Prodigieuse ou Crème Nirvanesque de Nuxe, Huile Extraordinaire ou Excellence Crème de L’Oréal, Crème Précieuse de l’Occitane, Teint Miracle de Lancôme, Wunderwasser de 4711 Kölnisch Wasser, etc. En faisant de ces expressions des marques déposées (et protégées), les fabricants s’affranchissent de toute obligation de sincérité : Nuxe n’a pas à démontrer scientifiquement les effets prodigieux de sa crème. Kölnisch Wasser n’est pas non plus tenu d’expliquer ce que sa nouvelle eau de toilette baptisée « Wunderwasser » a de miraculeux. Le nom de marque assimilé à un nom propre possède un caractère conventionnel qui, dans la plupart des cas, le met à l’abri d’éventuelles poursuites. Dans le secteur alimentaire, la réglementation se révèle néanmoins plus contraignante en matière de dénomination. Depuis les années 90, la marque Danone proposait ainsi à ses clients peu avisés des yaourts « Bio » et tirait avantage de la connotation positive associée à ce terme. (19) Danone Bio : Yaourt au bifidus actif (1992) 30 En 2005, pour se mettre en conformité avec la législation européenne 31, la marque Danone a dû débaptiser ses yaourts « Bio », qui n’avaient de bio que le nom, pour les rebaptiser « Activia 32 ». La guerre des noms ne concerne pas seulement les marques déposées, mais aussi les noms de variétés de produits agricoles autorisées au niveau européen. Les lobbies agroalimentaires, très actifs auprès des instances européennes, parviennent parfois à imposer des dénominations trompeuses, comme en témoigne l’affaire des « fausses échalotes » : (20) Rose Lily : L’échalote française issue de semis 33 Les producteurs français d’échalotes traditionnelles sont actuellement en conflit avec des producteurs d’échalotes dites « de semis » venues des Pays-Bas, plus faciles à cultiver, donc vendues moins cher ; ces échalotes seraient en réalité une variété d’oignons appelée aussi « échalions » qui n’aurait de l’échalote que l’apparence 34. Les producteurs d’échalotes traditionnelles considèrent qu’il s’agit d’une contrefaçon et ils ont demandé aux autorités européennes la radiation de l’échalote de semis des catalogues officiels ; les consommateurs quant à eux n’y ont vu que du feu. On est

30 http://www.ina.fr/video/PUB3774382002 31 Il s’agissait du règlement (CEE) no 2092/91, abrogé entre-temps par le règlement (CE) no 834/2007 du 28 juin 2007 « relatif à la production biologique et à l’étiquetage des produits biologiques ». http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=OJ:L:2007:189:0001:0023:FR:PDF 32 http://lexpansion.lexpress.fr/entreprises/danone-change-ses-bio-en-activia_1360364.html 33 http://www.bejo.fr/fr/actualites/actualit%C3%A9s-produits.aspx?PID=1275&Action=1&News Id=545 34 L’argumentaire des producteurs est présenté dans ce dossier de presse : http://www. echalotetraditionnelle.com/medias/1251901680.pdf 128 NATHALIE SCHNITZER ici en présence d’un cas intéressant de déconnexion entre un signe linguistique et son référent extralinguistique à des fins commerciales. Le procédé consiste à priver un objet du monde du signe linguistique qui lui est habituellement affecté pour le remplacer par un autre dans le but de tromper l’interlocuteur sur la nature même de l’objet. Il s’agit d’une manœuvre subversive sur le plan linguistique puisqu’elle sape le principe même de la dénomination qui s’appuie sur des correspondances stables entre les signes linguistiques et leurs référents. Cette nouvelle dénomination peut avoir pour effet, à moyen terme, de modifier le sens des mots. Si la requête des producteurs d’échalotes traditionnelles n’aboutit pas, le terme « échalote » sera bientôt associé à un végétal aux propriétés botaniques et gustatives différentes de ce qu’était l’échalote avant l’arrivée massive sur le marché de ce nouveau produit.

Appellations et indications d’origine

On a vu que le contenu trompeur pouvait porter sur différents aspects du produit, de son mode de production à ses effets (souhaités ou indésirables), en passant par ses qualités intrinsèques ou sa composition. Mais la question de l’origine géographique est un point particulièrement sensible, notamment en ce qui concerne les denrées alimentaires, comme l’illustre cette querelle germano-polonaise autour d’une pâtisserie dénommée :

(21) Kołocz śląski/kołacz śląski (Schlesischer Streuselkuchen) L’enregistrement en 2011 de cette appellation comme indication géographique protégée (IGP) 35 au bénéfice des boulangers-pâtissiers polonais a eu pour conséquence d’interdire à leurs homologues allemands originaires de Silésie l’utilisation du nom « Schlesischer Streuselkuchen ». Ce qui n’était, semble-t-il, qu’une maladresse de traduction a été amplement relayé dans la presse allemande au cours de l’automne 2013 36. Si cet exemple reste anecdotique et peu préjudiciable au consommateur, il montre que pour le législateur comme pour tout un chacun, l’enfer est souvent pavé de bonnes intentions. La mise en place d’appellations d’origine protégée 37 (AOP) et d’indications géographiques protégées 38 (IGP) a malgré tout permis dans de nombreux cas de limiter la concurrence déloyale et de soutenir la fabrication selon des méthodes traditionnelles de spécialités locales et régionales 39. Entre 1996

35 Règlement d’exécution (UE) no 733/2011 du 22 juillet 2011 : http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/ LexUriServ.do?uri=OJ:L:2011:195:0032:0033:FR:PDF 36 On peut citer cet article de Die Welt dont le titre souligne le caractère polémique de l’affaire : « Wie Schlesisch darf deutscher Streuselkuchen sein » http://www.welt.de/121759165, ou encore Der Spiegel, qui prend la chose avec humour en titrant « Versemmelt » http://www.spiegel.de/spiegel/ print/d-113750751.html 37 « Ursprungsbezeichnungen ». 38 « geographische Angaben ». 39 Voir le règlement (UE) No 1151/2012, article 5 : « Exigences applicables aux appellations d’origine et aux indications géographiques ». http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=OJ:L:2012:343:0001:0029:fr:PDF MENSONGE ET TROMPERIE DANS LA COMMUNICATION COMMERCIALE 129 et 2013, pas moins de 206 AOP ont été enregistrées côté français, 95 côté allemand 40, de la « gâche vendéenne » à la « figue de Solliès », du « Spargel aus Franken » au « Lübecker Marzipan ». Il n’en reste pas moins extrêmement difficile de statuer sur le caractère trompeur, voire mensonger de la dénomination de telle spécialité non enregistrée au catalogue. On n’a pas le droit d’appeler « roquefort » un fromage fabriqué en Bretagne, mais rien n’empêche d’apposer l’étiquette « camembert » sur un fromage venu de Hollande, du moment qu’on ne précise pas « camembert de Normandie », puisque le nom « camembert » n’est pas protégé. Sur le plan légal, cette forme d’usurpation d’identité, qu’on pourrait qualifier d’usurpation de signifiant sur le plan linguistique, n’est pas considérée comme trompeuse et ne donne lieu à aucune sanction.

Conclusion

Les stratégies couramment utilisées par les marques pour tromper le consommateur, tout en restant dans les limites d’un cadre légal toujours plus contraignant, vont du mensonge par omission à l’hyperbole en passant par la désactualisation de la promesse, quand elles ne visent pas la dénomination elle-même. Les moyens de contourner les directives européennes sur la publicité trompeuse sont multiples et perpétuellement renouvelés au gré de l’évolution de la législation. Le mensonge est parfois directement exprimé, par le biais d’une construction assertive, parfois à reconstruire par le destinataire, lorsqu’il est véhiculé par l’image ou implicitement contenu dans l’énoncé. Indétectable en langue, idéalement transparent dans le discours, la présence du mensonge se manifeste à travers certains indices que l’analyse du corpus a contribué à mettre en évidence. Tous les supports linguistiques sont capables d’accueillir des mensonges effectifs ou par délégation, mais on a vu que dans le domaine de la communication commerciale, les tournures infinitives, les superlatifs, les phrases sans verbes, ou encore les dénominations constituaient un terreau particulièrement favorable.

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40 La base de données DOOR est consultable sur le site de la commission Européenne. http://ec.europa.eu/agriculture/quality/door/list.html 130 NATHALIE SCHNITZER http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/pharm_0035-2349_2004_ num_92_344_5751 Lenclud Gérard, « L’acte de mentir », Terrain, no 57, 2011, p. 4-19. Kerbrat-Orecchioni Catherine, L’implicite, Paris, Armand Colin, 1986. Kümmerling-Meibauer Bettina, Meibauer, Jörg, « Lügenerwerb und Geschichten vom Lügen », Zeitschrift für Literaturwissenschaft und Linguistik (LiLi), no 62, 2011, p. 114‑134. http://homepages.uni-tuebingen.de/bettina.kuemmerling-meibauer/essays/Luegenerwerb_ und_Geschichten_vom_Luegen.pdf Lelieur Anne-Claude (dir.), De Bébé Cadum à Mamie Nova. Un siècle de personnages publicitaires, Paris, Paris-bibliothèques, 1999. Reboul Anne, « Le paradoxe du mensonge dans la théorie des actes de langage », Cahiers de linguistique française, no 13, 1992, p. 125-147. Schnitzer Nathalie, « “Wie ein Star” – Vergleich und Präsupposition in der Werbung », in Michel Lefèvre (dir.), Linguistische Aspekte des Vergleichs, der Metapher und der Metonymie, Tübingen, Stauffenburg-Verlag, 2014, p. 103-117. Die Image-Lüge in der Massendemokratie – über einen neuen Typ der politischen Lüge Clemens KNOBLOCH Universität Siegen

In The Bonfire of the Vanities, Tom Wolfes New-York-Roman aus den 80er Jahren des vorigen Jahrhunderts, verfährt sich ein früher Vertreter der Finanzzockerspezies mit seiner Geliebten und seinem 50.000 $-Mercedes in der schwärzesten Bronx. Dort wird der Wagen auf einer Rampe durch ein Hindernis gestoppt, zwei schwarze Jugendliche tauchen auf und bieten Hilfe an. Bei der panischen Flucht des Pärchens, das fürchtet, Opfer eines Überfalls zu werden, wird einer der Jugendlichen durch den startenden Wagen erfasst und verletzt und fällt am folgenden Tag im Krankenhaus ins Koma. Der Rest des Romans erzählt, wie eine Vielzahl weiterer Akteure diesen „Fall“ okkasionalistisch so umbiegt, dass er maximalen Nutzen und Gewinn für das je eigene Image abzuwerfen verspricht: Peter Fallow, der bis dahin erfolglose und versoffene Sensationsjournalist hat endlich seinen scoop und kommt groß heraus. Reverend Bacon, umtriebiger Wortführer aller New Yorker Minderheiten (der Schwarzen, der Frauen, der Schwulen), baut mit seiner Hilfe das (zufällige und farblose) Opfer der hit-and-run-Affäre zu einer Lichtgestalt auf und organisiert Demonstrationen gegen die weiße Klassen- und Rassenjustiz. Abe Weiss, District Attorney im Wahlkampf, hat endlich den spektakulären Fall, der seine Wiederwahl in der schwarzen Bronx sichern wird, wenn er sich nur erfolgreich als harter Verfolger auch eines weißen Wall-Street-Millionärs inszeniert. In diesem literarischen Labor bilden Ereignisse den Rohstoff, aus dem die beteiligten Akteure imagekonforme und ergo für die Eigengruppe plausible Narrative formen. Es sind diese Images, die öffentlich aufeinander treffen. Das wirkliche Opfer interessiert niemanden und der vermeintliche Täter, schuldig bestenfalls des Ehebruchs, wird zwischen ihnen zermahlen. Ob solche imagekonformen Transkriptionen als „Lüge“ angesprochen werden können, bleibt zu prüfen. Fest steht jedoch zweierlei: Die von Tom Wolfe literarisch aufgespießte Praxis imagekonformer Transposition dominiert das öffentliche Sprechen unter den Bedingungen einer massenmedialen Aufmerksamkeitsökonomie. Und diese Praxis ist konstitutiv für die spezifische Form, die „Lüge“ als Teilnehmerkategorie in derartigen Settings annimmt. Hannah Arendt (1972) hat die Risiken und Nebenwirkungen solcher Image-Lügen erstmals herausgearbeitet: Sie erzeugen dynamische Konsistenzzwänge, in denen die politischen Akteure sich leicht verrennen, und sie binden die Eigengruppe, während der jeweilige Feind 132 CLEMENS KNOBLOCH oder Gegner durch sie nie getäuscht wird. Und sie sind nicht eigentlich durch Tatsachenwahrheiten widerlegbar, sie können bestenfalls zusammenbrechen und geben dann den Blick frei auf „Tatsachen“, die bislang von ihnen verdunkelt oder verstellt waren. Wo die Image-Lüge dominiert, gibt es für das öffentliche Sprechen zwar Dummheiten oder Themen, die gemieden werden müssen (im deutschen Bundestagswahlkampf 2013 griffen sich die Zeitungskommentatoren an den Kopf, weil Peer Steinbrück den deutschen Bundeskanzler für unterbezahlt erklärte, wo er doch das Image des Kämpfers für mehr soziale Gerechtigkeit so dringend brauchte!), aber die „Lüge“ gibt es dann nur im Bereich persönlicher Moral und Justiziabilität. Die moralisch eskalationsträchtigen Image-Lügen, mit denen die modernen Kriege begonnen wurden (von serbischen Gräueltaten im Kosovo bis zu irakischen Massenvernichtungswaffen), haben auch nach ihrer Aufdeckung keinen Politiker zu Fall gebracht. Als (dann gefährliche) Teilnehmerkategorie fungiert die Lüge nur bei persönlicher Vorteilnahme – das signalisiert dem Publikum zugleich Nähe und Distanz, indem Politiker auf den eigenen Vorteil aus sind (wie wir), dabei aber (anders als wir) wirklich viel riskieren. Man kann sie also aus dem sicheren Feld der „Normalität“ heraus zugleich heimlich bewundern und doch froh sein, dass man selbst (in der „Mitte“) vor derartig gefährlicher medialer Aufmerksamkeit geschützt ist. „Images“ sind nicht darauf angelegt, wahr zu sein oder vollständig mit den Akteuren übereinzustimmen. Sie müssen konsistent und zustimmungsfähig sein und sie erzeugen ein Plausibilitätsfeld, außerhalb dessen Kommunikation teuer und riskant wird. Insofern beeinflussen sie den „Preis“ der Lüge ebenso wie den „Preis“ der Wahrheit. Ich möchte versuchen, den dynamischen Konsistenzzwängen öffentlicher Image- Lügen an einigen Beispielen nachzugehen, die es erlauben, die Bindewirkungen solcher Konstellationen auf die Eigengruppe schärfer von den Außenwirkungen abzusetzen – mit Blick auf die Frage, welche Folgen das in beiden Sektionen für die Teilnehmerkategorie „Lüge“ hat.

Theoretische Annahmen

Zunächst gilt für alle diskurslinguistischen Untersuchungen der „Lüge“, dass man sich im Schatten Foucaults von Problemen der Aufrichtigkeit einzelner Sprecher, der strategischen Manipulation des Publikums etc. ebenso abgekoppelt hat wie vom sprachkritischen Topos der selbst im Kern lügenhaften Sprache. Stattdessen geht es um die historisch variable Eigenlogik der öffentlichen Macht-Wissen-Rede- Komplexe, in denen ganz praktisch verhandelt wird, was überhaupt zugelassen werden soll auf dem politischen Kampfplatz konkurrierender Wahrheiten. Vorerst gibt es wenig Grund, sich in den vor allem im populären Neoevolutionismus der jüngsten Zeit geführten Debatten über die anthropologisch (oder sonst wie) naturalisierte Lüge zu positionieren (vgl. Sommer 1993). Tendenziell sucht die genegoistische Fraktion Täuschung, Übervorteilung und Lüge in allen Formen des Signalverkehrs als default zu etablieren, eben des unweigerlichen Drangs der Gene, DIE IMAGE-LÜGE IN DER MASSENDEMOKRATIE 133 ihre eigene Proliferation zu maximieren. Ausnahmen bilden in der Hauptsache die sogenannten „teuren Signale“, die darum weitgehend fälschungssicher sind, weil für den Signalgeber viel auf dem Spiel steht, weil er keine Kosten scheut oder hohe Risiken eingeht (Zahavi & Zahavi 1998). Auf der anderen Seite steht die klappsymmetrische Annahme von der „natürlichen“ Kooperationsbereitschaft der Menschen, die dann kulturell konditioniert und dergestalt gebahnt wird, dass überhaupt eine Normierung axiomatisch sinnvoll wird. Wenn wir „von Natur“ lügen, ist eh alle Moral vergebliche Liebesmüh, und wenn wir gar nicht anders können als kooperativ und aufrichtig sein, dann sind Lügner krank, deviant, Irrläufer der Evolution: Das freizügige Teilen von Informationen scheint etwas zu sein, das schon bei sehr kleinen Kindern auf natürliche Weise vorkommt. Zwar lernen Kinder auch sehr bald zu lügen, aber dies tritt erst einige Jahre später auf und setzt vorheriges Vertrauen und Kooperationsbereitschaft voraus. Wenn die Menschen nicht davon ausgingen, dass sie sich auf die Hilfsbereitschaft anderer verlassen könnten, würden Lügen gar nicht erst funktionieren. (Tomasello 2010: 31) Im Allgemeinen etablieren sich normative Ordnungen, die offenkundige Lügen gegenüber der Eigengruppe stark sanktionieren, während die Beurteilung von Lügen gegenüber Fremdgruppen von Nachsicht bis zur taktischen Befürwortung und Entschuldigung changiert. Das ist eine krude Vereinfachung der Lage, sie dürfte jedoch ausreichen, um verständlich zu machen, was sich in der massendemokratischen Image-Lüge an dieser elementaren Konstellation verändert. Und das ist vor allem der Umstand, dass die „Aufrichtigkeit“ gegenüber der Eigengruppe zurücktritt gegenüber der kommunikativen Funktion der Bildung und Festigung moralischer Gemeinschaften, die als solche nach außen, gegenüber den (ständigen oder fallweise improvisierten) Fremdgruppen inszeniert werden. Anders gesagt: Man täuscht die Eigengruppe, um sie als moralische Gemeinschaft gegenüber den Fremdgruppen zu stärken, die man ohnehin in der Sache weder täuschen noch überzeugen kann, aber auf der Ebene der Gemeinschaftsbildung moralisch ausstechen möchte. Wie Hannah Arendt (1972) notiert, hat die politische Image-Lüge ohnehin keine Chance, den Gegner zu täuschen oder zu blenden. Die Image-Lüge entfaltet Druck vor allem innerhalb der Eigengruppe, sie hemmt und bindet diejenigen, die auch innerhalb der Eigengruppe „darauf bestehen, von Tatbeständen und Geschehnissen zu sprechen, die dem image nicht entsprechen“ (Arendt 1972: 81). Erkennbar unterstellt Hannah Arendts scharfsichtige Analyse der Image-Lüge als politischen Hintergrund die Konstellation des Kalten Krieges. Ihr exemplum ist der Vietnamkrieg, weshalb für sie vor allem die Konsequenz in den Vordergrund tritt, die darin besteht, dass als Repräsentant des äußeren Feindes wahrgenommen wird, wer innerhalb der Eigengruppe den Tatsachen zu ihrem Recht verhelfen will (und damit das Image stört). Diese Konsequenz ist mit dem Ende des Kalten Krieges nicht völlig verschwunden, sie tritt aber angesichts der multiplen, asymmetrischen und von Fall zu Fall improvisierten „Feindlagen“ in den Hintergrund. In Reinform findet man sie noch gegenüber dem Bedrohungs- und Feindbild des „internationalen Terrorismus“, aber angesichts der qua „Terrorismusgefahr“ gerechtfertigten geheimdienstlichen Totalüberwachung von allem und jedem („befreundete“ Politiker 134 CLEMENS KNOBLOCH eingeschlossen) werden die Kollateralschäden der Image-Lüge auch an dieser Front unübersehbar. Was nämlich den „eigenen“ Laden qua Image zusammenhalten soll, das kann ihn auch in die Luft sprengen. Und wenn sich diejenigen, die noch eben eigene Überwachungsmaßnahmen gegenüber der Öffentlichkeit mit der „Terrorismusgefahr“ legitimiert haben, mit einem Male selbst als (aus eben diesem Grunde) Überwachte wieder finden, dann bedeutet das zumindest einen Image-GAU. Umgekehrt belegen die „Fälle“ Manning und Snowden, dass die Weltmacht USA die öffentliche Kommunikation von Tatsachenwahrheiten wie ein Schwerverbrechen verfolgt. Was Hannah Arendt vor vierzig Jahren schrieb, wirkt heute, als sei es just für diese Fälle formuliert: Wo prinzipiell und nicht nur gelegentlich gelogen wird, hat derjenige, der einfach sagt, was ist, bereits zu handeln angefangen, auch wenn er dies gar nicht beabsichtigte. (Arendt 1972: 75) Während gewöhnliche Tatsachenwahrheiten, ihrer Kontingenz wegen, politisch neutral sind, wird im Falle der systematischen politischen Lüge (von der man bei geheimdienstlicher Tätigkeit getrost ausgehen kann) das einfache Aussprechen der Wahrheit zur (häufig nicht ungefährlichen) politischen Handlung. Im Detail lassen sich da wunderbare Beobachtungen anführen: So hat, auf dem absoluten Höhepunkt der offiziellen (und parteiübergreifenden) Empörung über die geheimdienstliche Überwachung der Bundeskanzlerin deren Innenminister doch tatsächlich ganz unsensibel vorgeschlagen, die Datensammlung der LKW-Maut für die „Verbrechensbekämpfung“ den Behörden zugänglich zu machen. Es kommt aber natürlich gar nicht gut an, wenn die jammernden Überwachten just im Zenith des öffentlichen Verständnisses die Überwachung dieser Öffentlichkeit weiter verstärken wollen! Man kann nicht unbegrenzt überwachen und gleichzeitig die Empörung über die eigene Überwachung in Anspruch nehmen. Augenblicklich wird aber bei der politischen Klasse letztere benötigt. Weshalb auch der Innenminister diesen Vorschlag ganz rasch wieder abgeräumt (bekommen) hat. Würde Deutschland aber erst einmal in den exklusiven Club der globalen geheimdienstlichen Überwacher aufgenommen, wäre der Imageschaden partiell geheilt. Eine weitere Komplikation gegenüber der oben skizzierten Ausgangskonstellation besteht im vielfältigen Wechsel der fallweise adressierten Freund- und Feindkollektive. Wer nach der einen Ratio zum „Wir“ gehört und durch das kommunizierte Image gebunden werden soll, der kann bereits im nächsten Augenblick (oder mit Bezug auf das nächste Thema etc.) zur ohnehin nicht überzeugbaren Außengruppe gehören. Wir-Identitäten – auch das ein soziologischer Gemeinplatz – sind multipel und müssen von Fall zu Fall neu improvisiert werden, was beständig Friktionen und Widersprüche erzeugt, die zu Nachfragen führen und bearbeitet werden müssen. Das gilt auch für die zugehörigen images. Vom jeweiligen Image her entwickelt sich eine Art streamlining des Sagbarkeitsraumes. Images erzeugen kommunikative Konsonanz- und Konsistenzzwänge, die stets berücksichtigt werden wollen. Kognitiv und emotional/ evaluativ dissonante Tatsachen und Meinungen werden nicht unwahr, sie bedürfen zunächst alternativer Deutungen oder alternativer Fassungen oder sie müssen ganz gemieden werden (wie das Thema doping im Fußball). Die Sprecher bewegen DIE IMAGE-LÜGE IN DER MASSENDEMOKRATIE 135 sich im Sagbarkeitsraum ihrer gepflegten Images, in der Sphäre der Darstellung. Gefahr droht ständig aus der Sphäre der Herstellung, für die auf der Hinterbühne des politischen Geschehens eine ganz andere Logik gilt: die Logik der Macht, in der Kompromisse, Zugeständnisse, Bündnisse mit den Inhabern von Sanktionspotential etc. gemacht werden müssen. Für den politischen Gegner ist darum das gesamte Image die Lüge, welche die „wirkliche“ Machtlogik der Hinterbühne verdeckt. Für die Eigengruppe, solange sie jedenfalls auf dem vereinbarten Image mitzusegeln gedenkt, kann vorerst nur das als „Lüge“ gelten, was das Image der Eigengruppe zu beschädigen droht, und das ist entweder ein potentiell image-dissonantes Ereignis, ein imageinkongruenter Akteur oder eine seiner Handlungen, die nach außen sichtbar macht, dass die Person „hinter“ dem Image eigene, womöglich moralisch anstößige oder der Eigengruppe schädliche Ziele verfolgt. Immer wieder sind es unliebsame Tatsachen und Ereignisse, die die Konsistenz kommunizierter Images bedrohen. Und der Druck, sich in das riskante Feld der wirklichen Lüge (d.i. des Abstreitens einer Tatsache oder des Behauptens einer Nichttatsache) zu begeben, wächst vor allem dann, wenn Imagekonsistenz oder Imagekongruenz auf dem Spiel stehen. Und zwar ganz einfach darum, weil in dieser Konstellation der Preis der Wahrheit deutlich höher wird als der Preis der Lüge. Das jedenfalls ist meine These, die der folgende „Fall“ illustriert.

Fall 1

Übersichtlich vereint sind alle bestimmenden Faktoren der Image-Lüge vom sauberen Hochleistungssport. Ganz unterschiedliche Wir-Gruppen leben gut von diesem Image und haben ein ebenso lebhaftes wie gemeinsames Interesse an seiner Erhaltung: [a] Die Werbeträger, die von der Beliebtheit und Aufmerksamkeitsprominenz des Leistungssports gleich mehrfach zehren. Sie vermarkten die eigenen Waren vermittels der öffentlichen Aufmerksamkeit und sakralisieren sie zugleich mit der Prominenz der Sport-Heroen. [b] Die Politiker, die sich gerne im Ruhm der Sportprominenz sonnen und zugleich der Öffentlichkeit übermitteln, dass sie – ganz wie das Publikum – Fans der populären Helden sind. [c] Noch einmal die Politiker, welche die beträchtlichen kollektivsymbolischen Ressourcen des Leistungssports bei jedem geeigneten Anlass für ihre Zwecke einsetzen: Sport ist „die bessere Gesellschaft“, wo Team- und Einzelleistung zählen, wo der Bessere gewinnt, wo jeder eine Chance hat, wo der Trainer gefeuert wird, wenn er’s nicht bringt, wo sich alle gesellschaftlichen Schichten treffen, wo der Nationalismus ohne schlechtes Gewissen von der Kette gelassen werden kann etc. Die kollektivsymbolische Bedeutung des Leistungssports besteht darin, dass er ein „hyperrealistisches“ und leicht verständliches Projektionsfeld für die demonstrativen Ideale des modernen Kapitalismus liefert. Und wenn sich herausstellt, dass auch die „bessere“ Welt des Sports total vermachtet, mafiös, korrupt und geldgesteuert 136 CLEMENS KNOBLOCH ist, dann mindert das eine ansonsten höchst ergiebige Quelle von Ressourcen symbolischer Macht.1 [d] Die großen Sportveranstalter und Sportverbände bis hin zum IOC, die nicht nur in ihrer Gesamtheit ein korruptionsaffiner und kriminalitätsnaher Zweig des Ganz Großen Geldes sind, wie man nicht erst seit Hoeneß, Katar und der Nürburgring-Affäre weiß, die darüber hinaus (der Interessenüberschneidung wegen) auch privilegierten Zugang zu öffentlichen Steuerkassen haben. [e] Und schließlich die Leistungssportler selbst, die, trotz hoher und höchster Einkommen, diejenigen sind, welche das schwächste Glied in dieser Imageverkettung bilden, weil auf ihnen die ganze Last dieser kollektiven Imagefiktionen lastet. Sie sind es, die gekreuzigt werden, wenn die ganze Sache zusammenbricht. Sie sehen am Ende so aus, als seien sie, durch Geld, Ruhm und Ehre geködert, auf die schiefe Bahn geraten, während die anderen Profiteure dieses Systems in Ruhe weiterziehen können, weil man von ihnen nichts anderes erwartet, als dass sie ihre Geschäfte um jeden Preis betreiben. Wirklich verletzlich ist allein das Image der Sportler selbst, weil der Sport in der Massendemokratie moralisch und symbolisch als die „bessere“ Projektion der Gesellschaft kodiert ist. Auch „Schurkenstaaten“ nutzen darum gerne das Image internationaler sportlicher Großveranstaltungen, um sich dem Rest der Welt in positivem Licht zeigen zu können. Sie wissen, dass die Sportler, um ihr eigenes Image zu erhalten, auch aus den Zwängen der übergreifenden Imagefiktion nicht aussteigen können. Wenn etwas herauskommt über weit verbreitete „unsaubere“ Praktiken in einer Leistungssportart, dann kommt es zum Skandal, obwohl man weiß, dass sich vielerlei dubiose Interessen (Macht- wie Geldinteressen) im Leistungssport tummeln und kreuzen. Obwohl? – Nein, weil man das weiß, denn auch diese Eigenschaften medialer Skandale und Image-Lügen sind im Leistungssport rein ausgeprägt: Der Skandal macht nur aktenkundig und beweisbar, was ohnehin jeder schon weiß, der seine Murmeln beieinander hat. Schließlich muss die Skandalisierung an ein Deutungsmuster andocken, das im Publikum weit verbreitet und tief verankert ist – in diesem Falle an das Deutungsmuster, wonach im „Oben“ der Gesellschaft nicht nur die Leistungseliten, sondern auch die egoistischen, gierigen und verlogenen Schufte zu Hause sind. Ein nicht uninteressantes und ebenfalls imagegetriebenes Muster kann man bei den großen Sportverbänden studieren, sobald sich ein Skandal am Horizont abzeichnet, sei es die staatlich ermutigte und geförderte Dopingpraxis auch in Westdeutschland oder seien es die Zustände auf den Weltmeisterschaftsbaustellen in Katar: Wenn die (ebenso gefährlichen wie gefährdeten) Tatsachen nicht mehr unter der Decke gehalten werden können, schlagen sich die Verbände umstandslos und von einem Augenblick zum nächsten auf die Seite der brutalstmöglichen Aufklärung des Skandals.2 Wer sein sauberes Image nicht mehr retten kann, der etabliert wenigstens

1 Weswegen auch alle Alarmglocken zu läuten beginnen, wenn „die Massen“ (wie jüngst in Brasilien) gegen die Verschwendung öffentlicher Mittel für prestigeträchtige sportliche Großveranstaltungen auf die Straße gehen. 2 Ein Muster, das natürlich auch anderweitig in der politischen Kommunikation zu beobachten ist, prominent im CDU-Parteispendenskandal der späten Kohlära. DIE IMAGE-LÜGE IN DER MASSENDEMOKRATIE 137 das Ersatzimage der Aufklärung – und nutzt dieses neue Image alsdann, um imageschädliche Tatsachen auch weiterhin nach Kräften unter der Decke zu halten. Mit wachsenden Spannungen zwischen den verschiedenen Handlungsfeldern, die das Kollektivsymbol Leistungssport ausbeuten, wird die Rolle attraktiver, die neudeutsch als die des whistleblowers bezeichnet wird. Das ist die Person, die ihr Insiderwissen über die höchst imagedissonanten Tatsachen des Feldes der Öffentlichkeit und/oder den Medien zur Verfügung stellt, um den Preis, augenblicklich von allen Imagegemeinschaften verstoßen zu werden, die davon profitieren, dass die Tatsachen jedenfalls nicht aktenkundig werden (gerade weil jeder sie ahnt). Individuelle Beichten hingegen, wie wir sie (vielfach als großes Theater!) von Dopingsündern medial aufgetischt bekommen, sind dagegen aus leicht verständlichen Gründen nicht nur beim Publikum beliebt, sondern auch bei den Profiteuren der kollektiven Imagefiktion. Sünder, die medienwirksam beichten, übertragen nicht nur ihren sportlichen Ruhm in eine moraloide Währung, sie polieren auch das Gesamtimage vom sauberen (oder jedenfalls der Selbstreinigung fähigen) Sport. All das verdampft augenblicklich, wenn jemand aufsteht und sagt: Was der „Sünder“ da beichtet, ist exakt das, was alle getan haben und tun.

Fall 2

Auf eine ausgesprochen harte Probe werden die Tatsachen stets dann gestellt, wenn ein medial hoch moralisiertes Ereignis ins öffentliche Gedächtnis rückt, das drastisch unterstreicht, was jeder weiß. Die 350 im Herbst 2013 vor Lampedusa im Mittelmeer ertrunkenen afrikanischen Flüchtlinge haben durch ihre schiere Zahl kurzzeitig ins öffentliche Bewusstsein gerückt, was zwischen den afrikanischen und den südeuropäischen Küsten ständig passiert. Solche Ereignisse stellen hohe Anforderungen an alle Beteiligten, so sie ihr Image erfolgreich managen wollen. Nicht dass die Tatsache des massenhaften Flüchtlingstodes von irgendjemandem geleugnet würde, wohl aber, dass die europäischen Behörden diesen Tod nach Kräften befördern, weil sie potentielle Flüchtlinge abschrecken und entmutigen wollen. So hallte zwar das große Wort von der „Schande“ durch die Medien, gleichzeitig war jedoch im Kleingedruckten zu lesen, dass niemand auch nur daran dachte, das unter Berlusconi verabschiedete italienische Gesetz in Frage zu stellen, das jeden, der einem in Seenot geratenen Flüchtlingsboot hilft, mit einer Anklage wegen Beihilfe zum Menschenhandel bedroht. Auch ein halbherziger Versuch, per Erlass die Frontex-Schiffe zur Seenothilfe zu verpflichten, scheiterte am Einspruch der Betroffenen. Weil aber wenigstens der öffentliche Anschein von Tätigkeit erweckt werden musste, spendierte man rasch 350 Millionen Euro an Eurosur für die technische Perfektionierung der Küstenüberwachung in Afrika. So hat man immerhin das Kunststück geschafft, einen moralischen Skandal als Anlass zur weiteren Verschärfung der Lage einzusetzen. In dieser Konstellation gab (und gibt) es hoch widersprüchliche Signalanforderungen, und dem entsprechend drohen Imagekollisionen. Der mediale moralische Druck schafft eine „Es-muss-etwas-geschehen“-Lage, zugleich zieht er 138 CLEMENS KNOBLOCH den innereuropäischen Konflikt ans Tageslicht, in dem die Mittelmeerländer auf den Norden zeigen und sich demonstrativ mit dem Flüchtlingsproblem „allein gelassen“ fühlen, während der Norden im Gegenzug erinnert, dass er viel mehr Flüchtlinge aufnimmt als die Mittelmeerländer selbst. Zugleich treiben im Windschatten des moralischen Skandals diejenigen ihre Sache weiter, die den Umgang mit Migration und Flucht „normalisieren“ und Einwanderung an ein (jederzeit den ökonomischen Erfordernissen anpassbares) Punkteregime koppeln wollen – und die (wahrscheinlich zu recht) davon ausgehen, dass die schiere Möglichkeit einer legalen Einwanderung (z.B. für „Qualifizierte“ oder Altenpfleger) das Geschäft der Menschenhändler dämpfen würde. Über all diesen konfligierenden Image-Anforderungen thront dann noch der dissonante Druck, allen „Fluchtbereiten“ in Nordafrika und anderswo die unbedingte Abwehrbereitschaft der EU-Staaten unmissverständlich zu signalisieren, weil alles andere als „Ermunterung“ zur Flucht ausgelegt werden könnte. Es handelt sich um eine Lage, in der zahlreiche widersprüchliche Image- Komponenten gleichzeitig optimiert werden müssen, mit der Folge, dass jede halbwegs bestimmte Aktion immer einen großen Teil des Publikums verärgern muss. Darum verschwinden solche Themen schnell wieder von der medialen Agenda. Bis zum nächsten Skandal. Nun soll es hier aber nicht um Imagepolitik im Allgemeinen, sondern um die Image-Lüge gehen. Frank Schirrmacher (2013) hat in seinem kulturkritischen Essay auf die „erzieherischen“ Wirkungen spieltheoretischer Optimierungspraktiken hingewiesen, wie sie auf den Finanzmärkten, im politischen Geschäft und in anderen Sphären strategischen Handelns anzutreffen sind: Jeder ist auf eigene Faust ein Narr, wenn er nicht als default damit rechnet, dass sein Gegenüber in geschäftsähnlichen Beziehungen (und welche wären das nicht?) als strategischer Nutzenmaximierer agiert und nicht als ehrlicher Makler. Und vor diesem Hintergrund muss der „Preis“ der Image-Lüge kalkuliert werden. Wenn nun die Pflege und Erhaltung des jeweiligen Images zur zentralen Ressource der Meinungsmacht avanciert, dann ist es der aktuelle Kurswert dieser Ressource, der das Verhältnis zu den „Tatsachenwahrheiten“ bestimmt. Wer das globale Image des unerbittlichen Anführers im „Krieg gegen den Terror“ pflegt, der wird auf dem Feld der globalen Überwachung zugeben, was sich nicht mehr abstreiten lässt und alles für gerechtfertigt im Rahmen der eigenen Mission erklären. Dieser Komplex definiert dann potentiell dissonante Tatsachen: z.B. wenn im Rahmen dieser „Mission“ Industriespionage betrieben wird, wenn „befreundete“ Staatsoberhäupter abgehört werden, wenn die Geheimdienste so viel Hinterbühnenwissen ansammeln, dass sie alle Akteure erpressen und jedes Image zerstören können und damit faktisch die Macht im Staate übernehmen etc. Jeder Sprecher kalkuliert den „Preis“, der für Tatsachenbehauptungen zu entrichten ist, vor dem Hintergrund der Imagefolgen, die zu gewärtigen sind. In besonderem Maße angewiesen auf ein intaktes Image sind natürlich medienöffentliche Moralakteure. Deren Meinungsmacht hängt ganz und gar am aktuellen Wert des Images (während genuine Macht- und Wirtschaftsakteure auch über andere Ressourcen verfügen). DIE IMAGE-LÜGE IN DER MASSENDEMOKRATIE 139

Fall 3

Hier mag als prominentestes Beispiel die (imagemäßig arg gebeutelte) katholische Kirche dienen. Ein nüchterner Beobachter der Medienszene wird kaum abstreiten, dass es in allen die katholische Kirche betreffenden öffentlichen Angelegenheiten eine markante journalistische Jagdlust und Hämebereitschaft gibt, ausgelöst vermutlich durch die kaum zu übersehenden Dissonanzen zwischen moralischem Image und machiavellistischer Realität. Der „Fall“ des Limburger Bischofs Tebartz von Elst ist inzwischen hinreichend durchgekaut. Womöglich ist die (eigentlich von der Elbphilharmonie bis zum Berliner Flughafen ganz normale) Bauverteuerung auch deshalb ins Visier der medialen Aufmerksamkeit geraten, weil sie in schreiendem Kontrast zu den rührenden Reparaturversuchen steht, die der neue Papst am kirchlichen Image vorzunehmen sucht: Er kommuniziert, er mache sein Bett selbst und sei als Bischof mit der Straßenbahn zur Arbeit gefahren, er sucht das legendenreiche arm-und-naturverbunden-Image des heiligen Franziskus per Namensgebung auf die Mühlen einer Kirche zu lenken, die in der jüngeren Vergangenheit eher durch Geldwäsche, Pädophilieskandale (nebst deren Vertuschung) und die innerkirchliche Rehabilitierung klerikalfaschistischer Antisemiten und Holocaustleugner in den Schlagzeilen war. Zwar glänzt die katholische Kirche auch durch ihre Bereitschaft, Sünden zu vergeben, aber alles, was den Strudel ihres Image-GAUs noch reißender werden lässt, muss selbstverständlich ohne größeres Aufsehen aus den Schlagzeilen geleitet werden Die Versuche des Bischofs, zunächst die Limburger Finanzaufsicht und die Vermögensverwaltung und sodann auch den Vatikan in die Schuld „einzubinden“, hätten auch jedem Politiker zur Ehre gereicht. Zusammen mit dem massiven Unmut, den die bischöfliche Herrschaftspraxis aber bereits an der katholischen Basis ausgelöst hatte, dürften diese Einbindungsversuche eher die Bereitschaft des Umfelds gestärkt haben, den Bischof fallen zu lassen (anstatt mit ihm zu fallen). Fast heiter sind da die guten Ratschläge besorgter katholischer Experten, wie die Kirche die moralische Meinungsführerschaft auf dem Sektor der Nächstenliebe wieder erobern könne, ohne ihre Vermögenswerte anzugreifen. In der Süddeutschen Zeitung empfiehlt ein versierter Unternehmensberater (mit McKinsey-Vergangenheit; Mitschke-Collande 2013), die katholische Kirche möge demonstrativ auf einen Teil ihrer staatlichen Einkünfte verzichten. Dabei erfährt der Leser, was vermutlich auch die meisten Katholiken nicht wissen: Dass nämlich die Kirchen – über die Kirchensteuer hinaus – in Deutschland bis heute staatliche Restitutionszahlungen in Höhe von über 400 Millionen Euro jährlich zur Kompensation der (beiläufig 210 Jahre zurückliegenden) Enteignung der Kirchengüter im Jahr 1803 erhalten. Diese Summe – so meint der McKinsey-Ratgeber – solle die katholische Kirche in eine Stiftung geben und zusammen mit staatlichen Stellen demonstrativ für wohltätige Zwecke verausgaben. So könne sie die Lufthoheit auf dem Kampffeld der Moral und der Sozialpolitik zurück gewinnen und müsse dabei nicht einmal ans Eingemachte, dann jedenfalls, wenn die Bistümer ihre Vermögensverhältnisse schonungslos offen legen würden. In solchen Ratschlägen, die jedes Unternehmen 140 CLEMENS KNOBLOCH in vergleichbarer Lage wohl dankbar annehmen würde, steckt das ganze Dilemma moralisch kodierter Gemeinschaftsimages: In einer bezüglich moralischer Ansprüche reichlich desillusionierten Öffentlichkeit wirken derartige strategische Empfehlungen wie professionelle Reparaturversuche am Image, die das Misstrauen eher schüren als besänftigen. Auch textlinguistisch ist das mit Händen zu greifen, wenn Mitschke-Collande (2013) die Kirche zunächst rügt, die verhalte sich „fast zynisch“, wenn sie mit dem Argument Auskunft über ihr Vermögen verweigere, dass schließlich auch ein Unternehmer nicht sein Privatvermögen veröffentliche. Der gute Rat, den der Unternehmensberater der Kirche sodann erteilt, ist aber nicht weniger „zynisch“, besteht er doch in klassisch-moraloider Imagepolitik: demonstrativ zugunsten eines „guten“ Zwecks auf einen Anspruch zu verzichten, der ohnehin nicht mehr haltbar ist. Das als „Beitrag zur Entflechtung von Kirche und Staat“ zu verkaufen, ist in der Tat mutig. Der Unternehmensberater schließt seinen Rat mit dem Satz: „So müsste eine Institution agieren, die sich anders verhalten will als ein Unternehmen“. Es hieße wohl besser: die so aussehen möchte, als sei sie kein Unternehmen. In der Massendemokratie ist das Image der Teilnehmer die entscheidende Schnittstelle für die symbolische Reproduktion von Zustimmung und Macht – natürlich nicht die der institutionellen Reproduktion von Macht, die über ganz andere Ressourcen und Logiken verfügt. Aber wie zu allen Zeiten dient die symbolische, nach außen sichtbare Seite der Reproduktion von Macht immer auch dazu, die Hinterbühne in ein offiziöses Halbdunkel zu hüllen, von dem der normale Teilnehmer immer nur ahnt, dass es da ziemlich hemdsärmelig zugehen muss. Die These ist: Schichten, Klassen, Weltanschauungsgruppen oder Milieus zerfließen als Basis für politische Macht und Zustimmung. Auch Themenlogiken lassen sich nicht mehr auf Dauer von einzelnen politischen Gruppierungen einhegen. Das Muster für die Nicht-Einhegbarkeit hoch resonanter Themen ist die Ökologie, deren Anliegen in rasantem Tempo von allen politischen Gruppierungen übernommen (und eo ipso verwässert) worden sind. Zustimmungsfähige Themen entstehen an den Rändern des politischen Geschehens, sorgen dafür, dass an diesen Rändern neue Kräfte und Gruppierungen aufkommen, die aber alsbald von den Mitte-Akteuren symbolisch enteignet werden, weil die deren Themen zugleich aufnehmen und entschärfen. Die einzige stabile Schnittstelle zwischen Akteur und Öffentlichkeit ist ergo das Image des Akteurs. Die Image-Logik, von Hannah Arendt in ihrem klassischen Text von 1972 erstmals politisch seziert, breitet sich in der gesellschaftlichen und politischen Wirklichkeit aus. Sie hat in den letzten beiden Jahrzehnten z.B. das Bildungswesen erfasst, das imagemäßig zwischen „Exzellenz“ und „Hauptschule“ (Lasst alle Hoffnung fahren!) gespreizt ist. Der Typus der medialen Kontrolle, der auch öffentliche und staatliche Akteure unterworfen sind, legt es ihnen dringend nahe, in die Erhaltung eines positiven Images zu investieren. Es geht jeweils um imagekonforme und wahrheitsfähige Versionen dessen, was passiert oder passiert ist, was getan wird oder getan worden ist. Die inhärente Logik des öffentlichen Verhaltens besteht darin, so lange wie irgend möglich an einem einmal übernommenen und aufgebauten Image festzuhalten, konträre DIE IMAGE-LÜGE IN DER MASSENDEMOKRATIE 141

Informationen möglichst wirkungsvoll zu dementieren oder aus der Öffentlichkeit zu halten, im Notfall und unter äußerstem Druck dann zu einem anderen positiv bewerteten Nebenimage zu wechseln. So wie das Bundesinstitut für Sportforschung augenblicklich (August 2013) die Flucht nach vorne antritt und versucht, das Image des Aufklärers auf die eigene Mühle zu lenken. Oder so wie das bayrische Justizministerium, das im Fall der Psychiatrisierung von Gustl Mollath so lange wie irgend möglich den Garant der Unfehlbarkeit der bayrischen Justiz gab, aber dann, als die Folgen sie einzuholen drohten, die Anweisung gegeben hat, den Fall gerichtlich neu aufzurollen, was wiederum den kommunikativen Übertritt zum Aufklärer-Image ermöglicht.

Image und Lüge

Nun sprechen wir hier über die Lüge, und Lüge ist ein hoch eskalationsträchtiger moralischer Vorwurf in der sozialen Nähekommunikation. Was aber ist eine Lüge in der medienöffentlichen Imagekommunikation der massendemokratischen Politik? Ist nicht jeder Versuch, ein konsistentes moralisches Erfolgsimage zu managen, schon per se eine Lüge? Oder wenigstens eine Aktivität, bei der die Unterscheidung zwischen Aufrichtigkeit und Lüge kaum Sinn ergibt? Und ist es nicht so, dass jeder das auch weiß? Ich gebe ein extremes Beispiel aus der Werbebranche: Ein britischer Haferkeks (Patterson) wird mit einem Naturschutz-Image als „orang utan friendly“ vermarktet. Ein treuherzig schauender rot-brauner Orang Utan ziert die Packung, und auf der heißt es, seit einigen Jahren würden keine Palmfette mehr in dieser Kekssorte verbacken, sondern nur noch Olivenöl, weil der Anbau von Ölpalmen den Lebensraum dieser putzigen (und uns so nahe stehenden) Kreaturen vernichte. So könne der Kunde durch den Verzehr dieser oat cake-Marke zum Schutz der Primaten beitragen. Solche „Moralisierung des Konsums“ gibt ein Modell der werblichen Imageproduktion, an der sich, wie Hannah Arendt festgestellt hat, auch die massendemokratische Politik orientiert. Sie führt zu einer symbolischen Verschmelzung (merger) von Anbieter und Konsument, die beide moralisch gehoben werden, der eine durch den demonstrativen Verzicht auf das umweltschädliche Palmfett, der andere durch seine moralisch angereicherte Konsumentscheidung. Der Image-Frame rahmt, adelt und verbindet alles, was in seinem Skopus geschieht. Aus einem banalen Haferkeks wird eine moralische Demonstration.3 Stellen wir uns nun vor, irgendeine Umweltschutzorganisation deckt auf, dass die Eigentümer der Keksfirma Patterson über undurchsichtige Kapitalverflechtungen der weltweit größte Betreiber von Palmölplantagen in Indonesien sei. Was wird passieren? Dazu gibt es zwei Thesen: [a] Die These von der moralischen Fallhöhe, die umso größer wird, je penetranter das moralische Image ausfällt, das in der Medienöffentlichkeit getragen wird.

3 „A well rounded frame serves as an amplifying device. Since all aspects of living tend to become tied together by its symbolic bridges, each portion involves the whole.“ (Burke 1937: 103). 142 CLEMENS KNOBLOCH

Einschlägige Beispiele liefert etwa der Ansehensverlust, den medienöffentliche Moralagenturen erleiden, wenn sich herausstellt, dass hinter ihrer Fassade ganz andere Kräfte wirken. Ich denke an die katholische Kirche, die mit ihrer (im neoliberalen Konsumhedonismus atavistisch wirkenden) Sexualmoral natürlich durch den nachgewiesenen, aber lange vertuschten sexuellen Missbrauch von Kindern und Jugendlichen eine Art Image-GAU erlebt hat. Oder auch an die Umweltschutz- Nobelmarke World Wildlife Funds (WWF), von der zumindest behauptet wird, dass sie ihre Spendengelder auch einsetzt, um für ihre prominente und wohlhabende Kundschaft Großwildjagden und Edelurlaube in Regionen zu organisieren, deren indigene Bevölkerung zuvor aus „Naturschutzgründen“ umgesiedelt wurde. Das ist ein wenig so, als ob Greenpeace mit Spendengeldern eine Fracking-Firma betreiben würde, und exemplifiziert den öffentlichen Kollaps eines moralischen Images. Es ist aber keineswegs ausgemacht, dass ein solcher Effekt auch dann eintreten müsste, wenn von den fraglichen Akteuren zwar ein moralisches Image, aber durchaus kein moralisches Handeln erwartet wird. Und das dürfte sowohl bei den oat-cake-Produzenten als auch bei massendemokratischen Politikern der Fall sein. Da könnte dann eher die Option [b] greifen: [b] Die These von der aufgehobenen Selbstbindung für moralisch universalistische Imageproduktion, die etwa Neckel (2008) vertritt. Nach dieser Annahme verbreitet sich in der entfesselten Marktgesellschaft, in der jeder zugleich Erfolg haben und ein positives Image pflegen muss, quasi von selbst und automatisch die Gewissheit, dass jedes Image dem Erfolgszwang untergeordnet und daher für den Träger ohne Verbindlichkeit und Verpflichtungsgehalt sei: Das Eigenartige an der heute marktgängigen Angebotsmoral ist dabei, dass sie offenbar einem inneren Zwang jedweder moralischer Argumentation weitgehend entkommt: der Selbstbindung, der jeder unterliegt, der sich auf allgemeine Prinzipien beruft. Da der Universalismus ja in nichts anderem als im beanspruchten Recht auf das Eigeninteresse besteht, können die Segnungen des Egoismus die Moral nicht blamieren. Das klassische Muster der Moralkritik, Schein und Wirklichkeit miteinander zu konfrontieren, läuft ins Leere. (Neckel 2008: 38) Wo strategisches streamlining aller nach außen preisgegebenen Informationen die normale, von allen erwartete Praxis ist, wird entweder alles zur Lüge – oder aber nur der komplette Zusammenbruch eines lange Zeit sorgfältig gepflegten Images. Und in beiden Fällen wird der Vorwurf der Lüge performativ völlig zahnlos. Welchen pragmatischen Sinn hat der Vorwurf, in Sachen doping gelogen zu haben, gegen einen „erfolgreichen“ Radsportler, wenn doch seit langem völlig klar ist, dass jeder erfolgreiche Radsportler dopen muss, wenn er erfolgreich sein möchte? Auf das Branchenimage des Radsports ist dann jeder verpflichtet, der es in der Branche zu etwas bringen möchte. Die Lüge ist dann durchaus nicht individuell. Und wenn einzelne (dann natürlich die ganz besonders erfolgreichen!) herausgepickt und skandalisiert werden, dann dient das einerseits der Sensationslust des Publikums, das öffentliche Beichten und Abstürze schätzt: unnormale Fahrten durch die soziale Ordnung, zuerst (wie bei Sportlern und anderer massenkultureller Prominenz üblich) von unten nach oben, und dann wieder von oben nach unten. Andererseits aber handelt es sich auch um Bauernopfer, die es ermöglichen sollen, das Image der DIE IMAGE-LÜGE IN DER MASSENDEMOKRATIE 143

Branche insgesamt zu retten. Das geht nur, wenn moralisches Versagen, wenn die „Lüge“ individuell zugerechnet werden kann und eben nicht durch das offizielle Branchenimage eingefordert wird. Mutatis mutandis gelten analoge Rahmenbedingungen auch für die massen- und mediendemokratische Politik: Wenn die strategische und konsistente Inszenierung eines Images von allen erwartet und Teil der allgemeinen Geschäftsgrundlage ist, dann verhält sich nur derjenige rational, der das mit Geschick tut und der gleichzeitig das Geschick und die Schlagfertigkeit aufbringt, seine Kontrahenten bei der Inszenierung ihres Images nachhaltig zu stören. Wettbewerb und Konkurrenz verlagern sich dann von ganz allein auf die Ebene der Image-Inszenierung, und bei einer Vorwahldebatte (wie beim „Fernsehduell“ zwischen Merkel und Steinbrück im Wahlkampf 2013) gilt derjenige als Sieger, der das eigene Image gewahrt und das der Konkurrenz gestört hat. Da Images per definitionem gar nicht darauf angelegt sind, „wahr“ zu sein oder mit den Akteuren, die sie vor sich her tragen, übereinzustimmen, erzeugt die Imageproduktion immer und zwangsläufig zugleich auch die Ressourcen, mittels deren Akteure zu Fall gebracht werden können, wenn sie sich zu weit vorgewagt haben. Handelt es sich jedoch um kollektiv bindende Gruppenimages, verlagert sich die Sanktionsmacht in die Eigengruppe, die den einzelnen opfert, um das Gruppenimage zu erhalten.

Funktion konsistenter Images

Wo die politischen Interessen- und Positionsunterschiede in der Sache geringfügig sind, wird die Image-Ebene umso wichtiger. In der sachlich weitgehend nivellierten massendemokratischen „Mitte“ bilden die politischen Akteure einerseits ein „Ensemble“, das ehrgeizige Macht-Aspiranten, die von den Rändern nachdrängen, gemeinsam neutralisieren und außen vor halten muss. Andererseits neigen die in den Hauptsachen einigen Akteure dazu, ihre unterschiedlichen Images kompensatorisch zu übertreiben, weil allein sie dem Publikum die Illusion einer echten Wahl vermitteln können. Daher hat der skeptische Beobachter der Szene manchmal den Eindruck, bei aller inszenierten Differenz steckten „die da oben“ doch im Grunde unter einer Decke. Geht es um die Gunst der Wähler, dominiert das, was Erving Goffman als aggressive Verwendung der Techniken der Imagepflege bezeichnet (Goffman 1971: 30). Während die Akteure auf ein und derselben mikrosoziologischen Bühne gewöhnlich ein gewisses Maß an Kooperation vorführen und den andren dabei helfen, ihr Gesicht zu wahren („Takt“), geht es beim politischen Wettkampf vor Publikum allein darum, das Image des anderen unglaubwürdig zu machen und das eigene zu polieren. Medientauglich und talentiert ist, wer den kleinsten Riss in der Fassade des anderen sofort entdeckt und einen Keil hineintreibt. In der Vorwahl-Runde war der SPD-Kandidat Steinbrück so unvorsichtig, sich auf das populistische Gebiet des Beamten-Bashing vorzuwagen. Die Zuwächse bei den Beamtenpensionen müssten beschränkt werden, sagte er. Worauf Merkel konterte, alle Polizisten, Feuerwehrleute und Lehrer sollten doch bitte genau hinhören, ausgerechnet der Sozialdemokrat Steinbrück (mit 1,3 Millionen Euro Vortragshonoraren und der zuvor bekundeten 144 CLEMENS KNOBLOCH

Ansicht, als Kanzler verdiene man viel zu wenig) wolle an ihre Altersbezüge. Es ist dabei wichtig festzuhalten, dass eine solche Episode nichts, aber auch wirklich gar nichts darüber aussagt, wer (und ob überhaupt) Beamtenpensionen kürzt. Unter den Bedingungen globalisierter Medienkommunikation (auch das hat Hannah Arendt 1972 bereits festgehalten), ist es vor allem Motivation und Zusammenhalt der Eigengruppe, was durch spektakuläre Lügen über die moralischen Verfehlungen der Gegner gebunden werden soll. Besonders augenfällig wird das in den Kriegen der vergangenen Jahrzehnte. Sie beginnen alle mit einer die Eigengruppe „motivierenden“ und moralisch empörenden Schauergeschichte: die von Irakern angeblich verwüstete Neogeborenenstation eines Kuweiter Krankenhauses, serbische Gräueltaten im Kosovo, Massenvernichtungswaffen im Irak, und selbst der Krieg in Afghanistan folgte diesem Muster, denn mit dem Angriff auf das WTC 2001 hatte jedenfalls die damalige afghanische Regierung nicht das mindeste zu tun. Solche Lügen verändern die Handlungsbedingungen punktuell und lokal, es macht keinen Unterschied, ob sie später einmal als solche entlarvt werden. Ihren Dienst haben sie dann längst getan.

Lüge, performativ

Den praktischen Umgang der politischen Klasse mit dem Vorwurf der Lüge thematisiert ein FAZ-Kommentar („Nichts als die Wahrheit?“, FAZ vom 31.7.2013). Der Autor, Reinhard Müller, thematisiert das ganze Feld des Verschweigens, Täuschens, Tricksens, zunächst mit dem Tenor, dass naturgemäß niemand immer die volle Wahrheit sage, die ganze Wahrheit könne nämlich kein Mensch dauerhaft ertragen! Ganz ohne Lüge gehe es darum weder in der Politik noch im täglichen Leben. So weit, so trivial. Etwas interessanter ist dagegen die Beobachtung, dass es in der politischen Sphäre einerseits einen hoch inflationären Gebrauch des Lügenvorwurfs gebe, andererseits sei ein Politiker, der öffentlich einer Lüge überführt werde, in der Regel nicht mehr zu halten. Und diese Konstellation, so suggeriert der Autor, schade dem Image der politischen Klasse insgesamt, weil ihr niemand mehr Glauben schenke. Diese performative Spreizung des öffentlichen Lügenvorwurfs ist in der Tat markant. Sie ist jedoch insofern nicht weiter überraschend, als diese Spreizung ein Produkt der analysierten Situation ist: Für die jeweilige outgroup ist das gegnerische Image selbst die Lüge, die man beständig zu „entlarven“ sucht, was aber zum Spiel gehört und niemanden sonderlich erregt. Einen veritablen Punkt hingegen gewinnt, wer es schafft, einem Angehörigen der Gegengruppe eine Lüge anzuhängen, die die Eigengruppe des Beschuldigten zur Distanzierung von ihrem Mitglied nötigt, damit das Image der Gruppe nicht zu Schaden kommt. Nur das gilt als performativ „geglückter“ Lügenvorwurf. So viel zum vermeintlichen Sprechakt „Lügen“ (vgl. Falkenberg 1982). Auch die rhetorische Rückzugslinie ist in solchen Fällen klar und verbindlich vorgezeichnet. Sie kommt zum Ausdruck in der FAZ-Überschrift vom 31.7.2013 zur Verantwortlichkeit des Verteidigungsministers in der Euro-Hawk- Angelegenheit: „De Maizière bestreitet Lüge und gesteht Irrtümer“. DIE IMAGE-LÜGE IN DER MASSENDEMOKRATIE 145

So kommen wir am Ende doch noch zu einer Revision der soziobiologischen Apologie des Lügens, wie man sie etwa bei Sommer (1993) findet. In der Tat scheint es eine Art evolutionären Rüstungswettlauf zu geben zwischen Strategien der Kommunikation, die sich gegenseitig begrenzen. Besonders moraloide Images liefern in der Hauptsache eine Fassade, hinter der die Spielräume strategischer Nutzenmaximierung ausgeweitet werden können. Das gilt aber paradoxerweise nur, so lange moralische Images die Ausnahme bilden. Sobald sie zur allgemeinen Regel werden, unterminieren sie sich selbst, weil das Image keine Bindewirkung mehr entfaltet. Die Image-Lüge steht darum nicht für eine evolutionär stabile Strategie. Was aber nicht heißt, dass wir sie so schnell loswerden.

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Pour une approche genrée du mensonge Susanne BÖHMISCH Aix Marseille Université

Comment la sémantique du mensonge affecte-t-elle les discours normatifs sur le genre ? En quoi l’histoire du mensonge est-elle liée à l’histoire de la différence sexuelle et à son interprétation 1 ? En quoi l’histoire de la différence sexuelle peut‑elle nous éclairer sur les différentes interprétations du mensonge, sur le degré de tolérance à son égard, sur l’échelle des sanctions ? Si le menteur est un sujet sexué, le mensonge est-il genré ? Voilà des questions soulevées par la thématique mensonge et genre. Dans notre contribution, nous tenterons de poser quelques jalons en nous concentrant principalement sur les figures féminines du mensonge et de la ruse. Il s’agira dans un premier temps de rappeler le démasquage des mensonges sur le genre, ce qui permettra de délimiter notre thématique et de problématiser la notion d’intentionnalité – élément constitutif dans la définition classique du mensonge –, par rapport au genre. Dans un second temps, nous montrerons ce qui, chez les deux philosophes féministes ayant le plus marqué le xxe siècle, à savoir Simone de Beauvoir et Judith Butler, peut appuyer notre argumentaire. Enfin, l’exemple du déplacement de la ruse d’Hérodiade à la danse de Salomé permettra de saisir comment la construction du genre se modifie en fonction de l’interprétation de la ruse féminine.

Démasquer les mensonges sur le genre

Qu’il y ait du mensonge dans les discours sur le genre, ou du moins dans les représentations normatives du genre, est une critique largement répandue depuis un demi-siècle de réflexion féministe et d’études dans le champ des gender studies. Une visée majeure de cette critique est de dénoncer toutes les tentatives de naturalisation du genre, de montrer en quoi les définitions du féminin et du masculin relèvent d’une construction socio-culturelle, et ne constituent point une vérité ontologique. Nombreuses sont les approches théoriques et les études dans un grand nombre de disciplines ayant dénoncé ce qui dans ces constructions serait mensonger. Dans son essai de 1970, Die endlose Unschuldigkeit (L’Innocence sans fin), Elfriede

1 Jacques Derrida avait évoqué leur lien brièvement dans Histoire du mensonge : « [I]l y aurait plus d’une conférence à consacrer à ce qui lie l’histoire du mensonge à l’histoire de la différence sexuelle, de son érotique et de ses interprétations ». Paris, Galilée, 2012, p. 45. 150 SUSANNE BÖHMISCH

Jelinek utilisa l’expression forte d’une « viscosité du naturel qui couvre tout » (« natürlichkeitsschleim, der alles überzieht 2 »). Tout son projet de démythification inspiré par le mythe moderne au sens barthésien consiste à démasquer l’idéologie patriarcale, capitaliste, néo-libérale qui se niche dans tout ce qui se prétend naturel, y compris en matière de genre. Son œuvre peut être considérée aujourd’hui comme une des déconstructions les plus radicales de toutes les tentatives mensongères de naturalisation ainsi que de récupération du genre. Mais se trouve-t-il quelqu’un qui mente consciemment, qui établisse une contre- vérité sur le genre, en sachant qu’il ment ? Où situer l’intentionnalité ? Gotthold Ephraim Lessing par exemple, dans sa polémique contre la Rodogune de Pierre Corneille, soutient en 1767 qu’une femme comme Cléopâtre, qui n’hésite pas à assassiner son époux et ses fils, et dont la ruse infâme est motivée uniquement par le pouvoir, serait un « monstre dans son sexe 3 ». Lorsque, ce faisant, il impose au nouveau drame bourgeois son propre idéal de féminité qu’il situe du côté de la vertu, de la douceur, du naturel et de la sincérité, il ne pense pas mentir, au contraire, il pense affirmer la vérité sur la femme, et nul doute qu’il ne le croie vraiment 4. Et pourtant, la norme qu’il établit ainsi sera, comme le montre Peter von Matt dans son étude sur l’intrigue, un geste fondateur du drame bourgeois et, par ailleurs, des représentations normatives de la femme depuis la fin du xviiie siècle, celles que les études féministes du xxe siècle prendront comme cible dans leur critique des mensonges sur le genre. S’il est parfois relativement aisé de mettre en évidence en quoi les représentations normatives ont produit beaucoup de fausses vérités sur le genre, il est souvent moins aisé de montrer qui ment en premier, de prouver son intentionnalité et de faire voir comment les mensonges se fabriquent. De surcroît, le critère de l’intentionnalité s’effrite avec la modernité, notamment suite à la crise du langage et du sujet, et grâce à la psychanalyse. Nous savons que l’on peut mentir sans en avoir l’intention et que l’on peut dire la vérité du sujet tout en essayant de la dissimuler. Ainsi, il y a eu au xxe siècle, dans l’histoire du mensonge, de nombreuses tentatives de s’affranchir du critère de l’intentionnalité, notamment dans les réflexions poétologiques entre les années 60 et 90. Ingeborg Bachmann par exemple considère comme langage mensonger et condamnable le langage figé, représentant d’un ordre conservateur qu’elle nomme « langue de brigand » (« Gaunersprache 5 ») en 1961. Doren Wohlleben commente cette définition moins classique du mensonge ainsi :

2 Elfriede Jelinek, Die endlose Unschuldigkeit, Schwifting, Schwiftinger Galerie-Verlag, 1980 [1re éd. 1970], p. 56. 3 « ein Ungeheuer ihres Geschlechts », G.E. Lessing, Hamburgische Dramaturgie, Stuttgart, Reclam, 1981, no 29 à 32, ici no 30 (35e soirée), p. 159. 4 Voir l’ouvrage de Peter von Matt, Die Intrige. Theorie und Praxis der Hinterlist, München, Hanser Verlag, 2006, ainsi que l’article d’Ingrid Haag dans le premier volume des Cahiers d’Études Germaniques consacré au mensonge : « Über die “Wahrheit” der weiblichen Natur und wie diese auf der Bühne des bürgerlichen Trauerspiels Lügen gestraft wird », « Quelques vérités à propos du mensonge ? », vol. I, Cahiers d’Études Germaniques, no 67, 2014, p. 123-136. 5 Ingeborg Bachmann, Das dreißigste Jahr, in Ingeborg Bachmann : Werke, éd. par Christine Koschel, Inge von Weidenbaum, Clemens Münster, œuvres complètes en quatre volumes, ici vol. II, München/ Zürich, Piper, 1978, p. 94-137, ici p. 112. POUR UNE APPROCHE GENRÉE DU MENSONGE 151

Die Lüge wird mit einer alten, phrasenhaften Sprache, einer zur Veränderung nicht gewillten Ordnung assoziiert, vehement abgelehnt und gilt als moralisch verwerflich. Sie bildet […] einen dichotomischen Gegenpol zu einer positiv konnotierten, utopischen Wahrheit, der sich Literatur approximativ zu nähern habe. […] Nicht mehr die Behauptung falscher Tatsachen bedingt also den Lügenvorwurf, sondern der Gebrauch überkommener, verlogener Ausdrücke. Dies hat zur Folge, daß die Lüge nicht, wie die Definition von Augustin dies noch voraussetzte, intentional gefaßt werden kann. 6 Dans cette « langue de brigand », dénoncée par Ingeborg Bachmann, figurent les normes du genre d’une idéologie patriarcale, ces normes que nous nous approprions et que nous rejouons lors de nos processus de constructions identitaires. Par conséquent, bien qu’il n’y ait pas toujours, et probablement même rarement intention de mentir, des normes sur le genre sont constamment produites qui finissent par instaurer des fausses vérités, des mensonges, une “langue de brigand sur le genre” pourrait-on dire, qu’un demi-siècle de gender studies a déjà largement analysée.

La menteuse et le pouvoir (Simone de Beauvoir)

En ce qui concerne un lien discursif plus étroit et structurel entre mensonge et genre, il est intéressant de considérer la figure de la menteuse. Que la femme soit menteuse, qu’elle partage avec le diable la duplicité et la ruse, qu’elle ne cesse de tromper l’homme, est un stéréotype bien connu. Il semble perdurer jusque dans la modernité de nos sociétés sécularisées. Voici ce qu’en dit S. de Beauvoir en 1949 : [La femme] n’a pas le sens de la vérité, ni de l’exactitude, elle manque de moralité, elle est bassement utilitaire, elle est menteuse, comédienne, intéressée... Il y a dans toutes ces affirmations une vérité. Seulement les conduites que l’on dénonce ne sont pas dictées à la femme par ses hormones ni préfigurées dans les cases de son cerveau: elles sont indiquées en creux par sa situation. 7 Dire que la femme est menteuse, comédienne, n’est donc pas faux. Mais S. de Beauvoir se garde bien d’affirmer qu’il s’agirait là d’une vérité ontologique. Elle s’oppose nettement aux thèses – très fréquentes autour de 1900 – qui parlent d’une « nature mensongère 8 » de la femme. La tendance au mensonge et à la dissimulation s’explique pour S. de Beauvoir en 1949 par la « situation » de la femme, à savoir le rôle subalterne qu’elle joue, confinée dans le champ de l’immanence. Selon elle, beaucoup des défauts qu’on reproche aux femmes « expriment simplement le fait que l’horizon leur est barré 9 ». Si l’homme la rêve idéale et infinie, s’il la mythifie sous la figure de l’éternel féminin, il lui assigne en même temps la médiocrité de l’espace domestique. Pourtant, lorsqu’elle ne correspond pas à son idéal, il lui reproche de ne

6 Doren Wohlleben, Schwindel der Wahrheit. Ethik und Ästhetik der Lüge in Poetik-Vorlesungen und Romanen der Gegenwart, Freiburg/ Berlin, Rombach, 2005, p. 211-213. 7 Simone de Beauvoir, Le deuxième sexe, t. II, Paris, Folio, 1976 [1re éd. 1949], p. 477. 8 Cf. « die ontologische Verlogenheit des Weibes », Otto Weininger, Geschlecht und Charakter, Wien/ Leipzig, Braumüller, 1920 [1re éd. 1903], p. 349. 9 Beauvoir, Le deuxième sexe, t. II, p. 485. 152 SUSANNE BÖHMISCH pas être féminine ou de le tromper 10. Toute incohérence avec son idée de féminité à lui sera imputée à elle, nourrira le soupçon à son égard, elle qui de toute façon est toujours soupçonnable. Et la femme se découvre elle-même « comme mensonge 11 », écrit S. de Beauvoir. Si l’homme érige comme idéal la femme vertueuse, la « Femme sans ruse 12 », il cherche aussi son contraire : « L’homme lui assène pompeusement son code de vertu et d’honneur ; mais en douce il l’invite à y désobéir 13. » La prostitution serait un exemple parmi d’autres de cette hypocrisie masculine. Selon S. de Beauvoir, la femme n’est pas dupe et a bien compris cette mystification dont elle fait l’objet, cette assignation à la place de l’Autre, la fonction d’écran du fantasme masculin. Cette assignation impose à la femme soit de jouer l’Autre (« L’homme même réclame qu’elle lui joue une comédie : il veut qu’elle soit l’Autre 14 »), soit de ruser pour échapper à cette emprise, à cette dépendance (« c’est seulement par le mensonge et l’adultère qu’elle peut prouver qu’elle n’est la chose de personne et qu’elle dément les prétentions du mâle 15 »). Dans les deux cas, les comportements féminins confirment à nouveau les soupçons à son égard, comédienne et menteuse, et c’est donc la femme elle-même qui se fait complice de ces soupçons. Si S. de Beauvoir décrit de nombreuses scènes empiriques de son époque où l’homme demande à la femme de feindre passivité, jouissance ou indépendance, ou d’autres où la femme ment pour retenir l’homme ou se moquer de lui, c’est pour réaffirmer que tous ces comportements ne constituent guère une vérité ontologique. Pour elle, citant d’abord Charles Fourier : « Il y a fausseté partout où il y a régime coercitif 16 », puis se référant aux racistes américains et aux colons français pour qui le Noir est nécessairement paresseux et menteur, car « il prouve par là son indignité ; il met le bon droit du côté des oppresseurs 17 », ce type de mensonge genré doit plutôt se comprendre comme manifestation d’un rapport de pouvoir. Le mensonge n’est pas seulement un stratagème de vanité, comme nous le dit Friedrich Nietzsche. Il sert aussi un pouvoir ou il est tentative de se soustraire à un pouvoir. Si le reproche de mensonge adressé à l’autre est employé par l’oppresseur pour asseoir sa souveraineté, le mensonge est aussi utilisé par les opprimés pour échapper au contrôle et à la domination. Il est un moyen d’affirmation de soi pour ceux et celles dont la position de sujet est menacée, des femmes et des hommes marginalisé-e-s pour des raisons culturelles, idéologiques, politiques ou d’orientation

10 « Ainsi, à l’existence dispersée, contingente et multiple des femmes, la pensée mythique oppose l’Éternel Féminin unique et figé ; si la définition qu’on en donne est contredite par les conduites des femmes de chair et d’os, ce sont celles-ci qui ont tort : on déclare que la Féminité est une entité, mais que les femmes ne sont pas féminines. Les démentis de l’expérience ne peuvent rien contre le mythe. » Le deuxième sexe, t. I, p. 395. 11 Ibid., p. 306. 12 Simone de Beauvoir cite ici des litanies du Moyen Âge, adressées à la Vierge Marie (« Tu es la Femme sans ruse dont l’amour jamais ne change... »). Ibid., p. 297. 13 Beauvoir, Le deuxième sexe, t. II, p. 497. 14 Ibid., p. 499. 15 Beauvoir, Le deuxième sexe, t. I, p. 309. 16 Beauvoir, Le deuxième sexe, t. II, p. 500. 17 Ibid., p. 501. POUR UNE APPROCHE GENRÉE DU MENSONGE 153 sexuelle. Nous pouvons à ce propos nous reporter aux thèses de Vladimir Jankélévitch, pour qui un ressort important du mensonge est le fait d’« d’agrandir l’espace vital de son ego 18 ». Comme posture face au pouvoir, mensonge et ruse se rapprochent pour Jankélévitch. Ce sont les armes des faibles : « le menteur ruse avec la difficulté […] ; il simule et dissimule afin d’obtenir, en trichant, de petites rectifications de frontière 19 ». Ruser, mentir reviendrait donc à essayer de gagner en espace vital, et simultanément cela participe activement à la construction et la confirmation des stéréotypes, par exemple sur la menteuse. S. de Beauvoir ne dit pas autre chose : un agir, ici le fait de mentir, résulte d’une situation sociale, existentielle complexe ; il finit par produire un réel normatif, et la femme devient menteuse. C’est le pourquoi et le comment de ces situations, la fabrique du genre dans l’histoire du mensonge, qui est intéressant à analyser, et tout particulièrement le lien étroit entre la sémantique du mensonge et l’exercice du pouvoir. Si mensonge et manipulation se trouvent certes du côté des dominants, le fait de faire peser sur quelqu’un le soupçon de mensonge (ce dernier étant considéré comme moralement condamnable), est aussi un acte de domination. Confondre “situation” et “nature” de la femme, affirmer que toutes les femmes seraient “par nature” des menteuses, c’est aussi discréditer leur parole, les priver de légitimité et participe donc activement à la hiérarchisation de la différence sexuelle.

La performativité de la menteuse (Judith Butler)

Plus près de nous, les réflexions butleriennes sur le rapport entre norme et performativité, norme et pouvoir, ainsi que la notion de resignification peuvent appuyer notre argumentaire. Rappelons d’abord ce que J. Butler dit à propos des normes et de la performativité. Dans son ouvrage Défaire le genre, elle distingue la norme de la loi, notamment par sa dimension diffuse : Les normes peuvent être explicites ou non et, lorsqu’elles opèrent en tant que principe normalisateur dans les pratiques sociales, elles restent habituellement implicites, difficiles à décrypter, et il n’est pas simple de discerner clairement les effets qu’elles produisent 20. Le genre est pour J. Butler une norme et donc « toujours et uniquement faiblement incorporé par n’importe quel acteur social 21 ». Ce sont les normes qui font que nos actions sont reconnaissables, que le sujet devient lisible au niveau social 22. Si vous vous détournez des normes, vous risquez de devenir un sujet illisible ou rejeté 23.

18 Vladimir Jankélévitch, Traité des Vertus II, t. 1, « Les vertus et l’amour », Paris, Flammarion, 1986, p. 196. 19 Ibid., p. 198. 20 Judith Butler, Défaire le genre, Paris, Éditions Amsterdam, 2006 [1re éd. Routledge, 2004], p. 58. 21 Ibid., p. 59. 22 Ibid. 23 « [L]es personnes sont régulées par le genre et […] ce type de régulation opère comme une condition de l’intelligibilité culturelle de chacun. Se détourner de la norme de genre revient à produire l’exemple aberrant que les pouvoirs régulateurs (médical, psychiatrique et légal, pour en nommer quelques-uns) peuvent rapidement exploiter pour justifier leur propre zèle régulateur continu. » Ibid., 154 SUSANNE BÖHMISCH

Mais le genre est aussi un acte performatif où le sujet s’approprie, réitère, rejoue les normes discursives et culturelles qui circulent à un moment donné dans la société. Il a donc sa part de responsabilité ainsi qu’une marge de subversion possible. C’est la thèse qu’elle soutient dans Gender Trouble où elle dénonce le caractère contraignant et comique de la norme hétérosexuelle. Ce qu’elle nomme, dans sa relecture de Jacques Lacan, la « comédie hétérosexuelle 24 », ne serait qu’une fiction, une simulation, une performance. L’exemple de la drag-queen devient l’emblème même de ces mécanismes de simulation, de cette performance du genre qui, selon elle, opère à tous les niveaux. La drag-queen rend visibles les apparences trompeuses liées au genre et une discontinuité entre sexe, genre et sexualité. Voici ce que J. Butler en dit quelques années plus tard dans une interview : Dans ce livre, j’ai utilisé l’exemple de la drag-queen pour établir que la performance du genre qu’une drag-queen propose n’est pas moins réelle ou moins vraie que celle qu’effectue [perform] un homme ou une femme quelconque, qu’il s’agit d’une sorte d’allégorie de la performance ordinaire du genre, et que nous effectuons pour ainsi dire tous, tout le temps, le genre. Le spectacle drag constitue un moment où la performance est rendue explicite. Ce n’est pas un écart aberrant par rapport à la norme ; il expose la façon dont la norme fonctionne effectivement, la façon dont elle est instituée au travers du corps, de notre stylistique, de nos expressions corporelles 25. Une thèse fondamentale de J. Butler est en effet de dire : Je ne peux être sans faire. Mais mon faire dépend de ce qu’on me fait – des « manières dont je suis faite par les normes 26 » – et de ma capacité à faire quelque chose avec ce qu’on me fait, ce qu’elle nomme agency, puissance d’agir. On pourrait donc émettre l’hypothèse suivante : la sémantique du mensonge, faisant partie des normes discursives et culturelles, impacte la construction du genre et la performativité du sujet. Les analyses de S. de Beauvoir sur la menteuse montrent bien comment une telle réglementation du genre se met en place. S’il y a une différenciation sexuée entre menteur et menteuse, une différence quant aux seuils de tolérance ou sanctions à l’égard du menteur ou de la menteuse, cette interprétation du mensonge aura un impact sur le faire du sujet. Voici quelques exemples propres à esquisser l’historicité du lien discursif entre mensonge et genre entre le xviiie et le xxe siècle. L’idéal de sincérité qui, à partir de la fin du xviiie siècle dans les pays germanophones, affecte la femme, notamment dans la communication intime (elle doit être transparente et lisible), constitue un important moyen de contrôle, une véritable stratégie répressive. S’appuyant sur les réflexions de Michel Foucault à propos de l’aveu, J. Butler écrit : « [C]’est par la confession que les discours d’autorité peuvent nous contrôler. Nous disons ce que nous avons pensé ou fait, et cette information devient le matériau grâce auquel nous

p. 70. 24 « Komödie der Heterosexualität », Judith Butler, Das Unbehagen der Geschlechter, Frankfurt a. M., Suhrkamp, 1991 [1re éd. Routledge, 1990], p. 79. 25 Judith Butler, « Changer le sujet : la resignification radicale », in Humain, Inhumain. Le travail critique des normes. Entretiens, Paris, Éditions Amsterdam, 2005, p. 93-145, ici p. 124. 26 Butler, Défaire le genre, p. 15. POUR UNE APPROCHE GENRÉE DU MENSONGE 155 sommes interprétés 27 ». Interdire le mensonge reflète une forte volonté de maîtrise. Dans la mesure où il porte sur des domaines différents puisque le clivage entre privé et public, entre communication intime et discours politique ou philosophique est en train de s’institutionnaliser, il constitue également une réglementation du genre. Face à cet impératif de dire la vérité (de ses émotions et pensées), assez tyrannique en soi, le sujet féminin, s’il veut sauver quelque chose de son jardin secret, doit mettre en œuvre des stratégies particulièrement rusées afin de continuer à paraître le plus sincère possible. L’impératif de tout dire le pousserait donc à s’exercer dans l’art de la dissimulation et de la ruse. Et lorsqu’il s’agit d’accéder au statut d’auteure, d’écrivaine, et de dire ce qui ne convient pas à une parole de femme, le recours au pseudonyme masculin s’impose pour de nombreuses femmes à cette période et tout au long du xixe siècle 28. Si l’on analyse les théories misogynes sur la nature mensongère de la femme, fréquentes autour de 1900, notamment dans la modernité viennoise où aussi bien la question sexuelle que le mensonge préoccupent les esprits, on constate une tendance à faire sortir le mensonge du champ moral et à le réhabiliter, après F. Nietzsche, mais aussi à reléguer la femme dans la variante pathologique du mensonge, l’hystérisation de la femme étant à son comble 29. Ce qui peut toutefois étonner, dans ces mêmes écrits misogynes, c’est qu’ils manifestent fréquemment une sorte de tolérance à l’égard des mensonges de femmes, à la seule condition que ceux-ci servent à ce que les femmes jouent bien leur rôle clairement défini dans la hiérarchie des sexes. Chez Paul Möbius par exemple, nous lisons : Die Aufgabe ist, begehrenswerth zu erscheinen, deshalb muss das eigene Begehren verschwiegen werden, und muss alles geschickt verdeckt werden, was der Schätzung der Anderen abträglich sein könnte. […] nichts ist thörichter als dem Weibe das Lügen verbieten zu wollen. Verstellung, d.h. Lügen, ist die natürliche und unentbehrlichste Waffe des Weibes, auf die sie gar nicht verzichten kann. Freilich soll die Waffe nur zur Vertheidigung dienen, indessen ist es begreiflich, dass es nicht dabei bleibt, dass ein Verfahren, das einen wichtigen Theil der Lebensführung bildet, auch ohne Noth angewendet wird. An sich ist die weibliche Lüge nur in geschlechtlichen Beziehungen gerechtfertigt, die Billigkeit aber fordert, dass sie überhaupt milder beurtheilt werde als die männliche Lüge. 30 L’argumentation de base semble remonter à Jean-Jacques Rousseau : La femme a une libido puissante, mais elle doit la masquer afin de ne pas effrayer l’homme et de lui plaire 31. Elle pratique donc l’art de la dissimulation que P. Möbius, tout autant

27 Ibid., p. 188. 28 Dans une étude sur les pseudonymes avec changement de genre dans l’espace germanophone entre 1700 et 1900, Susanne Kord a recensé 482 cas d’écrivaines avec un pseudonyme masculin contre 12 cas d’écrivains avec un pseudonyme féminin, ces derniers étant motivés par l’intention soit d’adresser des leçons de morale aux femmes, soit de s’inscrire dans un genre littéraire connoté féminin comme le journal intime ou le roman épistolaire. Cf. Susanne Kord, Sich einen Namen machen. Anonymität und weibliche Autorschaft 1700-1900, Stuttgart/ Weimar, Metzler, 1996, p. 200. 29 Voir Susanne Böhmisch, « “Eines ist mir klar: Daß die Weiber auch in der Hypnose lügen”. Mensonge et genre chez Schnitzler », Cahiers d’Études Germaniques, no 67, p. 169-184. 30 Paul Möbius, Über den physiologischen Schwachsinn des Weibes, Hamburg, Mattheus & Seitz, 1990 [1re éd. 1908], p. 40. 31 Sur la ruse féminine chez Jean-Jacques Rousseau, voir la contribution de Friederike Kuster dans 156 SUSANNE BÖHMISCH qu’Otto Weininger ou même F. Nietzsche, circonscrivent aux rapports sociaux de sexe et considèrent comme typiquement féminin. Ce qui retient notre attention dans cette citation, c’est que les mensonges des femmes devraient être moins sanctionnés que les mensonges des hommes, puisqu’ils servent un ordre que Möbius considère comme naturel, à savoir la femme comme être sexué et inférieur qui veut et doit plaire à l’homme. Mais gare à la femme qui ose, par le mensonge, troubler ce cadre et cette hiérarchie ! Un tel discours, s’il est relayé massivement et popularisé, comme ce fut le cas pour les thèses d’O. Weininger, a des effets normatifs et un impact sur le faire de la femme. Il suggère implicitement que peu importe si elle ment ou dit la vérité, de toute façon, sa parole ne vaut rien, elle n’est pas capable de vérité. Elle est invitée à jouer, dissimuler, mentir, au service de son sexe. Sa performativité comme menteuse serait donc directement liée au fonctionnement de ces normes. Face à une telle déconsidération de sa parole, il n’est guère surprenant de voir la femme répliquer par un recours généreux au mensonge et à la ruse. D’ailleurs, pourquoi celle que certains stigmatisent comme immorale se sentirait-elle freinée par des considérations morales au sujet du mensonge ? Enfermer quelqu’un dans l’image du menteur ou de la menteuse est un acte par lequel s’affirme une autorité, une souveraineté qui cherche à imposer sa loi. C’est un acte qui peut servir de régulation du genre, comme ce fut le cas dans le discours sur l’hystérique, figure emblématique de la grande menteuse au xxe siècle, et donc du mensonge féminin dans sa variante pathologique. Georges Didi-Huberman, dans son ouvrage sur l’iconographie photographique de la Salpêtrière, avait dénoncé l’« hypocrisie » de Charcot, qui, sous prétexte de rendre visible la pathologie hystérique et de dire la vérité à son propos, l’aurait mise en scène, interprétée, inventée 32. Charcot se serait doté pour cela d’une arme moderne : la photographie, considérée à l’époque comme garante de vérité et d’objectivité. Les images étaient censées constituer un tableau clinique, une mémoire, elles devaient donner à voir les différents faciès et gestes de la pathologie hystérique. G. Didi-Huberman montre au contraire que cette iconographie photographique relève d’une dramaturgie savamment orchestrée, qu’elle sert surtout à donner la preuve de la validité des thèses de Charcot sur l’hystérie 33. Il repère même une « complicité médico- policière » dans ces tentatives de répertorier, classifier et lire l’identité de quelqu’un dans une image 34. Charcot a donc établi un type général d’hystérie, il a créé non seulement un tableau “clinique” mais aussi “classique”, qui fit autorité par la suite et

ce même volume : « “Durch die List ist der Willen zum Weiblichen geworden.” Bemerkungen zu einer Stelle aus Hegels Jenaer Systementwürfen ». 32 Georges Didi-Huberman, Invention de l’hystérie. Charcot et l’iconographie photographique de la Salpêtrière, Paris, Éditions Macula, 2012 [1re éd. 1982], p. 24. 33 Georges Didi-Huberman dénonce dans son ouvrage ces tromperies où les médecins provoquaient de façon expérimentale des crises hystériques afin de photographier, observer et classifier les expressions des patientes. Une excitation des nerfs par exemple, ou l’administration de médicaments hallucinogènes, amenait des contractures et déclenchait une crise. Du coup expérimental on passe à l’attitude, de l’attitude au tableau de l’hystérie. En plus, la mémoire du coup expérimental est effacée puisque le médecin n’apparaît jamais sur les photos. Ce qu’on nous donne à voir semble d’autant plus ‘naturel’, ‘ontologique’ et typiquement féminin. Ibid., p. 275-277. 34 Ibid., p. 79. POUR UNE APPROCHE GENRÉE DU MENSONGE 157 auquel d’autres psychiatres se sont référés. Augustine fut son “chef-d’œuvre”, le cas hystérique parfait car absolument “régulier”. Il la considéra « comme une honnête hystéro-épileptique, ni “farceuse”, ni “styleuse” : régulière, donc 35 ». Elle a gagné l’attribut d’« honnête » puisque ses crises correspondaient exactement au protocole de ses quatre phases de l’attaque hystérique 36. Comme beaucoup d’autres avant lui, Charcot a voulu donner une loi à cette pathologie sans loi. G. Didi-Huberman précise que c’est le symptôme hystérique lui-même qui est désormais soupçonné de mensonge, puisqu’il ne repose sur rien, ce qui aurait été insupportable à la médecine : Que le fou soit celui qui ait perdu le sens de sa vérité, que les lois du monde lui échappent, et même les lois de sa propre essence, cela reste concevable. Mais qu’une femme fasse mentir son propre corps ! Comment la médecine peut-elle continuer à s’exercer honnêtement, si les corps eux-mêmes se mettent à mentir 37 ? Dans notre perspective d’analyse, il ne faut pas sous-estimer la grande popularité dont a joui Charcot, ainsi que la vulgarisation de l’hystérie. Ces idées sur les femmes qui savent si bien mentir, qui savent même faire mentir leur corps au point de provoquer des symptômes ne reposant sur rien, ont pu ainsi atteindre un grand public et participer à la construction des normes du genre, ici à la pathologisation de la menteuse. En 1890, Charcot entrait au petit panthéon d’une Bibliothèque des merveilles qui connaissait une diffusion importante 38. Même les magiciens dans les cirques ambulants de l’époque se référaient à lui pendant leurs spectacles d’hypnose ce qui évidemment ne l’enchantait guère. G. Didi-Huberman affirme que l’ « hystérisation [...] du corps de la femme persiste et se refabrique même au xixe siècle 39 ». Les soupçons de mensonge à l’égard de la femme se renforcent et aboutissent à une forte défiance dans la période hautement ambivalente autour de 1900 où la poussée émancipatrice des femmes va de pair avec un antiféminisme puissant. Si la femme fatale a été à ce moment-là l’une des représentations majeures, c’est aussi en raison de cette hystérisation du corps de la femme, en raison des soupçons à l’égard de ce corps qui peut mentir. Ces soupçons ont comme renforcé l’énigme-femme et renforcé le reproche du mensonge, adressé facilement à l’autre quand celui-ci vous échappe, comme l’a montré Thomas Keller dans le contexte de l’interculturalité 40. Le genre est un acte performatif. Le sujet peut réitérer les normes discursives ou bien les déjouer. Et il peut produire ce que J. Butler appelle une resignification : changer le sens d’un mot, notamment d’une insulte. J. Butler développe ce concept dans son

35 Ibid., p. 164. 36 Ibid., p. 157. 37 Ibid., p. 105. 38 Gustave Hahn, « Charcot et son influence sur l’opinion publique », Revue des questions scientifiques, 2e série, VI, 1894, p. 230-261 et 353-379. Cité par Didi-Huberman, Invention de l’hystérie, p. 310. 39 Didi-Huberman, Invention de l’hystérie, p. 113. 40 Thomas Keller, « Über Wahrheit und Lüge jenseits des deutsch-französischen Sinns », Cahiers d’Études Germaniques, no 67, p. 271-288. 158 SUSANNE BÖHMISCH ouvrage sur les mots qui blessent, Le pouvoir des mots. Politique du performatif 41. Elle croit au pouvoir des mots qui désamorcent la haine, par un détournement où le sujet regagne en puissance d’agir. Un exemple désormais emblématique d’une telle réévaluation serait le terme queer qui signifiait d’abord de façon péjorative l’homosexuel et dont s’est emparé la communauté afin de lui donner un sens positif 42. Une même tentative de réhabiliter un terme fortement péjoratif et genré, à savoir « sorcières », a été réalisée par des féministes dans les années 70 43. L’idée d’une resignification pourrait être transférée sur le mensonge : lorsque le reproche de mensonge est utilisé dans un but de dévaloriser, voire d’opprimer l’autre, lorsqu’une morale cherche à s’imposer en reprochant à l’autre de proférer des mensonges, ceux et celles qui se retrouvent sur le banc des accusé-e-s peuvent s’emparer du terme et le retourner contre ceux qui le prononcent, mettant en échec l’opposition entre vérité et mensonge. Il est évident que le rôle de la littérature et des arts est primordial dans cette « chaîne rituelle de resignifications » par laquelle s’accomplit, selon J. Butler, une « performativité discursive 44 ». Il nous intéresse donc d’examiner dans quelle mesure nous sommes confrontés à des contre-langages, des contre-pouvoirs, qui tentent de rectifier les lignes de frontière, d’apporter, par exemple, de nouvelles puissances d’agir au menteur ou à la menteuse. Dans la littérature de femmes, lorsqu’une héroïne se met en scène et s’assume avec humour et souveraineté comme menteuse, il peut se produire ce phénomène de resignification. On peut constater, dans la deuxième moitié du xxe siècle, un certain engouement pour la variante féminine du picaro. Apparaissent aussi quelques imposteurEs (Hochstaplerinnen), quasiment absentes dans l’histoire littéraire en amont 45. Par conséquent, il faudrait établir si le recours au mensonge est une simple stratégie grâce à laquelle un personnage ou un-e auteur-e s’affranchit d’une morale dominante et agrandit l’espace vital de son ego (pour reprendre les termes de Vladimir Jankélévitch), ou si le recours au mensonge participe à une resignification : le menteur / la menteuse qui s’affiche menteur / menteuse, le fait-il/elle dans le but de revaloriser le mensonge ?

De la ruse d’Hérodiade à la danse de Salomé

Le lien discursif entre mensonge et genre s’inscrit donc dans une historicité – la femme vertueuse et transparente de Lessing, la grande hystérico-menteuse du xixe siècle, la femme fatale de la Fin-de-siècle dans son usage du mensonge et de

41 Judith Butler, Le pouvoir des mots. Politique du performatif, Paris, Éditions Amsterdam, 2004 [1re éd. Routledge, 1997]. 42 Aujourd’hui, queer ne s’oppose pas simplement à hétérosexuel, le terme vise même à perturber la dichotomie entre hétérosexualité et homosexualité. L’identité queer n’a pas de limites fermes, s’inscrit dans la fluidité, défie l’identique ; c’est l’identité genrée postmoderne. Cf. Ibid., p. 39-40. 43 Voir par exemple la revue féministe Sorcières (1976-1981), dirigée par Xavière Gauthier. 44 Butler, Le pouvoir des mots, p. 40. 45 Cf. Dorothee Kimmich, « “Mundus vult decipi”. Warum man sich den Hochstapler als einen glücklichen Menschen vorstellen muss », Cahiers d’Études Germaniques, no 67, p. 223-236. POUR UNE APPROCHE GENRÉE DU MENSONGE 159 la ruse. Pour finir, la figure d’Hérodiade/ Salomé en littérature et arts permettra d’illustrer comment une construction du genre se modifie en lien avec l’interprétation de la ruse féminine dans un contexte franco-allemand, voire européen. Alors que dans les textes bibliques, Salomé n’est même pas nommée ni sa danse décrite, elle devient un des mythes les plus populaires au tournant du siècle et sa danse l’une des représentations majeures de la femme fatale, tandis que la figure de la mère passe au second plan. La ruse d’Hérodiade, motivée initialement par le pouvoir, semblerait s’être déplacée, dans l’histoire complexe de sa réception, vers le corps de la danseuse incarnant la ruse autour de 1900 46. Il faudrait donc ajouter aux deux éléments constitutifs du mythe de Salomé dans l’esthétique Fin-de-siècle – à savoir danse et violence 47 – un troisième, la ruse faite corps, où l’on pourrait reconnaître non seulement des effets de mode – orientalisme et exotisme – mais aussi l’impact de l’hystérisation de la femme évoquée ci-dessus. Toutefois, étudier la “salomanie” de la période Fin-de-siècle, avec les accents différents de chaque interprétation, ainsi que les particularités nationales, dépasserait de loin le cadre de cette contribution. Notre analyse sur le déplacement du paradigme de la ruse d’Hérodiade se concentrera sur deux textes en amont dont l’impact sur le mythe a été considérable, à savoir l’Hérodiade de Heinrich Heine dans Atta Troll (1841) et celle de Gustave Flaubert dans Hérodias (1877), et montrera comment s’élaborent et se transforment les représentations du genre, ici en lien avec la ruse féminine. Un petit rappel sur le personnage d’Hérodiade dans la Bible. Les passages chez Marc et Matthieu sont brefs, à peine quelques lignes chez ce dernier (Matth., 14, 1-12 et Marc, 6, 14-29). Salomé n’y joue qu’un rôle secondaire, elle exécute la volonté de la mère. Chez les deux Évangélistes, Hérodiade est la vraie coupable de l’emprisonnement de Jean-Baptiste et de sa décapitation. C’est elle qui n’aurait pas supporté les reproches proférés par celui-ci à l’égard de ses deux mariages incestueux. Hérodiade, humiliée, se serait sentie menacée par Jean-Baptiste, ce fauteur de troubles capable de discréditer sa position de pouvoir : « Hérodiade était acharnée contre lui. Elle aurait voulu le tuer mais ne le pouvait pas car Hérode, sachant que Jean était un homme juste et saint, le craignait et le ménageait. » (Marc, 6, 19-20) 48. Lorsque Hérodiade, le jour du banquet, demande à Salomé de danser devant Hérode, elle utilise sciemment les charmes de sa fille comme instrument de sa ruse. Elle lui souffle le vœu fatal. C’est à elle que la fille rapporte le trophée : « Le garde […] rapporta la tête sur un plat et la donna à la jeune fille, qui la donna à sa mère. » (Marc, 6, 28) 49.

46 Il serait également intéressant de mettre la danse de Salomé en perspective avec la naissance de la danse libre en Europe, avec sa revendication de naturel et d’authenticité. Loin de toute notion de ruse ou de tromperie associée au corps féminin, ces nouvelles formes de danse libre deviennent le nouveau paradigme de la vérité dans l’art. 47 Cf. Sandra Walz, Tänzerin um das Haupt. Eine Untersuchung zum Mythos « Salome » und dessen Rezeption durch die europäische Literatur und Kunst des Fin de siècle, München, Martin Meidenbauer, 2008, p. XV. Voir deux autres ouvrages de référence sur la figure de Salomé en littérature et arts : Marion Koch, Salomes Schleier. Eine andere Kulturgeschichte des Tanzes, Hamburg, Europäische Verlagsanstalt, 1995, et Mireille Dottin-Orsini (dir.), Salomé, Paris, Autrement, 1996. 48 La Bible (nouvelle traduction avec l’aide de nombreux écrivains dont François Bon, Emmanuel Carrère, Marie Depussé, Jean Echenoz, Marie Ndiaye, Valère Novarina…), Paris, Bayard, 2001, p. 2288. 49 Ibid. 160 SUSANNE BÖHMISCH

Les Pères de l’Église n’ont pas hésité à diaboliser Hérodiade, ainsi que sa fille, bien que celle-ci ait été encore longtemps représentée comme naïve et enfantine plutôt que perverse. Toutefois, Salomé ne devient Salomé, personnage autonome et incarnant elle-même la ruse initiale de la mère, qu’autour de 1900. Trois interprétations du mythe durant le XIXe siècle ont été déterminantes pour ce changement de paradigme : celle de Heinrich Heine, celle de Gustave Flaubert et celle d’Oscar Wilde. Leurs textes sont devenus le nouveau référent du mythe. De façon très schématique, on pourrait dire que H. Heine a introduit le motif de l’amour- passion dans le mythe d’Hérodiade, que G. Flaubert a stylisé la danse et orientalisé Salomé, et qu’O. Wilde a concentré tout le potentiel érotique et cruel sur elle. Hérodiade, dans la fable Atta Troll de Heine, écrite en 1841, fait figure de revenante. Au milieu du récit, le narrateur se trouve dans la cabane de la sorcière Uraka. Pendant que la sorcière tisse l’intrigue pour attirer l’ours Atta Troll, qui s’était échappé, dans un piège, le narrateur assiste, à la fenêtre, à une nuit de Sabbath dans laquelle apparaît Hérodiade, qui le charmera. Heine utilise ici les légendes médiévales qu’il a découvertes dans les œuvres des frères Grimm et dans lesquelles Hérodiade est devenue une sorcière hantant le monde des vivants. Mais, à la différence de ces légendes, il ne présente plus Hérodiade comme une femme laide, méchante et vengeresse 50, équivalent du diable. Elle devient ambivalente et fascine par son mystère, par sa dangerosité 51. Elle fascine notamment par la force de sa passion, car la ruse d’Hérodiade est désormais motivée par l’amour qu’elle aurait éprouvé à l’égard de Jean-Baptiste 52. Le motif du pouvoir politique est ainsi écarté. Au xixe siècle, la femme ne peut avoir recours à une telle ruse que dans le cadre de l’amour. Bien que ce soit l’amour-folie que Heine cherche à valoriser, c’est toutefois une façon de situer la ruse d’Hérodiade à l’intérieur des rapports sociaux de sexes. Mais peut-on encore parler de ruse ? Sur l’histoire qui a précédé la décapitation, nous apprenons très peu, et ce peu à quoi se réduit la ruse d’Hérodiade est davantage présenté comme un caprice féminin, d’autant plus arbitraire et inquiétant peut-être, mais vite regretté par la meurtrière elle-même 53. Bien qu’on entende l’ironie chez Heine, il aura malgré tout préparé la réception ultérieure de la fille d’Hérodiade comme figure associant érotisme et violence. D’autres caractéristiques de son Hérodiade y contribuent : ses attributs physiques et vestimentaires orientalistes, le nom de Shéhérazade – autre figure de la ruse féminine, toutefois au service de la vie. Dans ses folles chevauchées nocturnes, Hérodiade emporte toujours le plateau d’argent avec la tête de Jean‑Baptiste qu’elle embrasse avec passion, qu’elle jette même en l’air, comme un ballon, rieuse et ivre

50 Walz, Tänzerin um das Haupt, p. 100. 51 « Obs ein Teufel oder Engel,/ Weiß ich nicht. Genau bei Weibern/ Weiß man niemals, wo der Engel/ Aufhört und der Teufel anfängt. » Heinrich Heine, Atta Troll. Ein Sommernachtstraum, in Sämtliche Schriften, vol. IV, München, Carl Hanser, 1971, p. 491-570, ici, p. 542 (Caput XIX). 52 « Denn sie liebte einst Johannem -/ In der Bibel steht es nicht,/ Doch im Volke lebt die Sage/ Von Hérodias’ blutger Liebe -// Anders wär ja unerklärlich / Das Gelüste jener Dame -/ Wird ein Weib das Haupt begehren/ Eines Manns, den sie nicht liebt? » Ibid., p. 543 (Caput XIX). 53 « War vielleicht ein bißchen böse/ Auf den Liebsten, ließ ihn köpfen;/ Aber als sie auf der Schüssel/ Das geliebte Haupt erblickte,// weinte sie und ward verrückt,/ Und sie starb in Liebeswahnsinn. » Ibid. POUR UNE APPROCHE GENRÉE DU MENSONGE 161 de jouissance, dans une scène assez grotesque. Puis elle lance un regard séducteur au narrateur qui s’enflamme pour elle et lui déclare son amour : Doch mit toller Weiberlaune/ Schleudert sie das Haupt zuweilen/ Durch die Lüfte, kindisch lachend,/ Und sie fängt es sehr behende/ Wieder auf, wie einen Spielball. 54 Liebe mich und sei mein Liebchen,/ Schönes Weib, Hérodias!// Liebe mich und sei mein Liebchen!/ Schleudre fort den blutgen Dummkopf/ Samt der Schüssel, und genieße/ Schmackhaft bessere Gerichte.// […] Mich kümmerts wenig,/ Daß du tot und gar verdammt bist – 55 Heine s’inscrit ainsi, non sans ironie à nouveau, dans la veine du romantisme noir qui érige la femme fatale en muse. Ni Salomé ni sa danse n’apparaissent. Mais, en revalorisant la figure d’Hérodiade comme déesse fascinante de par sa violence, il s’attaque surtout à l’idéologie chrétienne qui la diabolisa. Si quelqu’un a eu tort dans cette histoire, c’est bien Jean-Baptiste (ce « blutge[r] Dummkopf » = ce « benêt ensanglanté »), l’ascète qui a défendu une morale douteuse et qui a condamné la sensualité de la femme. C’est l’Éros ambivalent qui, chez Heine, remplace la ruse traîtresse. Ainsi, le terrain est préparé pour les représentations décadentes de la femme fatale autour de 1900, l’intrigue initiale d’Hérodiade perdant son importance 56. Heine semble avoir eu recours à ce mythe pour prendre le contre-pied de l’idéologie chrétienne, mais aussi pour s’identifier, en tant que juif exilé – il a écrit Atta Troll dans son exil à Paris – au sort de cette juive diffamée, qu’il représente certes errante, mais triomphant de toutes les morales médiocres qui tentent de briser son élan de vie et d’amour. C’est du moins ce que suggère S. Walz, établissant une analogie entre les expériences du juif et de la femme : Mit dem Bild der liebestollen Jüdin Hérodias, der sich der Mann nicht entziehen kann, forderte Heine die Arroganz der Zeitgenossen heraus. Heine versuchte eine Parallele zu schaffen zwischen der Intoleranz, die er als Jude erfahren hatte und der, welche die Frau in der patriarchalischen Gesellschaft des 19. Jahrhunderts erfahren musste. In der Hérodias-Figur scheinen sich die Erfahrungsbereiche des entwurzelten Künstlers mit denen der verfemten Sinnlichkeit zu vereinen. 57 Pour nous, c’est un moment charnière où se modifie une représentation du genre en lien avec la ruse, et où l’on peut reconnaître un ressort important pour l’imaginaire de la Fin-de-Siècle 58.

54 Atta Troll, p. 543-544 (Caput XIX). 55 Ibid., p. 547 (Caput XX). 56 Il est toutefois intéressant de constater que l’apparition d’Hérodiade est précédée par d’autres figures féminines signifiant duplicité ou dangerosité de façon beaucoup plus stéréotypée : notamment la sorcière Uraka et son intrigue, tout comme Juliette dont le regard féminin séducteur est évoqué par le recours à la métaphore-cliché du piège : « Ihre Blicke sind ein süßes/ Strahlennetz, in dessen Maschen/ Unser Herz, gleich einem Fischlein,/ Sich verfängt und zärtlich zappelt. » Atta Troll, p. 499 (Caput I). 57 Walz, Tänzerin um das Haupt, p. 109. 58 « Durch jene, der Folklore-Tradition entliehene Thematisierung der Liebe zwischen Hérodias und Johannes wurde Heine für die Fin-de-siècle-Rezeption zum zentralen Impulsgeber, vor allem weil diese sinnliche Verrücktheit die Poesie widerspiegelte. Die Liebe, die Heine durch seine Hérodias offenbarte, war keine romantische Liebe mehr, sondern eher eine Parodie dessen, was unter dem luftigen Begriff “Liebe” verstanden wurde. Mit Hérodias entblätterte und entstaubte er den Liebebegriff und führte ihn zurück zu den Ursprüngen sinnlichen Begehrens und auch zu körperlicher Gewalt. ». Ibid., p. 109. 162 SUSANNE BÖHMISCH

Quant à la version de G. Flaubert, Hérodias, elle reste très près des sources bibliques puisque Flaubert y fait le portrait de la mère ambitieuse et de sa superbia offensée. La ruse d’Hérodias est au centre de la trame narrative. Flaubert rajoute même de la fiction romanesque pour renforcer ce portrait : « Depuis son enfance, elle nourrissait le rêve d’un grand empire. C’était pour y atteindre que, délaissant son premier époux, elle s’était jointe à celui-là, qui l’avait dupée, pensait-elle 59 ». Hérodias se sent dupée, puisque Hérode Antipas n’est pas à sa hauteur. Elle se moque de lui, de sa peur et méprise ses origines plébéiennes. L’implacable désir de pouvoir d’Hérodias est attesté par son sang-froid lorsqu’elle se félicite elle-même du succès de ses manigances pour écarter Agrippa, son propre frère 60. Son « air d’impératrice » effraie le proconsul Vitellius qui la trouve « dangereuse 61 ». Parallèlement, Flaubert insiste sur les sentiments d’humiliation qui la torturent. Elle est « glacée par [l]es injures » proférées par Iaokanann en public – Flaubert garde le nom juif de Jean-Baptiste –. Ces critiques l’offensent profondément 62, portent atteinte à sa gloire, menacent sa position de reine, puisque son mari si faible pourrait céder à l’opinion et la répudier 63. Enfin, par une subtile composition d’indices, Flaubert prépare la venue de Salomé au banquet en les identifiant comme éléments constitutifs de la ruse d’Hérodias, ourdie en réalité depuis bien longtemps. Hérodias aurait même fait éduquer sa fille à la danse pour un jour s’en servir comme arme 64. Lorsque Hérode Antipas, dans le présent du récit, aperçoit une jeune fille au loin et lui demande qui elle est, Hérodias « répondit n’en rien savoir, et s’en alla soudainement apaisée 65 ». Cette jeune fille apparaît une seconde fois de façon furtive, et de nouveau Hérodias ne répond pas à Hérode qui lui demande si c’est l’une de ses esclaves à elle. Puis elle apparaît une troisième fois, en entrant dans la salle du banquet, et alors Salomé se met à danser. Tout est calculé, y compris le moment où Salomé apparaît devant Hérode et les convives, la composition de la danse, l’effet érotique. Comme l’a observé Gabriele Brandstetter, la description de la danse chez Flaubert suit une véritable rhétorique corporelle de l’érotisme que Flaubert aurait composée à partir de son propre vécu en Égypte et à partir de représentations iconographiques médiévales 66. Salomé commence par la danse du ventre, puis ses mouvements deviennent plus exaltés, frénétiques, « comme la rhombe des sorcières. […] de ses vêtements jaillissaient d’invisibles étincelles qui enflammaient les hommes 67 ». Le public hurle, hystérisé. Puis, lors du dernier mouvement, Salomé, le corps renversé, les talons en l’air, parcourt l’estrade « comme un grand scarabée ». Elle s’arrête et fixe Hérode du regard. C’est à ce moment-là, capital, que se manifeste le dernier acte de la ruse d’Hérodias :

59 Gustave Flaubert, « Hérodias », in Trois contes, Paris, Folio, 1973, p. 108. 60 « […] la joie d’un triomphe éclairait sa figure », ibid., p. 105. 61 Ibid., p. 113. 62 « Iaokanann l’empêchait de vivre », ibid., p. 107. 63 Ibid., p. 108. 64 Ibid., p. 134. 65 Ibid., p. 109. 66 Gabriele Brandstetter, Tanz-Lektüren. Körperbilder und Raumfiguren der Avantgarde, Freiburg, Rombach, 2013 [1re éd. 1995], p. 232. 67 Flaubert, Hérodias, p. 135. POUR UNE APPROCHE GENRÉE DU MENSONGE 163

Un claquement de doigts se fit dans la tribune. Elle [Salomé] y monta, reparut ; et, en zézayant un peu, prononça ces mots, d’un air enfantin : – Je veux que tu me donnes dans un plat, la tête... » Elle avait oublié le nom, mais reprit en souriant : « La tête de Iaokanann 68 ! » Flaubert fut un des premiers écrivains à avoir décrit la danse de Salomé. Il y mêla tout l’orientalisme de son époque. La réputation sulfureuse de la danseuse-prostituée sera par la suite un ingrédient majeur du mythe de Salomé. En 1891, c’est O. Wilde qui réinvestira avec sa Salomé cette aura lascive, érotique et orientaliste de Flaubert, mais avec un changement radical : désormais il n’est plus question de la mère, c’est Salomé elle-même qui se venge, parce que c’est elle qui aime Jean-Baptiste, c’est elle qui a été offensée dans son désir d’aimer. Sans doute, la figure de la mère ou de la sorcière Hérodiade ne convenait plus à cette génération de symbolistes et il fallait une figure plus juvénile pour incarner l’ambivalence d’une féminité mystérieuse et cruelle transfigurée en muse des poètes. L’implacable et terrifiante ruse d’Hérodiade, encore centrale chez Flaubert, sera passée entièrement dans le corps de la danseuse. En guise de conclusion, nous voudrions évoquer certaines coïncidences dans l’histoire des gender studies et celle du mensonge. De nombreuses théoriciennes se sont prononcées pour une éthique relationnelle – Hélène Cixous l’appelle l’éthique de l’altérité, Luce Irigaray l’éthique de la différence sexuelle, Judith Butler l’éthique de la relation. La théorie d’une Cixous ou d’une Irigaray consiste à comprendre la différence sexuelle comme un différentiel, une dynamique où il est important d’accepter les failles, le secret, la part inéchangeable de l’échange, le fait qu’il y ait une altérité non appropriable. La vérité n’en est pas une, pourrait-on dire pour paraphraser Irigaray (Ce sexe qui n’en est pas un). J. Butler, quant à elle, critique dans le kantisme le refus de la part d’erreur et du mensonge dans l’humanité et oppose au sujet kantien, marqué par l’autonomie, la maîtrise et la souveraineté, un sujet éthique conscient de ses limites, interdépendant, toujours orienté vers et traversé par l’autre, et ayant droit à l’erreur 69. Il nous semble que l’interrogation massive sur le genre telle qu’elle se pratique depuis maintenant un demi-siècle a, tout comme la réflexion psychanalytique, fortement impacté cette tendance à reconsidérer la perspective éthique sur le mensonge, mettant en avant la tache aveugle de nos relations, source d’erreurs mais aussi d’humanité.

68 Ibid., p. 136. 69 Voir le commentaire de Doren Wohlleben sur l’éthique de la relation chez Judith Butler, in Schwindel der Wahrheit, p. 230-231.

„Durch die List ist der Willen zum Weiblichen geworden.“ Bemerkungen zu einer Stelle aus Hegels Jenaer Systementwürfen Friederike KUSTER Bergische Universität Wuppertal

Hegel hat in seinem Werk dem Geschlechtsunterschied und dem Verhältnis der Geschlechter immer wieder ausführliche Reflexionen gewidmet. Diese reichen von der Naturphilosophie in die Philosophie des Geistes. Angelegt und begründet in der organischen Natur erstreckt sich die geschlechtliche Polarität von männlich und weiblich bzw. von Mann und Frau bis in die Zweiteilung der sittlichen Welt in eine weibliche und eine männliche Sphäre, in Familie und Staat. Neben den einschlägigen Passagen zum Geschlechtsverhältnis in der Naturphilosophie, wo es als Teil des Gattungsprozesses die höchste Darstellungsform der Vernunft in der Natur bildet, finden sich die ausführlichsten und systematisch ausgearbeiteten Darstellungen der Geschlechterrelation und der Familie in der Phänomenologie des Geistes von 1807 und in den Grundlinien der Philosophie des Rechts von 1820. Demgegenüber soll es allerdings hier um einen Text aus den Jenaer Systementwürfen III1 von 1805/06 gehen. Die verschiedenen Systementwürfe der Jenaer Jahre 1801 bis 1806 können gewissermaßen als – freilich der systematischen Anlage nach mehr oder weniger differierende – Vorstufen zur Phänomenologie des Geistes von 1807 betrachtet werden. Die Jenaer Systementwürfe III umfassen die Naturphilosophie und die Philosophie des Geistes. Der Satz, der im Titel genannt ist und um dessen Interpretation es im Weiteren geht, findet sich in der Philosophie des Geistes im Kontext eines von Hegel skizzierten Bildungsgangs des Bewusstseins in den Medien von Sprache, Arbeit und Familie. „Durch die List ist der Willen zum Weiblichen geworden.“2 Diese Behauptung lässt stutzen, weckt die Neugier und den hermeneutischen Ehrgeiz. Hier ist nicht einfachhin von weiblicher List die Rede, sondern vielmehr, dass der Wille durch die List weiblich wird. Nicht also die Frau setzt die List in die Welt, sondern die List

1 Georg Wilhelm Friedrich Hegel, Jenaer Systementwürfe III/ Naturphilosophie und Philosophie des Geistes, neu hrsg. von Rolf-Peter Horstmann, Hamburg, Felix Meiner Verlag, 1987 (im Folgenden zitiert als J III). 2 Ibid., S. 190. 166 FRIEDERIKE KUSTER

– fragen ließe sich freilich welche List – erzeugt das Weibliche und noch dazu als das Weibliche am Willen. Das ist so nicht ohne weiteres nachzuvollziehen. Hinzu kommt noch, dass das Weibliche und die List einige Zeilen später in einen Bezug zum Begriff des Bösen gesetzt werden. Der ganze Gedankengang schließlich wird in starker Verknappung und auf wenigen Seiten, zudem in einem fragmentarischen Duktus entwickelt und präsentiert sich dementsprechend spröde. Es ist erstaunlich, dass dieser Konnex von Weiblichem, List und Bösem, der unvermeidlich die Assoziation religiöser abendländischer Topoi evoziert, im Vorlesungsfragment von 1805/06 in einen Kontext gestellt ist, der demgegenüber zunächst eher abseitig erscheint: es geht, lapidar gesagt, um die Erfahrung, die das praktische Bewusstsein im Prozess der Arbeit macht. Überdies ist es bemerkenswert, dass dieser Hegel-Stelle, genauer dem Zusammenhang von List, Weiblichem und Bösem bislang noch keine Aufmerksamkeit geschenkt wurde, wobei freilich die Literatur zu Hegel, auch die zum frühen Hegel, Legion ist. Indes überrascht diese offenkundige Lücke auch nicht allzu sehr, denn die Themen des Geschlechts und des Geschlechterverhältnisses werden in der philosophischen Rezeption chronisch stiefväterlich behandelt, zumeist in ihrer systematischen Relevanz sogar komplett ignoriert oder übergangen. Vor diesem Hintergrund bietet es sich an, diesem Textabschnitt erstmalig eine genaue Lektüre zu widmen. Dabei ist zunächst der Kontext der Überlegungen zur List und zum Weiblichen zu explizieren und eine Rekonstruktion des Gedankenganges zu leisten, der List und Weibliches gleichsam als Resultate der menschlichen Arbeit gewinnt. Im zweiten Schritt ist zu klären, inwiefern der weibliche Charakter des Willens auch als das Böse verstanden werden kann, wobei zu einer umfassenderen Interpretation des Begriffs des Bösen auf Hegels Vorlesungen zur Philosophie der Religion zurück gegriffen wird. Schließlich ist noch ein Blick zu werfen auf die veränderte Fassung des Gedankens der „weiblichen List“ und auf die systematisch andere Verortung in der Phänomenologie des Geistes. Die List nimmt dort im Rahmen einer Konzeption antiker Sittlichkeit die Gestalt der Intrige der Frauen an und wird zur schicksalshaften „Ironie“ des griechischen Staates.

Arbeit – List – Weibliches

Habermas hat in einer berühmten Interpretation der Jenaer Systemfragmente3 herausgestellt, wie Hegel für den Bildungsprozess des Geistes eine besondere, später aufgegebene Systematik zugrunde legt, in welcher: Die Kategorien Sprache Werkzeug und Familie [...] drei gleichwertige Muster dialektischer Beziehung [bezeichnen]: die symbolische Darstellung, der Arbeitsprozess und die Interaktion auf der Grundlage der Reziprozität vermitteln Subjekt und Objekt je auf ihre Weise.4

3 Jürgen Habermas, Arbeit und Interaktion, in ders., Technik und Wissenschaft als Ideologie, Frankfurt a. M., Suhrkamp Verlag, 1969, S. 9-47. 4 Ibid., S. 9f. BEMERKUNGEN ZU EINER STELLE AUS HEGELS JENAER SYSTEMENTWÜRFEN 167

Die Bildung des Individuums erscheint hier an bestimmte Medien gebunden: an Gedächtnis, Arbeit und Familie nach der subjektiven Seite hin, die sich in ihren verobjektivierten Formen als Sprache, Werkzeug und Familiengut darstellen. Dass der Entwicklungsprozess des Geistes an Medien, an „Mitten“ gebunden ist, besagt, dass das Individuum sich vermittels, gleichsam inmitten der Potenzen von Sprache, Arbeit und Interaktion herausbildet.5 Dieser Zusammenhang kann hier nur im Umriss angedeutet werden. Zur Einordnung des hier interessierenden Textabschnitts ist entscheidend, dass er den systematischen Übergang von der Arbeit zur Familie stiftet. Verkürzt gesagt handelt es sich um einen Passus über den Charakter, den Hegel als den Willen bestimmt, sofern er seinen eigenen Gegensatz in sich enthält. Die kontrastierende Konstellation, welche die entzweiten Momente des Geistes im Charakter bilden, bringt Hegel dann in Zusammenhang mit dem Geschlechtsunterschied, der im Weiteren die Basis für die Familie abgibt.6 Diese innere Spaltung des Willens ist nun genauer zu explizieren. Einzusetzen ist dort, wo der Geist sich äußerlich verwirklicht und manifestiert, als Wille, als praktischer Geist. Die grundlegende Tätigkeit des praktischen Geistes ist Stillung der menschlichen Begierde. Das individuelle vereinzelte Bewusstsein ist dabei bezogen auf ein „absolut Entgegengesetztes, ein totes Ding“7. Allerdings befriedigt der Mensch seine Begierde in grundsätzlich anderer Art als das Tier, insofern er arbeitet. In der Arbeit wird der menschliche Trieb zur „gehemmten Begierde“, zu einer Begierde, die ihre Stillung zunächst aufschiebt und den Gegenstand nicht vernichtet, sondern ihn gestaltet und sich damit in ihm realisiert. Diese bildende Potenz der Arbeit wird in der Phänomenologie des Geistes im Rahmen des berühmten Kapitels zu Herrschaft und Knechtschaft herausgestellt: „Arbeit ist gehemmte Begierde, aufgehaltenes Verschwinden, oder sie bildet.“8 Arbeit bedeutet eine Formung nach zwei Seiten: sowohl nach der Seite des Gegenstands wie nach der des Arbeitenden, beide gewinnen vermittels der Arbeit Gestalt. Der Gegenstand verliert seine ursprüngliche Kontur und wird zu einem bearbeiteten, umgeformten. Der Arbeitende erfährt im Prozess seine Verfügungsmacht über die Dinge, und er überwindet damit seine unmittelbare Abhängigkeit von ihnen. In seiner Handhabung der Dingwelt vollzieht sich zugleich eine Distanzierung von ihr. Die Arbeit unterbricht die gerade, direkte Gerichtetheit des Triebs auf seine Befriedigung, sie hält an und hält auf. Das spezifische Merkmal der Arbeit ist der Werkzeuggebrauch; mit dem Werkzeug wird etwas zwischen den Trieb und die Natur geschoben. Hegel bezeichnet das Werkzeug als eine „vernünftige Mitte “: Es bildet die Mitte zwischen dem passiven Objekt und dem tätigen Subjekt, wobei es an sich selbst

5 Einen Überblick über die Diskussion der Thesen von Habermas bietet Herbert Schnädelbach, Hegels praktische Philosophie, Frankfurt a. M., Suhrkamp Verlag, 2000, S. 155ff. 6 Vgl. ibid., S. 131. 7 Georg Wilhelm Friedrich Hegel, Jenaer Systementwürfe I, Das System der spekulativen Philosophie, neu hrsg. von Klaus Düsing und Heinz Kimmerle, Hamburg, Felix Meiner Verlag, 1986, S. 209 (im Folgenden zitiert als J I). 8 Georg Wilhelm Friedrich Hegel, Werke in 20 Bänden, Bd. 3: Phänomenologie des Geistes, Suhrkamp Verlag, Frankfurt a. M., 1970, S. 153. 168 FRIEDERIKE KUSTER gleichermaßen Aktivität wie Passivität zeigt. Passiv dienend liegt es dem Subjekt in der Hand, tätig verhält es sich gegenüber dem „toten Ding“. Es ist ferner ein Medium, das den konkreten Arbeitenden und das jeweils Bearbeitete, die einzelnen Arbeitssituationen überdauert und dabei seine eigene Genealogie entwickelt. So bleibt schließlich im Werkzeug die Möglichkeit der arbeitenden Triebbefriedigung als eine allgemeine aufbewahrt. Das Werkzeug ist die existierende, vernünftige Mitte, existierende Allgemeinheit des praktischen Prozesses, es erscheint auf der Seite des Tätigen gegen das Passive, ist selbst passiv nach der Seite des Arbeitenden und tätig gegen das Bearbeitete. Es ist das, worin das Arbeiten sein Bleiben hat, was von dem Arbeitenden und dem Bearbeiteten allein übrig bleibt und worin die Zufälligkeit sich verewigt; es pflanzt sich in Traditionen fort, indem sowohl das Begehrende als das Begehrte nur als Individuen bestehen und untergehen.9 Ist also das Werkzeug an sich bereits ein komplexes Ding, so ist auch sein Gebrauch nicht minder vielschichtig. Der Arbeit wohnt eine besondere Dialektik inne. Zunächst muss das arbeitende Subjekt sich dem Zwang und dem Eigensinn der Natur unterwerfen. So ist z. B. der zu bearbeitende Boden hart, der Fluss reißend, das Klima widrig. Das Subjekt macht sich in der Unterordnung unter die natürlichen Gegebenheiten selbst zum Ding: es „ist eben dies“ ein „sich zum Gegenstande machen“10. Aber indem es sich der Eigengesetzlichkeit der Natur unterwirft, wächst dem Ich vermittels des Werkzeuggebrauchs die besondere Erfahrung zu, die Gesetze der Natur kennenzulernen. Durch dieses Wissen kehrt es in einer veränderten Weise, nämlich als ein wissend gewordenes, listiges Bewusstsein aus seiner ersten Verdinglichung in sich selbst zurück. Das Subjekt hat mittels des Werkzeugs seine Erfahrungen mit der Dingwelt gemacht. Es kann ferner das Werkzeug für sich arbeiten lassen. Das Instrument fungiert als eine Substitution des körperlichen Kraftaufwands, der reduziert und des physischen Verschleißes, der gleichfalls verringert werden kann: „Ich habe die List zwischen mich und die äußere Dingheit hineingestellt, – mich zu schonen und meine Bestimmtheit damit zu bedecken und es [das Werkzeug, F.K.] sich abnutzen zu lassen“.11 Das Werkzeug nutzt sich an meiner Stelle ab, dennoch bekomme ich noch „Schwülen“12, d.h. die eigene Verdinglichung im Arbeitsprozess ist nicht vollends aufgehoben. Die List, die in der Arbeit beschlossen liegt, ist erst mit einem weiteren Schritt vollendet: dann nämlich, wenn das Werkzeug zur Maschine geworden und selbsttätig ist, wie z. B. die Uhrfeder, die Hegel an dieser Stelle nennt, ebenso wie das Wasserrad oder das Windrad.13 Wenn Hegel am Rand bemerkt: „die breite Seite der Gewalt wird von der Spitze der List angegriffen“14, so drängt sich unweigerlich das Bild auf, wie mittels der Flügel des Windrads dem an sich blinden Wind die Energieerzeugung abgelistet wird. Wenn die eigene Tätigkeit der Natur „angewendet wird, um in ihrem

9 J I, S. 211. 10 J III, S. 189. 11 Ibid. 12 J III, S. 190. 13 Vgl. hierzu auch Hans-Christoph Schmidt am Busch, Hegels Begriff der Arbeit, Berlin, Akademie Verlag, 2001, S. 47-58. 14 J III, S. 190. BEMERKUNGEN ZU EINER STELLE AUS HEGELS JENAER SYSTEMENTWÜRFEN 169 sinnlichen Dasein etwas ganz anders zu tun, als sie tun wollte – ihr blindes Tun zu einem zweckmäßigen gemacht wird; – zum Gegenteile ihrer selbst –“15, dann regiert die List zur Gänze. Der Wille, der zunächst geradeaus gerichteter Trieb war, tritt nun als List „ganz aus der Arbeit zurück; er lässt die Natur sich abreiben, sieht ruhig zu, und regiert nur mit leichter Mühe das Ganze“16. Zwei Momente also sind es, die die List kennzeichnen: das Moment der Verkehrung des Richtungssinnes und das Moment der passiven Steuerung. Das praktische Bewusstsein ist also listig darin, dass es in der Arbeit sein Wissen, das es von der Natur erlangt hat, gegen die Natur selbst richtet, um sie für sich arbeiten zu lassen und dabei wesentlich zusehende, steuernde Tätigkeit ist. Die List ist „von Grund aus Meister, dass das Andere sich in seinem Tun selbst verkehrt“.17 Der Wille hat sich schließlich im Prozess der Arbeit, im Werkzeug- und Maschinengebrauch entzweit oder anders gesagt, verdoppelt. Der gerade gerichtete, „hinausgehende Trieb“ – von Hegel nun indirekt als männlicher Charakter apostrophiert – „ist als List theoretisches Zusehen“ und damit weiblicher Charakter geworden, kurz: „Durch die List ist der Willen zum Weiblichen geworden.“18 Die blinde Macht der Natur und der Dinge als Bestimmtheit zu fassen, direkt gegen sie tätig sein, dieser Aspekt des Tätigseins fällt auf die Seite des Mannes – sie aber ‚an einer Seite anfassen’, so, dass die Natur sich gegen sich selbst richtet, und sie als Bewegung eben in sich zurückgehen zu lassen, sie aufzuheben, das ist Sache des Weibes. Auch die Dynamik der Begierde zwischen den Geschlechtern selbst wird von dieser Form des Gegensatzes bestimmt. So hat „der Mann [...] Begierde, Trieb“, wohingegen dem weiblichen Trieb zukommt, „vielmehr nur Gegenstand des Triebes zu sein; zu reizen, Trieb zu erwecken, und ihn sich an ihm befriedigen zu lassen.“19 Dem Übergang von der List im Maschinengebrauch zum Geschlechtsverhältnis liegt demnach folgende Überlegung zugrunde: Geradeso wie ich die Tätigkeit der Maschine nicht mehr als meine erfahre, obwohl ich sie steuere, ohne mich dabei wie in der Ausübung der einfachen Arbeit verdinglichen zu müssen, so ‚steuert’ in analoger Weise die Frau das sexuelle Verhältnis, indem sie nicht direkte Begierde entfaltet, sondern Begierde nach der Begierde des Mannes hat. Hegel versteht im Weiteren die Geschlechtsbeziehung als die Beziehung dieser polar bestimmten

15 Ibid. 16 Ibid. 17 Ibid., S. 191. 18 Ibid., S. 190. 19 Ibid., S. 191. Dass für Hegel die sittlichen Geschlechtscharaktere bereits in der organischen Natur präformiert sind, zeigt folgende Stelle: „Wie im Manne der Uterus zur bloßen Drüse herabsinkt, so dagegen der männliche Testikel im Eierstocke eingeschlossen, tritt nicht heraus in den Gegensatz, wird nicht für sich, zum tätigen Gehirne, und der Kitzler ist im Weibe das untätige Gefühl überhaupt; das hingegen im Manne das tätige Gefühl, das aufschwellende Herz, [...] – Der Mann ist also das Tätige – dadurch daß diesen Unterschied seine Tätigkeit hat; das Weib aber ist das Empfangende, weil sie in ihrer unentwickelten Einheit bleibt.“ (J I, S. 161) Hegel folgt auch in der Zeugungstheorie dem traditionellem aristotelisch-galenschen Modell von passiver Materie und aktivem Geist: „Die Zeugung muß man nicht auf den Eierstock und den männlichen Samen reduzieren, als sei das neue Gebilde nur eine Zusammensetzung aus den Formen oder Teilen beider Seiten, sondern im Weiblichen ist wohl das materielle Element, im Manne aber die Subjektivität enthalten.“ Hegel, Werke in 20 Bänden, Bd. 9: Enzyklopädie der philosophischen Wissenschaften, S. 519. 170 FRIEDERIKE KUSTER

Charaktere: der Mann hat einfache Objektbegierde – die Frau hat Metabegierde – Begierde nach der Begierde.20

Exkurs zu Rousseau

Auch wenn es etwas gewagt erscheint, zwischen zwei völlig unterschiedlichen philosophischen Ansätzen einfachhin Parallelen zu ziehen, so drängt sich ein Vergleich aus geschlechtertheoretischer Perspektive indes so nachdrücklich auf, dass an dieser Stelle ein kurzer Blick auf Rousseaus Geschlechterkonzeption gestattet sei. Bei Rousseau weist nämlich die weibliche Scham eine mit der Hegelschen List fast identische Struktur auf. Die Scham ist der zentrale Angelpunkt für die sexuelle Dynamik und die Organisation des Geschlechterverhältnisses. Dabei sind Hemmung, Verkehrung ins Gegenteil, Steuerung und Kontrolle abermals die wesentliche Bestimmung des Weiblichen, näherhin des Weiblichen in sexualibus. Rousseau ist weniger spekulativer Philosoph als Anthropologe, es geht ihm nicht um eine Deduktion der Geschlechtscharaktere aus dem gedoppelten Charakter des praktischen Geistes als vielmehr um eine Konzeption der Geschlechtsidentitäten, die in der Dynamik des Sexualtriebes verankert ist. Aber auch bei Rousseau entstehen die Geschlechtscharaktere aus einem komplexen Ineinander von Trieb und Hemmung, auch hier geht es um eine Kultivierung der Stillung der Begierde, die menschlich wird durch die Hemmung. Trotzdem ist der Unterscheid klar: Hegel gewinnt die geschlechtliche Differenzierung im Geistigen aus dem Erfahrungsprozess, den das Bewusstseins in der Arbeit durchläuft, Rousseau hingegen zeigt, wie die „moralischen“ Geschlechtsidentitäten sich aus ihren „physischen“ Voraussetzungen herausentwickeln, er verfolgt „wie uns das Physische unmerklich zum Moralischen führt“21. Die Überlegungen sind dabei folgende: Animalisches Paarungsverhalten folgt instinktverankerten Mustern; diese steuern die periodische Aktualisierung des Fortpflanzungstriebes und begrenzen ihn auf ein am Erhalt der Gattung orientiertes Maß. Die menschliche Sexualität hingegen muss wegen der ihr inhärenten Maßlosigkeit anderen Formen von Regulierung unterworfen werden. Der Scham fällt die Rolle zu, das auf Permanenz gestellte Erregungspotential des Menschen in eins zu aktualisieren und zu begrenzen, d.h. zu steuern und zu kontrollieren. Dabei bildet die weibliche Scham das initiierende Moment in der sexuellen Dynamik, insofern sie das männliche Verlangen „entflammt [...], indem sie es hemmt“22. Die Frau hat allerdings mittels der Scham zunächst ihre eigenen spontanen Triebregungen gehemmt und in der Folge mit ihrem widerstrebenden Verhalten das männliche Begehren allererst evoziert. Hier findet man also die gleichen Charaktere, wie sie die als weiblich konnotierte List bei Hegel aufweist: das rekursive Moment des In- Sich-Zurückgehens und das der Steuerung.

20 Vgl. Andreas Wildt, Autonomie und Anerkennung, Stuttgart, Verlag Klett-Cotta, 1998, S. 354f. 21 Jean-Jacques Rousseau, Emil oder Über die Erziehung, Paderborn/ München/ Wien/ Zürich, Schöningh, 1993, S. 389. 22 Jean-Jacques Rousseau, Brief an d’Alembert über das Schauspiel, in ders., Schriften, Bd. 1, Frankfurt a. M., Fischer Taschenbuch Verlag, S. 419. BEMERKUNGEN ZU EINER STELLE AUS HEGELS JENAER SYSTEMENTWÜRFEN 171

Nun ist aber der Charakter des Weiblichen an sich nicht spekulativ aus dem praktischen Geistesvermögen deduziert worden, sondern Männer und Frauen sind bei Rousseau schlicht vorausgesetzt. Vor dem Hintergrund bleibt bei Rousseau die Frage zu beantworten, warum die Figur der aktiven Passivität oder der passiven Aktivität an die Frau gebunden ist, warum die Scham als die Form der sexuellen List überhaupt auf die Seite der Frau fällt? Der Grund liegt im Physischen, nämlich in der asymmetrischen Verteilung der sexuellen Potenz zwischen Mann und Frau. Das männliche Geschlechtsvermögen ist fragil, insofern als Wollen und Können, Begehren und Potenz, nicht immer und nicht notwendig übereinstimmen. Dagegen ist die weibliche Begierde unbegrenzt. Weil die Frau den sexuellen Akt immer vollziehen kann, werden ihr – ein Topos des 18. Jahrhunderts – „unbegrenzte Begierden“23 unterstellt. Räumte man nun beiden Geschlechtern gleichermaßen die Möglichkeit zur unverstellten sexuellen Initiative ein, würden aufgrund der ungleichgewichtigen Voraussetzungen „Können und Wollen nie übereinstimmen und die Begierden nie einander entsprechen“24. Die Scham als die natürliche Tugend der Frau reguliert somit die „unbegrenzte[n] Begierden“25 der Frau und provoziert mit ihrem Widerstand allererst das Begehren des Mannes. Die Verantwortung für eine gleichermaßen natürliche wie kultivierte Gestaltung der menschlichen Geschlechtlichkeit liegt demnach bei der Frau: Ihr obliegt die Initiative in einer passiven Form, d.h. sie ist dazu bestimmt, dem Mann zu gefallen, ihn zu erregen, und sie hat die Aufgabe, die geschlechtlichen Triebpotentiale beider Geschlechter zu begrenzen und zu steuern. Ein Unterschied in der Konzeption des Triebgeschehens lässt sich freilich bei den beiden Autoren feststellen: während bei Rousseau die Frau auch noch ihre eigene „unbegrenzte“ Begierde steuern muss, so hat sie bei Hegel nur noch Metabegierde, also den Trieb in der Form, dass er darauf zielt „nur Gegenstand des Triebes“ zu sein. Nach diesem Ausblick zurück zu Hegel. Erinnern wir uns: Die Entzweiung des Willens in zwei Charaktere ist Grundlage der Geschlechtsdifferenz, die sich folgendermaßen ausbuchstabieren lässt: das Männliche behauptet sich als die Macht der Entgegensetzung, als das geradeaus Gehende, Hinaustreibende und Getriebene, das andere regiert als das Weibliche: als das in sich Seiende, Unterirdische, das so gegen das Seiende tätig ist, dass es dessen Selbsterhaltung das Negative unterschiebt. Ein Resümee des Übergangs vom Werkzeuggebrauch liest sich schließlich im Jenaer Systementwurf I von 1803/04 wie folgt: [...] indem es [das Bewusstsein F.K] in der Arbeit zur Mitte des Werkzeugs wird, indem es [...] hier seine reale Herrschaft gegen die Natur sich erwiesen und damit sich als für sich der Natur entnommener Geist konstituiert und sich für sich gestaltet, den Gegensatz nach außen aufgehoben hat; so zerfällt es in sich selbst und realisiert [sich] in gegeneinander differierenden Momenten, deren jeder selbst ein Bewusstsein ist, in der Geschlechtsdifferenz, in welcher es ebenso die einzelne Begierde der Natur aufhebt und zur bleibenden Neigung macht.26

23 Rousseau, Emil oder Über die Erziehung, S. 387. 24 Rousseau, Brief an d’Alembert über das Schauspiel, S. 419. 25 Rousseau, Emil oder Über die Erziehung, S. 387. 26 J I, S. 196. 172 FRIEDERIKE KUSTER

Systematisch stiftet die Entzweiung des Willens in die geschlechtlichen Charaktere den Übergang von der Arbeit zur Familie, in der Diktion von Habermas: vom instrumentellen Handeln zur Interaktion. Die These Hegels ist, dass, insofern in der Geschlechtsdifferenz die natürliche Begierde zur bleibenden Neigung aufgehoben ist, der Trieb sich auf der Grundlage des Charakters in Liebe verwandelt hat.27 An die Stelle des Verhältnisses von Begierde und „totem Ding“ tritt nun ein Verhältnis eines individuellen Bewusstseins zu einem anderen, wobei jedes Bewusstsein sich im anderen selbst anschaut. Hegel umreißt in diesen Abschnitten zum Geschlechterverhältnis und zur Familie Vorformen des Konzepts der Anerkennung als dem Grundprinzip von Sittlichkeit überhaupt. Im Bereich der natürlichen Sittlichkeit der Familie findet jedoch noch keine Anerkennung, sondern nur ein Erkennen statt. Anerkennung ist demgegenüber eine Form von intersubjektivem Verhältnis, wie sie nur außerhalb familialer Verhältnisse besteht.28 Dieser geschlechtertheoretisch bedeutsame Unterschied von Erkennen und Anerkennen kann hier nur angedeutet werden. Erkennen als Grundbegriff des Geschlechterverhältnisses nimmt nach Hegel die sexuelle Konnotation biblischer Herkunft mit auf, sodass mit Erkennen neben der Selbstwahrnehmung im Anderen auch der Vollzug des Geschlechtsverkehrs mitbezeichnet ist. Im geschlechtlichen Erkennen wird der natürliche Trieb versittlicht: „Dies Erkennen ist die Liebe.“29 Gleichwohl ist das Erkennen von Mann und Frau nur „Element der Sittlichkeit, noch nicht sie selbst, es ist nur die Ahndung derselben.“30 Das wechselseitige Erkennen der Geschlechter ist gerade noch nicht die wechselseitige Anerkennung zweier ausdifferenzierter Selbstheiten, sondern das Erkennen von zwei Extremen, die sich entgegengesetzt sind, insofern das eine innerlich das ist, was das andere äußerlich ist: „[...] jedes ist darin dem Anderen gleich, worin es sich ihm entgegengesetzt hat.“31 Im Gegensatz dazu bedeutet Anerkennen indes ein Erkennen des anderen Bewusstseins nicht mehr nur als „Charakter“, von dem man sich unterscheidet und mit dem man sich doch zugleich in der Liebe eins weiß, sondern als eine Verkörperung derselben Totalität, die man selbst ist.32

Das Böse

Kehren wir nach diesem Ausblick auf den systematischen Fortgang des Textes noch einmal ins Zentrum der Analyse des Werkzeuggebrauchs zurück. Durch die Dialektik der Arbeit und im Medium von Werkzeug und Maschine ist der

27 Vgl. Schnädelbach, Hegels praktische Philosophie, S. 131. 28 Vgl. ibid., S. 151. 29 J III, S. 192. 30 Ibid. 31 Ibid.: „Dies Erkennen ist nur Erkennen der Charaktere; oder beide haben sich gegeneinander noch nicht als Selbst bestimmt, nur das Eine ist das Wissen, in sich, und das Andere Wissen als Tätigkeit nach außen“. 32 Vgl. J III, S. 193f. BEMERKUNGEN ZU EINER STELLE AUS HEGELS JENAER SYSTEMENTWÜRFEN 173

Willen, wie gezeigt, „ein gedoppelter entzweiter“33 geworden. Er hat sich in „zwei Extreme entzweit“34 und dabei zwei Charaktere ausgebildet. Der eine Charakter ist zielgerichtet, intentional auf die Sache gerichtet, ‚geradeaus gehend’, aber gewissermaßen auch blind. Der andere Charakter ist in sich verbleibend, wissend und zusehend, untergründig. Diesen inneren, distanziert-wissenden, weiblichen Charakter, der gegen das Seiende so tätig ist, dass es ‚seiner Selbsterhaltung das Negative unterschiebt’, bezeichnet Hegel nun auch als das Böse. Der Begriff des Bösen taucht unvermittelt auf und wird in Zusammenhang des Vorlesungsfragments nicht weiter erläutert. Allerdings widmet Hegel dem Phänomen des „Bösen“ in den Vorlesungen über die Philosophie der Religion längere Passagen. Aus diesen erschließt sich, dass „böse“ in einem fundamentalen und gewissermaßen moralisch neutralen Sinn zu verstehen ist. Der Mensch muss „böse“ werden, er muss die Natur verlassen, um das zu werden, was er seiner Natur nach ist: freier Geist. Der Mensch ist notwendigerweise böse, da er als freier Geist die Möglichkeit hat gut oder böse zu handeln. Dieses Böse-Sein ist gleichsam die Bedingung der Möglichkeit der Erkenntnis von Gut und Böse und zu gutem und bösem Handeln. Damit hat man, wie sich unschwer erkennen lässt, im Kern eine spekulative Deutung des Sündenfalls. Nach Hegel markiert der Sündenfall die Entzweiung des Geistes gegenüber der Natur. Der Geist ist nur wozu er sich macht; er muss, um sich selbst zu realisieren, in die Entgegensetzung gehen. Der Mensch ist Geist im Wissen und Wollen dessen was das Rechte ist und eben dieses Wissen und Wollen setzt die Differenz des Bewusstseins von sich selbst voraus.35 Das Böse hat wie das Gute im Willen seinen Ursprung.36 Der natürliche Wille ist an sich der Widerspruch, sich von sich selbst zu unterscheiden. Das in sich Entzweite, das Gedoppelte des Willens ist allererst die Voraussetzung für Gut und Böse. Die Freiheit zur Verantwortlichkeit liegt in der Umkehrung des Geistes in sich selbst, die dem Geist wesentlich ist, begründet. Wie lassen sich die religionsphilosophischen Überlegungen nun näher an den oben entfalteten Gedanken des listigen Bewusstseins anschließen? Hegel zufolge wird in der Genesis in Form einer Geschichte erzählt, also in ein zeitliches Nacheinander gebracht, was sich philosophisch als systematischer Zusammenhang darstellt.37 Die

33 J III, S. 191. 34 Ibid. 35 „So weiß er erst von Gott und dem Guten; wenn er davon weiß, hat er es zum Gegenstand seines Bewußtseins; hat er es zum Gegenstand seines Bewußtseins, so unterscheidet sich das Individuum davon.“ Hegel, Werke in 20 Bänden, Bd. 16: Vorlesungen über die Philosophie der Religion I, S. 265. 36 „Der natürliche Wille ist an sich der Widerspruch, sich von sich selbst zu unterscheiden, für sich und innerlich zu sein. Wenn man sagt, das Böse enthält die nähere Bestimmung, dass der Mensch böse ist, insofern er natürlicher Wille ist, so würde dies der gewöhnlichen Vorstellung entgegengesetzt sein, welche sich gerade den natürlichen Willen als den unschuldigen und guten denkt.“ Hegel, Werke in 20 Bänden, Bd. 7: Grundlinien der Philosophie des Rechts, S. 264. 37 „Hierüber ist uns eine alte Vorstellung, der Sündenfall, in der Bibel aufbewahrt. Diese bekannte Darstellung, wie das Böse in die Welt gekommen, ist in die Form eines Mythos, einer Parabel gleichsam eingekleidet. Wenn nun das Spekulative, das Wahrhafte so in sinnlicher Gestaltung, in der Weise von Geschehensein dargestellt wird, so kann es nicht fehlen, dass unpassende Züge darin vorkommen.“ Hegel, Werke in 20 Bänden, Bd. 17: Vorlesungen über die Philosophie der Religion II, S. 75. 174 FRIEDERIKE KUSTER biblische Erzählung nimmt ihren Ausgang im Paradies, welches die Unentzweitheit von Mensch und Natur abbildet, in der Folge ereignet sich der Sündenfall als eine Art „Unfall“. Nach dem Sturz aus der paradiesischen Unschuld haben Adam und Eva ein Wissen um Gut und Böse, sie erkennen sich allererst als Mann und als Frau, und es ist ihr Menschenschicksal geworden, dass sie ihr Dasein durch ihrer Hände Arbeit fristen müssen. Für die spekulative Philosophie ist freilich der Verlust der ersten unschuldigen Ungeschiedenheit kein „äußerlicher“ Unfall, sondern die Entzweiung macht gerade die Notwendigkeit des Geistes aus: „Dass das Paradies verloren ist, zeigt uns, dass es nicht absolut als Zustand wesentlich ist.“38 Dementsprechend ist auch die Arbeit nicht die Folge, sondern eben die Realisation des Austritts aus der natürlichen Ungeschiedenheit. In der Arbeit hebt der Mensch das, „was ihm natürlicherweise notwendig ist, zu einer Sache seiner Freiheit empor.“39 Im Medium der Arbeit und des Werkzeuggebrauchs erzeugt der Wille sich in einer zwiefältigen Gestalt, er bildet einen männlichen und weiblichen Charakter aus: die Geschlechtsdifferenz tritt hervor. Und bei all dem ist schließlich der Grund der Freiheit, das „Böse“, das innerlich zu sich zurückkehrende, das „umkehrende“ Moment des Willens auf die Seite des Weiblichen gefallen. Es zeigt sich mithin, dass in die kleine Passage zur List und dem Weiblichen aus dem Systemfragment von 1805/06 in gewisser Weise das große Bild vom Sündenfall eingeschrieben ist.

Die ewige Ironie des Gemeinwesens

An dem systematischen Zusammenhang von Trieb und Befriedigung, Arbeit und Werkzeug mit der Differenzierung des Willens in einen männlichen und weiblichen Charakter und dem sich anschließenden Übergang zu Geschlechtsliebe, Ehe und Familie hat Hegel über die frühen Vorlesungsfragmente hinaus nicht festgehalten. Allerdings findet man Teile dieser vorangegangenen Reflexionen in der Phänomenologie des Geistes in einen veränderten systematischen Aufriss eingeordnet. So wird die emanzipatorische Potenz der Arbeit im wohl berühmtesten Abschnitt des Werks, im Herr-Knecht-Kapitel entfaltet, ohne dass dort allerdings die List und die Geschlechtscharaktere ins Spiel kommen. Der Themenkomplex Geschlechtscharakter, Verhältnis der Geschlechter und Familie wird hingegen an einer späteren Stelle der Phänomenologie ausführlich dargestellt, und zwar dort, wo Hegel die erste Form der Sittlichkeit, den Geist als die unmittelbare Einheit von Selbstbewusstsein und Gemeinbewusstsein, von Individuum und Gemeinschaft behandelt und in der realen historischen Gestalt der griechischen Polissittlichkeit aufsucht. Das „schöne sittliche Leben“ der Griechen besteht im Verhältnis zweier Arten von Gesetz und ihrer Herrschaftsbereiche. Die Sittlichkeit teilt sich in zwei Formen: auf der einen Seite das positive menschliche Gesetz und auf der anderen

38 Hegel, Werke in 20 Bänden, Bd. 16: Vorlesungen über die Philosophie der Religion I, S. 267. 39 Hegel, Werke in 20 Bänden, Bd. 17: Vorlesungen über die Philosophie der Religion II, S. 77. BEMERKUNGEN ZU EINER STELLE AUS HEGELS JENAER SYSTEMENTWÜRFEN 175 das ungeschriebene – Hegel sagt auch: unterirdische – Gesetz der Götter. Für die Bewahrung des einen steht der Staat, für die des anderen die Familie. Der griechische Geist ist wesentlich eine Stufe des Übergangs, er ist das „Herüberwenden des Natürlichen zum Geistigen“40. In der Phänomenologie des Geistes arbeitet Hegel besonders deutlich heraus, dass das Heraustreten des Geistes aus der Natur und die Etablierung von Rechtsverhältnissen in der griechische Antike notwendig mit einem Konflikt zwischen den familiären Strukturen einerseits und dem in seiner Entwicklung begriffenen politischen Willen andererseits einhergehen.41 Dieser Konflikt zwischen dem ‚menschlichen’ und dem ‚göttlichen’ Gesetz, zwischen Männern und Frauen, wird nach Hegel vorbildlich in den antiken Tragödien dargestellt, insbesondere in Sophokles’ Antigone. Kreons Anspruch, familiäre Belange den Interessen der Polis unterzuordnen, ist nach Hegel gerechtfertigt, denn er vertritt damit das Prinzip, auf das der Geist sich hin entwickeln muss: er muss sich selbst bewusst bestimmen und beherrschen lernen um der Freiheit willen. Aber es gelingt Kreon nicht, zugleich die Berechtigung der Familienpietät zu erfassen. Denn es ist die Erinnerung, die Bewahrung des toten Mitglieds, welche die Familie zu einem sittlichen Zusammenhang macht und damit über einen rein natürlichen Zusammenhang der wechselseitigen Bedürfnisbefriedigung hinaushebt. In diesem Kontext begegnet man der Verknüpfung von List, Verkehrung und weiblichem Charakter wieder. Freilich in einer vorderhand etwas modifizierten Form, denn Hegel spricht mit Blick auf die Rolle der Frauen im antiken Staat von Intrige und in einer grundsätzlichen Weise von einer „ewigen Ironie des Gemeinwesens“. Was ist nun hier gemeint? Männerwelt und Frauenwelt, Staat und Familie, Polisgesetze und Familienpietät stehen durch ihre jeweilige Einseitigkeit in einem permanenten ungelösten Konflikt miteinander. Der wesentliche Zweck der Familie ist der Einzelne. Insofern nun der Staat das Prinzip des Einzelnen um des Allgemeinen willen unterdrückt und unterdrücken muss, macht im Gegenzug das Niedergehaltene sich geltend in Form der Intrige. Da die Frauen keine öffentlichen, d.h. nicht geradeweg ‚offen heraus’ Ansprüche erheben können, agieren sie untergründig gegen den Staat. Gegen den allgemeinen Staatszweck befördern die Frauen die Feier einzelner Individuen, nämlich ihrer Söhne. Der Staat wiederum bedarf der großen Einzelnen für seine Selbstverteidigung bzw. für den Krieg. Er ist damit abhängig von den großen Söhnen und fällt schließlich dem Heroenkult anheim. Das Prinzip der Einzelheit siegt letztendlich über das staatliche Prinzip des Allgemeinen: “der tapfere Jüngling, an welchem die Weiblichkeit ihre Lust hat, das unterdrückte Prinzip des Verderbens tritt an den Tag und ist das Geltende.“42 Eben diese abermals „innerlich“, „im Verborgenen“ untergründig lancierte Verkehrung ins Gegenteil, im Falle der antiken Sittlichkeit diejenige von Einzelheit und Allgemeinheit, nennt Hegel die „ewige Ironie des Gemeinwesens“. Es ist der

40 Hegel, Werke in 20 Bänden, Bd. 12: Vorlesungen über die Philosophie der Geschichte, S. 301. 41 Vgl. Eva Bockenheimer, Hegels Familien- und Geschlechtertheorie, Felix Meiner Verlag, Hamburg, 2013, S. 48f. 42 Hegel, Werke in 20 Bänden, Bd. 3: Phänomenologie des Geistes, S. 315. 176 FRIEDERIKE KUSTER immanente, unauflösliche Widerspruch in der antiken Polis, der ihren Untergang besiegelt. ‚Ironisch’ ist es, dass das Gemeinwesen, gerade weil es das Prinzip der Einzelheit der Familie unterdrückt und unterdrücken muss, dieses Prinzip selbst mit erzeugt und durch diese Unterdrückung sogar zusätzlich anstachelt.43 In den Jenenser Systementwürfen hatte Hegel diese Bewegung „dass das Andere sich in seinem Tun selbst verkehrt“ als List und als das Weibliche des Willens charakterisiert. Auf dem Feld des objektiven Geistes in der Form der griechischen Sittlichkeit erscheint diese Figur einer inneren „intriganten“ Umkehrung und Verkehrung ins Gegenteil abermals und diesmal realiter an die Frauen als Protagonistinnen geknüpft. Ironischerweise bringt das Gemeinwesen immerwährend – „ewig“ – auch das mit hervor, was sich gerade gegen das Prinzip des Staates richtet und es unterminiert, hier die Apotheose des Einzelnen. Diese innere Gegenläufigkeit besiegelt schließlich den Untergang der griechischen Sittlichkeit.

43 Vgl. Bockenheimer, Hegels Familien- und Geschlechtertheorie, S. 424. Le mensonge féminin comme principe libérateur. D’Irmtraud Morgner à Brigitte Burmeister : passage de témoin Catherine TEISSIER Aix Marseille Université

Selon la définition de l’anthropologue Maurice Godelier, « ce que l’on appelle genre, masculin ou féminin, est l’ensemble des attributs qu’une société attache aux individus selon qu’ils sont homme ou femme à la naissance 1 ». Or, les sociétés assignent également une position différente dans les rapports sociaux, notamment dans les rapports de pouvoir, à l’individu selon qu’il est masculin ou féminin (ce que Françoise Héritier appelle la « valence différentielle des sexes 2 »). Les rapports de pouvoir sont des rapports construits socialement, mais justifiés par la catégorie du sexe. Ce que M. Godelier formule de la manière suivante : « Les rapports sociaux s’enfouissent donc dans le corps sexué des individus qui fonctionne comme une sorte de “machine ventriloque” de l’ordre qui règne dans la société 3. » Si l’on ajoute que les représentations que se fait une société donnée de l’attribution des pouvoirs à tel ou tel individu selon son sexe ne sont pas inconscientes, mais qu’elles font au contraire partie de la conscience sociale, collective et individuelle, et qu’elles sont jusqu’à un certain point partagées par les dominants et les dominés, on comprend que la mise en cause de ces représentations soit une question complexe. Dans le roman de Brigitte Burmeister, Unter dem Namen Norma (Sous le nom de Norma), paru en 1994 et non traduit en français à ce jour 4, la domination liée au genre en croise une autre, celle subie par les vaincus de l’histoire. Marianne, la narratrice autodiégétique, et la plupart des personnages du roman, font en effet partie des perdants de la Réunification allemande, ceux dont le monde, les repères, le passé disparaît tout en perdant toute légitimité, puisque marqué par l’opprobre de la dictature. Unter dem Namen Norma est aussi un roman sur la perte d’identité, comme cela a déjà été montré 5.

1 Maurice Godelier, « Femmes, sexe ou genre ? », in Margaret Maruani (dir.), Femmes, genre et sociétés. L’état des savoirs, Paris, La Découverte, 2005, p. 15. 2 Françoise Heritier, Masculin-Féminin, la pensée de la différence, Paris, Odile Jacob, 1996. 3 Godelier, « Femmes, sexe ou genre ? », p. 18-19. 4 Brigitte Burmeister, Unter dem Namen Norma, Stuttgart, Klett-Cotta, 1996. Cité dans la suite du texte sous Norma. Toutes les traductions ont été réalisées par nos soins. 5 Henk Harbers, « Die leere Mitte : Identität, Offenheit und selbstreflexives Erzählen » in Brigitte Burmeister, Unter dem Namen Norma, Weimarer Beiträge, 50 (2), 2004, p. 227-241. 178 CATHERINE TEISSIER

Mais Marianne va résister à cette perte. Doublement réduite au silence, en tant que femme et en tant que membre d’une société qu’on efface, elle va reconquérir sa parole par un mensonge spectaculaire, puisqu’il prend la forme d’une révélation attendue. Il s’agira ici d’étudier la genèse, les mécanismes et les acteurs d’un mensonge féminin qui est aussi la réponse plus large du dominé est-allemand au dominant de l’ouest et à son modèle de vérité. Auparavant, on aura rappelé que le jeu avec le mensonge et la vérité est une manière de délégitimer le discours de pouvoir, y compris symbolique, et que cette entreprise a été menée dès les années soixante par une écrivaine aujourd’hui un peu oubliée, Irmtraud Morgner. Dans cet article, nous tenterons de replacer le roman de B. Burmeister dans la postérité de cette autre auteure est-allemande, qui a élevé le mensonge féminin au rang de principe émancipateur.

Le mensonge libérateur (I. Morgner)

L’œuvre foisonnante d’I. Morgner (1933-1990) fait une grande place au mensonge en tant que principe libérateur des groupes historiquement opprimés, comme le prolétariat ou les femmes. Dès les premiers romans, le mensonge apparaît aux protagonistes féminins comme le moyen d’échapper à une réalité insupportable, mais aussi comme la première étape pour inventer une autre réalité. Dans et à partir de Notturno (Nocturne) – récit de 1962 dont une seconde version paraîtra dans le roman censuré Rumba auf einen Herbst (Rumba sur un automne), 1965 6 –, il y a deux sortes de mensonges, le mensonge bassement utile d’abord, celui qui sert à supporter la vie. Ce sont les mensonges que Karla, le personnage principal, se fait à elle-même, en usant et abusant des comparaisons, pour supporter sa condition d’épouse et de mère au foyer frustrée. Mais il y a aussi le ‘grand’ mensonge, le mensonge créatif, inventif, le mensonge qui ouvre les portes d’un autre monde, un monde fabuleux qui constitue la réserve de l’utopie. Le premier mensonge est un pis-aller, le second, une nécessité. L’un des personnages reproche à Karla le mauvais mensonge : « Vous utilisez votre imagination laissée à l’abandon pour tourner le monde à votre façon avec vos mensonges 7. » Kai, le personnage masculin de Notturno, va plus loin : Mich kotzt das an. […] Solche schlechten Lügen kotzen mich an. […] Du hast früher wunderbar lügen können, zauberhaft, produktiv. Hast du gar keine Phantasie mehr? Musst du sie so pervertieren, dass man glatt auf den Gedanken kommt, du hast keinen Funken mehr davon? 8 Le mensonge libérateur, qui permet de révéler le caractère aliénant de la réalité vécue mais aussi de prendre sa revanche sur cette réalité, est au cœur du

6 Irmtraud Morgner, Rumba auf einen Herbst, éd. par Rudolf Bussmann, avec une concordance de Doris Jahnsen, Hamburg/ Zürich, Luchterhand Literaturverlag, 1992. Cité par la suite sous : Rumba. Toutes les traductions ont été réalisées par nos soins. 7 « Sie wenden Ihre brachliegende Phantasie auf, um sich die Welt zurechtzulügen. » Rumba, p. 145. 8 Ibid., p. 211. LE MENSONGE FÉMININ COMME PRINCIPE LIBÉRATEUR 179 roman suivant et est affiché dès le titre comme son principe d’organisation : Die wundersamen Reisen Gustavs des Weltfahrers. Lügenhafter Roman mit Kommentaren (Les étonnants voyages de Gustave l’explorateur – Roman mensonger avec commentaires, 1972) 9. Le roman est dit « mensonger » parce que reposant sur un jeu ambigu avec les instances narratives : le jeu avec la forme commence dès la couverture du livre et se poursuit par un jeu d’emboîtements successifs, tels ceux dont s’amusait E.T.A. Hoffmann 10. Ces histoires mensongères racontées par Gustave l’explorateur forment la première « boîte » : les récits encadrés. Gustave l’explorateur les raconte à Gustave l’éboueur : ce niveau forme le récit-cadre. Mais l’ensemble du dispositif est annoncé par une préface, écrite par la petite-fille de Gustave l’explorateur, Bele H., qui se présente elle-même comme auteure du livre. Celle-ci commente en outre les récits de son grand-père dans des notes de bas de page, ce qui accentue encore la mise en abyme du récit. Enfin, le livre et sa préface sont édités par un autre personnage, Dr. Phil. Beate Heidenreich, liée à plus d’un titre à Bele H., ce qu’elle expose dans une postface : elle se dit son amie, a le même âge, a vécu dans la même maison dans leur enfance, a fréquenté la même école et a les mêmes initiales. Préface et postface donnent donc un second cadre aux récits de Gustave. Ce redoublement des instances narratives, et grâce à lui, la mise à distance et la remise en question du narrateur des récits encadrés, Gustave l’explorateur (le menteur), ce dispositif, donc, a un effet essentiel, celui de libérer la parole de Gustave l’éboueur – ainsi que la parole féminine. Die wundersamen Reisen Gustavs paraît aux éditions Aufbau-Verlag en 1972, et a sans doute bénéficié de la relative liberté d’expression accordée aux artistes après le discours d’Honecker lors de la 4e session du Comité Central de 1971. Pourtant, le roman doit malgré tout subir une modification : l’ajout d’une « Postface de l’éditrice ». Il est donc clair que ces réfractions des instances et des voix ont pour but de faire passer le message subversif contenu dans les récits eux-mêmes. Toutefois, l’objectif principal de l’auteure est de donner la parole à ceux qui sont encore réduits au silence, les prolétaires puis les femmes. Et pour cela, le passage par le « mensonge » semble indispensable. C’est particulièrement le cas dans les récits autour du personnage de la grand- mère. La dimension tragique de son destin est double, d’abord parce qu’elle est aliénée en tant que prolétaire et en tant que femme, mais aussi parce que ce destin est oublié, qu’il ne s’inscrit dans aucune mémoire, ni familiale, ni individuelle. C’est par la puissance de l’imagination que Bele va tenter de déjouer l’oubli, par ce qu’elle appelle les « fleurs de mensonge » : Beispielsweise auf Familienfeiern gesanglich gefassten Wunschäußerungen des Inhalts, noch mal jung sein zu wollen, pflegte meine Großmutter Klara zu erwidern : « Um Gottes willen, das möcht ich nicht noch mal durchmachen. » Nur diese Erwiderung und Haar,

9 Irmtraud Morgner, Die wundersamen Reisen Gustavs des Weltfahrers. Lügenhafter Roman mit Kommentaren, Frankfurt a. M., Luchterhand Literaturverlag, 1989 [1re éd. Aufbau‑Verlag Berlin/ Weimar, 1972]. Cité par la suite sous: Die wundersamen Reisen Gustavs. Toutes les traductions ont été réalisées par nos soins. 10 E.T.A. Hoffmann, Les Frères de Saint-Sérapion III, éd. par A. Beguin et M. Laval, Paris, Phébus, 1982. 180 CATHERINE TEISSIER

das auf dem kleinen Kopf lastete wie eine Schneemütze, hat mein Gedächtnis von ihr behalten. Es hat sie expropriiert wie die Familie. Ich kann ihr das Eigentum nicht direkt zurückerstatten. Die Geschichte verzeichnet Sieger, Klara, eine Besiegte, hat vierzehn Kinder geboren, auch den Weltfahrer. Ihrem ausgemergelten Leib entwuchsen und entwachsen noch und endlos lügenhafte Blumen. Ich erwarte die Zeit, da sie nimmt, was ihr gehört. 11 Dans ces phrases un peu énigmatiques s’exprime nettement la dette que la narratrice ressent envers la grand-mère, et la nature de cette dette, d’ordre physique, poétique, et symbolique. Il n’y a pas de parole, ni de créativité possible, sans l’existence sacrifiée de Klara, mère et grand-mère. La dette ne peut être payée « directement », elle le sera donc indirectement : par la reconnaissance que c’est du corps imaginaire de Klara, que Bele s’approprie, que naissent les « fleurs de mensonge », c’est-à-dire les récits que Bele attribue à Gustave. La libération d’une parole féminine passe par le mensonge, car les femmes comme les prolétaires, naguère (la RDA des années soixante-dix) comme jadis, ne disposent pas de la position dans l’ordre symbolique qui leur autoriserait une parole directe. Il s’agit donc de ruser, de simuler, afin, comme l’analyse Vladimir Jankélévitch, de « nous induire en vérité par la voie indirecte de la simulation 12 ». En effet, chez I. Morgner, le mensonge est bien une stratégie, utilisée par le personnage pour résister aux différentes formes de domination, mais aussi pour révéler cette dernière : dans son ouvrage le plus célèbre, Leben und Abenteuer der Trobadora Beatriz nach Zeugnissen ihrer Spielfrau Laura (Vie et aventures de la Trobairitz Béatrice d’après les témoignages de sa ménestrelle Laura, 1974) 13, I. Morgner retrace les aventures de la Trobairitz Béatrice, plongée dans un sommeil magique en plein Moyen Age pour échapper à son destin, et réveillée par erreur en 1968. Béatrice, par bien des aspects une véritable picara, va traverser la France de l’époque, où l’égalité des sexes n’existe toujours pas, subir toutes les violences faites aux femmes (viol, exploitation sexuelle, injustices de tous ordres) au long de ses mésaventures, pour arriver enfin à la « Terre Promise des femmes », la RDA, où, bien sûr, elle connaîtra là aussi un certain nombre de déceptions. Pour résister à l’adversité, Béatrice érige le mensonge en principe de son existence. Elle ne renonce jamais à elle-même, mais en bonne picara, résiste par la ruse, le mensonge, la fuite. La force du picaro n’est pas en effet de contrer violemment la pression exercée par autrui, mais de remporter d’imperceptibles victoires dans les interstices de la vie quotidienne. Ne s’avouant jamais battue, Béatrice sait exploiter les possibilités de résistance des faibles, utiliser la dissimulation comme stratégie de survie, s’arranger avec une réalité insupportable : son premier mari par exemple, qui l’exploite sexuellement et matériellement, est cocufié à l’envi. La menteuse prend sa

11 Die wundersamen Reisen Gustavs, p. 87. 12 Vladimir Jankélévitch, Traité des Vertus II, t. 1, « Les vertus et l’amour », Paris, Flammarion, 1986, p. 182. V. Jankélévitch analyse ici la litote, « qui n’est pas menteuse », c’est-à-dire qu’elle n’utilise pas l’intention trompeuse, mais est un outil pour parvenir à la vérité. 13 Irmtraud Morgner, Leben und Abenteuer der Trobadora Beatriz nach Zeugnissen ihrer Spielfrau Laura. Roman in dreizehn Büchern und sieben Intermezzos, Frankfurt a. M., Luchterhand Literaturverlag, 1989 [1re éd. Aufbau‑Verlag Berlin/ Weimar, 1974]. Cité par la suite sous: Leben und Abenteuer der Trobadora Beatriz. Toutes les traductions ont été réalisées par nos soins. LE MENSONGE FÉMININ COMME PRINCIPE LIBÉRATEUR 181 revanche, puisque elle sait la vérité, alors que sa dupe l’ignore. C’est ce qui fait la supériorité du trompeur sur la dupe 14. Tout au long de ses voyages dans les pays de l’Ouest, avant, mais aussi après sa découverte de sa « Terre promise », et de sa rencontre avec Laura, l’amie et ménestrelle, Béatrice n’hésite jamais à tromper, à mentir, à se faire passer pour ce qu’elle n’est pas, s’appropriant les écrits de Laura, promettant des livres qu’elle n’écrit pas pour obtenir de l’argent, etc. Quant à Laura, elle interprétera les récits les plus incroyables faits par Béatrice comme la preuve que son imagination se libère peu à peu, lui permettant de remplir sa mission, celle d’une « prophète au féminin ». C’est en particulier le cas pour l’un des principaux récits encadrés du roman, la « Bonne nouvelle selon Valeska », récit d’un changement de sexe, présenté comme la solution pour mettre fin à la domination masculine et à l’oppression des femmes. Cette métamorphose n’est tout d’abord pas prise au sérieux par Laura 15, qui qualifie le récit de « mensonge ». Mais Laura changera d’avis plus tard dans le roman, lisant cette « Bonne nouvelle » après la mort de la Trobairitz comme une « révélation 16 ». Cette interprétation est certes relativisée par un certain nombre de marqueurs de l’ironie, en premier lieu l’exagération que représente l’écart extrême entre les deux interprétations, « mensonge » et « révélation ». Reste cependant l’utilisation brillante que fait I. Morgner de différents modes d’expression indirecte (« mensonge », « légende », ironie) pour, à travers ses personnages, libérer une position et une parole féminine qui sans cela ne peuvent s’articuler. Le passage par le « mensonge » permet, c’est le postulat de l’auteure, de faire passer en fraude un certain nombre de vérités, de miner les certitudes, de délégitimer le discours du pouvoir. Ce procédé va se retrouver vingt ans après le roman de 1974, Leben und Abenteuer der Trobadora Beatriz, chez une contemporaine d’I. Morgner, Brigitte Burmeister (née en 1940). Dans le roman Unter dem Namen Norma (1994), la protagoniste connaît une double défaite, elle fait partie des perdants à un double titre : en tant que citoyenne de la défunte RDA, et en tant que femme. Le roman se situe en effet à ce moment charnière des premiers mois de l’année 1990 où tout un monde disparaît, où une société (celle, victorieuse, de l’Allemagne de l’Ouest) en absorbe une autre (celle, perdante, de l’Allemagne de l’Est), lui déniant par la même occasion toute forme de légitimité. Parmi ceux et celles qui voient leur vie se défaire et leur passé devenir douteux, les femmes sont celles qui perdent le plus. Privées de façon massive de leur indépendance économique, elles perdent également leur position dans la société, société qui avait évolué depuis les années soixante-dix et leur laissait à la fin des années quatre-vingt une place d’où parler enfin d’elles-mêmes à égalité avec les hommes. Au début des années 90, ces hommes de l’ancienne RDA sont eux aussi des perdants – mais dans une moindre mesure. En Marianne, la protagoniste du roman de B. Burmeister, s’articulent donc ces deux défaites, ces deux manières d’être symboliquement réduite au silence : en tant que femme et en temps que membre d’une société disparue, d’un

14 Jankélévitch, « Les vertus et l’amour », p. 183. 15 « Laura hatten die Unglaublichkeiten des Berichts keineswegs ergrimmt. Im Gegenteil, seitdem Beatriz zu Studienzwecken in Betrieben anheuerte, wertete Laura deren Lügen ausnahmslos als Anzeichen schöpferischen Überdrucks. » Leben und Abenteuer der Trobadora Beatriz, p. 421. 16 « Laura las es am Begräbnistag der Trobadora. Als Offenbarung. » Ibid. 182 CATHERINE TEISSIER système marqué par l’opprobre. Pour sortir de cette situation et reconquérir sa parole, Marianne va choisir une voie spectaculaire : un mensonge, le pire mensonge qu’on puisse faire à l’époque car il prend la forme d’une révélation attendue.

Le mensonge révélateur (B. Burmeister)

Le roman de B. Burmeister appartient à ceux que l’on a appelés « Wende- Romane », on parle aussi de « Wendeliteratur », romans du Tournant, romans qui tentent de combler ce besoin de comprendre ce qui s’est passé, de rendre compte des immenses bouleversements existentiels, émotionnels, qu’ont vécus les Allemands, et surtout les Allemands de l’Est, après le 9 novembre 1989. Salué à sa sortie comme l’un des meilleurs de ces « Wende-Romane 17 », Unter dem Namen Norma n’a pas eu le succès d’autres romans du Tournant, tels que Helden wie wir, de Thomas Brussig 18, ou Simple Storys, de Ingo Schulze 19. Mais il semble avoir mieux vieilli que d’autres. Le mensonge est un élément incontournable du Tournant (Wende), cette période allant de l’été 1989 à l’automne 1990 et qui permit le passage sans violence du « socialisme réel » à la démocratie libérale. Évidemment, le mensonge est d’abord au cœur de la dictature, et donc du régime de la RDA. Il fallait mentir au travail, à l’école, pour cacher ses idées, ses sympathies, ses préférences, l’origine d’objets interdits tels que jeans, disques de jazz ou de rock, livres. Il fallait mentir sur les programmes de télévisions qu’on regardait, ou pas, sur ce que disaient les parents, les amis. Le mensonge par omission était le plus fréquent. Ne pas dire, c’est aussi – parfois – mentir. La trahison, proche parente du mensonge, était un élément constitutif du régime, qui comme nous le savons reposait sur un réseau impressionnant non seulement d’espions officiels, mais aussi de membres non officiels de la fameuse Stasi (Staatssicherheit), Sécurité d’État. Après la fin de ce régime, il était logique que la soif de vérité anime un très grand nombre de citoyens, et que les débats et révélations sur qui avait menti, qui avait trahi, sur les implications du mensonge et des révélations prennent une immense place dans les médias, et dans la littérature. La recherche de la vérité, et le fait de révéler tous les mensonges passés, de démasquer les menteurs, va en effet passionner un grand nombre de citoyens après 1990. Les conséquences des révélations, dans bien des cas dramatiques, vont occuper le devant de la scène pendant des années, et c’est tout le mérite de la démocratie

17 Voir par exemple Helmut Koopmann, « Die Wirklichkeit der Kopfgeburten. Zu Brigitte Burmeisters Unter dem Namen Norma », in Hans-Jörg Knobloch, Helmut Koopmann (dir), Der ‚gesamtdeutsche’ Roman seit der Wiedervereinigung, Tübingen, Stauffenburg Verlag, 2003, p. 99-117, ainsi que : Blé Richard Lorou, « Utopieentwürfe als Lebensalternative. Unter dem Namen Norma als Hymne auf die Revolution? », in Id., « Erinnerung entsteht auf neue Weise ». Wende und Vereinigung in der deutschen Romanliteratur, Kiel, Ludwig, 2003, p. 150-167. 18 Thomas Brussig, Helden wie wir, Berlin, Verlag Volk und Welt, 1995. Traduction française : Le complexe de Klaus, Paris, Albin-Michel, 1998. 19 Ingo Schulze, Simple Storys, Berlin, 1995. Traduction française : Histoires sans gravité, Paris, Fayard, 1999. LE MENSONGE FÉMININ COMME PRINCIPE LIBÉRATEUR 183 allemande que d’avoir très rapidement permis aux victimes d’avoir accès à la vérité, c’est-à-dire à leurs dossiers secrets (archives de la Stasi, Gauck-Behörde). Recherche de vérité et conséquences des révélations vont donner matière à un certain nombre d’œuvres, dont elles formeront le cœur, ou le moment déclencheur (on peut penser à La Vie des Autres 20, ou à Good Bye Lenin 21, pour n’envisager que deux des films les plus célèbres sur la période).

Une société malade de la vérité

Dans le roman de B. Burmeister, c’est au contraire autour d’un mensonge que va s’articuler toute l’intrigue. Et ce mensonge sera camouflé, présenté comme révélation, comme LA vérité, celle que tout le monde attend. Le roman, écrit à la première personne, se divise en deux parties de longueur inégale (2/3 – 1/3 environ). Leur titre, « Am 17. Juni » – « Am 14. Juli », les place chacune dans une relation plus ou moins souple avec l’Histoire. En réalité, le roman joue en permanence sur les trois niveaux, le passé, le présent, l’avenir, à travers notamment un jeu subtil avec les temps et les modes, que nous ne pouvons pas étudier ici. Le 17 juin fait référence au 17 juin 1953, révolte qui part de Berlin pour s’étendre dans le reste de la RDA et qui sera réprimée comme « putsch contre- révolutionnaire ». C’est aussi, dans l’économie du roman, la journée du 17 juin 1992, une journée que la narratrice va dérouler dans cette première partie, de l’aube à la nuit, mêlant souvenirs, rêves, observations de ce qui se passe autour d’elle aujourd’hui (les habitants de son immeuble) et références au passé proche ou lointain qui éclaire le présent. Marianne Arendts, la narratrice, est traductrice. Elle travaille chez elle, dans un appartement situé au dernier étage d’un de ces immeubles avec cours et arrière- cours, ces « Mietskasernen » de Berlin-Mitte. Elle traduit une biographie de Saint- Just 22 et nous comprenons également après quelques pages qu’elle écrit des lettres, réelles ou imaginaires, adressées à son mari, Johannes, parti travailler à l’Ouest « quelque part entre Mannheim et Heidelberg ». Les autres protagonistes sont Max, amant occasionnel et représentant surtout la tentative de vivre une nouvelle utopie (bars alternatifs, création d’une commune à Meißen) et Norma, l’amie fantasque et solide à la fois, qui va se révéler un véritable point d’ancrage pour Marianne, tout en remettant en permanence en question sa manière de vivre. Norma, rencontrée lors de cette nuit d’euphorie et de liberté retrouvée, la nuit du 9 novembre 1989. Tout le roman, et en particulier cette première partie, confronte le passé proche (les deux années qui viennent de s’écouler depuis cette nuit-là) et le présent (juin 1992), la vie avant l’unification et aujourd’hui, décrit les conséquences de cette révolution, du changement radical de système sur les habitants du microcosme autour de Marianne : un immeuble et quelques rues du quartier de Berlin-Mitte.

20 Das Leben der anderen, réalisateur Florian Henckel von Donnersmarck, Allemagne, 2006. 21 Good Bye, Lenin !, réalisateur Wolfgang Becker, Allemagne, 2003. 22 En 1989, B. Burmeister traduit elle-même l’ouvrage de Bernard Vinot, Saint-Just, sous le pseudonyme de Franziska Saalburg : Bernard Vinot, Saint-Just, Paris, Fayard, 1985. 184 CATHERINE TEISSIER

La seconde partie tourne autour du mensonge, de son irruption dans la vie des protagonistes, et de ses conséquences. Comme pour la première partie, le récit va et vient entre passé, proche ou plus lointain, et présent. Dans les deux premiers chapitres, le présent : le retour en train de la narratrice chez elle – et le passé proche : un récit linéaire de la période qui va du 9 novembre 1989 à la période de la narration. Le lecteur comprend que Marianne est de retour après un séjour de trois semaines en Allemagne de l’Ouest, là où son mari Johannes vit et travaille, et que la rupture est consommée. L’amitié avec Norma semble également en danger. Parallèlement, tous les éléments qui seront utilisés pour le mensonge sont mis en place, comme des indices à la seule adresse du lecteur, bien sûr. La suite va mettre en scène le contexte du mensonge, puis le mensonge lui-même, enfin ses conséquences, qui seront déroulées dans un récit que Marianne fait à Norma, qui a finalement rejoint la narratrice dans son appartement. Le dernier chapitre enfin thématise le lien entre l’exigence absolue d’un monde meilleur et la Terreur, dans la personne de Saint-Just. La pureté, la recherche intransigeante de la vérité sont ainsi démasquées comme portant en germe l’inhumanité 23. L’amitié est au contraire célébrée (en parodiant le projet de Saint-Just) par un pacte entre Norma et Marianne, sous le regard de Max, garant du lien qui représente la nouvelle utopie. Le mensonge de Marianne, camouflé ou revendiqué comme aveu, est L’Aveu de l’époque, donc le pire mensonge possible : lors d’une fête que Johannes organise pour célébrer son intégration réussie à l’Ouest, et le choix que sa compagne a fait, croit-il, de quitter l’Est pour s’installer avec lui, Marianne va révéler son passé à l’une des convives. Elle va avouer qu’elle a été IM, informatrice de la Stasi, « Sous le nom de Norma ». Lorsque Johannes apprendra ce mensonge, qu’il interprètera comme une manière raffinée de dire la vérité, ce sera la rupture. Avant d’analyser le mécanisme du mensonge de Marianne, et la manière dont elle va se servir d’un mensonge pour reconquérir son identité, il faut rappeler comment naît ce mensonge, à partir du statut particulier de la vérité, ou de la révélation de la vérité, dans une situation donnée. Pour mentir, il faut être deux – ou plus. En amont de l’infernal déroulement du mensonge se situe en effet le récit du suicide d’une des habitantes de l’immeuble, Margarete Bauer, une victime typique du Tournant, du changement radical du système : auparavant employée dans une maison d’édition, Margarete Bauer perd rapidement son emploi après le passage à l’économie de marché, n’en retrouve pas d’autre malgré tous ses efforts, voit son fils « prendre la fuite » devant la dégringolade sociale de sa mère. Sa solitude, complète après la rupture avec son compagnon des dernières années, et surtout l’impossibilité de donner un nouveau sens à sa vie dans ce monde totalement nouveau qu’elle doit affronter, comme bien d’autres, explique – peut-être – son geste : Margarete Neumann se donne la mort en se jetant du dixième étage.

23 V. Jankélévitch, dans sa réflexion sur le mensonge, évoque bien cet aspect problématique de l’utilisation de la vérité, lorsqu’il parle d’une véridicité « pire que l’imposture, pire que la calomnie ; par exemple quand on dit une vérité qui tue, et qu’on la dit pour tuer ». Jankélévitch, « Les vertus et l’amour », p. 188. LE MENSONGE FÉMININ COMME PRINCIPE LIBÉRATEUR 185

La narratrice, qui n’avait plus guère de relations avec cette voisine, éprouve néanmoins le besoin de lui rendre un dernier hommage, et tente de convaincre son amie Norma de l’accompagner aux obsèques. Celle-ci refuse catégoriquement. La raison du refus, et la dispute qui s’ensuit entre les deux amies, s’inscrit dans la problématique dramatique du mensonge, de la révélation, et de la rumeur (entre vérité et mensonge : « Il n’y a pas de fumée sans feu», comme le dit Norma un peu plus tard 24). Bouleversée par les conséquences de la recherche impitoyable de la vérité – qui est peut-être une calomnie, une rumeur à laquelle on ajoute foi à cause de cette atmosphère où la révélation se met à prendre une valeur absolue – la narratrice va pour elle-même faire le choix du mensonge, qui devient sa manière de résister.

À l’origine du mensonge de Marianne : les conséquences de la recherche de la vérité

Car voici comment les habitants de l’immeuble d’à côté (ceux de son immeuble ont d’autres interprétations) expliquent le suicide de Margarete Bauer: Und im Nachbarhaus, wo Norma wohnt, hatte man das Wesen durchschaut, sein lange gehütetes Geheimnis aus zwei Buchstaben aufgedeckt, natürlich das, jetzt kam alles heraus, ans volle Licht der Wahrheit 25, und das vertrugen manche nicht, tragisch, aber irgendwo gerecht, Schuld und Sühne, nur so gerieten die Dinge wieder ins Lot, doch, das musste sein, würden Sie denn ein Haus bauen auf sumpfigem Grund, na also, und die Akten lügen nicht, warum sollten sie. 26 L’acte de Margarete (son suicide) est lu comme un aveu. La révélation de son secret, deux lettres, IM. La vérité est présentée comme un objectif absolu, nécessaire pour qu’enfin règne l’ordre, les uns sont coupables, les autres innocents, les uns seront châtiés, les autres réhabilités, et cette étape est décrite comme indispensable pour l’établissement de la nouvelle Allemagne (on ne peut pas construire sur un sol marécageux). Et peu importe si cette recherche fait des victimes, y compris parce que la prétendue vérité n’est qu’une calomnie, ou une rumeur. À partir de ce moment du roman, Marianne réalise la violence qui se cache dans ce mot, « vérité », et à quel point la recherche de la vérité est en train de détruire les relations tissées entre amis, voisins, concitoyens. Elle va décider de ne pas se ranger du côté de ceux et celles qui disent ou cherchent la vérité. Puis, elle va trouver le moyen de détruire de l’intérieur cette opposition entre coupables et innocents, juges et condamnés.

24 « Von nichts kommt nichts », Norma, p. 60. 25 C’est nous qui soulignons. 26 Norma, p. 42-23. 186 CATHERINE TEISSIER

Qui décide de la vérité ?

Das Gerücht über Margarete Bauer. Norma hatte es mir erzählt wie eine wahre Geschichte, keine Spur von Zweifel oder Abstand. Das störte mich, ich sagte es ihr, sie blieb dabei, ich war gereizt, schließlich wütend. Dass sie so etwas mitmachte! Ein mieses Gesellschaftsspiel, jawohl, wobei Spiel wahrlich das falsche Wort sei, angesichts der verheerenden Folgen für die Betroffenen und letztlich für alle, in einem Klima öffentlicher Verdächtigungen und Denunziationen, und dass ausgerechnet sie... Nun war Norma empört. Wie ich dazu käme, die Enthüllung von Tatsachen, das Verbreiten der Wahrheit Denunziation zu nennen! Mies waren die Spitzel, verheerend die Machenschaften eines Überwachungsapparates ohnegleichen, und wer da die Fronten verwischte, stellte sich auf die falsche Seite, schützte die Täter und verfolgte die Opfer, das sollte mir eigentlich klar sein und mich davon abhalten, Alarm zu schlagen, weil das Kaninchen im Begriff sei, die Schlange zu fressen. O Gott, Norma, die Zeitung lese ich selbst, sagte ich oder sagte es noch verletzender, und wusste doch, dass ich damit angefangen hatte, mich aus dem Vorrat zusammengelesener Ausdrücke und Argumente zu bedienen, Norma dasselbe tat und wir anders gar nicht reden konnten, die eigenen Meinung kein Originaleinfall in noch nie gehörten Sätze, aber eigen der Impuls und die Gründe waren, sich einer bestimmten Meinung anzuschließen oder ihr zu widersprechen. Und dieses Eigene verstand sich keineswegs von selbst, fand ich jetzt. 27 Ce jeu subtil avec le discours indirect libre, caractéristique du roman tout entier, manifeste le terrible engrenage de la rumeur qui est impossible à contrer, mais aussi le mécanisme de l’accusation que l’on prononce, et qui soudainement instaure une limite infranchissable entre les êtres : l’une a tort, l’autre doit avoir raison. C’est pour échapper à cette dichotomie destructrice que la narratrice va utiliser de manière subversive un mensonge à double fond, la mise en scène mensongère d’un aveu. Marianne part rejoindre Johannes, qui s’est adapté au monde de l’Ouest, qui y réussit, qui espère que sa femme va faire le même choix. Mais pour Marianne, l’Ouest n’est peuplé que d’êtres sûrs d’eux-mêmes et qui derrière une aimable façade ne la considèrent que comme un condensé de stéréotypes. C’est lors de la fête organisée par son mari que Marianne va passer à l’offensive et choisir le mensonge comme arme. Alors qu’elle semble un peu isolée, une des invitées, Corinna Kling, s’efforce de lui tenir compagnie. Ce qui paraît de la gentillesse, des efforts pour la mettre à l’aise, elle qui ne connaît personne des amis de Johannes, laisse vite transparaître l’arrogance et le sentiment de supériorité. Cette relation inégale est démasquée, sans en avoir l’air, par les réponses de Marianne, qui livre les clichés à la demande, les représentations que les Allemands de l’Ouest se font des Allemands de l’Est : « Et moi qui pensais, dit Corinna, que chez vous, à l’Est, on avait gardé les anciennes habitudes alimentaires, puisque tout était tellement arriéré. Ce qui n’est pas toujours un mal. Par exemple ces merveilleuses… allées bordées d’arbres, dis-je 28 ».

27 Ibid., p. 58-59. 28 « Und ich dachte, sagte Corinna, bei Ihnen im Osten hätten sich die alten Essgewohnheiten erhalten, wo doch alles rückständiger war. Nicht immer ein Mangel. Zum Beispiel die wundervollen – Alleen, sagte ich. » Ibid., p. 218. LE MENSONGE FÉMININ COMME PRINCIPE LIBÉRATEUR 187

Pendant que les deux femmes discutent, la fête continue. Et Marianne, qui boit un peu plus qu’il ne le faudrait, va peu à peu glisser dans un mensonge extravagant, mais – et c’est là le centre du roman – qui sera d’autant plus pris au sérieux, et cru, par Corinna, puis par Johannes. Le mensonge est d’emblée mis en scène comme une révélation : « Il est temps que vous sachiez la vérité à mon propos 29 ». Et la situation de la narration est elle aussi construite avec soin, cette fois à l’adresse du lecteur (dans le récit, également en direction de Norma). La séduction que sa propre narration exerce sur Marianne se répercute, et bientôt se reflète, dans l’intérêt de celle qui écoute, et qui par son écoute va inspirer le mensonge : Ein Anfang immerhin. Wie es weitergehen sollte, wusste ich nicht. […] ich war so gut drauf und auf eine Geschichte aus, die ich Corinna erzählen könnte, ihr allein. Also müsste sie mir versprechen, nichts weiterzusagen, niemandem. Also lag nahe, dass ich ihr ein Geheimnis anvertrauen würde. 30 Il s’agit d’un secret, à ne révéler à personne : Corinna va donc être d’autant plus poussée à croire que ce secret est vrai. Mais c’est aussi un secret qui s’invente au fur et à mesure, grâce à l’écoute tendancieuse de Corinna, à son attente d’être confirmée dans les représentations qu’elle a des habitants de la RDA. L’histoire commence. Marianne brosse le portrait de sa famille, un père communiste, une mère qui adopte l’opinion de son mari, un frère engagé depuis 1953 (il fait partie de la garde d’honneur, lors de la mort de Staline). Elle accumule les signaux, qui pour le lecteur sont autant de clichés, pour Corinna en revanche, autant de petits cailloux sur le chemin qui mène à la révélation du secret. Tout semble correspondre à ce qu’attend Corinna, qui éprouve visiblement un grand plaisir à ces confidences. Quant à Marianne, les réactions de son auditrice stimulent visiblement son imagination : le flot du récit semble de plus en plus naître de l’écoute qui lui est prêtée. Corinna commence à se sentir mal à l’aise devant l’étalage d’horreurs que lui présente Marianne. Mais ce malaise ne vient pas d’un soupçon sur la vérité de ce que raconte son interlocutrice. Plutôt d’un mélange d’impressions : ce qu’elle entend lui est étranger et en même temps cela la conforte dans ses préjugés. Marianne sent qu’elle doit passer à quelque chose de plus conforme encore aux attentes de Corinna. Et de nouveau, la narratrice fournit au lecteur les indices que Marianne fabrique l’histoire, en fonction de son interlocutrice : « Pour l’histoire familiale, ça suffisait. Maintenant, il fallait qu’on parle d’amour. Et ce n’était pas la seule raison, me disais-je. Il fallait que l’écoute en ait valu la peine 31. » C’est alors que Marianne passe aux « aveux », après avoir construit tout un décor, et les personnages secondaires de son récit mensonger. On a affaire à une véritable théâtralisation du mensonge, avec progression, moments retardateurs, et sommets. Tout est en place pour le clou des aveux : les études, la vie triste et sans distractions d’une jeune Allemande de l’Est. Corinna trouve qu’elle y va un peu fort, mais ne

29 « Es ist an der Zeit, dass Sie die Wahrheit über mich erfahren. » Ibid., p. 223. 30 Ibid., p. 224. 31 « Mit der Familienschilderung war es genug. Um Liebe sollte es nun gehen. Und nicht allein darum, fand ich. Das Zuhören sollte sich gelohnt haben. » Ibid., p. 234. 188 CATHERINE TEISSIER doute toujours pas de la véracité de ce qu’on lui raconte. C’est elle qui propose le terme de « victimes actives » pour qualifier les citoyens de la RDA. Mais oui, c’est tout à fait cela, rétorque Marianne, mais ce n’est pas tout à fait ce qu’attend Corinna. Il va donc falloir livrer une coupable : Sie verstehen mich, sagte ich, hob mein Glas und trank ihr zu. Und auch ich verstehe Ihr Problem ! Wünschen wir uns nicht Eindeutigkeit ? Lieben oder Hassen ? Wirkliche Opfer können wir bedauern, wirkliche Täter verabscheuen. Was aber mit aktiven Opfern ? […] und es kommt noch schlimmer. 32 Et voilà révélée la rencontre avec l’officier de la Stasi, dont Marianne tombe amoureuse, et tout ce petit cabinet des horreurs bien connu également de Corinna, les rencontres secrètes, les appartements clandestins, les faux noms, avec, à la fin (comment y échapper ?), la trahison. « Je fis ce qu’il exigeait. J’ai espionné, j’ai trahi. Par amour. C’est comme ça que ça s’est passé 33. » Marianne elle-même trouve son récit beaucoup trop ennuyeux à partir de ce moment-là, mais Corinna n’a plus besoin d’écouter, elle va livrer elle-même la suite des éléments nécessaires au développement de l’histoire : la grossesse, l’amant qui la force à avorter. Prise dans sa propre interprétation pathétique du prétendu aveu, elle propose de révéler toute l’histoire de Marianne – qui s’y oppose vivement, évidemment. Le mensonge de Marianne va alors suivre son propre cours, c’est-à-dire provoquer les conséquences dévastatrices déjà évoquées et révéler que Corinna n’est pas uniquement l’auditrice idéale, sympathisant avec Marianne, qu’elle appelle maintenant « victime tragique ». Elle va en effet s’empresser de trahir sa confiance : l’aveu, qui n’était fait qu’à elle seule, elle va le révéler à son tour à son mari, qui en parlera à Johannes – ce qui provoquera la rupture. Contrairement à l’ironie, le mensonge veut être pris au sérieux 34. Or, tout au long du récit, de nombreux indices ont été donnés au lecteur, indiquant qu’il avait affaire à un mensonge, ou plutôt à une histoire mensongère. Il s’agit en effet moins de tromper que de mettre à jour, par cette construction, une vérité inavouable, celle de l’image que se font de leurs concitoyens de l’Est les habitants de l’Ouest. D’une part, à plusieurs reprises l’accent a été mis sur le rôle de celle qui écoute pour la progression de l’histoire, faisant de Corinna une co-auteure de celle-ci, qu’elle remplit de ses propres représentations, jusqu’à la fin du récit: « Une terrible affaire, dit-elle. Oui, répondis-je. […] Je vous remercie quand même de m’avoir écoutée si patiemment. Sans vous, je n’aurais jamais raconté cette histoire 35. » Le lecteur a d’autre part été alerté par l’aspect énorme du mensonge, les détails invraisemblables s’accentuant vers la fin. Ces détails auraient également dû alerter Corinna. Mais même exagérés, ces éléments semblent correspondre à l’image, visiblement épouvantable, que l’Allemande de l’Ouest se fait de la vie

32 Ibid., p. 235-236. 33 « Ich tat, was er verlangte. Ich habe bespitzelt und verraten. Aus Liebe. So war das. » Ibid., p. 238. 34 « L’ironie nous dupe en nous tendant la perche. Mais le mensonge, lui, ne veut pas être interprété : il n’est pas fait pour cela ! Il prétend être compris au sens grammatique, c’est-à-dire mécompris, et dissimule soigneusement son arrière-pensée. » Jankélévitch, « Les vertus et l’amour », p. 205. 35 « Eine schlimme Sache, sagte sie. Ja, sagte ich. [...] Trotzdem danke für Ihr geduldiges Zuhören. Ohne Sie hätte ich die Geschichte nie erzählt. » Norma, p. 244. LE MENSONGE FÉMININ COMME PRINCIPE LIBÉRATEUR 189 des Allemands de l’Est, ce qui explique que rien ne la choque dans les horreurs que Marianne a racontées sur son propre compte. Marianne avait raison en utilisant un mensonge comme révélateur de la vérité, c’est-à-dire des opinions cachées des uns, à l’Ouest, sur les autres, restés à l’Est, et c’est ce qui la révolte :

« Car jamais, au grand jamais, ma véritable histoire n’aurait rencontré autant de crédulité que ce montage de clichés horribles mais attendus 36. » Les conséquences du mensonge se feront sentir lorsque celui-ci, pris pour ce qu’il est d’abord : un mensonge affreux, donc une trahison (Marianne a trahi la confiance de Corinna, qui la croyait et l’écoutait avec sympathie), puis pour la vérité, va arriver aux oreilles de Johannes. La scène de la révélation du mensonge, et de la rupture qui en est l’effet, ne passe pas sous silence la violence que provoque le désir de vérité : « La vérité, cria-t-il, et si tu ne veux pas me la dire, je te frapperai jusqu’à ce que ça sorte 37 ! » Mais Johannes ne voudra pas croire la vérité : « J’ai menti à Corinna Kling, je lui ai menti sans vergogne 38. » Cela, c’est ce que Marianne dit à Norma, et donc au lecteur. Mais à Johannes, elle va essayer d’expliquer le mécanisme de son mensonge : Die Form war gegeben, sagte ich, der Inhalt ergab sich dann, Schritt für Schritt. […] Ich war aber nicht allein. Er schüttelte mich wieder : Du willst mir doch nicht weismachen, dass dir ein fremdes Wesen diese Geschichte eingegeben hat ? Mehrere, sagte ich, und etliche bekannte, ich selbst natürlich auch, und Corinna mit ihren Fragen, ihrem Verständnis. 39 Cette logique du mensonge est absolument inacceptable pour Johannes, et il va interpréter cette explication d’une manière totalement opposée : il va prendre le mensonge au pied de la lettre, lire cette histoire compliquée comme la révélation d’une vérité cachée, LA vérité honteuse par excellence, c’est-à-dire, dans ce contexte, comprendre que Marianne a vraiment travaillé pour la Stasi. Son mensonge est devenu la vérité qu’il plaque sur son identité. Ainsi, le mensonge a démasqué Corinna, mais aussi Johannes, alors que Marianne est à la recherche de l’identité équivoque : la sienne. « J’ai donc vidé mon sac, et j’ai révélé et perdu mon identité, dans les deux sens, tu comprends 40 ? » Johannes, lui, a basculé dans la certitude. En rejoignant la manière de voir de Corinna, il est définitivement passé de l’autre côté, du côté des juges, des bons, de ceux qui savent et qui ont raison – du côté des Saint-Just. Il reste avec Corinna, du côté des vainqueurs, tandis que Marianne retourne à l’Est. En replaçant le roman de B. Burmeister dans une continuité avec l’œuvre d’I. Morgner, nous avons voulu montrer qu’une certaine situation historique ne

36 « Denn nie und nimmer wäre meine reale Geschichte auf solche Glaubensbereitschaft gestoßen wie der Zusammenschnitt von erwartungsgemäßen Gruselbildern. » Ibid., p. 252. 37 « Die Wahrheit, schrie er, und wenn du sie mir nicht sagen willst, prügele ich sie aus dir heraus ! » Ibid., p. 249. 38 « Ich habe Corinna Kling belogen nach Strich und Faden. » Ibid., p. 250. 39 Ibid., p. 250-251. 40 « Also habe ich ausgepackt, sagte ich, und bin meine Identität losgeworden, im doppelten Sinn, verstehst du ? » Ibid., p. 252. 190 CATHERINE TEISSIER semble pas laisser d’autre choix que le mensonge ou la mystification pour tenter de rompre les logiques implacables de la domination. Certes, ces logiques perdurent, par-delà la fin des œuvres envisagées, et ne seront brisées que par la modification de la société elle-même, qu’il s’agisse de la domination du masculin sur le féminin ou de celle des vainqueurs de l’histoire sur les perdants du libéralisme. Mais ce que font I. Morgner comme B. Burmeister, c’est revendiquer le mensonge comme arme de libération de la parole des dominés, comme une manière, évidemment limitée, de reconquérir une identité déniée. Aucun des romans évoqués ne se laisse bien sûr réduire au seul mensonge, à moins que l’on n’étende le mensonge à la mystification littéraire. Et c’est un peu ce que suggère B. Burmeister, en choisissant comme nom de code de l’aveu mensonger une formule, « Sous le nom de Norma », où se cache l’anagramme du mot roman. Ce sont dans tous les cas les assignations univoques, les limites bien tranchées entre coupables et victimes, les identités figées autant que les mémoires, qu’il s’agit de remettre en question. Car celles-ci ne peuvent en aucun cas constituer la base d’une communauté d’êtres libres, ni même celle d’une communication sincère. Pour cela, il faut bien passer par autre chose que la proclamation d’une vérité attendue et vitrifiée. Dépasser les oppositions de genre, et passer à l’amitié féminine : chez I. Morgner comme B. Burmeister, c’est bien l’horizon ultime de l’utopie. Begabte Schwindlerinnen. Über die Inszenierungen der Lüge bei Ljudmila Ulickaja1 Christiane SOLTE-GRESSER Universität des Saarlandes

Jeder Mensch erfindet sich früher oder später eine Geschichte, die er für sein Leben hält. Max Frisch, Mein Name sei Gantenbein

Lüge und Literatur

Literatur als Lüge

„Kunst ist Magie, befreit von der Lüge, Wahrheit zu sein“. Mit diesem bekannten Satz aus den Minima Moralia2 bringt Adorno den merkwürdigen Status von Literatur zwischen Realität und Mythos auf den Punkt. Die Pointe ist freilich, dass der Wahrheitsanspruch selbst als Lüge entlarvt wird: Das Wahrhaftige der Kunst besteht gerade darin, dass sie nicht behauptet, wahr zu sein. Diese Wahrhaftigkeit kann nur in einer nicht diskursiven Sprache zum Vorschein gelangen und indem das Werk die Wirklichkeit gerade nicht widerspiegelt.3 Das Potenzial der Kunst besteht damit anders gewendet in der ästhetischen Form, durch die sich ihr kritischer Gehalt4 und die Dimension des Möglichen5 ausdrücken. − −

1 Bei der Angabe von Namen und Titeln aus dem Russischen wird die wissenschaftliche Transliteration verwendet. Die Eigennamen der Romanfiguren werden der deutschen Übersetzung entsprechend übernommen. 2 Theodor W. Adorno, „In nuce“, in ders., Minima Moralia. Reflexionen aus dem beschädigten Leben [1951], Frankfurt a. M., Suhrkamp, 1994, S. 298. 3 Vgl. Theodor W. Adorno, Ästhetische Theorie, Frankfurt a. M., Suhrkamp, 1970, S. 251 und 419. 4 „Der Wahrheitsgehalt der Kunstwerke ist fusioniert mit ihrem kritischen“, ibid., S. 59. 5 „Dass aber die Kunstwerke da sind, deutet darauf, dass das Nichtseiende sein könnte. Die Wirklichkeit der Kunstwerke zeugt für die Möglichkeit des Möglichen“, ibid., S. 200. 192 CHRISTIANE SOLTE-GRESSER

Beides, kritischer Anspruch und der Entwurf möglicher Welten durch ein Erzählen, mit dem die verlogene Wirklichkeit gebannt oder für einen Moment außer Kraft gesetzt wird, spielen in dem Roman, der Gegenstand dieses Artikels ist, eine entscheidende Rolle. Jedoch in anderer Weise als bei Adorno: Das Phänomen der Lüge wird nicht philosophisch durchdrungen, sondern fiktionalisiert in Szene gesetzt.6 Die Problematik ist damit auf eine diegetische bzw. eine intradiegetische Ebene verlagert: Das Erzähluniversum von Ljudmila Ulickajas episodenhaftem Roman Skvoznaja linija7 aus dem Jahr 2002 besteht aus zahlreichen lügenden Figuren, deren Geschichten von einer einzigen Zuhörerin, der Protagonistin des Romans, zusammengehalten werden: Es ist Shenja, die uns sämtliche Lügengeschichten im Hinblick auf ihre Motivation, Funktion, Tragweite und vor allem auf ihre Wirkung vor Augen führt. Diese Tatsache führt zu zwei Thesen, die es zu überprüfen gilt: Erstens, die Lügen des Romans, die stets die Konstruktion oder Modifikation der individuellen Lebensgeschichte im autobiographischen Sprechakt betreffen, werden wie kleine literarische Erzählungen innerhalb der fiktionalen Welt inszeniert.8 Shenja liest als direkte Adressatin die dargebotenen Lügen wie Literatur, das heißt, sie lässt sich in ihren Bann ziehen, sie identifiziert sich mit ihren Figuren, sie kontextualisiert, deutet und bewertet die Geschichten. Damit wird sie, so meine zweite These, zu einer Rezipientin innerhalb der erzählten Welt. Der Roman inszeniert also nicht nur einen ganzen Reigen lügender Frauen, die sich um die Protagonistin herum gruppieren; er inszeniert auch geradezu mustergültig die tragende Rolle, die der Rezeption zukommt, wenn es darum geht, das Verhältnis von Lüge und Erzählung zu verstehen. Ich versuche daher, den Roman aus einer rezeptionsästhetischen Perspektive zu beleuchten.9 Reflexionen über Lüge und Wahrheit als literarische Phänomene bewegen sich zumeist in einem größeren fiktionstheoretischen Kontext.10 Monika Schmitz-Emans setzt sich in systematisch-typologischer Weise mit diesem Problem auseinander.11

6 Zum Erzählen (literatur)theoretischer Probleme und seinen Fiktionalisierungsstrategien vgl. Christiane Solte-Gresser/ Manfred Schmeling (Hrsg.), Raconter la théorie dans le roman, Würzburg, Königshausen und Neumann, 2015 (im Druck). 7 Ljudmila Ulickaja, Сквозная линия [Skvoznaja linija], Moskau, Ėksmo, 2002, dt: Die Lügen der Frauen (wörtl. „Durchgangslinie“ oder „durchgezogene Linie“), übersetzt von Ganna-Maria Braungardt, München, Hanser, 2003. Alle Angaben des Romans beziehen sich auf die deutschsprachige Ausgabe des Hanser-Verlages und werden abgekürzt zitiert mit LF und Seitenzahl. 8 Man könnte für diese erfundenen Ausflüchte vielleicht den Begriff „petit récit“ verwenden, den Lyotard den „grands récits“ gegenüberstellt: „Le petit récit reste la forme par excellence que prend l’invention imaginative.“ Jean-François Lyotard, La Condition postmoderne, Paris, Minuit, 2005, S. 8f. 9 Dabei wende ich allerdings nicht einen einzigen Ansatz konsequent an, sondern bemühe vielmehr - probeweise und ohne mich diesen detailliert widmen zu können – unterschiedliche Zugänge der Rezeptionstheorie, um Funktion und Wirkung der Lüge in Ulickajas Roman auf die Spur zu kommen. 10 Vgl. Kurt Röttgers/ Monika Schmitz-Emans (Hrsg.), Dichter lügen, Essen, Die blaue Eule, 2001 (Philosophisch-literarische Reflexionen Bd. 3), S. 7-14 und bezogen auf das 20. und 21. Jahrhundert: Doren Wohlleben, „Die Poetologische Selbstbestimmung als Reaktion auf den Lügenverdacht“, in dies., Schwindel der Wahrheit. Ethik und Ästhetik der Lüge in Poetik-Vorlesungen und Romanen der Gegenwart, Freiburg i. Br., Rombach, 2005, S. 11-22. 11 Sie fasst verschiedene Thesen von Dichtern und Denkern zum Verhältnis zwischen Lüge und Literatur, die ihr zufolge auch immer verwandte Dichotomien wie Sein und Schein, Erfahrung und BEGABTE SCHWINDLERINNEN. ÜBER DIE INSZENIERUNGEN DER LÜGE BEI L. ULICKAJA 193

Auf der Grundlage von Schmitz-Emans’ Typologie soll zunächst gefragt werden, wo und wie innerhalb dieser Kategorien des Lügens besonders das autobiographische Erzählen und die Dimension der Lügenrezeption berührt werden. Denn beides liefert für Die Lügen der Frauen einen wichtigen Schlüssel.

Lüge als Autobiographie

Das Erzählen der eigenen Lebensgeschichte bedarf eines beglaubigenden Zuhörers – und sei es nur, dass der Erzählende selbst an seine autobiographische Konstruktion glaubt. Die Grenzen zwischen Wahrheit und Lüge sind dabei notgedrungen fließend bzw. außer Kraft gesetzt. Denn das Leben lässt sich erzählend nicht abbilden. Ein kreatives Sprechen konstruiert die eigene Lebensgeschichte, indem es die Wirklichkeit verwandelt, verzerrt, verkehrt oder fiktional erweitert.12 Dieses Sprechen als Lüge zu identifizieren, setzt eine bestimmte Rezeptionshaltung voraus: nämlich dass vom Text eine Erkenntnis über das Leben und die Welt erwartet wird, die auf nachweisbaren Fakten beruht und daher rational überprüft werden kann.13 Willigt der Zuhörer jedoch in die spezifische Form literarischer Kommunikation ein – besteht also „Einverständnis darüber […], dass die Aussagen der Dichtung keine Ist-Aussagen sind“14, werden sie jenseits der Dichotomie von Lüge und Wahrheit verstanden. Eine solche Rezeptionshaltung gerät dann allerdings in Konflikt mit der klassischen Gattung der Autobiographie; zumindest dann, wenn man den Überlegungen Philippe Lejeunes zum autobiographischen Pakt folgen mag.15 In diesem Zusammenhang wird sich an Ulickajas Roman zweierlei zeigen: Die Haltung, mit der die Protagonistin Shenja die Geschichten aufnimmt, ist nicht statisch, sondern dynamisch. Ob sie diese als Lügen identifiziert oder als unterhaltsame Erzählung genießt, hängt von ihrer lebensweltlichen Erfahrung und augenblicklichen Situation ab, und das heißt vor allem auch, von den Geschichten, die sie zuvor gehört oder gelesen hat. Außerdem erweisen sich die Lügen hier allesamt als Lebenslügen im wörtlichen Sinne16: Die Figuren machen nicht nur dem Gegenüber, sondern im Akt des Erzählens vor allem sich selbst etwas vor.17 Mario Vargas Llosa widmet sich in seinem Essay „Die Wahrheit der Lüge“ zwar

Traum, Realität und Fiktion einschließen, zu übergeordneten Kategorien zusammen, vgl. Monika Schmitz‑Emans, „Zur Einführung“, in Röttgers/ Schmitz-Emans, Dichter lügen, S. 7-14. 12 Vgl. hierzu auch Wohlleben, Schwindel der Wahrheit, S. 11. 13 Vgl. Schmitz-Emans, „Zur Einführung“, S. 8. 14 Ibid., S. 12. 15 Vgl. Philippe Lejeune, Le Pacte autobiographique, Paris, Seuil, 1975. Geht er diesen Akt ein, setzt der Leser bekanntlich voraus, dass Autor, Erzähler und erzähltes Subjekt identisch sind und der Erzähler um Authentizität oder zumindest um Aufrichtigkeit bemüht ist. 16 Zur Klärung des Begriffs, der Ibsens Theaterstück Die Wildente entstammt, vgl. Steffen Dietzsch, Kleine Kulturgeschichte der Lüge, Leipzig, Reclam, 1998, S. 109. 17 Vgl. „Les femmes évoquées par notre romancière rêvent leur vie et arrivent probablement à croire elles-mêmes à leurs chimères […]. Nos héroïnes remplissent leur vie de ce qu’elles aimeraient y voir: l’amour, la poésie, et, pourquoi pas, le drame“ (Marie-José Selaudoux, „Mensonges de femmes de Ljudmila Oulitskaïa“, in La Critique parisienne, 67, 2012, S. 23-25, hier S. 24, http://www. lacritiqueparisienne.fr/67/oulitskaia.pdf [Stand: 31. Juli 2014]. 194 CHRISTIANE SOLTE-GRESSER nicht speziell dem autobiographischen Erzählen.18 Jedoch führt er ausdrücklich (und geradezu simplifizierend) vor Augen, wie eng Produktion und Rezeption fiktionaler Erzählungen miteinander verbunden sind. Sie treffen sich im Ungenügen sowohl der Erzähler als auch der Leser an der bestehenden Wirklichkeit: [Erzählende Literatur] wird geschrieben und gelesen, damit die Menschen das Leben haben, mit dessen Nicht-Existenz sie sich nicht abfinden wollen. Im Keim jedes Romans […] pulsiert ein Verlangen […]. Romane werden nicht geschrieben, um das Leben zu erzählen, sondern um es zu verwandeln, indem man ihm etwas hinzufügt.19 In Ulickajas Roman fallen genau in diesem Verlangen Lügen-Produktion und Lügen-Rezeption zusammen: Für die Erzählerinnen wie die Zuhörerin greift die Lüge in die Wahrnehmung des eigenen Lebens ein, indem diesem sprechend oder hörend ein anderes gegenübergestellt wird; ein Leben – oder die Möglichkeit eines Lebens –, mit dessen Nicht-Existenz sich keine der beiden Seiten abfinden mag.

Lüge und ‚weibliches’ Erzählen

Auffällig ist indes, dass keine der bisher genannten Aussagen über Lüge und Erzählen aus einer geschlechtsspezifischen Perspektive erfolgt. Ulickaja aber formuliert durchaus explizite Aussagen zu diesem Problem. Geradezu essentialistisch stellt sie ihrem Roman Überlegungen voran, die fast schon als Gegenthese zu gender- orientierten Denkrichtungen erscheinen, in denen Maskerade und Performanz von Geschlechterrollen als lügenhaftes Spiel entworfen werden: Mon Dieu, comme elles [les femmes] peuvent mentir! […] En passant, par mégarde, pour rien, avec ferveur, à l’improviste, en douce, à bâtons rompus, désespérément, sans la moindre raison. […] Que de charme, que de talent, que de candeur et d’insolence, que d’inspiration créatrice et de panache! Il n’y a là ni calcul, ni espoir de profit, ni machinations… C’est juste une chanson, un conte, une devinette. Mais une devinette sans réponse. Chez les femmes, le mensonge est un phénomène de la nature, comme les bouleaux, le lait ou les frelons 20. Eine interessante Ergänzung hierzu liefert Ulickaja in einem Gespräch mit dem Spiegel, in dem sie vom Entstehungsprozess des Romans erzählt. Die weiblichen Lügen seien authentische, von ihr selbst gesammelte und „zielten darauf ab, das eigene Leben auszuschmücken oder umzuschminken und der eigenen Biografie etwas hinzuzufügen“21. Neben der durchaus irritierenden These, weibliches Lügen

18 Er spricht vielmehr von der Macht der Lüge als einer „eigentümliche[n] Wahrheit“ des Romans. Mario Vargas Llosa, Die Wahrheit der Lügen. Essays zur Literatur, übersetzt von Elke Wehr, Frankfurt a. M., Suhrkamp, 1994, S. 7f. 19 Ibid., S. 7. 20 Dieses Vorwort wurde in die deutschsprachige Ausgabe nicht übernommen. Ich verwende daher die französische Übersetzung: Mensonges de femmes, übersetzt von Sophie Benech, Paris, Gallimard, 2007. 21 Rainer Traub, „Wir brauchen Provokateure“. Interview mit Ljudmila Ulickaja, in Der Spiegel, 41, 2003, S. 162-164, hier S. 162. Interessanterweise wird gerade diese Authentifizierungsstrategie in der russischen Verfilmung des Romans von Petr Stein aus dem Jahr 2005, in dem Ljudmila Ulickaja selbst mitspielt, wieder rückgängig gemacht. Der Spielfilm beginnt mit einer quasi dokumentarischen Rahmung: Die Autorin sitzt einer Frau gegenüber am Tisch, die ihr die Frage stellt, welche Haltung sie BEGABTE SCHWINDLERINNEN. ÜBER DIE INSZENIERUNGEN DER LÜGE BEI L. ULICKAJA 195 sei gewissermaßen ein naturgegebenes Gefühlsphänomen, fällt an Ulickajas Aussagen noch etwas anderes auf: Durchgängig wird hier in direkter oder indirekter Weise auf die Literatur Bezug genommen, sei es als Gattung oder als dichterisches Konstruktionsprinzip.22 Vor allem jedoch kommt hier eine ästhetische Haltung zum Vorschein, die sich sowohl auf die Produktion als auch die Rezeption von Lügengeschichten bezieht: Sie sind voll von kreativem Erfindungsgeist und sie beeindrucken, weil sie in einer talentierten Weise zur Darstellung gebracht werden. Damit liest sich die Aussage der Autorin als Loblied auf die lügnerische, ebenso wie auf die dichterische Begabung.

Ulickajas Lügen der Frauen

Erzählstrukturen der Lüge

Wie also lässt sich vor diesem Hintergrund das Lügen im Roman Skvoznaja linija verstehen? Für den Zusammenhang von Lüge, Weiblichkeit und Erzählung sind folgende Fragen besonders relevant, die in der Figur der Protagonistin gebündelt werden: Über die Rolle der binnenfiktionalen Rezipientin lässt sich erstens untersuchen, was die Erzählstruktur des Romans zum Phänomen der Lüge als Literatur beiträgt. Wie wird also das ‚Lesen’ der Lüge erzählt? Zweitens geht es um die selbstreflexive Dimension des Romans und damit um die Frage, inwiefern das Erzählen der Lüge zugleich über seine eigene Rezeption nachdenkt. Die sechs Kapitel des Romans, die jeweils auf eine bestimmte Lügengeschichte konzentriert sind, spielen zu unterschiedlichen Zeiten, an unterschiedlichen Orten und erzählen gänzlich unterschiedliche Situationen. Über die Protagonistin Shenja werden sie lose miteinander verknüpft. Bei näherem Hinsehen ist allerdings durchaus eine Entwicklung zu erkennen; und zwar in dreifacher Weise. Erstens lässt sich anhand des Romans die Entwicklung von der Sowjetunion der Bre nev-Ära über die Perestrojka und Glasnost’ bis in die postsowjetische Gegenwart rekonstruieren. Mit Blick auf das Gesamtwerk Ulickajas wird hier zwar vergleichsweisež wenig gesellschaftspolitische Kritik geübt.23 Dennoch zeigt sich durchgängig: Die Figuren selbst der Lüge gegenüber einnehme. Beide erzählen sich davon, dass sie selbst auch zu leidvollen Opfern der Lügen anderer geworden seien. Dabei bleibt offen, ob das Gegenüber von sich selbst in seiner Rolle als Interviewerin spricht – oder aber als literarische/ filmische Figur: Sie ist nämlich, wie sich einige Minuten später herausstellt, zugleich die Schauspielerin, welche die Protagonistin Shenja verkörpert, jene Figur, die in der Diegese tatsächlich mit zahlreichen Lügengeschichten konfrontiert wird. Damit spielt der Film von Beginn an mit den Grenzen zwischen Fiktion und Wirklichkeit, die in einer gemeinsamen Reflexion zweier Frauen am Beispiel der Lüge verhandelt werden. 22 In einem anderen Zusammenhang werden solche Phantasiegeschichten auch „nicht realisierte Träume“ genannt, vgl. hierzu Evgeniia Shcheglova, „The Unrealized Dream. The Prose of Liudmila Ulitskaia“, in Russian Studies in Literature, 49/1, 2013, S. 25-46, hier S. 25. 23 Vgl. etwa Zelenyj šater (2010, dt: Das grüne Zelt), Danièl’ Štajn, perevodčik (2006, dt: Daniel Stein) oder Kazus Kukockogo (2000, dt: Reise in den siebten Himmel), drei Werke, die ein ausgesprochen kritisches politisches Potential besitzen. Anlässlich der Verleihung des Simone de Beauvoir Preises im April 2011 in Paris gibt die Autorin dennoch dem Privatleben gegenüber dem gesellschaftlichen den 196 CHRISTIANE SOLTE-GRESSER leiden unter den sozialen und politischen Bedingungen, sie versuchen, sich ihnen zu entwinden oder ihre individuellen Spielräume zu erweitern.24 Zweitens wird Shenjas Leben – mit zum Teil Jahrzehnte langen Ellipsen – chronologisch erzählt: vom Zeitpunkt der ersten Scheidung als junge Mutter und Doktorandin der Literaturwissenschaft über vielfältige Versuche im Liebes-, Berufs- und Alltagsleben Fuß zu fassen, bis hin zu einem dramatischen Autounfall, der sie so schwer verletzt, dass sie gezwungen ist, sich zwischen einem mühseligen, nahezu aussichtlosen Überlebenskampf und Selbstmord zu entscheiden.25 Und drittens bewegt sich die Shenja vom Rand der Handlung immer mehr ins Zentrum hinein: Zunächst hört sie fast ausschließlich zu, dann greift sie als Reaktion auf die ihr zu Ohren gekommenen Geschichten in das Leben der anderen ein, später ist sie zunehmend in deren Beziehungen involviert, bis sie schließlich zur Hauptfigur wird, um die sich nun das Geschehen der anderen dreht. Dementsprechend verringert sich der Anteil, d. h. Umfang und Dauer der Lügengeschichten kontinuierlich: Hatte die Lüge als Figurenrede einer Zufallsbekanntschaft, der Shenja mehr oder weniger passiv lauscht, zu Beginn noch fast das gesamte erste Kapitel eingenommen, werden solche Erzählungen im Verlauf des Romans immer schmaler, weniger autonom. Der fünfte Teil dezentriert sie, indem er sie auf zahlreiche Nebenfiguren verteilt, bevor die Lüge im Schlusskapitel schließlich nur noch ganz am Rande und eigentlich vor allem im übertragenen Sinne auftaucht. Die Lebenswelt, in der Shenja die Lügengeschichten begegnen, ist auffällig weiblich inszeniert. Das Handlungsgeschehen wird in geradezu programmatischer Weise auf den Frauenalltag der Hauptfigur fokussiert.26 Aber auch die erlogenen Lebensgeschichten oder Lebensepisoden der anderen Frauenfiguren entwerfen ein auffällig weibliches Erzähluniversum: Es geht um Mutterschaft, die Rolle als kleine Schwester, um das leidenschaftliche Liebesleben eines frühreifen Mädchens, um die (fehlende) Anerkennung als Autorin und Professorin und die

Vorrang und formuliert damit eine grundsätzliche Haltung, derzufolge sie lediglich politische Texte schreibe, weil die Situation sie dazu zwinge (vgl. Ljudmila Ulickaja, „Meine Geschichte. Meine Geschichten. Die Autorin Ljudmila Ulickaja über ihr Leben und Werk“, in Xing. Ein Kulturmagazin, 23, 2012, S. 6-15, bes. S. 12). Vgl. hierzu auch Susanne Scholl, „Die Menschen haben zu lachen begonnen. Ljudmila Ulickaja und die Politik“, in Xing. Ein Kulturmagazin, 23, 2012, S. 4. Zu einem ihrer dezidiert politischen Romane und seiner gesellschaftskritischen Dimension, vgl. Alla Latynina, „‚Soviet Power Has Killed Them All…‘ Liudmila Ulitskaia’s The Green Tent“, in Russian Studies in Literature, 49/1, 2013, S. 8-24. 24 Vgl. hierzu auch Ursula Stock in Rezensionen online. Literaturdatenbank des österreichischen Bibliothekswerks, http://www.biblio.at/rezensionen/ [Stand: 21. August 2014]. 25 Dieses letzte Kapitel tauchte in der russischen Erstausgabe des Romans zunächst nicht auf. Der Verlag hatte den offensichtlich unfertigen Text bereits veröffentlicht. Es ist jedoch derjenige Teil, der die anderen Geschichten zusammenführt und die Lügenproblematik von der mehr oder weniger harmlosen Schwindelei in eine existenzielle Dimension überführt. 26 Das heißt, auf tägliche Verrichtungen und Besorgungen, Gespräche mit Freundinnen und Bekannten, Organisation des Familienlebens und einen beruflichen Auftrag, den sie ausdrücklich erhält, weil sie eine Frau ist. Zum Alltag im Werk von Ulickaja vgl. auch Christine Daum, „Russische Autorinnen: Im Osten nichts Neues?“, in Emma, 5, September/ Oktober 2003, http://www.emma.de/artikel/russische- autorinnen-im-osten-nichts-neues-265373 [Stand: 10. Februar 2014]. BEGABTE SCHWINDLERINNEN. ÜBER DIE INSZENIERUNGEN DER LÜGE BEI L. ULICKAJA 197

Aufstiegsversuche von russischen Prostituierten in der Schweiz. In jedem Kapitel wird deutlich, dass dieses Leben ausgesprochen mühselig und von vielen Seiten durch die spezifisch sowjetischen bzw. postsowjetischen Bedingungen eingeschränkt ist. Die Lügengeschichten lassen sich als Ausflüchte aus den Grenzen dieses gesellschaftspolitisch beengten Alltags verstehen.27 Wie also werden diese einzelnen Lügengeschichten als Literatur inszeniert und vor allem rezipiert? Ungeachtet der genannten Entwicklung im Roman bleibt der Modus der Erzählung im Laufe des Geschehens konstant. Die heterodiegetische Erzählinstanz rückt ausgesprochen nah an das Erleben der Protagonistin heran. Shenja bildet durchgängig die intern fokalisierte Wahrnehmungs- und Rezeptionsperspektive. Hieraus ergibt sich, dass die Erzählstimme selbst die Figurengeschichten nicht bewertet oder über Lüge und Wahrheit entscheidet. Es finden sich stattdessen allgemeinere Begriffe wie Sprechen, Erzählen, Gespräch, Geschwätz, Bericht, Geplauder oder Unterhaltung.28 Die Klassifizierung als Lüge, Wahrheit, Schwindelei, Erfindung oder Erdichtung erfolgt also – während oder im Anschluss an die Figurenrede – einzig durch die Einschätzung der Zuhörerin.

Rezeption der Lügenepisoden

Im ersten Kapitel trifft Shenja in ihrem Urlaubsdomizil auf eine geheimnisvolle Engländerin, die ihr die Tragödie ihrer Mutterschaft erzählt. Eingeleitet wird sie mit der Bemerkung, dieses Geheimnis noch niemals zuvor erzählt und nun ausgerechnet Shenja zur Vertrauten auserkoren zu haben; also einer klassischen captatio benevolentiae.29 Ireen, verheiratet mit einem Mann, dessen Großvater in eine spektakuläre Spionagegeschichte involviert war, verliert in der tragischen Verkettung unglückseliger Umstände ihre ersten vier Kinder. Erst das fünfte schließlich überlebt die Jahre bis zu jenem Urlaubsabend, der die Erzählsituation abgibt. Die Handlung dieser Geschichte wird in ihrem unabänderlich auf die Katastrophe zusteuernden Verlauf – ganz wie ein tragisches Bühnenstück – mehrfach durch retardierende Momente durchbrochen. Shenja rezipiert sie denn in der Tat

27 Vgl. hierzu auch Christa Ebert, „‚Die Glücklichen’. Familie als Gemeinschaftsutopie in der Prosa von Ljudmila Ulitzkaja“, in dies./ Brigitte Sändig (Hrsg.), Ideen und Bilder von Gemeinschaftlichkeit in Ost und West, Frankfurt a. M. [u. a.], Lang, 2008, S. 143-157. Ebert gelangt – allerdings auf andere Werke Ulickajas bezogen – zu dem Schluss, die Texte seien „Gegenerzählungen zum offiziellen sowjetischen Geschichtsnarrativ“ (ibid., S. 156). 28 Vgl. O. N. Čistjakova, „Lož’ kak kommunikativnaja strategija jazykovoj ličnosti (po povesti L. Ulickoj ‚Skvoznaja linija‘ [Die Lüge als kommunikative Strategie der sprachlichen Persönlichkeit (anhand von L. Ulickajas Kurzroman ‚Skvoznaja linija‘)]“, in N. A Andramonova (Hrsg.), Russkaja i sopostavitel’naja filologija, Kazan’, Izdatel’stvo Kazanskogo Gosudarstvennogo universiteta, 2006, S. 293-297, bes. S. 292 f. Für die zahlreichen hilfreichen Hinweise zur russischen Sprache und zum slawistischen Gesamtkontext des Romans danke ich herzlich Marco Klüh. 29 Interessanterweise ist dieses Drama quasi mythologisch gerahmt: Ireen beginnt und endet mit der mysteriösen Prophezeiung durch eine Wahrsagerin: „Und du fängst mit dem fünften [Kind, C. S] an. Denk daran: mit dem fünften“ (LF 15). Auf dem Hintergrund dieses Fluches kann sich die Geschichte nur noch als Realisierung der vorhergesagten Katastrophe entspinnen. 198 CHRISTIANE SOLTE-GRESSER auch wie eine aristotelische Tragödie30: Sie leidet mit den Figuren und lässt sich von der betörenden Schönheit der Tochter Diana berauschen. Sie schauert und erbebt angesichts der schrecklichen Schicksalsschläge und ist beeindruckt von der Würde, mit der die Erzählerin diese erträgt.31 In diesem Zuhören liegt eine doppelte Bewegung: Einerseits entführt diese Geschichte, die in der Tat ein beachtliches eskapistisches Potenzial birgt, sie aus ihrem eigenen Leben, so dass sie dieses aus der Distanz heraus wahrnimmt32: „[Sie] genoss zugleich die […] kurzzeitige Freiheit von den ungelösten wichtigen – waren sie wirklich so wichtig? – Problemen ihres Lebens“ (LF 16).33 Andererseits versteht die Zuhörerin das Dargebotene fast ausschließlich im Hinblick auf das, was Norman N. Holland aus psychoanalytischer Rezeptionsperspektive als das eigene identity theme bezeichnet hat: eine identifikatorische Lektüre, derzufolge jeder Leser in einer fiktionalen Geschichte vor allem sein eigenes Lebensthema und die damit verbundenen existenziellen Fragen wiederfindet.34 Was auch immer sie hört, sie versteht und bewertet es in Relation zu ihrem problematischen Liebesleben, das sich wie ein roter Faden durch den Roman zieht.35 Wie sehr Shenja beim Zuhören der Macht des „als ob“ erlegen ist, macht die Auflösung des Kapitels deutlich: die Entlarvung der autobiographischen Erzählung als Lüge. Konstruiert ist diese durch die Ankunft eines neuen, mit Ireen befreundeten Pensionsgastes, der die „Gegengeschichte, die wahre“ erzählt (LF 33) wobei sich herausstellt, dass ausgerechnet das unwahrscheinlichste Detail, die verrückte Spionageaffäre, das einzig nicht Erlogene war. Die Lüge wird also durch eine− glaubwürdigere Figur identifiziert – so dass im Nachhinein auch die vielen Signale der Unzuverlässigkeit des Erzählten, wie Trunkenheit, Wahnsinn,

30 Vgl. Selaudoux, „Mensonges de femmes“, S. 24, die umgekehrt zeigt, dass sich die Sprechende als Heldin einer Tragödie inszeniert. 31 „Shenja hörte mit offenem Mund zu […] und wurde immer berauschter, nicht mehr vom Wein […], sondern weil sie so hingerissen und begeistert war“ (LF 9); „dieser potentielle wunderschöne Gesang erschütterte Shenja, und die schmerzhafte Bitterkeit dieser Geschichte brach nun doch in Tränenströmen aus ihr heraus“ (LF 21); „Shenja betrachtete sie mit stillem Neid: was für eine Biographie!“ (LF 18). Man könnte hier geradezu systematisch das Interaktionsmuster zwischen Figur/ Erzähler und Leser/ in übertragen, das Hans Robert Jauß für den Rezeptionsprozess entworfen hat: Er verläuft assoziativ, admirativ, sympathetisch, kathartisch und ironisch (vgl. Hans Robert Jauss, Ästhetische Erfahrung und literarische Hermeneutik, Frankfurt a. M., Suhrkamp, 1982, S. 252). 32 Beispielsweise, indem sie das Erzählte vor sich sieht „wie im Film“ (LF 21). 33 Vgl. auch LF 11. 34 Vgl. Norman Holland, The Dynamics of Literary Response, New York, Oxford University Press, 1968 und Five Readers Reading, New Haven, Yale University Press, 1975. Hervorzuheben wäre für den Zusammenhang unseres Romans u. a. der Hinweis auf den mündlichen Ursprung der zur Identifikation einladenden Geschichte und dass der Rezeptionsprozess umso intensiver verläuft, je mehr das Zuhören im Ruhezustand erfolgt. Mieke Bal (Narratology. Introduction to the Theory of Narrative, Toronto, University of Toronto Press, 1985, bes. S. 153-163) hat gezeigt, dass besonders die Fokalisierung auf eine bestimmte Figur und der Gebrauch der erlebten Rede den Identifikationsprozess in Gang setzen. 35 Diese Rezeptionshaltung ist übrigens ausdrücklich in einen intertextuellen Rahmen, nämlich ihre Lektüre von Anna Karenina, eingebettet: „[…] Shenja […] [las] ‚Anna Karenina’, um einige Ereignisse ihres zerbröckelnden Privatlebens zu vergleichen mit dem echten Drama einer richtigen Frau“ (LF 8); „[…] Shenja […] [konnte] sich nicht vom Schicksal der rothaarigen Engländerin losreißen, gegen das Anna Kareninas altmodischer Selbstmord verblasste und wirkte wie die Laune einer überdrehten feinen Dame“ (LF 31). BEGABTE SCHWINDLERINNEN. ÜBER DIE INSZENIERUNGEN DER LÜGE BEI L. ULICKAJA 199

Prahlerei ins Auge springen müssen. Die (Über-)Reaktion Shenjas kann nur als Antwort auf ihre identifikatorische Lektüre verstanden werden: Sie weint, bricht in hysterisches Lachen aus und untersucht des Nachts die „seelische Wunde“, die Ireens Lüge hinterlassen hat; einen „Phantomschmerz“ von „sinnlos verausgabtem Mitgefühl mit den nichtexistenten, genial erfundenen und unmenschlich getöteten Kindern“ (LF 34). Zugleich aber ist sie beschämt darüber, dass die Geschichte so gut funktioniert hat: „[…] sie […] fühlte [sich] wie ein dummes Kaninchen, das einem sinnlosen Experiment unterzogen worden war“ (LF 35). Festzuhalten bleibt: Die Empörung ist an keiner Stelle eine moralische; sie bezieht sich weniger auf einen etwaigen Vertrauensmissbrauch durch die Lügnerin, als vielmehr auf die gelungene Grenzüberschreitung zwischen Realität und Fiktion.36 Das zweite Romankapitel lässt sich nur auf der Folie des ersten verstehen – es ist dessen Wiederholung und Umkehrung zugleich: Wieder wird eine Feriensituation mit entfernten Bekannten beschrieben. Wieder ist die Protagonistin, eine Scheidung später, damit beschäftigt, „zu lesen und über ihr mißglücktes Liebesleben nachzudenken“ (LF 39, vgl. auch LF 42). Wieder wird eine Lügengeschichte erzählt, und wieder klärt eine hinzukommende Figur die Zuhörerin über deren Wahrheitsstatus auf. So verbringt die zehnjährige Nadja ihre Ferien damit, Shenja die aufregendsten Begebenheiten aus ihrem bisherigen Kinderleben zu erzählen. Diese sind in auffälliger Weise an Mustern des Kriminal- und Abenteuerromans oder der trivial-kitschigen Aufstiegsgeschichte orientiert: die naive Idealisierung ihres heldenhaften Bruders Jurotschka, die Aufklärung eines Mordfalls mit anschließender Belohnung, die Auswahl zu einer Spanienreise für ein russisches Filmprojekt, in dem sie die Hauptrolle spielt, und schließlich gar die Landung eines Ufos, die Nadja als einzige beobachtet haben will. Shenja ist zunächst versucht, die Aufschneiderei zu unterbinden, schiebt ihre moralischen Bedenken aber in dem Moment zur Seite, in dem sie sich entscheidet, das Erzählte wie eine unterhaltsame Ferienlektüre zu rezipieren. Sie spielten Schafskopf ‚um eine Geschichte’ […]. Wer verlor, mußte eine Geschichte erzählen – lustig, gruselig, komisch, je nach Wunsch der anderen. Nadja schwadronierte gerade, phantasievoll, und ohne die geringste Glaubwürdigkeit, wie sie letzten Sommer zu Filmaufnahmen in Spanien war, ein Pferd bekam, das zuvor bei Stierkämpfen aufgetreten, aber wegen nervlicher Zerrüttung zum Filmstudio versetzt worden war. (LF 43) Die Abenteuererzählungen des Mädchens funktionieren also wie die Geschichten von Scheherazade: Das Mädchen darf so lange am Urlaubsort verweilen, wie sie die Gastgeberin zu unterhalten weiß. Indem sie die Zuhörerin vortrefflich bei Laune hält, wird eine ethisch-moralische Entscheidung über Lüge oder Wahrheit hinfällig.37 Shenjas Haltung als Zuhörerin erklärt sich aus einem ganz bestimmten

36 Diese besitzt eine so nachhaltige Wirkung, dass Shenja auch wider besseres Wissen die „geniale Erfindung“ noch Wochen später mit der Wirklichkeit verwechselt: „Doch hin und wieder durchzuckte es Shenja: Ireen! Warum hatte sie sie [ihre Kinder, C. S.] alle getötet?“ (LF 36). 37 Dies schließt allerdings nicht eine geschlechtsspezifische Reflexion über das Lügen von Mädchen und Jungen aus: „Verblüffend […]. Jungen schwindeln doch auch. Aber immer zu einem bestimmten Zweck: um einer Strafe zu entgehen, um eine Untat zu verheimlichen.“ (LF 45). 200 CHRISTIANE SOLTE-GRESSER

Erwartungshorizont.38 Nicht nur die Erinnerung an Ireens Mutterschaftstragödie, auch ihre umfassenden Lektüreerfahrungen als promovierte Literaturwissenschaftlerin bieten ihr die Möglichkeit, das Gehörte vergleichend einzuschätzen und als größenwahnsinnige Phantasien zu erkennen. Beides, lebensweltliche und literarische Muster, liefern also die Folie für die Rezeption der Erzählungen. Dies macht Shenja zur perfekten Geschichtenadressatin: Sie beurteilt das Gehörte nun nicht mehr nach der Überprüfbarkeit des Inhalts, sondern nach der Originalität der Darbietung: [Nadja] schwindelte […] doch sehr amüsant und irgendwie außergewöhnlich. (LF 44) Shenjas Gereiztheit klang [durch die kunstvollen Erzählungen] ab, sie lachte. (LF 40) Shenja staunte nur, wie begabt die kleine Schwindlerin war. (LF 45) Die Pointe dieses Kapitels besteht nun freilich darin, dass sich nach einer Befragung der Mutter sämtliche Erlebnisse des Mädchens als wahr erweisen. Einzig und allein das, was Shenja – und wir Leser – als wirklich angenommen hatten, die Existenz des famosen großen Bruders, war eine Schwindelei, mit der sich das Kind aus seiner Einsamkeit herausgelogen hat. Das Kapitel „Ende der Geschichte“ ist vor allem aufgrund seiner Auflösung interessant. Hier stilisiert sich eine Dreizehnjährige lolitahaft zur Geliebten ihres Onkels – bezeichnenderweise trifft sie sich mit ihm stets, indem sie „eine Doppelstunde Literatur“ schwänzt (LF 57). Hatte Shenja im Kapitel zuvor durch ihre ästhetische Haltung die Intention unterdrückt, ein Lügen zu verbieten, das gar keines war, versucht sie hier umgekehrt, eine moralische Haltung einzunehmen und eine Handlung zu beeinflussen, die sich schließlich als erfunden herausstellt. Allerdings wirkt diese Fiktion durchaus auf die Wirklichkeit ein – oder zumindest auf die Wahrnehmung dieser Wirklichkeit durch die Rezipientin: Die äußerlichen Veränderungen des Mädchens führt sie auf Liebeserfahrungen zurück, die rein fiktiv sind (LF 58). Moralisch entrüstet, sucht sie das direkte Gespräch mit dem Onkel. Dieser scheint die skandalösen Vorwürfe zunächst zu bestätigen. Doch nach und nach wird Shenja – und zugleich dem Leser – klar, dass das Gegenüber von einer anderen Liebesgeschichte erzählt. Die Affäre des Mädchens entpuppt sich damit rückblickend als pubertäre Phantasie. Unterhaltsam sind diese Passagen deshalb, weil der Prozess des ‚Lese’-Verstehens schrittweise vor Augen geführt wird.39 Shenja ordnet die Rede des Onkels vor einem ganz bestimmten Erwartungshorizont ein, der die Rezeption lenkt. „Arkadi ist aufrichtig erstaunt. Er markiert den Ahnungslosen“ (LF 63). Vor allem aber füllt sie die Unbestimmtheitsstellen seiner Erzählung mit ihrem eigenen Wissen.40 Sie stellt Analogien her und zieht Schlussfolgerungen („Das dritte Jahr? Er hat sich also mit einer Zehnjährigen eingelassen? Und redet darüber so alltäglich… “, LF 63), so dass sich ein grotesker dialogue de sourds

38 Vgl. Hans Robert Jauss, Literaturgeschichte als Provokation, Frankfurt a. M., Suhrkamp, 1970, S. 144-207, v. a. S. 177-194. 39 „Da begreift Shenja, daß alles nicht so einfach ist, daß hinter diesen Worten mehr steht, als sie weiß. Arkadi wirkt teils schuldbewußt, teils aber auch leidend.“ (LF 62). 40 Vgl. hierzu Wolfgang Isers Theorie der Leerstellen im literarischen Text in: Der Akt des Lesens. Theorie ästhetischer Wirkung, Frankfurt a. M., Suhrkamp, 1976 und Wolfgang Iser, Die Appellstruktur der Texte. Unbestimmtheit als Wirkungsbedingung literarischer Prosa, Konstanz, Universitätsverlag, 1970. BEGABTE SCHWINDLERINNEN. ÜBER DIE INSZENIERUNGEN DER LÜGE BEI L. ULICKAJA 201 entspinnt. Dieser führt geradezu mustergültig vor Augen, wie eine Geschichte organisiert ist. Sie basiert stets auf Selektionen, funktioniert als Appell und ist damit auf einen Rezipienten angewiesen, der die Leerstellen schließt, z. B. indem er kausale Verknüpfungen herstellt. So entstehen in diesem Kapitel durch das aktive Zuhören der Protagonistin drei verschiedene, gleichermaßen kohärent erzählte Liebesgeschichten: eine erlogene, eine missverstandene und eine wahre. Das vierte Kapitel verlegt die Rezeptionsproblematik noch sehr viel offensichtlicher in die Diegese selbst hinein; insofern nämlich, als es hier tatsächlich um Literaturwissenschaft geht. Eine Literaturprofessorin im Ruhestand bringt einer bildungsfernen, aber literaturhungrigen jungen Studentin die russische Lyrik näher. Hierbei vermischen sich die Grenzen zwischen dem (Re-)Zitieren fremder Texte und ihren eigenen Worten zusehends. Ob die naive Mascha nun aus reinem Wunschdenken der bewunderten Professorin die Urheberschaft der fremden Gedichte zuschreibt oder ob diese deren Unerfahrenheit ausnützt und selbst sich als Lyrikerin und Urheberin der Gedichte ausgibt, bleibt aufgrund der geringen Distanz zwischen Erzählstimme und Figurenwahrnehmung in der Schwebe: „Nach und nach stellte sich heraus, daß auch Anna Weniaminowna selbst eine Dichterin war.“ (LF 69). Auf einer Meta-Ebene aber setzen sich beide Gesprächspartnerinnen eindeutig mit diesem Problem auseinander. Mascha erhält von der alten Frau eine Art Privat- Vorlesung über Autorschaft und Intertextualität, der sie entnimmt „daß der modische Autor nicht vom Mond gefallen war, daß er Vorläufer gehabt hatte, von denen sie nichts ahnte, und daß überhaupt jedes Buch sich auf etwas stützte, das zuvor schon gesagt und geschrieben worden war“ (LF 70). Als nun die Professorin stirbt, beginnt Macha während der Totenfeier, die „nie veröffentlicht[en]“ Werke der „wunderbar[en] Dichterin“ vorzutragen (LF 76). Weil es sich aber um Texte handelt, die alle Anwesenden sofort als Lyrik von Vološin oder Cvetaeva identifizieren, verurteilen sie nicht die professorale Hochstaplerin, sondern diejenige, die dem Schwindel/Missverständnis aufgesessen ist.41 Literaturwissenschaftlich-professionelles Lesen verhindert hier gerade das Erkennen der Wahrheit: Alle Trauergäste sind sich aufgrund ihrer Lektüreerfahrungen und des Bildes, das sie sich von einer Professorin machen, sicher, „daß dieses Ingenieursmädchen mit dem groben Gesicht und den dicken Beinen eine Vollidiotin war, die Anna Weniaminowna falsch verstanden und ihr etwas angedichtet hatte, was der kultivierten Professorin nie in den Sinn gekommen wäre“ (LF 79, 80). In diesem Kapitel vermischen sich also ästhetische und moralisch-lebensweltliche Rezeption. Dies bewirkt, dass die Lüge schließlich einer Figur zugeschrieben wird, die ihr selbst durch naiv-bewunderndes Zuhören zum Opfer gefallen war.42

41 Zugleich wird hier die geradezu klassische Geschichte einer scheiternden Professorin erzählt; auch wenn dieses erst posthum und allein aus der Perspektive der Protagonistin erkennbar wird: Die Wissenschaft, mit der sich Anna Weniaminowna beschäftigt, ist aufs Engste verstrickt mit dem lebensweltlichen Problem, das sie zu Fall bringt – und dieser Fall kommt durch die narzisstische Kluft zwischen außen und innen, dem öffentlichen Ruf und der inneren Seelengröße, zustande. Vgl. hierzu: Christiane Solte-Gresser, „Der Sturz aus dem Elfenbeinturm. Komparatistische Begegnungen mit Professorenfiguren der Gegenwart“, in Comparatio. Zeitschrift für Vergleichende Literaturwissenschaft, 4/1, 2012, S. 25-52. 42 Shenja ist die einzige, die am Schluss versucht, sich eine bewusste Lüge seitens ihrer Doktormutter vorzustellen. Auch wenn sie letztlich keine eindeutige Motivation erkennen kann, so scheint mit ihren 202 CHRISTIANE SOLTE-GRESSER

Von der Literatur auf den Film übertragen wird die Lügen- und Rezeptionsproblematik schließlich im fünften Kapitel, dem merkwürdigsten des Romans. Hier stehen sich zwei verschiedene Zugänge bzw. Genres gegenüber, eine Lebensgeschichte zu erzählen: Der Dokumentarfilm und die Hollywood-Romanze. Verbunden werden sie über die Frage, wer auf welche Weise das Drehbuch verfasst. Shenja wird von einem dubiosen Regisseur beauftragt, in der Schweiz russische Prostituierte für das Fernsehen zu interviewen. Was der Filmemacher sucht, ist ebenso eindeutig wie hoffnungslos: „ich brauche […] die Geschichte jedes einzelnen Mädchens. Die wahre Geschichte.“ (LF 84) Das Irritierende dieser Episode entsteht durch die zahllosen Unzuverlässigkeits-Signale.43 Das einzig Verlässliche scheinen die Daten und Fakten zu sein, welche die Interviewpartnerinnen preisgeben. Je mehr die Protagonistin jedoch an solchen Lebensgeschichten zusammen trägt, desto deutlicher kristallisiert sich ein übergeordnetes Muster heraus, an dem sich sämtliche Lebensentwürfe orientieren. Glaubt man als Leserin zunächst noch an merkwürdige Analogien und zufällige Übereinstimmungen, so werden die Erzählungen zunehmend schablonenhaft. Alle Frauen konstruieren ihre Geschichte nach einer Art Meta-Skript44, aus dem Shenja schließlich „eine typische Struktur heraus[filtert]“ (LF 102). Sie begegnet stets dem Aufstiegsmärchen vom ehemals wohlbehüteten und dann durch den Stiefvater in die Prostitution getriebenen Mädchen, das nach zahlreichen tragischen Verstrickungen schließlich einen reichen Schweizer Banker heiratet. Dies veranlasst den Regisseur letztlich dazu, den „Dokumentarquatsch“ aufzugeben und stattdessen einen Spielfilm zu drehen – „eine Art russische Lolita“, „das ist genial! Oscarreif! Mit Nathalie Portman in der Hauptrolle! [...] das wird wie Dostojewski!“ (LF 104). Der lügnerische Selbstbetrug in diesem Kapitel spielt sich auf mehreren Ebenen ab. Nicht nur verkennt der Regisseur, dass sein Spielfilmprojekt keineswegs genial ist, sondern zwölf Jahre nach Pretty Woman abgedroschener kaum sein könnte. Das Beklemmende ist, dass vor allem auch die erzählenden Frauen selbst an die Originalität ihres Lebensentwurfs glauben. Wie Emma Bovary ihr Leben auf der Grundlage identifikatorischer Lektüren nach literarischem Vorbild entworfen und ihr eigenes Gefühlsleben am Muster des Ritterromans oder der romantischen Liebesgeschichte ausgerichtet hatte45, so wird hier die „Stadtromanze“, das

Überlegungen das Verlangen auf, das Vargas Llosa Produzenten wie Rezipienten von Geschichten zugeschrieben hatte: Um mit einer Lügengeschichte das eigene Leben fiktiv zu erweitern und wenigstens ein Mal wie ein „große[r] Dichter“ oder ein „nichtige[r] Schreiberling“ „ in den willigen, einfältigen Herzen seiner Zuhörer Emotionen […] [zu] weck[en]“ (LF 80), braucht es jedoch genau solche gutwilligen, empathischen und literaturaffinen Zuhörerinnen wie Shenja und Mascha es sind. 43 Shenja kommt sich auf ihrer Reise vor wie im Traum, ihre Wahrnehmung ist durch Alkoholkonsum massiv eingeschränkt, sie erlebt das Geschehen wie einen Film und der Regisseur verhält sich auf rätselhafte, undurchsichtige Weise. 44 Im Text ist auch von „Roman“ oder „Märchen“ die Rede, vgl. LF 95 und 98. 45 Bereits pointiert beleuchtet von Jules de Gauthier, Le Bovarysme. La psychologie dans l’œuvre de Flaubert, Charleston, SC, Nabu Press, 2000. Vgl. mit methodisch überzeugenderem Ansatz Claudia Jünke, Die Polyphonie der Diskurse. Formen narrativer Sprach- und Bewusstseinskritik in Flauberts Madame Bovary und L’Éducation sentimentale, Würzburg, Königshausen und Neumann, 2003. BEGABTE SCHWINDLERINNEN. ÜBER DIE INSZENIERUNGEN DER LÜGE BEI L. ULICKAJA 203

„Melodram für Arme“ (LF 109), zur Authentizität beanspruchenden (Auto-) Biographie.46 Aber die Erzählerinnen schreiben auch selbst an diesem Skript weiter. Sie tragen ihre Geschichte etwa höchst unterschiedlich vor oder bewerten sie vollkommen gegensätzlich, ohne den plot zu verändern.47 Damit zeigt sich zweierlei: Discours und narration machen diese, wie jede Geschichte erst zu dem, was sie ist. Und die Grenzen zwischen Fiktion und Realität werden hier ein weiteres Mal unscharf. Die Dichotomie zwischen Wahrheit und Lüge greift somit auch für dieses Kapitel zu kurz.

Fazit: Lügenhaftes Leben?

Das Schlusskapitel des Romans ist nicht nur das längste, es fällt auch in anderer Hinsicht aus dem Rahmen. Lügen im klassischen Sinne werden hier keine erzählt. Über den Begriff bzw. den Vorwurf der Lüge wird jedoch durchaus die Differenz zwischen wahrhaftiger und unaufrichtiger Lebenserzählung ausgelotet. Es geht um den Unterschied zwischen unpersönlicher Rede im Namen allgemeiner Werte und Normen und einer Rede, für die die Sprecherin mit ihrer ganzen Person einsteht, der sie also innerhalb ihrer eigenen Lebenswirklichkeit Glaubwürdigkeit verleiht. Der Lügenvorwurf erfährt damit eine gewissermaßen existenzialistische Wendung. Ihm kommt die ethische Funktion zu, die Kluft zwischen theoretischem Sprechen und praktischem Handeln zu befragen. Literatur spielt hier nur noch am Rande eine Rolle.48 Nach einem dramatischen Auto-Unfall versuchen Verwandte und Freunde, die dahinsiechende Protagonistin ins Leben zurück zu holen. Jedoch weder wissenschaftlich-rationale noch religiöse, metaphysische grands récits können Shenja erreichen; allein für den Lügenvorwurf einer Freundin ist sie empfänglich. Dieser Vorwurf impliziert die Aufforderung, Shenja möge ihre früher geäußerten Ansichten und Überzeugungen nicht Lügen strafen. Erzählte doch die erste Hälfte des Kapitels49 von den unzähligen Bemühungen der Protagonistin, die Freundin nach deren Schlaganfall zum Weiterleben zu

46 Zur rezeptionstheoretischen Differenzierung in triviale und literarisch-ästhetische Texte vgl. die (empirische) Studie von Katrin Trepte, Zwei Leserinnen lesen. Studien zur Identifikation bei der Literaturrezeption, Norderstedt, Books on Demand, 2004, v. a. S. 32-38. Die Frage nach Gemeinsamkeiten und Unterschieden der Rezeption zwischen professionellen und nicht professionellen Leserinnen ist Gegenstand der Studie von Martin Sexl, Sophokles, Shakespeare und Tolstoi im Krankenhaus. Krankenpflegerinnen lesen literarische Texte, Wien/ Innsbruck, Studienverlag, 2006. 47 So wird beispielsweise der vermeintliche Aufstieg von Ljuda, der Heldenfigur aller anderen Prosituierten, von dieser selbst als gnadenloses Scheitern erzählt (LF 108 und 109). 48 Shenja hat einen Verlag gegründet und ist auf dem Weg zur Frankfurter Buchmesse, als sich der Autounfall ereignet, bei dem sie fast ums Leben kommt. Was sie bis zum Zeitpunkt des Unfalls notgedrungen rezipiert hatte, waren die nervtötenden Geschichten ihrer aufdringlichen Freundin. Diese sind zwar von der inzwischen mehrfachen Großmutter Shenja aufgrund ihrer früheren Erfahrungen immer auch dem prinzipiellen Lügenverdacht ausgesetzt. „Ein vager Verdacht durchzuckte Shenja – sie hatte schon einmal eine Geschichte von toten Kindern gehört“ (LF 117). An keiner Stelle jedoch findet sich eine Bestätigung dafür. 49 Auch dieser letzte Teil ist also erzähltechnisch durch die Gleichzeitigkeit von Wiederholung und Umkehrung strukturiert. 204 CHRISTIANE SOLTE-GRESSER motivieren. Shenjas unermüdlich geäußerte Devise, den Mut nicht zu verlieren oder sich Mühe zu geben, erweist sich aus der Perspektive des Gegenübers rückblickend als unaufrichtig: Der Vorwurf, die Worte seien womöglich nur dahin gesagt worden, nicht ernst gemeint und vor allem nur für andere, nicht aber für Shenja selbst gültig, betrifft die Kluft zwischen einem scheinheilig geäußertem Lebensoptimismus und tatsächlicher Lebensmüdigkeit: „Das heißt also, du hast mir was vorgemacht, ja? […] Das war also nur Schwindel, als Du gesagt hast, ich muß wieder aufstehen, muß meinen Arm trainieren, alles neu lernen? […] du bist eine Lügnerin und Verräterin!“ (LF 151). Damit erweist sich die weibliche Lüge zum Ende des Romans hin, entgegen der Behauptung Ulickajas im Vorwort, doch als strategisch: Sie wird von einer Figur bewusst eingesetzt, um das Verhältnis von Lüge, Wahrheit und Erzählung auf das Verhältnis von Lebensmotto und Lebenspraxis zu überführen, dem einzigen Bereich, in dem ethische und moralische Kategorien Sinn machen. Man mag den Schluss naiv oder pathetisch finden: Es ist jedenfalls die Einsicht in die Verlogenheit der eigenen Rede, die Shenja schließlich dazu bringt, sich dem wirklichen Leben in all seiner Verlogenheit zu stellen. Versteht man den Originaltitel des Romans Durchgehende [durchgezogene] Linie als eine poetologische Aussage zur Erzählstruktur des Textes, versucht man also eine Verbindung zu ziehen von den ersten Lügengeschichten bis zur letzten, so ergäbe sich in der Tat eine Linie: Die Rezeptionshaltung der Protagonistin verläuft vom identifikatorischen über das moralische, das literaturwissenschaftliche und das journalistische Lesen bis hin zum bewussten Um- oder Weiterschreiben der eigenen Lebensgeschichte. Auf die Produktion der Lüge übertragen, entsteht damit eine Linie von der zwecklosen, rein auf Dramatik und Unterhaltung angelegten – der gewissermaßen literarischen – Lüge über die Verzweiflungslüge, die ein Leben in Gewalt und Erniedrigung mit einer happy ending story überschreibt, bis hin zur Lüge als ethischem Apell50, als Überlebensstrategie51: Wahrheit wäre dann nicht die Abwesenheit von Lüge im Sinne einer faktischen Überprüfbarkeit des Gesagten, sondern die Ernsthaftigkeit, mit der in der alltäglichen Lebenspraxis versucht wird zu realisieren, was als reine Theorie oder Behauptung lügenhaft ist.52 Um abschließend auf Adornos Diktum zurückzukommen: Ist das Lügen in Ulickajas Roman eine Kunst? Auf jeden Fall bannt es für die Erzählenden einen Moment lang die schwer erträgliche Wirklichkeit in eine Geschichte – und

50 Hier scheint sich also das Ethische der Lüge in der Literatur mit dem ethischen Potenzial der Lüge als Literatur zu verbinden, das Doren Wohlleben systematisch in Poetikvorlesungen deutschsprachiger Dichter ausschreitet, vgl. Wohlleben, Schwindel der Wahrheit, u. a. S. 17f. 51 Vgl. hierzu Harmut Eggert und Ursula Kocher über das letzte Kapitel des Romans, das „bescheinigt, wie nötig Lügen oftmals sind, um mit dem Leben fertig zu werden“. Die „Lügen der Frauen“, so die Schlussfolgerung, „verändern die Wirklichkeit und alle Menschen, die an ihnen teilhaben, nicht nur die Lügner selbst“ („Überlegungen zur Aktualität der ‚Lügenforschung’ und zu einer historischen Ästhetik der Lüge“, in Hartmut Eggert/ Janusz Golec, Lügen und ihre Widersacher. Literarische Ästhetik der Lüge seit dem 18. Jahrhundert, Würzburg, Königshausen und Neumann, 2004, S. 14 und 15). 52 Zur institutionell gewordenen Lüge als spezifisch moderne Lebenserfahrung vgl. das Kapitel „Die Lüge als Gegenwahrheit“ über Franz Kafka, Karl Kraus und Hannah Arendt von Dietzsch, Kleine Kulturgeschichte der Lüge, S. 108-125. BEGABTE SCHWINDLERINNEN. ÜBER DIE INSZENIERUNGEN DER LÜGE BEI L. ULICKAJA 205

Shenja lässt sich davon zweifellos in ihren Bann ziehen. Verzaubert wird sie durch solche Geschichten nicht zuletzt deshalb, weil das Erzählen dazu dient, die eigene Lebenswirklichkeit ein Stück weit auf Distanz zu bringen. Diese Wirkung der Literatur funktioniert aber nur, weil beide Seiten – zumindest implizit – darin übereinkommen, dass die Realität verlogen ist und daher der Transformation durch eine Fiktion bedarf.53

53 In diesem Sinne ist auch Ulickajas Äußerung zu verstehen: „Ce livre sur le mensonge est de tous ceux que j’ai écrits, celui qui contient le plus de vérité“, zit. nach Selaudoux, „Mensonges de femmes“, S. 25.

Thomas der Lügner – und seine Geistesmenschen. Vom Lebenswerk als Lebenslüge Paola BOZZI Università degli Studi di Milano

Die Lebenslüge, die ist das stimulierende Prinzip H. J. Ibsen

In seinen autobiografischen Jugenderinnerungen erzählt Thomas Bernhard gnadenlos von der Schande seiner unehelichen Geburt und vom Verstoß durch die Mutter, die ihn als infamen Lügner bezeichnete.1 Er fügt hinzu, er „habe zeitlebens immer die Wahrheit sagen wollen“, auch wenn er inzwischen wisse, „es war gelogen“ (KE 33). Denn der Wille zur Wahrheit führe, so Bernhard, unausweichlich zu ihrer Verfälschung (KE 42f.). Gerade dieses Spannungsfeld zwischen Wahrheit und Lüge prägt das ganze Œuvre des Autors. In seinem Mittelpunkt steht ein bestimmter Typus, eine literarische Figur, deren Selbstverständnis und Identität weitgehend auf den ‚Geist’ reduziert ist. Der Geistesmensch ist Vertreter der Theorie, dass menschliche Größe und Werthaftigkeit nur dem Einzelnen zukomme in Opposition zum überwiegenden Teil der Durchschnittsmenschen; er ist dabei jener „Wahrheitsfanatiker“ (K 15) bzw. „Störenfried“ (K 124), der der Welt Wahrheiten verkündet, die sie nicht hören will – eine Definition, die durchaus auf das Selbstverständnis des Autors verweist. Zu seinen Existenzialien gehört weiterhin eine gewisse Affinitität zur Krankheit. Während diese für den Massenmenschen eine Beeinträchtigung des Lebens ist, stellt sie für den Geistesmenschen eine fast schon prophetische Steigerung dar: „Der Kranke ist der Hellsichtigste, keinem anderen ist das Weltbild klarer“ (AT 48). Der Geistesmensch definiert sich also durch die Abgrenzung von anderen: Sein Selbstbewusstsein ist das Bewusstsein, anders (besser) zu sein, das Grundmotiv all seiner Bestrebungen ein tief verwurzeltes Bedürfnis

1 Thomas Bernhard, Ein Kind, Frankfurt a. M., Suhrkamp, 1982 (K), S. 27; im Folgenden werden die Texte Bernhards direkt im Text mit der entsprechenden Abkürzung und Seitenangabe zitiert: Der Keller. Eine Entziehung, Salzburg, Residenz, 1976 (KE); Korrektur [1975], Frankfurt a. M., Suhrkamp, 1988 (KO); Das Kalkwerk [1970], Frankfurt a. M., Suhrkamp, 1971 (KA); Auslöschung. Ein Zerfall, Frankfurt a. M., Suhrkamp, 1986 (A); Beton, Frankfurt a. M., Suhrkamp, 1982 (BET); Der Atem. Eine Entscheidung, Salzburg/ Wien, Residenz, 1978 (AT). 208 PAOLA BOZZI nach Unverwechselbarkeit und Anerkennung als Individuum. Rigoros verfolgt er deshalb den Entwurf einer radikal geistigen Existenz, die auf die Emanzipation von der als „Marter“ empfundenen Herkunft (KO 272) bzw. einer vorgegebenen Welt voller Fremdheit und Unverständnis einerseits, auf totale Erkenntnis und Wahrheit andererseits zielt. So setzt er sich nicht nur von diesem Territorium ab, sondern erschafft sich im gleichen Zuge eine eigene ‚Lebens-Welt’ (KO 237-239). Ausnahmslos Männer unterstellen in Bernhards Texten ihre gesamte Existenz einer lebenslangen, fruchtlos bleibenden künstlerisch-intellektuellen Arbeit, die alle Kräfte des Individuums fordert. Sie stellen all jene Eigenschaften unter Beweis, die gemeinhin als Voraussetzungen des Gelingens angesehen werden: Ausdauer, Disziplin, Selbstlosigkeit, Mut.2 Bernhards Figuren beschäftigen sich meist privat mit Studien und Experimenten. Sie machen sich eine Unmenge von Notizen (KO 7) und ziehen sich für ihre „poetisch-wissenschaftliche Faszination“ (V 47) in die „Einsamkeitszelle“3 eines „Arbeitskerkers“ (KA 33) bzw. einer „Denkkammer“ (KO 23) zurück. Die solipsistische Abkehr von der sinnlichen und sozialen Wirklichkeit, die Weltlosigkeit einer verkopften Existenz wird oft bei Bernhard als freiwillige Einkerkerung in eine symbolische Örtlichkeit, einen locus intellectualis verdeutlicht. Exemplarisch petrifiziert das Kalkwerk im gleichnamigen Roman jene Gegebenheiten, die der Geistesmensch Konrad unabdingbar für seine Arbeit zu brauchen vorgibt und deshalb durch zusätzliche bauliche Maßnahmen und künstliche Überformung noch verstärkt. Wo die Gesellschaft gleichbedeutend ist mit Materialismus, Dummheit und sinnlichem Exzess, soll eine solche Enklave die Herrschaft des Geistes, Askese, (Selbst)Zucht und Disziplin bezeichnen. Denn Bernhards Geistesmenschen lehnen es ab, das ihnen leicht Erreichbare überhaupt realisieren zu wollen und ringen um Großes, das den Lebenssinn setzt, um das Lebenswerk. Dabei werden die höchsten Ansprüche als Bedingungen gestellt, was den Anschein eines Geniekonzepts4 erweckt (KA 61). So visiert der Protagonist von Auslöschung lebenslang ein „Buch über alle Wahrnehmungen“, ein Buch „über Alles“ und „über das ganze Mögliche“ (A 55) an, das dem totalen Geistesprodukt gleicht. Die Konzentration auf Wissenschaft und Kunst soll sich meist in der Form

2 So untersucht Willi Huntemann Bernhard und Beckett im Hinblick auf ihre Zugehörigkeit zur Moderne resp. Postmoderne; vgl. seinen Aufsatz „Treue zum Scheitern. Bernhard, Beckett und die Postmoderne“, in Heinz Ludwig Arnold (Hrsg.), Thomas Bernhard, München, Edition Text [und] Kritik, 1982, S. 42-74. 3 Vgl. Jens Tismar, Gestörte Idyllen. Eine Studie zur Problematik der idyllischen Wunschvorstellungen am Beispiel von Jean Paul, Adalbert Stifter, Robert Walser und Thomas Bernhard, München, Hanser, 1973 [zugl.: Berlin, Diss., 1972], S. 106. 4 Insbesondere der Begriff des ‚Genies’ bildete ein wesentliches Schlagwort des Nietzsche-Kults, der ab Mitte der 80er Jahre des 19. Jahrhunderts einsetzte und den Philosophen zum Propagator von Männlichkeit machte. Den Wunsch nach einer ‚männlichen’ Erneuerung der Kultur hatte Friedrich Nietzsche bereits in der Geburt der Tragödie (1872) formuliert (vgl. Kritische Studienausgabe, hrsg. von Giorgio Colli und Mazzino Montinari, München, Dt. Taschenbuch-Verl., 1988, S. 526; vgl. dazu auch Urte Helduser, Geschlechterprogramme. Konzepte der literarischen Moderne um 1900, Köln/ Weimar/ Wien, Böhlau, 2005, S. 88-90); in den 1886 unter dem Titel Jenseits von Gut und Böse erschienenen Aphorismen beklagte Nietzsche weiterhin eine übersteigerte Idealisierung des Weiblichen, die „Entmännlichung der Kunst“ (Kritische Studienausgabe, S. 52). THOMAS DER LÜGNER – UND SEINE GEISTESMENSCHEN 209 eines Werks bzw. einer Studie konkretisieren5, welche der Autor oft und unablässig als Thema in seinen Texten aufnimmt. Nicht nur Das Kalkwerk und Korrektur, sondern auch Frost, Amras, Verstörung, Watten und Gehen6, d.h. fast alle großen Prosawerke in der frühen Phase Bernhards, behandeln die Problematik der Studie, die er auch in den späteren Werken Ja, Die Billigesser, Beton, Der Untergeher7 und zuletzt Auslöschung fortsetzt. Denn Schreiben ist sowohl privilegierter Ort der Transgression des Selbst, als auch der Konstituierung und Selbstvergewisserung. Es erhält die Funktion einer techne, einer Gestaltungstechnik, die dem Schreibenden verspricht, zu sich selbst zu kommen oder aber das als Begrenzung empfundene sich selbst zu überwinden – kurz: Es fungiert als Selbst- oder Subjekttechnologie im Sinne Foucaults.8 Bei Bernhard geht es aber dabei immer um sehr ungefähre Projekte, über deren Thema und Aufbau der Leser nichts erfährt. In Beton unterstreichen die große Anzahl der bereits geplanten Schriften und die Verschiedenheit ihrer Themen, dass für den Geistesmenschen Rudolf die Wahl des jeweiligen Gegenstandes nur eine relative Bedeutung haben kann. Bevor er sich seinem „Lieblingskomponisten“ Mendelssohn Bartholdy widmet, will er bereits eine Vielzahl wissenschaftlicher Arbeiten verfassen: eine „Skizze Über Schönberg“ (BET 13), eine Arbeit zu „Jenufa“, eine zu „Moses und Aaron“, eine „Schrift Über Rubinstein“, eine „Arbeit über Die Six“ (BET 14), eine Schrift über „Michael Haydn“ (BET 18), eine über „Reger“ (BET 48), eine andere über „Bach“ (BET 70) und sogar eine über „Nietzsche“ (BET 49). Diese Studien fungieren (fast) ausschließlich als Chiffren des Topos ‚Lebenswerk’ und verweisen auf eine Obsession des männlichen Subjekts, die keine Aussicht auf Erfüllung hat: Sie gerinnen nicht in Sprache und bleiben im Kopf (KA 71)9, befinden sich also im Stadium des rein Gedanklichen, Uneindeutigen und Unendlichen. Schon der frühe Roman Frost aus dem Jahr 1963 widmet sich der Beobachtung eines Malers, der das Malen eingestellt hat, wobei der Text gerade den Akt des Nicht-Malens als einen künstlerischen Akt interpretiert. Die Fixierung des Malers Strauch auf die Schatten in seinem Kopf kündigt an, was die späteren Romanhelden Bernhards, allesamt Geistesmenschen, kennzeichnen wird. So stellt das nie verwirklichte Werk bzw. die scheiternde, nie begonnene, nicht zu Ende gebrachte10 oder nach Vollendung

5 In den 22 größeren zwischen 1963 und 1986 entstandenen Prosatexten Thomas Bernhards zählt Christoph Bartmann mehr als 11 „‚Studien’, an denen Figuren innerhalb fiktionaler Zusammenhänge arbeiten“. Von diesen kommt der allergrößte Teil nicht zustande; vgl. seinen Aufsatz „Vom Scheitern der Studien. Das Schriftmotiv in Bernhards Romanen“, in Heinz Ludwig Arnold, Thomas Bernhard, S. 22- 28, hier S. 22. 6 Thomas Bernhard, Frost, Frankfurt a. M., Insel-Verl., 1963; Amras, Frankfurt a. M., Insel-Verl., 1964; Verstörung, Frankfurt a. M., Insel-Verl., 1967; Watten. Ein Nachlaß, Frankfurt a. M., Suhrkamp, 1969; Gehen, Frankfurt a. M., Suhrkamp, 1971. 7 Thomas Bernhard, Ja, Frankfurt a. M., Suhrkamp, 1979; Die Billigesser, Frankfurt a. M., Suhrkamp, 1980; Der Untergeher, Frankfurt a. M., Suhrkamp, 1983. 8 Vgl. Sylvia Pritsch, Rhetorik des Subjektes. Zur textuellen Konstruktion des Subjekts in feministischen und anderen postmodernen Diskursen, Bielefeld, Transcript-Verl., 2008, S. 37. 9 Alexandra Pontzen sieht in dieser Situation keine Lebenslüge, sondern eine Analogie zu einer Schwangerschaft; vgl. ihre Monographie Künstler ohne Werk: Modelle negativer Produktionsästhetik in der Künstlerliteratur von Wackenroder bis Heiner Müller, Berlin, Schmidt, 2000 [Zugl.: Bonn, Univ., Diss., 1999], S. 333. 10 Man denke an die zum Lebensprojekt schlechthin erhobenen Künstlerbiographien in Beton, 210 PAOLA BOZZI durch „Korrektur der Korrektur der Korrektur der Korrektur“ (KO 361) zerstörte, verschwundene Studie (KO 178-180) nicht nur „das Motiv der Motive Bernhards“11, sondern durch ihre Abwesenheit das fehlende Zentrum seiner dezentrierten Texte dar und wird als Leerstelle zur suggestiv bildlosen Metapher einer Lebenslüge. Es geht bei Bernhard also nicht um ein Beispiel von „pedantischer Pseudowissenschaft“, wie Claudio Magris behauptet12, sondern vielmehr um ein Konstrukt, das das Dasein erträglicher machen soll, um eine Täuschung, aus der der Geistesmensch den Mut schöpft, weiterzuleben. Gerade als solche stellt die Studie für den Geistesmenschen den einzigen „Existenzzweck“ (KA 16) und das wahre Kunststück dar. Darauf, dass die Studie bei Bernhard „ausdrücklich mit dem Versuch der Selbstverwirklichung“13 in Zusammenhang gebracht wird, hat Manfred Mittermayer bereits aufmerksam gemacht. Auch Hartmut Reinhardt deutet das unentwegte Bemühen um die Studie als einen „Versuch des Subjekts [...], sich durch die Niederschrift ‚in einem einzigen Zuge’ der eigenen Identität zu versichern“14. Wo aber das Dasein von Wahrheitsfanatismus einerseits, von Lebenslüge andererseits beherrscht ist, stellt es sich als heikle Gratwanderung zwischen luzider Einsicht und tiefem Abgrund dar. Als Henrik J. Ibsen das Drama Vildanden im Jahr 1884 verfasste, brauchte er die Lebenslüge (livsløgn) nicht zu erfinden.15 Denn „[d]ie Lebenslüge ist ein Ausweg aus der im 19. Jahrhundert entstandenen Krise des Individuums“16, als der Glaube an einen Wert, der jedem Menschen per se zukommt, verloren ging. Damit ist gemeint, dass der Einzelne vor die Aufgabe gestellt wird, seinem Dasein einen allgemeinen anerkannten Wert und übergeordneten Sinn zu verleihen. Dies ist eine individuelle Aufgabe, d.h. jeder muss sie für sich selbst lösen, wobei jede erdenkliche Form von Anerkennung in Betracht zu ziehen ist. Die Anfänge dieser Krise reichen zurück ins späte 18. Jahrhundert, also in die Zeit der Aufklärung. Damals widmeten sich Denker und Autoren der Frage, ob das Selbst seinen Wert dadurch erhält, dass es sich von anderen unterscheidet oder dadurch, dass es mit der Ganzheit der Menschheit oder der Gesellschaft verschmilzt. So kommt zu den beiden Kategorien des Seins und des Habens im 19. Jahrhundert eine dritte hinzu bzw. sie gewinnt – sofern es sie vorher schon gab – an Bedeutung: die Kategorie des Machens. Das Machen im Sinne von Erschaffen ist eine ureigene Kategorie des menschlichen Befindens, das sich von den beiden anderen Grundkategorien fundamental unterscheidet. Denn es verweist

Wittgensteins Neffe (Eine Freundschaft, Frankfurt a. M., 1982) und Auslöschung, der Studien naturwissenschaftlich-philosophischer Art in Ja, Die Billigesser, Das Kalkwerk und Verstörung, des literarisch-autobiographischen Lebenswerks in Auslöschung. 11 Bartmann, „Vom Scheitern der Studien“, S. 24. 12 Claudio Magris, „Geometrie und Finsternis“, in Études Germaniques, 33, 1978, S. 282-297, hier S. 292. 13 Manfred Mittermayer, Thomas Bernhard, Stuttgart, Metzler, 1995, S. 63. 14 Hartmut Reinhardt, „Das kranke Subjekt. Überlegungen zur monologischen Reduktion bei Thomas Bernhard“, in Germanisch-Romanische-Monatsschrift, Neue Folge, Bd. 26, 1976, H. 3-4, S. 334-356, hier S. 347. 15 Doch hat er diesem Phänomen nicht nur einen Namen gegeben, sondern er hat es überhaupt erst sichtbar werden lassen. 16 Claude Feider, Beiträge zu einer Theorie der Lüge, Freiburg, HochschulVerlag, 1999, S. 7. In diesem Sinn ist die Untersuchung an Feiders Darstellung der Problematik angelehnt. THOMAS DER LÜGNER – UND SEINE GEISTESMENSCHEN 211 direkt auf die Person desjenigen, der etwas macht. Vor allem das Machen auf dem Gebiet der Kunst ist ein kreativer Prozess, der zur Entstehung eines einzigartigen, eines originellen Werks führt, womit jedoch nichts über die Qualität des Kunstwerks gesagt ist. Im letzten Viertel des 19. Jahrhunderts wird die neue Werteskala, an der die Bildungsbürger sich weitgehend orientieren, von Nietzsche so apodiktisch festgelegt, dass ein Abweichen davon fast dem Eingeständnis eines Versagens gleichkommt. So kristallisieren sich schließlich zwei entgegengesetzte Einstellungen zum Eigenwert des Individuums heraus: Einerseits das uneingeschränkte Recht des Einzelnen, sich auf Kosten der Masse zu profilieren, sofern er die innere Kraft und das nötige Durchsetzungsvermögen hat; andererseits eine vom christlichen Gedanken der Gleichheit vor Gott getragene Demut und Selbstbeschränkung – das ist die Alternative, die sich rund hundert Jahre nach der Französischen Revolution aus den an sich konträren Forderungen nach Gleichheit und Freiheit heraus ergibt. Vor allem innerhalb des Bildungsbürgertums gibt man sich nicht länger mit dem Heldenkult und der Verehrung ‚großer Männer’ zufrieden, sondern immer mehr Bildungsbürger haben offen oder insgeheim den Wunsch und das Bedürfnis, ebenfalls zur Elite zu gehören und ihrem Leben einen hohen Wert zu verleihen. Damit steigt aber auch die Zahl der Mitstreiter, und die Schwierigkeit, sich von anderen im positiven Sinne abzuheben, nimmt im gleichen Maße zu wie die Steigerung des Durchschnittswertes. Ein Leben, so scheint es, hat nur einen Sinn, wenn es der betreffenden Person gelingt, etwas zu tun, was sie von anderen unterscheidet. Die anderen bilden die Folie, von der sich der Einzelne abheben will. Sie sind die notwendige Matrix, das Dunkle, dessen Kontrast das Helle überhaupt erst sichtbar werden lässt. Wenn aber bereits im Hinblick auf das ausgehende 19. Jahrhundert von einer Hypertrophie des Geltungsbedürfnisses innerhalb des Bildungsbürgertums die Rede ist, so kann diese Bezeichnung zur Charakterisierung der Verhältnisse in den westlichen Ländern nach 1968 auf weite Teile der Bevölkerung ausgedehnt werden. Denn im gleichen Maße wie das allgemeine Bildungsniveau gestiegen ist, hat auch der Wunsch nach Anerkennung als Individuum zugenommen. Dabei spielt dieses Streben nach Sich-Vergleichen und Sich-Unterscheiden-Wollen eine viel größere Rolle in der Motivation des Machens auf geistigem Gebiet als es generell den Anschein hat und als viele es wahrhaben bzw. zugeben wollen. Obwohl die geistigen Anlagen vorhanden sein müssen, ist der Anspruch des Individuums auf Anerkennung nicht auf das Sein gegründet, auch nicht auf das Haben, sondern allein auf das Machen, auf die von ihm erbrachte intellektuelle Leistung. Dem Durchschnittsbildungsbürger bleiben so nur zwei Auswege: entweder schraubt er seine Ambitionen zurück und findet sich damit ab, ein Angehöriger des Mittelmaßes zu sein, so dass ihn, wenn er die Überlegenheit anderer nicht anerkennen will, nichts anderes übrig bleibt, als an die Gleichheit qua Gleichwertigkeit aller Menschen zu glauben, oder aber er baut sich eine Lebenslüge auf und das heißt, dass er – ohne erkennbaren Grund – von seiner eigenen Überlegenheit und Einzigartigkeit überzeugt ist. Im Unterschied zu einem Menschen, dessen Alltagsleben von seinem Wunschtraum streng getrennt ist, baut der Lebenslügner sein gegenwärtiges Leben auf einer falschen oder zumindest unrealistischen Vorstellung von der eigentlichen Bestimmung seines Lebens auf. Er 212 PAOLA BOZZI gestaltet sein Leben im Hinblick auf ein höheres Ziel, das er jedoch nie erreichen wird, weil er auch gar nicht erst den Versuch unternimmt, es zu erreichen. In diesem Sinne richtet der Geistesmensch bei Bernhard seine Lebensführung so aus, dass sie mit seiner Vorstellung von einer großen Lebensaufgabe nicht kollidiert. Die jeweils spezielle Zufluchtsstätte des einsam arbeitenden Geistesmenschen, das äußerlich zur Festung aufgerüstete und innen klösterlich karge Kalkwerk verkörpert zwar exemplarisch, wie explizit beabsichtigt, die Bedingung der Möglichkeit der Studie, erweist sich aber zugleich als Garant der Unmöglichkeit ihrer Niederschrift. Denn die äußere Ruhe führt bald zur inneren Unruhe, schlägt also um und erzielt die gegenteilige Wirkung (KA 94-95): Die Enklave entpuppt sich als Ort der Ohnmacht. Damit rückt im Text nicht das Werk bzw. die Schrift selbst, sondern die Reflexion über das Scheitern des Protagonisten an der Realisierung seiner künstlerisch- wissenschaftlichen Projekte ins thematische Zentrum. Der Geistesmensch ist darum bemüht, die Ursachen für das Scheitern auszumachen, kommt aber letztlich zu keinem zufriedenstellenden Ergebnis. Alle angeführten Erklärungen und Entschuldigungen für die Verhinderung der Niederschrift enthalten den Grundton des Zweifelhaften: kaum, dass die wirkliche Ursache gefunden zu sein scheint, wird sie im Zuge eines Rationalisierungsprozesses verkehrt, oder es wird sogleich eine nächste Erklärungsmöglichkeit ins Spiel gebracht. Der Geistesmensch (und damit auch der Leser) gerät dadurch in immer neue Verstrickungen und Widersprüche hinein. Als Lebenslügner verfügt er über hohe intellektuelle Fähigkeiten, andernfalls wäre er gar nicht in der Lage, den täglichen Kampf gegen Fakten und Einsichten erfolgreich zu bestehen: Ihre Anordnung und ihr vorgeblicher Zusammenhang ist hier Konstruktion. Der Mechanismus ist dabei immer derselbe: Das für die Studie unbedingt als erforderlich Postulierte wird zur gleichen Zeit für das Scheitern des Projekts verantwortlich gemacht: die Enklave bzw. die erzeugte Beziehungslosigkeit; die destruktiv einwirkende Masse bzw. die Gesellschaft; das ebenfalls mit potentieller Zerstörungewalt ausgestattete unmittelbare soziale Umfeld (BET 40); Kindheit und Erziehung; sogar die „sogenannte wunderbare Natur“, die als bedrohlicher Gegenpol „den Kopf absolut [schwäche]“ (KA 216); und alle Lebenstätigkeiten, auch Bücherlesen und Gedankendenken. Überhaupt „alles sei“, so der Geistesmensch Konrad im Kalkwerk, „gegen die Niederschrift“ (KA 48). Noch problematischer wirkt aber diejenige Ablenkung, die nicht von außen kommt, sondern vom Geistesmensch selbst hervorgerufen wird: „gleich was als Ablenkung sei ihm recht, alles sei ihm recht und nichts lächerlich und nichts minderwertig und unbedeutend und desavouierend genug, um sich abzulenken, um sich nicht mit der Niederschrift der Studie befassen zu müssen [...]“ (KA 126). Auf diese Weise versucht der Geistesmensch, sich für einige Augenblicke von seiner Lebenslüge zu befreien. Denn das Denken an die Niederschrift der Studie, um die er sich jahrzehntelang bemühte, ist mittlerweile „das Entsetzlichste“ (KA 126) geworden. Der Geistesmensch tut alles, um seinen Glauben an die höhere Bedeutung und Einzigartigkeit seines Lebens aufrechtzuerhalten, aber er tut nichts, um diesen Glauben zu rechtfertigen. Anstatt sich ernsthaft um die Beseitigung der äußeren Hindernisse zu bemühen, ist er darauf bedacht, es nie zu einer Entscheidung kommen zu lassen. Der hohe Wert seines Lebens besteht eigentlich nur der Möglichkeit THOMAS DER LÜGNER – UND SEINE GEISTESMENSCHEN 213 nach, es ist eine Art Versprechen, dessen Einlösung an diverse Bedingungen geknüpft ist, die jedoch nie erfüllt werden. Der für die Niederschrift geeignete Zeitpunkt bleibt aus (KA 72) und zwingt, die Geistesarbeit „durch bewußte oder unbewußte Verzögerungstaktik“ (KA 198) auf den „richtigen Zeitpunkt“ (BET 206) zu verlegen bzw. „Jahrzehnte lang vergeblich auf den idealen Moment“ (KA 269) zu warten, schließlich würden die Sprache und „[d]ie Wörter ruinieren, was man denkt“ (KA 147). Die Lebenshaltung und Existenzerfahrung des Geistesmenschen entspricht daher dem ständigen Aufschub: Er schiebt die Entscheidung darüber, ob er auf intellektuellem (künstlerisch-wissenschaftlichem) Gebiet tatsächlich etwas zu sagen hat oder ob er ewiger Dilettant bleiben wird, immer wieder hinaus. Er hat Angst zu entdecken, dass er nicht außerordentlich ist: An Rücksichtslosigkeit auch oder gerade gegen sich selber habe es ihm […] nicht gemangelt, aber das Wichtigste habe ihm gefehlt: Furchtlosigkeit vor Realisierung, vor Verwirklichung, Furchtlosigkeit einfach davor, seinen Kopf urplötzlich von einem Augenblick auf den andern auf das rücksichtsloseste um- und also die Studie auf das Papier zu kippen. (KA 210-211) So kann er sich der Illusion hingeben, die Apotheose seines Schaffens liege noch vor ihm, es bedürfe nur einer geringfügigen Willensanstrengung, zu der er ohne weiteres imstande wäre, um seine wahre Größe unter Beweis zu stellen. Sein Bild von ihm selbst ist das eines Menschen, der noch nicht am Ziel angelangt ist, der ‚unterwegs’, auf dem Weg zu sich selbst ist. Als Lebenslügner wartet er voller Sehnsucht auf das große Ereignis seines Lebens und tut doch alles, um zu verhindern, dass es jemals eintritt. Denn nur auf diese Weise kann er sich den Glauben an sich selbst und an die hohe Bestimmung seines Lebens bewahren. Ein ernsthafter Versuch, seine imaginäre Lebensaufgabe zu bewältigen, könnte fehlschlagen, und dieses Risiko will der Geistesmensch nicht auf sich nehmen. Viel lieber hält er an der Vorstellung fest, die Bewährungsprobe stehe noch bevor, und der eigentliche Sinn seines Lebens würde erst zu einem späteren Zeitpunkt offenbar werden. Sollte er die Grenzen des ihm Erreichbaren jemals anerkennen, müsste er sich sein Scheitern eingestehen, denn dann wäre es mit der Illusion, kein Alltagsmensch zu sein, vorbei. Bernhards Geistesmenschen brauchen die Lebenslüge, um nicht an der Mediokrität und Banalität ihres Lebens zugrunde zu gehen. Der Autor stellt Männer dar, deren Lebenstragödie darin besteht, dass ihre Lebenslüge der heutigen Realität nicht länger standhält: Sie leiden an der Lebensuntüchtigkeit ihrer eigenen Lebenslüge. Es geht also dabei nicht nur, wie Alexandra Pontzen behauptet, um ein Modell negativer Produktionsästhetik, um die „Dingmetapher für die künstlerisch-kreative Ausgangssituation des Beginnens“ und um „die Faszination und den Schrecken des leeren, weißen Blattes“17. Bernhards Geistesmenschen versuchen vielmehr, sich selbst über den Sinn und Wert des eigenen Lebens zu täuschen. Das tun sie gleich in doppelter Hinsicht: zum einen weil sie sich eine falsche, irrige Vorstellung über das Ziel des eigenen Lebens machen, das sie darin sehen, der eigenen Person eine herausragende Bedeutung auf intellektuellen Gebiet zu verleihen, und zum anderen, weil sie sich über ihren Erfolg beim Erreichen dieses Ziels etwas vormachen. In

17 Pontzen, Künstler ohne Werk, S. 313. 214 PAOLA BOZZI gewisser Hinsicht stellen sie dem eigenen Leben zwei negative Vorzeichen voran: Sie verfolgen das falsche Ziel, und sie erreichen es nicht. Sie glauben aber daran, dass es das richtige Ziel ist und dass sie es erreichen werden – jedenfalls wollen sie daran glauben und tun so, als würden sie daran glauben. Ihr Selbstbetrug hält sie davon ab, den Sinn des Lebens auf einem anderen Gebiet zu suchen oder zumindest ein Leben in der Wahrheit zu führen. Die Lebenslüge ist ihre Strategie, deren Zweck darin besteht, den Zwiespalt zwischen dem Wunsch nach Abgrenzung von den anderen und dem Streben nach Bestätigung durch die anderen zu überwinden. Das bedeutet, dass sie sich nicht zufällig in eine Lebenslüge verstrickt haben, sondern dass diese ihr Ausweg aus der Krise, aus der Einsicht in die Nichtigkeit und Sinnlosigkeit des Daseins – ihres Daseins – ist. Die Lebenslüge ist ihr Rettungsanker im Strom des Lebens. Bernhards Geistesmenschen sind somit dramatische Figuren, deren Tragik eher belustigend wirkt, denn auch ihr tragisches Schicksal ist Teil ihrer Lebenslüge. Ihre eigentliche Leistung besteht darin, den Selbstbetrug in den Rang einer metaphysischen Aufgabe des Lebens erhoben zu haben. Bernhards Geistesmenschen beweisen in und mit ihren Projekten, unabhängig von deren Gelingen, sich selbst ihre Außerordentlichkeit. Ihre Lebenslüge ist die heroisierende Mystifikation eines Versagens. Sie stehen einer feindlich gesinnten, verständnislosen „Umwelt“ (KO 219) gegenüber, die das Genie naturgemäß verkennt: […] es waren ihm von allen Seiten Vorwürfe gemacht worden, daß er überhaupt in einer Zeit gegen solche Ideen eine solche Idee habe [...], daß er in einer Zeit, welche ja überhaupt gegen solche Menschen und Köpfe und Charaktere und Geister wie Roithamer (und andere!) sei, [...] ein solcher widersprüchlicher Charakter und Geist und Mensch noch dazu, welcher sein ihm auf einmal zugefallenes Erbe dazu benutzte, einer, wie alle sagten, verrückten Idee zu gehorchen, die auf einmal in seinem verrückten Kopfe aufgekommen sei (KO 18). In ihrem einsamen und unverstandenen Kampf leisten sie mit Hilfe des „Verstandes“ einen Alleingang, der sich als „Zuwiderhandlung“ (KA 130) definiert und zu deren Attributen eine eminente Größe gehört: „Es erfordere eine beinahe übermenschliche Anstrengung, immer gleichzeitig alles zu sehen […]“ (KA 116). So findet jene Allianz von Männlichkeit, Unternehmungsgeist und Individuierung Ausdruck, die sie unwiderruflich von der Frau trennt. Bernhard inszeniert die Konstruktion des traditionellen Geschlechterdiskurses als Kampf zwischen dem bedrohten und männlich besetzten ‚Geist’ und der als übermächtig wahrgenommenen weiblichen ‚Geistesfeindlichkeit’. Denn Frauenfiguren fordern Eindeutigkeit, sei es die der Niederschrift oder die des Werkverzichts. Frau Konrad z.B. „glaube ja nicht an das, was er ihr täglich zu beweisen versuche und was sich ganz einfach nicht beweisen lasse, daß er eine grundlegende, er scheute sich in letzter Zeit, aus Verzweiflung [...], gar nicht zu sagen epochenmachende Studie im Kopf habe.“ (KA 146) Eine Studie, die nur im Kopf existiert, verkörpert in den Augen der Frau Konrad das Widervernünftige und Irreale. Sie steht verständnislos vor dem Ausbleiben der Niederschrift: […] jeden Tag sage er seiner Frau, daß die Studie zwecklos sei, solange er sie nur im Kopf, nicht aber auf dem Papier habe und sie sage immer, warum er sie dann nicht THOMAS DER LÜGNER – UND SEINE GEISTESMENSCHEN 215

endlich aufschriebe, jahrelang sagt sie das in dem immer gleichen Tonfall [...], weil sie noch immer nicht begriffen habe, daß man eine Studie durchaus jahrelang und, wie ich weiß, jahrzehntelang im Kopf haben kann, ohne sie zu Papier bringen zu können. Darin seien alle Frauen gleich, daß sie Merkwürdigkeiten wie diese nicht begreifen [...]. (KA 67) Folglich bezeichnet sie den Geistesmenschen als „Narren“ und „Verrückten“ (K 167), seine Studie als „Hirngespinst“ (K 146). Das Verhältnis zwischen Frau und Geistesmenschen ist von Unverständnis und Ignoranz geprägt (KA 186). In Beton beschreibt Rudolf seine Schwester als „das geistfeindlichste Wesen, das sich denken läßt“ (BET 13)18, als einen „bösartige[n]“ und „hinterhältige[n]“ (BET 14) Menschen, „dessen Lebensaufgabe es zu sein scheint, zu stören, alles und jedes zu stören und damit zu zerstören und letzten Endes zu vernichten und immer wieder das zu vernichten, was [ihm] als das allerwichtigste erscheint auf der Welt: ein Geistesprodukt“ (BET 14-15). Der Natur des männlichen Wesens sei „angeboren, was der Frau angelernt werden müsse in mühevoller, oft verzweifelter Lernmethode, nämlich der Verstand als chirurgisches Instrument gegenüber der sich sonst unweigerlich auflösenden, ja sonst rettungslos zerbröckelnden Geschichts- und Naturmaterie“ (KA 129). Der Verstand als männliche Kraft hängt dafür mit den wissenschaftlichen Lektüren zusammen, die „in Beziehung zu allem Möglichen“ (KA 129) offen erscheinen. Bernhard folgt hier einer Tradition, so hat Mittermayer gezeigt, die bereits zu Beginn des Jahrhunderts in der „prinzipiellen Untersuchung“ Geschlecht und Charakter von Otto Weininger Niederschlag gefunden hat – und nach der das ‚Weib’ zum Gegenpol von den männlich belegten Instanzen ‚Geist’ und ‚Verstand’ stilisiert wird.19 Weininger hatte dort nämlich behauptet, dass „Genialität an die Männlichkeit geknüpft ist, daß sie eine ideale, potenzierte Männlichkeit vorstellt“20. Genau diesem klischierten Denkmuster fügt sich der Geistesmensch Roithamer in Korrektur, indem er verallgemeinernd behauptet, es sei ganz natürlich, „daß das weibliche Geschlecht, [...], gegen den Geist und nur aus dem Gefühl und zwar gegen den Geist in allen seinen Möglichkeiten wie für das Gefühl aus dem Gefühl in allen Möglichkeiten“ sei; und außerdem wisse er „aus Erfahrung, daß der weibliche Mensch [...], daß das weibliche Geschlecht über eine erste Willigkeit zum Geistigen nicht“ (KO 317) hinauskomme. Auf der einen Seite steht der ‚Instinkt-’ bzw. ‚Gefühlsmensch’ mit seiner „Ungeistigkeit“ (KO 298) und Dummheit (KO 250) bzw. seiner krankhaften Abneigung gegen „Papier“, „Zeitschriften“ und „Bücher“ als „Geistesgrundlage“ (KO 298-299) und auf der anderen der Geistesmensch, dessen Selbstverständnis mit solchen Begriffen wie Kopf, Denken, Vorstellung, Idee, Phantasie, aber auch Kunst und natürlich Geist assoziiert wird21 – „Geistigkeit“ gilt hier als „männliche Kopfverfassung“ (KO 298-299).

18 Zur Geistfeindlichkeit der Frau vgl. auch BET 12, 13f., 18f. 19 Vgl. Manfred Mittermayer, Ich Werden. Versuch einer Thomas-Bernhard-Lektüre, Stuttgart, Heinz, 1988, S. 55f. 20 Otto Weininger, Geschlecht und Charakter. Eine prinzipielle Untersuchung [1903], München, Matthes & Seitz, 1997, S. 144. 21 Vgl. KO 9-12, 18, 27-28, 30-31, 58, 60, 80, 158, 227-228, 245, 301, 310, 318. 216 PAOLA BOZZI

Während der Geistesmensch Konrad sich sagt, „die Gesellschaft ist nichts, die Studie ist alles“, beharrt seine Frau auf der Formel, „die Studie ist nichts, die Gesellschaft ist alles“ (KA 137). In Beton wird der Protagonist schließlich von den Ausführungen einer Frau, d.h. seiner Schwester angestoßen und muss die Lebenslüge als den eigentlichen Antrieb seiner Geistesambitionen zugeben: „sie hat vielleicht recht, indem sie sagt, meine Arbeit über Mendelssohn Bartholdy ist nur eine Finte, um meinen absurden Lebenswandel zu rechtfertigen, der, außer, daß er etwas schreibt und vollendet, keine andere Rechtfertigung hat“ (BET 70). Der Geistesmensch muss gestehen, dass tatsächlich alle seine schriftstellerischen, künstlerisch-wissenschaftlichen Versuche dem gleichen Zweck gedient haben: Ich stürzte mich auf Schönberg, um mich zu rechtfertigen, auf Reger, auf Joachim, ja sogar auf Bach, nur um mich zu rechtfertigen, wie ich mich jetzt auf Mendelssohn stürze zu demselben Zweck. Im Grunde habe ich überhaupt kein Anrecht auf meine Art von Lebenswandel, der tatsächlich so einmalig wie kostspielig und genauso fürchterlich ist. (BET 70) Da Rudolf weder in seinen Handlungen noch in seiner vereinsamten Lebensführung einen rechten Sinn erkennen kann, ihm aber gerade wegen seines isolierten Zustands nichts anderes als die Studie geblieben ist, sieht er sich dazu genötigt, seine Lebenslüge aufrecht zu halten und seinen unbedingten ‚Kunstwillen’ zu simulieren: „Es war das beste, die Frage nach dem Sinn oder Unsinn einer solchen Arbeit weiter zu stellen, aufzugeben und ich gab sie auf und tat so, als sei ich entschlossen, die Arbeit tatsächlich so bald als möglich anzugehn.“ (BET 174) Im Verlauf seiner selbst-kritischen Überlegungen wird sich der Geistesmensch Rudolf nicht nur über die „theatralisch[e]“ (BET 114), sondern auch über die komische Seite seiner Situation bewusst; er sei in seiner „eigenen Komödie“ (BET 118) gefangen, schreibt er. So schlagen die Allmachtsphantasien des Geistesmenschen am Ende in die Ohnmacht des nach Herrschaft Ringenden um: „Man beherrsche nichts, mißbrauche alles“ (K 149). Bernhard, der als schreibender Patriarch bzw. Verfasser von frauenfeindlichen Texten gilt, betreibt in diesem Sinne weniger eine bejahende Reproduktion des Geschlechterdiskurses als vielmehr dessen subtil subversive Zersetzung.22 Besonders auffällig geschieht dies in Korrektur. Hier hat sich der Geistesmensch Roithamer dazu entschlossen, ein kegelförmiges Kunstwerk zu bauen, von dessen Verwirklichung er sich das Glück (KO 223) und die endgültige und unwiderrufliche Überwindung seines Herkunftskomplexes (KO 225) verspricht. Nachdem er seine Schwester, die sich „vor diesem Augenblick […] gefürchtet“ […] habe, in den Kegel hineingeführt hatte, sei sie nicht voller Glück gewesen, sondern bald darauf gestorben. Ria Endres meint, dass das Bauwerk als ein „mathematischer Phallus“ zu deuten sei und der Kegel eine „Opferstelle männlicher Genialität“23 symbolisiere. In diesem Sinne wird die Gleichsetzung des Männlichen mit dem ‚Gesunden’, ‚Potenten’

22 Vgl. Verena Ronges, Ist es ein Mann? Ist es eine Frau? Die (De)Konstruktion von Geschlechterbildern im Werk Thomas Bernhards, Köln/ Weimar/ Wien, Böhlau, 2009. 23 Ria Endres, Am Ende angekommen: dargestellt am wahnhaften Dunkel der Männerporträts des Thomas Bernhard, Wien/ Linz/ Weitra/ München, Bibliothek der Provinz, 1994, S. 65f. THOMAS DER LÜGNER – UND SEINE GEISTESMENSCHEN 217 und somit die tradierte – implizite – Männlichkeit des ehemals im gottgleichen Schöpfertum verankerten Genies dekonstruiert. Die große Schöpfung bleibt aus, die Geistesmänner sind eigentlich krank, steril, unzeitgemäß, im besten Fall lächerlich, im schlimmsten Fall tödlich. Aufgebaut auf einer Lebenslüge erhellt sich ihre geistige Existenz als ausweglos; Rückzug und wissenschaftlich-philosophisch-künstlerische Arbeit bedeuten in letzter Konsequenz Selbstvernichtung, münden in tödliche Erschöpfung, Wahnsinn, Selbstmord, obwohl sie doch Selbstschöpfung bezweckten. Das männliche Subjekt erscheint dabei bestimmt über die Relationen von Substanz und Mangel, Ermächtigung und Unterwerfung. Es oszilliert zwischen den Extremen eines substantiellen Zentrums und absoluter Leere, kurz: Es wird als Angelegenheit von Leben und Tod bzw. alles oder nichts verhandelt. Denn in dem Maße, wie sich das (männliche) Bewusstseins-Subjekt zum Herrscher der Welt erklärt, findet es sich, so die wirkungsreiche Argumentation von Theodor W. Adorno und Max Horkheimer, in eine Dialektik aus Selbstermächtigung und Selbstunterwerfung verstrickt, entwickelt sich zum Akteur und zum Opfer seiner eigenen Unterdrückung.24 Michel Foucault entfaltet aus genealogischer Sicht ein ganz ähnliches Konzept des Subjekts, das sich als ebenfalls „unterworfenes” hervorbringt.25 Weltaneignung und Weltabwendung, Emanzipation und Verlust erscheinen also letztlich als die beiden Seiten, die für die moderne Subjektivität konstitutiv sind. Eine stabile männliche Identität ist eine Illusion, sowohl die negative Weiblichkeitsimago als auch die Autonomie des Geistesmenschen sind imaginäre Konstrukte. Bernhards Texte legen in diesem Sinne Mechanismen und Bedingungen offen, durch die die traditionelle Geschlechterkonstruktion mit dem Anschein von Naturhaftigkeit überzogen wird. Sie verlieren somit ihre Wirkmächtigkeit, um eine zweite Wahrheit erkennen zu lassen – die Wahrheit über die Künstlichkeit des Geschlechterdiskurses.

24 Max Horkheimer / Theodor W. Adorno, Dialektik der Aufklärung [1969], Frankfurt a. M, Fischer, 1988, S. 40 und S. 62f. 25 Michel Foucault, Überwachen und Strafen. Die Geburt des Gefängnisses, Frankfurt a. M, Suhrkamp, 1977.

Masculinité, mensonge, Jeckischkeit dans le roman de Yoram Kaniuk, 1948 Patrick FARGES Université Sorbonne Nouvelle – Paris 3

Introduction : masculinité, mensonge, narration

Le présent article se place dans la continuité des travaux ayant démontré un intérêt renouvelé pour les liens entre mensonge et narration. Le colloque d’Aix- Marseille en octobre 2013 a ainsi permis d’interroger la sémantique du mensonge. Par ailleurs, les approches narratologiques récentes faisant une place aux questions de genre 1 et d’intersectionnalité ont également ouvert la voie à une interrogation sur le mensonge : c’est le cas, par exemple, de la revue des narratologues de l’université de Wuppertal, Diegesis. Interdisziplinäres E-Journal für Erzählforschung, qui consacre un numéro spécial (le no 4.1, à paraître en 2015) au thème « Erzählen und Lüge 2 ». La sémantique du mensonge affecte la construction du masculin et du féminin de manière différentielle, et reflète ainsi la « valence différentielle des sexes » mise en avant par l’anthropologue Françoise Héritier 3. Avec Judith Butler, on peut par ailleurs affirmer que la performance de quelque norme de genre que ce soit, tant féminine que masculine, passe par l’imitation d’une imitation, et donc par la performance récurrente d’une forme de simulation 4. Il s’agit donc bien d’une « comédie » de genre, notamment pour la masculinité. « On ne naît donc pas homme, on le devient », affirme ainsi l’historienne Anne-Marie Sohn paraphrasant la célèbre formule de Beauvoir 5. Dans le cadre d’une interrogation genrée sur le masculin et la masculinité,

1 Sur les liens entre narration et genre, cf. Patrick Farges, Cécile Chamayou-Kuhn et Perin Emel Yavuz, Le Lieu du genre. La narration comme espace performatif du genre, Paris, Presses Sorbonne Nouvelle, 2011. 2 https://www.diegesis.uni-wuppertal.de/index.php/diegesis (dernière consultation : 2 septembre 2014). 3 Cf. Françoise Héritier, Masculin-Féminin I. La Pensée de la différence, Paris, Odile Jacob, 1996 ; Françoise Héritier, Masculin-Féminin II. Dissoudre la hiérarchie, Paris, Odile Jacob, 2002. 4 Judith Butler, Trouble dans le genre. Le féminisme et la subversion de l’identité [1990], trad. Cynthia Kraus, Paris, La Découverte, 2006. 5 Anne-Marie Sohn, « Sois un homme ! ». La construction de la masculinité au XIXe siècle, Paris, Seuil, 2009, p. 8. 220 PATRICK FARGES il semble pertinent de s’interroger sur le rapport des hommes et du masculin au mensonge et à la dis/simulation. En effet, il faut pouvoir interroger l’un des stéréotypes qui s’est installé progressivement à partir du xviiie siècle par l’apparition de discours normatifs sur le sexe et le genre, stéréotype selon lequel les hommes maîtriseraient le mensonge alors que les femmes seraient le mensonge 6. Par ailleurs, parmi les mensonges récalcitrants, pérennes, il y a celui qui veut que la masculinité soit invisible parce qu’allant de soi, celui qui veut que la masculinité soit l’apanage des hommes uniquement 7 ou encore celui selon lequel la masculinité serait « en crise », alors même que le motif de la crise sert bien souvent à réaffirmer l’hégémonie en proposant un nouvel arrangement de domination 8. Dans le présent article, je me propose de réinterroger les masculinités juives‑allemandes à l’aune du mensonge, et en lien avec le mythe national sioniste, lui‑même fortement masculinisé. Cette interrogation, qui s’intègre dans un projet plus large concernant les masculinités juives-allemandes en Palestine sous mandat britannique puis en Israël dans la post-migration 9, sera ici appliquée au dernier roman, intitulé 1948, de l’auteur israélien Yoram Kaniuk, né en 1930 et décédé en juin 2013 10. Il s’agira dans un premier temps d’interroger le statut de ce texte, qui hésite entre fiction et littérature testimoniale. Dans un second temps, il s’agira d’interroger la manière dont s’est cristallisé un mensonge de genre qui a conduit – notamment à l’occasion du moment-charnière qu’est la guerre de 1948 – à magnifier une vision héroïque et virile – préexistante – du « Juif nouveau ». Enfin, j’étudierai la dimension de « roman familial » (et notamment la relation père-fils), qui conduit à dénoncer une forme de masculinité qui peut paraître alternative : la masculinité juive-allemande (yekke dans l’usage israélien) cultivée, contenue et bourgeoise.

Un roman-témoignage ? Le statut du texte

Il convient d’abord de s’interroger sur le statut de ce texte, à mi-chemin entre œuvre de fiction et témoignage. C’est sans doute la nature de l’événement même, « 1948 »

6 Sur la permanence de stéréotypes de genre, voir le lexique d’Ilana Löwy et Catherine Marry, Pour en finir avec la domination masculine. De A à Z, Paris, Seuil (Les Empêcheurs de penser en rond), 2007. 7 Pour une déconstruction de cela, on se reportera à Judith Halberstam, Female Masculinity, Durham/ Londres, Duke University Press, 1998 ; Marie-Hélène Bourcier et Pascale Molinier (dir.), Les fleurs du mâle : masculinités sans hommes ? (Cahiers du genre, no 45), Paris, L’Harmattan, 2008. 8 Voir à ce sujet Pascale Molinier, « Déconstruire la crise de la masculinité », Mouvements, no 31.1, 2004, p. 24-29. 9 Sur le projet, voir Patrick Farges, « Exilerfahrung und Refiguration von Männlichkeitskonzepten. Eine neue Perspektive auf das Israel-Korpus », in Doerte Bischoff, Susanne Komfort-Hein (dir.), Literatur und Exil. Neue Perspektiven, Berlin/ Boston, De Gruyter, 2013, p. 257-282 ; Patrick Farges, « Männlichkeitskonstruktionen von Jeckes in Israel », Germanistik in der Schweiz, no 10, 2013, p. 21-30. 10 Yoram Kaniuk, 1948 [1re éd. 2010], trad. Laurence Sendrowicz, Paris, Fayard, 2012. Le roman a reçu une distinction littéraire en Israël, le Prix Sapir. Il été adapté pour la scène du théâtre de Haïfa en 2011. L’auteur israélien n’a pas été beaucoup étudié par les études germaniques françaises, à l’exception notable de la thèse de doctorat de Sophie Zimmer, « Le renouveau juif à Berlin depuis 1989 : aspects culturels et religieux » (université Paris Sorbonne – Paris IV, thèse soutenue en 2012), où c’est l’image de Berlin chez Kaniuk qui est principalement interrogée. MASCULINITÉ, MENSONGE, JECKISCHKEIT DANS LE ROMAN DE YORAM KANIUK, 1948 221 soit la « Guerre d’indépendance » ayant conduit à la création d’Israël comme État juif, qui contribue à brouiller les pistes. En effet, il s’agit là d’un événement fondateur dans l’histoire d’Israël, d’un événement extrêmement controversé également. Comme le rappelle le narrateur : « 1945 a été une année de transition, une année charnière, elle se situe entre l’anéantissement et ce qui nous est apparu comme une avancée décisive dans notre combat contre le destin juif » (52 11). Kaniuk situe son livre au cœur de l’autre événement-charnière de l’histoire juive au xxe siècle : 1948 – qui fournit le Tachakh en hébreu), c’est-à-dire le moment où le mythe du ,תשח) titre de son livre nouveau juif pionnier et combattant semble se réaliser pleinement. « Chakh », qui constitue la seconde partie du mot « Tachakh » signifie « [jeu d’]échecs », mot avec lequel il partage d’ailleurs l’étymologie : 1948 est donc un moment déterminant de choix, un moment de krisis 12 où il s’agit de décider vite. C’est aussi le moment du kairos 13, c’est-à-dire le moment opportun : la proclamation de la naissance d’Israël est d’ailleurs présentée rétrospectivement comme un formidable coup de dés, qui n’est pas perçu comme tel par le narrateur et ses camarades à l’époque. Ils préfèrent dormir, épuisés qu’ils sont par l’âpreté et la précarité de leur situation. Il y a un « avant » et un « après » 1948 : dans le récit historique, ce qui est vérité à un moment devient mensonge l’instant d’après. La nature même de l’événement a donc partie liée avec le mensonge 14. C’est ce que rappelle le narrateur vers la fin du roman, à l’évocation de ces « absents-présents », soit les populations arabes ayant fui leur lieu d’habitation durant une période bien précise et qui se sont retrouvées expropriées de fait : Ce concept a par la suite été pérennisé et inscrit dans les lois israéliennes. […] Tout Arabe étant sorti d’une ville conquise avant le 14 mai 1948 […] et qui a voulu revenir après cette date, est considéré comme n’ayant pas été là puisque parti. Il était présent car il avait été là, mais il était absent car il n’était plus là. (229) Au fil de la narration en focalisation interne, l’expérience virile et héroïque de l’événement « 1948 », qui est fondateur tant d’un point de vue historique (parce qu’il appartient à la « grande » Histoire) que d’un point de vue biographique (parce qu’il correspond aux années formatrices du narrateur, alors âgé de dix-sept ans), est régulièrement dénoncée comme étant un vaste mensonge. Le lecteur se trouve confronté à une forme de paradoxe du menteur, en ce que le narrateur lui-même admet le mensonge. Le narrateur est-il fiable ou non 15 ? Dès l’incipit, le doute plane :

11 Tous les numéros de page se réfèrent à la traduction française du roman. 12 Krisis signifie trier, et par extension décider selon des critères (mot qui a la même étymologie) et juger. La crise est donc le moment où l’on distingue afin de séparer ; elle s’oppose aux évolutions lentes. 13 Kairos est le moment furtif qui permet de saisir l’occasion opportune ; il s’agit d’un moment propice, qui peut ne pas se représenter. Il est déterminant pour les actions qui doivent être accomplies « à temps », sans atermoiement. Le kairos implique une vision du temps compatible avec une action humaine efficace. 14 Voir à ce sujet Rochelle Furstenberg, « The Jewish Sabra. An Interview with Novelist Yoram Kaniuk », The Jerusalem Post, 10 juillet 2011, http://www.jpost.com/Jerusalem-Report/Arts-And- Culture/The-Jewish-Sabra (dernière consultation : 4 septembre 2014). 15 Sur la question du narrateur non-fiable, on consultera Gregory Currie, « L’interprétation du non- fiable : narrateurs non-fiables et œuvres non-fiables », http://www.vox-poetica.org/t/articles/currie.html (dernière consultation : 3 septembre 2014) ; Dieter Meindl, « (Un-)reliable Narration from a Pronominal 222 PATRICK FARGES

« Que cela ait réellement eu lieu ou non, de cette façon ou d’une autre, aucune mémoire n’a d’État, aucun État n’a de mémoire. Je peux avoir des souvenirs réels ou en inventer […]. » (11) L’imbrication même d’une mémoire personnelle avec une mémoire d’État rend d’emblée la question de la vérité et du mensonge caduque. Cela est d’ailleurs rappelé à plusieurs reprises au fil des pages du roman : Je ne suis pas sûr de ce dont je me souviens vraiment, la mémoire ne m’a jamais inspiré confiance, elle est pernicieuse et ne reflète pas une vérité unique. D’ailleurs qu’y a-t-il de si important dans la vérité ? Un mensonge résultant de la quête de la vérité ne pourrait-il pas être plus vrai que la vérité elle-même ? (30) Je me souviens de peu de choses. Mais est-ce tellement important, ce qui s’est vraiment passé ? (237) Parfois, le narrateur a même recours à une forme éculée d’humour juif pour réaffirmer qu’il ne peut s’agir de rechercher la vérité : « Aujourd’hui, je suis très vieux, j’écris ces choses mais mon cerveau est vide. Je suis moi-même le trou du bagel. » (161) Les souvenirs du narrateur sont pris dans des « cadres sociaux » et historiques qui brouillent la question de la vérité. Ces cadres sociaux sont par ailleurs très fortement genrés, ce que la construction nationale (ici : de la nation israélienne) n’a pas démenti, en assignant un rôle de premier plan au « nouvel homme juif ». Ainsi les travaux historiques féministes ont-ils montré à quel point les « pionnières » du projet sioniste avaient été rendues invisibles dans l’historiographie ou bien qu’elles avaient été reléguées, sauf exception, dans des fonctions « féminines » et subalternes 16. Si l’objectif premier des historiennes féministes depuis les années 1970 a été de faire reconnaître la participation des femmes dans la nation et dans l’Histoire, il est tout aussi important à présent de réinterroger les masculinités, qui ont trop longtemps été traitées comme allant de soi au sein de ce processus, et de problématiser les hiérarchies entre masculinités 17. Les études critiques sur les masculinités s’emploient ainsi, dans le sillage des travaux de Raewyn Connell, à mettre en avant les tensions entre un modèle hégémonique de masculinité – historicisable – et les éventuels contre- modèles ou anti-modèles 18. Car à réduire la notion de « genre » à la seule catégorie des « femmes », on oublie le fait que toutes les masculinités ne jouissent pas de la même visibilité ni de la même reconnaissance sociale, politique et historique. Le genre, en tant que concept permettant d’analyser le social, fait advenir des régimes

Perspective », in John Pier (dir.), The Dynamics of Narrative Form: Studies in Anglo-American Narratology, Berlin/ New York, De Gruyter (coll. « Narratologia »), 2004, p. 59-82 ; Ansgar Nünning, « Unreliable, compared to what? Towards a Cognitive Theory of Unreliable Narration : Prolegomena and Hypotheses », in Walter Grünzweig, Andreas Solbach (dir.), Grenzüberschreitungen: Narratologie im Kontext/ Transcending Boundaries: Narratology in Context, Tübingen, Narr, 1999, p. 53-73. Je remercie Anne Isabelle François pour ces références. 16 Voir notamment Uta Klein, Militär und Geschlecht in Israel, Frankfurt a. M., Campus, 2001 ; Isabelle Lacoue-Labarthe, Femmes, féminisme, sionisme dans la communauté juive de Palestine avant 1948, Paris, L’Harmattan, 2012. 17 Voir à ce sujet Anne-Marie Sohn (dir.), Une histoire sans les hommes est-elle possible ?, Lyon, ENS Éditions, 2013. 18 Raewyn Connell, Masculinités. Enjeux sociaux de l’hégémonie [1995], trad. Maxime Cervulle, Marion Duval, Clémence Garrot, Claire Richard et Florian Voros, Paris, Éditions Amsterdam, 2014. MASCULINITÉ, MENSONGE, JECKISCHKEIT DANS LE ROMAN DE YORAM KANIUK, 1948 223 de domination : c’est un instrument de pouvoir qui affecte tant les femmes que les hommes. La question n’est donc pas tant celle de la différence que celle du pouvoir.

Le mensonge au cœur de la construction du « nouvel homme juif »

La question de la hiérarchie genrée des masculinités est, à mon sens, l’une des clefs de lecture pertinentes du roman 1948. Un premier niveau de lecture concerne les attributs du « nouveau juif », embrigadé en héros dans l’unité d’élite du Palmah 19 pour défendre, les armes à la main, une terre et une nation juives en devenir. Ainsi les jeunes en Palestine mandataire sont-ils éduqués à une nouvelle virilité juive : « Ils [nos professeurs sionistes] voulaient que nous commencions à fabriquer une nouvelle mythologie juive, virile, qui serait nôtre, et que nous cessions de vivre aux crochets de l’Histoire d’autrui. » (34) Les figures pionnières du sionisme sont donc masculines ou, à tout le moins, masculinisées. À première vue, le narrateur semble incarner tous les attributs de la masculinité de ce nouveau juif né en Eretz Israel. Il a eu une trajectoire archétypale : passé par des mouvements de jeunesse (14), il s’engage tout naturellement dans l’armée juive de défense en Palestine mandataire à l’âge de dix-sept ans et demi (15). Il se décrit lui- même comme un enfant du pays, un Sabra, littéralement une « figue de barbarie », soit un fruit du désert dur et piquant. Le texte distille à plusieurs endroits des indices de cet habitus et d’un répertoire corporel masculins spécifiques : Car nous, nous étions nés dans ce pays. Dans les ronces. Avec les chacals. Avec […] les figues de Barbarie, les grenadiers et les cyprès […]. (17) [C’était] la voix rocailleuse de l’Israélien de la génération de ceux qui croient que plus on crie, plus on a raison. (22) [Nous étions de] charmants sabras hérissés de piquants, on nous avait créés ainsi afin d’être à l’opposé des Juifs de diaspora qu’on trouvait laids et niais. (47) L’Israélien nouveau parlait hébreu et prônait le travail hébreu, nous voulions […] féconder le désert, construire et se construire sur cette terre. (68) S’opère donc une hiérarchie claire : la masculinité du « nouveau juif » s’oppose à la masculinité juive diasporique 20 ; le « nouveau juif » est fort, beau, rusé (comme un « chacal ») et présente des rugosités. Cette masculinité est celle qui doit mener à une conduite exemplaire et héroïque au service de la nation. Le narrateur remarque ainsi qu’« avec le conflit israélo‑arabe 21, le peuple juif a soudain eu besoin de héros. » (56) Allusion est faite

acronyme de Plugot Mahatz, soit « unité de choc » ou « compagnie ,,פלמ”ח : Le Palmah (hébreu 19 d’écrasement ») fut l’une des forces paramilitaires juives sionistes au sein de la Palestine sous mandat britannique. Il s’agissait de la formation d’élite de la Haganah et elle était constituée principalement de volontaires, notamment de kibboutzniks. Fondée en 1941, elle fut active pendant la Seconde Guerre mondiale et jusqu’en 1948, puis fut intégrée à l’armée israélienne. 20 Au sujet de la soft masculinity du juif de la diaspora, voir Daniel Boyarin, Unheroic Conduct : The Rise of Heterosexuality and the Invention of the Jewish Man, Berkeley, University of California Press, 1997. 21 Des émeutes arabes de 1936 jusqu’à la première guerre israélo-arabe de 1948. 224 PATRICK FARGES ici, par exemple, à la redécouverte voire l’« invention » du mythe de Massada 22, lieu de mémoire du combat acharné des juifs. Mais, évidemment, cet héroïsme viril ne tient pas à l’épreuve des faits. Ces derniers rendent l’héroïsme absurde et, du même coup, la virilité héroïque s’en trouve décrédibilisée : « Il faut être un parfait idiot – voire pire – pour marcher dans un champ de mines et croire qu’on est en train de sauver la Nation » (145), précise le narrateur. Et il insiste en évoquant la perte de semence virile et donc l’infertilité de ces actes qui se veulent masculins : « Nous sommes une goutte de semence perdue dans la grande vague qui a submergé les héros de cette armée, le Palmah » (246). Finalement, ces hommes ne partagent pas tant la semence noble dans un entre-soi de camaraderie virile qu’ils ne s’exercent à des concours de pets ou ne pissent ensemble sur des feux de camps pour occuper le temps : « Éteindre les bougies en pétant, j’en avais marre » (112), se lamente le narrateur en quête de sens. Et il ajoute un peu plus loin : « Je n’aimais pas m’exhiber en public comme tous les autres, qui pissaient en cercle pour éteindre les feux de camp. Moi, je restais toujours à l’écart, embarrassé » (114). L’attitude du narrateur, qui se situe toujours un peu à l’écart des autres, sert en réalité de révélateur à une imposture : l’imposture de cette nouvelle masculinité juive. L’imposture est ici entendue comme une comédie sociale, comme la socialisation d’un mythe fantasmé 23. Les souvenirs du narrateur viennent perturber la performance de genre célébrée dans la mémoire officielle. Le récit se révèle comme celui d’un antihéros détaché de la masculinité hégémonique. Il y a tout d’abord une conscience rétrospective aiguë du décalage formidable entre cette guerre et le destin des juifs en Europe quelques années auparavant. Cette comparaison émerge dans le récit au moment où le narrateur est confronté à l’arrivée des survivants de la Shoah en Israël après 1948, qui sont loin d’incarner le « nouveau juif » mais qui au contraire rappellent cruellement qu’il y a eu d’autres mondes juifs dans la diaspora : Ces gens étaient sortis de l’enfer pour entrer dans l’Histoire. […] À côté d’eux, nous faisions figure de plaisanteries ambulantes, de gogos imbus d’eux-mêmes qui avaient gagné une guerre de carton-pâte. Rien à voir avec ce qu’ils avaient connu, la Wehrmacht, les nazis, la Gestapo, les blindés, les wagons plombés, les blocs peints en gris et rejoindre Dieu par la cheminée des crématoires. (231-232) Mais l’imposture ultime est aussi celle qui a rétrospectivement consisté, dans un entre-soi masculin 24, à « laver » la guerre de 1948 de ses souillures. Le récit rappelle cruellement à quel point il ne s’agissait pas d’une guerre propre. Le point culminant de celui-ci est l’épisode où le narrateur, sous la pression du groupe masculin de camarades, tire sur un enfant arabe dans un village. L’enfant est tué. S’ensuit un récit qui imbrique deux voix qui débattent dans la tête du narrateur :

22 Voir à ce propos Mireille Hadas-Lebel, Massada, histoire et symbole, Paris, Albin Michel, 1995. 23 Sur le concept d’imposture et ses liens avec la masculinité, voir Paul-Laurent Assoun, « L’imposture héroïque. L’art du semblant », Cliniques méditerranéennes, no 81.1, 2010, p. 11-31. 24 Bien que l’idéal sioniste puis la réalité militaire israélienne aient d’emblée accordé une place aux femmes, dans les faits, ces dernières ont été cantonnées à des postes « féminins » ainsi que l’ont montré les recherches en histoire des femmes. Voir Ilaria Simonetti, « Le service militaire et la condition des femmes en Israël », Bulletin du Centre de recherche français à Jérusalem, no 17, 2006, p. 78-95. MASCULINITÉ, MENSONGE, JECKISCHKEIT DANS LE ROMAN DE YORAM KANIUK, 1948 225

Mais enfin, je l’ai tué ! Pas sûr. Alors qui l’a tué ? Le Prophète Élie ? […] Je n’ai jamais raconté que, juste après cet épisode, je me suis rasé la tête avec une vieille lame de rasoir qui a laissé sur mon crâne de profondes marques, ni qu’aucun de mes camarades n’a soufflé mot sur mon hideuse boule à zéro. Ceux qui savaient se sont tus. Je savais. Moi aussi je me suis tu. (160) Le mensonge et l’imposture sont donc maintenus par le non-dit, dans l’entre-soi vétéran et masculin. Il s’agit là de cette « génération Palmah » sur laquelle s’est penchée l’historiographie critique israélienne 25. Le narrateur de Yoram Kaniuk, lui-même membre – décalé – de la génération Palmah, brosse un portrait à contre- courant des hommes de sa génération, et constate l’engendrement de vétérans post- mortem : Me souvenir – car sous peu il ne restera plus personne de ceux qui étaient avec moi… bien que, depuis un certain temps, je constate la prolifération des anciens combattants. Ceux d’alors se sont étrangement multipliés post-mortem. L’actuelle Maison du Palmah est beaucoup plus grande que ne l’a été le Palmah tout entier pendant sa période d’existence. Une « génération du Palmah » voit le jour, elle réalise des films sur le Palmah, organise des colloques sur le Palmah, nomme des comités de commémoration du Palmah. On attribue aussi des prix du Palmah et on réécrit l’histoire du Palmah – bravo, ils ont réussi à transformer le Palmah en entreprise florissante ! (31-32) Ce qui reste, c’est donc « un Palmah virtuel, une sorte de Club des Cinq pour adultes » où l’on célèbre une « fraternité » masculine chantée par le poète Haïm Gouri 26 (245), et surtout, un business mémoriel. L’ouvrage de Kaniuk participe donc pleinement de la réflexion controversée autour des usages de la mémoire dans le contexte israélien 27.

Le roman familial : identité juive-allemande et imposture paternelle

Le roman offre également un autre niveau de lecture se rapportant à la question de la masculinité : celui qui est centré sur une masculinité européenne – plus exactement juive-allemande et bourgeoise – incarnée par le père du narrateur. Cette masculinité « yekke » – du qualificatif servant à désigner les juifs allemands en Israël – apparaît

25 Voir en particulier Anita Shapira, Land and Power : The Zionist Resort to Force, 1881-1948, Oxford, Oxford University Press, 1992. Plus récemment, dans sa biographie du général et homme politique Yigal Allon, commandant du Palmah entre 1945 et 1948, Shapira dresse un portrait critique de l’ensemble de la « génération Palmah » (Yigal Allon, Native Son : A Biography, Philadelphie, University of Pennsylvania Press, 2008). 26 Au sujet de cette fraternité masculine des soldats (en hébreu « re’out »), voir Danny Kaplan, The Men We Loved. Male Friendship and Nationalism in Israeli Culture, New York/ Londres, Berghahn, 2006, p. 20 sq. 27 On peut faire le lien plus général avec le débat très controversé de l’« industrie de la mémoire » en Israël. Voir à ce sujet Idith Zertal, La Nation et la Mort. La Shoah dans le discours et la politique d’Israël, Paris, La Découverte, 2004. 226 PATRICK FARGES tout d’abord comme une alternative. L’« écart » permanent de « positionnalité » du narrateur par rapport à la masculinité hégémonique présentée ci-dessus lui vient peut-être – et c’est l’hypothèse que je formulerais ici – de cet héritage familial. Il est donc l’héritier d’une forme de masculinité bourgeoise de la « contention 28 », à l’opposé de l’idéal de masculinité soldatesque et militaire. Arrivés en Palestine mandataire après 1933, les juifs allemands (Yekkes) ont eu à subir un stigmate important jusque dans les années 1960 : celui de ne pas adhérer aux idéaux sionistes du « nouveau juif ». « Kommen Sie aus Überzeugung oder kommen Sie aus Deutschland? », est l’un des nombreux calembours qui circulaient à leur sujet. Pour les hommes yekke, cela s’est parfois traduit par un stigmate de dévirilisation, lié au fait que parce qu’ils incarnaient un Bildungsbürgertum en exil, ils ne correspondaient pas aux attentes virilistes et pionnières du « nouvel Hébreu ». Pour le dire rapidement, la lecture de Schiller, Heine et Goethe n’était pas directement utile pour combattre les Arabes. Se réclamer d’une masculinité européenne, bourgeoise et cultivée, était donc une manière de se mettre à l’écart des injonctions genrées sionistes 29. De même que le fils se met à l’écart des rites de camaraderie virile pendant la « Guerre d’indépendance », la performance de genre du père du narrateur est clairement identifiable comme étant celle d’un Yekke, qui met « une cravate même pour aller aux toilettes » ou qui nettoie « même les savons 30 par souci de propreté » (41) : J’ai pensé à mon père qui pendant le Seconde Guerre mondiale, lorsque les Italiens bombardaient la ville, refusait de descendre à l’abri car, selon lui, d’après les statistiques, le risque d’être blessé à Tel-Aviv était d’un sur cinquante millions. Il restait donc assis dans sa chambre […] à lire du Jean Paul ou du Heine. (27) D’un autre côté, cette « Jeckischkeit » a aussi été un enjeu identitaire au sein de l’arène mémorielle israélienne. Le roman de Yoram Kaniuk révèle que l’identité yekke du père est en réalité un travestissement : c’est une dissimulation, un mensonge de plus afin d’apparaître comme ce que l’on n’est pas, notamment sur le plan ethno-social. Dans la constitution d’une mémoire yekke genrée en Israël, s’est en effet posée la question de la « vraie » Jeckischkeit – notamment par rapport à la Yiddishkayt ou à l’identité ostjüdisch. Dans le roman – qui reprend ici des éléments autobiographiques –, le narrateur met un point d’honneur à détruire la « couverture » que son père Moshe, premier conservateur du Musée de Tel Aviv (donc Yekke par la grâce de sa fonction, pour ainsi dire), s’est forgée tout au long de sa vie. Car ce père est en réalité un « Juif de Galicie qui se prenait pour un natif de Berlin et fredonnait parfois des prières hébraïques entre deux lieder de Schubert et de Brahms » (17).

28 Sur l’apparition progressive d’un idéal de masculinité de la « contention » au cours du xixe siècle, on se reportera à Sohn, « Sois un homme ! ». 29 Concernant les injonctions à une masculinité hébraïque et pionnière dans le cinéma des années 1930 et 1940 en Palestine mandataire, voir Raz Yosef, Beyond Flesh. Queer Masculinities and Nationalism in Israeli Cinema, New Brunswick (NJ), Rutgers University Press, 2004, chap. 1. 30 Un autre passage du roman rappelle par ailleurs cruellement que les juifs du yichouv (i. e. ceux qui constituaient la communauté juive de Palestine mandataire) surnommaient « savons » les survivants des camps d’extermination arrivés après 1945. « Nettoyer les savons » prend donc ici une connotation particulière. MASCULINITÉ, MENSONGE, JECKISCHKEIT DANS LE ROMAN DE YORAM KANIUK, 1948 227

Une scène cruciale oppose ce faux Yekke à son cousin Ernst, Juif de Galicie survivant de la Shoah, qui est venu lui rendre une visite impromptue à Tel-Aviv. La question de la langue yiddish comme ancrage culturel y est centrale. Le cousin demande au jeune narrateur s’il parle cette langue. Bien évidemment, la réponse est négative, puisque le père Moshe, qui a emporté dans son exil ses disques de Beethoven en gage de sa Jeckischkeit, a tout fait pour mettre en avant le grand « passé allemand » de la famille. Il n’a transmis ni la langue ni la culture yiddish à son fils, qui répond : « Je lui dis alors que je regrettais de ne pas parler yiddish, il eut un sourire doucereux et répliqua, mais non et dis-moi, quand ti rêves, ti né rêves pas en yiddish ? » (39) Le cousin Ostjude refuse de serrer la main au traître sabra : « D’autant qué jé réfise dé té serrer la main, espèce de bâtard sabra » (40). La rencontre s’envenime : « jé né palabré pas avec lé deutsche salaud dé ton père l’ordire » (40). Puis la scène tourne au cruel démasquage du père : Et ton père, où il est né ? À Berlin ? Il est né à Ternopol, en Galicie, et s’il est autrichien, c’est iniquement parcé qué les salopards de François-Joseph sont arrivés jisque là, qu’il s’est batti pour eux, est dévéni officier et a vouli s’enrôler dans l’armée allemande. (44) Les deux cousins en viennent aux mains, le masque yekke tombe et le narrateur entend son père parler yiddish pour la première fois : Et soudain, ils s’empoignèrent et commencèrent à se battre […] jusqu’au moment où le yiddish prit le dessus, et ce fut la première fois que j’entendis mon père parler cette langue, la première fois que je le vis frapper quelqu’un et la première fois que je le vis étreindre quelqu’un, car il ne serrait personne dans ses bras, ni sa femme, ni ma sœur, ni moi. (39-40) La langue du passé ostjüdisch de la famille est donc toujours là. La langue du passé n’a été ni colonisée par l’allemand que le père a appris au cours de ses études à Berlin, ni balayée par l’imposition sioniste de l’hébreu moderne. Elle peut sans cesse resurgir dans l’inconscient, le rêve ou la perte de contrôle, et avec elle les enjeux européens de la mémoire juive de la galout ainsi que l’hexis corporelle d’une autre masculinité, qui n’est ni la rigidité formelle et insensible yekke ni la virilité bruyante et rugueuse sabra. Ces deux dernières formes de masculinité sont alors renvoyées dos-à-dos, reflets toutes deux d’une société prônant des valeurs nationalistes agressives.

Conclusion

Le mensonge de genre qui se trouve au cœur du roman de Yoram Kaniuk, 1948, concerne la masculinité. Cette question a naturellement partie liée avec des enjeux historiques et mémoriels agitant la société israélienne. Le prisme du genre permet ici de traverser la question du sionisme, de la Shoah, de l’assimilation des juifs allemands ou encore de la morgue sociale de ces derniers vis-à-vis des Ostjuden. L’héroïsme affabulateur du Palmah, tout comme l’élitisme bourgeois juif allemand sont décrédibilisés et toute forme de tentative d’imposer une hégémonie du masculin paraît caduque. Ne reste, à l’issue du roman, que la trajectoire individuelle 228 PATRICK FARGES du narrateur, témoin aveugle et non-fiable de la période cruciale que furent les années 1945-1948 : Pendant toute la durée du combat, je n’ai pas réfléchi. Pas eu de projets. J’ai fait ce qu’on me disait de faire, je n’ai pris d’initiatives que lorsque je n’ai pas eu le choix et qu’il fallait improviser. On me disait de dormir, je dormais, on me disait de me lever, je me levais. On me distribuait de la nourriture, je mangeais. Si on ne me distribuait rien, je n’avais pas faim. Apparemment, on ajoutait du bromure dans notre ration d’eau, car je ne pensais pas aux filles alors qu’auparavant, leur féminité bourgeonnante me rendait fou. (13-14) De ma peur, je suis sorti en héros qui a réussi à vaincre ses peurs. Avant, j’étais une boule d’angoisse. J’avais peur du noir. De la mort. Des gens. De la foule. (15) Qui de Léonard de Vinci ou de Marcel Duchamp fait de la Joconde un portrait fallacieux ? Marc DÉCIMO Université d’Orléans

Certes le portrait de Monna Lisa passe pour être le tableau le plus célèbre dans le monde. Il a été réalisé entre 1503 et 1506 sur bois de peuplier par Léonard de Vinci. Il compte au musée du Louvre environ 20 000 visiteurs par jour. Les raisons d’un tel succès populaire sont diverses. Sans doute, la personnalité de Léonard de Vinci intervient-elle, mais aussi l’intérêt de François Ier et le fait que Napoléon Ier l’avait fait exposer dans ses appartements privés. Mais encore faut-il ajouter ce qu’un des Incohérents, l’« illustre Sapeck », l’un des premiers, lui ajoute. Plus encore, un fait divers a accru sa notoriété, lorsqu’un ouvrier italien, Vincent Peruggia, la vole en 1911 au musée du Louvre (elle sera de retour en 1914). Ont aussi largement contribué à la revivifier Marcel Duchamp et, à sa suite, par exemple, Philippe Halsman et Salvador Dalí ensemble. Marcel Duchamp (1887-1968) choisit l’année 1919 – qui marque le 400e anniversaire de la mort de Léonard de Vinci –, pour ajouter sur une carte postale représentant la Joconde, moustaches, barbichette et un titre scandaleux L.H.O.O.Q. – un rébus graphique [elle a chaud au cul] –, acte dada jugé fort à propos iconoclaste en son temps 1. Mais comment l’expliquer ? Comment en rendre raison ?

L.H.O.O.Q. vu(e) par Duchamp dans « l’après-coup » de Freud

On a certes beaucoup écrit sur la Joconde : qu’elle était enceinte ; que c’était là le portrait de Léonard de Vinci lui-même ; qu’il avait tenté de saisir le sourire de sa mère ; que c’était un homme (puisqu’il n’y avait à cette époque que des hommes dans les ateliers) ; etc., etc. On peut donc légitimement se demander qui, de Léonard de Vinci ou de Marcel Duchamp, a finalement fait de la Joconde le portrait le plus fallacieux ou le plus réaliste. Duchamp lui-même paraît avoir hésité à un moment

1 Marc Décimo, Les Jocondes à moustaches, Dijon, Les presses du réel (coll. « Hétéroclites »), 2014, p. 7-142. 230 MARC DÉCIMO donné, mais sur le tard, sur l’interprétation du sexe de Monna Lisa. Lors d’une conférence au City Art Museum de Saint-Louis, Missouri, en novembre 1964, « Apropos of myself », soit quarante-cinq ans après la réalisation de L.H.O.O.Q., il omet très curieusement de mentionner le « L. » de L.H.O.O.Q. : Cette Monna Lisa avec une moustache et un bouc est une combinaison de Readymade et de l’iconoclastie Dada. L’original, c’est-à-dire le Readymade original, est un chromo bon marché 19,7 x 12,4 cm, au dos duquel j’ai tracé quatre lettres [sic, et je souligne] qui, proférées en français comme des initiales, réalisaient un jeu de mots osé sur la Joconde 2. On obtient alors « H.O.O.Q. » – sans détermination ici de genre, donc de sexe –, si on efface le pronom personnel de reprise « elle » (« L. ») qui a pour référent la Joconde ou Monna Lisa. Sans le « L. », la Joconde paraît moins femme. J’attribue cette retouche à une réinterprétation. Duchamp ignorait en 1919 le texte de Freud, Un Souvenir d’enfance de Léonard de Vinci (il date de 1910 ; il est évidemment publié en allemand). Celui-ci ne sera publié en langue française qu’en 1927 dans une traduction de Marie Bonaparte (et, en langue anglaise, en 1916). Ainsi, n’est-ce que dans « l’après-coup » de la lecture de Freud que Duchamp s’autorise ce changement. Trois ans auparavant, en 1961, Duchamp déjà affirme que « la chose curieuse à propos de cette moustache et de ce bouc, c’est que lorsque vous les prenez en considération, Monna Lisa devient un homme. Ce n’est pas une femme déguisée en homme : c’est un homme bien réel, et ça a été ma découverte, sans que j’en aie conscience à ce moment-là [je souligne] 3 » ? La prise de conscience et l’incidence, la réfection du titre en « H.O.O.Q. » comme un lapsus, ne serait relative qu’à un effet dû à la lecture de Freud. Duchamp veut en quelque sorte mettre son titre en conformité avec la découverte du sexe véritable de la Joconde. Mais il y a un « mais ». Force est de constater que l’usage de l’expression « avoir chaud au cul » (L.H.O.O.Q.) est une expression sexuelle caractéristique, dépréciative et exclusivement réservée à désigner certaines femmes (il y a d’autres expressions pour évoquer un comportement semblable chez les hommes). Là, Duchamp tombe sur un hic, sur l’irréductibilité sexiste de l’expression « avoir chaud au cul ». Il est tenu de conserver en l’état l’expression ; elle n’est pas davantage modifiable sous peine de détruire la construction même du rébus. Une contradiction apparaît donc dans sa remarque de 1964, dans le fait qu’il ôte le « L. » pour faire entendre que le titre annonce un homme, et l’utilisation de l’incontournable expression « avoir chaud au cul », linguistiquement spécifique à l’adresse des femmes. À l’entendre, le titre initial se retrouve donc, dans « l’après-coup » de la lecture de Freud, rétrospectivement fallacieux et il faudrait le corriger. Et, en y regardant de près donc, ce titre ne peut rester que boiteux. Mais doit-on prêter autant d’importance à

2 Marcel Duchamp, « Apropos of myself », in Marcel Duchamp [1973], éd. par Anne d’Harnoncourt et Kynaston McShine, The Museum of Modern Art, Prestel, Philadelphia Museum of Art, 1989, p. 289. 3 Marcel Duchamp, entretien pour WBAJ-FM Radio New York, réalisé par Herbert Crehan et transcrit par Robert Cowan, « Dada », Evidence (Toronto), no 3, automne 1961, p. 36-38. QUI DE LÉONARD DE VINCI OU DE MARCEL DUCHAMP FAIT DE LA JOCONDE… 231 ces quelques remarques des années 1960, lesquelles interviennent tout de même plus de quarante ans après la réalisation de L.H.O.O.Q. et juste le temps d’une interview ? La construction raisonnante de Duchamp me paraît vraiment ici assujettie à sa lecture de Freud. Si, dans le titre original, la Joconde a bel et bien été désignée « femme » par deux fois, par le pronom et par l’expression utilisée, nulle nécessité de retoucher le titre (d’ailleurs, au final, le retouche-t-il ? retouche-t-il l’original ? Non). Si la Joconde est une femme, le titre est adéquat car conforme au référent (il s’agit de conserver le « L. », de ne surtout pas l’omettre, d’autant qu’il est soutenu par le choix de l’expression sexiste « avoir chaud au cul »). Le titre initial est donc, après tout, bien trouvé. Il est bien trouvé parce qu’il annonce une femme et que c’est bien une femme qui est représentée. Il est bien trouvé aussi parce que ce titre qui sur-affirme qu’on a bien affaire à une femme, entre définitivement en contradiction avec le motif puisque cette Joconde pileuse est un homme (ce que Duchamp affirme en 1961). Est-ce décidable ? Au personnage féminin annoncé dans le titre correspondrait un homme (la Joconde avec sa barbe et sa moustache). Voilà un dispositif terriblement cohérent dans le système Duchamp. Rrose Sélavy fait tout pour annoncer une femme et c’est un homme. Duchamp ne répugne pas du tout au fait d’imposer au public un faux aiguillage de par la grâce d’un titre dont la fonction pragmatique s’exerce inexorablement. Tel est le cas des titres de la plupart des readymades et, notamment, du célèbre Fontaine. Duchamp ne dédaigne certes pas ce jeu de la méprise. C’est même chez lui de l’ordre d’un dispositif répétitif. Il s’agit d’inviter toujours le regardeur à penser pour de bon la réalité qui se présente, plutôt que de se laisser abuser par ce qui est donné et qui s’affiche dans l’évidence 4 : Fontaine ne désigne pas une fontaine ; l’urinoir n’est plus vraiment un urinoir ; il est/ il a été un urinoir sans doute (on le reconnaît comme tel), mais il ne l’est plus véritablement (on ne saurait aller pisser dedans !). Le titre initial paraît conforme au dispositif Duchamp si bien, qu’en fait, la lecture de Freud paraît brouiller, dans l’« après-coup », le temps d’une interview, la façon Duchamp de procéder. C’est épatamment intéressant, parce que, justement, dans « l’après-coup » de la lecture de Freud, il y a de nouveau, comme une hésitation à définir ce qui est, comme une difficulté à statuer sur la réalité, fût-ce celle de la sexualité de la Joconde, qui est peut-être à jamais indécidable. Cela fait de Duchamp, contrairement à ce qui a été parfois prétendu, un artiste plus intuitif que minutieusement intentionnel (du reste, Duchamp revendique à maintes reprises son absence de conscience et d’intentionnalité).

Vers une interprétation contextualisante

Pour aller vite et expliciter cette image (L.H.O.O.Q.), il serait bon de dire qu’à partir du xixe siècle finissant et en ce début de xxe siècle l’idée qui affleure, c’est que la Joconde cache bien son jeu.

4 J’ai abondamment insisté sur ce point dans Marcel Duchamp mis à nu. À propos du processus créatif, Dijon, Les presses du réel, 2004, et dans Le Duchamp facile, Dijon, Les presses du réel, 2005. 232 MARC DÉCIMO

Ce sourire si énigmatique qui fascine les foules, le laisse entendre. Il laisse entendre qu’elle fait ses coups en douce et que ce serait là ce que Léonard de Vinci aurait voulu suggérer (d’autres hypothèses ont évidemment circulé). Cette interprétation qui advient dès la fin du xixe siècle, me paraît témoigner de la construction d’une féminité autre que celle à laquelle la femme était auparavant assignée. L’état des mœurs est en train de changer. Donner le change n’est plus tout à fait de mise. Il s’agit de faire état de la duplicité de la femme en général, de dire que la femme est mensonge (c’est performatif) mais, du coup, déjà, la déclaration de sa sexualité se fait désormais savoir plus ouvertement et de diverses façons. Ce pourrait être sur la scène des théâtres de boulevard ou dans certains romans, mais je privilégie ici les jalons jocondiconographiques pour coller à mon objet d’étude.

La Joconde de « l’illustre Sapeck »

Lié au groupe des Fumistes et des Incohérents qui faisait les beaux jours du Chat noir, « l’illustre Sapeck » (1854-1891) est généralement retenu comme l’un des premiers qui s’en prend à l’icône. À la faveur d’un dessin, Jules Sapeck n’hésite pas à lui faire fumer la pipe. L’image est conçue pour l’exposition des Arts incohérents de 1883 et elle est reproduite dans un livre intitulé Le Rire (1887) 5. Comprend qui peut. Il abandonne « dans la bouche de cette femme idéale une pipe culottée ». On doit mettre en relation cette image avec une autre image des Incohérents, qui lui est contemporaine. Il y aurait comme l’honnête femme (une certaine idée de la femme), vue de l’angle gauche, et puis l’autre (une idée autre de la femme), vue du côté droit. Cette figure, signée Henri Lanos, est représentée dans un diptyque du Catalogue de 1886 : L’Honnête femme – l’autre 6. En fait les deux images mises côte à côte sont identiques. Le titre seul pèse sur le sens à accrocher. Il y aurait de même, donc, par la suite, la Joconde que tout le monde connaît, sacrée, consacrée, femme idéale (on a, la concernant, toutes sortes de préjugés, elle est d’irréprochable moralité, la respectabilité bourgeoise même ; femme décorative, elle est muse, aimante probablement, et pourquoi pas mère, certainement un stéréotype d’éducation chrétienne ; un poncif et il y aurait… l’autre, un double, « L.H.O.O.Q. », sexualité sous jupe assumée. La physionomie de Monna Lisa donnait le change. Voilà l’ambiguïté qui fascine résolument Duchamp et qui n’est pas sans lien aussi avec sa passion pour le jeu d’échecs. Ce qu’il met en place par le readymade n’est dans le principe pas éloigné de cette fascination : Fontaine expose un urinoir, une chose semblant un urinoir qui n’est déjà plus un urinoir, expose un objet susceptible d’être d’art, mais l’est-il 7 ? La confrontation au jeu de l’autre indécidable, comme aux échecs, voilà le ressort.

5 Alexandre Honoré Ernest Coquelin, dit Coquelin-Cadet, Le Rire, Paris, Ollendorff, 1887, p. 5. 6 Catalogue de l’Exposition des Arts incohérents, Paris, Eden-Théatre, 1886, p. 133. 7 J’ai eu l’occasion de préciser ces tendances à l’œuvre dans Marcel Duchamp mis à nu. QUI DE LÉONARD DE VINCI OU DE MARCEL DUCHAMP FAIT DE LA JOCONDE… 233

Le vol de la Joconde

Si elle est parfois déjà caricaturée à la Belle Époque, le vol en 1911 de la Joconde par un ouvrier italien – fait divers de première grandeur – déclenche une médiatisation sans précédent et l’invention à grande échelle des produits dérivés. Beaucoup de cartes postales représentent la Joconde. On réalise des photomontages. Et, un peu partout en France, c’est jusqu’aux chars des carnavals qui, par exemple, en 1912, illustrent le thème, notamment à Aix-en-Provence, où l’exploit du « vol » est associé à la faveur d’un jeu de mots à ceux récents de l’aéronautique. C’est l’occasion de pouvoir faire paraître une Joconde dévoyée. Littéralement : la Joconde s’envoie en l’air. Paraît donc désormais l’image d’une féminité autre que celle à laquelle La Joconde était auparavant assignée. N’a-t-elle pas forcément été enlevée par un passionné, un amateur ? Un portrait plus réaliste de la femme – supposé du coup moins mensonger – se construit. La femme est désormais en mesure d’assumer plusieurs facettes. C’est audacieux mais dans l’esprit du temps, puisqu’on est en plein cubisme et que les femmes sont représentées à la fois de face et de profil. 234 MARC DÉCIMO

Fig. 1 – « Elle se trotte toujours ». Au Moulin rouge, carte postale ancienne QUI DE LÉONARD DE VINCI OU DE MARCEL DUCHAMP FAIT DE LA JOCONDE… 235

Fig. 2 – Mi-Carême. Char de l’enlèvement de la Joconde, carte postale ancienne

Fig. 3 – Carnaval d’Aix-en-Provence, carte postale ancienne 236 MARC DÉCIMO

Fig. 4 – Albert Robida. Nouvelle école. Almanach Vermot, en date du mercredi 12 février 1913. QUI DE LÉONARD DE VINCI OU DE MARCEL DUCHAMP FAIT DE LA JOCONDE… 237

Dès avant le vol, par exemple en 1902, un journal aussi populaire que L’Assiette au beurre rend explicitement le portrait de Monna Lisa… mensonger. Il en propose une version corrigée. Elle est alors représentée telle un bas-bleu. Le vol au Louvre renforce cette idée. L’opinion satirique l’interprète partout comme un rapt ; c’est l’occasion de dire que la Joconde a une aventure amoureuse et, bon an mal an, de redéfinir la vision que l’on se fait de la femme en général. C’est l’époque de ces femmes qu’on surnomme volontiers les bas-bleus ou les Amazones, appositions qui servent à désigner les femmes qui tentent d’affirmer leur liberté, afin d’en dénigrer mieux les comportements. Un illustrateur humoriste, Charles Léandre par exemple – que fréquente Duchamp 8 –, réalise pour L’Assiette au beurre un numéro intitulé Les Monstres de la Société 9. Figurent dans ce défilé les bas-bleus parmi une cohorte d’autres monstres, le bourgeois, le nain, le géant, la femme-torpille, le parvenu, l’androgyne, les beaux adolescents, le défloreur et la demi-vierge, l’homme-tronc, les frôleurs et les allumeuses, les employés de l’ad-mi-nis-tra-tion, les faiseuses d’anges, les journalistes, les snobs, les ouvreuses, les goinfres... Il n’en demeure pas moins que l’époque enregistre combien la vision de la femme se modifie alors, malgré les réticences morales qui ne manquent pas de s’exprimer. Trois exemples parmi tant d’autres : Jules Michelet, 1860 : La femme est une religion. Sa destinée est telle que, plus elle restera haut comme une poésie religieuse, plus elle sera efficace dans la vie commune et pratique […] La femme au cœur prosaïque, celle qui n’est pas une poésie vivante, une harmonie pour relever l’homme, élever l’enfant, sanctifier constamment et ennoblir la famille, a manqué sa mission, et n’aura aucune action, même en ce qui semble vulgaire 10. Émile Faguet, 1910 : L’essentiel du féminisme est ceci. La femme doit-elle être l’égale de l’homme à l’école, dans la famille, dans la vie civile, dans la vie sociale ? […] Nous avons horreur de la femme-homme, et en même temps que nous en avons horreur nous la plaignons de tout notre cœur. Nous supplions les femmes de rester femmes et de ne devenir ni avocat, ni médecins, ni hommes de lettres 11. Et, du plus virulent, Théodore Joran, je ne citerai que les textes : 1906 : Autour du féminisme, Paris, Bibliothèque des « Annales politiques et littéraires », XI-217 p. 1907 : Le Féminisme à l’heure actuelle, Paris, V. Giard et E. Brière, Gr. in-8o , 16 p. (extrait de la Revue internationale de sociologie). 1909 : La trouée féministe avec une étude-préface par Gabriel Aubray, Paris, A. Savaète, XXXII-256 p. 1910 : Les féministes avant le féminisme, Paris, A. Savaète, XVI-243 p.

8 Marcel Duchamp, Entretiens avec Pierre Cabanne, Paris, Somogy, 1995, p. 27. 9 Charles Léandre, L’Assiette au beurre. Les Monstres de la Société, no 79, 4 octobre 1902. 10 Jules Michelet, La Femme, Paris, Calmann-Lévy, 1877, p. 117. 11 Émile Faguet, Le Féminisme, Paris, Société française d’imprimerie et de librairie, 1910, p. 3 et p. 35. 238 MARC DÉCIMO

1914 : Le suffrage des femmes, Paris, A. Savaète, IX-384 p. 1935 : Les féministes avant le féminisme, 2e série, Paris, G. Beauchesne, 322 p.

Dans Femmes honnêtes 12, le portrait que le Sâr Mérodack, alias Joséphin Péladan, donne de la femme est assez représentatif de la période, c’est-à-dire de cette vision et des tensions qui s’exercent. Il ne s’agit plus de dénier bêtement toute sexualité à la femme, bien au contraire, mais de lui accorder que la « retenue » (et c’est bien plus habile) est le « premier charme de leur sexe ». Ne « joue-t-elle [pas] la tendre brebis, si louve qu’elle soit 13 » ? « Le vice lui-même [n’]a[-t-il pas] ses heures de vertu, la vertu ses heures de vice 14 » ? La femme d’Ulysse ne voisine-t-elle pas avec celle de Ménélas ? Dans Le Vice suprême 15, Péladan dit de la Joconde qu’elle est un « sphynx pervers ». C’est donc à Œdipe – Péladan en l’occurrence – que reviendrait de déchiffrer l’énigme que poserait la femme. Si la sexualité de la femme n’est ici pas déniée, elle est tout de même jugée fâcheuse, quand bien même la domestication de sa sexualité ferait sa grandeur. Dompter la faute est son devoir. Elle est tout à la fois « le temple » et « le bouge », « le sacrement » et « le vice 16 » – la vertu et le vice, cette dualité supposée la constituer tout entière. Mais Péladan est un fervent catholique assumé. L’exemple parfait de la gynandre, de la femme hominalisée, c’est « la monstrueuse George Sand, papesse des gynandres, qui coucha avec tous les hommes illustres de son temps, qui toucha à toutes les questions et pondit sans relâche des œuvres diffuses et prestigieuses ». Elle incarne, écrit Péladan le type du féminisme : morale masculine, production masculine ; émancipation radicale du devoir de catégorie, usurpation spirituelle dans tous les domaines. La bonne dame de Nohant fut homme en ses amours innombrables […] Sand est le type accompli de cet être hydrique et désharmonique qui est, à la fois, homme et femme, comme le centaure est homme et cheval 17. La Joconde n’est-elle pas cette gynandre ?

12 Joséphin Péladan, Femmes honnêtes, avec un frontispice à l’eau-forte de Fernand Knopff ; et douze compositions de José Roy, Paris, C. Dalou, 1888, p. 36. 13 Ibid., p. 8. 14 Ibid., p. 47. 15 Joséphin Péladan, Le Vice suprême : roman [8e édition], préface de Jules Barbey d’Aurevilly, Paris, Éditions du Monde moderne, 1926, p. 169. L’édition originale, de 1884, paraît sous le titre de Études passionnelles de décadence. Le Vice suprême, même préfacier, frontispice de Félicien Rops. 16 Péladan, Femmes honnêtes, p. 45. 17 Ibid., p. 110-111. QUI DE LÉONARD DE VINCI OU DE MARCEL DUCHAMP FAIT DE LA JOCONDE… 239

L.H.O.O.Q. est-elle bien de son temps ?

Duchamp publie quelques dessins satiriques 18, dont un, notamment, qui fixe paradoxalement ce que serait à la fois la figure ambivalente d’une féministe et d’une vertueuse. Le titre dit tout : Féminisme. La femme curé 19. Face aux « législateurs de l’amour » pour qui « tout acte sexuel est un délit en dehors du mariage » (R. de Gourmont, que lit Duchamp 20), des hommes, la plupart du temps d’âge mûr, s’affichent béats devant de jeunes charmantes. Cet humour coïncide avec l’invention, en amour, des maîtresses ; avec l’invention de la « fraude conjugale ». Au théâtre, un Feydeau prend les choses avec philosophie pour faire se dérider un public concerné. Et les Rémy de Gourmont, Léon Blum, les féministes, de chercher des solutions. Madame Bovary ne passe-t-elle pas pour « le prototype de toutes les détraquées, de toutes les déséquilibrées, de toutes les névropathes, de toutes les hystériques du roman contemporain 21 » ? Certes le geste de Duchamp est généralement interprété comme iconoclaste. Ce n’est pas faux. Il attaque un chef-d’œuvre (il ne s’agit néanmoins que d’une reproduction) : c’est un acte dada. La provocation est incontestable, ne serait- ce que par le titre donné, indécent. Ce choix d’une expression argotique et grossière provoque la bienséance bourgeoise et la morale. La vulgarité a pour Duchamp cette vocation d’ajouter une couleur supplémentaire, celle plus réaliste qui dévoile ce que dissimule la respectabilité. Par-delà le paraître, par-delà le masque social, il y a ce qui est pour de bon et dont il est grand temps de faire état. Ainsi la Joconde est-elle aussi… L.H.O.O.Q. Ce serait un « progrès ». Dans un entretien donné à la presse new yorkaise en 1915 lorsque Duchamp débarque, il fait tout de suite l’éloge de l’Amérique en vantant ce par quoi elle lui paraît à lui, Européen et d’éducation française, remarquable, à savoir sa plomberie, ses ponts et la femme américaine « qui contribue au mouvement du monde actuel vers une complète égalité des sexes 22 ». Enfin il y a aussi ce dessin de Duchamp, qui date de 1908 et qui est paru dans Le Courrier français : Féminisme. La femme curé. Comment en somme concilier ces deux tensions contradictoires contre lesquelles se débat la société française, le féminisme (avec tout ce que cela comporte de « modernité ») et la volonté d’assigner la femme à résidence morale ? L’artiste enregistre. Lorsque les femmes font état de leur sexualité libérée, la physionomie nouvelle dont par exemple Péladan les dote, c’est d’en faire des « gynandres » (il crée même

18 Fae Brauer, « De la rationalisation d’Éros : le “fléau d’Onan”, l’impératif de procréation et les automates sexuels de Duchamp », in Marc Décimo (dir.), Marcel Duchamp et l’érotisme, Dijon, Les presses du réel (coll. « L’écart absolu »), 2008, p. 139-162. 19 Arturo Schwarz, The complete Works of Marcel Duchamp, éd. de poche revue et augmentée, New York, Delano Greenidge Editions, 1997, no 125. Publié dans Le Courrier français, no 47, 19 novembre 1908. 20 Marc Décimo, La bibliothèque de Marcel Duchamp, peut-être, Dijon, Les presses du réel, 2002, p. 117. 21 Dr Alexandre Culerre, Les Frontières de la folie (« La psychologie morbide dans la littérature et les arts »), Paris, J.-B. Baillière, 1888, p. 354. 22 Marcel Duchamp, Deux interviews new-yorkaises [septembre 1915], Paris, L’Échoppe, 1996, p. 20. 240 MARC DÉCIMO ce mot hybride pour les décrire). Péladan en fait des « femmes hominalisées », des « femmes-hommes ». Alors, puisque les femmes ont désormais les prérogatives ou les désirs du masculin, le portrait de Monna Lisa se doit de se retrouver, malgré son austérité, chargé des « caractères sexuels secondaires » masculins, une pilosité, une hypertrichose généralement pensée comme « une dégénérescence somatique », une « anomalie remarquable ». Elle devient un monstre. Elle devient une femme à barbe, de celles qu’on exhibe alors dans les fêtes foraines. Cette vision de la femme « moderne » oscille donc entre attraction et répulsion : attraction parce qu’elle est presqu’à coup sûr désormais la promesse facile d’une jouissance sexuelle et répulsion parce la morale ambiante continue de réprouver ce qu’elle analyse comme un dévergondage insupportable. Entre mensonges et acceptation de ce qui est, il faudrait savoir ce que l’on veut, ce que l’on est prêt à assumer comme représentation de la femme. Das „Lebenerhaltendere der Lüge“ bei Lou Andreas‑Salomé: Weibliche Widersprüche gegen männliche Wahrheitsansprüche um 1900 Romana WEIERSHAUSEN Universität des Saarlandes

„[W]as liegt dem Weibe an Wahrheit!“, verkündet Nietzsche in seiner Schrift Jenseits von Gut und Böse (1886): Nichts ist von Anbeginn an dem Weibe fremder, widriger, feindlicher als Wahrheit, – seine grosse Kunst ist die Lüge, seine höchste Angelegenheit ist der Schein und die Schönheit.1 Im Diskurs des 19. Jahrhunderts sind Weiblichkeit und Lüge Begriffe, die zusammengedacht werden. Auch der Literaturtypus der Femme fatale, der auf der Vorstellung einer für den Mann verhängnisvollen Verstellungskunst der Frau basiert und in dieser Zeit Konjunktur hat, ist ein Beispiel dafür. Der Hang zur Lüge, der der Frau nachgesagt wird, wird mit einer vorgeblichen geschlechtsbedingten Eigenart, der weiblichen ,Natur‘ begründet. Die Frauen seien, so schreibt Schopenhauer in seinem Essay Über die Weiber (1851) „als die Schwächeren, von der Natur nicht auf die Kraft, sondern auf die List angewiesen […]: daher ihre instinktartige Verschlagenheit und ihr unvertilgbarer Hang zum Lügen.“ Ein „ganz wahrhaftes, unverstelltes Weib“ sei daher „vielleicht unmöglich“, so dass „sich überhaupt in Frage stellen [ließe], ob sie zum Eide zuzulassen sind“2. Selbst in dem naturalistischen Drama Nora oder Ein Puppenheim (1879), das als Plädoyer für die Frauenemanzipation berühmt geworden ist, lässt Ibsen seine Protagonistin eine Urkundenfälschung begehen, die ihr ganz natürlich vorkommt und dessen juristische Tragweite sie gar nicht begreift. Der Kindfrau, der Femme fragile, die mit besten Absichten aus dem Gefühl heraus handelt und es dabei mit der Wahrheit nicht so genau nimmt, ist der Literaturtypus der Femme fatale, die den Mann mit ihrer Verstellungskunst verführt und ins Verderben stürzt, als negative Variante an die Seite zu stellen: In beiden Repräsentationen von Weiblichkeit, die in der Jahrhundertwende Konjunktur

1 Friedrich Nietzsche, Jenseits von Gut und Böse. Vorspiel einer Philosophie der Zukunft, in ders., Sämtliche Werke. Kritische Studienausgabe, hrsg. von Giorgio Colli und Mazzino Montinari, Neuausgabe, München, dtv, 1999 [im Folgenden: KSA], Bd. 5, S. 9-243, hier: Siebentes Hauptstück: unsere Tugenden, § 232, S. 171. 2 Arthur Schopenhauer, Über die Weiber (Paralipomena, Kap. 27), in ders., Sämtliche Werke, textkritisch bearbeitet u. hrsg. von Wolfgang Frhr. von Löhneysen, Band V/2, Frankfurt a. M., Suhrkamp, 1986, S. 719-735, hier § 366, S. 723. 242 ROMANA WEIERSHAUSEN haben, drückt sich die Vorstellung aus, es sei der Frau ein ,Hang zur Lüge‘ eigen. So unterschiedlich die Haltungen sind, die den philosophisch-weltanschaulichen und literarischen Entwürfen zugrunde liegen, so auffällig ist der Konsens darüber, beim weiblichen ,Geschlechtscharakter‘ einen prinzipiellen Mangel anzunehmen, wenn es um das Streben nach Wahrheit geht. Lou Andreas-Salomés Erzählungen liefern dazu einen Kontrapunkt, indem die Lüge zwar auch mit weiblichen Protagonisten verbunden, dabei aber positiv gewendet und mit einer lebensphilosophischen Bedeutung aufgeladen wird. Aufschlussreich – und zwar über eine engere Beschäftigung mit ihrem Werk hinaus – ist ihr Ansatz, weil sich in ihm die Umbrüche der Jahrhundertwende kristallisieren: So finden sich gleichzeitig Verbindungen mit dem zeitgenössischen Geschlechterdiskurs und geschlechterpolitisch radikale Umwertungen. Die widersprüchliche Rezeption, die die Schriften der Autorin erfahren haben, gibt von dieser Ambivalenz ein beredtes Beispiel. War ihr Werk schon zu Lebzeiten umstritten, ist sich auch die heutige Forschung in der Bewertung uneinig: Das Spektrum der Einschätzungen reicht von fortschrittlich bis reaktionär.3 Aber letztlich gehen solche Klassifizierungen an dem, was das Schaffen der Dichterin, Essayistin und Psychoanalytikerin in kultur- und literarhistorischer Perspektive besonders macht, vorbei. Anlässlich des Begriffs der Lüge lässt sich paradigmatisch zeigen, dass es gerade die Ambivalenz ist4, auf die Andreas-Salomé in ihren Texten zielt. Um dies auszuführen, werde ich folgendermaßen verfahren: Für eine Kontextualisierung gehe ich (1.) auf den Wahrheits-Diskurs der Zeit ein, der nicht unabhängig vom Triumph der positivistischen Wissenschaften gedacht werden kann. Nach einem Blick auf Andreas-Salomés produktive Rezeption von Positionen Nietzsches im Rahmen seiner Wissenschaftskritik werde ich (2.) einen für das Thema der Lüge exemplarischen Erzähltext der Autorin untersuchen. Den Schluss bilden (3.) einige zusammenführende Überlegungen mit Blick auf ihr Dichtungskonzept.

3 Zur frauenpolitisch orientierten Diskussion vgl. Caroline Kreide, Lou Andreas-Salomé: Feministin oder Antifeministin? Eine Standortbestimmung zur wilhelminischen Frauenbewegung, New York [u.a.], Peter Lang, 1996. In der Forschung wird oft zwischen dem literarischen und dem essayistischen Werk eine Diskrepanz konstatiert. Exemplarisch für diese Position, wobei zumeist das Erzählwerk als progressiv, die Essayistik dagegen als traditionell/rückständig eingestuft wird: Franz Norbert Mennemeier, „Widerspruche weiblicher Emanzipation: Lou Andreas-Salome“, in Literatur fur Leser, 3, 1987, S. 268-275; Marlies Janz, „,Die Frau‘ und ,das Leben‘. Weiblichkeitskonzepte in der Literatur und Theorie um 1900“, in Hartmut Eggert, Erhard Schütz u. Peter Sprengel (Hrsg.), Faszination des Organischen. Konjunkturen einer Kategorie der Moderne, Munchen, Iudicium, 1995, S. 37-52. Für einen Forschungsüberblick in Bezug auf die Erzählung Fenitschka, die bei der vorliegenden Untersuchung im Zentrum steht, vgl. Romana Weiershausen, Wissenschaft und Weiblichkeit. Die Studentin in der Literatur der Jahrhundertwende, Göttingen, Wallstein, 2004, S. 127f. 4 Eine im Gesamtwerk durchgängige Ambivalenz betonen auch Biddy Martin, Woman and Modernity. The (Life)Styles of Lou Andreas-Salomé, Ithaca/ New York [u.a.], Cornell Univ. Press, 1991; Irina Mareske, „…als wolle sie aus sich selbst heraus“: Die Darstellung weiblicher Körperlichkeit in Pose, Bewegung und Raum im fiktionalen (Früh)Werk Ricarda Huchs und Lou Andreas-Salomés, Ann Arbor, Michigan, UMI, 2000. DAS „LEBENERHALTENDERE DER LÜGE“ BEI LOU ANDREAS‑SALOMÉ 243

,Wahrheit‘ im späten 19. Jahrhundert

Wer an die Lüge denkt, denkt an die Wahrheit. Hiermit zu starten, wäre vernünftig. Ich möchte stattdessen mit einem Schritt davor beginnen: mit dem Wahnsinn. Als Grenzziehung, die für die modernen westeuropäischen Gesellschaften konstitutiv gewesen sei, beschreibt Foucault in seiner Dissertation zur Histoire de la folie den Ausschluss des Wahnsinns von der Teilhabe am Diskurs. Au milieu du monde serein de la maladie mentale, l’homme moderne ne communique plus avec le fou: il y a d’une part l’homme de raison qui délègue vers la folie le médecin, n’autorisant ainsi de rapport qu’à travers l’universalité abstraite de la maladie; il y a d’autre part l’homme de folie […]. Le langage de la psychiatrie, qui est monologue de la raison sur la folie, n’a pu s’établir que sur un tel silence.5 Mit dem Übergang zum modernen Weltverständnis im 18. Jahrhundert werde allein dem Sprechen ein Gültigkeitsanspruch eingeräumt, das den Regeln vernünftiger Logik folgt. Das, was vom Diskurs ausgeschlossen wird, steht jenseits der rationalen Ordnung; es ist ein Sprechen, das sich mit den Kategorien von „richtig“ und „falsch“ nicht messen lässt. Für die Thematik der Lüge ist Foucaults Befund folgenreich, denn er macht darauf aufmerksam, dass der entscheidende Gegensatz nicht zwischen Wahrheit und Lüge besteht, die sich im Bereich der Vernunft ergänzen, sondern zwischen Vernunft und Wahnsinn, zwischen denen eine radikale Trennung vollzogen wird. Die Lüge im engeren Sinne, nämlich als bewusste Unwahrheit, ist Teil des rationalen Systems und erfüllt darin sogar eine systemstabilisierende Funktion: Sie bildet den Gegenpart zur Wahrheit, der dieser ihre moralische Dignität recht eigentlich erst verleiht. Das Primat einer dualen Logik von „richtig“ und „falsch“ wird im Kontext des wissenschaftlichen Paradigmenwandels im 19. Jahrhundert noch geschärft. Es ist das viel beschworene ,szientistische‘ Zeitalter: geprägt vom Aufschwung der Naturwissenschaften zur Leitdisziplin. Mit den 1830er Jahren, so Petra Mayer mit Bezug auf Schnädelbach, vollzieht sich in Deutschland ein Übergang von deduktiv ausgerichteten „Denkmodellen […], deren Hintergrund die idealistische Philosophie bildet“, hin zu „[w]issenschaftlichen Erfahrungsmodellen“ auf der Grundlage empirischer Forschung.6 Man beruft sich fortan auf eine ,positive‘ Wissenschaft: nicht auf metaphysischen Voraussetzungen fußend, sondern auf ,Fakten‘. Der einschneidende Umbruch liegt dabei weniger in den Wissensinhalten als in den Methoden.7 Messbar und überprüfbar soll sein, was Wahrheit beansprucht. Dies sind die Leitlinien, die, den Naturwissenschaften entlehnt, das allgemeine Wissenschaftsverständnis der Zeit beherrschen. Müller-Seidel hebt die „Dominanz des linearen Denkens im zeitlichen Sinne“ hervor. „Die Schlüsselbegriffe in diesem

5 Michel Foucault, Préface, in ders., Folie et déraison. Histoire de la folie à l’âge classique, Paris, Plon, 1961, S. II. 6 Petra Mayer, Zwischen unsicherem Wissen und sicherem Unwissen. Erzählte Wissensformationen im realistischen Roman: Stifters „Der Nachsommer“ und Vischers „Auch Einer“, Bielefeld, Aisthesis, 2014, S. 26. 7 Vgl. ibid. S. 27; sowie: Herbert Schnädelbach, Philosophie in Deutschland 1831-1933, Frankfurt a. M., 1983, S. 118. 244 ROMANA WEIERSHAUSEN mentalitätsgeschichtlichen Prozeß heißen Entwicklung, Aufstieg und Fortschritt.“8 Die Wahrheit scheint so erreichbar wie kaum jemals zuvor. Lou Andreas-Salomé entfaltet demgegenüber ein anderes Verständnis von Wahrheit, wobei sie in vielem an Nietzsche anknüpft. 1894 erscheint ihre Monographie Friedrich Nietzsche in seinen Werken, in der sie auch auf dessen Überlegungen zu Wahrheit und Lüge eingeht. Dabei spielen wohlgemerkt seine Äußerungen zur Lügenhaftigkeit der Frau keine Rolle: In Andreas-Salomés Nietzsche-Schrift finden sie keine einzige Erwähnung. Zum Thema wird dagegen seine allgemeine Wissenschaftskritik, wobei vor allem eine von Nietzsches sehr verschiedenen Begriffsverwendungen von ,Lüge‘9 wichtig wird, und zwar die folgende, die sich vom üblichen Wortverständnis unterscheidet: Sie betrifft das Verfälschende, Unwahre, welches der Mensch unwissentlich hervorbringt, während er die Welt seiner (sprachlich verfassten) Deutung unterwirft.10 Die Autorin stellt dar, wie Nietzsche damit zunächst die Metaphysiker ins Visier nimmt, sich jedoch später mit einer polemischen Parteinahme für das Lebensechtere der ,Lüge‘ gegen die positivistische Schule der, wie Nietzsche sie nennt, „Wirklichkeits‑Philosophaster“11 wendet. Ihre weiteren Ausführungen zur Lüge bei Nietzsche lassen bereits erste Rückschlüsse auf ihre eigenen Interessen zu. In dem, was sie zitiert und wie sie die Zitate kombiniert, sind deutliche Schwerpunktsetzungen erkennbar, die das ,Leben‘ zum argumentativen Zentrum machen. Aus einer langen Passage etwa, in der Nietzsche die mögliche Notwendigkeit falscher Urteile erörtert, wählt Andreas- Salomé gerade die Textauszüge, die sich auf das Leben richten: Die Falschheit eines Urtheils ist uns noch kein Einwand gegen ein Urtheil; – – Die Frage ist, wie weit es lebenfördernd, lebenerhaltend – – ist; – – – Verzichtleisten auf falsche Urtheile (wäre) ein Verzichtleisten auf Leben, eine Verneinung des Lebens.12

8 Walter Müller-Seidel, „Zeitbewußtsein um 1900. Literarische Moderne im wissenschaftlichen Kontext“, in Ulrich Mölk (Hrsg.), Europäische Jahrhundertwende. Wissenschaften, Literatur und Kunst um 1900, Göttingen, Wallstein, 1999, S. 13-34, hier S. 15. 9 Untersuchungen zu Nietzsche beziehen sich entsprechend meist auf einen spezifischen Ausschnitt seines Werks. Vgl. zur Lüge bei Nietzsche z.B.: Lars Gustafsson, Sprache und Lüge. Drei sprachphilosophische Extremisten: Friedrich Nietzsche, Alexander Bryan Johnson, Fritz Mauthner, aus dem Swedischen von Susanne Seul, München/ Wien, Carl Hanser, 1980, S. 39-69; Gerhard Kaiser, „Wie die Dichter lügen. Dichten und Leben in Nietzsches ersten beiden Dionysos-Dithyramben“, in Nietzsche-Studien, 15, 1996, S. 184-224; Claus Zittel, „Ästhetik des Nihilismus. Über Wahrheit und Lüge in Nietzsches Also sprach Zarathustra“, in Orbis Litterarum, 54, 1999, S. 239-261; Mathias Mayer, „Die Rhetorik der Lüge. Beobachtungen zu Nietzsche und Hofmannsthal“, in Christine Lubkoll (Hrsg.), Das Imaginäre des Fin de siècle. Ein Symposion für Gerhard Neumann, Freiburg i. Br., Rombach, 2002, S. 43-63. 10 Vgl. auch die nicht zu Nietzsches Lebzeiten veröffentlichte Schrift, die Andreas-Salomé nicht berücksichtigt hat: Über Wahrheit und Lüge im aussermoralischen Sinne. Eine Streitschrift, in Friedrich Nietzsche, in KSA (wie Anm. 1), Bd. 1, S. 873-890, hier: z.B. S. 881. Dazu speziell: Hans Gerald Hödl, Nietzsches frühe Sprachkritik. Lektüren zu „Über Wahrheit und Lüge im aussermoralischen Sinne“ (1873), Wien, WUV-Universitätsverlag, 1997. 11 Nietzsche, Jenseits von Gut und Böse, Erstes Hauptstück: von den Vorurtheilen der Philosophen, § 10, S. 23. 12 Lou Andreas-Salomé, Friedrich Nietzsche in seinen Werken, mit Anmerkungen von Thomas Pfeiffer, hrsg. von Ernst Pfeiffer, Frankfurt a. M./ Leipzig, Insel, 2000, S. 192. Die im Originalzitat weggelassenen Passagen sind hier in eckigen Klammern ergänzt: „Die Falschheit eines Urtheils ist uns DAS „LEBENERHALTENDERE DER LÜGE“ BEI LOU ANDREAS‑SALOMÉ 245

Leben, Lügen und Kunst werden dabei in einen Zusammenhang gebracht, der eine Akzentverschiebung im Vergleich zu Nietzsches Schriften bedeutet. Andreas-Salomé zitiert zunächst aus Jenseits von Gut und Böse: – – – wir sind von Grund aus von Alters her – ans Lügen gewöhnt. Oder, um es tugendhafter und heuchlerischer, kurz angenehmer auszudrücken: man ist viel mehr Künstler als man weiss.13 An dieses Zitat schließt sie in eigenen Worten erläuternd an: „Und das Lebenerhaltendere der Lüge ist es, das den Künstler hoch über den wissenschaftlichen Menschen und dessen Wahrheitsforschung stellt.“14 Die Zusammenstellung ist auffällig, weil sie einen klaren Gegensatz zwischen der Kunst mit der ,lebenerhaltenden‘ Lüge und der Wissenschaft mit der „Wahrheitsforschung“ aufbaut, den es so in dem Zitat aus Jenseits von Gut und Böse nicht gibt. Denn mit „Künstler“ metaphorisiert Nietzsche dort den Menschen allgemein, der sich der Fiktionen, die er beim Darstellen seiner Erfahrungen und Erkenntnisse produziert, gar nicht bewusst ist. In Zur Genealogie der Moral (auf die Andreas-Salomé auch verweist) dagegen spricht er von der „Kunst […], in der gerade die Lüge sich heiligt, [in der] der Wille zur Täuschung das gute Gewissen zur Seite hat“15, womit der unwillentlichen ,Lüge‘ der Wissenschaft im Namen einer vorgeblichen Wahrheit eine andere, willentliche und lebensbejahende ,Lüge‘ der Dichtung an die Seite gestellt wird. In der verkürzenden Zusammenführung deutet sich bereits an, dass Lou Andreas- Salomés ein besonderes Augenmerk auf die Lüge als Lebensbedürfnis legt und dass die Kunst dabei nicht elitär erscheint, sondern wie die Steigerung einer dem Menschen natürlichen Haltung. Im Folgenden möchte ich am Beispiel der Erzählung Fenitschka der Frage nachgehen, welche Ausprägung die Thematik der Lüge in Andreas-Salomés eigenen literarischen Texten findet.

noch kein Einwand gegen ein Urtheil; [darin klingt unsre neue Sprache vielleicht am fremdesten.] Die Frage ist, wie weit es lebenfördernd, lebenerhaltend [, Art-erhaltend, vielleicht gar Art-züchtend] ist; [und wir sind grundsätzlich geneigt zu behaupten, dass die falschesten Urtheile (zu denen die synthetischen Urtheile a priori gehören) uns die unentbehrlichsten sind, dass ohne ein Geltenlassen der logischen Fiktionen, ohne ein Messen der Wirklichkeit an der rein erfundenen Welt des Unbedingten, Sich-selbst- Gleichen, ohne eine beständige Fälschung der Welt durch die Zahl der Mensch nicht leben könnte, – dass] Verzichtleisten auf falsche Urtheile ein Verzichtleisten auf Leben, eine Verneinung des Lebens [wäre].“ (Vgl. Nietzsche, Jenseits von Gut und Böse, Erstes Hauptstück, § 4, S. 18.) 13 Andreas-Salomé, Nietzsche in seinen Werken, S. 192. Zitat aus: Nietzsche, Jenseits von Gut und Böse, Fünftes Hauptstück: zur Naturgeschichte der Moral, § 192, S. 114. 14 Andreas-Salomé, Nietzsche in seinen Werken, S. 192. 15 Nietzsche, Zur Genealogie der Moral. Eine Streitschrift, in KSA (wie Anm. 1), Bd. 5, S. 245-412, hier: 3. Abhandlung, § 25, S. 402. 246 ROMANA WEIERSHAUSEN

Lüge im Wissen und Wahrheit in der Lüge: Fenitschka

In der 1898 veröffentlichten Erzählung16 erscheint die Frage nach dem Geschlechtergegensatz bezüglich des Themas Wahrheit und Lüge besonders pointiert, denn die Titelheldin hat wie ihr männlicher Gegenspieler studiert und steht im Zugang zum Wissen also nicht von vornherein auf ganz anderem Boden wie die Protagonistinnen weiterer Erzähltexte der Autorin. Die Erzählung startet mit der gesellschaftlich dominierenden Position: Die Perspektive, die beim Erzählen eingenommen wird, ist die des promovierten Psychologen Max Werner, der das Gelernte nun in der Lebenswirklichkeit zu testen gedenkt: Dies ist der Grund, warum er sich für die eigentlich wenig attraktive Studentin Fenia, die er in einer Gesellschaft kennenlernt, zu interessieren beginnt. Dem Geschlechterdiskurs entsprechend klassifiziert er Frauen nach ihrer sexuellen Verfügbarkeit in zwei Gruppen: einerseits die leichten Mädchen und Femmes fatales, andererseits die Tugendhaft-Reinen und Mütter. Eine Studentin aber – zu dieser Zeit eine außergewöhnliche Erscheinung – kann er nicht einordnen. Er vermutet zunächst eine Täuschungsabsicht Fenias, eine groß angelegte Lüge sozusagen, und „argwöhnt[]“, sie halte sich eine höchst kluge und gelungene Maske vor. Steckte nicht hinter diesem Nonnenkleidchen, das unter den andern Toiletten fast auffiel, etwas recht Leichtgeschürztes, – hinter diesem offenen, durchgeistigten Gesicht nicht etwas Sinnenheißes, worüber sich nur ein Tölpel täuschen ließ? (F 13) Im weiteren Verlauf des Abends versucht er, seine Hypothese zu überprüfen. Er lockt sie in sein Hotel, wo er sie verführen will. Doch das Experiment scheitert und lässt ihn beschämt zurück. Die falsifizierte Annahme führt ihn zum logischen Kurzschluss, sie nun dem anderen Frauentyp zuzuordnen. Einige Monate später, als er Zeuge ist, wie Fenia mit dem Gerücht konfrontiert wird, man habe sie nachts mit einem Mann gesehen, „umstrahlt[]“ sie „in seinen Augen […] eine eisige, unanzweifelbare Reinheit.“ (F 32) Doch auch hier irrt er. Auf der Suche nach der Wahrheit unterlaufen ihm immer wieder verfälschende Reduktionen. Angesichts des fortgesetzten Scheiterns seiner Einordnungsversuche fragt er sich schließlich selbst: Warum hatte er in beiden Fällen ihr Wesen so typisch genommen, so grob fixiert? […] Es war ganz merkwürdig, wie schwer es fiel, die Frauen in ihrer rein menschlichen Mannigfaltigkeit aufzufassen […], nicht immer nur halb schematisch. (F 36) Der Blick des Wissenschaftlers offenbart sich als ungenügend. Seine wohlgeordneten ,Wahrheiten‘ über ,die‘ Frau erweisen sich als unabsichtliche ,Lügen‘ im Sinne von Nietzsches Wissenschaftskritik: als verfälschende Zurichtungen der Wirklichkeit.

16 Hier zitierte Ausgabe: Lou Andreas-Salomé, Fenitschka, in dies., Fenitschka. Eine Ausschweifung. 2 Erzählungen, hrsg. u. mit einem Nachwort versehen v. Ernst Pfeiffer. Neu durchges. Aufl., Frankfurt a. M./ Berlin, Ullstein, 1993, S. 5-67. Die im Folgenden mit der Sigle F markierten Seitenangaben beziehen sich auf diese Ausgabe. DAS „LEBENERHALTENDERE DER LÜGE“ BEI LOU ANDREAS‑SALOMÉ 247

Fenia dagegen denkt vom Leben aus. Ihre Auffassung vom Studium ist der Max Werners diametral entgegengesetzt. Auffallend ist, wie sehr dabei von einer grundsätzlichen Geschlechterdifferenz ausgegangen wird. Max betont die männliche Fähigkeit zur notwendigen „Selbstkasteiung“ für die Wissenschaft: Je reiner, je strenger und sicherer ihre Erkenntnismethoden sind, desto bewußter und größer dann auch ihr Verzicht auf das volle, das wirkliche Erfassen selbst des kleinsten Lebensstückchens. (F 14) „Für uns Frauen,“ setzt Fenia dagegen, „bedeutet es keine Askese“, sondern einen Schritt mitten hinein in das Leben! Wer von uns sich dem Studium hingibt, tut es nicht nur mit dem Kopf, mit der Intelligenz, sondern mit dem ganzen Willen, dem ganzen Menschen! Er erobert nicht nur Wissen, sondern ein Stück Leben voll von Gemütsbewegungen. (F 15) Die emphatische Formel vom „ganzen Menschen“ offenbart die Nähe zu Nietzsches Lebensphilosophie. Bei ihm, so resümiert Andreas-Salomé in ihrer Nietzsche-Monographie, sei das Denken „ein Erleben, die Erkenntnis ein Mitarbeiten und Mitschaffen an einer neuen Cultur: in Gedanken durften alle Seelenkräfte zusammenwirken: er forderte den ganzen Menschen“ 17. Da wo Nietzsche sich aber bekanntlich nur auf den Mann bezieht, nutzt Andreas-Salomé Nietzsche im Grunde gegen dessen Intention für ein Ganzheitlichkeitsverständnis, das auf Weiblichkeit beruht.18 Weiter ausgeführt findet sich dies in ihrem geschlechtertheoretischen Essay Der Mensch als Weib von 1899.19 Oberflächlich gelesen, wähnt man die Klischees des zeitgenössischen Diskurses bedient, wenn die Autorin dem männlichen Denken die Fortschrittslinie zuweist und das weibliche als das „Undifferenzirtere“ beschreibt.20 Tatsächlich vollzieht sie aber eine selbstbewusste Umwertung zugunsten des weiblichen Elements, das das reichere Wissen verbürge, während die männliche Spezialisierung eine zunehmende Entfremdung vom Leben bedinge.21 Wenn sie betont, dass sich „dem Manne […] Wahrheit am zwingendsten als das dar[stelle], womit man auch logisch zurechtkommen muß“, wohingegen „dem Weibe […] eine zwingende Wahrheit immer nur das Lebenerweckende“ sei22, so bestätigt sie damit zwar die herrschende Annahme einer Geschlechterdichotomie, kehrt unter der Hand aber die Vorzeichen um. Lou Andreas-Salomé knüpft bei Nietzsches Wahrheitsbegriff an, demzufolge es nicht um „wahr“ oder „falsch“ gehe, sondern darum, wie weit etwas „lebenfördernd, lebenerhaltend“23 sei, und denkt dies im Kontext ihrer Geschlechtertheorie weiter. Nur die Frau vermöge – so ist mit

17 Andreas-Salomé, Nietzsche in seinen Werken, S. 104. 18 Vgl. dazu Weiershausen, Wissenschaft und Weiblichkeit, S. 189-202. 19 Lou Andreas-Salomé, „Der Mensch als Weib. Ein Bild im Umriß“, in Neue Deutsche Rundschau, 10, 1899, S. 225-243, hier S. 233. 20 Ibid., S. 225. 21 Ibid., S. 233. 22 Ibid., S. 234. 23 Andreas-Salomé, Nietzsche in seinen Werken, S. 192. 248 ROMANA WEIERSHAUSEN

Andreas-Salomé zu schlussfolgern –, die Verbindung zum Urgrund des Lebens zu erhalten, in dem allein das Maß der ,Wahrheit‘ zu finden sei. Mit den Wertsetzungen der vitalistischen Geistesströmungen der Jahrhundertwende stellt dies die im herrschenden Geschlechterdiskurs üblichen Hierarchien zwischen Mann und Frau auf den Kopf. Ich komme zurück zur Ausgangsfrage nach dem Geschlechterbezug der Lüge in der Erzählung. Denn trotz einer prinzipiellen weiblichen Disposition zu einer ,Wahrheit des Lebens‘, wie ich es nennen möchte, macht sich auch Fenia der Lüge schuldig: und zwar der direkten, bewussten Falschaussage. Max Werner wird zum Ohrenzeugen, wie Fenia den Mann, den sie liebt, belügt. Die Situation ist paradox: Hatte Fenia darunter gelitten, ihre Liebe vor der Öffentlichkeit geheim halten zu müssen, scheint jetzt die Lösung auf. Denn der Geliebte hat eine Anstellung gefunden, die ihn finanziell in die Lage versetzt, Fenia zu heiraten. Aber für Fenia würde mit der Ehe die eigene freie Entfaltung, zu der auch ein geistiger Beruf gehört, unmöglich. So muss sie sich vom Geliebten trennen. Die Lüge soll helfen, von ihm loszukommen: Sie werde nachkommen, versichert sie ihm, sobald er die Stelle in der fernen Stadt angetreten habe. Die ganze Ambivalenz dieser Lüge manifestiert sich in der Abschiedsszene: Denn die Trennung, die Fenia vollzieht, gleicht einer Trauung, von der Fenia früher einmal erklärt hatte, es bedeute, sich „auf die Knie [zu werfen]“, „sozusagen im Dienst eines Höheren, Dritten“ (F 22). Max hört im Nebenzimmer, was sich zwischen den Liebenden abspielt: Es war, als stürze sie in die Knie, oder an seine Brust […]. – „Niemals! niemals!“ sagte sie weinend, außer sich, „niemals kann ich es vergessen, daß ich dein bin.“ […] Ein Stuhl wurde fortgeschoben. Man vernahm nichts mehr. Nichts als das Geläute der Glocken, das lauter und lauter anschwoll und mit seinen feierlichen Klängen wie ein Lobgesang das ganze kleine Zimmer erfüllte, – – (F 66) Fenias Handlungsweise scheint widersprüchlich – aber sie ist einem Bedürfnis nach Ganzheitlichkeit geschuldet, dem Bedürfnis, sich nicht im Sinne gesellschaftlicher Beschränkungen entscheiden zu müssen.24 Nur in der rationalen Logik schließt sich aus, was die ,Mannigfaltigkeit‘ des Lebens erfordert. Für das Verhältnis von Wahrheit und Lüge zeichnet sich in der Erzählung eine geschlechter- und wissenspolitisch bemerkenswerte Umkehrung ab. Festzuhalten ist zunächst einmal, dass Max Werner als einer auftritt, der der Wahrheitssuche verpflichtet ist, und dass Fenia eine bewusste Lüge begeht. Aber Max’ ,Wahrheit‘ entpuppt sich als verfälschende Reduktion und Fenias Lüge entsteht auf dem Boden einer tieferen Wahrheit des Lebens. Angesichts der drohenden Einschränkungen der

24 In der Forschung wurde der Schluss gelegentlich als emanzipatorische Entscheidung für die Berufstätigkeit vereindeutigt, z.B. bei Brigid Haines, „Lou Andreas-Salome’s Fenitschka. A Feminist Reading“, in German Life and Letters, 44, 1991, H. 5, S. 416-425, hier S. 418; Gisela Brinker-Gabler, „Selbstandigkeit oder Liebe? Frauen sehen ihre Zeit“, in Arno Bamme (Hrsg.), Thusnelda Kuhl: die Dichterin der Marschen, Munchen/Wien, Profil, 1992, S. 89-107, hier S. 99. Dagegen argumentiert Biddy Martin: „She [Fenia] merely negotiates, she does not resolve the contradictions or completely escape the constraints.“ (Martin, Woman and Modernity, S. 188.) Vgl. dazu Weiershausen, Wissenschaft und Weiblichkeit, S. 148. DAS „LEBENERHALTENDERE DER LÜGE“ BEI LOU ANDREAS‑SALOMÉ 249

Gesellschaft wird sie zur Lüge gezwungen, um keine größere Lüge – an sich und am Leben – zu begehen. Die Lüge, so lässt sich insgesamt festhalten, eröffnet in Lou Andreas‑Salomés Erzählung eine bemerkenswert weitgehende Perspektive: Mit einem lebensemphatischen Ansatz wird die Lüge im Raum eines widersprüchlichen Lebensganzen gegen ein einseitiges Verständnis von „wahr“ und „falsch“ akzentuiert. Dahinter scheint die Sehnsucht nach einem Erfahrungswissen jenseits der rationalen Ordnung auf.

Fazit: Dichtung als Weg zur Erkenntnis

Vergleichbar motivierte Zusammenhänge durchziehen das gesamte Werk Lou Andreas-Salomés. Hierzu gehört in der Erzählung Eine Ausschweifung (1898)25 der Widerstand der Malerin Adine gegen das Vernunftsystem ihres Verlobten, eines Irrenarztes, und ihre Sympathie für den Wahnsinn der Patienten, den sie nicht als Krankheit verwerfen mag. Hierzu gehört ebenfalls die Bedeutung des dichterischen Erzählens für die Protagonistin aus der späten, bisher im vollständigen Original noch unveröffentlichten Jutta-Trilogie (entstanden 1921/1933).26 Am Ende des dritten Teils entscheidet Jutta sich angesichts ihres Zweifels, ob die Universitätsgelehrten bei den wichtigen Fragen des Lebens helfen könnten, gegen ein wissenschaftliches Studium und wird zur Dichterin. In dieser Spätphase ihres Schaffens bekennt sich Lou Andreas-Salomé besonders eindrücklich zu den Erkenntnismöglichkeiten des Literarischen – eines Ausdrucks, der auch Widersprüche und Ambivalenzen aufnehmen kann und damit einen tieferen Blick in Wahrheiten des Lebens vermittle, als eine wissenschaftliche Analyse dies könne.27 In ihrem Gedankentagebuch des Jahres 1912/1328, in dem sie bei Freud in Wien studiert hatte, plädiert sie statt eines analytisch-rationalen Vorgehens für eine „literarische Technik“, um Einsichten in die menschliche Psyche zu gewinnen: Nicht zergliedernd solle man verfahren, sondern dichtend, weil man nur so der „Einheit der Gestaltung gerecht“ werden könne.29 „Einheit der Gestaltung“ meint dabei zugleich

25 Verfügbare Ausgabe: Lou Andreas-Salomé, Eine Ausschweifung, in dies., Fenitschka. Eine Ausschweifung. 2 Erzählungen, hrsg. u. mit einem Nachwort versehen v. Ernst Pfeiffer. Neu durchges. Aufl., Frankfurt a. M./ Berlin, Ullstein, 1993, S. 69-121. 26 Es liegt eine französische Übersetzung vor: Jutta. Récit, texte établi, préfacé et traduit de l’allemand par Stéphane Michaud, Paris, Éditions du Seuil, 2000. Abgesehen von der Zeitschriften- Veröffentlichung der Eröffnungserzählung (Geschwister) in einer Erstfassung wurde auf Deutsch bisher nur der mittlere Teil (Ein Pfingsttagebuch) herausgegeben, dies aber mit Texteingriffen des Herausgebers Ernst Pfeiffer. Erstmalig wird der vollständige Originaltext 2015 erscheinen (im Verlag Welsch Medien, hrsg. v. Romana Weiershausen mit der Mitarbeit von Dorothee Pfeiffer und Ursula Welsch). 27 Vgl. Romana Weiershausen, „Entwürfe eines geschlechtsspezifischen Wissens bei Lou Andreas- Salomé: Lebensphilosophie, Dichtung, Psychoanalyse und die Jutta-Trilogie (1921, 1933)“, in Zeitschrift für Germanistik, N.F. 18, 2008, H. 2, S. 318-330, hier S. 329f. 28 Lou Andreas-Salomé, In der Schule bei Freud. Tagebuch eines Jahres (1912/1913). Aus dem Nachlaß, hrsg. v. Ernst Pfeiffer. Frankfurt a. M./ Berlin/ Wien, Ullstein, 1983. 29 Ibid., S. 34. 250 ROMANA WEIERSHAUSEN eine Einheit, die der „psychologische[n] Zerfaserung ins Allerindividuellste“, der „Vereinzelung“ der Person entgegenwirkt. Diese höhere „Einheit“ entstehen zu lassen, sei mit analytischer Logik allein nicht zu leisten: Dafür brauche es „Dichterkraft“30. Damit aber zielt die literarische Wahrheit gerade auf das Jenseits der rationalen Wissensordnung. Platons bekanntem Diktum, die Dichtung sei Lüge und damit zu verwerfen, entgegnet sie mit einer anderen – in der Tendenz grundlegend ,weiblichen‘ – dichterischen Weltsicht, in der die Lüge den falschen Wahrheiten entgegensteht und den Weg zu einer gültigen Wahrheit des Lebens weist. Dieser Weg ist noch mit der Vernunft zugänglich, aber nicht mehr ausschließlich der dualen Logik verpflichtet: Wenn man so will, zeichnet sich hier ein Brückenschlag ab zu den Wissensbereichen – des Traums, des Wahns –, die mit der Entwicklung der modernen Gesellschaften ins Abseits verdrängt worden waren.

30 Ibid. Résumés en allemand

Emmanuel BÉHAGUE Der öffentliche Raum in der fotografischen Kunst des „real existierenden Sozialismus“: Helga Paris, Ulrich Wüst, Kurt Buchwald

Ausgangspunkt dieses Aufsatzes ist die berühmte Beschwörungsformel des „real existierenden Sozialismus“ in der DDR der Honecker-Ära. Auf der Grundlage von Texten Hannah Arendts und Alexandre Koyrés soll dieser Ausdruck als eine Form der modernen Lüge gedeutet werden. Die zu dieser Zeit entstehende sozialdokumentarische Fotografie setzt dieser Lüge die Darstellung der von der Bevölkerung konkret erfahrbaren Realität entgegen. Mit Helga Paris, Ulrich Wüst und Kurt Buchwald werden drei Protagonisten jener fotografischen Produktion berücksichtigt, die die dabei entstehende Vielfalt der Bildsprachen beleuchten. Zunächst wird dieses Feld der Fotografie im Rahmen der Entwicklungen der 70er und 80er Jahre betrachtet, die dieser fotografischen Kunst zu einer neuen Öffentlichkeit verhelfen. In einem nächsten Schritt werden die Arbeiten der drei Fotografen/innen auf ein gemeinsames fotografisches Thema hin untersucht, das den in Transformation begriffenen städtischen Raum behandelt. Dabei lässt sich an den unterschiedlichen Modi der Darstellung erweisen, dass der kritische Ansatz der Künstler über die bloße Wiederherstellung einer vermeintlichen „Wahrheit“ gegenüber der ideologischen Lüge hinausgeht.

Schlagwörter: Fotografie, öffentlicher Raum, Architektur, Deutsche Demokratische Republik (DDR), Kunst und Gesellschaft

Susanne BÖHMISCH Für ein genderorientiertes Lügenmodell

Inwiefern beeinflusst die Semantik der Lüge normative Geschlechterdiskurse? Inwieweit kann die Geschichte der Geschlechterdifferenz aufklären über verschiedene Interpretationen der Lüge, über unterschiedliche Toleranzschwellen und Sanktionen, denen sie unterliegt? Der den thematischen Teil „Lüge und Geschlecht“ einleitende Aufsatz geht auf einige dieser Fragen ein, wobei er sich überwiegend auf weibliche Figuren der Lüge und List konzentriert. Nach einem kurzen Abriss der Aufdeckung von Lügen über Gender wird gezeigt, welche Ideen in den Schriften von Simone de Beauvoir und Judith Butler unsere Argumente zugunsten eines genderorientieren Lügenmodells untermauern könnten. Das Beispiel der Verschiebung von Herodias’ List zu Salomes Tanz soll schließlich zeigen, wie sich eine Geschlechterkonstruktion in enger Beziehung zur Interpretation von weiblicher List wandelt.

Schlagwörter: Lüge, gender, weibliche List, Hysterie, Salome 252 RÉSUMÉS

Paola BOZZI Thomas der Lügner – und seine Geistesmenschen. Vom Lebenswerk als Lebenslüge

Das Spannungsfeld zwischen Wahrheit und Lüge prägt das ganze Œuvre Thomas Bernhards. In seinem Mittelpunkt steht ein bestimmter menschlicher Typus: der Geistesmensch. Seine Konzentration auf Wissenschaft und Kunst soll sich meist in der Form eines Werks bzw. einer Studie konkretisieren. Dieses Lebenswerk verweist auf eine Obsession des männlichen Subjekts, die keine Aussicht auf Erfüllung hat. So stellen das nie verwirklichte Werk bzw. die gescheiterte Studie nicht nur „das Motiv der Motive Bernhards“, sondern durch ihre Abwesenheit das fehlende Zentrum seiner dezentrierten Texte dar und werden als Leerstelle zur suggestiv bildlosen Metapher einer Lebenslüge. Bernhard, der als schreibender Patriarch bzw. Verfasser von frauenfeindlichen Texten gilt, betreibt in diesem Sinne weniger eine bejahende Reproduktion des Geschlechterdiskurses als vielmehr dessen subtil subversive Zersetzung.

Schlagwörter: Geistesmensch, Lebenswerk, Lebenslüge, Metapher, Geschlechterdiskurs

Marc DÉCIMO Wer, Leonardo da Vinci oder Marcel Duchamp, macht aus der Monna Lisa ein trügerisches Porträt?

In Anbetracht von Marcel Duchamps L.H.O.O.Q. sollen die Voraussetzungen für das Entstehen dieses Werks im Jahre 1919 untersucht werden. Warum hat Duchamp der Ikone der abendländischen Kunst einen Schnurrbart, einen Spitzbart und einen anstößigen Titel hinzugefügt? Kann allein die dadaistische Geste diesen Akt erklären? Wie können wir Duchamps eigene Werkinterpretation deuten, die er vierzig Jahre später in der Nachträglichkeit seiner Lektüre von Freuds Eine Kindheitserinnerung des Leonardo da Vinci formuliert hatte? Sollte L.H.O.O.Q. nicht auch kontextualisiert werden, um eine dem Werk gerechte Interpretation zu entwickeln?

Schlagwörter: Marcel Duchamp, Dada, Monna Lisa, gender, Diebstahl der Monna Lisa

Patrick FARGES Männlichkeit, Lüge, „Jeckischkeit“ in Yoram Kaniuks Roman 1948

Welchen Zusammenhang gibt es zwischen Männlichkeit und Lüge? Der vorliegende Artikel untersucht jüdische (insb. deutsch-jüdische oder „jeckische“) Männlichkeitsentwürfe im Mandatsgebiet Palästina zur Zeit des „Unabhängigkeitskrieges“ von 1948. Für deutsch‑jüdische Männer waren Lüge und Identitätsfrage eng miteinander verbunden, zumal die „jeckische“, bürgerliche Männlichkeit nicht den Erwartungen des „Neuen Juden“ entsprach. Diese Aspekte sind im Roman des israelischen Autors Yoram Kaniuk, 1948, zentral. Der Erzähler besitzt scheinbar alle Attribute des in Erez Israel geborenen Sabra, der im Rahmen der Eliteeinheit Palmach sein Land verteidigt. Doch im Laufe der Erzählung wird ein anderes Licht auf die männlich- soldatische Kriegserfahrung geworfen, und diese als „Mythos 1948“ entlarvt. Auch die jeckische Männlichkeit des Vaters, des ersten Kurators der Kunstgalerie Tel Aviv, wird als Lüge bloßgelegt.

Schlagwörter: Männlichkeit, Lüge, 1948, deutsche Juden, Israel RÉSUMÉS 253

Susanne GREILICH Unverlässliches Erzählen und romantische Ironie in einem spanischen Roman der Restaurationszeit

Am Beispiel von J. Valeras polyphonem Roman Pepita Jiménez (1874) beleuchtet der Aufsatz die Möglichkeit narrativer Texte, die Lüge nicht nur in Form von Ereignissen und Figuren auf makrostruktureller Ebene einzuführen, sondern vermittels unzuverlässiger Erzähler auch auf der Diskursebene zu etablieren – und somit selbst zu lügen. Nach einem theoretischen Aufriss widmet sich der Aufsatz den Erzählerfiguren des Romans. Dabei wird deutlich, dass in Pepita Jiménez verschiedene Dynamiken wirksam werden: Der Verdacht erzählerischer Unverlässlichkeit entwickelt sich ebenso unabhängig von der Polyphonie des Textes, wie im Zusammenspiel mit ihr. Neben expliziten Erzählerkommentaren und diskrepanten Informationen entsteht der Eindruck erzählerischer Unverlässlichkeit dabei im Besonderen durch das Zusammenspiel von Textsignal und (externer) Erfahrungswelt des Lesers. Abschließend wird umrissen, welche Funktion dem Gebrauch unverlässlichen Erzählens bei Valera im Kontext der spanischen Literatur der Restaurationszeit und ihrer poetologischen Debatten zukam.

Schlagwörter: unverlässlicher Erzähler, Metafiktion, fingierte Herausgeberschaft, narrative Wahrhaftigkeit, Valera

Walburga HÜLK Ambiguitätstoleranz und die Dinge des Lebens

Der Artikel untersucht zunächst in der Literatur der Vormoderne das Verhältnis von Lüge und Verstellung zu Wahrheit und Wahrhaftigkeit. Die dort zu beobachtende Akzeptanz von Ambiguität verdankt sich der Tatsache, dass „Echtheit“ des Charakters in der moralistischen Semantik und „Intimität“ in der Klassifikation sozialen Lebens keine Kategorien waren. Das moralische, auf Augustinus zurückgehende Argument hingegen, das in Rousseaus Kardiognostik einen Höhepunkt erreicht, macht diese Aspekte zum Prüfstein des Individuums. Während heute in verschiedenen Feldern angeknüpft wird an das vormoderne „Rollenspiel des Lebens“, vermittelt die Literatur um 1900 – vor allem Schnitzler und Proust – eine Vorstellung der Irritationen und Qualen, die der Verdacht auslöst, wenn er in Intimkommunikation einbricht. Während in Schnitzlers Traumnovelle Ambiguität ausbalanciert wird, besetzt die Idee der generalisierten Falschheit von Zeichen und Charakter das Denken nahezu aller Protagonisten in Prousts Roman À la recherche du temps perdu. Dessen sprachphilosophischer und anthropologischer Einsatz ist radikal pessimistisch.

Schlagwörter: Ambiguität, Lüge, Moral, Moralistik, Verdacht

Christian KLEIN (Dis-)simulation und Fiktion: Der Roman „Ich“ von Wolfgang Hilbig (1993)

In Hilbigs Roman über den Arbeiterschriftsteller W., der als IM angeworben wird, werden mehrere Formen der Un-Wahrheit in Szene gesetzt. Unter Berufung auf Baudrillards Konzept der Simulation werden im Laufe der Handlung die Grenzen zwischen Staatslügen und fiktionalen Verfälschungen in einem System verwischt, wo die Referenzlosigkeit der Staatsparole herrscht. 254 RÉSUMÉS

Schlagwörter: DDR, Simulation, Baudrillard, Staatslügen, Fiktionslügen

Clemens KNOBLOCH Die Image-Lüge in der Massendemokratie – über einen neuen Typ der politischen Lüge

Da sinnvollerweise nur gefragt werden kann, was der Lügenvorwurf, wenn er erfolgreich erhoben werden kann, in einer bestimmten privaten oder öffentlichen Kommunikationssphäre bedeutet und welche Folgen er hat, thematisiert der folgende Beitrag den im politischen Feld gebräuchlichen Typus der Imagelüge. Imagelügen dienen der Pflege und Erhaltung eines konsistenten und in der Regel planmäßig organisierten Außenbildes. Handlungen und Ereignisse müssen so auf- und umgearbeitet werden, dass sie dem Image des öffentlichen Sprechers maximal zugute kommen. Imagebedrohende Tatbestände müssen gemieden oder, wenn das nicht geht, radikal umdefiniert werden. Ein intaktes Image wird zum Ausweis von Erfolg und die Fähigkeit zur Dekonstruktion der Images konkurrierender Akteure zum Beleg für die eigene Überlegenheit. Im Gegenzug gelten politische Akteure dann rasch als gescheitert, wenn sie sich in den Konsistenzzwängen ihrer Images verheddern. Der Beitrag versucht, einige Folgen dieser wuchernden Konsistenzzwänge auszuleuchten, u.a. die Politisierung einfacher Tatsachenwahrheiten (Hannah Arendt), die starke Disjunktion von politischer Vorder- und Hinterbühne und die Beförderung eines entpolitisierten Zynismus, der politischen Akteuren nicht mehr vertraut als anderen Werbeimages auch.

Schlagwörter: Image, Lüge, Politik, Konsistenzzwang, Tatsachenwahrheit

Friederike KUSTER „Durch die List ist der Willen zum Weiblichen geworden.“ Bemerkungen zu einer Stelle aus Hegels Jenaer Systementwürfen

In einem frühen Vorlesungsfragment der Jenaer Zeit leitet Hegel die geistige Differenz der Geschlechter aus dem Erfahrungsprozess des Bewusstseins in der Arbeit ab. Im Werkzeuggebrauch wird der Wille listig und gewinnt dadurch einen weiblichen Charakter. Diesen Charakter bezeichnet Hegel im Weiteren auch als das Böse. Der Aufsatz analysiert die spezifische Struktur der List und liefert in diesem Zusammenhang eine Interpretation des Bösen unter Berücksichtigung der religionsphilosophischen Schriften Hegels. Schließlich wird die List auch in einen Bezug gesetzt zum Diktum von der „ewigen Ironie des Gemeinwesens“ in der Phänomenologie des Geistes.

Schlagwörter: List, Geschlecht, Arbeit, Ironie, Böses

Jochen MECKE

Ästhetik der Lüge

Der Aufsatz untersucht die Lüge aus ästhetischer Perspektive. Der erste Teil behandelt die Frage, in welcher Form Literatur, an sich eine lügenfreie Form der Kommunikation, literarische Lügen kreieren kann, während der zweite Teil die Lüge aus ästhetischer RÉSUMÉS 255

Perspektive untersucht und der Frage nachgeht, ob die allgemeine Theorie der Lüge aus dieser Perspektive zu modifizieren ist.

Schlagwörter: Ästhetik der Lüge, literarische Formen der Lüge, unzuverlässiger Erzähler, Kitsch, Klischee

Christine SCHMIDER Stadtliteratur und Poetik der Lüge – der urbane Raum im Werk Flauberts und Balzacs

Im folgenden Beitrag soll untersucht werden, wie die Großstadtliteratur darauf abzielt, hinter der trügerischen Fassade der fiktiven oder realen Stadtlandschaft eine verborgene Wahrheit und das Versprechen einer Erkenntnis aufzuspüren. Es wird zunächst gezeigt, wie Balzac die Protagonisten der Comédie humaine dazu anhält, die Stadt in ihrer sozialen und erotischen Komplexität zu entziffern, um die in ihr verborgene Wahrheit zu erkennen, und sich so gesellschaftliche und sexuelle Macht anzueignen. Die Untersuchung des Pariser Liebes- und Spionageromans Ferragus macht deutlich, welche grundlegende Rolle das Wechselspiel zwischen Wahrheit und Lüge für die Stadtliteratur spielt. Anschließend wird an Texten Flauberts (L’Éducation sentimentale und Madame Bovary) nachgewiesen, wie diese mit den traditionellen Codes des Großstadtromans brechen, indem die Stadt zum Synonym für Lüge wird. Die Flaubertschen Romane inszenieren systematisch die für das Konzept der Lüge konstitutive Diskrepanz zwischen Gefühl und Ausdruck, und zwar auf szenarischer, narratologischer und semiotischer Ebene.

Schlagwörter: Flaubert, Balzac, Stadt, Stadtliteratur, Lüge

Nathalie SCHNITZER „Das Bier unter den Alkoholfreien“ – Lüge und Irreführung in der kommerziellen Kommunikation

In ihrer sprachlichen Realisierung besteht Lüge als Sprechakt darin, etwas zu sagen, das man für falsch hält, mit der Absicht, den Gesprächspartner zu täuschen. Die Lüge ist in der Sprache nicht verankert, doch aufgrund mancher Spuren lässt sie sich gelegentlich im Diskurs aufdecken. Dieser Beitrag bezieht sich auf einen Korpus in deutscher und französischer Sprache, um irreführende Inhalte in einer pragmalinguistischen Perspektive zu untersuchen. Der Korpus besteht aus Dokumenten aus dem Bereich Marketing und Werbung. Die Analyse berücksichtigt die EU-Rechtsvorschriften über irreführende Geschäftspraktiken und setzt sich zum Ziel, auf bestimmte Ausdrucksweisen aufmerksam zu machen, die zwar nicht grundsätzlich mit Lüge in Verbindung stehen, aber eine günstige Basis für ihre Umsetzung in der kommerziellen Kommunikation darstellen.

Schlagwörter: Linguistik, Lüge, Werbung, Deutsch, Französisch 256 RÉSUMÉS

Christiane SOLTE-GRESSER Begabte Schwindlerinnen. Über die Inszenierungen der Lüge bei Ljudmila Ulickaja

In ihrem Roman Die Lügen der Frauen (im russischen Original erschienen 2002 unter dem Titel Skvoznaja linija [Durchgangslinie]) entwirft Ljudmila Ulickaja eine regelrechte Typologie weiblicher Lügen. Zudem findet hier eine explizite Reflexion über die Besonderheiten der Lügengeschichten von Frauen statt. Sämtliche Erzählungen dieses Episodenromans werden durch die Protagonistin Shenja zusammengehalten. Über die Funktion dieser Rezipientin stellt der Text stets einen direkten Zusammenhang zwischen Lüge und Literatur, zwischen Verstellung und Fiktion, zwischen Lebenserfindung und Lebensrekonstruktion her. Der Roman wird daher aus einer rezeptionstheoretischen Perspektive analysiert. Damit soll die tragende Bedeutung der Rezeption für das Verhältnis von Lüge und autobiografischem Sprechen geklärt werden. Denn ob die Erzählungen hier als Lüge oder als literarische Fiktion verstanden werden, hängt von eben jenen Faktoren ab, aus denen sich auch unterschiedliche Ansätze der Rezeptionstheorie speisen.

Schlagwörter: Ljudmila Ulickaja, Rezeptionstheorie, Erzählen, Realität und Fiktion, weibliche Lüge

Catherine TEISSIER Weibliche Lüge als Befreiungsstrategie. Von Irmtraud Morgner zu Brigitte Burmeister: Ein Paradigmentransfer

Der Artikel setzt sich zum Ziel, die Lüge als spezifisches Ausdrucksmittel des Weiblichen, das von entfremdenden Darstellungssystemen zum Schweigen gebracht wird, bei zwei ostdeutschen Autorinnen vor und nach 1990 zu erkunden. Dazu wird zunächst ein Abriss über die Rolle der Lüge im komplexen Werk Irmtraud Morgners gegeben, wo sie vor allem (Proletariern und Frauen) zur Unterwanderung von Herrschaftsverhältnissen dient; danach wird aufgezeigt, dass das Morgnersche Paradigma eine Fortsetzung findet im Werke einer Autorin der DDR nach 1990, Brigitte Burmeister. Die Analyse der im Zentrum des Romans Unter dem Namen Norma (1994) stehenden weiblichen Lüge ermöglicht es, deren Genese, Mechanismen und Akteure zu untersuchen, wobei die Lüge diesmal die Machtverhältnisse zwischen Ost und West, zwischen Gewinnern der Geschichte und Verlierern der „Wende“ offenlegt.

Schlagwörter: weibliche Lüge, DDR-Literatur, ostdeutsche Literatur, B. Burmeister, I. Morgner

Heinz THOMA Lüge und Realismus: Italo Calvinos La giornata di uno scrutatore und Louis Aragons Le mentir-vrai

Die Studie beginnt mit einer knappen Darlegung der Tradition des Themas Lüge und Fiktion in der Antike, im Realismus der Aufklärung und des 19. Jahrhunderts. Das 20. Jahrhundert kennt gravierende Veränderungen durch die Krise des auch im Roman bisher leitenden naturwissenschaftlichen Erkenntnisparadigmas, durch die beginnende Dezentrierung des RÉSUMÉS 257

Subjekts und durch die mise en abyme des Mimesiskonzepts mittels der Subjektivierung von Raum und Zeit. In diesem Prozess wird das Zusammenspiel von Wahrheit und Lüge in der Fiktion hochkomplex. Dies wird an zwei Beispielen erläutert: an der Erzählung Italo Calvinos, die von einem kommunistischen Wahlhelfer in einem Behindertenheim unter christdemokratischer Aufsicht handelt und an einem kurzen autobiographischen Versuch von Louis Aragon. Beide Autoren, die dem Marxismus nahe stehen bzw. standen, überprüfen am Thema der Lüge ihre bisherigen inhaltlichen Überzeugungen und ihre Schreibverfahren. Ihr experimenteller Zugang schließt jedoch den Anspruch auf Realismus nicht aus.

Schlagwörter: Lüge, Realismus, Schreibverfahren, Calvino, Aragon

Romana WEIERSHAUSEN Das „Lebenerhaltendere der Lüge“ bei Lou Andreas-Salomé: Weibliche Widersprüche gegen männliche Wahrheitsansprüche um 1900

Die Frage nach der Lüge führt in den Kern von Lou Andreas-Salomés Erzählen, ihrem Dichtungskonzept und zugleich in die komplexe Diskurssituation um 1900. Gegen den männlich dominierten Wahrheitsdiskurs der Zeit macht Andreas-Salomé mittels der Lüge die Ambivalenz des Lebens stark. Die Autorin baut dabei auf Nietzsches Wissenschaftskritik auf, die sie allerdings – gegen Nietzsche – als Plädoyer für ein spezifisch weibliches Denken und Wissen ausdeutet. Dies wird an theoretischen Schriften und der Erzählung Fenitschka untersucht.

Schlagwörter: Lou Andreas-Salomé, Fenitschka, Wissenschaftskritik, Geschlechterdiskurs, Jahrhundertwende 258 RÉSUMÉS

Résumés en français

Emmanuel BÉHAGUE L’espace public dans la photographie d’art du socialisme « réellement existant » : Helga Paris, Ulrich Wüst, Kurt Buchwald

Le point de départ de cet article est la célèbre invocation, dans la RDA d’Erich Honecker, d’une existence désormais « réelle » du socialisme (« real existierender Sozialismus »). À la lumière des textes de Hannah Arendt et d’Alexandre Koyré, cette affirmation est envisagée comme une forme particulière du mensonge moderne. La photographie dite « documentaire et sociale », qui émerge durant cette même période, y oppose au contraire la représentation de la réalité vécue réellement par la population. Afin de mettre en évidence la diversité des langages visuels sont abordés trois protagonistes de cette photographie : Helga Paris, Ulrich Wüst et Kurt Buchwald. Après avoir mis en évidence l’évolution du champ considéré dans les années 70 et 80, évolution qui permet précisément à une telle photographie d’accéder à une relative visibilité, nous analysons les travaux de ces trois photographes à partir d’un sujet photographique commun que constitue l’espace urbain en transformation. Les modalités de représentation montrent que la démarche critique des artistes ne saurait se résumer à un simple rétablissement d’une prétendue “vérité” par rapport au mensonge idéologique.

Mots-clés : photographie, espace public, architecture, République Démocratique Allemande (RDA), art et société

Susanne BÖHMISCH Pour une approche genrée du mensonge

Comment la sémantique du mensonge affecte-t-elle les discours normatifs sur le genre ? En quoi l’histoire de la différence sexuelle peut-elle nous éclairer sur les différentes interprétations du mensonge, sur le degré de tolérance à son égard, sur l’échelle des sanctions ? Notre article, qui introduit au dossier thématique « Mensonge et genre », aborde quelques-unes de ces questions, en se concentrant sur les figures féminines du mensonge et de la ruse. Après un rappel du démasquage des mensonges sur le genre, qui permet de délimiter notre thématique et de problématiser le critère d’intentionnalité, nous montrons ce qui, dans les écrits de Simone de Beauvoir et de Judith Butler, peut appuyer notre argumentaire en faveur d’une approche genrée du mensonge. L’exemple du déplacement de la ruse d’Hérodiade à la danse de Salomé permet de saisir comment une construction du genre se modifie en lien avec l’interprétation de la ruse féminine.

Mots clés : mensonge, genre, ruse féminine, hystérie, Salomé

Paola BOZZI Thomas le menteur – et ses « Geistesmenschen ». De l’œuvre comme mensonge vital

La tension entre vérité et mensonge caractérise toute l’œuvre de Thomas Bernhard. Au centre se trouve un type humain particulier : le Geistesmensch (pur esprit), qui consacre toute sa vie RÉSUMÉS 259

à une œuvre ou à une étude dans le domaine des sciences ou de l’art. Cette obsession du sujet masculin n’a en vérité aucune chance d’aboutir. L’œuvre jamais réalisée, l’étude qui échoue représente ainsi non seulement « le motif par excellence de Bernhard », mais, en tant que vide au centre des textes, elle est aussi la métaphore suggestive du mensonge vital. Considéré comme prônant des valeurs patriarcales ou auteur de textes misogynes, Bernhard ne se limite pourtant pas à une simple reproduction affirmative du discours sur le genre : il en livre plutôt une décomposition subtilement subversive.

Mots clés : Geistesmensch, œuvre, mensonge vital, métaphore, discours de genre

Marc DÉCIMO Qui de Léonard de Vinci ou de Marcel Duchamp fait de la Joconde un portrait fallacieux ?

Étant donné L.H.O.O.Q., il s’agit de tenter de comprendre les conditions d’émergence de cette œuvre de Marcel Duchamp qui date de 1919. Pourquoi Duchamp a-t-il ajouté moustaches, barbichette et titre scabreux à cette icône de l’art occidental ? Le seul élan dada explique- t-il cet acte ? Que penser de l’interprétation donnée de son œuvre par Duchamp lui-même, quarante ans après, dans l’après-coup de la lecture Freud et du Souvenir d’enfance de Léonard de Vinci ? Duchamp a-t-il eu des prédécesseurs ? Ne faut-il pas aussi replacer L.H.O.O.Q. dans son contexte pour tenter de l’expliquer au mieux ?

Mots-clés : Marcel Duchamp, Dada, Monna Lisa, genre, vol de la Joconde

Patrick FARGES Masculinité, mensonge, Jeckischkeit dans le roman de Yoram Kaniuk 1948

Quel est le rapport des hommes au mensonge et à la dis/simulation ? Le présent article est centré sur les masculinités juives, notamment la juive-allemande (yekke), en Palestine mandataire dans le contexte de la Guerre de 1948 qui marqua la naissance d’Israël. Pour les hommes juifs allemands, le mensonge s’est noué autour de questions identitaires. Qui est yekke ? Qui ne l’est pas ? Qui incarne les attentes virilistes du « nouveau juif » ? Ces aspects sont au cœur du dernier roman de l’auteur israélien Yoram Kaniuk : 1948. Le narrateur semble incarner la masculinité du sabra né en Eretz Israel : membre d’une unité d’élite (le Palmah), il défend sa terre. Pourtant, au fil de la narration, l’expérience militaire virile est dénoncée comme faisant partie du mythe « 1948 ». Le narrateur met aussi un point d’honneur à détruire la « couverture » que son père Moshe, premier conservateur du Musée de Tel Aviv (donc Yekke par la grâce de sa fonction, pour ainsi dire), s’est forgée tout au long de sa vie.

Mots clés : masculinité, mensonge, 1948, juifs allemands, Israël

Susanne GREILICH Narration non fiable et ironie romantique dans un roman espagnol de la Restauration

L’article se propose d’analyser le roman polyphonique Pepita Jiménez (1874) de l’écrivain espagnol J. Valera à la lumière des moyens dont disposent les textes narratifs pour mettre 260 RÉSUMÉS en scène le mensonge. Outre la possibilité d’introduire le mensonge au niveau de la macrostructure, par l’action et par les personnages, un texte narratif peut établir le mensonge au niveau du discours en se servant d’un unreliable narrator : ainsi, le texte lui-même peut devenir menteur. Aux réflexions théoriques succède l’analyse des narrateurs dont se sert le roman. Diverses dynamiques sont à l’œuvre au sein du texte : les soupçons du lecteur de se trouver face à plusieurs narrateurs non fiables sont éveillés par les commentaires explicites, les informations divergentes ainsi que par la différence qui s’établit entre les signaux textuels et l’horizon d’expérience du lecteur. Parfois, la narration non fiable est liée à la polyphonie du texte. En conclusion, l’article évoque la fonction qu’il convient d’accorder à la narration non fiable chez Valera dans le contexte de la Restauration espagnole et de ses débats poétologiques.

Mots-clés : narrateur non fiable, métafiction, vraisemblance, apocryphe, Valera

Walburga HÜLK La tolérance envers l’ambiguïté et les choses de la vie

L’article porte d’abord sur la littérature des temps pré-modernes pour étudier la relation qu’y entretiennent le mensonge et la simulation à la vérité et la véracité. À l’époque, l’ambiguïté était acceptée, et la sémantique moraliste ne cherchait ni à scruter la “véracité” d’un caractère ni à sonder l’“intimité”. Par contre, l’argument moral, issu des écrits de Saint Augustin et poussé à l’extrême par Rousseau, fait de ces catégories la pierre de touche de l’individu et impose la concordance entre langue et cœur. Alors que l’on renoue aujourd’hui, dans plusieurs champs, avec l’idée du « jeu de rôle de la vie » des temps pré-modernes, l’intérêt de la littérature des années 1900 – surtout Schnitzler et Proust – fut de donner une idée des désarrois et des tourments déclenchés par le soupçon et par l’incapacité de distinguer mentir et dire vrai. Tandis que le couple de La nouvelle rêvée de Schnitzler arrive à équilibrer l’ambiguïté, le démon de la fausseté générale des signes et des caractères domine la pensée des protagonistes dans l’œuvre de Proust. Cette obsession témoigne d’une philosophie du langage et d’une anthropologie radicalement pessimistes.

Mots-clés : ambiguïté, mensonge, morale, moraliste, soupçon

Christian KLEIN (Dis-)simulation et fiction dans le roman« Ich » de Wolfgang Hilbig (1993)

Le roman de W. Hilbig sur l’écrivain-ouvrier W., qui est recruté par la Stasi comme indicateur (IM), met en scène plusieurs formes de mensonges. Le concept de simulation, emprunté par l’auteur à Jean Baudrillard, domine un récit où mensonges d’État et manipulations fictionnelles se rejoignent dans un système où domine l’autoréférentialité de la parole officielle.

Mots-clés : RDA, simulation, Baudrillard, mensonges d’État, mensonges fictionnels RÉSUMÉS 261

Clemens KNOBLOCH Le mensonge lié à l’image dans la démocratie de masse – à propos d’un nouveau type de mensonge politique

Seule fait sens l’interrogation sur la signification et les conséquences du reproche de mensonge formulé avec succès dans un contexte de communication donné, privé ou public. Le sujet de cette contribution est donc le mensonge lié à l’image, type répandu dans la sphère politique. Les mensonges liés à l’image servent à entretenir et à préserver une image extérieure consistante et généralement construite selon un plan défini. Il s’agit de soumettre actions et événements à un travail d’élaboration et de remaniement afin qu’ils bénéficient le plus possible à l’image du locuteur public. Les faits de nature à menacer l’image doivent autant que possible être évités, ou du moins radicalement redéfinis. Une image intacte atteste le succès, la capacité à déconstruire l’image d’acteurs concurrents la supériorité sur ceux-ci. En contrepartie, les acteurs politiques ont tôt fait de paraître en échec lorsqu’ils s’empêtrent dans les contraintes de consistance de leur image. Cette contribution essaie de mettre en lumière quelques-unes des conséquences de la prolifération des contraintes de consistance : la politisation de pures vérités de fait (Hannah Arendt), la forte dissociation du devant de la scène politique et de ses coulisses, et la promotion d’un cynisme dépolitisé qui n’accorde pas plus de crédit aux acteurs politiques qu’aux images publicitaires en général.

Mots-clés : image, mensonge, politique, contrainte de consistance, vérité de fait

Friederike KUSTER « Par la ruse, la volonté est devenue le féminin. » Remarques à propos d’un passage dans les Esquisses de système d’Iéna de Hegel

Dans un fragment d’une des premières leçons données à Jena, Hegel explique la différence intellectuelle entre les sexes par le processus de prise de conscience dans le travail. Avec l’utilisation des outils, la volonté se fait ruse, ce qui lui confère un caractère féminin. Plus loin dans le texte, ce caractère est également désigné par Hegel comme le mal. Cette contribution analyse la structure spécifique de la ruse et propose une interprétation du mal qui s’appuie sur les écrits philosophico-religieux de Hegel. Dans la dernière partie, la ruse est également mise en relation avec le dictum de « l’éternelle ironie de la communauté » dans la Phénoménologie de l’esprit.

Mots-clés : ruse, sexe, travail, ironie, mal

Jochen MECKE Esthétique du mensonge

L’article aborde la problématique du mensonge dans une perspective esthétique. La première partie analyse les différentes formes sous lesquelles la littérature, qui est en principe une forme de communication non-mensongère, peut représenter le mensonge et produire elle- même des mensonges spécifiquement littéraires ; la deuxième partie envisage le mensonge dans une perspective esthétique pour savoir dans quelle mesure une telle approche apporte des modifications à la théorie générale du mensonge.

Mots-clés : esthétique du mensonge, mensonge littéraire, narrateur non fiable, kitsch, cliché 262 RÉSUMÉS

Christine SCHMIDER Écriture de la ville et poétique du mensonge – l’espace urbain chez Flaubert et Balzac

Cette contribution étudie comment la littérature de la grande ville s’attache à découvrir derrière le visage trompeur et mensonger du paysage urbain une vérité cachée et une promesse de connaissance. Elle s’intéresse d’abord à l’œuvre de Balzac, où les protagonistes doivent déchiffrer la ville dans sa complexité sociale et érotique afin de connaître sa vérité et pouvoir ainsi prétendre au pouvoir mondain et sexuel. L’étude de Ferragus, roman parisien d’amour et d’espionnage, met en évidence le jeu de miroirs entre vérité et mensonge constitutif de la littérature urbaine. Sont ensuite analysés les textes de Flaubert (L’Éducation sentimentale et Madame Bovary) qui rompent avec les codes de la littérature urbaine. On y assiste à une mise en question radicale de l’espace urbain comme lieu de véracité. La ville devient alors synonyme de tromperie et engendre un texte qui déforme la vérité et illustre le décalage entre émotion et expression – constitutif de la notion de mensonge telle que nous la comprenons – et cela au niveau scénarique, narratologie et sémiotique.

Mots-clés : Flaubert, Balzac, ville, littérature urbaine, mensonge

Nathalie SCHNITZER « Das Bier unter den Alkoholfreien » – Mensonge et tromperie dans la communication commerciale

Le mensonge, dans sa réalisation linguistique, est un acte de langage consistant à dire ce que l’on croit faux avec l’intention de tromper son interlocuteur. Il n’est pas inscrit en langue, mais certains indices permettent de le détecter en discours. Cette contribution s’appuie sur un corpus en langues française et allemande pour étudier le mensonge dans une perspective pragmatique. Le corpus est constitué de documents empruntés au marketing et à la publicité. L’analyse prend en compte la législation européenne concernant les pratiques commerciales trompeuses et se fixe pour objectif de repérer certains faits de langue qui, sans relever spécifiquement du mensonge, constituent des supports favorables à sa mise en œuvre dans la communication commerciale.

Mots-clés : linguistique, mensonge, publicité, allemand, français

Christiane SOLTE-GRESSER Charmantes affabulatrices. La mise en scène du mensonge chez Ludmila Oulitskaïa

Dans son roman Mensonges de femmes (Skvoznaja linija [ligne continue]), publié en langue originale russe en 2002, Ludmila Oulitskaïa dresse une véritable typologie du mensonge féminin et mène une réflexion explicite sur la particularité du discours mensonger des femmes. Chacun des récits qui composent ce roman à épisodes gravite autour du personnage de Génia, qui fait office de pivot entre les différentes histoires. C’est précisément à travers la fonction de réceptrice du personnage principal que le texte établit un lien entre le mensonge et la littérature, la simulation et la fiction, l’invention et l’écriture de la vie. Pour cette raison, l’analyse du roman s’appuie sur la théorie de la réception ; il s’agit de montrer combien le rapport entre le mensonge et le discours autobiographique dépend de l’étape cruciale de la réception. Car l’interprétation RÉSUMÉS 263 des récits comme des affabulations ou comme des fictions romanesques repose sur des critères que l’on retrouve justement dans différentes approches de la théorie de la réception.

Mots clés : Ludmila Oulitskaïa, théorie de la réception, récit, réalité et fiction, mensonge féminin

Catherine TEISSIER Le mensonge féminin comme principe libérateur. D’Irmtraud Morgner à Brigitte Burmeister : passage de témoin

Cet article se propose d’explorer le mensonge comme moyen spécifique de l’expression du féminin réduit au silence par des systèmes de représentations aliénants chez deux auteures est-allemandes avant et après 1990. Pour cela, il s’agit d’abord de donner un aperçu du rôle que joue le « mensonge » dans l’œuvre complexe d’Imtraud Morgner, où il est utilisé pour déjouer les mécanismes de la domination (du prolétaire, de la femme), puis de montrer que le paradigme morgnérien connaît une postérité dans l’œuvre d’une auteure de RDA après 1990, Brigitte Burmeister. L’analyse du mensonge au cœur du roman Sous le nom de Norma (1994) permet d’étudier la genèse, les mécanismes et les acteurs d’un mensonge féminin utilisé cette fois pour révéler les relations de pouvoir entre l’Est et l’Ouest, entre les vainqueurs de l’histoire et les perdants du « Tournant ».

Mots-clés : mensonge féminin, littérature de RDA, littérature est-allemande après 1990, B. Burmeister, I. Morgner

Heinz THOMA Mensonge et réalisme : La giornata di uno scrutatore d’Italo Calvino et Le mentir-vrai de Louis Aragon

L’étude commence par une courte esquisse de la tradition du rapport vérité/ mensonge, de l’Antiquité aux réalismes des xviiie (Diderot) et xixe siècles, jusqu’aux profonds changements du xxe siècle où le problème de la vérité de la fiction subit un revirement sur tous les plans : crise des sciences naturelles dont le roman avait suivi le paradigme au xixe siècle, décentration du sujet dans la société ainsi que dans la perception réciproque, subjectivisation des notions du temps et de l’espace. Tout cela conduit à une crise du réalisme dans la fiction et à une nouvelle conception de ce qui signifie vérité et mensonge dans la narration. Deux exemples illustrent ces bouleversements : un conte d’Italo Calvino relatant la journée d’un scrutateur qui observe le déroulement des élections de 1953 dans une institution de handicapés dirigée par des sœurs chrétiennes qui “falsifient” le sens du vote en “aidant” leurs pensionnaires à cocher les bulletins, et un petit essai autobiographique d’Aragon, qui cherche à reconstruire l’année de sa première communion, 1908, qu’il passe dans un milieu bourgeois et scolaire plein de demi-vérités.

Mots-clés : mensonge, réalisme, écriture, Calvino, Aragon 264 RÉSUMÉS

Romana WEIERSHAUSEN Contradictions féminines contre revendications masculines de la vérité aux alentours de 1900 : Lou Andreas-Salomé

La question du mensonge mène non seulement au cœur de l’écriture narrative et de la conception poétique de Lou Andreas-Salomé, mais se révèle en outre être emblématique de la situation discursive aux alentours de 1900. À l’encontre du discours sur la vérité produit par l’époque, dominé par le masculin, Lou Andreas-Salomé met en avant, par le biais du mensonge, l’ambivalence de la vie. Ce faisant, elle se réfère certes à la critique de la science menée par Nietzsche, mais la retourne contre lui en l’interprétant comme un plaidoyer pour une pensée et un savoir spécifiquement féminins. Ce retournement est analysé dans ses écrits théoriques et dans le récit Fenitschka.

Mots-clés : Lou Andreas-Salomé, Fenitschka, critique de la science, discours de genre, tournant du siècle RÉSUMÉS 265

Résumés en anglais

Emmanuel BÉHAGUE Public space in the art photography of “truly existing” socialism: Helga Paris, Ulrich Wüst, Kurt Buchwald

The starting point of this article is the famous invocation used in the former German Democratic Republic under Erich Honecker, which conjured the existence of seemingly true socialism (“Real existierender Sozialismus”). On the basis of Hannah Arendt’s and Alexandre Koyré’s texts this official statement can be unmasked as a modern lie. The photography of that time was called “documentary and social” and exposed the reality in which the population actually lived. The article focuses on the artistic production of Helga Paris, Ulrich Wüst and Kurt Buchwald, who as representatives of this photographic production allow the viewer a glimpse into the diversity of the contemporary imagery. The article first investigates the artistic work in the light of the new developments in the 1970’s and 1980’s during which this form of photography gained recognition amongst a new audience. The work of the three photographers is then analysed in the light of a topic common to all three of them, namely the transformation of urban space. The analysis of their different modes of imagery show that their critical artistic work is more than just the reinstatement of the “truth” as opposed to the ideological lie.

Keywords: photography, public space, architecture, German Democratic Republic (GDR), art and society

Susanne BÖHMISCH For a gender approach to lies

How does the semantics of lying affect the normative discourse on gender? How can the history of sexual difference shed light upon the different interpretations of the lie, the degree of tolerance towards it, the scale of sanctions? Our introductory article to the thematic dossier “Lie and Gender” tackles some of these questions in focussing on female figures that enact lies and ruse. First recalling the unmasking of lies about gender, in order to delimit our theme and to enlighten the criterion of intentionality, we then show what in Simone de Beauvoir’s and Judith Butler’s writings can sustain our argument in favour of a gender approach to lying. Finally, the example of the switch from Herodias’s ruse to Salome’s dance shows how a gender construction changes according to the interpretation of feminine ruse.

Keywords: lie, gender, feminine ruse, hysteria, Salome

Paola BOZZI Thomas the Liar – and his “Spiritual Men” (« Geistesmenschen »). A Life’s Work as a Lifelong Lie

The tension between truth and lie shapes the whole œuvre of Thomas Bernhard. At its core stands a certain human type: the “Spiritual Man”, whose life is essentially devoted to studying 266 RÉSUMÉS art or science. This life’s work refers to an obsession of the male subject that has no chance of fulfilment. The never achieved work or the failed study is thus not only “Bernhard’s motive par excellence” but by its absence in his texts, it is also the suggestive metaphor of a lifelong lie. In this sense, Bernhard, who is considered as advocating patriarchal values and writing misogynous texts, does not simply pursue the affirmative reproduction of the gender discourse, but delivers instead its subtly subversive deconstruction.

Keywords: Spiritual Man, work, life’s lie, metaphor, gender discourse

Marc DECIMO Who of Leonardo da Vinci or Marcel Duchamp made a false portrait of the Monna Lisa?

Given the existence of L.H.O.O.Q., which dates from 1919, we will attempt to understand the conditions of the emergence of this painting. Why did Marcel Duchamp add moustache, goatee and a scabrous title to this icon of Western art? Can this act be merely explained on the basis of a Dada impulse? What are we to think about Duchamp’s interpretation of his work 40 years later in the aftermath of his reading Freud and his Leonardo da Vinci and A Memory of His Childhood? Did Duchamp have predecessors? Should we not also place L.H.O.O.Q. in its proper context to endeavour to best explain it?

Keywords: Marcel Duchamp, Dada, Monna Lisa, gender, theft of the Monna Lisa

Patrick FARGES Masculinity, lie, ‘Yekkishness’ in Yoram Kaniuk’s novel 1948

How do masculinity and lying interact? This article analyses Jewish (especially German- Jewish or “yekkish”) masculinities in the context of Mandatory Palestine around the pivotal year of 1948 when Israel was founded. For Germano-Jewish men, lying revolved around matters of identity performance, as they did not fit into the pattern of the masculine “New Jew” pioneering the land. These aspects are central to Yoram Kaniuk’s last novel: 1948, in which the narrator, a seemingly manly sabra born in Eretz Israel, participates in the 1948 Arab-Israeli War as a member of the elite unit Palmach. As the narration unfolds, however, the military and virile experience is unveiled as an imposture creating the “myth of 1948”. Moreover, the alternative form of masculinity embodied by Moche, the narrator’s father – curator of a museum and hence an archetypal yekke – is also revealed as a fraud.

Keywords: masculinity, lie, 1948, German Jews, Israel

Susanne GREILICH Unreliable Narration and Romantic Irony in a Spanish Novel of the Restoration

Taking J. Valera’s polyphonic novel Pepita Jiménez (1874) as an example, the article focuses on the possibilities that narrative texts have to deal with lies and liars. Apart from introducing liars as characters or lies as part of the action on the level of the text’s macrostructure, narrative texts may establish the lie on the discourse level by using an unreliable narrator. By doing so, RÉSUMÉS 267 the text itself can become mendacious. After a brief theoretical overview, the various narrators that can be found in Valera’s text will be analysed. It will be shown that the impression of unreliable narration is the result of explicit narrative comments, discrepant information and differences between textual signals and the reader’s experience horizon. The text’s polyphony can sometimes also play a significant role in the process of unreliable narration. Finally, the function that narrative unreliability had in Valera’s work will be outlined in the context of the Spanish Restoration and its poetological debates.

Keywords: unreliable narration, metafiction, narrative likelihood, apocryphal, Valera

Walburga HÜLK Tolerance of Ambiguity and the Things of Life

The topic of this article is the relation between lie or falsehood and truth or truthfulness. It focuses first on the literature of pre-modern times, especially that of the moralists. They anticipated and accepted ambiguity and did not scrutinize a “true” character or probe into “intimacy”. In contrast, the moral argument, from St. Augustine to Rousseau, discovers the touchstone of truthfulness in the accordance of tongue and heart. Today, the return to the “role play of life” and the ambiguity of pre-modern times can be observed in several spheres. Instead, one main interest of literature around 1900 – especially Schnitzler and Proust – was to show the irritation and pain that suspicion and the impossibility of telling lying from truthfulness could cause in intimate communication. While the couple in Schnitzler’s Dream Story manages to balance out ambiguity, the obsessive idea of the general falsehood of signs and characters dominates the mind of nearly all protagonists in Proust’s novel À la recherche du temps perdu. This focus on suspicion underlines the pessimistic philosophy of language and anthropology.

Keywords: ambiguity, falsehood, moral, moralist, suspicion

Christian KLEIN (Dis-)simulation and fiction in the novel“Ich” (1993) by Wolfgang Hilbig

The novel by W. Hilbig about the worker writer W., who is recruited by the Stasi as an informer, deals with several forms of lies. The concept of simulation borrowed from Jean Baudrillard by the writer prevails in a narrative in which State lies and fictional manipulations join to form a system in which the autoreferentiality of the official discourse prevails.

Keywords: GDR, simulation, Baudrillard, State lies, fictional manipulations

Clemens KNOBLOCH Lies to keep public images polished – On a recent type of political lie in mass democracy

Lies and their consequences can only be pinned down in a specific context of public or private communication. They are relative to the norms and rules of these situations. In mass democracy, political actors go through a great deal of trouble to project public images that 268 RÉSUMÉS aim at impressing relevant parts of the public. In political speech, actions and events have to be reshaped and reworded to the effect that they fit into the image of the person or the party speaking. Keeping one’s own established image consistent turns into a permanent guideline of public political action. And the ability to disturb and destroy the images of other actors tends to replace competing programs and positions, whilst political failure becomes identified with the destruction of an image, not with unacceptable programs or positions. Politicians also tend to get caught in competing pressures between the consistency of known facts and that of their image. Among the consequences of image politics, we find that mere facts can become powerful weapons of political image destruction (Hannah Arendt). Furthermore, lies with the intention to keep one’s image clean tend to increase the distance between the show side of political events accessible to the general public and the back stage world of power and decision. In the long run, the public will equate political and commercial images – and distrust both.

Keywords: image, lie, politics, cognitive consistency, factual truth

Friederike KUSTER “Through cunning, the will becomes feminine.” Comments on a passage in Hegel’s Jena System Sketches

In a fragment of an earlier lecture of the Jena period Hegel derives the intellectual difference between the sexes from the experience of consciousness in the process of labour. In using tools the will becomes artful and thereby acquires a female character that Hegel later in the text identifies as evil. This article analyses the specific structure of cunning and provides an interpretation of evil based on Hegel’s writings on the philosophy of religion. Finally, cunning is seen in relation to the dictum of the “eternal irony of the community” in the Phenomenology of Spirit.

Keywords: cunning, sex, work, irony, evil

Jochen MECKE Aesthetics of lying

The article investigates the structure and the forms of lying from an aesthetical point of view. The first part deals with the question as to what extent literature, which is principally a form of communication that does not lie, is able to represent lies and to create specific literary lies, whilst the second part endeavours to examine whether an aesthetical perspective entails a modification of the general theory of lying.

Keywords: aesthetics of lying, literary lies, unreliable narrator, kitsch, cliché

Christine SCHMIDER Writing the city and poetics of the lie – urban space in Flaubert’s and Balzac’s novels

We would like to show in our contribution how urban literature aims at discovering a hidden truth and the promise of knowledge behind the illusionary and deceitful appearance of the RÉSUMÉS 269 city. We will firstly analyse Balzac’s oeuvre in which the protagonists have to decipher the city in its social and erotic complexity in order to attain political and sexual power. Our study of Ferragus, a Parisian novel of love and betrayal, will show the delusionary mirror interplay between truth and lie that is at the very heart of urban poetics. We will then study two novels by Flaubert (Sentimental Education and Madame Bovary), which reinvent the codes of urban literature. They radically challenge the idea of the city revealing some sort of truth. With Flaubert, urban space becomes synonymous with illusion and generates a text that, on a narrative and semiotic level, illustrates the discrepancy between emotion and expression that constitutes the definition of lie as we understand it.

Keywords: Flaubert, Balzac, city, urban literature, lie

Nathalie SCHNITZER “Das Bier unter den Alkoholfreien” – lying and misleading practices in commercial communication

A lie in its linguistic realisation is a speech act consisting in saying what one believes to be false with the intention of deceiving one’s interlocutor. It is not marked in language, but certain clues help to detect it in discourse. This contribution, based on a corpus in French and German, analyses deceitful contents in a pragmatic perspective. The corpus consists of documents taken from marketing and advertising material. The analysis takes into account European legislation concerning misleading commercial practices and aims to identify some facts of language that, without specifically constituting a lie, favour its implementation in commercial communication.

Keywords: linguistics, lying, advertising, German, French

Christiane SOLTE-GRESSER Gifted Cheats. On the Staging of Lies in Lyudmila Ulickaja’s Women’s Lies

In her novel, Women’s Lies (Russian title: Skvoznaja linija [Through Line], 2002), Lyudmila Ulickaja creates a veritable typology of female lies and provides an explicit reflection on the specific characteristics of female tall tales. All the different stories that constitute this episodic novel are held together by the novel’s protagonist Shenja. It is through her function as a recipient that the text establishes a connection between lie and literature, pretence and fiction, inventing and reconstructing life. The novel will therefore be analysed through applying reader-response criticism in order to emphasise the fundamental significance of its reception regarding the relationship between lying and autobiographical discourse. Whether the story can be read as a lie or a literary fiction rests on criteria that are also of utmost importance for the various approaches of the reader-response theory.

Keywords: Lyudmila Ulickaja, reader-response criticism, story telling, reality and fiction, female lie 270 RÉSUMÉS

Catherine TEISSIER Woman’s deceit as liberation strategy. The passing of the baton from Irmtraud Morgner to Brigitte Burmeister

This article sets out to explore deceit as a result of representation systems that silence women’s self-expression in the work of two East German female authors before and after 1990. Firstly, it gives an overview of the role that deceit plays in the work of Irmtraud Morgner, where it helps proletarians and women to defeat domination, and secondly continues to show that this ‘morgnerian’ paradigm is pursued after 1990 in the work of the East German author Brigitte Burmeister. The analysis of the deception that lies at the heart of the novel Under the Name Norma (1994) enables us to study the genesis, the mechanisms and the actors of woman’s deceit, which is now used to disclose the power relationship between East and West , between the winners of history and the losers of the “Wende”.

Keywords: woman’s deceit, GDR literature, East German literature after 1990, B. Burmeister, I. Morgner

Heinz THOMA Lies and realism: Italo Calvino’s La giornata di uno scrutatore and Louis Aragon’s Le mentir-vrai

The study begins with a brief explanation of the tradition of the relationship between lies and fiction in ancient times, in the realism of the Enlightenment (Diderot) and in the 19th century. The 20th century then saw profound changes brought about by the crisis of the paradigm of scientific knowledge that had hitherto reigned in the novel, by the emerging decentralisation of the subject, and by the mise en abyme of the concept of mimesis through the subjectivism of time and space. In this process the interplay of truth and lies in fiction becomes highly complex. This is illustrated using two examples: Italo Calvino’s narrative, set in a home for the disabled run by the Catholic church in 1953, in which a communist electoral assistant witnesses how the nuns pretending to help their inmates vote actually falsify their votes, and a short autobiographical narrative by Louis Aragon about the year leading to his first communion. Both authors, who sympathise with Marxism, examine the convictions they have held up to this point and in their writing in the light of the theme of lies. Their experimental approach does not, however, preclude the claim to realism.

Keywords: lie, realism, writing, Calvino, Aragon RÉSUMÉS 271

Romana WEIERSHAUSEN Female contrariness versus male claims to truth around 1900: Lou Andreas-Salomé

The question of lying leads not only into the heart of Lou Andreas-Salomé’s narrative work and her concept of poetry, but also into the discursive situation around 1900. Andreas-Salomé uses lying to underline the ambivalence of life thus counteracting the male dominated discourse about truth existing at her time. In doing so the author builds on Nietzsche’s critique of science. However, in contrast to Nietzsche, she interprets this critique as a plea for a specifically female way of thinking as well as for female knowledge. This reversal will be examined using the example of Andreas-Salomé’s theoretical writings and her story Fenitschka.

Keywords: Lou Andreas-Salomé, Fenitschka, critique of science, gender discourse, fin de siècle

CAHIERS D’ÉTUDES GERMANIQUES

No 61 (2011/2) Jeux de rôles, jeux de masques — Christina Stange-Fayos, Katja Wimmer, Avant-propos – Christina Stange-Fayos, La mascarade de l’anonymat dans le « débat public » du XVIIIe siècle – Gilles Buscot, Les cérémonies de la (re)germanisation et de la (re)francisation à Strasbourg. Regard croisé sur des frontières urbaines (dé)masquées (1886-1928) – Claus Erhart, Don Juan oder die Masken der Verführung – Karl Heinz Götze, Schillerkragen und Pelzmütze. Warum die Mode es schwer hat in Deutschland – Wolfgang Fink, La France : catholique et républicaine ? Les mises en garde d’Otto Grautoff contre le masque politique de la France – Ingrid Haag, Rollen- und Maskenspiel im ‘Missbildungsroman’. Von Goethes Wilhelm Meister zu Heinrich Manns Der Untertan – André Combes, Sur deux masques cinématographiques du « bourgeois démoniaque » weimarien – le gangster et le psychanalyste – dans Mabuse der Spieler de Fritz Lang (1922) – Catherine Desbois, Kurt Tucholsky : à cache-cache derrière les pseudonymes – Laurent Gautier, Faire tomber les masques du discours officiel de RDA par le défigement : le cas Volker Braun – Jean-Michel Pouget, Jeux de rôles, jeux de masques dans la sociologie de Norbert Elias – Hilda Inderwildi, Jeux de masques avec la mort. Peinture et masque mortuaire dans l’œuvre d’Arnulf Rainer (*1929) – Susanne Böhmisch, Maskerade und Weiblichkeit bei Birgit Jürgenssen – Katja Wimmer, L’art de la métamorphose. À l’exemple de deux talents doubles 14,00 €

No 62-63 (2012/1-2) Diables et spectres. Croyances et jeux littéraires — Françoise Knopper, Wolfgang Fink, Avant‑propos – Daniel Lacroix, Visions et spectres dans la littérature norroise : aperçus sur la culture germanique ancienne – Patrick Del Duca, Le diable et la critique de la société courtoise dans Gregorius de Hartmann von Aue – Jean Schillinger, Du Hosenteufel au Teutsch-Frantzösischer- Alamode-Teuffel : Le diable et la mode en Allemagne (XVIe et XVIIe siècles) – Dorle Merchiers, La stratégie du Diable dans l’Histoire du Docteur Faust (1587) : le recours au mensonge – Marie-Thérèse Mourey, Le corps et le Diable – le Diable au corps ? De la transe à la danse, entre croyances, légendes et représentations (XVIe-XVIIIe siècles) – Florent Gabaude, Protéisme du diable dans le théâtre et la publicistique au tournant du XVIIe siècle : les exemples de Heinrich Julius von Braunschweig et de Jakob Ayrer – Yves Iehl, De l’apparition fantomatique à la résurrection glorieuse : les divers visages de la mort dans Méditations dans un cimetière d’Andreas Gryphius – Thomas Nicklas, Die Entmachtung des Teufels. Das Jenaer Ereignis 1715 und die Dämonologie der Aufklärung – Andrea Allerkamp, “Spekulation aus lauter Luft”: Kants Polemik wider die schlafende Vernunft – Wolfgang Fink, Vorsätzliche Bosheit verruchter Pfaffen… unwürdige Dummheit des allerunwissendsten Pöbels. L’affaire Anne Elisabeth Lohmann et les dernières querelles du diable 1759-1776 – Françoise Knopper, Du combat contre les croyances populaires à la représentation symbolique des diables et des spectres (1780-1800) – Denise Blondeau, Faust: Walpurgisnacht – Wolfgang Fink, Aufklärung über die Aufklärung? Anmerkungen zu Jung-Stillings Geisterkunde (1808) – Claude Paul, Au diable le nihilisme ! Lenau, Méphistophélès et le dépassement du « mal du siècle » – Christine Schmider, « Votre cerveau ébranlé ne croit que ce qu’on lui fait voir ». Fantômes, fantasmes, fantasmagorie au XIXe siècle – Alain Cozic, Spectre, mort vivant et autre figure fatale dans trois nouvelles de Hanns Heinz Ewers – Dominique Iehl, Démons, enfer et spectres chez Heym : entre sécularisation et fascination – Sylvie Arlaud, La représentation du spectre de Hamlet sur les scènes germanophones du XVIIIe au XXe siècle – Oriane Rolland, Die satanische Genesis des Bösen. Franz Werfels Versuch einer Rationalisierung des Bösen in Die schwarze Messe – Hilda Inderwildi, Le diable fatigué et la fabrique de destruction : les incarnations du diable dans la littérature fantastique du début du XXe siècle. Autour de Die andere Seite (Alfred Kubin, 1909) et Die Stadt hinter dem Strom (Hermann Kasack, 1947) – Anne Isabelle François, Lire ou ne pas (pouvoir) lire. Marque satanique, appareil judiciaire et ambiguïtés herméneutiques chez Kafka – Katja Wimmer, Images démoniaques. L’Enfer et le Ciel. Un roman d’exil d’Alexander Moritz Frey – Georg Bollenbeck, Doktor Faustus: Das Deutungsmuster des Autors und die Probleme des Erzählers – Werner Röcke, Le rire du diable : mises en scène du mal et du rire dans l’Histoire du Docteur Faust (1587) et le Doktor Faustus de Thomas Mann 15,00 € 274 CAHIERS D’ÉTUDES GERMANIQUES

No 64 (2013/1) Contre-cultures à Berlin de 1960 à nos jours – Charlotte Bomy, André COMBES, Hilda INDERWILDI, Avant-propos – Jürgen HOFMANN, Preussisch, protestantisch, plebejisch. Entwicklung zu einer Metropole kritischer Gegenkultur – Brigitte MARSCHALL, « Berlin-Fieber » – explosiv! Wolf Vostells ewiger Widerstand gegen Krieg und Gewalt – Charlotte BOMY, Happenings étudiants et théâtre de rue : subversion de l’espace public autour de 1968 – Philippe MARTY, Lied contre chanson contre poème : sur Wolf Biermann et « Frühling auf dem Mont-Klamott » – André COMBES, Une cinématographie de la contre-culture politique ouvrière : la trilogie de Christian Ziewer et son contexte – Jeremy HAMERS, Autour de Holger Meins. Documentaire et lutte armée dans l’entourage de la DFFB après 1969 – Christophe PIRENNE, Le rock « cosmique » à Berlin-Ouest, bande sonore de la Guerre Froide – Andreas HÄCKER, Aufbegehren, lachen und die Welt verändern: zum libertären Kabarett -Trio Die 3 Tornados aus Westberlin – Catherine MAZELLIER-LAJARRIGE, Peter Stein à la Schaubühne, un engagement contre-culturel ? Kleists Traum vom Prinzen Homburg ou le basculement vers l’utopie – Boris GRÉSILLON, Contre-culture, musique et urbanisme : le cas emblématique de Kreuzberg, de la fin des années 1960 à aujourd’hui – Elisa GOUDIN-STEINMANN, Entre culture et contre-culture ? Le positionnement du secteur socioculturel dans le Berlin de l’après-unification – Florence BAILLET, Ce que devient le geste critique : l’exemple du Grips-Theater – Emmanuel BÉHAGUE, « Ich bin 1 Volk ». Chance 2000 : subversion et renaissance de l’espace public chez Christoph Schlingensief – Emilie CHEHILITA, Contre-culture et refus de la société hétéronormée dans Tal der fliegenden Messer (Ruhrtrilogie 1, 2008) de René Pollesch – Sylvie ARLAUD, Frank Castorf : de Kean à Hamletmaschine, ou le culte des contre-cultures 15,00 €

No 65 (2013/2) Les classiques d’hier aujourd’hui – Fabrice MALKANI, Frédéric WEINMANN, Avant-propos – Frédéric WEINMANN, Mehr Licht! La belle mort des classiques – Stéphane ZÉKIAN, Sommes-nous sortis du XIXe siècle ? Le romantisme comme matrice historiographique – Klaus GERLACH, August von Kotzebue et le Siècle de Frédéric II. Histoire d’un succès inachevé – Alexandre CHÈVREMONT, L’émergence de la notion du classique dans la musique chez Amadeus Wendt (1783-1836) – Audrey GIBOUX, Hugo von Hofmannsthal et l’éloge du canon classique français. De l’exemplarité racinienne – Tristan COIGNARD, Christophe Martin Wieland, écrivain cosmopolite ? Les mutations dans la réception d’un classique paradoxal – Frédéric WEINMANN, C comme classique et S comme silence. Grass, lecteur des Grimm – Andrea GREWE, Le « Grand Siècle » dans le cinéma français contemporain. Destruction ou continuation d’un mythe ? – Emmanuel BÉHAGUE, Stratégies de démythification dans la mise en scène de Wilhelm Tell (Hansgünther Heyme, Claus Peymann, Samuel Schwarz) – Delphine KLEIN, Ulrike Maria Stuart d’Elfried Jelinek. Contre l’embaumement d’un classique – Sylvie ARLAUD, faust hat hunger und verschluckt sich an einer grete de Ewald Palmetshofer. De la disgestion difficile des classiques – Bernard BANOUN, « Das Land der Sehnsucht ist die Erde nur ». Le Faust de Philippe Fénelon d’après Lenau – Laurence VIALLET, Image(s) actuelle(s) d’E. T. A Hofmann : un « utopiste sceptique » 15,00 €

No 66 (2014/1) La Première Guerre mondiale un siècle plus tard. Culture et violence – Thomas KELLER, Avant- propos – Gangolf HÜBINGER, Le dévouement à la nation. Les combats d’idées entre 1911 et 1914 – Barbara BESSLICH, Das Land der Wirklichkeit und Das wirkliche Deutschland. Die kulturkritischen Transfers des Oskar A. H. Schmitz (1873-1931) zwischen Krieg und Frieden – Françoise KNOPPER, Guerre et journalisme culturel : les variantes du ‘feuilleton’ durant la Première Guerre – David WEBER, Démobilisation des esprits chez l’occupé et guerre des cultures : l’expérience de la Gazette des Ardennes – Janina ARNDTS, Heroismus und Defätismus - Alte und neue Feindbilder in den Chansons der Poilus – Joseph JURT, « Ah Dieu ! que la guerre est jolie » (Apollinaire). Die ästhetische Valorisierung des Krieges durch die französische Avantgarde – Jochen MECKE, Une esthétique agonale de la Grande Guerre – Claus ERHART, Ende Juli. Eine Fliege stirbt: Weltkrieg. Zu Robert Musils Wahrnehmung des Krieges – Dorothee KIMMICH, Über den Schmerz. Weltkriegstrauma in der Literatur – Thomas KELLER, Au-delà du bellicisme et du pacifisme : l’indifféren-tisme des avant-gardes – Jean-Marie GUILLON, John Norton Cru. Littérature et témoignage de la Première Guerre mondiale – Christa KARPENSTEIN-ESSBACH, Wie Erinnertes lebendig wird. Tote und Touristen in Hans Chlumbergs Wunder CAHIERS D’ÉTUDES GERMANIQUES 275

um Verdun – Johannes GROSSMANN, Der Erste Weltkrieg als deutsch-französischer Erinnerungsort? Zwischen nationalem Gedenken und europäischer Geschichtspolitik – Hans-Joachim LÜSEBRINK, La paradoxale productivité des temps de guerre et d’occupation. Des réflexions théoriques de Richard Cobb aux rencontres franco-germano-africaines de la Première Guerre mondiale – Isabell SCHEELE, La Première Guerre mondiale au Cameroun : une guerre des archives ? – Thomas LANGE, „Grab unerfüllter Möglichkeiten“ - Deutschland und Frankreich im Spiegel einer Erzählung aus dem französischen Exil: Ernst Erich Noth Paul et Marie (1937) 15,00 €

No 67 (2014/2) Quelques vérités à propos du mensonge ? (vol. I) – Karl Heinz GÖTZE, Avant-propos – Clemens KNOBLOCH, Was man Sprach- und Kommunikationswissenschaftler über die „Lüge“ fragen darf – und was nicht – Jochen JORDAN, Die Psychologie des Lügens – Alain MALISSARD†, D’Homère à la rhétorique : un certain art du mensonge – Gert UEDING, Ars est artem celare – Die Lüge als rhetorische Kunst betrachtet – Jochen MECKE, Une critique du mensonge par-delà le bien et le mal – Rainer NÄGELE, Zur Kritik der Ehrlichkeit – Ingrid HAAG, Über die „Wahrheit“ der weiblichen Natur und wie diese auf der Bühne des bürgerlichen Trauerspiels Lügen gestraft wird – Gert SAUTERMEISTER, Wallenstein – Selbsttäuschung und Identitätsbrüche im Spannungsfeld der Politik – Yasmin HOFFMANN, La Chauve-Souris de Johann Strauss : une valse de mensonges – Susanne BÖHMISCH, « Eines ist mir klar: Daß die Weiber auch in der Hypnose lügen ». Mensonge et genre chez Arthur Schnitzler – Gerhard NEUMANN, Die letzten Masken. Zum Problem der Lüge bei Arthur Schnitzler – Hélène BARRIÈRE, Un faux mensonge contre un vrai ? Imagination et réalité dans Amoralische Kinderklapper (1969) de Barbara Frischmuth – Charlotte JANUEL, Segensbetrug oder Spaß? Thomas Manns Die Geschichten Jaakobs und die Genesis – Dorothee KIMMICH, „Mundus vult decipi“. Warum man sich den Hochstapler als einen glücklichen Menschen vorstellen muss – Karl Heinz GÖTZE, Über einige Versuche Brechts, die Lüge zu erkunden – Jörg DÖRING/ Davis OELS, Lüge, Fälschung, Plagiat. Über Formen und Verfahren prekärer Autorschaft – Thomas KELLER, Über Wahrheit und Lüge jenseits des deutsch‑französischen Sinns 15,00 € Cahiers universitaires d’information sur l’Autriche

Sommaire du numéro 78 Philosophies autrichiennes Études réunies par Christian Bonnet

Avant-propos

Jocelyn Benoist, Bolzano et la grammaire de la représentation Carole Maigné, L’esthétique autrichienne de l’École herbartienne Jacques Bouveresse, L’Autriche de Wittgenstein Arnaud Dewalque, Phénoménologie autrichienne : le programme de Brentano Alexandre Couture, Crise du moi et utopie de l’autre : le solipsisme chez Ernst Mach Pierre Wagner, La logique dans le Cercle de Vienne Christian Bonnet, Kant en Autriche : entre réception et rejet Sophie Djigo, La philosophie d’Antée : Robert Musil et l’esprit des faits Jacques Le Rider, Fritz Mauthner et la tradition autrichienne de la philosophie Friedrich Stadler, Philosophie – Konturen eines Faches an der Universität Wien im „langen 20. Jahrhundert“

Des idées et des faits Notices bibliographiques Publications récentes sur l’Autriche Résumés/Zusammenfassungen/Abstracts

Austriaca précédents :

Austriaca n° 77, Lectures de La Marche de Radetzky, Études réunies par Stéphane Pesnel, novembre 2014, 247 p., 16 € ; Austriaca n° 76, Nouvelles recherches sur la littérature, la philosophie et la civilisation autrichiennes, Études réunies par Jürgen Doll et Jacques Lajarrige, juin 2013, 236 p.,16 € ; Austriaca n° 75, Les relations de Johann Nestroy avec la France, Études réunies par Irène Cagneau et Marc Lacheny, décembre 2012, 278 p., 16 € ;

Modalités d’abonnement :

Prix au numéro : 25 € à partir du no 80 La demande d’abonnement annuel à la revue Austriaca est à adresser à :

Mme Nadine Tompouce FMSH-Diffusion 18 rue Robert-Schuman, 94220 Charenton-le-Pont [email protected]

PURH - Presses universitaires de Rouen et du Havre Université de Rouen, rue Lavoisier, 76821 Mont-Saint-Aignan Cedex [email protected], 02 35 14 65 31 http://purh.univ-rouen.fr/ Bon de commande Prix du no : 15 € ABONNEMENT (2 numéros) : 30 € no 1 à 67 à adresser à Julie Fabre et à l’ordre du Régisseur des recettes Cahiers d’Études Germaniques Aix Marseille Université – Maison de la Recherche ALLSH 29, avenue Robert Schuman – 13 621 Aix-en-Provence Cedex 1 Tél. : 04 13 55 33 68 – courriel : [email protected] à compter du no 68

Presses Universitaires de Provence Maison de la Recherche – 29 avenue Robert Schuman F13621 Aix-en-Provence cedex 1 – France Tél. 33 (0)4 13 55 31 92 – [email protected]

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Dépôt légal 2e trimestre 2015 ISBN 978-2-85399-993-9 ISSN 0751-4239