Cahiers De Sambre Et Meuse
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Revue trimestrielle, BELGIQUE - BELGIE 85e année 5000 NAMUR 1 N° 4/2009 P. P. 4 1450 octobre, novembre, N° d’agrément : P 801 243 décembre Société royale SAMBRE ET MEUSE (A.S.B.L.) CAHIERS DE Siège social : avenue Gouverneur SAMBRE ET MEUSE Bovesse, 24 bte 12 5100 Namur (Jambes) www.sambreetmeuse.org Le Guetteur Wallon Éditeur responsable : Fr. Jacquet-Ladrier Warnant et Huy pendant la Grande Guerre. Souvenirs Société royale SAMBRE ET MEUSE A.S.B.L. Siège social : av. Gouv. Bovesse, 24 bte 12, 5100 Jambes (Namur) Arrondissement judiciaire de Namur http://www.sambreetmeuse.org CONSEIL D’ADMINISTRATION : Présidente : Mme Françoise Jacquet-Ladrier av. Gouv. Bovesse, 24 bte 12, 5100 Jambes - 081 / 46 05 42 Vice-président : M. Alain Falise rue Piret-Pauchet 15, 5000 Namur - 081 / 22 09 70 Secrétaire : Mme Anne Mirasola-Mossiat rue des Trois Piliers 104, 5002 Saint-Servais - 081 / 73 24 07 Trésorière : Mme Marie-Claire Offermans rue du Progrès 12, 5000 Namur - 081 / 73 86 56 Membres : Mmes O. Maréchal-Pelouse, A. Liétart, M. Arickx-George, M. Mercier-Lecharlier MM. C. Istasse, J. Lambert, O. Martinelle, L. Michaux, Th. Naniot, M. Ronvaux Les articles publiés n’engagent que leurs auteurs. Le directeur de la revue a essayé de contacter les ayants droit au copyright des illustrations. Néanmoins, si l’un d’eux constatait que des illustrations ont été publiées à son insu, qu’il veuille bien prendre contact avec lui. Toute reproduction d’un article ou d’un extrait d’article, par quelque procédé que ce soit, est strictement interdite, sauf autorisation préalable de l’éditeur. Cotisation annuelle : 20 € Compte : 068-2009608-86 de Sambre et Meuse a.s.b.l. - 5100 Namur IBAN : BE78 0682 0096 0886 - BIC : GKCCBEBB Cahiers de Sambre et Meuse SOMMAIRE n° 2009-4 Fausse clef, passepartout, crochet et rossignol. Le crochetage de serrures dans l’ordonnance du Magistrat de Namur du 24 février 1775 Carole LEDENT p. 142 « Notre brave coquin d’empereur ». Deux placards séditieux affichés à Namur en août 1809 Cédric ISTASSE p. 149 La Grande Guerre en provinces de Namur et de Liège. Souvenirs d’un « gavroche » de Warnant Maurice JEANJOT (éd. par Cédric ISTASSE) p. 153 Une curiosité : un cataclysme à Namur en 1833 ? Marc RONVAUX p. 178 Bibliographie namuroise (comté et province de Namur, département de Sambre-et-Meuse) : Mémoires de licence/maîtrise Cédric ISTASSE p. 179 COUVERTURE Page 1 : Mémoires de Maurice Jeanjot, détail du manuscrit. Page 4 : Détail d’une carte militaire anglaise, Belgium, Namur 8, War Office, déc. 1910 (collection privée). 141 Fausse clef, passepartout, crochet et rossignol. Le crochetage de serrures dans l’ordonnance du Magistrat de Namur du 24 février 1775 Le document édité ci-après interdit la possession de crochets, rossignols et autres instruments propres à entrer par effraction dans les demeures. Une seule exception est faite pour les fèvres, orfèvres et serruriers, sous certaines conditions, notamment de ne jamais fabriquer de clé sur base de dessins de clients, tracés sur des cartons 1 ou modelés en cire, terre et plomb. Le crochetage de serrures, visé en fin de compte par ce document, peut sembler d’une importance toute relative mais au-delà des mots, c’est une réalité bien plus large qui s’offre à nous : la répression de la criminalité dans les Pays-Bas autrichiens à la fin du XVIIIe siècle 2. La clé, petit objet du quotidien, devient symbole de « l’aspiration grandissante à la propriété individuelle et à la sécurité 3 ». La violation du domicile s’intègre en effet dans la criminalité contre les biens mais aussi dans la criminalité contre les personnes 4. Le caractère rudimentaire des fermetures d’alors est un incitant à l’effraction, méthode criminelle répandue dans la société d’Ancien Régime 5. L’importance des peines citées dans notre ordonnance (amendes de 10 à 50 florins, prison pendant six semaines et même bannissement d’une durée de cinq ans) ne peut que confirmer la manifeste attention à accorder et accordée au sujet. Quelques années à peine après la date de rédaction de cette ordonnance du Magistrat, la Révolution française éclate. La Déclaration des droits de l’homme et du citoyen place la propriété et la sûreté au rang des droits naturels et imprescriptibles de l’homme 6. Le Code pénal de 1791 stipule en outre que le vol commis à force ouverte 7 et par violence envers les personnes sera puni de ______________________ 1. Cfr, par exemple, le document iconographique reproduit en annexe (modèle de clé en papier cartonné). 2. Comme en témoigne l’introduction de C. DOUXCHAMPS-LEFÈVRE, Inventaire analytique des informations judi- ciaires du Conseil de Namur, 1504-1794, Bruxelles, 1984, p. 14 (Archives de l’État à Namur, Inventaires, 45). 3. B. WODON, S. BRESSERS et J. LAMBERT, Serrureries et ferronnerie du Moyen Âge à nos jours, Namur, 1994, p. 33 (Musée des arts anciens du Namurois, 7). 4. À Nivelles, au XVIIIe siècle, les violations de domicile s’accompagnent toujours de coups et blessures. Souvent, après avoir brisé les fenêtres d’une habitation, « les assaillants réclament à boire ou veulent donner la séré- nade » (M.-S. DUPONT-BOUCHAT, Criminalité et mentalité à Nivelles au XVIIIe siècle, dans L. D’ARRAS D’AU- DRECY, M. DORBAN et M.-S. DUPONT-BOUCHAT, La criminalité en Wallonie sous l’Ancien Régime : trois essais, Louvain, 1976, p. 125 et 140 (Travaux de la Faculté de philosophie et lettres de l’Université de Louvain, XVII, section Histoire, II)). 5. N. CASTAN, Les criminels de Languedoc. Les exigences d’ordre et les voies du ressentiment dans une société pré- révolutionnaire (1750-1790), Toulouse, 1980, p. 221 (Publications de l’université de Toulouse-le-Mirail, sér. A, 47). 6. Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, adoptée le 26 août 1789. 7. En employant la force, la violence, par une violence manifeste (Dictionnaire de l’Académie française, t. 1, Paris, 1835, p. 781). 142 18 années de fers 8, si le coupable s’est introduit dans l’intérieur de la maison ou du logement où il a commis le crime, à l’aide d’effraction faite par lui- même, ou par ses complices, aux portes et aux clôtures, soit de ladite maison, soit audit logement, ou à l’aide de fausses clefs 9. Mais si notre ordonnance émane de ce contexte particulier, n’oublions pas qu’elle s’inscrit aussi dans l’éternelle lutte contre le vol et ses méthodes. Approchons-nous de l’archive administrative elle-même. Il s’agit vraisemblablement de l’état préparatoire d’un placard, affiché dans la cité namuroise 10. L’auteur, officiel et intellectuel, est le Magistrat de Namur qui, dans l’exercice de ses fonctions, établit un règlement de police. Quant à l’auteur matériel, dont le paraphe reste un mystère, une hypothèse peut être formulée. Les lettres « Mar » – celles en exposant étant une abréviation de « vidit » pour signifier que le signataire a vu et contrôlé le document – pourraient être le début du nom « Marotte », échevin faisant fonction en 1775 11. Notons que le filigrane « SB » présent sur notre document fait sans doute allusion à l’imprimerie de Simon Bivort, ouverte en 1750 à Saint-Servais 12. Clé de tabernacle de l’église Saint-Joseph à Namur, en argent poinçonné. XVIIe siècle, postérieur à 1627. Musée des Arts anciens du Namurois, Namur ______________________ 8. Les condamnés à la peine des fers, seront employés à des travaux forcés au profit de l’État, soit dans l’intérieur des maisons de force, soit dans les ports et arsenaux, soit pour l’extraction des mines, soit pour le dessèchement des marais, soit enfin pour tous autres ouvrages pénibles, qui, sur la demande des départements, pourront être déterminés par le corps législatif (Code pénal du 25 septembre 1791, 1re partie, titre 1er, art. 6). 9. Code pénal du 25 septembre 1791, 2e partie, titre 2, section 2, art. 3 10. Dont le résumé a été publié : « 1775, 24 février. Le Magistrat de Namur interdit l’usage et la fabrication de fausses clefs, passe-partout, crochets et rossignols, sauf par ceux qui font partie du métier des fèvres. Placard imprimé, liasse n° 51, Archives communales, aux Archives de l’État, à Namur » (D.D. BROUWERS, Cartulaire de Namur, t. 4 : 1692-1792, Namur, 1924, p. 293). 11. Jean-Claude-Adrien de Marotte est échevin en 1772, mayeur le 24 décembre 1789 jusqu’en 1791, membre de l’État noble et décède en 1809 (H. DE RADIGUÈS DE CHENNEVIÈRE, Les échevins de Namur, dans Annales de la Société archéologique de Namur, t. 25, 1905, p. 421). 12. F. DEL MARMOL, Dictionnaire des filigranes classés en groupe alphabétique et chronologique, Namur, 1900, p. XI. 143 ÉDITION DU TEXTE Interdiction par le Magistrat de Namur de posséder et de fabriquer des fausses clés ou autres outils servant à entrer dans des maisons par effraction sauf pour les membres du métier des fèvres, sous certaines conditions. du 24 février 1775 ORIGINAL (en minute ou brouillon) : ARCHIVES DE L’ÉTAT À NAMUR, Ville de Namur, liasse n° 51 (ancienne cote n°68) : Édits et décrets émanant du Magistrat, 1597-1787. Nous les maieur 1 et échevins 2 de la ville de Namur, etant informés que des malintentionés auroient nuitamment 3 fait des efforts pour ouvrir portes avec crochets et considerant que rien ne peut faciliter d’avantage ces sortes d’excès coupables, que la liberté indefinie et trop dangereuse à un chacun d’avoir crochets, fausses clefs et autres instruments egalement propres à violer et troubler en meme tems la confiance que l’on a droit de se promettre dans ses maisons fermées, nous avons trouvé qu’il importoit grandement à la sureté publique d’y pourvoir à quel effet du seu 4, aveu 5 et consentement de messeigneurs les gouverneur 6, president 7 et gens du Conseil provincial 8 de Sa Majesté l’impératrice 9, douairière 10 et reine apostolique 11 etablit en cette ville, nous avons reglé, ordonné et statué, reglons, ordonnons et statuons les points et articles suivans.