Université Victor Segalen Bordeaux 2 UFR Sciences de la Vie Année 2009 Thèse n°1688

THÈSE pour le

DOCTORAT DE L’UNIVERSITÉ DE BORDEAUX

Mention : Sciences, Technologie, Santé Option : Neurosciences

Présentée et soutenue publiquement le 21 Décembre 2009

Par

Nadège ROBERT (épouse BERSON)

Née le 28 Novembre 1981 à Périgueux (24)

FACTEURS NEUROBIOLOGIQUES ASSOCIÉS À L’ADDICTION A LA COCAÏNE :

ETUDE AU MOYEN D’UN MODELE D’ADDICTION CHEZ LE RAT

Membres du jury

Président : M. Bruno Aouizerate, PU-PH, Université de Bordeaux, Bordeaux, France Rapporteur : M. Rafael Maldonado, Professeur, Université Pompeu Fabra, Barcelone, Espagne Rapporteur : M. François Tronche, DR CNRS, CNRS FRE2401, Collège de France, Paris, France Invité : M. Pier Vincenzo Piazza, DR INSERM, CRI U862, Bordeaux, France Directrice de thèse : Mme Véronique Deroche-Gamonet, CR INSERM, U862, Bordeaux

À mes Amours Pascal et Pierric…

REMERCIEMENTS

Le meilleur ami de "merci" est "beaucoup". Michel Bouthot.

Ce travail de thèse s’est déroulé dans le laboratoire INSERM U862 sous la direction du Docteur Véronique Deroche-Gamonet que je souhaite tout particulièrement et très sincèrement remercier pour son implication dans l’ensemble de ces travaux et son dévouement à m’enseigner la rigueur scientifique et la passion pour le travail bien fait. Cette thèse n’aurait pas été ce qu’elle est sans vous : un grand merci !

Je voudrais également remercier le Docteur Pier-Vincenzo Piazza de m’avoir accompagnée en tant que Directeur de l’unité INSERM U862 « Physiopathologie de l’addiction » tout au long de cette thèse.

Merci au Professeur Michel Le Moal pour ses encouragements, sa gentillesse et les longues discussions scientifiques que nous avons eu certains WE « comportementaux ». Cela m’a beaucoup aidé.

Je suis profondément reconnaissante aux docteurs Rafaël Maldonado et François Tronche de m’avoir fait l’honneur de porter leur jugement expert sur ce travail. Je tiens également à exprimer ma reconnaissance au Professeur Bruno Aouizerate d’avoir accepté de présider mon jury de thèse.

Que tous les membres de l’unité INSERM U862 soient assurés de ma gratitude et de ma reconnaissance pour leur soutien et la chaleur humaine qu’ils m’ont apportée. Je souhaite remercier du fond du cœur le docteur Guillaume Drutel de m’avoir encadré en biologie moléculaire ainsi que Thierry Leste-Lasserre qui a accompli un travail considérable dans ce domaine. Merci à vous deux pour votre professionnalisme, votre patience et votre gentillesse. J’ai passé d’agréables moments en votre compagnie. Je souhaite remercier chaleureusement le Docteur Nora Abrous pour l’apprentissage des techniques d’immunohistochimie et pour tous ses précieux conseils et encouragements. Il m’est impossible d’oublier mes compères d’unité sans qui les jours de « comportement » auraient été bien tristes et beaucoup plus difficiles : Merci Eric de m’avoir appris les filons de l’autoadministration et pour ta patience, Merci Jean-Fançois de m’avoir si souvent écouté et pour ta bonne humeur et pour finir un grand Merci à toi Jean-Marc de m’avoir fait tant rire…et ainsi donné l’envie de revenir dans ce laboratoire les jours d’après, même quand ça n’allait pas très bien. Merci à vous trois, je vous dois beaucoup !

Un grand merci au C.B.I.B. (centre de bioinformatique de Bordeaux) pour le développement d’outils informatiques fondamentaux dans l’étude des micropuces à ADN et plus particulièrement à Alexandre BROCHARD, dit « Super Bio-Informaticien », pour son travail d’analyse et pour avoir su traduire avec brio le langage des biologistes en langage que les ordinateurs comprennent…

Je souhaite également remercier les Docteurs Sophie Layé et Jan-Pieter Konsman pour l’accueil dans leur laboratoire, leur prêt de microscope, leur aide dans l’exploitation des images d’immunohistochimie et surtout leur gentillesse, une vrai bouffée d’air frais !

- I -

RESUMÉ

De nombreux individus consomment une, ou plusieurs, substances psychoactives au cours de leur vie. Alors que la majorité des consommateurs maintient une utilisation épisodique et contrôlée, certains perdent le contrôle sur l’usage de la substance ; symptôme majeur d’une addiction. Comprendre les mécanismes psychobiologiques, qui sous-tendent cette vulnérabilité à passer d’un usage contrôlé à un usage compulsif, constituerait une étape décisive dans la compréhension de la pathologie et l’identification de cibles thérapeutiques pertinentes. En effet, malgré un intense effort de recherche au cours des 40 dernières années, les thérapies disponibles se révèlent d’une efficacité limitée. Il faut probablement en chercher la cause dans la complexité de la pathologie, mais aussi dans l’inadéquation des préparations expérimentales à la définition clinique de l'addiction. Dans ce contexte, une étape décisive a été franchie il y a 5 ans lorsque des chercheurs de notre équipe ont développé le premier modèle pluri-symptomatique d’addiction à la cocaïne chez le rat. Grâce à ce modèle, il est possible d’identifier des animaux qui développent un comportement similaire à l’addiction, alors que d’autres maintiennent un usage contrôlé, et ce, malgré une consommation préalable de drogue équivalente. S'appuyant sur ce modèle d'addiction chez le rat, le but de nos travaux de thèse était d’identifier des différences neurobiologiques entre usagers addicts et non-addicts et d’aborder les mécanismes neurobiologiques qui sous-tendent la transition vers l’addiction. Pour ce second point, nous avons considéré les différences majeures identifiées et étudié leur évolution de l’usage précoce de cocaïne (avant l'addiction) à l'usage tardif (après développement de l’addiction) en fonction des sujets (addicts versus non-addicts). Nous avons utilisé une approche multidisciplinaire associant les principales méthodes des neurosciences comportementales, moléculaires et des systèmes. Nous avons comparé addicts et non-addicts au moyen d’une stratégie ciblée et d’une stratégie non ciblée. La stratégie non ciblée a consisté à évaluer l'expression des gènes à grande échelle, dans des structures cérébrales clés, au moyen d’une technique de profiling (environ 28 000 gènes testés simultanément). L'approche ciblée a consisté à analyser des facteurs connus pour être modifiés par l'usage ou l’administration chronique de cocaïne. Nous nous sommes concentrés sur une structure majeure, le noyau accumbens, et avons étudié : i. l'expression de gènes cibles au moyen de la qPCR, ii. plusieurs formes de plasticité synaptique à l'aide de l’électrophysiologie in vitro, iii. l'activité des neurones dopaminergiques de l’aire tegmentale ventrale (VTA) (projetant vers le noyau accumbens) au moyen de l’électrophysiologie in vivo, iv. la libération de dopamine dans le noyau accumbens au moyen de la microdialyse in vivo. Nous avons montré que les rats addicts et non-addicts s'adaptent très différemment à la cocaïne. Les usagers non-addicts paraissent en mesure de contrecarrer les changements neurobiologiques précoces provoqués par la cocaïne, tandis que les addicts ne le sont pas. Ils présentent des réponses neurobiologiques similaires à celles d'animaux naïfs vis-à-vis de la cocaïne ou d'animaux ayant été exposés à la drogue sur une très courte période. En résumé, les données obtenues au cours de ce travail de thèse modifient drastiquement la perception commune de la psychopathologie de l’addiction. L'addiction résulterait moins de modifications produites par la drogue (comme on le pense depuis 40 ans) que de l'incapacité à lutter contre ces modifications.

- II -

ABSTRACT

Numerous individuals consume one, or several, psychoactive substances during their lifetime. Although most consumers make only occasional and controlled use of a substance, some lose control of their use, which constitutes a major symptom of addiction. Understanding the psychobiological mechanisms which underlie this vulnerability to the transition from controlled drug use to addiction would constitute a decisive step forward in our understanding of the pathology and in our identification of the relevant therapeutic targets. Indeed despite intense research efforts during the last 40 years, the therapies available are of limited efficacy. This is probably related to the complexity of the pathology, as well as to the unsuitability of experimental preparations to the clinical definition of addiction. In such a context, there was a significant breakthrough 5 years ago when our research team developed the first pluri-symptomatic model of cocaine addiction in the rat. Thanks to this model it is possible to single out animals that develop an addiction-like behavior from others that, despite equivalent prior drug consumption, keep their use under control. The aim of our doctoral research, based on this rat addiction model, was to identify the neurobiological differences between addicted and non-addicted users, and then to start investigating neurobiological mechanisms that could underly transition to addiction. For this latter point we considered the major differences identified between addicts and non- addicts, and we studied their evolution from early (before addiction) to late cocaine use (after addiction development). We used a multidisciplinary approach associating behavioral, molecular and systems neuroscience. We compared addicts and non-addicts by means of a targeted strategy and a non-targeted strategy. The non-targeted strategy consisted in evaluating large-scale gene expression by means of a gene–profiling technique (approximately 28,000 tested simultaneously). The targeted approach consisted in analysing factors known to be modified by the use or chronic administration of cocaine. Concentrating on one main structure, the nucleus accumbens, we studied: (i) the expression of targeted genes by means of qPCR; (ii) several forms of synaptic plasticity using in vitro electrophysiology; (iii) the activity of the dopaminergic neurons of the ventral tegmental area (VTA) (projecting towards the nucleus accumbens) using in vivo electrophysiology; (iv) the liberation of dopamine in the nucleus accumbens by means of in vivo microdialysis. We showed that addict and non-addict rats adapt to cocaine in very different ways. Non-addict users seem able to counteract the early neurobiological changes triggered by cocaine, while addict users are not. Addict users present neurobiological responses to cocaine that are similar to those of naive animals or of animals having been exposed to the drug for a very short period. In conclusion, the data obtained during this PhD work radically modify the general perception of the psychopathology of addiction. Addiction would be less due to modifications produced by the drug (as thought for the last 40 years) than to the inability to fight against those modifications.

- III -

PUBLICATIONS ET COMMUNICATIONS

Publications:

2008 M-C. Beauvieux, H. Roumes, N. Robert, H. Gin, V. Rigalleau and J-L. Gallis: Butyrate ingestion improves hepatic glycogen storage in the re-fed rat, BMD Physiol. 2008 Oct 10;8:19.

2009 N. Berson, D. Belin, E. Balado, PV. Piazza, V. Deroche-gamonet: Novelty seekers: a specific subpopulation linked to cocaine addiction-like behavior in rats, en préparation.

2009 F. Kasanetz, V. Deroche-Gamonet, N. Berson, E. Balado, M. Lafourcade, O. Manzoni* and PV. Piazza* Transition to addiction is associated with a persistent impairment in synaptic plasticity, Science, soumis.

2009 F. Panin, N. Berson, A. Cathala, M. Neni, E. Balado, V. Deroche-Gamonet, U. Spampinato, PV Piazza. Addiction-like behaviour in the rat is associated with persistent alterations in the meso-accumbens pathway, en préparation.

Communications orales:

N. Robert, C. Beauvieux, H. Gin, V. Rigalleau and J-L. Gallis., Le butyrate ingéré augmente in vivo le glycogène hépatique à partir du glucose alimentaire chez le rat – lien avec l’insulinorésistance. Société Française de Nutrition, 17-19/11/2005, Marseille.

N. Robert. Addiction-like behavior in rats. CRI Magendie Journal club, 27/03/2008, Bordeaux.

Kasanetz F., Robert N., Lafourcade M., Piazza P.V., Deroche-Gamonet V. and Manzoni O.J. A neuronal portrait of cocaine user and addicted rats. FENS Satellite “Synaptic Basis of Disease”, 10-12 July 2008, Geneva, Switzerland. Orateur invité: O.J. Manzoni.

Communications écrites:

N. Robert, A. Brochard, E. Balado, PV. Piazza, V. Deroche-gamonet. Étude des bases biologiques de l’addiction à la cocaïne chez le rat. Journée de l’école Doctorale, 05/04/2006, Arcachon.

Robert N, Brochard A, Drutel G, Leste-Lasserre T, Piazza PV, Deroche-Gamonet V. Identification of a reliable method to apply Affymetrix DNA microarrays to psychopharmacological studies in rats. Annual Meeting Society for Neuroscience, 3-7/11/2007, San Diego, USA.

Kasanetz F., Robert N., Lafourcade M., Piazza P.V., Deroche-Gamonet V. and Manzoni O.J. Synaptic and cellular correlates of cocaine addiction in the nucleus accumbens of adult rats. FENS congress, 12-16 July 2008, Geneva, Switzerland.

Kasanetz F., Robert N., Lafourcade M., Piazza PV., Deroche-Gamonet V. and Manzoni OJ. Functional signature of cocaine addiction in the nucleus accumbens of adult rats. Société Française des Neurosciences, 9e Colloque, 26–29 may 2009, Bordeaux, France.

Kasanetz F., Robert N., Lafourcade M., Piazza PV., Deroche-Gamonet V. and Manzoni OJ. Functional signature of cocaine addiction in the nucleus accumbens of adult rats. The Society for Neuroscience 38st Annual Meeting, 15–19 November 2009, Washington DC, USA.

- IV -

TABLE DES MATIÈRES

REMERCIEMENTS ...... I RESUME ...... II ABSTRACT ...... III PUBLICATIONS ET COMMUNICATIONS ...... IV TABLE DES MATIÈRES ...... V INDEX DES FIGURES ...... XI LISTE DES ABREVIATIONS ...... XV

INTRODUCTION GENERALE ...... 3

INTRODUCTION BIBLIOGRAPHIQUE ...... 5 I L’addiction ...... 5 1 Définition ...... 5 2 Dynamique de la pathologie et Vulnérabilité individuelle ...... 10 3 Caractéristiques de l’addiction à la cocaïne ...... 17 3.1 La cocaïne ...... 17 3.2 Des données épidémiologiques ...... 18 3.3 La cocaïne dans la nosographie psychiatrique...... 19 4 Conclusions ...... 20 II Modèles animaux de l’addiction ...... 21 1 Le modèle multi-symptomatique ...... 21 1.1 Évaluation des symptômes d’addiction et de la transition vers l’addiction 22 1.2 Réalisation d’un diagnostique individuel ...... 22 1.3 La transition vers l’addiction dépend des individus et non de la prise de drogue ...... 23 1.4 Les facteurs psychopharmacologiques prédictifs de l’addiction ...... 24 2 Les modèles monosymptomatiques ...... 24 3 Conclusions ...... 29 III Substrats neurobiologiques de la cocaïne : le Système de Récompense ...... 31 1 Le système de récompense ...... 31 1.1 Présentation ...... 31

Table des matières

1.2 Les structures clés de ce système ...... 32 2 Effet de la cocaïne sur le système de neurotransmission ...... 35 2.1 Cocaïne et principaux neurotransmetteurs du système de récompense ...... 35 2.2 Cocaïne, adaptation cellulaire et plasticité synaptique dans le système de récompense ...... 38 3 Effet de la cocaïne sur le système de transduction des signaux ...... 41 4 Conclusions ...... 45 IV Objectif général de la thèse ...... 46 1 Objectif n°1 : Identification de facteurs biologiques associés à l’addiction. .... 47 1.1 La stratégie non ciblée...... 47 1.2 La stratégie ciblée ...... 47 2 Objectif n°2 : Facteurs biologiques associés à l’addiction : rôle potentiel dans la dynamique de la pathologie...... 48

MATÉRIELS ET MÉTHODES ...... 51 I Animaux et Traitements ...... 51 2 Conditions d’élevage des animaux ...... 51 3 Substances Pharmacologiques ...... 51 4 Chirurgie ...... 51 II Analyses Comportementales ...... 52 1 Autoadministration intraveineuse (AA) ...... 52 1.1 Matériels ...... 52 1.2 Protocole d’auto-administration (AA) ...... 53 2 Critères diagnostiques de l’addiction ...... 54 3 Diagnostic d’addiction ...... 55 3.1 Diagnostic qualitatif : calcul du nombre de 3 critères positifs ...... 55 3.2 Diagnostique quantitatif : le score d’addiction ...... 56 4 Caractérisation de la rechute après sevrage ...... 57 4.1 Extinction ...... 57 4.2 Réinstallation du comportement par un stimulus conditionné ...... 57 III Techniques d’analyses moléculaires ...... 58 1 Dissection des structures cérébrales ...... 58 2 Extraction des ARN totaux ...... 58 3 Analyse quantitative et qualitative des ARN totaux ...... 58 - VI -

Table des matières

3.1 Dosage des ARN totaux ...... 58 3.2 Analyse qualitative des ARN totaux ...... 59 4 Quantification des ARN par micropuces Affymetrix ...... 59 4.1 Synthèse et marquage des ARN complémentaires (ARNc) ...... 60 4.2 Hybridation des puces ...... 61 4.3 Lecture et analyse des données ...... 61 4.4 Gestion et Analyses des données Arrayassist ...... 62 5 Quantification par PCR quantitative en temps réel ...... 64 5.1 Préparation des ADN complémentaires (ADNc) ...... 64 5.2 Dessin et validation des séquences primers ou amorces ...... 65 5.3 Amplification des matrices ADNc et quantification ...... 66 IV Technique d’analyse protéique : immunohistochimie ...... 68 1 Perfusion en PAF à froid ...... 68 1.1 Matériels ...... 68 1.2 Méthodes ...... 68 2 Coupe des cerveaux au vibratome ...... 68 2.1 Matériels ...... 68 2.2 Méthodes ...... 69 3 Immunohistochimie ...... 69 4 Quantification du Marquage ...... 70 V Techniques d’étude de paramètres physiologiques ...... 71 1 Microdialyse intracérébrale et électrophysiologie extracellulaire sur animal anesthésié : études in vivo ...... 71 1.1 Chirurgie stéréotaxique sous anesthésie générale ...... 72 1.2 Electrophysiologie extracellulaire des neurones dopaminergiques de la VTA……………………………………………………………………………73 1.3 Microdialyse pour la mesure de la dopamine extracellulaire dans le NAc . 76 2 Electrophysiologie sur tranches dans le PFM et le NAc ...... 80 2.1 Préparation des coupes ...... 80 2.2 Electrophysiologie ...... 80 2.3 Paramètres Physiologiques étudiés ...... 81 VI Analyses Statistiques ...... 86

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Table des matières

CHAPITRE 1 : FACTEURS NEUROBIOLOGIQUES ASSOCIÉS À L’ADDICTION A LA COCAÏNE CHEZ LE RAT : APPROCHE GENOMIQUE NON CIBLEE ...... 91 I Buts et Expériences ...... 92 1 Objectifs ...... 92 2 Obtention des échantillons pour l’analyse de l’expression génique par micropuces...... 92 II Validation d’une méthode d’analyse de micropuces à ADN ...... 95 1 Paramètres influant la fiabilité des résultats de microarrays ...... 95 2 Description et Validité de la méthode choisie ...... 98 2.1 Nombre de puces par groupe ...... 98 2.2 Normalisation des puces ...... 100 2.3 Apport de la correction FDR (False Discovery Rate, Benjamini et al., 1995) …………………………………………………………………………..103 3 Conclusions ...... 103 III Addiction et Modifications du transcriptome dans le noyau accumbens (NAc)104 1 Étude des modifications transcriptionnelles par micropuces à ADN ...... 104 1.1 Étude quantitative des modifications du transcriptome entre des rats addicts, non-addicts et naïfs ...... 104 1.2 Etude qualitative des modifications du transcriptome entre des rats addicts et non-addicts ...... 106 2 Mise en évidence de nouveaux déterminants de l’addiction à la cocaïne ...... 108 2.1 Localisation chromosomique ...... 108 2.2 Localisation cellulaire ...... 110 2.3 Fonctions moléculaires ...... 110 2.4 Processus biologiques ...... 112 3 Etude corrélative entre expression génique et sévérité de l’addiction ...... 113 4 Etude préliminaire de la microvasculature ...... 114 IV Discussion ...... 115

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Table des matières

CHAPITRE 2 : SYSTEMES NEUROBIOLOGIQUES CONNUS POUR ETRE IMPLIQUES DANS, OU ALTERES PAR, LA PRISE DE COCAÏNE CHEZ LE RONGEUR : ÉTUDE DE LEUR IMPLICATION DANS L’ADDICTION CHEZ LE RAT ...... 123 I Buts et Expériences ...... 123 II Résultats comportementaux ...... 127 1 Sévérité de l’usage de cocaïne : mesure des scores dans les trois critères d’addiction des rats addicts et non-addicts ...... 127 2 Vulnérabilité à la rechute chez les addicts et les non-addicts après un mois de sevrage…..………………………………………………………………………128 III Modifications de la plasticité synaptique dans le noyau accumbens et le PFM 129 1 Propriétés intrinsèques des MSN du NAc et des cellules pyramidales des couches 5/6 du PFM ...... 130 2 La LTD mGluR2/3-dépendante dans le NAC et le PFM ...... 132 3 La LTD EcB-dépendante dans le PFM ...... 133 4 La LTD NMDA-dépendante dans le NAc ...... 134 5 Le rapport AMPA/NMDA ...... 135 6 Discussion sur les modifications des paramètres de plasticité synaptique ..... 138 IV Modifications de l’activité du système dopaminergique méso-accumbens ...... 140 1 Modifications de l’activité des neurones dopaminergiques dans l‘ATV après un mois de sevrage ...... 140 2 Modification des concentrations extracellulaires de dopamine dans le noyau accumbens 142 3 Mise en relation et discussion ...... 143 V Synthèse des stratégies ciblées ...... 145

CHAPITRE 3 : DE L’USAGE DE COCAINE A L’ADDICTION : EVOLUTION DE PARAMETRES NEUROBIOLOGIQUES ET DE PLASTICITE SYNAPTIQUE ...... 151 I Buts et Expériences ...... 151 1 Objectifs ...... 151 2 Procédure expérimentale ...... 152 3 Principe de l'analyse ...... 152 II Évolution des propriétés intrinsèques des MSN et de la LTD NMDA dans le NAc ……………………………………………………………………………………..153 - IX -

Table des matières

1 Evolution des propriétés intrinsèques des MSN du NAc ...... 153 2 Évolution de la plasticité synaptique NMDA-dépendante dans le NAc ...... 155 III Evolution des modifications du transcriptome dans le NAc ...... 158 1 Evolution de l’expression génique de l’usage précoce à l’usage tardif de cocaïne ………………………………………………………………………………..158 1.1 Gènes pouvant jouer un rôle dans la transition à l’addiction...... 160 1.2 Gènes pouvant jouer un rôle dans la restauration ou la non restauration de la LTD NMDA à long terme...... 161 2 Etude de l'évolution de l'expression des gènes différentiellement exprimés entre addicts et non-addicts ...... 162 2.1 Gènes pouvant jouer un rôle dans la transition à l’addiction...... 165 2.2 Gènes pouvant jouer un rôle dans la restauration ou la non restauration de la LTD NMDA à long terme ...... 165 3 Synthèse sur l’approche non ciblée ...... 166 3.1 Gènes impliqués dans la transition (ou la non transition) à l’addiction .... 166 3.2 Gènes impliqués dans restauration ou la non restauration de la LTD NMDA à long terme ...... 167 3.3 Liens entre LTD NMDA et transition à l’addiction...... 169 4 Évolution du transcriptome des systèmes cibles par qRT-PCR ...... 170 IV Discussion sur la dynamique de la pathologie ...... 174

DISCUSSION GENERALE ...... 181 I Bilan des résultats obtenus au cours de ces travaux de thèse ...... 181 II Apport de nos travaux sur les bases physiopathologiques de l’addiction ...... 183 1 La pertinence de notre approche ...... 183 2 Dynamique de l'addiction ...... 184 3 L’addiction : une pathologie liée à l’immunité ? ...... 188 4 De l’usage à l’addiction : la vimentine et l’immunité ? ...... 189 5 Perspectives ...... 194

BIBLIOGRAPHIE ...... 197

- X -

INDEX DES FIGURES

Introduction Bibliographique

Tableau 1 : définition de l’abus et de la dépendance selon le DSM-IV (1994) et l’ICD10 (1990)

Matériels et Méthodes

Figure 1 : Photos montrant les cages d’autoadministration, un nose-poke et l’ordinateur enregistrant l’ensemble des paramètres comportementaux

Figure 2 : Représentation schématique du montage expérimental

Figure 3 : Protocole permettant, in vivo, l’étude de l’activité des neurones dopaminergiques de l’ATV par électrophysiologie extra-cellulaire et le suivi du relargage de dopamine dans le NAc par microdialyse

Figure 4 : Planches stéréotaxiques indiquant le lieu d’implantation de la canule de microdialyse et de l’électrode d’enregistrement

Figure 5 : Exemple de patron de décharge d’un neurone dopaminergique et des paramètres étudiés

Figure 6 : Schéma représentant la chromatographie liquide à haute performance (H.P.L.C.)

Figure 7 : Mécanisme de la LTD NMDA-dépendante

Figure 8 : Mécanisme de la LTD mGluR2/3-dépendante

Figure 9 : Mécanisme de la LTD EcB-dépendante (d’après Heifets and Castillo 2009)

Photo 1 : Photo d’un cerveau de rat face ventrale – les traits rouges représentent les coupes effectuées

Tableau 1 : Description des caractéristiques des algorithmes utilisés pour la normalisation des micropuces à ADN

Tableau 2 : Caractéristiques des anticorps utilisés dans notre étude

Chapitre 1

Figure 1 : Schéma représentant le protocole suivi pour l’obtention des échantillons utilisés en microarrays et en qPCR

Figure 2 : A- Moyenne des scores obtenus à chaque critère d’addiction et B- consommation journalière totale de cocaïne pour les rats addicts et non-addicts

Index des Figures

Figure 3 : A- Nombres de hits significatifs obtenus par algorithme de normalisation en fonction du nombre de réplicat par groupe B – Répartition des hits communs, spécifiques ou partiels

Figure 4 : A- Tableau de répartition selon le fold change et la p-value des hits positifs avec l’algorithme GCRMA (FCabs>=1.6) et communs aux 5 algorithmes (1

Figure 5 : Liste des gènes de régulation transcriptionnelle significativement différente entre les rats addicts et non-addicts

Figure 6 : Quantification de l’expression de la protéine vimentine dans le NAc core, le NAc shell et le PFM exprimée en densité optique de marquage seuillé

Figure 7 : Quantification de la microvasculature dans le NAc et le PFM exprimée en rapport de la surface marquée sur la surface non-marquée

Tableau 1 : Mise en évidence, grâce à l’algorithme de correction FDR, du % de résultats faux-positifs générés par les différents algorithmes de normalisation

Tableau 2 : Tableau de validation par qRT-PCR des gènes positifs en microarrays dans le noyau accumbens en fonction de leur fold change, leur pvalue et de l’algorithme de normalisation

Tableau 3 : Tableau de validation par qRT-PCR des gènes positifs en microarray dans le noyau accumbens quelques soient les normalisations utilisées (gènes communs aux 5 algorithmes)

Tableau 4 : Tableau de comparaison des résultats de validation par qRT-PCR avec et sans correction FDR

Tableau 5 : Nombre de gènes significativement différents entre les rats addicts et non- addicts

Tableau 6 : Distribution chromosomique des gènes différentiellement exprimés chez les rats addicts et non-addicts

Tableau 7 : Localisation cellulaire des protéines issues des gènes identifiés pour les rats addicts et non-addicts

Tableau 8 : Fonctions moléculaires associées aux protéines issues des gènes identifiés pour les rats addict et non-addict

Tableau 9 : Processus biologiques associées aux protéines issues des gènes identifiés pour les rats addicts et non-addicts obtenus avec PathwayExpress

Tableau 10 : Pathways KEGG dans lesquels sont présentes les protéines issues des gènes identifiés pour les rats addicts et non-addicts

Gaphique 1 : Représentation de la dispersion des gènes différentiellement exprimés entre rats addicts et non-addicts en fonction de leur FC 0crit vs T et 3crit vs T

- XII -

Index des Figures

Chapitre 2

Figure 1 : Protocole suivi dans l’étude des différences physiologiques entre les rats addicts et non-addicts par électrophysiologie sur tranche, électrophysiologie et microdialyse in vivo

Figure 2 : Scores obtenus, après 75 jours d’autoadministration, dans les trois critères d’addiction, le score d’addiction et la consommation moyenne de cocaïne par session de base, pour les rats non-addicts et addicts

Figure 3 : Réinstallation, après un mois de sevrage et après extinction, du comportement d’autoadministration par un stimulus conditionné chez les non-addicts et les addicts

Figure 4 : Propriétés intrinsèques des MSN du NAc et des cellules pyramidales du PFM chez les rats addicts, non-addicts et témoins

Figure 5 : LTD mGluR2/3-dépendante des MSN du NAc et des cellules pyramidales L5/6 du PFM des rats addicts, non-addicts et témoins

Figure 6 : Régression linéaire entre le score d'addiction et l'expression de la LTD mGluR2/3 dans les neurones pyramidaux du PFM

Figure 7 : Plasticité pré-synaptique LTD EcB-dépendante des cellules pyramidales des couches 5/6 du PFM des rats addicts, non-addicts et témoins

Figure 8 : LTD NMDA-dépendante chez les rats addicts, non-addicts et témoins

Figure 9 : Régression linéaire entre le score d'addiction et l'expression de la LTD NMDA dans les MSN

Figure 10 : Rapport AMPA/NMDA dans le NAc des rats addicts, non-addicts et témoin

Figure 11 : Rapport AMPA/NMDA dans le PFM

Figure 12 : Activité des neurones dopaminergiques de l’ATV des rats témoins, addicts et non-addict après AA chronique de cocaïne et sevrage de 1 mois

Figure 13 : Concentrations extracellulaires de dopamine dans le NAc des rats témoins, addicts et non-addict après AA chronique de cocaïne et sevrage de 1 mois

Schéma 1 : Principales intéractions entre l‘ATV, le PFM et le NAc

Chapitre 3

Figure 1 : Protocole suivi pour l’obtention des échantillons de rats « J7 » et « J18 » dans l’étude dynamique de l’apparition des symptômes d’addiction chez le rat

Figure 2 : Propriétés intrinsèques des neurones moyens épineux (MSN) du NAc des rats J7, J18, non-addicts, addicts, témoins jeune (témoinJ) et témoins vieux (témoin V)

Figure 3 : Dynamique de la plasticité LTD NMDA-dépendante au cours de la transition vers l’addiction des rats J7, J18, non-addicts, addicts, témoins vieux (témoinV) et témoins jeunes (témoinJ)

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Index des Figures

Figure 4 : Calcul du rapport AMPA/NMDA des rats J7, J18, non-addicts, addicts, témoinV et témoinJ

Figure 5 : Suivi par micropuces à ADN de l’évolution du transcriptome à 7, 18 et 80 jours (addicts et non-addicts) d’AA de cocaïne

Figure 6 : Évolution de l’expression de gènes cibles mesurée par qRT-PCR

Figure 7 : Évolution de l’expression de gènes cibles mesurée par qRT-PCR (suite)

Tableau 1 : Évolution de l’expression des gènes trouvés comme différentiellement exprimés entre addicts et non-addicts à J7, J18

Discussion

Figure 1 : Bilan des résultats obtenus et représentation des adaptations

Figure 2 : D'après Shatz, Neuron, 2009. Modèle des interactions de MHCI à la synapse

Figure 3 : Les adhésions cellulaires au niveau de la barrière hématoencéphalique (BHE)

Figure 4 : D’après Levin et al. 2009, implication de la vimentine dans les lésions dendritiques

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LISTE DES ABRÉVIATIONS

AA : Auto-administration ADN : Acide DésoxyriboNucléique ADNc : ADN complémentaire AMPA : acide alpha-amino-3-hydroxy-5-methylisoazole-4-propionique AP : Antéro-postérieur ARN : Acide RiboNucléique ARNm : ARN messager ATV : Aire Tegmentale Ventrale CeA : noyau Central de l’Amygdale cOF : Cortex Orbito-Frontal DAB : 3,3'-Diaminobenzidine Tetrahydrochloride FC : Fold Change FCabs : Fold Change absolu FMT : Faisceau Médian du Télencéphale GABA : acide gamma-amino-butyrique ML : médio-latéral MSN : Medium Spiny Neuron ou neurone moyen épneux NAc : Noyau Accumbens NK : test statistique de Newman-Keuls NMDA : N-méthyl-D-aspartate NS : non significatif NT : NeuroTransmetteur PA : Potentiel d’Action PFM : Cortex Pré-Frontal Median PLSD : test statistique post-hoc de Fisher PR : point de rupture MSN : Medium Spiny Neuron ou neurone moyen épineux 0crit ou 0c : Rats présentant 0 critère d’addiction, rats non-addict 3crit ou 3c : Rats présentant 3 critères d’addiction positif, rats addict ou pharmacodépendants

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Introduction Bibliographique

« La drogue c'est comme une femme. Elle ne te pardonnera pas si tu dépasses la mesure avec elle. » Gérard Gévry.

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INTRODUCTION GENERALE

Depuis sa découverte, la cocaïne a fait l’objet de nombreuses études : pour décrire ses vertus tout d’abord, avant que n’apparaisse l’un des plus néfastes effets de son usage chronique, l’addiction. L’addiction est en effet une pathologie comportementale chronique. Des périodes de rémission, ou des périodes de sevrage, peuvent apparaître, mais le risque de rechute est extrêmement élevé. La pathologie apparaît de façon progressive, après une exposition prolongée à la drogue, et chez un nombre limité d’usagers (Anthony, Warner et al. 1994). En effet, de nombreux individus consomment une, ou plusieurs, substances psychoactives au cours de leur vie et, alors que la majorité des consommateurs maintient une utilisation épisodique et contrôlée, certains perdent le contrôle sur l’usage de la substance ; symptôme majeur d’une addiction. Ce phénotype extrême serait indépendant de la sévérité de la consommation (O'Brien 1997). L’addiction résulterait donc de l’interaction entre un phénotype vulnérable et l’exposition à la drogue. Comprendre les mécanismes psychobiologiques, qui sous-tendent cette vulnérabilité à passer d’un usage contrôlé à l’addiction, constituerait une étape décisive dans la compréhension de la pathologie et l’identification de cibles thérapeutiques pertinentes. En effet, malgré une incidence grandissante, en particulier pour l’addiction à la cocaïne (OEDT, 2007), et malgré un intense effort de recherche au cours des 40 dernières années, les thérapies disponibles se révèlent d’une efficacité limitée. Il faut probablement en chercher la cause dans la complexité de la pathologie, mais aussi dans l’inadéquation des préparations expérimentales à la définition clinique de l'addiction. Jusque récemment, aucun modèle animal ne représentait de façon pertinente l’ensemble de la symptomatologie de ce désordre comportemental. L’approche expérimentale a longtemps consisté, et consiste encore majoritairement, à étudier les effets de la drogue sur le comportement ou, au mieux, la prise de drogue. Or si la drogue et ses effets sont une condition nécessaire à l’addiction, ils ne sont pas une condition suffisante. L’addiction n’est pas un simple usage de drogue, mais un usage compulsif maintenu malgré ses conséquences néfastes. L’addiction doit donc être étudiée par le biais d’une altération du répertoire comportemental du consommateur. Dans ce contexte, une étape décisive a été franchie il y a 5 ans lorsque des chercheurs de notre équipe, et d'autres, ont démontré que l'on peut observer chez le rat, après un usage prolongé de cocaïne, des comportements similaires à ceux définissant l'addiction chez l'homme (Deroche-Gamonet, Belin et al. 2004; Vanderschuren and Everitt 2004). Le modèle développé au sein de notre équipe est le premier modèle qui tienne compte de l'ensemble des caractéristiques cliniques de la pathologie (Deroche-Gamonet, Belin et al. 2004; Belin, Balado et al. 2009). Grâce à ce modèle, il est possible d’identifier des animaux qui développent un comportement comparable à l’addiction, alors que d’autres maintiennent un usage contrôlé, et ce, malgré une consommation préalable de drogue équivalente. S'appuyant sur ce modèle d'addiction chez le rat, le but de nos travaux de thèse était d’identifier des différences neurobiologiques entre usagers addicts et non-addicts et d’aborder les mécanismes neurobiologiques qui sous-tendent la transition vers l’addiction.

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INTRODUCTION BIBLIOGRAPHIQUE

I L’addiction

1 Définition

Le terme addiction est considéré comme un anglicisme. En français, on doit théoriquement lui préférer le terme assuétude ou dépendance. Quoiqu’il en soit, et quelque soit la langue, l’OMS en 1964 recommandait l’abandon du terme addiction au profit du terme drug dependence, ou pharmacodépendance en français. Bien que cette recommandation ait été appliquée dans les manuels psychiatriques, drug addiction ou addiction aux drogues demeure le terme le plus couramment utilisé, en particulier dans le domaine de la recherche. Ce qui est considéré comme un anglicisme aujourd’hui, est en fait un vieux vocable français tombé en désuétude et trouvant son étymologie dans le terme latin ad-dicere qui signifie « dire à » au sens de donner, d’attribuer quelqu’un à quelqu’un d’autre en esclavage. En droit romain ancien, un « addictum » (addicté) était un esclave pour dette et l’addiction désignait donc la contrainte par corps de celui, qui ne pouvant s’acquitter de sa dette, était mis à la disposition du plaignant par le juge. Ce terme évoque donc la notion d’absence d’indépendance, de dépendance ou encore d’esclavage. En ce sens, le drogué est celui qui est donné à la drogue, le boulimique à la faim, le joueur au jeu, le fumeur au tabac. Ainsi le terme anglais, addict, désigne une personne dont la dépendance psychique, associée ou non à une dépendance physique, fait de la recherche de drogue une préoccupation quotidienne. C'est Sigmund Freud qui le premier a utilisé ce terme d’addiction en illustrant un « besoin primitif » (lettres à Wilhelm Fliess) qui fait partie de la condition de tout être humain : l'enfant est dépendant de sa mère pour sa survie. C'est, selon les thèses psychanalytiques, de cet état primordial qui aurait mal évolué, que dériveraient les « addictions ».

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En 1975, l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) définit la pharmacodépendance comme tel : « Un état de dépendance psychique et parfois physique, résultant de l'interaction entre un organisme vivant et un produit, caractérisé par des réponses comportementales ou autres qui comportent toujours une compulsion à prendre le produit de façon régulière ou périodique pour ressentir ses effets psychiques et parfois éviter l'inconfort de son absence (sevrage). La tolérance peut être présente ou non. »

Voici, ci-dessous, ce que précisait l’OMS en 1975 pour ce qui concerne la cocaïne.

Le DSM (Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders, Manuel Diagnostique et Statistique des Troubles Mentaux, Association Américaine de Psychiatrie), - Page 6 -

Introduction Bibliographique référence en terme de nosographie psychiatrique, n’intègrera que plus tard cette notion de dépendance psychique. En effet, dans le DSM-III (1980), la dépendance se définit de la façon suivante : « La dépendance à une substance est généralement une forme plus sévère que l’Abus de substances, un autre trouble lié à l’usage de substances toxiques. Elle implique une dépendance physiologique, mise en évidence soit par une tolérance soit par un syndrome de sevrage.

L’abus, quant à lui, y est défini par : 1. Un mode de consommation pathologique. Selon la substance, il peut se caractériser par : une intoxication tout au long de la journée, une impossibilité de réduire ou d’arrêter sa consommation, des efforts répétés pour contrôler sa consommation pendant les périodes d’abstinence temporaire ou de restriction de consommation à certains moments de la journée, une poursuite de la consommation du produit en dépit d’un désordre physique sévère que le patient sait être aggravé par l’utilisation de la substance, un besoin de consommation quotidienne pour obtenir un fonctionnement adéquat, et des phases de complication liées à l’intoxication. 2. Un handicap du fonctionnement social ou professionnel lié à un mode de consommation pathologique. 3. Une durée de la perturbation d’au moins un mois. »

Au début des années 1990, les définitions de l’OMS (International Classification of Diseases : ICD) et de l’Association Américaine de Psychiatrie (DSM) s’harmonisent. Selon l’OMS [ICD 10, 1992] et l’Association Américaine de Psychiatrie (DSM III-R, 1987 puis DSM-IV, 1994), la consommation de substances psychoactives s’articule autour de trois comportements distincts : l’usage, l’usage nocif (ou abus) et la dépendance. C’est à ce moment que le DSM intègre la dimension psychique dans la définition de la dépendance. Depuis sa version III-R (1987), le DSM propose en effet une définition clinique de la dépendance centrée, non plus sur les changements dans les effets de la drogue mais, sur les changements comportementaux de l’usager, mettant en avant cinq items relatifs à une prise de drogue compulsive, incontrôlée, maintenue malgré ses conséquences néfastes.

On note très clairement (tableau 1, définition du DSM IV) que cette définition de la dépendance intègre ce qui dans le DSM III (1980) définissait l’abus de drogue.

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Tableau 1 : définition de l’abus et de la dépendance selon le DSM-IV (1994) et l’ICD10 (1990)

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D’une pathologie associée à une altération des effets de la drogue (tolérance, sevrage), on passe donc à une pathologie associée à une altération du comportement de l’usager de drogue. La dimension psychique prend une place centrale. Si les deux symptômes de dépendance physique, tolérance et sevrage, demeurent des conditions suffisantes, elles ne sont plus nécessaires pour définir une dépendance.

Pour résumer, la pharmacodépendance ou addiction est une pathologie chronique (Meyer 1996; Leshner 1997) caractérisée par : - l’émergence d’une forte appétence pour la substance ou craving, - une recherche et une prise compulsive de la drogue (Kreek 1997; Leshner 1997; Dackis and O'Brien 2001; Koob, Ahmed et al. 2004) - une perte de contrôle sur la consommation de la drogue (Baumeister, Heatherton et al. 1994) - l’émergence d’un état affectif négatif consécutif à une difficulté d’accès à la drogue (Koob and Le Moal 1997) - une très forte probabilité de rechute même après de longues périodes d’abstinence (Jaffe, Cascella et al. 1989; Robinson and Berridge 1993; Kreek 1997; Leshner 1997; Volkow, Wang et al. 1999; Dackis and O'Brien 2001; Goldstein and Volkow 2002)

Ainsi, la dépendance ou addiction n’est pas une prise volontaire de la drogue, mais une pathologie comportementale en rapport avec la substance et qui correspond à une entité psychopathologique et comportementale en rupture totale avec l’équilibre physiologique et neuropsychologique du sujet. D’une vision centrée sur un changement dans les effets de la drogue, nous sommes donc passés à une vision de l’addiction centrée sur un changement dans la modalité de la prise. D’une vision où l’addiction peut être étudiée par le biais d’une altération des effets de la drogue, nous sommes passés à une vision où l’addiction doit être étudiée par le biais d’une altération du répertoire comportemental du consommateur. D’une vision où l’addiction apparaît comme une déviance, un défaut de volonté, nous sommes passés à une vision où l’addiction apparaît comme une psychopathologie vraie de processus cognitifs et motivationnels.

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2 Dynamique de la pathologie et Vulnérabilité individuelle

Il existe une histoire naturelle de l’addiction. Le sujet addict a généralement vu son usage de drogue évoluer progressivement de récréatif à régulier puis abusif avant de devenir addict. L’usage récréatif correspond aux premières expositions du sujet à la drogue. Cette première phase est dite phase d’acquisition. L’usage devient ensuite régulier. Il peut devenir abusif avant de devenir compulsif et difficilement contrôlable. L’abstinence, volontaire ou non, aboutit le plus souvent à une rechute, qui ramène l’individu à son état initial (Kreek, LaForge et al. 2002). L’addiction est donc une pathologie qui revêt une dimension dynamique particulière impliquant une exposition récurrente et prolongée à la drogue. Parallèlement à l’évolution des critères diagnostiques, la notion de vulnérabilité individuelle s’est très progressivement révélée comme une caractéristique majeure de l’addiction. Dès 1972, H. Berger écrivait: "There are no addictive drugs, only addictive patients" (Berger 1972) et en 1986, C. O’Brien suggérait qu’il pouvait exister plusieurs types de sujets dépendants: "Some addict go for months or years using heroin or cocaine only on week-ends before becoming a daily addicted user. Others report that they had such an intense response that they became addicted with the first dose". En 1994, Anthony et al. confirmaient que la transition de l’usage soutenu de drogue à l’addiction ne s’opère que chez un nombre limité d’individus (15 à 35%) (Anthony, Warner et al. 1994). L’addiction résulterait non pas de la simple consommation prolongée de drogue, mais de son interaction avec un phénotype vulnérable. Ce phénotype vulnérable serait responsable d’une réponse “pathologique” à la drogue qui sous-tendrait le passage d'une consommation “non pathologique” à l’addiction. Le développement d’une addiction dépendrait donc de la vulnérabilité de l’usager de drogue à cette pathologie. Des travaux récents réalisés au moyen du modèle d’addiction développé dans notre équipe (Deroche-Gamonet et al., 2004 ; Belin et al., Science, 2008) permettent d’émettre l’hypothèse suivante. L’addiction serait un processus en deux étapes, chaque étape mettant en jeu un type particulier de vulnérabilité. La première étape est celle qui amènerait un individu à développer et maintenir une prise de drogue soutenue sur une période prolongée. Chez l’animal comme chez l’homme, seuls certains individus développent une prise régulière de drogue (Piazza, Deminiere et al. 1989; Piazza, Deminiere et al. 1990). Des phénotypes tels qu’une grande réactivité au stress (Piazza, Deminiere et al. 1989), l’anxiété (Weiss, Ciccocioppo et al. 2001) ou certaines formes

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Introduction Bibliographique d’impulsivité (Perry, Larson et al. 2005; Belin, Mar et al. 2008) prédisposeraient à l’usage soutenu de drogue, probablement en augmentant les effets appétitifs des drogues. En d’autres termes, les drogues auraient des effets renforçants plus importants chez certains individus qui seraient ainsi prédisposés à acquérir et maintenir un usage de drogue. Néanmoins, la transition d’un usage soutenu à l’addiction nécessiterait un second type de vulnérabilité ; une vulnérabilité à l’addiction. Seuls certains rats, montrant un usage soutenu de cocaïne, développent un comportement de type « addiction » au sens défini par le DSM-IV, alors que d’autres, ayant consommé jusque là la même quantité de drogue, maintiennent une prise contrôlée de cocaïne. Les rats addicts représentent 15 à 20% des rats faisant usage de cocaïne (Deroche-Gamonet, Belin et al. 2004). Les bases psychobiologiques de cette vulnérabilité, qui incluraient une forme particulière d’impulsivité (Belin et al., Science, 2008), restent à découvrir.

Dans la recherche des facteurs étiologiques de l'addiction, les études cliniques et épidémiologiques se sont focalisées sur des dimensions psychologiques telles que l'impulsivité et la réactivité au stress, et sur les pathologies associées à l'addiction telles que l'anxiété ou la dépression. Malgré des contradictions, des associations ont été trouvées entre ces traits ou pathologies et l'abus ou l'addiction. Néanmoins, dans les études menées chez l'homme, il est difficile d'évaluer si un trait comportemental est une conséquence ou une cause du développement de l'addiction. Les modèles animaux ont quelque peu clarifié les relations entre l'addiction et ces traits comportementaux.

Réponse au stress Il y a 20 ans, les chercheurs de notre groupe de recherche ont démontré que chez les rongeurs, comme chez l’homme, certains individus (High Responders, HRs) faisaient preuve d’une plus grande vulnérabilité à développer une prise de drogue que d’autres (Low Responders, LRs). Les sujets vulnérables montrent une plus grande sensibilité aux effets renforçants des drogues, s’autoadministrant de plus grandes quantités de drogue sur une large gamme de doses. Cette vulnérabilité peut être prédite par une réactivité comportementale accrue au stress (en particulier l’activité locomotrice dans un environnement nouveau). Elle peut être provoquée par des évènements de vie, et en particulier, les expériences stressantes vécues à l’âge adulte ou à un stade précoce du développement. Néanmoins, si la réponse locomotrice à la nouveauté prédit la vulnérabilité à l’usage soutenu de drogue, elle n’est - Page 11 -

Introduction Bibliographique pas reliée à la vulnérabilité à l’addiction. En effet, la transition à l’addiction a la même incidence chez les HR et les LR (Belin, Mar et al. 2008) et lorsque l’addiction est développée, non-addicts et addicts ne diffèrent pas pour la réponse locomotrice à la nouveauté (Deroche-Gamonet, Belin et al. 2004). En revanche, à ce jour, nous ne savons pas si la vulnérabilité à l’addiction peut, ou non, être influencée par des évènements stressants.

Impulsivité L’impulsivité se caractérise par la prise de décisions, l’émission de comportements désavantageux, mal conçus, mal préparés. Il s’agit d’un trait comportemental complexe constitué de nombreuses composantes distinctes incluant la désinhibition comportementale (incapacité à retenir une réponse), une intolérance à la frustration (une préférence pour des récompenses immédiates plutôt que tardives même si ces dernières sont plus importantes), la difficulté à considérer les conséquences de son comportement... Chez l’homme, l’incidence de l’impulsivité est plus élevée chez les addicts que dans la population normale. Il existe également une forte comorbidité entre l’addiction et les désordres associés à des comportements impulsifs tel que le TDA/H (trouble déficit de l’attention avec hyperactivité). Chez l’animal, différentes procédures ont été mises au point qui capturent différentes dimensions de l’impulsivité comme l’incapacité à attendre des indices permettant d’effectuer le choix de la réponse comportementale appropriée (une forme de désinhibition comportementale mesurée dans le test 5-CSRTT, pour revue (Evenden and Ryan 1999), la dévaluation par le sujet des renforçateurs pour lesquels il doit attendre [l’individu choisit des renforçateurs immédiats même de moindre taille (cette dévaluation peut être mesurée dans une tâche de delay discounting) (Bickel and Marsch 2001)], l’incapacité à retenir une réponse, ce qui pourtant assure l’obtention du renforçateur [Differential Reinforcement of Low Rate, DRL, (Evenden and Ryan 1999)]. Chez l’animal, l’impulsivité peut aussi prédire la vulnérabilité à l’usage de drogue. Néanmoins, seules certaines composantes de ce trait complexe semblent relier à la sensibilité aux drogues. Par exemple, l’impulsivité mesurée dans un test de delay discounting semble prédire la vulnérabilité à l’usage de cocaïne (Perry, Larson et al. 2005), alors que ce n’est pas le cas du comportement dans le 5-CSRTT (Dalley, Fryer et al. 2007; Belin, Mar et al. 2008). Dans le contexte de l’addiction, l’impulsivité, en particulier la désinhibition comportementale telle qu’elle est mesurée dans le 5-CSRTT, pourrait prédire la vulnérabilité à l’addiction. La transition à l’addiction apparaît chez les rats ayant les

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Introduction Bibliographique niveaux d’impulsivité les plus élevés avant l’usage de cocaïne (Belin, Mar et al. 2008). Néanmoins, lorsque l’addiction est développée, addicts et non-addicts ne diffèrent pas pour la désinhibition comportementale telle qu’elle est mesurée dans les conditions d’extinction. Le maintien de la réponse dans les conditions d’extinction est en effet considéré comme une mesure de désinhibition comportementale et d’impulsivité. Cette procédure, dans laquelle la drogue est retirée alors qu’elle est toujours signalée comme disponible, permet de mesurer la persistence de la réponse pour la drogue. L’ensemble de ces données suggère que : 1. vulnérabilités à l’usage et à l’addiction peuvent être reliées à l’impulsivité mais probablement à des formes particulières et distinctes d’impulsivité, 2. la transition à l’addiction pourrait correspondre à une transition impulsivité-compulsivité (Belin, Mar et al. 2008).

Anxiété Anxiété et addiction sont fréquemment décrits comme comorbides. On ignore, en revanche, si l’anxiété précède ou suit l’addiction. Chez les rongeurs, l’usage de cocaïne et le sevrage peuvent provoquer de l’anxiété (Koob and Weiss 1992). Concernant le rôle de l’anxiété comme facteur prédictif de l’usage de cocaïne, des résultats contradictoires ont été obtenus ; une anxiété accrue ou réduite pouvant prédire la vulnérabilité à l’usage de cocaïne (Weiss, Ciccocioppo et al. 2001). Concernant l’addiction en elle-même, l’anxiété ne semble pas être une conséquence de l’addiction chez le rats; addicts et non–addicts ne diffèrent pas dans le test du labyrinthe en croix surélevé (Deroche-Gamonet, Belin et al. 2004). On ignore à ce jour si l’anxiété chez des rats naïfs peut prédire la transition à l’addiction.

Patron de prise de drogue et sensibilité au craving provoqué par la cocaïne Malgré une même opportunité pour tous les rats de s’autoadministrer la cocaïne, la transition à l’addiction est spécifiquement précédée du développement d’une prise de drogue en bouffées (bursts) (Belin, Balado et al. 2009). Rapidement après que les rats aient commencé à s’autoadministrer de la cocaïne (moins de 30 sessions) et bien que futurs addicts et non-addicts consomment la même quantité de drogue, les futurs addicts consomment la drogue plus rapidement que les futurs non-addicts. De même, précocément, avant le développement de l’addiction, l’administration non contingente de cocaïne provoquent un comportement de recherche de drogue plus intense chez les futurs addicts

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Introduction Bibliographique que chez les futurs non-addicts (Belin, Balado et al. 2009). On ignore si ces deux comportements sont de simples symptômes précoces dans le développement de l’addiction ou s’ils jouent un rôle causal dans la transition à l’addiction.

Vulnérabilité ou vulnérabilités à l’usage de cocaïne Nous avons décrit un ensemble de conditions associées à une vulnérabilité à l’usage de cocaïne (anxiété, réactivité à la nouveauté, impulsivité…). Ces conditions sont-elles présentent simultanément chez les mêmes sujets ou constituent-elles des « sources » et des mécanismes distincts de vulnérabilité ? Pour ce qui concerne les liens entre réactivité à la nouveauté et impulsivité, les deux dimensions peuvent être présentes chez les mêmes animaux, mais peuvent également être dissociées. Les animaux HR et LR, qui montrent une forte et une faible réactivité motrice à la nouveauté et qui sont respectivement vulnérables et résistants à l’usage de psychostimulants, diffèrent dans une tâche de DRL (Stoffel and Cunningham 2008). Ce qui suggère, sans que ça ait été démontré, que l’impulsivité dans la tâche de DRL prédit la vulnérabilité à l’usage de cocaïne. En revanche, l’impulsivité dans la tâche de delay discounting qui prédit la vulnérabilité à l’usage de cocaïne (Perry, Larson et al. 2005), n’est pas associée à une plus grande réactivité à la nouveauté. Pour ce qui concerne les liens entre réactivité à la nouveauté et anxiété, les deux dimensions peuvent être associées. En effet les HR sont « moins anxieux » que les LR (Blanchard, Mendelsohn et al. 2009). Néanmoins, une anxiété accrue peut également être associée à une plus grande vulnérabilité à l’usage de drogue (Koob and Volkow 2009). En conclusion, différents traits comportementaux sont associés à la vulnérabilité à développer et maintenir un usage de cocaïne. Une réponse comportementale accrue au stress, des réponses comportementales liées à l’anxiété et certaines dimensions de l’impulsivité sont associées avec une augmentation de la prise de drogue ou prédisent la vulnérabilité à l’usage de drogue. Ces phénotypes n’étant pas nécessairement présents simultanément chez les mêmes sujets, ils constitueraient, dans leur majorité, des formes distinctes de vulnérabilité à l’usage de cocaïne. Aucun de ces comportements, en revanche, ne semblent prédire la vulnérabilité à l’addiction. Seul le patron de prise, le craving provoqué par la drogue et une forme particulière d’impulsivité pourraient prédire ce risque. Les vulnérabilités individuelles à l’usage soutenu et l’addiction peuvent être d'origines diverses. Des facteurs génétiques, épigénétiques et environnementaux sont évoqués. Néanmoins, il est difficile d'établir une image claire de la situation. Notamment, - Page 14 -

Introduction Bibliographique chez l'homme, et plus encore chez l'animal, les différents types de vulnérabilité, à l’usage, l’abus et l’addiction, font souvent l'objet d'assimilation. Les études épidémiologiques (données issues de suivis familiaux, d'adoptions ou d'études gemellaires) vont dans le sens d'une importante héritabilité polygénique de l'addiction (Uhl, Drgon et al. 2008). Il est proposé une contribution de l’ordre de 40 % des facteurs génétiques (Kreek, LaForge et al. 2002). Néanmoins, on est en droit de mettre en doute ces chiffres car, comme nous le mentionnions précédemment, l'assimilation entre usage, abus et addiction est fréquente. Toutefois de façon intéressante, les études gemellaires suggèrent que l'influence génétique, pour sa plus grande part, n'est pas spécifique de la substance (Uhl, Drgon et al. 2008). Chez l'animal, les données obtenues jusqu'alors concernent la vulnérabilité à l'usage de drogue ; aucune étude génétique n'ayant été menée au moyen de modèles pertinents d'addiction. Les travaux menés mettent en évidence une contribution génétique à la sensibilité aux effets physiologiques, neurobiologiques et comportementaux des drogues. En résumé, des facteurs génétiques contribuent de façon certaine aux effets subjectifs des drogues, au développement d'un usage soutenu de la substance et à l'addiction. Néanmoins, il est probable que des facteurs distincts affectent ces différentes étapes, de l'effet subjectif initial à l'addiction. De nombreuses études cliniques et épidémiologiques ont été conduites à la recherche du ou des gènes de l'addiction. Elles ont généré de nombreux résultats contradictoires tant chez l'homme que chez l'animal. Des divergences dans la sélection des populations, le profil nosographique des patients, les méthodes d'analyse chez l'homme, dans les modèles et les approches expérimentales chez l’animal, peuvent être à l'origine de ces contradictions. Il est également possible que l'approche expérimentale de cette question ait été inappropriée. Se basant sur des études récentes utilisant une approche GWA (Genome-Wide Association), Uhl et al. (2008) proposent en effet une vision moins restrictive de l'influence génétique sur la vulnérabilité à l'addiction. Ainsi, des différences individuelles dans une « constellation » de gènes seraient à l'origine des différences individuelles dans la spécification des connectivités cérébrales pendant le développement et à l'âge adulte, qui elles-mêmes pourraient contribuer à une "constellation" de désordres et phénotypes cérébraux potentiellement interconnectés.

Pour ce qui concerne les facteurs épigénétiques, les premières données sont issues de la recherche expérimentale ; ce type de facteurs peut moduler la réponse aux drogues - Page 15 -

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(Renthal and Nestler 2008). L'hypothèse a rapidement été émise que des différences individuelles dans ces facteurs pouvaient être impliquées dans la vulnérabilité à l'addiction. Chez l'homme, si aucune donnée n'est encore disponible pour ce qui concerne l'addiction, les influences épigénétiques sur le comportement et les traits psychologiques sont source d'intérêt (Ptak and Petronis 2008). Ainsi chez des jumeaux monozygotes, une méthylation différentielle de l'ADN est associée à des différences dans la réponse au stress et les comportements à risque (Kaminsky, Petronis et al. 2008) ; deux entités potentiellement reliées à la vulnérabilité à l’addiction. Pour ce qui concerne les facteurs environnementaux, les études épidémiologiques évoquent de façon récurente l'exposition au stress comme un facteur de risque pour l'addiction (Le Moal 2009). Dans ce contexte, il est intéressant de noter que la plupart des influences environnementales sur la vulnérabilité à l'addiction ne seraient pas issues de l'environnement familial immédiat. Néanmoins, l'environnement familial jouerait un rôle important dans l'initiation à la substance (Kendler, Karkowski et al. 2000). Ces observations confortent l’hypothèse de vulnérabilités distinctes à l’usage et à l’addiction ; vulnérabilités dépendant de « révélateurs » spécifiques qui probablement mettent en jeu des mécanismes propres. Chez l’animal, au cours des 20 dernières années, des travaux, notamment réalisés au sein de notre équipe de recherche, ont apporté les preuves de relations causales entre exposition au stress et vulnérabilité à l’usage de drogue. Les mécanismes sous-jacents ont été explorés et ont conduit à mettre en évidence une chaîne physiopathologique reliant stress et vulnérabilité aux drogues via les hormones glucocorticoïdes et le système dopaminergique mésolimbique (Marinelli and Piazza 2002; Ambroggi, Turiault et al. 2009).

Au-delà des influences, génétiques, épigénétiques et environnementales, il est proposé que les désordres psychopathologiques puissent dépendre d’interactions complexes de types gène-gène ou gène-environnement. Ainsi, dans notre laboratoire, il a été montré que les effets d’un stress sur la vulnérabilité à l’usage de cocaïne dépendent du patrimoine génétique de l’individu. Ainsi, appliquée à l’âge adulte ou en période post- natale, une situation stressante n’aura aucun impact sur la prise de cocaïne de souris C57BL/6J alors qu’elle provoquera une augmentation de la prise chez des souris de souche DBA/2J (van der Veen, Piazza et al. 2007; van der Veen,Koehl 2008).

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En résumé, il paraît nécessaire de clairement distinguer les différents types de vulnérabilité, à l’usage, à l’abus et à l’addiction ; ces vulnérabilités pouvant mettre en jeu des mécanismes psychopathologiques différents. De plus, chacune d’elles pourrait aussi dépendre de facteurs de risque variés. Comme le suggère Uhl et al. (2008), on peut envisager que des différences individuelles dans des facteurs génétiques ou épigénétiques distincts, conduisent, par des mécanismes distincts, à la mise en place de connectivités cérébrales contribuant à l’expression d’une pathologie ou d’une autre selon l’environnement dans lequel évolue l’individu.

3 Caractéristiques de l’addiction à la cocaïne

3.1 La cocaïne

C'est sur le continent sud américain que l'usage de la cocaïne s'est développé. L'usage de la feuille de coca remonte à la plus haute antiquité. Les découvertes archéologiques témoignent de l’usage de la coca en Amérique du Sud, 3000 ans avant J.C. Chez les incas, initialement réservée aux prêtres et aux castes élevées pour les rituels sacrés, la coca a rapidement gagné toutes les couches de la population. Introduite en Europe peu après la conquête du Pérou, elle est employée par les médecins en infusion et décoction pour de nombreux traitements. La haute aristocratie consommait la feuille de coca. Plus récemment, au XVIIIème siècle, le vin Mariani – une boisson tonifiante – contenait de la coca. En 1885, le pharmacien américain Pemberton inventa une boisson à base de coca, le Coca-Cola®, qui contiendra de l’extrait de coca jusqu’au début du siècle.

Le chimiste allemand, Friedrich Gaedcke, est le premier, en 1855, à avoir isolé des cristaux à partir de coca. Il nomme cette substance erythroxyline. C'est en 1860 à Vienne qu’un étudiant en chimie, Albert Niemann, identifie pour la première fois le principe actif des feuilles de coca, la cocaïne, et en décrit l’action anesthésique. La cocaïne a été longtemps utilisée en thérapeutique pour l'anesthésie des tissus profonds et les anesthésies

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Introduction Bibliographique locales (à partir de 1884). La prescription médicale de cocaïne se développe rapidement, comme anesthésiant, comme tonifiant, voire comme traitement de désintoxication à l’opium, à la morphine et à l’alcool. Freud lui même consommera la cocaïne pendant 17 ans et vantera ses mérites, comme une substance qui le fit " planer merveilleusement ", mais dès 1885 des médecins s’élèvent contre ce troisième fléau, après l’alcool et la morphine. Dans le même temps, certains spécialistes, dont le toxicologue Louis Lewin, commencent à décrire les effets de son intoxication. En 1914, les états américains ont réglementé l'usage et la distribution de cocaïne par l'adoption du "Harrison Act", pour réduire la criminalité et en interdire peu à peu l'usage non-médical. Au milieu du XXe siècle, elle n'est plus considérée comme un problème de santé publique. Dès le début des années 1960, la consommation redevient préoccupante pour exploser à la fin des années 1970 sous l'impulsion des cartels qui cherchent à écouler leur production en baissant les prix. Le début des années 80 constitue donc le début de l’épidémie qui touche les USA. L’Europe n’est pas touchée par cette vague des années 80, l’héroïne et la marijuana demeurant à cette époque les drogues illégales de prédilection du vieux continent.

3.2 Des données épidémiologiques

Plusieurs conventions se tiennent sous l'égide de l'ONU afin de combattre la dépendance [la Convention Unique sur les Stupéfiants de 1961 (amendée par le Protocole de 1972), la Convention sur les Substances Psychotropes de 1971, et la Convention contre le Trafic Illicite de Stupéfiants et de Substances Psychotropes de 1988]. Ces conventions prohibent la production, le commerce, la détention et l'usage des drogues (excepté à des fins médicales) et ont directement influencé les législations des pays signataires. La convention unique sur les stupéfiants de 1961 porte principalement sur la coca, l'opium, le cannabis et leurs dérivés. La cocaïne sera progressivement interdite et classée comme stupéfiant dans la plupart des pays, à mesure qu'ils adaptent leur législation propre. La cocaïne est l’une des drogues les plus addictogènes, nombre d’usagers perdant rapidement le contrôle sur leur consommation. On pense qu’environ 15 à 20% d’entre eux sont dépendants à la cocaïne (Schutz, Vlahov et al. 1994), selon les critères d’évaluation de la pharmacodépendance du DSM IVR ou de l’ICD10. Après le cannabis, la cocaïne est la drogue qui fait l’objet du commerce illicite le plus intense dans le monde. En Europe, la cocaïne est désormais la drogue la plus couramment consommée, après le cannabis. 4% de la population adulte européenne (15 à - Page 18 -

Introduction Bibliographique

64 ans) a consommé de la cocaïne au moins une fois au cours de sa vie (OEDT, 2007). En France, la cocaïne, après avoir connu une période florissante entre les deux guerres mondiales, est remplacée par l’alcool, l’héroïne et le cannabis. Durant une bonne partie des années 1980 et 1990, en Europe, la cocaïne est en effet associée aux classes aisées, notamment aux milieux de la politique, du cinéma et de la chanson qui la consomment dans un but de dopage. Mais l'augmentation exponentielle de sa production contribue à faire chuter les prix de revente à la dose et la cocaïne est consommée dans tous les milieux depuis le début des années 2000. En France, bien que son niveau d’expérimentation soit plus faible que pour l’ensemble de l’Europe (2,6% de la population adulte française), elle a connu une diffusion croissante au cours des dernières années, passant de 1,2 % en 1992 à 3,8 % en 2005 parmi les 18-44 ans. Elle se répand notamment chez les employés et au sein de secteurs professionnels plus traditionnels, comme le bâtiment, la restauration ou le commerce, au titre de stimulant. De 1997 à 2007, le prix de la cocaïne pour le consommateur a chuté de moitié, passant de 120 euros à 60 (voire 45) euros par gramme de cocaïne (Beck, Legleye et al. 2008). Le crack, produit dérivé de la cocaïne, épargne pour le moment le vieux continent.

3.3 La cocaïne dans la nosographie psychiatrique.

C’est avec l’augmentation soudaine et massive de l’usage de cocaïne du début des années 1980 aux USA que se révèle clairement le pouvoir addictogène de ce psychostimulant. Cette épidémie de cocaïne a également très certainement contribué à faire évoluer la nosographie de la pharmacodépendance. Jusqu’alors, si les effets toxiques de la cocaïne sont bien connus, l’absence de signes de dépendance physique, comme ceux liés à l’alcoolisme ou l’héroïnomanie, l’ont écartée des classifications psychiatriques de dépendance. Dans le DSM-III (1980), elle est uniquement associée à l’abus. Elle fait son entrée en 1987 dans le DSM-III-R comme substance pouvant engendrer une dépendance, en même temps que change la définition de la dépendance, qui du statut de désordre physiologique (tolérance, sevrage) passe au statut de désordre psychique. Les symptômes de sevrage liés à la cocaïne sont en effet généralement difficiles à déceler et inégalement observables selon les individus. Ils surviennent cinq jours après l’arrêt de la consommation et se manifestent plus par des signes psychologiques que physiques : une diminution des activités, une dysphorie, une anhédonie, une dépression,

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Introduction Bibliographique des problèmes de sommeil, des crises de panique, un manque de motivation ainsi qu’une forte appétence pour la drogue (Uslaner, Kalechstein et al. 1999).

4 Conclusions

Malgré une recherche très active ces 40 dernières années et bien que cette pathologie soit de mieux en mieux caractérisée, il n’existe pas à l’heure actuelle de traitement efficace. Plusieurs dimensions, jusqu'alors négligées dans l’approche expérimentale de cette pathologie, pourraient expliquer cette carence : l’évolution des critères diagnostiques et des définitions de l’addiction, la dimension dynamique de cette pathologie ainsi que l’existence de différences interindividuelles de vulnérabilité à l’addiction. La plupart des recherches précliniques assimilaient, et c’est encore souvent le cas, l’augmentation de la consommation de drogue avec la pharmacodépendance. Cependant, comme l’ont argumenté Andrea Heyne et Jochen Wolffgramm au début des années 90 (Wolffgramm and Heyne 1991) et d’après la définition du DSM, consommer une drogue n’est pas une caractéristique de l’addiction. De même, une augmentation ou une escalade de la prise ne peuvent prouver une addiction. Pour être considéré dépendant, l’usager doit présenter certains changements comportementaux attestant d’une perte de contrôle sur la prise de drogue tel que le maintien de la consommation malgré des conséquences néfastes. Il apparaissait clairement à la fin des années 90 qu’un modèle pertinent d’addiction faisait défaut (Koob, Sanna et al. 1998; Hyman and Malenka 2001) et que le développement d’un tel modèle était un pré-requis à la compréhension des mécanismes psychobiologiques de l’addiction et à échéance au développement de thérapies efficaces.

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II Modèles animaux de l’addiction

Comme nous l’avons décrit précédemment, la définition clinique de l’addiction a considérablement évolué, du début des années 80 au milieu des années 90, d’une vision centrée sur des changements dans les effets de la drogue à une vision centrée sur des changements dans le comportement de l’individu vis-à-vis de la drogue. Cela prit plus de 10 ans à la communauté scientifique pour intégrer et adopter ce drastique changement conceptuel de nosographie. Aujourd’hui, l’addiction ou pharmacodépendance est définie de façon consensuelle comme un désordre comportemental chronique caractérisé par un usage compulsif de drogue. L’addiction est en effet une absence de contrôle sur la prise et la recherche de drogue, associée à une forte probabilité de rechute même après des périodes longues de sevrage. Le principal défi des recherches de ces dernières années a donc été de développer des modèles permettant l’étude de la transition d’un usage contrôlé à un usage compulsif. Afin d’étudier ce phénomène pathologique, on doit modéliser les symptômes de l’addiction de façon adéquate, évaluer ces symptômes à plusieurs reprises au cours d’un usage prolongé et considérer les résultats à un niveau individuel afin d’identifier de potentielles différences individuelles. Ces dix dernières années, quelques équipes ont tenté d’étudier des symptômes d’addiction chez le rongeur. Notre équipe a développé le premier modèle multi-symptomatique permettant d’étudier la transition de l’usage vers l’addiction. Par ailleurs, quatre modèles monosymptomatiques, considérant des comportements spécifiques associés à l’addiction, ont également été développés. Ces deux types de modèles sont discutés ci-après.

1 Le modèle multi-symptomatique

L’autoadministration intraveineuse (AA) de cocaïne est utilisée comme modèle de prise de drogue. Des rats mâles adultes de 10 semaines, Sprague-Dawley, sont utilisés comme sujets. Nous avons délibérément fait le choix d’une souche non consanguine pour mimer au mieux la situation humaine et évaluer de potentielles différences individuelles.

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1.1 Évaluation des symptômes d’addiction et de la transition vers l’addiction

Il paraît évident, quand on considère les définitions cliniques de l’addiction, que les différences comportementales entre consommateurs de drogue et addicts se révèlent plus facilement en conditions extrêmes. Les addicts sont prêts, pour obtenir la drogue, à franchir des obstacles qui découragent les simples usagers. C’est pourquoi, pour évaluer l’addiction, nous plaçons les rats périodiquement dans des conditions où la cocaïne est plus difficilement accessible. Ce modèle se base sur l’opérationnalisation des trois critères majeurs de la symptomatologie de l’addiction. Chez des animaux s'autoadministrant librement de la cocaïne par voie intraveineuse pendant environ trois mois (une durée beaucoup plus longue que celles utilisées dans les études classiques), nous étudions, épisodiquement, l'apparition de comportements similaires à ceux définissant la pharmacodépendance selon le DSM-IV (1994): 1. Le sujet éprouve des difficultés à réfréner la recherche de drogue. Nous mesurons le maintien de la recherche de la drogue alors que la drogue est signalée indisponible. 2. Le sujet montre une très grande motivation pour la drogue, ses activités se focalisent sur la recherche et la consommation de la substance. Nous utilisons ici un protocole dit de "ratio progressif" ; le nombre de demandes requises pour obtenir une injection de cocaïne est progressivement augmenté au cours de la session d'autoadministration. Le travail maximal qu'un animal est prêt à produire pour obtenir une injection est nommé "point de rupture" et est considéré comme un index fiable de la motivation pour la drogue. 3. L'usage de la drogue est maintenu malgré ses conséquences néfastes. Nous mesurons le maintien de la demande de cocaïne alors que son obtention est associée à une punition, en l'occurrence un choc électrique.

1.2 Réalisation d’un diagnostique individuel

Chez l’homme, le diagnostique de l’addiction est établi en comptant le nombre de critères que présente l’usager de drogue ; le diagnostic est positif si au moins trois des sept critères du DSM sont présents. On peut également attribuer aux addicts un score sur une échelle de sévérité (Addiction Severity Index ou ASI) qui dépend du nombre de critères d’addiction, des comorbidités et déficits sociaux associés (McLellan, Luborsky et al. 1980) Ainsi, pour prendre en compte de potentielles différences interindividuelles, nous utilisons un diagnostic qualitatif de type DSM et un diagnostic quantitatif de type ASI. - Page 22 -

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Pour le diagnostique qualitatif, les animaux sont classés pour leur score à chaque critère d’addiction. Lorsque le score du rat se situe dans les 35% supérieurs de la population, le rat est considéré positif pour ce critère d’addiction. Ceci nous permet d’isoler quatre sous-populations de rats selon le nombre de critères positifs (zéro à trois) et d’identifier deux sous-populations extrêmes. Les rats réunissant 0 critères (0crit) et 3 critères (3crit) correspondent respectivement aux populations consommateurs non- dépendants, ou non-addicts, et consommateurs dépendants ou addicts. Les rats présentant 1 ou 2 critères correspondent soit à des troubles spécifiques stables liés à l’usage de cocaïne soit à des états transitoires intermédiaires entre l’usage et l’addiction. Pour le diagnostique quantitatif, les trois scores sont transformés, après normalisation, en un unique score d’addiction pour chaque rat. Ce score quantifie la sévérité de l’usage de cocaïne et peut être utile pour réaliser des études corrélatives entre la sévérité de l’usage et l’expression de variables neurobiologiques ou comportementales.

1.3 La transition vers l’addiction dépend des individus et non de la prise de drogue Après une exposition courte ou intermédiaire à la cocaïne (moins de 40 jours), le diagnostique qualitatif de l’addiction ne permet pas d’identifier des rats addicts (ou présentant 3 critères). Après une consommation prolongée, en revanche, la transition vers l’addiction s’opère chez certains rats.

En effet, à long terme (60-75 jours), certains rats sont positifs pour les 3 critères, alors même qu’ils ont un comportement similaire aux autres rats, et notamment aux 0crit, après un usage de courte durée. De plus, comme chez l’Homme, les rats 3crit présentent une forte probabilité de rechute même après une longue période de sevrage. Enfin, le pourcentage d’animaux 3crit (17%) est très similaire au pourcentage des usagers de cocaïne diagnostiqués addicts. Il est important de noter que ces différences individuelles ne dépendent pas de la quantité de drogue consommée. Qu’ils soient devenus addicts ou non, ces animaux ont consommé une même quantité de cocaïne tout au long des sessions de base d’AA. Cependant, lors d’un accès étendu à la drogue (5 heures), la prise de drogue des rats addicts devient rapidement supérieure à celle des rats non-addict montrant ainsi la difficulté de ces rats à limiter leur consommation.

Des résultats similaires ont été obtenus en utilisant le diagnostique quantitatif de type ASI. Il existe une relation linéaire entre le score d’addiction ainsi calculé et le nombre de critères d’addiction identifiés au moyen du diagnostique qualitatif de type DSM. Les - Page 23 -

Introduction Bibliographique animaux 0crit sont le seul groupe présentant un score d’addiction négatif confirmant leur résistance à l’addiction. A l’opposé, les 3crit sont les seuls dont le score d’addiction est au- dessus de la déviation standard témoignant par ce fait leur vulnérabilité alors que les 1 et 2 critères présentent des scores d’addiction intermédiaire.

Ces données confirment que l’addiction résulte d’une interaction entre une exposition prolongée à la drogue et un phénotype vulnérable qui, il est important de le noter, est également présent chez les animaux de laboratoire. Grâce à ce modèle nous devrions être en mesure, pour la première fois, d’aborder l’étude des processus psychobiologiques qui sous-tendent la résilience et la vulnérabilité à développer une addiction.

1.4 Les facteurs psychopharmacologiques prédictifs de l’addiction Une analyse comportementale plus approfondie de ces animaux a permis de déterminer, qu’avant de développer une addiction, ces animaux avaient déjà une plus grande sensibilité aux propriétés motivationnelles de la cocaïne et un « patron de prise en bouffées », ressemblant aux ‘binges’ (c'est-à-dire une prise de plusieurs doses très rapprochées) caractéristiques de l’addiction à cette drogue (Belin, Balado et al. 2009). Ces caractéristiques précoces, seulement récemment identifiées, permettent désormais d’enrichir la population en rats addicts en sélectionnant précocement les animaux. Ces caractéristiques permettront également d’étudier, de façon fiable et pertinente, les facteurs neurobiologiques impliqués dans la transition (addicts), et la non transition (non addicts), de l’usage à l’addiction.

2 Les modèles monosymptomatiques

D’autres modèles, se basant sur l’étude d’un comportement symptomatique de l’addiction, ont été développés. Tout comme le modèle multi-symptomatique, deux de ces modèles se basent sur un critère du DSM-IV ciblant respectivement la résistance aux conséquences néfastes (Wolffgramm and Heyne 1995; Vanderschuren and Everitt 2004) ou la motivation pour la drogue (Roberts, Morgan et al. 2007). Ces modèles ont permis de confirmer que ces deux comportements augmentent avec une prise de drogue prolongée. Ces approches présentent quelques défauts : a) elles explorent seulement une dimension de la perte de contrôle sur la consommation de drogue ; b) elles sont habituellement étudiées sur des périodes d’exposition à la drogue plus courtes que celles théoriquement nécessaires au développent de l’addiction ; c) elles n’intègrent que peu la dimension individuelle.

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A l’opposé, deux autres modèles mono-symptomatiques ne sont pas directement dérivés des critères diagnostiques de l’addiction. Un de ces modèles cible la rechute et, en particulier, le développement du craving (Shaham, Shalev et al. 2003). Bien que la rechute soit une conséquence et non un critère diagnostique, ce modèle est extrêmement intéressant. Il permet de modéliser une observation clinique contre intuitive, le fait que le craving ne diminue pas mais augmente avec la durée du sevrage (Shalev, Grimm et al. 2002). Le dernier modèle s’intéresse à l’escalade de la prise observée lorsque l’animal a un accès journalier étendu à la drogue (Ahmed and Koob 1998). Malheureusement, comme nous l’avons mentionné précédemment, l’escalade de la prise n’est pas un symptôme clinique d’addiction mais plutôt un signe de tolérance aux effets de la drogue, un critère diagnostique qui n’est plus une caractéristique de l’addiction dans le DSM-IV. Les études sur l’escalade de la prise ont ce mérite d’avoir été parmi les premières à tenter de modéliser l’addiction et à mettre en avant le fait que l’on se devait d’étudier plus qu’une simple autoadministration intraveineuse de drogue. a Les modèles mesurant la résistance aux conséquences néfastes de l’usage de drogue

* La résistance à l’adultération de la drogue. Ce modèle développé par Wolffgramm et collaborateurs (Wolffgramm and Heyne 1995) se base sur l’exposition prolongée à un protocole d’autoadministration orale dans lequel l’animal a le choix entre obtenir un renforçateur naturel (de l’eau) ou de la drogue. Ce modèle a été le premier à s’adresser à la vision moderne de l’addiction (une perte de contrôle sur la prise de drogue) en démontrant un maintien de la prise malgré ses conséquences néfastes. Après plusieurs mois d’exposition à la drogue (amphétamine, opiacés ou alcool), les animaux augmentent la prise de drogue ; leur choix s’orientant exclusivement vers la drogue. Après plusieurs mois de sevrage, les rats exposés à la drogue présentent une rechute contrairement aux rats contrôles ainsi qu’un maintien de la consommation de la drogue lorsque celle-ci est additionnée d’une substance amère, la quinine. Les rats contrôles réagissent à cette dévaluation en délaissant la drogue pour le renforçateur naturel. Grâce à ce modèle, Wolffgramm et collaborateurs ont montré que la perte de contrôle sur la prise d’amphétamine ne se développait que si les animaux avaient le choix entre l’eau et la drogue (Heyne and Wolffgramm 1998) et seulement après un usage prolongé (Galli and - Page 25 -

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Wolffgramm 2004). Wolffgramm et collaborateurs ont également identifié des différences inter-individuelles dans le développement de la perte de contrôle sur la consommation d’amphétamine en montrant que seulement 50% des animaux ayant eu un accès prolongé à la drogue développent une augmentation de la prise et une résistance à l’adultération (Galli and Wolffgramm 2004). Néanmoins, pour cet aspect, la fiabilité de leur modèle peut être questionnée puisque dans une de leurs études précédentes ces auteurs relataient que tous les animaux développaient le phénotype (Heyne and Wolffgramm 1998).

* La résistance à l’inhibition conditionnée

Vanderschuren et Everitt (Vanderschuren and Everitt 2004) ont étudié l’influence d’une exposition prolongée à la drogue sur le développement d’une résistance à l’inhibition conditionnée. Ce modèle se base sur la comparaison de deux populations ayant eu un accès différentiel à la drogue : l’une est exposée sur une courte période alors que l’autre a un accès plus long de plusieurs semaines. Les animaux soumis à un accès court recherchent moins la drogue en présence d’un stimulus aversif (préalablement conditionné à un choc électrique), en d’autres termes ils sont sensibles à l’inhibition conditionnée. Les animaux soumis à un accès long maintiennent la recherche malgré la présentation du stimulus aversif. Le comportement de ces animaux est spécifique de la drogue dans la mesure où il n’est pas observé pour un renforçateur naturel comme le glucose, même après une exposition prolongée. b Le modèle mesurant la motivation pour la drogue

Ce modèle se base sur un des critères du DSM qui mentionne que l’usager de drogue dépense plus de temps et d’énergie à se procurer de la drogue. Il consiste à étudier l’évolution de la motivation de l’animal pour la drogue mesurée au moyen du protocole de progressive ratio ou ratio progressif (PR) (Roberts, Morgan et al. 2007). Comme nous l’avons décrit dans le cadre du modèle multi-symptomatique, le point de rupture (PR) consiste, au sein d’une même session d’autoadministration, à augmenter le nombre de demandes requises pour obtenir une injection de cocaïne. Le travail maximal (nombre maximal de demandes) qu'un animal est prêt à produire pour obtenir une injection est nommé "point de rupture" et est considéré comme un index fiable de la motivation pour la drogue. Roberts et collaborateurs décrivent plusieurs conditions provoquant une augmentation au cours du temps du point de rupture. Notamment, lorsque les animaux sont soumis à une procédure les amenant à consommer la drogue en binges (une prise à

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Introduction Bibliographique fréquence élevée), les auteurs constatent une augmentation progressive du point de rupture mesuré dans le test du PR. Néanmoins, ces mêmes auteurs ont récemment mis en place une procédure de PR (Oleson and Roberts 2009) utilisant des doses croissantes de drogue et qui permet de distinguer comportement compulsif (augmentation du point de rupture quelque soit la dose) et tolérance aux effets de la drogue (augmentation du point de rupture pour les fortes doses, baisse du point de rupture pour les faibles doses). Ils ont ainsi pu révéler que l’augmentation de motivation, qui accompagne l’escalade chez les animaux ayant eu un accès journalier étendu à la cocaïne (Ahmed and Koob 1998), résulte vraisemblablement d’une tolérance aux effets de la drogue plutôt que du développement d’un comportement compulsif. Il serait intéressant que ces auteurs réexaminent les effets d’une prise en binges sur la motivation avec les mêmes outils. c Modèle de la rechute : les procédures de réinstallation

L’addiction se caractérise par une très forte probabilité de rechute même après un sevrage de longue durée (O'Brien, Dong et al. 1997). Chez les patients dépendants à la cocaïne ou l’héroïne, la rechute peut être provoquée par l’exposition à des évènements stressants (Shalev, Grimm et al. 2002), par une exposition à de faibles quantités de la drogue (Volkow, Wang et al. 1999) ou encore par l’exposition à l’environnement ou des éléments de l’environnement associés à la prise de drogue (Miczek, Nikulina et al. 1999). Différents groupes de recherche ont choisi de modéliser ce symptôme de l’addiction. Dans ce modèle, après acquisition et maintien du comportement d’autoadministration sur une période plus ou moins longue, mais ne dépassant généralement pas 20-25 jours, l’animal est placé en sevrage ou testé dans une procédure d’extinction sur une période pouvant aller jusqu’à 30 jours. A la fin de la période de sevrage ou après extinction du comportement, la procédure de réinstallation, ou rechute, est effectuée. En réponse à ces stimulations, l’animal va réinstaller la réponse comportementale, bien que le renforçateur primaire, la drogue, soit toujours absent. L’amplitude de la réinstallation donne un indice de la capacité du stimulus à réinstaller la recherche de drogue. Les facteurs qui provoquent la réinstallation du comportement d’autoadministration chez l’animal sont similaires à ceux qui, chez l’homme, précipitent le craving et la rechute (Shalev, Grimm et al. 2002). En ce sens, ce modèle possède une valeur prédictive des risques de rechute. De plus, il semble pouvoir répondre à la dimension du craving associé à l’addiction, dans la mesure où le craving est considéré comme une entité non quantifiable

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Introduction Bibliographique de façon opérationnelle mais chronologiquement associé à la rechute (Katz and Higgins 2003). De plus, comme nous l’avons mentionné plus haut, ce modèle permet de modéliser une observation clinique contre intuitive, le fait que le craving ne diminue pas mais augmente avec la durée du sevrage (Shalev, Grimm et al. 2002). Néanmoins, jusqu’à présent, ce modèle s’est montré assez peu efficace en termes de validité prédictive. En effet, les composés efficaces dans ce modèle se sont révélés peu ou pas efficaces chez l’homme. d L’escalade de la prise : rats LgA/ShA

L’addiction se caractérise par une incapacité à limiter la consommation de drogue. Dans ce modèle développé par Ahmed et Koob (Ahmed and Koob 1998) une augmentation de la prise de drogue est observée lors d’une exposition prolongée. Des rats soumis à un accès prolongé quotidien à la drogue de six heures (long access ou LgA) développent, session après session, une escalade de la prise et une vulnérabilité à la rechute par rapport à des rats soumis à un accès limité à la drogue (1 heure quotidienne, short access ou ShA). Cette escalade observée chez les rats LgA serait attribuée à un phénomène de tolérance intra-session (Ahmed and Koob 1998) associée à une élévation du seuil de renforcement optimal ; les animaux LgA prendraient plus de drogue pour atteindre leur niveau hédonique optimal. En effet, Serge Ahmed a démontré que le seuil d’intensité d’autostimulation électrique des animaux LgA est plus élevé que celui des animaux ShA, suggérant un déplacement vers le bas du niveau hédonique de ces animaux. Bien que les rats LgA ne présentent pas de sensibilisation psychomotrice, ils sont plus sensibles aux propriétés motivationnelles de la cocaïne (Ahmed and Cador 2006) ou de l’héroïne (Ahmed, Walker et al. 2000), observation qui dissocie la sensibilisation motrice de la sensibilisation motivationnelle. Comme nous l’avons mentionné précédemment, la tolérance aux effets de la drogue n’est pas un critère diagnostique majeur de l’addiction dans le DSM-IV. Ces animaux semblent effectivement tolérants aux effets de la cocaïne. Comme nous le mentionnions précédemment, une étude récente (Oleson and Roberts 2009) démontre qu’un rat qui présente cette forme d’escalade de la prise, fait preuve à la fois d’une augmentation de la motivation pour les fortes doses de cocaïne et d’une diminution de la motivation pour les faibles doses. Ceci suggère effectivement une diminution de la sensibilité de ces rats à la cocaïne. Ainsi, la difficulté à limiter la prise de drogue lors d’un accès prolongé correspondrait plus à une augmentation compensatoire de la consommation plutôt qu’à un symptôme compulsif. Les observations suivantes soutiennent cette hypothèse. Les rats

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Introduction Bibliographique montrant une escalade la prise perdent rapidement leur intérêt pour la cocaïne lorsqu’on leur présente simultanément une solution de sucrose (Lenoir, Serre et al. 2007).

3 Conclusions

Le diagnostic d’addiction est rendu lorsque le patient présente au moins trois des sept critères du DSM IV au cours des 12 derniers mois. En ce sens, d’un point de vue clinique aucun des modèles monosymptomatiques présentés précédemment ne peut être représentatif de la pathologie. On ne peut considérer qu’il suffit d’intégrer l’ensemble des résultats obtenus avec chacun pour avoir une idée des bases neurobiologiques de la pathologie. Cela reviendrait conceptuellement à comprendre une psychopathologie comme une somme algébrique de symptômes indépendants. Aux niveaux cellulaire et moléculaire la pathologie crée le symptôme et non l’inverse. Il est donc théoriquement impossible de la comprendre à travers une approche dispersée. D’ailleurs on ne constate pas une convergence complète entre le modèle pluri- symptomatique et les modèles monosymptomatiques d’escalade de la prise (Ahmed and Koob 1998), de maintien de la prise malgré ses conséquences néfastes (Vanderschuren and Everitt 2004) ou de rechute (Shaham, Shalev et al. 2003). Bien que les rats addicts présentent une incapacité à stopper ou limiter la prise dans une période d’accès étendu à la drogue, ils ne développent pas cette escalade aussi rapidement que les rats LgA (Ahmed and Koob 1998). De même, la nature compulsive du comportement des rats 3crit ne semble pas être sous-tendue par les mêmes mécanismes que celle observée dans le modèle de résistance à l’inhibition conditionnée (Vanderschuren and Everitt 2004) où les rats résistants à la dévaluation montrent une persistance dans la recherche de drogue et une motivation pour la drogue moindre que les animaux 3crit. Enfin, la nature et l’amplitude de la rechute mesurée après le développement du phénotype d’addiction ne sont pas les mêmes que celles observées dans le modèle de rechute tel qu’il est classiquement utilisé, à savoir après quelques jours/semaines d’AA. Ainsi, comparant des animaux exposés à 6 ou 29 sessions d’autoadministration, la différence entre les deux groupes dans la rechute provoquée par l’administration non contingente de cocaïne correspond à une augmentation chez les animaux « 29 sessions » de la sensibilité aux propriétés motivationnelles de la drogue ; il est observé un déplacement horizontal de la courbe dose-réponse, la drogue provoquant une rechute pour des doses plus faibles (Deroche, Le Moal et al. 1999). En revanche, les rats 0crit et 3crit ne diffèrent pas en terme de sensibilité aux propriétés motivationnelles de la cocaïne mais en terme d’efficacité de la drogue à produire la rechute ; il est observé un shift vertical de la courbe dose-réponse (Deroche-Gamonet,

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Belin et al. 2004). De plus l’amplitude de la rechute est 10 fois supérieure chez les 3crit que chez les rats « 29 sessions ». Finalement confortant de façon décisive l’idée que ces modèles monosymptomatiques rendent compte de la pathologie de façon inadéquate, on observe que, jusqu’à présent, les molécules issues des études précliniques réalisées sur ces modèles ont apporté peu de bénéfice thérapeutique pour l’homme (Kreek, LaForge et al. 2002). Dans son souci d’être au plus prêt des caractéristiques cliniques de l’addiction en termes de critères diagnostiques, de dynamique de la pathologie et de différences interindividuelles, le modèle multisymptomatique développé au sein de notre équipe constitue une opportunité unique pour l’étude des bases psychobiologiques de la transition de l’usage de drogue à l’addiction. Gardant à l’esprit que l’aspect subjectif du diagnostic d’addiction ne peut être rendu chez l’animal, nous nous sommes efforcés au cours de ces travaux de thèse d’explorer les différences neurobiologiques entre rats addicts et non-addicts.

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Introduction Bibliographique

III Substrats neurobiologiques de la cocaïne : le Système de Récompense

Manger, boire, se reproduire ou avoir un comportement maternel sont toutes des activités essentielles pour la survie de l’individu et de l’espèce. Au cours de l’évolution, la sélection naturelle a associé à ces comportements de fortes sensations de satisfaction. Un véritable circuit de la récompense s’est donc développé pour favoriser ces comportements reliés à nos besoins fondamentaux. Ce circuit s’est ensuite élargi pour nous inciter à répéter les expériences plaisantes apprises au cours de la vie, comme l’usage de drogue.

1 Le système de récompense

1.1 Présentation

En 1954, au cours d’une étude chez le rat, Olds et Milner ont constaté que la stimulation électrique de certaines parties du cerveau, et en particulier de la région septale, avait un effet de renforcement positif : les animaux appuyaient continuellement sur les leviers pour s’autostimuler (Olds and Milner 1954; Kalivas 1993). L’activation de plusieurs zones cérébrales peut avoir des effets gratifiants, mais c’est la stimulation d’une voie particulière qui provoque le plaisir le plus intense. Il s’agit de ce que l’on nomme en anglais le « medial forebrain bundle » ou MFB (ou Faisceau Médian du Télencéphale - FMT), qui traverse, entre autre, l’aire tegmentale ventrale et l’hypothalamus latéral. C’est au sein de ce faisceau que l’on retrouve les fibres nerveuses du circuit de la récompense. Celui-ci est un sous-ensemble du FMT formé par les axones des neurones dopaminergiques de l’aire tegmentale ventrale qui se projettent vers le noyau accumbens. Les neurones dopaminergiques de l'aire tegmentale ventrale (ATV) sont fondamentaux dans l'activation de notre système de récompense, qui participe à nos désirs, nos plaisirs et nos émotions mais qui joue aussi un rôle central dans la mise en place des phénomènes de dépendance aux drogues. Le circuit de la récompense (ou FMT) comprend également d’autres connexions. Ainsi, les neurones de l’ATV rejoignent aussi ceux de l’amygdale, du septum et du cortex

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Introduction Bibliographique préfrontal. Ces dernières connexions avec le cortex préfrontal laissent d’ailleurs entrevoir comment les parties les plus primitives du cerveau peuvent avoir encore une influence prépondérante sur nos comportements. Le circuit de récompense est par conséquent plus qu’un simple câble dopaminergique se projetant en direction rostrale. Malgré des recherches intenses, le rôle précis que ce circuit complexe joue dans le phénomène d’addiction reste à déterminer.

1.2 Les structures clés de ce système

a) Aire Tegmentale Ventrale (ATV)

L’ATV contient des neurones dopaminergiques qui projettent, via le FMT, vers le noyau accumbens (NAc), le cortex frontal et l’amygdale. Les projections dopaminergiques de l’ATV vers le NAc, formant l’axe méso-limbique, ont été impliquées dans les effets renforçant des drogues et des renforçateurs naturels. Elles constituent l’axe majeur du système de récompense. L’activité de ces neurones est sous l’influence de divers neurotransmetteurs (Kalivas 1993). Le principal neurotransmetteur de cette structure est la dopamine. Les projections de l’ATV libèrent de la dopamine à travers le circuit de récompense en réponse à des stimuli motivationnels saillants. Cette libération provoque un rétrocontrôle par l’intermédiaire des auto-récepteurs dopaminergiques, et l’inhibition est ensuite fournie par les neurones GABAergiques au sein de l’ATV. Diverses afférences du cortex, du tronc cérébral, du thalamus et d’autres régions limbiques exercent un contrôle inhibiteur et excitateur supplémentaire : il s’agit des afférences sérotoninergique, noradrénergique, cholinergique, GABAergique, glutamatergique et peptidique faisant synapse avec les corps cellulaires dopaminergiques ou les inter-neurones GABAergiques locaux. Il est à noter que les agonistes opioïdes δ et μ sont autoadministrés dans l’ATV tandis que la cocaïne et les amphétamines ne le sont pas. En effet, les opioïdes inhibent les inter-neurones GABAergiques de l’ATV, via les récepteurs δ et μ (mais pas κ), et augmentent de façon indirecte la décharge des neurones dopaminergiques (Johnson, Stellar et al. 1993), pouvant expliquer le plaisir provoqué par l’autoadministration des opioïdes dans cette structure.

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Introduction Bibliographique a Noyau Accumbens ou Striatum Ventral

Le noyau accumbens (NAc), souvent identifié comme la partie ventrale du striatum chez l’homme, est composé de deux parties distinctes anatomiquement et pharmacologiquement chez le rongeur : l’écorce (shell) et le cœur (core). Ces deux sous- régions diffèrent par leurs afférences et leurs projections ainsi que par l’expression de marqueurs cellulaires. L’écorce serait impliquée dans l’acquisition de l’autoadministration de drogue et l’expression d’une sensibilisation comportementale. Le cœur du NAc serait plus impliqué dans la modulation des comportements opérants par les stimuli conditionnés. Cette fonction de médiation des influences pavloviennes sur le comportement dirigé ne dépend pas de la dopamine, mais plutôt d’afférences glutamatergiques, provenant du cortex préfrontal ou du noyau basolateral de l’amygdale. Les afférents glutamatergiques du NAc proviennent du cortex pré-frontal, de l’amygdale et de l’hippocampe. Le contrôle inhibiteur est principalement exercé par les inter-neurones GABAergiques et cholinergique ainsi que par les récepteurs δ et μ. Les efférentes du NAc proviennent des neurones moyens épineux (MSN) GABAergiques (Harlan and Garcia 1998). La dopamine envoyée dans le NAc provient des projections dopaminergiques de l’ATV. Une voie retourne du NAc vers l’ATV formant ainsi une boucle de rétrocontrôle directe ATV-NAc-ATV. La cocaïne est autoadministrée dans le NAc et cette réponse est dépendante de la dopamine (Pilotte, Sharpe et al. 1996; McKinzie, Rodd-Henricks et al. 1999). Anatomiquement à l’interface entre le système limbique et le système moteur, le NAc a longtemps été considéré comme une structure clé dans l’établissement des comportements dirigés. Le NAc a été la structure la plus étudiée dans le cadre des modifications cellulaires associées à l’exposition répétée aux drogues, notamment la cocaïne. Deux des raisons qui ont suscité l’intérêt de la communauté scientifique pour cette structure sont que 1- l’expression à long terme de la sensibilisation comportementale dépend du NAc et que 2- les afférences glutamatergiques du cortex préfrontal et dopaminergiques de l’ATV convergent au niveau des neurones moyens épineux (MSN) du NAc. L’interaction des afférences glutamatergiques et dopaminergiques dans cette structure serait impliquée dans la reconstruction fonctionnelle du réseau de la récompense.

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Introduction Bibliographique b Cortex Pré-Frontal Médian (PFM)

Le cortex préfrontal médian, partie du cortex préfrontal comprenant également le cortex cingulaire antérieur et le cortex orbitofrontal, exerce une inhibition sur les impulsions (innées ou conditionnées) qui dépendent de l’état interne de l’individu ou de l’environnement ; impulsions qui engendrent la recherche de nourriture et d’eau, de partenaire sexuel ou de drogue. La modulation de ces impulsions par le contrôle inhibiteur du cortex préfrontal médian est considérée comme un mécanisme par lequel les réponses comportementales réflexes rapides sont supprimées transitoirement afin de permettre une direction du comportement par des processus cognitifs supérieurs plus longs. Le PFM reçoit des afférences dopaminergiques issues de l’ATV et envoie des efférents glutamatergiques vers l’ATV, le NAc et d’autres structures. Les études faisant intervenir l’AA intracrânienne démontrent que la cocaïne a des effets maximaux lors de l’injection dans le PFM (Goeders and Smith 1986). Néanmoins, il faut noter que le PFM n’est pas une structure homogène et que des lésions à divers endroits produisent des réponses différentes à la cocaïne en tests comportementaux (Tzschentke and Schmidt 1999). De plus, le PFM est une structure indispensable à la rechute. Chez l’animal, son inactivation inhibe la rechute provoquée par des stimuli conditionnés, la drogue ou le stress (Crombag, Bossert et al. 2008). c Amygdale (AMY)

L’amygdale contient trois noyaux principaux : le noyau corticomédial, le noyau basolatéral qui reçoit des informations provenant de tous les modules sensitifs et transmet ces informations au noyau central. La cytoarchitecture et les circuits du noyau central de l’amygdale (CeA) présentent des similarités avec l’écorce du NAc et le BNST. Ces trois structures sont parfois considérées comme une unité nommée amygdale étendue. Elles forment un substrat anatomique commun pour l’interface limbique-motrice. Ainsi, des lésions du CeA, comme des lésions de l’écorce du NAc, éliminent les effets potentialisateurs des psychostimulants avec les réponses obtenues par un renforçateur conditionné. Néanmoins, ces lésions peuvent avoir des effets différents. Par exemple les lésions du CeA éliminent le conditionnement pavlovien aversif alors que les lésions de l’écorce du NAc sont inefficaces (Heimer 2003).

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L’amygdale joue un rôle prépondérant dans les processus de récompense et d’apprentissage. Elle est spécialisée dans l’apprentissage des associations entre les renforçateurs (stimuli inconditionnés - SI) et les stimuli environnementaux qui deviennent ainsi des stimuli conditionnés (SC). C’est donc le siège des associations SI – SC de type pavlovien (Dackis and O'Brien 2001; Kreek, LaForge et al. 2002; Di Ciano and Everitt 2004).

2 Effet de la cocaïne sur le système de neurotransmission

2.1 Cocaïne et principaux neurotransmetteurs du système de récompense

La complexité du système de récompense se reflète dans une littérature abondante, et parfois contradictoire, traitant des effets des neurotransmetteurs (NT) et neuromodulateurs spécifiques sur les réponses comportementales induites par la cocaïne et autres drogues renforçantes. Nous décrirons plus bas, de manière non exhaustive, les effets de la cocaïne sur les principaux NT du circuit de récompense.

a) Dopamine

La cocaïne agit en empêchant la recapture de la dopamine au niveau des synapses. Ce faisant, elle augmente la présence et donc l'effet de la dopamine dans les synapses au niveau du système limbique. De plus, la cocaïne libère, comme le methyl-phenidate et contrairement aux amphétamines, la dopamine contenue dans les vésicules de stockage. Lors du sevrage de cocaïne, le nombre de transporteurs dopaminergiques et les flux de dopamine dans l’écorce du NAc augmentent temporairement, puis diminue de manière durable (Kuhar and Pilotte 1996; Moratalla, Vallejo et al. 1996; Pilotte, Sharpe et al. 1996). D’un point de vue morphologique, la cocaïne ne cause aucun dommage aux terminaisons dopaminergiques (Seiden and Kleven 1988). Chez le rat, cependant, elle vide le PFM ainsi que l’hypothalamus de leur dopamine et réduit la tyrosine hydroxylase dans le striatum (Trulson, Babb et al. 1986; Wyatt, Karoum et al. 1988). La dopamine active deux principaux types de récepteurs : les récepteurs dopaminergiques type-D1 (D1 et D5) et type-D2 (D2, D3 et D4). Ces deux types de récepteurs, bien qu’ayant des effets opposés sur les seconds messagers, médient chacun des effets renforçants directs, indépendamment les uns des autres (Self and Nestler 1995;

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Beninger and Miller 1998). Dans les études de stimulus discriminant, la cocaïne peut être substituée par les agonistes sélectifs des récepteurs D1, D2 et D3 et ces effets sont bloqués par les antagonistes de ces récepteurs (Callahan, De La Garza et al. 1997). Néanmoins, le caractère inhibiteur ou excitateur des récepteurs dopaminergiques dans le NAc et le Striatum est depuis longtemps controversé. En fait selon l’état du neurone, ils peuvent être l’un ou l’autre (Nicola and Deadwyler 2000; Nicola, Surmeier et al. 2000). Les MSN du NAc, par exemple, évoluent d’un état membranaire à l’autre, dénommés états up et down (Stern, Jaeger et al. 1998). Les neurones « down » sont hyperpolarisés mais lorsqu’ils reçoivent une impulsion synaptique excitatrice ils entrent en état up, état proche du seuil de production des pics. L’activation des récepteurs dopaminergiques D1 interrompt le passage de l’état up à l’état down, mais lorsqu’un neurone a atteint l’état up, l’activation des récepteurs D1 accroît la fréquence d’apparition des potentiels d’actions (PA) sans doute en augmentant les courant Ca2+ de type L et, de façon indirecte, les potentiels postsynaptiques excitateurs (PPSE) médiés pas les récepteurs AMPA (α-amino-3hydoxy-5-methyl-4-isoxazole propionate) et NMDA (N-methyl-D- aspartate) du glutamate. Néanmoins, selon certaines études, la dopamine ne pourrait expliquer, à elle seule, la totalité des effets de la cocaïne (Huang and Ho 1974; de la Garza and Johanson 1985). a Glutamate

Le glutamate est le NT excitateur le plus répandu dans le SNC et est un précurseur du GABA dans les neurones GABAergiques. Ce NT active différents types de récepteurs : - des récepteurs ionotropiques qui activent directement les canaux ioniques tels que les récepteurs NMDA (N-Methyl-D-Aspartate), perméables aux ions Na+, K+ et Ca2+, AMPA (α amino-3-hydroxy-5-methylisoasol-4-propionate) et Kaïnate, perméables aux ions Na+ et K+. - des récepteurs métabotropiques qui activent indirectement les canaux ioniques en activant les systèmes de seconds messagers. La stimulation des récepteurs glutamatergiques augmente la fréquence de décharge des neurones dopaminergiques et une dose unique de cocaïne accentue la transmission glutamatergique pendant plusieurs jours. La cocaïne, par des mécanismes encore mal connus, active de manière indirecte les récepteurs AMPA sur les neurones dopaminergiques de l’ATV et déclenche une cascade d’évènements aboutissant à l’augmentation de l’efficacité synaptique de type - Page 36 -

Introduction Bibliographique potentialisation à long terme (Nestler 2001; Ungless, Whistler et al. 2001). L’administration aiguë et chronique de cocaïne modifie la composition des sous-unités des récepteurs AMPA, NMDA et métabotropiques dans le NAc, l’ATV et le PFM (Churchill, Swanson et al. 1999; Ghasemzadeh, Nelson et al. 1999). L’extinction du comportement d’AA de cocaïne induit des augmentations des sous- unités GluR1 et GluR2/3 dans le NAc. De même, la surexpression par voie virale de GluR1 et GluR2 facilite l’extinction du comportement de recherche de cocaïne (Sutton, Schmidt et al. 2003). Le rôle de la neurotransmission glutamatergique dans les processus de tolérance et de sensibilisation est complexe. Les drogues qui bloquent les récepteurs NMDA déclenchent le circuit de récompense (Layer, Uretsky et al. 1993; Carroll 1994). A l’opposé, les antagonistes NMDA ont également la capacité d’empêcher l’installation d’une tolérance et d’une sensibilisation aux psychostimulants. Selon ME. Wolf (Wolf 2002), « l’addiction aux drogues doit être envisagée comme une forme de plasticité dépendante du glutamate ». Néanmoins, les spécialistes ne parviennent pas à s’accorder sur la manière dont le glutamate et la dopamine interagissent au niveau des neurones moyens épineux GABAergiques du NAc pour générer une sensibilisation (Trujillo and Akil 1995; Wolf 1998). b Sérotonine

La cocaïne a une affinité plus importante pour le transporteur de la sérotonine que pour celui de la dopamine mais les animaux ne s’autoadministrent pas les agonistes purement sérotoninergiques. L’élévation des taux de sérotonine dans le cerveau, via un régime alimentaire enrichi en tryptophane, ainsi que l’administration d’un inhibiteur de la recapture de la sérotonine entraine la réduction de l’autoadministration de psychostimulants (Carroll, Lac et al. 1990; Lyness and Smith 1992; Higgins, Wang et al. 1993; Peltier and Schenk 1993). Chez le rat, un agoniste du récepteur 5HT1A amplifie l’apparition de la sensibilisation à la cocaïne (De La Garza and Cunningham 2000). Une étude a également démontré que la stimulation des récepteurs 5HT1B augmente les effets renforçants de la cocaïne (Parsons, Weiss et al. 1998). Il en est de même pour le récepteur 5HT2 (Walsh and Cunningham 1997). Cependant, les effets de la sérotonine sur le circuit de récompense sont difficiles à interpréter du fait de la variété des récepteurs 5HT. Ainsi, aucune étude menée à ce jour sur - Page 37 -

Introduction Bibliographique les 14 sous-types de récepteurs 5HT n’a permis de déterminer la spécificité de chaque sous-type dans ces effets inhibiteurs. On ignore encore le rôle de la sérotonine dans le processus de récompense induit par la cocaïne.

2.2 Cocaïne, adaptation cellulaire et plasticité synaptique dans le système de récompense

La plasticité synaptique au niveau des échanges neuronaux désigne tous les changements dans le temps des propriétés de traitement de l'information d'un réseau neuronal. La plasticité synaptique résulte d'un changement quantitatif entre ces trois éléments : 1. L’élément présynaptique en termes de fréquence des potentiels d’action, 2. La fente synaptique en termes de concentration de neurotransmetteur, 3. L’élément postsynaptique en termes d'amplitude des courants postsynaptiques Il y a donc deux plasticités possibles, une plasticité présynaptique et une plasticité postsynaptique.

Plasticité présynaptique Un même PA entraîne la libération de plus (ou moins) de neurotransmetteur. Pour une même fréquence de PA, il y aura donc une plus forte (faible) concentration de neurotransmetteur, et donc mécaniquement, une plus forte (faible) amplitude de courant postsynaptique (CPS).

Plasticité postsynaptique Une même concentration de neurotransmetteur rentre en contact avec une plus forte densité de récepteur dans la membrane postsynaptique, ou bien des récepteurs d'une autre nature, alors la même quantité de neurotransmetteur provoquera un CPS de plus forte amplitude, ou bien un CPS présentant d'autres propriétés.

Les astrocytes jouent un rôle important dans ces mécanismes de plasticité (Vernadakis 1996). Ils sont capables de réguler la transmission synaptique mise en jeu dans les mécanismes de l'apprentissage et de la formation de la mémoire (Gibbs, Hutchinson et al. 2008). Ils interviennent notamment lors de la recapture des neurotransmetteurs, par exemple, les astrocytes libèrent du glutamate dans l'espace intersynaptique pour préparer la potentialisation à long terme. Une équipe a récemment mis en évidence une coopération dynamique entre les astrocytes et les épines dendritiques au niveau des synapses

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Introduction Bibliographique excitatrices de l’hippocampe (Haber, Zhou et al. 2006; Bergami, Santi et al. 2008). De plus, certains récepteurs, tels mGluR5, GABA(B) et le récepteur CB-1, connus pour être impliqués dans les effets des drogues d’abus, sont exprimés par les astrocytes et leur activation provoque une excitabilité neuronale accrue et donc la transmission synaptique (Haydon, Blendy et al. 2009). a Impact de la cocaïne sur la plasticité synaptique

L’exposition répétée aux drogues modifie durablement l’organisation du système de récompense à travers une réorganisation cellulaire et moléculaire du réseau. Cette plasticité présente de nombreuses similitudes avec les modifications cellulaires associées à l’apprentissage (Wolf 2002). L’exposition répétée aux drogues serait donc associée à une modification de la puissance synaptique, de la morphologie cellulaire, de l’organisation intra-cellulaire ainsi que de l’excitabilité de différentes populations neuronales au sein du système de récompense (Nestler 1997; Nestler and Aghajanian 1997; Nestler 2001).

Altérations des neurones du cortex préfrontal L’exposition répétée aux drogues s’accompagne d’une modification morphologique de l’arbre dendritique des cellules pyramidales du cortex préfrontal ainsi qu’une modification des synapses électriques à jonction GAP indiquant une réorganisation complète des relations intercellulaires (Robinson and Kolb 2004). Ces modifications morphologiques s’accompagnent d’une diminution de la transduction cellulaire dépendante des protéines G inhibitrice (Gi) consécutive à l’augmentation du niveau d’expression de la protéine AGS3 (G- signaling modulator 3) (Kelley and Schiltz 2004). Cette adaptation conduit à une augmentation de l’activité des projections cortico- ventrostriatales ainsi qu’à une augmentation de l’excitabilité cellulaire des cellules pyramidales en diminuant, via les protéines Gi, le tonus inhibiteur des récepteurs dopaminergiques D2 au profit de la transduction dépendante des récepteurs D1. De façon concomitante, les cellules du cortex préfrontal développent après exposition à l’amphétamine une plus grande sensibilité au glutamate et une baisse de la sensibilité à la dopamine (Kalivas 2007). Cette modification de la sensibilité aux neurotransmetteurs favorise l’excitabilité des neurones.

Adaptations cellulaires au niveau de l’Aire Tegmentale Ventrale L’exposition répétée aux drogues provoque une réduction de la taille des neurones dopaminergiques ainsi qu’une sensibilisation neurochimique caractérisée par une libération de dopamine plus importante en réponse à une nouvelle exposition à la drogue (Sklair- - Page 39 -

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Tavron, Shi et al. 1996). Cette adaptation neurochimique est associée au niveau de la synapse à une potentialisation de la transduction calcique impliquant notamment la protéine CAMKII (calcium-calmoduline kinase II) (Gnegy 2000). Au niveau du corps cellulaire du neurone, la sensibilisation neurochimique est associée à une hypoactivité des autorécepteurs dopaminergiques D2, une hypersensibilité des récepteurs glutamatergiques AMPA, une augmentation de l’expression des sous-unités AMPA et NMDA, une altération des protéines du cytosquelette et des neurotrophines ainsi qu’une augmentation des niveaux des protéines kinases C (PKC) et JAK2 (janus kinase 2) (Luu and Malenka 2008). Bien que les résultats soient controversés, l’exposition répétée aux drogues modifie à long terme l’activité des trois molécules clés régulant la transmission dopaminergique : le transporteur à dopamine (Wyatt, Karoum et al.), la tyrosine hydroxylase (TH) ainsi que l’autorécepteur dopaminergique D2. Ces modifications cellulaires sont associées à une potentialisation à long terme (LTP) des afférences glutamatergiques sur les neurones dopaminergiques de l’aire tegmentale ventrale impliquant les récepteurs glutamatergiques NMDA (Argilli, Sibley et al. 2008; Zweifel, Argilli et al. 2008; Heshmati 2009). La LTP dans l’aire tegmentale ventrale est supposée soutenir l’hyperexcitabilité transitoire des neurones dopaminergiques après l’exposition répétée aux drogues et promouvoir les adaptations cellulaires impliquées dans le maintien à long terme de l’addiction.

Adaptations cellulaires au niveau du noyau accumbens Au niveau du noyau accumbens, les adaptations cellulaires à l’exposition répétée aux drogues sont observables sur les versants pré- et post-synaptiques. Cependant, les modifications cellulaires les plus importantes suite à l’exposition répétée aux drogues sont la modification morphologique de l’arborescence dendritique, la baisse de l’excitabilité des neurones moyens épineux, l’augmentation des synapses électriques GAP ainsi qu’une dépression à long terme (LTD) des afférences glutamatergiques du cortex préfrontal.

Adaptations cellulaires pré-synaptiques. Une exposition répétée aux drogues provoque une diminution du niveau extracellulaire de glutamate et une potentialisation de sa libération en réponse à une stimulation. La diminution du niveau basal de glutamate est provoquée par une diminution du niveau d’expression du transporteur glial du glutamate responsable de la concentration en glutamate en dehors de la fente synaptique. La potentialisation de la libération synaptique du glutamate est associée à une levée de l’inhibition des récepteurs pré-synaptiques au glutamate mGluR2/3 sur l’activité de la synapse (Xi, Ramamoorthy et al. 2002; Moran, McFarland et al. 2005).

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Adaptations cellulaires post-synaptiques. Au niveau post-synaptique, comme il a été précédemment décrit, les neurones moyens épineux présentent une modification de l’arborescence dendritique. Cette réorganisation est provoquée par l’activation de la protéine CDK5 (cyclin-dependent kinase 5), elle-même sous le contrôle du facteur de transcription ΔfosB (FBJ osteosarcoma oncogène), et s’accompagne d’une modification du cytosquelette au travers de protéines de l’échafaudage post-synaptique comme PSD-95 (post-synaptic density protein 95) ou Homer2 (Norrholm, Bibb et al. 2003; Ghasemzadeh, Vasudevan et al. 2009). La diminution de l’excitabilité de ces cellules suite à l’exposition répétée aux drogues semble être liée à la diminution des conductances sodiques. Les neurones du noyau accumbens présentent un grand nombre d’adaptations qui mettent en jeu des régulations des systèmes de transduction intra-cellulaire avec, entre autres, une hypersensibilité des récepteurs dopaminergiques D1 (Lee, Kim et al. 2006), une potentialisation de la voie de l’AMPc (adénosine monophosphate cyclique), de l’activité de la PKA (protéine kinase A) et de CREB (cAMP responsive element binding protein), une diminution de l’activité des protéines Gi et une plus grande sensibilité aux effets inhibiteurs de la sérotonine et du GABA. Ils présentent aussi de nombreuses modifications transcriptionnelles lors de l’exposition répétée aux drogues dont l’activation du gène à activation précoce ΔfosB et du facteur NAC-1(nucleus accumbens associated 1), impliqué dans la régulation de la sensibilisation comportementale (Anderson and Pierce 2005; Chen, Chen et al. 2009).

La plasticité synaptique observée en réponse à l’exposition répétée aux drogues a conduit à comparer les bases cellulaires de l’addiction aux mécanismes de l’apprentissage. En effet, des rats soumis à un protocole de sensibilisation comportementale à l’amphétamine développent plus facilement une prise habituelle de renforçateur naturel (Yokel and Wise 1978), suggérant que la sensibilisation comportementale modifie les substrats neuropsychobiologiques qui contrôlent les comportements dirigés.

3 Effet de la cocaïne sur le système de transduction des signaux

CREB et Δ FosB L’un des systèmes de transduction les plus altérés par l’exposition répétée aux drogues correspond à la voie dépendante de l’AMPc qui conduit à l’activation de CREB

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Introduction Bibliographique par phosphorylation (Nestler and Aghajanian 1997; Nestler 2001; Nestler 2001). L’activation transitoire de CREB dans le noyau accumbens serait impliquée dans la potentialisation à long terme. CREB permet l’activation de 111 gènes dans le noyau accumbens. Il serait un médiateur moléculaire de la tolérance via son rôle facilitateur sur l’expression du neuropeptide dynorphine, agoniste endogène des récepteurs opioïdes kappa. Cependant, la régulation de CREB est un phénomène labile et disparaît dans les jours ou les semaines suivant la dernière exposition à la drogue. Un autre facteur de transcription a été mis en évidence dans le noyau accumbens suite à l’exposition répétée aux drogues : ΔfosB (Nestler 2001). Il appartient à la famille fos mais ne partage pas les propriétés temporelles d’activation des gènes à activation précoce (Siegel 1999), en effet il s’active plus lentement que les Fos mais la stabilité de la protéine lui confère une durée de vie de plusieurs semaines, de sorte que ce facteur de transcription s’accumule dans les neurones après exposition répétée aux drogues. Cette stabilité pourrait contribuer à l’implication de ΔfosB dans le maintien à long terme des modifications cellulaires associées à l’addiction et à la rechute. De nombreux gènes sont régulés par ΔfosB dont la protéine CDK5 impliquée dans la réorganisation morphologique des neurones du noyau accumbens. Ces deux acteurs importants dans la régulation moléculaire des effets des drogues ne peuvent rendre compte par eux-mêmes du maintien à très long terme de l’addiction, mais ils pourraient être à la base d’une restructuration pathologique des réseaux corticostriataux.

Protéine G et AMPc Les récepteurs dopaminergiques type-D2 (D2, D3 et D4), comme les récepteurs opioïdes δ et μ ou les récepteurs aux cannabinoïdes, sont couplés aux protéines Gi et Go. Ces protéines inhibent la formation de l’adenylate cyclase et l’AMPc (Adenosine MonoPhosphate cyclique). Les protéines kinases liées à l’AMPc sont par conséquent désactivées, réduisant la phosphorylation de leurs protéines cibles, enzymes, canaux ioniques ainsi que d’autres récepteurs. Une des conséquences est la diminution de l’activité de la protéines kinase A (PKA) qui provoque une diminution de la phosphorylation des canaux sodiques et contribue à abaisser davantage l’excitabilité neuronale (Self and Nestler 1995). Au contraire, les récepteurs type-D1 (D1 et D5) sont couplés aux protéines Gs stimulatrices qui influent positivement sur la formation d’AMPc et la phosphorylation des différentes protéines cibles. - Page 42 -

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Ceci suggère un rôle opposé des récepteurs type-D1 et D2. Or la stimulation de ces récepteurs transmet le renforcement des drogues d’abus (Self and Stein 1993). Néanmoins, l’instillation dans le NAc de toxines (toxine pertussique = inhibiteur Gi et Go ; toxine cholérique = activateur Gs) permet une diminution du renforcement à la cocaïne et à l’héroïne indiquant qu’une élévation aiguë de l’AMPc jouerait le rôle d’un antagoniste du renforcement des drogues d’abus (Self, Terwilliger et al. 1994; Self and Nestler 1995).

DARPP-32 DARPP-32 (dopamine and cyclic AMP-regulated phosphoprotein 32) est une phosphoprotéine régulée par la dopamine et l’AMPc ; elle est une cible de la PKA liée à l’AMPc. Or, comme nous l’avons vu dans le paragraphe précédent, l’AMPc joue un rôle important dans le renforcement des drogues et ainsi, il semble que ce comportement soit lié à une diminution de la phosphorylation de substrats protéiques par les protéines kinases liées à l’AMPc. L’activation des récepteurs de type D1 favorise la phosphorylation, via la PKA, de DARPP-32 alors que l’activation de récepteurs de type D2 entraine sa déphosphorylation. DARPP-32 possède plusieurs sites de phosphorylation aux conséquences variées. Lorsque cette protéine est phosphorylée sur la thréonine 34 (T34), elle inhibe la phosphatase 1 (PP1) dont les protéines cibles incluent des canaux ioniques et des facteurs de transcription tel CREB (cyclic AMP response element-binding protein). La calcineurine, une phosphatase, permet de retirer le phosphate du résidu T34 de DARPP-32 empêchant ainsi l’inhibition de la PP1 et la neutralisation des effets de la PKA. Pour cette raison, DARPP-32 est considéré comme un « interrupteur moléculaire ». La CDK5, la kinase 5 cycline-dépendante, cible du facteur de transcription ΔFosB, phosphoryle la DARPP-32 au niveau du résidu thréonine 75 et empêche ainsi la phosphorylation du résidu T34. Ceci a pour effet de bloquer l’action de la PKA. Les souris KO pour DARPP-32, dont l’action de la PKA est bloquée, présentent des réponses comportementales accrues à l’administration chronique de cocaïne, indiquant que la voie récepteur dopaminergique D1-PKA-DARPP-32 exercerait un rétrocontrôle négatif sur les effets chroniques de la cocaïne et suggère que la stimulation de la production de CDK5 et ΔFosB pourraient être impliqués dans la sensibilisation à la cocaïne (Fienberg and Greengard 2000; Bibb, Chen et al. 2001; Gupta and Tsai 2001).

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Les effets post-traductionnels et épigénétiques D’autres mécanismes moléculaires que les régulations transcriptionnelles sont impliqués dans les effets des drogues : les régulations post-transcriptionnelles et épigénétiques. Les régulations post-traductionelles sont peu étudiées dans le cadre de l’addiction. Dans la mesure où il s'agit d'une pathologie chronique, les régulations transcriptionnelles sont théoriquement plus à même de sous-tendre l'état addict. Cependant ce type de régulations peut probablement jouer un rôle dans la dynamique de la pathologie. Ces régulations correspondent à la stabilisation des ARNm, l’ubiquitination des protéines qui est le signal d’adressage aux protéasomes, la dégradation et la stabilisation des protéines. L’ensemble de ces modifications contribue à modifier le pool de protéines intracellulaires ou leur fonction et donc la physiologie de la cellule. Les régulations épigénétiques, quant à elles, font l'objet d'un intérêt grandissant dans le domaine de l'addiction. Elles permettent une modification, à très long terme, de l’accessibilité des gènes aux facteurs de transcription, par masquage physique de séquences particulières. Ainsi, il a été reporté récemment qu’une exposition répétée à la cocaïne altère la fonction de protéines de régulation de l’activité des histones déacétylases, impliquées dans la régulation du compactage de la chromatine, permettant ainsi l’expression à long terme de nombreux gènes dans le cerveau (Kumar, Choi et al. 2005; Renthal and Nestler 2009).

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4 Conclusions

Pour conclure, le savoir acquis jusqu’alors correspondrait aux effets neurobiologiques de l’exposition répétée aux drogues d’abus et aux bases de la vulnérabilité biologique à développer la prise de drogue. Ces données expliquent-elles l’addiction ? Trois éléments nous permettent d’en douter : 1 La majorité des modèles utilisés dans les différentes études ne prennent en compte qu’une dimension de la pathologie, la perte de contrôle sur la prise, or l’addiction n’est établie chez l’homme que lorsque l’usager présente au moins trois critères d’addiction au cours des douze derniers mois 2 Les modifications dues à la drogue ont été identifiées bien avant l’apparition des symptômes d’addiction. En effet, les études d’autoadministration sont classiquement de courte durée (8 à 40 jours d’AA) alors que les symptômes d’addiction n’apparaissent qu’après un minimum de deux mois d’AA chronique de cocaïne (Deroche-Gamonet, Belin et al. 2004) 3 Les recherches sont réalisées sur un nombre limité d’individus et la dimension individuelle n’est que très peu, voire pas, intégrée alors que l’addiction n’est développée que par une faible partie vulnérable de la population (15 à 20%). Ainsi, la majorité de la population (plus de 80%) ne développe pas d’addiction après une exposition prolongée à la cocaïne, sous entendant ainsi que les connaissances disponibles actuellement sur ce sujet concerneraient les adaptations neurobiologiques protégeant de l’addiction et non celles la déterminant. Ceci permet sans doute d’expliquer pourquoi les thérapeutiques développées jusqu’alors se sont révélées inefficaces en clinique.

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IV Objectif général de la thèse

L’addiction est une pathologie chronique qui se caractérise par une recherche compulsive de la drogue, une perte de contrôle sur la prise et une très forte probabilité de rechute. Cette pathologie n’affecte que 15 à 20 % des personnes exposées. Elle résulterait donc de l’interaction entre un phénotype vulnérable et l’exposition prolongée à la drogue. Aujourd’hui encore, nos connaissances des bases neurobiologiques de l’addiction restent limitées et les pharmacothérapies peu efficaces, probablement en raison du manque, jusqu’à récemment, de modèles animaux pertinents de cette pathologie. En effet, au cours de ces 40 dernières années, les recherches fondamentale et clinique se sont focalisées sur la compréhension des processus neurobiologiques sous-tendant la consommation des drogues. Dans cette démarche, cette recherche a contribué à une bonne compréhension des bases neurobiologiques des effets inconditionnés et conditionnés de la prise de drogue. Cependant, l’addiction ne correspond pas à une simple consommation de la drogue. Le but de nos travaux de thèse est donc d’identifier des différences neurobiologiques entre usagers addicts et non-addicts et d’aborder les mécanismes neurobiologiques qui sous-tendent la transition vers l’addiction. Ces travaux s’appuient sur l’utilisation du modèle d’addiction chez le rongeur développé en 2004 par notre équipe de recherche (Deroche-Gamonet, Belin et al. 2004; Belin, Balado et al. 2009). Grâce à ce modèle, il est possible d’identifier des animaux qui développent un comportement similaire à l’addiction, alors que d’autres maintiennent un usage contrôlé, et ce, malgré une consommation préalable de drogue équivalente. Les différences psychobiologiques entre ces deux types d’individus doivent permettre d’identifier des facteurs clés de l’addiction et des mécanismes qui y conduisent. En effet, les différences biologiques entre animaux dépendants et non dépendants s’affranchissent des modifications provoquées par la drogue, de façon commune, dans les deux groupes d’individus. Ne reste en théorie que les modifications spécifiques de la vulnérabilité ou de la résilience à l’addiction. Notre projet de thèse a été construit autour de deux objectifs majeurs. D’une part, identifier des différences biologiques entre animaux addicts (3 crit) et non-addicts (0 crit). D’autre part, étudier l’évolution de ces différences biologiques lors de la transition vers l’addiction afin d’analyser leur rôle dans la dynamique de la pathologie. Pour réaliser ce

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Introduction Bibliographique travail, ont été utilisées des approches: 1. de psychologie expérimentale (autoadministration intraveineuse de cocaïne chez le rat), 2. de physiologie des systèmes (électrophysiologie ex vivo, électrophysiologie in vivo, microdialyse in vivo), 3. de biologie moléculaire (gene profiling, qPCR), 4. de biologie cellulaire (immunohistochimie).

1 Objectif n°1 : Identification de facteurs biologiques associés à l’addiction.

Deux stratégies, ciblée et non ciblée, ont été utilisées pour atteindre cet objectif.

1.1 La stratégie non ciblée.

Elle a consisté à évaluer l'expression génique dans une structure cérébrale d'intérêt, le noyau accumbens (NAc) au moyen d’une approche de gene profiling ; les micropuces à ADN (Affymetrix) qui permettent de mesurer simultanément l'expression de 28 000 gènes. La PCR quantitative en temps réel est utilisée pour valider les gènes identifiés au moyen des micropuces. Cette stratégie est décrite dans le chapitre I.

1.2 La stratégie ciblée

Elle a consisté à étudier les différences entre animaux addicts et non-addicts au sein de la voie mésolimbique et du cortex préfrontal, élément majeur du système de récompense et cible primaire des drogues dans leurs effets renforçants. Cette voie, dont les neurones à dopamine localisés dans l’aire tegmentale ventrale (VTA) projettent dans le noyau accumbens, fait l’objet de multiples adaptations lors de l’usage chronique de cocaïne. Nous avons analysé les différences dans : 1. l’activité des neurones dopaminergiques au moyen de l’électrophysiologie in vivo. Cette activité est altérée par l’administration de cocaïne, un phénomène qui, bien qu’apparemment transitoire, pourrait dépendre des individus et refléter leur sensibilité à la drogue (McCutcheon, White et al. 2009), 2. la libération de dopamine au sein du noyau accumbens au moyen de la microdialyse in vivo. Les drogues d’abus ont en commun la capacité à libérer de la dopamine au sein du noyau accumbens et cette libération constitue le support de leurs effets renforçants. La prise de drogue à long terme modifie cette capacité de libération (Di Chiara and Bassareo 2007), 3. une forme de plasticité synaptique, la Dépression à Long

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Terme (LTD), exprimée par les neurones au sein du noyau accumbens et du cortex préfrontal. Trois formes de LTD ont été étudiées, la LTD dépendante des récepteurs glutamatergiques NMDA, la LTD dépendante des récepteurs mGluR2/3 et la LTD dépendante des endocannabinoïdes (EcB). La LTD NMDA dépendante, notamment, n’est plus exprimée après 18 jours d’autoadministration de cocaïne (Martin, Chen et al. 2006). Qu’en est-il chez les addicts et les non-addicts ? Cette stratégie ciblée est décrite dans le chapitre II.

2 Objectif n°2 : Facteurs biologiques associés à l’addiction : rôle potentiel dans la dynamique de la pathologie.

Dans le cadre de l’objectif n°1, nous avons montré que l’addiction était associée à une incapacité à produire la LTD NMDA dans le noyau accumbens ; les animaux non- addicts présentant une capacité similaire à celle des témoins naïfs. Au moyen de la stratégie non ciblée, nous avons également montré des altérations spécifiques dans l’expression d’un ensemble de gènes. Pour analyser le rôle de ces facteurs dans la dynamique de la pathologie, nous avons étudié l’évolution de l’usage précoce à l’usage tardif de cocaïne de ces facteurs. Nous avons mesuré la LTD NMDA, l’expression génique non ciblée (micropuces), l’expression de gènes cibles (reliés au fonctionnement synaptique dopaminergique et glutamatergique) après 7, 18 (avant développement de la pathologie) et 60 jours d’autoadministration (lorsque l’addiction est développée). Ces travaux sont décrits dans le chapitre III.

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Matériels et Méthodes

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MATÉRIELS ET MÉTHODES

I Animaux et Traitements

1 Conditions d’élevage des animaux Des rats mâles de souche Sprague-Dawley (Charles River, Lyon, France) pesant entre 280 et 300 g au début des expérimentations sont placés, en cages individuelles opaques, dans deux animaleries thermo et hygro régulées (22 ± 1°C, 60 ± 5%). Ils sont soumis à un cycle lumière/obscurité de 12h/12h ; la phase nocturne s’étendant de 7h00 à 19h00 dans une animalerie et de 12h00 à minuit dans l’autre animalerie. Cette distribution des animaux dans deux animaleries à cycles décalés permet un étalement des expériences dans la journée ; l’ensemble des animaux étant ainsi testé à une période comparable du cycle nycthéméral. Toutes les expériences sont réalisées pendant la phase nocturne du cycle, correspondant à la phase active de l’animal. Tous les animaux disposent de nourriture standard (AA04R, Charles River) et d’eau de boisson ad libitum et sont manipulés quotidiennement pendant les 12 jours d’habituation aux conditions d’élevage du laboratoire. Les procédures chirurgicales et expérimentales sont réalisées en accord avec les Directives du Conseil de la Communauté Européenne du 24 Novembre 1986.

2 Substances Pharmacologiques La cocaïne hydrochloride (Coopération Pharmaceutique Française) et l’héparine choay (Sanofi Adventis) sont dissous dans du sérum physiologique (NaCl 0.9%, COOPER) et conservée à 4°C hors des périodes d'utilisation. Les anesthésiques utilisés dans ce travail sont l’hydrate de Chloral (Sigma Aldrich), la Kétamine 500 (Merial), la Xylacine 2% (Bayer) et l’Isofluorane (Baxter). Deux antibiotiques sont utilisés. La tévémyxine en pommade (Laboratoire TVM) et la gentamicine en solution injectable (Schering-Plough) dissoute dans du sérum physiologique (NaCl 0.9%, COOPER) et conservée à 4°C hors des périodes d'utilisation.

3 Chirurgie Les rats, sous anesthésie profonde [kétamine (100 mg/kg) / xylacine (1 mg/kg), i.p.], sont placés sur une couverture chauffante. Le cathéter en silastic (diamètre interne = 0, 28mm ; diamètre externe = 0, 61mm ; volume mort = 12 μl) est implanté dans la veine jugulaire droite.

Matériels et Méthodes

La partie proximale du cathéter est placée dans l’atrium droit alors que la partie distale est placée sous la peau et fixée au niveau de la région inter-scapulaire. Après suture et application de tévémyxine sur la plaie, les rats sont placés en chambre post-opératoire chauffée à 30°C jusqu’à leur réveil. Au cours de la semaine de repos post-opératoire, les animaux reçoivent un traitement antibiotique quotidien (gentamicine 1 mg/kg, i.p.) et un rinçage de leur cathéter avec une solution de sérum physiologique additionnée d’héparine (100 UI/ml).

II Analyses Comportementales

1 Autoadministration intraveineuse (AA)

1.1 Matériels

Le dispositif d’autoadministration utilisé est constitué de 48 cages faites de plexiglas et de métal (Imetronic, Pessac, France). Chaque cage (40 cm × 30 cm × 52 cm) est placée au sein d’une enceinte opaque équipée de ventilateurs permettant le renouvellement de l’air et assurant une atténuation du bruit ambiant. Les animaux sont placés quotidiennement dans ces cages. Leur cathéter est alors relié à une seringue commandée par une pompe (vitesse d’injection=20μl /sec). Deux trous, placés sur les côtés droit et gauche de la cage à 5 cm du sol, sont utilisés comme dispositifs pour mesurer le comportement opérant. Une ampoule blanche fixée au plafond permet la complète illumination de la cage. Trois ampoules (1,8 cm de diamètre), l'une bleue située à 33 cm du sol sur le panneau gauche de la cage, l'autre blanche située 9,5 cm au dessus de l'un des trous, et la troisième, verte, située à 10 cm à droite de la lumière blanche, sont utilisés comme stimuli conditionnés ou discriminatifs pour le contrôle du comportement opérant de l'animal. Des cellules photoélectriques placées à 1,5 cm du sol permettent de mesurer l’activité motrice horizontale de l’animal. Les contingences expérimentales sont contrôlées et les données sont collectées par un logiciel compatible avec Windows (Imetronic, Pessac, France).

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Matériels et Méthodes

Figure 1 : Photos montrant les cages d’autoadministration (en haut), un nose-poke (en bas, à gauche) et l’ordinateur enregistrant l’ensemble des paramètres comportementaux (en bas, à droite)

1.2 Protocole d’auto-administration (AA)

La session quotidienne est composée de trois périodes d’accessibilité à la drogue de 40 minutes chacune séparées par deux périodes de non accessibilité à la drogue de 15 minutes (Deroche-Gamonet, Belin et al. 2004), soit 2h30. Les sessions débutent 2h après le début de la phase nocturne. Les périodes d’accessibilité à la drogue sont signalées par le stimulus discriminatif lumineux bleu alors que les périodes de non accessibilité à la drogue sont signalées par le stimulus discriminatif lumineux blanc du plafonnier. Pendant les périodes de non accessibilité à la drogue le stimulus bleu est éteint. Les demandes au trou actif sont alors sans conséquence programmée. Pendant les périodes d’accessibilité à la drogue, l’introduction du museau de l’animal dans le trou actif déclenche le stimulus lumineux blanc situé au-dessus du trou (stimulus à conditionner) et, une seconde plus tard, la pompe d’injection qui provoque l’administration intraveineuse de 40 μl de la solution de cocaïne (0,8 mg/kg/inj). Le stimulus lumineux reste activé pendant 4 secondes au total. Chaque injection est suivie d’une période d’inhibition (ou TO = time-out) de 40 secondes pendant lesquelles les réponses au trou actif sont sans conséquence, permettant d’éviter l’émission de réponses consécutives aux effets immédiats de la drogue.

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Matériels et Méthodes

Pendant les cinq premiers jours un protocole de renforcement de ratio fixe 3 (FR3) est appliqué. Dans cette configuration trois visites au trou actif sont nécessaires à l'obtention d'une injection de la solution de cocaïne. Le ratio est ensuite augmenté et maintenu à 5 (FR5) pour le reste de l’expérience. Les critères d’acquisition du ratio sont la stabilité des injections, trois jours consécutifs avec une variation quotidienne inférieure à 10%, ainsi que la discrimination trou actif/inactif.

2 Critères diagnostiques de l’addiction

Ratio progressif Initialement développé pour mesurer les propriétés renforçantes de solutions lactées sucrées chez le rat (Hodos 1961), le test de ratio progressif a été étendu aux drogues d’abus. Il permet d’en déterminer, par l’indice du point de rupture, les propriétés renforçantes (Richardson and Roberts 1996) et apporte un indice comportemental de la motivation que présente l’animal pour la drogue. Pendant le test de ratio progressif, le stimulus lumineux bleu indique la disponibilité de la drogue. Le nombre de visites au trou actif (FR) nécessaire à l’obtention de chaque injection augmente d’une injection à l’autre selon la progression suivante : 10, 20, 30, 45, 65, 85, 115, 145, 185, 225, 275, 325, 385, 445, 515, 585, 665, 745, 835, 925, 1025, 1125, 1235, 1345, 1465, 1585. La quantité maximale de réponses qu’est prêt à émettre un animal pour obtenir une injection (correspondant au dernier ratio réalisé) correspond au point de rupture. La session prend fin si une heure s’est écoulée depuis la dernière injection ou après cinq heures de test (durée maximale du test).

Dévaluation ou punition Lors de ces sessions, les animaux sont placés 40 minutes dans la cage d’autoadministration. La disponibilité de la drogue est signalée par le stimulus discriminatif lumineux bleu. Le protocole est le suivant : une visite au trou actif provoque l’activation du stimulus lumineux vert (associé au choc). Quand un FR4 est atteint dans la minute, l’animal reçoit un choc électrique [0,2 mA par les pattes, 1 secondes]. Quand un FR5 est atteint dans la minute consécutive, l’animal reçoit un choc électrique et une injection de cocaïne (0,8 mg/kg) associée au stimulus conditionné à la drogue (stimulus lumineux blanc au-dessus du trou). Après une période d’inactivité du trou de 40 secondes

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Matériels et Méthodes suivant l’injection, le stimulus lumineux vert associé au choc s’éteint. Si la séquence comportementale FR1 FR4 ou FR4 FR5 n’est pas réalisée en une minute, le stimulus lumineux associé au choc s’éteint et la tâche est réinitialisée. Ce protocole permet une dévaluation de la recherche de drogue par l’activation du choc à FR4 et des effets inconditionnés de la drogue par la contingence du choc et de l’injection la drogue.

Recherche de drogue Les sessions sont divisées en périodes d’accessibilité à la drogue séparées par des périodes d’indisponibilité. Pendant les périodes d’indisponibilité (15 minutes), le stimulus discriminatif indiquant l’inaccessibilité de la drogue est activé (lumière blanche du plafonnier) et les demandes aux deux trous sont sans conséquence programmée. Le nombre de demandes aux trous actif durant cette période nous donne un indice sur le niveau de recherche de drogue alors qu’elle est indisponible.

3 Diagnostic d’addiction

3.1 Diagnostic qualitatif : calcul du nombre de 3 critères positifs

En clinique, le diagnostic de l’addiction est porté si le patient présente trois des sept critères du DSM IV. Nous avons classé les animaux en fonction du nombre de critères d’addiction qu’ils présentaient. Pour chaque critère nous avons procédé à un tri des animaux par ordre croissant du score au test comportemental correspondant. Nous avons arbitrairement coupé la population en deux effectifs: l’effectif 1 correspondant aux individus compris dans les 33 ou 40% de la population présentant les scores les plus forts, et l’effectif 0 correspondant au reste de la population. Les individus de l’effectif 1 d’un test donné remplissent le critère correspondant. Nous avons réalisé cette sélection de l’effectif 1 pour chacun des trois critères. A l’issue de cette étape, nous avons obtenus 3 effectifs 1, un pour chaque critère.

Nous avons alors réalisé l’intersection de ces trois effectifs 1. Dans la mesure où la composition des effectifs était hétérogène, cette opération a mis en évidence 3 groupes d’animaux distincts : les rats 1crit n’appartenant qu’à un seul des effectifs, les rats 2crit

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Matériels et Méthodes appartenant à deux des effectifs, et les rats 3crit appartenant aux 3 effectifs et par conséquent remplissant les 3 critères d’addiction. Les individus issus de l’intersection des 3 effectifs « 0 » (rats 0crit) ne remplissent aucun des 3 critères d’addiction. La limite de sélection aux 33 ou 40% supérieurs de la population pour chaque critère a été prise à priori. Cependant, le pourcentage d’animaux présentant les 3 critères (17%) ne dépend pas de cette limite de sélection dans la mesure où les tris basés sur la fourchette 25%-40% n’entraînent pas de différences significatives de la distribution des animaux dans les différents groupes (de 14% à 19% respectivement pour les animaux 3 critères).

3.2 Diagnostique quantitatif : le score d’addiction

Nous réalisons également un diagnostique quantitatif au travers d’un score d’addiction que l’on pourrait comparer au score calculé chez l’homme au moyen de « l’Addiction Severity Index » (ASI, McLellan, Luborsky et al. 1980). Le score calculé correspond plus précisément à une évaluation de la sévérité de l’usage de cocaïne puisqu’il est effectué tant chez les addicts que les non-addicts. Ce score, unique, présente l’avantage de pouvoir servir dans les études corrélatives visant à établir des liens entre sévérité de l’usage de cocaïne et l’expression d’une variable biologique. Il est important de noter que le score d’addiction est relié de façon linéaire avec le nombre de critères d’addiction. Les rats 0crit sont les seuls avec un score négatif, alors que les 3crit sont les seuls avec un score au-dessus de la déviation standard à la moyenne. Les deux autres groupes (1crit et 2crit) montrant un score parfaitement intermédiaire entre 0crit et 3crit. Ces données confortent l’hypothèse que l’addiction représente un continuum pathologique d’une prise controllée à compulsive atteinte par un nombre limité d’usagers (Belin, Balado et al. 2009). Le score d’addiction correspond à la somme algébrique, après leur normalisation, des scores à chacun des trois critères d’addiction. Un score normalisé est obtenu après soustraction de la moyenne du groupe à ce critère et division par la déviation standard du groupe à ce même critère. Pour l’ensemble du groupe, le score normalisé pour un critère présente ainsi une moyenne de 0 et une déviation standard de 1. Les scores d’addiction se distribuent donc ainsi sur une échelle de -3 à +3.

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Matériels et Méthodes

4 Caractérisation de la rechute après sevrage

4.1 Extinction

Lors des sessions d’extinction les animaux sont placés dans les cages d’autoadministration pour une heure et trente minutes. Malgré l’activation du stimulus indiquant la disponibilité de la drogue les demandes au trou actif sont sans conséquence programmée.

4.2 Réinstallation du comportement par un stimulus conditionné

Le stimulus utilisé ici pour réinitialiser le comportement d’autoadministration est le stimulus lumineux précédemment associé à l’obtention de drogue (Deroche-Gamonet, Piat et al. 2002). Après une heure et trente minutes d’extinction au cours de laquelle les réponses aux deux trous sont sans conséquence, le stimulus conditionné à la drogue est présenté pendant deux secondes indiquant à l’animal un changement de protocole. A partir de ce moment et pendant une heure, les réponses au trou actif provoquent l’allumage du stimulus conditionné (4 secondes) (présentation contingente). La première présentation du stimulus est obtenue pour un FR1, les suivantes pour un FR5. Les réponses réalisées dans chaque trou sont enregistrées et cumulées sur l’heure de présentation du stimulus. Cette procédure est classiquement utilisée pour tester la rechute provoquée par un stimulus conditionné (Shalev, Grimm et al. 2002).

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Matériels et Méthodes

III Techniques d’analyses moléculaires

1 Dissection des structures cérébrales

Suite à la décapitation des animaux, les cerveaux sont prélevés et immédiatement placés sur de la glace avant d’être coupés en tranches coronales de 1 mm d’épaisseur. L’hypophyse est prélevée de la selle turcique. Chaque tranche de cerveau, maintenue sur glace est disséquée. Les structures suivantes sont prélevées selon les coordonnées neuroanatomiques de Paxinos (Paxinos, Watson et al. 1980) : hypothalamus, cOF, Cortex Pré-Frontal Median (PFM), Noyau Accumbens (NAc), striatum, cortex cingulaire, amygdale (noyau basolatéral), noyau du lit de la strie terminale (BNST), hippocampe, mésencéphale ventral. Les structures sont immédiatement placées dans des tubes eppendorff de 2 ml et stockées à -80°C jusqu’à l’extraction des ARN.

2 Extraction des ARN totaux

Les tissus sont lysés par un Tissue Lyser (Qiagen) et l’extraction des ARN totaux est réalisée selon la méthode dérivée du protocole de Chomczynski et Sacchi (Chomczynski and Sacchi 1987) à partir du kit Trizol (Invitrogen). Les ARN sont séparés des protéines et de l’ADN génomique par séparation d’affinité en solution mixte (eau / phénol-chloroforme). Les ARN électrophiles se trouvent dans la phase aqueuse et les protéines dans la phase organique ou à l’interface des deux phases. La phase aqueuse est récupérée et les ARN sont précipités par centrifugation. Les culots d’ARN totaux ainsi récupérés sont remis en suspension dans 25 μl d’eau distillée. Les éventuelles contaminations dues à une présence résiduelle d’ADN génomique sont éliminées par le traitement des échantillons à la DNase (Turbo DNase-RNase Free, Ambion).

3 Analyse quantitative et qualitative des ARN totaux

3.1 Dosage des ARN totaux

La mesure de la quantité des ARN est réalisée à partir de 1 μl de la suspension précédente, au moyen d’un spectrophotomètre (Biophotometer, Eppendorf). Les mesures de densité optique (DO) sont réalisées à 260 nm et à 280 nm. Le rapport 260/280 permet

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Matériels et Méthodes d’évaluer la pureté des ARN. L’appareil calcule également la concentration en ARN totaux à partir de la mesure de DO à 260 nm. Ce calcul est basé sur la Loi de Beer-Lambert mettant en relation l’absorbance de la solution avec sa concentration : A = ε.C.l où A correspond à l’absorbance, ε au coefficient d’extinction molaire spécifique de chaque soluté et l à la longueur du trajet optique (1 cm dans notre cas). Pour les ARN, une unité d’absorbance correspond à une concentration de 40 μg/μl.

3.2 Analyse qualitative des ARN totaux

La qualité des ARN totaux est mesurée sur le Bioanalyser 2100 (®Agilent) au moyen du kit RNA 6000 Nano Lab-on-a-Chip selon les instructions du fournisseur. Le fonctionnement de cet appareil est basé sur le principe d’électrophorèse micro-capillaire et remplace une électrophorèse classique. Il permet d’évaluer l’intégrité des ARN en donnant une estimation de leur niveau de dégradation. Les ARN, marqués par un agent fluorescent excité par laser, vont migrer dans un réseau de micro-capillaires. L'intensité de la fluorescence est captée lors de la migration et rapportée à celle d'une solution de différents marqueurs de taille, dont la concentration est définie à 150 ng/μl. La migration est présentée sous forme d’un électrophérogramme, intégré par le logiciel d’analyse (Agilent 2100). Le spectrogramme issu de son analyse permet, après intégration de la surface sous la courbe, de déterminer le pourcentage en ARNr 18S, 28S et 5S. Les rapports de ces populations sont de bons indices de l’intégrité du matériel biologique. En effet, le rapport 28S/18S doit être de l’ordre de 2 et dans toutes les extractions réalisées, il s’est trouvé dans la gamme [1,75 – 2]. De plus, la population 5S ne doit pas excéder 20 %. Dans les extractions effectuées, ce niveau n’a jamais été atteint.

4 Quantification des ARN par micropuces Affymetrix

Les micropuces Affymetrix sont des puces à ADN permettant de quantifier simultanément plus de 30000 ARNm. Cette technique est basée sur le principe de l’hybridation spécifique d’ARNc « fluorescents », représentant le transcriptome de l’échantillon, sur des séquences oligonucléotidiques greffées par spots sur une lamelle de silice. Après l’hybridation et le rinçage de la puce, l’intensité de fluorescence est mesurée par scanner haute résolution en chaque point correspondant à un oligonucléotide spécifique. L’intensité de fluorescence sur un spot est proportionnelle à la quantité d’ARNm correspondant à la séquence de l’oligonucléotide. La quantification des

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Matériels et Méthodes transcriptomes des individus 0crit, 3crit et témoins sur puces Affymetrix a été réalisée par un prestataire de service, la société Genome Explorations Inc. (Memphis, USA) experte dans l’utilisation des outils Affymetrix. La puce Affymetrix rat 230.2.0 comprend les séquences associées à 30200 cadres ouverts de lecture (ORF) dont 28000 sont caractérisés. Les séquences oligonucléotides sont synthétisées in situ sur la puce et à chaque séquence anti-sens correspond une séquence sens permettant de s’assurer de la spécificité de l’hybridation pour chaque séquence. De plus, pour chaque ARNm cible, 9 paires d’oligonucléotides sont synthétisées sur la plaque de sorte à mesurer son niveau d’expression par 9 hybridations différentes. Cette multiplicité permet de réaliser une analyse statistique intra-plaque à mesures répétées pour chacun des ARNm testés et de s’assurer par conséquent de la robustesse de la quantification. Enfin des oligonucléotides correspondant à plusieurs gènes de ménages sont présents sur les puces pour permettre une mesure de la réplicabilité des quantifications ainsi qu’une normalisation lors des comparaisons des puces entre elles.

4.1 Synthèse et marquage des ARN complémentaires (ARNc)

Une méthode quantitative est intrinsèquement liée à un marqueur quantifiable. Dans le cadre des micropuces, ce marqueur correspond à la fluorescence. Dans la mesure où l’objet à quantifier est une population d’ARNm, il est indispensable de rendre cet objet quantifiable. C’est pour cette raison que les ARN subissent une transcription inverse puis une transcription permettant l’incorporation dans les ARNc, obtenus après ces deux réactions, de nucléotides greffés de biotine permettant une révélation par immunochimie et un marquage fluorescent des molécules de ARNc. Dans un premier temps des ADNc simple puis double brins sont générés à partir de 15 μg d’ARN totaux par rétrotranscription avec le kit SuperScript Double-Stranded cDNA

Synthesis (Invitrogen) et le primer oligo-dT24-T7 (5’-GGC CAG TGA ATT GTA ATA CGA CTC ACT ATA GGG AGG CGG-3’) (PrOligo) selon les instructions du fournisseur. Dans un second temps, les ARNc sont synthétisés et marqués par incorporation d’UTP et de CTP biotinylés par transcription avec le kit Bioarray™ HighYield™ RNA Transcript Labeling (ENZO Diagnostics Inc.) à partir du promoteur T7 incorporé de la matrice ADNc double brins précédemment synthétisée. Brièvement, les ADNc double brins précédemment synthétisés sont lavés deux fois dans de l’éthanol à 70% puis resuspendus dans 22 μl d’eau RNase-free. Les ADNc sont ensuite incubés 5 heures à 37°C avec 4 μl de chaque tampon de réaction 10X, les ribonucléotides biotinylés, du DTT, un mix - Page 60 -

Matériels et Méthodes d’inhibiteurs de RNase et 2μl de polymérase T7 20X. Les ARNc ainsi marqués sont purifiés par chromatographie sur colonnes CHROMA SPIN-100 (Clontech) puis précipités

à l’éthanol à –20oC entre 1 heure et 12 heures.

4.2 Hybridation des puces

Les ARNc obtenus précédemment sont incubés sur la puce afin qu’ils puissent s’hybrider aux oligonucléotides complémentaires de leur séquence. La stabilité de l’interaction ARN – ADN permet la préservation des couples ARNc – oligonucléotides complémentaires au cours du rinçage de la puce ainsi que la révélation par immunomarquage des nucléotides couplés à la biotine des ARNc. Le culot d’ARNc est resuspendu dans 10 μL d’eau RNase-free et 10μg sont fragmentés 35 minutes par hydrolyse ionique à 95°C dans 200 mM de Tris-acétate (pH 8.1), 500 mM de potassium acétate, 150 mM de magnésium acétate. Les ARNc fragmentés sont hybridés 16 heures à 45°C sur la puce rat 230.2.0 (Affymetrix). Les puces sont rincées à 25°C avec du SSPE 6X (0.9M NaCl, 60 mMNaH2PO4, 6 mM EDTA + 0.01% Tween 20) puis rincées une seconde fois dans des conditions plus stringentes à 50°C avec du MES 100 mM (0.1M [Na+], 0.01% Tween 20). Les puces sont ensuite révélées avec de la streptavidine conjuguée à la phycoérythrine (Molecular Probes) et les intensités de fluorescence sont déterminées avec le laser confocal scanner à haute résolution GCS 3000 scanner (Affymetrix).

4.3 Lecture et analyse des données

L’image de la micropuce issue de sa lecture par un scanner correspond à une matrice dans laquelle les intensités de fluorescence sont numérisées pour chaque spot. Ces données brutes sont générées grâce au GeneChip Operating System v1.2 (GCOS; Affymetrix) et nous sont fournies par Explorations Inc. (Memphis, USA) sous la forme de fichier CEL (Cell intensity file). L’analyse des données nécessite une normalisation intra et inter–puce ainsi que la détermination de la présence significative ou non d’ARNc hybridés à chacun des spots d’oligonucléotides de la puce. A cette fin, les fichiers CEL sont téléchargés dans le logiciel GeneSpring 10.0 (Affymetrix). Les données brutes peuvent alors être normalisées avec différents algorithmes comme MAS 5.0 (Affymetrix® Microarray Suite 5.0; Affymetrix); DNA-Chip analyser (dChip) (Li and Wong 2001) ; Robust Multichip Average (RMA,

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Matériels et Méthodes

(Irizarry, Hobbs et al. 2003)), GCRMA (Wu 1999) et Probe Logarithmic Intensity Error (PLIER, Affymetrix). (tableau 1) Les fichiers normalisés peuvent être corrigés par l’algorithme False Discovery Rate (Benjamini, 1995) puis sont téléchargés sur une base de données (GEASE) dédiée au stockage et à l’analyse de données issues d’approches génomiques.

4.4 Gestion et Analyses des données Arrayassist

GEASE est une base de données dédiée au stockage, la gestion et l’analyse des données d’expression tels que celles obtenues grâce aux micropuces à ADN et la PCR quantitative en temps réel. Notre système (http://cbib1.cbib.u- bordeaux2.fr/outils/Base/index.phtml) est une extension du standard BASE (BioArray Software Environment, logiciel en licence libre) additionné des modules suivants: (i) stockage des données physiologiques, (ii) gestion et suivi des échantillons (basic LIMS functionalities), (iii) gestion des données de PCR quantitative, incluant une représentation graphique des plaques de PCR, normalisation des résultats et calcule de l’expression par détermination du fold change, (iv) intégration des relations inter-espèces (Orthology based on HomoloGene public database), (v) analyse comparative grâce à la possibilité de définir des demandes complexes impliquant différents paramètres (fold change, pvalue …) et des combinaisons d’opérateurs logiques, (vi) un script d’annotation permet la mise à jour quotidienne des informations concernant les gènes (gene name, map location, ...) à partir de banques de données publiques (NCBI …). Le principal atout de notre système est la possibilité de comparer et recouper les résultats obtenus via diverses sources (micropuces à ADN, qRT-PCR, différentes espèces, précédentes expériences…) et les enrichir grâce aux liens avec les bases de données publiques (Gene Ontology, chromosomal location, Pubmed …).

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Matériels et Méthodes

The Affymetrix MAS 5.0 Algorithm calculates the signal value from the combined, background-adjusted PM and MM values of the probes in one probe set. The process is outlined as follows: * Cell intensities are preprocessed for global background * An ideal mismatch value is calculated and subtracted to adjust the PM intensity MAS 5.0 * The adjusted PM intensities are log-transformed to stabilize the variance * The Tukey’s biweight estimator is used to provide a robust mean of the resulting values * Signal is output as the antilog of the resulting value * Finally, the signal is scaled using a trimmed mean The MAS 5.0 algorithm occurs on a chip-by-chip basis and is not applied across an entire set of chips. DNA-Chip Analyser (dChip) C. Li and W. Wong A model-based analysis of oligonucleotide expression arrays we developed previously uses a dChip ou probe-sensitivity index to capture the response characteristic of a specific probe pair and calculates model-based expression indexes (MBEI). MBEI has standard error attached to it as LiWong a measure of accuracy. Here we investigate the stability of the probe-sensitivity index across different tissue types, the reproducibility of results in replicate experiments, and the use of MBEI in perfect match (PM)-only arrays. Robust Multi-array Average (RMA) adjusts gene expression values obtained from hybridization of Affymetrix GeneChip arrays, proposed by Irizzary et al. (2003). The method fits a robust linear model to the probe-level data, analyzing each hybridized chip in the RMA context of other chips in the experiment. The algorithm consists of three steps—a model- based background correction stage that neutralizes the effects of background noise, a subsequent quantile normalization stage that aligns expression values to a common distribution, and finally, an iterative median polishing procedure summarizes the data and generates a single expression value for each probe set. GC-RMA is a modification of the RMA algorithm replacing the model used in the background correction stage with a more sophisticated computation that uses each probe’s sequence information to adjust the measured intensity for the effects of non-specific binding GCRMA due to the differences in bond strength between the two types of base pairs. It also takes into account the optical noise present in data acquisition for an even greater accuracy and sensitivity. The two steps of the RMA algorithm following background correction, namely, the global, cross-chip normalization and summarization through median-polishing, remain unchanged. The probe logarithmic intensity error (PLIER) method produces an improved signal (a summary value for a probe set) by accounting for experimentally observed patterns for feature behavior and handling error appropriately at low and high abundance. Resulting benefits include: ·Higher reproducibility of signal (lower coefficient of variation) without loss of accuracy PLIER ·Higher sensitivity to changes in abundance for targets near background ·Dynamic weighting of the most informative probes in an experiment to determine signal This method was developed by building upon many of the concepts that have been published recently within the field of GeneChip® microarray data analysis, including model-based expression analysis and robust multichip analysis. It also builds upon the summarization algorithm provided in Affymetrix® Microarray Suite 5.0 (MAS 5) by taking into account the experimentally validated value of weighting feature intensities to determine an overall probe set summary.

Tableau 1 : Description des caractéristiques des algorithmes utilisés pour la normalisation des micropuces à ADN

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Matériels et Méthodes

5 Quantification par PCR quantitative en temps réel

PCR est l'abréviation de l’expression anglaise Polymerase Chain Reaction ou Réaction en Chaîne par Polymérase (le terme français équivalent, Amplification en Chaîne par Polymérisation ou ACP, est rarement utilisé). Cette technique décrite en 1985 (Saiki, Scharf et al. 1985; Mullis, Faloona et al. 1986; Saiki, Bugawan et al. 1986; Mullis and Faloona 1987) permet d’amplifier des séquences d’ADN de manière spécifique et d’augmenter de manière exponentielle la quantité d’ADN cible dont on dispose initialement. Elle se base sur l’utilisation ex vivo d’enzymes ADN polymérases issues de bactéries et résistantes à la chaleur. Elle nécessite de connaître la séquence des régions qui délimitent l’ADN à amplifier. Ces séquences serviront à synthétiser des couples d’amorces oligonucléotidiques complémentaires de la matrice (ou primers, de 20 à 30 nucléotides en général) que l’ADN polymérase utilise pour amplifier la séquence cible. L’ADN polymérase se fixe sur la séquence doubles brins formée par l’hybridation de chaque amorce sur la matrice ADNc et réalise l’élongation de l’amorce en incorporant dans le sens 5’-3’ des désoxyribonucléotides triphosphates (dNTP) complémentaires de la séquence de la matrice ADN lue dans le sens 3’-5’. Le substrat de la réaction de PCR étant de l’ADN dans le cas de la PCR quantitative, les ARN, que l’on veut quantifier, sont rétrotranscrits en ADN complémentaires (ADNc). Un agent intercalant de l’ADN, SYBR® green, vient s’insérer dans l’ADN amplifié (amplicon) et émet une fluorescence qui va être enregistrée. Un Ct (cycle threshold ou crossing point) est défini pour l’ADN amplifié. Le Ct correspond au nombre de cycles d’amplification minimum nécessaire pour que la fluorescence dépasse la valeur seuil significativement différente du bruit de fond. La quantification du niveau d’expression d’un ARNm donné est relative à celui d’un standard correspondant généralement à un gène de ménage comme la βactine.

5.1 Préparation des ADN complémentaires (ADNc)

La réaction de transcription inverse est réalisée à partir d’une quantité de 2 μg d’ARN totaux. Ceux-ci sont d’abord dénaturés pendant 5 min à 65°C, puis additionnés au mélange réactionnel suivant : 8 μl de tampon 5x Power Script (Clontech), 2 μl de dNTP à 10 mM (Invitrogen), 4 μl de DTT 100 mM (Clontech), 1 μl d’inhibiteur de la RNase (RNase Out, Invitrogen) et 1 μl de transcriptase inverse (Power Script RT, Clontech) et - Page 64 -

Matériels et Méthodes ajusté à un volume final de 40 μl. La réaction de transcription inverse est réalisée à l’aide de l’appareil PTC200 (MJ Research) pendant une durée de 1h30 à 42°C. A la suite de cette réaction, les ADNc sont repris dans un volume total de 100 μl, afin d’obtenir une concentration finale de 20 ng/μl pour chacun des 32 échantillons. Enfin ce volume d’ADNc est réparti en aliquots de 2.5 μl et conservés à -80°C.

5.2 Dessin et validation des séquences primers ou amorces

Les couples d’amorces de chaque gène étudié sont synthétisés à partir d’une des 9 séquences hybridées sur les puces Affymetrix pour quantifier un ARNm. Ces séquences sont disponibles sur le site web NETAFFX (Affymetrix). Elles permettent, au travers du logiciel Primer Express (Primer Express Software, Applied Biosystems), la sélection de couples d’amorces spécifiques de la séquence à amplifier. La séquence des amplicons obtenus (entre 70 et 100 paires de base) est systématiquement comparée aux séquences présentes dans différentes banques (Genbank, EMBL) à l’aide du logiciel d’alignement BLAST (Basic Local Alignment Search Tool), afin de s’assurer de la spécificité des couples d’amorces choisis. Cependant, la PCR est tellement sensible qu’elle peut révéler des hybridations croisées entre les primers, des amplifications aspécifiques ou des mauvaises efficacités de PCR pour un couple d’amorces donné. Ainsi, chaque couple d’amorces est validé par une réaction de PCRq réalisée sur une gamme de 4 concentrations d’ADNc différentes (20 ng/μl ; 4 ng/μl ; 0,8 ng/μl et 0,16 ng/μl). L’ADNc utilisé pour les validations d’amorces est issu d’un mélange d’ARN totaux provenant de différentes structures cérébrales, issues de plusieurs rats. Lors de la validation, 4 contrôles négatifs sont réalisés où l’ADNc est remplacé par de l’eau afin de vérifier l’absence de contamination ADN. Au terme de la réaction, le logiciel Opticon Monitor 2 (MJ Research) fournit une courbe de dissociation pour chaque couple d’amorces, elle est obtenue à partir d’une succession d’étapes d’incrémentation de la température de 0,3 °C toutes les 3 secondes, débutant à 65°C et se terminant à 95°C. Une représentation mathématique calculant la dérivée de la fluorescence en fonction de la température permet de tracer la courbe de fusion. Celle-ci forme un pic à une température spécifique, la température de fusion de l’amplicon, qui est spécifique de chaque fragment amplifié. Ainsi l’analyse de la courbe de dissociation donne la spécificité de l’amplification de chaque couple de primers. Un

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Matériels et Méthodes second contrôle de spécificité est réalisé par analyse de la migration des produits de PCR sur un gel d’agarose. Ainsi les amplifications non spécifiques dont la taille est différente de celle de l’amplicon sont détectées. La courbe d’amplification fournie par le logiciel permet de fixer la valeur de Ct ou cycle seuil de chaque produit d’amplification en fonction de la concentration d’ADNc. L’efficacité de chaque couple d’amorces est calculée à partir d’une droite représentant le nombre de cycles en fonction du logarithme de la quantité d’ADNc utilisée.

Ainsi l’efficacité est obtenue par le calcul E = 10-1/pente. Nous sélectionnons les couples de primers présentant une efficacité supérieure à 85%. En effet, la qualité de l’amplification dépend de la valeur de l’efficacité, selon la formule : N=N0 (1+E)Cn, où N représente le nombre de copies finales au cycle Cn et N0 le nombre de copies initiales.

5.3 Amplification des matrices ADNc et quantification

La technique de PCR (Polymerase Chain Reaction) quantitative en temps réel ou PCRq est basée sur la détection et la quantification d’un reporter fluorescent, dont l’émission est directement proportionnelle à la quantité d’amplicons générés pendant la réaction. En effet l’émission de fluorescence du SYBR® Green (reporter fluorescent) se réalise lorsque l’ADN est sous forme double brins. Ceci permet la quantification du produit de la PCRq à partir d’une courbe d’amplification fluorescence = f (nombre de cycles). Une ligne de base est arbitrairement dessinée au-dessus du bruit de fond de fluorescence. Lorsque l’amplification des matrices permet de générer une fluorescence d’intensité suffisante pour qu’elle passe au-dessus de la ligne de base, ou ligne seuil, elle correspond au cycle seuil, ou Ct (cycle Threshold), représentatif du nombre initial de copies initiales de la matrice. Le protocole de PCRq comprend une première étape à 95°C pendant 15 minutes d’activation de l’enzyme DNA polymerase Thermus brockianus (DyNamo, Finnzymes). Suite à cette étape, 40 cycles de PCR sont réalisés selon l’organisation suivante : - dénaturation à 95°C, 20 secondes - hybridation / élongation à 60°C, 30 secondes La mesure de la fluorescence est réalisée à la fin de l’élongation. Cette réaction s’effectue dans des plaques de 96 puits à l’aide de l’appareil Opticon 2 (MJ Research). Le mélange réactionnel de 10 μl contient 3 μl d’amorces, 2 μl d’ADNc et 5 μl d’un mélange

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Matériels et Méthodes contenant le matériel nécessaire à l’amplification (mix 2X, DyNamoTM SYBR® Green qPCR Kit, Finnzymes).

Les résultats sont exprimés en fold change (FC) que nous avons calculé avec la méthode -1/+1 : 1. Calcul du DeltaCt (DCt) pour chaque individu et ceci dans chaque groupe : nous calculons la différence entre la valeur du Ct du gène d’intérêt et celle du gène de référence. (DCt = CtgI –CtgHK) 2. Calcul du DeltaDeltaCt (DDCt) : Pour cela, nous définissons un groupe de référence (ex : témoins) (REF) et un ou des groupes à évaluer (EVA) puis nous calculons la différence de DCt entre la moyenne des valeurs de DCt de REF et les valeurs individuelles de DCt EVA. (DDCt= moyenne DCt REF - DCt individuel EVA) Le DDCt n’est pas calculé pour le groupe de référence qui doit par définition être égal à 1 ou - 1. Nous obtenons des valeurs individuelles de DDCt qui permettent de calculer une SEM (Ecart- type/racine(n)). Les statistiques permettant d’établir la significativité des différences observées sont calculées sur les DDCt. 3. Calcul du FC : Nous calculons la moyenne des valeurs de DDCt pour le ou les groupes EVA puis effectuons le calcule suivant : FC = signe(DDCt)2|DDCt| Dans cette formule on ne tient pas compte du signe du FC mais de sa valeur. On applique le signe négatif ou positif de la valeur de DDCt au FC. Nous exprimons ensuite les résultats en fonction de la variation du FC du groupe EVA par rapport au groupe REF (correspondant à 0). Les diminutions et augmentations sont représentées de façon proportionnelle.

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Matériels et Méthodes

IV Technique d’analyse protéique : immunohistochimie

1 Perfusion en PAF à froid

1.1 Matériels

Les rats sont anesthésiés avec de l’hydrate de chloral (10X = 12g/20mL) à raison de 0,3mL/100g de rat par injection intra péritonéale. Le tampon de perfusion PAF à 4%

(0,1M) et pH = 7,3 (2,6g/l NAH2PO4,H2O; 14,4g/L NA2HPO4,2H2O; 40g/l PAF – chauffer (<60°C) sous agitation) est placé dans la glace et véhiculé au moyen d’une pompe péristaltique.

1.2 Méthodes

Après ouverture de l’abdomen et maintien de ce dernier au moyen d’une pince, le cœur est dégagé. L’artère dorsale est clampée et la pompe péristaltique arrêtée. Rapidement, la canule est introduite à la base du cœur puis remontée dans l’aorte et clampée. La pompe préalablement réglée à un débit de 60 mL/min est enclenchée. Les rats sont perfusés avec 300 à 400 mL de PAF à 4% à froid. Le cerveau est alors prélevé puis stocké une semaine pour post-fixation dans du PAF à 4°C. Le maintien des échantillons biologiques à 4°C permet de limiter l’action des phosphatases ce qui permet l’étude des protéines dans leurs différents états de phosphorylation.

2 Coupe des cerveaux au vibratome

2.1 Matériels

Le vibratome utilisé est un LEICA VT1000S. Les cerveaux sont coupés dans du tampon Sorensen PBS (PBS) 0,1M, pH = 7 ,4 (2,2 g/l NAH2PO4,H2O; 14,95 g/L

NA2HPO4,2H2O; 9 g/l NaCl) puis stockés à -20°C dans de l’anti-freeze (28,74mL de

Solution phosphate A 0,2M [27,6 g/l NAH2PO4,H2O]; 96 mL de Solution phosphate B

0,2M [35,6 g/L NA2HPO4,2H2O]; 375 mL H2O mQ; 300 mL Ethylène glycol; 200 mL Glycérol).

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Matériels et Méthodes

2.2 Méthodes Après post-fixation de 7 à 10 jours dans le PAF à 4°C, le cerveau est coupé en trois parties après troncature des bulbes et du cervelet (Photo 1). Les différentes parties sont collées du côté de la coupe sur la plaque du vibratome. Le tout est alors immergé dans une solution de PBS à 4°C (glace). Les paramètres de la coupe sont les suivants : vitesse= 0.4mm/s ; fréquence= 40Hz ; épaisseur=50µm.

Photo 1 : Photo d’un cerveau de rat face ventrale – les traits rouges représentent les coupes effectuées

3 Immunohistochimie

Les coupes flottantes sont lavées (4x10 minutes) dans du tampon (PBS à pH=7,4 ; cf 2.1) la veille puis de nouveau le matin de l’expérience (4x10 minutes). Elles sont dans un premier temps traitées pendant 30 minutes avec une solution de méthanol contenant

0,5% de H2O2 afin de bloquer l’activité des peroxydases endogènes et solubiliser les membranes lipidiques. Elles sont ensuite lavées pendant 4x10 minutes. Puis, les coupes sont incubées pendant 45 minutes à température ambiante avec du tampon PBS contenant 0,3% de triton X-100 (détergent) et 3 % de sérum normal de l’espèce produisant l’anticorps secondaire afin de saturer les sites non spécifiques. Après élimination de la solution dite de « blocage », les coupes sont incubées avec l’anticorps primaire dilué dans du tampon contenant 0,3% de triton X-100 et 1% de sérum normal pendant 72h à 4°C sous agitation constante. La nature, la concentration des anticorps ainsi que le type de sérum normal utilisés sont indiquées dans la table ci-dessous. Nom Anticorps primaires RECA Anticorps Marque Abcam primaire Concentration 1/1000 Espèce Mouse Nom Anticorps secondaire Horse anti-Mouse IgG Anticorps Marque Vector Laboratories secondaire Concentration 1/200

Tableau 2 : Caractéristiques des anticorps utilisés dans notre étude

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Matériels et Méthodes

A l’issue de cette incubation et après lavage dans du tampon PBS (4x10 minutes), les coupes sont incubées 1h30 avec l’anticorps secondaire biotinylé approprié dilué dans du tampon PBS contenant 1% de sérum normal. Les coupes sont ensuite lavées (4x10 minutes) et incubées avec une solution de streptavidine/biotine à 0,5 % pendant 1h30. Cette étape permet une amplification du marquage. Après lavages successifs dans du tampon PBS (2x10 minutes) puis du tampon Tris (pH=7,4), l’activité péroxydasique est révélée en employant la 3,3-diaminobenzidine (DAB ; 50 mg/100mL) comme chromogène associé ou non à du Nickel. Les coupes sont incubées avec la DAB ou DABNi et 1,2 % de H2O2 sous contrôle visuel. Un temps d’incubation est défini pour chaque type de marquage et est appliqué à l’ensemble de la manipulation. Les coupes sont alors lavées dans du tampon Tris (2x10 minutes) puis du tampon Tris-NaCl (2x10 minutes) avant d’être montées sur lames gélatinées (5g/L). Elles sont ensuite déshydratées par plusieurs bains successifs de concentrations croissantes d’éthanol et un bain d’histosol. Enfin, elles ont été recouvertes d’une lamelle recouverte de Shandon. Après séchage, les lames sont nettoyées et les photos sont prises.

4 Quantification du Marquage

Les photos sont prises sur un microscope (Leica) couplé à une caméra CoolSNAP- HQ photometrics. Les paramètres de luminosité et de temps d’exposition sont fixés pour un même marquage. Les photos sont enregistrées en .tiff (1392*1040 pixel). La quantification du marquage se fait sur le logiciel ImageJ (licence libre) grâce à un plug-in qui permet de définir le bruit de fond de l’image et le soustrait à la zone d’intérêt. Un seuil de niveau de gris correspondant au marquage est défini puis différents paramètres sont enregistrés : la moyenne de niveau de gris, la densité intégrée, le nombre de cellule marquées correspondant au seuil de niveau de gris défini pour toutes les images.

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Matériels et Méthodes

V Techniques d’étude de paramètres physiologiques

1 Microdialyse intracérébrale et électrophysiologie extracellulaire sur animal anesthésié : études in vivo

L’équipe du Pr Spampinato et le Dr Panin ont mis en place une procédure permettant l’étude en parallèle de l’activité des neurones dopaminergiques de l’ATV et des concentrations extracellulaires de dopamine dans le NAc (figure 2). Après chirurgie (implantation d’un cathéter intra-fémoral, d’une électrode d’électrophysiologie, d’une canule de microdialyse), nous mesurons, en conditions basales et en réponse à la cocaïne, l’activité des neurones dopaminergiques de la VTA et les taux extracellulaires de dopamine dans le NAc, selon le protocole mesuré dans la figure 3..Toutes les mesures ont été réalisées pendant la période d’acivité des rats, sans connaître le groupe expérimental de l’animal au moment du test.

Figure 2: Représentation schématique du montage expérimental

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Matériels et Méthodes

Figure 3 : Protocole permettant, in vivo, l’étude de l’activité des neurones dopaminergiques de l’ATV par électrophysiologie extra-cellulaire et le suivi du relargage de dopamine dans le NAc par microdialyse

1.1 Chirurgie stéréotaxique sous anesthésie générale

Un cathéter en silicone est inséré sous anesthésie (isoflurane 1,5%) dans la fémorale pour l’administration de cocaïne en fin d’expérience. L’animal est ensuite fixé dans un appareil stéréotaxique (David Kopf, Phymep) à l’aide de barres d’oreilles. L’avant de la tête est bloqué dans un masque relié au système d’anesthésie. Leur température corporelle est contrôlée et stabilisée à 37 ± 0,1°C par l'intermédiaire d’une sonde rectale reliée à une couverture chauffante (CMA 150, Carnégie Medecin, Phymep). Les coordonnées stéréotaxiques des structures à étudier ont été préalablement déterminées au moyen d’un atlas stéréotaxique (Paxinos et Watson, 1986) et appliquées sur des rats test. Elles ont dû être adaptées en raison du poids élevé des animaux (500 à 600 g). Pour ces coordonnées, la position antéro-postérieure est obtenue à partir du bregma, la latéralité à partir du sinus longitudinal et la profondeur à partir de la surface du cortex pour l’électrode d’enregistrement, et à partir de la surface du crâne pour la canule de microdialyse. La canule de microdialyse est implantée dans la zone shell du NAc (Zocchi et al., 2003) et une électrode d’enregistrement est descendue dans l’ATV (Einhorn et al., 1988) selon les coordonnées suivantes (figure 4) :

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Matériels et Méthodes

NAcc (shell) ATV Antéropostériorité : +2,4 mm -5,4 à -5,8 mm Latéralité : +1,1 mm -0,4 à -0,8 mm Profondeur : -7,0 mm -7 à –8 mm

Figure 4: Planches stéréotaxiques indiquant le lieu d’implantation (en jaune) de la canule de microdialyse (A) et l’électrode d’enregistrement (B).

1.2 Electrophysiologie extracellulaire des neurones dopaminergiques de la VTA

Collaboration avec le Docteur Francesca PANIN.

a) Matériel

Pour l’enregistrement de l’activité des neurones dopaminergiques (DA), des électrodes simples sont construites à partir d’un tube de borosilicate de 1.5 mm avec filament interne (WPI, UK). Ces tubes sont étirés sur une étireuse verticale (PE-21, Narishige INC., NY, USA) et l’extrémité est cassée, contre un barreau de verre, sous le microscope, afin d’obtenir une pointe de 2 à 3 μm de diamètre. Remplies avec une solution d’acétate de sodium 0.5M (saturé par du Fast Green 1%, un colorant permettant le contrôle histologique), ces électrodes ont une impédance de 2 à 4 MΩ. La descente de l’électrode est effectuée au moyen d’un micro-descendeur hydraulique (modèle M640, David Kopf Instruments, Tujunga, CA). Le signal, recueilli par un fil d’argent chloruré inséré dans l’électrode, est amplifié 2000 fois par un amplificateur à haute impédance d’entrée (Dagan 2400A, Dagan Corporation, MN, USA), filtré entre 0.4 et 1 kHz et distribué aux différents appareils de visualisation et d’acquisition du signal. La sortie de l’amplificateur est connectée à un oscilloscope mixte analogique et digital (HM507, Hameg), un ‘audio-monitor’ (constitué d’un amplificateur et d’un haut-

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Matériels et Méthodes parleur, Grass AM-10), un discriminateur d’amplitude (Window Discriminator WD-2, Dagan Corporation, MN, USA) permettant de détecter les PA par seuillage d’amplitude, une interface analogique/digitale (CED 1401 ; Cambridge Electronic Design ; Cambridge, UK) permettant la digitalisation (fréquence d’échantillonnage de 10 kHz) et le transfert des signaux à un ordinateur par le logiciel Spike2 (CED Cambridge, UK), qui permet l’acquisition du signal en temps réel et l’analyse successive. a Analyse des signaux électrophysiologiques

L’enregistrement extracellulaire unitaire permet de détecter les PA (Potentiel d’Action) émis par un seul neurone. L’amplitude du potentiel mesuré dépend de la distance entre l’électrode et la source du courant, c'est-à-dire le corps cellulaire du neurone ou son axone. De par les propriétés capacitives et résistives des membranes neuronales, le potentiel extracellulaire mesuré correspond à la dérivée seconde du potentiel transmembranaire. Du fait de la faible résistance électrique du milieu extracellulaire, les potentiels enregistrés sont de faible amplitude : 0,05-5 mV contre plusieurs dizaines de mV en enregistrement intracellulaire. Ce type d’enregistrement ne permet pas d’avoir accès aux potentiels post-synaptiques qui, eux, sont de faible amplitude (quelques mV). De plus, en enregistrement extracellulaire, les PA sont de forme polyphasique (bi ou triphasique), alors qu’ils sont uniphasiques en enregistrement intracellulaire. Cependant, la temporalité des événements est conservée ; ainsi l’analyse des fréquences et du patron de décharge des PA émis par un neurone peuvent être effectués à partir d’enregistrements extracellulaires unitaires. b Vérification du caractère unitaire de l’activité

L’électrophysiologie extracellulaire permet à priori d’étudier l’activité d’un seul neurone. Il est postulé que pour un neurone donné, l’amplitude des PA est constante, et donc que si 2 populations de PA d’amplitudes différentes sont observées, ils correspondent à l’activité de deux neurones. Or la constance de l’amplitude des PA n’est pas vérifiée dans la majorité des types neuronaux (Buzsaki and Draguhn 2004). Par exemple, au sein des bouffées, l’amplitude des PA d’un même neurone peut diminuer fortement (phénomène d’accommodation). Avant d’analyser les propriétés de décharges des neurones enregistrés, il est donc nécessaire de vérifier que les PA détectés correspondent à l’activité d’un seul et unique

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Matériels et Méthodes neurone. Ceci est réalisé une première fois, au moment de l’enregistrement par observation du signal sur l’oscilloscope, mais cela n’est pas toujours suffisant pour s’assurer que l’activité est unitaire. Une méthode classiquement utilisée pour exclure l’analyse d’une activité multi-unitaire consiste à analyser l’intervalle de temps minimal entre 2 PA sur toute la période enregistrée. En effet, il est impossible pour un neurone d’émettre 2 PA dans un laps de temps inférieur à la période réfractaire. Celle-ci tient au temps de réactivation des canaux sodiques voltage-dépendants à l’origine des courants générant les PA. Cette période réfractaire dépend du type neuronal étudié, mais on peut considérer qu’elle est de l’ordre de la milliseconde. Différentes méthodes d’analyses permettent d’avoir accès à cet intervalle minimal à partir de l’enregistrement : distribution des intervalles inter-PA, autocorrélogrammes, ou même analyse des fréquences instantanées (correspondant à l’inverse de l’intervalle inter-potentiel d’action) en fonction du temps. Ainsi, de telles analyses ont été réalisées sur tous les neurones enregistrés. Pour tout enregistrement comprenant des fréquences instantanées trop élevées, un nouveau seuillage a été réalisé avec le logiciel Spike2 (CED, Cambridge, UK). Les enregistrements n’ayant pu être retraités de manière satisfaisante ont été exclus de l’analyse. c Analyse de l’activité de base des neurones dopaminergiques

Dès que la décharge d’un neurone est détectée et isolée du bruit de fond, son activité spontanée est enregistrée jusqu’à obtention de 3 minutes consécutives d’activité stable, déterminée par une variation inférieure à 5% de la fréquence moyenne de décharge (par 10s). Trois à 10 neurones par rat ont ainsi été enregistrés. Pour chaque neurone, ont été analysés les paramètres suivants (voir figure 5 pour exemple): la fréquence moyenne de décharge ainsi que l’activité en bouffées. La fréquence moyenne de décharge (firing rate) est définie comme la moyenne du nombre de PA par seconde (Hz). Pour ce qui concerne les bouffées (bursts), les critères de détection sont ceux classiquement utilisés et définis par Grace et Bunney (Grace and Bunney 1983; Grace and Bunney 1984). Une bouffée est un ensemble de PA dont le début correspond à l’occurrence de 2 PA avec un intervalle inférieur à 80ms et la fin à une occurrence supérieure à 160ms. Différents paramètres caractérisent l’activité en bouffées. En particulier, nous avons analysé le % de PA par bouffée (Bursting Activity), la moyenne du nombre des PA par bouffée (Burst Size) et la fréquence du nombre de bouffées (Burst Event Frequency).

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Matériels et Méthodes

Nous avons également comptabilisé le nombre de neurone par trace (cells/track). Pour cela, la recherche des neurones a été faite en bougeant l’électrode sur un parcours standard de 9 traces (tracks) espacées de 200µm l’une de l’autre en médio-latéralité (ML) et en antéro-postérieurité (AP). Le parcours de 9 traces a été créé en croisant trois coordonnées ML (0.4, 0.6, 0.8) et trois coordonnées AP (5.4, 5.6, 5.8) (Shen, Choong et al. 2007). Ensuite, le nombre total des neurones rencontrés pour chaque rat a été divisé par le nombre de traces effectuées (9) pour obtenir une moyenne des nombres des neurones actifs par trace.

Figure 5 : Exemple de patron de décharge d’un neurone dopaminergique et des paramètres étudiés. 1- Fréquence moyenne de décharge, 2- activité en bouffées, 3- fréquence des bouffées, 4- taille des bouffées d Analyse des effets de la cocaïne sur l’activité des neurones dopaminergiques

En fin d’expérience, nous mesurons la réponse à la cocaïne sur le dernier neurone isolé. Pour cela, une fois vérifié que l’activité de base est stable pendant au moins 3 min, la cocaïne est administrée en i.v. de façon cumulative pour pouvoir construire une courbe dose-réponse. Toutes les minutes une dose de cocaïne est administrée, chaque dose doublant la quantité totale de cocaïne précédemment injectée. Les huit doses injectées s’échelonnent de 0,0125 mg/kg à 1,6 mg/kg (Hinerth et al., 2000).

1.3 Microdialyse pour la mesure de la dopamine extracellulaire dans le NAc

Collaboration avec l’équipe du Professeur Umberto Spampinato. La microdialyse cérébrale consiste en l'introduction, dans une région cérébrale précise, d'une membrane (copolymère de cuprophan, "cut-off" 6000 Daltons) semi- perméable à l'eau et aux petites molécules. Lorsque la membrane est perfusée en permanence avec une solution, elle devient l'interface entre deux milieux liquidiens: le milieu extracellulaire (ou interstitiel) cérébral et

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Matériels et Méthodes le milieu de perfusion. Les molécules sont alors échangées par simple diffusion dans les deux directions selon les propriétés de perméabilité de la membrane et le gradient de concentration. La diffusion est donc le principe fondamental de la microdialyse. La direction des mouvements de diffusion dépend exclusivement des gradients de concentration de part et d'autre de la membrane de dialyse. Cette technique permet la mesure répétée de concentrations dans le milieu extracellulaire sans nécessiter de biopsie ou d'extraction tissulaire. L'équilibre avec le milieu extracellulaire se fait quand la solution de perfusion est au contact de la membrane. Les dialysats recueillis sont ensuite analysés par chromatographie liquide à haute performance (CLHP). Pour cette étude, la microdialyse cérébrale a été utilisée pour mesurer la libération basale de dopamine et en réponse à une injection de cocaïne. a Matériel et Méthode

La canule de microdialyse (CMA 11, longueur de membrane de 2mm, Ø 240 µm, Carnégie Medecin, Phymep) est perfusée, à l’aide d’un pousse seringue (CMA 100, Carnégie Medecin, Phymep), à un débit de 2µl/min, avec un liquide céphalo-rachidien artificiel dont la composition est la suivante : (en mM) NaCl : 145; KCl : 2,7; MgCl2 : 1;

CaCl2 : 1,2 préparé dans une solution tamponnée (Na2HPO4/NaH2PO4 2 mM) à pH 7,4. Le rendement relatif des canules (i.e. l’efficacité du passage des molécules à travers la membrane perfusée au débit de 2 µl/min), établi en plongeant les canules dans une solution à concentration connue en DA, est d'environ 10%. Les canules sont utilisées plusieurs fois.

Après chaque expérience, elles sont rincées par les solutions suivantes: H2O; éthanol 75%;

H2O. Une période de 120 min après la descente de la canule de dialyse est nécessaire pour la stabilisation de la libération basale de dopamine ; temps de stabilisation pendant lequel aucun dialysat n’est prélevé. Les dommages tissulaires liés à l’implantation de la sonde de dialyse, comme la rupture de la barrière hémato-encéphalique (Whittle et al., 1998) et qui semblent néanmoins limités à de microhémorragies, entraînent une libération non spécifique de dopamine. A l’issue des 120 minutes de stabilisation, des échantillons (30µl) sont collectés toutes les 15 min dans des fioles en plastique placées sur de la glace pilée (4°C) jusqu’à analyse (Carboni et al., 2001).

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Matériels et Méthodes

Les dialysats récoltés sont immédiatement analysés par chromatographie liquide à haute performance (C.L.H.P.) (figure 6). Chaque dialysat est injecté à l’aide d’une vanne (injecteur, 7725i, Rhéodyne) en amont de la colonne sur laquelle les molécules sont séparées selon leurs propriétés physico-chimiques (polarité). Les molécules en sortie de colonne pénètrent dans la cellule de détection ampérométrique où elles sont soumises à un potentiel d’oxydation au niveau de l'électrode maintenue à un potentiel de + 0.45V. L’oxydation des molécules libère des électrons, ce qui entraîne un courant proportionnel à la quantité de produit oxydé.

Les différents éléments composant la C.L.H.P sont les suivants : - un détecteur programmable (Détecteur Decade-Antec – Lieden, Hollande), dont l’enceinte est thermostatée à 30°C à l’aide d’un four et qui est équipé d'une cellule électrochimique de type Ag/AgCl (VT-03 munie d'un "espaceur" de 25 µm, Polymer Laboratories) permettant de détecter la dopamine. - une colonne de chromatographie en phase inverse (Equisil BDS-C18 5µm, 250×2 mm, Cil Cluzeau) - un injecteur manuel (vanne Rhéodyne type 7725i) - une pompe isocratique (LC-10ADvp, Shimadzu)

- une phase mobile dont la composition est la suivante : NaH2PO4 70 mM, EDTA 0,1 mM, octansulfonate 0,2 mM, méthanol 10%, ajustée à pH 4,9 avec de l’acide orthophosphorique. Cette phase est filtrée sur membrane durapore (Ø 47 mm, 0,22 µm, Millipore) puis dégazée sous vide pendant 30 minutes. Elle est délivrée par la pompe isocratique à un débit de 250µl/min.

Figure 6 : Schéma représentant la chromatographie liquide à haute performance (H.P.L.C.)

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Matériels et Méthodes

Dans le but d’identifier un composé donné, ici la DA, les paramètres de détection sont réglés au moyen de solutions standards de concentration connue, trois concentrations croissantes dupliquées. Chaque composé possède un pic caractéristique, en fonction des conditions chromatographiques (température, phase mobile, pH), permettant la séparation adéquate du composé désiré dans les dialysats. La calibration est stockée en mémoire sur l'ordinateur (Logiciel CLASSvp, Shimadzu). Dans nos conditions, le temps de rétention de la DA est de 4,2 min et le seuil de détection (sensibilité) est de 0,06 pg/30µl (signal/bruit; 3/1). La quantification des dialysats se fait en fonction de cette calibration. La quantification de la dopamine par CLHP est effectuée en comparant la surface du pic du dialysat avec celle d’un standard externe de concentration connue. Les résultats sont fournis en pg/30µl de dialysat.

b Détermination de la concentration basale de DA

Après une période de stabilisation (120 minutes) suivant la descente des canules, les trois échantillons successifs dont les taux en DA ne varient pas de plus de 10% entre eux nous permettent de définir les niveaux de base de DA extracellulaire. Les résultats sont exprimés en pg/30µl de dialysat.

c Effet de la cocaïne sur les concentrations de DA

Etant assuré que la ligne de base est stable, nous mesurons l’effet d’une administration de cocaïne. Huit doses (1 par min) sont successivement administrées permettant de tester un effet dose de la cocaïne sur l’activité électrophysiologique des neurones DA. Les dynamiques des évènements détectés par l’électrophysiologie et la microdialyse étant différentes, pour ce qui concerne la microdialyse, nous analysons l’effet de la dose cumulative (1.6 mg/kg administrée sur 7 min) de cocaïne sur la dopamine et considérons l’échantillon prélevé 15 mn après la dernière injection de cocaïne. La quantité de dopamine après cocaïne est exprimée en pourcentage de la valeur basale ± l’écart standard à la moyenne (esm) et en valeur absolue (pg). Les paramètres analysés sont : la quantité de dopamine en condition de base ainsi que la réponse à une seule dose cumulative (1,6 mg/kg) de cocaïne administrée en i.v.

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Matériels et Méthodes d Vérification histologique

Dès l'arrêt de la perfusion, le rat est décapité; le cerveau est prélevé et placé dans une solution de formol à 10% pour effectuer une vérification histologique. Des coupes frontales d'une épaisseur de 60 µm sont récupérées sur des lames de verre préalablement gélatinisées et ensuite colorées à la thionine. L'ensemble de ces coupes est observé au microscope optique et seuls les animaux présentant une descente conforme aux coordonnées prédéfinies, sont retenus pour l'analyse des résultats.

2 Electrophysiologie sur tranches dans le PFM et le NAc

2.1 Préparation des coupes

Les rats sont anesthésiés avec un mélange de ketamine (100 mg/kg) /xylacine (1 mg/kg) puis décapités. Des coupes coronales de cerveau (300 µm) sont obtenus avec un vibratome (Integraslice, Campden Instruments, Loughborough, UK) et maintenus dans une solution de sucrose physiologique à 4° C (en mM: 87 NaCl, 75 sucrose, 25 glucose, 5 KCl, 21 MgCl2, 0.5 CaCl2 and 1.25 NaH2PO4). Les coupes sont immédiatement stockées 40 min à 32-35°C dans un fluide céphalo-rachidien artificiel appauvri en calcium (low Ca – ACSF contenant en mM : 130 NaCl, 11 Glucose, 2.5 KCl, 2.4 MgCl2, 1.2 CaCl2, 23 NaHCO3, 1.2 NaH2PO4, et équilibrée avec 95% O2/5% CO2). Ensuite, les coupes sont stockées dans un fluide low Ca - ACSF à température ambiante jusqu’aux enregistrements. Pour les enregistrements, les coupes sont placées dans la chambre d’enregistrement et perfusées (1.5 - 2 ml/min) avec de l’ACSF faible en calcium pour le PFM et de l’ACSF (2.4 mM CaCl2 et 1.2 mM MgCl2) pour le NAc. Toutes les expériences sont réalisées à 30-32°C. Le milieu d’enregistrement contient de la picrotoxin (100 µM) pour bloquer les récepteurs GABAA. Toutes les drogues sont ajoutées de façon à obtenir la concentration finale souhaitée dans le milieu d’enregistrement.

2.2 Electrophysiologie

Les neurones medium spiny (MSN) sont identifiés grâce à leurs caractéristiques morphologiques (forme aplatie de rein, taille moyenne) et électrophysiologiques (faible résistance entrante, dépolarisation lente, réponse différée lors des paliers de courants positifs). De plus, l’abondance de MSN dans le complexe striatal (90-95 % de la

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Matériels et Méthodes population neuronal) permet d’éviter toute contamination par l’enregistrement d’interneurones. Les cellules pyramidales des couches 5 et 6 du PFM sont en premier lieu identifiées par videomicroscopie (Nomarski optics sous infrarouge, objectif à immersion à eau x40) (Stuart et al. 1993) puis en second lieu grâce à un marquage avec de la biocytin réalisé après les expérimentations. Les enregistrements en patch-clamp cellule entière et les enregistrements de potentiels de champ ont été réalisés dans le NAc Core et le PFM. Pour les expériences de patch-clamp, les solutions intracellulaires contenaient (en mM) : 128 Cesium Methane- + Sulfonate (CH3O3SCs pour le voltage clamp) or K Gluconate (pour le current clamp), 20 2+ + NaCl, 1 MgCl2, 1 EGTA, 0.3 CaCl2, 2 Na ATP, 0.3 Na GTP, tamponées avec 10 Hepes, pH 7.3, osmolarité = 290-300 mOsm. La résistance de l’électrode est de 4-6 MOhms. Dans le but d’évaluer la résistance d’accès (Ra), une hyperpolarisation de 2 mV est appliquée avant chaque courant post- synaptique excitateur (EPSC) provoqué. La Ra n’était pas compensée et les cellules étaient écartées si la Ra était supérieure à 40 MOhms ou vairait de plus de 20% au cours de l’expérience. Pour l’enregistrement de potentiels de champ (fEPSP), les électrodes étaient remplies avec de l’ACSF. Les enregistrements ont été réalisés au moyen d’un Axopatch- 200B (Molecular Device, Sunnyvale, USA). Les données ont été filtrées à 1-2 kHz, numérisées à 10 kHz sur une interface DigiData 1332A (Molecular Device, Sunnyvale, USA), collectées sur un PC utilisant Clampex 10 et analysées avec Clampfit 10 (Molecular Device, Sunnyvale, USA). Pour provoquer des courants synaptiques, des stimuli (durée = 100 µsec) étaient delivrés à 0.067 – 0.1 Hz avec une pipette de verre remplie d’ACSF et placée à une distance supérieure à 150µM du corps cellulaire.

2.3 Paramètres Physiologiques étudiés

Les propriétés intrinsèques des MSN du NAc et des cellules pyramidales des couches 5/6 du PFM ont été étudiées. Dans les deux structures, le ratio AMPA/NMDA (un index clé de la fonctionalité des synapses glutamatergiques) ainsi que l’activité synaptique spontanée [au travers des courants postsynaptiques excitateurs spontanés (sEPSCs)] ont également été évalués. Enfin dans le NAc et le PFM, une forme de plasticité synaptique, la

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Matériels et Méthodes dépression à long terme (LTD) a été testée. Précisément, les LTDs NMDA- et mGluR2/3- dépendantes dans le NAc et les LTDs mGluR2/3 et eCB dépendantes dans le PFM. a Propriétés intrinsèques des neurones Les propriétés membranaires intrinsèques des MSN et des cellules pyramidales des couches 5/6 du PFM ont été étudiées en enregistrement current-clamp. Le potentiel membranaire de repos est estimé dès que la configuration cellule entière est obtenue. Il correspond à la différence de voltage entre l’électrode (à l’intérieur de la cellule) et la référence située hors de la cellule. Pour tester la résistance membranaire, une courbe courant-voltage est réalisée. La résistance membranaire est estimée aux environs du potentiel membranaire de repos. Pour tester l’excitabilité des neurones, on estime le nombre de potentiels d’action (PA) émis en réponse à l’application de paliers de courants hyperpolarisants et dépolarisants. b Activité synaptique spontanée : mesure des courants post-synaptiques excitateurs spontanés (sEPSCs) Les sEPSCs sont enregistrés en configuration voltage-clamp sur cellule entière en utilisant un Axoscope 10 (Molecular Device, Sunnyvale, USA). Les sEPSC enregistrés à - 70 mV sont détectés grâce à un gabarit d’sEPSCs. Ce gabarit est généré, grâce à Clampfit 10 (Molecular Device, Sunnyvale, USA), à partir d’une moyenne de plusieurs évènements synaptiques typiques. Il est glissé le long du tracé de données. A chaque mesure, le gabarit est positionné de manière à correspondre de façon optimum à chaque point de données. Une amplitude seuil de 6 pA est appliquée, équivalent à 2.5 fois la déviation standard du bruit de fond. c Rapport AMPA sur NMDA. Le rapport entre les courants médiés par les récepteurs AMPA (AMPA) et les courants médiés par les récepteurs NMDA (AMPA/NMDA) est calculé à partir de la mesure d’EPSCs provoqués alors que le potentiel de la cellule est maintenue à +40 mV. Une première stimulation est efectuée en présence de picrotoxine (antagoniste des récepteurs GABAA). Cette condition permet d’enregistrer les EPSCs médiés par les récepteurs AMPA et NMDA. La composante AMPA de l’EPSC est isolée après application, dans le bain, d’un antagoniste NMDA, le DL-AP-V (100µM). La composante NMDA de l’EPSC est, quant à elle, obtenue par soustraction de la composante AMPA à partir du signal total de l’EPSC.

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Matériels et Méthodes d Les dépressions synaptiques à long terme (LTDs)

La Dépression à Long Term (LTD) NMDA-dépendante : Après 10 minutes d'enregistrement stable d’EPSCs, la LTD est induite au moyen d'un protocole d'appariement [trois trains de stimuli à 5 Hz (durée du train : 3 min, 5 minutes d'intervalle entre chaque train), la cellule étant maintenue à – 50mV (Martin, Chen et al. 2006). Pour évaluer la LTD, sont considérés les EPSCs enregistrés 20 à 30 minutes après induction de la LTD. Leur amplitude, exprimée en pourcentage de l’amplitude des EPSCs produits en condition de base, permet d’évaluer l’amplitude de la LTD.

AMPAR NMDAR 1 2 3

Ca++ Calcineurin, PP1

4 TerminaisonGLU terminal Clathrin-mediated glutamatergique endocytosis of AMPAR

EPSC

Co control LTD

Figure 7: Mécanisme de la LTD NMDA-dépendante. Avant induction de la LTD, la stimulation de la terminaison glutamatergique provoque un EPSC d’amplitude Contrôle (en noir). Le protocole d’induction de la LTD consiste en l’application d’un train de stimulation (1) qui provoque une libération de glutamate (2) activant les récepteurs NMDA (NMDAR). Cette activation provoque une augmentation du calcium et une activation de la calcineurine post-synaptiques (3), conduisant à une internalisation des récepteurs AMPA (AMPAR) (4). L’EPSC évoqué après l’application du protocole de LTD est d’amplitude réduite (LTD, EPSC en rouge).

La Dépression à Long Term (LTD) mGluR2/R3-dépendante : Après 10 minutes d'enregistrement stable d’fEPSPs, l’agoniste mGluR 2/3, LY 379268 (0.1 µM), est appliqué pendant 10 minutes. Pour l’estimation de la LTD, sont considérés les fEPSP enregistrés 30 à 40 minutes après que l’agoniste mGluR2/3 ait été éliminé de la solution baignant la coupe. Leur amplitude, exprimée en pourcentage de l’amplitude des fEPSPs produits en condition de base, permet d’évaluer l’amplitude de la LTD.

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Matériels et Méthodes

Ca++

Ca++ Postsynaptic TerminaisonGLU terminal Epine post-synaptiquespine glutamatergique fEPSP mGluR 2/3

Canauxp/q ca++ Ca2+ channels p/q controlC AMPAR LY NMDAR LY -- LYLY 379268: 379268 : LY -- mGluRAgoniste 2/3 specific spécifique agonist mGluR2/3

-- Ca++ -- Ca++

fEPSP

control after LTD Cont LTD

Figure 8 : Mécanisme de la LTD mGluR2/3-dépendante. Avant induction de la LTD, la stimulation de la terminaison glutamatergique provoque une libération de glutamate dépendant de l’activation de canaux calciques p/q. Cette libération est à l’origine d’un fEPSP d’amplitude Contrôle (fEPSP en noir). Le protocole d’induction de la LTD consiste en l’application d’un agoniste mGluR2/3 qui exerce un contrôle négatif sur les canaux calciques p/q. De façon durable après l’élimination du LY379268, la stimulation de la terminaison glutamatergique provoque des fEPSP d’amplitude réduite (LTD, fEPSP en rouge) par rapport à la condition Contrôle.

La Dépression à Long Term (LTD) eCB-dépendante : l’induction de cette LTD implique l’activation de récepteurs glutamatergiques mGluR1/5 post-synaptiques qui provoquent la libération d’eCB. Agissant comme messagers rétrogrades, les eCB activent les récepteurs pré-synaptiques CB1 qui produisent une diminution de la libération de glutamate. Après 10 minutes d’enregistrement stable, cette forme de LTD est induite en appliquant pendant 10 minutes une stimulation à 10 Hz. Pour évaluer la LTD, sont - Page 84 -

Matériels et Méthodes considérés les EPSCs enregistrés 20 à 30 minutes après induction de la LTD. Leur amplitude, exprimée en pourcentage de l’amplitude des EPSCs produits en condition de base, permet d’évaluer l’amplitude de la LTD.

Figure 9: Mécanisme de la LTD EcB-dépendante (d’après (Heifets and Castillo 2009)). L’étape initiale consiste en l’activation des récepteurs post-synaptiques mGluR1/5 par un train de stimulations. Ces récepteurs couplés à la phospholipase C (PLC) provoquent la formation de diacylglycérol (McKinzie, Rodd- Henricks et al.), qui est converti en un EcB, le 2-arachidonyl glycérol (2-AG). Le 2-AG est ensuite libéré du neurone post-synaptique par un mécanisme qui probablement requiert un transporteur spécifique aux EcB (EMT), il se lie à un récepteur présynaptique aux EcB (CB1R). Au niveau présynaptique, le CB1R inhibe l’adénylate cyclase (AC), réduisant l’activité protéine kinase A (PKA). L’activation de la calcineurine (par l’entrée Ca2+ ou le recrutement de Ca2+ intracellulaire), en association avec la réduction d’activité PKA, facilite la déphosphorylation d’une cible présynaptique (T) qui provoque une réduction durable de la libération de neurotransmetteur.

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Matériels et Méthodes

VI Analyses Statistiques

Tous les résultats représentés correspondent aux moyennes des variables étudiées ± l’erreur standard à la moyenne (ESM). Les analyses statistiques ont été réalisées au moyen du logiciel Statistica 6.0© (StatSoft Inc.) pour les données comportementales, d’électrophysiologie in vivo et de microdialyse, au moyen du logiciel GraphPad Prism (GraphPad Software Inc.), au moyen du logiciel GeneSpring (Agilent) pour les données de microarrays, au moyen de l’application Web base de données GEASE pour les données de qRT-PCR. Un niveau de significativité de p<0.05 a été retenu pour l’ensemble des analyses. Les données comportementales ont été analysées au moyen d’analyses de variance (ANOVA) à deux voies mesures répétées. Les effets principaux ou les interactions significatives révélées par les ANOVAs ont été explorés par des tests post hoc (Newman- Keuls ou Fischer). Des régressions simples entre le score d'addiction (variable dépendante) et des variables neurobiologiques (variables électrophysiologiques, expression génique = variables indépendantes) ont été réalisées. Les données de microarrays ont été analysées au moyen d’un test de Student (non apparié) comparant les niveaux d’expression entre deux groupes expérimentaux. Les données de PCRq ont été analysées au moyen d’un test de Student (unpaired) comparant les Delta-CT entre deux groupes d’intérêt (addicts vs contrôle, non-addicts vs contrôle…). Les données d’électrophysiologie in vitro ont été analysées au moyen d’ANOVAs une ou deux voies. Les effets principaux ou les interactions significatives révélées par ces ANOVAs ont été explorés par les tests post hoc Tukey ou Bonferroni. Afin de déterminer si la LTD a été correctement induite, un test de Wilcoxon pairé a été réalisé en comparant les courants excitateurs postsynaptiques en condition basale à ceux mesurés 20 à 30 minutes après induction de la LTD. Les données d’électrophysiologie in vivo ont été analysés au moyen d’ANOVAs une (pour les paramètres électrophysiologiques mesurés en condition de base) ou deux voies (pour l’effet de la cocaïne) suivies du test post-hoc de Newman-Keuls. Les données de microdialyse ont été analysées au moyen d’une ANOVA une voie (à mesures répétées pour les effets de la cocaïne) suivie du test post-hoc de Fisher (pour l’analyse des taux de base de dopamine). - Page 86 -

Matériels et Méthodes

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Matériels et Méthodes

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Chapitre 1 : Facteurs Neurobiologiques associés à l’addiction à la cocaïne chez le rat :

Approche génomique non ciblée

« Tous les hommes ne sont pas vulnérables de la même façon ; aussi faut-il connaître son point faible pour le protéger davantage. » Sénèque.

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CHAPITRE 1 : FACTEURS NEUROBIOLOGIQUES ASSOCIÉS À L’ADDICTION A LA COCAÏNE CHEZ LE RAT : APPROCHE GENOMIQUE NON CIBLEE

L’approche expérimentale a consisté, et consiste encore majoritairement, à étudier les effets psychobiologiques de la drogue, ou au mieux de la prise de drogue. Or si la drogue et ses effets sont une condition nécessaire à l’addiction, ils ne sont pas une condition suffisante. L’addiction n’est pas un simple usage de drogue, mais un usage compulsif maintenu malgré ses conséquences néfastes. De plus, il apparaît qu’à usage égal de cocaïne, seuls certains individus deviennent addicts. L’étude des altérations neurobiologiques associées à l’addiction doit être abordée par le biais d’une altération du répertoire comportemental du consommateur et en considérant les différences interindividuelles. Cette approche n’ayant jamais été mise en œuvre jusqu’à présent, nous avons fait le choix d’une stratégie non ciblée permettant d’explorer un très grand nombre de facteurs simultanément dans le but de révéler, s’ils existent, des facteurs qui jusqu’alors n’avaient pas été identifiés par les études testant les effets de la cocaïne. Au moyen du modèle d’addiction développé dans notre équipe (Deroche-Gamonet, Belin et al. 2004), nous avons étudié les différences d’expression génique entre rats addicts et non-addicts dans le noyau accumbens au moyen de la technique des micropuces à ADN Affymetrix. L'étude des modifications de l'expression génique, plutôt que de toute autre réponse biologique, se justifie doublement. D'une part, la dépendance se définit clairement comme une pathologie chronique qui persiste bien au-delà de l'arrêt de la consommation de la drogue, comme en témoignent les taux élevés de rechute même après un sevrage de longue durée. Cette chronicité et cette persistance de la maladie suggèrent des modifications stables de l'expression génique. D'autre part, les micro-puces à ADN Affymetrix permettent d'étudier simultanément l'expression de plus de 20 000 gènes ; ce qui correspond à notre souhait d’une approche non ciblée à grande échelle. L’exploitation des résultats obtenus au moyen de cette technique d’exploration du transcriptome étant controversée, nous avons recherché, dans un premier temps, à développer une méthode d’analyse des micropuces à ADN qui soit pertinente. Les données obtenues ont notamment été validées par qRT-PCR, une technique de mesure de l’expression génique, à petite échelle, mais plus sensiblement.

Chapitre 1

I Buts et Expériences

1 Objectifs

L’utilisation des micropuces commence à révolutionner la recherche en biologie et continuera grâce aux informations que cette technique permet d’obtenir. En effet, l’obtention d’échantillons de qualité est longue et coûteuse et un des avantages de cette technique de gene profiling est de permettre de scanner l’expression de dizaine de milliers de gènes en même temps à partir d’une faible quantité d’ARN. Néanmoins, la fiabilité de cette technique novatrice est controversée notamment pour la mise en évidence de différences subtiles. Selon la bibliographie, les résultats obtenus avec les micropuces ne sont fiables que pour des différences d’expression de plus de 100 % (Fold Change (FC) >2) (Dallas, Gottardo et al. 2005). Dans le cadre des neurosciences, l’hétérogénéité des échantillons ajoute un handicap. Elle rend difficile et amenuise la perception des changements d’expression des gènes. Or, ce sont précisément de subtils changements d’expression qui sont attendus dans notre étude. Les différences d’expression génique responsables des différences phénotypiques entre animaux addicts et non-addicts sont en effet probablement moins marquées que les altérations provoquées par la cocaïne, de façon commune, dans les deux phénotypes. Pour cette raison, nous avons étudié les différents paramètres influençant la fiabilité des micropuces afin d’établir un protocole permettant d’obtenir des résultats fiables pour mettre en évidence de nouveaux facteurs neurobiologiques pouvant être impliqués dans l’addiction à la cocaïne.

2 Obtention des échantillons pour l’analyse de l’expression génique par micropuces.

Les échantillons étaient disponibles à mon arrivée au laboratoire. Le protocole expérimental qui avait été suivi pour leur obtention est celui décrit pour le modèle d’addiction (Deroche-Gamonet, Belin et al. 2004). Après mise en place d’un cathéter intra- jugulaire, les rats ont appris à s’auto-administrer de la cocaïne. Après stabilisation de la prise quotidienne, une première série de tests a été réalisée (autour de 25 sessions d’autoadministration). Une deuxième série de tests (au-delà de 70 sessions d’auto- administration) a permis de déterminer le nombre de critères d‘addiction positifs pour chaque rat (figure 1). Les groupes ont alors été constitués : rats addicts ou 3 critères

- Page 92 - Chapitre 1 positifs (n=7), rats non-addicts ou 0 critère positif (n=7), rats contrôles (n=7). Le score des groupes addict et non-addict pour chaque critère d’addiction était significativement différent alors que leur consommation de cocaïne journalière ne diffèrait pas (figure 2 A et B). Les rats ont été sacrifiés 24h après la 96ème session d’auto-administration et plusieurs structures cérébrales ont été rapidement prélevées.

Figure 1 : Schéma représentant le protocole suivi pour l’obtention des échantillons utilisés en microarrays et en PCRq.

- Page 93 - Chapitre 1

Consommation de cocaïne

Temps (jours d’auto-administration)

Figure 2 : A- Moyenne des scores obtenus à chaque critère d’addiction et B- consommation journalière totale de cocaïne pour les rats addicts ( ) et non-addicts ( ) (moyenne par groupe, n=7, +ESM) (Deroche- Gamonet, Belin et al. 2004)

- Page 94 - Chapitre 1

II Validation d’une méthode d’analyse de micropuces à ADN

1 Paramètres influant la fiabilité des résultats de microarrays

Pour mettre en place cette méthode nous nous sommes, tout d’abord, basé sur les différents conseils trouvés dans la bibliographie. Ainsi, nous nous sommes penchés sur la maîtrise des différentes sources de variabilité : biologique, expérimentale et technique. La variabilité technique étant habituellement considérée comme la plus faible, nous nous sommes premièrement focalisés sur les variabilités biologique et expérimentale.

1.1 Variabilité individuelle :

Certains paramètres sont connus pour affecter l’expression des gènes. Ainsi le stress, les infections et le rythme circadien qui sont de puissants régulateurs de l’expression génique peuvent être à l’origine de variabilité interindividuelle et peuvent masquer les différences biologiques d’intérêt. Le stress peut être réduit en premier lieu en faisant une période d’habituation à la manipulation assez longue et en désignant un ou deux expérimentateurs uniques pour l’ensemble du protocole. Deux autres paramètres expérimentaux à maîtriser, connus pour augmenter le stress, sont la luminosité et le bruit. Le rythme circadien doit être respecté. Dans notre protocole, tous les rats subissent les différents tests comportementaux aux mêmes heures du cycle. Le port systématique de gants, d’un masque ainsi que la désinfection quotidienne du matériel et du plan de travail permettent de limiter les facteurs d’infection. Le contrôle de ces facteurs va permettre de limiter les différences interindividuelles non pertinentes.

1.2 Etude sur pool d’individus ou par individus ?

Pooler est une méthode très attrayante sur un plan économique. Elle consiste ici à regrouper les échantillons issus des addicts d’une part et des non-addicts d’autre part. Elle

- Page 95 - Chapitre 1 permet en théorie de diminuer la variabilité individuelle et surtout de diminuer le nombre d’échantillons nécessaire. Néanmoins, entre deux groupes d’individus poolés une majorité des gènes identifiés comme différentiellement exprimés ne le sont que par la contribution d’un individu extrême dans l’un des pools (Reimers 2005; Reimers, Heilig et al. 2005; Chu, Fink et al. 2007).

1.3 Étude par structure cérébrale

La nature hétérogène du cerveau et le rôle très différents de chacune des structures qui le composent justifient que les études par micropuces à ADN ne peuvent se faire sur cerveau entier. L’expression des gènes pouvant être totalement différente selon les structures cérébrales. C’est pourquoi nous avons été très attentifs à la qualité et reproductibilité de la dissection de nos structures d’intérêt. L’utilisation d’une matrice en inox nous a permis d’obtenir des coupes coronales de cerveaux de 1mm d’épaisseur régulières puis la dissection des structures d’après les coordonnées neuroanatomiques de Paxinos (Paxinos, Watson et al. 1980) a été réalisée par le même expérimentateur pour l’ensemble des manipulations.

1.4 Qualité des ARN

La qualité des ARN est primordiale pour la qualité des résultats obtenus grâce aux micropuces. Ainsi, après extraction, la qualité des ARN est mesurée grâce au Bioanalyser (Agilent). Cet appareil mesure les signes de dégradation de l’ARN beaucoup plus sensiblement que par gel d’agarose classique. Il permet de calculer de manière fiable le RIN (RNA Integrity Number) (Schroeder, Mueller et al. 2006). Seuls les ARN dont le RIN>1,8 sont conservés dans notre étude.

1.5 Quelle plateforme ?

Il existe différents types de plateforme de micropuces à ADN. En accord avec différents auteurs, le système Affymetrix est actuellement le plus populaire mais surtout le plus standardisé des systèmes de puces à ADN. Il est également celui qui présente le plus d’avantages (Shedden, Chen et al. 2005; Canales, Luo et al. 2006). Notamment la synthèse

- Page 96 - Chapitre 1 simultanée de toutes les séquences se fait directement sur la puce réduisant ainsi la variabilité entre expérimentation. De plus, les sondes sont dessinées dans la partie la plus spécifique du gène d’intérêt ce qui diminue les risques d’hybridation croisée et augmente la spécificité notamment pour les gènes d’une même famille. Les auteurs s’accordent également sur l’excellente reproductibilité de cette plateforme. Un autre intérêt est que l’utilisation de ce type de micropuces est répandue. De ce fait, il sera plus aisé de comparer les résultats obtenus avec ceux de la littérature.

1.6 Combien de puces par groupe?

Il paraît nécessaire de répliquer plusieurs fois la puce à ADN pour chaque groupe afin de diminuer le bruit de fond inhérent à cette technique. Le nombre de puces optimal reste discuté dans la littérature (Reimers 2005; Reimers, Heilig et al. 2005; Chu, Fink et al. 2007). Il semble que 5 à 6 puces constituent un minimum, bien qu’aucune étude systématique n’ait été réalisée. C’est pourquoi nous avons testé la fiabilité des résultats issus des micropuces en fonction du nombre de réplicats par groupe expérimental (2 à 7 puces).

1.7 Quel type d’analyse ?

Il s’agit du point le plus délicat car le plus discuté dans la littérature. Les données d’expression issues des puces ne peuvent pas être analysées directement, elles doivent d’abord être normalisées. Plusieurs méthodes de normalisation sont décrites. Il semble nécessaire d’adapter la normalisation à la question posée et à l’approche expérimentale utilisée (Reimers 2005; Reimers, Heilig et al. 2005). C’est pourquoi, nous avons appliqué plusieurs méthodes de normalisation : RMA, GC-RMA, LiWong (ou Dchip), PLIER et MAS-5 proposés par le logiciel GENESPRING GX10. Nous avons également testé l’intérêt d’appliquer une correction FDR (False Discovery Rate) après normalisation (Benjamini, Drai et al. 2001). Enfin, nous avons comparé les listes de gènes différentiellement exprimés entre addicts et non-addicts en fonction du type de normalisation appliquée et nous avons recherché une stratégie permettant d’obtenir des résultats fiables ; c’est-à-dire une stratégie permettant de générer des listes de gènes dont la fiabilité soit attestée par une validation à plus de 80 % par qRT- PCR. Notre objectif étant la fiabilité des résultats, nous avons choisi d’être stringents en

- Page 97 - Chapitre 1 sélectionnant les gènes identifiés au moyen de plusieurs normalisations comme nous le décrirons en détails ultérieurement.

1.8 Validation par Real-time qPCR (qRT-PCR):

La Real Time qPCR (DyNAmo SYBR Green qPCR kit, Finnzymes) est une des techniques les plus fiables et les plus sensibles pour mesurer l’expression géniqueUne des tehcnique. Cette technique a été utilisée pour confirmer, ou infirmer, les résultats obtenus au moyen des micropuces à ADN.

2 Description et Validité de la méthode choisie

2.1 Nombre de puces par groupe

Pour les raisons précédemment citées, nous avons choisi la plateforme Affymetrix avec les puces Rat Expression Array 203 2.0 à raison d’une puce par structure et par individus et sept puces par groupe expérimental. La réalisation des micropuces est laissée au soin de la société Genome Explorations Inc. (Memphis, TN, USA). La qualité de l’ARN est vérifiée par nos soins avant chaque envoi et est revérifiée par la société à l’arrivée des échantillons. Pour cette analyse de base, nous avons comparé un groupe contrôle (témoins naïfs vis-à-vis de la cocaïne) à un groupe d’animaux non-addicts (0crit). Sur le graphique ci- après (Figure 3 A), nous pouvons suivre l’évolution du nombre de hits différentiellement exprimés (un hit = une séquence sur la puce à ADN) en fonction du nombre de réplicat (puce) par groupe expérimental. Un hit positif est un hit pour lequel la différence d’expression entre les deux groupes est significative (p<0.05) et correspond à un FC >= à 1.5. Ces critères ont été choisis sur la base des données de la littérature (Reimers 2005). Il est à noter que quelque soit l’algorithme de normalisation utilisé, le nombre de hits n’évolue que très peu à partir de 5 puces par groupe. Le nombre de hits est identique que l’on ait 6 ou 7 puces par groupe. Pour s’assurer que l’effet n’était pas dépendant de la nature des puces sélectionnées, plusieurs combinaisons de puces ont été testées pour chaque condition, excepté pour la condition 7 puces où une seule combinaison s’avère possible. Chaque combinaison a donné des résultats similaires.

- Page 98 - Chapitre 1

6000 400 RMA spécifiques 350 5000 GCRMA s n es 300 partiels MAS5 u m communs 4000 m h250 PLIER m it o orithmes tr 3000 c g 200 LIWONG s go it l 150 2000 h a e 5 d al aux 5 x100 1000 b u n a 50 Nombre de gènes communs Nombre de gènes Nombre de hits positifs 0 0 23456 7 234567

Nombre de réplicats par groupe

Figure 3 : A- Nombres de hits significatifs (FC>=1,5 ; p<=0,05) (séquences) obtenus par algorithme de normalisation en fonction du nombre de réplicat par groupe B – Répartition des hits communs (hits communs aux conditions précédentes), spécifiques (hits exclusivement retrouvés dans cette condition) ou partiels (hits communs avec la condition précédente)

Sur ces graphiques (Figure 3 A et B), nous avons voulu comparer la quantité mais aussi la qualité des hits différentiellement exprimés entre nos deux groupes pour chaque condition. Un hit correspond à une séquence sur la puce à ADN. Il peut exister un ou plusieurs hits pour un même gène. Pour faciliter et approfondir l’analyse, nous avons croisé les résultats obtenus pour les cinq algorithmes (Figure 3 B). Le lien entre nombre de hits et nombre de puces est en effet similaire, que l’on croise ou non les résultats obtenus avec les différents algorithmes ; nous obtenons un maximum de hits significatifs à partir de six puces par groupes. Ayant ainsi une donnée par condition (un nombre unique de hits par condition), nous pouvons analyser l’évolution dans la nature des hits en fonction du nombre de puces. Trois catégories ont été recherchées : 1. les hits spécifiques (en gris) obtenus uniquement dans la condition concernée (=nombre de réplicats/puces par groupe), 2. les hits communs (en noir) sont les hits trouvés dans l’ensemble des précédentes conditions, 3. les hits partiels (en hachuré) sont les hits retrouvés uniquement dans la condition précédente. En terme de quantité de hits, nous notons que le nombre obtenu augmente lorsque l’on augmente le nombre de réplicats biologiques (puces). Ce nombre de hits double entre 5 et 6 réplicats par groupe et se stabilise pour 6 et 7.

- Page 99 - Chapitre 1

En terme de qualité des hits, nous remarquons qu’il existe très peu de hits communs à toutes ces analyses. La qualité des hits est très différente selon le nombre de réplicats par groupe. En revanche, la majorité des hits trouvés par l’analyse à 5 réplicats est retrouvée dans l’analyse à 6 réplicats (90%) et l’analyse à 7 réplicats ne compte que 10% de hits spécifiques. En conclusion, l’analyse à 6 réplicats par groupe semble être le meilleur compromis en quantité mais également en qualité de hits. Ainsi, nos futures analyses prendront en compte 6 réplicats par groupe expérimental. Un contrôle qualité de chaque puce sera réalisé (options du logiciel GeneSpring GX10) afin d’exclure, sur les 7 puces testées, la puce la plus aberrante de chaque groupe.

2.2 Normalisation des puces

Par la suite, nous avons cherché l’algorithme de normalisation le plus adapté. Selon la bibliographie, le meilleur algorithme parmi les 5 utilisés serait GCRMA (Irizarry, Cope et al. 2006) alliant efficacité et précision. Appliquant, après normalisation des puces, la correction FDR (False Discovery Rate) qui permet d’estimer le nombre de faux-positifs, nous observons en effet que GCRMA produit en effet peu de faux positifs (tableau 1).

Tableau 1 : Mise en évidence, grâce à l’algorithme de correction FDR, du % de résultats faux-positifs générés par les différents algorithmes de normalisation. On note que MAS5 produit un grand nombre de faux-positifs.

GCRMA permet de mettre en évidence un plus grand nombre de gènes à FC élevé que les autres algorithmes. En effet, seul GCRMA permet d’obtenir des gènes dont le fold change est supérieur à 3,4 et permet de mettre en évidence trois fois plus de gènes dont le FC est compris entre 2,2 et 3,4. Le résultat déterminant est son pourcentage de validation en qRT-PCR qui est de 70% (>80% pour FC>1,6 et entre 40 et 80 % pour 11.6) avec une significativité inférieure ou égale à 0.05 (P<=0.05). Pour les FC

- Page 100 - Chapitre 1 inférieurs, compris entre 1 et 1,6, la validation est moindre et nettement améliorée en croisant les résultats issus des 5 algorithmes (78,8 à 100%) (tableau 3 ci-contre). Néanmoins, le croisement des 5 algorithmes fait perdre un grand nombre de gènes et, notamment, des gènes validés en qRT-PCR (72 gènes avec GCRMA contre 44 en croisant les 5 algorithmes) (Tableaux 2 et 3). De plus, la validation n’est pas meilleure pour les gènes dont le FC est supérieur à 1,6 (86% pour GCRMA seul contre 87,9% en croisant les 5 algorithmes). C’est pourquoi notre stratégie pour sélectionner les gènes issus des micropuces a consisté : 1. à classer les gènes en fonction de la différence d’expression (FC) entre les deux groupes expérimentaux, selon GCRMA, 2. à sélectionner les gènes de FC supérieur ou égal à 1.6, 3. à croiser la liste des gènes de FC inférieur à 1.6 avec les listes de gènes générés par les 4 autres normalisations, 4. à sélectionner, pour cette classe de gènes de FC inférieur à 1.6 avec GCRMA, ceux communs aux 5 normalisations.

Nombre de gènes validés en PCR dans le Nac FC P RMA PLIER LW GCRMA MAS5 testés validés % testés validés % testés validés % testés validés % testés validés % <=0.05 115 80 70 124 83 66,9 110 76 69 102 72 71 66 52 78,8 All <=0.01 71 50 70 78 52 66,7 62 44 71 45 32 71 27 23 85,2 <=0.001 18 13 72 27 15 55,6 19 14 74 17 12 71 8787,5 <=0.05 00 00 00 33100 00 3,4 <=0.01 00 00 00 22100 00 <=0.001 00 00 00 11100 00 <=0.05 88100 99100 7686 27 25 93 5480 2,2 <=0.01 77100 77100 5480 18 17 94 2150 <=0.001 22100 11100 3267 44100 11100 <=0.05 57 49 86 67 56 83,6 45 39 87 41 32 78 27 25 92,6 1,6 <=0.01 35 30 86 42 36 85,7 29 25 86 15 12 80 18 17 94,4 <=0.001 12 10 83 15 11 73,3 11 8 73 9778 6583,3 <=0.05 41 19 46 35 15 42,9 45 28 62 22 9 41 29 21 72,4 1,3 <=0.01 25 10 40 23 9 39,1 23 14 61 8113 6583,3 <=0.001 300 10 3 30 5480 300 11100 <=0.05 9444 11 2 18,2 10 3 30 6233 5240 1,15 <=0.01 4375 500 4125 100 100 <=0.001 11100 100 00 00 0 0 <=0.05 00 2150 300 3133 00 1 <=0.01 00 100 100 100 00 <=0.001 00 00 00 00 0 0

Tableau 2 : Tableau de validation par qRT-PCR des gènes positifs en microarrays dans le noyau accumbens en fonction de leur fold change, leur pvalue et de l’algorithme de normalisation

- Page 101 - Chapitre 1

nombre de gènes validés en PCR - NAc

FC P Croisement des 5 algorithmes testés validés % <=0.05 52 44 84,6

All <=0.01 23 20 87,0 <=0.001 44100 <=0.05 22100

3,4 <=0.01 11100

<=0.001 00 <=0.05 24 23 95,8 2,2 <=0.01 12 11 91,7

11100 <=0.001 <=0.05 46 41 89,1 1,6 <=0.01 22 19 86,4 <=0.001 44100

<=0.05 33 26 78,8 1,3 <=0.01 11 9 81,8 <=0.001 22100

<=0.05 5240 1,2 <=0.01 100 <=0.001 00 <=0.05 00

1 <=0.01 00 <=0.001 00

Tableau 3 : Tableau de validation par qRT-PCR des gènes positifs en microarray dans le noyau accumbens quelques soient les normalisations utilisées (gènes communs aux 5 algorithmes)

- Page 102 - Chapitre 1

2.3 Apport de la correction FDR (False Discovery Rate, Benjamini et al., 1995)

Avec le tableau ci-après (Tableau 4), nous avons voulu mettre en évidence l’apport de la correction FDR. Nous notons, en premier lieu, que la correction FDR élimine des gènes que nous avons pu valider en qRT-PCR (gènes faux-négatifs), et ce, quelque soit l’algorithme de normalisation utilisé (de 42 à 88 %). Le pourcentage de validation reste inchangé que la correction FDR ait été apliquée ou non (Tableau 4) (aux environs de 70%). En résumé cet algorithme de correction ne permet pas d’améliorer les pourcentages de validations en qRT-PCR et, de surcroît, nous perdons un grand nombre de gènes faux- négatifs. Nous avons donc décidé de ne pas utiliser la correction FDR.

RMAPLIER LIWONG GCRMA MAS5

FDR - FDR + FDR - FDR + FDR - FDR + FDR - FDR + FDR - FDR + gènes validés par qRT-PCR8039835376447230526 % gènes perdus avec FDR 51 36 42 59 88 % validation qRT-PCR 69,57 70,91 66,94 69,74 69,09 73,33 70,59 69,77 78,79 85,71 Tableau 4 : Tableau de comparaison des résultats de validation par qRT-PCR avec et sans correction FDR

3 Conclusions

Nous estimons avoir une validation optimale, c'est-à-dire un pourcentage de validation élevé ainsi qu’un nombre de gènes validés important, avec l’algorithme de normalisation GCRMA pour les gènes dont les FC absolus sont supérieurs à 1,6 et avec le croisement des 5 algorithmes de normalisation (RMA, GCRMA, PLIER, LiWong, MAS5) pour les gènes dont les FC absolus sont compris entre 1 et 1,6 (Pvalue =< 0,05), et sans correction FDR. Les listes de gènes résultant de ces analyses sont ensuite intégrées à GEASE. Cette base de données développée et améliorée par Alexandre BROCHARD et le C.B.I.B. (Centre de BioInformatique de Bordeaux) nous permet de stocker et gérer l’importante masse de données issues des microarrays. Cette application a également la capacité de réaliser des analyses comparatives grâce à la possibilité de définir des demandes complexes impliquant différents paramètres limites (fold change, pvalue …) ainsi que des combinaisons d’opérateurs logiques. Un script d’annotation permet la mise à jour quotidienne des informations concernant les gènes (gene name, chromosome map location, gene ontology ...) à partir de banques de données publiques telle que NCBI.

- Page 103 - Chapitre 1

III Addiction et Modifications du transcriptome dans le noyau accumbens (NAc)

Grâce à la méthode d’exploitation des microarrays précédemment décrite, nous avons exploré les modifications du transcriptome associées à l’addiction à la cocaïne au moyen de notre modèle. Nous avons comparé les régulations différentielles entre rats non- addicts et témoin (naïfs vis-à-vis de la cocaïne) (0crit vs T), entre rats addicts et témoin (3crit vs T) et, enfin, entre rats non-addicts et rats addicts (0crit vs 3crit). Nous nous sommes focalisés dans un premier temps sur le NAc.

1 Étude des modifications transcriptionnelles par micropuces à ADN

1.1 Étude quantitative des modifications du transcriptome entre des rats addicts, non-addicts et naïfs

A FC P 3c vs T 0c vs T % B <=0.05 2437 4566 53,4 All <=0.01 562 1703 33,0 <=0.001 72 372 19,4 <=0.05 81650 3,4 <=0.01 51241,7 <=0.001 33100 <=0.05 85 165 51,5 2,2 <=0.01 44 91 48,4 <=0.001 11 38 28,9 <=0.05 520 1106 47,0

1,6 <=0.01 219 715 30,6 <=0.001 41 240 17,1 <=0.05 959 1744 55,0 1,3 <=0.01 178 528 33,7

<=0.001 13 61 21,3 Nombre de gènes significatifs <=0.05 679 1197 56,7 1,2 <=0.01 98 298 32,9 <=0.001 42913,8

<=0.05 186 338 55,0 1 <=0.01 18 59 30,5 <=0.001 010

Figure 4: A- Tableau de répartition selon le fold change et la p-value des hits positifs avec l’algorithme GCRMA (FCabs>=1.6) et communs aux 5 algorithmes (1=1,15 et FC absolu 0vsT ou 3vsT>=1,3)

- Page 104 - Chapitre 1

Dans cette partie, nous allons nous intéresser en premier lieu à la quantité de gènes différentiellement régulés entre les rats addicts et non-addicts vis à vis des témoins puis, en second lieu, entre addicts et non-addicts par eux-mêmes. Les gènes sont sélectionnés selon le principe d’analyse précédemment établi (FCabs>=1,6 : significatifs avec GCRMA et 1 1,15 ; p<0,05). Les gènes sont classés selon qu’ils sont communs aux deux comparaisons (communs), de régulation opposée (opposés), spécifiques de la comparaison et significatif dans la comparaison 0crit vs 3crit (p<0,05) (spécifiques) ou bien spécifiques de la comparaison mais non significatif pour 0crit vs 3crit (autres). Comme nous l’avons vu précédemment, la quantité globale de gènes est double pour 0crit vs T. Nous notons, tout d’abord, qu’une forte proportion de gènes sont communs entre ces deux comparaisons (~37% pour 0crit vs T et plus de 70% pour 3crit vs T). Ensuite, nous remarquons que le nombre de gènes spécifiques de la comparaison est quatre fois plus important pour 0crit vs T que pour 3crit vs T, que la comparaison 0crit vs 3crit soit significative ou non. En résumé, la cocaïne semble produire plus de modifications spécifiques chez les non-addicts que chez les addicts, même si ces modifications n’engendrent pas nécessairement une différence significative d’expression entre 0crit et 3crit (autres sont plus importants que spécifiques). Dans la suite de cette étude, nous nous intéresserons plus particulièrement aux gènes spécifiques des comparaisons 0crit vs T et 3crit vs T qui sont également significatifs dans la comparaison 0crit vs 3crit soit 41 gènes régulés spécifiquement chez les non- addicts, 15 chez les addicts et 3 qui ont une régulation transcriptionnelle opposée entre ces deux populations. Il est à noter que nous retrouvons les mêmes gènes (en qualité et quantité) lorsque nous analysons directement les données entre les puces des rats addicts et non-addicts (0crit vs 3crit) soit 59 gènes lorsque l’on fixe un FC absolu limite à 1,15 et une pvalue<0,05 (Tableau 5).

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Fold change absolu limite Nombre de gènes Non-addict vs addict Tableau 5: Nombre de gènes significativement différents entre les Sans limite 79 (+ 13 EST) rats addicts et non-addicts (pvalue<=0,05) 1,15 59

1,3 40

1.2 Etude qualitative des modifications du transcriptome entre des rats addicts et non-addicts

Gaphique 1 : Représentation de la dispersion des gènes différentiellement exprimés entre rats addicts et non- addicts en fonction de leur FC 0crit vs T et 3crit vs T – (FC absolu 0vsT ou 3vsT >=1,15).

Comme nous le voyons ci-dessus (Graphique 1), la répartition des gènes est plus complexe qu’une simple distinction en gènes régulés exclusivement chez les 0CRIT et gènes exclusivement régulés chez les 3CRIT. La différence d’expression des gènes par rapport aux témoins est une information intéressante mais il paraît important de la compléter par une comparaison plus approfondie en étudiant des différences plus subtiles entre addicts et non-addicts.

- Page 106 - Chapitre 1

Ainsi, les gènes peuvent être plus précisément classés dans les catégories suivantes : 1: gènes qui changent chez 0CRIT et pas chez 3CRIT (0CRIT sur le graph) 2: gènes qui changent chez 3CRIT et pas chez 0CRIT (3CRIT) 3: gènes qui changent dans le même sens et plus chez 0CRIT (0CRIT>3CRIT et 0CRIT<3CRIT) 4: gènes qui changent dans le même sens et plus chez 3CRIT (3CRIT>0CRIT) 5: gènes qui changent dans le sens opposé et plus chez 0CRIT (régulation opposée, intensité supérieure chez les 0CRIT, compte tenu du faible nombre de gènes, la catégorie n’a pas été isolée de la catégorie 6 sur le graphe. 6: gènes qui changent dans le sens opposé et plus chez 3CRIT (régulation opposée, intensité supérieure chez les 3CRIT compte tenu du faible nombre de gènes, la catégorie n’a pas été isolée de la catégorie 5 sur le graphe). La liste des gènes classés selon ces catégories est présentée sur la figure 5. Catégorie 1 : (+) Prkce, Znf292, Cplx3 (NS), Nipsnap3a, Tor1b, Acaa2, Ccdc109a, Actl6b, Ly6h, Shisa4, Arfgap1, Blcap, Prkcg, Bcl2l2, Trappc2l, Gng13 (NS), Tubb4, Rtf1, Sec23ip, Dok4 (-) Irf9, Dab2, S100a11, Tcf4, Ash1l

Catégorie 2 : (+) Col1a2, Gbp2, Igfbp2, RT1-Aw2, Psmb9, Elavl2, Serping1, Sult1a1, Ptprc, Igf2 (-) Drg1, Paqr6

Catégorie 3 : (+) Ring1, Scaf1, Bcat1, Rab3a, Eef1a2, Cacnb3, Ttc9b, Ctxn1, Usp7, Cacna1e, Nelf, Sst, Grk5, Pcdha4, Spock2, Fam134a, Ubl5 (-) Hsp90ab1

Catégorie 4 : (+) C4b, Vim, Id1 (-)

Catégorie 5 : +0CRIT/-3CRIT: Nlgn2, Rtbdn

Catégorie 6 : -0CRIT/+3CRIT : Myh11

Figure 5 : Liste des gènes de régulation transcriptionnelle significativement différente entre les rats addicts et non-addicts (FC absolu 0crit vs 3crit >=1,15 ; pvalue=<0,05) : 59 gènes (en noir : gènes dont 1,15==1,3)

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Ainsi, les catégories 1 + 3 représentent les gènes régulés chez les non-addicts alors que les catégories 2 + 4 constituent les gènes régulés chez les addicts. Ö Régulation spécifique chez les non-addicts (1 + 3) : 41 gènes Prkce, Znf292, Cplx3, Nipsnap3a, Tor1b, Acaa2, Ccdc109a, Actl6b, Ly6h, Shisa4, Arfgap1, Blcap, Prkcg, Bcl2l2, Trappc2l, Gng13, Tubb4, Rtf1, Irf9, Dab2, S100a11, Tcf4, Ash1l, Ring1, Scaf1, Bcat1, Rab3a, Eef1a2, Cacnb3, Ttc9b, Ctxn1, Usp7, Cacna1e, Nelf, Sst, Grk5, Pcdha4, Spock2, Fam134a, Ubl5, Hsp90ab1 Ö Régulation spécifique chez les addicts (2 + 4): 15 gènes

Col1a2, Gbp2, Igfbp2, RT1-Aw2, Psmb9, Elavl2, Serping1, Sult1a1, Pptrc, Igf2, Drg1, Paqr6, C4b, Vim, Id1

Ö Régulation opposée chez addicts et non-addicts (5 + 6) : 3 gènes Nlgn2, Rtbdn, Myh11

Afin de pouvoir établir des liens entre ces gènes, nous utiliserons une classification, basée sur ces données et qui isole les gènes régulés spécifiquement ou communément, mais dans un sens spécifique, chez les addicts (15+3) et les non-addicts (41+3).

2 Mise en évidence de nouveaux déterminants de l’addiction à la cocaïne

L’objectif de ce paragraphe est de découvrir les liens entre les gènes précédemment isolés. Pour ce faire, nous avons étudié leur localisation chromosomique, leur localisation cellulaire. Nous cherchons à identifier les voies métaboliques, les voies de signalisation, les fonctions physiologiques auxquelles ils participent. Ce travail se fait notamment grâce à divers outils d’ontologie et d’étude des voies de signalisation tels KEGG (Kyoto Encyclopedia of Genes and Genomes), PathwayExpress, OntoExpress (Khatri, Draghici et al. 2002).

2.1 Localisation chromosomique

Dans un premier temps, nous nous sommes intéressés à la localisation chromosomique de l’ensemble des gènes préférentiellement régulés chez les rats addicts et non-addicts (tableau 6). Certains semblent plus impliqués. Ainsi, le chromosome 3 porte 13,6% des gènes dont l’expression est modifiée chez les non-addict et le chromosome 1

- Page 108 - Chapitre 1 porte 9% de ces mêmes gènes. Chez les addict, 17% des gènes se situe sur le chromosome 20 et près de 45% de gènes modifiés se situent sur les chromosomes 1, 2, 3 et 10 (11% chacun). Les chromosomes 1, 3, 9 et 20 possèdent des gènes de régulation préférentielle des deux groupes alors que les chromosomes 14 et X semblent plus spécifiques des addicts et le chromosome 3 plus spécifiques des non-addicts. non-addict addict nb de nb de Chromosome liste liste gènes gènes 1 4 Prkcg; Ttc9b; Scaf1; Grk5 2 Sult1a1; Igf2 2 3Dab2; Ash1l; S100a11 2Paqr6; Gbp2 3 6 Tor1b; Nelf; Rtf1; Blcap; Arfgap1; Eef1a2 2 Serping1; Id1 4 1 Bcat1 1 Col1a2 5 2 Znf292; Nipsnap3a 1 Elavl2 6 1Prkce0- 7 2Ly6h; Cacnb30- 8 2 Ubl5; Cplx3 0 - 9 3 Tubb4; Hsp90ab1; Fam134a 1 Igfbp2 10 3 Gng13; Usp7; Myh11 2 Myh11; Nlgn2 11 1Sst0- 12 2 Ctxn1; Actl6b 0 - 13 2 Shisa4; Cacna1e 0 - 14 0-1Drg1 15 2 Bcl2l2; Irf9 0- 16 1 Rab3a 0 - 17 0-1Vim 18 3Pcdha4; Tcf4; Acaa2 0 - 19 2 Rtbdn; Trappc2l 1 Rtbdn 20 3 Ring1; Spock2; Ccdc109a 3 C4b; Psmb9; RT1-Aw2 X 0-1Gria3 Tableau 6 : Distribution chromosomique des gènes différentiellement exprimés chez les rats addicts et non- addicts - en bleu : gènes situé sur le même locus.

Il est intéressant de noter qu’un grand nombre de ces gènes se situent sur des locus identiques. Ainsi, quatre gènes préférentiellement régulés chez les non-addicts se trouvent sur le même locus du chromosome 3. Identiquement, les 3 gènes préférentiellement exprimés chez les addicts se situent sur le même locus du chromosome 20. Le tiers des gènes mis en évidence dans cette étude sont concernés par ce fait (gènes en bleu sur le tableau 6). Ceci suggère une implication des mécanismes d’acétylation / désacétylation des histones responsable du compactage de l’ADN, phénomène permettant ou non l’expression des gènes (Clayton, Hazzalin et al. 2006). La cocaïne affecterait ces processus dans des régions particulières laissant accès à l’expression ou la répression de gènes de localisation proche.

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2.2 Localisation cellulaire

Dans un second temps, au moyen de l’application Ontoexpress (Khatri, Draghici et al. 2002), nous nous sommes intéressés à la localisation cellulaire des protéines issues des gènes différentiellement exprimés chez les rats addicts et non-addicts. L’ensemble des gènes spécifiquement régulés chez les non-addicts ne permet pas d’identifier un composant cellulaire particulier. A l’opposé, une partie des gènes identifiés chez les rats addicts appartiennent à l’espace ou la région extra-cellulaire laissant supposer une importance de ce compartiment cellulaire dans les mécanismes moléculaires sous-tendant le phénotype addict.

composant cellulaire nb gènes intitulé non-addict 2 complexe de canaux calcique voltage dépendant 2 melanosome

addict 4 espace extra-cellulaire 4 région extra-cellulaire 2 protéine du complexe MHC de classe I 2 collagène

Tableau 7 : Localisation cellulaire des protéines issues des gènes identifiés pour les rats addicts et non-addicts

2.3 Fonctions moléculaires

Toujours grâce à l’application OntoExpress, nous recherchons les fonctions moléculaires d’intérêt communes aux gènes spécifiquement régulés chez les addicts et les non-addicts (tableau 8). Les gènes modifiés chez les rats non-addicts appartiennent à deux groupes principaux de fonctions moléculaires. Le premier regroupe des fonctions liées à l’activité des canaux calciques voltage-dépendant (ligand de l’ion calcium, canaux calcique voltage dépendant et activité de canaux voltage dépendant). Le second groupe de fonctions moléculaires correspondrait aux fonctions relatives aux activités de second messager

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(ligand ATP, activité transférase, activité GTPase, ligand GTP, activité protéine kinase C, ligand au domaine C-terminal des protéines et ligand au diacylglycérol).

fonction moléculaire nb gènes intitulé non-addict 8 ligand de nucléotide 6 ligand ATP 6 ligand de l'ion calcium 5 activité transférase 4 activité GTPase 3 ligand GTP 2 activité protéine kinase C 2 ligand au domaine Cterminal des protéines 2 ligand au Diacylglycérol 2 canaux calcique voltage dépendant 2 activité canalaire voltage dépendant

addict 5 ligand de nucléotide 2 ligand du GTP 2 constituant de la matrice extra-cellulaire 2 ligand de protéine kinase 2 activité d'homodimérisation de protéine 2 activité de transporteur

Tableau 8 : Fonctions moléculaires associées aux protéines issues des gènes identifiés pour les rats addict et non-addict

Les gènes mis en évidence chez les rats addicts suggèrent des fonctions moléculaires liées aux voies métaboliques des seconds messagers (ligand au GTP, ligand de protéine kinase) mais surtout des fonctions liées au domaine extra-cellulaire (constituant de la matrice extra-cellulaire, activité de transporteur) ainsi qu’une activité d’homodimérisation de protéine. Il est important de noter qu’aucune fonction moléculaire liée au métabolisme du calcium n’est mise en évidence avec les gènes identifiés pour les rats addicts.

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2.4 Processus biologiques

L’étude des processus biologiques pouvant être impliqués dans la vulnérabilité ou la résistance à l’addiction est réalisée par deux applications différentes : PathwayExpress et KEGG. Pour les non-addicts, nous n’obtenons que deux processus biologiques d’intérêt grâce à PathwayExpress. Ces processus, en forte interaction biologique, correspondent à l’exocytose des vésicules synaptiques et au transport des ions calcium. Ils sont en lien direct avec les propriétés synaptiques. KEGG met en évidence trois processus : les jonctions serrées, la voie métabolique des MAPK et le diabète de type 2. Les processus révélés par PathwayExpress sont plus nombreux pour les addicts. Certains peuvent être regroupés. Ainsi, nous mettons en évidence des processus liés au système immunitaire (réponse immunitaire et élaboration et présentation de l’antigène), des processus liés au stress (réponse au stress et réponse au stimulus via les glucocorticoïdes) et un processus biologique de transport du phosphate. L’utilisation de KEGG met en évidence des processus différents principalement centrés sur la communication cellulaire (communication cellulaire, molécules d'adhésion cellulaire) et un processus biologique impliquant la cascade du complément et de coagulation.

processus biologique – PathwayExpress nb gènes intitulé non-addict 2 exocytose des vésicules synaptiques 2 transport des ions calcium

addict 3 réponse immunitaire 2 réponse au stimulus via les glucocorticoïdes 2 réponse au stress 2 élaboration et présentation de l'antigène 2 transport du phosphate

Tableau 9 : Processus biologiques associées aux protéines issues des gènes identifiés pour les rats addicts et non-addicts obtenus avec PathwayExpress

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Pathways KEGG nb gènes intitulé

non-addict 2 Jonction serrée - KEGG 2 Voie métabolique des MAPK - KEGG 2 diabète de type 2 - KEGG

addict 3 molécules d'adhésion cellulaire (CAMs) - KEGG 2 communication cellulaire - KEGG 2 cascade du complément et de coagulation - KEGG

Tableau 10 : Pathways KEGG dans lesquels sont présentes les protéines issues des gènes identifiés pour les rats addicts et non-addicts

3 Etude corrélative entre expression génique et sévérité de l’addiction

Nous avons analysé par qRT-PCR l’expression des gènes précédemment identifiés par micropuces à ADN. Nous avons mesuré leur niveau d’expression sur l’ensemble des rats testés en autoadministration, c’est-à-dire non seulement chez les addicts (3crit) et les non-addicts (0crit) mais aussi chez les animaux présentant un phénotype intermédiaire (1crit et 2crit). Nous avons ensuite corrélé le niveau d’expression de ces gènes avec le score d’addiction, en d’autres termes avec l’intensité de la perte de contrôle sur l’usage de cocaïne. Pour un des gènes testés, vim, codant pour la protéine vimentine, on observe une corrélation positive entre le niveau d’expression et le score d’addiction (r=0.52, r2=0.27, p<0.005). La corrélation obtenue indique donc que plus la quantité d’ARMm de vimentine dans le NAc est élevée plus le score d’addiction est élevé. Pour tester la spécificité de cet effet, nous avons mesuré l’expression de vim dans d’autres structures cérébrales, le PFM, l’amygdale, le cortex cingulaire, l’hypothalamus, l’ATV, le cortex orbitofrontal, l’hypophyse, l’hippocampe, le striatum et le BNST. Pour une seule autre structure, l’amygdale, on observe une corrélation entre expression de vim

- Page 113 - Chapitre 1 et score d’addiction (r=0.42, r2=0.18, p<0.05). Néanmoins, dans cette struture le taux d’ARNm de la vimentine ne prédit que 18% de la variance du score d’addiction, contre près de 30 % dans le NAc.

4 Etude préliminaire de la microvasculature

La vasculature cérébrale constitue un élément fondamental du fonctionnement cérébral. Nous avons donc souhaité, dans une première étape, étudié l’expression d’un marqueur spécifique de la microvasculature cérébrale, le RECA (Rat Endothelial Cell Antibody). Nous avons réalisé un marquage avec un anti-corps anti-RECA. La surface du réseau vasculaire cérébrale apparaît identique dans le NAc que les rats soient addicts, non- addicts ou témoins (figure 7 A et B).

Témoin Non-addict Addict

Figure 7 : A- Quantification de la microvasculature dans le NAc exprimée en rapport de la surface marquée sur la surface non-marquée ; B- Image du marquage RECA (Rat Endothelial Cell Antiboby) seuillé de la microvasculature dans le noyau accumbens.

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IV Discussion

Pour être pertinente, l’étude des altérations neurobiologiques associées à l’addiction doit être abordée par le biais d’une altération du répertoire comportemental du consommateur et en considérant les différences interindividuelles. Cette approche n’ayant jamais été mise en œuvre jusqu’à présent, nous avons fait le choix d’une stratégie non ciblée permettant d’explorer un très grand nombre de facteurs simultanément dans le but de révéler, s’ils existent, des facteurs qui jusqu’alors n’avaient pas été identifiés par les études testant les effets de la cocaïne. Dans un premier temps, nous avons longuement travaillé sur les conditions permettant d’exploiter de façon fiable les données issues des micropuces à ADN. Nous avons également contribué à développer l’application GEASE qui permet de gérer et d’analyser les données d’expression génique. La méthode développée nous a permis de mettre en évidence des différences dans l’expression de gènes entre les rats addicts et non- addicts, ce parmi l’importante masse de modifications provoquées par la cocaïne consommée, de façon quotidienne, pendant plus de deux mois. La première observation, contre-intuitive de prime abord, a été que les modifications transcriptionnelles sont moins nombreuses chez les animaux addicts que chez les animaux non-addicts. La modification phénotypique majeure, une perte de contrôle sur la prise de drogue, concernant les addicts, il paraissait logique d’envisager que c’est ce groupe qui ferait l’objet du plus grand nombre de modifications transcriptionnelles. Cette première donnée allait être corroborée par la suite pour d’autres variables neurobiologiques. L’analyse des gènes dont l’expression est modifiée préférentiellement chez les animaux addicts et non-addicts nous a permis d’avancer certaines pistes d’étude. L’identité, dans la localisation chromosomique, d’un grand nombre des gènes identifiés suggère une implication de l’acétylation/déacétylation des histones, c'est-à-dire du compactage de l’ADN qui a un impact direct sur l’expression des gènes (Clayton, Hazzalin et al. 2006). Des travaux récents montrent que la cocaïne influe sur ces mécanismes épigénétiques. En effet, une exposition aigüe à la cocaïne entraine une acétylation de l’histone 4 (H4) par l’histone acétyltransferase (Khatri, Draghici et al.), un mécanisme dépendant de CREB et qui pour conséquence notamment l’expression des gènes cfos et fosb (Levine, Guan et al. 2005). A l’opposé, une exposition répétée à la cocaïne conduit à

- Page 115 - Chapitre 1 une hypoacétylation de H4 et une augmentation de l’acétylation de l’histone 3 (H3) via l’inhibition de l’histone déacetylase 5 (HDAC5). Ceci a pour effet d’induire l’expression d’autres gènes tels que CDK5 ou BDNF (Kumar, Choi et al. 2005; Renthal, Carle et al. 2008). Cette acétylation de H3, qui persiste plusieurs jours après l’arrêt de la consommation de cocaïne (Freeman, Patel et al. 2008), implique MSK1 qui est une kinase sous l’influence de la voie des MAPK-ERK (Brami-Cherrier, Roze et al. 2009). L’étude de la localisation cellulaire et des fonctions moléculaires des gènes a révélé une implication de voies différentes chez les animaux addicts et non-addicts. Les rats non- addicts montrent des modifications de la signalisation calcique, de l’exocytose ainsi que des cascades de seconds messagers. Ceci laisse supposer des modifications dans l’activité des neurones moyens épineux (MSN) du NAc des rats non-addicts ; changements qui pourraient être impliqués dans la résistance de ces rats à développer l’addiction à la cocaïne. Notamment, les gènes Prkcg, Cacna1e, Cacnb3 sont des acteurs de la voie des MAPK-ERK. Chez les rats addicts, les modifications sont moindres et portent principalement sur le domaine extracellulaire, le système immunitaire et notamment les cascades du complément et de la coagulation. Ces altérations suggèrent une modification du fonctionnement de la barrière hémato-encéphalique (BHE) et/ou une implication de processus immunoneuromodulateurs. Parmi les gènes liés au système immunitaire, il est intéressant de noter que l’expression de 4 d’entre eux (RT1-aw2, Gbp2, Psmb9, Serping1) peut potentiellement être modulée par l’interféron gamma (INFgamma) (Halonen, Woods et al. 2006; Moran, Duke et al. 2007) ; Or la cocaïne stimule l’expression de l’INFgamma et il a été proposé que l’altération dans la balance des cytokines produite par cette stimulation jouerait un rôle dans la sensibilisation motrice à la cocaïne (Kubera, Filip et al. 2004). Le gène RT1-AW2, code pour une protéine du complexe majeur d’histocompatibilté de classe I (MHCI). Le système nerveux central a longtemps été considéré comme privilégié sur le plan immunitaire, notamment parce qu’il était admis que les neurones sains n’exprimaient pas de protéines MHCI. Récemment il a été montré que les neurones peuvent exprimer de telles protéines (Goddard, Butts et al. 2007). Les MHCI sont des cibles du facteur de transcription CREB, un facteur connu pour son implication dans les effets comportementaux de la cocaïne, notamment les effets renforçants (Dinieri, Nemeth et al. 2009) et la sensibilisation motrice (Fasano, D'Antoni et al. 2009). Il est intéressant de noter que les protéines MHCI, à l’image de CREB (Alberini 2009; Boulanger 2009),

- Page 116 - Chapitre 1 peuvent moduler la plasticité synaptique (Boulanger 2009). Ainsi des souris déficientes en MHCI présentent une amplification de la LTP dans l’hippocampe (Huh, Boulanger et al. 2000). La vimentine a également particulièrement retenu notre attention. En effet, son expression est directement corrélée au score d’addiction des rats et cette relation semble spécifique du NAc. Sur les dix autres structures testées, on ne la retrouve que dans l’amygdale et de moindre intensité. La vimentine est une protéine de la famille des filaments intermédiaires en lien avec les microtubules et les microfilaments d’actine. Elle est exprimée dans les astrocytes immatures ainsi que dans les astrocytes activés (gliose réactive) chez l’adulte et jouerait à ce titre un rôle dans les processus immunitaires (Widestrand, Faijerson et al. 2007). Elle est également présente dans les cellules mésenchymateuses, les cellules épithéliales, les cellules endothéliales et les cellules musculaires lisses (Fulton 1993).

La vimentine intervient dans le maintien de la forme de la cellule, de l’intégrité du cytoplasme ainsi que dans la stabilisation des interactions du cytosquelette (Evans 1998; Phua, Humbert et al. 2009). La vimentine joue notamment un rôle important dans la formation des adhésions focales (Dogic, Eckes et al. 1999) ; l’adhésion à la matrice extracellulaire. La localisation, la structure et la composition des adhésions focales dépendent des protéines de la matrice extracellulaire, des intégrines impliquées mais aussi de l'intégrité du cytosquelette et notamment de la vimentine (Dogic, Eckes et al. 1999). Elle pourrait donc jouer un rôle dans les processus de plasticité, non pas synaptique, mais gliale/neuronale entre les trois éléments fondamentaux du fonctionnement cérébral que sont neurones, astrocytes et microvasculature (Widestrand, Faijerson et al. 2007). Il est important de noter également que le système du complément, dont fait partie le gène C4b identifié ici, peut jouer un rôle, au niveau astrocytaire notamment, dans la plasticité neuronale (Pekny, Wilhelmsson et al. 2007). Dans ce contexte notons aussi que les protéines MHCI jouent un rôle dans le maintien des connections synaptiques et des communications neurones / glie (Zanon and Oliveira 2006). Notons que sur un plan quantitatif, la microvasculature est analogue chez les addicts, les non-addicts et les témoins, comme le montre le marquage RECA. Cette première donnée écarte l’hypothèse d’une altération physique majeure de la BHE chez les addicts. La spécificité « accumbale » des liens entre vimentine et addiction conforte cette observation. Si la cocaïne provoquait spécifiquement, chez les addicts, une altération de la

- Page 117 - Chapitre 1 vascularisation, qui serait secondairement responsable de dysfonctionnements neuronaux puis comportementaux, il est probable qu’elle agirait sur la vasculature cérébrale sur une plus large zone.

En résumé, plusieurs conclusions peuvent être tirées des travaux décrits dans ce premier chapitre : 1. Pour s’exprimer, résistance et vulnérabilité à l’addiction mettent en jeu des modifications transcriptionnelles distinctes. La majorité des modifications sont spécifiques à chacun des groupes 0crit et 3crit ; très peu sont de même nature et d'amplitude ou de sens opposé. 2. Les modifications transcriptionnelles associées à la résistance à l’addiction sont plus nombreuses que celles associées à la vulnérabilité. Un important changement phénotypique n’est donc pas nécessairement synonyme d’un important changement transcriptionnel, en nombre en tous cas. 3. Les altérations propres à la résistance à l’addiction touchent la signalisation calcique, de l’exocytose ainsi que des cascades de seconds messagers. 4. Les altérations propres à la vulnérabilité à l’addiction touchent majoritairement le système immunitaire et le domaine extracellulaire.

L’ensemble des données décrites dans ce premier chapitre reste préliminaire. L’analyse au niveau protéique reste à faire. Des travaux sont en cours dont le but est de mieux comprendre les liens physiopathologiques qui relient les gènes identifiés. De plus, il convient, à échéance d’étendre l’étude aux autres structures d’intérêt, afin d’obtenir une image plus gloable des phénotypes de vulnérabilité et de résistance. Dans ce sens, la mesure de l’expression génique, au moyen des micropuces, au niveau d’autres structures (PFM, Hippocampe, Striatum), a été réalisée récemment. Le nombre de gènes touchés est moindre que dans le NAc, mais l’analyse confirme les spécificités addicts/non-addicts observées dans le NAc, même si les gènes sont pour la plupart de nature distincte. Ces travaux ont généré de nombreuses données qu’il convient d’exploiter en eux-mêmes, mais aussi à la lumière d’altérations au niveau de réseaux ou systèmes neurochimiques que nous pourrions identifiées au moyen d’une approche ciblée.

- Page 118 - Chapitre 1

Ces résultats apportent, néanmoins ; plusieurs informations majeures. D’une part, ils confirment que l’approche utilisée, qui consiste à étudier des individus addicts et non- addicts, est tout à fait différente de celle qui, jusqu’à présent, a majoritairement consisté à comparer des individus naïfs à des individus exposés à la drogue (sans que soit fait un lien avec leur capacité à contrôler l’usage de drogue). En effet, on note que la comparaison naïfs versus cocaïne génère une très grande quantité de gènes différentiellement exprimés, mais que la majorité de ces gènes sont communément altérés chez les addicts et les non- addicts. La cocaïne provoquerait donc un grand nombre de modifications et d’adaptations sans lien direct avec l’addiction. D’autre part, ces travaux suggèrent que la vulnérabilité à l'addiction n'est probablement pas l'expression d'une exacerbation d'un phénotype neurobiologique, là où la résistance serait un contrôle ou une "minoration" de ce même phénotype neurobiologique. Addicts et non-addicts diffèrent peu par une expression différentielle de mêmes gènes, mais bien plus par des altérations spécifiques de l'expression génique. Ces travaux mettent donc en lumière une information particulièrement importante. Il convient d’étudier non seulement les sujets addicts, mais peut-être plus encore les non-addicts. De façon contre-intuitive, en effet, les modifications d’expression génique spécifiques des non-addicts sont en plus grand nombre que celles des addicts. Ainsi, l’addiction résulte peut-être des changements qui touchent spécifiquement les addicts, mais elle pourrait résulter aussi de l’effet combiné de ces changements spécifiques et de l’absence des changements propres aux non-addicts. Ainsi, l’approche qui consiste chez l’animal à comparer un groupe d’individus naïfs à un groupe d’individus exposés à la drogue (souvent sur une courte période) peut produire des données non pertinentes voire contre-productives. D’une part, elle identifie des altérations qui, bien que produites par la drogue, ne sont probablement pas pertinentes pour l’addiction (une grande quantité de modifications sont communes aux addicts et aux non-addicts). D’autre part, la majorité des individus (plus de 40%) ne développant pas une addiction, cette approche s’adresse à des individus exposés à la drogue mais qui, dans leur majorité, seraient des non-addicts. Elle interprète donc probablement des adaptations biologiques de résistance à l’addiction comme des altérations associées à la vulnérabilité à l’addiction.

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Chapitre 2 : Systèmes neurobiologiques connus pour être impliqués dans, ou altérés par, la prise de cocaïne chez le rongeur : Étude de leur implication dans l’addiction chez le rat

« La science consiste à passer d'un étonnement à un autre. » Aristote.

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CHAPITRE 2 : SYSTEMES NEUROBIOLOGIQUES CONNUS POUR ETRE IMPLIQUES DANS, OU ALTERES PAR, LA PRISE DE COCAÏNE CHEZ LE RONGEUR : ÉTUDE DE LEUR IMPLICATION DANS L’ADDICTION CHEZ LE RAT

Depuis plusieurs années, le système de récompense est au centre de toutes les recherches concernant l’addiction aux drogues. Néanmoins, les pistes thérapeutiques mise en évidence avec les modèles classiques ne se sont pas montrées efficaces en phase clinique. Nous souhaitions, grâce à notre modèle d’addiction, étudier certains aspects du système de récompense en différenciant les modifications impliquées dans les effets de la drogue des modifications spécifiquement associées à l’addiction.

I Buts et Expériences

Les recherches menées jusqu’à aujourd’hui ont permis de mettre en évidence les structures cérébrales clés impliquées dans les effets aiguës et chroniques de la cocaïne. Le système dopaminergique mésolimbique, constitué des projections des neurones dopaminergiques de l‘ATV vers le NAc, fut la circuiterie initialement identifiée. Elle fut ensuite largement étendue et correspond aujourd’hui aux systèmes corticostriataux, incluant bien entendu le système mésolimbique.

PFM ATV

Schéma 1 : Principales intéractions entre l‘ATV, le PFM et le NAc. Projections dopaminergiques (en bleu), glutamatergiques (en noir) et GABAergiques (en rouge)

Chapitre 2

Le noyau accumbens (Nac) a été l’une des structures les plus étudiées dans le cadre des modifications cellulaires associées à l’exposition répétée aux drogues. Il joue un rôle majeur dans l’expression à long terme de la sensibilisation comportementale considérée comme le versant moteur de la sensibilisation des processus motivationnels. Celle-ci pourrait être impliquée dans l’émergence d’une recherche compulsive de drogue (Robinson and Berridge 2001). Par exemple, les neurones moyens épineux du NAc, outre l’innervation dopaminergique de l’ATV, reçoivent des afférences glutamatergiques en provenance du cortex préfrontal et de régions limbiques. L’exposition répétée aux drogues y provoque des modifications de la transmission glutamatergique et de la plasticité synaptique. Ces modifications, en apparente interaction avec les modifications de la transmission dopaminergique (Sun, Milovanovic et al. 2008), joueraient un rôle dans l’expression de la sensibilisation comportementale et des propriétés motivationnelles des drogues (Wolf 1998; Schmidt, Anderson et al. 2005).

Dans cette étude, nous avons donc voulu approfondir plus particulièrement deux aspects des modifications pouvant s’opérer au sein du système de récompense après AA chronique de cocaïne:

1- Nous avons étudié plusieurs formes (NMDA-, mGluR2/3-, et/ou eCb- dépendante) d’une même plasticité synaptique, la dépression à long terme (LTD) au sein de deux structures clés que sont le PFM et le NAc grâce à la technique d’électrophysiologie ex vivo sur tranche. Utilisant la même approche que celle décrite dans le chapitre 1, nous avons comparé des animaux témoins, addicts et non-addicts 24 heures après une dernière session d’autoadministration (Collaboration avec le Dr F. KAZANETH et Dr O. MANZONI).

2 – Parallèlement, nous nous sommes attachés à étudier l’activité des neurones dopaminergiques de l’ATV ainsi que les concentrations extracellulaires de dopamine dans le NAc chez les rats addicts, non-addicts et témoins. Pour des raisons pratiques, cette étude a été réalisée, non pas 24 h après la dernière session d’autoadministration (comme c’était le cas pour l’expression génique et la plasticité synaptique), mais après un mois de sevrage [une expérience à 24h est actuellement en cours réalisée par le Dr Francesca Panin, le but, à échéance étant d’étudier les addicts et les non-addicts dans les deux conditions : non sevrés (24 h après la dernières session d’autoadministration) et après un mois de sevrage]. Les différences phénotypiques entre rats addicts et non-addicts persistent à long terme

- Page 124 - Chapitre 2 puisqu’après un mois de sevrage, la rechute du comportement est plus intense chez les addicts (Deroche-Gamonet et al., Science, 2004) ; une observation qui accroît la validité du modèle et qui donne l’opportunité d’étudier l’addiction dans sa phase « sevrage-rechute » cruciale sur un plan thérapeutique. Si les données obtenues après un mois de sevrage ne peuvent être mises en lien direct avec celles obtenues, chez des animaux non sevrés, pour l’expression génique ou la plasticité synaptique au sein du NAc, elles constituent une information importante. Le sevrage est une étape décisive chez le sujet addict. Elle est généralement soldée par un échec, le taux de rechute étant extrêmement élevé. Elle n’est pas une simple période d’absence de drogue. Il s’y passe, du fait de cette absence, des restructurations/adaptations qui participent du phénomène de rechute. Des données obtenues chez l’animal (au moyen d’un modèle d’usage relativement court de cocaïne) suggèrent même que le craving (besoin impérieux de consommer la drogue), plutôt que de diminuer, augmente avec la durée du sevrage, évoquant une forme d’incubation de la rechute (Grimm, Hope et al. 2001). Le système dopaminergique méso-accumbens jouerait un rôle important dans ces phases de sevrage. Notamment, lors du sevrage d’un usage répété de cocaïne, les flux de dopamine dans le NAc augmentent temporairement, puis diminue de manière durable (Kuhar and Pilotte 1996; Moratalla, Vallejo et al. 1996; Pilotte, Sharpe et al. 1996). L’activité des neurones dopaminergiques de l‘ATV est elle aussi transitoirement augmentée par le sevrage des psychostimulants (Nogueira, Kalivas et al. 2006). Qu’en est- il chez les animaux addicts et non-addicts ? Cette étude a été réalisée au moyen d’un protocole novateur couplant électrophysiologie extracellulaire in vivo dans l’ATV (activité des neurones) et microdialyse dans le core du noyau accumbens (concentrations extracellulaires de dopamine). (Collaboration avec le Dr F. PANIN et le Pr U. SPAMPINATTO).

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Figure 1 : Protocole suivi dans l’étude des différences physiologiques entre les rats addicts et non-addicts par électrophysiologie sur tranche, électrophysiologie et microdialyse in vivo.

Pour réaliser cette étude nous avons suivi le protocole décrit sur le schéma 1. Après plus de deux mois d’autoadministration de cocaïne, les critères d’addiction ont été testés. Les rats ont ensuite été classés afin d’identifier les rats addicts (3 critères d’addiction positifs) et non-addicts (0 critère d’addiction positif). Une partie des rats, sacrifiée 24h après la dernière session d’AA, servira au protocole d’électrophysiologie sur tranche. La seconde partie des rats est mise en sevrage pour une durée d’un mois. Avant leur sacrifice pour l’électrophysiologie in vivo et la microdialyse, la vulnérabilité à la rechute est testée au moyen d’un protocole de réinstallation du comportement d’autoadministration par un élément conditionné. Ce protocole consiste à mesurer, après extinction du comportement d’autoadministration, sa reprise provoquée par la présentation contingente (en réponse à l’exploration du trou actif), en l’absence de cocaïne, du stimulus lumineux préalablement associé à l’obtention de chaque injection de cocaïne (graphique 1).

- Page 126 - Chapitre 2

II Résultats comportementaux

1 Sévérité de l’usage de cocaïne : mesure des scores dans les trois critères d’addiction des rats addicts et non-addicts

800 900 40 ** 800 ** ** 700 600 30 600 500 400 20 400

300

200 Point de rupture 10 200 (% de la ligne de (% base) Réponses au trou actif Réponses au trou actif 100

0 0 0

4 40 ** 35 3 30 2 25

1 20

15 0 Injections

(moyenne/session) 10 Score d'addiction -1 5

-2 0 Figure 2 : Scores obtenus, après 75 jours d’autoadministration, dans les trois critères d’addiction (A-C), le score d’addiction (D) et la consommation moyenne de cocaïne par session de base (E), pour les rats non- addicts (0crit, gris) et addicts (3crit, noir) sélectionnés pour le protocole d’électrophysiologie sur tranche et pour le protocole couplant microdialyse et électrophysiologie extracellulaire. Les animaux attribués aux deux expériences ne différant pas, l’ensemble des résultats a été moyenné. A. Persistence des réponses au trou actif pendant les périodes de non accessibilité à la drogue. B. Motivation pour la cocaïne mesurée par le point de rupture (breaking point) dans un test de ratio progressif. C. Maintien de la prise malgré les conséquences néfastes mesuré par les réponses au trou actif (en % des conditions de base) lorsque l’obtention de la cocaïne est associée à une punition ; un choc électrique. D. Score d’addiction. Il correspond à la somme, après normalisation, des scores à chacun des trois critères d’addiction. E. Consommation moyenne de cocaïne par session (nombre moyen d’injections par session) calculée sur l’ensemble des sessions de base.

Après plus de 70 jours d’autoadministration, les rats non-addicts et addicts testés pour la plasticité synaptique après autoadministration de cocaïne (post AA) et pour l’activité du système dopaminergique après un mois de sevrage (post sevrage) différaient significativement pour leurs scores dans les trois critères d’addiction et le score d’addiction, alors que leur consommation de cocaïne dans le protocole de base était comparable (Figure 2) : A. Persistence [One way ANOVA, Effet group, F(1,26)=9.14, p<0.01]. B. Motivation [One way ANOVA, Effet group, F(1,26)=70.36, p<0.00001]. C.

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Punition [One way ANOVA, Effet group, F(1,26)=6.15, p<0.05]. D. Score d’addiction [One way ANOVA, Effet group, F(1,26)=42.84, p<0.0001].

2 Vulnérabilité à la rechute chez les addicts et les non-addicts après un mois de sevrage

AB 140 140 $$ Trou actif 120 120 Trou inactif 100 100

80 80

60 60

Réponses Réponses 40 40

20 20 **

0 0 Ext. CS Ext. CS Figure 3 : Réinstallation, après un mois de sevrage et après extinction, du comportement d’autoadministration par un stimulus conditionné chez les non-addicts (A) et les addicts (B). Les données correspondent aux réponses aux trous actif et inactif pendant la dernière heure (sur 90 minutes) d’extinction (Ext.) et l’heure consécutive de présentation contingente de l’élément conditionné (CS) (** p=<0,001 trou actif versus trou inactif, $$p =<0.005 addicts versus non-addicts).

Pour l’expérience utilisant l’électrophysiologie et la microdialyse in vivo, la rechute du comportement d’autoadministration est caractérisée quelques jours avant le sacrifice par un protocole d’extinction du comportement suivi de sa réinstallation par un élément du contexte conditionné à la cocaïne (stimulus lumineux associé à l’injection de la drogue durant le protocole d’AA). Durant 1h30, les réponses au trou actif (permettant l’obtention de cocaïne au préalable) sont sans conséquence. Après 1h30, le stimulus précédemment conditionné à la drogue est activé de manière non contingente pendant 4sec signalant le changement de protocole. A partir de ce moment et pendant une heure, les réponses au trou actif provoquent l’allumage du stimulus conditionné (présentation contingente). Cette activation entraine une réinstallation du comportement de prise de cocaïne seulement chez les rats addicts ; ce stimulus étant sans effet sur les rats non-addicts (Figure 3). Les données représentées comparent les 60 dernières minutes d’extinction aux 60 minutes de présentation de l’élément conditionné (CS). Les animaux addicts et non-addicts diffèrent

- Page 128 - Chapitre 2 dans ce test [ANOVA, Effet groupe, F(1,11)=6.01, p=<0.05]. Cet effet dépend du trou et de la période considérée (extinction versus présentation du CS) [ANOVA, interaction trou x condition x groupe, F(1,11)=7.93, p=<0.01]. L’analyse post-hoc révèle que les animaux addicts et non-addicts ne diffèrent pas pour la période d’extinction. En revanche, ils diffèrent pour la réponse au CS ; les animaux addicts présentant un plus grand nombre de réponses au trou actif qu’au trou inactif et un plus grand nombre de réponses au trou actif que les non-addicts. Les non-addicts quant à eux ne présentent pas un comportement de rechute significatif.

III Modifications de la plasticité synaptique dans le noyau accumbens et le PFM

Au cours des dix dernières années, une théorie a émergé selon laquelle l’addiction représenterait une forme pathologique d’apprentissage et de mémoire. L’exposition répétée aux drogues modifie durablement l’organisation du système de récompense à travers une réorganisation cellulaire et moléculaire du réseau. Cette plasticité présente de nombreuses similitudes avec les modifications cellulaires associées à l’apprentissage (Wolf 2002). L’exposition répétée aux drogues serait donc associée à une modification de la puissance synaptique, de la morphologie cellulaire, de l’organisation intracellulaire ainsi que de l’excitabilité de différentes populations neuronales au sein du système de récompense (Nestler and Aghajanian 1997; Nestler 2001; Thomas, Beurrier et al. 2001; Wolf, Sun et al. 2004; Kalivas and Volkow 2005; Kauer and Malenka 2007; Luscher and Bellone 2008; Thomas, Kalivas et al. 2008). La transmission glutamatergique serait un médiateur clé de ces processus. Le glutamate est le principal neuromédiateur excitateur du cerveau, il est connu pour son rôle de médiateur de la plasticité synaptique, un mécanisme de potentialisation (LTP) ou de dépression (LTD) des synapses à la base des processus de mémorisation et d’apprentissage. Cette LTD est notamment abolie dans le NAc après une courte période d’autoadministration de cocaïne (Martin, Chen et al. 2006). Encore récemment, Peter W. Kalivas proposait une hypothèse selon laquelle l’addiction résulterait d’un déséquilibre dans l’homéostasie du glutamate. En effet, une modification de cette homéostasie entrainerait des changements dans la neuroplasticité qui affecterait la communication entre le PFM et le NAc. Le PFM ne pouvant plus jouer son rôle « inhibiteur » sur le système de récompense (Kalivas 2009).

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Dans ce chapitre, nous avons, grâce à une collaboration avec l’équipe du Dr Olivier MANZONI, étudier différents paramètres synaptiques des neurones moyens épineux (MSN) du NAc et des cellules pyramidales des couches 5/6 du PFM. Les propriétés intrinsèques et l’excitabilité des MSN du NAc et des cellules pyramidales des couches 5/6 du PFM ont été étudiées. Pour chaque structure, le ratio AMPA/NMDA (un index clé de la fonctionalité des synapses glutamatergiques) a également été calculé. Au centre de notre question expérimentale, ont également été mesurées, les LTD (Long Term Depression : dépression à long terme) NMDA- et mGluR2/3-dépendantes dans le NAc, et les LTD mGluR2/3- et EcB-dépendantes dans le PFM.

1 Propriétés intrinsèques des MSN du NAc et des cellules pyramidales des couches 5/6 du PFM

L’excitabilité des neurones du NAc est affectée [ANOVA, Effet groupe, F(2,208)=6.81, p<0.005] (figure 4D). Elle est spécifiquement réduite chez les non-addicts, que ce soit par rapport aux témoins (p<0.01) ou par rapport aux addicts (p<0.05). En revanche, les addicts ne sont pas affectés et se montrent similaires aux témoins pour cette variable. Ces différences d'excitabilité ne sont pas dues à des changements dans le potentiel membranaire de repos ou la résistance membranaire (Figure 4B-C), ces deux variables étant similaires dans les trois groupes expérimentaux. En revanche, une légère diminution du seuil d'émission de PA peut contribuer à la moindre excitabilité des neurones des non- addicts (témoin = -45.6± 1.2 mV, non-addicts = -41.8 ± 1.6 mV, addicts = -45.1± 0.8 mV, p=0.06). Pour ce qui concerne le PFM, aucune des propriétés intrinsèques mesurées n'est modifiée tant par l'addiction que par la cocaïne. Les trois groupes expérimentaux sont similaires pour l'ensemble des paramètres mesurés.

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20030 mVms

AN. AccumbensNeurones moyens Medium épineux Spiny Neurons du NAc E Pre-frontalCellules pyramidales cortex L5/6 pyramidal L5/6 du PFM cells

B C F -50 125 -50 150 -60 100 -60 -70 100 75 Vm (mV) Vm -70 résistance résistance résistance Vm (mV) Vm -80 50 -90 50 -80

membranaire (MOhm) membranaire (MOhm) D H 10 G 10 nb de de nb de nb 5 5

Nombre de PA de PA Nombre Nombre de PA de PA Nombre 0 0 0.0 0.1 0.2 0.3 0.4 % de% potentiel action 0.0 0.1 0.2 0.3 0.4 % de% potentiels d’action CourantsCurrent somatiques Step (nA) (nA) CourantsCurrent somatiques Step (nA) (nA)

Figure 4 : Propriétés intrinsèques des MSN du NAc et des cellules pyramidales du PFM chez les rats addicts, non-addicts et témoins. A-E – Réponses membranaires typiques à des courants somatiques de différentes intensités des MSN du NAc (A) et des cellules pyramidales du PFM (E) d’animaux témoins, addicts et non- addicts. B-F – Potentiel membranaire de repos des neurones du NAc (B) et du PFM (F) pour les rats témoins, addicts et non-addicts. C-G - Résistance membranaire des neurones du NAc (C) et du PFM (G) pour les rats témoins, addicts et non-addicts. D-H – Excitabilité des neurones du NAc (D) et du PFM (G) mesurée par le nombre de potentiels d’action (PA) émis en réponse à des courants somatiques d’intensité croissante.

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2 La LTD mGluR2/3-dépendante dans le NAC et le PFM La LTD mGluR2/3 est induite, après 10 minutes d’enregistrement basal stable, par addition, dans le bain d’enregistrement, d’un agoniste des récepteurs mGluR2/3, le LY3799268, pendant 10min.

Neurones N.moyens Accumbens épineux Medium du NAc Cellules pyramidalesPre-frontal L5/6cortex du L5/6 PFM A B 100 100

75

50 fEPSP fEPSP 50 (% de la ligne de base)

(% de la ligne0.0 de base 0 102030405060 010203040 Temps (min) Temps (min) LY 379268 0.1 mM x 10 minutes

C 0 D 0 -10 * -20 -20

fEPSP -40 -30 -40 (% de de (% changement) -60 changement) de fEPSP(%

Figure 5 : LTD mGluR2/3-dépendante des MSN du NAc et des cellules pyramidales L5/6 du PFM des rats addicts, non-addicts et témoins. A-B. La LTD est induite, après 10 min d’enregistrement basal stable, par l’application pendant 10 min d’un agoniste mGluR2/3, le LY 379268 (0.1 µM) (rectangle blanc). L’amplitude de la LTD est estimée à partir des fEPSP enregistrés 30 à 40 min après l’élimination de l’agoniste (2). C-D. La LTD est évaluée par le rapport (en %) entre les fEPSPs mesurés 30-40 min après induction et les fEPSPs de la ligne de base (1).

L’application de l’agoniste mGluR2/3 provoque une diminution (dépression) de 40- 50 % des fEPSPs. Cette dépression se maintient pendant 40 minutes après l’élimination de l’agoniste (LTD) (figure 5A). Dans le NAc, cette LTD est similaire dans les trois groupes expérimentaux comme le montre sa quantification (figure 5C) par le rapport (en %) entre les fEPSPs mesurés 30-40 minutes après induction et les fEPSPs de la ligne de base. Au niveau du PFM, on note une différence entre les groupes expérimentaux [ANOVA, effet groupe, F(2,34)=8.52, p<0.01] dans la capacité à produire de la LTD mGluR2/3. Non- addicts et témoins présentent une capacité similaire.

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En revanche, les addicts ont perdu cette capacité à maintenir de façon durable une baisse des fEPSP en réponse à l’application d’un agoniste mGluR2/3 (addicts vs témoins, addicts vs non-addicts, p<0.01). Nous avons recherché les liens entre l'amplitude de la LTD mGluR2/3 et la sévérité de l'usage de cocaïne mesuré par le score d'addiction. Non seulement les addicts diffèrent des non-addicts pour la capacité à induire cette LTD dans le PFM, mais il existe un lien corrélatif entre l'amplitude cette LTD et le score d'addiction (R=0.72, p<0.001) (figure 6).

Score d’addiction Figure 6: Régression linéaire entre le score d'addiction et l'expression de la LTD mGluR2/3 (fEPSP 30 à 40 minutes après induction de la LTD en % de la ligne de base) dans les neurones pyramidaux du PFM.

En conclusion, la LTD mGluR2/3 n’est pas altérée dans les MSN du NAc après AA de cocaïne. Elle est absente des cellules pyramidales du PFM uniquement chez les rats addicts et l'amplitude de la LTD corrèle avec le score d'addiction.

3 La LTD EcB-dépendante dans le PFM

La LTD EcB-dépendante est induite, après 10 minutes d’enregistrement basal stable, par l’application d’une stimulation à 10 Hz pendant 10 min.

Témoins Non addicts

Temps (min) Temps (min) Temps (min)

Figure 7 : Plasticité pré-synaptique LTD EcB-dépendante des cellules pyramidales des couches 5/6 du PFM des rats addicts, non-addicts et témoins. La LTD est induite, après 10 min d’enregistrement basal stable, par une stimulation à 10 Hz appliquée pendant 10 min (flèche). L’amplitude de la LTD est estimée sur l’amplitude des EPSC enregistrés 20 à 30 min après l’induction de la LTD (2) et est évaluée par ces EPSC exprimés en pourcentage des EPSC de la ligne de base (1).

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Les rats témoins présentent une LTD EcB-dépendante dans les cellules pyramidales du PFM. En revanche, la prise prolongée de cocaïne abolit cette LTD tant chez les addicts que chez les non-addicts.

4 La LTD NMDA-dépendante dans le NAc

La LTD NMDA-dépendante est induite, après 10 minutes d’enregistrement basal stable, par l’application de trois trains de stimulations à 5Hz (durée du train : 3 min, intervalle entre trains : 5 min), le potentiel membranaire des cellules étant maintenues à - 50mV (Martin et al. 2006). L’amplitude de la LTD est estimée 20 à 30 mn après induction de la LTD par l’amplitude des EPSCs (excitatory post-synaptic currents) exprimée en pourcentage de la ligne de base. La LTD NMDA dépendante dans le NAc est affectée par l'addiction [ANOVA, effet groupe, F(2,34)=5.65, p<0.01]. Les rats témoins et non-addicts montrent une LTD similaire. En revanche, elle est abolie chez les rats addicts. (Figures 7A & 7B); les rats addicts se montrant différents, à la fois, des rats témoins (p<0.01) et des rats non-addicts (p<0.05).

5 ms

A 150 B 50 125 100 25

75 0 * 50 amplitude EPSC amplitude

(%de ligne de base) -25 EPSC amplitude 25 de (% changement) 0 102030405060 -50 temps (minutes) 5 Hz stimulation x 3 minutes @ -50 mV

Figure 8 : LTD NMDA-dépendante chez les rats addicts (noir), non-addicts (gris) et témoins (blanc). A- Évolution de l’amplitude de EPSC après stimulations (3x3min à 5hz, -50mV) exprimée en pourcentage de la condition de base en fonction du temps. B – Pourcentage de changement des EPSC à 45min.

Nous avons recherché les liens entre l'amplitude de la LTD NMDA dans le NAc et la sévérité de l'usage de cocaïne mesuré par le score d'addiction. Non seulement les addicts diffèrent des non-addicts pour la capacité à induire cette LTD, mais il existe un lien corrélatif entre l'amplitude la LTD et le score d'addiction (R=0.67, p<0.01) (figure 9).

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Score d’addiction Figure 9: Régression linéaire entre le score d'addiction et l'expression de la LTD NMDA (EPSC 20 à 30 minutes après induction de la LTD en % de la ligne de base) dans les MSN.

5 Le rapport AMPA/NMDA

Nous avons cherché à mieux comprendre les mécanismes qui sous-tendent l'absence, chez les addicts, de LTD NMDA-dépendante dans le NAC et de LTD mGluR2/3 dans le PFM. Pour expliquer l'absence de LTD chez les addicts, plusieurs hypothèses peuvent être avancées : 1. l’expression de la LTD est saturée c'est-à-dire que les synapses sont déjà déprimées et qu’elles ne peuvent plus l’être ; les courants médiés par les récepteurs AMPA devraient être diminués. 2. l’expression de la LTD est cachée car les synapses sont potentialisées ; les courants médiés par les récepteurs AMPA essentiels à la potentialisation synaptique devraient être augmentés. 3. l’induction de la LTD est altérée en raison d'une modification des mécanismes d'induction ; une diminution des courants médiés par les récepteurs NMDA ou encore une diminution de l'efficacité d'un ou plusieurs des effecteurs intracellulaires de la plasticité. Pour tester ces hypothèses, nous avons donc mesuré le rapport des courants médiés par les récepteurs AMPA sur les courants médiés par les récepteurs NMDA (AMPA/NMDA). En effet, selon le cas, on devrait théoriquement observer une baisse (hypothèse 1) ou une augmentation (hypothèses 2) du rapport AMPA/NMDA. Dans le cas de l'hypothèse 3, selon que les courants NMDA sont diminués, ou non (changement de l'efficacité des effecteurs), on devrait, ou non, observé une augmentation du rapport AMPA/NMDA. Dans les deux structures, NAc et PFM, le rapport AMPA/NMDA est altéré par l'addiction [ANOVA, effet groupe, F(2,33)=8.49, p<0.005 pour le NAc, ANOVA, effet groupe, F(2,33)=9.58, p< 0.05 pour le PFM]. Dans les deux cas, on observe une augmentation du rapport chez les addicts qui diffèrent des témoins (p<0.01 pour le NAc et

- Page 135 - Chapitre 2 le PFM) et tendent, seulement, à différer des non-addicts. Les non-addicts, quant à eux, ne diffèrent pas des témoins (Figures 10 et 11). A partir de ces résultats, nous pouvons sereinement écarter la première hypothèse. Elle propose en effet une saturation de l’expression de la LTD, mais dans ce cas le rapport AMPA/NMDA devrait diminuer, or il augmente. Afin de compléter cette démarche et tenter d'expliquer l’origine de cette augmentation, les sEPSC médiés par les récepteurs AMPA ont été étudiés. La figure 10 décrit, pour le NAc, l'ensemble des critères étudiés [A. rapport AMPA/NMDA, B. caractéristiques (amplitude et intervalle inter-sEPSCs) des sEPSCs médiés par les récepteurs AMPA]. Aucune différence significative dans la qualité des sEPSC médiés par les AMPA n'a été observée que ce soit dans le NAc ou dans le PFM. Ceci suggère que les courants AMPA ne sont pas affectés.

La seconde hypothèse, postulant que les synapses sont potentialisées, est en accord avec l’augmentation observée du rapport AMPA/NMDA mais en désaccord avec l'absence d'altération des courants spontanés AMPA. Il se pourrait donc que la troisième hypothèse, postulant que l’augmentation du rapport AMPA/NMDA résulte d’une incapacité à induire la LTD, soit correcte. Néanmoins, en l'absence d'une mesure directe des courants NMDA et de données sur les effecteurs intracellulaires de cette LTD, nous ne pouvons conclure de façon certaine. Bien que nos données aillent plutôt en faveur de la troisième hypothèse (impossibilité d'induire une LTD) il convient de rester prudent, pour plusieurs raisons. D’une part, les liens entre rapport AMPA/NMDA et expression de la plasticité (LTP ou LTD) sont probablement plus complexes que le propose la littérature. Il semble en effet que des changements de plasticité ne soient pas nécessairement accompagnés de changement dans le rapport AMPA/NMDA. Nos données vont dans ce sens. En effet, si la différence de capacité à produire de la LTD entre addicts et témoins est associée à une différence de rapport AMPA/NMDA, ce n’est pas le cas de la différence entre addicts et non-addicts. Ces deux groupes, qui diffèrent pour la LTD, ne diffèrent pas significativement pour le rapport AMPA/NMDA. Dans le même sens, comme nous le verrons au chapitre 3, une absence de LTD est observée après une exposition courte à la cocaïne (18 jours) sans que le rapport AMPA/NMDA soit affecté. Des travaux sont en cours dont le but est de comprendre les mécanismes qui régissent la perte de LTD des animaux addicts.

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Témoin Témoin

Non-addict Non-addict

Addict Addict

Figure 10 : Rapport AMPA/NMDA dans le NAc des rats addicts, non-addicts et témoin (blanc). A- Calcul du rapport des courants AMPA/NMDA (*p<0.05). B- Caractéristiques des sEPSC : Amplitude en pA (en haut) et intervalle séparant les sEPSC en ms (en bas).

Témoin

AMPA/NMDA

Non-addict

AMPA/NMD A

Addict témoins addicts Non Témoin Addict Non-addict

Figure 11: Rapport AMPA/NMDA dans le PFM. A gauche, sont représentés les tracés mesurés pour les courants médiés par les AMPA et NMDA (Dual), ceux médiés par les AMPA ainsi que le tracé calculé représentant les courants NMDA. A droite, le rapport des courants AMPA/NMDA a été calculé pour l’ensemble des rats. Les traits horizontaux correspondent aux moyennes des groupes +/-ESM (**p<0.01).

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6 Discussion sur les modifications des paramètres de plasticité synaptique

L'administration, l'usage répété de cocaïne chez le rongeur sont à l'origine de nombreuses altérations dans le fonctionnement de nombreux réseaux neuronaux, dont ceux du système de récompense. Notamment, les modifications de puissance synaptique observées ont été à l'origine d'une théorie mettant les processus mnésiques au centre de l'addiction (Nestler 2001; Kalivas 2009). Ici, au moyen d'une approche comparant des rats présentant un comportement de type addict et des rats présentant un comportant d'usager non addict, nous montrons que deux formes de plasticité synaptique, l'une dans le NAc (la LTD NMDA-dépendante), l'autre dans le PFM (la LTD mGluR2/3-dépendante), sont spécifiquement altérés chez les addicts. Cette observation conforte l'hypothèse d'un rôle de ces processus de plasticité dans l'addiction. Nos données montrent également que l'addiction serait associée à l'altération de formes spécifiques de plasticité. La LTD mGluR2/3 n'est altérée par l'usage prolongé de cocaïne ni chez les addicts ni chez les non-addicts. Enfin, comme nous le soulignions en fin de discussion du 1er chapitre, nos données confirment l'intérêt de l'approche utilisée, qui consiste à comparer des individus addicts et non-addicts, plutôt qu'une approche comparant des individus naïfs à des individus exposés à la drogue, mais non "diagnostiqués". En effet, la drogue peut provoquer des altérations de la plasticité synaptique, comme ici une perte de la LTD EcB-dépendante dans le PFM sans que cette perte soit un symptôme de l'addiction puisqu'elle touche addicts et non-addicts. Ici, on note de nouveau que vulnérabilité et résistance à l'addiction s'accompagnent de changements spécifiques. Seuls les rats non-addicts présentent une moindre excitabilité des MSN. Seuls les rats addicts présentent un déficit de plasticité LTD mGluR2/3- dépendant dans le PFM et NMDA-dépendante dans le NAc. Nous pouvons ainsi proposer que l’adaptabilité des propriétés intrinsèques des neurones du NAc et du PFM observés chez les rats non-addicts participe de leur résistance à l’addiction. La LTD NMDA- dépendante dans le NAc est abolie après un court usage de cocaïne (18 jours) (Martin, Chen et al. 2006). L'absence de LTD chez les addicts et sa présence chez les non-addicts suggèrent un processus de récupération chez les seconds. En effet, la LTD exprimée par les témoins et celle exprimée par les rats non-addicts procèdent probablement de mécanismes différents. Si les témoins et les non-addicts expriment une LTD NMDA, ils diffèrent par

- Page 138 - Chapitre 2 les propriétés intrinsèques des neurones qui expriment cette LTD. L'addiction serait-elle, une incapacité à s'adapter aux effets précoces de la drogue ? Les pertes spécifiques de plasticité que nous avons observées contribuent-elles à la compulsivité vis-à-vis la cocaïne ou en sont-elles de simples symptômes ? Si elles y contribuent, par quels mécanismes le font-elles ? Les travaux décrits dans ce chapitre ouvrent de nombreuses voies de recherche. Dans un premier temps, il convient probablement de manipuler ces formes de LTD à différents stades de la pathologie et d'en observer les effets sur la vulnérabilité à l'addiction. Parallèlement, il est important de comprendre les mécanismes moléculaires qui sous-tendent l'absence de LTD chez les addicts. Pour ce faire une combinaison des approches électrophysiologique (couplée à la pharmacologie), moléculaire (mesure de l'expression génique), biochimique (mesure de l'expression protéique) et immunohistochimique (localisation des changements d'expression protéique) sera nécessaire. Enfin, compte tenu de l'hypothèse émise selon laquelle l'addiction mettrait en jeu, tout particulièrement, une altération des communications entre le PFM et le NAc (Thomas, Beurrier et al. 2001), il serait pertinent d'étudier les liens entre les altérations observées chez les addicts dans chacune de ces deux structures. Dans ce sens, des travaux récents proposent un lien entre perte de LTD mGluR2/3 et LTD NMDA-dépendante (Moussawi, Pacchioni et al. 2009).

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IV Modifications de l’activité du système dopaminergique méso-accumbens

Une exposition unique à la cocaïne entraîne une potentialisation à long terme des courants médiés par les récepteurs AMPA des synapses excitatrices des neurones dopaminergiques de l’ATV (Ungless, Whistler et al. 2001) et lors du sevrage d’un usage répété de cocaïne, le nombre de transporteurs à dopamine ainsi que les flux de dopamine dans le NAc augmentent temporairement, puis diminue de manière durable (Kuhar and Pilotte 1996; Moratalla, Vallejo et al. 1996; Pilotte, Sharpe et al. 1996). Or, les différences phénotypiques entre rats addicts et non-addicts persistent à long terme puisqu’après un mois de sevrage, la rechute du comportement est plus intense chez les addicts. Nous souhaitions donc étudier si ce phénotype de vulnérabilité à la rechute des addicts était associé à des modifications durables de l’activité du système dopaminergique.

1 Modifications de l’activité des neurones dopaminergiques dans l‘ATV après un mois de sevrage

Il apparaît principalement que les addicts ne diffèrent des témoins pour aucun des paramètres mesurés, que ce soit en condition de base ou en réponse à la cocaïne. Plus précisément, les animaux addicts ont, d’un point de vue quantitatif, la même activité électrique de base que les témoins. Ainsi la fréquence de décharge (Figure 3A) [ANOVA, effet groupe, F(2.134)=23.13; p<0.05. Newman Keuls test NS] et la fréquence des bouffées (Fig. 3 D) [ANOVA, effet groupe, F(2.13)=9.77; p<0.05. Newman Keuls test NS] sont similaires dans les deux groupes. Cette activité électrique de base est également similaire à celle des témoins sur un plan qualitatif. Le pourcentage des PA en bouffées (Fig. 3 B) [One Way ANOVA F(2.13)=2.54; p=0.0819.] et la taille des bouffées (Figure 3 C) [ANOVA, effet groupe, F(2.13)=0.17; p=0.84] sont similaires. De plus, le nombre de neurones par trace est le même chez les addicts que chez les témoins, suggérant une même population active dans les deux groupes (Figure 3 E) [ANOVA, effet groupe, F(2.13)=9.77; p<0.05 Newman Keuls test NS]. En revanche, l’activité électrique de base chez les non-addicts est quantitativement différente de celle des addicts et des témoins dans la fréquence de décharge (Figure 3 A) [ANOVA, effet groupe, F(2.134)=23.13; p<0.05. Newman Keuls test : p<0.001 non- addicts/témoins, p<0.001 non-addicts/addicts] ainsi que dans la fréquence des bouffées

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(Figure 3 D) [ANOVA, effet groupe, F(2.13)=9.77; p<0.05. Newman Keuls test : p<0.001 non-addicts/témoins, p<0.001 non-addicts/addicts], mais la qualité de cette activité est la même, comme le montre le pourcentage des PA en bouffées (Figure 3 B) [ANOVA, effet groupe, F(2.13)=2.54; p=0.0819] et la taille des bouffées (Figure 3 C) [ANOVA, effet groupe, F(2.13)=0.17; p=0.84]. La population active de neurones est, quant à elle, plus faible que celle des deux autres groupes (Figure 3 E) [ANOVA, groupe effect, F(2.13)=9.77; p<0.05 Newman Keuls test : p<0.001 non-addicts/témoins, p<0.01 non- addicts/addicts]. Pour ce qui concerne la réponse à la cocaïne, nous montrons que la cocaïne provoque une baisse de la fréquence de décharge (Figure 3 F) [ANOVA, effet traitement, F (8.24)=25.38; p<10-6], ceci en accord avec la littérature (Einhorn, Johansen et al. 1988; Pistis, Perra et al. 2004). L’injection en elle-même n’a aucun effet sur l’activité électrique, l’effet d’inhibition sur l’activité électrique des neurones est spécifique de la cocaïne, comme le montre l’analyse sélective sur les deux groupes témoin (contrôles injectés à la cocaïne) et saline (contrôles injectés à la saline) [ANOVA, interaction groupe x traitement F (8.16)=9.3; p<10-4]. En revanche, l’inhibition provoquée par la cocaïne ne se manifeste pas de la même manière chez tous les groupes testés [ANOVA, interaction groupe x traitement, F(16.24)=3.5, p<0.005]. Les addicts et les témoins montrent la même sensibilité à la cocaïne selon une analyse sélective sur les deux groupes [ANOVA, interaction groupe x traitement F(8.24)=1.74; p=0.13], tandis que les non-addicts se montrent plus sensibles par rapport aux témoins et aux addicts (analyse sélective respectivement versus témoins et addicts) [ANOVA, interaction groupe x traitement F(8.8)=5.23; p=0.01, F(8.16)=4.34; p=0.006]. En résumé, cette étude des paramètres électrophysiologiques des neurones de l’ATV de rats addicts et non-addicts après un mois de sevrage révèle une modification spécifique chez les rats non-addicts, une baisse de l'activité électrique de base et une augmentation de la réponse à la cocaïne.

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6 60

5 50

4 40 ++++++ 3 30 ****** 2 20 % de PA en Bouffée 1 10 0 0 Témoins (n=9) Addict (n=5) Non Addict (n=6) Fréquence moyenne de Décharge(Hz) Témoins (n=9) Addict (n=5) Non Addict (n=6)

5 1 ) 4 0.8

3 0.6 +++ 2 +++ 0.4 *** 1 ***

Nombre dePA/Bouffée 0.2 0 (Hz Bouffées des Fréquence Témoins (n=9) Addict (n=5) Non Addict (n=6) 0 Témoins (n=9) Addict (n=5) Non Addict (n=6)

2 120 100 1.6 80 1.2 ++++ 60 0.8 *** 40 Témoins (n=5) *** Addict (n=5) 0.4 20 Non Addict (n=5) Tém. saline (n=2) Fréquence de Décharge (%) 0 0

(n°) Trace par Neurones de Nombre Témoins (n=9) Addict (n=5) Non Addict (n=6) 0 0.0125 0.025 0.05 0.1 0.2 0.4 0.8 1.6 Dose Cumulative Cocaine (mg/kg)

Figure 12 : Activité des neurones dopaminergiques de l’ATV des rats témoins, addicts et non-addict après AA chronique de cocaïne et sevrage de 1 mois. A- Fréquence moyenne de décharge en Hertz – B- Pourcentage de potentiels d’action en bouffées – C- Moyenne du nombre de PA par bouffée – D- Fréquence des bouffées en Hertz – E- Nombre de cellules active par trace standard – F- Pourcentage de la fréquence moyenne de décharge des neurones dopaminergiques en fonction de la dose cumulative de cocaïne injectée par voie intraveineuse. ++ p<0,05 et +++ p<0,001 pour 0c vs T; ** p=<0,05 et *** p=<0,001 pour 0c vs 3c.

2 Modification des concentrations extracellulaires de dopamine dans le noyau accumbens

Nous notons tout d’abord que l’autoadministration de cocaïne suivie d’un sevrage d’un mois s’accompagne d’une baisse significative du taux basal de dopamine dans le NAc et ce qu’ils s’agissent de rats addicts (p<0,05, NK) ou non-addicts (p<0,05, NK) (Figure 4 B). Quinze minutes après injection de cocaïne, les concentrations de dopamine augmentent de façon significative (figure 4A). Néanmoins, l'augmentation est fonction du groupe expérimental. En effet, les concentrations de dopamine dans le NAc pendant les 2h30 qui suivent l’injection de cocaïne sont significativement moindres chez les animaux non- addicts alors qu’elles sont identiques chez les animaux addicts et témoins [ANOVA, effet groupe, F(3,16) = 20,97, p<0,001 ; test post-hoc Fisher pour 0cvs3c et 0cvsT : p<0,05].

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1100 2,5 900 2,0 * * 700 1,5 500 1,0 DA pg/échantillon 300 0,5

DA (% de la ligne de base) ligne de la (% DA 100 0,0 témoin addict non addict -60 -30 0 30 60 Temps (min)

Figure 13 : Concentrations extracellulaires de dopamine dans le NAc des rats témoins, addicts et non-addict après AA chronique de cocaïne et sevrage de 1 mois. A- Evolution du taux de dopamine (en % de la ligne de base) après injection de 1.6mg/kg de cocaïne.

3 Mise en relation et discussion

Dans notre étude, nous montrons que l’AA de cocaïne, suivie d’un sevrage d’un mois, a des effets différents selon que les rats ont, ou non, développé une addiction. En effet, bien que cette expérience provoque une diminution similaire du taux basal de dopamine dans le NAc dans les deux groupes d’animaux, les rats addicts et non-addicts diffèrent pour l’activité basale des neurones dopaminergiques de l’ATV et par la réponse de ces neurones à l’administration aiguë de cocaïne. Alors que les addicts sont semblables aux rats témoins, les rats non-addicts, à quantité de cocaïne auto-administrée identique, montrent une forte baisse de l’activité des neurones dopaminergiques de l’ATV à l’état basal et une forte augmentation de la réponse de ces neurones à une injection de cocaïne. De nouveau, comme pour l'expression génique décrite au chapitre 1 et les changements de plasticité décrits précédemment, nous nous trouvons dans une situation où il semble que les addicts ne se soient pas (ou mal) adaptés aux effets de la cocaïne. Ainsi l'activité de base de leurs neurones dopaminergiques et leur réponse à la cocaïne sont similaires à celles d'animaux faisant l'exéprience de la cocaïne pour la première fois (témoins). Les non-addicts en revanche ont subi des adaptations modifiant leur réponse à une injection aiguë de la drogue. L’exposition et le sevrage aux psychostimulants augmentent transitoirement l’activité des neurones dopaminergiques de l'ATV. Ceci est supposé contribuer au transfert

- Page 143 - Chapitre 2 de l’information vers les structures cérébrales antérieures ayant pour conséquence des neuroadaptations persistantes dans ces structures (Marinelli, Rudick et al. 2006). La présence de cette "suractivation" des neurones dopaminergiques de l’ATV, mais aussi sa durée, est proposée comme déterminante pour le développement d'une addiction (Bonci, Bernardi et al. 2003). Une telle suractivation n'est observée dans notre étude ni chez les addicts ni chez les non-addicts. Il se peut que notre étude se place trop tard dans le sevrage pour pouvoir l'observer. Si ce n'est le cas, il se pourrait néanmoins qu'elle puisse jouer un rôle dans la vulnérabilité à développer un usage de drogue. En effet, dans une étude récente, le Dr Marinelli a observé des différences individuelles dans la durée des neuroadaptations induites par la drogue dans les neurones dopaminergiques de l’ATV (McCutcheon, White et al. 2009). Ces différences individuelles étaient prédites par la réponse locomotrice à la nouveauté. Les animaux HR montrant, en réponse à une prise de cocaïne, des modifications plus durables des neurones de l'ATV que les animaux LR. La moindre activité de base des neurones de l'ATV des non-addicts pourrait être une conséquence d’une modification de la boucle de rétrocontrôle négatif exercé par les MSN du NAc sur les neurones dopaminergiques de l'ATV (Rahman and McBride 2000; Rahman and McBride 2001). Nous pouvons supposer que si cette boucle de rétrocontrôle est sensibilisée, une moindre quantité de dopamine, libérée au niveau du NAc, permet d’activer les MSN et cette boucle, provoquant une moindre activité basale des neurones dopaminergiques de l’ATV. Sous l’influence d'une injection de cocaïne, la dopamine libérée dans le NAc provoquerait une extinction plus rapide de l’activité des neurones dopaminergiques de l’ATV. Cette moindre activité de base des neurones de l'ATV pourrait avoir pour conséquence de modifier le contrôle exercé par l'ATV sur les neurones pyramidaux du PFM. En effet, les neurones dopaminergiques de l'ATV projètent non seulement sur le NAc, mais aussi sur le PFM. Ainsi, chez un animal naïf, un train de stimulations appliqué sur les neurones de l'ATV provoque une augmentation durable de l'excitabilité évoquée des neurones pyramidaux ; un effet aboli par l'administration répétée de cocaïne (15 mg/kg i.p. une fois par jour pendant 7 jours) suivi d'un mois de sevrage (Nogueira, Kalivas et al. 2006). Il se pourrait que, chez les animaux non-addicts, le contrôle exercé par le PFM sur le NAc soit modifié et participe à la diminution de libération de dopamine dans le NAc en réponse à la cocaïne. L'ensemble des adaptations observé chez les rats non-addicts au sein du système méso-accumbens pourrait contribuer à leur résistance à l’addiction.

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V Synthèse des stratégies ciblées

Nous sommes conscients qu'il est délicat de tenter de faire des liens entre les données obtenues au moyen des deux approches utilisées dans ce chapitre 2. D'une part, ces données portent, pour les unes, sur la partie shell du noyau accumbens (Shedden, Chen et al.) (concentration de dopamine) et, pour les autres, sur la partie core de cette structure (plasticité synaptique). Un élément majeur justifie ce choix. S'agissant d'une approche ciblée, nous nous sommes focalisés sur les structures décrites dans la litérature ; les modifications de plasticité en réponse à la cocaïne ont été étudiées dans le core (Martin, Chen et al. 2006), la libération de dopamine en réponse aux drogues est classiquement étudiée dans le shell, là où elle est plus effective (Di Chiara and Bassareo 2007). De plus, sauf à un niveau phénotypique général (comme nous l'avons fait ici), même à cibler les mêmes sous-structures, des comparaisons entre deux approches et techniques différentes (in vivo versus in vitro notamment) sont probablement hasardeuses. Quoiqu'il en soit, les contributions respectives de ces deux sous-structures (shell et core) dans les effets de la cocaïne restent controversées et les deux semblent pouvoir contribuer substantiellement au comportement de recherche de drogue (Cardinal, Parkinson et al. 2002; Kalivas and McFarland 2003; Pierce and Kumaresan 2006). Le shell serait plus particulièrement impliqué dans les effets renforçants primaires, mais serait aussi la structure privilégiée pour ce qui concerne la libération de dopamine provoquée par des éléments conditionnés aux effets de la drogue (Rebec, Christensen et al. 1997; Cardinal, Parkinson et al. 2002; Kalivas and McFarland 2003; Pierce and Kumaresan 2006; Di Chiara and Bassareo 2007). Le core régulerait le contrôle de la recherche de drogue provoquée par ces mêmes stimuli conditionnés (Cardinal, Parkinson et al. 2002; Kalivas and McFarland 2003). Ainsi les deux structures auraient des rôles complémentaires comme le suggère un travail récent de Owesson-White et al. (2009) (Owesson-White, Ariansen et al. 2009). Au moyen de la technique de voltamétrie couplée à l'électrophysiologie, il y est montré qu'une libération de dopamine est observée tant dans le core que dans le shell à la suite d'une réponse comportementale émise pour obtenir la drogue ; des différences entre les deux sous-structures dans la dynamique de la réponse étant néanmoins observées. De plus, dans chaque sous-région, shell et core, la libération de dopamine est hétérogène et localisée à des endroits où elle module l'activation de neurones spécifiques qui encodent la recherche de drogue.

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D'autre part, et avant tout, ces données portent sur deux états bien distincts de l'addiction ; l'addiction dans sa phase chronique pour la plasticité synaptique, le sevrage (et la vulnérabilité à la rechute) pour ce qui concerne l'activité de la voie dopaminergique méso-accumbens. Des conclusions peuvent paraître spéculatives en l'absence des expériences complémentaires (l'expérience in vivo en phase d'addiction est en cours). Néanmoins, l'ensemble des données suggère une absence d'adaptation des neurones et/ou des circuits neuronaux aux effets de la cocaïne chez les addicts. L'activité basale des MSN et des neurones de l'ATV n'est pas affectée chez les addicts. Cette absence d'adaptation provoquerait des réponses à la drogue similaires à des réponses aiguës (libération de dopamine et réponse à la cocaïne des neurones de l'ATV similaires à celles des témoins) ou subchronique [absence de LTD NMDA comme l'observe Martin et al. après 18 jours d'autoaministration (Martin, Chen et al. 2006)]. En revanche, les non-addicts qui présentent une diminution de l'activité basale des MSN et des neurones de l'ATV, ne répondent pas à la drogue comme s'ils se la voyaient administrée pour la première fois ou depuis quelques jours. Ils présentent une moindre libération de dopamine, une inhibition accrue des neurones de l'ATV et expriment en effet une LTD similaire à celle des témoins alors que la prise de cocaïne à court terme semble devoir la faire disparaître (Martin, Chen et al. 2006). En résumé, les données obtenues, dans ce second chapitre, corroborent les conclusions émises à l'issue du premier chapitre ; l'addiction pourrait résulter d'une moindre capacité à contrecarrer les effets primaires de la cocaïne, ce qui aurait pour conséquence une moindre capacité à rétablir une plasticité fonctionnelle.

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Chapitre 3 : De l’usage de cocaïne à l’addiction : évolution de paramètres neurobiologiques et de plasticité synaptique

« Ce qui importe à l'homme ce ne sont pas les événements survenus dans sa vie, mais seulement la répercussion de ces événements dans sa conscience. » M. Aguéev.

Chapitre 3

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CHAPITRE 3 : DE L’USAGE DE COCAINE A L’ADDICTION : EVOLUTION DE PARAMETRES NEUROBIOLOGIQUES ET DE PLASTICITE SYNAPTIQUE

Dans les deux chapitres précédents, nous avons cherché à identifier, au travers de stratégies ciblées et non ciblées, des différences neurobiologiques entre des rats ayant développé un comportement compulsif vis-à-vis de la cocaïne et des rats ayant gardé le contrôle sur leur prise. Nous avons montré que les altérations associées à une prise prolongée de cocaïne sont différentes chez les rats addicts et non-addicts, notamment pour ce qui concerne l'expression génique au sein du NAc, les propriétés intrinsèques des MSN et la LTD NMDA-dépendante dans le NAc. Dans ce troisième chapitre, notre objectif était d'étudier l’évolution de ces paramètres, de l'usage précoce (avant développement de l'addiction) à l'usage tardif de cocaïne (après développement de l'addiction), afin d'aborder l'étude de la dynamique de la pathologie, c'est-à-dire l'étude des mécanismes de la transition à l'addiction.

I Buts et Expériences

1 Objectifs

Nous avions ici pour objectifs d'étudier dans le NAc : 1. l’expression génique après usage précoce de cocaïne (7 jours et 18 jours d’autoadministration), au moyen d’une approche non ciblée (micropuces à ADN) et de comparer les altérations observées avec celles décrites pour les addicts et non-addicts au chapitre 1, 2. l'expression de gènes en lien avec la LTD NMDA-dépendante (gènes cibles étudiés au moyen de la qPCR), chez des animaux addicts, non-addicts et chez des animaux exposés à 7 ou 18 jours d'autoadministration, 3. la LTD NMDA-dépendante après 7 et 18 jours d'autoadministration de cocaïne et de la comparer à celle décrite pour les addicts et non- addicts au chapitre 2.

Chapitre 3

2 Procédure expérimentale

Des rats ont été testés pour leur comportement d'autoadministration selon le protocole décrit dans les Matériels et Méthodes paragraphe II.1.2. et schématisé ci-dessous (Figure 1). Un FR3 (pendant 4 jours) puis un FR5 sont appliqués. Après 7 jours d'autoadministration (J7) (les critères d'acquisition et de stabilisation du comportement étant atteints pour chaque rat), deux groupes (n=8 par groupe) équivalents (sur la prise moyenne de cocaïne sur les trois derniers jours) sont constitués et sacrifiés 24h après leur dernière session d'autoadministration. La même procédure est appliquée pour deux autres groupes de rats (n=8 par groupe) après 18 jours d'autoadministration (J18). Pour chaque temps, J7 et J18, un groupe de rats est destiné à l'étude de l'expression génique (micropuces et qPCR), l'autre groupe à l'étude de la plasticité synaptique par électrophysiologie sur tranche.

J1 J7 J18

Sacrifice Sacrifice des rats « J7 » des rats « J18 »

-Microarray/PCR (n=8) -Electrophysiologie sur tranche (n=8)

Figure 1 : Protocole suivi pour l’obtention des échantillons de rats « J7 » et « J18 » dans l’étude dynamique de l’apparition des symptômes d’addiction chez le rat.

Il ne nous était pas possible de tester les critères d'addiction sur une si courte période sans risquer de biaiser les mesures effectuées par la suite. Néanmoins, nous savons qu'à ce stade (J7 et J18), les rats ne montrent pas de signe d'addiction (Belin, Balado et al. 2009). Nous avons toutefois pris soin de contrôler que les animaux présentaient un comportement comparable, en moyenne et en distribution, aux expériences préalablement menées, pour le seul critère d'addiction mesuré quotidiennement, la persistance des réponses pendant les périodes de non accès à la drogue.

3 Principe de l'analyse

Les groupes de rats que nous avons comparés pour l'expression génique et la LTD NMDA dans le NAc sont les suivants : - les rats J7, ou qui ont fait 7 jours d’AA,

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- les rats J18, ou rats s’étant autoadministrés de la cocaïne durant 18 jours, - les rats addicts (ou 3crit), c'est-à-dire les rats ayant consommés de la cocaïne durant plus de 80 jours et présentant les trois critères d’addiction - les rats non-addicts (ou 0crit), c'est-à-dire les rats ayant consommés de la cocaïne durant plus de 80 jours et qui ne présentent aucun critère d’addiction. - les rats témoins naïfs jeunes, contrôles des rats ayant effectué une courte période d'autoadministration (témoinsJ ou TJ). - les rats témoins naïfs vieux, contrôles des rats ayant effectués 80 jours d'autaodministration (témoinsV ou TV).

II Évolution des propriétés intrinsèques des MSN et de la LTD NMDA dans le NAc

1 Evolution des propriétés intrinsèques des MSN du NAc

Dans un premier temps, nous avons comparé les propriétés intrinsèques des MSN des rats s’étant autoadministrés de la cocaïne pendant 7 jours, 18 jours et 80 jours (addicts et non-addicts). La cocaïne n’affecte pas les propriétés intrinsèques après 7 et 18 jours d’autoadministration. Ces propriétés sont de plus similaires à celles des addicts et des non- addicts, à l’exception de l’excitabilité des MSN réduite chez les non-addicts (figure 2).

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A D Témoin J

)

mV Rats J7 (

B Rats J18 Vm (MOhm)

Témoin V Résistance membranaire membranaire Résistance Non-addict C

Addict Nombre de PA

Courant somatique (nA)

Figure 2 : Propriétés intrinsèques des neurones moyens épineux (MSN) du NAc des rats J7 (orange), J18 (vert), non-addicts (bleu), addicts (rouge), témoins jeune (témoinJ, gris) et témoins vieux (témoin V, blanc). A- Potentiel membranaire (Vm) B- Résistance membranaire (MOhm). C- Nombre de potentiel d’action en fonction des courants somatiques implémentés (nA). D- Tracés représentant l’activité basale des neurones moyens épineux du NAc.

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2 Évolution de la plasticité synaptique NMDA-dépendante dans le NAc

La LTD NMDA-dépendante dans les MSN est abolie chez les animaux addicts et préservée chez les non-addicts. Or Martin et al. (2009) ont montré qu’après 18 jours d’autoadministration de cocaïne, la LTD était abolie. Cela signifie-t-il que les rats addicts sont restés, pour ce qui concerne cette LTD, à l’état provoqué par 18 jours d’autoadministration et que les non-addicts, quant à eux, ont pu réverser cette perte? Pour répondre à cette question, il convient de tester la LTD NMDA après 18 jours d'autoadministration dans nos conditions expérimentales. En effet, le protocole utilisé par Martin et al. (Martin, Chen et al. 2006) diffère sensiblement de celui que nous utilisons (cocaïne à 0,25mg/kg/injection, 7 pressions sur le levier pour une dose de cocaïne (FR7), temps minimum entre 2 injections 18s, session journalière de 2h sur 18 jours consécutifs). Que se passe-t-il pour la LTD NMDA dans le NAc après un usage précoce de cocaïne dans nos conditions expérimentales ? Nous avons mesuré la LTD NMDA dans la NAc après 7 et 18 jours d’autoadministration et l’avons comparé à celle produite par les animaux addicts et non-addicts.

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Témoin J Rats J7 Rats J18

Temps (min) Temps (min) Temps (min) Témoin V Non-addicts Addicts

Temps (min) Temps (min) Temps (min)

)

% (

Probabilité cumulative Nombre de session d’AA (j)

Figure 3 : Dynamique de la plasticité LTD NMDA-dépendante au cours de la transition vers l’addiction des rats J7 (orange), J18 (vert), non-addicts (bleu), addicts (rouge), témoins vieux (témoinV) (blanc ou noir) et témoins jeunes (témoinJ, gris). A et B – Évolution du pourcentage d’EPSC après trois trains de stimulations à 5Hz (durée du train : 3 min, intervalle entre trains : 5 min) indiqués par les flèches. C- Probabilité cumulative de distribution des EPSC normalisés après induction de la LTD et résumé des pourcentages d’EPSC pour chaque groupe (statistiques : * Kruskal-Wallis Test p<0.01. ** One-Way ANOVA p<0.05).

Nous observons une LTD robuste après 7 jours d'autoadministration et chez les témoins jeunes (figure 3A) ou plus âgés (figure 3B). Tel que l’ont décrit Martin et al. (Martin, Chen et al. 2006), la LTD est abolie après 18 jours d’AA de cocaïne (figure 3A). Après un accès prolongé à la cocaïne, comme nous l’avions décrit dans le chapitre précédent, la capacité à exprimer cette LTD est abolie chez les animaux addicts. En revanche, elle est rétablie chez les rats non-addicts (figure 3 B). Il semble donc que, comme nous en faisions l’hypothèse, la LTD NMDA-dépendante soit abolie après 18 jours d’AA de cocaïne, le demeure chez les addicts après 80 jours d'autoadministration, alors qu'elle serait restaurée chez les non-addicts après la même durée d'exposition à la drogue (figure 3C).

- Page 156 - Chapitre 3

Dans le chapitre 2, nous avions noté que la perte de LTD NMDA-dépendante chez les animaux addicts était accompagnée d’une augmentation du rapport AMPA/NMDA. Nous avons analysé l'évolution de ce rapport de l'usage précoce à l'usage tardif de cocaïne.

Témoin J Rats J7 Rats J18 Témoin J Rats J18 Rats J7 Témoin V Non-addicts Témoin V Non-addicts Addicts Addicts

Figure 4 : Calcul du rapport AMPA/NMDA des rats J7 (orange), J18 (vert), non-addicts (bleu), addicts (rouge), témoinV (blanc) et témoinJ (gris). A- Tracés représentant la composante AMPA (en rouge) et la composante NMDA (bleu). B- Cacul du rapport AMPA/NMDA.

Nous ne constatons pas d’augmentation du rapport AMPA/NMDA après 7 ou 18 jours d’AA de cocaïne (par rapport aux contrôles correspondants) contrairement à ce que nous avions observé pour les rats addicts (figure 4B). Ainsi, l'incapacité à exprimer la LTD NMDA après 18 jours d'autoadministration de cocaïne est probablement sous-tendue par des mécanismes différents de ceux qui sous-tendent l'absence de LTD chez les addicts. Il se peut également, comme nous le suggérions en conclusion du chapitre 2, que le rapport AMPA/NMDA ne soit pas un marqueur fiable de la LTD et que l'augmentation du rapport AMPA/NMDA des addicts ne soit pas à mettre en rapport avec l'absence de LTD chez ces animaux. L'absence de différence entre addicts et non-addicts pour ce rapport, là où les deux groupes diffèrent pour la LTD, conforte cette seconde hypothèse.

- Page 157 - Chapitre 3

III Evolution des modifications du transcriptome dans le NAc

Dans un premier temps, nous avons comparé les effets de la cocaïne entre l’usage précoce et l’usage tardif (selon le phénotype addict ou non-addict). Nous nous sommes intéressés aux gènes communs aux comparaisons J18vsTJ et non-addictsvsTV d'une part, et aux comparaisons J18vsTJ et addictsvsTV d’autre part. Nous avons étudié l'évolution de leur régulation. Dans un second temps, nous avons réalisé le même type d'étude mais en nous focalisant exclusivement sur les gènes d'expression différente entre addicts et non- addicts (42 gènes), comme nous l'avions fait au chapitre I, pour l'étude des voies physiologiques impliquées. Dans les deux cas, nous avons effectué l'analyse des données d'expression génique au moyen de deux stratégies. D’une part, nous avons étudié les évolutions d’expression génique, entre l’usage précoce et l’usage tardif, qui pourraient sous-tendre la transition, ou la non transition, à l’addiction. Puis nous avons fait cette analyse à la lumière des données de plasticité synaptique présentées dans le paragraphe précédent. Nous nous sommes alors intéressés aux modifications qui pourraient expliquer la perte de LTD NMDA à J18 et aux modifications qui pourraient expliquer sa restauration après 80 jours d'autoadministration chez les non-addicts et sa non restauration chez les addicts.

1 Evolution de l’expression génique de l’usage précoce à l’usage tardif de cocaïne

Dans la figure suivante (figure 5), nous avons calculé, grâce au protocole d’analyse des puces à ADN précédemment établi, la quantité de gènes significatifs pour les différentes comparaisons (J7 vs témoinJ, J18 vs témoinJ, 0crit vs témoinV et 3crit vs témoinV) puis comparé les différentes listes obtenues.

La première constatation que nous faisons est que le nombre de gènes significativement différents augmente avec le nombre de jours d’AA de cocaïne. En effet, après sept jours d’AA, seuls 71 gènes sont affectés par la prise de cocaïne. Après 18 jours, nous en comptons 257 et ils sont 1789 à être affectés chez les non-addicts et 963 chez les addicts, en comparaison des rats témoins respectifs (T). La comparaison des listes de gènes obtenus montre qu’il n’y a pas que très peu de gènes communs, quelque soit leur sens de

- Page 158 - Chapitre 3 régulation, entre J7, J18, non-addicts et addicts. Le faible nombre de gène communs et leur variété de profil ne nous ont pas permis d’établir des pathways d’intérêt dans cette étude. Dans ce contexte, un gène se montre intéressant. Il est commun à J7, J18 et non-addicts, régulé négativement par rapport aux témoins : Retl1 (regulator of telomer elongation helicase 1). Ce gène, impliqué dans l’entretien de l’élongation des télomères et donc dans la stabilité de l’ADN, est peut-être impliqué dans la réaction précoce permettant aux rats non-addicts de résister au développement de l’addiction. Mise à part ce gène, nous n’avons retrouvé aucun autre gène commun entre J7 et rats addicts ou non-addicts.

Nombre de gènes communs COC 7j 18j et 80j (gènes) 100 1396 813 communs 7j-18j positif (4) 90 communs 18j-0c-3c positif (3) communs positif 18j & négatif 0c-3c (1) 80 62 communs 18j-0c positif (5) communs positif 18j & négatif 0c (4) 70 Spécifiques positif (7j: 26 18j: 62, 0c: 1396, 3c: 813) communs 7j-18j-0c négatif (1) 60 communs 7j-18j négatif (11) communs négatif 18j & positif 0c-3c (5) communs négatif 18j & positif 0c (8) 50 communs négatif 18j & positif 3c (3) Spécifiques négatif (7j: 45, 18j: 195, 0c: 393, 3c: 150) 40 26 30

20

10

0

-10

Nombre de gènes de Nombre -20

-30

-40

-50

-60 45

-70 Figure 5 : Suivi par micropuces à ADN -80 de l’évolution du transcriptome à 7, 18 et 80 jours (addicts et non-addicts) -90 d’AA de cocaïne 195 393 150 -100 COCJ7 COCJ18 0CRIT 3CRIT Nombre de jours

- Page 159 - Chapitre 3

1.1 Gènes pouvant jouer un rôle dans la transition à l’addiction.

Nous nous sommes intéressés aux gènes communs entre J18 et addicts et/ou non- addicts. Les gènes communs à ces trois comparaisons (9 gènes) sont théoriquement impliqués dans les effets de la cocaïne indépendants de l'addiction. Il peut également s’agir de gènes plus ou moins régulés chez les addicts par rapport aux non-addicts. L’approche utilisée ici ne permettrait pas de les identifier comme gène d’intérêt. L’approche utilisée par la suite (paragraphe 2), et consistant à étudier l’expression à J18 de gènes différentiellement exprimés entre addicts et non-addicts, permet en théorie de remédier à ce problème et d’aller plus loin dans l’analyse.

Les gènes communs uniquement à J18 et addicts [(J18 vs T)/(3crit vs T)] ou J18 et non-addicts [(J18 vs T)/(0crit vs T)] peuvent être impliqués respectivement dans la vulnérabilité ou la résistance à l’addiction. Gènes communs J18 et addicts : - régulation négatif pour J18 et positive pour 3crit (3) : Vim, Cd24, Ppp2r5c Gènes communs J18 et non-addicts : - régulation positive pour les deux groupes (5) : Kcnj4, Stxbp1, Diras2, Fam5b, Pclo - Régulation négative pour les deux groupes (1) : Dab2 - régulation positive pour J18 et négative pour 0crit (4) : Scap, Pnn, Zc3h13, Pola2 - régulation négative pour J18 et positive pour 0crit (8) : Hmgcl, Nrp1, Trim8, Akt1, Csgalnact1, Grn, Etv1, Ube2v1.

18 gènes voient leur expression altérée communément après 18 jours d'autoadministration (J18 vs TJ) et après 80 jours chez les non-addicts (non-addicts vs TV), alors que seuls 3 gènes sont communs entre J18 et les addicts. a Gènes potentiellement impliqués dans la résistance à l’addiction

Parmi les gènes communs aux animaux J18 et aux non-addicts plusieurs interviennent dans le fonctionnement synaptique tel que Kcnj4 (potassium inwardly- rectifying channel, subfamily J, member 4), Stxbp1 (syntaxin binding protein 1), Pclo (piccolo (presynaptic cytomatrix protein)) et Nrp1 (neuropilin 1). Les fonctions des autres gènes mis en évidence sont variées : suppresseur de tumeur (Trim8), facteur anti- apoptotique (Akt1), protéines impliquées dans la démence et la maladie d’Alzheimer

- Page 160 - Chapitre 3

(Csgalnact1, Grn), des facteurs de transcription (Etv1, Ube2v1), protéines impliquées dans la régulation du cycle cellulaire et du développement cérébral (Pola2, Diras2, Csgalnact1). L’ensemble de ces gènes pourrait être impliqué dans la résistance à l’addiction. Ceux, minoritaires (n=6), dont l’expression est régulée dans le même sens à J18 et chez les non- addicts pourraient correspondre à des adaptations précoces. Ceux, plus nombreux (n=12), dont l’expression est régulée en sens opposé à J18 et chez les non-addicts pourraient correspondre à des adaptations plus tardives. Il semble que les gènes « précoces » touchent plus les fonctions synaptiques que les gènes « tardifs ».

b Gènes potentiellement impliqués dans la vulnérabilité à l’addiction

Parmi les gènes communément altérés par la cocaïne à J18 et chez les addicts, nous trouvons la vimentine, filament intermédiaire dont l’expression est corrélée au score d’addiction (chapitre 1 – III 3.2) et qui est différentiellement exprimée entre addicts et non-addicts. Nous trouvons également CD24 (CD24 molecule) et Ppp2r5c (protein phosphatase 2, regulatory subunit B gamma isoform). CD24 est une glycoprotéine transmembranaire impliquée dans les processus d'adhésion cellulaire. Elle intervient dans les processus d'immunité (Bai, Li et al. 2004; Li, Zheng et al. 2004), dans la migration neuronale au cours du développpement (Calaora, Chazal et al. 1996), mais joue aussi un rôle dans les processus de neurogénèse chez l'adulte (Nieoullon, Belvindrah et al. 2007) et la migration neuronale au cours du développement (Belvindrah, Rougon et al. 2002). Ppp2r5c est une phosphatase régulatrice du complexe PP2A notamment impliqué dans les mécanismes de plasticité synaptique. Les modifications de l’expression de ces trois gènes sont opposées entre les rats J18 et les addicts. Ces gènes pourraient jouer un rôle dans le processus de transition vers l’addiction.

1.2 Gènes pouvant jouer un rôle dans la restauration ou la non restauration de la LTD NMDA à long terme.

Nous avons étudié les gènes identifiés dans le paragraphe précédent à la lumière des données de plasticité synaptique présentées. Nous nous sommes alors intéressés aux modifications qui pourraient expliquer la perte de LTD NMDA à J18 et aux modifications qui pourraient expliquer sa restauration après 80 jours d'autoadministration chez les non- addicts et sa non restauration chez les addicts.

- Page 161 - Chapitre 3 a Restauration de la LTD chez les non-addicts

Si on fait l’hypothèse d’un mécanisme s’opposant de façon directe à la perte de LTD, il s’agit de gènes communs à J18 et aux non-addicts, mais de régulation opposée. Gènes communs J18 et non-addicts, régulation opposée : - régulation positive pour J18 et négative pour 0crit (4) : Scap, Pnn, Zc3h13, Pola2 - régulation négative pour J18 et positive pour 0crit (8) : Hmgcl, Nrp1, Trim8, Akt1, Csgalnact1, Grn, Etv1, Ube2v1. Ces gènes ne sont pas reliés de façon directe au fonctionnement, ou à la plasticité, synaptique. On peut donc envisager que le mécanisme de restauration de la LTD ne s’oppose pas aux effets précoces de la cocaïne. Soit ces adaptations sont ultérieures et sont donc spécifiques de la comparaison non-addicts versus TV, soit ces adaptations sont précoces et sont déjà présentes à J18. Il s’agit alors des gènes communs à J18 et aux non- addicts et de régulation similaire (régulation positive pour les deux groupes (5) : Kcnj4, Stxbp1, Diras2, Fam5b, Pclo). Ces gènes, majoritairement en relation avec le fonctionnement synaptique, ne seraient donc pas responsables de la perte de LTD à J18, mais consituteraient des adaptations précoces des non-addicts (majoritaires statistiquement dans le groupe testé à J18) qui permettraient à long terme la restauration de la LTD. b Non restauration de la LTD chez les addicts On ne trouve aucun gène commun à J18 et aux addicts et qui soit de même régulation. Ceci suggère de nouveau que les mécanismes qui sous-tendent l’absence de LTD à J18 et chez les addicts sont différents. Les trois gènes communs à J18 et aux addicts, et qui sont de régulation opposée (Vim, CD24, Ppp2r5c), pourraient jouer un rôle dans l’incapacité des addicts à produire une LTD, par exemple en s’opposant aux adaptations précoces permettant la restauration d’une LTD à long terme.

2 Etude de l'évolution de l'expression des gènes différentiellement exprimés entre addicts et non-addicts

Dans le chapitre I, nous nous sommes focalisés sur les gènes dont l'expression diffère entre addicts et non-addicts (42 gènes) et dont la variation (Fold Change) était supérieure à 1.3. Nous avons repris cette approche ici et étudié comment l'expression de ces gènes est altérée par la cocaïne après 7 et 18 jours d'autoadministration. Cette approche complète la précédente. D’une part, elle se focalise exclusivement sur les gènes différentiellement exprimés entre addicts et non-addicts et qui donc peuvent jouer un rôle dans l’expression

- Page 162 - Chapitre 3 du phénotype d’addiction. D’autre part, elle peut permettre d’identifier deux classes de gènes qui échapperaient à l’approche précédente : 1. des gènes communs à J18, addicts et non-addicts (que l’on considérerait comme des effets drogue communs) mais pour lesquels la régulation chez les addicts et chez les non-addicts serait d’amplitude différente, 2. des gènes communs à J18, addicts et non-addicts mais dont la variation à J18 est inférieure à 1.3. De tels gènes ne seraient pas pris en considération dans l’approche précédente. Une variation faible est un critère d’exclusion logique, mais dans un contexte où addicts et non- addicts diffèrent, elle peut signifier le développement d’un processus ou le fait que le processus ne s’exprime que chez un nombre limité d’individus (probablement les futurs addicts moins représentés) minimisant l’effet sur le groupe.

- Page 163 - Chapitre 3

1,370163 0,214296 2,221663 6,30E-05 -2,50519 0,041373 1,46428 0,000958 1,068978 0,814638 1,323561 0,216311 1,305868 0,09306 1,210089 0,206285 1,35427 0,247109 -1,463818 0,041449 1,021966 0,892129 1,147153 0,418365 1,129346 0,141276 -1,137945 0,526574 -1,8904491,552336 0,118152 1,677451 0,040202 1,350594 0,018879 1,552306 0,039453 2,182255 0,043185 1,781913 0,003058 2,712889 0,000681 2,07864 0,00206 3,544495 0,003391 0,030767 -1,047402 0,682231 1,348729 0,152192 1,176507 0,052479 1,120883 0,337604 -1,046491 0,764542

1,29 0,000946 1,3197151,5951 0,19736 0,008265 2,566994 0,000346 -1,451945 0,065916 1,103011 0,100809 2,149841 0,058429 1,199169 0,622564 1,3575251,338418 0,3142991,094315 0,051282 -1,217424 0,597099 -1,215519 0,512989 0,144382 1,258241,292623 0,227151-1,348254 0,112485 -1,0615 0,063444 -1,031658 -1,020846 0,865236 0,769199 0,878784 -1,456456 0,110663 1,129459 0,646594 -1,08439-1,012595 0,575796 0,879402-1,275014 0,130476-1,119199 0,474489 1,168384-1,083255 0,140763 0,7914621,396431-1,084106 0,287686 0,5878271,027816 0,89611 -1,124164 0,163452 1,379269 0,082796

1,3490311,341255 0,0083591,313261 0,011231 2,003816 0,01637 2,202634 0,000642 0,000451 1,485369 1,799381 1,642222 0,032841 0,030795 0,011578 3,306122-1,609299 0,016878 -1,667426 0,046585 5,60E-05 -1,138735 0,026255 -1,6015112,191183 0,026838 0,040636 2,342339 0,032923 1,801342 0,011394 2,384191 0,001173 1,7927711,740859 0,001834 0,001524 2,273335 0,000238 1,70827 0,010587 2,06716 0,003835 1,677384 0,039495 2,271633 0,005628 1,6526831,626871 0,01417 1,601878 0,000976 1,514276 0,00116 0,023083 1,547539 0,007183 1,48882 0,006766 1,707904 0,004807 1,312073 0,009358 1,481785 0,000546 1,3356211,333545-1,320722 0,016873 0,033876 -1,527313 0,005667 0,023289 -1,737999 0,002071 -1,645008-1,682929 0,028438 0,041381 -3,181484 0,004625 -1,683338-1,698579 0,018757 -1,722026 0,02479 -1,73734 0,000787 -1,867755 0,006336 -1,930266 0,018792 -1,942736 0,045386 -2,253457 0,026942 -3,448574 0,00641 0,033189 1,398357 0,007171 1,335071 0,013002 1,371103 0,016669 1,849246 0,006483 1,367427 0,005128 1,608788 8,10E-05 1,351663 0,03087 1,515057 0,000308

1,03 0.898785 1,571,361,131,11 0.0191934 0.0884382 1,358552 0.0563791 0.0262973 0,032086 2,798609 0,004609 2,059994 0,035172 -1,1 0.279064 -1,5-1,31 0.012841 -1,483065 0.00039945 -1,555279 0,02067 0,002081 -1,552013 0,001134

-1,11-1,2-1,51 0.431276 1,05 0.179949 0.0501021 1,19 0.617491 0.169697 1,2 0.312485 1,011,061,03 0.958314 0.393074 0.564313 1-1,27 0.337602 0.982804 -1,11 -1,09 0.684568 0.503475 -1,06 0.604096 -1,19 0.143634 1,35-1,03 0.419162 0.774454 1,48 -1,09 0.306946 0.398638 1,06 0.750539 -1,14 0.423109 -1,57 0.278161 1,38 0.531093 -1,1-1,23-1,261,07 0.668924 0.0433658 1,06 0.160033 -1,21 0.727928 -1,33 0.79052 0.128429 0.133596 1,1 0.207846 -1,09 0.423481 -1,02 0.765346 -1,08 0.233709 1,011,22-1,36 0.904591 0.120874 -1,1 0.0873201 1,11 -1,18 0.361418 0.232452 0.273832 -1,54-1,58 0.377457 0.0517639 -1,08 1,27 0.861983 0.25874 1,01-1,2-1,481,05 0.950044 -1,14-1,05 0.102284 0.04334071,08 -1,18 -1 0.697738-1,28 0.413251,02 1,25 0.365177 1,04 0.639192 -1,03 0.0926776 0.303737 -1,07 0.990226 -1,15 0.741128 0.0728108 0.900134 -1,04 0.593513 -1,27 0.746627 0.541209 0.569566 0.361819 -1,05 0.419915 1,03 0.637507 -1,95 0.129795 1,13 0.612871 -1,03 0.800018 -1,22 0.105116 -1,09 0.436239 1,03 0.726821 -1,19-1,32-1,08 0.0920585 0.0212152 -1,25 0.334146 0.0135938 -1,550525 0,023402

y

DP-ribosylation factor GTPase activating protein 1 protein activating factor GTPase DP-ribosylation eukaryotic translation elongation factor 1 alpha 2 calcium channel, voltage-dependent, beta 3 subunit developmentally regulated GTP bindingprotein 1 branched chain aminotransferase 1,cytosolic complement component 4B (Childo blood group) protein tyrosine phosphatase,receptor type,C transcription factor 4 factor transcription epsilon C, kinase protein zinc fingerprotein 292 complexin 3 complexin elegans) (C. 3A homolog nipsnap torsin family 1, member B member 1, family torsin ringfinger protein 1 neuroligin 2 retbindin progestin and adipoQ receptor familymember VI acetyl-Coenzyme A acyltransferase 2 coiled-coil domain containing 109A interferon regulatory factor 9 factor regulatory interferon S100 calciumbinding protein A11(calizzarin) ash1 (absent, small, or homeotic)-like (Drosophila) heatshock protein 90kDa alpha(cytosolic), classmemberB 1 sulfotransferasefamily, cytosolic, 1A, phenol-preferring, member 1 serine (or cysteine) peptidaseinhibitor, clade G,member 1 myosin, chain heavy 11, smooth muscle B) antigen 2 (Hu Drosophila)-like vision, abnormal lethal, (embryonic ELAV proteasome (prosome, macropain)subunit, beta type 9 (large multifunctionalpeptidase 2) Aw2 Ib, locus RT1 class insulin-likegrowth factorbinding protein 2 2 protein binding guanylate 2 alpha I, type collagen, actin-like 6B A SR-related CTD-associated factor 1 lymphocyte antigen 6 complex, locus H locus 6 complex, antigen lymphocyte shisa homolog 4 (Xenopus laevis) RAB3A, member RAS oncogene famil oncogene RAS member RAB3A, disabled homolog 2, mitogen-responsive phosphoprotein (Drosophila) insulin-like growth factor 2 vimentin

Nom du gène du Nom du gène complet Nom J7vsTJ FC P J7vsTJ J18vsTJ FC J18vsTJ P 3c 0c vs FC 3c P 0c vs 0cvsT FC P 0cvsT 3cvsT FC P 3cvsTV Eef1a2 Cacnb3 Arfgap1 Drg1 Bcat1 C4b Ptprc Tcf4 Prkce Znf292 Cplx3 Nipsnap3a Tor1b Ring1 Nlgn2 Rtbdn Paqr6 Acaa2 Ccdc109a Actl6b Sec23ipDok4Irf9 S100a11 SEC23 interacting protein 4 protein docking 1,12 0.403122 -1,07 0.676745 Ash1l Hsp90ab1 Sult1a1 Serping1 Myh11 Elavl2 Psmb9 RT1-Aw2 Igfbp2 Gbp2 Col1a2 Scaf1 Ly6h Shisa4 Rab3a Dab2 Igf2 Vim Tableau 1 : Evolution de l’expression des gènes trouvés comme différentiellement exprimés entre addicts et non-addicts. Les gènes significatifs en bleu sont négatifs, et ceux en rouge sont positifs.

- Page 164 - Chapitre 3

2.1 Gènes pouvant jouer un rôle dans la transition à l’addiction.

Aucun gène n’est commun aux quatre comparaisons (tableau 1). Les gènes significatifs à J7 (n=3) ne présentent pas un profil intéressant dans les autres comparaisons. Nous nous sommes donc intéressés aux gènes communs entre J18 et addicts et/ou non- addicts. Sept gènes présentent un profil intéressant. Leur expression diffère entre addicts et non-addicts et est déjà altérée par la cocaïne à J18. Il s'agit de : Ptprc, C4b, Vim, Igf2, Dab2, Bcat1 (p<0.05 J18vsTJ) et Drg1 (forte tendance p=0.08 J18vsTJ). Deux gènes étaient identifiés par l’approche précédente (Vim, Dab2). Cinq gènes sont donc mis en évidence par cette approche : 1. Un gène commun J18, addicts et non-addicts et de régulation d’amplitude différente chez addicts et non-addicts (Bcat1), 2. Quatre gènes dont la variation à J18 est inférieure à 1.3 (C4b, Ptprc, Igf2) ou de significativité limite (Drg1). Trois de ces gènes pourraient jouer un rôle dans la résistance et dans la vulnérabilité à l’addiction. En effet ces gènes varient chez les addicts et les non-addicts de façon opposée par rapport à l’effet précoce. Pour deux d'entre eux (Igf2, et Drg1), la régulation va dans le même sens que l'effet de la cocaïne à court terme chez les non-addicts (non- addicts vs TV) et dans le sens opposé chez les addicts. Ils pourraient donc correspondre à des contre-adaptations précoces chez les non-addicts. Pour le troisième gène (Ptprc), la situation est inverse, la régulation va à l'opposé de l'effet précoce de la cocaïne chez les non-addicts (non-addicts vs TV) et dans le même sens chez les addicts. Il pourrait correspondre à une adaptation tardive des non-addicts absente chez les addicts. Pour les deux autres gènes (C4b et Bcat1) la régulation va dans le même sens que l’effet précoce chez les addicts et les non-addicts mais est d'amplitude différente (plus chez les addicts pour C4b; moins chez les addicts pour Bcat1). C4b pourraient donc participer à la vulnérabilité à l'addiction, alors que Bcat1 pourrait participer à la résistance.

2.2 Gènes pouvant jouer un rôle dans la restauration ou la non restauration de la LTD NMDA à long terme

Dans le cas d’un mécanisme permettant la restauration de la LTD chez les non- addicts en s’opposant aux effets précoces, le gène Ptprc est le seul d’intérêt, sa régulation étant opposée à J18 et chez les non-addicts. De plus la régulation chez les addicts va dans le sens de la régulation précoce en s’amplifiant.

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Les gènes Igf2 et Drg1 pourraient, quant à eux, jouer un rôle dans l’incapacité des addicts à produire une LTD, par des mécanismes distincts de ceux mis en jeu précocément. En effet leur régulation est à l’opposé des effets précoces de la cocaïne. Ces effets précoces maintenus chez les non-addicts pourraient correspondre à des adaptations précoces des non-addicts contribuant à une restauration de la LTD.

3 Synthèse sur l’approche non ciblée

3.1 Gènes impliqués dans la transition (ou la non transition) à l’addiction Si nous synthétisons les résultats des deux approches, nous obtenons les listes suivantes :

Gènes communs J18 et addicts : - régulation négatif pour J18 et positive pour 3crit (4) : Vim, Cd24, Ppp2r5c, Igf2 (ns) - régulation positive pour J18 et négative pour 3crit (1) : Drg1 - régulation positive pour J18 et pour 3crit (n=3) : C4b, Ptprc, Bcat1 Gènes communs J18 et non-addicts : - régulation positive pour les deux groupes (8) : Kcnj4, Stxbp1, Diras2, Fam5b, Pclo, Drg1 (ns), BCat1, C4b - Régulation négative pour les deux groupes (2) : Dab2, Igf2 - régulation positive pour J18 et négative pour 0crit (5) : Scap, Pnn, Zc3h13, Pola2, Ptprc - régulation négative pour J18 et positive pour 0crit (8) : Hmgcl, Nrp1, Trim8, Akt1, Csgalnact1, Grn, Etv1, Ube2v1.

Deux classes de gènes pourraient participer à l’absence de transition à l’addiction. Il s’agit de gènes (n=9, C4b ne peut entrer dans cette catégorie car il est régulé dans le même sens chez les addicts), dont l’expression est régulée dans le même sens à J18 et chez les non-addicts et qui pourraient correspondre à des adaptations précoces. A cette liste s’ajoute le gène Rtl1 dont l’expression est diminuée à J7, J18 et chez les non-addicts. Il s’agit également de gènes (n=13), dont l’expression est régulée en sens opposé à J18 et chez les non-addicts et qui pourraient correspondre à des adaptations plus tardives. Dans l’ensemble, nous observons que les gènes « précoces » touchent plus les fonctions synaptiques que les gènes « tardifs ».

Les gènes qui pourraient participer à la transition à l’addiction sont les gènes qui sont de régulation opposée entre J18 et addicts (n=5) et les gènes de régulation similaire entre J18 et addicts (n=3), mais de régulation opposée (Ptprc), plus intense (C4b) ou moins

- Page 166 - Chapitre 3 intense (Bcat1) chez les addicts par rapport aux non-addicts. De façon générale, on note que la transition à l’addiction est associée à des gènes qui peuvent être impliqués dans les processus de l’immunité (CD24, C4b, Igf2, Vim, Ptprc). Notons que les gènes d’adaptations précoces des non-addicts incluent la majorité (4/5) des gènes (en vert) qui pourraient également être impliqués (par régulation opposée ou différentielle) dans la transition à l’addiction.

La transition à l’addiction et la non transition à l’addiction mettraient en jeu des processus précoces communs (pouvant mettre en jeu l’immunité avec C4b et Ptprc), des processus précoces propres aux non-addicts (liés au fonctionnement synaptique) et, des processus plus tardifs distincts (notamment immunitaire chez les addicts et liés notamment au cycle cellulaire, l’apopotose et la transcription chez les non-addicts).

3.2 Gènes impliqués dans la perte / le maintien de la LTD NMDA

Restauration de la LTD chez les non-addicts Si on fait l’hypothèse d’un mécanisme s’opposant de façon directe à la perte de LTD, il s’agit de gènes communs à J18 et aux non-addicts, mais de régulation opposée.

Gènes communs J18 et non-addicts, régulation opposée : - régulation positive pour J18 et négative pour 0crit (5) : Scap, Pnn, Zc3h13, Pola2, Ptprc - régulation négative pour J18 et positive pour 0crit (8) : Hmgcl, Nrp1, Trim8, Akt1, Csgalnact1, Grn, Etv1, Ube2v1. Ces gènes ne sont pas reliés de façon directe au fonctionnement, ou à la plasticité, synaptique. On peut donc envisager que le mécanisme de restauration de la LTD ne s’oppose pas aux effets précoces de la cocaïne. Les adaptations permettant la restauration de la LTD sont soit ultérieures, et donc spécifiques de la comparaison non-addicts versus TV, soit elles sont précoces et sont déjà présentes à J18. Il s’agit alors des gènes communs à J18 et aux non-addicts et de régulation similaire : - régulation positive pour les deux groupes (8) : Kcnj4, Stxbp1, Diras2, Fam5b, Pclo, Drg1 (ns), BCat1, C4b - Régulation négative pour les deux groupes (2) : Dab2 Igf2

Ces gènes, majoritairement en relation avec le fonctionnement synaptique, ne seraient donc pas responsables de la perte de LTD à J18, mais constitueraient des

- Page 167 - Chapitre 3 adaptations précoces des non-addicts (majoritaires statistiquement dans le groupe testé à J18) qui permettraient à long terme la restauration de la LTD.

Non restauration de la LTD chez les addicts On trouve trois gènes communs (C4b, Bcat1 et Ptprc) à J18 et aux addicts et qui sont de même régulation. C4b et Bcat1 sont des candidats peu probables car leur régulation entre J18 et non-addicts va dans le même sens que la régulation entre J18 et addicts. Ptprc est plus intéressant car sa régulation va à l’opposé chez les non-addicts. Cinq gènes sont communs à J18 et aux addicts, et sont de régulation opposée (Vim, CD24, Ppp2r5c, Igf2, Drg1 et Bcat1). Ils pourraient jouer un rôle dans l’incapacité des addicts à produire une LTD, par exemple en s’opposant de façon directe (Igf2, Drg1, Bcat1) aux adaptations précoces produites par les non-addicts et permettant potentiellement la restauration d’une LTD. Ils pourraient jouer un rôle en s’opposant à un mécanisme précoce (CD24, Ppp2r5c, Vim sont diminués à J18 et augmentés chez les addicts), que les non-addicts n’amplifient pas ou auxquels ils ne s’opposent pas. Enfin, comme dans le cas de C4b [très faiblement augmenté à J18, augmenté chez les non- addicts, très augmenté chez les addicts], il s’agirait d’une incapacité à minimiser les effets chroniques de la cocaïne. Ceci suggère de nouveau que les mécanismes qui sous-tendent l’absence de LTD à J18 et chez les addicts sont différents.

En résumé, ces données suggèrent que les altérations précoces de l’expression génique qui portent sur le fonctionnement synaptique contribuent plus à la restauration de la LTD chez les non-addicts qu’à l’absence de LTD à J18. Des adaptations ultérieures, liées au cycle cellulaire, à l’apoptose et à la transcription viendraient soutenir ces adaptations précoces. Les addicts, quant à eux, perdraient leur capacité à faire la LTD NMDA par un ensemble de maladadaptations comprenant : 1. une absence des adaptations précoces de type synaptique propres aux non-addicts, 2. une absence des adaptations tardives des non-addicts, 3. un effet opposé à certaines adaptations précoces des non-addicts (non directement lié à la synapse), 4. des contre-adaptations propres aux effets précoces de la cocaïne (Vim, CD24, Ppp2r5c), 5. une incapacité, contrairement aux non-addicts, à contrecarrer ou minimiser certains effets précoces de la cocaïne (C4b, Ptprc).

- Page 168 - Chapitre 3

3.3 Liens entre LTD NMDA et transition à l’addiction.

L’addiction est associée à une absence de LTD NMDA dans le NAc. Les non- addicts, quant à eux, ayant la capacité à produire cette plasticité. Les données obtenues suggèrent que les non-addicts ont en fait restauré cette capacité après l’avoir perdu à court terme. Les données, tant de plasticité synaptique que d’expression génique, suggèrent aussi que les mécanismes qui sous-tendent l’absence de LTD chez les addicts et chez les animaux après 18 jours d’autoadministration (J18) sont différents et donc qu’un processus plastique dynamique affecterait autant les addicts que les non-addicts. Pour autant les deux phénomènes, évolution de la LTD et transition à l’addiction, pourraient ne pas être liés. L’évolution différentielle de la LTD NMDA participe-t-elle à la transition à l’addiction ? Même s’il ne nous est pas possible de répondre de façon directe à cette question, nous pouvons, à la lumière des données d’expression génique, faire des hypothèses. Notamment, les facteurs qui pourraient intervenir dans la non transition à l’addiction sont similaires à ceux qui interviendraient dans la restauration de la LTD. Il s’agit d’adaptations précoces liées au fonctionnement synaptique et d’adaptations tardives liées au cycle cellulaire, l’apoptose, la transcription. En ce sens la restauration de la LTD pourrait participer à la résistance à l’addiction. Pour ce qui concerne les facteurs qui pourraient intervenir dans la transition à l’addiction et ceux qui pourraient intervenir dans la non restauration de la LTD, la situation est un peu plus complexe. La transition à l’addiction semble mettre en jeu majoritairement des facteurs liés à l’immunité qu’il s’agisse d’effets précoces en opposition avec les adaptations des non-addicts ou d’effets tardifs propres. Pour ce qui concerne la LTD, plusieurs types de facteurs semblent intervenir, mais les facteurs de l’immunité interviendraient majoritairement dans les phases précoces [contre-adaptations propres aux effets précoces de la cocaïne (CD24) chez les addicts ; incapacité, contrairement aux non- addicts, à contrecarrer certains effets précoces de la cocaïne (vim, C4b, Ptprc)]. En ce sens, les changements précoces associés à la transition à l’addiction et à la non restauration de la LTD présentent des points communs, suggérant que la non restauration de la LTD pourrait contribuer à la transition à l’addiction. Les autres modifications associées à la non restauration de la LTD [(absence des adaptations précoces de type synaptique propres aux non-addicts, absence des adaptations tardives des non-addicts, effet opposé à certaines adaptations précoces des non-addicts (non directement lié à la synapse)] pourraient

- Page 169 - Chapitre 3 dépendre de ces effets « immunitaires » initiaux et être à l’origine d’une incapacité à générer une LTD, incapacité d’une autre nature que celle observée à J18.

4 Évolution du transcriptome des systèmes cibles par qRT- PCR

Nous avons par la suite étudié l’évolution de l’expression de différents gènes cibles, choisis pour leur rôle possible dans la plasticité synaptique ou pour confirmer les données des micropuces comme dans le cas de la vimentine, par exemple : - Des récepteurs synaptiques (NMDAR : NR1, NR2a, NR2b ; AMPAR : GluR1, GluR2, GluR3 ; récepteurs métabotropiques au glutamate : mGluR2, mGluR5 ; GABAR : Gabbr1, Gabbr2, Gabra1 ; récepteur à la glycine : Glra2 ; récepteurs dopaminergiques : DRD1a, DRD2 long et court, DRD3) (figure 6) - Des protéines impliquées dans la plasticité synaptique (Pick1 (protein interacting with PRKCA 1) ; PP1 (protein phosphatase 1) ; DARPP32 (protein phosphatase 1, regulatory (inhibitor) subunit 1B) ; Grip1 (glutamate receptor interacting protein 1) ; CalciN (calcineurin) ; Ptpn5 (protein tyrosine phosphatase, non-receptor type 5) ; Cdk5 (cyclin-dependent kinase 5) ; PSD95 ou Dlg4 (discs, large homolog 4) ; Dynamin 1 ; NARP (neuro activity regulated petaxin) ; EphB2 (Eph receptor B2) ; Myrip (myosin VIIA and Rab interacting protein) ; Sla (src-like adaptor) ; NPR (natriuretic peptide receptor A/guanylate cyclase A) ; Vim (vimentine) (figure 7).

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Rats J7 vs TémoinJ Rats J18 vs TémoinJ

Non-addicts vs TémoinV Addicts vs TémoinV TémoinV vs TémoinJ

Figure 6 : Evolution de l’expression de gènes cibles mesurée par qRT-PCR – les résultats sont exprimés en variation (Fold change) par rapport aux témoins respectifs – gènes en rouge significatifs chez les non- addicts et gènes en vert significatifs chez les addicts - statistiques : ttest avec p<0,05 *.

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Figure 7 : Evolution de l’expression de gènes cibles mesurée par qRT-PCR – les résultats sont exprimés en variation (fold change) par rapport aux témoins respectifs – gènes en rouge significatifs chez les non- addicts et gènes en vert significatifs chez les addicts - statistiques : ttest avec p<0,05 *.

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D’un point de vue quantitatif, nous constatons qu’un seul gène, parmi l’ensemble des gènes testés, présente une augmentation de son expression après 7 jours d’AA. Six gènes voient leur expression modifier après 18 jours d’AA, seulement 2 gènes propres aux addicts, 10 gènes propres aux non-addicts et 7 gènes communs aux addicts et non-addicts. L'observation que les non-addicts montrent plus de gènes spécifquement modifiés dans ce groupe de gènes ciblés "synapse" confirme les données observées dans le premier chapitre où les micropuces identifiaient des modifications liées au fonctionnement synaptique chez les non-addicts. Les plus fortes et les plus nombreuses modifications ont été mises en évidence entre les rats témoins J7 et les rats témoins J80 (25 gènes sur 34 testés); elles suggèrent des modifications d'expression résultant d'un effet de l'âge. Les six gènes dont l’expression est significativement abaissée chez les rats après 18 jours d’AA par rapport aux rats témoins du même âge sont : NR2a, GluR1, GluR3, Cdk5, PP1 et Vim. Ces six gènes et l'unique gène modifié après 7 jours d'autoadministration, NPR, pourraient jouer un rôle dans la perte de LTD observée après 18 jours d'autoadministration de cocaïne. Six gènes sont moins exprimés chez les rats addicts et non-addicts (mGluR5, DRD1a, DRD2 long et court, Grip1 et DARPP32) et seulement un (Gabra1) voit son expression augmenter après 3 mois d’AA. Ces gènes correspondent à des effets communs de la cocaïne dans les deux groupes. Seuls deux gènes ont spécifiquement leur expression modifiée chez les rats addicts ; il s’agit de NR1 dont l’expression diminue et Vim dont l’expression est augmentée. Les rats non-addicts montrent une augmentation de l’expression de 8 gènes (GluR3, CB1, Gabbr2, Glra2, Dlgap1, Myrip, NPR, Sla,) et une diminution de l’expression d’uniquement deux gènes (DRD3, Ptpn5). Ces gènes, propres aux non-addicts, pourraient contribuer au phénotype de résistance à l'addiction et de présence de la LTD. Les gènes propres aux addicts, pourraient quant à eux, participer au phénotype d'addiction et à l’absence de LTD. Dans la liste précédente, on note deux gènes particulièrement intéressants : GluR3 (le gène du récepteur AMPA3) qui est modulé de façon opposée par la cocaïne chez les rats J18 (baisse) et chez les non-addicts (augmentation), Vim (déjà identifiée par l’approche non ciblée) qui est régulé de façon opposée par la cocaïne chez les rats J18 (baisse) et chez les addicts (augmentation). GluR3 pourrait donc contribuer à la non transition à l’addiction et à la restauration de la LTD NMDA. Vim, nous ne faisons que le confirmer ici, pourrait contribuer à la transition à l’addiction.

- Page 173 - Chapitre 3

Il est également remarquable que la majorité (6 sur 7) des gènes dont l’expression est abaissée chez les addicts et les non-addicts voient leur expression diminuer avec l’âge. La cocaïne amplifierait donc certains effets de l'âge. Nous notons en revanche que la majorité des gènes spécifiquement régulés par la cocaïne chez les non-addicts, le sont de façon opposée à l'effet de l'âge (GluR3, Glra2, DRD3, Dlgap1). Pour ce qui concerne les addicts, la cocaïne amplifie l'effet de l'âge pour ce qui concerne NR1 (abaissée chez les addicts et abaissée sous l'effet de l'âge). Pour la vimentine, en revanche, sa variation chez les addicts s'oppose aux effets de l'âge puisqu'elle augmente chez les addicts et diminue avec l'âge.

IV Discussion sur la dynamique de la pathologie

Dans un premier temps, nous avons étudié la LTD NMDA dans le NAc. A l'image de ce qui a été observé par Martin et al. (Martin, Chen et al. 2006), nous confirmons, dans nos conditions, que 18 jours d'autoadministration abolissent la LTD NMDA dans le NAc. A cette observation, nous ajoutons l'information que cette même LTD n'est pas affectée après seulement 7 jours d'autoadministration. A la lumière des données décrites au chapitre 2 (et rappelées dans ce chapitre 3), il semble que le maintien du contrôle sur la prise de cocaïne, observé chez les non-addicts après 80 jours d'autoadministration, soit associé à une restauration des capacités à produire la LTD. La perte de contrôle sur l'usage de cocaïne, observée chez les addicts, est, quant à elle, associée à une persistance de cette incapacité à exprimer la LTD NMDA. On peut se demander si l'absence de la LTD NMDA chez les rats J18 procède des mêmes mécanismes que celle observée chez les rats addicts. Le rapport AMPA/NMDA n'est pas altéré à J18, alors qu'il est augmenté chez les addicts. Néanmoins ce premier argument pourrait être contredit par le fait que les liens entre LTD et rapport AMPA/NMDA ne sont pas systématiques : addicts et non-addicts diffèrent pour la LTD, mais pas pour le rapport AMPA/NMDA. Un autre argument penche tout de même en faveur de mécanismes différents à J18 et chez les addicts. Nous notons en effet des modifications différentes de l’expression de gènes cibles. Les diminutions de l’expression de NR2a, GluR1 et GluR3 à J18 peuvent expliquer la stabilité du rapport AMPA sur NMDA et la baisse de l’expression PP1 peut expliquer, via son rôle dans l’internalisation des récepteurs AMPA nécessaire à l’expression de la LTD, l’incapacité de ces rats à faire la LTD-NMDA dépendante (figure 7, matériel et méthodes). D'autres mécanismes seraient

- Page 174 - Chapitre 3 en jeu chez les addicts qui pourraient, notamment, impliquer des facteurs du système immunitaire (chapitre 1).

Sur la base des données de LTD, et sur la même base temporelle, nous avons étudié l'expression génique dans le NAc, à grande échelle (au moyen des micropuces). Au travers de cette stratégie non-ciblée, nous montrons que le transcriptome des rats s’autodministrant de la cocaïne n’évolue que très peu à court (7 jours) et moyen (18 jours) termes. D'autres études trouvent plus de modifications de l'expression génique à court terme (Lull, Freeman et al. 2008). Cette faible quantité de gènes altérés après une courte exposition à la cocaïne (J7 et J18) peut avoir deux origines. D'une part, elle peut provenir de la stringence de notre sélection. D'autre part, elle pourrait dépendre d'une hétérogénéité dans la réaction des rats à l’AA de cocaïne sur une courte durée. L'hétérogénéité entrainerait une augmentation du bruit de fond des puces à ADN, rendant seulement possible la détection des gènes dont l’expression est nettement et communément affectée. La transition à l’addiction et la non transition à l’addiction mettraient en jeu : 1. des processus précoces communs (pouvant mettre en jeu l’immunité avec C4b et Ptprc), 2. des processus précoces propres aux non-addicts (liés au fonctionnement synaptique), 3. des processus plus tardifs distincts ; notamment immunitaires chez les addicts. Chez les non- addicts, ils seraient liés notamment au cycle cellulaire, l’apopotose et la transcription, mais aussi au fonctionnement synaptique pour le gène GluR3 codant pour la sous-unité 3 du récepteur AMPA. Pour ce qui concerne l’évolution de la LTD, les altérations précoces de l’expression génique qui portent sur le fonctionnement synaptique contribueraient plus à la restauration de la LTD chez les non-addicts qu’à l’absence de LTD à J18. Des adaptations ultérieures, liées au cycle cellulaire, à l’apoptose, à la transcription et minoritairement au fonctionnement synaptique (récepteur AMPA3) viendraient soutenir ces adaptations précoces. Les addicts, quant à eux, perdraient leur capacité à faire la LTD NMDA par un ensemble de maladaptations dont notamment l’absence des adaptations précoces et tardives propres aux non-addicts, mais aussi des contre-adaptations propres aux effets précoces de la cocaïne et une incapacité à contrecarrer ou minimiser certains effets précoces de la cocaïne. Pour ces deux dernières catégories, le système immunitaire est fortement représenté.

- Page 175 - Chapitre 3

Les données obtenues permettent de proposer un lien entre l’évolution de la LTD et la transition ou non vers l’addiction. Notamment, les facteurs qui pourraient intervenir dans la non transition à l’addiction sont similaires à ceux qui interviendraient dans la restauration de la LTD. Il s’agit d’adaptations précoces liées au fonctionnement synaptique et d’adaptations tardives liées au cycle cellulaire, l’apoptose, la transcription. En ce sens la restauration de la LTD pourrait participer à la résistance à l’addiction. Pour la transition à l’addiction, la situation est plus complexe, mais les altérations précoces dans des facteurs de l’immunité sont communes à la transition à l’addiction et à la non restauration de la LTD. Ils pourraient être responsables des autres altérations associées à la non restauration de la LTD et être à l’origine d’une incapacité à générer une LTD, incapacité d’une autre nature que celle observée à J18. Notre étude ciblée de l'expression génique confirme notre hypothèse d'une altération spécifique de gènes de la transmission synaptique chez les non-addicts. En effet, sur cette sélection de gènes majoritairement ciblés "synapse", les non-addicts présentent beaucoup plus de modifications spécifiques (10) que les addicts (2). Notons que la majorité des gènes spécifiquement altérés chez les non-addicts voient leur expression augmenter, contrairement aux atteintes observées chez les rats J18 et les rats addicts. Le récepteur CB1 est notamment concerné (cannabinoid receptor 1). Les endocannabinoïdes modulent, via le CB1, de nombreuses réponses aux drogues (Maldonado, Rodriguez-Arias et al.) et notamment la vulnérabilité au relapse provoquée par des stimuli conditionnés (De Vries, Shaham et al. 2001). Des travaux récents évoquent un rôle délétère de la transmission CB1 sur la prise de cocaïne dans le modèle d'escalade de la prise (Orio, Edwards et al. 2009). Ainsi un blocage des CB1 par l'antagoniste SR141716 abolit l'escalade de la prise (Orio, Edwards et al. 2009). De même le SR141716 bloque la rechute provoquée par un stimulus conditionné (De Vries, Shaham et al. 2001). Bien que notre résultat, une augmentation de l'ARNm du CB1 dans le NAc chez les non-addicts, aille plutôt à l'opposé d'un effet délétère du CB1, cette piste mérite d'être explorée plus avant. D'une part, il nous faut vérifier que cette augmentation de l'ARNm correspond, ou non, à une augmentation de l'expression de la protéine. D'autre part, les modèles, dans lesquels les effets délétères du CB1 ont été observés, portent sur un usage à court terme de la cocaïne et sans que soit tenu compte des différences interindividuelles. Enfin, le récepteur CB1 pourrait intervenir dans la LTD NMDA. Il existe une relation entre les récepteurs CB1 et les récepteurs NMDA (Zhu 2006; Liu, Bhat et al. 2009) et il peut se

- Page 176 - Chapitre 3 produire, dans certaines circonstances, un switch entre la LTD NMDA-dépendante et la LTD CB1 dépendante (figure 9, matériel et méthodes) (Heifets and Castillo 2009). Enfin, il est intéressant de noter que 7 gènes cibles sont altérés de façon similaire chez les addicts et les non-addicts (mGluR5, DRD1a, DRD2 long et court, Grip1, DARPP32, Gabra1). Ce résultat souligne de nouveau l'intérêt de l'approche utilisée ici. Ces gènes cibles "synapses" sont aussi des gènes cibles "addiction" selon la littérature. Ils ont tous été identifiés comme des gènes dont l'expression est modifiée en réponse à l'administration ou la prise de cocaïne. A ce titre, il a été proposé qu'ils puissent jouer un rôle dans l'addiction. Nos résultats suggèrent que ces gènes sont altérés en réponse à la drogue sans influencer les phénotypes de vulnérabilité et de résistance à l'addiction. Néanmoins, on ne doit pas écarter l'hypothèse que l'altération commune et similaire de l'expression de ces gènes soit une étape nécessaire dans le processus d'addiction, les futurs addicts et non-addicts produisant des réponses différentes à l'activation ou l'inhibition de ces gènes. Les données obtenues dans ce troisième chapitre confortent l'hypothèse d'un processus actif d'adaptation aux effets précoces de la drogue chez les non-addicts. La LTD est abolie après 18 jours d'autoadministration de cocaïne et restaurée chez les non-addicts. Cette adaptation active mettrait en jeu des altérations précoces dans l'expression de gènes reliés au fonctionnement synaptique et des adaptations tardives. Pour ce qui concerne l'addiction, une maladaptation aux effets précoces de la cocaïne combinée à une absence des processus propres à la résistance à l’addiction conduiraient à un état neurobiologique, proche de celui observé après un usage précoce bien que sous-tendu par des mécanismes différents, propice à un usage compulsif.

- Page 177 - Chapitre 3

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Discussion Générale

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DISCUSSION GENERALE

I Bilan des résultats obtenus au cours de ces travaux de thèse

Très brièvement, nous allons synthétiser les principaux résultats obtenus durant ces travaux de thèse. Tout d’abord, nous avons cherché à identifier des différences biologiques spécifiquement associées à l’addiction en comparant des rats addicts et des rats non- addicts ; les uns et les autres ayant eu un accès et une prise comparables de cocaïne avant que se développe, chez les uns, un comportement compulsif vis-à-vis de la cocaïne alors que les autres conservaient le contrôle sur l’usage de la substance. Nous les avons comparés au moyen de deux stratégies ; ciblée et non ciblée.

La stratégie non-ciblée que nous avons adoptée dans le chapitre I n’a été possible qu’après le développement d’une méthode d’analyse fiable des micropuces à ADN. Nous avons alors pu étudier les différences d’expression entre les rats addicts et non-addicts en s’affranchissant des effets communs de la cocaïne. Nous nous sommes focalisés sur le noyau accumbens (NAc), un substrat clé des effets aigus et chroniques de la cocaïne. Nous avons pu constater que les altérations d’expression propres aux addicts étaient moins nombreuses que les altérations propres aux non-addicts. Une localisation chromosomique commune pour plusieurs gènes nous amène à proposer une implication des histones et donc du compactage de la chromatine dans ces différences d’expression. L’étude des localisations cellulaires et des fonctions moléculaires suggère que les non-addicts présentent des modifications dans l’expression de protéines liées à la communication neuronale alors que les addicts présentent des modifications dans l’expression de protéines liées au système immunitaire, suggérant plutôt des modifications dans les communications entre les éléments de la triade neurone-glie-microvasculature. Cette prédominance des adaptations liées à la communication neuronale chez les non- addicts est confirmée par l’étude de l’expression de gènes cibles, liés au fonctionnement et à la plasticité synaptique, décrite dans le chapitre III. Nous observons en effet un plus grand nombre de modifications, dans l’expression de gènes de récepteurs aux neurotransmetteurs et de molécules régulatrices de la fonction synaptique, chez les non- addicts que chez les addicts.

Discussion Générale

La stratégie ciblée, que nous avons adoptée dans le chapitre II, a consisté à comparer addicts et non-addicts pour des réponses neurobiologiques connues pour être altérées par la cocaïne : 1. la plasticité synaptique dans le NAc et le PFM, 2. l’activité des neurones dopaminergiques de l’ATV et les concentrations extracellulaires de dopamine dans le NAc. L’étude de différents paramètres de plasticité synaptique, nous a permis de constater que la LTD NMDA-dépendante dans les MSN du NAc et la LTD mGluR2/3- dépendante dans les neurones pyramidaux des couches 5/6 du PFM sont spécifiquement altérées chez les addicts alors que seuls les rats non-addicts présentent une moindre excitabilité des MSN. Nous avons montré également que la drogue peut provoquer des altérations de la plasticité synaptique, comme ici une perte de la LTD EcB-dépendante dans le PFM sans que cette perte soit un symptôme de l'addiction puisqu'elle touche addicts et non-addicts. La deuxième étude a révélé que les addicts sont, en apparence, semblables aux rats témoins alors que les rats non-addicts, à quantité de cocaïne auto-administrée identique, montrent une forte baisse de l’activité des neurones dopaminergiques de l’ATV à l’état basal et une forte augmentation de la réponse de ces neurones à une injection de cocaïne. Bien qu’il soit difficile d’établir des relations entre ces deux stratégies ciblées pour les raisons que nous avons développé dans le paragraphe V du chapitre 2, nous pensons que l'ensemble de ces données suggère une absence d'adaptation des neurones et/ou des circuits neuronaux aux effets de la cocaïne chez les addicts.

Enfin, dans le chapitre III, nous avons abordé l’étude des processus qui sous- tendent la transition (ou la non transition) à l’addiction. Pour cela, nous avons considéré deux types de variables différentes entre addicts et non-addicts et étudié leur évolution de l’usage précoce à l’usage tardif de cocaïne : la LTD NMDA et l’expression génique dans le NAc. L’étude dynamique de la LTD NMDA dans le NAc révèle que cette forme de plasticité, encore présente après 7 jours d’autoadministration de cocaïne, est abolie après 18 jours. Ceci suggère que le maintien du contrôle sur la prise de cocaïne, observé chez les non-addicts après 80 jours d'autoadministration, est associé à une restauration des capacités à produire la LTD NMDA. La perte de contrôle sur l'usage de cocaïne, observée chez les addicts, est, quant à elle, associée à une persistance de cette incapacité à exprimer la LTD NMDA.

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Dans ce même contexte, l’étude dynamique de l’expression génique ciblée (synapse) et non ciblée nous a conduits à une observation majeure, la transition et la non transition à l’addiction, tout comme la restauration et la non restauration de la LTD NMDA à long terme, mettraient en jeu majoritairement des processus distincts. Des processus communs, sur lesquels addicts et non-addicts agiraient de façon opposée, pourraient néanmoins être mis en jeu de façon déterminante dans les phases précoces d’exposition à la drogue.

I Apport de nos travaux sur les bases physiopathologiques de l’addiction

La multidisciplinarité est l’atout de ce travail mais aussi source de complexité. L’ensemble des résultats présentés dans ce manuscrit nous permet de mieux comprendre certains mécanismes impliqués dans la résistance ou la vulnérabilité à l’addiction.

1 La pertinence de notre approche

Comme le suggère une abondante bibliographie sur le sujet, la cocaïne provoquerait un grand nombre de modifications et d’adaptations. Dans nos travaux, nous avons trouvé de nombreuses modifications communes aux addicts et non-addicts, autant d’un point de vue de l’expression génique (grand nombre de gènes communément altérés dans la stratégie non-ciblée, 7 gènes cibles des fonctions synaptiques) que d’un point de vue électrophysiologique (la plasticité synaptique EcB). Ces résultats suggèrent que ces modifications sont sans lien direct avec l’expression de l’addiction. Ainsi, les 7 gènes cibles "synapses", dont l’expression est altérée chez les addicts et non-addicts, sont aussi des gènes cibles "addiction" selon la littérature. Il s’agit notamment des gènes codant pour DARPP32 (dopamine- and cAMP-regulated phosphoprotein DARPP-32), le récepteur métabotropique mGluR5, les récepteurs dopaminergiques DRD1A, DRD2 long et court, le récepteur GABAA1 et Grip1 (glutamate receptor interacting protein 1). Ils ont tous été identifiés comme des gènes dont l'expression est modifiée en réponse à l'administration ou la prise de cocaïne (Nestler 1997; Nestler and Aghajanian 1997; Hyman and Malenka 2001; Nestler 2001; Kalivas and Volkow 2005;

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Carroll 2008). A ce titre, il a été proposé qu'ils puissent jouer un rôle dans l'addiction. Nos résultats suggèrent que ces gènes sont altérés en réponse à la drogue sans influencer les phénotypes de vulnérabilité et de résistance à l'addiction. L’approche qui consiste chez l’animal à comparer un groupe d’individus naïfs à un groupe d’individus exposés à la drogue (souvent sur une courte période) pourrait donc produire des données non pertinentes voire contre-productives. D’une part, elle identifie des altérations qui, bien que produites par la drogue, ne sont probablement pas pertinentes pour l’addiction (une grande quantité de modifications sont communes aux addicts et aux non-addicts). D’autre part, la majorité des individus (plus de 40%) ne développant pas une addiction, cette approche s’adresse à des individus exposés à la drogue mais qui, dans leur majorité, seraient des non-addicts. Elle interprète donc probablement des adaptations biologiques de résistance à l’addiction comme des altérations associées à la vulnérabilité à l’addiction. Néanmoins, nous ne devons pas écarter l'hypothèse que l'altération commune et similaire de l'expression de ces gènes soit une étape nécessaire dans le processus d'addiction, les futures addicts et non-addicts produisant des réponses différentes à l'activation ou l'inhibition de ces gènes. Par conséquent, notre approche consistant à comparer des individus par le biais de leur répertoire comportemental nous permet de distinguer différentes catégories de résultats : ceux communément altérés, ceux spécifiques de la résistance à l’addiction et enfin ceux associés à la vulnérabilité à cette pathologie.

2 Dynamique de l'addiction

Après 7 jours d’AA de cocaïne, nous avons observé peu de changements, tant dans les formes de plasticité synaptique étudiées que dans l’expression génique, ciblée ou non ciblée. En effet, sur les paramètres étudiés, les rats, après 7 jours d’autoadministration de cocaïne, diffèrent peu des témoins. Ils présentent une LTD NMDA normale et peu d’altérations dans l’expression des gènes. A notre connaissance, la LTD NMDA dans le NAc et dans ces conditions n’avait pas été étudiée. Elle est abolie après 18 jours (Martin, Chen et al. 2006), résultat que nous confirmons dans notre étude. Tant à 7 qu’à 18 jours, nous observons peu d’altérations dans l’expression génique. Même si une étude similaire n’a pas été réalisée, il semble que l’exposition à la cocaïne, même de courte durée, soit

- Page 184 - Discussion Générale capable de produire plus de modifications que ce que nous avons observé. Il se peut que les conditions stringentes utilisées ici pour détecter les gènes effectivement sur- ou sous- exprimés soient particulièrement efficaces. Dans ce sens, rappelons que l’étude, au moyen des microarrays, des effets de la cocaïne chez les rats addicts et non-addicts, révèle des gènes parmi lesquels ne figurent que très peu des gènes identifiés par l’approche ciblée « synapse » utilisant la qPCR. Ceci résulte probablement de la plus grande sensibilité de la qPCR mais aussi de la stringence de notre analyse, mettant en avant des gènes sur- ou sous-exprimés de façon certaine. Quelque soit la stratégie utilisée afin d’étudier les différences entre addicts et non- addicts, nous avons constaté d’une part des changements spécifiques à chacun de ces groupes de rats et d’autre part que ces changements sont moins nombreux chez les rats addicts. Ainsi, les non-addicts produiraient plus d'adaptations en réponse à la drogue que les addicts, ce qui pourrait être à l’origine de leur résistance à l’addiction. À l’opposé, les addicts ne s’adapteraient pas ou mal, ce qui aurait pour conséquence le développement d’une réponse comportementale pathologique. Pour ce qui concerne la dynamique de la pathologie, nous avons analysé l’évolution des paramètres entre des rats exposés à 18 jours d’autoadministration et des rats addicts ou non-addicts. L’étude de la LTD NMDA dans le NAc suggère une restauration, chez les non-addicts, de la LTD perdue à 18 jours et une non restauration chez les addicts. L’étude de l’expression génique nous a conduits à une observation majeure, la transition et la non transition à l’addiction, tout comme la restauration et la non restauration de la LTD, mettraient en jeu majoritairement des processus distincts et non pas les mêmes processus de façon opposée. Cette analyse est en accord avec les données obtenues dans l’étude non ciblée, réalisée dans le chapitre I, dans laquelle nous observions des différences d’expression génique entre addicts et non-addicts portant sur des voies et des processus distincts. De plus, ce sont majoritairement ces mêmes facteurs, spécifiquement altérés chez les addicts et les non-addicts après 80 jours d’autoadministration, qui semblent prendre part au processus dynamique de perte et de maintien du contrôle sur la prise de cocaïne. Ainsi, de façon spécifique chez les non- addicts, il apparaîtrait, de façon précoce, des adaptations dans des facteurs liés à la synapse, et de façon tardive, des modifications dans des facteurs liés au cycle cellulaire, l’apoptose et la transcription. De façon spécifique, chez les addicts, il apparaîtrait, de façon tardive, des modifications dans l’expression de facteurs liés au système immunitaire. Néanmoins, addicts et non-addicts partageraient également, en générant des réponses

- Page 185 - Discussion Générale opposées ou d’amplitude différente, certains processus précoces, notamment liés à l’immunité. Ainsi il pourrait être proposé que, chez les futurs non-addicts, des réponses précoces adaptées à un processus immunitaire permettraient l’expression d’adaptations synaptiques immédiates et d’adaptations plus tardives liées à l’apoptose/la transcription. Chez les futurs addicts, ces mêmes facteurs subiraient des modifications inadaptées provoquant d’autres altérations tardives dans l’expression de facteurs liés à l’immunité. Nous avons également analysé l’évolution de l’expression génique à la lumière des altérations dans l’expression de la LTD. Nous proposons que la restauration de la LTD chez les non-addicts mette en jeu des adaptations précoces (dès J18) dans l’expression de gènes liés au fonctionnement synaptique. Nous observons une forte similitude entre les facteurs qui seraient responsables de la non transition à l’addiction et de la restauration de la LTD, suggérant un lien de causalité entre les deux phénomènes. Pour ce qui concerne la non restauration de la LTD chez les addicts, elle ferait intervenir en partie un phénomène passif, l’absence des adaptations propres aux non-addicts, mais également un processus actif et notamment des modifications précoces et tardives de facteurs de l’immunité. Les données d’électrophysiologie et d’expression génique suggèrent que les mécanismes qui sous-tendent l’absence de LTD à court terme (J18) et chez les addicts sont distincts. Quant aux liens de causalité entre la non restauration de la LTD NMDA dans le NAc et la transition à l’addiction, s’il en existe, les facteurs liés à l’immunité pourraient être le dénominateur commun. En conclusion, nous pouvons proposer que les addicts, contrairement aux non- addicts, ne s’adaptent pas de façon appropriée aux effets d’une prise chronique de cocaïne. L’addiction résulterait non seulement des changements spécifiques chez les addicts mais pourrait aussi résulter de l’effet combiné de ces changements spécifiques et de l’absence, chez ces animaux, des changements propres aux non-addicts. Transition et non transition à l’addiction résulteraient de réponses distinctes aux effets de la drogue, possiblement initiées par une réponse commune mais, opposée, à un effet précoce de la drogue. Comme le suggéraient des travaux basés sur l’étude des effets de la cocaïne (Thomas and Malenka 2003), la plasticité synaptique pourrait jouer un rôle central dans la capacité ou la non capacité à maintenir un contrôle sur la prise de drogue. Addicts et non-addicts feraient l’expérience à court terme d’un état synaptique allostasique auquel succéderait un état synaptique pathologique chez les premiers et le retour à une homéostasie synaptique pour les seconds.

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AA de cocaïne à AA de cocaïne à AA de cocaïne à court terme (7jrs) moyen terme (18jrs) long terme (3mois)

Homéostasie Allostasie synaptique Homéostasie synaptique

Pathologie synaptique Réaction Effets délétères de Non-addict : adaptation aux physiologique à la prise chronique effets délétères de la prise « l’agression » de cocaïne chronique de cocaïne - Peu de modifications - quelques modifications - très nombreuses modifications du transcriptome du transcriptome du transcriptome -Maintien de la -Ì transcription de -Ê transcription de récepteurs plasticité synaptique récepteurs -diminution de l’excitabilité -Perte de la LTD NMDA- neuronale dépendante -retrouve la capacité à faire la LTD NMDA-dépendante

Addict : non-adaptation aux effets délétères de la prise chronique de cocaïne - nombreuses modifications du transcriptome -propriétés intrinsèques des neurones identiques à celles des témoins -Perte de la LTD NMDA- dépendante -forte implication de l’immunité et vimentine -comportement de type addiction

Figure 1 : Bilan des résultats obtenus et représentation des adaptations

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3 L’addiction : une pathologie liée à l’immunité ?

Nous avons montré que l’addiction était associée à l’absence d’une forme de plasticité synaptique et à des altérations dans l’expression de gènes liés au système immunitaire. Notamment addicts et non-addicts diffèrent par l’expression d’une molécule du complexe majeur d’histocompatibilité de type I (MHCI), le RT1-AW2. Dans ce contexte, il est intéressant de noter, que de nombreux travaux récents attribuent un rôle croissant, dans la plasticité synaptique, à des facteurs de l'immunité, dont les MHC de classe I (Boulanger 2009; Shatz 2009). Il apparaît que, tant dans des situations physiologiques que pathologiques (inflammation), cerveau et système immunitaire échangent des informations (McAllister and van de Water 2009). Pour ce qui concerne les MHCI en particulier, des données montrent que ces facteurs, qu'on a longtemps cru ne pas être exprimés par les neurones, peuvent être exprimés, même par un cerveau sain, et que cette expression est régulée par l'activité neuronale (pour revue (Shatz 2009)). Les MHCI peuvent en particulier être colocalisés avec PSD95, un marqueur post-synaptique (figure 2) (Goddard, Butts et al. 2007) et peuvent jouer un rôle dans la plasticité synaptique. Ainsi, chez des souris b2m–/–TAP–/–, déficientes en MHCI, la LTD NMDA dépendante est abolie dans l'hippocampe (Huh, Boulanger et al. 2000). Il est notamment proposé que ces facteurs MHCI, localisés post-synaptiquement à proximité de récepteurs AMPA (GLURs), régulent la plasticité synaptique en interagissant avec PirB (Shatz 2009) (figure 2). Les MHC de classe I jouent également un rôle important dans le maintien des connections synaptiques et les communications neurones-glie (Zanon and Oliveira 2006).

De façon intéressante, plusieurs gènes associés à l’addiction (Psmb9, Gbp2, SERPING1, MHC1) et liés à l’immunité ont leur expression sous contrôle de l’interféron gamma (Halonen, Woods et al. 2006; Moran, Duke et al. 2007). Or l’interféron gamma peut moduler la plasticité synaptique (Zanon and Oliveira 2006).

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Figure 2 : D'après Shatz, Neuron, 2009. Modèle des interactions de MHCI à la synapse.

4 De l’usage à l’addiction : la vimentine et l’immunité ?

Le MHCI associé à l’addiction n’est pas identifié comme un facteur impliqué dans la transition à l’addiction. En effet son expression n’est pas altérée après 18 jours d’autoadministration. Ceci ne signifie pas qu’elle ne le soit pas rapidement par la suite et avant l’apparition de l’addiction. Néanmoins, par le crible de notre étude, il est associé à l’expression de l’addiction et non aux processus qui y conduisent. En revanche pour ce qui concerne le rôle de facteurs immunitaires dans la transition à l’addiction, on note les facteurs C4b, appartenant à la cascade du complément, CD24 et CD25 (Ptprc), connus pour être des marqueurs des lymphocytes B (CD24, CD25) et T (CD25), des macrophages activés et des monocytes (CD25). Ces facteurs suggèrent l’implication d’un processus inflammatoire. Ces facteurs sont régulés à la fois chez les addicts et les non-addicts mais de façon différente. Ils suggèrent la mise en jeu précoce d’un processus inflammatoire auxquels futurs addicts et futurs non-addicts répondraient de façon différente. Dans ce contexte, il existe de nombreux travaux récents soulignant le rôle de processus neuroinflammatoires dans la génèse des maladies neurodégénératives (Alzheimer, Parkinson, Sclérose multiple) et

- Page 189 - Discussion Générale plusieurs molécules de l’inflammation, notamment les cytokines, peuvent altérer la plasticité synaptique (Di Filippo, Sarchielli et al. 2008). Il peut également être envisagé que ces facteurs et notamment C4b interviennent dans un contexte non inflammatoire. En effet des protéines du système immunitaire inné peuvent être exprimées dans des neurones selon des patrons compatibles avec une activité non inflammatoire. De façon intéressante, le remodelage synaptique dépendant de l’activité est altéré chez les souris dépourvues de C1q, la protéine initiatrice de la cascade du complément. Il en est de même des souris dépourvues de C3, un autre élément de la cascade, suggérant que plusieurs protéines de la cascade pourraient être mises en jeu dans ce type de remodelage. Qu’il s’agisse d’un contexte inflammatoire ou non inflammatoire, le gène de la vimentine identifié dans nos analyses suggère qu’un phénomène de remodelage pourrait être mis en jeu. La vimentine est le seul gène dont l’expression est corrélée avec la sévérité de l’addiction (score d’addiction) et altérée à moyen terme (18 jours) et long terme chez les addicts. Elle pourrait jouer un rôle tant dans l’induction que dans l’expression de la pathologie. Son expression dans le NAc est diminuée après 18 jours d’autoadministration et augmentée après 80 jours d’autoadministration, d’autant plus que les animaux sont addicts. Cet effet semble spécifique du NAc, la corrélation n’étant observée que dans deux structures (NAc et Amygdale) sur 11 testées et plus fortement dans le NAc que dans l’amygdale. La vimentine est une protéine de la famille des filaments intermédiaires en lien avec les microtubules et les microfilaments d’actine. Elle est exprimée dans les astrocytes immatures ainsi que dans les astrocytes activés (gliose réactive) et jouerait à ce titre un rôle dans les processus immunitaires (Widestrand, Faijerson et al. 2007). Elle est également présente dans les cellules mésenchymateuses, les cellules épithéliales et les cellules musculaires lisses (Fulton 1993). Elle est également exprimée par les neurones dans certaines conditions pathologiques, et notamment la maladie d’Alzheimer (Levine, Saltzman et al. 2009). La vimentine intervient dans le maintien de la forme de la cellule, de l’intégrité du cytoplasme ainsi que dans la stabilisation des interactions du cytosquelette (Evans 1998; Phua, Humbert et al. 2009). De plus, cette protéine joue un rôle important dans la formation des adhésions focales (Dogic, Eckes et al. 1999). La localisation, la structure et la composition des adhésions focales dépendent en effet des protéines de la matrice extracellulaire, des intégrines impliquées mais aussi de l'intégrité du cytosquelette et notamment de la vimentine (Dogic, Eckes et al. 1999). Dans ce contexte il est intéressant de noter que, dans le phénomène appelé “transition épithéliale à mésenchymale” (EMT),

- Page 190 - Discussion Générale qui a lieu au cours du développement et qui est soupçonné exister dans certaines formes de cancers, il est observé un changement dans le statut du réseau des filaments intermédiaires qui, de riche en kératine et se connectant aux jonctions d’adhérence, passe à riche en vimentine et se connectant aux adhésions focales (Kokkinos, Wafai et al. 2007). La vimentine pourrait jouer un rôle important tant dans la cohésion de la triade neurone-astrocyte-microvasculature (figure 3) que dans la cohésion des synapses. Dans le cas de la triade neurone-astrocyte-microvasculature participant à la barrière hématoencéphalique (BHE), les astrocytes jouent un rôle déterminant. Lorsqu’ils sont activés, notamment lors d’un processus inflammatoire, ils se rétractent et les caractéristiques de l’environnement périvasculaire change. Dans ces circonstances, l’expression de la vimentine augmente. Dans ce contexte le facteur CD25, marqueur des macrophages activés (la microglie) pourrait également jouer un rôle.

Figure 3 : Les adhésions cellulaires au niveau de la barrière hématoencéphalique (BHE). Les cellules endothéliales forment des jonctions serrées. Les péricytes sont distribués de façon discontinue le long des capillaires cérébraux. Les cellues endothéliales et les péricytes sont entourés et font partie de la membrane basale locale (BL1) qui forme une matrice extracellulaire périvasculaire distincte, différente en composition de la matrice extracellulaire des pieds astrocytaires (BL2). Les pieds astrocytaires forment un réseau complexe entourant les capillaires et cette association cellulaire serrée est importante à l’induction et au maintien des propriétés de la BHE. Les projections axonales sur les muscles lisses des artérioles contiennent des neurotransmetteurs et peptides vasoactifs et régulent le flot sanguin cérébral local. Les cellules microgliales sont les cellules immunocompétentes résidentes du cerveau. D’après Abbott et al. 2009.

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La vimentine pourrait également jouer un rôle dans la cohésion des synapses, tant au niveau astrocytaire que neuronal. Les astrocytes jouent effectivement un rôle important dans la cohésion et le maintien des synapses (Nikonenko, Toni et al. 2003). Au niveau neuronal, des travaux récents de Levin et al.(Levin, Acharya et al. 2009), démontrent un lien très intéressant entre l’expression de la vimentine et des lésions dendritiques dans la maladie d’Alzheimer. En effet, comme le schématise la figure suivante (figure 4), les neurones expriment la vimentine en réponse à différents traumatismes. La vimentine est alors transportée vers les dendrites pour tenter de rétablir l’arbre dendritique endommagé. Lorsque l’arbre dendritique est rétabli, le taux de vimentine revient à la normal. La cocaïne est connue pour entraîner des changements persistants de la structure des dendrites et des épines dendritiques (Robinson and Kolb 2004). La transition à l’addiction pourrait dépendre de l’action précoce de facteurs immunitaires provoquant des réorganisations structurales et fonctionnelles des synapses et des communications neurones-astrocytes-microvasculature.

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Figure 4 : D’après Levin et al. 2009, implication de la vimentine dans les lésions dendritiques.

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5 Perspectives

L’abondance des données obtenues par la stratégie non-ciblée nécessite d’être approfondie notamment grâce à une analyse au niveau protéique, afin de mieux comprendre les liens physiopathologiques qui relient les gènes identifiés. Par ailleurs, une étude identique est actuellement menée sur d’autres structures d’intérêt. Ceci devrait nous permettre de mieux comprendre le lien entre ces différentes structures et d’établir les modifications des réseaux neuronaux. Il est important de noter que les analyses d’expression génique et de plasticités synaptiques effectuées après 18 jours d’autoadministration ont été réalisées sur des groupes d’animaux « standards » regroupant théoriquement majoritairement des futurs non-addicts. La comparaison avec des animaux addicts pour l’étude de la dynamique de la pathologie peut donc avoir été biaisée. Les addicts ayant probablement été comparés à de futurs non- addicts. Les futurs addicts à J18 présentent peut-être des altérations spécifiques que notre approche peut ne pas avoir identifiées. Des facteurs prédictifs ont été mis en évidence qui permettent désormais d’identifier les futurs addicts après moins de 20 jours d’autoadministration (Belin, Balado et al. 2009). Utilisant cette approche, notre équipe a reproduit les expériences de plasticité synaptique à J18 chez des animaux identifiés comme futurs addicts et futurs non-addicts. Des résultats tout à fait similaires à ceux présentés dans cette thèse ont été trouvés. Les deux groupes ne présentent pas de LTD NMDA dans le NAc. Des échantillons ont été prélevés dans le but de mesurer l’expression génique chez ces animaux. Les résultats obtenus grâce aux stratégies ciblées amènent différentes questions : les pertes spécifiques de plasticité que nous avons observées contribuent-elles à la compulsivité vis-à-vis de la cocaïne ou en sont-elles de simples symptômes ? Si elles y contribuent, par quels mécanismes le font-elles ? Il conviendrait, dans un premier temps de manipuler ces formes de LTD à différents stades de la pathologie et d'en observer les effets sur la vulnérabilité à l'addiction. De même, nous avons constaté une altération de deux types de plasticité chez les addicts, une dans le NAc (LTD NMDA dépendante) et une dans le PFM (LTD mGluR2/3 dépendante). Des travaux récents montrent l’importance du lien entre ces deux structures (Kalivas 2005). Il nous parait donc intéressant d’approfondir ces résultats.

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