Les Actes Du Cresat Les Actes Du Cresat, N°12 © Éditions Du Cresat 2015 Issn 1766-4837
Total Page:16
File Type:pdf, Size:1020Kb
les actes du cresat Les actes du cresat, n°12 © Éditions du cresat 2015 issn 1766-4837 Couverture : Visuel du jeu vidéo Beyond : two souls, développé par Quantic Dream (concepteur / réalisateur David Cage) Conception graphique : Julia Coffre université de haute-alsace n° 12 • 2015 les actes du cresat revue du Centre de Recherche sur les Économies, les Sociétés, les Arts et les Techniques — — i. les séminaires du cresat iii. mémoires de master Ludovic Laloux Adeline Huguet p. 9 des limes aux ressorts, ces p. 85 la communication culturelle méconnus de la métallurgie : à l’heure du numérique. un aperçu de l’usine des étude menée au sein de ressorts du nord l’agence culturelle d’alsace. Gérald Cohen Estelle Durand p. 13 innovations p. 89 le professeur documentaliste multidimensionnelles : et la mise en œuvre de l’éducation une passion à l’image au collège Fabien Bonnet p. 21 construire la compétence des communicants comme objet d’étude — iv. Positions de thèse Marie-Claire Vitoux p. 29 itinéraire de recherche : Florie Giacona entre hasard(s) et nécessité p. 103 géohistoire du risque d’avalanche dans le massif vosgien. Brice Martin réalité spatio-temporelle, p. 51 de transrisk à transrisk2, de la cultures et représentations géographie des inondations d’un risque méconnu dans le fossé rhénan à la démarche historico-progressive. p. 115 Jean-Marie Kuppel premiers résultats un bassin d’activité à l’épreuve de la seconde guerre mondiale : les mines de potasse d’alsace (1937-1949) — ii. contributions Lauriane With p. 127 approche géohistorique p. 63 Aziza Gril-Mariotte de la gestion et de la prévention la naissance des musées textiles du risque d’inondation : le cas en france, les exemples de de la vallée de la lauch (haut- mulhouse et lyon au xixe siècle rhin) de 1778 à nos jours — v. activités et projets 1. colloques 2. activités et journées d’études Joseph Gauthier, Pierre Odile Kammerer, Fluck, Bernard Bohly Marianne Coudry p. 181 mines et métallurgie des non- p. 147 clio en cartes 2 : y-a-t-il ferreux en alsace du haut des cartes impossibles ? moyen age au xvie siècle Céline Borello, Alain J. Lemaître Pierre Fluck et les étudiants p. 155 rhétorique sacrée et éloquence du Master « gestion et animation profane : argumenter des patrimoines » de l’uha à l’époque moderne p. 185 le chantier de recherche des étudiants de nos masters olivier thévenin à la cristallerie de vallérysthal p. 157 culture et médias numériques (moselle), 21-23 mars 2014 à l’ère de la diversité Pierre Fluck Aziza Gril-Mariotte p. 195 fédération patrimoine p. 165 l’artiste & l’objet. la création dans minier / cresat les arts décoratifs et industriels mines et usines de la haute de l’époque moderne à nos jours vallée de la doller Benoît Bruant, p. 199 3. nos chercheurs ont Camille Desenclos publié en 2013 et 2014 p. 177 (re)construire le patrimoine européen p. 217 4. brèves quels enjeux pour les projets transfrontaliers et transnationaux de — valorisation patrimoniale ? p. 221 vi. l’équipe du cresat i. les séminaires du cresat 15 novembre 2013 Ludovic Laloux des limes aux ressorts, ces méconnus de la métallurgie : un aperçu de l’usine des ressorts du nord1 Ludovic Laloux est maître de conférences en histoire contemporaine à l’université de Bordeaux et chercheur au CRESAT. En 1797, Étienne Bernot naquit à Purgerot, village de Haute-Saône non loin de Vesoul. Au cours des années 1830, dans le quartier du Marais à Paris, il excelle dans la réalisation de perles d’acier, pièces métalliques ciselées qui ornent divers boutons et fermoirs pour l’habillement, et dépose en 1843 un brevet pour une machine propre à facetter et à arrondir les perles dites granats tandis que l’un de ses frères s’y établit comme serrurier. Ils illustrent cette montée dans la capitale de mécaniciens, artisans qui travaillent l’acier, talentueux et ingénieux. En 1846, Étienne Bernot rachète avec son épouse un moulin à blé à Brueil, dans le Vexin, afin de le transformer et d’utiliser la force hydraulique à des fins industrielles. En 1850, il devient conseiller municipal de cette localité et, quatre ans plus tard, achève la mise au point d’une machine à tailler mécaniquement les limes. La lime, l’outil majeur de la Révolution industrielle Utile et nécessaire pour l’ajustage des pièces métalliques, la lime s’avère l’outil le plus essentiel de la Révolution industrielle. Horlogers, dentistes ou encore mécaniciens utilisent des limes en grand nombre. Un ajusteur en use en moyenne deux par jour. Or, la taille de la lime, élaborée jusque-là manuellement, provoque la mort du tailleur de deux manières : par paralysie progressive en raison de la plaque de plomb utilisée 1. Laloux L., L’Usine des ressorts du Nord depuis ses origines (1856) – Entreprise métallurgique douaisienne à vocation internationale, Neuchâtel, ALPHIL Presses universitaires suisses, 2013, 286 p. 9 les actes du cresat pour loger la lime en cours de taille ; par inhalation, lors de la taille, de particules métalliques en suspension qui lacèrent les poumons. L’espérance de vie d’un tailleur manuel de limes est de 37 ans. En raison de son invention de nature à réduire la mor- talité de ce métier, des publications scientifiques britanniques présentent É. Bernot comme un bienfaiteur de l’humanité tandis qu’en revanche, en France, aucun écho laudatif ne se manifeste à son égard. Afin de protéger son invention, il dépose un brevet à Paris et à Londres en 1854 puis à Bruxelles en 1856. Cette année-là, une première machine fonctionne à Vieux-Condé près de Valenciennes dans le Nord. La même année, É. Bernot s’associe avec Jules Prignet, en lien avec des banquiers et des industriels tels des dirigeants de l’entreprise Cail qui représentent près du quart de l’actionnariat initial, pour fonder dans le Nord à Douai une entreprise destinée à fabriquer des limes. Son implantation en cette ville et le soutien dont elle bénéficie de la part de responsables de Cail s’expliquent par l’atelier de cette société installé depuis quelques années à Douai. Il sert à produire des machines pour l’industrie sucrière qui requiert l’emploi de limes et pour lesquelles un retaillage proche pour diminuer les coûts de transport s’avère souhaitable. La limerie douaisienne connaît rapidement un essor au cœur d’un bassin industriel et minier nouvellement desservi par la voie ferrée Lille-Paris et par un ensemble de voies navigables. En 1857, Jules Prignet, associé d’Étienne Bernot, se rend en Angleterre à Sheffield, capitale mondiale de la lime avec ses 15 000 tailleurs de limes, pour y promouvoir la machine à tailler les limes. Cependant, il s’y heurte à l’opposition déterminée des syndicats qui craignent de perdre leur influence auprès des ouvriers employés loca- lement : sa mission échoue. Toutefois, la machine est fabriquée à partir de 1859 par la firme britannique Greenwood & Batley, alors récemment fondée, qui la présente lors de l’exposition universelle de Londres de 1862. Cependant, en Europe, les ventes de sa machine demeurent sporadiques. En revanche, déposé à Washington depuis 1860, le brevet rencontre sur le sol amé- ricain un intérêt certain au profit des forces de l’Union lors de la guerre de Sécession (1861-1865) où Providence, localité sise entre New York et Boston, détrône Sheffield en devenant à son tour la capitale de la production de limes mais, cette fois, réalisées mécaniquement. Deux brevets de machines à tailler les limes s’y trouvent exploités : celui de l’Américain John Crum et celui d’Étienne Bernot que, fait sans doute peu fréquent, une loi américaine protège nommément depuis 1862. 10 l’usine des ressorts du nord 1862 : passage des limes aux ressorts En France, grâce au Nivernais Philippe Mansoy, l’entreprise douaisienne se lance en 1862 dans la production de ressorts qui présente plusieurs étapes de fabrication similaires à celle des limes, particulièrement le recuit qui permet une certaine mal- léabilité au moment de la taille de la lime ou une souplesse pour le ressort, tandis que la trempe permet de durcir l’un et l’autre de ces produits. P. Mansoy impulse à l’entreprise un saut qualitatif. Il opère un prolongement technique par le passage de la production des limes à celle, finalement proche, des ressorts : pièces destinées à des marchés qui s’ouvrent avec l’essor des transports, grands consommateurs de ressorts pour la suspension des moyens de locomotion. Par ailleurs, sans doute a-t-il saisi avant d’autres les limites de la production de la lime qui rencontre la concurrence de l’émeri, ainsi que celle de l’usinage plus performant des pièces métalliques, par des tours et autres fraiseuses, prélude à la standardisation des pièces qui s’amorce à l’aube du XXe siècle. Les ressorts désormais produits servent à équiper le matériel roulant des com- pagnies ferroviaires. À la fin du XIXe siècle, l’entreprise prend pour nom « Usine des ressorts du Nord » et se tourne vers la production de ressorts pour automobiles. À la veille de la Première Guerre mondiale, elle s’installe à la périphérie de Douai avec de nouveaux ateliers. Durant le conflit, les Allemands réquisitionnent tout le matériel. Durant l’entre-deux-guerres, alors que l’entreprise ne perçoit que les deux cinquièmes du montant des réparations que doivent verser les vaincus de la Grande Guerre, ses dirigeants promeuvent une politique sociale (cité ouvrière « Achille Dincq », aides financières pour les familles…). Survenue aux États-Unis en 1929, une crise écono- mique internationale affecte l’Usine des ressorts du Nord de 1932 à 1936, soit un bref laps de temps.