2020

LIVRE BLANC Se former aux métiers de demain

En souvenir de Benoît Anger 2 SE FORMER AUX MÉTIERS DE DEMAIN 2020 2020 SE FORMER AUX MÉTIERS DE DEMAIN 3

Sommaire

REPONDRE AUX DEFIS D’UN MONDE EN MUTATION OUVERTURE

PARTIE II Digitalisation, hybridation, agilité, confiance, bien avant la crise du Covid-19 les 4 Entretien croisé : entreprises se posaient toutes sortes de questions sur leur organisation. La pan- Laurent Champaney (Arts et Métiers) et Delphine Manceau (NEOMA BS) démie mondiale n’aura fait qu’accélérer un mouvement qui semblait déjà profond 6 Deux écoles engagées vers des organisations de plus en plus souples, décentralisées, distancielles, dans la transformation Travailler dans dans lesquelles chaque individu est amené à prendre ses responsabilités. Des des métiers Arts et Métiers et NEOMA BS nouvelles organisations qui répondent aux attentes de générations de diplômés des entreprises qui sont les mieux formés de l’histoire mais n’en sont pas moins parfois anxieux en mutation face à ces mutations. Avec Arts et Métiers et NEOMA BS, plongeons-nous dans PARTIE I ce nouveau monde… 36 Quels métiers pour demain ? Jamais l’évolution des métiers n’aura été autant scrutée.

Ces nouvelles organisations les Grandes écoles ont plus que jamais à cœur de les comprendre et de les enseigner 42 Entretien : Éric Hazan Directeur de McKinsey Digital à leurs étudiants. Ces derniers mois la Grande école d’ingénieurs qu’est Arts et Métiers comme la Grande école Vivre 44 Les qualités qu’attendent les entreprises de management qu’est NEOMA ont su faire profondément évoluer leurs enseignements pour les dans une société des jeunes diplômés dispenser à distance. Des dizaines de milliers d’étudiants ont ainsi suivi leurs cours à distance sans que leur niveau Méthodes pédagogiques, les critères de recrutement et les modes de management. en pâtisse. Bien sûr ce n’est pas la panacée et tous apprécient aujourd’hui de retourner, autant que faire se peut, en mutation 48 Entretien : Michel Mudry sur leurs campus. Mais ils ont aussi bien conscience que le mode de travail qu’ils ont expérimenté est également Président du fonds de développement de l’industrie du futur celui que pratiquent les entreprises aujourd’hui. Dans un monde toujours aussi global mais pas forcément aussi 10 Comment construire une « société apprenante » ? 50 Les qualités qu’attendent les jeunes des entreprises ouvert, le management à distance est une compétence qu’il faut absolument acquérir. De quelle façon la financer ? Comment Les entreprises veulent recruter des personnes aux profils permettre à tous d’accéder au savoir ? agiles, en capacité de s’adapter à un monde en mutation rapide La théorie et la pratique Une compétence qui est bien évidemment liée à une autre, digitale, cette capacité à utiliser les data aujourd’hui, 14 Entretien : François Taddei l’intelligence artificielle très bientôt, pour résoudre les problèmes en s’appuyant sur les données. Aujourd’hui on Directeur du Centre de recherche est digital ou on n’est pas. « Digital natives » les jeunes diplômés savent que leur meilleur atout est leur capacité interdisciplinaire PARTIE III à faire évoluer les entreprises. 17 L’impact de la révolution des datas et de l’Intelligence artificielle Faire évoluer les entreprises oui mais pourquoi ? Pas seulement pour maximiser le profit ! Les étudiants le re- Un virage encore timide qui reste à confirmer Bien se former vendiquent : ils ont aussi pour mission de rendre le développement de l’économie compatible avec celui de toute 22 Entretien : Charles Dehelly la planète. De l’entreprise publique ou privée, de l’association ou de l’administration qui les accueillera une fois Président de la Fondation Arts et pour ne pas subir diplômés ils attendent un profond intérêt pour les questions sociétales et environnementales. C’est comme cela Métiers que les entreprises les convaincront de les rejoindre et de s’investir. 24 Les ruptures du changement les mutations climatique Les entreprises doivent désormais Des entreprises qui ont plus que jamais besoin des compétences de ces étudiants dont les capacités d’innovation repenser leur stratégie et leur business 56 Expérimenter pour mieux apprendre sont reconnues par tous. Acquises au sein d’établissements d’enseignement supérieur qui pour être historiques 27 Construire la ville efficiente De nouveaux horizons en matière de Un champ de réflexion de plus en plus learning by doing – Arts et Métiers a par exemple été créée en 1780 et NEOMA BS un siècle plus tard en 1871 – n’en sont pas moins interdisciplinaire… à la pointe de l’innovation, elles forgent des profils singuliers. Quand on parle à ces étudiants de laboratoires de bousculé par la crise sanitaire 61 Entretien : Maurice Thévenet Professeur de gestion et expert en pointe, de réalité virtuelle ou encore d’hybridation des compétences on parle 30 La fin de la mondialisation management aujourd’hui ? de leur vécu, d’expériences qu’ils sont prêts à mettre au service de leurs futurs On en parlait déjà avant la crise 64 Vous avez dit hybride… employeurs. du Covid-19, on en parle encore plus Faire travailler ensemble des équipes pluridisciplinaires en rapprochant les étudiants : une priorité C’est toute cette réalité d’aujourd’hui au service d’un monde en mutation que 66 L’alternance : apprendre

nous vous proposons de découvrir tout au long de ce Livre blanc. Ce Livre blanc Une publication du groupe HEADway Advisory, SAS au capital de 30 000 €, RCS en faisant 53298990200046 Paris, CPPAP 0920W93756, 33, rue d’Amsterdam, 75008 Paris. Audace pédagogique et mentorat engagé que nous dédions à la mémoire de Benoît Anger, directeur général adjoint de Directeur de la publication : Sébastien Vivier-Lirimont. 68 Du présentiel au distanciel : Rédacteur en chef : Olivier Rollot ([email protected]). NEOMA BS qui nous a quittés en septembre 2020. Un immense professionnel trouver le bon dosage Création graphique et mise en pages : Élise Godmuse / olo. éditions de l’enseignement supérieur qui a été la cheville ouvrière de ce Livre blanc. Un modèle à repenser et rééquilibrer dans les années à venir 70 Formation continue : Olivier Rollot, rédacteur en chef toute une vie pour apprendre Se renouveler et répondre aux besoins ORollot de rebond des salariés 4 SE FORMER AUX MÉTIERS DE DEMAIN 2020 2020 SE FORMER AUX MÉTIERS DE DEMAIN 5

posséder toute l’expertise technique nécessaire. L. C : Quand la demande d’une économie circulaire Laurent Champaney se fait plus forte cela impacte toute la supply chain et nos étudiants doivent apprendre comment la gérer. DIRECTEUR GENERAL DES ARTS ET METIERS Dans le même esprit nous avons conclu un important partenariat avec Dassault Systèmes pour imaginer la ville du futur. Notamment en Asie naissent de nouvelles métropoles dans lesquelles il est possible de modéliser les expériences de vie. Ainsi nos ingénieurs sont amenés Delphine Manceau à travailler sur des sujets d’ingénierie qui ne sont pas seulement technologiques. DIRECTRICE GENERALE DE NEOMA BS O. R : Comment préparez-vous vos étudiants à traiter ces sujets de société ? L. C : C’est essentiellement un sujet de vie étudiante. « Il faut croiser les compétences des écoles Nous poussons nos étudiants à se mettre au service d’ingénieurs et de management » de la société et notamment des municipalités. 6 000 L. C : Les jeunes que nous formons sont souvent mili- D. M : Au sein de notre PGE nous avons prolongé l’en- Arts et Métiers compte tants des causes environnementales et sociétales. Nous seignement de certaines disciplines de classes prépara- Arts et Métiers et NEOMA BS se sont O. R : Quand nous avons commencé à 6 000 étudiants et en devons confronter ces jeunes adultes à une réalité qui toires, dont les humanités, et créé des séminaires et ce diplôme 2 000 chaque année associés pour réaliser ce Livre blanc. travailler à ce Livre blanc la pandémie du est qu’on ne peut pas arrêter de produire de l’acier ou que nous appelons des « capsules académiques » sur Leurs directeurs respectifs, Laurent Covid-19 n’était absolument pas d’actualité. sur ses huit campus. du béton. Nous leur disons donc qu’ils peuvent changer les sujets climatiques, environnementaux et sociétaux. Champaney et Delphine Manceau, Qu’est-ce qu’elle change pour vous ? le monde, qu’ils doivent conserver leurs convictions, L. C : La gestion des risques est aujourd’hui un élément reviennent sur leur vision d’un monde L. C : L’impact est d’autant plus fort que les Grandes en mutation qui est aujourd’hui au cœur mais qu’ils doivent également les conjuguer avec la très présent dans nos enseignements avec des outils à écoles préparent leurs étudiants à travailler dans une de leurs stratégies. réalité économique. Récemment nous avons d’ailleurs acquérir pour comprendre les risques liés aux pratiques entreprise. Beaucoup plus que les universités. Quand 9 500 NEOMA BS compte décidé de nous appuyer encore plus sur l’histoire de humaines. Nous sommes d’ailleurs bien conscients Olivier Rollot : Comment vous est venue l’idée les entreprises font de plus en plus appel au télétravail 9 500 étudiants sur l’école - et des « Gadz’arts » qui l’incarnent - pour que nous avons encore trop tendance à proposer des de réaliser ce Livre blanc ? nous devons y préparer nos étudiants. C’est ce que nous ses trois campus. montrer comment toute cette expérience accumulée enseignements théoriques, qui permettent uniquement Laurent Champaney : La montée en puissance du avons fait avec la détemporalisation de la formation. Et permet de conduire le changement. de résoudre un problème type. Il faudrait aller plus loin digital transforme tous les métiers et encore plus ceux nous n’allons pas revenir à l’ancien modèle. en évaluant leur capacité à proposer et argumenter des d’ingénieur. De nouvelles organisations du travail voient D. M : La crise sanitaire nous a conduit à tester de solutions à des problèmes pas forcément bien posés. le jour et nous devons imaginer comment former de nouveaux modes de management, de nouvelles pra- CGE O. R : Les questions environnementales et de RSE (responsabilité sociale des entreprises) plus en plus des ingénieurs managers. Ce Livre blanc tiques dont certaines valent la peine d’être conservées. NEOMA BS et Arts et Métiers travaillent sont prioritaires pour vos étudiants ? O. R : En France on a encore trop tendance à reprend de nombreuses réflexions que nous menons. Notamment parce que le management à distance de concert au sein D. M : Sur tous ces sujets climatiques nous nous effor- apprendre des recettes toutes faites ? Delphine Manceau : Les compétences demandées permet de communiquer sur plusieurs sites à la fois, de la Conférence des grandes écoles (CGE) çons de leur démontrer la complexité de ces enjeux et la par les entreprises sont en forte évolution. C’est un sujet apporte plus d’entraide et de transversalité entre les L. C : Je pense même que cela peut amener des étu- difficulté de prendre certaines décisions parce qu’elles de fond dont nous nous sommes emparés récemment personnels, limite les déplacements. Autant de modes diants à ne pas venir dans une école d’ingénieurs parce impliquent des arbitrages entre différentes causes en réformant notre programme Grande école (PGE). d’organisation de demain que la pandémie nous a qu’ils craignent, toute leur vie, d’avoir ainsi à résoudre tout aussi importantes. Au-delà de ses convictions Les compétences de demain seront hybrides parce conduits à appliquer dès aujourd’hui. des problèmes types - ce qui ne sera sûrement pas le profondes il nait toujours un dilemme entre différentes qu’il faut absolument apprendre à travailler avec des L. C : Arts et Métiers possède huit campus dont les cas – plutôt qu’à innover. solutions dont aucune n’est parfaite. profils différents. C’est donc important de croiser les personnels se sont mieux rendu compte qu’ils consti- D. M : Il faut absolument apprendre à poser les pro- L. C : Le changement dans l’entreprise doit concerner points de vue et d’échanger avec les écoles d’ingénieurs. tuaient en fait un établissement unique grâce à une blèmes. Or notre système d’enseignement n’est pas toute l’entreprise. On ne peut pas être seul. C’est pourquoi nous avons voulu mener ensemble cette communication plus directe, qui a réduit les échelons assez orienté là-dessus dès le secondaire. Aujourd’hui D. M : Oui et il faut connaître le système pour le changer réflexion sur les nouveaux métiers et sur la meilleure tout en produisant plus d’entraide et d’échanges. Pour il faut développer ses capacités d’adaptation, de réac- de l’intérieur. À NEOMA, nous avons justement développé manière de préparer les étudiants à l’environnement beaucoup d’entreprises dont les organisations sont tivité et ce sont des compétences qu’ont nos étudiants. tout un cycle de conférences sur la RSE. Le président de demain. Nous travaillons beaucoup ensemble au proches de la nôtre cela a été le même constat. L. C : Nos étudiants savent s’adapter et n’ont pas peur de directeur général de Danone, Emmanuel Faber, a par sein de la Conférence des grandes écoles. l’échec. Ce qui en fait aussi des créateurs d’entreprise. exemple montré que la maximisation du profit ne pouvait D. M : Ils sont aptes à la prise de risque et savent que L. C : Il est encore rare de voir se croiser les contri- O. R : Les entreprises transformaient déjà pas être l’alpha et l’oméga de l’entreprise. Il a souligné créer une entreprise ce n’est pas forcément réussir. butions des écoles d’ingénieurs et de management. Or leurs organisations avant la pandémie. qu’il fallait connaître les fondements classiques de la nous constatons que nos pratiques ne sont finalement Elles ont accéléré le mouvement. En fait ils ne se doutent de rien. C’est ce qui en fera finance pour pouvoir ensuite les réformer. Nous devons pas si éloignées. L’avenir du financement des écoles Comment y préparez-vous vos étudiants ? des acteurs clés du monde de demain. à la fois ne pas décourager les velléités de changement d’ingénieurs nous rapproche. Et même si je ne suis pas D. M : Nous devons encore plus les former à manager de nos étudiants et leur démontrer qu’on ne peut pas un partisan forcené des doubles diplômes je suis certain dans l’incertitude et à manager à distance, un sujet construire des entreprises plus responsables sans que nous devons travailler de plus en plus ensemble. jusqu’ici assez négligé qui va devenir crucial. 6 SE FORMER AUX MÉTIERS DE DEMAIN 2020 2020 SE FORMER AUX MÉTIERS DE DEMAIN 7

NEOMA ARTS ET MÉTIERS construire l’École de demain répondre aux défis industriels L’intelligence artificielle, les big data mais aussi les enjeux sociétaux et les changements climatiques… et aux enjeux sociétaux autant de bouleversements qui transforment nos comportements, nos manières d’apprendre, notre environnement, incitant tous les secteurs à se réinventer. L’enseignement supérieur ne fait Grande école d’ingénieurs et établissement technologique, Arts et Métiers compte 8 campus et 3 pas exception. NEOMA s’empare de cette réalité et repense ses pratiques en matière de contenus, instituts. Arts et Métiers a pour missions principales la formation d’ingénieurs et cadres, la recherche de pédagogie, d’international et d’approche du digital. Face à ces nombreux enjeux, et anticipant et le transfert à destination de l’industrie. Elle forme chaque année plus de 6 000 étudiants du les besoins des entreprises et les attentes des générations actuelles et futures, NEOMA Business bac+3 jusqu’au bac+8. Par ses formations initiales et continues, ses 15 laboratoires et sa recherche School se réinvente pour construire l’École de demain, celle qui sera à même d’adresser toutes ces partenariale, Arts et Métiers est un acteur socio-économique au service des territoires. transformations et de convertir ces défis en opportunités.

epuis sa création en 1780, Arts et Métiers s’at- diaire ont conduit Arts et Métiers à créer un Bachelor ans une démarche agile, caractérisée par l’ap- tache à répondre aux défis industriels et aux de Technologie. L’établissement a parallèlement enga- proche « test and learn », NEOMA ne suit pas enjeux sociétaux, en constante évolution. Sa gé des moyens pour développer une offre de formation seulement l’innovation mais la crée, en accord Dpremière mission ? Former des ingénieurs spécialistes continue qui doit encore se développer. Ainsi, à ce stade Davec son ambition de devenir le challenger innovant des technologies durables : des ingénieurs capables de de son histoire, elle dispose de l’ensemble de l’offre de des plus grandes Business Schools internationales. Une concevoir des produits et systèmes respectueux de l’en- formation technologique nécessaire à la formation des posture que l’École choisit de s’appliquer à elle-même. vironnement, mais aussi d’une organisation industrielle cadres de l’industrie qu’ils soient primo-entrants ou bien En misant d’abord sur l’innovation éducative. Ainsi, respectueuse des personnels tout en en maîtrisant les encore actifs en besoin d’acquisition de compétence. Elle NEOMA anticipe les transformations des modalités risques et les coûts. est la seule « école d’ingénieurs » dans cette situation. d’apprentissage et la nécessité de renforcer leur dimen- À la différence des universités classiques, c’est donc Arts et Métiers a ainsi accompagné les différentes révo- sion expérientielle grâce au digital. Son objectif : inven- bien l’expression du besoin économique et social qui lutions industrielles et se doit aujourd’hui de construire ter une nouvelle expérience étudiante cohérente avec est à l’origine même de la création de l’établissement et et d’incarner l’industrie du futur. Nous avons pour ob- les pratiques des nouvelles générations et qui intègre les qui a conduit, tout au long de ses deux cent cinquante jectif d’accompagner la performance et l’innovation in- nouveaux rapports à l’information et à la connaissance. ans d’histoire, son développement. Car par adjonctions dustrielle en France et à l’international. C’est une ambi- L’immersion internationale est également au cœur de la fonde mutation, NEOMA a ainsi noué des partenariats successives et par soucis de répondre toujours aux be- tion que nous construisons tous les jours. La formation réflexion de NEOMA en faveur de l’École de demain. avec des écoles d’ingénieurs, de design ou d’architec- soins de l’Industrie, sur la base de son diplôme origi- et la recherche en sont les socles, mais aussi les liens que Consciente que la mondialisation que nous connais- ture. À la clé ? Des profils agiles et créatifs à l’ère di- nel, Arts et Métiers a : nous tissons avec les entreprises des régions où nous sions est actuellement en profonde évolution, l’École gitale, maîtrisant les sujets techniques sans pour au- • Enrichi son offre de formation jusqu’à délivrer tous les sommes implantés. L’école s’engage auprès des terri- s’engage plus que jamais pour former ses diplômés à tant faire l’impasse sur les compétences managériales niveaux académiques du Bachelor jusqu’au Doctorat toires à être autant un acteur de formation qu’un acteur évoluer dans un monde complexe et globalisé. Tout en et les soft skills. • Développé une capacité de recherche, d’innovation et socio-économique. Cet engagement nous le menons respectant sa conviction que l’expérience n’est jamais À NEOMA nous avons une certitude : face à la transfor- grâce à nos 11 implantations et nos 15 laboratoires de aussi forte que lorsque les étudiants s’immergent dans mation du monde, l’éducation doit ouvrir de nouvelles de transfert pour accompagner les entreprises et enri- chir son modèle pédagogique recherche. Nous nous sommes également associés pour les meilleures universités du pays. voies. Avec le soutien des réseaux qui font notre force la première fois à la French Fab et contribuons ainsi aux • Développé un maillage territorial, pour accompagner Dans le même temps, pour répondre à la forte attente (62 300 diplômés, 200 entreprises, 335 partenaires aca- côtés de Bpifrance à promouvoir l’image de l’industrie au plus près du terrain les collectivités et les entreprises de formation autour du développement durable de cette démiques à l‘international), nous challengeons les mo- française auprès du grand public. Notre maillage ter- nouvelle génération appelée « sustainable natives », dèles existants, dans nos pratiques mais également au Ces différents points constituent les fondements de ritorial en France est une de nos forces et nous souhai- NEOMA s’empare des dimensions sociales et environ- sein de nos cursus, du post-bac à l’Executive Education. l’identité Arts et Métiers, une identité qui repose sur la tons à présent le développer à l’international. compréhension du besoin industriel pour apporter des nementales. Elle considère que la question n’est plus de Transition durable, évolution des métiers, enjeux socié- Le développement de nos capacités à accompagner l’in- solutions aux entreprises tant en termes de formation savoir pourquoi enseigner la RSE mais comment ensei- taux… notre objectif est que chaque étudiant s’empare dustrie dans sa transformation en vue d’être plus durable (initiale et continue) que de recherche. gner la RSE, même si l’enjeu n’est pas de former des ex- pleinement de ces thématiques centrales pour l’avenir. et plus respectueuse des femmes et hommes et de leur perts environnementaux. Car demain, parions que ces Le temps de la formation à des savoirs techniques et Fidèle à sa vocation et à son histoire, Arts et Métiers environnement est un challenge passionnant. sujets seront encore plus complexes et techniques. Face à des fonctions stables de l’entreprise est révolu. Notre sait aussi se réinventer et se positionne aujourd’hui sur à ce défi, l’objectif est de donner accès à des connais- mission porte désormais sur la formation à des com- le triptyque Hommes-Digital-Industrie. sances scientifiques pointues. À NEOMA, nous pen- pétences plutôt qu’à des métiers, afin que les étudiants L’école par son histoire a su faire évoluer son offre de sons que l’introduction des « sciences dures » aux cô- deviennent des diplômés en apprentissage constant. Et formation au rythme des attentes exprimées par l’in- tés des sciences sociales deviendra incontournable pour pour qu’ils soient demain les acteurs de la transfor- dustrie. Initialement école de contremaitres, Arts et Mé- adresser la RSE dans toute sa globalité. mation de notre environnement, capables d’appréhen- tiers s’est transformée en école d’ingénieurs. Les besoins Une approche hybride sur laquelle l’École mise éga- der, grâce à leurs compétences, les métiers de demain. d’innovation croissant l’ont amené à créer un doctorat, lement en introduisant dans ses cursus des enseigne- pour certaines compétences plus spécifiques de niveau ments multidisciplinaires pour favoriser la fertilisation ingénieurs, l’établissement a créé un ensemble de for- croisée. Dans un environnement technologique en pro- mations d’ingénieurs spécialisés délivrées par la voie de l’apprentissage. Enfin, plus récemment les carences exprimées par les entreprises en management intermé- PARTIE I

Vivre dans une société en mutation

Le monde se digitalise et on parle de « Quatrième révolution industrielle ». Le monde se réchauffe et il faut trouver des solutions pour assurer sa pérennité. Le monde connaît une pandémie inédite et il semble soudain se rétrécir. Vivre dans une société en mutation c’est s’adapter. Constamment ! 10 SE FORMER AUX MÉTIERS DE DEMAIN 2020 2020 VIVRE DANS UNE SOCIÉTÉ EN MUTATION 11

utiles (Programmes d’investissements d’avenir-PIA, e-FRAN ou encore pro- Comment construire une FAN). Cette intensification peut d’au- tant plus s’inscrire dans ce projet que les dépenses en recherche et développe- « société apprenante » ? ment plafonnent en France à 2,3 % du PIB. Loin encore de l’objectif de 3 % La « société apprenante » est aujourd’hui au centre des projections d’un monde défini en 2000 lors du Conseil européen de Lisbonne. au sein duquel l’acquisition constante d’un savoir nouveau est une nécessité vitale pour chacun. Si une augmentation des moyens en pro- Dans les faits, cette société se révèle bien difficile à mettre en place. De quelle façon la financer ? venance de la puissance publique est in- Comment permettre à tous d’accéder au savoir ? La théorie et la pratique. dispensable pour une telle ambition, elle ne peut être suffisante (seule). Un autre rapport, rédigé en 2015 et intitulé « Pour alariés en télétravail, étudiants sui- Des apprentissages les métiers vont profondément changer, une société apprenante – Propositions vant des cours à distance, profes- adossés à la recherche les individus vont devoir s’ajuster dans pour une stratégie nationale de l’ensei- Sseurs assurant une « continuité un environnement qui bouge. On doit gnement supérieur », recommande aus- pédagogique » numérique, chacun a vu Le rapport « Vers une société appre- entretenir cette culture de l’adaptation si « un accroissement de la contribution ses tâches et ses missions se transformer nante » remis en 2018 par Catherine tout en restant dans le système de di- des entreprises au financement de l’en- ces derniers mois. Tous nous avons été Becchetti-Bizot, Guillaume Houzel et plôme. On cherche à la fois à répondre seignement supérieur en cohérence avec contraints de nous adapter dans la pré- François Taddei au ministère de l’Ensei- à la demande institutionnelle et à anti- leurs besoins de qualifications. ». Le sec- cipitation et sous la contrainte à une si- gnement supérieur, de la Recherche et de ciper celle de demain ». teur privé peut participer en prenant par tuation inédite de crise sanitaire. Déjà, l’Innovation fait de la recherche en édu- Le rapport pointe ainsi le besoin d’in- exemple en charge la création de chaires le numérique et l’intelligence artificielle cation une priorité : l’école d’aujourd’hui tensifier la recherche en éducation, en- d’enseignement dans un double objectif : avaient accéléré les transformations du permettra aux individus de s’adapter aux core largement sous-financée : « De ré- nourrir les projets de recherche et former Se former ça peut être aussi passer des instants conviviaux comme ici à NEOMA monde du travail. N’est-il pas alors de- exigences de demain. C’est en acculturant cents travaux de l’Alliance Athéna pour les étudiants au secteur d’activité concer- © Neoma venu urgent de basculer vers une société les élèves à un système basé sur l’adap- les sciences humaines et sociales et de la né. C’est déjà une pratique largement ré- apprenante, au sens de François Taddei ? tation et l’apprentissage permanent qu’ils direction générale de l’enseignement su- pandue dans les Grandes écoles mais qui « Dans une société apprenante, il y a un les individus à des compétences que les (lire son entretien pages suivantes) qui pourront construire, par leurs initiatives périeur et de l’insertion professionnelle pourrait l’être encore davantage dans les point essentiel à prendre en compte : l’ar- institutions scolaires ne priorisent pas, l’analyse ainsi : « Dans une société ap- une société apprenante. (DGRI) ont permis d’identifier environ universités. ticulation entre l’évolution des métiers et malgré leur intérêt certain sur le marché prenante, chaque individu doit pouvoir Et cela commence très tôt. À Paris, Pas- mille cinq cents scientifiques travaillant le développement des formations de base de l’emploi. À Dijon, l’association Talent- construire et partager ses connaissances cale Haag a ainsi créé une « Lab school », dans le champ de l’éducation. Un peu et continues pour ces mêmes professions. Campus, lauréate du PIA 2012, propose et ses découvertes avec les autres, docu- une école dont l’objectif est justement plus d’une centaine de thèses seraient Des tiers-lieux Jusqu’à présent, il n’y avait pas de dis- des modules pour les élèves, les salariés menter ses apprentissages, disposer des d’expérimenter de nouveaux modes d’ap- soutenues par année. Cet effort appa- pour apprendre tout positif dédié : les métiers se transforment ou les demandeurs d’emploi dans le do- ressources, des lieux et des accompa- prentissage à partir des recherches en raît vingt à trente fois inférieur à celui au long de la vie sans pour autant que les enseignements maine des compétences sociales. « Au- gnements nécessaires pour progresser sciences de l’éducation. Elle réalise une consenti pour la santé ». suivent », explique-t-il. paravant, quand nous allions voir les mais aussi pour permettre à d’autres de veille et adapte les enseignements, l’en- Un financement supplémentaire pour- Seulement, la recherche et les actions L’Helvète a donc imaginé des lieux dans institutions qui aidaient les personnes s’en inspirer et d’améliorer leurs pra- cadrement et les conditions de travail rait permettre de prendre en charge la en faveur d’une société apprenante ne lesquels les acteurs concernés peuvent éloignées du marché du travail, on nous tiques. » En quelque sorte une société de en fonction : « Le projet pédagogique création de chaires internationales ou de peuvent se limiter aux enseignements discuter et anticiper les évolutions à ve- disait qu’avant de penser aux compé- confiance et de partage dans laquelle cha- consiste à accompagner les enfants pour « centres de référence » dans le domaine initiaux. Parce que c’est de loin le princi- nir. Il a ainsi déjà réalisé une première tences sociales, il fallait penser aux com- cun peut puiser de l’information et contri- qu’ils deviennent autonomes et qu’ils ap- des sciences de l’éducation. Et pour ce pal moyen par lequel les salariés peuvent expérience sur les professions liées à la pétences techniques. Aujourd’hui, ces buer à rendre les autres plus efficaces car prennent à apprendre. Nous savons que faire, les appels à projets peuvent être développer des compétences nouvelles, radiologie médicale, avec des partenaires structures viennent à nous et se sont ren- mieux informés. Une utopie ? Non parce la formation continue est à réaménager. hospitaliers et des universités de la région du compte que cela importait vraiment que les ressources le permettent. « Au- Déjà pour que chacun y ait accès. Chaque qui participent au financement, des cher- pour ces publics en difficulté qui n’ont jourd’hui les canaux sont multiples avec année, en France, 32 % des adultes parti- cheurs, des professionnels, etc. Résultat ? aucune idée des règles du jeu de l’entre- un monde Internet dans lequel la quali- cipent à une formation liée au travail. Bien Un certain nombre de recommandations tien d’embauche », raconte Étienne Gal- té de l’information est plus qu’hétéro- en dessous de la moyenne OCDE qui est ont été faites, notamment pour le métier miche, directeur de la structure. gène. L’esprit critique est donc plus que de 41 % ! Surtout, seulement 49 % des de technicien radiologue, qui, avec le dé- jamais utile mais il faut donc dévelop- participants estiment que leur formation veloppement de l’intelligence artificielle per d’autres compétences et plus seule- a été très utile. Autant de chiffres qui il- (IA), devrait voir ses missions profon- L’enjeu de l’accès ment mémoriser ou compter quand les lustrent le besoin de remettre à plat tout dément évoluer. Beaucoup de ses tâches aux ressources machines le font mieux que nous. Il faut un système. seront supprimées et il serait intelligent travailler sur le sens, l’empathie, la ca- Cependant, là encore, la société appre- de lui en attribuer d’autres, comme celle Pour que tous les individus puissent par- pacité à coopérer pour relever des défis nante ne se résume pas aux formations de diagnostic sur images, réservée aux tager ce savoir, ils doivent pouvoir l’at- complexes : des compétences que le sys- dans les institutions traditionnelles. La médecins jusque-là. Ces conclusions ont teindre… « La société apprenante, c’est tème éducatif ne développe pas toujours création de tiers-lieux est ainsi recom- été reprises et un master créé en ce sens. une société qui multiplie les modalités suffisamment », explique encore François mandée par François Taddei « pour fa- « Ces réseaux sont des espaces dans les- d’accès au savoir. On ne réserve plus les Taddei. Si, sur le papier, cette perspective voriser les rencontres les échanges et les quels il s’agit d’identifier les transforma- questions d’apprentissage à l’école et on fait consensus, la réalité est toute autre. coopérations entre praticiens, passeurs tions mais aussi, avec les résultats obte- ouvre la question du lieu de formation à Difficile à instaurer, tant pour des ques- et chercheurs, aux différentes échelles, nus, de faire circuler l’information pour l’ensemble du territoire. L’enjeu est bien tions culturelles qu’économiques, la socié- modestes ou ambitieuses ». que les entreprises et les formations s’en de mettre à disposition des ressources et té apprenante est encore lointaine. Com- En Suisse, Xavier Realini a mis en place emparent », poursuit Xavier Realini. de faire en sorte que tout le monde, quelle Etudiants en formation dans un laboratoire des Arts et Métiers ment alors la bâtir et la financer ? Arts et Métiers © des « Réseaux Veille Métiers ainsi ». Ces tiers-lieux sont l’occasion de former que soit sa situation sociale, puisse ap- 12 SE FORMER AUX MÉTIERS DE DEMAIN 2020 2020 VIVRE DANS UNE SOCIÉTÉ EN MUTATION 13

prendre quelque chose », assure André permet d’attirer et surtout de conserver nologies de pointe qu’on peut apprendre nous obligeant à respecter une meilleure Chauvet, cofondateur de l’association les talents qui sont plus que jamais en à utiliser. La recherche peut se démocra- hygiène mais aussi à être plus coopéra- Kelvoa constituée d’experts de l’accom- quête de sens dans ce qu’ils font. C’est tiser quand nos téléphones sont devenus tifs », constate François Taddei. pagnement professionnel. de la responsabilité des entreprises de des labos de poche qui peuvent aider à Et les outils sont nombreux pour cela. Du Mais le règne de la transparence et du mettre à la disposition de leurs salariés faire des mesures, se poser des questions, simple suivi d’un compte Twitter à ce- partage d’informations est encore loin. des espaces de formation », confirme se documenter ou se connecter à des ex- lui de cours en ligne gratuits, les fameux L’accès au savoir est une marque de pou- Antoine Amiel. perts et des pairs ». MOOC (Massive Online Open Courses) voir difficile à abandonner et un véritable Si l’on en croit les chiffres de l’OCDE, Cette capacité qu’a chacun de nous à se qu’ont créé la plupart des établissements avantage économique par rapport à ses une grande partie des salariés ne consi- former constamment est à la fois au centre d’enseignement supérieur, en passant par concurrents. C’est d’ailleurs un phéno- dère pas la formation continue suivie de la « société apprenante » et plus que toute une série de ressources digitales mène observé dans l’enseignement supé- comme utile. « Aujourd’hui, plusieurs jamais nécessaire quand se développe de plus en plus populaires. Parce que se rieur. « Nous sommes un ensemble d’or- centaines de milliards d’euros sont dé- le travail à distance. « Nous sommes à former par soi-même ce n’est pas forcé- ganisations variées qui ont toutes comme pensés en formation continue en Eu- un tournant : nombre de ceux qui se dé- ment se former seul mais, au contraire, moteur le fait d’innover. Il y a donc une rope et on ne peut pas dire que cela a plaçaient beaucoup pour leur travail se rejoindre des communautés très larges, forme de coopération entre écoles de ma- toujours été très efficace », estime Sté- sont rendu compte qu’ils pouvaient tra- parfois dans le monde entier, qui se créent nagement. Mais il y a une compétition phane Haefliger. vailler à distance. Avec à la fois moins au travers des intérêts communs tout au entre nous. Les modes collaboratifs ne Sans doute faut-il aussi que nous nous d’empreinte carbone et moins de stress long d’un enseignement. Et qui peuvent sont pas forcément toujours très simples : prenions chacun en main. Pragmatique, dans les déplacements même si rien ne ensuite déboucher sur des certificats et on est dans un environnement concur- François Taddei rappelle par exemple que remplace la rencontre. Cette crise pro- même des diplômes qui valideront cette rentiel », concède Marie-Laure Massué, « notre smartphone est équipé de tech- voque une transformation massive en acquisition de connaissances. directrice du Learning Lab de NEOMA Eva Mignot Business School, le laboratoire au sein duquel se dessinent les pratiques péda- gogiques innovantes de l’école. Les bibliothèques sont de plus en plus virtuelles : à la clé un savoir infini Dans un tel monde, l’État a un rôle im- © Shutterstock 3 questions à… portant à jouer pour garantir une certaine équité sociale. Si la société apprenante est Alain Goudey, directeur de la transformation un bien commun au sens sociologique du Bas (entre 54 % et 62 %). Pour Salima Toute notre vie, nous avons eu un certain digitale de NEOMA BS terme, c’est-à-dire non excluable, les pou- Benhamou, économiste et coautrice de cadre. S’en défaire n’est pas facile. Il fau- voirs publics doivent la financer ou ré- la note de France Stratégie, plusieurs fac- drait déjà commencer par changer l’école Cette période si particulière a montré ce notions d’imprévus et de spontanéité guler l’accès à ses composantes. « Il ne teurs peuvent expliquer ce résultat rela- et la posture des enseignants ». qu’apportaient ces approches numériques au sein d’un agenda planifié à l’extrême s’agit cependant pas de proposer une tif : « C’est surtout une question cultu- À cela s’ajoutent aussi des justifications mais aussi a permis d’en pointer les limites (généralement sans pause), diminue standardisation venue d’en haut mais relle et managériale : le fonctionnement économiques : changer d’organisation du qui peuvent se résumer par créer de la l’aisance relationnelle (la « zoom fatigue ») et plutôt de permettre le financement de même de notre société se base beaucoup tout au tout ne se fait pas sans coût. « Il proximité dans un monde de distance et de nécessite un mode managérial spécifique. projets territoriaux portés par les ac- sur les statuts, hiérarchise beaucoup les y a des contraintes réelles budgétaires : virtualisation. Cela fut aussi l’occasion pour nombre de personnes de se requestionner teurs, dans lesquels toutes les personnes métiers. » une entreprise doit se battre au quoti- On parle constamment de sur les choix professionnels voire les peuvent être parties prenantes », avertit Selon Salima Benhamou, les systèmes dien. Elle n’a pas forcément le temps de pluridisciplinarité ? choix et les modes de vie. L’enseignement André Chauvet. nationaux qui accordent une grande im- mettre tout cela en place », assure Jéré- Ça s’enseigne comment ? supérieur doit s’adapter à ce contexte portance à la filière académique classique my Lamri. « Ce qui est compliqué, c’est pour former les « architectes du monde La pluridisciplinarité correspond avant tout au détriment peut-être de la filière profes- de bloquer du temps pour organiser des de demain » afin de les outiller pour à un état d’esprit, qui, dans l’idéal, devrait Des entreprises vraiment sionnelle, comme peut le faire la France, retours d’expérience réflexifs. Elles ont décider en connaissance de cause sur des être inculqué dès l’enfance : être curieux de apprenantes ? « ont plus de chances d’adopter des or- l’impression de « sacrifier » leur temps. sujets qui vont allier systématiquement tout ce qui nous entoure, tout au long de sa ganisations du travail hiérarchisées ». Et Les entreprises souhaitent que leurs col- et de manière plus critique que jamais vie ! Dans le supérieur, cela va se concrétiser Les pouvoirs publics ne peuvent donc à donc, d’être finalement moins propices à laborateurs se responsabilisent, soient des enjeux humains, technologiques, par l’analyse d’un sujet selon différents eux seuls financer l’intégralité de la so- être apprenantes. « Avec un modèle py- acteurs de leur formation, encore faut-il environnementaux, éthiques, et encore prismes : par exemple l’intelligence artificielle ciété apprenante. S’ils doivent garantir à ramidal dans nos organisations, les gens leur en donner les moyens », ajoute An- financiers, le tout, dans un contexte peut être traitée sous un angle technique, tous l’accès aux ressources, ils ne peuvent sont davantage dans la production que toine Amiel, fondateur de Learn Assem- changeant et incertain. Plus que jamais se mais aussi en situation en marketing ou en former tout au long de sa vie est nécessaire ! finance, humain avec une approche plus s’immiscer au sein des entreprises qui dans la réflexion. On le retrouve dans bly, une entreprise de conseil en forma- critique et éthique du sujet, d’un point de vue ont alors à réaliser les efforts en interne nos institutions et notamment à l’uni- tion digitale. plus macroéconomique, voire géopolitique !

si elles veulent promouvoir cette société versité », confirme Stéphane Haefliger, BS © NEOMA Quels sont les grands atouts et Cette approche permet de faire comprendre qu’elles appellent de leurs vœux. psychosociologue au cabinet de conseil limites du travail à distance ? En quoi la crise du Covid-19 nous la complexité d’un sujet et de développer Seulement, si ces sociétés vantent un tel spécialisé dans les ressources humaines Des outils pour se Le travail à distance permet une grande des zones d’évidences communes qui modèle, toutes ne l’appliquent pas. Dans Vicario Consulting. amène-t-elle à faire encore plus souplesse d’organisation individuelle former par soi-même évoluer les méthodes de travail permettront à l’individu de se sentir à une note publiée en avril 2020, France Pour Jérémy Lamri, chercheur en sciences qui doit cependant trouver un équilibre l’aise avec les modes de pensée des et comment l’enseignement avec la nécessaire coordination au Stratégie révèle que 43 % des salariés cognitives et fondateur du Lab RH, un Car si l’organisation apprenante peut sem- supérieur peut-il s’y adapter ? différents champs disciplinaires. La travaillaient en 2015 dans une organisa- écosystème qui réunit start-ups et grandes bler chronophage à ses débuts, elle est niveau de l’entreprise (au sein d’une connaissance de la démarche scientifique La crise du Covid-19 a fait davantage bouger tion apprenante. C’est à la fois une pro- entreprises qui veulent voir évoluer la ges- censée améliorer le bien-être de ses sala- équipe, mais surtout entre les équipes). aussi est un formidable accélérateur de les organisations sur le numérique en 100 Il change aussi le paradigme de portion plus élevée de salariés du secteur tion des ressources humaines, notre sys- riés et faire gagner en productivité. Sur- la pluridisciplinarité car la science et ses jours qu’en dix ans : outils collaboratifs, management qui passe d’une logique de modes de raisonnement sont relativement privé travaillant dans une organisation tème scolaire et académique est en ef- tout, elle pourrait être la condition pour télétravail, management à distance, etc. Les contrôle à une logique de confiance. apprenante que la moyenne de l’OCDE fet une des explications au relatif faible attirer les talents de demain. « Les sala- transposables d’une discipline à une autre. enseignements sont eux aussi passés de Toutefois, le télétravail annihile les (43 % vs 40 %) un niveau proche de l’Al- nombre d’entreprises apprenantes en riés sont en demande d’une nouvelle fa- manière contrainte en distanciel intégral. lemagne (45 %) mais qui nous place loin France : « Très peu de personnes sont çon de travailler et d’apprendre. Insuffler derrière les pays nordiques et les Pays- capables de fonctionner dans ce modèle. cette culture de l’entreprise apprenante 14 SE FORMER AUX MÉTIERS DE DEMAIN 2020 2020 VIVRE DANS UNE SOCIÉTÉ EN MUTATION 15

connexion ou de capacité pour travailler efficacement d’aller vers un enseignement plus personnalisé, de on peut voir grandir les écarts voire les élèves peuvent comprendre le contexte des élèves et de les aider à François Taddei perdre une partie de leurs acquis et même décrocher. réussir en utilisant au mieux la qualité de la relation et C’est malheureusement ce qui se passe trop souvent les outils numériques. DIRECTEUR DU CENTRE DE RECHERCHE INTERDISCIPLINAIRE l’été pour les jeunes issus de milieux défavorisés qui est ici aggravé par le confinement. Penser des solutions En 2017 vous avez remis le rapport pérennes pour compenser ces difficultés sera un des « Apprendre demain » au ministère de « On apprend tout le temps, défis des mois et des années à venir si on veut éviter l’Éducation nationale, de l’Enseignement de voir se creuser encore les inégalités. supérieur et de la Recherche. Comment la clé est de développer la réflexivité » définir la « société apprenante » que vous préconisez ? Vous pensez que le travail à distance va C’est une société où on apprend toujours mieux à ap- s’imposer durablement après la crise du prendre individuellement et collectivement. Chacun doit Covid-19 ? être invité à partager ce qu’il a appris, à le transmettre, 1967 Nous sommes en tout cas à un tournant : nombre de Naissance près de Paris à contribuer à l’intelligence collective et à proposer des ceux qui se déplaçaient beaucoup pour leur travail se d’un futur polytechnicien, manières d’améliorer nos capacités d’apprentissage. ingénieur Eaux et forêts, sont rendu compte qu’ils pouvaient travailler à distance. généticien, spécialiste des Aujourd’hui les canaux sont multiples avec un monde Avec à la fois moins d’empreinte carbone et moins de questions d’éducation. Internet dans lequel la qualité de l’information est plus stress dans les déplacements même si rien ne remplace qu’hétérogène. L’esprit critique est donc plus que jamais la rencontre. Cette crise provoque une transformation utile mais il faut donc développer d’autres compétences massive en nous obligeant à respecter une meilleure et plus seulement mémoriser ou compter quand les 2006 hygiène mais aussi à être plus coopératifs. Création du Centre machines le font mieux que nous. Il faut travailler sur de recherche Le bilan est moins positif pour les enfants qui souffrent le sens, l’empathie, la capacité à coopérer pour relever interdisciplinaire au sein de l’isolement ou peuvent subir des formes de mal- de l’Université de Paris des défis complexes des compétences que le système traitance, comment les accompagner ? Comment éducatif ne développe pas toujours suffisamment. accompagner les parents ? Les insuffisances des moyens de la médecine scolaire (sans parler de celle La révolution numérique emmène tout sur 2017 de la médecine du travail pour les enseignants) sont Remise du rapport son passage… « Apprendre demain » qui rendues plus criantes que jamais par cette situation. définit les ambitions de la De plus en plus de pays s’interrogent sur les compé- « société apprenante » tences nécessaires à l’ère numérique. Quand faut-il Plus largement on entend souvent qu’il faut apprendre par cœur et pourquoi ? En jouant ou pas ? « apprendre à apprendre ». Mais comment apprend-on à apprendre ? Apprentissage classique... On apprend tout le temps, la clé est de développer la réflexivité. Qu’est-ce que nous avons appris récemment et comment cela nous a aidés ? Il faut inciter les jeunes et les adultes à prendre du recul sur ces apprentissages. Un enfant n’a pas forcément conscience qu’il apprend ©CRI en jouant. On peut innover, expérimenter et développer Il est l’homme clé de l’évolution des les parents, les jeunes et les enseignants qui ont dû des sciences participatives de ce qu’on apprend mieux pédagogies en France. À la tête du improviser à domicile doivent être invités à partager dans différents contextes. Les jeunes sont flexibles et Centre de recherche interdisciplinaire, des ressources fruits de leur expérience. Il y a eu capables de comprendre qu’il y a différentes modalités François Taddei teste, évalue, beaucoup de bonnes initiatives. Dans chaque lieu on recommande des pédagogies d’apprentissage. Inviter les jeunes à prendre du recul plus efficaces. Son regard sur un s’adapte et de nombreux acteurs savent faire preuve sur ce qu’ils ont vécu dans cette période peut les aider enseignement dont les pratiques sont d’innovation et de générosité mais on manque de lieux à mieux apprendre demain a fortiori si on doit revivre plus que jamais en pleine évolution. de mutualisation et de partage ouverts à tous. des périodes de confinement. Quel regard jetez-vous sur les différentes méthodologies d’enseignement à distance Le système s’est incroyablement vite adapté Quelles qualités doit avoir un professeur utilisées aujourd’hui ? en 2020. L’enseignement à distance ça aujourd’hui pour vivre toutes ces nouvelles Il faut inventer de nouvelles manières de travailler et marche vraiment bien ? dimensions ? mutualiser les débuts de solution qui apparaissent. Les résultats sont très inégaux. Si on manque de don- Les professeurs ont su s’adapter pour accompagner Néanmoins il faut être prudent quand on sait que nées fiables en France, il semble que pour des enfants les élèves. Il est clair pour tous que l’enseignant est recourir trop jeune au numérique et aux écrans n’est très autonomes et équipés en moyenne cela puisse plus important que jamais. Ils savent évoluer pour

pas une bonne idée. Il faut réfléchir plus avant et tous fonctionner, par contre quand on a des problèmes de être à l’écoute, être médiateur et mentor, capables © Shutterstock 16 SE FORMER AUX MÉTIERS DE DEMAIN 2020 2020 VIVRE DANS UNE SOCIÉTÉ EN MUTATION 17

des enseignements » comme il y en a à « diriger de la Utiliser toutes les ressources numériques pour expérimenter recherche » (HDR). Aujourd’hui le système éducatif ne peut plus se contenter de transmettre des connaissances L’impact de la révolution d’une génération à l’autre, d’autant que personne ne peut prétendre avoir à lui seul la réponse aux défis du COVID ou du climat. On doit apprendre à contribuer et des datas et de l’intelligence bénéficier de l’intelligence collective.

Vous préconisez qu’on donne plus artificielle d’autonomie aux acteurs locaux ? Beaucoup Les écoles et universités prennent peu à peu la mesure des bouleversements le redoutent. technologiques en cours dans la société et les entreprises. Il faut donner une autonomie constructive aux établis- sements. C’est ce que font la Finlande, la Suisse et le Anticipant l’émergence de nouveaux métiers ou la reconfiguration des existants.

© Arts et Métiers © Canada, qui font réussirleurs élèves de façon plus Un virage encore timide qui reste à confirmer. Comment développer les capacités à coopérer, la cri- équitable que nous ! Cela suppose un changement de culture car il s’agit de donner de la liberté dans un tique constructive, apprendre à apprendre ? Comment ’intelligence artificielle, l’IA, tout créer un « collectif apprenant » ? Notre smartphone est cadre collaboratif aux équipes pédagogiques, sur des le monde en parle, sans véritable- équipé de technologies de pointe qu’on peut apprendre valeurs communes, pas de donner le pouvoir à des Lment savoir ce que c’est. L’intelli- à utiliser. La recherche peut se démocratiser quand chefs d’établissement. gence artificielle fait peur. Elle est l’ob- nos téléphones sont devenus des labos de poche Dans ce cadre les universités ont un rôle particulier à jet de tous les fantasmes : elle tuerait les emplois, aurait sa vie propre, penserait qui peuvent aider à faire des mesures, se poser des jouer car elles sont des hubs de la société apprenante même à la place de l’humain. « Faute avec des chercheurs de toutes les disciplines réunis questions, se documenter ou se connecter à des de connaissances techniques de base, experts et des pairs. qui peuvent dépasser les barrières disciplinaires pour bien des gens en font une boîte noire », relever les défis du développement durable. Elles observe Laurence Darchen, consultante doivent innover dans leur pédagogie pour accom- RH et formation au cabinet conseil In- Comment expliquez-vous ce soudain intérêt pagner l’ensemble de la société, les futurs parents… terface. En clair, on y entre une donnée pour des pratiques pédagogiques innovantes et il en sort un résultat, sans trop savoir les étudiants veulent que les pratiques pédagogiques qui ont longtemps été réservées à quelques comment. Pourtant, on l’utilise ou on la pionniers ? évoluent. Il faut les écouter et co-designer avec eux côtoie au quotidien via le GPS, le Smart- L’accélération est mondiale avec des pays moteurs les évolutions nécessaires ! phone, le clavier prédictif de ses écrans, comme le Canada, la Finlande ou la Suisse qui font Propos recueillis par Olivier Rollot les enceintes connectées, les voix métal- liques qui intiment de taper 1,2 ou 3 au depuis longtemps de la recherche et du développement L’IA donne un accès facilité aux masses de données désormais

téléphone, etc. « Les technologies et les © Shutterstock sur le système éducatif. À Singapour les deux tiers évolutions sociales de 2030 sont déjà là. des établissements scolaires font de la recherche sur À l’ère où le digital sera aussi normal que les apprentissages avec des groupes en interne qui l’est aujourd’hui l’électricité, d’autres Éric Hazan, le directeur de McKinsey L’IA est constituée de briques logicielles travaillent sur les facteurs de réussite. Aujourd’hui ils bouleversements technologiques majeurs Digital France, expert des questions de qu’on intègre à d’autres logiciels pour les sont classés au 1er rang mondial dans le cadre de tests se préparent », pronostique le sociologue marketing stratégique et de la transforma- rendre plus performants. Elle est partout, Dominique Turcq, fondateur de l’Insti- tion numérique (lire son entretien com- mais elle disparaît en s’intégrant à l’envi- PISA qui ont provoqué, de même que le classement de tut Boostzone et auteur de « Travailler à plet dans ce Livre blanc). ronnement numérique. D’où la confusion Shanghai, une vraie prise de conscience. En France l’ère post-digitale » (Dunod, 2019). D’où avec le digital, alerte Dominique Turcq. beaucoup ont vu le film « Demain » et savent à quel l’intérêt, voire l’impératif, pour les étu- « À la différence de la digitalisation, qui diants, et les enseignants, d’être impré- Indépendant, salarié ou a fait disparaître des services, voire des point les nouvelles pédagogies fonctionnent bien en manager, tous augmentés Finlande. On ne peut plus faire comme s’il y avait un gnés de cette culture des datas quel que lieux (agences…) et par conséquent a dé- seul modèle éducatif ! soit le domaine. Et de se projeter dans des En 2020, grâce aux probabilités, aux ana- truit des emplois, l’intelligence artificielle e métiers déjà fortement reconfigurés par lyses matricielles et vectorielles, l’IA est assiste l’homme, elle l’augmente, lui per- Depuis le xix siècle le nombre d’années de scolarité l’IA. Et qui le seront plus encore à leur capable de voir et de reconnaître (la com- met de déléguer à la machine des tâches a progressé de manière quasi linéaire, en moyenne 1 sortie d’école ou d’université. « L’intelli- puter vision). Elle est capable de trier, pénibles et répétitives, tandis qu’il s’attel- an de plus tous les dix ans, pour suivre l’évolution des gence artificielle (IA) constitue une nou- classer, extraire des informations perti- lera à des tâches à forte valeur ajoutée, techniques. Les jeunes se formeront tout au long de leur velle frontière technologique, source de nentes, selon des critères spécifiques. Elle à ce même poste. L’IA est fondamenta- vie pour s’adapter aux évolutions du monde. Au lieu de nombreuses retombées positives pour est capable d’entendre et de déchiffrer le lement additive », expose le sociologue. l’activité économique. Mais aussi pour langage humain, de l’interpréter, de l’ex- Autrement dit, elle ne diminue pas, ne les mettre en compétition sur les connaissances d’hier, l’environnement de travail grâce à l’au- ploiter jusqu’à créer des textes et des pa- soustrait pas, mais enrichit le travail, aug- il nous faut leur apprendre à coopérer pour relever les tomatisation d’un certain nombre de roles (les chatbots, etc.). Elle est capable mente le cerveau humain, en décuplant défis d’aujourd’hui et inventer demain. tâches simples. En revanche, je ne crois de préconiser et de prévoir sous la forme ses compétences. Dès lors elle nous au- pas qu’on puisse parler avant longtemps de statistiques et d’hypothèses. De plus, torise à mettre du sens, des émotions d’une « IA forte », soit une IA capable de elle permet des coopérations entre sys- dans nos actions. Le chirurgien peut s’ap- Et que fait-on en France ? remplacer l’être humain dans certaines tèmes informatiques ou entre des sys- puyer sur un robot qui le guide dans ses Etre plus qu’un enseignant, un coach On pourrait réfléchir à créer une « habilitation à diriger © Neoma tâches élaborées », explique quant à lui tèmes et des hommes (les cobots). gestes et ainsi pratiquer plus d’interven- 18 SE FORMER AUX MÉTIERS DE DEMAIN 2020 2020 VIVRE DANS UNE SOCIÉTÉ EN MUTATION 19

tâches routinières – collecter, trier, com- parer, croiser, planifier, sélectionner – plus il sera impacté par l’IA, qui se subs- Une simulation des fonctions cognitives tituera à elles ou les rationalisera. Plus L’intelligence artificielle existe depuis que capacités d’exécuter, (préhension, l’emploi est polyvalent, avec des interac- l’ordinateur fait tourner des algorithmes robotique). L’IA n’est pas complexe en tions sociales importantes, et des prises (dans les années cinquante), lesquels soi, c’est un ensemble compliqué de de décision à fort enjeu, moins il sera im- ne sont que des reproductions du technologies, surtout mathématiques et pacté, et sera seulement assisté par l’IA, raisonnement humain, par imitation ou informatiques, résument les spécialistes. voire pas du tout », développe Laurence simulation. « L’intelligence est un tout Cécile Dejoux, professeur des universités au Darchen. En particulier, les marketeurs, indissociable que les théoriciens de Cnam et affiliée à l’ESCP Business School, seront davantage en prise avec leur mar- l’IA ont décomposé, pour une meilleure qui a conçu les MOOCs l’IA pour tous, décrit compréhension, en différentes fonctions ché (audience, temps de consommation, un vaste champ pluridisciplinaire : « L’IA fait permettant de simuler l’ensemble des appel à une quantité d’autres sciences : les impacts des campagnes) et passeront à fonctions cognitives », explique Stéphane une autre échelle : l’hyperpersonnalisa- mathématiques, la logique et les statistiques, Roder, président de la société conseil les sciences humaines – psychologie, tion des cibles - clients, consommateurs AI Builder, dans son ouvrage « Guide philosophie, sciences cognitives, droit – ainsi - et des messages. On pourrait aussi ci- pratique de l’intelligence artificielle que les neurosciences ». Et le succès est ter les acheteurs, les formateurs, les audi- dans l’entreprise » (Eyrolles, 2019). fulgurant aujourd’hui, parce que les données teurs, les comptables, les commerciaux, Soit les capacités de perception (ouïe, disponibles, les datas, et la puissance les juristes… et les RH de plus en plus vue) ; la mémoire et l’apprentissage ; la de calcul nécessaire pour mouliner le sensibilisés au matching affinitaire des pensée (orientations de la décision) ; tout, ont crû de façon exponentielle. candidats dans leurs recrutements… la la communication (langage) ; les liste est longue. « L’IA a largement progressé – notam- ment dans le domaine de la reconnais- sance d’images – puisqu’elle réplique Tous connectés, tout le temps, oui mais pourquoi faire ? des fonctions simples du cerveau humain avec une meilleure acuité. Par exemple, en 2013-2014, elle était capable de re- connaître une image de chat dans 85 % des cas, contre 95 % pour un être hu- Une masse d’informations accessible qu’il faut apprendre à gérer © Shutterstock main. Aujourd’hui, son taux de fiabilité atteint 98 %. Pour certaines tâches, l’IA est plus efficace que nous, entraînant par tions en étant mieux informé sur chacun Des emplois redessinés conséquent une reconfiguration du tra- Question d’éthique ! de ses actes. en termes de tâches vail et des métiers », reprend Éric Hazan. Pour autant le jugement humain reste fon- Ce sont donc plutôt les contenus des em- L’utilisation de l’IA ne va pas sans damental. Une IA pourra traduire le texte Les experts s’accordent pour dire que tous plois existants qui vont évoluer massive- poser d’épineux problèmes d’éthique. d’une langue à l’autre, mais il faudra la les métiers seront impactés par cette ré- ment. On a ainsi longtemps pensé que les Car les algorithmes peuvent être subtilité d’un native speaker pour redon- volution des datas. Ceux du secteur de la assistants juridiques allaient disparaître. sexistes ou racistes, dans la lecture ner à un texte toute sa coloration natu- banque, de l’assurance, et de la finance Au contraire, leur profession est en pleine des CV ou la reconnaissance faciale par exemple. Tout dépend de la façon relle, originale et créative, souligne ainsi sont aujourd’hui les plus touchés. Au croissance aux États-Unis aujourd’hui : dont on alimente la machine et dont on Dominique Turcq : « L’IA améliore notre point que France Fintech, avec le cabinet l’intelligence artificielle leur permet de interprète les résultats, car l’IA recèle expertise sur le travail, on approche le conseil Julhiet Sterwen, leur a consacré travailler plus rapidement et plus effica- des biais technologiques, comme le meilleur, mais le résultat n’est jamais un livre intitulé « Le conseiller augmenté cement. Les individus dotés des compé- cerveau humain a des biais cognitifs. parfait, l’intelligence humaine va super- 2020 ». Ce document décrit l’émergence tences nécessaires à l’exploitation de l’IA Pour sensibiliser et approfondir les viser, contextualiser, valider ou rectifier d’un modèle hybride, associant conseil- seront plus recherchés sur le marché du étudiants, à cette vaste question - les analyses restituées. Car la fiabilité des ler et technologie. Un modèle à dessiner travail. Et à la clé va forcément se déve- responsabilité humaine, usage de résultats n’est jamais garantie à 100 % ». avec ces questions majeures : Quels as- lopper un nouveau management. « Le données personnelles, équité vs. Président de la Fondation Arts et Mé- pects du métier de conseiller peuvent être manager va gérer des équipes hybrides, discrimination, etc. - Télécom Paris a tiers et ancien numéro 2 d’Atos, Charles confiés à un robot ? Quels aspects doivent hommes et chabots (voire humanoïdes). recruté en 2019 l’avocat-juriste Winston Maxwell comme directeur d’études en Dehelly va dans le même sens : « L’IA rester l’apanage du conseiller « en chair Il lui faudra apprendre à acculturer ses droit et numérique. Il y anime une équipe est une opportunité, pas une menace. et en os » ? collaborateurs à l’interaction avec les de réflexion pluridisciplinaire « pour Le « Robotic Process Automation » C’est ce découpage auquel s’attellent les machines. Il devra se montrer apte à dis- croiser les regards sur le sujet ». Les (RPA) permet de rapatrier de façon hommes de l’art dans les entreprises. cuter avec des experts IA sur des pro- cours sur l’éthique pour les premières économique des activités transaction- D’autant plus que, d’après les prévisions jets », assure Cécile Dejoux, professeur années ont démarré à la rentrée 2020, nelles dans les pays occidentaux avec du World Economic Forum pour 2022 des universités et chercheur au Conserva- tandis que des modules spécifiques ont une qualité accrue. La multiplication dans les pays occidentaux, seules 58 % toire national des Arts et Métiers (Cnam) intégré les deux nouveaux masters 2 des capteurs génère des informations des tâches courantes seront réalisées par et affiliée à ESCP BS, auteur de« Ce sera spécialisés sur l’IA montés avec l’Institut permettant d’anticiper les pannes, les les salariés de tout métier, contre 42 % par l’IA ou et moi » (Vuibert, 2020), qui ex- Polytechnique de Paris et dans lesquels phénomènes naturels, etc., d’éviter des les machines (c’était respectivement 71 % plique encore : il intervient : Data IA et Data Science, le plus ancien, le CES IA, étant déjà erreurs et d’augmenter considérablement et 29 % en 2018). « Le seul niveau de ré- « Un kit de connaissances de base lui est doté d’une sensibilisation à l’éthique. l’efficacité des systèmes ». flexion pertinent est celui des tâches. Plus donc essentiel : connaître le vocabulaire l’emploi est spécialisé, et contient des de l’IA, connaître ses usages pour éva- © Shutterstock 20 SE FORMER AUX MÉTIERS DE DEMAIN 2020 2020 VIVRE DANS UNE SOCIÉTÉ EN MUTATION 21

d’Information, réfléchit également à pré- parer les managers à la révolution des da- Ce que l’IA ne fera jamais 3 questions à… tas et de l’IA, en particulier sur la prise Olivier Ezratty, consultant formateur, Il n’y a aucune preuve qu’une machine, aussi • Avoir une vision et conduire de décision, avec toujours en ligne de intelligente soit-elle, puisse remplacer l’être une stratégie mire la question du pouvoir dans la re- auteur des « Usages de l’intelligence artificielle » humain à 100 %, pronostiquent les experts. • Créer du lien dans une équipe, lation homme machine : « Le manage- Il gardera la main sur bien des favoriser l’alchimie humaine, motiver ment devient scientifique, exigeant des tâches. En particulier selon le cabinet compétences statistiques et informa- Le rapport Villlani poussait aussi à Et qu’en est-il du développement • Imaginer, créer, innover spécialisé Akoya Consulting : tiques. Comment va-t-il évoluer avec créer de nouveaux cursus orientés sur de la formation continue ? • Contextualiser un problème • Évaluer une prestation l’IA ? Dix enseignants-chercheurs tra- l’IA. Ce message a-t-il été entendu ? et saisir l’implicite Elle est capitale en ce domaine. Pour complexe ou inattendue vaillent à temps plein dans notre dépar- Oui, plutôt par les écoles d’ingénieurs répondre aux besoins du marché, les • Négocier, persuader ses interlocuteurs informatique du secteur privé, comme • Juger intuitivement une personnalité tement Management de l’information, salariés formés il y a dix ans sur une IA • Régler des conflits, faire de la médiation l’Epita, l’Isep, l’Esiea, celles orientées • Ressentir les émotions d’autrui et ceci en lien avec notre centre d’excel- balbutiante, seront mis à niveau, avec plus lence, IA et Business Analytics. » TBS électroniques, l’ECE, et les grandes écoles • Improviser une action, telle Polytechnique. Dans le public, l’école du de facilité que les néophytes, notamment Source : « Livre blanc – forme ainsi des profils hybrides, que ré- changer de pied (de cap) numérique Télécom Paris est très avancée, au Cnam ou à l’Institut Léonard de Vinci. L’intelligence artificielle rendra clament à corps et à cri les entreprises, • Contester un processus, ou une décision l’Ensimag aussi. En université, les cours Je pense aux développeurs, architectes nos métiers plus humains » au travers de deux programmes MSc de dédiés à l’IA, comme à Paris Saclay ou à réseau, chefs de projet informatique, qui • Prendre une décision complexe 18 mois chacun : l’un à l’international in- Akoya Consulting l’Université de Paris se développent plus titulé « Big data, marketing et manage- ont de solides compétences de base. © DR vite. Les écoles de management montent L’IA n’est pas l’affaire des jeunes, c’est un ment » ; l’autre dans la dernière année du également peu à peu en puissance sur enjeu pluri-générationnel. Je prédis par programme Grande école, mêlant étu- Le rapport Villani de 2018, préconisait de des spécialités hybrides IA/business. ailleurs que se dégageront des spécialités diants gestionnaires et ingénieurs, qui ob- tripler le nombre de personnes formées Le gros problème, c’est de trouver les distinctes dans les métiers du traitement des luer ce qu’il peut en attendre, savoir ce nous sommes obligés d’adapter nos for- tiennent alors un double diplôme. De son à l’IA en trois ans. Où en est-on ? enseignants pointus sur ces domaines. que sont les biais algorithmiques, et ré- mations, explique Erwan Scornet le direc- côté, emlyon Business School creuse le Le chiffre était de 5000 par an. Plus Les équipes doivent faire appel à des datas : celles des chiffres, une démarche aliser que le l’IA ne donne que des pro- teur pédagogique du programme. D’au- sillon de l’IA appliquée au marketing, via personne n’en parle aujourd’hui, et j’entends professeurs étrangers. D’autant plus généraliste structurée ; de l’image, un travail babilités et pas des certitudes. Au final, tant plus que les étudiants ne sont plus un MSc in Digital Marketing and Data et dire qu’on en est loin. Pour deux raisons : que nos enseignants-chercheurs, complexe car il faut analyser des milliers de ce sera à lui de décider. » autant attirés par la finance, mais da- destiné à un public international, mélan- une certaine inertie du corps professoral experts du sujet, se font happer par pixels ; du langage, tout aussi complexe ; et vantage par les problématiques et les geant ingénieurs, managers, avec parfois et la difficulté à enseigner une matière les Gafam ou les grands groupes de du bruit, car en alimentant les logiciels des scientifique large. De fait, il y a plusieurs utilisations de l’IA. Un véritable retour- des psychologues, et pharmaciens, pour l’Hexagone. Les écoles s’en retrouvent sons usuels émis par telle ou telle machine, Un accommodement des manières de s’y prendre. De façon théorique, privées de compétences essentielles. nement de situation ! ». les former à un nouveau métier aux com- l’IA est capable de détecter les anomalies, grâce au raisonnement mathématique, tel cursus… à pas comptés pétences hybrides intitulé « Marketing En outre, l’offre en ligne fleurit partout, des qu’on l’a fait avec les systèmes experts et de les signaler à la maintenance. Toutes les formations initiales devraient technologist ». « Le feed-back est positif cours du MIT (Massachussets Institute dans les années quatre-vingt. Et de façon Les compétences of Technology) notamment, sont en libre Loin d’être monolithique, l’IA a de multiples être irriguées par les notions principales du côté des entreprises, se félicite Mar- plus pragmatique focalisée sur le machine hybrides réclamées accès. Les jeunes aiment se former par facettes, et touche tous les secteurs, de sur l’IA relèvent les observateurs. Thierry gherita Pagani, codirectrice académique learning et le deep learning, qui tiennent la eux-mêmes. La condition pour en bénéficier, la santé, aux transports, en passant par Bouron, professant le management et le Les écoles de management ne sont pas du programme et directrice du centre de vedette depuis dix ans, dans la recherche. business de l’IA à la Skema Business en reste et peuvent s’associer avec des recherche de l’école sur l’IA. On le voit c’est de maitriser l’anglais technique. l’industrie, la logistique, la distribution… School, recommande dans son récent ou- écoles d’ingénieurs pour composer des déjà dans les embauches. » vrage - « L’intelligence artificielle, l’af- profils hybrides. HEC Paris et l’Insti- Marie-Madeleine Sève faire de tous » (Pearson, 2020) - de nous tut polytechnique de Paris (dont fait « accommoder de l’IA » au plus vite et de partie l’École polytechnique) ont ain- commencer à en enseigner le fonctionne- si créé en septembre 2020 Hi! Paris, PETIT GLOSSAIRE DE L’IA ment dès le lycée « comme l’expérimente un centre de recherche dédié à l’intelli- la Chine dans une quarantaine de ly- gence artificielle et aux données. Soute- • Algorithmes : action physique, avec des le calcul de probabilités entre les données, pour cées depuis 2019, avec le support de ma- nu par de grandes entreprises, HI Paris ensemble d’instructions contraintes mécaniques pour analyser et catégoriser établir des règles de nuels scolaires très aboutis ». Si nous en entend devenir un centre de rang mon- donné à une machine complexes et qui, dans d’importantes masses de perception, classification, sommes loin, les établissements d’ensei- dial comme l’expliquent les professeurs ou à un programme l’imaginaire collectif, a données (stockées dans des de segmentation ou de une forme humanoïde. bases Big Data). Elle est à prévision. Par exemple pour gnement supérieur s’emparent peu à peu Éric Moulines (Institut polytechnique informatique pour résoudre méthodiquement • Chabot/cobot : l’origine de la reconnaissance différencier un panneau de du sujet. Et les écoles d’ingénieurs sont de Paris) et Thierry Foucault (HEC Pa- un problème. le chabot est un bot de la parole ou d’images. signalisation d’un piéton. forcément en première ligne. Au premier ris), les deux directeurs scientifiques du Les algorithmes conversationnel, dit • Intelligence artificielle : • Systèmes experts : rang d’entre elles l’École polytechnique centre : « Grâce à une équipe d’ensei- permettent de faire assistant virtuel, reproduction des facultés logiciel qui émet des propose depuis une dizaine d’années dans gnants-chercheurs de rang mondial, exécuter des processus préprogrammé pour répondre cognitives humaines recommandations à partir (reconnaissance des formes, de règles fournies par les son cycle ingénieur, des cours de mathé- Hi! Paris a pour ambition de mener des répétitifs, décomposés aux questions formulées en étapes ou en tâches. par l’utilisateur et de lui de l’image, de la voix, experts humains : procédures matiques appliquées sur le fonctionne- projets qui permettront d’exploiter tout dialogue homme/machine, métier, réglementations, • Automatisation : délégation apporter des réponses en ment des algorithmes, du machine lear- le potentiel de l’IA en recrutant trente langage naturel, écrit ou oral. orientation des décisions) normes, etc. Cette IA est à la machine d’une succession dite symbolique car elle ning en général. Et en septembre 2018, nouveaux professeurs et 150 doctorants Le cobot, est un bot • Machine learning de tâches manuelles ou travaille selon des principes l’école a lancé, en association avec l’In- parmi les meilleurs au monde, et de for- collaboratif, capable (apprentissage automatique) : mécaniques, guidées par et raisonnements formels. d’assister l’être humain pour discipline de l’informatique ria, l’Ensta Paris Tech et Télécom Paris mer la future génération d’ingénieurs et des règles prédéfinies par Elle sait calculer des primes l’intelligence humaine. une tâche déterminée. rassemblant les techniques un master Sciences et technologies inter- de managers qui construira une IA au d’apprentissage des machines d’assurance ou signaler une • Deep learning national pour approfondir la connaissance service de tous, en doublant en cinq ans • Bot : logiciel qui effectue à partir de données diverses anomalie dans les horaires (apprentissage profond) : une tâche spécifique (textes, images, historiques, des conducteurs de train. des algorithmes et leur utilisation, dont le nombre d’étudiants ». branche de l’apprentissage automatiquement. etc.). Les méthodes l’informatique visuelle. « Avec le boom Depuis sept ans, au sein de Toulouse Bu- automatique basée sur Ce terme générique est mathématiques et statistiques des réseaux de neurones de l’IA, utilisée dans les films en 3D, la siness School (TBS), Kevin Carillo, pro- souvent préféré à celui de trouvent des facteurs artificiels. La machine utilise réalité virtuelle, la création de chatbot, fesseur associé en Big Data et Systèmes robot, lequel suppose une explicatifs et des corrélations 22 SE FORMER AUX MÉTIERS DE DEMAIN 2020 2020 VIVRE DANS UNE SOCIÉTÉ EN MUTATION 23

scientifique limitée. Et a contrario nos grandes écoles compétences, les équipes ayant construit le parc proposent de moins en moins de formations en sciences nucléaire étant à la retraite sans avoir pu transmettre Charles Dehelly humaines. Le Président de la République pointe le leurs expériences par manque de projets de nouvelles besoin de réforme de la formation des énarques mais centrales. Derrière ces décisions, et leurs conséquences PRÉSIDENT DE LA FONDATION ARTS ET MÉTIERS ne souffrons-nous pas plus largement d’un problème prévisibles, ce sont des hommes et des femmes de de formation des élites ? nos plus grandes Écoles ! Mais ne soyons pas pessimistes, dans ce même do- « À l’excellence académique Quand on parle de formation aujourd’hui on maine ITER que nous construisons en France pourrait évoque souvent la nécessité de se former résoudre tous les problèmes d’énergie de la planète il faut ajouter la maîtrise à travailler dans un monde incertain. sans pollution. Un grand projet global pour des ingé- technologique » Comment s’y préparer ? nieurs-managers maîtrisant les technologies de pointe Sommes-nous vraiment dans un monde plus incertain et les processus d’efficacité opérationnelles ! qu’hier ou avons-nous simplement une sensibilité plus Directeur général adjoint en charge 1977 forte au risque ? Nombre de défis à venir tels que globa- des opérations d’Atos, le leader C’est dans les technologies que nous devons Création de la Fondation lisation, écologie, processus 4.0, guerre des talents… aujourd’hui trouver des solutions ? français des prestataires de services Arts et Métiers dont le but informatiques, jusqu’en 2017 Charles est de « faciliter l’accès sont beaucoup plus clairs aujourd’hui qu’il y a dix ans Le « Deep Learning » permet d’accumuler l’expérience Dehelly a eu une longue carrière dans à la culture scientifique selon les chefs d’entreprise que nous avons interrogés. et technologique » pour ne pas s’en remettre seulement à des expériences des entreprises de technologie. Diplômé Pour faire de ces défis une opportunité de prospérité, humaines. Grâce à des robots qui ne raisonnent pas des Arts et Métiers, il en préside nous avons un fort besoin, que ce soit dans le sec- mais travaillent en erreurs et réussites, l’intelligence aujourd’hui la fondation et dirige à ce teur public ou privé, d’ingénieurs-managers de hauts titre la réalisation d’un rapport intitulé artificielle (IA) apporte à l’homme des expériences qu’il niveaux dans cet environnement ultra-technologique. « L’ingénieur est-il le manager de 750 000 € ne peut pas accumuler. Les jeunes ont de grandes C’est le montant des l’industrie du futur ? » qui sera publié en Rapatrier la production du Paracétamol c’est sûrement ambitions pour le monde de demain, sont curieux,

© Éric Roubert / AMM. © Éric Roubert / bourses versées en 2021. 2018 par la Fondation bien mais garder nos talents ce serait encore mieux. inventifs mais assez peu persévérants – ils s’ennuient Arts et Métiers. Or nous envoyons nos meilleurs étudiants en stage à est probablement la cause des problèmes d’efficacité assez vite - de l’avis des chefs d’entreprise. L’IA leur Vous êtes membre du Think Tank Arts et l’étranger la dernière année de formation au risque de Métiers où vous coordonnez actuellement opérationnelle dont chacun peut constater des exemples. apporte les ressources nécessaires pour résoudre les ne jamais les voir revenir. Arrêtons de délocaliser nos un rapport sur « L’ingénieur est-il le manager Dans le discours de politique générale qu’il a pronon- grands problèmes du monde. Il leur faut absolument de l’industrie du futur ? » qui sera rendu fin 2,2 M € talents ! … Et attirons les talents des autres… cé en 2020 devant le Parlement le Premier ministre, maîtriser ces technologies. 2020. Alors, sans déflorer votre rapport, Depuis 2014 la Fondation Jean Castex, l’a dit très clairement : « L’intendance ne Arts et Métiers a l’ingénieur est-il le manager de l’industrie du Le Covid-19 a quand même apporté une forte suit plus ». Et c’est sans doute une cause majeure du financé à hauteur de L’intelligence artificielle (IA) ne doit pas faire futur ? 2,2 millions d’euros les dose d’incertitude… décrochement de notre PIB par habitant vis-à-vis de résidences étudiantes. peur ? Aujourd’hui un manager doit savoir répondre à trois l’Allemagne ou des États-Unis. Le fait qu’il faudrait faire face à des épidémies impor- C’est une opportunité, pas une menace. Le « Robotic grandes mutations. D’abord la globalisation qui est un tantes était prévu par de nombreuses études. Que l’on Quoi qu’il en soit le manager de demain devra bien Process Automation » (RPA) permet de rapatrier de état de concurrence absolue en termes de produits, de ne s’y soit pas préparé générant la pénurie des produits appréhender ces trois mutations. Les ingénieurs, façon économique des activités transactionnelles talents, d’accès au capital et d’accès aux ressources essentiels questionne là aussi sur la formation des élites. comme les scientifiques universitaires, maîtrisent dans les pays occidentaux avec une qualité accrue. naturelles Yuval Harari explique qu’une grande rupture dans l’hu- traditionnellement bien les mutations technologiques, La multiplication des capteurs génère des informations Ensuite les mutations technologiques qui transforment manité est qu’il n’y a quasiment plus de famines, peu leurs formations ont bien intégré le besoin d’ouverture permettant d’anticiper les pannes, les phénomènes profondément chaque étape du cycle de vie des produits. de guerres et d’épidémies mortelles à grande échelle sur le monde et son multiculturalisme. À eux maintenant naturels, etc., d’éviter des erreurs et d’augmenter Quand Tesla conçoit une voiture c’est en suivant un comme cela l’était depuis l’aube des temps éliminant d’inventer le management permettant de mobiliser les considérablement l’efficacité des systèmes. Mais même plan de développement de software, pas de produits des risques majeurs auxquels l’humanité semblait hommes et les femmes sur des projets correspondant si c’est un capteur qui prévient qu’il va lâcher, il faudra mécaniques. Certains disent même qu’on passe ainsi condamnée. Nous vivons et vivrons toujours avec une à leurs valeurs. Ils seront alors naturellement les toujours quelqu’un pour changer le joint d’une machine d’une précédente révolution, celle du « Toyotisme », à part de risque mais le risque d’une guerre nucléaire managers du futur. à laver… avec des outils de réalité augmentée !…le joint ce qu’on appelle parfois le « Teslisme ». dans les années soixante n’était-il pas plus grand que étant fabriqué sur place par une imprimante 3D. Enfin la troisième mutation est sociétale qui fait que, dans le risque de la Covid aujourd’hui ? Nous vivons dans un monde passionnant capable de l’entreprise, les collaborateurs ne sont plus condition- Pour vous c’est indispensable : les élites mobiliser rapidement talents et ressources autour nés par les valeurs de respect du collectif ou l’autorité doivent être aussi être formées aux questions scientifiques. Certains échecs nous interpellent de projets concernant l’humanité. La recherche du par exemple mais mettent plutôt en avant leurs désirs particulièrement sur cette perte de capacité vaccin de la Covid en est un exemple parmi d’autres. À l’excellence académique il faut ajouter la maîtrise personnels. Ce qui ne veut pas dire qu’ils ne veulent opérationnelle que vous évoquiez. Notre Ce serait dommage pour la France de ne pas y trouver technologique. Dans les universités de Singapour un difficulté à construire le réacteur nucléaire pas travailler : si le travail correspond à leurs envies toute sa place faute de compétences suffisantes, pays qui possède le PIB par habitant qui est un des de troisième génération, l’EPR, en est une ils peuvent tout à fait travailler douze heures par jour d’où le besoin d’enthousiasmer les jeunes hommes et plus importants au monde, l’enseignement le plus parfaite illustration. comme on le voit dans certaines start-up ! les jeunes femmes pour s’engager dans des études demandé aujourd’hui est l’enseignement digital. Il y a Oui les ingénieurs chinois ont su construire et mettre en scientifiques et technologiques et leur donner les clefs Comment la France se comporte-t-elle face à encore quelques années c’était la finance ou le droit. opération deux EPR à Taishan basés sur une conception du management du futur. ces mutations très profondes ? Mais en France nos élites politiques, administratives Française d’Areva avec cependant quelques années Propos recueillis par Olivier Rollot Le manque d’adaptation du management à ces mutations ou médiatiques n’ont, pour la plupart qu’une formation de retard également. EDF met en avant la perte de 24 SE FORMER AUX MÉTIERS DE DEMAIN 2020 2020 VIVRE DANS UNE SOCIÉTÉ EN MUTATION 25

disait pas, alors que c’est aujourd’hui un objectif. Les investisseurs, eux aus- Les ruptures du changement si, y sont sensibles, avec une volonté de décarboner les portefeuilles », es- time Oriane Cébile, responsable des climatique projets à l’Observatoire de l’immobi- lier durable, jusqu’à peu. Face au réchauffement climatique et à la demande massive du grand public de produits plus durables, les entreprises doivent désormais Une demande des s’organiser, voire repenser leur stratégie et leur business. consommateurs

L’immobilier est un secteur parlant, mais loin d’être le seul engagé. Dans son étude n véritable tournant. C’est ce qui Des Enjeux et des hommes, 59 % des en- Des secteurs proactifs le cabinet Des Enjeux et des hommes a s’est produit au sein du géant mon- treprises du CAC40 ont « un membre du demandé à ses sondés ce qui motivait les Udial de la fast-fashion, H&M ! De- comité exécutif ou de direction qui porte Certains domaines se sont montrés plus instances dirigeantes de leur entreprise à puis janvier 2020, la nouvelle CEO du le sujet RSE ». Et la moitié des répondants proactifs que d’autres. « On dit tradi- soutenir la politique RSE/développement groupe suédois est Helena Helmersson, estiment « que le soutien à la politique tionnellement que les secteurs les plus durable. La première réponse, de loin : auparavant directrice des opérations et RSE par les instances de direction a for- émetteurs, miniers, transports, bâti- « le risque d’image et de réputation ». responsable de la stratégie durable. Une tement progressé ces cinq dernières an- ments, ont été les premiers à s’enga- Suivent « les demandes des clients et des première pour l’univers de la « mode ra- nées ». « Nous observons une réelle ac- ger. La banque et la finance ont mis du donneurs d’ordre », « une conviction per- pide » : les managers venus du départe- célération depuis deux ou trois ans sur temps à se lancer, ainsi que la commu- sonnelle du PDG », « des exigences régle- ment RSE ont désormais eux aussi une la prise en compte de ces sujets par les nication, mais je trouve qu’ils ont bien mentaires » et « un enjeu de pérennité du légitimité à mener la barque. Un virage, entreprises. Ces chiffres montrent que le rattrapé leur retard », pointe Agnès business model ». Les attentes des action- dans l’idée de devenir une entreprise plus sujet est considéré. De plus, les équipes Rambaud-Paquin. Laura Verdier ac- naires, des candidats ou les classements « juste et équitable », au-delà des simples liées à la RSE sont de plus en plus étof- quiesce. Fondatrice du cabinet LVR d’agences de notation extra-financière ar- considérations économiques et financières. fées. Cela fait plus de 20 ans que la fonc- Consulting, elle est consultante, spé- rivent bien plus bas dans ce classement. tion existe, et elle touche de plus en plus cialisée en environnement, développe- La nécessité de s’adapter et de transfor- d’entreprises, y compris des entreprises ment durable et sécurité au travail. À mer sa stratégie est très pragmatique. Des départements RSE de petite taille », souligne Agnès Ram- ses yeux, le BTP « est en train de faire D’autant que les consommateurs sont de plus en plus écoutés baud-Paquin, la présidente du cabinet. sa révolution verte » : « Chaque métier demandeurs de produits durables, sour- Face à l’urgence du réchauffement clima- au sein de ce secteur vit cette transi- cés, responsables et respectueux de l’en- Et si tous les grands groupes ne vont pas tique, la majorité des entreprises s’orga- tion, avec de nouvelles normes à res- vironnement. Selon le baromètre Green- jusque-là, il est clair que les départements nisent donc afin de trouver les bonnes ré- pecter pour construire des bâtiments Flex de la consommation responsable, RSE, encore balbutiants il y a quelques ponses aux défis de la durabilité et de la plus économes. Tout change, que ce publié en 2019, « 67 % des Français Les consommateurs choisissent de plus en plus des produits durables décennies, ont pris une véritable place responsabilité sociale et environnemen- soit dans la gestion des déchets ou dans disent avoir changé certaines de leurs © Shutterstock au cœur des entreprises et de leur straté- tale. Et s’ils peuvent paraître encore insuf- une approche plus respectueuse de la pratiques et 13 % faire leur possible Des talents gie. Selon une étude du cabinet de conseil fisants, les efforts se multiplient. qualité de vie dans l’urbanisme. Ces pour réduire l’impact de la consom- marques l’ont bien compris et adaptent sujets deviennent clefs dans la straté- mation. Cela passe par un engouement leurs produits comme leurs communi- multi-casquettes gie d’entreprise ». croissant pour les produits durables : cations à destination du grand public Pour cela, les entreprises ont besoin de La Fédération française du bâtiment bios, locaux, naturels, sans parabènes comme l’explique Laura Verdier : « Il talents pour les accompagner dans cette publie des chiffres en ce sens : un bâti- ou conservateurs ». « Lassés des injonc- y a dix ans, certaines se démarquaient transition délicate. Voyant ce besoin de ment construit aujourd’hui consomme tions à la surconsommation, les citoyens avec des arguments verts. Maintenant, salariés compétents sur ces sujets, Ca- neuf fois moins d’énergie et émet trois européens interrogés en appellent à une la réflexion est la suivante : si l’on n’est roline Renoux a créé Birdeo, cabinet fois moins de gaz à effet de serre que consommation plus responsable. Les pas vert, on ne sera plus acceptés ! C’est de recrutement et de chasse de tête dé- dans les années 1970. « Entre 1973 Français vont jusqu’à soulever la ques- un changement de paradigme qui s’est dié au développement durable, RSE et et 2009, les émissions totales du parc tion d’une autre consommation, mettant fait lors des dernières années. Les en- ESS, en 2010. « Les grandes entreprises de logements ont diminué de 32 %, les entreprises face à la nécessité d’in- treprises concernées n’ont plus le choix. créent des postes dans leurs directions alors que le nombre de logements a nover », a confirmé Stéphane Petitjean, Si Carrefour a une démarche bio inté- RSE et développement durable, mais augmenté de plus de moitié », précise directeur conseil de GreenFlex, lors de ressante, c’est parce que les consom- recherchent surtout des profils à double la Fédération. Le milieu du BTP a bien la publication du baromètre. mateurs demandent ces produits. Ce casquette : achat responsable, marketing/ conscience de son impact sur l’envi- Et ce constat touche tous les secteurs ! n’est plus qu’un argument marketing, RSE, chefs de produits familiers avec les ronnement : les bâtiments résidentiels Comme la mode. Selon un sondage d’Ip- il faut intégrer l’environnement à tous sujets durables… De leur côté, les cabi- et tertiaires produisent un quart des sos près de deux Français sur trois af- les niveaux, car les clients finaux, eux, nets de conseil spécialisés sont de plus émissions de CO2 en France. « Le sec- firment que l’engagement des marques cherchent des produits responsables ». en plus nombreux et augmentent de taille. teur bouge, face aux contraintes régle- en matière de développement durable La preuve par les chiffres : le marché Ils ont besoin de consultants, car les en- mentaires, mais aussi parce que les at- constitue un critère de choix impor- bio en France pèse désormais près de treprises font d’abord appel à ces indé- tentes évoluent. Certains voudront se tant au moment de leurs achats mode/ 10 milliards d’euros (+15 % en 2018). pendants, avant de créer des postes en in- démarquer en allant plus loin que les habillement. Ou l’alimentation : deux Les entreprises ont compris leur intérêt terne », détaille-t-elle, notant l’émergence normes fixées, par exemple en s’enga- tiers des sondés d’une autre étude d’Ip- à mettre en avant des arguments envi- de profils dans le secteur de la finance. Construire des résidences végétalisées permet de réduire l’impact du réchauffement geant sur des trajectoires de neutrali- sos écartent les aliments en cas de pré- ronnementaux pour séduire des consom- « Les analystes ESG (environnementaux, © Shutterstock té en carbone. Il y a dix ans, cela ne se sence d’additifs ou de pesticides. Les mateurs toujours plus exigeants. sociaux et de gouvernance) vont analyser 26 SE FORMER AUX MÉTIERS DE DEMAIN 2020 2020 VIVRE DANS UNE SOCIÉTÉ EN MUTATION 27

des critères financiers et extra-financiers, liés à l’environnement, le sociétal et la gouvernance. Depuis 2016-2017, nous Construire la ville efficiente voyons une grande demande sur ces ta- lents ! », précise la fondatrice de Birdeo. La ville, certains la pensent et l’analysent et collaborent parfois avec ceux Pour tous ces postes, les entreprises re- qui la dessinent ou la construisent. À une époque où 55 % de la population mondiale cherchent donc des professionnels bien formés à leur métier, avec cette sensibi- est devenue urbaine, la ville fait l’objet de nombreuses études, lité, sans non plus tomber dans le militan- projections et applications. Un champ de réflexion de plus en plus interdisciplinaire… tisme. « Il faut une posture et savoir dé- bousculé par la crise sanitaire. montrer la valeur ajoutée que peut avoir le développement durable », conclut Ca- roline Renoux, constatant également que ans une tribune publiée dans le dulables, ses pistes cyclables chauffantes Chut !, consacré en partie à la ville, on les entreprises ont bien pris conscience monde le 8 avril dernier, le maire ou ses robots livreurs dans des galeries peut notamment lire une interview de qu’à moins de bien négocier ce virage, Dde Neuilly-sur-Seine, Jean-Chris- souterraines. Bien accueillie au départ, la Carlos Moreno, professeur associé à elles risquaient de perdre du business. tophe Fromentin, et le scientifique Di- smart city de Toronto a rapidement fait l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, dier Sicard s’inquiètent : « Les nouvelles débat sur la collecte en masse des don- cofondateur de la chaire ETI (entrepre- configurations urbaines portent en germe nées des habitants, leur utilisation à des neuriat Territoire Innovation) et spé- Formation continue des déflagrations écologiques à haut po- fins commerciales et le respect de la vie cialiste du contrôle intelligent des sys- La transition énergétique est porteuse de métiers d’avenir et initiale © Shutterstock tentiel de viralité ». En cause : l’urbani- privée. Sidewalks Labs imaginait en ef- tèmes complexes. L’expert international sation galopante, qui concernera 68 % fet la mise en place de systèmes d’intelli- y confie : « A contre-courant de la vi- Pour cela, certaines entreprises misent lontaire. Selon une enquête Ipsos/BCG, té de direction la suivra, puis les élèves. de la population d’ici 2050 selon l’ONU gence artificielle exploitant toutes sortes sion technocratique et techno centriste sur la formation continue, en interne, fai- 76 % des étudiants et jeunes diplômés dé- Cet atelier ludique et participatif permet et l’introduction de plantes ou d’espèces de données collectées à partir de capteurs [...], qui favorise les dérives (flicage, sur- sant appel à des organismes extérieurs. signent l’environnement comme le sec- de réaliser des exercices sur le change- sauvages extraites de leur milieu naturel visant à optimiser la gestion des services veillance de masse, fuite de données, hy- Le cabinet Des Enjeux et des hommes teur le plus attractif, devant les énergies. ment climatique, en se fondant sur les dans des environnements incompatibles urbains, un des nombreux sujets de fric- perconnexion…), je prône des “smart en fait partie. « Nous proposons des for- Et trois-quarts des sondés espèrent un rapports du Giec. « Au sein de NEOMA avec leur développement. Et d’interro- tion entre l’entreprise et les pouvoirs pu- cities” humaines. C’est autour de l’ha- mations thématiques, métier par métier. job en phase avec leurs valeurs. Plus de ce sont des séminaires et des « capsules ger : suite à cette crise sanitaire liée au blics ; des désaccords de plus en plus pro- bitant qu’il faut concevoir de nouvelles Par exemple : l’écoconception de packa- la moitié de ces jeunes espèrent faire bou- académiques » qui ont été créés sur les Covid-19, aurons-nous l’audace de « re- fonds qui seraient la cause officieuse de politiques publiques locales, pour ensuite ging, réfléchir à des achats plus respon- ger les pratiques, voire refusent de travail- sujets climatiques, environnementaux et mettre en cause les envies effrénées de l’arrêt de l’expérimentation. Ou comment développer des solutions à des probléma- sables, intégrer des sujets de finance res- ler pour des entreprises agissant mal vis- sociétaux », établit Delphine Manceau, la consommer la nature à n’importe quel ne pas sacrifier l’intérêt général, dont les tiques très concrètes ». Il poursuit : « La ponsable dans les pratiques. Il peut aussi à-vis de l’environnement. directrice, qui organise également régu- prix. Là où nous vivons ». Comme dans collectivités territoriales sont le garant, ville intelligente humaine sera celle qui, s’agir d’entreprises qui souhaitent que lièrement des conférences avec des chefs bien d’autres secteurs, y aurait-il un avant sur l’autel de la modernité ? face à l’urgence climatique, saura arti- l’ensemble de leurs collaborateurs soient d’entreprise comme des experts. À Au- et un après coronavirus en matière d’ur- culer ses actions avec une approche éco- sensibilisés aux sujets environnementaux Des jeunes « mobilisés » dencia la rentrée de la promotion 2020 banisme et de réflexions sur la ville de nomique et sociale favorisant les nou- et sociaux. Néanmoins, nous sommes en- s’est également faite sous le signe du cli- demain ? Une ville plus humaine veaux modèles économiques, urbains et core loin du but, les budgets de forma- Cet enthousiasme des jeunes, Cendrine mat avec un débat auquel participaient le À Paris, par exemple, la municipalité a et plus démocratique l’inclusion de tous ». tion ne sont pas forcément fléchés sur ces Le Locat, responsable développement du- journaliste Hugo Clément, le cinéaste Ni- remis l’hygiène au premier plan de ses La ville de demain devra donc être plus thématiques, il a fallu du temps pour que rable et RSE à l’école d’ingénieurs IMT colas Vannier et la présidente de WWF préoccupations afin de lutter contre le Intérêt général et urbanité, tout un pro- humaine mais aussi plus démocratique. les DRH s’en emparent », estime Agnès Atlantique, le sent bien. « Ce qui ouvre les France, Véronique Andrieux devant toute Covid-19 et prévenir de nouvelles épidé- gramme, qui inspire des chercheurs ! C’est l’opinion de Stéphane Cordobes, Rambaud-Paquin. La formation continue vannes, c’est la mobilisation étudiante ! la promotion entrante. Partout la Fresque mies. Et les mesures préconisées n’ont Dans le deuxième opus du magazine enseignant chercheur associé à l’École est donc un bon outil pour sensibiliser et Elle pousse la direction de passer à la du Climat et ses équipes viennent porter rien de futuristes : distribution de gels perfectionner les connaissances des pro- vitesse supérieure sur ces sujets. La nou- la parole des experts et inciter les jeunes hydro-alcooliques, création de nouvelles fessionnels en poste. velle génération n’hésite pas à reven- à s’en emparer et à faire changer les en- pistes cyclables, trottoirs élargis pour que Mais les entreprises lancées dans ces diquer des valeurs, que ce soit dans sa treprises de l’intérieur. personne ne se frôle, interrogations sur la transitions attendent également beau- formation ou dans son entrée sur le mar- Pour nos experts, la transition est iné- densité de population qui pourrait rebattre coup de la formation initiale. Et bien que ché de l’emploi », déclare-t-elle, préci- luctable. « Les entreprises n’en sont pas les cartes en termes d’urbanisme… Bref, de plus en plus de cursus spécialisés ap- sant que des cycles de conférences sur toutes au même niveau : certaines se sont la crise sanitaire est passée par là et les paraissent, le monde universitaire est en- les sujets durables sont régulièrement mises en marche, d’autres risquent de conséquences sur la façon de concevoir core loin du compte. « C’est dramatique. organisés à l’école, ainsi que des cours disparaître. Lorsque l’on voit BlackRock, et de vivre la ville s’avèrent plus impor- Il est possible de se former, mais tous ne obligatoires sur le développement du- le fonds d’investissement américain le tantes qu’on n’aurait pu l’imaginer. s’intéressent pas à ces sujets. On peut être rable. « En première année, nous évo- plus puissant au monde, dire qu’à terme, La crise a également mis fin au projet diplômé aujourd’hui en finance ou en quons par exemple l’analyse du cycle il n’investira que dans des business res- controversé de smart city à Toronto… marketing sans avoir jamais touché au de vie des produits, un point important ponsables, il est clair qu’il s’agit d’une Cause officielle : la crise économique in- développement durable, à part peut-être dans le cadre du métier d’ingénieur. La véritable tendance », pointe Carole Re- citant la société Sidewalks Labs, filiale une ou deux heures de cours. Or, nous question de d’impact éthique est égale- noux. Les chiffres de l’encours d’inves- de la maison mère de Google, Alpha- devrions tous avoir des cours de base ment abordée, que ce soit sur l’IA, les ob- tissement responsable vont dans le même bet, à renoncer à son projet de dévelop- sur le sujet, dès la primaire. Il en faut jets connectés ou le big data. Les ensei- sens : 1 458 milliards d’euros en France per un quartier futuriste sur une friche davantage dans le système scolaire, car gnants amènent les étudiants à se poser fin 2018 contre 1 081 l’année précédente, portuaire de 5 hectares de la métropole les jeunes diplômés ne connaissent pas des questions sur leurs futurs usages », selon l’Association française de la ges- canadienne. Démarré en 2017, ledit pro- assez ces thématiques, pourtant clefs au- ajoute Cendrine Le Locat. Et nouveau- tion financière. Pour Laura Verdier, ce jet devait incarner un modèle d’innova- jourd’hui dans le monde de l’entreprise », té pour l’établissement : une formation n’est qu’une question de temps : « Tous tion en matière d’urbanisme, d’écologie et Les urbanistes cherchent à construire des villes à dimension lance Caroline Renoux, de Birdeo. Pour- pour les enseignants-chercheurs, via La les métiers finiront par devenir verts ». de technologies numériques avec ses im- humaine, efficaces et durables tant, la nouvelle génération se révèle vo- Fresque du climat. L’ensemble du comi- Laura Makary meubles en bois, des espaces publics mo- © Shutterstock 28 SE FORMER AUX MÉTIERS DE DEMAIN 2020 2020 VIVRE DANS UNE SOCIÉTÉ EN MUTATION 29

urbaine de Lyon, qui ancre sa réflexion de l’architecte, de l’écologue… Cela veut De nouvelles cadre de vie, de développer le mieux vivre ronto a vécu ? Non, si elle comprend de dans un contexte global qu’il nomme dire transformer les méthodes de tra- collaborations ensemble et de faire progresser la transi- nouveaux types de collaborations afin de anthropocène, une nouvelle ère géolo- vail pour aller vers plus d’acceptabilité tion écologique. La métropole intelligente décloisonner les compétences et de dé- Un hackathon dédié à la ville gique dans laquelle l’Homme a acquis sociale des choix effectués et mettre les Certaines villes ont déjà entamé leur révo- de demain, ce sont d’abord les habitants velopper les interactions entre services et L’enjeu de la smart city, c’est donc bien une telle influence sur la biosphère qu’il usagers en position de responsabilité ; il lution et sont montrées en exemple. Il en qui la font », peut-on lire sur le site de la acteurs de la ville. Concrètement, c’est ce son application. Et c’est aussi l’objectif en est devenu l’acteur central. Il explique : faut apprendre à être acteurs de la ville ». va ainsi de Dijon. La métropole bourgui- ville. Autre agglomération plébiscitée : que fait Ossian Heulin. Cet ancien étudiant du Citylab Alliance animé chaque année « Nous allons vers un nouveau monde : Au regard des catastrophes climatiques gnonne a mis en place un poste de com- Barcelone, en Espagne. En 2016, la muni- des Arts et Métiers est aujourd’hui basé à par Audencia, l’École Centrale de nous sommes de plus en plus vulnérables amenées à s’amplifier, il serait donc ur- mandement unique et partagé avec les 23 cipalité a l’idée de recueillir l’avis de ses Shanghai où il occupe la fonction de bu- et l’École supérieure d’architecture de Nantes. Depuis 2016, les trois écoles face aux catastrophes et les compétences gent de reconstruire des communau- communes du territoire. Ses objectifs : op- administrés pour construire un plan d’ac- siness developper and sales expert pour organisent un hackathon dédié à la ville : pour apprendre à se comporter face à tés locales et de réimaginer une gestion timiser et mutualiser les équipements ur- tion municipal. Face à l’afflux de proposi- des solutions de smart cities chez Dassault une centaine d’étudiants planchent sur ces phénomènes inédits, tels que les in- collective de la ville : par exemple, ap- bains (feux de circulation, éclairage pu- tions, elle ouvre Decidim l’année d’après, System. Pour lui, la smart city a une voca- des thématiques urbaines choisies par cendies en Australie, concernent tout le prendre aux citoyens à relever des don- blic, caméras…) afin de faciliter la gestion une infrastructure numérique dédiée à tion : faire en sorte que des données soient des entreprises et des associations monde, pas seulement les ingénieurs, les nées en termes de températures et les de l’espace public. Des transformations la démocratie participative, entièrement accessibles à tous pour prendre les bonnes partenaires spécialisées en énergie, administrations… ». Il ajoute : « Les ci- transmettre pour ne pas dépendre de sys- opérées en concertation avec les acteurs conçue et réalisée de façon collaborative décisions. Il s’explique : « La probléma- transport, mobilier urbain, etc. En 2019, toyens ont longtemps délégué la gestion tèmes techniques qu’il faut renouveler ré- du territoire. « Dans cette démarche par- selon les règles du logiciel libre. Un ou- tique de la gouvernance d’une ville, c’est ils ont eu trois jours pour imaginer de des territoires aux élus et aux experts. gulièrement ou encore les former au tri tagée d’innovation territoriale, la tech- til sophistiqué qui a permis de modifier la traçabilité des données, la mutualisa- nouveaux services ou objets ayant Or, cette organisation ne suffit plus pour des déchets, aspect essentiel du fonction- nologie numérique se met au service de l’aménagement de certains quartiers au tion des ressources. Notre objectif, c’est trait aux mobilités. « Les équipes sont faire face aux enjeux actuels. Il faut que nement de nos territoires urbains. « La l’humain, et non l’inverse. Ce projet per- niveau, par exemple, des flux de circula- de fournir un jumeau numérique, une mixtes, elles comprennent des étudiants en management, communication, la société change et donc former les ci- façon de faire la ville va être révolution- mettra de co-construire des services in- tion repensés pour améliorer le cadre de modélisation en 3D, aux acteurs publics ingénierie, architecture et design. Or, toyens pour qu’ils acquièrent les com- née et ce savoir devra être partagé », in- novants, de faciliter le quotidien des ci- vie des habitants. pour leur permettre de mener à bien da- l’hybridation des compétences est l’un pétences de l’aménageur, de l’urbaniste, siste Stéphane Cordobes. toyens et des entreprises, d’améliorer le Est-ce à dire que la smart city version To- vantage de projets à moindre coût et en des axes forts de Audencia et travailler toute transparence. Pour ce faire, nous sur la ville de demain se prête bien à agrégeons des données disponibles grâce cette transdisciplinarité », explique Construire une ville connectée pour mieux répondre aux attentes de chacun aux panneaux solaires, aux capteurs inté- Valérie Claude-Gaudillat, directrice grés aux tuyaux d’irrigation… pour éta- de l’innovation chez Audencia. Entre blir un nouveau business model ». Il pré- développement de la créativité et cise : « Notre objectif, c’est de créer un apprentissage du travail en équipe aux référentiel commun afin de servir le ci- compétences complémentaires, des solutions à des problèmes complexes toyen, qui a lui aussi accès aux données sont ici trouvées pour penser notre tout comme les acteurs économiques, et futur urbain. Ou comment imaginer de permettre aux villes de faire de meil- une ville durable de façon collective leures planifications : une orientation so- en utilisant des outils numériques. laire optimisée, des trajets limités, etc. » Et de citer en exemple Singapour ou Hong- Kong dont le projet Blue Print permet d’établir plusieurs scénarios de dévelop- pement urbain via des simulations per- vicielle et réintroduire de la nature et les mettant d’optimiser des systèmes de ven- circuits courts, sans que tout cela ne soit tilation, d’implanter des bouches de métro une contrainte. Comment y parvenir ? au bon endroit, de définir la bonne taille Les villes étant trop silotées aujourd’hui, de bâtiment… Le jeune ingénieur com- « l’idée est de créer des centralités en ré- mente : « Aujourd’hui, smart city, ça veut seau, des îlots et des quartiers mixtes per- tout et rien dire, cela implique aussi bien mettant de vivre, de se développer, d’ac- le lampadaire intelligent que l’IA appli- croître ses connaissances, de travailler, quée à la surveillance de la population, d’échanger, de recycler ». comme c’est le cas en Chine. En Europe, Une vision ayant un impact direct sur les c’est davantage utilisé pour accroître le compétences à mailler pour faire la ville bien-être des citoyens ». de demain commente Joris Gaudion : « Il Joris Gaudion, cofondateur et directeur va falloir penser et travailler autrement, des opérations de la LaVilleE+, spécia- en croisant différentes expertises et dis- liste du conseil stratégique urbain, en ciplines tel que l’agriculture, la distribu- sait quelque chose. Son travail : bâtir de tion, la technologie, le politique, le de- meilleures villes, plus agiles, plus inclu- sign… Cette hybridation de compétences sives et plus durables. Son intervention doit être native et comprendre une bonne tient en un mot : la circularité : « Nous culture générale sur la ville, une exper- faisons en sorte d’introduire des cycles tise sociale et méthodologique, une ap- dans les villes pour qu’elles arrêtent de proche professionnelle de l’intelligence s’étaler. La ville ne doit pas être subie, il collective par la concertation. Cela inclut faut la densifier de façon heureuse afin aussi une capacité à se former en per- d’offrir un cadre de vie agréable aux ha- manence, à résoudre des problèmes com- bitants et créer de la valeur pour tous ». plexes et à moindre coût. La ville intelli- Concrètement, il s’agit de rendre la ville gente c’est avant tout la ville frugale ! ».

© Shutterstock plus marchable, plus cyclable, plus ser- Anne Dhoquois 30 SE FORMER AUX MÉTIERS DE DEMAIN 2020 2020

La fin de la mondialisation ? La mondialisation contre la nature ? On en parlait déjà avant la crise du Covid-19, on en parle encore plus depuis. Faut-il en finir avec la mondialisation ? Mais peut-on vraiment revenir en arrière Aux critiques sociales contre une mon- dialisation destructrice d’emploi dans les sur un mouvement qui domine l’économie mondiale depuis 30 ans ? pays occidentaux s’est ajouté le constat de ses effets négatifs sur le climat. À l’heure du réchauffement climatique acheter loca- lement des produits de saison semble une uerre commerciale américa- pas d’un retour total en arrière alors que d’approvisionnement des biens essentiels manière simple de contribuer à réduire les no-chinoise, Brexit, questions sur le commerce international permet une et diversifier le risque géographique ». dépenses énergétiques. Les « puzzles in- Avec la mondialisation la supply chain management est au cœur des économies modernes Gle rapatriement en Europe de la pro- spécialisation par pays ». Ce que Jean-Dominique Giuliani résume dustriels » qui font voyager les produits © Shutterstock duction de médicaments essentiels… ces ainsi : « L’Europe est trop petite pour de l’Asie aux États-Unis, de l’Amérique trois dernières années ont été marquées continuer à jouer sur un plan national. Latine en Europe paraissent également là aussi les tensions s’amplifient. De nou- économies se sont rendu compte que la par la montée en puissance d’un certain La mondialisation contre Les Britanniques sont les seuls à imagi- bien peu vertueux. Sans parler d’un tou- veau c’est Huawei qui est en ligne de mire. survie de l’industrie européenne pas- désenchantement vis-à-vis de la mondia- la souveraineté ? ner que la taille ne compte pas et que son risme de masse dont on dénonce depuis De plus en plus méfiants vis-à-vis d’une sait par une qualité qu’on doit pouvoir lisation dans les pays occidentaux. Un dé- identité permet d’aller plus loin. Quand longtemps les effets délétères sur l’envi- Chine (qui plus est de moins en moins contrôler. Dont l’environnement », ana- senchantement que la crise du Covid-19 a Les causes du recul de l’idée d’une mon- ils partent négocier avec le Japon ou les ronnement. Dans ce contexte nombreux bon marché) les industriels occidentaux lyse Jean-Dominique Giuliani. largement renforcé. « Il y aura un avant dialisation heureuse dans les pays occiden- États-Unis des traités commerciaux ils sont ceux qui prônent un tourisme raison- n’imaginent pas pour autant rapatrier leur et un après coronavirus du point de vue taux sont multiples. Avec la pandémie du imaginent obtenir le même traitement né comme l’explique Jan Van der Borg, production. Selon une étude menée par le économique et financier. La crise actuelle Covid-19 les chaînes d’approvisionnement qu’avec l’Union européenne. » économiste du tourisme à l’université de Boston Consulting Group (BCG), Apple Relocaliser des montre nos faiblesses et nos dépendances. se sont grippées dans tous les domaines. Louvain : « Il y a des signes qui montrent préfère par exemple réorganiser sa chaîne produits stratégiques Nous devons repenser la mondialisation Posant de délicates questions de souve- que les consommateurs vont ouvrir la de valeur en produisant les composants de à l’aune de la souveraineté », assure ain- raine économique quand, faute de pièces La mondialisation voie vers un tourisme plus sain. Au lieu ses iPhone dans plusieurs pays asiatiques. Non aux industries polluantes donc mais si le ministre de l’Économie, Bruno Le détachées, les usines se sont arrêtées. contre les salaires ? de partir six fois par an en week-end, ils oui aux industries stratégiques dont l’em- Maire en mars 2020 sur France Inter. Et si la démondialisation débouchait aussi économiseront pour s’offrir un voyage preinte environnementale est plus favo- Une attitude qui rend perplexe Jean-Do- sur plus d’Europe ? Dans un texte publié Bien avant la crise du Covid-19, les élec- de qualité une fois par an dans un en- Peut-on vraiment rable. Le français PSA et l’allemand Saft minique Giuliani, le président de la Fon- au début de l’été 2020 dans le « Frankfur- tions de Donald Trump aux États-Unis droit spécifique ; le reste de l’année ils relocaliser ? ont ainsi inauguré, début janvier 2020 en dation Robert Schuman : « La démondia- ter Allgemeine Zeitung », le président du puis de Boris Johnson au Royaume-Uni passeront les vacances dans leur pays ». Charente, une première ligne pilote de lisation est un peu un slogan à l’usage des Parlement allemand, Wolfgang Schäuble, ont amené au pouvoir des dirigeants por- Alors que les lignes de fabrication s’en- production de cellules de batteries pour politiques qui correspond à une sorte de invitait à aller au-delà du plan de relance tés par des électeurs largement anti-mon- gorgeant suite à la pandémie du Covid-19, véhicules électriques. De concert avec rêve de Français qui sont parmi les plus pour approfondir l’intégration. Car il y dialisation. Des électeurs qui avaient fini La mondialisation a-t-elle un domaine a forcément retenu encore un autre site en Allemagne, l’objectif est rétifs au monde à la mondialisation ». Ce a urgence pour l’Allemagne à soutenir par se demander si cette mondialisation trop profité à la Chine ? plus l’attention : la santé. Quand on ne sait d’en produire suffisamment pour alimen- spécialiste de l’Europe ne voit guère com- des économies en plein désarroi qui sont ne se faisait pas essentiellement au pro- plus fabriquer de masques chirurgicaux, ter près d’un million de véhicules élec- ment on peut « demander à une généra- aussi ses clientes. « L’Union européenne fit de la Chine et des pays émergents. L’atelier du monde qu’est encore la Chine quand certains médicaments viennent à triques chaque année. Un vrai retour en tion des moins de trente ans, qui a déjà doit mieux se préparer afin que, dans les Un paradoxe étonnant quand on se sou- se mue petit à petit en laboratoire du manquer, ce sont les fondements mêmes Europe d’une production aujourd’hui qua- visité les trois quarts de la planète, de re- crises, elle soit plus résistante et plus sou- vient que ces mêmes pays approchaient le monde. Capable bientôt de produire des du contrat social qui semblent se déliter. siment exclusivement chinoise. noncer à ce qui est devenu son mode de veraine », écrit l’actuel président du Bun- plein-emploi avant la crise du Covid-19. avions qui concurrenceront Airbus et Sous l’injonction du président de la Ré- Un retour de l’industrie qui sera large- vie ». Et d’insister : « On peut parler d’un destag, qui souhaite renforcer l’« autono- Mais un paradoxe relatif quand on me- Boeing. Déjà leader dans les communi- publique le laboratoire français Sanofi va ment favorisé par l’essor de la robotique nouveau stade de la mondialisation mais mie stratégique en repensant les chaînes sure également combien leurs populations cations avec un Huawei qui n’en finit pas ainsi investir d’ici 2025 plus de 600 mil- et de l’intelligence artificielle (IA). Si l’Al- ont le sentiment de s’être paupérisées ces d’inquiéter les pays occidentaux après lions d’euros en France pour créer une lemagne a su maintenir une industrie de La planète souffre-t-elle d’une mondialisation excessive ? trente dernières années. Même avec un que les États-Unis l’aient même banni nouvelle usine de vaccins et relocaliser premier ordre c’est aussi parce qu’elle est emploi ! Le Laboratoire sur les inégali- de leur territoire. « Si l’on schématise, le la production de plusieurs médicaments le pays le plus automatisé d’Europe. Der- tés mondiales a par exemple publié en désir des industriels américains de faire « usuels » comme le paracétamol. Un rière la Corée du Sud et Singapour elle se 2019 une note qui montre que les inéga- du business avec la Chine l’a longtemps nouveau centre de recherche et dévelop- situe au 3e rang mondial avec 309 robots lités ont augmenté quasiment dans tous emporté sur d’autres considérations. pement devrait également être consa- industriels pour 10 000 employés. Loin les pays d’Europe depuis le début des an- Désormais, ces industriels ont changé cré au développement de vaccins contre derrière la Corée du Sud (774 robots in- nées 1980. Pour autant l’Europe a su sou- d’attitude : ils ont épuisé les possibilités les maladies émergentes et les risques dustriels pour 10 000 employés) et loin tenir ses plus modestes quand leurs reve- de produire à bas coût dans l’Empire pandémiques. devant la France qui stagne au 18e rang nus ont stagné aux États-Unis. Résultat : du Milieu, et se heurtent à l’impossibi- Mais ce qui est applicable à la santé l’est- avec 132 robots. aujourd’hui les 1 % les plus riches captent lité d’y vendre des produits plus haut de il à toutes les industries ? La montée en Mais comment parler mondialisation en 20 % du revenu national avant impôt aux gamme, car Pékin bloque », analyse Su- puissance de la Chine et des pays émer- occultant tout ce qu’elle a eu de positif États-Unis pour 11 % en Europe. Une zanne Berger. gents s’est accompagnée d’un terrible ac- pour l’économie mondiale ? En sortant paupérisation vite imputée à la mondiali- En Europe la situation est plus contras- croissement des pollutions sur leurs sols. de la pauvreté des milliards d’habitants. sation… Dans un entretien au « Monde », tée. L’Allemagne échange par exemple On voit mal des pays occidentaux, de plus En faisant baisser les prix des marchan- la politologue américaine Suzanne Ber- 200 milliards de biens avec la Chine en plus portés sur l’écologie, rapatrier sur dises pour tous. Les premiers effets de la ger, professeure au Massachussetts Insti- chaque année, en Grèce la Chine a ra- leurs sols ces industries polluantes. D’au- guerre commerciale entre les États-Unis tute of Technology (MIT), estime qu’« il cheté le port d’Athènes pour y faire tran- tant que leur force de travail est mon- et la Chine sont de renchérir les produits est urgent d’imaginer comment protéger siter sa « Route de la soie », dans toute tée en compétences et s’est tournée vers chinois – taxés – au détriment des mé- ceux qui sont exposés lorsque l’on ouvre l’Europe les industries chinoises sont pré- les nouvelles technologies. « Bien avant nages américains.

© Shutterstock les frontières. ». sentes et créent des emplois locaux. Mais qu’apparaisse le virus, les anciennes Sébastien Gémon 32 SE FORMER AUX MÉTIERS DE DEMAIN 2020 2020 VIVRE DANS UNE SOCIÉTÉ EN MUTATION 33

Cette anti-mondialisation est-elle un Si le sentiment anti-mondialisation croît c’est sentiment purement occidental ? aussi parce qu’on a le sentiment qu’elle se fait au bénéfice essentiellement de la Chine Pascal Boniface L’anti-mondialisation est un phénomène lié aux classes et au détriment des pays occidentaux ? moyennes occidentales qui ont perdu leur statut. Il La Chine défend ses intérêts en étant finalement moins DIRECTEUR DE L’IRIS n’existe absolument pas en Chine, en Inde ou au Brésil. agressive que les États-Unis. Qui a infligé une amende Au contraire si le président Bolsonaro veut encore plus de neuf milliards d’euros à la BNP ou mis Alstom à exploiter l’Amazonie c’est bien pour exporter plus. Et s’il genou pour s’en emparer ? Pas la Chine qui veut laver apprécie beaucoup Donald Trump il n’a pas du tout l’inten- « L’anti-mondialisation est un phénomène les humiliations qu’elle a connue au xixe siècle, s’est tion de réduire pour autant les échanges avec la Chine. affirmée auxx e et veut reprendre la place de première lié aux classes moyennes occidentales Les excès de libéralisation des échanges ont déstabilisé économie du monde qu’elle a perdu dans les années certains pays occidentaux en conduisant à un chômage qui ont perdu leur statut » 1870. « Cacher sa force et attendre son heure » disait de masse dans certains pays. Les crises des réfugiés Deng Xiaoping. Et bien cette force le président Xi les inquiètent d’autant plus. Mais pour autant les partis Jinping la montre. « populistes » restent minoritaires dans les grandes Même le Covid-19, dont on disait que la Chine allait plus Il est l’un des principaux experts démocraties occidentales. IRIS en souffrir que d’autres pays, n’aura finalement que peu géopolitiques français. Fondateur L’Institut des relations et directeur de l’Institut de relations affaibli son économie comparativement à beaucoup internationales et Le sentiment d’une perte de souveraineté internationales et stratégiques stratégiques a été créé en d’autres. Le duel sino-américain pour la domination explique également ce mouvement anti- (Iris), Pascal Boniface vient de 1991 par Pascal Boniface mondiale est en cours. publier « Géopolitique du COVID-19 » mondialisation. Les Britanniques viennent (Eyrolles) et « L’Atlas géopolitique du d’exclure l’équipementier Huawei de leurs monde global » avec Hubert Védrine futurs réseaux 5G. Est-ce une illustration de La montée du sentiment que nous détruisons (Armand Colin). Son regard sur une GEOPOLITIQUE cette volonté de souveraineté ? la planète avec le réchauffement climatique démondialisation bien difficile à mettre Ce serait plutôt une perte de souveraineté après un ne contribue-t-elle pas aussi à un certain La géopolitique est de plus sentiment que la mondialisation est en œuvre. en plus appréciée par les ordre américain de fermer un marché qui s’était ouvert décidément porteuse de bien des maux ? étudiants et fait aujourd’hui en janvier sans aucune justification technique qui La démondialisation est-ce un slogan facile partie des spécialités La mondialisation n’est pas forcément anti-écologique. après la pandémie du Covid-19 ou une réalité proposées au bac. expliquerait sa fermeture ensuite. C’est une décision Bien sûr il y a des abus comme faire venir des fraises possible ? vassale, pas souveraine après les admonestations de par avion de l’autre bout du monde en hiver ou produire Je ne pense pas qu’on puisse imaginer une véritable Donald Trump et l’application de sanctions. des pièces venant de dix-sept pays différents. Mais démondialisation. Parce que les frontières étaient, et AUTEUR Diplômé de Sciences Po, il peut aussi y avoir une mondialisation respectueuse sont encore, largement fermées, l’impression a pu docteur en droit public, Mais quand le géant pharmacautique de l’environnement en travaillant à décarboner l’éco- être donnée qu’on mettait fin à ce qui avait marqué Pascal Boniface est français Sanofi décide de rapatrier la l’auteur de plus de 90 nomie. Il y avait des signaux faibles qui annonçaient profondément les trente dernières années. Mais c’est fabrication de vaccins ou du paracétamol ouvrages de géopolitique. une possible épidémie type Covid-19. un état provisoire avant un large retour des échanges. en France là on est bien dans le cadre d’un retour à une certaine souveraineté sur des Pour le réchauffement climatique les signaux sont forts Il y aura peut-être moins d’excès et la sanctuarisation produits de santé indispensables ? mais certains États qui en sont hautement respon- de certaines chaînes de valeur mais pas de retour sables, comme les États-Unis, l’Australie ou encore le profond en arrière. Nous profitons tous bien trop des L’absence de masques et de certains produits pharma- Brésil, refusent tout simplement toute corrélation entre avantages de la mondialisation pour que nous revenions ceutiques alors que, depuis 2008, trois Livres blancs l’activité humaine et le réchauffement climatique. Et à un monde où les frontières seraient closes. du ministère de la Défense ont mis en garde contre la survenue d’une pandémie, est déjà étonnante. On n’a donc d’agir. Alors que c’est le principal danger auquel jamais imaginé produire à l’étranger des sous-marins l’humanité doit faire face. Pourtant on voit dans le monde occidental Nous vivons dans un monde d’ouverture où nous sommes nucléaires ou des avions de combats Rafale. Contrai- des « populismes » se développer sur fond en connexion avec tous les pays. La notion de frontière d’anti-mondialisation. En particulier aux rement à d’autres secteurs où nous n’avons plus les n’est plus la même quand les événements de chaque États-Unis avec Donald Trump et sa volonté capacités de production pour améliorer les cours de pays ont des répercussions partout. Ce qui se passe de rétablir des frontières. © Supralude bourse et les dividendes des actionnaires. Quitte à en Libye, en Chine ou aux États-Unis ce ne sont plus Considérant que les États-Unis se sont fait berner, créer du chômage. des affaires étrangères. Ce n’est pas par hasard si la Donald Trump voulait essentiellement rétablir l’équi- Ce que souhaite en fait Donald Trump c’est un monde Si en 2021 on ne produisait plus qu’en France les manques géopolitique a été introduite dans les programmes de libre de la balance commerciale avec la Chine. C’est que les États-Unis pourraient diriger comme ils le seraient criants. Mais c’était aussi une illusion de croire première l’année dernière et de terminale cette année. bien plus important pour lui que de lutter contre une faisaient dans les années soixante. L’illustration la plus qu’on pourrait demander du jour au lendemain à la Chine Encore une fois la vision de pays qui pourraient être désertification industrielle et une perte de souveraineté. évidente en est leur volonté d’imposer leurs législations de tout produire. Parce que, quand tout le monde a la autarciques n’est pas pour demain. La Corée du Nord Il ne souhaite absolument pas suspendre les échanges partout dans le monde. même idée, cela se révèle vite impossible. n’est pas la perspective de demain. commerciaux. Après tout personne n’a obligé les entre- La volonté de lutter contre la fin des frontières est assez Aujourd’hui certains excès commencent à être réglés. Propos recueillis par Olivier Rollot prises américaines à s’installer en Chine pour y profiter curieuse alors que la plupart des conflits qui éclatent On se rend par exemple enfin compte que la Politique des salaires bas. D’ailleurs elles commençaient déjà à aujourd’hui sont justement des conflits de frontières. agricole commune (PAC) fonctionne bien et qu’il serait en revenir avec l’augmentation de ces mêmes salaires. On n’a certainement pas à les rétablir. stupide de l’arrêter. PARTIE II

Travailler dans des entreprises en mutation

Face aux défis du xxie siècle les entreprises sont à la recherche de nouveaux profils. Habiles dans le digital, formés à l’international et au multiculturalisme, innovants, les jeunes diplômés ont toutes les qualités. Mais encore faut-il également que les entreprises leur en donnent les moyens. 36 SE FORMER AUX MÉTIERS DE DEMAIN 2020 2020 TRAVAILLER DANS DES ENTREPRISES EN MUTATION 37

chines accompliront plus de tâches que Tous les étudiants des Grandes écoles passent aujourd’hui les humains. Mais la révolution robo- une partie de leur cursus à l’étranger Quels métiers pour demain ? tique créera 58 millions d’emplois au cours de ces cinq prochaines années », Organisations internationales, think tank, fondations, organismes était-il alors expliqué. gouvernementaux… jamais l’évolution des métiers n’aura été autant scrutée. Autant de projections dont il est diffi- cile de mesurer le degré de réalisme, au- Le signe que les évolutions en cours aujourd’hui du fait de la révolution jourd’hui moins encore qu’hier. D’autres technologique n’en sont sans doute qu’à leurs débuts. facteurs pourraient également changer la donne, comme le déploiement de po- litiques plus ambitieuses destinées à lut- ter contre le réchauffement climatique. 5 % des métiers exercés en 2030 Accélérer la démie de Covid-19 sera derrière nous, En 2018, l’Organisation internationale n’existent pas encore. C’est ce transformation digitale le cabinet de conseil estime que cette du travail (OIT) estimait dans son rapport 8qu’assurait déjà en 2017 le rap- perte d’emploi liée à l’automatisation « Une économie verte et créatrice d’em- port « The next era of human-machine Dans son rapport « The future of work sera partiellement, voire totalement com- plois » que les mesures prises dans le do- partnerships » publié conjointement par in Europe » paru en juin 2020, la socié- pensée. Avant la pandémie, il estimait à maine de la production et de l’utilisation Dell Technologies et l’Institute for the té de conseil McKinsey estime qu’envi- 2,7 % la croissance de l’emploi en Europe, de l’énergie pourraient à la fois entraîner

future (IFTF). Un an plus tard, le World ron 22 % des activités de la main-d’œuvre soit l’équivalent de six millions d’em- la perte d’environ six millions d’emplois BS Reims pour NEOMA © David Morganti Economic Forum venait conforter cette dans l’Union européenne, soit 53 millions plois. Si ses prévisions sont plus réser- et la création de 24 millions d’autres, en- prévision dans son rapport « The digital d’emplois pourraient être automatisées vées aujourd’hui, McKinsey n’en estime viron. Soit un solde net d’environ 18 mil- enterprise – moving from experimenta- d’ici 2030. Pariant sur le fait que, d’ici pas moins que dans les secteurs les plus lions d’emplois liés à l’adoption de pra- tion to transformation », estimant à 65 %, 2030, la crise économique liée à l’épi- dynamiques, les entreprises européennes tiques durables, comme la modification DRH, une fonction réinventée le pourcentage des enfants d’aujourd’hui du bouquet énergétique, l’utilisation ac- qui va rendre la fonction plus complexe mais aussi plus intéressante ». appelés à exercer des types d’emplois crue de véhicules électriques et l’amélio- Analyser les besoins en nouvelles n’existant pas encore. Une révolution due Les entreprises plébiscitent la capacité des étudiants à travailler en groupe... ration de l’efficacité énergétique dans les compétences, les responsables de ressources humaines le font depuis évidemment à l’accélération technolo- bâtiments existants et futurs. De nouveaux métiers dans les longtemps. Mais dans le monde ressources humaines. gique dans les domaines du digital, de qui vient, avec l’accélération des l’intelligence artificielle et des datas. Dans une étude parue en mai 2020, le évolutions technologiques et des « Center for the future » de la société de La conséquence ? Bon nombre de tâches Avocat augmenté, retournements de marchés, ils devront services et de conseil Cognizant anticipe aujourd’hui effectuées par des travailleurs ingénieur développeur les anticiper en évaluant en temps aussi des bouleversements au sein des seront demain automatisées. À quel de- de blockchain, imprimeur réel les besoins en compétences. services RH, avec l’apparition de nouvelles gré ? En 2019, l’Organisation de coopé- 3D de superstructures… fonctions, dont certaines liées au retour ration et de développement économiques Un « agent de talents ». « Le DRH d’expérience de l’épidémie du Covid-19. (OCDE) estimait dans son rapport sur les Imaginer les métiers de demain dans ces du futur sera en première ligne pour Il prévoit par exemple le développement perspectives de l’emploi qu’au cours des circonstances ? L’exercice est périlleux. conduire les changements, et non plus du métier de « facilitateur de télétravail » 15 ou 20 prochaines années, 46 % des Avant même la crise actuelle, la multi- uniquement pour les accompagner », chargé d’optimiser le travail à distance, emplois actuels seraient transformés par tude de rapports publiés sur ce sujet ces prévoit le Livre blanc « Bâtir le futur de « responsable de la continuité des le développement de l’automatisation et dernières années, ne se projetaient pas des métiers » publié en mai 2020 par activités RH stratégiques » ayant pour mission de minimiser l’impact des crises que, parmi ceux-ci, 14 % étaient suscep- au-delà de 2030. Certains ont cependant l’Observatoire des métiers du futur, qui sur l’activité des collaborateurs. tibles de disparaître complètement. tenté d’imaginer les métiers qu’exerceront précise : « Le DRH du futur sera donc © David Morganti pour NEOMA BS Reims pour NEOMA © David Morganti les jeunes générations. En février 2018, à un visionnaire et devra passer d’une Selon cette publication, d’autres professions logique de gestion prévisionnelle qui pourraient faire leur apparition, en lien l’occasion du Forum économique mon- décrit le passé pour savoir comment avec le recours accru aux technologies rencontreront des difficultés à recruter dial de Davos étaient par exemple pré- répondre au futur, à une démarche dans la gestion des ressources humaines. et que des pénuries de main-d’œuvre ne sentés des métiers imaginés à partir des nécessitant d’avoir un coup d’avance Parmi elles, celle de « vérificateur de biais sont pas exclues. En 2018, le cabinet in- échanges entre les experts participants. sur les enjeux du marché ». d’algorithmes » qui s’assurera que les ternational de conseil en gestion des ta- Parmi eux, un « ingénieur développeur Toujours dans le même Livre blanc décisions prises sur la base d’algorithmes lents Korn Ferry prévoyait ainsi un déficit de blockchain », un « imprimeur 3D de Isabelle Rouhan, la présidente de sont objectives, équitables et respectent de 565 000 travailleurs hautement quali- superstructures », un « éthicien des tech- l’Observatoire des métiers du futur, les valeurs de l’entreprise, de « responsable fiés à l’horizon 2020 en France, princi- nologies publiques » ou encore un chirur- estime que le DRH « sera d’ailleurs aidé d’équipes hommes-machines » qui palement dans le numérique, susceptible gien intervenant à distance avec l’assis- dans cette fonction « augmentée » contribuera à fluidifier la coopération d’atteindre 1,5 millions en 2030. tance d’un robot. par des données, en temps réel et entre humains et intelligence artificielle ou de « conseiller en immersion en réalité Depuis, la crise du Covid-19 est passée En s’appuyant sur des études, des en- prospective, sur les salariés, les candidats et le marché de l’emploi. Il virtuelle », conseillant les services RH par là, rebattant les cartes, même si, plus quêtes et des entretiens Isabelle Rouhan, dans la conception d’outils de recrutement que jamais, les entreprises ont besoin présidente du cabinet de recrutement Co- pourra analyser les données de son organisation pour comprendre la et de formation en réalité virtuelle. Les Métiers du d’accélérer leur transformation digitale. libri Talent et auteure de « performance des équipes sur certains Cognizant prédit également un renforcement Si certains métiers peu qualifiés, en parti- Futur »*, a identifié des fonctions dont le projets, identifier les compétences des compétences dans le domaine du bien- culier les fonctions de production, de ma- développement est probable dans les an- disponibles à réallouer ou à faire être au travail, avec l’arrivée de coachs en nutention ou administratives peu quali- nées qui viennent et les débouchés réels. grandir, inventer de nouveaux systèmes prévention, d’architectes en environnement fiées sont amenées à disparaître, d’autres « J’ai identifié trois types de transforma- de rémunération. Bref, il sera de travail ou même de « directeur du bien- emplois les remplaceront. C’est la thèse tion : l’évolution, la révolution et l’inno- davantage un « agent de talents », ce être ». Qui ne seront pas des algorithmes... qui était défendue lors du World Econo- vation radicale », précise celle qui est ...dans des environnements ouverts sur l’innovation comme ici à NEOMA BS © David Morganti pour NEOMA BS Reims pour NEOMA © David Morganti mic Forum en 2018 : « En 2025, les ma- aussi cofondatrice de l’Observatoire des 38 SE FORMER AUX MÉTIERS DE DEMAIN 2020 2020 TRAVAILLER DANS DES ENTREPRISES EN MUTATION 39

Un portefeuille de évoluer à un rythme de plus en plus ra- Simulation dans un laboratoire des Arts et Métiers compétences plutôt pide. « Selon l’OCDE, une compétence qu’un métier technique a aujourd’hui une durée de vie de deux ans, là où elle durait vingt Si certains métiers totalement nouveaux ans dans les années soixante-dix », sou- vont faire leur apparition, bon nombre de ligne Isabelle Rouhan. Cette donnée fait fonctions qualifiées vont perdurer. Mais d’ailleurs écho à un constat du rapport elles vont évoluer et voir leur périmètre Dell-Institute for the future de 2017 : « La redéfini. Dans son livre blanc « Bâtir le capacité à acquérir de nouvelles connais- futur des métiers » paru en juin 2020, sances sera davantage valorisée que les l’Observatoire des métiers du futur se connaissances que les gens possèdent penche notamment sur celles des mana- déjà ». Dans ce contexte, il sera d’autant gers, dont les contours vont être entière- plus nécessaire de capitaliser sur ses soft ment redessinées dans les années à venir. skills. Et il sera d’autant plus nécessaire, Au cœur de nouveaux modes d’organisa- pour chacun, d’enrichir son propre ca- tion basées sur des relations plus équili- talogue de compétences pour réassurer brées, autonomisantes et inclusives, ils en permanence son employabilité et sé- piloteront leur activité en privilégiant curiser son parcours. « À l’excellence Les bibliothèques classiques ont encore toute leur place ©Arts et Métiers © David Morganti pour NEOMA BS Reims pour NEOMA © David Morganti le mode projet, le travail en réseau et la académique il faut ajouter la maîtrise technologique. Dans les universités de Singapour un pays qui possède le numéro 2 d’Atos, qui regrette qu’en le besoin de réforme de la formation PIB par habitant qui est un des im- France « nos élites politiques, adminis- des énarques mais ne souffrons-nous portants au monde, l’enseignement le tratives ou médiatiques n’ont, pour la pas plus largement d’un problème de plus demandé aujourd’hui est l’ensei- plupart qu’une formation scientifique formation des élites ? » gnement digital. Il y a encore quelques limitée. Et a contrario nos grandes Jean-Marc Engelhard années c’était la finance ou le droit », écoles proposent de moins en moins constate Charles Dehelly, président de de formations en sciences humaines. * en collaboration avec Clara-Doïna Sch- la Fondation Arts et Métiers et ancien Le Président de la République pointe melck (First Éditions, 2019)

Quatre (possibles) métiers du futur

Dans son ouvrage « Les métiers du futur », L’éthicien de l’intelligence artificielle • Les compétences requises : une Isabelle Rouhan, présidente du cabinet • Sa mission : s’assurer que le cadrage expertise informatique doublée d’une de recrutement Colibri Talent, se penche initial des algorithmes et des données excellente compréhension de l’activité sur la manière dont l’automatisation, le utilisées pour les entraîner pour que les de l’entreprise pour protéger en priorité Casques virtuels big data ou l’intelligence artificielle vont les informations les plus stratégiques.

© Arts et Métiers © décisions ou les recommandations de contribuer à modifier la nature de certaines l’intelligence artificielle ne se bornent Simulation de déplacements professions, des enseignants aux ingénieurs pas à mettre en œuvre des solutions Le digital au service de l’enseignement création de groupes ponctuels autour de Le social seller d’affaires en passant par les avocats et statistiquement optimales mais compétences complémentaires et multi- • Sa mission : entretenir un réseau de les développeurs informatiques. Au-delà qu’elles s’appuient aussi sur ce qui est relation via les réseaux sociaux à des fins métiers du futur, un think tank créé pour disciplinaires afin de répondre aux be- de ceux qui vont connaître de profonde éthiquement et socialement acceptable. contribuer à développer l’employabilité soins du moment. « Ils seront avant tout mutation, elle a aussi identifié des métiers commerciales. Grâce aux technologies • Les compétences requises : celles en France en décryptant les tendances de des coachs en employabilité, accompa- nouveaux. En voilà quatre exemples. lui permettant de qualifier le degré d’un ingénieur en intelligence artificielle d’appétence d’un prospect et des outils l’évolution des métiers. Elle propose ainsi gnant l’évolution des parcours de leurs maîtrisant l’écriture des algorithmes, des fiches métiers présentant le neuro-ma- collaborateurs », assure Isabelle Rou- attribuant des scores à ces derniers L’éducateur de robots avec une capacité d’analyse et de prise en fonction de leurs actions sur les nager, l’architecte de smart city, l’ampli- han. Une tâche d’autant plus complexe • Sa mission : la supervision de de recul permettant d’identifier les réseaux sociaux, il propose une relation ficateur de talents, l’avocat augmenté et BS Reims pour NEOMA © David Morganti que la notion de métier elle-même, dans l’apprentissage d’une intelligence présupposés d’une démarche afin de les personnalisé à chacun d’entre eux. même… l’éducateur de robots. un contexte marqué par des changements analyser et, si nécessaire, de les réfuter. artificielle, en nourrissant cette dernière • Les compétences requises : une expertise Rassemblant des organisations profes- technologies et les profondes mutations perpétuels, se fait de plus en plus floue. d’exemples pertinents. L’objectif ? commerciale à laquelle doivent s’ajouter sionnelles comme l’Union des industries des compétences et qualifications qu’elle « Certains préfèrent évoquer le concept Que le robot puisse généraliser son Le hacker éthique une excellente maîtrise des réseaux et métiers de la métallurgie (UIMM) et entraîne. Elle relève par exemple le rôle de « portefeuille de compétences », moins apprentissage à de nombreuses situations • Sa mission : Lutter contre la sociaux et une capacité à anticiper les afin de gagner en autonomie, en évitant le Groupement des industries françaises essentiel du Big Data dans la transfor- figé », remarque encore la présidente de cybercriminalité en analysant le évolutions des techniques de vente. les biais et les discriminations. aéronautiques et spatiales (GIFAS), des mation digitale des entreprises indus- l’Observatoire des métiers du futur. Et la fonctionnement d’un système, d’une machine organisations technologiques telles que trielles, qui permet l’accès aux données crise du Covid-19 a accéléré le mouve- • Les compétences requises : elles ou d’un programme et en identifiant les l’Association française de mécanique en temps réel, l’optimisation de systèmes ment de transformation. « Nous devons relèvent d’une formation hybride associant manières de contourner leurs protections (AFM) et des acteurs de l’enseignement complexes, par exemple dans les secteurs encore plus former nos étudiants à ma- mathématiques et programmation afin de les renforcer. Il doit également supérieur dont Arts & Métiers ParisTech, de l’énergie et des transports, ou encore nager à distance, un sujet jusqu’ici négli- informatique et permettant d’acquérir pratiquer une veille permanente afin de l’Institut Mines-Télécom et Centrale Su- la maintenance connectée. À la clé, de gé et qui va devenir crucial », constate la une bonne maîtrise de la statistique, détecter les signaux faibles susceptibles de la segmentation de données et d’annoncer une cyberattaque. pélec, l’Alliance Industrie du Futur scrute nombreuses opportunités de postes pour directrice générale de NEOMA BS, Del- de l’écriture algorithmique. de son côté la métamorphose industrielle des datas scientists, des datas miners ou phine Manceau. opérée par le numérique et les nouvelles encore des datas analysts. Des compétences d’ailleurs amenées à 40 SE FORMER AUX MÉTIERS DE DEMAIN 2020 2020 TRAVAILLER DANS DES ENTREPRISES EN MUTATION 41

L’avenir du travail en chiffres Les pays de l’OCDE Les catégories socio-professionnelles et l’automatisation Il est réel mais varie fortement d’un pays à l’autre. Ils sont confrontés à un vieillissement Dans toute l’Europe, des catégories professionnelles telles que les professionnels démographique rapide. des STEM (science, technology, engineering, and mathematics) et les travailleurs de la santé devraient connaître une croissance importante, tandis que les emplois de bureau 14% et de production pourraient diminuer.

53 Share of total Share of positiv job employment, 2018, % growth, 2007-2018, %

Dynamic growth hubs +14p.p (20 percent of population) 35 28 32% 20 10

1980 2015 2050 21 6 14 % des emplois sont exposés Nombre de personnes âgées de 65 ans et plus pour à un risque élevé d’autotomatisation. 100 personnes d’âge actif en 1980, 2015 et 2050. 26 32 % des emplois pourraient être 16 profondément transformés. Megacities Superstaar hubs

ExhibitDes 9secteurs plus ou moins touchés Stable economies +1p.p 53 AsLes Europeemplois menacés ages, mobility par le COVID-19 has become et l’automatisation the primary varient driver of growth in the working-age (50 percent of population) 52 populationlargement selon in lesmost secteurs clusters.

Working-age population development, 2011–18 19 Total change, Demographic Mobility-related Net migration, 24 Regional clusters percent change, percent change, percent thousand Dynamic Megacities 2.4 2.7 -0.3 -50 growth hubs 5 Superstar hubs 3.2 -1.0 4.1 +2,030 Stable Service-based 7 +870 9 economies economies 0.5 -1.1 1.5 High-tech manu- +420 8 facturing centers 1.0 -1.6 2.5 Service-based economies 12 High-tech manufacturing centers Diversified metros -2.3 -1.7 -0.6 -190 11 Diversified metros Diversified non- -0.4 -1.5 1.1 +450 Diversified non-metros metros 9 3 Tourism havens Tourism havens -1.1 -1.3 0.2 +40

Shrinking Shrinking regions Industrial bases -6.3 -2.4 -3.9 -720 -15p.p regions (30 percent of population) 27 Aging population -230 regions -5.7 -4.2 -1.5 5 Educated and -1300 5 industrial bases emigrating areas -7.0 -1.5 -5.5 12 Aging population regions Agriculture-based -680 6 regions -7.4 -1.4 -6.0 4 Educated and emigrating areas 3 Public sector–led 2 Agriculture-based regions -3.8 -1.2 -2.6 -460 regions 4 5 1 Public sector-led regions Trailing opportunity -3.3 -0.3 -3.0 -530 4 1 Trailing opportunity regions regions 0

Note:Note : Analysis focused focused on on EU-27 EU- countries27 countries plus plusUnited United Kingdom Kingdom and Switzerland. and Switzerland. Note : Analysis focused on EU-27 countries plus United Kingdom and Switzerland. Figures may not sum to 100 % because of rounding. Source:Source : Oxford Economics Economics; ; McKinsey McKinsey Global Global Institute Institute analysis. analysis Source : Eurostat ; Oxford Economics ; McKinsey Global Institute analysis.

Prevailing language and cultural barriers continue to limit moves between countries, as do lingering practical difficulties such as transferring pensions and qualifications from one European country to another.18 Growth in mobility slowed slightly following a surge between 2013 and 2016. One immediate consequence of the COVID-19 crisis has been an abrupt halt in migration, with countries across Europe essentially closing borders to contain the spread of the virus, with the exception of cross-border commuters and migrant farm workers. When these borders will reopen remains unclear. After COVID, it is also possible that the attraction of megacities and large urban hubs will fade as people choose to live in less densely populated areas, making greater use of digital technologies and the new encouragement to work from home (see Box 2, “European jobs at risk in the COVID-19 pandemic”).19 Cross-border migration may become less attractive if travel home can be interrupted with quarantines during disease outbreaks.

18 Elena Fries-Tersch et al., 2018 annual report on intra-EU labour mobility, European Commission, 2019. 19 The potential of working from home may be limited. One study finds that only 37 percent of jobs in the United States can be performed entirely at home, with significant variation across cities and industries. Jonathan I. Dingel and Brent Neiman, How Many Jobs Can be Done at Home?, University of Chicago, Becker Friedman Institute, White Paper, April 16, 2020.

The future of work in Europe: Automation, workforce transitions, and the shifting geography of employment 15 42 SE FORMER AUX MÉTIERS DE DEMAIN 2020 2020 TRAVAILLER DANS DES ENTREPRISES EN MUTATION 43

le développement des compétences actuelles de leur Les entreprises doivent donc de plus en plus capital humain ou recruter les talents spécialisés dans investir dans la formation ? Éric Hazan les métiers de demain. Dans les deux cas, c’est une Les collaborateurs constituent le cœur de la valeur véritable révolution pour leur organisation ! Afin d’ap- d’une entreprise. Nos études le montrent, la perfor- DIRECTEUR DE MCKINSEY DIGITAL FRANCE préhender les besoins futurs de compétences, nous mance d’une entreprise est de plus en plus corrélée à sommes repartis de notre analyse des 800 métiers son capital humain. La désindustrialisation progressive représentant environ 2 000 tâches. Nous en avons des économies nous oblige à former et recruter des « En 2030, 60% des emplois verront au moins tiré 25 compétences clés réunies dans cinq grandes ingénieurs de plus en plus qualifiés. L’investissement catégories, dont nous avons projeté l’évolution à 2030 : dans le capital humain représente donc la clé de la 30 % de leurs tâches automatisées » - les compétences physiques et manuelles ; compétitivité. Les géants de la Tech l’ont d’ailleurs bien - cognitives de base, qui étaient suffisantes il y a cin- compris : ce sont eux qui investissent massivement quante ans pour entrer dans la vie active ; aujourd’hui dans le reskilling (requalification). Par ail- - cognitives avancées (analyse critique, gestion de leurs, ils ont les moyens d’attirer les meilleurs talents Depuis dix ans la société de conseil 2030 projet, compétences quantitatives et statistiques) ; en proposant à la fois de fortes rémunérations et des McKinsey a produit plusieurs études En 2030 ce sont 60 % des - sociales et émotionnelles (manager un groupe, négocier, plans de formation continue. Un ingénieur Google se sur les mutations du monde du travail. emplois dans le monde qui Directeur de McKinsey Digital en verront au moins 30 % de compétences interpersonnelles et d’empathie, etc.) ; « reformate » à 100 % tous les dix-huit mois. France, expert des questions de leurs tâches automatisées. - technologiques (des compétences digitales basiques Le résultat est sans appel : les meilleurs ingénieurs sont marketing stratégique ainsi que de la à un doctorat en sciences de l’informatique, en passant littéralement aspirés par les pure players digitaux. Il transformation numérique, Éric Hazan par la capacité de programmer). existe un cercle vertueux des compétences pour ces nous explique comment l’intelligence organisations. À l’inverse, d’autres entreprises ne par- artificielle (IA) et la digitalisation vont Afin de mesurer ces mutations, nous avons ensuite 98 % viennent plus à recruter sur un marché mondialisé, où faire évoluer les métiers. Et en créer de converti ces compétences en heures travaillées au Aujourd’hui une IA une véritable guerre des talents fait rage. De manière nouveaux. reconnaît une image de sein des économies matures. Sans surprise, d’ici dix chat dans 98 % de cas, ans les savoir-faire technologiques seront les plus générale, cela représente un travail considérable pour les Les mutations du monde du travail c’est-à-dire mieux qu’un entreprises d’anticiper l’adéquation entre leurs besoins et être humain (95%). demandés (+50 %), suivis par les compétences sociales suscitent depuis longtemps un vif intérêt leurs disponibilités futures de compétences. Bon nombre chez McKinsey. Quelle vision avez-vous et émotionnelles (+25 %) et par les aptitudes cognitives d’entre elles n’en ont pas les moyens. Elles sortent à peine aujourd’hui ? avancées (entre 10 à +12 %). En revanche, les tâches 50% répétitives, qu’elles soient manuelles ou techniques de leur digitalisation qu’on leur parle déjà d’IA, de l’impact McKinsey a effectivement produit plusieurs études à D’ici 19 ans les savoir-faire de l’automatisation, de l’Internet des Objets (IoT). ce sujet depuis dix ans. La modélisation « Skill Shifts » technologiques seront les (comme dans la logistique) ou cognitives simples (comme plus demandés : +50 % par synthétise nos travaux sur la thématique « Future of la saisie basique de données), vont être plus largement rapport à aujourd’hui. Aujourd’hui il faut absolument savoir coder ? Work » à travers le monde. Ils nous ont permis d’iden- automatisées et la demande pour les compétences tifier plusieurs vagues successives de transformation, associées va décroître de 15 % d’ici à 2030. Non. Ce n’est pas parce qu’on ne sait pas coder qu’on dont la première est la révolution digitale. L’intelligence © McKinsey n’a pas d’avenir. La demande technologique explose au sens large. Les compétences sociales et émotionnelles artificielle (IA) constitue quant à elle une nouvelle fron- 800 métiers, scindés en 2000 tâches. Nous arrivons à Mais comment apprend-on ces nouvelles compétences ? que j’évoquais ont par ailleurs toute leur place pour tière technologique, source de nombreuses retombées la conclusion qu’en 2030, ce sont 60 % des emplois à accompagner le changement. Dans une économie de positives pour l’activité économique. Mais aussi pour l’échelle mondiale qui verront au moins 30 % de leurs Le problème c’est qu’une grande partie du système l’apprentissage et de la connaissance, il est impératif l’environnement de travail grâce à l’automatisation d’un tâches automatisées. Les professions pour lesquelles éducatif d’aujourd’hui est conçu pour répondre au de pouvoir apprendre tout le temps. Nous sommes ici certain nombre de tâches simples. En revanche, je ne 90 % des activités seront automatisées représentent marché du travail d’hier. Or, il est absolument néces- bien loin d’un socle de compétences rigide. L’essentiel crois pas qu’on puisse parler avant longtemps d’une saire de le faire évoluer pour répondre à une économie moins de 10 % du total au sein des économies matures. c’est d’être en mouvement. Les entreprises vont plus « IA forte », soit une IA capable de remplacer l’être dans laquelle 40 % des tâches seront automatisées. En réalité, ce sont plutôt les contenus des emplois exis- que jamais recruter des talents qui sauront apprendre. humain dans certaines tâches élaborées. Aujourd’hui, lorsqu’une banque par exemple acquiert tants qui vont évoluer massivement. À titre d’exemple, Néanmoins, l’IA a largement progressé – notamment dans un nouveau client, elle cherche à lui proposer des pro- on a longtemps pensé que les assistants juridiques le domaine de la reconnaissance d’images – puisqu’elle duits personnalisés. La valeur ajoutée se déplace sur McKinsey peut recruter aujourd’hui dans allaient disparaître. Au contraire, leur profession est réplique des fonctions simples du cerveau humain le particulier et la compétence attendue du banquier l’enseignement supérieur français les profils en pleine croissance aux États-Unis aujourd’hui : l’in- qu’elle recherche ? avec une meilleure acuité. Par exemple, en 2013-2014, consiste à comprendre finement les attentes du client telligence artificielle leur permet de travailler plus elle était capable de reconnaître une image de chat pour pouvoir lui proposer ce produit adapté. Oui, nous ne sommes pas déçus par les qualités des rapidement et plus efficacement. Les individus dotés dans 85 % des cas, contre 95 % pour un être humain. Cette transformation des compétences a déjà été diplômés que nous recrutons. Nous travaillons avec des compétences nécessaires à l’exploitation de l’IA Aujourd’hui, son taux de fiabilité atteint 98 %. Pour cer- réussie à de nombreuses reprises par le passé à des individus qui ont soif d’apprendre. Le tout est de seront plus recherchés sur le marché du travail. taines tâches, l’IA est plus efficace que nous, entraînant chaque révolution technologique. Mais elle requiert leur proposer des parcours de formation adaptés. C’est par conséquent une reconfiguration du travail et des pour beaucoup d’individus de se former en un temps justement ce que nous leur apportons chez McKinsey en offrant au moins une semaine de formation par an métiers. L’université d’Oxford évoque une disparition Quelles compétences particulières faut-il très court. La bonne nouvelle c’est qu’il nous reste à tous nos collaborateurs. de 40 % des emplois. Nous ne sommes pas en ligne alors posséder pour s’adapter à ce marché encore dix ans pour gérer cette transition. Nous en avec cette prospective. McKinsey a examiné l’impact du travail en pleine évolution ? parlons d’ailleurs avec les gouvernements partout Propos recueillis par Olivier Rollot potentiel de l’automatisation et des technologies sur Les entreprises ont aujourd’hui deux options : repenser dans le monde. 44 SE FORMER AUX MÉTIERS DE DEMAIN 2020 2020 TRAVAILLER DANS DES ENTREPRISES EN MUTATION 45

rajouté des cours de sciences humaines. Ces humanities sont des matières fonda- Les qualités qu’attendent mentales car ce sont elles qui vont per- mettre aux étudiants de développer leur soft skills ». les entreprises Une évolution pour certains. Une ambi- tion qui n’a rien de nouveau pour d’autres. À ESCP Business School, cette capacité à former des leaders de demain et les pré- des jeunes diplômés parer à être en parfaite cohésion avec un monde en perpétuelle mutation fait par- Soft skills, hybridation des compétences, humanities, pluridisciplinarité… tie de l’ADN de l’école depuis sa créa- quels que soient les termes employés, les écoles et les entreprises témoignent tion en 1819. C’est Léon Laulusa, direc- toutes de la nécessité de former et de recruter des personnes aux profils agiles, teur général adjoint, en charge des affaires académiques et internationales, qui l’af- en capacité de s’adapter aux autres et à un monde en mutation rapide. firme : « Dans notre formation, nous de- Un constat qui, par effet boomerang, réinterroge à la fois les méthodes pédagogiques, vons proposer aux étudiants différentes dimensions : il faut des connaissances les critères de recrutement et les modes de management. qui leur permettent de créer leur propre analyse du monde qui change, l’acqui- sition d’une expertise mais cela ne suffit « e profil hybride, c’est celui qui mobi- ci-dessus est extraite, est le fruit d’un tra- nelles sont clés pour traiter la complexité pas, ils doivent pouvoir exercer leur mé- lise plusieurs intelligences et est un vail collectif mené par des représentants grandissante de notre monde. La convic- tier dans un cadre multiculturel et, enfin, L« expert » de la relation à soi et à de services ressources humaines d’en- tion d’Audencia et de nombreux profes- il leur faut acquérir une posture de futur l’autre. De ce fait, il déploie de grandes treprises mais aussi d’établissements de sionnels associés à nos travaux c’est que leader, responsables par rapport à la so- capacités socio-émotionnelles qui en l’enseignement supérieur tels que Cen- l’on naît avec des capacités d’hybrida- ciété. C’est le socle ». Il ajoute : « Chaque font un orfèvre de l’agilité, de la créa- trale Nantes ou Audencia… Directrice tion plus ou moins fortes, mais que nous époque a par ailleurs ses propres muta- tivité et de l’innovation. Pour peu qu’on des relations entreprises et diplômés au pouvons tous les développer, c’est un en- tions et des exigences qui évoluent. Ainsi, nous l’enseigne, nous pouvons tous mo- sein de l’école de management nantaise, jeu majeur de l’éducation ». aujourd’hui, ce qui compte c’est le discer- biliser différentes intelligences pour faire Françoise Marcus a participé à cette pu- nement au regard de la rapidité des in- advenir l’hybride qui sommeille en cha- blication : « Au-delà des connaissances formations échangées dans un monde qui cun de nous et croiser de multiples com- et des compétences techniques, les entre- Toute une variété de évolue en réactivité constante. Ce qu’at- pétences, pour créer de la valeur ajou- prises privilégient de plus en plus dans modalités d’apprentissage tendent les entreprises, ce sont des jeunes tée, de l’innovation. Nous sommes par leur recrutement les compétences com- diplômés mâtures, capables de se ques- conséquent tous potentiellement “hy- portementales telles que la curiosité, la Développer ses capacités d’hybridation… tionner, de recouper les informations, brides”. » Publié en janvier 2018 dans capacité à apprendre, à s’adapter, à com- tout un programme auquel s’attellent les etc. ». Laurent Choain, Chief people, edu- les « Cahiers de la prospective RH » au prendre des univers différents et à faire grandes écoles qui révolutionnent leur cation & culture à Mazars et membre du titre explicite (« Hybridation des compé- travailler ensemble des profils très di- méthodologie pédagogique. Car le temps board de l’EFMD (European Founda- tences : processus clé pour inventer de- vers. La transdisciplinarité et le dévelop- n’est plus à l’expertise pointue dénuée de tion for Management Development), le main ? ») cet ouvrage, dont la définition pement des compétences socio-émotion- recul et de pluridisciplinarité. La direc- confirme : « Les écoles ne forment pas Pas forcément de costumes cravates mais une grande implication trice de l’innovation d’Audencia, Valérie assez à l’analyse critique et à la capaci- © Shutterstock Claude-Gaudillat, l’explique : « Avant le té de prendre de la distance. Les jeunes Les entreprises constituent de plus en plus des équipes hybrides design dominant au sein de l’établisse- générations ont un accès inégalé à un vo- l’intelligence artificielle, le e-learning, ser plus souvent ces tendances et donc ment, c’était des cours classiques, peu lume croissant de connaissances. L’enjeu les technologies… La question, c’est com- le système de formation pour coller aux interactifs, et des examens. Aujourd’hui, n’est plus cet accès, mais la curation de ment les humains complémentent les ma- besoins de la société ». différents designs se complètent : même cette connaissance, comme un conser- chines avec leur capacité de jugement, si l’expertise reste un axe fort de notre vateur dans un musée qui saura choisir, de travailler ensemble, etc. » Les entreprises aussi pédagogie, nous développons une va- ordonnancer et valoriser les œuvres ». Une analyse partagée Chez Carrefour vont devoir s’adapter riété de modalités d’apprentissage per- À l’Edhec, on a un mot pour ça : « sa- comme l’énonce Adilson Borges, le Lear- mettant aux étudiants de jongler avec voir-penser ». Là aussi, rien de nouveau ning & Development Director du groupe : Coller aux besoins de la société… À l’Ed- différents types de savoirs et une fois for- depuis l’Antiquité. Mais, c’est comme si « Les tâches répétitives effectuées au- hec, l’enjeu a bien été assimilé, l’ensemble més d’enrichir sans cesse leur socle de le processus vers l’hyper spécialisation jourd’hui par les hommes vont progres- des cours sont ainsi revus à l’aune de connaissances ». s’était soudainement arrêté pour remettre sivement être prises en charge par de toutes ces transformations. Une petite Et ce qui est vrai pour les écoles de ma- au goût du jour cette « forme de soft skill l’intelligence augmentée mais on aura révolution dans le monde de l’enseigne- nagement l’est aussi pour les écoles d’in- augmenté », comme le décrit Manuelle toujours besoin d’intelligence humaine ment – pas simple de développer la créa- génieurs. Guy Mamou-Mani, copré- Malot, la directrice des carrières de l’Ed- alliée à la technologie. C’est dans cet in- tivité, une des formes du savoir-penser, sident du groupe Open, une entreprise hec, qui précise : « Les soft skills, ce sont terstice que va se loger l’avenir du tra- dans des cours de droit ou de finance -… de services du numérique (ESN), et an- des savoir-être, qui tout comme les sa- vail avec à la clé plusieurs conséquences : mais pas seulement. Les entreprises aussi cien président du Syntec Numérique en voirs ou les savoir-faire sont déjà ensei- on aura de plus en plus besoin de per- vont devoir s’adapter. « C’est le gros en- témoigne : « Lorsque j’étais étudiant à gnés dans les écoles. Ce que nous devons sonnes formées au digital, en capacité jeu de demain et cela va obliger les en- l’Epita (l’école des ingénieurs en intel- y ajouter, c’est le savoir-penser soit des de s’adapter, d’apprendre, d’écouter, de treprises à évoluer dans leur mode de re- ligence informatique), on ne faisait que compétences adaptées à l’évolution des co-construire avec d’autres et ainsi de crutement en utilisant de plus en plus la

© Shutterstock de la technologie. Aujourd’hui, l’école a activités professionnelles en lien avec créer de la valeur. Enfin, il faudra révi- mise en situation par exemple pour al- 46 SE FORMER AUX MÉTIERS DE DEMAIN 2020 2020 TRAVAILLER DANS DES ENTREPRISES EN MUTATION 47

tant de jeunes diplômés -, les équipes de grandir. Nous devons également être plus pendants : nous avons été épinglés par n’y a plus d’effet tunnel, sans aucune ment des entreprises. Mais quid de la per- recrutement ont été spécifiquement for- transparents sur les décisions prises, ce l’URSSAF car on faisait travailler trop de interaction avec le client », explique Fa- formance ? Chez Amazon, on ne transige Ce que la crise sanitaire més. Son directeur des relations avec l’en- qui est positif car cela responsabilise free-lances. Et en interne, nous avons re- brice Losson. Laurent Choain complète : pas avec cet objectif. Du reste, si certaines a changé seignement supérieur, Fabrice Losson, l’ensemble des équipes », précise Gode- pensé le cadre de travail en termes de mo- « Nous devons comprendre ce que les valeurs, telles que “apprendre et être cu- témoigne : « Lors des entretiens d’em- froy de Bentzmann. bilier, d’organisation, de hiérarchie : nous jeunes diplômés attendent d’un job et le rieux”, ont été ajoutées aux principes bauche, nos recruteurs cherchent à véri- Bonne nouvelle pour les entreprises ? avons créé des équipes (squad) dans les- marier avec nos besoins. Par exemple, de leadership chers à la société, beau- Mathilde Le Coz, fier si le socle de compétences techniques Pas seulement. Car même si la recherche quelles les jeunes sont rassemblés par ex- nous attendons des jeunes diplômés une coup de ces principes n’ont pas été réin- est acquis, mais aussi si les candidats d’attractivité peut générer des remises en pertise ; chaque équipe a un leader recon- réelle indépendance d’esprit par rapport terrogés depuis vingt ans. Il en va ainsi directrice des talents sont capables de travailler en équipe et cause salutaires et de la créativité, le dé- nu pour ses connaissances, ce n’est pas aux clients, qu’ils soient en capacité de de l’obsession client, de la maîtrise et de et innovation RH s’ils savent faire preuve d’humilité. Avant ficit de jeunes formés aux métiers du nu- un supérieur hiérarchique, et ils commu- prendre du recul ; ils auront d’autant plus l’optimisation des coûts, de l’obtention chez Mazars d’être individualisé, le recrutement est mérique, estimés à 30 000 par an, par rap- niquent via les réseaux sociaux… Des ré- le sens du service qu’ils sauront mettre de résultats… « Quand nous recrutons, collectif. On repère ceux qui analysent, port à la demande rend les entreprises seaux sociaux qu’ils peuvent par ailleurs en place de la distanciation ». nous cherchons à savoir si les candidats « Durant le confinement, les jeunes recrues écoutent, sont en capacité de restituer ce anxieuses. Au sein du groupe Open, une utiliser à des fins personnelles même sur ont mené à bien des projets et avec quels étaient toutes en télétravail et cela a qu’ils ont entendu… ». autre ESN, « on ne se demande pas ce leur temps de travail ». succès. Notre approche est concrète : si mis en lumière des qualités encore plus Mêmes exigences chez Devoteam, spécia- qu’on attend des jeunes diplômés mais ce Des transformations à l’œuvre dans La transformation la personne a créé un journal dans son indispensables au bon fonctionnement lisée dans le conseil en technologies in- qu’ils attendent de nous. On leur dit “re- d’autres entreprises du secteur, telle que numérique de la société école, nous demandons la régularité de la des équipes. Pour bien travailler dans novantes et management pour les entre- crutez-nous” », résume Guy Mamou-Ma- Sopra Steria. « Nous devons nous habi- a imposé sa loi publication, le nombre de lecteurs… Car ce contexte, il faut en effet savoir prises. Le mot « humilité » revient dans ni. Le ton est donné. Et il est grave : « Nous tuer aux nouvelles façons de fonction- c’est bien d’avoir des soft skills, mais c’est communiquer et être proactif c’est-à- la bouche du cofondateur de l’entreprise, sommes déstabilisés car le Code du tra- ner des jeunes recrues. On leur demande Prendre en compte les soft skills lors de aussi important d’être capable d’obtenir dire ne pas attendre que le management Godefroy de Bentzmann, également pré- vail et les contrats que nous pouvons de développer leur agilité, nous devons l’embauche, s’adapter aux attentes des des résultats », explique Nicolas Mottet, vous sollicite. Les collaborateurs qui ont le mieux vécu cette période ce sont ceux sident de Syntec numérique. Il en ajoute proposer ne répondent plus aux aspira- faire de même. Grâce au déploiement jeunes, repenser le management… au- qui fut durant dix ans Principal Product qui ont su alerter leur manager quand ils d’autres en lien notamment avec les mé- tions des jeunes qui veulent être indé- de la gestion de projet, par exemple, il tant de changements dans le fonctionne- Manager Fashion Tech chez Amazon à rencontraient des difficultés, qui ont fait tiers de service : « Il faut que les jeunes Seattle et qui, depuis décembre 2019, s’est remonter des informations sur l’avancée soient curieux pour pouvoir trouver des lancé dans la création d’une start-up. Il de leur travail… Sinon, le risque, c’est le solutions à des nouvelles problématiques Des datas au service de la stratégie poursuit : « Nous cherchons également sentiment d’isolement et le repli sur soi. posées par nos clients. Nous recherchons des candidats capables d’analyser des À distance, le manager ne peut pas tout également des personnes ambitieuses, dé- grandes quantités de données, de les re- deviner. Cela fait le lien avec une autre sireuses d’être innovantes, de progresser, garder sous différents angles… des quali- de nos attentes : l’autonomie. Ce type de développer des projets de façon collec- tés importantes pour Amazon tout comme d’organisation étant amené à se développer tive. Cet état d’esprit n’est pas encore très l’appétence pour les nouvelles technolo- (même si nous ne serons pas à 100 % en télétravail), il faut que les collaborateurs développé en France. De fait, il y a cinq gies qui sont imprévisibles et de plus en apprennent à s’organiser, à prioriser leur ans, on ne recherchait pas spécifique- plus complexes. Cela veut dire embau- tâche, etc. Enfin, il est important de veiller ment des candidats capables de travail- cher des gens passionnés, capables d’in- au maintien de la sociabilisation, élément ler en équipe, on constatait que certaines venter des expériences clients et d’ima- important de la vie en entreprise, même personnes étaient dotées de cette qualité giner leur évolution ». à distance. Pour les jeunes recrues, et pas d’autres. Aujourd’hui, on est bien Bref, la transformation numérique de la c’est au manager de proposer ces temps plus sensible à cette caractéristique sans société a imposé sa loi, impactant aussi de rencontres informels (des réunions oublier la franchise et la transparence ». bien la formation des étudiants que les où on ne se parle pas de travail, des Il poursuit : « Nous avons pris conscience attentes des entreprises, leur mode d’or- apéros digitaux pour fêter la fin d’une que l’énergie, c’est-à-dire la capacité à ganisation et le rapport des employés au mission…), une autre façon d’animer les équipes et d’entretenir le collectif. » s’impliquer dans son travail, dans des monde du travail. Et ce n’est qu’un dé- projets, d’emmener les autres, de faire but selon Guy Mamou-Mani, également bouger des lignes, était aujourd’hui de- auteur du livre « L’Apocalypse du numé- venue un critère majeur de recrutement. rique n’aura pas lieu » (Éditions de l’Ob- Ce n’est pas évident à tester lors de l’em- servatoire, Paris, 2019) : « Nous sommes bauche mais c’est important ». à l’aube d’un nouveau monde, en pleine ler au-delà des savoirs des candidats ; révolution anthropologique qui remet en elles ont déjà moins d’a priori par rap- cause nos codes. Il est impératif de nous port aux années de césure, surtout pour Manager autrement préparer à ces évolutions car c’est un tsu- un deuxième emploi, car faire un voyage, nami. Si on résiste, on sera balayés. Il va de l’humanitaire ou se lancer dans l’en- Les embauches dans le secteur du numé- donc falloir apprendre à surfer et trouver trepreneuriat, ce sont des compétences rique s’effectuent dans un contexte un peu des réponses à cette révolution en s’adap- en plus apportées à l’entreprise », ajoute particulier : il y a bien plus d’offres que tant, en s’acculturant et en se formant ». Manuelle Malot. de candidats, créant un décalage entre les Françoise Marcus défend, elle, une vision De fait, du côté des organisations, per- exigences des entreprises, à la recherche plus optimiste et proactive : « Dans notre sonne ne fait l’économie de réflexions de personnes engagées, et les jeunes di- monde complexe et en mutation rapide, sur les compétences nouvelles à repérer plômés assez prompts au turnover. De prévoir l’avenir est de plus en plus dif- chez les jeunes diplômés au moment du quoi revoir les méthodes managériales. ficile ; par contre, nous pouvons imagi- recrutement. Chez Sopra Steria, une en- « Nous avons dû remettre en cause notre ner des futurs possibles et décider d’agir treprise de services du numérique et une modèle d’organisation : les supérieurs pour atteindre le scénario le plus souhai- société de conseil en transformation di- hiérarchiques sont moins des passeurs table ; d’où l’importance de développer gitale des entreprises et des organisa- de consignes que des arbitres, capables des démarches prospectives ». tions - ce qui en fait un recruteur impor- de les coacher, les embarquer, les faire © Shutterstock Anne Dhoquois 48 SE FORMER AUX MÉTIERS DE DEMAIN 2020 2020 TRAVAILLER DANS DES ENTREPRISES EN MUTATION 49

Mais alors que faut-il apprendre ? large choix de spécialités qu’il propose ? Michel Mudry Le stock de connaissances disponibles est évidemment Nous passons d’un système dans lequel tout est prévu à en constante expansion. Puisqu’il n’est pas question la virgule près à un système de choix ouvert. C’est très d’alourdir sans cesse des études longues, comment déstabilisant pour un élève français. En effet, sans en PRÉSIDENT DU FOND DE DÉVELOPPEMENT DE L’INDUSTRIE DU FUTUR choisir ce qu’il faut enseigner pendant les cinq ans que avoir tout à fait conscience, nous nous inspirons de ce dure un cursus ? On sait qu’il y a des bases importantes que font les Américains depuis plus d’un siècle avec la - l’électricité, la mécanique, la thermodynamique, les Liberal Education née à Harvard. Un système de choix de « Le socle traditionnel de l’ingénieur est encore mathématiques de l’ingénieur - qu’il faut absolument modules très large, avec une carte pédagogique divisée maîtriser. Le socle traditionnel de l’ingénieur est encore en modules. On peut imaginer que cette philosophie plus nécessaire aujourd’hui qu’hier ! » plus nécessaire aujourd’hui qu’hier ! Sa légitimité on va encore progresser en France. Cela dit, dans les la tient d’abord de sa compétence, notamment pour formations professionnelles il y a un butoir sérieux à pouvoir discuter avec les techniciens. cette ouverture, en raison des contraintes imposées J’ajoute d’ailleurs que si on n’est pas à un moment un Mais que faut-il apprendre aujourd’hui par l’aval, c’est-à-dire les attentes des entreprises. 75 % bon professionnel dans un domaine assez étroit on ne pour bien travailler demain ? Les C’est le pourcentage de peut pas être ensuite un bon généraliste. Pour aller à la réponses de Michel Mudry, président lycéens qui ont une opinion Que faut-il savoir plus précisément pour favorable de l’industrie rencontre d’autres spécialistes il faut être un expert dans du Fond pour le développement de comprendre les évolutions du climat ? l’Industrie du Futur des Arts et Métiers selon le dernier baromètre un domaine tout en étant suffisamment cultivé ailleurs. et président honoraire de l’université réalisé par Opinion Way Sur les questions climatiques la maîtrise des disciplines pour Arts et Métiers. Les écoles françaises d’ingénieurs arrivent à former ce d’Orléans. de base que j’évoquais est cruciale. Comme je l’ai déjà dit type de profil grâce à un socle large de compétences de la physique classique est incontournable, mais aussi des Comment se former pour vivre dans un base suivi d’une spécialité de fin de cursus. monde de plus en plus incertain ? C’est une 164 000 sciences de la vie. Au-delà des sciences de la matière question que se posent aujourd’hui tous C’est le nombre en effet, l’ingénieur généraliste de demain aura besoin d’ingénieurs formés Il faut s’appuyer sur les entreprises pour les étudiants. Avec la crise du Covid-19 d’une culture en sciences de la vie. Cet alliage ne va aujourd’hui dans les définir les besoins de formation ? récemment mais surtout avec l’évolution du 200 écoles d’ingénieurs pas de soi car, maths/physique d’une part et chimie/ climat. françaises. Les écoles d’ingénieurs doivent faire des arbitrages biologie d’autre part, représentent deux vocations pour décider de ce qui est primordial. Et pour cela il Le monde est-il vraiment plus incertain aujourd’hui assez distinctes au sein des sciences. qu’hier ? Rappelons-nous que jusqu’à la fin des années 875 000 faut effectivement aussi qu’elles soient en prise directe quatre-vingt nous vivions dans l’équilibre de la terreur révolutions industrielles des deux siècles précédents. C’est le nombre avec les entreprises. Et pourtant, étant dans l’action, Comment doit-on enseigner l’environnement avec des fusées prêtes à détruire le monde. Voilà qui Ils demeurent au cœur du mouvement et pour cela il d’ingénieurs aujourd’hui celles-ci ne savent pas forcément elles-mêmes quels en France. et le choc climatique ? était très incertain ; alors qu’aujourd’hui les moyens faut qu’ils maîtrisent la compréhension du climat. Ils sont leurs besoins. Pour l’apprécier et traduire cela dans Quelques cours sur l’environnement sans doute, à de calculs numériques tels que ceux des centres de sont donc d’ores et déjà au cœur du monde de demain. les formations, il faut que le corps enseignant sorte de condition de choisir soigneusement les intervenants, au recherche participants au GIEC nous disent que la situa- Il faut combattre le fait que trop de jeunes ingénieurs ses laboratoires et y réfléchisse avec elles. Mais cela tion du climat va empirer dans les dizaines d’années qui pensent au « management » et fuient la technologie. ajoute une tension supplémentaire au sein d’un métier regard de leurs compétences scientifiques. Il convient viennent. Et si les modèles physiques qu’ils incorporent Or, quels que soient les changements de nos modes de d’enseignant-chercheur déjà difficile, du fait du primat de maintenir à distance une certaine écologie politique. se révèlent bons nous savons déjà que ce sera très dur vie, il est incontestable que seule cette dernière peut de la recherche dans les carrières. Mais le grand enjeu, me semble-t-il, est d’informer les dès 2050. De ce point de vue - malheureusement - le permettre de maîtriser l’enjeu climatique, surtout dans enseignants pour que, dans leur discipline, ils donnent des indications utiles. Nous aurons réussi quand le corps monde actuel n’est pas si incertain. un monde de dix milliards d’êtres humains. Vous évoquez un certain conservatisme du Par contre tout paraît plus volatil. Sans doute parce corps professoral. Utilise-t-on aujourd’hui enseignant tout entier sera imprégné de cette dimension. que ce qui a changé ces vingt dernières années c’est suffisamment les nouvelles pédagogies ? Nous avons donc plus que jamais besoin que nous ne nous plaçons plus aussi facilement dans d’ingénieurs qui fassent un métier Je viens simplement d’évoquer le frein puissant qu’est Finissons par l’actualité immédiate. une idéologie de progrès technologique, laquelle, quels d’ingénieur ? l’activité scientifique à l’investissement dans la pédagogie, Quel regard portez-vous sur le passage à l’enseignement à distance ? que soient les aléas, qu’on soit capitaliste ou socialiste, Arts et Métiers par exemple reste heureusement une lequel, à l’instar de la recherche, prend du temps et de faisait qu’on croyait forcément à un monde meilleur. école de technologies - c’est même la plus importante l’énergie créatrice. Cela dit, des innovations commencent La plupart des enseignants ont eu à se jeter dans une C’est plutôt me semble-t-il l’affaiblissement de cette de France – tout en formant des ingénieurs qui doivent à foisonner. Pour éviter les généralités je voudrais piscine avec des rudiments de natation, voire improviser croyance confiante – voire naïve - dans l’automaticité du être de plus en plus généralistes. Pourquoi ? Mais détailler ici un seul exemple. L’École polytechnique de leur nage ! Pour ce que je peux en connaître je trouve progrès qui a produit ce ressenti d’un monde incertain. parce que l’industrie a besoin de fabriquer des pro- l’Université d’Orléans a créé en 2017 un module hybride qu’ils s’en sont massivement bien tirés. Ce nouveau duits extrêmement composites et sophistiqués. Ainsi pour intégrer des étudiants issus de PACES (première climat devrait permettre de développer les formules Qu’est-ce que cela change plus précisément pour construire le viaduc de Millau il a fallu utiliser des année commune aux études de santé) qui ont échoué hybrides, faites d’une association continue de présentiel pour les ingénieurs ? solutions inspirées de l’aéronautique. au concours de médecine tout en ayant un excellent et de distanciel, ce dernier incluant des volets synchrone Pour vous répondre je vais sembler prendre le contre- Depuis vingt ans l’évolution de leur métier les a conduits niveau. Il a donc été créé un module hybride composé et asynchrone. Le distanciel synchrone restera dans pied de ce que je viens de dire. En effet, ces sombres à étudier la gestion. Les sciences humaines et sociales de deux volets. Une situation de classe inversée. la main de l’enseignant, en une sorte de « présentiel à perspectives de l’évolution climatique font que sur les ont pénétré les écoles. C’est très bien mais cela a fini distance », complémentaire du présentiel « physique ». questions d’environnement nous avons aujourd’hui par donner l’idée que l’ingénieur finit surtout par être Le nouveau bac va-t-il permettre selon vous De cette façon chaque enseignant restera le maître du au moins autant besoin d’ingénieurs qu’au cours des un manager et que la technique est banale. de former des étudiants plus ouverts avec le jeu, ce qui me paraît être un impératif pour le succès. 50 SE FORMER AUX MÉTIERS DE DEMAIN 2020 2020 TRAVAILLER DANS DES ENTREPRISES EN MUTATION 51

Donner du sens : une priorité absolue pour les entreprises nieurs généraliste qui lui convient bien lisation, elle se passionne pour le mar- veloppement durable qui a pris la pre- au début de ses études car il ne sait pas keting et suite à une expérience réussie mière place. Les étudiants veulent trou- précisément ce qu’il a envie de faire plus dans la cosmétique, elle envisage de pour- ver un travail dans une entreprise éthique tard. Mais au fil des mois, un projet se suivre dans cette voie… mais avec des et responsable car ils cherchent à être ac- dessine : « Je sais que je n’ai pas envie de exigences précises : « Je veux défendre teurs de la transition écologique », ex- m’orienter dans l’industrie ou la méca- des produits auxquels je crois et dont plique François Germinet, président de nique. Je m’intéresse de plus en plus au je suis sûre de l’efficacité. Mon école a l’université de Cergy-Pontoise. développement durable : je ne veux pas des valeurs fortes que sont l’éthique et le Autre évolution : la nécessité de changer raisonner en termes de carrière, j’ai en- développement durable. Je veux les re- pour un modèle pédagogique plus adap- vie de me positionner avant tout par rap- trouver dans mon entreprise ». Des at- té au mode de fonctionnement des jeunes port à l’environnement, à l’état du monde tentes qui ne sont pas l’apanage des étu- générations. « Aujourd’hui, les étudiants et donc travailler pour servir une cause ; diants de Grandes écoles. À l’université veulent être mis en situation, engagés sur être utile, c’est plus important pour moi de Cergy-Pontoise, une grande consul- des projets qui les amènent à être davan- que le salaire ou la localisation de l’en- tation est régulièrement organisée pour tage dans la collaboration que dans la treprise ». Une réflexion qui l’amène à mieux appréhender les attentes des étu- compétition, faire du design thinking… chercher des ponts entre sa formation et diants par rapport à l’université. « L’inser- On les met face à des problématiques et le développement durable : sans se fer- tion professionnelle arrive en général en ils doivent trouver des solutions. C’est mer à d’autres options, il envisage désor- tête mais au printemps 2019, c’est le dé- aussi une de leurs attentes par rapport aux entreprises qui doivent s’habituer à Les jeunes attendent des entreprises qu’elles fassent leur révolution environnementale avoir des collaborateurs avec des pro- fils plus entreprenants qu’exécutants », ajoute François Germinet. Bref, les étudiants et jeunes diplômés veulent choisir leur trajectoire et non plus la subir. Ils jouent à plein cette carte avec un fort niveau d’exigence, notamment sur les responsabilités qu’on leur octroie. De- puis le lycée, Sonia* veut travailler dans

©NEOMA BS ©NEOMA la communication. Durant ses études à l’université, elle effectue plusieurs stages dans ce secteur notamment au sein de la chaîne de télévision M6. « On m’a confié des missions très différentes, j’étais auto- nome, j’avais des responsabilités… J’ai Les qualités qu’attendent ainsi pu organiser des conférences de presse de A à Z. La confiance, c’est une forme de pédagogie », se souvient-elle. les jeunes des entreprises ©Arts Métiers Après sa licence, la jeune femme pour- Les études se succèdent année après année, mais depuis quelque temps mais de travailler dans la gestion du tri les résultats restent identiques : dans leur vie professionnelle, les étudiants des déchets ou l’énergie. Autant de pro- jections qui se sont encore affinées durant et jeunes diplômés sont en quête de sens, mais aussi d’autonomie et de flexibilité. la crise sanitaire : « Je veux mettre mes Un message que les entreprises ont tout intérêt à entendre ! compétences d’ingénieur au service de la cause environnementale. La période que nous venons de vivre m’a incité à conti- e « baromètre de l’humeur des prise et pour 53 % des personnes interro- pertise NewGen Talent, confirme tout en nuer dans cette voie sur le plan profes- jeunes diplômés ». C’est le nom que gées le cadre de travail idéal, c’est l’ETI pointant un paradoxe : « Les jeunes sou- sionnel et personnel, j’ai un mode de vie Ll’entreprise Deloitte a donné à son (entreprise de taille intermédiaire) et la haitent que les entreprises se transfor- assez sobre, j’ai baissé mon niveau de étude menée chaque année (dernière édi- PME. Autres études, conclusions simi- ment car elles sont le reflet d’un monde consommation… ». tion en 2017 ) pour évaluer les attentes laires… Ainsi l’étude NewGen for Good, ancien et ne représentent pas la diversi- de ce public, particulièrement recherché publiée par l’EDHEC en mai 2019, nous té de la société, n’ont pas assez d’impact sur le marché du travail, en direction des apprend que 60 % des personnes interro- positif et sont trop verticales dans leur Se sentir acteur entreprises. L’humeur… Le terme n’est gées pensent que pour réussir le plus im- organisation. Mais, dans le même temps, de l’avenir pas choisi au hasard. On peut notam- portant est de rester fidèle à ses valeurs. ils pensent que seul le monde économique ment y lire que les jeunes diplômés at- Les trois principaux critères de choix peut avoir les leviers d’action suffisants Comme le soulignent les études, les va- tendent des entreprises qu’elles leur oc- d’une entreprise pour y travailler sont la pour changer le monde en termes d’in- leurs défendues par les entreprises sont troient plus d’autonomie, de flexibilité et diversité des collaborateurs, le respect clusion, d’environnement… ». devenues centrales dans le choix des de confiance. Ces transformations sont des principes du développement durable Des tendances qui ne font que s’accroître jeunes diplômés. Et ceux, quelques soient plus importantes pour eux que la mise à et la démarche RSE ainsi que l’existence depuis quelques années… et que la crise les secteurs ou les métiers auxquels on disposition de services de confort par l’en- d’une politique salariale et de gestion de sanitaire a encore renforcées. Edwin aspire. Caroline Heitz est en deuxième treprise. Autre enseignement : un jeune carrière. Manuelle Malot, directrice des Guillet, 21 ans, est en deuxième année année du programme Grande école de Donner un sens à son travail est essentiel ! sur deux souhaite créer sa propre entre- carrières à l’EDHEC et du centre d’ex- des Arts et Métiers, une école d’ingé- l’EM Strasbourg. De stage en spécia- ©Arts eMétiers 52 SE FORMER AUX MÉTIERS DE DEMAIN 2020 2020 TRAVAILLER DANS DES ENTREPRISES EN MUTATION 53

suit en master Communication des entre- ternance, j’avais envie de travailler pour prises, des institutions publiques et des des marques connues du grand public. Je associations au sein de l’université Pa- ne me posais pas de questions sur mes Deux filières, deux parcours ris 13 et affine son apprentissage dans le attentes par rapport à l’entreprise ou au cadre de stages. Chez Havas Média, elle management. Aujourd’hui, j’apprécie là entre les salariés était bonne sans trop de dont Mathieu depuis septembre 2018. est en charge du digital, un secteur plus où je suis car c’est une petite structure, hiérarchie. Dans une petite structure, c’est « Plus j’avance dans ma vie professionnelle, prometteur sur le plan de l’insertion pro- je peux changer de mission, mon salaire plus simple d’avoir un impact sur tous les plus ce qui compte, c’est la mission que projets qui, de plus, étaient en constante l’on me confie. Ce sont aussi les valeurs fessionnelle que les relations publiques. est à un bon niveau, il y a des perspec- évolution », se remémore Sarah, en poste de l’entreprise. Dans la mienne, il y a une Une nouvelle expérience réussie qui lui tives d’évolution et une proximité avec entre 2015 et 2018. À cette date, la jeune vraie bienveillance entre nous et de la permet de gagner encore en autonomie et mes supérieurs. Ils nous fixent des axes femme décide de quitter l’entreprise. « Mes transparence ; notre manager nous écoute en confiance. Mais après un master 2 et d’amélioration, nous proposent des for- anciens camarades de Sciences Po avaient et il sait nous motiver pour nous embarquer une embauche dans un grand groupe de mations et nous tirent vers le haut. C’est des niveaux de salaire plus élevés et des dans un projet tout en prenant en compte communication en février 2020, Sonia ne formel mais pas trop et je sens beaucoup avantages liés au salariat dans des grandes nos envies », explique le jeune homme. cache pas sa déception : « J’applique la de bienveillance de la part du manage- entreprises. L’écart, qui se creusait de plus Le manager, la clé de voûte de l’édifice pour stratégie mais je ne la crée pas ou très ment ». Edwin, encore étudiant, n’a lui en plus, générait une frustration personnelle. nombre de jeunes recrues qui en attendent rarement. Je songe à changer car c’est un pas de doute sur le cadre de travail qu’il Et puis, je travaillais beaucoup tout en me beaucoup. Ainsi pour Mathieu, « il faut que le travail d’exécutant, qui ne me convient recherche : « Je suis plus attiré par une sentant frustrée. On avait une forte pression manager détecte là où un collaborateur est le pas, c’est trop opérationnel. Il me manque petite structure conviviale, dotée d’une des investisseurs et la sensation de ne meilleur pour qu’il puisse s’épanouir, évoluer pas atteindre nos objectifs en termes de d’un métier à l’autre, être formé pour occuper l’aspect créatif et l’autonomie que j’ai pu culture d’entreprise souple où chaque visibilité. Enfin, dans les petites structures, développer lors de mes stages. Je ne suis collaborateur a de la liberté et peut par- un autre poste… Nous n’avons pas de prise il y a plus de souplesse que dans les sur la direction de l’entreprise, mais celle-ci pas épanouie dans mon travail ». tager ses idées et où les collègues sont grandes mais aussi moins de compétences doit anticiper des démotivations éventuelles des amis ». managériales. Je devais constamment et nous proposer des évolutions ». Valeurs, cadre de travail, autonomie, ca- ©DR m’adapter sans direction claire », analyse © DR Pour le moment, Mathieu se sent De l’importance pacité d’évolution… Autant d’attentes que Sarah, qui s’octroie un break de six mois, Sarah Krief : Mathieu Chérubin : bien dans son entreprise en raison de qu’elle consacre aux voyages, à l’écriture… du management les entreprises doivent entendre au risque « Quand on est jeune diplômé, « J’ai besoin d’avoir l’intérêt de sa mission, des responsabilités de ne pas réussir à embaucher ou devoir À son retour, la jeune femme qu’on lui accorde, de la diversité des Épanouissement et autonome, deux gérer un fort turnover. Manuelle Malot c’est compliqué de prioriser commence à rechercher du travail et la maîtrise des sujets tâches, de la relation de confiance avec mots-clés pour les jeunes diplômés. Et conclut : « Les attentes des étudiants et ses attentes » au bout de quatre mois, elle trouve un bon que je traite » ses collègues et de la souplesse dans le pour atteindre cet objectif, tous pointent des jeunes diplômés à l’égard des entre- compromis : un cabinet de recrutement mode de fonctionnement. Même avant spécialisé en start-up lui propose un emploi l’importance du management. Alice Po- prises sont fortes. S’ils sont déçus – par Entre idéal et réalité, exigences salariales Avoir de l’impact. Le terme revient le confinement, le télétravail y est déjà dans une entreprise d’une vingtaine de ttiee-Sterry a été diplômée de NEOMA exemple si l’organisation est trop verti- et quête de sens, Sarah Krief, 26 ans, a régulièrement dans la bouche des étudiants instauré par exemple. Il conclut : « Je me salariés qui développe notamment des pas mal navigué. Le récit de son parcours et des jeunes diplômés. Un objectif vois évoluer dans cette entreprise, ce qui ne en 2017 ; elle y a obtenu un mastère spé- cale, s’ils n’ont pas assez d’espace d’ex- applications pour le compte de collectivités commence à Sciences Po où la jeune femme professionnel qui influence beaucoup m’empêche pas de continuer à me former, cialisé en Communication d’entreprise pression, s’ils la jugent injuste, etc. -, ils territoriales souhaitant utiliser ce type outil se spécialise en relations internationales. de leur choix. Il en va ainsi de Mathieu de rester ouvert, curieux et d’affiner mes qu’elle a effectué en alternance. Après ne restent pas. Ils sont plus impatients pour communiquer avec leurs administrés. Son projet rime alors avec travail de terrain, Chérubin, 33 ans, qui durant ses études compétences transférables dans un autre une première expérience pas totalement que les générations précédentes ». Depuis avril 2019, elle y occupe le poste voyages, ONU et services publics. Dans à NEOMA, au sein du programme Grande métier ou un autre secteur d’activité ». satisfaisante, Alice a intégré un cabinet de chef de projet et chargée de clientèle. le cadre de ses études, Sarah effectue un école, a affiné son projet professionnel, « La start-up est plus avancée que celle de conseil ; depuis juillet 2019, elle est Anne Dhoquois stage à l’étranger dans une ONG qui œuvre notamment grâce aux stages. où j’ai débuté. Du coup, elle est plus stable, consultante en transformation digitale pour les réfugiés ; elle déchante rapidement : plus mature. Sur le fond, je retrouve mon Au fil de ses expériences, quelques chez Carrefour : « Quand j’étais en al- *Le prénom a été changé « J’avais une image idéalisée des ONG. Cette intérêt initial pour les services publics et je évidences s’imposent : un intérêt pour les expérience m’a rebutée car j’étais sur le développe de nouvelles compétences. » ressources humaines et une appétence terrain sans avoir été formée, il y avait des pour les petites structures : « J’ai besoin Aujourd’hui, la jeune femme se conflits internes, l’équipe n’était pas bien d’avoir la maîtrise des sujets que je traite, sent bien dans son travail et jette un gérée, on avait beaucoup de pression… Et les ce qui implique des responsabilités, de la regard lucide sur son parcours et ses amplitudes horaires étaient importantes ». flexibilité, mais aussi une vision globale de exigences parfois paradoxales à l’égard Une fois son diplôme de master en ce que l’on apporte à l’édifice. C’est plus des entreprises. « Quand on est jeune poche, elle se réoriente vers le secteur difficile à obtenir dans un grand groupe diplômé, c’est compliqué de prioriser ses éducatif, une façon d’entretenir sa fibre où on est souvent cantonnés à un sujet attentes car on a une pression sociale. Après sociale sans travailler dans l’urgence. La sans avoir toutes les clés en main ». Sciences po, je vivais mal le fait d’avoir un jeune femme trouve alors un stage dans une bas salaire. Ce n’était pas ce à quoi j’aurai Après son diplôme, le jeune homme start-up, spécialisée dans les jeux éducatifs dû aspirer. Mais, en même temps, vu mes est embauché par l’association NEOMA pour enfants, qui va se muer rapidement en priorités - un environnement de travail Alumni pour aider les étudiants à s’orienter, CDI. « Je m’étais projetée dans un emploi au agréable dans lequel les collaborateurs préparer leur entrée sur le marché du sein d’un service public, je n’avais pas trop partagent une vision commune, la possibilité travail, organiser des conférences… Il de vision du monde de l’entreprise. Autour d’évoluer, des horaires de travail qui laissent y reste quatre ans avant de rejoindre de moi, mes amis trouvaient du travail dans du temps à la vie personnelle… -, j’avais le une société de conseil spécialisée dans des grandes boîtes, ça ne m’attirait pas car sentiment que je ne pouvais pas trouver l’accompagnement d’écoles ou d’universités je voulais contribuer à changer le monde », tout ça dans une grande entreprise », dans leur développement à l’international. relate Sarah, qui devient le bras droit de la reconnaît Sarah qui a gagné en maturité et Au bout de deux ans, Mathieu est chassé fondatrice. Un poste polyvalent qui l’amène en réalisme. « Pendant mes études, ce qui pour un poste de conseiller commercial sur à faire de la stratégie, de l’opérationnel… était important, c’était l’envie de changer des projets technologiques venant en aide « Ça m’a plu au début car le travail était le monde. J’ai pris conscience qu’il pouvait aux recruteurs. L’entreprise a pour nom très intéressant, l’équipe était réunie y avoir du sens et de l’impact dans des CleverConnect et elle compte 135 salariés autour d’une envie commune, l’ambiance petites actions », conclut la jeune femme. Une légende ici © Arts et Métiers © © Shutterstock pour ne pas subir pas ne pour subir Bien se former s’adapter àtoutes les situations. Un d’esprit état lorsqu’on se forme. Cela signifie bien sûr choisir étapes d’unétapes parcours adapté. Mais aujourd’hui, le la filière qui vous convientet passer toutes les et des compétences des et qui peuvent s’apprendre plus que jamais, c’est être capable surtout de Être de son avenir, maître c’est une priorité s mutationss PARTIE

III

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56 SE FORMER AUX MÉTIERS DE DEMAIN 2020 2020 BIEN SE FORMER POUR NE PAS SUBIR LES MUTATIONS 57

une motivation intrinsèque et contribue à de première année sont ainsi invités, dès consolider les apprentissages, parce qu’ils leur arrivée, à relever en équipe durant Expérimenter À l’Ensgsi, « 48 heures pour ont alors du sens. Ils permettent aussi de deux jours un petit défi. « Il s’agit de faire faire vivre des idées » développer de nombreuses aptitudes, à voler un avion doté d’une charge utile », communiquer, à négocier, à avoir un re- précise Jean-Yves Plantec. Une entrée en Depuis 20 ans, l’École nationale gard critique ou encore à exercer sa créa- matière destinée à initier une dynamique pour mieux apprendre supérieure en génie des systèmes et tivité », constate le directeur du Centre de collective et à donner le la d’une forma- de l’innovation (Ensgsi) organise les recherches interdisciplinaires (CRI) et au- tion où l’apprentissage par projet tient une La pratique et l’expérimentation sont depuis longtemps intégrées « 48 heures pour faire vivre des idées ». e teur de « Apprendre au xxi siècle ». Pour place de plus en plus importante, comme Placées dans un contexte de travail réel, à la pédagogie des écoles d’ingénieurs et de management. ce spécialiste de la pédagogie, ces challen- dans de plus en plus d’établissements. À des équipes d’une dizaine d’étudiants Les technologies numériques, mais aussi les attentes nouvelles des étudiants, provenant de formations différentes ges, basés sur des problématiques réelles, Audencia, les étudiants du mastère spé- les conduisent à explorer de nouveaux horizons en matière de learning by doing. doivent travailler ensemble pour imaginer doivent être ouverts : « Comme le sont les cialisé Marketing, design et création, dès une innovation en deux jours, sur la défis auxquelles doivent faire faire les en- le début des cours, font eux un passage base d’un sujet industriel proposé par treprises, dans des domaines aussi divers au sein d’un « Playground ». Avant de se une entreprise, et convaincre de sa que la robotique, l’intelligence artificielle familiariser avec le fonctionnement du ’était en 1971. Trois professeurs du avec les serious game », note d’ailleurs aussi implication dans la vie associative pertinence. Au programme au fil des ou le développement durable. Des problé- matériel mis à leur disposition dans ce Minnesota Educational Computing une évolution des usages : « À l’origine, ou création de juniors entreprises… les oc- années, de nouveaux équipements matiques vastes qui ne peuvent être réso- « Lab », ils sont confrontés à une tâche CConsortium (MECC) conçoivent les serious game étaient techno-centrée. casions de se frotter au réel en mettant en pour cyclistes, des objets connectés lues que collectivement ». qui semble plus basique : monter et dé- « The Oregon Trail », un jeu offrant la Désormais, l’aspect éducatif prime et les pratique les connaissances fraîchement ac- pour les entreprises, des éléments monter un objet du quotidien. « Avoir un préfabriqués innovants appliqués aux possibilité de prendre les commandes jeux sont considérés comme des moyens quises sont depuis longtemps légion. Per- Learning by doing produit entre les mains, être capable de bâtiments ou encore des solutions d’un chariot et de partir à la conquête de pour atteindre des objectifs pédagogiques mettre aux étudiants d’être acteurs de leur d’assistance pour les personnes âgées comprendre la manière dont il est fabri- l’Ouest américain en empruntant la piste précis ». Des écoles développent d’ailleurs formation ? C’est sans doute encore plus dans l’habitat de demain. L’objectif ? Dans certaines formations, l’expérimen- qué est essentiel. En entreprise, trop de de l’Oregon, et en gérant aux mieux les elles-mêmes des serious game à l’image nécessaire aujourd’hui. « Les cours magis- Leur donner l’occasion de s’initier aux tation conjuguée au défi est de mise dès marketeurs vendent des produits qu’ils ressources à disposition et les embûches de Grenoble Ecole de Management qui traux ne correspondent pas aux attentes outils et aux méthodes de créativité de la rentrée. À l’Insa Toulouse, les étudiants seraient incapables de monter ou de dé- se présentant sur le chemin. Un ancêtre affiche aujourd’hui un catalogue de jeux des nouvelles générations », constate groupe, aux études amont de l’innovation des serious games dont la vocation était dans des domaines divers allant du ques- Jean-Yves Plantec, directeur d’OpenIN- (recherche d’informations, veille de motiver les élèves à s’intéresser à la tionnement sur l’éthique à la connaissance SA, le service d’innovation pédagogique technologique, analyse d’antériorité), et La digitalisation n’est pas antinomique avec le travail en groupe. Même à distance. vie des pionniers de l’Ouest américain. du marché des nanotechnologies en pas- du Groupe INSA. « La manière dont on d’approfondir leur expérience du travail Uniquement textuel lors de sa création, sant par le développement de la créativité. « consomme » aujourd’hui les écrans dé- collaboratif. Ce challenge rassemble aujourd’hui environ 2000 étudiants, dont ce jeu a bénéficié des évolutions techno- veloppe l’envie d’interactivité. Dispenser certains participent depuis l’étranger. logiques et connu de nombreuses éditions, un cours, même pour les enseignants les jusqu’à aujourd’hui. Renouveler la pédagogie plus passionnants, n’est plus suffisant Depuis quelques années, la gamifica- pour capter l’attention pour capter sur la durée l’attention de tion gagne du terrain dans le domaine leur auditoire. Pour la maintenir, il de- cours professionnel. Mais elles contribuent de l’éducation. « Il y a une amplification Dans l’enseignement supérieur, et sin- vient indispensable de leur offrir des oc- aussi à amplifier la capacité à « apprendre du phénomène. Les serious game sont gulièrement dans les écoles d’ingénieurs casions de s’engager, de se questionner, à apprendre ». « C’est essentiel pour fran- de plus en plus utilisés, depuis la mater- et de management, on n’a pas attendu de résoudre des problèmes complexes, de chir les premières marches d’une carrière. nelle jusqu’à l’enseignement supérieur », l’émergence des technologies numériques tester, de faire des erreurs, voire de les Quelques années après leur entrée dans constate Julian Alvarez. Ce professeur pour offrir aux étudiants des occasions confronter à des problèmes pour lesquels la vie professionnelle, nos étudiants oc- Associé à l’Institut national supérieur du d’expérimenter, de faire, et de mettre en la solution n’est pas prédéfinie, ce qui per- cupent des postes souvent éloignés des professorat et de l’éducation (Inspé) de pratique les connaissances théoriques ac- met de nourrir la discussion entre pairs, fonctions pour lesquelles ils ont été for- Lille et au laboratoire DeVISU, égale- quises en cours. Travaux pratiques, études de susciter des échanges et d’échafauder més », constate Jean-Yves Plantec. ment co-auteur de l’ouvrage « Apprendre de cas, projets de groupe, stages, mais des hypothèses en commun », relève Ju- Enfin, le recours à l’expérimentation se lian Alvarez. « L’edutainment contribue à traduit presque toujours par du travail en allonger le temps de concentration, car il groupe. « Il est essentiel d’apprendre à À chacun son outil mais surtout à chacun sa manière d’apprendre y a un continuum entre leur univers per- plusieurs, de co-construire les connais- sonnel, où le numérique est omniprésent, sances, de se confronter à des profils di- et celui de leurs études. Et proposer aux vers, à la fois pour être capable ensuite de étudiants une pédagogie dont ils sont ac- comprendre le rôle de chacun dans l’en- teurs, en renforçant leur intérêt, contri- treprise mais aussi parce que face aux dé- bue à faciliter l’ancrage des connais- fis qui attendent les étudiants, l’approche sances », complète Marie-Laure Massué, doit être collective et interdisciplinaire », directrice du Learning Lab de NEOMA relève Jean-Yves Plantec. Business School. Des défis, comme il en existe en matière de robotique et comme on pourrait en ima- giner dans le domaine du développement Le travail en groupe durable par exemple, c’est ce que François privilégié Taddei suggère de proposer aux étudiants. « La motivation extrinsèque, basée sur L’un des objectifs des méthodes basées sur la quête de bonnes notes en vue d’obte- l’expérimentation est aussi le développe- nir un diplôme n’est pas garante d’un ap- ment des soft skills, des compétences dé- prentissage optimal. Mettre les étudiants © David Morganti pour NEOMAS BS © David Morganti sormais clés dans la construction d’un par- face à des défis collectifs à relever suscite pour NEOMAS BS © David Morganti 58 SE FORMER AUX MÉTIERS DE DEMAIN 2020 2020 BIEN SE FORMER POUR NE PAS SUBIR LES MUTATIONS 59

point de vente de téléphonie mobile vir- rétroaction avec les enseignants, contri- lement directeur d’HEMISF4IRE De- NEOMA BS est pionnière dans l’utilisation de la réalité virtuelle en cours tuel. Depuis 2018, 3 600 étudiants ont aus- buant à enrichir les connaissances et à sign School, la plateforme collaborative Pyrat, un projet ludo-pédagogique si pu découvrir les coulisses d’un drive E. les ancrer plus durablement ». L’é c ole de l’établissement lillois, prône une pé- Leclerc, de la réception des marchandises continue d’ailleurs à développer ces études dagogie en « do-it-yourself » bien au-delà de l’IMT Atlantique à l’entrepôt à la livraison de la commande de cas en réalité virtuelle, la prochaine à du peer learning ou de la classe inversée, Comment rendre la formation en théorie des dans le coffre du client. « Ce n’est pas être conçue portant sur le design des es- avec la « classe renversée : « Aujourd’hui, graphes, algorithmiques et programmation Python une simple visite, il s’agit d’une véritable paces de travail. l’information et la connaissance sont dis- plus ludique pour les étudiants de première année ? étude de cas. Au travers de leur déambu- À NEOMA, l’expérimentation passe aus- ponibles, c’est pourquoi il est possible de À cette question, les enseignants-chercheurs en lation dans le drive, ils choisissent leur si par un changement de posture des étu- proposer aux étudiants, avec l’accompa- informatique de l’IMT Atlantique, ont répondu en leur proposant de relever un défi : le projet Pyrat. parcours sur le site, découvrant les pro- diants par le biais du peer learning. « Les gnement de l’enseignant qui tient alors Dans ce serious game adapté aux connaissances blématiques de l’organisation et des pro- étudiants sont porteurs de savoirs qu’ils le rôle de facilitateur, de construire eux- en informatique très hétérogènes des étudiants, fessionnels eux-mêmes, ce qui donne lieu peuvent partager avec leurs pairs, les ses- mêmes les cours. De consommateurs, ils ces derniers ont pour mission de programmer à de nombreuses réflexions et interroga- sions d’apprentissage par les pairs sont deviennent constructeurs du savoir ». un rat, sous la forme d’une intelligence artificielle tions », explique Marie-Laure Massué, la l’occasion de les faire circuler. Dans ce Une démarche exigeante restant liée aux pour aller chercher différents bouts de fromage directrice du Learning Lab de l’établisse- contexte, les enseignants ont un rôle d’ac- objectifs académiques favorisant, selon au sein d’un labyrinthe. En fin de module, les ment. Selon cette dernière, cette solution compagnement, notamment méthodolo- Jean-Claude Cailliez, « la capacité à dé- différentes équipes d’étudiants s’affrontent lors offre de nombreux avantages : « Elle per- gique », précise Marie-Laure Massué. battre, à réfléchir, à apprendre de ses er- d’un tournoi. Ce module a notamment pour vocation met de donner accès à des lieux qui, pour D’autres enseignants vont encore plus reurs, à s’adapter et à être agile ». Au-delà de s’adapter au niveau de tous les étudiants, en diverses raisons, ne peuvent pas être, dans loin, à l’instar de Jean-Charles Cailliez, des connaissances théoriques des compé- progressant vers davantage de complexité au fil des cours. Une façon d’aborder la programmation la réalité, un terrain d’apprentissage. Les vice-président Innovation de l’Université tences particulièrement recherchées. informatique de manière moins théorique qui intégrer aux cours facilite les boucles de catholique de Lille. Cet enseignant, éga- Marie-Madeleine Sève contribue, dès l’arrivée dans l’établissement, à développer l’autonomie face aux apprentissages. © NEOMA BS © NEOMA Trois questions à… Alain Goudey, directeur de la transformation digitale de NEOMA

NEOMA s’est fait une spécialité L’expérimentation est au cœur des Quelles nouvelles méthodes de l’enseignement en mode méthodes d’apprentissage des d’enseignement vous semblent-elles virtuel. Qu’est-ce que cela écoles de management aujourd’hui. pouvoir se développer rapidement apporte à vos étudiants ? Mais est-ce possible d’expérimenter ces prochaines années ? L’utilisation de la Réalité Virtuelle à distance comme cela risque de De nombreuses approches (qui existent Tout peut être simulé... ©Arts et Métiers Immersive à NEOMA permet de devoir être le cas encore ? souvent depuis longtemps) regagnent placer l’étudiant en immersion dans L’expérimentation c’est une approche un intérêt vif ces derniers temps. Parmi monter, parce qu’ils sont trop éloignés un contexte managérial pertinent, scientifique reposant sur l’expérience lesquelles, la classe inversée, renversée, des ingénieurs et ne comprennent pas réaliste (nous développons les cas avec et l’observation contrôlée pour vérifier le peer learning ou encore l’adaptive leur culture », explique Nicolas Minvielle, des partenaires entreprises où les des hypothèses. Il est tout à fait possible learning. Au-delà de la méthode, en tant que le directeur du mastère. Ensuite, chaque intervenants sont tous des salariés de d’expérimenter (en management) à distance pédagogue je crois à quelques principes projet mené dans le cadre de ce mastère l’entreprise), et ce directement en salle ! Comme indiqué ci-dessus, les technologies fondamentaux en matière de pédagogie : de classe, ou à domicile dans un contexte immersives permettent de le faire, mais ce est lié à un maquettage, dans le but d’ap- 1/ s’adapter le plus possible de pédagogie à distance. En plus de vivre ne sont pas les seules. L’utilisation d’études à chacun de ses étudiants, profondir l’expérimentation et le « faire ». la situation à la première personne et de cas, la mise en place de simulations, À l’image du Playground d’Audencia, qui 2/ rendre l’étudiant acteur de la

© Arts et Métiers © d’en être l’acteur central, il parcourt la le déploiement de serious games, sont construction de son savoir, comporte notamment des machines de situation comme dans la vraie vie, sans aussi des outils qui permettent de créer ... comme ici dans un laboratoire des Arts et Métiers découpe laser et des imprimantes 3D dé- avoir nécessairement un chemin tracé à distance les conditions d’une pédagogie 3/ lui permettre de mettre en diées au prototypage, des logiciels de gra- au préalable. Par ailleurs, les étudiants expérientielle efficace. Cela étant dit, le application ce qu’il a appris par phisme ou encore un espace dédié au tra- de technologies actuelles ou émergentes, tiques managériales, par le biais de mises doivent alors faire preuve de capacité rôle principal revient au professeur qui l’expérience ou par la transmission vail du bois depuis une dizaine d’années, telles que les étiquettes électroniques, les en situation dans un environnement tout d’observation dans des situations doit animer efficacement la pédagogie de ce savoir à d’autres étudiants, les FabLab ont fleuri dans les établisse- enceintes directionnelles l’éclairage intel- ce qu’il y a de plus réaliste. complexes, d’analyse critique, et, plus expérientielle à distance en revisitant parfois 4/ développer le plaisir d’apprendre ments d’enseignement supérieur. Des ligent, les cabines connectées, ou encore classiquement, d’innovation dans la mise ses propres pratiques pédagogiques pour et la curiosité de ses élèves, en place de leurs recommandations. développer l’interaction au maximum, lieux permettant de développer des projets un dispositif de suivi du regard. Sa vo- 5/ leur apprendre « à apprendre » Ces trois compétences sont soutenir le niveau d’attention de ses élèves et « à avoir une analyse critique », personnels mais qui sont également inté- cation : booster l’apprentissage des étu- Réalité virtuelle et particulièrement attendues des au plus haut, les impliquer de manière grés à la pédagogie. Aujourd’hui, d’autres diants par l’expérience en immersion. classe renversée entreprises et la pédagogie expérientielle active dans leur apprentissage, créer la 6/ maximiser leur niveau d’attention déclinaisons des « lab » viennent s’y ajou- S’y déroulent notamment un cours d’ob- par la réalité virtuelle est un outil surprise, jouer sur l’émotion, etc. Enfin, en grâce à des outils qualitatifs et variés, ter, à l’image du « Market Lab », inauguré servation du comportement shopper pour À NEOMA Business School, qui a ré- efficace pour les développer. soi, le fait d’être à distance et d’apprendre 7/ ne pas hésiter à expérimenter de en janvier 2020 par Grenoble EM. Ima- les étudiants de 2e année de bachelor et cemment fêté les vingt ans de son pro- à travailler ensemble est un apprentissage nouvelles approches pédagogiques giné en collaboration avec Auchan Retail un cours de marketing opérationnel pour gramme TEMA, centré depuis l’origine important pour les étudiants… c’est à part pour atteindre les 6 premiers points. France et le groupe Panzani, cette plate- des étudiants de 2e année du programme sur la pédagogie expérientielle, le travail entière une expérience de management forme immersive est destinée à faire vivre Grande école. Ce même établissement de groupe en mode projet et le learning qu’ils retrouveront en entreprise dans le aux étudiants l’expérience consomma- dispose également d’un centre d’appel by doing, a également été introduit la ré- cadre du télétravail ou du management d’équipes internationales par exemple. teur au travers d’un parcours client dans fictif, baptisé Flashtel, destiné à s’inter- alité virtuelle immersive dans ses ensei- les allées d’un foodstore connecté, doté roger sur les différentes formes de pra- gnements dès 2016, en développant un 60 SE FORMER AUX MÉTIERS DE DEMAIN 2020 2020 BIEN SE FORMER POUR NE PAS SUBIR LES MUTATIONS 61

Maurice Thévenet

PROFESSEUR DE MANAGEMENT

« Il faut développer des aptitudes à se remettre en cause »

Ancien délégué général de la SOFT SKILLS FNEGE (Fondation nationale pour Début 2020 Maurice l’enseignement de la gestion des Thévenet donnait une entreprises), professeur au Cnam et conférence très remarquée à l’ESSEC Business School, Maurice intitulée « Des soft skills pour des hard Thévenet est l’auteur d’une vingtaine jobs ». À regarder sur d’ouvrages sur la culture d’entreprise, le site de CentreInffo le management, ainsi que le leadership. Il revient sur les grands enjeux de la formation et du management des années L’apprentissage en groupe est essentiel pour se préparer à travailler avec différents profils à venir. FNEGE La Fondation nationale pour l’enseignement de que l’idée d’une connaissance largement partagée est milieu relationnel totalement choisi – les réseaux - et Dérèglement climatique, crise des migrants la gestion des entreprises partout répandue, les psychologues du développement à court terme. Dans le monde du travail, il faut pouvoir et maintenant Covid-19. Comment les fêtait ses 50 ans en 2018. établissements d’enseignement supérieur nous ont également appris qu’il y avait des stades et travailler avec des personnes qu’on n’apprécie pas doivent-ils former aujourd’hui leurs des moments de la vie où on a besoin d’un tiers - le forcément dans un univers qui est collaboratif par étudiants pour se préparer à vivre dans un 20 pédagogue en Grèce -, pour que la plante pousse. Je nature. Et cela, ce n’est pas inné, ça s’apprend. monde qui semble de plus en plus incertain ? Professeur de gestion me méfie de ceux qui prétendent qu’on peut acquérir Je ne suis pas certain que quiconque sache précisé- depuis 40 ans, Maurice des compétences n’importe où et n’importe comment. Thévenet est l’auteur Il faut être prêt à changer dix fois d’emploi ment comment et à quoi former les étudiants dans d’une vingtaine d’ouvrages C’est possible en formation continue, pas en formation comme on l’entend souvent ? ces périodes de transition et, avec la Covid-19, de sur le management, la initiale. culture d’entreprise ou Sur le papier tout le monde veut être mobile mais, dans crise. En revanche les établissements ont toujours encore le leaderhip. La meilleure des formations c’est celle qui s’effectue la réalité, pas du tout. Nous avons longtemps évolué démontré leur capacité d’ajustement : ils multiplient en contrat d’apprentissage. Les cours qu’on dispense dans un paradigme où on ne pouvait que progresser les initiatives en matière de transition écologique par en semaines bloquées à des apprentis sont beaucoup dans sa carrière. Aujourd’hui nous sommes comme plus riches qu’avec des étudiants « normaux ». Nous exemple. N’oublions pas non plus que les étudiants ©DR une boule de flipper : dans le rail de départ tout est ont aussi cette immense capacité d’adaptation aux pouvons vraiment les aider à tirer parti de leurs ex- clair, ensuite c’est très incertain. Or nous travaillons La question que doivent se poser les établissements situations nouvelles et savent ajuster leurs propres périences. Quand ils voient un angle nous pouvons dans des structures de plus en plus aplaties où il est d’enseignement supérieur c’est quel type d’expériences processus d’apprentissage. leur montrer qu’il y en a un autre. C’est très différent très difficile de progresser et dans lesquelles il faut va permettre de se familiariser avec l’incertain et Si on parle autant de soft skills aujourd’hui c’est juste- d’étudiants sans expérience auxquels on délivre de la pouvoir réenchanter son quotidien en coopérant par comment exploiter ces ressources pour y faire face. ment parce qu’il y a une réflexion sur l’incertain. On ne théorie aussi utile que de l’eau qui tombe sur du béton. exemple au sein d’équipes projet. Toujours dans le La démarche pédagogique des établissements c’est sait pas quels seront les emplois de demain et il faut souci du collectif. d’accompagner les étudiants pour qu’ils tirent encore développer des aptitudes à se remettre en cause. Or Quelle soft skill vous paraît la plus plus parti des expériences qu’ils vivent que des contenus on n’enseigne pas plus les soft skills qu’à fonctionner essentielle ? qu’elles leur apportent. Or beaucoup revendiquent que En quoi nos structures relationnelles dans un monde incertain. Savoir être à l’aise en toutes L’apport essentiel en termes de soft skills est l’appren- ont-elles évolué à rebours de celles des les étudiants sortent tout naturellement de formation circonstances, être curieux, savoir apprendre à ap- tissage du travail collectif. Quand on travaille dans des entreprises ? avec des soft skills qu’ils doivent développer par eux- prendre, ce sont autant de soft skills, de talents, qu’il structures moins cadrées, toujours en mouvement, La professeure de management Lynda Gratton s’est mêmes. L’enseignement est un accélérateur comme faut développer soi-même. une équipe ça ne signifie plus rien. On travaille avec intéressée à l’impact de l’évolution des structures fa- les hangars de mûrissage de bananes… On se place là dans le champ comportemental plutôt plusieurs équipes dont le périmètre est mouvant. Sans le miliales sur le travail. Selon elle, nous serions passés que dans celui, plus large, des compétences. Cette cadre réconfortant de la hiérarchie et de l’équipe il faut d’une norme de la famille traditionnelle, un homme, une importance des soft skills traduit aussi une logique Quand on est étudiant on n’apprend pas tout pouvoir travailler avec d’autres qu’on n’a pas choisis et femme, longtemps ensemble avec des enfants, à un économique pure et dure. Les entreprises demandent seul ! qu’on peut ne pas aimer… Or il y a de moins en moins de type de famille, très divers et différent. Dans la famille que les diplômés soient efficaces et rentables le plus Il faut réaffirmer la nécessité, à l’âge où ils démarrent lieux qui permettent l’apprentissage du collectif dans traditionnelle vous vivez dans un collectif imposé. vite possible dans des responsabilités managériales. leur formation, de se confronter à des tiers. Alors la durée. Aujourd’hui on peut choisir de vivre dans un Dans la famille non traditionnelle, la personne peut 62 SE FORMER AUX MÉTIERS DE DEMAIN 2020 2020 BIEN SE FORMER POUR NE PAS SUBIR LES MUTATIONS 63

Les campus français – ici celui de NEOMA BS – sont particulièrement multiculturels

La dimension internationale est au cœur de la plus-value qu’apportent les Grandes écoles penser qu’elle définit elle-même sa position. Je le vois À l’ère des Big Data, de l’intelligence La culture reste donc un élément essentiel pour le commerce. Une véritable hybridation est tout particulièrement lorsque je demande à mes étudiants artificielle (IA), faut-il accentuer le poids de l’apprentissage dans une formation en à fait possible. des mathématiques, des statistiques dans d’écrire leur biographie. Les « non traditionnels » s’y gestion ? l’enseignement ? expriment sous la forme d’un « je » et racontent un La culture permet de faire le lien entre les connaissances. Vous l’avez dit : il faut se former tout au La question du poids des maths n’est pas nouvelle. récit au sein duquel la famille est un lieu où ils décident Comme le disait Socrate « le pire c’est d’ignorer qu’on long de sa vie. Mais comment apprend-on à Ce qui est nouveau c’est par exemple la question de leur parcours. ignore ». Pour réfléchir à la supply chain il faut aussi « apprendre à apprendre » ? savoir s’il faut apprendre le coding à tout le monde. Si Mais dans l’entreprise traditionnelle il faut parfois avoir une épaisseur anthropologique et géographique. On ne peut pas décréter l’envie d’apprendre. Pour se les compétences en Big Data ou IA sont nécessaires porter des « charlottes » et respecter des horaires. Cette acquisition fait partie de la tradition des classes former tout au long de sa vie il faut déjà avoir goûté au aujourd’hui elles doivent s’appuyer ou compléter la maî- C’est souvent ce problème d’adhésion à une vision préparatoires mais la part des étudiants qui en sont plaisir d’apprendre. C’est l’une des responsabilités des trise d’un métier donné. Notre rôle ce n’est pas de former collective qui conduit les jeunes à se lancer dans la issus diminue. Dans les instituts d’administration des établissements d’enseignement supérieur sur laquelle des spécialistes des Big Data mais des personnes qui création de start-up. Alors comment développer le entreprises (IAE) on trouve des étudiants qui ont un on n’insiste pas assez. Nous recevons des jeunes de feront un métier grâce ou avec les Big Data. On apprend sens du collectif dans une institution d’enseignement très bon niveau dans un domaine spécialisé mais n’ont 18-20 ans pendant trois à huit ans qui sont une période d’abord le private banking, et les outils. L’enjeu majeur pas toujours ce type de culture. supérieur ? C’est là qu’il faut s’interroger sur la réponse cruciale de leur vie. N’oublions pas que l’on apprend c’est d’apprendre à apprendre à des jeunes qui sont des Or sans cette culture il est difficile de se situer dans à donner aux étudiants. L’enjeu est de les préparer à aussi beaucoup grâce aux modèles que l’on se crée, professionnels, pas des spécialistes. le temps, d’avoir une vision diachronique et évolutive ce monde collaboratif aux formes tellement diverses. qui servent de marchepied : je ne suis pas certain que du monde, de relier les faits à d’autres domaines dans la satisfaction béate devant le « distanciel » tienne Dans ce contexte notre système de classes une vision universelle. Le risque c’est de cocher, un peu compte de ce phénomène… À nous de leur ouvrir des Il n’y a quand même pas que des soft skills à préparatoires vous paraît toujours adapté ? bêtement, des cases de compétences. perspectives. Ce qui n’est pas toujours facile quand apprendre aujourd’hui ! C’est un système bien équilibré avec ses deux années on privilégie la recherche à la dimension éducative. Bien sûr et il faut même insister sur les hard skills dont de propédeutique qui préparent à apprendre les bases On entend également beaucoup parler Il faut pouvoir insister sur cette dimension éducative ont besoin les secteurs d’activité. Il ne faut surtout et les techniques. Passer cinq ans à apprendre seule- aujourd’hui de la nécessité d’« hybrider » les même si elle est difficile à mesurer et que les clas- pas donner l’impression qu’il suffit d’être à l’aise pour ment la gestion, je m’interroge. Cinq ans de sa vie à un profils. Est-ce possible pour un manager de sements n’y portent aucune attention. Elle doit donc réussir un parcours professionnel aujourd’hui ! Or on âge où on dispose de telles capacités d’apprentissage s’engager dans une démarche scientifique ? absolument prendre du poids dans les accréditations a tendance à entretenir le sentiment d’utilitarisme de cela ne doit pas être gâché ! Le mérite des classes Les étudiants qui suivent des études de management ne et les classements suivront. nos étudiants en leur répétant que cela ne sert à rien préparatoires c’est de faire fonctionner les neurones peuvent pas, à quelques exceptions, devenir des ingé- d’apprendre certaines connaissances puisqu’elles pendant un ou deux ans pour apprendre énormément. nieurs mais peuvent intégrer une démarche scientifique Propos recueillis par Olivier Rollot pourraient ne jamais leur servir. Mais on ne sait jamais Après on sait qu’on possède un muscle qu’on peut faire beaucoup mieux qu’on ne le croit. Il faut absolument ce qui servira ou pas. travailler toute sa vie ! dépasser un certain mépris des écoles d’ingénieurs 64 SE FORMER AUX MÉTIERS DE DEMAIN 2020 2020 BIEN SE FORMER POUR NE PAS SUBIR LES MUTATIONS 65

terdisciplinaire d’un nouveau type, le La formation continue permet de rencontrer des profils venus de toutes les formations Bachelor of Arts and Sciences (BASc) Vous avez dit hybride… dès sa première année. Délivré à l’is- sue d’un double cursus d’une durée de Les entreprises le demandent, l’enseignement supérieur y prépare : quatre ans le BASc associe les sciences faire travailler ensemble des équipes pluridisciplinaires en rapprochant et les sciences humaines et sociales. « À travers l’étude des grands thèmes trans- en amont les étudiants est l’une des priorités du moment. Soyez hybrides ! versaux de notre siècle dont la transition écologique, l’intelligence artificielle et les big datas ou encore la manipulation aîtriser à la fois des compétences de plus en plus d’occasions de rencontrer partement Soft Skills et enseignements du vivant et ses enjeux éthiques nous bâ- scientifiques et de management, de et travailler avec d’autres profils. Une pro- transversaux du Pôle Léonard de Vinci tissons des ponts entre les disciplines », Mgestion et de droit, de design et de blématique qui répond aux besoins d’en- qui organise des semaines transversales définit Nicolas Benvegnu, le directeur commerce, en un mot présenter un profil treprises dans lesquelles les équipes mar- pour que les élèves de ses trois écoles (de du nouveau bachelor. « Avec ce nouveau hybride est aujourd’hui un vrai atout pour keting, recherche et développement, design commerce, l’EMLV, d’ingénieurs, l’ES- BASc nous souhaitons répondre au pro- intégrer une entreprise. Si l’obtention d’un ont le plus souvent beaucoup de mal à se ILV et d’Internet et multimédia, l’IIM) jet de Sciences Po depuis sa création : double diplôme – le plus souvent en ma- comprendre. « C’est tout sauf évident de travaillent ensemble sur des projets pré- comprendre l’environnement dans lequel nagement en plus de son diplôme initial travailler ainsi car nous allons naturelle- cis. « On se sent plus agiles en travaillant on vit et former des étudiants qui seront – est la voie la plus classique, les établis- ment vers nos « autoroutes » de pensée », avec les étudiants des autres filières », des acteurs de l’évolution du monde », sements d’enseignement supérieur offrent révèle Laure Bertrand, directrice du dé- confie Anthony, futur ingénieur, quand confie Stéphanie Balme, la doyenne du Saaida, qui se destine-t-elle au marketing, collège universitaire, qui explique : « Au- se sent « comme dans une véritable entre- jourd’hui ce qui transforme nos sociétés prise avec son groupe ». Constitués aléa- ce sont essentiellement des objets liés aux toirement, les groupes doivent forcément sciences. D’où la nécessité d’aller cher- compter des étudiants de tous les pro- cher des enseignants-chercheurs en de- fils qui travaillent ensemble sur des pro- hors de notre faculté pour donner une jets concoctés par des entreprises. « Nous double réponse ». Dans ce cadre les hu- leur demandons d’abord de gérer la frus- manités politique, le droit, les SHS en gé-

tration de ne pas se lancer tout de suite pour NEOMAS BS © David Morganti néral sont sollicitées pour « agir sur le dans un projet mais de prendre le temps monde et changer de pratique pour al- de s’appuyer sur toutes les compétences d’écoles d’ingénieurs. C’est le cas de Ra- Hybrides à la base ler plus loin dans l’interdisciplinarité ». du groupe pour en faire éclore un autre phaël, double diplômé de CentraleSupé- Sébastien Gémon plus abouti », confie Laure Bertrand. lec et de l’Essec : « Ce double diplôme a Alors que les doubles diplômes requièrent Mais il n’est pas nécessaire de faire partie élargi mon horizon de concepts. J’ai pu le plus souvent une année d’études sup- du même groupe pour se retrouver. Dans poser des questions et faire des ponts plémentaire se développent également des le cadre de son alliance avec Centrale – entre des concepts auxquels je n’aurais diplômes hybrides dans leur conception Nantes et l’École nationale supérieure pas pensé avant le double diplôme. Dans même. Alliant TEchnologie et MAna- d’architecture (Ensa) Nantes, les étudiants ce sens, le double diplôme est plus que la gement TEMA est ainsi un programme d’Audencia peuvent eux aussi participer somme des parties, car il ajoute une di- post-bac en 5 ans amenant ses étudiants Poursuivre ses études à des journées de travail en commun. mension dans le processus de construc- vers une triple compétence autour du ma- « Nous voulons associer passion et pro- tion intellectuelle ». nagement, du digital et de la créativité. pour s’hybrider fessionnalisation, intérêt pour les métiers Dans le même esprit et « TEMA inclut un semestre d’échange de l’image, les sciences politiques, l’ingé- l’Edhec ont formalisé un rapprochement hors management, en deuxième année, La formule la plus classique d’hybridation nierie, l’architecture, les arts, la techno- qui était annoncé depuis plusieurs mois dédié à la tech ou à la créativité, qui fa- des compétences est la poursuite d’études. À l’issue d’une Grande école elle est logie, etc. et le management. Demain, le qui débouche également sur un double di- vorise la fertilisation croisée et développe beaucoup plus fréquente chez les ingénieurs pourcentage d’étudiants « hybrides » de- plôme. En l’occurrence en management l’habitude des étudiants à travailler avec (7,8 %) que chez les diplômés des écoles de vrait avoisiner les 40 % », assure le direc- des politiques publiques. « Il nous paraît des spécialistes de ces domaines », ex- management (4,4 %). Pour les ingénieurs, teur général de l’école, Christophe Ger- très intéressant de marier nos forces au- plique la directrice générale de NEO- c’est d’abord l’occasion d’acquérir une main, qui a également signé cette année un tour du management de la fonction pu- MA, la « maison mère » de TEMA, Del- compétence complémentaire (57 % des cas), accord avec Sciences Po Saint-Germain blique. Encore plus aujourd’hui avec la phine Manceau. Ils peuvent par exemple 32 % souhaitant acquérir une spécialisation qui peut déboucher sur un double diplôme. pandémie même si nous avions lancé le passer un semestre au sein de l’Epitech, dans le cadre de leur projet professionnel. projet bien avant », explique le direc- de l’Université de Technologie de Troyes Quant aux managers ils voient dans la Un double diplôme teur de Sciences Po Lille, Pierre Mathiot (UTT), de l’ESIGELEC ou du CESI pour poursuite d’études un moyen d’acquérir quand son homologue de l’Edhec, Emma- les technologies et l’ingénierie, ou alors une spécialisation (52 % des cas) alors que, c’est possible ! pour 34 %, c’est une façon d’acquérir une nuel Métais, met l’accent sur l’hybridation au sein de l’ESADHaR (Ecole Supé- compétence complémentaire. Les mastères Ils ne sont pas encore nombreux mais des profils que va générer l’accord : « Il y rieure d’Art et Design Le Havre-Rouen), spécialisés accrédités par la Conférence des chaque année des étudiants ingénieurs a de vraies vertus pédagogiques à avoir à ESMOD ou à l’École de design de Y grandes écoles et les masters universitaires intègrent une école de management en des formations hybrides. Être confron- schools pour un échange plus orienté sur sont choisis, dans les deux tiers des cas. cours de cursus pour y obtenir les di- té à d’autres disciplines, savoirs, permet la créativité. Source : Enquête Insertion jeunes plômes des deux écoles. Et, encore moins d’acquérir une gymnastique particulière. Et même la formation des futurs diri- diplômés de la Conférence des nombreux, c’est en effet le cas d’étudiants Cela facilitera ensuite l’intégration dans geants de la nation s’hybride. Depuis la grandes écoles, juin 2020 en management – très forts en maths et des équipes hétérogènes même s’il y a une rentrée universitaire 2020 Sciences Po Se retrouver face à des profils différents pour progresser ensemble : c’est ça être hybride. © David Morganti pour NEOMAS BS © David Morganti en physique ! – qui s’ouvrent les portes sorte de cousinage entre nos étudiants ». dispense ainsi une nouvelle licence in- 66 SE FORMER AUX MÉTIERS DE DEMAIN 2020 2020 BIEN SE FORMER POUR NE PAS SUBIR LES MUTATIONS 67

En 2015, Cesi Ecole d’ingénieurs a peaufi- né son enseignement pour tous ses élèves, L’alternance : dont la méthode A2P2 (apprentissage ac- 3 questions à… tif par problèmes et projets), semblable à Dominique Laurent, DRH France de Schneider Electric celle utilisée aux États-Unis à Stanford et apprendre en faisant au Massachussetts Institute of Technolo- (15 000 salariés en France) gy (MIT), est déployée sur ses 25 campus. Audace pédagogique et mentorat engagé, ce sont les atouts de l’alternance. « Mais à la différence de l’étudiant, l’ap- Certains services sont-ils plus prenti mène deux projets en parallèle, l’un accueillants que d’autres ? Observer d’abord, inférer la connaissance ensuite, reste la base de la pédagogie à l’école sur l’année, l’autre en entreprise, Nos DRH n’imposent pas de quotas. Nous de l’alternance, libre de se réinventer. Les équipes innovent toujours plus selon un rythme d’alternance progressif », demandons aux managers s’ils sont des et le tutorat école s’étoffe. expose Morgan Saveuse. Cette pédagogie besoins, et s’ils sont d’accord pour intégrer se base sur des projets en plusieurs phases des apprentis, parce qu’ils y dédieront une (ou mini-projets). Durant chacune d’elles, partie de leur budget, de leurs équipes, et les ingénieurs apprentis se fixent des ob- de leur temps. Ils sont réceptifs, l’entreprise ayant une vraie culture de l’apprentissage. doublent leur promotion en apprentissage jectifs, les réalisent (3-4 jours), vérifient et Il y a donc des apprentis partout, dans alors que l’EM Normandie ouvre en 2020 actent que le travail est correct. Enfin il y tous les services, tous les métiers, et son propre centre de formation d’appren- a la clôture où ces élèves font leur soute- pas que des ingénieurs. En 2019, nous tis (CFA). nance devant un jury. Ainsi la théorie est © Schneider avons signé un accord groupe, touchant Et l’apprentissage n’est pas que fran- vue avec l’enseignant au fur et à mesure l’ensemble des filiales (30 entités juridiques). co-français. Chaque année près de 7 000 des phases, et du coup les étudiants la re- Sur quels types de profils Au final, nous visons d’embaucher en jeunes profitent d’une bourse Erasmus pour tiennent mieux. « Plutôt que d’être dans recrutez-vous des apprentis ? CDI de 20 à 25 % des apprentis. effectuer une partie de leur cursus au sein le pourquoi, l’élève apprenti sera davan- À la rentrée 2019, nous comptons un Avec quelles écoles travaillez-vous ? peu moins de 1000 apprentis, dont de l’Union européenne. L’objectif est de tage dans le comment pour arriver à un Nous travaillons avec au moins 300 250 au niveau IV et V et 750 au-delà du passer à 15 000 à l’horizon 2022 grâce par résultat concret répondant à un problème structures, et sommes formellement niveau bac. Nos métiers sont de plus en partenaire de 12 écoles, dont Sciences exemple à la suspension de l’exécution de opérationnel », renchérit Caroline Bérard, plus qualifiés, notamment au niveau du Po, et plusieurs établissements en région. certaines clauses des contrats. Alors qu’il en charge de la formation ingénieur par supérieur, sur des technologies pointues Aujourd’hui, je veux pousser le maillage avec permet de suivre son cursus en appren- apprentissage à l’ISAE SupAéro et ensei- en matière d’automatisme, de numérique les territoires, sur les écoles techniques et tissage durant les deux dernières années gnante en automatisme. et de hardware/software. Toutefois nous de gestion à bac+2, + 3, car nous sommes d’un cursus en quatre ans, le Global BBA formons aux diplômes des CAP, BEP, et implantés dans toute la France, Rhône-Alpes, de NEOMA BS offre également de suivre bac pro, au profit de la filière électrique, Bourgogne, Bretagne, Languedoc, Île-de- Le tutorat en TPE, artisans. Nous estimons avoir une le dernier semestre du cursus à l’interna- France, Alsace… Et les jeunes ne sont pas responsabilité sociétale en ce domaine. tional. « Les organisations qui accueillent établissement, une toujours aussi mobiles qu’on veut bien le dire. nos apprentis ont des objectifs d’export ou affaire sérieuse de déploiement de filiales à l’internatio- nal. Ils peuvent former leurs apprentis en « À l’école, chaque apprenti à son réfé- amont d’un départ de 6 mois à l’étranger, rent mentor, un enseignant permanent, line Bérard. Et au sein de l’école toulou- et ainsi mobiliser leurs apprentis expéri- qui suit au maximum 20 apprentis, un saine, au-delà du tuteur pédagogique, mentés au plus près de leurs ambitions en chargé de cours (10 apprentis) ou un l’apprenti sera suivi par le professeur en dehors de nos frontières », explique Sa- cadre administratif (5) », détaille Mi- charge de l’année. « En outre, le respon- rah Cooper, la directrice du programme. chel Gordin, directeur exécutif du CFA sable des programmes suit tous les ap- de l’Essec Business School, qui fut la prentis. Ce qui lui permet de réajuster les première école de management à adop- choses, le cas échéant », poursuit Caro- Une pédagogie ter l’apprentissage en 1993. Le référent a line Bérard. Autre évolution notable : les active par projets plusieurs missions : aider l’étudiant à dé- écoles poussent à la création de commu- Les formations en alternance comportent des séances de formation régulières finir son projet professionnel, l’aider à nautés de tuteurs, qu’elles animent par © NEOMAS BS C’est la spécificité de l’alternance : l’ac- comprendre et à décoder les situations des newsletters, comme à l’Essec, la- quisition des savoirs n’a rien de stricte- professionnelles, évaluer avec le maitre quelle organise aussi une réunion trimes- a dynamique de l’apprentissage se- L’offre a été boostée par la réforme inter- ment académique, ce qui en fait également d’apprentissage les compétences acquises, trielle « en vue de favoriser l’échange de ra-t-elle brisée par la crise du Co- venue en 2018. Exemples : l’une des plus un creuset d’innovation pédagogique. l’assister et répondre à ses questions. À bonnes pratiques », précise Michel Gor- Lvid-19 ? Bien des directeurs d’école sélectives des écoles d’ingénieurs, l’ISAE « L’EPF propose ainsi un diplôme pour l’EPF, chacun des trois tuteurs à temps din. Au Cesi Ecole d’ingénieurs, chaque ou d’université le redoutent. Ce serait ter- SupAéro (Toulouse), ouvre en cette ren- un public varié avec une exigence de pré- plein et pilotes de la formation alternée semaine, tous les tuteurs pédagogiques rible car l’engouement est là. « Quelque trée 2020-2021 un cursus d’ingénieurs requis « ouverte », dans le droit fil des suit 20 apprentis assidûment ; il voit le de l’Hexagone font un point sur les pro- chose s’est débloqué dans les têtes, l’ap- par apprentissage, « Experts en génie in- learning outcomes (objectifs d’apprentis- jeune régulièrement en entreprise, étant jets de leurs élèves via Skype. À l’EPF, prentissage n’est plus considéré comme dustriel pour l’aéronautique et l’espace », sages), passant de « qu’est-ce que nous particulièrement présent par mail et télé- les trois tuteurs travaillent en collégiali- une sous-formation », souligne Morgan qui sera déployé dans toutes les écoles du enseignons », à « qu’est-ce qu’ils ap- phone la dernière année. té, expérimentent, notamment sur la pé- Saveuse, directeur des études au Cesi Groupe ISAE (Estaca, Sup Meca, Ens- prennent », développe Jean-Michel Ni- Le tutorat-école s’est beaucoup profes- dagogie inversée, le blended learning, ou Ecole d’ingénieurs, établissement pion- ma, Ecole de l’Air) en 2021. Quant à elle colle, le directeur de l’EPF. Nos élèves sionnalisé au fil des ans. Le rôle des tu- les pédagogies hybrides. Ils ont lancé il nier dans la formation d’ingénieurs par EPF-Ecole d’ingénieur(e)s prévoit de dé- apprentis cultivent le travail en groupe teurs est capital pour maintenir le lien y a deux ans un portfolio numérique, qui l’apprentissage dès 1989. Les chiffres marrer une nouvelle section d’ingénieurs avec des objectifs de réalisation et des avec l’entreprise et encourager les jeunes. collecte et archive toutes les activités de le prouvent, au 31 décembre 2019, la apprentis à Cachan en 2021, avant de nou- contraintes de qualité. Un projet qui L’ISAE SupAéro les forme ainsi en lien l’apprenti durant son cursus dans une lo- France comptait 491 000 apprentis, soit velles formations alternées (bachelors…). s’harmonise avec les missions futures avec le CFA « pour que tout le monde gique de « preuves ». Un outil pour toute

On apprend mieux après être allé en entreprise pour NEOMAS BS © David Morganti une hausse de 16 % au regard de 2018. Côté écoles de management BSB et Kedge en entreprise. » entende la même chose » précise Caro- sa vie ! Marie-Madeleine Sève 68 SE FORMER AUX MÉTIERS DE DEMAIN 2020 2020 BIEN SE FORMER POUR NE PAS SUBIR LES MUTATIONS 69

n’avaient jusqu’alors aucune expérience tif s’articule sur trois niveaux. Un fort ac- « LE TOUT À DISTANCE N’EST du distanciel. « Dans les écoles de ma- compagnement de l’étudiant, coaché in- PAS SOUHAITABLE » nagement, tout le monde a fait le job. dividuellement en visioconférence, 1 à Jean-Christophe Leur ADN n’est pas de faire du 100 % 2 fois par mois. L’instauration de sous- Hauguel, directeur on line, mais nécessité fait loi ! », ex- groupe de cinq étudiants, pour les tra- général de l’ISC Paris pose Jean-Christophe Hauguel, fonda- vaux importants, cornaqué chacun par « La question de la discipline, réputée trop technique ou teur du groupe de travail innovations pé- un tuteur affecté. La classe virtuelle syn- trop complexe pour faire dagogiques de la Conférence des grandes chronisée, enregistrée pour ceux qui ne l’objet d’un format on line, ne écoles. peuvent se connecter à l’heure dite. « Il peut être un prétexte de refus. Les écoles d’ingénieurs se sont mobilisées n’y a pas de planning figé, la nouvelle gé- Toutefois le tout à distance n’est pas souhaitable. Le tout autant. Même les universités ont dû nération d’étudiants vient pour la flexi- public vient aussi chercher s’y mettre. « Les outils existent, les uni- bilité. » Par ailleurs, l’école a lancé il y une expérience étudiante, versités en disposent, mais ils ne sont a peu les « Social learning », l’enseigne- avec la vie associative, pas ou peu utilisés. Soit par le manque ment via les réseaux sociaux, notam- les stages, et les séjours d’appétence des enseignants-chercheurs, ment sur la plate-forme Slack, ou via à l’international. » soit par l’impression de ne pas pouvoir des groupes WhatsApp très interactifs. transposer les spécificités de leur propre De plus elle travaille sur des modules de discipline à distance, soit parce qu’ils « mobile learning » Avec la start-up Ed- « JAUGER À DISTANCE n’en percevaient pas l’opportunité et la Tech TeachOnMars. « Toutefois, il faut LE DEGRÉ D’ATTENTION plus-value ou qu’ils se sentaient en déficit adapter les contenus aux pratiques, in- DE LA CLASSE VIRTUELLE » de compétence », explique Hugo Gaillard, siste Benoît Arnaud, tous les étudiants ne Jean-Philippe Rennard, enseignant-chercheur à Le Mans Univer- sont pas égaux face au numérique, et il directeur du GEM Campus Paris sité. Pourtant ça marche : 57 % des étu- faut passer du temps avec ceux qui butent « Depuis janvier 2020, nous On peut tout apprendre à distance. Mais pas tout le temps disent les étudiants... diants sondés par le Bureau national des sur une matière. Nous leur fournissons testons un système numérique © Shutterstock élèves ingénieurs estiment que le on line alors un « tuteur » dédié. » spécifique à l’école, appelé à s’étendre, et qu’on a nommé « hybridation spatiale ». Suivre son cours à distance Une réflexion Il nous permet de réunir c’est aussi souvent bien pratique des étudiants (aux effectifs stratégique à mener réduits car sur des spécialités Du présentiel au distanciel : pointues), présents en classe Il ne s’agit pas de donner dans la téléréa- à Paris, à ceux éloignés de lité, mais de faciliter la transmission des Grenoble, ou de l’étranger. Parfois le cours est délivré savoirs, tout en damant le pion à Youtube 100 % à distance. La trouver le bon dosage et autres tutos qui connaissent un suc- difficulté pour l’enseignant Covid oblige ! Les écoles et universités ont dû fermer leurs portes cès croissant. L’enseignement à distance derrière l’écran, c’est de ne doit avoir de fortes exigences : un conte- pas saisir la réaction des au printemps 2020 et opérer une bascule à 100 % dans le e-learning. élèves, qu’il voit figés ou nu robuste et de qualité et une solide ex- cachés. En face-à-face, on Un booster pour les enseignants, jusqu’alors rétifs à une telle formule. périence d’enseignant pour fabriquer des peut lire sur un visage si l’un séquences pédagogiques pertinentes. « À suit, comprend, si l’autre Le modèle reste toutefois à repenser et rééquilibrer dans les années à venir. rêvasse, ou bloque. Dès lors

© Shutterstock NEOMA, on y va progressivement, ex- plique Haïthem Marzouki, et pas seu- que l’on aura une bonne vision des élèves distants, on lement sur le programme Grande école pourra s’ajuster, reformuler. ranle-bas de combat. Le 16 mars, grèves de l’hiver, mais il a fallu les adap- distance. « Nous avons progressé quatre est « différent, mais pas plus dur ! » (PGE), dans une logique d’adaptative Nous essayons en parallèle le confinement est annoncé. ter au 100 % distanciel, aussi bien pour fois plus vite qu’en période normale. Là learning, visant à respecter le rythme un outil de « suivi de BJean-Christophe Hauguel, le di- les professeurs désormais confinés (et qui où il existait des réticences vis-à-vis du Passer du théâtre d’apprentissage de l’impétrant, via une l’attention ». Tel un alcootest, il nous indique en temps réel recteur général de l’ISC Paris, choisit enseignaient parfois de l’école derrière numérique, elles se sont tues », constate filmé à Netflix plate-forme basée sur l’IA. Car les élèves sur une courbe qui se colore avec son équipe de geler instantanément les PC), que pour les élèves restés chez Christophe Germain directeur général qui sortent de prépas, et les parents ne au fil de l’eau, l’état d’éveil tous les cours jusqu’au 23 mars, avant eux. Et bien sûr, il a fallu reformater les d’. Et les ensei- « L’enseignement à distance est en pleine sont pas forcément prêts à ce nouveau global du groupe : celui-ci de les faire reprendre ensuite à 100 % autres cours. Le 23 mars, à 8 heures du gnants ont été accompagnés dans ces mo- ébullition », constate Benoît Arnaud, di- format. » Il n’empêche. « Avec l’IA, la est perdu — rouge — , peu on line : « Durant cette semaine-là nous matin, la totalité de nos cours étaient dalités nouvelles, et la plupart du temps recteur d’Edhec Online. L’école pionnière révolution pédagogique et technologique intéressé ou endormi — orange — , ouvert et captivé avons formé les enseignants à prendre virtuels ». par leurs pairs qui leur ont montré les dans l’éducation en ligne, entre ses cam- est devant nous. Si seuls 10 % des étu- — vert — . Avec l’essor de en main l’outil 3CX, en vue de leur ap- meilleures pratiques. À NEOMA, par pus de Lille et de Nice, a créé cette enti- diants se forment à distance en 2020, ils l’IA, la reconnaissance des prendre à réaliser des webinars, et à inte- exemple, ils ont appris à utiliser le logi- té spécifique en 2018, pour répondre aux seront 50 % dans cinq ans », pronostique émotions va se développer, ragir avec les étudiants par écrans inter- Des enseignants ciel Zoom, tandis qu’une équipe créait besoins des managers de par le monde. Benoît Arnaud. et l’expression de l’empathie on line sera possible ». posés ». Même réactivité chez NEOMA au pied du mur. un site ressources sur l’intranet, avec « L’enseignant en distanciel s’appuie sur Les écoles comme les universités doivent Business School. « Nous avions déjà an- un forum pour qu’ils puissent échanger diverses activités très découpées, vidéos penser le numérique avec la même at- ticipé des solutions avec DGA Faculté et Tous les établissements du supérieur ont entre eux. « Et nous avons réalisé des de 3 minutes, études de cas, quizz, fa- tention que le présentiel. Sous les termes Recherche en observant ce qui se passait ainsi monté une cellule de crise en s’ap- « workshops » pour habituer les profes- brique de nuages de mots par équipe et d’enseignement « hybride », « comodal », en Italie, touchée par le virus bien avant puyant principalement sur leurs directions seurs à cette nouvelle pédagogie », ajoute en temps réel… Nous ne sommes plus à « blended learning », « mix learning »…, nous, relate Haïthem Marzouki, direc- pédagogiques et des services d’informa- Haïthem Marzouki. l’ère du théâtre/amphi filmé, mais dans chacune expérimente son propre dosage teur de la Pédagogie innovante de l’école. tion. Suscitant de facto, dans le corps pro- Des actions d’autant plus utiles que celle de Netflix. Nous devenons des scé- entre cours physique et à distance. À la Nous comptions déjà une vingtaine de fessoral, une prise de conscience accé- deux tiers des enseignants, interrogés en naristes de l’enseignement supérieur », clé, au-delà de 2020, des outils audiovi- cours hybrides, élaborés au moment des lérée sur les atouts de l’enseignement à mai 2020 par News Tank et Adoc Mètis affirme-t-il. À Edhec Online le disposi- suels de plus en plus performants ! 70 SE FORMER AUX MÉTIERS DE DEMAIN 2020 2020 BIEN SE FORMER POUR NE PAS SUBIR LES MUTATIONS 71

tualiser ses connaissances, se replonger soit jusqu’à décrocher un master. Un ob- dans des matières, ou s’initier à un autre jectif capital pour Olivier Faron, même si Quand l’entreprise Formation continue : métier ne peut plus en rester à cheminer cette préoccupation n’est pas une priorité d’un apprentissage à l’autre. Dans nos des universités. « Le CPF, entériné lui aus- propose des immersions cursus, on forme des apprenants qui che- si par la loi, ne propose que des forma- apprenantes de haut vol toute une vie pour apprendre minent d’un problème à l’autre, en vue tions courtes, déplore-t-il. Il y a trop peu de confronter leurs expériences de sa- de briques pédagogiques disponibles » Cédric Mendès, Directeur Les savoirs académiques se périment vite. Se renouveler, transmettre larié aux nouveaux savoirs et aux nou- velles pratiques, les préparant à s’adap- du recrutement chez Suez autrement, répondre aux besoins de rebond des salariés, constituent, ter aux situations d’imprévu ». Inventer des logiques (gestion de l’eau et des pour les équipes en établissements, un challenge à relever au plus vite. Mais c’est parfois également l’excellence spécifiques de déchets, 90 000 salariés, de leur formation qui conduit paradoxale- reconversion ment les étudiants à ne pas se former tout dont 23 000 en France) i l’on en croit les chiffres, les jeunes un poste motivant, un salaire attractif, S’adapter aux au long de leur vie. L’idée même de for- « Je l’ai observé, dans Parcoursup, diplômés ne feraient guère de cas et l’accompagnement de leurs premiers situations d’imprévu mation continue s’opposant alors à l’idée beaucoup de jeunes viennent en reprise Sde la formation continue, en en- pas dans un métier, par un groupe lea- que leur formation ne serait pas éternelle. d’études, de façon décalée. Un jeune de « Les étudiants d’école, ou d’université treprise. L’étude Universum 2020, qui der dans leur secteur cible. « Être formé Mais ce constat, c’était avant la pandé- « Mais nous non plus, poursuit le direc- 20 ans peut s’être trompé, ou un salarié à bac+4/5, sont friands de graduate a interrogé les attentes des nouveaux tout au long de sa carrière est perçu par mie. « Pour nos jeunes élèves, la for- teur de GEM. Nous devons apprendre à dans sa jeunesse a pu se fourvoyer, seule- programs tels que le nôtre. Un programme entrants sur le marché du travail à tra- beaucoup de jeunes sortis d’école comme mation continue était jusque-là un joli quitter notre zone de confort, les cours, ment ils ont l’impression, l’un ou l’autre, d’excellence, sur 18 mois, abordant tous vers le monde, publie pour la France une un dû, observe Cédric Mendes, directeur concept intellectuel. Toutefois leur re- par exemple, ne sont qu’une pierre dans qu’en bifurquant ils pourront compenser les métiers, et que Suez offre aux meilleurs case vierge de tout « ranking » sur l’item du recrutement chez Suez France (ges- gard pourrait changer, car la chose sue l’édifice de la formation d’un futur res- le manque de formation initiale sur le tas, et/ou aux plus motivés d’entre eux, afin de leur permettre de s’intégrer, d’évoluer, de « formation professionnelle et dévelop- tion de l’eau et des déchets). Les candi- – les sciences, la technique, la médecine, ponsable en entreprise ». « La France ou par une formation continue formatée. grandir chez nous. Dès leur embauche, pement ». Un vide, une anomalie, vis-à- dats n’abordent jamais le sujet lors des la gestion…– s’est fracassée sur le mur est écrasée par l’effet de la formation Il faut changer de perspectives, imaginer une douzaine d’heureux élus par an, passe vis d’autres pays comme le Brésil, l’Ita- entretiens. Ils savent que la loi impose du virus, au caractère changeant, insai- initiale et du diplôme, renchérit de son des logiques de reconversion, donner des en effet un véritable baptême du feu, en lie, l’Espagne, la Grande-Bretagne, où aux entreprises la responsabilité de for- sissable, mutant, souligne Loïck Roche, côté Olivier Faron, administrateur géné- outils à ceux qui ont dû quitter l’entre- occupant l’une après l’autre, diverses les sondés hissent ce point-là dans le top mer leurs salariés à leurs missions, de directeur général de Grenoble Ecole de ral du Conservatoire national des Arts prise pour pouvoir rebondir, préconise fonctions, avec de nombreuses mises 3 des critères qui pèsent dans leur choix maintenir leurs compétences, et que nous Management (GEM). Dès lors chacun, et Métiers (CNAM). Dans les établisse- l’administrateur général. Au CNAM, à en situation, des formations théoriques d’un futur employeur. Pour ces ingénieurs avons donc un budget important qui y est enseignant comme étudiant, doit se mon- ments du supérieur, la question est là : l’âge de 40 ans, de très bons informati- et techniques, et un suivi régulier par un et managers-gestionnaires en herbe de dédié ». Du coup, les jeunes se sentent trer d’autant plus modeste au regard du comment insuffler cette culture de la for- ciens ont choisi de revenir à la formation mentor, sur place ou à distance, tout au l’Hexagone, ce qui compte avant tout c’est déchargés de ce souci… à leurs débuts. savoir et des acquis. Aujourd’hui, ac- mation continue ? Car souvent, cela se pour se reconvertir en data scientist, à long de leur parcours. Ces jeunes talents résume à un MBA, attirant les publics partir de leur socle de savoir informa- accomplissent d’abord une mission de 12 mois -de vrais jobs- au sein de nos entités Executives, prêts à prendre des postes de tique ». Inutile, pour ceux-là, de refaire en France, puis ils s’immergent dans haut niveau ». Gratifiant au sens propre tout le parcours. Certes, les organismes une start-up durant 3 mois -une période et au figuré ! privés ont un rôle à jouer, mais les univer- d’observation-, avant d’assurer une mission sités ont leur part. Avec, pour elles, un en- de 6 mois au sein de l’une de nos entités à jeu de taille : mêler les publics, étudiants l’international. Ils sont ainsi prêts à prendre Déployer des blocs de en formation initiale et inscrits en forma- des postes à fortes responsabilités, comme compétences aussi tion continue. Ce qui permettrait de nour- celui de manager de centre de profit. » sur les masters rir et d’émulsionner les apprentissages. Marie-Madeleine Sève Le CNAM a depuis longtemps modula- risé ses parcours afin de les rendre ac- cessibles à un large public en formation continue. Seulement en 2020, les étudiants méconnaissent souvent les deux outils qui leur permettraient de se prendre en main : la VAE (validation des acquis de l’expé- rience) et le CPF (compte personnel de for- mation). La VAE, considérée comme la 3e voie de la certification, a été reconnue par la loi du 5 septembre 2019 « Pour la liberté de choisir son avenir professionnel », qui a défini le bloc de compétence. Elle a éga- lement imposé que les diplômes et titres à finalité professionnelle délivrés au nom de l’État soient revus tous les 5 ans et que soit attribué un niveau de qualification aux nouveaux CQP. Le hic, c’est que les res- ponsables pédagogiques n’ont pas toujours échafaudé un ensemble homogène et co- hérent de compétences. Pourtant, l’impé- trant adulte doit pouvoir construire un par- Obtenir un diplôme c’est possible à tous les âges ! BS ©NEOMA © NEOMA BS © NEOMA cours par étapes jusqu’au dernier échelon, 72 SE FORMER AUX MÉTIERS DE DEMAIN 2020

RÉFÉRENCES

Livres Rapports et études • « Géopolitique du COVID-19 », • « Vers une société apprenante », François Taddei, Pascal Boniface (Eyrolles, 2020) Catherine Becchetti-Bizot et Guillaume Houzel, 2017 : • « L’Atlas géopolitique du monde global », https://www.ac-paris.fr/portail/jcms/p1_1537549/ Pascal Boniface et Hubert Védrine (Armand Colin, 2020) vers-une-societe-apprenante-synthese-et-rapport- de-la-mission-confiee-a-francois-taddei • « Ce sera l’IA ou et moi », Cécile Dejoux (Vuibert, 2020) • « Les organisations du travail apprenantes : enjeux et défis pour la France », France Stratégie, • « L’intelligence artificielle n’existe pas », 2020 : https://www.strategie.gouv.fr/publications/ Luc Julia (First, 2019) organisations-travail-apprenantes-enjeux-defis-france • « L’Apocalypse du numérique n’aura pas lieu », • « Skill shift : Automation and the future of Guy Mamou-Mani (Éditions de l’Observatoire, 2019) the workforce », McKinsey, 2018 : https://www. • « Travailler à l’ère post-digitale », mckinsey.com/featured-insights/future-of-work/ Dominique Turcq (Dunod, 2019) skill-shift-automation-and-the-future-of-the-workforce# • « Guide pratique de l’intelligence artificielle • Etude Universum « Most Attractive Employers in France dans l’entreprise », 2020 » : https://universumglobal.com/fr/classement-etudiants-2020/ Stéphane Roder (Eyrolles, 2019) • Enquête « Insertion jeunes diplômés de la Conférence • « Livre blanc le Conseiller Augmenté 2020 », des grandes écoles », 2020 https://www.cge.asso. France FinTech https://francefintech.org/ fr/publications/enquete-insertion-cge-2020/ livre-blanc-leconseilleraugmente-2020-2/page/4/ • « Hybridation des compétences : processus clé pour • « L’intelligence artificielle, l’affaire de tous », inventer demain ? », Cahiers de la prospective RH, 2020 : Thierry Bouron (Pearson, 2020) https://www.nxtbook.fr/newpress/RHetM-Editions/Les_ • Les Usages de l’intelligence artificielle, Cahiers_de_la_prospective_RH-201801-9/index.php#/p/2 Olivier Ezratty (2019) https://www.oezratty.net/ • « Unpacking the US−China Tech Trade War », wordpress/2019/usages-intelligence-artificielle-2019/ The Boston Consulting Group, 2019 : https://www.bcg. • « La Condition Urbaine », com/fr-fr/publications/2019/us-china-tech-trade-war Magazine Chut N°2, 2020 : https ://chut.media/magazine/ • Baromètre de l’humeur des jeunes diplômés, Deloitte, 2017 : https://www2.deloitte.com/fr/fr/pages/talents-et-ressources- humaines/articles/barometre-humeur-jeunes-diplomes-2017.html Articles • « La crise sanitaire dans les écoles d’ingénieurs », Bureau national des élèves ingénieurs, 2020 : • Wolfgang Schäuble en défense de la « souveraineté » https://www.bnei.fr/mais-aussi/enquetes/enquete-et- de l’UE (Le Monde, 7 juillet 2020) https://www.lemonde. contribution-la-crise-sanitaire-dans-les-ecoles-dingenieurs/ fr/international/article/2020/07/07/wolfgang-schauble-en- defense-de-la-souverainete-de-l-ue_6045465_3210.html • « NewGen for good : Comment la nouvelle génération va transformer l’entreprise ? », Edhec NewGen Talent • Suzanne Berger : « Nous sommes à la veille d’une nouvelle Centre, 2019 : https://careers.edhec.edu/news/newgen-good- organisation technologique » (Le Monde, 6 juillet 2020) : comment-la-nouvelle-generation-va-transformer-lentreprise https://www.lemonde.fr/economie/article/2020/07/06/ suzanne-berger-nous-sommes-a-la-veille-d-une-nouvelle- • Baromètre Greenflex de la consommation responsable 2019 : organisation-technologique_6045365_3234.html https://www.greenflex.com/communique-de-presse/barometre- consommation-responsable-2019-sortons-mythe-croissance-infinie/ • Jean-Christophe Fromantin, maire de Neuilly-sur-Seine, et le scientifique Didier Sicard : « Coronavirus : • World Inequality Database : https ://wid.world « Les nouvelles configurations urbaines portent en germe des déflagrations écologiques à haut potentiel de viralité » (Le Monde, 8 avril 2020) : https://www.lemonde. fr/idees/article/2020/04/08/urbanisme-mettre-la-nature-en- ville-est-une-promesse-dangereuse_6035989_3232.html