Sommaire
L’ORFEO DE MONTEVERDI ...... 3 synopsis ...... 3 claudio monteverdi 1567-1643 ...... 5 le librettiste : alessandro striggio 1573-1630 ...... 6 FICHE IDENTITE DE L’ŒUVRE ...... 7 L’ORCHESTRE DE MONTEVERDI ...... 8 L’ŒUVRE ET SA GENESE ...... 9 L’ŒUVRE et sa reception ...... 9 LES PISTES D’EXPLOITATIONS PEDAGOGIQUES ...... 10 PISTES D’ECOUTES ...... 10 LE MYTHE D’ORPHEE DANS LA LITTERATURE ...... 16 LE MYTHE D’ORPHEE DANS LES ARTS : musique, peinture, cinema...... 19 POUR EN SAVOIR PLUS… ...... 21 L’ORFEO DE MONTEVERDI A L’OPERA DE REIMS ...... 23 la production...... 23 L’ACADEMIE BAROQUE EUROPEENNE D’AMBRONAY ...... 23 les biographies ...... 24 L’INTERVIEW DU METTEUR EN SCENE ...... 27
FRONTISPICE DE LA PARTITION D’ORPFEO
2 | Page
L’orfeo de monteverdi
synopsis prologue Après la toccata initiale, un personnage allégorique, La Musica, vient saluer les nobles commanditaires de l’œuvre et raconter l’histoire d’Orphée. Accompagnée d’une cithare d’or ou de la lyre céleste, elle peut apaiser les cœurs, enflammer les esprits et charmer l’oreille des mortels. Elle achève ses propos par une description de la Nature apaisée. acte i A l’entrée du temple d’Apollon, en Thrace. Les nymphes et les bergers célèbrent, par des chants et des danses, les noces d’Orphée et d’Eurydice. Orphée exprime avec passion son grand bonheur d’aimer et d’être aimé de retour. Eurydice manifeste aussi sa joie car depuis qu’elle a rencontré Orphée, son cœur ne lui appartient plus. L’acte s’achève par des prières au temple d’Hyménée. acte ii Après une joyeuse pastorale où Orphée manifeste sa joie de retrouver les bergers et de revoir ses forêts, l’arrivée de la messagère Sylvia va bouleverser et assombrir cette ambiance festive. Elle est effectivement porteuse d’une terrible nouvelle. Mordue par un serpent pendant qu’elle ramassait des fleurs, Eurydice est morte. Orphée reste d’abord muet de douleur. Quand il sort enfin de sa stupeur, c’est pour annoncer sa décision : aller rechercher son épouse aux Enfers, la ramener vivante ou mourir. La messagère, désespérée d’avoir meurtri l’âme aimante d’Orphée, se condamne à passer le reste de ses jours au fond d’une caverne. Les bergers et les nymphes préviennent les mortels de la fragilité du bonheur. acte iii Voici Orphée aux portes du royaume des enfers accompagné par l’Espérance. Avant de l’abandonner, elle lui montre le sombre marécage qu’il doit traverser seul, ayant comme unique soutien son chant. Caron, le nocher qui fait passer les âmes sur l’autre rive, le repousse. Malgré son chant sublime, où Orphée évoque tout à tour les Enfers, la terre, les cieux, Caron reste inflexible. Rien ne semble pouvoir attendrir son cœur de pierre. Mais, lors d’une nouvelle lamentation, Orphée réussit à endormir le Nocher. Il traverse et pénètre dans un monde souterrain. Le chœur des esprits infernaux célèbre la hardiesse d’Orphée. acte iv Proserpine a été touchée par le chant d’Orphée et supplie Pluton, son mari, de ramener Eurydice à la vie. Pluton accepte mais pose une condition : durant la remontée des Enfers, Orphée ne devra pas lever son regard vers son épouse. Orphée exulte de bonheur et vante la toute-puissance de son art.
3 | Page
Commence la remontée et un terrible doute s’immisce dans son esprit : « Qui m’assure qu’elle me suit ? ». Il brave l’interdit et se retourne. Eurydice a tout juste le temps de lui redire son amour avant de disparaître définitivement. Le chœur des esprits conclut en commentant l’action : Orphée a certes triomphé des Enfers mais a ensuite été vaincu par ses passions.
acte v Orphée est de retour sur terre. Il exprime sa douleur à tout ce qui l’entoure. La folie le gagne peu à peu. Il s’en prend alors violemment aux femmes qu’il juge perfides et impitoyables. Apollon, face à la démence de son fils, descend sur terre. Il lui reproche d’être esclave de ses passions. Mais, pour l’aider, il l’invite à rejoindre le Ciel d’où il pourra contempler l’image d’Eurydice parmi les étoiles. Les nymphes et les bergers chantent et dansent le bonheur d’Orphée.
PHOTO DU SPECTACLE
4 | Page
claudio monteverdi 1567-1643
Monteverdi, fils d’un médecin, est né à Crémone en 1567. Il est très tôt initié à la musique par Marc Antonio Ingegneri (1545-1592) qui lui enseigna les techniques d’écriture, l’orgue, le violon, l’art vocal et l’art des madrigalistes. Vers 1590, il entre au service du duc de Mantoue : Vincenzo Gonzague, en tant que joueur de viole, chanteur et compositeur. C’est à la cour de Mantoue qu’il rencontre l’élite intellectuelle de l’Italie : le peintre Rubens, le physicien et astronome Galilée, le grand poète Le Tasse… Outre l’art des madrigalistes italiens de son temps, comme Carlo Gesualdo, des musiciens flamands influencèrent Monteverdi qui accompagna le duc Vincent de Gonzague lors de son voyage dans les Flandres et dans ses campagnes contre les turcs, notamment en Autriche et en Hongrie. En 1599, il se marie avec la brillante chanteuse Claudia Cattaneo dont il aura trois enfants. En 1607, il écrit, à la demande de son maître, son premier drame lyrique : Orfeo, considéré comme le premier opéra de l’histoire de la musique. Son épouse meurt la même année. En 1613, le compositeur s’installe à Venise où il obtient le poste prestigieux de maître de Chapelle de la basilique de Saint-Marc après des musiciens célèbres : Willaert, Cyprien de Rore, Zarlino, Gabrieli. Il est alors le compositeur le plus connu de son temps. Il écrit motets, messes, madrigaux - autant de commandes des notables de Venise et des villes voisines - ainsi que des opéras dont la plupart sont perdus aujourd’hui. En 1631, il perd son fils Francesco pendant la grande épidémie de peste qui ravage Venise. En 1632, il est ordonné prêtre et continue de travailler à la fois pour le théâtre et l’église. En 1640, son opéra Le Retour d’Ulysse dans sa patrie remporte un franc succès. C’est en 1641 qu’il compose le premier opéra tiré d’un drame historique : Le couronnement de Poppée. Il meurt en 1643.
L’Orfeo Le Retour d’Ulysse dans sa patrie 1607 1640 Le couronnement de Poppée 1641
LES PREMIERS PAS A LA COUR DE VENISE DANS LES CRÉMONE MANTOUE ORDRES 1567 1590 1613 1632
5 | Page
FICHE IDENTITE DE L’ŒUVRE
L’Orfeo de Monteverdi est une « Favola in musica » (fable en musique) en un prologue et cinq actes. Le livret, d'Alessandro Striggio, s’appuie sur le mythe d'Orphée tel qu'il est raconté dans les Métamorphoses d'Ovide et sur des passages des Georgiques de Virgile. L’œuvre est créée au Palais Ducal de Mantoue le 24 février 1607.
L’ARGUMENT EN BREF
L'action se passe dans la campagne de Thrace et dans les enfers. Piquée par un serpent le jour même de ses noces, Eurydice décède. Orphée, son mari, fou de douleur, n’accepte pas son tragique destin et décide d’aller la rechercher dans le royaume des morts. Pluton, qui règne sur les Enfers, se laisse convaincre mais pose une condition au retour d’Eurydice sur terre : lors de la remontée du monde souterrain, Orphée ne devra pas poser son regard sur son épouse. La gageure semble accessible et Orphée se réjouit d’avance. Mais, lors de la remontée un terrible doute s’empare de son esprit : Eurydice le suit-elle ? Il se retourne et perd a jamais son aimée : Eurydice disparaît définitivement. Afin d’atténuer la douleur d’Orfeo, son fils, Apollon l’invite à rejoindre le Ciel d’où il pourra contempler l’image d’Eurydice parmi les étoiles.
rôles et voix
LA MUSICA (La Musique), soprano : elle décrit les
pouvoirs d’Orfeo dans le prologue. ORFEO (Orphée), ténor : fils du Dieu Apollon et de la L’INSTRUMENTATION muse Calliope. Il est poète-musicien. EURIDICE (Eurydice), soprano : nymphe aimée Elle est très riche en timbres d’Orfeo. et se fait encore MESSAGERIA SILVIA, la messagère Silvia, soprano : représentative de l’époque elle est chargée de transmettre la nouvelle de la mort de la renaissance. d’Euridice. SPERANZA (L'Espérance), soprano : elle conduit Deux clavecins graves, deux Orfeo aux portes des enfers. contrebasses de viole, dix viole da CARONTE (Caron), basse : nocher qui fait traverser le Styx aux morts pour accéder au royaume des enfers. bracio, une harpe double, deux
PROSERPINE, soprano : épouse de Pluton. Déesse de petits violons « à la française », deux la nature et de la végétation. Sensible aux malheurs chitarrones, deux orgues à bois, trois d’Orfeo, c’est elle qui convaincra Pluton de le laisser basses de violes, quatre trombones, regagner le royaume terrestre avec Eurydice. un régale, deux cornet à bouquin, PLUTON, basse : dieu des enfers et du monde une petite flûte à bec quatre souterrain. APOLLO (Appolon), ténor : dieu du soleil et de la trompettes naturelles. lumière. Il est le père d’Orfeo. CHŒUR DES NYMPHES ET DES BERGERS CHŒUR DES ESPRITS INFERNAUX ET BACCHANTES Les chœurs forment un personnage à part entière. Comme dans les tragédies grecques, ils jouent un rôle très important et commentent l’action.
7 | Page
L’ORCHESTRE DE MONTEVERDI
L’une des plus grandes innovations de Monteverdi fut LA TABLE DES INSTRUMENTS l’importance accordée aux instruments à qui le La partition imprimée présente une table compositeur assigne des rôles spécifiques. Certes, la des instruments qu’il faut compléter par Renaissance florentine avait déjà commencé à instaurer des indications fournies au fil de l’œuvre une typologie mais le compositeur va l’étoffer et la pour connaître avec précision les renforcer. Les flûtes évoquent les bergers, les cornets et instruments requis par Monteverdi. Si l’on saqueboutes les enfers, les cordes pincées l’harmonie considère que les polyphonies sont le plus souvent écrites à cinq parties, on des sphères. peut déduire que l’Orfeo requiert un double orchestre spatialisé. Cette idée est confirmée par les didascalies qui précisent la spatialisation : opposition DEUX CORNETS A BOUQUIN droite-gauche (didascalies de l’acte V) et CANTIGAS DE SANTA opposition devant-derrière la scène MARIA : CANTIQUE 270 (mentions « de dedans » à l’acte II).
D’après L’Avant Scène Opéra, p. 22
DES INSTRUMENTS A DECOUVRIR… Une instrumentation représentative de l’époque de la renaissance.
LE REGALE Il s’agit d’un petit orgue portatif à anches battantes. Sa sonorité est nasale. Il est traditionnellement associé aux trombones et aux cornets pour les évocations infernales. Il intervient dans le troisième et quatrième acte de l’opéra.
MUSEE DES INSTRUMENTS DE MUSIQUE DE BRUXELLES
LE CHITARRONE Ce grand luth (ci-contre) est l’instrument de prédilection pour l’accompagnement de la monodie. Les chanteurs eux-mêmes s’accompagnaient tout en chantant.
LE CORNET A BOUQUIN Il est considéré comme l’instrument le plus proche de la voix humaine et affectionné par les virtuoses de la fin de la Renaissance. Au XVIIème siècle, il est le seul instrument capable de rivaliser avec la virtuosité concertante des violons. L’INTERPRETATION DE L’ORFEO DONNEE A L’OPERA DE REIMS PAR L’ACADEMIE BAROQUE EUROPEENNE D’AMBRONAY SE FERA SUR INSTRUMENTS D’EPOQUE.
8 | Page
L’ŒUVRE et sa genese
L’Orfeo de Monteverdi répond à une commande. L’opéra devait très probablement célébrer l’union du Prince Francesco Gonzaga avec Marguerite de Savoie. Cette union, pour des raisons diplomatiques, fut reportée plusieurs fois et le mariage n’eut lieu qu’en 1608. L’Orfeo fut représenté dès 1607, certainement dans la secrète intention d’impressionner la famille de Savoie.
L’ŒUVRE ET SA RECEPTION
La création de L’Orfeo eut lieu le 24 février 1607 à l’époque du Carnaval dans le Palazzo Ducale de
Mantoue. Le prince Francesco Gonzaga, « La fable a été représentée pour le commanditaire de l’œuvre, fit imprimer pour cette plus grand plaisir de chacun des occasion le livret afin que tous les spectateurs spectateurs, si bien que puissent suivre le déroulement de l’action. Le Monseigneur le Duc, qui y assistait succès fut tel que le Prince ordonna une autre comme il a assisté à plusieurs représentation pour le 1er mars, à laquelle cette fois répétitions, a ordonné qu’on la les dames de la cour furent conviées. Le créateur représente de nouveau. Il en sera du rôle de la Musica fut interprété par le célèbre fait aujourd’hui en la présence de toutes les dames de la ville. » castrat florentin Giovan Gualberto Magli, élève de 1er mars 1607 Caccini. Il chanta aussi les rôles de Proserpina et
peut-être de Speranza. Le ténor virtuose Francesco Lettre de Francesco Gonzaga, Mantoue Rasi interpréta le rôle-titre. Au castrat soprano à Ferdinando Gonzaga, Pise Girolamo Bacchini revenait l'interprétation du bref D’après L’avant-scène Opéra, p. 10 rôle d'Eurydice. Le reste de la distribution d'origine
nous reste inconnu.
Il convient de rappeler que l’Orfeo de Monteverdi n’est pas le premier opéra de l’histoire. En effet, une Dafné attribuée à Jacopo Corsi et Jacopo Peri, aujourd’hui perdue, aurait été jouée à Florence en 1598. Dans cette même ville, une Euridice d’Ottavio Rinuccini, mise en musique par Peri, fut représentée au Palazzo Pitti le 6 octobre 1600, lors des festivités accompagnant les noces d’Henri IV et Marie de Médicis.
9 | Page
les pistes d’Exploitations pedagogiques
PISTES D’ECOUTEs
LA TOCCATA
Une pièce instrumentale de caractère triomphant débute l’opéra. Ce n’est pas encore une ouverture au sens traditionnel du mot mais une pièce destinée à attirer l’attention des auditeurs. Monteverdi indique sur la partition qu'elle doit être « jouée trois fois par tout l'orchestre au début du rideau ». Elle forme une petite fanfare où dominent et claironnent les trompettes. Par le choix des instruments, elle rend hommage au pouvoir politique des Gonzague. En effet, à la fin du XVe siècle on note la présence, en Italie, d’ensembles de trompettes ou de fanfares précédant les cérémonies de couronnement. Plus généralement, les souverains italiens considéraient ces ensembles comme un symbole de leur puissance. L’écriture instrumentale est dynamique par la présence de rythmes pointés et virtuose avec de petites gammes ascendantes jouées rapidement.
CI-CONTRE : DETAIL DE LA PARTITION, EXTRAIT DE LA TOCCATA (DEBUT) CI-DESSOUS : LES TROIS PREMIERES MESURES DE LA TOCCATA DANS L’EDITION MODERNE
10 | Page
EN CLASSE
- Ecoute complémentaire : Reprise de cette Toccata au début du célèbre Vespro della Beata Vergine de Monteverdi. - En éducation musicale, on pourra travailler autour des notions de ressemblances et différences touchant le domaine de la forme, en faisant identifier les changements d’instrumentation lors des trois reprises de la toccata. - En histoire des arts, les enseignants peuvent aborder la thématique « arts, états, pouvoir ». Cette thématique permet d’étudier, dans une perspective politique et sociale, le rapport que les œuvres d’art entretiennent avec le pouvoir. Il s’agira de montrer ici comment la musique se fait ici représentative de la puissance des Gonzague. On projettera en complément le frontispice de la partition.
ACTE I, CHŒUR DES BERGERS ET DES NYMPHES « LASCIATE I MONTI »
Dans ce chœur madrigalesque à cinq parties, Monteverdi témoigne de sa science de la polyphonie héritée de la Renaissance. L’écriture est contrapuntique avec de nombreuses imitations notamment entre les sopranos I et II. L’ensemble forme un ballet chanté. Le compositeur et son librettiste restent fidèles à la conception antique du chœur où les choreutes exécutaient diverses figures de danse tout en chantant. On remarquera la présence d’une ritournelle instrumentale se divisant en deux parties identiques.
EN CLASSE
- En éducation musicale on peut aborder le domaine du « successif et du simultané » à travers les notions de : polyphonie, contrepoint, imitation. - Les élèves regarderont avec profit la vidéo de l’Orfeo sous la direction de Jordi Savall afin de comprendre les liens qui unissent musique et danse.
11 | Page
ACTE III, ORFEO « Possente Spirto »
Orfeo va ici tenter de séduire Caron par la beauté de son chant afin que le nocher accepte de le laisser passer sur l’autre rive, chose qu’il refuse jusqu’à présent de faire : « Mets un frein à ta folle audace, car sur ma barque Je n’accueillerai jamais le corps d’aucun mortel » Son chant impressionne par sa ligne vocale d’une virtuosité étourdissante avec ses notes répétées crépitantes, ses trilles et vocalises. Chacune des six stances fait entendre une instrumentation renouvelée et choisie en fonction du sens du texte. L’évocation de la « beauté » d’Eurydice qui porte en elle le « paradis » se fait, par exemple, au son céleste et cristallin des deux harpes. STANCE 1 : deux violons en échos alternent avec la voix. Ritournelle : orgue et deux violons à la tierce. STANCE 2 : deux cornets à bouquin en écho alternent avec la voix. Ritournelle : deux cornets à bouquin sur un rythme pointé. STANCE III : deux harpes et la basse continue à l’orgue. Ritournelle : deux harpes dialoguent avec l’orgue. STANCE IV : deux violons et une basse de viole. STANCE V : basse continue seule. STANCE VI : les cordes frottées imitent la lyre d’Orphée.
ORFEO ORPHEE
Possente Sprito e formidabil Nume, Puissant Esprit et Divinité redoutable Senza cui far passaggio a l’altra riva Sans l’aide de qui aucune âme séparée de son corps Alma da corpo sciolta in van presume. Espère en vain accéder à l’autre rive.
Ritornello Ritournelle
Non viv’io no, che poi di vita è priva Je ne suis pas vivant, non, car depuis que la vie s’est enfuie] Mia cara sposa, il cor non è più meco, De ma chère épouse, mon cœur n’est plus en moi, E senza cor com’esser puo ch’io viva ? Et comment pourrais-je vivre sans cœur ?
Ritornello Ritournelle
A lei volt’ho il cammin per l’aer cierco, J’ai cheminé vers elle au milieu des ténèbres, A l’Inferno non già, ch’ovunque stassi M’écartant de l’Enfer car, où qu’elle se trouve, Tanta bellezza, il Paradiso ha seco. Une semblable beauté porte en elle le paradis.
Ritornello Ritournelle
Orfeo son io, che d’Euridice i passi C’est moi Orphée qui suit les pas d’Eurydice Seguo per queste tenebrose arene, Le long de ces ténébreux rivages Ove già mai per uom mortal non vassi. Où aucun mortel n’a jamais mis les pieds.
O de le luci mie luci serene, O doux yeux de mes yeux, S’un vostro sguado puo tornarmi in vita, Puisqu’un seul de vos regards peut me rendre à la vie] Ahi chi niega il conforto a le mie pene ? Qui, hélas, refuserait un réconfort à ma douceur ?
Sol tu nobile Dio puoi darmi aita, Toi seul, noble Dieu, peux me venir en aide Né temer dei, che sopra un’aurea Cetra Et tu ne dois nourrir nulle crainte, car sur ma cithare d’or] Sol di corde soavi armo le dita Mes doigts ne sont armés que de tendres cordes Contra cui rigida alma invan s’impetra. Contre lesquelles une âme sévère se défendrait en vain.]
12 | Page
EN CLASSE - Possibilité d’étudier les liens entre texte et musique en abordant le domaine de l’espace et du timbre. On fera remarquer la diversité d’une instrumentation choisie en fonction du sens du texte (voir analyse des stances ci-dessus). - Montrer quels sont les moyens musicaux utilisés par Monteverdi afin de donner au chant d’Orphée toute sa magnificence. On utilisera le vocabulaire suivant : virtuosité vocale, ornementation, trilles, vocalise.
ACTE V, Orfeo : « Questi i campi di Tracia, e questo è i loco… » ; Eco
SITUATION DE L’EXTRAIT DANS L’OPERA Remonté des enfers et de retour dans la campagne de Thrace, Orphée exprime sa détresse dans un chant douloureux et émouvant.
ORFEO ORPHEE
Questi i campi di Tracia e questo è il loco Voici les champs de Thrace, et voici l’endroit Dove passommi il core où j’eus le cœur transpercé de douleur Per l’amara novella il moi dolore. A cause de l’amère nouvelle. … …
Ici, toute trace de virtuosité vocale a disparu dans un souci de réalisme de la part du compositeur. La mélodie est dépourvue de vocalises superflues, le ton est au recueillement. La basse continue statique, confinée dans le grave et l’absence de fioritures à la voix contribuent à l’expression d’une émotion recueillie.
La spatialisation joue ici un rôle important ; en effet l’orchestre est divisé en deux groupes distincts : « Deux orgues à tuyaux et deux
LAMENTATIONS D'ORPHEE (1896) chitarroni dialoguent dans ce chant, sonnant ALEXANDRE SEON l’un du côté gauche de la scène et l’autre du MUSEE D'ORSAY côté droit ». Le personnage de l’Echo répond à Orphée ; fonctionnant comme son double, il Durant Le peintre,sept mois Alexandre entiers Sé ilon pleura (1855 sa-1917) disgrâce:, réduit les possède une voix de ténor. En prenant les traits Sa voixélément adoucissaits de sa les composition tigres des au déserts, minimum, Son d’un personnage, le phénomène physique de Et lespaysage chênes, émus mis à s'inclinaient nu, est désolé, dans vide les airs. de toute l’écho a pour intérêt de rendre plus vivant ce végétation. L’île de Bréhat, dont il s’inspire ici, a Telle, sur un rameau, durant la nuit obscure, monologue, le ponctuant par trois fois : « Oh perdu toutes ses couleurs chatoyantes. Le bleu du larmes ! ; larmes ; malheurs ». Philomèledrapé d’Orphéeplaintive faitattendrit écho àla celui nature; de la mer dont Accuse,l’immensité en gémissant, pourrait l'oiseleur traduire lainhumain douleur sans fin Qui, duglissant héros. dans son nid une furtive main, Ravit ses tendres fruits que l'amour fit éclore, Et qu'un léger duvet ne couvrait pas encore. Pour lui plus de plaisir, plus d'hymen, plus 13 | Page d'amour. Seul, parmi les horreurs d'un sauvage séjour, Dans ces noires forêts du soleil ignorées, EN CLASSE - Mise en relation de l’extrait auditif proposé avec d’autres formes d’expressions artistiques puisant leur inspiration dans les lamentations d’Orphée, comme le tableau d’Alexandre Séon (page 13) ou encore celui de Gustave Moreau (ci-dessous). L’étude du poème de jacques Delille peut compléter ce panel :
« Les sommets déserts des monts Hyperborées Il pleurait Eurydice, et, plein de ses regrets,
Reprochait à Pluton ses perfides bienfaits.
En vain mille beautés s'efforçaient de lui plaire; Il dédaigna leurs feux, et leur main sanguinaire, La nuit, à la faveur des mystères sacrés, Dispersa dans les champs ses membres déchirés. L'Hèbre roula sa tête encor toute sanglante: Là, sa langue glacée et sa voix expirante,
Jusqu'au dernier soupir formant un faible son,
D'Eurydice, en flottant, murmurait le doux nom: Eurydice! ô douleur !... touchés de son supplice, Les échos répétaient : Eurydice! Eurydice! »
Abbé Jacques DELILLE (1738-1813)
Gustave Moreau (1826-1898)
"Orphée sur la tombe d'Eurydice est réalisé après la mort d'Alexandrine Dureaux, son "unique amie", en 1890. Cet Orphée est la figure de celui qui perd celle qu'il aime, celui qui perd sa vie. Gustave Moreau écrivit à propos de ce tableau :"L'âme est seule, elle a perdu tout ce qui était la splendeur, la force et la douceur, elle pleure sur elle-même, dans cet abandon de tout, dans sa solitude inconsolée. Le silence est partout, la lune apparaît au-dessus de l'édicule et de l'étang sacré, clos de murs. Seules les gouttes de rosée, tombant des fleurs d'eau, font leur bruit régulier et discret, ce bruit plein de mélancolie et de douceur, ce bruit de vie dans ce silence de mort.". A noter, un édicule est un petit temple.
ORPHEE SUR LA TOMBE D'EURYDICE GUSTAVE MOREAU
14 | Page
- Travail autour de la notion de spatialisation du son et de l’écho. Le professeur pourra, dans ce cadre, faire écouter en complément :
1) JEAN-BAPTISTE LULLY (1632-1687) : dans le prologue d’Alceste , le chœur des naïades et des divinités champêtres, « que tout retentisse ».
2) GIOVANNI GABRIELI (1557 ? -1612) : il utilisa la particularité de la disposition de la basilique San Marco de Venise, avec ses deux loges pour les chœurs se faisant face, pour créer de saisissants effets spatiaux. Plusieurs de ses pièces, comme la Canzon per sonar primi toni a 8 in due cori, sont ainsi écrites de façon à ce que l'on entende d'abord un chœur sur la gauche avant que le chœur situé à droite ne réponde.
ORPHEE RAMENANT EURYDICE DES ENFERS JEAN-BAPTISTE COROT (1861) MUSEUM OF THE FINE ARTS, HOUSTON.
15 | Page
LE MYTHE D’ORPHEE DANS LA LITTERATURE
Orphée est un personnage extrêmement connu qui a traversé le temps sous la plume de différents auteurs, de l’antiquité à nos jours. Ce mythe est étroitement lié à l'histoire de la musique. A l'origine, la musique est un art pratiqué par les dieux. Orphée est l'un des rares mortels à les égaler dans ce domaine.