HISTOIRE GÉNÉRALE DE LA CHOUANNERIE DU MÊME AUTEUR Prix Saint-Louis 1999 Pour L'ensemble De Son Œuvre
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HISTOIRE GÉNÉRALE DE LA CHOUANNERIE DU MÊME AUTEUR Prix Saint-Louis 1999 pour l'ensemble de son œuvre À LA LIBRAIRIE ACADÉMIQUE PERRIN Les Grandes Heures de la Chouannerie, 1993. Bernadette Soubirous, 1994. Madame de Sévigné, 1996. Prix Gabrielle d'Estrées, 1997. Enquête sur les Anges, 1997. Brutus (en préparation). À LA LIBRAIRIE PLON Mémoires de Ponce Pilate, roman, 1998. Prix de l'Académie de Bre- tagne, 1999. Anne Bernet Histoire générale de la chouannerie Perrin © Librairie Académique Perrin. 2000. ISBN : 2-262-01281-4 A la mémoire d'Antoine-Philippe de La Trémoille, prince de Talmont. « Pour que le destin soit plus complet et plus grande la cruauté de la Fortune, il faut parfois que l'héroïsme et le malheur ressemblent à ce bonheur dont on a dit qu'il n'a pas d'histoire. « L'Histoire en effet manque aux Chouans. Elle leur manque comme la gloire et même comme la justice. Pendant que les Vendéens, ces hommes de la guerre de grande ligne, dorment tranquilles et immortels, sous le mot que Napoléon a dit d'eux, et peuvent attendre, couverts par une telle épitaphe, l'historien qu'ils n'ont pas encore, les Chouans, ces soldats de buisson, n'ont rien, eux, qui les tire de l'obscurité et les préserve de l'insulte. » Jules Barbey d'Aurevilly, Préface à L'Ensorcelée. Les provinces chouannes Carte de la région dans laquelle Jean Chouan entreprit la plupart de ses actions La chouannerie normande Avant-propos «L'Histoire manque aux Chouans », soupirait en 1851 Jules Barbey d'Aurevilly. Force est de constater qu'en l'an 2000, elle conti- nue à leur faire cruellement défaut. Il y a beaucoup d'ouvrages généraux sur la guerre de Vendée, parce que celle-ci présente une certaine unité et connaît une durée relativement courte et précise : elle commence en mars 1793 et s'achève en mars 1796 avec l'exécution de Charette. En revanche, la chouannerie est une mosaïque d'insurrections peu coordonnées, dis- continues dans le temps et dans l'espace. Aussi trouve-t-on nombre d'ouvrages partiels portant sur tel ou tel épisode de la chouannerie, sur tel ou tel personnage. Mais il n'y a pas d'histoire générale rassem- blant, du début à la fin, en un seul volume, les chouanneries mai- niotte, bretonne et normande. C'est cette lacune que nous avons tenté de combler. La chouannerie (mieux vaudrait même dire les chouanneries...) n'est pas la Vendée, ce sud de la Loire qui, unanime derrière des généraux obstinés à faire la guerre en dentelles, se souleva d'un bloc, livra entre mars et octobre 1793 des batailles qui se dissèquent tou- jours à Saint-Cyr, avant de se faire massacrer en décembre 1793 et d'être livrée aux colonnes infernales. Ce fut la force, et le malheur, des chouans, Barbey l'avait fort bien compris. Leur force parce que, faute de se rebeller ensemble et en même temps, faute donc de pouvoir constituer, comme la Vendée mili- taire, une armée catholique et royale, ils se livrèrent à une guerre de coups de main, de buissons, une guerre de chemins creux et d'embuscades nocturnes, avec la complicité d'une population qui, si elle n'avait pas massivement pris les armes, n'en sympathisait pas moins avec les rebelles. Les chouans ne pouvaient pas être vaincus sur le terrain par les méthodes habituelles, dans de grands affronte- ments décisifs. Leur malheur parce que les ténèbres et le secret qui les entou- rèrent, malgré leur romantisme, ont permis toutes les attaques et toutes les calomnies. L'insurrection qui, après avoir couvé près de deux ans, éclata à l'été 1792, embrasant le Maine, la Bretagne et la Basse-Normandie, ne prit fin qu'en 1804, avec l'exécution de Cadoudal pour se réveiller pen- dant les Cent-Jours. Ainsi pendant douze ans, dix départements de l'Ouest menèrent contre la République, puis contre le Consulat, une guérilla obstinée. Pour complexes et diverses que fussent les raisons qui dressèrent ces trois provinces contre le pouvoir révolutionnaire, aucune n'était honteuse ou injustifiable. Bien au contraire ! Et pourtant, l'Ouest chouan n'a droit qu'à la méconnaissance, à des morceaux d'histoire ou à des travestissements romanesques. La méconnaissance ? Je bavardais, voilà peu, avec une jeune femme récemment installée à Laval, autrement dit au cœur même des terres chouannes. Elle était Vendéenne et, à juste titre, fière de l'être. Dans le courant de la conversation, elle me dit, avec un étonnement sin- cère : - Dimanche dernier, mon mari et moi sommes allés nous prome- ner dans les environs. Nous avons été bien surpris de voir indiquer à un carrefour : « A deux kilomètres, maison de Jean Chouan. » Il y a donc eu des chouans en Mayenne? Nous ne le savions pas. Douloureusement atteinte dans mon orgueil mainiau, je demandais ce que c'était, pour elle, qu'un chouan. La réponse, ô combien prévi- sible pourtant, jaillit, immédiate : un chouan, c'était un Vendéen... Quelques jours plus tard, à Saint-Berthevin, village natal de Jean Cottereau, dit Jean Chouan, une vieille dame me demanda ce que celui-ci avait bien pu faire dans le coin pour mériter de donner son nom à l'une des rues de la commune... Pour porter témoignage de son héroïsme et de son calvaire, la Vendée eut deux grands avocats : la marquise de La Rochejaquelein et Napoléon I Certes, il est possible de se livrer à une critique en règle des Mémoires de Victoire de Donissan, marquise de Lescure puis de La Rochejaquelein. Il n'empêche que, tels quels, malgré les corrections du baron de Barante et la piété filiale et conjugale de leur auteur qui rend le texte si partial et si injuste, le livre, lu, relu et vendu à des mil- liers d'exemplaires, traduit à travers l'Europe entière, constitue un irremplaçable monument à la Vendée sainte et martyre. Les chouans ne possèdent rien de semblable. S'ils ont, plus que la Vendée, inspiré les romanciers, et d'abord Balzac, Barbey d'Aurevilly et La Varende, ils n'ont rencontré aucun grand mémorialiste. Certes, quelques gentilshommes, parmi le petit nombre qui vécut assez vieux pour se soucier d'écrire ses souvenirs, se risquèrent à raconter leur chouannerie. Ils ne laissèrent aucun chef-d'œuvre décisif. Puisaye ou Billard de Vaux se préoccupaient d'abord de justifier leurs choix per- sonnels, de régler leurs comptes avec leurs anciens compagnons d'armes, et de se laver des accusations portées contre eux. L'honnête Tercier est un bon témoin, mais, étranger au pays, tard venu dans l'affaire, il ne saurait se faire le porte-parole de ses soldats. Plus proche de la terre et des hommes, le colonel de Pontbriand manque de génie littéraire. Quant à Michel Moulin, ses souvenirs, irrempla- çables parce qu'écrits par l'un de ces officiers roturiers qui firent et qui furent la chouannerie, longtemps avant que les nobles s'en mêlent, ne touchent cependant qu'à la division de Saint-Jean-des- Bois et aux combats des Normands. La diversité et la durée des chouanneries auraient demandé de nombreux témoignages de chouans, étalés dans le temps, étalés dans l'espace. Ces témoignages n'existent pas. Rares d'ailleurs, furent ceux qui, à l'instar d'Emile Souvestre ou de Jacques Duchemin des Scépeaux, se soucièrent de leur en demander... Les archives, les documents, il faut aller les prendre où ils sont : chez les républicains... Le Lavallois Guy Ramard, notaire érudit qui fut l'un des plus fins connaisseurs de la chouannerie mainiotte, disait avec tristesse : « Ceux qui prétendent faire l'histoire des chouans sont donc réduits à la chercher sur des documents officiels émanés des hommes qui les combattaient : fâcheux point de départ pour une recherche de la vérité. Vouloir les étudier sur des documents serait donc équivalent à la volonté du juge de donner la solution d'un procès délicat en ne consultant que le dossier d'un seul plaideur... C'est pourquoi il importe, quand on étudie la chouannerie, de ramener les documents qui apprécient les chouans à leur juste valeur, c'est-à-dire de tenir compte des exagérations, du parti pris, et des accusations inexactes portées contre eux par des adversaires surexcités par les haines de la politique. Quand on connaît le pays et les hommes, ces exagérations, ces légendes, ces injustices, ces accusations de brigandage et toutes sortes de crimes apparaissent comme d'une invraisemblance absolue, et il y a un formidable déchet dans les papiers qui parlent d'eux 1 » Il faut nuancer un peu l'angélisme de l'excellent maître Ramard. Les passions politiques et les atrocités qu'elles peuvent engendrer éclaboussèrent aussi, parfois, les chouanneries. La guerre n'est jamais propre, encore moins la guerre civile. L'analyse est cependant exacte dans ses grandes lignes. Et elle souligne quelques-unes des difficultés nerie.de l'entreprise consistant à écrire une histoire générale de la chouan- Peu - pour ne pas dire pas - de documents émanant des chouans. Une masse de documents républicains hostiles et souvent mensongers. Des idées reçues bicentenaires, fruits d'une propagande magistrale- 1. Guy Ramard, Jean Chouan et la Chouannerie. ment menée par la police de Fouché, et qui ont fait du mot chouan un synonyme de terroriste, de brigand. En effet, si Napoléon I fut l'un des meilleurs avocats de la Vendée, il fut aussi le responsable des calomnies qui discréditèrent la chouannerie dans l'opinion publique. Lorsque Bonaparte s'empare du pouvoir, la Vendée est moribonde depuis quatre ans. Exsangue, à demi ralliée par la signature du Concordat, plus occupée de reconstruire et de repeupler que de combattre, elle ne représente plus un danger.