Journal de la Société des américanistes

101-1 et 2 | 2015 tomes 101, n° 1 et 2

Édition électronique URL : http://journals.openedition.org/jsa/14195 DOI : 10.4000/jsa.14195 ISSN : 1957-7842

Éditeur Société des américanistes

Édition imprimée Date de publication : 31 décembre 2015 ISSN : 0037-9174

Référence électronique Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015, « tomes 101, n° 1 et 2 » [En ligne], mis en ligne le 15 mars 2016, consulté le 23 septembre 2020. URL : http://journals.openedition.org/jsa/ 14195 ; DOI : https://doi.org/10.4000/jsa.14195

Ce document a été généré automatiquement le 23 septembre 2020.

© Société des Américanistes 1

SOMMAIRE

Edito

Une nouvelle équipe à la direction du Journal de la société des américanistes Le Président

Articles

Formas de sacralizar a la figura real entre los mayas Daniel Salazar Lama

La première maison d’Amazonie. Le Formatif dans la province de Pastaza, Équateur Stéphen Rostain et Geoffroy de Saulieu

La préhistoire des basses terres de l’Est de l’Uruguay et du Sud du Brésil José M. López Mazz

Identifications totémiques : réflexions sur la relation entre humains et entités surnaturelles chez les Salish centraux de la côte Baptiste Gille

Los excesos del mono: salvajismo, transgresión y deshumanización en el pensamiento nahua del siglo XVI Jaime Echeverría García

Barbarie en plural: percepciones del indígena en el auge cauchero boliviano Lorena I. Córdoba

Las músicas amerindias del argentino entre la hibridación y la exotización Silvia Citro et Soledad Torres Agüero

Notes de recherche

Du « temps des patrons » au « temps des droits » : conflits interethniques et transformations politiques chez les Ashaninka d’Amazonie brésilienne José Pimenta

Chronologie mochica : une nouvelle synthèse Nino Del Solar, Rémy Chapoulie et Luis Jaime Castillo

Nécrologie

Michel Graulich (1944-2015) Guilhem Olivier

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 2

Comptes rendus

MÉTRAUX Alfred, La religion des Tupinamba et ses rapports avec celle des autres tribus tupi-guarani | MÉTRAUX Alfred, Écrits d’Amazonie. Cosmologies, rituels, guerre et chamanisme PUF, Paris, 2014 | CNRS Éditions, Paris, 2013 Élise Capredon et Florent Kohler

GARCÍA JORDÁN Pilar (éd.), Para una crónica de Guarayos Instituto Latinoamericano de Misionología/Itinerarios Editorial, Cochabamba, 2014 Diego Villar

PERRIN Michel, Visions huichol. Un art amérindien du Mexique Éditions d’art Somogy, Paris, 2014 Yann Hutin

LECOQ Patrice, Nouveau regard sur Choqek’iraw (Choque Quirao) : un site inca au cœur de la cordillère de Vilcabamba au Pérou Archeopress, Oxford, 2014 Laurent Segalini

ITIER César, Viracocha o el océano, naturaleza y funciones de una divinidad inca Instituto Francés de Estudios Andinos/Instituto de Estudios Peruanos, Lima, 2013 Pablo F. Sendón

BESSIRE Lucas, Behold the black caiman. A chronicle of life The University of Chicago Press, Chicago/Londres, 2014 Alfonso Otaegui

VAN VALEN Gary, Indigenous agency in the Amazon. The Mojos in liberal and rubber- boom , 1842-1932 University of Arizona Press, Tucson, 2013 David Jabin

TALADOIRE Éric, D’Amérique en Europe. Quand les Indiens découvraient l’Ancien Monde (1493-1892) CNRS, Paris, 2014 María Agustina Morando

YAYA Isabel, The two faces of Inca history: dualism in the narratives and cosmology of ancient Cuzco Brill, Leiden, 2012 Pablo F. Sendón

GOLTE Jürgen y Doris LEÓN GABRIEL, : discursos, prácticas y símbolos de un « liberalismo aymara altiplánico » entre la población de origen migrante en Lima Instituto de Estudios Peruanos/Centro de Estudios Regionales Andinos « Bartolomé de las Casas »/Universidad Nacional de Juliaca, Lima, 2014 Pablo F. Sendón

GARCÍA JORDÁN Pilar, El Estado propone, los carai disponen y los guarayos devienen ciudadanos. El impacto de la secularización en Guarayos, 1939-1953 ILAMIS/Editorial Itinerarios/Adveniat für die Menscher in Lateinamerika/Centro de Investigaciones Históricas y Antropológicas, Cochabamba, 2015 Anna Guiteras Mombiola

AQUINO MORESCHI Alejandra, Des luttes indiennes au rêve américain. Migrations de jeunes zapatistes aux États-Unis Presses universitaires de Rennes, Rennes, 2013 Stefan Le Courant

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 3

DETER-WOLF Aaron and Carol DIAZ-GRANADOS (éd.), Drawing with great needles. Ancient tattoo traditions of North America University of Texas Press, Austin, 2013 Sébastien Galliot

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 4

Edito

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 5

Une nouvelle équipe à la direction du Journal de la société des américanistes

Le Président

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 6

1 Périodiquement, depuis sa création en 1896, le Journal de la société des américanistes (JSA) voit une équipe de direction passer le relais à la suivante. Bienvenue à Olivier Allard et Pierre Deléage, qui ont accepté depuis le début de l’année de reprendre en tandem les fonctions de directeurs de la rédaction de la revue. Ces deux jeunes ethnologues mettent ainsi en commun leur expérience du travail scientifique au service de la communauté américaniste. En regardant l’ours de la revue décennie après décennie, on ne peut que s’émerveiller de voir les forces vives de chaque génération reprendre la tâche avec compétence et enthousiasme pour faire vivre à travers notre revue ce qui est peut-être la meilleure illustration de ce qui fait une institution : un collectif dont les membres changent au fil du temps, mais dont les valeurs et les exigences demeurent identiques.

2 Profitons de l’occasion pour rappeler tout ce que nous devons à l’équipe qui vient de quitter le devant de la scène tout en continuant à prêter main-forte dans les coulisses. Dominique Michelet, d’abord, qui s’est consacré au JSA pendant près d’un quart de siècle, avec la rigueur scientifique, la détermination sans faille, l’immense érudition et le sens des responsabilités collectives qu’on lui connaît. On lui saura gré d’avoir fait vivre la revue dans des circonstances qui ne furent pas toujours faciles, en raison notamment du désengagement partiel des autorités de tutelle. Alain Breton l’a accompagné comme rédacteur adjoint depuis 2002, mais en réalité depuis bien plus longtemps car notre collègue dont on sait le goût qu’il a pour la belle ouvrage en matière d’édition joue un rôle central dans la revue depuis des années. On peut en dire autant d’Isabelle Daillant dont l’esprit analytique incisif et le respect qu’elle éprouve pour l’expression juste, quelle que soit la langue, n’ont cessé de faire merveille. Qu’ils soient tout trois chaleureusement remerciés pour leur dévouement et pour le labeur accompli au service commun de notre passion : la recherche scientifique sur les Amériques.

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 7

Articles

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 8

Formas de sacralizar a la figura real entre los mayas How the Maya sacralised the image of the king Des manières de sacraliser l’image du roi chez les Mayas

Daniel Salazar Lama

NOTA DEL EDITOR

Manuscrit reçu en septembre 2013, accepté pour publication en avril 2015.

Agradezco principalmente a Dominique Michelet por alentarme a escribir este texto a partir de la ponencia presentada en el IX Congreso Internacional de Mayistas, en la ciudad de , México; así como por sus comentarios y sugerencias. Reconozco también la enorme ayuda y los consejos de Luz Evelia Campaña, Ana García Barrios, Rogelio Valencia Rivera y Hugo García Capistrán; a todos ellos y a los dictaminadores anónimos de este artículo, gracias por ayudarme a perfeccionarlo. Agradezco a Francisco Estrada-Belli por compartir las fotografías y los dibujos del friso de , así como a Alexandre Tokovinine por su dibujo del mascarón de la Estructura B-1, también de Holmul.

Introducción

1 El objeto de estudio de la presente investigación es la escultura integrada en la arquitectura de las Tierras Bajas mayas, principalmente la de los períodos Preclásico tardío (400 a.C.-250 d.C.) y Clásico temprano (250-600 d.C.), sobre la cual se realizará un análisis iconográfico enfocado en las representaciones de los gobernantes y demás miembros de la realeza. Se definirá como escultura integrada en la arquitectura (EIA) a todos los programas escultóricos incorporados a una composición arquitectónica1. Para las épocas contempladas, las formas más comunes son los mascarones en la sección frontal de los cuerpos escalonados de los basamentos piramidales, las cresterías y los frisos esculpidos o modelados, y los bajorrelieves de estuco. En la mayoría de los casos

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 9

estos programas escultóricos son de carácter público, ubicados en las fachadas exteriores de los edificios, de frente a grandes plazas públicas y generalmente a una altura más o menos considerable, lo que favorece su visibilidad a pesar de la distancia.

2 Muchos estudios enfocados en la EIA del Preclásico coinciden en señalar que son cinco las entidades divinas que se representan con mayor frecuencia: K’inich, el dios solar; el dios del maíz; la Deidad Ave Principal (llamada también Gran Ave Celestial); Chaahk, el dios de la lluvia y la montaña zoomorfa (Figura 1)2. Investigadores como Stone y Zender (2011, p. 123) y Stuart (citado en Houston 2004, p. 303) han sugerido que algunos de los mascarones del Preclásico podrían ser antropónimos reales monumentales. Como lo menciona Houston (ibid.), muchos de los elementos clave de estas imágenes se han perdido, lo que impide cualquier tipo de « lectura ». Además, algunos de sus elementos iconográficos componentes conforman un acervo iconográfico común en varios retratos de deidades, lo que invalida la idea de que sean signos con una lectura fonética que responda a un nombre en particular. Coincido con Sanz Castro (1998a), Houston (2004) y Carrasco (2005) en considerar estos programas escultóricos del Preclásico como representaciones de espacios geo-míticos y de sus habitantes sobrehumanos.

Fig. 1 – a. Mascarón del dios K’inich. Estructura 5C-2nd de ; basado en dibujo de L. Schele, en Freidel y Schele (1988b); b. Mascarón del dios del maíz. Subestructura IIC-2, ; basado en fotografía del autor; c. Mascarón de la Deidad Ave Principal, Estructura 1, Nakbé; basado en boceto reconstructivo de T. W. Rutledge, en Hansen (1992); d. Chaahk, friso de la Subestructura IIC, Calakmul. Dibujo de S. Martin, tomado de García Barrios (2009); e. Mascarón de la montaña zoomorfa con un dios viejo emergiendo de sus fauces, Estructura B-1 de Holmul; basado en dibujo previo de A. Tokovinine, cortesía del autor. Dibujos a, b, c y e de Daniel Salazar.

3 A diferencia de estos seres y criaturas que presentan rostros con rasgos no humanos bastante acentuados o rostros enteramente zoomorfos, algunos de los protagonistas de la EIA del Clásico temprano tienen rasgos fisonómicos completamente humanos, o una fusión de estos y características formales de los dioses (Figura 2). Esta particularidad de la EIA del Clásico sumada al complejo iconográfico relacionado con el poder político y en algunos casos junto a jeroglíficos nominales que aluden a gobernantes registrados en

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 10

las inscripciones, sugiere que desde el comienzo de la época clásica la EIA experimentó una reorientación temática y pasó gradualmente a enfocarse en los miembros de la realeza, principalmente los gobernantes.

Fig. 2 – a. Mascarón de Estructura N9-56, . Fotografía tomada de Segovia Pinto (1981); b. Mascarón de la Estructura Kabul, . Fotografía de D. Charnay (1863), publicada en www.amphilsoc.org; c. Friso de Placeres (detalle). Fotografía de Daniel Salazar; d. Mascarón « Ajaw », Estructura 5D-23-2nd, . Dibujo reconstructivo de W. Coe, tomado de Valdés (1991).

4 Al respecto, es preciso retomar el señalamiento hecho por Juan Antonio Valdés en su estudio sobre los mascarones del Grupo 6C-XVI de Tikal: Los cambios sociopolíticos que en las tierras bajas dieron inicio al periodo clásico, se reflejan también en los mascarones asociados a la arquitectura del momento, comenzando a desaparecer la utilización de complejos motivos sobrenaturales, para dar paso a una nueva forma de estilo en el uso de las grandes máscaras, en donde vino a generalizarse el proceso de divinización de los gobernantes como elemento central de la figura. (Valdés 1991, p. 141)

5 Un claro indicador de la dimensión y el estatus de los gobernantes del periodo Clásico (250-900 d.C.) es el título K’uhul Ajaw, « Señor Sagrado ». David Stuart (2005, p. 265) sugiere que el adjetivo k’uhul define a los gobernantes como encarnaciones o conductos de lo sagrado, mientras el término k’uh hace referencia a los dioses y entes divinos del cosmos (ver Houston y Stuart 1996, p. 295; Stuart et al. 1999, p. 138-142). Por su parte, Alfredo López Austin (1994 [2000], p. 35) ha planteado que entre los mexicas, así como a nivel mesoamericano en general, el ser humano « […] era imaginado como un compuesto en el que intervenían varias entidades anímicas de funciones particulares, naturalezas distintas y diferentes orígenes ». Así, el cuerpo podía alojar circunstancialmente multitud de energías y fuerzas naturales, aunque solamente los gobernantes y los personajes más sobresalientes de las élites tenían la capacidad de albergar a – o ser poseídos por – entidades divinas. En concordancia con esta idea, algunas escenas del Clásico muestran a los miembros de la realeza en eventos de personificación, adquiriendo ciertos atributos y rasgos de la identidad de los dioses en

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 11

un proceso de concurrencia entre un agente humano y una entidad sobrenatural o un dios (ver Houston et al. 2006, p. 270-271; Knub et al. 2009; Velásquez García 2010a).

6 Por otra parte, para los mayas del Clásico, al igual que para muchas culturas mesoamericanas, la naturaleza de los dioses es mutable; tienen la capacidad de pasar del anecúmeno al ecúmeno y adaptarse a las reglas de cada ámbito3; pueden fusionarse en un mismo ser o separarse (fisión) en entes distintos, respondiendo a aspectos particulares de su personalidad (Martin 2006a; Valencia Rivera 2013). Se trata de los seres que originalmente imprimieron forma y dinamismo al cosmos a través de actos cosmogónicos y hazañas heroicas (López Austin 1990 [2006], Cap. 10-12). No por esto los dioses fueron concebidos como seres abstractos, remotos y opuestos a la naturaleza humana: en cierta medida compartían algunos aspectos del desarrollo cíclico del hombre; nacieron en un tiempo determinado, necesitaban sustento y eventualmente podían morir, como los astros, la vida natural y los seres humanos. Su aspecto, en muchos casos distinto del de los hombres, es un compendio de atributos formales con contenidos simbólicos relativos a sus capacidades sobrehumanas4.

7 Regresando a la EIA del Clásico temprano, la consolidación del cambio temático señalado por Valdés (1991), Sanz Castro (1998a, p. 107) y Freidel y Schele (1988a), se da con la progresiva aparición de la imagen de personajes humanos (gobernantes) ocupando el lugar de los dioses. En torno a estos retratos se colocaron de forma recurrente elementos iconográficos y arreglos compositivos y arquitectónicos que logran configurar, gracias a su consistencia y repetitividad a lo largo del período, un modelo o patrón de representación.

8 La finalidad de este trabajo es identificar y analizar dicho patrón, tomándolo como una serie de recursos gráficos, compositivos y espaciales empleados en la construcción de la imagen de los gobernantes en la EIA; recursos que llamaremos « formas de representación ». Como parte del análisis se buscarán los valores simbólicos contenidos en estas formas de representación y la manera en la que significan a la figura real; consecuentemente, se indagará acerca de las posibles implicaciones ideológicas que tuvo el patrón para la sociedad maya en general.

9 El estudio se realizará tomando como base siete formas de representación.

Forma 1. La ubicación del retrato de los gobernantes en fachadas arquitectónicas monumentales

10 Durante el Clásico temprano la imagen de gobernantes y antepasados reales como protagonistas en las escenas de los frisos y mascarones vino a ocupar los espacios arquitectónicos destinados en el periodo anterior a temas y seres sobrenaturales. Esta continuidad en el uso de espacios compositivos dentro de la arquitectura sugiere una recurrencia en la necesidad de significar el lugar y el entorno construido a través de programas iconográficos de carácter público. Durante el Preclásico, la presencia de deidades y seres sobrenaturales en la EIA denota la preocupación por replicar a escala humana la estructura y la dinámica del cosmos. Para el Clásico temprano, en cambio, la imagen de la figura real determina la función de los recintos como lugares de culto y rememoración de los antepasados o como sedes del poder (Figura 3a).

11 Para el Preclásico tardío es viable pensar que los gobernantes se integraban presencialmente a las estructuras cosmológicas recreadas en la arquitectura

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 12

ceremonial, como el edificio 5C-2nd de Cerros (Freidel y Schele 1988b) o los Conjuntos Tipo E (Figura 3b). Esto les permitía adquirir ante el pueblo el poder de controlar el tiempo, las lluvias, las cosechas y demás fenómenos naturales (García Capistrán 2013). En la EIA de estos períodos los retratos de gobernantes como protagonistas de las escenas son escasos5.

Fig. 3 – a. Palacio I-A Sub y su friso, Balamkú (Clásico temprano). Dibujo de Daniel Salazar, tomado de Salazar Lama (2014); b. Dibujo reconstructivo e interpretativo de la Estructura E-VII, Uaxactún (Preclásico tardío). Dibujo de T. Proskouriakoff. Tomado de Proskouriakoff (2002).

Forma 2. El uso de un lenguaje corporal y gestual hierático y rasgos fisonómicos estilizados

12 El lenguaje corporal de los gobernantes en la EIA constituye un código visual que establece la jerarquía de los personajes y la naturaleza de los individuos retratados. Los ejemplos de EIA de cuerpo completo conservados muestran un alto nivel de estandarización en la postura y el lenguaje gestual empleado. El friso del palacio 1-A Sub de Balamkú (550 d.C. aprox.) conserva hoy día la representación de dos gobernantes sentados con las piernas cruzadas y los brazos y las manos sobre el pecho, con gesto de sostener una barra ceremonial (Figuras 4a y b); el personaje del mascarón de la Plataforma 2 de Toniná (450-600 d.C.) y los del friso del Edificio A, Grupo II de Holmul (600 d.C.) (Figuras 14d y 4c) tienen las manos apoyadas sobre las piernas dobladas, y en el relieve de Tutil II en Dzibanché (550 d.C. aprox.) el protagonista sostiene con los brazos dos antorchas en posición diagonal (ver Velásquez García 2011, Fig. 5a y b).

13 Elizabeth Benson (1974, p. 111) opina que la postura de las piernas cruzadas es una posible herencia de las esculturas olmecas del Preclásico temprano y medio, adoptada

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 13

por individuos emblemáticos en el arte maya y utilizada para indicar autoridad y alto rango. La posición frontal del cuerpo y del rostro es, según Erik Velásquez García (2011, p. 422-423, 427), una pose estática desarrollada en torno a la figura de los gobernantes, empleada para denotar grandeza y majestuosidad, lo atemporal y lo arquetípico6.

Fig. 4 – a. Personaje 2, Friso de Balamkú; b. Personaje 3, Friso de Balamkú; c. Personaje central del friso del Edificio A, Grupo 2, Holmul; basado en dibujo previo de A. Tokovinine. Cortesía de Francisco Estrada-Belli. Todos los dibujos por Daniel Salazar.

14 Este código del lenguaje corporal del Clásico temprano está acompañado de rasgos fisonómicos estandarizados y sumamente esquemáticos (Figura 2)7. Dentro del corpus de mascarones de este período el aspecto de los gobernantes es en gran medida similar, alejándose de una intención retratista y respondiendo a un ideal del rostro del gobernante (comparar Figuras 2a y 2b). Presentan algunas facciones atenuadas de la deidad del maíz, como el labio superior ligeramente prominente y los ojos rasgados. Estos rasgos del dios del maíz del Clásico (Figura 5), imagen por excelencia de un dios joven y bello (Taube 1985; Bassie-Sweet 2002), se originan en el arte olmeca y se acentúan en la época preclásica maya (Figuras 1b y 9a)8.

Fig. 5 – Dioses del maíz en el arte maya: a. Dios del maíz en el Mural Norte de la Estructura 1-A Sub de , Preclásico tardío (detalle). Dibujo de H. Hurst. Tomado de Saturno et al. (2005); b. Vaso inciso de Tikal. Dibujo de L. Schele, tomado de Taube (1996); c. Dios del maíz del Clásico temprano. Dibujo de K. Taube, tomado de Taube (1996); d. Dios del maíz del Clásico temprano en un platón de Calakmul (detalle). Dibujo de Daniel Salazar, basado en fotografía del autor. Todos los ejemplos son del Clásico temprano, excepto a.

15 Es necesario hacer énfasis en la importancia que se le da al rostro y a la cabeza en la EIA del Clásico temprano. Concuerdo con Houston y Stuart (1998, p. 83) y con López Austin (2012, p. 197-220), quienes proponen que en el pensamiento maya y mesoamericano en general estas partes del cuerpo son vistas como la manifestación esencial del ser, la

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 14

personalidad y la identidad. Sugiero que a través de los rasgos fisonómicos y de los elementos iconográficos alrededor del rostro en los retratos monumentales de gobernantes, se despliega una gama de recursos que evidencian y señalan de forma tangible las características y los detalles que individualizan a estos seres como personas, revelando su naturaleza y sus atributos.

Forma 3. La utilización de componentes del atavío de los dioses y símbolos del poder real

16 Para su análisis, estos componentes serán separados de la siguiente manera: « atavío de rostro », elementos de vestimenta y accesorios asociados al poder político.

17 En el caso de los mascarones, el arreglo compositivo estandarizado de elementos alrededor del rostro y de la cabeza será referido como « atavío de rostro » (Figura 6). Durante el Clásico temprano un arreglo similar también forma parte de la imagen de algunos dioses representados en la EIA y en los incensarios efigie de las fases cerámicas Tzakol I-III del Petén Central (Figura 7; Hellmuth 1987). Para el Preclásico, las primeras versiones del atavío de rostro son menos complejas, y acompañan los retratos de dioses como K’inich y Chaahk.

Fig. 6 – Atavío de rostro seccionado. Mascarón central del friso de Placeres. Dibujo de Daniel Salazar.

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 15

Fig. 7 – a. Mascarón de Chaahk, friso del Templo del Sol Nocturno, ; basado en Houston et al. (2012); b. Mascarón de K’inich, friso del Templo del Sol Nocturno, El Zotz; basado en secuencia de imágenes presentadas en el video: http://video.nationalgeographic.com/video/news/ -maya-sun-god-vin; c. Incensario efigie del dios GI. Tomado de Hellmuth 1987. Dibujos a y b de Daniel Salazar.

18 De forma general, en la EIA del Clásico temprano es común encontrar que el rostro de los gobernantes está rodeado de una hilera de cuentas de jade y, a veces, todo el atavío de rostro dentro de un marco de plumas. La combinación de ambos elementos se ve en los rostros de los frisos de Placeres y del edificio Pimiento en Xultún (450-600 y 250-378 d.C. respectivamente) (Figuras 8A y B), en los incensarios efigie del dios GI del Petén central (Figura 7C) y en el mascarón de K’inich en la Subestructura Azul, en la Acrópolis de Copán9. El jade y las plumas, por ser objetos preciosos y de prestigio, se asocian al poder real, al estatus y a un ideal de riqueza. Por el lazo simbólico entre el jade, el maíz y la fertilidad (Taube 2005), el uso de cuentas como joyas indica atributos compartidos entre soberanos y dioses, ligados a su calidad de seres preciosos y poderosos.

Fig. 8 – a. Mascarón central, friso de Placeres; b. Mascarón, friso del Edificio Pimiento, Xultún; basado en dibujo previo de Heather Hurst, en Saturno et al. (2012). Dibujos de Daniel Salazar.

19 El mascarón inferior del atavío de rostro en la mayoría de los casos corresponde a seres zoomorfos de naturaleza predominantemente terrestre o infra terrestre, como felinos o reptiles híbridos y criaturas acuáticas (Figuras 4A y B, 8 y 20), de los que el rostro del personaje parece emerger, similar a la manera en la que surgen el dios del maíz y el dios solar de las cabezas de criaturas emblemáticas que simbolizan la tierra (Figura 9). El mascarón superior, en cambio, es de naturaleza heterogénea, puede representar a un

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 16

dios específico que alude a un posible evento de personificación por parte del gobernante10, a criaturas zoomorfas que indican alguna característica o atributo del personaje o, más puntualmente, puede tratarse de la Gran Ave Celestial (ver Figuras 8A y 17A)11. Las cabezas zoomorfas de perfil arriba y debajo de las orejeras son por lo general recurrentes (ver Figura 6): abajo se encuentra la Serpiente de Lirio Acuático (o serpiente Witz’ – ver Stuart 2007)12, criatura que al ser la personificación del agua terrestre y subterránea (ríos, corrientes y lagos) podría funcionar como una alusión al dominio sobre el agua que ejerce el gobernante, vinculada en otros contextos a la germinación o renacimiento del dios del maíz (Henderson 2010, p. 879-880); arriba de las orejeras se hallan cabezas del monstruo o pez Xook. Por su asociación con el dios GI y el Dios Remero Espina de Mantarraya, ambos seres relacionados al momento liminar del alba (Velásquez García 2010b), es posible que el pez Xook sea una referencia a la transfiguración en momentos liminares (Salazar Lama 2014, p. 125-126). Las orejeras, flanqueadas por nudos o por motivos trenzados de estera (símbolo del poder real), tienen generalmente cuatro puntos en las esquinas y un hueco circular al centro, representando un quincunce que indica el centro del cosmos y las cuatro direcciones periféricas.

Fig. 9 – a. Mascarón del dios del Maíz, Estructura Nohochbalam, Chakanbakan, Q. Roo (Preclásico tardío). Dibujo de Daniel Salazar basado en estudio fotográfico del autor; b. K’inich sobre la cabeza de un cocodrilo terrestre (Clásico temprano). Tomado de Hellmuth (1987).

20 Este conjunto de elementos (atavío de rostro) conforma una serie de referencias a los poderes especiales de los personajes; además, funciona como un esquema cosmológico cuyo propósito es resaltar la figura de los gobernantes, colocándolos en el centro del cosmograma13.

21 En la EIA del Clásico temprano son escasos los tocados conservados. Los personajes principales del friso de Holmul que aún presentan este elemento muestran arreglos de plumas similares a los de los tocados del Clásico tardío y la inclusión de jeroglíficos que expresan sus antropónimos (Figura 4C).

22 En cuanto a la vestimenta, son pocos los ejemplares de cuerpos humanos completos en buen estado de conservación que permiten identificar las piezas del atuendo. En el friso de Balamkú, el personaje 2 lleva una falda de red que alude al episodio y al lugar de renacimiento del dios del maíz (Figura 4A; consultar Quenon y Le Fort 1997), posible referencia a un evento de personificación del dios por parte del gobernante14.

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 17

23 En los frisos de Holmul y del edificio Pimiento en Xultún, y en uno de los segmentos de la crestería del Palacio de la Estelas de Kohunlich (250-450 d.C.) (Figuras 4C y 10A), los personajes principales tienen un traje sencillo de falda corta, cinturón adornado con pequeñas cabezas antropomorfas o zoomorfas de las que cuelgan celtas de jade, pectoral y collar de placas y cuentas de jade. Este traje y sus componentes forman parte del complejo iconográfico asociado al poder, y es parte del atuendo de los gobernantes en las estelas y en las celtas de jade del Clásico temprano (Figura 11).

Fig. 10 – a. Personaje central, friso del Edificio Pimiento, Xultún; basado en dibujo previo de Heather Hurst, en Saturno et al. (2012); b. Sección 1 Este, crestería del Palacio de las Estelas, Kohunlich; basado en dibujo previo presentado en Zetina y Giráldez (1999). Dibujos de Daniel Salazar.

Fig. 11 – a. Estela 20, . Dibujo tomado de Fields y Reents-Dubet (2005); b. « Celta de Leiden »; c. Celta de jade sin procedencia. Dibujos b y c de J. Montgomery, disponibles en www.famsi.org

24 En el mencionado relieve de estuco de Xultún y en la sección este de la crestería de Kohunlich (Figura 10B) los gobernantes portan barras ceremoniales de cuyos extremos emergen fauces abiertas de serpientes y ciempiés esqueléticos (comparar con Figura 11). Estas barras bicéfalas sirven para conjurar y materializar antepasados, dioses o criaturas sobrenaturales emblemáticas por medio de rituales y sacrificios (Stuart 1988); se trata de uno de los oficios más importantes de la realeza: la demostración de cómo el gobernante y los miembros de la corte se conectan y trabajan en conjunto con las fuerzas que dinamizan y mantienen el orden del cosmos (Clancy 1994).

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 18

Forma 4. El uso de referencias a dioses como parte de los nombres- emblemas asociados a gobernantes

25 Se considerará como emblema a una imagen u objeto que se usa para representar una noción o idea sobre una persona, y que muchas veces sirve como un ícono para identificarla. Al ser un nombre-emblema, esta imagen puede ser, además, la representación gráfica de su antropónimo. Este es un recurso poco común en la EIA del Clásico temprano. En la Acrópolis de Copán existen dos casos paradigmáticos que ilustran muy bien el concepto: los relieves de estuco de la fachada poniente del edificio Margarita (437-472 d.C.) y los de los muros inferiores de la fachada norte de Rosalila (571 d.C.) (Figura 12). Ambas imágenes están constituidas por distintos elementos que se conjuntan para representar gráficamente el nombre-emblema del fundador de la dinastía gobernante de Copán, K’inich Yax K’uk Mo’. En los dos casos se fusionan el ícono del logograma YAX y las imágenes de una guacamaya (mo’) y un quetzal (k’uk’) con el rostro del dios K’inich para configurar el nombre del fundador (Taube 2000, p. 28-30; Martin y Grube 2002, p. 194; Argucia Fasquelle y Fash 2005, p. 222-223)15.

Fig. 12 – a. Relieve de estuco del Edificio Margarita (detalle); basado en levantamiento 3D hecho por A. Tokovinine, en Tokovinine (2013); b. Relieve de estuco del Edificio Rosalila, Copán; basado en dibujo previo de J. Espinoza y J. Ramos, en Argucia Fasquelle y Fash (2005). Dibujos de Daniel Salazar.

26 En estos ejemplos de Copán, los elementos que forman el nombre del personaje se presentan bajo la apariencia de motivos iconográficos, funcionando con reglas de composición propias de la imagen y no de la escritura. Sin embargo, como escenas o elementos iconográficos estas figuras no tienen mucho sentido, pero cobran total significado al considerarlas como las imágenes emblemáticas que describen gráficamente un antropónimo real.

27 Además de estos dos casos de Copán, existen los tocados nominales integrados al retrato de los gobernantes como una variante de los nombres-emblemas, considerados como tácticas comunicativas donde la línea divisoria entre la escritura y la imagen se desdibuja (Stuart 2013). Siguiendo con el ejemplo de K’inich Yax K’uk’ Mo’, este personaje retratado en el Altar Q de Copán – Clásico tardío – (Figura 13A) lleva su nombre en el tocado, configurado a partir de los mismos íconos (k’uk’ [quetzal] y mo’ [guacamaya] en una sola figura) de los relieves de estuco de Margarita y Rosalila. Para el Clásico temprano un caso prototipo es la Estela 31 de Tikal (Figura 13B), que muestra

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 19

a Siyaj Chan K’awiil con su nombre sobre la cabeza e incorporado a su tocado, como el lugar lógico en el que se colocan elementos que refieren a la identidad social (ver Zender 2014, p. 64).

Fig. 13 – a. Retrato de K’inich Yax K’uk’ Mo’ en el Altar Q de Copán (Clásico tardío); dibujo modificado de Stuart (2004); b. Sihyaj Chan K’awiil en la Estela 31 de Tikal (detalle); dibujo modificado de Hellmuth (1987); c. Tocado del Personaje 3 del friso de Balamkú; dibujo de Daniel Salazar.

28 Regresando a la EIA, el personaje 3 del friso de Balamkú (Figura 13C) presenta dos elementos en su tocado que conforman en parte un nombre-emblema: el ícono del rostro del dios K’inich y un signo de brazos levantados que indica el acto de cargar16. Por medio de estos elementos del tocado sabemos que el gobernante se identifica con un aspecto específico del dios solar, como cargador.

29 En este sentido, concuerdo con las ideas de Ana García Barrios y colaboradores (2005) acerca del contenido mitológico de algunos nombres de la realeza y su valor connotativo. Simon Martin (2002, p. 59) y Nikolai Grube (2002, p. 324) plantean que para los miembros de la realeza maya fue una práctica frecuente el adquirir rasgos específicos de un dios en particular usando un teónimo como parte de sus nombres personales. Al respecto, y enfocándonos en los relieves mencionados de Copán y en el probable caso del personaje 3 de Balamkú, sigo a Pierre Colas (2003, p. 270-271), quién propone que al incorporar el nombre del dios solar a un antropónimo real, ya sea definiendo un aspecto de la identidad social de los gobernantes o sus cualidades individuales (innatas), se genera una asociación simbólica a través de la cual se adopta parte de la identidad y el poder del dios17.

30 El recurso de usar referencias a dioses como parte de los nombres personales de los gobernantes tiene un equivalente en los nombres-emblemas, que serían maneras de expresar esa misma idea en imágenes, y en estos casos como esculturas integradas en la arquitectura.

Forma 5. La integración de los retratos de gobernantes a un espacio cosmológico/mítico

31 Esta es tal vez la forma más clara de atribuirle una « dimensión cósmica » a la figura real (Baudez 1995, p. 49-50). El espacio puede estar representado como montaña zoomorfa, la tierra solucionada en forma de banda con motivos terrestres, el cielo como

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 20

el cuerpo de una criatura reptil bicéfala o una banda con signos celestes, o una combinación de dos de estos motivos (Figuras 14A y B). La imagen del gobernante, al centro o en la parte superior de los cosmogramas, se presenta como un eje dentro de la composición, adquiriendo una relevancia acorde con el entorno: las bandas celestes enmarcan su imagen, mientras que las bandas terrestres siempre se encuentran en la parte inferior, como base (Figura 14B); cuando se trata de montañas zoomorfas, los personajes se ubican en las fauces/cueva (Figura 14D), surgiendo a través de una hendidura escalonada en la cabeza de los zoomorfos (Figura 15), o simplemente de pie o sentados sobre la montaña, a manera de trono (Figura 14C).

Fig. 14 – a. Personaje central del friso de Holmul; basado en dibujo previo de A. Tokovinine. Cortesía de Francisco Estrada-Belli; b. Relieve de estuco del edificio Margarita; basado en levantamiento 3D hecho por A. Tokovinine, en Tokovinine (2013); c. Detalle del Monumento 106 de Toniná (lápida empotrada en la fachada exterior de la Estructura V). Dibujo tomado de Stuart y Houston (1994); d. Mascarón de la Plataforma 2, Toniná. Dibujos a, b y d de Daniel Salazar.

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 21

Fig. 15 – a y b. Secciones 2 y 3 del friso de Balamkú. Dibujos de Daniel Salazar.

32 Una variante de esta forma de representación es mostrar a un antepasado en la parte superior de las composiciones, aludiendo con su naturaleza y su dimensión cósmica al espacio celestial que ocupa. En las estelas se presentan a esos ancestros como cabezas sin cuerpo flotando sobre las escenas y rodeados de volutas de humo o nubes (ej. Estelas 18 de , 31 de Tikal, 2 de Tak’alik Ab’aj y 1 de El Baúl)18. Uno de los pocos ejemplos de EIA que muestra esta variante es el friso del edificio H-Sub-2 de Uaxactún, construido a inicios del Clásico temprano (Valdés y Fahsen 2007, p. 1162-1164; Fig. 2).

33 Las localidades míticas, como las cuatro montañas del friso de Balamkú (ver Figuras 3A y 15), cuyos topónimos se hallan vinculados a montañas pintadas en los murales de las tumbas 2, 5, 6 y 25 del Clásico temprano en Río Azul (ver Acuña 2007)19, y los edificios Corozal (llamado « 9 Imix ») y Ramón (nombrado « 7 ¿ik’? K’an ») en la Acrópolis « Los Arboles » de Xultún (Saturno et al. 2012, p. 568-571)20, sirven como un marco espacial y temporal para las acciones y la presencia de los gobernantes. Como lo sugiere Christophe Helmke (2012, p. 92), para el espectador emic la sola mención o la representación de lugares míticos es suficiente para rememorar los episodios allí ocurridos y los agentes involucrados21. Así, los gobernantes cobran una relevancia cosmogónica al ser integrados a los paisajes de orden mitológico.

34 La vinculación de localidades míticas con personajes ancestrales relevantes para el reino sugiere la posibilidad de que estas hayan sido concebidas como lugares de origen dinástico, incorporadas a los discursos de legitimación del poder. Este es el caso de las montañas del friso de Balamkú (Salazar Lama 2014, p. 80-85, 211-216) y de los mascarones del edificio Bayal (Xultún), que incorporan el jeroglífico Wak Sa’aal, asociado a un linaje de relevancia regional y a las acciones de sus posibles fundadores (Saturno et al. 2012, p. 564-568).

35 En el arte del Preclásico los espacios cosmológicos están definidos con recursos formales e iconográficos en parte similares a los ejemplos del Clásico, pero son ocupados de forma casi exclusiva por deidades (Figuras 1C y E; 16).

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 22

Fig. 16 – a. Friso de la Subestructura IIC de Calakmul. Dibujo de S. Martin, tomado de García Barrios (2009); b. Mascarón de K’inich, Estructura 5C-2nd, Cerros. Dibujo de Daniel Salazar, basado en dibujo de L. Schele, en Freidel y Schele (1988b); c. Dios del maíz y montaña zoomorfa. Detalle del Mural Norte del edificio Sub I-A, San Bartolo. Dibujo de Heather Hurst en Saturno et al. (2005).

Forma 6. La realización de acciones prototípicas de los dioses

36 Acorde con el espacio que ocupan, las acciones de los gobernantes representadas en la EIA del Clásico temprano en muchos casos emulan aquellas realizadas por los dioses. Generalmente se muestran antepasados reales surgiendo desde el inframundo, interactuando y formando parte activa de una estructura cosmológica mediante portales o umbrales que comunican los distintos planos del cosmos. Las vías por las que transitan pueden ser las fauces o la hendidura en la frente de las montañas zoomorfas, las bocas abiertas de reptiles y anfibios (Baudez 2005), o el motivo de cuatro lóbulos, elemento iconográfico que en Mesoamérica se vincula recurrentemente a la dimensión cósmica de los gobernantes (Guernsey 2010, p. 90-91).

37 El friso del Edificio 2 de la Estructura X de Becán (250-450 d.C.) (Figura 17A) presenta a un gobernante emergiendo entre dos montañas zoomorfas, imitando la postura de « contorsionista » con la que a veces se ve al dios del maíz al momento de renacer (Figura 17B; Taube 2005, p. 25-27 y Martin 2006b). En el friso de Becán, el cuerpo del personaje, volteado hacia arriba y ubicado detrás de su cabeza y hombros, toma la forma de un árbol marcado con el motivo de cuatro lóbulos al centro. De esta manera, el gobernante emula el renacimiento del dios del maíz en su función de eje cósmico (Figura 17C).

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 23

Fig. 17 – a. Friso del Edificio 2 de la Estructura X, Becán. Dibujo de Daniel Salazar; b. Dios del maíz como contorsionista, con tocado que representa un árbol. Figurilla de jade, Salitrón Viejo, ; c. Dios del maíz contorsionista como árbol del mundo. Detalle del « Vaso de Berlín ». Dibujos b y c de K. Taube, tomados de Taube (2005).

38 Quienes realizan estas acciones generalmente se muestran en la culminación de un proceso de transformación iniciado con su muerte, gracias al cual pueden emerger a la superficie terrestre o elevarse al ámbito celeste. Al hacerlo, los personajes reales adquieren las características conductuales de ciertas deidades, incorporándose a los ciclos de muerte y renacimiento de K’inich o del dios del maíz. Estos actos pueden a su vez recrear episodios cosmogónicos – algunos de carácter mítico – realizados por los dioses, como los personajes 2 y 3 del friso de Balamkú, que renacen como el dios del maíz y como un personaje vinculado a K’inich en su papel de cargador (Figuras 16A y B)22. Al hacerlo, los gobernantes personifican deidades en momentos específicos, adoptando sus funciones cosmogónicas y presentándose como héroes victoriosos que se adjudican el poder de generar y controlar la dinámica y las fuerzas que operan en la naturaleza, estableciendo una metáfora que se extiende a su reinado, como la instauración de un nuevo orden de alcance cósmico (ver Pope 2006, p. 42, 79; García Barrios 2015).

39 En el Preclásico tardío un único ejemplo de EIA que muestra un evento mítico/ cosmogónico protagonizado por un gobernante es el relieve de estuco del complejo El Tecolote, en El Mirador (Figura 18). En él, un personaje real porta la máscara del dios de la lluvia, Chaahk, al descender de una banda celeste (Doyle y Houston 2012). Este episodio se encuentra representado en el friso de la estructura Sub IIC-I de Calakmul, en la Estela 23 de , y en los mascarones de Bayal (Xultún), con Chaahk como actor principal (consultar García Barrios [2007 y 2009] para un estudio detallado acerca de los ámbitos y espacios de acción del dios).

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 24

Fig. 18 – Relieve de estuco del Complejo El Tecolote, El Mirador (Preclásico tardío). Dibujo de Daniel Salazar, basado en dibujo preliminar de G. Valenzuela; en levantamiento 3D hecho por University of South Florida, Alliance for Integrated Spatial Technologies, disponible en Doyle y Houston 2012, Fig. 1, y en fotografías del autor.

Forma 7. Mostrar a los gobernantes con la apariencia de una deidad, con sus rasgos y características formales

40 Esta forma de representación necesita de referencias escritas, iconográficas o contextuales que indiquen la naturaleza de los personajes, para llegar así a una correcta identificación.

41 Existen dos esculturas en piedra que ayudarán a comprender esta práctica en la EIA (Figuras 19A y B). El primer caso es el retrato de Yax Nuun Ahiin en la Estela 31 de Tikal, donde este rey fallecido se presenta con los rasgos diagnósticos del dios solar – ojos y pupilas cuadradas, tres puntos en la mejilla y apéndice nasal de serpiente de hocico cuadrado –, pero usando un tocado nominal que representa su nombre- emblema, gracias al cual se le puede identificar. Un segundo ejemplo es la imagen de K’inich Janaab’ Pakal en su lápida sepulcral, cuyo rostro y cabeza cuentan con ciertos rasgos del dios del maíz y de K’awiil (cabeza alargada con un corte de cabello similar al del dios del maíz y un hacha de jade humeante incrustada en la frente). Gracias a los textos asociados y al contexto particular de la lápida (sobre el sarcófago que aloja los restos de Pakal) se puede asegurar que se trata de la representación del gobernante fallecido. Al adoptar los rasgos fisonómicos de K’inich, del dios del maíz y de K’awiil, Yax Nuun Ahiin y K’inich Janaab’ Pakal se fusionan con estos dioses, lo que les permite adquirir sus atributos y capacidades, y ocupar espacios cosmológicos.

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 25

Fig. 19 – a. Yax Nuun Ahiin, detalle de la Estela 31 de Tikal (Clásico temprano). Tomado de Hellmuth (1987); b. Figura de K’inich Janahb’ Pakal, detalle de la Lápida del Templo de las Inscripciones, (Clásico tardío). Dibujo de Daniel Salazar.

42 En la EIA del Clásico temprano, un ejemplo en parte similar al caso de Yax Nuun Ahiin es el programa escultórico de la Estructura A-1 de Kohunlich (250-450 d.C.) (Figura 20). Para poder reconocer correctamente los personajes retratados en este conjunto de mascarones es necesario estudiar en detalle todos los elementos iconográficos que conforman sus rostros. Así, es posible notar que dentro de los ojos de los mascarones del segundo cuerpo, a pesar de su forma cuadrangular que claramente no es humana, se encuentran a manera de pupilas versiones geométricas del ícono que corresponde al logograma winik, « hombre, persona », (Figuras 20C y D) signo que en este contexto define la naturaleza humana de los individuos retratados23. El mascarón del tercer cuerpo, lado norte (Figura 20A), tiene los ojos casi cuadrados – rasgo de K’inich – y vacíos, y el personaje porta una especie de casco seccionado en tres « placas », pieza del tocado del dios solar (Figuras 1A y 7B). Por su parte, el mascarón del tercer cuerpo, lado sur (Figura 20B), tiene pupilas que se forman de la conflación de la variante geométrica del signo winik y del signo k’in (sol)24.

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 26

Fig. 20 – Mascarones del segundo y tercer cuerpo de la Estructura A-I de Kohunlich: a. Tercer cuerpo, lado norte; b. Tercer cuerpo, lado sur; c. Segundo cuerpo, lado norte; d. Segundo cuerpo, lado sur. Todos los dibujos de Daniel Salazar, basados en estudio fotográfico del autor y en modelos 3D de Mássimo Stéfani.

43 Bajo el esquema aquí analizado, es factible proponer que los personajes retratados en estos mascarones son seres humanos mostrados en pleno proceso de fusión con el dios solar, adquiriendo sus rasgos formales a medida que suben por los cuerpos del basamento piramidal, como una metáfora que indica su ascenso por el horizonte25. El contexto arquitectónico es crucial para sustentar esta interpretación. La Estructura A-1 es un basamento piramidal de cuatro cuerpos escalonados con un templo de cinco crujías en su parte superior; dentro del templo se encontró un espacio sepulcral de élite debajo del piso de uno de los cuartos posteriores (Segovia Pinto 1981, p. 224)26. Teniendo este detalle en cuenta y estudiando el comportamiento de la EIA de los recintos de veneración a los antepasados reales (ver McAnany 1995 y 1998; Taube 2004), es posible sugerir que los mascarones de la fachada oeste del edificio representan al personaje sepultado en el adoratorio que corona la estructura, mostrado en un episodio de concurrencia entre un ente divino y un agente humano, es decir, fusionado con K’inich en el instante de elevarse por el este, imitando las características conductuales del dios27.

Discusión: implicaciones ideológicas del patrón de representación

44 El mensaje de una obra, entendido como su trasfondo o sentido profundo, conformado por argumentos y contenidos de significación que cobran valor dentro de contextos sociales e históricos específicos, es el objeto del proceso comunicativo, proceso que a su

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 27

vez es la función primaria de todo objeto artístico (Preziosi 1989, Cap. II y IV; Sanz Castro 1998b, p. 73).

45 La EIA de las tierras bajas mayas enfocada en la imagen de gobernantes y antepasados logra expresar una conexión funcional entre la figura real y el ámbito de lo sagrado, colocando su presencia y su persona en contacto directo con asuntos sobrenaturales que escapan a la mayoría de la población.

46 Teniendo en cuenta estos factores, se puede definir el mensaje de la EIA del Clásico temprano como la proclamación de la dimensión sagrada del oficio real, así como la majestuosidad y sacralidad de la persona del gobernante y su linaje a través de sus múltiples vínculos con los dioses, con las fuerzas que dinamizan y ordenan el cosmos y con los ciclos naturales de existencia.

47 ¿Qué papel juega este mensaje dentro del aparato ideológico de los mayas del Clásico temprano? Para entenderlo, se debe primero puntualizar qué se entenderá por ideología. En este trabajo, se definirá como un sistema de ideas compartidas por toda una sociedad, que es manipulado por ciertos sectores elitistas con el propósito de legitimar su acceso al poder y justificar el ejercicio del poder. De acuerdo con López Austin (1976, p. 197), « en Mesoamérica la ideología tenía su apoyo más sólido en el complejo que integraban la cosmovisión, la religión y la magia ».

48 La idea y la experiencia de lo sagrado, fincado en el complejo cosmovisión/religión/ magia mencionado por López Austin, traspasa sus límites y nutre al aparato ideológico manejado por las élites y la realeza, el cual es utilizado para hacer visibles las divisiones que operan en el mundo, reflejadas en la jerarquización y el funcionamiento de la sociedad (Bourdieu 1989); es decir, las sentencias y los estatutos concernientes a lo económico, a la autoridad y a otras convenciones sociales son por lo general sacralizadas.

49 Basándose en Gregory Bateson (1951), Roy Rappaport (1971, p. 30) sugiere que los mensajes de carácter sagrado son fácilmente aceptados por la población en general. Al respecto, concuerdo con lo planteado por García Capistrán (2013) acerca de la dimensión sagrada de los gobernantes mayas, de su linaje y de su oficio real; dimensión que al estar construida a partir de creencias religiosas y formas de concebir el mundo compartidas por la población se convierte en un poderoso instrumento político.

50 Hacia los inicios del Clásico temprano, después del declive de algunos de los grandes reinos mayas del Preclásico como Nakbé, El Mirador, Cival o Tintal, alrededor de los siglos II y III d.C., nuevos reyes y nuevas dinastías aparecen en nuevos lugares, trayendo consigo novedosas expresiones artísticas de corte más individualista (Estrada- Belli 2011, p. 117-122), como las estelas y la EIA, que invaden el espacio público. Aunado a este fenómeno, pero de aparición más tardía28, hacia mediados del Clásico temprano, el título K’uhul Ajaw, « Señor Sagrado », comienza a ser utilizado por los gobernantes de las grandes ciudades de la época. Convertido en un recurso para declarar el cargo y el estatus de los señores supremos, este título también fue una herramienta para definir a los soberanos como encarnaciones de lo sagrado. Existe tanto en la lengua hablada y escrita como en la imagen de los monumentos públicos una insistencia simbólica cuyo significado remite a la dimensión y la concepción de la figura real.

51 Estas prácticas se suman a la proliferación gradual de enterramientos de gobernantes en edificios públicos a partir del 200-250 d.C. (Laporte 2005), muchos de los cuales se convierten en los ejes que dictan las pautas del crecimiento, el ordenamiento y el

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 28

simbolismo del entorno, constituidos como lugares de veneración. En conjunto, estas evidencias (el cambio temático de la EIA, la aparición de las estelas, el título K’uhul Ajaw y los lugares de culto que albergan a los soberanos fallecidos) son manifestaciones culturales del papel predominante del ajaw en la sociedad y de los conceptos que progresivamente se aglutinan a su alrededor.

52 De forma concreta, los cambios detectados en la EIA son indicadores de la creciente necesidad de los nuevos gobernantes por incrementar y consolidar su poder. La sacralización de su imagen, su persona, su linaje y su oficio resultan de la búsqueda de una estabilidad política y la legitimación del acceso al poder frente a la población y a otros grupos de élite contendientes. Así, la integración del retrato monumental de estos personajes emblemáticos al espacio público (forma de representación No1), es uno de los mecanismos a través de los cuales la institución real encuentra una plataforma física ideal para la transmisión de mensajes de esta naturaleza. Como lo sugiere Takeshi Inomata (2006, p. 805), « La experiencia y la percepción subjetiva de la población acerca de la autoridad y de la unidad social fueron cuidadosamente tejidas y acentuadas en contextos espaciales y temporales específicos, a través de eventos y proyectos constructivos patrocinados por el estado y las élites. »

Conclusión

Like language however, iconography conveys conventional or agreed meanings. […] some iconographies are in part accessible to everyone, by being visible, repetitious, and consistent. George Kubler (1969, p. 48).

53 La consistencia y la repetitividad de elementos iconográficos en torno a la imagen de los gobernantes nos han permitido reconocer un patrón de representación difundido en las tierras bajas mayas a partir de los inicios del Clásico temprano.

54 Durante el Clásico tardío, los nuevos soportes escultóricos, como las columnas, los taludes de plataformas monumentales y las fachadas con relieves en mosaico, se enfocan en una gran variedad de temas y seres. Gradualmente los mascarones caen en un parcial desuso; sin embargo, los frisos y cresterías descubiertos a la fecha siguen los lineamientos formales y un patrón de representación similares a los del Clásico temprano, como la crestería del Templo del Sol en Palenque (Figura 21).

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 29

Fig. 21 – Crestería del Templo del Sol, Palenque. Dibujo reconstructivo de M. G. Robertson. Tomado de Greene Robertson (1991).

55 Para el Preclásico tardío, la escultura pública de Izapa, Tak’alik Ab’aj, Kamilnaljuyú y del occidente salvadoreño, ya mostraba a los gobernantes locales vinculados con los dioses, los pasajes míticos y los espacios cosmológicos29. Sugiero que la conformación y el desarrollo del patrón de representación en la EIA del Clásico temprano, su función y su mensaje, pudieron haber tomado como modelo, además de los programas escultóricos monumentales del Preclásico en las tierras bajas centrales, algunas de las piezas de la tradición escultórica de estos sitios de la costa del Pacífico.

56 A través del análisis de la EIA del Clásico temprano y del reconocimiento y estudio de su patrón de representación, se intentó mostrar que la exaltación y la glorificación de la figura real en las tierras bajas mayas encuentran uno de sus puntos culminantes en estos programas escultóricos, mismos que apuntan, junto con las evidencias epigráficas y la relevancia del ajaw dentro del entorno, a un cambio del paradigma en la concepción de la realeza y la persona del gobernante, posiblemente como una respuesta a las necesidades sociales y políticas de la época.

BIBLIOGRAFÍA

ACUÑA Mary Jane 2007, Ancient Maya cosmological landscapes: early Classic mural painting at Río Azul, Peten, Guatemala, tesis de maestría, University of Texas, Austin.

AGURCIA FASQUELLE Ricardo y Barbara W. FASH 2005, « The evolution of Structure 10L-16, heart of the Copán acropolis », in E. Wyllys Andrew y William L. Fash (eds.), Copán. The history of an Ancient Maya kingdom, School of American Research Press, Santa Fe/James Currey, Oxford, p. 201-237.

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 30

BARDAWIL Lawrence 1976, « The principal bird deity in Maya art. An iconographic study of form and meaning », in Merle Greene Robertson (ed.), The art, iconography and dynastic history of Palenque. Part III. Proceedings of the Segunda mesa redonda de Palenque, December 14-21, 1974, Palenque, Pre- Columbian Art Research, Pebble Beach, p. 195-209.

BASSIE-SWEET Karen 2002, « Corn deities and the complementary male/female principle », in Vera Tiesler, Rafael Cobos y Merle Greene Robertson (coord.), La organización social entre los mayas. Memoria de la Tercera mesa redonda de Palenque, CONACULTA/INAH, México/Universidad Autónoma de Yucatán, Mérida, p. 105-126.

BATESON Gregory 1951, « Conventions of communication: where validity depends upon belief », in Jurgen Ruesch y Gregory Bateson, Communication: the social matrix of society, W.W. Morton, Nueva York, p. 212-227.

BAUDEZ Claude-Francois 1995, « El espacio mítico del rey maya en el período Clásico », Trace, 28, p. 29-52.

2005, « En las fauces del monstruo », Arqueología mexicana, 71, p. 58-67.

2006, « De l’aurore à la nuit : le parcours du roi-soleil maya », Journal de la société des américanistes, 92-1 et 2, p. 41-67.

BENSON Elizabeth P. 1974, « Gestures and offerings », in Merle Greene Robertson (ed.), Primera mesa redonda de Palenque. Part I. A conference on the art, iconography, and dynastic history of Palenque, Pre-Columbian Art Research, Pebble Beach, p. 109-120.

BOURDIEU Pierre 1989, « Social space and symbolic power », Sociological theory, 7 (1), p. 14-25.

BURGOS VILLANUEVA Rafael, Yoly PALOMO CARILLO y Guillermo KANTÚN RIVERA 2013, « Un mascarón de estuco en la estructura Kabul Izamal, Yuc: representación de un personaje mítico o histórico? », in Los investigadores de la cultura maya 21, Universidad Autónoma de Campeche, Campeche, t. I, p. 209-224.

CARRASCO Michael D. 2005, The mask flange iconographic complex: the art, ritual, and history of a Maya sacred image, tesis doctoral, University of Texas, Austin.

CLANCY Flora 1994, « The Classic Maya ceremonial bar », Anales del Instituto de investigaciones estéticas, 65, p. 7-45.

COLAS Pierre 2003, « K’inich and king. Naming self and person among Classic Maya rulers », Ancient , 14, p. 269-283.

DOYLE James y Stephen HOUSTON 2012, « A watery tableau at El Mirador, Guatemala », Maya decipherment, 9 de abril de 2012, https://decipherment.wordpress.com/2012/04/09/a-watery-tableau-at-el-mirador-guatemala/, consultado en junio de 2015.

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 31

ESTRADA-BELLI Francisco 2006, « Lightning sky, rain, and the maize god. The ideology of rulers at Cival, Peten, Guatemala », Ancient Mesoamerica, 17, p. 57-78.

2011, The first : ritual and power before the Classic period, Routledge, Nueva York.

FASH William y Barbara FASH 1996, « Building a world-view. Visual communication in Classic Maya architecture », RES: anthropology and aesthetics, 29/30, p. 127-147.

FIELDS Virginia y Dorie REENTS-DUBET (eds.) 2005, Los mayas. Señores de la creación. Los orígenes de la realeza sagrada, Editorial Nerea, Donostia.

FONCERRADA DE MOLINA Marta 1983, « La exaltación del gobernante maya », Anales del Instituto de investigaciones estéticas, 53, p. 7-29.

FREIDEL David y Linda SCHELE 1988a, « Symbol and power: a history of the lowland Maya cosmogram », in Elizabeth P. Benson y Gillett G. Griffin (eds.), Maya iconography, Princeton University Press, Princeton, p. 44-93.

1988b, « Kingship in the late Preclassic Maya Lowlands: the instruments and places of ritual power », American anthropologist, 90, p. 547-567.

GARCÍA BARRIOS Ana 2007, « El dios Chaahk en el Preclásico maya », in Los investigadores de la cultura maya 15, Universidad Autónoma de Campeche, México, t. 1, p. 267-278.

2009, Chaahk, el dios de la lluvia, en el periodo Clásico maya: aspectos religiosos y políticos, tesis doctoral, Departamento de Historia de América II, Facultad de Geografía e Historia, Universidad Complutense de Madrid.

2015, « El mito del diluvio en las ceremonias de entronización de los gobernantes mayas. Agentes responsables de la decapitación del saurio y nuevas fundaciones », Estudios de cultura maya, 45, p. 9-48.

GARCÍA BARRIOS Ana, Ana MARTÍN DÍAZ y Pilar ASENSIO RAMOS 2005, « Los nombres reales del Clásico: lectura e interpretación mitológica », in Juan Pedro Laporte, Bárbara Arroyo y Hecto Mejía (eds.), XVIII Simposio de investigaciones arqueológicas en Guatemala, 2004. Vol. 2, Ministerio de Cultura y Deportes/Instituto de Antropología e Historia/ Asociación Tikal/Foundation for the Advacement of Mesoamerican Studies. Inc., Guatemala, p. 657-666.

GARCÍA BARRIOS Ana y Verónica VÁSQUEZ LÓPEZ 2012, « Moda y protocolo femenino en el reino de Kaanu’l (siglo VII d.C.) », in Philippe Nondédéo y Alain Breton (eds.), Maya daily lives. Proceedings of the 13th European Maya conference (Paris, December 5-6, 2008), Verlag Anton Saurwein (Acta Mesoamericana, 24), Markt Schwaben, p. 95-116.

GARCÍA CAPISTRÁN Hugo 2013, El origen del K’uhul ajaw o de cómo se hicieron sagrados los señores mayas, ponencia presentada en el IX Congreso Internacional de Mayistas, junio de 2013, Campeche.

GRUBE Nikolai 2002, « Onomástica de los gobernantes mayas », in Vera Tiesler, Rafael Cobos y Merle Greene Robertson (coord.), La organización social entre los mayas. Memoria de la Tercera mesa redonda de Palenque, CONACULTA/INAH, México/Universidad Autónoma de Yucatán, Mérida, p. 322-353.

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 32

GUERNSEY K. Julia 2006, Ritual and power in stone. The performance of rulership in Mesoamerican Izapan style art, University of Texas Press, Austin.

2010, « A consideration of the Quatrefoil motif in Preclassic Mesoamerica », RES: anthropology and aesthetics, 57/58, p. 75-96.

HANSEN Richard D. 1992, The archeology of ideology. A study of Maya Preclassic architectural sculpture at , Peten, Guatemala, doctoral dissertation, University of California, Los Angeles.

1998, « Continuity and disjunction: the Pre-Classic antecedents of Classic Maya architecture », in Stephen D. Houston (ed.), Function and meaning in Classic Maya architecture. A symposium at Dumbarton Oaks, 7th and 8th October 1994, Dumbarton Oaks Research Library and Collection, Washington p. 49-122.

HELLMUTH Nicholas 1987, Monster und Menschen in der Maya Kunst, Akademische Druck, Graz.

HELMKE Christophe 2012, « Mythological emblem glyphs of ancient Maya kings », Contributions in New World archeology, 3, p. 91-126.

HENDERSON Lucia 2010, « La lluvia de los reyes: agua y la iconografía de poder en el sitio », in Bárbara Arroyo, Adriana Linares Palma, Lorena Paiz Aragón y Ana Lucía Arroyave (eds.), XXIII Simposio de investigaciones arqueológicas en Guatemala, 2009, Ministerio de Cultura y Deportes/Instituto de Antropología e Historia/Asociación Tikal, Guatemala, p. 877-891.

2013, Bodies politic, bodies in stone. Imagery of the human and the divine in the sculpture of late Preclassic Kaminaljuyú, Guatemala, tesis doctoral, University of Texas, Austin.

HOUSTON Stephen D. 2004, « Writing in early Mesoamerica », in Stephen D. Houston (ed.), The first writing. Script invention as history and process, Cambridge University Press, Cambridge, p. 274-309.

HOUSTON Stephen D., Edwin ROMAN y Thomas GARRISON 2012, « El programa de mascarones de estuco modelado del grupo El Diablo, El Zotz, Petén, Guatemala », in José Luis Garrido López, Thomas Garrison y Edwin Román (eds.), Proyecto arqueológico El Zotz. Informe no. 7, temporada 2012, informe entregado al Instituto de Antropología e Historia de Guatemala, Guatemala, p. 117-121.

HOUSTON Stephen D. y David STUART 1996, « Of gods, glyphs and kings: divinity and rulership among the Classic Maya », Antiquity, 70, p. 289-312.

1998, « The Ancient Maya self: personhood and portraiture in the Classic period », RES: anthropology and aesthetics, 33, Pre-Columbian States of being, p. 73-101.

HOUSTON Stephen D., David STUART y Karl TAUBE 2006, The memory of bones. Body, being, and experience among the Classic Maya, University of Texas Press, Austin.

HOUSTON Stephen D. y Karl TAUBE 2000, « An archeology of the senses: perception and cultural expression in Ancient Mesoamerica », Cambridge archeological journal, 10 (2), p. 261-294.

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 33

INOMATA Takeshi 2006, « Plazas, performers, and spectators. Political theaters of the Classic Maya », Current anthropology, 47 (5), p. 805-820.

KNUB Julie Nehammer, Simone THUN y Christophe HELMKE 2009, « The divine rite of kings: an analysis of Classic Maya impersonation statements », in Geneviève Le Fort, Raphaël Gardiol, Sebastian Matteo y Christophe Helmke (eds.), The Maya and their sacred narratives. Text and context in Maya mythologies, Verlag Anton Saurwein (Acta Mesoamericana, 20), Markt Schwaben, p. 177-195.

KUBLER George 1969, Studies in Classic Maya iconography, Connecticut Academy of Arts & Sciences (Memoirs of the Connecticut Academy of Arts and Sciences, 18), New Haven.

LACADENA Alfonso y Ignacio CASES 2014, « Nuevas investigaciones epigráficas en Naachtún, Petén, Guatemala », conferencia dictada el 1o de octubre en la Coordinación de Humanidades, UNAM, México.

LAPORTE Juan Pedro 2005, « La tradición funeraria prehispánica en la región de Petén, Guatemala: una visión desde Tikal y otras ciudades », in Andrés Ciudad Ruiz, Mario Humberto Ruz y Maria Josefa Iglesias Ponce de León (eds.), Antropología de la eternidad. La muerte en la cultura maya, Sociedad Española de Estudios Mayas, Madrid/UNAM, México, p. 49-76.

LE FORT Geneviève 1995, Lady Alligator Foot emerges from the past. Maize god iconography at Yomop, Editions de la Galerie Mermoz, París.

[sf], Sacred versus divine. Comments on Classic Maya kingship, texto en posesión del autor.

LÓPEZ AUSTIN Alfredo 1976, « Fundamento mágico-religioso del poder », Estudios de cultura nahuatl, 12, p. 197-240.

2000, Tamoanchan y Tlalocan, Fondo de Cultura Económica, México [1994].

2006, Los mitos del tlacuache. Caminos de la mitología mesoamericana, Instituto de Investigaciones Antropológicas, UNAM, México [1990].

2012, Cuerpo humano e ideología. Las concepciones de los antiguos nahuas, Instituto de Investigaciones Antropológicas, UNAM, México.

LÓPEZ AUSTIN Alfredo y Leonardo LÓPEZ LUJÁN 2009, Monte Sagrado-Templo Mayor, Instituto Nacional de Antropología e Historia/Instituto de Investigaciones Antropológicas, UNAM, México.

MARTIN Simon 2002, « The baby jaguar: an exploration of its identity and origins in Maya art and writing », in Vera Tiesler, Rafael Cobos y Merle Greene Robertson (coord.), La organización social entre los mayas. Memoria de la Tercera mesa redonda de Palenque, Instituto Nacional de Antropología e Historia, CONACULTA, México/Universidad Autónoma de Yucatán, Mérida, p. 50-78.

2006a, The old man of the Maya universe. Towards an understanding of god N, documento presentado en « 30th Maya meetings », 14-19 de marzo de 2006, University of Texas, Austin.

2006b, « Cacao in Ancient Maya religion. First fruit from the maize tree and other tales from the underworld », in Cameron L. McNeil (ed.), Chocolate in Mesoamerica. A cultural history of cacao, University Press of Florida, Gainesville, p. 154-183.

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 34

MARTIN Simon y Nikolai GRUBE 2002, Crónica de los reyes y reinas mayas: la primera historia de las dinastías mayas, Crítica, Barcelona.

MCANANY Patricia A. 1995, Living with the ancestors. Kinship and kingship in AncientMaya society, University of Texas Press, Austin.

1998, « Ancestors and the Classic Maya built environment », in Stephen D. Houston (ed.), Function and meaning in Classic Maya architecture. A symposium at Dumbarton Oaks, 7th and 8th October 1994, Dumbarton Oaks Research Library and Collection, Washington, p. 271-198.

NIELSEN Jesper y Christophe HELMKE (En prensa), « La Caída del Gran Ave Celestial: un mito cosmogónico del Clásico temprano en el México central », a aparecer como capítulo en Nikolai Grube y Ingrid Kummelsa (eds.), Teotihuacan: medios de comunicación y poder en la Ciudad de los dioses.

PAREDES UMAÑA Federico y Daniel SALAZAR LAMA (En prensa), « Teosíntesis mesoamericana en una tradición escultórica del occidente de ».

POPE Elizabeth I. 2006, Mythic architecture and drama in Ancient Mesomaerica: the manifestation of the mythological landscape in the historical world, tesis doctoral, University of Texas, Austin.

PRESIOZI Donald 1989, Rethinking art history. Meditations on a coy science, Yale University Press, New Haven.

PROSKOURIAKOFF Tatiana 1950, A study of Classic Maya sculpture, Carnegie Inst. (Carnegie Institution of Washington, 593), Washington.

2002, An album of Maya architecture, Dover, Nueva York.

QUENON Michel y Geneviève LE FORT 1997, « Rebirth and resurrection in maize god iconography », in Barbara Kerr y Justin Kerr (eds.), The Maya vase book. 5. A corpus of rollout photographs of Maya vase, Kerr Associates, Nueva York, p. 884-902.

RAPPAPORT Roy 1971, « The sacred in human evolution », Annual review of ecology and systematics, 2, p. 23-44.

ROBERTSON Merle Greene 1991, The sculpture of Palenque, vol. 6, The Cross Group, the North Group, the Olvidado, and other pieces, Princeton University Press, Princeton.

SALAZAR LAMA Daniel 2014, Montañas, antepasados y escenas de resurrección en el friso de Balamkú, Campeche, Tesis de Maestría en Estudios Mesoamericanos, UNAM, México.

SANZ CASTRO Luis 1997, « Análisis iconográfico de la escultura arquitectónica del Mundo Perdido, Tikal: períodos Preclásico tardío y Clásico temprano », Estudios de historia social y económica de América, 15, p. 7-41.

1998a, « Montañas sagradas, dioses solares e imágenes de AHAW. Iconografía de la escultura arquitectónica de la Acrópolis del Norte, Tikal (100 a.C.-200 d.C.) », Anales del Museo de América, 6, p. 95-109.

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 35

1998b, « Iconografía, significado, ideología: problemas y cuestiones en la interpretación actual del arte maya », in Anatomía de una civilización: aproximaciones interdisciplinarias a la cultura maya, Sociedad Española de Estudios Mayas, Madrid, p. 65-85.

SATURNO William 2009, « Centering the kingdom, centering the king: Maya creation and legitimization at San Bartolo », in William L. Fash y Leonardo López Luján (eds.), The art of urbanism. How Mesoamerican kingdoms represented themselves in architecture and imagery, Dumbarton Oaks Research Library and Collection, Washington, p. 111-134.

SATURNO William, Karl TAUBE y David STUART 2005, « Los murales de San Bartolo, El Petén, Guatemala. Parte 1: El mural del norte », Ancient America, 7, p. 1-58.

SATURNO William, Heather HURST y Franco ROSSI 2012, « Observaciones preliminares sobre la iconografía de la Acrópolis Los Árboles (12F19), », in Patricia Rivera Castillo y William Saturno (eds.), Proyecto arqueológico regional San Bartolo-Xultún. Informe de resultados de investigaciones de la temporada de campo no. 11, año 2012, Informe entregado al Instituto de Antropología e historia de Guatemala, Ciudad de Guatemala.

SEGOVIA PINTO Víctor 1981, « Kohunlich: una ciudad maya del Clásico temprano », in Arturo Romano Pacheco, Carlos Navarrete y Victor Segovia Pinto (eds.), Kohunlich: una ciudad maya del Clásico temprano, San Ángel Ediciones, México, p. 211-295.

STONE Andrea J. y Mark ZENDER 2011, Reading Maya art: a hieroglyphic guide to Ancient Maya painting and sculpture, Thames & Hudson, Londres.

STUART David 1988, « Blood symbolism in Maya iconography », in Elizabeth Benson y Gillet Griffin (eds.), Maya iconography, Princeton University Press, New Jersey, p. 175-221.

2004, « The beginings of the Copan dynasty: a review of the hieroglyphic and historical evidence », in Ellen E. Bell, Marcelo A. Canuto y Robert J. Sharer (eds.), Understanding early Classic Copan, University of Pennsylvania Museum of Archeology and Anthropology, Philadelphia, p. 215-248.

2005, « Ideology and Classic Maya kingship », in Vernon L. Scarborough (ed.), A catalyst for ideas. Anthropological archeology and the legacy of Douglas S. Schwartz, School of American Research Press (School of American Research advanced seminar series), Santa Fe, p. 257-286.

2007, « Reading the water serpent as WITZ’ », Maya decipherment, 13 de abril de 2007, https:// decipherment.wordpress.com/2007/04/13/reading-the-water-serpent/, consultado en junio de 2015.

2013, « Report: name and image on two codex-style vessels », Maya decipherment, 21 de agosto de 2013, https://decipherment.wordpress.com/2013/08/21/report-name-and-image-on-two- codex-style-vessels/, consultado en junio de 2015.

STUART David y Stephen HOUSTON 1994, Classic Maya place names, Dumbarton Oaks Research Library and Collection, Washington.

STUART David, Stephen HOUSTON y John ROBERTSON 1999, The proceedings of the Maya hieroglyphic workshop. Classic Mayan language and Classic Maya gods, University of Texas, Austin.

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 36

TAUBE Karl 1985, « The Classic Maya maize god: a reappraisal », in Merle Greene Robertson y Virginia M. Fields (eds.), Fifth Palenque round table, 1983. Proceedings of the Fifth Palenque round table conference, June 12-18, 1983 Palenque, , The Pre-Columbian Art Research Institute (The Palenque Round Table series, 7), San Francisco, p. 171-181.

1992, The major gods on Ancient Yucatan, Dumbarton Oaks Research Library and Collection, Washington.

1996, « The Olmec maize god. The face of corn in formative Mesoamerica », RES: anthropology and aesthetics, 29/30, p. 39-81.

2000, The writing system of Ancient Teotihuacan, Center for Ancient American Studies (Ancient America, 1), Barnardsville/Washington.

2004, « Structure 10L-16 and its early Classic antecedents. Fire and the evocation and resurrection of K’inich Yax K’uk’ Mo’ », in Ellen E. Bell, Marcelo A. Canuto y Robert J. Sharer (eds.), Understanding early Classic Copan, University of Pennsylvania Museum of Archeology and Anthropology, Philadelphia, p. 265-295.

2005, « The symbolism of jade in Classic Maya religion », Ancient Mesoamerica, 16, p. 23-50.

TOKOVININE Alexandre 2013, 3D imaging report. Corpus of Maya hieroglyphic inscriptions, a project of the Peabody Museum of Archaeology and Ethnology, https://www.peabody.harvard.edu/node/821, consultado en junio de 2015.

VALDÉS Juan Antonio 1991, « Los mascarones del Grupo 6C-XVI de Tikal. Análisis iconográfico para el Clásico temprano », in Juan Pedro Laporte, Sandra Villagrán, Hector Escobedo, D. de González y Juan Antonio Valdés (eds.), II Simposio de investigaciones arqueológicas en Guatemala, 1988, Ministerio de Cultura y Deportes, Instituto de Antropología e Historia/Asociación Tikal, Guatemala, p. 129-145.

VALDÉS Juan Antonio y Federico FAHSEN 2007, « La figura humana en el arte Maya del Preclásico », in Juan Pedro Laporte, Bárbara Arroyo y Héctor Mejía (eds.), XX Simposio de investigaciones arqueológicas en Guatemala, 2006, Ministerio de Cultura y Deportes, Instituto de Antropología e Historia/Asociación Tikal/Fundación Arqueológica del Nuevo Mundo, Guatemala, p. 1160-1170.

VALENCIA RIVERA Rogelio 2013, « Las múltiples caras de la divinidad. Complejos de dioses en la religión maya », in Alejandro Sheseña (ed.), Religión maya: rasgos y desarrollo histórico, UNICACH, México, p. 225-238.

VARGAS PACHECO Ernesto 2010, « La legitimación de la realeza entre mayas del Preclásico tardío. Los mascarones de El Tigre, Campeche », Estudios de cultura maya, 36, p. 11-35.

VELÁSQUEZ GARCIA Erik 2010a, « Naturaleza y papel de las personificaciones en los rituales mayas, según las fuentes epigráficas, etnohistóricas y lexicográficas », in Andrés Ciudad Ruiz, Maria Josefa Iglesias Ponce de León y Miguel Sorroche Cuerva (eds.), El ritual en el mundo maya: de lo público a lo privado, Sociedad Española de Estudios Mayas, Madrid, p. 203-234.

2010b, « Los dioses remeros mayas y sus posibles contrapartes nahuas », in Laura van Broekhoven, Rogelio Valencia, Benjamin Vis y Frauke Sachse (eds.), The Maya and their neighbours.

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 37

Internal an external contacts through time, Verlag Anton Saurwein (Acta Mesoamericana, 22), Markt Schwaben, p. 115-131.

2011, « La Casa de la Raíz del Linaje y el origen sagrado de las dinastías mayas », in Peter Krieger (ed.), La imagen sagrada y sacralizada. XVIII Coloquio internacional de historia del arte. Vol. 2, UNAM, Instituto de Investigaciones Estéticas, México, p. 407-434.

ZENDER Mark 2014, « The naming insight. Hieroglyphic names and social identity in the Pre-Columbian Maya », in Christophe Helmke y Frauke Sasche (ed.), A celebration of the life and work of Pierre Robert Colas, Verlag Anton Saurwein (Acta Mesoamericana, 27), Markt Schwaben, p. 61-74.

ZETINA Sandra y Pilar GIRÁLDEZ 1999, « Proyecto Kohunlich. Informe al Consejo de arqueología. Temporada 1999. Vol. IV-A: Intervenciones de Restauración », informe resguardado en INAH-Delegación .

NOTAS

1. Luis Sanz Castro (1997, p. 10-11) utiliza el término « escultura arquitectónica » para referirse a cualquier trabajo escultórico añadido a una superficie arquitectónica. Considero que la terminología y la definición empleada por ese autor son vagas al incluir bajo esta expresión todas las variantes formales, de manufactura y de integración al espacio que presentan estas esculturas. Si se reserva la terminología « escultura arquitectónica » a los elementos arquitectónicos estructurales (dinteles, jambas, etc.) que recibieron un tratamiento escultórico, las demás esculturas que se associan a la arquitectura pueden ser consideradas como « esculturas integradas en la arquitectura ». Para definir este tipo de esculturas he elegido emplear el término « programa escultórico » por ser más apto para hacer referencia a un trabajo en relieve con características formales y compositivas, acervos iconográficos y contenidos temáticos específicos, y en cuya producción se hizo necesaria una serie de operaciones técnicas. Por su parte, « composición arquitectónica » alude a la disposición y el arreglo de las partes de una construcción; partes que al ser originalmente pensadas – o posteriormente adecuadas – para albergar determinados programas escultóricos cumplen con ciertas características y requerimientos constructivos. Es necesario aclarar que he decidido dejar de lado y no emplear el término « decoración arquitectónica » por tratarse de una expresión que alude a la finalidad de una obra como mera ornamentación, lo que de entrada dificulta la comprensión que podemos tener de este tipo de esculturas. 2. Consultar Hansen (1992, 1998); Luis T. Sanz Castro (1997 y 1998a); Michael D. Carrasco (2005); Ana García Barrios (2007 y 2009); Francisco Estrada-Belli (2006 y 2011), entre otros. 3. Siguiendo las definiciones de Alfredo López Austin y Leonardo López Luján (2009, p. 43), se entenderá anecúmeno como « el tiempo-espacio propio de los dioses y los muertos, y ajeno a las criaturas », mientras que ecúmeno se definirá como « el mundo habitado por criaturas, aunque también está ocupado definitiva o transitoriamente por seres sobrenaturales ». 4. Los rasgos principales de algunos dioses que se analizarán en el presente estudio son: para la deidad solar, marcas del signo k’in (sol) sobre el cuerpo, ojos rectangulares con

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 38

pupilas esquinadas y facciones de felino; para Chaahk, rizos acuáticos como nubes en la cabeza, rasgos de ofidio, un nudo de tela como pectoral y el pelo recogido sobre la frente; por su parte, la Deidad Ave Principal tiene ojos cuadrados y las marcas de día/ sol y noche (k’in y ak’ab) en el plumaje de alas serpentinas extendidas; K’awiil lleva una hacha de jade humeante incrustada en la frente y rostro de reptil, mientras que el dios del maíz, con ojos oblicuos, dientes y colmillos prominentes, posee una cabeza que por su forma y por las foliaciones que emergen de ella simula una mazorca. El aspecto de los dioses mayas varía considerablemente entre los distintos períodos (Preclásico, Clásico y Posclásico). Para ver a detalle las características formales diagnósticas de algunos dioses consultar Bardawil (1976); Taube (1992, 1996); Hellmuth (1987); García Barrios (2007, 2009); Martin (2006a), entre otros. 5. Ejemplos del Preclásico con gobernantes como protagonistas son los mascarones 1 y 2 de la Plataforma 1C de El Tigre, Campeche (150 a.C.-250 d.C.). Sus rasgos enteramente antropomorfos y la falta de referencias iconográficas o características fisonómicas que refieran a deidades permiten sugerir que se trata de retratos tempranos de gobernantes (consultar Vargas Pacheco 2010). Otro ejemplo es el relieve de estuco del Complejo El Tecolote en El Mirador, Guatemala (ver forma de representación n.o 6). 6. Tatiana Proskouriakoff (1950, p. 28-29) asegura que las piernas cruzadas y el torso en posición frontal es propia del Clásico tardío; sin embargo, nuevos descubrimientos sugieren que ya estaba presente por lo menos hacia mediados o finales del Clásico temprano. 7. Uno de los primeros mascarones con un rostro humano con facciones sumamente esquematizadas es el ejemplar encontrado en la Estructura 5D-23-2 de la Acrópolis Norte de Tikal (Figura 2D), fechado hacia el 200-225 d.C., es decir, en los albores del Clásico temprano (Sanz Castro 1997, p. 104-105). 8. Para enterarse de los rasgos del dios del maíz y de su evolución a partir del arte olmeca, consultar Taube (1996). 9. La imagen del mascarón de K’inich de la Subestructura Azul de Copán está disponible en Argucia Fasquelle y Fash 2005, Fig. 6.15. 10. Acerca del uso del rostro de dioses como parte del tocado o colocados inmediatamente sobre la cabeza de personajes humanos como referencia a un evento de personificación, consultar Knub et al. (2009, p. 191). 11. Jesper Nielsen y Christophe Helmke (en prensa) consideran que la cabeza de esta ave colocada como parte de los tocados, puede aludir al episodio mítico de la derrota de la Deidad Ave Principal a manos de Jun Ajaw, con quién se identificaría el gobernante que la porta. Este episodio mítico se encuentra representado en su versión más completa en el mural poniente y parte del mural sur de la Estructura Sub IA de San Bartolo (consultar Saturno 2009). 12. Una clara excepción es el mascarón de Kabul, Izamal (250-450 d.C.), que presenta dos rostros de serpientes cuyos rasgos diagnósticos son distintos a los de la serpiente acuática (ver Burgos Villanueva, Palomo Carrillo y Kantún Rivera 2012, p. 214-215; Fig. 4 y 6). 13. Un cosmograma es la representación bidimensional o tridimensional de una parte o la totalidad de la estructura física del cosmos.

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 39

14. El traje de red se encuentra fuertemente vinculado con las mujeres de élite de la esfera política del reino de Kanu’l, representadas en las estelas de Calakmul y de sus ciudades aliadas para el Clásico tardío (consultar García Barrios y Vásquez López 2012). Sin embargo, durante el Clásico existen imágenes de personajes que utilizan el mismo traje, pero sin referencia alguna al reino de Kanu’l, y sí como una clara alusión al episodio del renacimiento del dios del maíz (ej. el panel de Yomop [ver Le Fort 1995]; la lápida del Templo de las Inscripciones y los paneles del Templo de la Cruz Foliada, ambos en Palenque). El uso de elementos de la vestimenta de los dioses por parte de los gobernantes, en conjunto con otras referencias a episodios míticos específicos, es una forma de aludir a un evento de personificación de un dios (Knub et al. 2009, p. 191). Le Fort (sf) en un trabajo reciente, sugiere que solamente a través de un conjunto de elementos, a falta de expresiones textuales que así lo indiquen, se puede definir una escena como un evento de personificación. El friso de Balamkú cuenta con una serie de referencias que permiten suponer la personificación: la montaña mítica como localidad; el sapo híbrido que remite al acto del renacimiento y la falda enrejada o de red del personaje No 2. 15. En el caso del relieve de Margarita, la guacamaya y el quetzal se muestran de cuerpo completo, mientras que en el relieve de Rosalila ambas aves están referidas únicamente por elementos iconográficos diagnósticos fusionados en un solo rostro, en un juego de « la parte por el todo »: el tocado del dios K’inich (al centro), tiene rasgos de quetzal (cresta, color verde) y los ojos de una guacamaya. Una fusión similar se da en el tocado nominal de K’inich Yax K’uk’ Mo’ en el Altar Q de Copán (ver Figura 13A) y en su nombre en el marcador Motmot (ver Taube 2000, Fig. 22e). 16. No existe una lectura aceptada para este logograma de los brazos levantados en posición de cargar. La interpretación del tocado del personaje 3 del friso de Balamkú como un tocado nominal se basa en la recurrente integración del logograma de los brazos levantados a los nombres de distintos gobernantes y dioses durante el Clásico, y en la larga tradición de colocar los nombres personales sobre la cabeza – como tocados o como parte de los tocados – de los personajes reales. Los orígenes de esta práctica se remontan hasta finales del Preclásico, 100 a.C.-150 d.C. (ver Houston [2004, p. 302]. Para una discusión detallada al respecto del tocado del personaje 3 de Balamkú, consultar Salazar Lama [2014, p. 127-131]). 17. Sobre los usos y funciones del lexema K’inich en los antropónimos reales, consultar Colas (2003). Sobre la asimilación entre el rey maya y el sol, véase en particular Baudez 2006. 18. Ver imágenes en McAnany (1998, Fig. 5 y 6) y en Valdés y Fahsen (2007, Fig. 3). Para el Clásico tardío, ejemplos de antepasados colocados en la parte superior de las composiciones son las estelas 1, 4, 10, 30 y 33 de Yaxchilán, aunque en estos casos los personajes se presentan dentro de cartuchos solares y solamente algunos sobre bandas celestes. 19. La montaña posiblemente llamada « Sak “Concha” », Concha Blanca, del friso de Balamkú (montaña 2), se halla en los muros norte de las tumbas 2 y 25, en el muro sur de la Tumba 6 y en el muro oriente de la Tumba 5, todas en Río Azul, Guatemala; la montaña que en el extremo oriental del friso de Balamkú está nombrada con una vasija invertida y el número 9, se encuentra en el muro este de la Tumba 2 de Río Azul; las montañas de los muros oeste de las tumbas 5, 6 y 25 de Río Azul, llamadas Ch’ich Ehb? Witz, Montaña ¿Escalón?-Sangre, y « Ch’ich Ehb? Witz Nal », Lugar de la Montaña

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 40

¿Escalón?-Sangre, posiblemente tienen su contraparte en la montaña del extremo oeste del friso de Balamkú. La montaña nombrada con una cabeza de pecarí con un signo K’in (sol) en la frente y una media luna en el friso de Balamkú (montaña 3), se encuentra tallada sobre un fragmento de vasija de madera, probablemente proveniente de la Tumba 1 de Río Azul. 20. « 9 Imix » y « 7 K’an » como localidades míticas relacionadas con figuras reales se encuentran en muchos sitios y monumentos del área maya. Dos claros ejemplos son el llamado Marcador Motmot de Copán, donde 9 Imix está asociado a K’inich Yax K’uk Mo’ y 7 K’an a su sucesor, y el relieve de estuco del Edificio Margarita, también en Copán, que vincula a la figura del fundador del linaje (K’inich Yax K’uk Mo’) de nuevo con 9 Imix (Fash y Fash 1996). 21. En una investigación reciente (2015), Ana García Barrios plantea que para poder reconstruir una narrativa mítica es suficiente contar con un elemento esencial del episodio, el cual funciona como pars pro toto (parte por el todo) y hace referencia al evento completo. En nuestro caso de estudio, y acorde con lo que plantea Helmke (2012), este elemento de la narrativa puede ser una localidad. 22. Estos episodios cosmogónicos son recreados a través de distintos elementos y motivos iconográficos, como las montañas de carácter mítico que contextualizan las acciones, la falda de red del personaje 2 y el tocado nominal del personaje 3 (ver formas 3 y 4), y las criaturas zoomorfas de las que ambos gobernantes emergen, lo que indica la acción de resurgir o renacer. Para una discusión detallada consultar Salazar Lama (2014). 23. Además de traducirse como « persona, hombre », el logograma WINIK sirve también para designar un período de 20 días. No considero que en el contexto de los mascarones este signo tenga una función calendárica. Es necesario aclarar que en ningún otro contexto iconográfico (por lo menos que yo conozca) los ojos de personajes humanos o de gobernantes fueron utilizados de esta manera, como nichos para colocar signos escriturarios o algún tipo de recurso gráfico que hiciera referencia a la « humanidad » del individuo retratado. Sin embargo, es interesante constatar que en otros casos, como algunos dioses y demás seres sobrenaturales, los ojos muchas veces definen y aluden a la naturaleza y la esencia de los personajes. Cabría pensar, por lo tanto, que dentro del rostro, las características formales de los ojos corresponden con la identidad y la naturaleza de los individuos y los dioses. Así, los ojos de los seres vinculados con los reptiles y los ámbitos acuáticos o del inframundo tienen por lo general pupilas enroscadas dentro de ojos circulares (véanse por ejemplo los ojos de GI, K’awiil y GIII; consultar Houston y Taube 2000, p. 281-287); mientras que los seres celestes, especialmente el dios solar K’inich y la Deidad Ave Principal, tienen pupilas angulares y esquinadas, dentro de ojos rectangulares y grandes. El ejemplo de los mascarones de Kohunlich es excepcional; en mi opinión, en estos retratos los ojos fueron utilizados por el artista como espacios para colocar, de la misma forma que en las imágenes de los dioses mencionados, signos (utilizados como elementos iconográficos) que hacen referencia a la naturaleza de los personajes, con la finalidad de facilitar su identificación. Si se atiende a las convenciones iconográficas propias de los dioses, ninguna imagen de la deidad solar presenta ojos con las características vistas en los mascarones de Kohunlich. 24. Una variante de la forma cuadrilobular del signo k’in es la que incluye puntos o pequeños círculos en el centro de cada lóbulo o pétalo; algunos casos, como la banda

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 41

celeste que enmarca la escena en la lápida de K’inich Janahb’ Pakal en el Templo de las Inscripciones, cada pétalo posee una hilera de puntos y uno grande al centro de la forma cuatrilobular. En el caso de los ojos del mascarón del tercer cuerpo sur de la Est. A-1 de Kohunlich, estos círculos (uno central y uno en cada lóbulo) son los elementos diagnósticos del signo k’in, fusionado con el signo winik; a su vez, la forma de cuatro lódulos del signo winik permite que el signo k’in fusionado guarde su configuración original. 25. Los mascarones se encuentran en la fachada oeste; sin embargo, el espectador de pie frente a la fachada principal del edificio, ve desplegado el programa escultórico hacia el oriente. 26. La tumba, que fue saqueada durante la década de 1960, aún contenía parte del mobiliario funerario cuando fue explorada por los arqueólogos, como teselas de piedra verde, huesos y conchas talladas y artefactos de cerámica (Segovia Pinto 1981, p. 219, 282). Estos materiales y el contexto arquitectónico son claros indicadores del estatus social del individuo. 27. En concordancia con esta idea, los rostros de los personajes están enmarcados por bandas celestes bicéfalas, como marcadores espaciales que indican su ubicación en el cielo del oriente. Marta Foncerrada de Molina (1983, p. 12) esboza brevemente una interpretación parecida, y plantea « […] la posibilidad de considerar a las cabezas [mascarones de Kohunlich] como monumentos funerarios realizados para conmemorar la vida de uno o varios dignatarios. La imagen repetida significaría la actualización revitalizadora del gobernante divinizado dentro de la comunidad ». 28. Las investigaciones recientes del Proyecto Petén Norte- han documentado el título K’uhul Ajaw en la Estela 24 de Naachtun, fechada para la segunda mitad del siglo IV (Lacadena y Cases 2014). 29. Ver Guernsey (2006, 2010); Henderson (2010, 2013); Paredes Umaña y Salazar Lama (en prensa), entre otros.

RESÚMENES

Los fundamentos ideológicos utilizados por los gobernantes mayas en el ejercicio y la legitimación de su poder ante la sociedad, se ven reflejados en el arte de su época, donde estos personajes adquieren el protagonismo y se configuran como ejes temáticos de complejas escenas y grandes programas escultóricos de carácter público, en los que se les muestra como seres sagrados, capaces de dominar fuerzas y ciclos naturales. El presente estudio tiene por finalidad identificar los distintos rasgos iconográficos y los conceptos generados alrededor de la figura del gobernante en la escultura integrada en la arquitectura del Clásico temprano en las Tierras Bajas; forma escultórica que, para la época, es una de las expresiones más elaboradas de la exaltación y glorificación de los soberanos mayas.

Classic Maya art reflects the ideology used by Maya rulers to exercise and legitimate their power over society. On sculptural supports, the rulers stand as the leading figure and the main axis structuring complex scenes and iconographic programs of public nature, where they are

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 42

represented as sacred beings able to dominate the forces of nature and the cycles of life. The present study aims to identify the various iconographic traits as well as the concepts generated around the figure of the ruler in Lowlands’ architecture-integrated sculpture during the early Classic – a sculptural format that is one of the most elaborate expressions of glorification and exaltation of the Maya rulers.

Les ressorts idéologiques que les dirigeants mayas ont mobilisés pour exercer et légitimer leur pouvoir vis-à-vis de la société sont visibles dans les œuvres d’art de leur époque. Dans celles-ci, ces personnages se donnent un rôle central et se présentent comme les piliers de scènes complexes et de grands programmes sculpturaux à caractère public : ils y apparaissent comme des êtres sacrés, capables de dominer les forces de la nature et les cycles de celle-ci. Le présent travail vise à identifier les différents traits iconographiques et les concepts qui ont été agglutinés autour de l’image du roi dans les sculptures intégrées à l’architecture du Classique ancien dans les Basses Terres. Ce format sculptural fut, en effet, à cette époque, une des formes d’expression les plus élaborées ayant servi à l’exhaltation et à la glorification des souverains mayas.

ÍNDICE

Palabras claves: mayas, Tierras Bajas, gobernantes, Clásico temprano, escultura integrada en la arquitectura, iconografía, ideología Keywords: Maya, Lowlands, rulers, early Classic, sculpture integrated into architecture, iconography, ideology Mots-clés: Mayas, Basses Terres, gouvernants, Classique ancien, sculptures intégrées à l’architecture, iconographie, idéologie

AUTOR

DANIEL SALAZAR LAMA

Posgrado en Estudios Mesoamericanos, Unam, Centro de Estudios Mexicanos y Centroamericanos (Cemca) [[email protected]]

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 43

La première maison d’Amazonie. Le Formatif dans la province de Pastaza, Équateur The first house in Amazonia. The Formative in the Pastaza province La primera casa en la Amazonía. El Formativo en la provincia de Pastaza

Stéphen Rostain et Geoffroy de Saulieu

NOTE DE L’ÉDITEUR

Manuscrit reçu en mars 2015, accepté pour publication en septembre 2015.

Remerciements – Aux communautés amérindiennes du haut Pastaza et à Carlos Duche Hidalgo. Au ministère des Affaires étrangères, au CNRS, à l’Institut de recherche pour le développement, au programme ECOS-Sud de l’université Paris-13 et au musée Ethno-archéologique de Puyo, pour avoir financé le projet interdisciplinaire et international « Zulay, le portail précolombien de l’Amazonie ». À Philippe Descola pour ses photographies. « Ici l’espace est tout, car le temps n’anime plus la mémoire. » Gaston Bachelard, « La poétique de l’espace », 1957.

Introduction

1 Les développements réalisés par l’archéologie amazonienne ont été tout autant fulgurants que spectaculaires depuis deux décennies. Le paradigme dominant autrefois, qui reposait pour une large part sur des préconçus et de l’ethno-comparatisme direct, adoptait un déterminisme environnemental pour nier la possibilité de grands établissements humains ou d’innovations culturelles marquantes à cause d’un milieu tropical jugé défavorable, pauvre, voire destructeur pour l’homme. La thèse était osée

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 44

mais, comme toutes les thèses, parfaitement défendable. Ainsi, nombreux furent ceux qui suivirent ce courant de pensée jusqu’à ce que les nouvelles évidences archéologiques le rendent inacceptable. Il a alors été rejeté par un nombre croissant de chercheurs pour être remplacé par des approches adaptées dans lesquelles se sont progressivement imposés les principes de l’écologie historique. En s’appuyant sur de réelles données de terrain, qui démontrent notamment à quel point les environnements amazoniens ont été modifiés par l’homme dans le passé, l’écologie historique offre un chemin de compréhension aujourd’hui amplement adopté par les archéologues. Libérée des contraintes théoriques antérieures, la discipline connut des avancées remarquables, notamment dans l’étude des sols anthropiques, des terrassements, de la domestication et de l’utilisation des ressources végétales, de la dispersion des populations et des cultures, de la chronologie ou des activités cérémonielles passées.

2 Toutefois, la roue du progrès semble avoir quelque peu oublié l’étude de l’habitat même des premiers hommes d’Amazonie. Malgré les efforts évidents développés par l’ethnohistoire dans l’analyse des conditions de vie et d’occupation des groupes autochtones, la fouille et l’observation de la maison précolombienne demeurent limitées. L’examen synchronique des fonds de cabane est exceptionnel, laissant un vide dans la recherche et de nombreuses interrogations en suspens sur le quotidien des anciens occupants.

3 Un coin du voile vient pourtant d’être récemment levé en Équateur grâce au programme interdisciplinaire et international « Zulay, le portail précolombien de l’Amazonie », mené par les auteurs de 2011 à 2014 dans le bassin du haut Pastaza (Rostain et Saulieu 2014).

4 Cette recherche partait du présupposé que la vallée du Pastaza, l’une des rares descendant en ligne droite d’ouest en est des équatoriennes vers l’Amazonie (Figure 1), avait joué un rôle important dans les échanges entre sociétés pacifiques, andines et amazoniennes, durant l’époque précolombienne. De là, on pouvait imaginer que des développements culturels notables et anciens avaient vu le jour dans cette région.

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 45

Fig. 1 – Localisation de l’aire de recherche du programme « Zulay » avec les principaux sites étudiés indiqués en diagonale (fond de carte de L. Billault).

5 Il faut savoir que la rivière Pastaza naît à la confluence des rios Chambo et Patate, à environ 1 900 m d’altitude, au pied du volcan Tungurahua, situé sur le versant oriental des Andes équatoriennes. La rivière descend ensuite un canyon vertigineux, ponctué de cascades et de chaos rocheux qui débouche brutalement à environ 1 200 m d’altitude sur une forêt tropicale hyper humide (Figure 2). Cette aire, formée de plateaux et de collines, s’étend sur 30 à 40 km vers l’est, puis un palier s’abaisse brusquement à 600 m. Il s’agit en réalité du gigantesque cône de déjection du Pastaza qui a charrié pendant des millénaires les sédiments andins et les rejets des volcans de la Cordillère orientale, notamment du puissant Tungurahua (Saulieu et al. 2014). C’est sur cette sorte de marche que l’on trouve les villes pionnières de Mera, Shell et Puyo. Leur fondation assez récente rappelle que cette région a souvent été considérée comme une marge, impropre à la civilisation moderne.

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 46

Fig. 2 – Canyon du haut Pastaza dans les Andes, au niveau de Baños, et débouché de la gorge dans la plaine amazonienne à l’est, avant Puyo (photographies S. Rostain).

6 Son accès, longtemps resté difficile et périlleux, et son climat excessivement humide expliquent également en partie le désintérêt dont elle a été l’objet de la part des archéologues. Rappelons néanmoins que ces derniers ont été, dès les années 1960, absorbés par les Hautes Terres et surtout la côte pacifique où l’on commençait à découvrir les vestiges impressionnants des cultures précolombiennes du Formatif équatorien (3500-300 av. J.-C.). C’est pour cela que, si la connaissance de cette période s’est fortement développée à l’ouest des Andes, où l’on peut même reconstituer le plan des unités domestiques, on ne peut en dire autant pour l’est des Andes.

7 L’Amazonie équatorienne a d’abord été mise en valeur assez tardivement dans les années 1970-1980 par les travaux du Père Pedro Porras. En dépit de son apport indéniable par la révélation au grand public de la richesse archéologique de cette région des Basses Terres tropicales, cet archéologue amateur n’a hélas pas toujours suivi une démarche scientifique rigoureuse, ce qui invalide certains de ses résultats. L’un de ses ouvrages (Porras 1987) a notamment été consacré à la vallée de l’Upano, située à 80 km au sud de Puyo, où des monticules rectangulaires ont été construits par des populations précolombiennes le long du piémont durant les derniers siècles avant notre ère. L’étude de cette région a été reprise dans les années 1990 avec le projet « Sangay-Upano », dirigé par Stéphen Rostain et Ernesto Salazar, puis avec le projet « Río Blanco » mené par Stéphen Rostain (Rostain 1999, 2012). Ces nouvelles recherches ont, entre autres, permis de reconstituer une chronologie culturelle qui montre que, si l’architecture monumentale de cette région d’Amazonie est postérieure au Formatif (Figure 3), une occupation vraiment formative y est clairement attestée avec la culture Sangay (Rostain 2010). En outre, Sangay est l’un des rares sites d’Amazonie où a été mis en évidence un sol de maison avec toute une série de traces et de vestiges très informatifs (Rostain 2011).

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 47

Fig. 3 – Chronologie simplifiée des vallées de l’Upano et du Pastaza, Amazonie équatorienne (dessin S. Rostain et G. de Saulieu).

8 Plus au sud encore, les travaux initiés par Jean Guffroy dans la province de Zamora- Chinchipe au début des années 2000 ont révélé l’existence d’un site formatif ancien, datée autour de 2800-2500 avant notre ère (Valdez et al. 2005). Santa-Ana/La Florida était un centre cérémoniel composé d’une structure arrondie de pierres, construite de paliers concentriques, vraisemblablement successifs. Des vestiges de très haute qualité y ont été trouvés dans des caches et des sépultures datées de plus de 5000 ans : bouteilles de céramique à anse en étrier, bols de pierre sculptée, pendentifs et perles de pierre semi-précieuse, etc. La délicatesse et l’élaboration des décors zoomorphes représentés sur ces pièces sont stupéfiantes, suggérant un art abouti. Ce dernier présente des similitudes remarquables avec le style développé à Chavin, une autre implantation architecturale des flancs orientaux des Andes plus au sud, mais ultérieure de plusieurs siècles. Cela soulève d’ailleurs une des interrogations relatives au site de Santa-Ana/La Florida, puisque tant sa localisation que les traits culturels qu’il expose laissent penser bien plus à un établissement d’origine andine que d’influence amazonienne. Il est ainsi difficile de qualifier le complexe d’amazonien car, en premier lieu, il se situe dans une haute vallée andine très encaissée, dont la végétation est tropicale, avant de s’assécher rapidement jusqu’à sa confluence avec le Marañón au Pérou, situé à plus de 100 km au sud, à proximité de Jaen, dans la région de Cajamarca. Son seul lien avec la plaine amazonienne se situe donc assez loin, au Pérou, après que le Marañón a franchi une série de pongos (rapides) dans la province péruvienne d’Amazonas. La seconde raison de la réticence d’une attribution réellement amazonienne est que son art mobilier et son architecture en pierre le rattachent plutôt au monde andin contemporain de l’époque : il ne dépare pas dans le paysage culturel des périodes précéramique et initiale de la Sierra et de la côte péruviennes, tout en

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 48

montrant des liens avec le Formatif de la côte équatorienne. En tout cas, outre son architecture complexe et ses vestiges raffinés, la découverte la plus proéminente de Santa-Ana/La Florida demeure sans nul doute la preuve de la domestication et la consommation du cacao (Theobroma sp.) quelque 1500 ans avant la Mésoamérique (Zarillo 2012).

9 De tous les sites archéologiques découverts durant nos investigations dans le bassin du Pastaza, Pambay est l’un des plus remarquables car il a permis la mise en évidence, sur un sommet de colline, d’une phase unique d’occupation caractérisée par des trous de poteaux et autres anomalies, ce qui rend possible la restitution du plan d’une maison de cette haute époque. Cette découverte est exceptionnelle car, au faible nombre des recherches réalisées en Amazonie, il faut ajouter le fait que l’on rencontre généralement des sites à occupations multiples qui se traduisent par le pullulement des trous de poteaux rendant la reconstitution d’un plan souvent totalement illusoire.

10 Cet article présente donc le plan de la plus ancienne maison d’Amazonie connue à ce jour et ce qu’il nous apprend sur le Formatif de cette portion de forêt tropicale.

Une maison vieille de 3000 ans à Pambay

11 Parmi les sites repérés dans le cadre du projet « Zulay », deux possèdent une occupation formative avec des datations voisines. Colline Moravia, un établissement à multiples occupations situé sur une élévation d’origine volcanique à proximité de Shell, a fourni deux datations (Figure 4).

12 Le site de Pambay a, quant à lui, été décelé dans le profil d’un chemin récemment creusé à travers une colline (1o28’10.94’’5 S, 78o00’07.82’’0 W), à 940 m d’altitude au- dessus du niveau de la mer, près de la ville de Puyo (Figure 5), accessible par le contournement routier nord de la ville. Dans la paroi longeant le chemin, à peu près à 100 cm de profondeur, se distinguait un foyer empierré de 170 cm de diamètre pour 30 cm d’épaisseur (Figure 6). Le charbon extrait de cette structure a fourni une datation calibrée de 1496-1302 av. J.-C. (Figure 4).

Fig. 4 – Datation de charbons de bois des contextes Pambay du Pastaza.

No de Datation 14C non Datation calibrée à 2 σ(OxCal.v4.2 . Site laboratoire calibrée 4)

Beta-324360 3460 ± 30 ans AP 1881-1692 av. J.-C. Colline Moravia

UBA-20797 3671 ± 32 ans AP 2141-1950 av. J.-C. Colline Moravia

Lyon-9521 3135 ± 30 ans AP 1496-1302 av. J.-C. Pambay

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 49

Fig. 5 – Petite colline arrondie au sommet de laquelle était implanté le site formatif de Pambay (photographie S. Rostain).

Fig. 6 – Dégagement du foyer charbonneux de Pambay (en sombre) dans la coupe du chemin (photographie S. Rostain).

13 Le site se trouve au sommet d’une colline au modelé arrondi, bordée du sud-est au sud- ouest par des bas-fonds humides et deux petits ruisseaux, contribuant au cours d’eau Pambay qui se connecte non loin de là à la rivière Puyo, un affluent du Pastaza.

14 L’étude de la coupe stratigraphique a pris le foyer pour repère de base. Lors du nettoyage de la paroi, il est apparu que la partie nord-est, contrairement à la partie sud-ouest, laissait voir des irrégularités intéressantes. Aussi avons-nous décidé de réaliser le relevé du segment nord-est sur une longueur de 10 m. Les différentes

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 50

couches et la position stratigraphique du foyer montrent que, malgré la situation du site en sommet de colline, une succession de dépôts sédimentaires est intervenue depuis l’abandon de la maison (Figure 7) : sous une couche de terre végétale noire (Munsell 10YR2/1) organique avec beaucoup de racines (1), on trouve une couche brun- gris très foncé (Munsell 10YR3/2), de nature composite, mélange d’argile, de charbon et de racines (2). Elle se révèle par contraste comme nettement plus claire que la précédente et que la suivante. Cette dernière (3), une couche gris très foncé (Munsell 10YR3/1) argileuse, présente beaucoup de charbon et de racines, ce qui rappelle la couche 1, malgré une tendance plus argileuse et moins organique. La quatrième couche, brun-gris (Munsell 10YR3/2 à 10YR3/3) argileuse avec des racines (elle tire sur le jaunâtre en s’éloignant du chemin), présente des fragments charbonneux, mais en nette diminution par rapport aux couches supérieures. En outre, la terre y est nettement plus compacte. On remarque quelques petites pierres chauffées (roses à rouges) de manière dispersée. Ce niveau correspond à l’occupation où le foyer, visible en coupe, était en activité. Cette couche apparaît à une profondeur de 65 à 90 cm depuis la surface du sol en fonction de la topographie de surface. Le foyer se décompose en un lit très dense de charbon noir (Munsell 2YR2/0) bordé de pierres (5), et d’une sous-couche gris très foncé (Munsell 10YR3/1) argilo-cendreuse avec des morceaux de charbon (6). Dessous, une couche (7) brun-jaune foncé (Munsell 10YR4/4), de nature argileuse, comporte quelques charbons. Des infiltrations tubulaires de sédiment blanc compact, probablement des cendres volcaniques, ont été repérées. Ce matériau a apparemment pénétré des galeries de vers de terre ou d’insectes sociaux, dans lesquelles il a été piégé. Commence ensuite la transition avec la matrice géologique (8 et 9) : une couche brun-jaune (Munsell 10YR5/8), compacte, homogène, avec des charbons rares et des taches rougeâtres, caractéristiques de phénomènes hydromorphes, fait ensuite place à une couche argileuse pure, de couleur jaune olivâtre (2YR6/4), très compacte, dure et imperméable.

Fig. 7 – Stratigraphie du site de Pambay le long de la coupe nord du chemin, avec le foyer construit en pierres (indiquées en blanc) (dessin G. de Saulieu).

15 De manière générale il faut remarquer que, comme dans d’autres sites de la région, les couches scellant le gisement en surface montrent une alternance de tons : couche no 1 sombre, couche no 2 claire, couche no 3 sombre. Ce phénomène pourrait être lié à des dépôts de cendres volcaniques, ce qui expliquerait l’étrange sédimentation du site : en effet, bien que le site se trouve en sommet de colline, un dépôt sédimentaire épais s’est

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 51

mis en place postérieurement à l’occupation formative en dépit du régime d’intenses précipitations que connaît la région. Sans doute faut-il sur ce point insister sur le rôle de fixateur de sédiments qu’a joué la végétation tropicale.

16 L’occupation humaine est visible à divers niveaux. Dans les couches 1 et 2, le matériel céramique est peu dense, dispersé et relativement grossier (poterie à paroi épaisse de plus de 0,5 cm, pâte hétérogène, peu ou pas de décor). Il s’agit de l’occupation tardive, diffuse dans la région, que nous attribuons à la culture Putuimi (Rostain et al. 2014). Si les prospections de 2011 nous avaient permis de trouver un matériel fin plus ancien dans les remblais des machines, attribuable à la culture Moravia, datée de la période du Développement régional, la fouille ne nous a pas permis de trouver ce type de céramique en situation. Au contraire, le rare matériel apparaissant essentiellement dans la couche 3, mais également un peu dans la couche 4, est inédit, et constitue ce que nous avons appelé la culture Pambay. Il s’agit d’une poterie fragile, mal cuite, très abîmée par l’acidité du sol, et dont l’épaisseur est généralement inférieure à 0,5 cm. Le décor n’est pas très développé mais rappelle, comme nous le verrons plus loin, certains aspects du Formatif de la région de Baños. Ces observations montrent que les couches 3 et 4, malgré leur grande dissemblance, sont liées par le matériel culturel. Les couches inférieures (7, 8 et 9) ne conservent par contre aucun vestige anthropique.

17 Notre interprétation de la stratigraphie est la suivante : l’occupation formative concerne les couches 3, 4, 5 et 6. Il se pourrait que l’occupation proprement dite se situe au niveau de la couche 4. Sa relative pauvreté en matériel s’expliquerait par le nettoyage systématique des aires d’habitat, que pratiquent encore les Amérindiens actuels de la région. La plus grande abondance du matériel dans la couche 3, qui est aussi plus foncée, pourrait correspondre à l’abandon de la maison, à la reprise de la végétation et éventuellement à une chute de cendres volcaniques.

18 Après l’analyse stratigraphique de la coupe le long du chemin et un sondage préliminaire, le site fut fouillé par décapage sur une grande surface. Néanmoins, la profondeur de 60-100 cm du niveau anthropique et la dureté du sédiment obligèrent l’usage d’une pelleteuse, technique encore peu employée en Équateur (Figure 8, en haut). Le décapage manuel qui s’ensuivit (Figure 8, en bas) révéla les traces et les vestiges des deux tiers d’une grande maison amérindienne, le reste ayant été détruit par les terrassements modernes et par un pillage archéologique réalisé par des huaqueros (pilleurs) il y a une vingtaine d’années.

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 52

Fig. 8 – Décapage du site de Pambay à la pelleteuse, puis à la main (photographies S. Rostain).

19 Une fois la superficie décapée, près de vingt trous de poteau se détachèrent nettement du sol alentour, jaunâtre, par leur remplissage gris sombre et leur dessin clair. D’un diamètre moyen de 40 cm, donc plutôt gros et correspondant aux supports principaux de l’édifice – car il y a également des piquets d’une dizaine de centimètres de diamètre –, les poteaux présentaient des profils dissymétriques très caractéristiques : de forme tronconique avec une base en pointe ou convexe, mais avec un côté généralement muni d’un palier, formé lorsque le poteau fut hissé (Figure 9). En effet, pour planter un poteau de grande dimension, il faut d’abord le lever jusqu’à atteindre une inclinaison de 45o et reposer alors la pointe sur un gradin dans le trou, avant de finir de l’élever et de l’insérer dans sa cavité. Par ailleurs, un poteau avait une forte inclinaison, afin de servir probablement de pilier de soutènement à la charpente, comme c’est encore parfois le cas aujourd’hui (Figure 9). Le dédoublement de certains poteaux (F. 13-14, 16-17, F. 34 – F. étant l’initiale de Feature, c’est-à-dire une anomalie culturelle) laisse également imaginer leur remplacement ou leur consolidation lors d’épisodes de réfection de l’édifice. Cela pourrait également expliquer la présence de certains poteaux. On peut donc supposer soit une pérennité bien supérieure à celle des cases d’aujourd’hui, soit un incident ponctuel – dû par exemple à un coup de vent provenant du nord/nord-est – qui aurait demandé une réparation de fortune et le doublement de certains poteaux au sud-ouest. Soulignons toutefois que dans d’autres endroits du monde, comme dans le site de l’Observatoire de Tokyo de la culture jomon, le remplacement de poteaux est considéré comme un indice de sédentarité, étant donné que la maison fut occupée sur une plus longue période (Imamura 1996).

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 53

Fig. 9 – Trous de poteau de Pambay : à gauche, avec un palier sur le côté droit, vestige du hissage du poteau ; au centre, incliné ; à droite, poteau incliné d’une « case indigène sur les bords du Samiria », Amazonie péruvienne (photographies S. Rostain ; dessin d’après Wiener 1882).

20 La fouille par décapage, avec la vérification de chaque trou de poteau par une coupe transversale, a abouti à la découverte d’un véritable tronçon de poteau de bois, conservé de manière exceptionnelle grâce à un phénomène rare. Il a été retrouvé sous l’empreinte du trou de poteau, à quelque 3 m de profondeur dans l’argile anaérobie au niveau de la nappe phréatique, ce qui l’a protégé jusqu’à nos jours et a rendu cet artefact de bois unique (Figure 10). Lors de l’extraction du poteau dont la partie immergée, ainsi que l’écorce, étaient bien conservées, les Kichwa-Canelos qui travaillaient dans la fouille ont considéré qu’il s’agissait d’un tronc de huambula, nom vernaculaire du Minquartia guianensis, l’un des bois les plus durables, les plus denses et les plus durs d’Amazonie. Connu pour être imputrescible, il est encore aujourd’hui, tout comme le palmier chonta(Bactris gasipaes), l’une des deux espèces les plus employées pour la confection des poteaux des maisons d’Amazonie équatorienne. En attendant une détermination botanique précise, on peut de toutes les façons supposer que les anciens habitants avaient choisi un bois particulièrement résistant.

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 54

Fig. 10 – Fouille du poteau de bois de Pambay (photographie S. Rostain).

21 La trouvaille de cet objet nous a permis d’avoir accès à certaines techniques de construction. Dans ce cas précis, au lieu de tailler un poteau, les Amérindiens ont utilisé un simple tronc ébranché en le mettant à l’envers. En effet, ils ont planté le tronc en fichant dans le sol l’extrémité étroite de la cime de l’arbre, tandis que la base, dense et large, se retrouvait alors en haut (Figure 11). Cette technique est astucieuse à plus d’un titre : elle limite la taille et l’élagage du tronc d’arbre, car le travail à la hache de pierre des arbres d’Amazonie souvent remplis de silice est particulièrement long et fastidieux. Elle permet ensuite, grâce à l’inertie du poteau, de l’enfoncer plus facilement dans le sol. Enfin, et c’est peut-être l’avantage le plus important, cela évite les risques de reprise de racines sur un tronc vert, conséquence fréquente en Amazonie, car la cime et le tronc n’ont pas de système d’absorption permettant de développer de nouvelles racines. Ce que les Indiens précolombiens n’avaient pas prévu, c’est que dans un terrain gorgé d’eau, le poteau allait continuer à descendre dans le sol, pour atteindre une profondeur de 3 m où il s’est préservé jusqu’à nos jours.

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 55

Fig. 11 – Poteau de bois de Pambay, constitué d’un tronc élagué enfoncé à l’envers dans le sol et en partie préservé dans la nappe phréatique. Poteau juste sorti de terre en bas à droite et sec après quelques mois en haut à droite (photographie S. Rostain).

22 La pratique de planter un tronc à l’envers afin d’en faire un poteau n’est pas couramment documentée à travers le monde. Elle est pourtant reconnue en Alaska par exemple, tant dans le registre archéologique qu’ethnographique, notamment pour des pilotis de maison, la galette de racines ou l’empattement servant alors d’assise à la structure de la charpente (Alix 2012).

23 Il faut bien noter toutefois que tous les poteaux n’ont pas été confectionnés et érigés de cette manière. Quelques trous de poteau, assez larges et à fond plat ou arrondi, semblent évoquer l’utilisation de segments de tronc d’arbre massifs (40 cm de diamètre) que l’on n’aurait pas pris la peine d’épointer en raison de leur taille (F. 11, 12, 27, 28). La disposition des trous de poteau, épais et profonds, indique une structure de forme elliptique avec des dimensions d’environ 19 m par 11 m, longitudinalement orientée nord-nord-ouest/sud-sud-est. Il s’agit là d’un modèle d’habitat très comparable à celui des populations amérindiennes actuelles de la région (Figure 11).

24 La grande différence entre les demeures d’hier et d’aujourd’hui réside dans le foyer. Si, de nos jours, les Amérindiens placent simplement en étoile trois gros troncs qu’ils rapprochent du feu au fur et à mesure de leur combustion (Figure 12), les communautés anciennes avaient construit un foyer plus élaboré. De forme circulaire et en cuvette, avec 170 cm de diamètre et 30 cm de profondeur, les parois et le fond sont tapissés de pierres, l’intérieur étant complètement rempli de charbon de bois, indiquant une intense et longue utilisation. La datation de la fin du Formatif correspond à une période durant laquelle les sociétés agro-céramiques s’organisent et se consolident dans les hautes terres andines comme sur la côte du Pacifique et, visiblement, en Amazonie.

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 56

Fig. 12 – Foyers : en haut, foyer amérindien actuel du Pastaza avec trois troncs convergents ; en bas, foyer pavé de pierres à Pambay (photographies S. Rostain).

25 Il faut préciser que ce foyer était localisé à moins d’un mètre d’un poteau, comme cela arrive encore parfois aujourd’hui. Toutefois, non seulement ce foyer est mieux construit que ceux actuels placés directement sur le sol, mais il était aussi le seul dans les deux-tiers fouillés de la maison. Cela constitue une différence importante avec l’habitat moderne des Shuar, Achuar et Kichwa-Canelos, dans lequel il est courant de rencontrer plusieurs foyers sous un même toit, chaque épouse en maintenant au moins un à usage culinaire, et d’autres étant associés aux lits pour se réchauffer la nuit.

26 Le grand foyer de Pambay, creux et construit de pierres, n’est pas sans rappeler celui du site cérémoniel plus ancien de Santa-Ana/La Florida, situé dans une haute vallée tropicale des Andes équatoriennes. En outre, à Pambay, un décapage antérieur réalisé par des machines au sud de la fouille avait révélé une structure de combustion empierrée apparemment plate (Figure 13, en haut), très comparable à celles du site formatif de La Vega (Figure 13, en bas), près de Loja, dans les Andes (Guffroy 2004).

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 57

Fig. 13 – Foyers empierrés de Pambay, en haut, et de La Vega, dans les Andes, en bas (photographie S. Rostain ; dessins d’après Guffroy 2004).

27 Il faut enfin signaler la présence de deux larges fosses à l’extrémité nord de la maison. De forme elliptique avec des fonds légèrement dissymétriques mais néanmoins arrondis, elles font respectivement 45 et 55 cm de profondeur pour 85 et 70 cm de diamètre. Elles étaient remplies d’un sédiment noir hétérogène composé de terre, de charbon, de tessons et de quelques graviers. Elles sont similaires aux fosses de stockage découvertes dans la maison de culture Huapula (800-1200 apr. J.-C.) du site de Sangay, dont l’une était même fermée par le col d’une urne (Rostain 2011). Si l’on étudie l’ethnographie de la haute Amazonie, la mention de fosses dans le sol des maisons est courante. Ainsi, les Tukano d’Amazonie colombienne creusent derrière la maison commune une ou plusieurs fosses de 60 à 120 cm de profondeur et de 45 à 60 cm de diamètre (Hugh-Jones et Hugh-Jones 1996). Après avoir tapissé la cavité de larges feuilles, ils la remplissent presque entièrement d’amidon cru qui, jour après jour, est récupéré dans un récipient placé sous le tamis où des préparations alimentaires sont lavées. Il s’agit le plus souvent de manioc (Manihot sp.), mais le procédé sert également pour des graines râpées, ou des fruits de palmier. Quand la fosse est pleine, on la recouvre de feuilles puis on scelle le tout d’une couche de terre. On prendra soin toutefois, de régulièrement changer et nettoyer l’emballage de feuilles afin d’éviter l’attaque des asticots. L’amidon ainsi récupéré peut se conserver deux ans. Des pratiques similaires sont tout à fait envisageables dans le cas de Pambay.

28 L’analyse planimétrique des anomalies (trous de poteau, fosse et foyer) autorise plusieurs reconstitutions hypothétiques du plan de la maison. Des différentes options possibles, celle d’un édifice elliptique de plus de 200 m2 apparaît la plus plausible (Figure 14).

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 58

Fig. 14 – Plan hypothétique de la maison de Pambay (dessin G. de Saulieu).

Un mobilier archéologique épars

29 Très peu de vestiges mobiliers ont été retrouvés dans la maison. En outre, ils sont peu diversifiés et se limitent à la céramique et à quelques objets lithiques. Ces derniers, très rares, ne présentent pas de traces claires d’utilisation. Il s’agit essentiellement d’une quinzaine de petits galets de dimension modeste (4-5 cm de diamètre), dispersés au pied des poteaux F. 13 et 14 dans une zone de 2 m sur 1 m. Il est possible que ces galets aient été des poids de filets de pêche, tels qu’ils sont encore fabriqués dans la région et, plus particulièrement, d’un épervier (appelé localement ataraya, littéralement « attrape-raie »), un filet qu’on lance en l’air et que l’on laisse couler. La corde du filet, généralement en fibre de palmier, est nouée autour de chaque poids, et encollée avec une résine végétale.

30 La céramique est un peu moins rare, mais plutôt mal conservée : tout au plus 200 tessons très fragmentés. À la différence des sols d’occupation de sites voisins fouillés durant le projet « Zulay » – comme Colline Moravia où le matériel céramique a été retrouvé éparpillé par petits bouts, façon puzzle –, les tessons de Pambay étaient rares et souvent isolés. Il existe toutefois une concentration à un mètre à l’ouest du poteau F. 7 (Figure 14), mais, vu son caractère exceptionnel, il est difficile de l’interpréter en termes de vestige d’aire d’activité.

31 Parmi les 200 tessons collectés, on distingue cinq pâtes qui correspondent également à des formes et des traitements différents.

32 La Pâte I, la plus commune avec plus de 80 tessons, est orange brique, avec un dégraissant fin constitué de particules blanches arrondies représentant environ 10 % de la pâte. Elle correspond à une vaisselle à paroi peu épaisse comprise entre 0,5 et 0,2 cm.

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 59

Il s’agit surtout de récipients fermés, composés notamment des cols verticaux de jarre à bord évasé et lèvre repliée vers l’extérieur (Figure 15.2), et des bols simples évasés, à paroi convexe et lèvre repliée vers l’extérieur (Figure 15.1). La surface des tessons est soigneusement lissée.

Fig. 15 – Céramiques formatives du bassin du Pastaza. 1 à 10 : complexe Pambay, site de Pambay. 11 et 12 : Formatif de la région du Tungurahua, haut Pastaza. 13 : récipient Pambay, site de Colline Moravia. 14 et 15 : bouteilles à anse en pont asymétrique, provenant de la province de Morona- Santiago qui, bien que non datées, sont probablement du Formatif tardif (photographies G. de Saulieu, S. Rostain et C. Jaimes Betancourt).

33 La Pâte II est presque aussi fréquente puisqu’elle rassemble une soixantaine de fragments. C’est une pâte beige, rappelant la Pâte I, mais avec un dégraissant plus abondant (30 %). Elle est également hétérogène et moins compacte que la Pâte I, et présente des surfaces moins bien lissées. Les récipients y sont très souvent à paroi fine (entre 0,6 et 0,8 cm d’épaisseur), et possèdent fréquemment une carène (Figure 15.3).

34 La Pâte III, avec ses 30 fragments, possède une couleur brune à grise. La pâte est très typée avec un dégraissant abondant (30 %) de grains blancs de moins de 0,1 cm de diamètre. Si l’extérieur est souvent lissé avec soin, l’intérieur des récipients, la plupart du temps des écuelles carénées à bord vertical, présente une surface intérieure brunie et polie noir brillant (Figures 15.4 et 15.5). L’épaisseur des tessons va de 0,2 cm à 0,6 cm.

35 Les 30 tessons de Pâte IV ont une texture grossière : le dégraissant abondant (30 à 40 %) peut comporter des grains de plus de 3 mm. La surface des récipients laisse généralement entrevoir un lissage grossier pour des récipients carénés de type écuelle et jarre, avec des parois de 0,6 à 0,8 cm d’épaisseur (Figure 15.6).

36 On notera pour finir un tesson fin et caréné, récupéré à proximité du foyer, qui pourrait représenter une dernière Pâte V. Elle est de couleur crème clair avec un

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 60

dégraissant très abondant (50 %) constitué de grains blancs de moins de 1 mm (Figure 15.7).

37 Les décors sont peu nombreux. Des lignes parallèles diagonales réalisées au traçage sont présentes sur deux tessons (Pâtes I et IV, Figure 15.6), alors qu’un seul tesson présente de l’engobe rouge vif (Pâte V, Figure 15.7). L’intérieur noir brillant est réservé aux récipients ouverts de Pâte III (Figures 15.4 et 15.5). Notons pour finir que deux tessons de Pâte I sont décorés de lignes incisées et profondément ponctuées (au peigne ?) (Figures 15.8 et 15.9).

38 Malgré son état fragmentaire, ce matériel montre deux choses. On ne peut d’abord qu’être étonné de sa diversité malgré la taille limitée de l’échantillon. Ensuite, son insertion dans le paysage culturel contemporain de la fin du Formatif équatorien semble évident (Rostain et Saulieu 2013). Il faut remarquer que la carène, très fréquente dans le matériel de Pambay, est un élément omniprésent dans les différentes cultures céramiques de la fin de cette époque, que ce soit Machalilla et Chorrera sur la côte pacifique (Meggers et al. 1965) ou Cotocollao dans la cordillère (Villalba 1988) et les cultures apparentées comme celle de Loma Pucara (Arellano 1997). Il est à noter que les cultures céramiques d’Amazonie péruvienne qui sont contemporaines de Pambay, à savoir Tutishcainyo Tardif et Cobichaniqui (Lathrap 1970), affichent également une très forte popularité de formes carénées et, notamment, des formes ouvertes.

39 Quant aux sites formatifs des versants du volcan Tungurahua (Le Pennec et al. 2013), à environ 40 km à l’ouest, ils présentent aussi un matériel caréné bien daté. Ces sites ont été identifiés par le volcanologue Jean-Luc Le Pennec à l’occasion d’un programme de recherche de plusieurs années sur l’histoire du volcan Tungurahua, dominant les sources du Pastaza. Les résultats montrent que des habitats précolombiens ont été détruits par une éruption majeure vers 1100 av. J.-C. (calibré). L’échantillon céramique, bien que très faible (38 tessons) et provenant de trois localités, comporte quelques traits diagnostiques qui autorisent des comparaisons avec le matériel contemporain du complexe Pambay. On trouve notamment des fragments de bol, dont la carène, très proche de l’ouverture, est décorée d’encoches verticales (Figure 15.12). Si cette forme est très semblable à des récipients de la culture contemporaine de Cotocollao dans la région de Quito, elle fait également beaucoup penser à des tessons découverts dans les contextes archéologiques Pambay, fouillés sur le site de Colline Moravia (Figure 15.13). L’on pourra aussi mentionner une technique décorative commune, consistant en lignes diagonales parallèles exécutées par traçage superficiel (Figures 15.10 à Pambay et 15.11 pour le site formatif dans le matériel du Tungurahua). En fin de compte, force est de constater que les décorations sont peu développées dans l’un et l’autre des complexes céramiques qui partagent avant tout un certain goût pour la sobriété.

40 La céramique avec l’intérieur noir brillant que l’on a découverte sur le site de Pambay (Figures 15.4 et 15.5) précède quant à elle des développements amazoniens ultérieurs bien connus dans la vallée de l’Upano située à environ 100 km au sud de là. En effet, c’est avec la culture upano entre 500 av. J.-C. et 400 apr. J.-C. que l’on voit l’essor d’un décor fondé sur des motifs géométriques réalisés en bandes rouges entre incisions (Rostain 2010). L’une des formes les plus populaires est le bol, ou l’écuelle carénée, à bord vertical, dont l’intérieur noir brillant est obtenu par brunissage et polissage, ce qui est exactement le cas des tessons de Pambay, pourtant plus anciens.

41 Vue la chronologie du matériel, il n’est pas interdit de penser que le complexe Pambay fait partie du « Flash horizon » que Warren DeBoer (2003) propose vers 800 av. J.-C., et

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 61

peut-être même un peu avant, pour la haute Amazonie. À la grande popularité des récipients ouverts à carène, il faut en effet ajouter pour cette vaste région partagée entre le Pérou et l’Équateur, la présence récurrente de bouteilles à anse en pont asymétrique (Figures 15.14 et 15.15), dont l’usage reste encore énigmatique. Ce qui est certain, c’est que les bouteilles entières, ou leurs fragments, apparaissent en nombre dans les provinces de Morona-Santiago et Pastaza, y compris à proximité de Puyo (Duche Hidalgo et Saulieu 2009), mais très rarement en situation primaire. La pâte, compacte et homogène, ainsi qu’une cuisson souvent réalisée en atmosphère réductrice, fait penser à la Pâte III de Pambay, celle-là même qui a la particularité d’un décor noir brillant dans les bols et écuelles à bords verticaux.

42 En dépit de son échantillon restreint, la céramique de Pambay manifeste une insertion évidente dans le contexte chronologique et culturel très dynamique du Formatif tardif équatorien et amazonien. La tradition céramique de Pambay ne dépare pas des cultures contemporaines du versant oriental et des Hautes Terres andines, ni des grandes cultures côtières, ce qui atteste de relations lointaines. En outre, elle semble annoncer des styles céramiques amazoniens qui s’affirmeront quelques siècles plus tard et témoigne ainsi de l’existence de processus culturels en cours en Amazonie, dont nous n’avons encore qu’une très vague idée.

43 On mentionnera pour terminer que le matériel céramique et lithique récolté lors du projet sur le site de Colline Moravia, contemporain et voisin de quelques kilomètres de Pambay, a autorisé une analyse archéobotanique de grains d’amidon qui a mis en évidence la présence de diverses plantes comme le maïs (Zea mays), le manioc (Manihot esculenta), le haricot (Phaseolus sp.) et d’autres légumineuses (Fabaceae), mais également le cacao (Theobroma sp.), consommé très anciennement en Amazonie équatorienne (Pagán Jiménez et Rostain 2014). Mais ce sont peut-être les liens établis avec les hautes terres qui retiennent le plus l’attention grâce à la reconnaissance de l’ulluque (Ullucus tuberosus), tubercule comestible généralement cultivé dans les Andes entre 2 600 et 3 800 m au-dessus du niveau de la mer. Pour l’instant, nous ne savons pas à quel point cette plante peut fructifier ou s’adapter à l’altitude de Colline Moravia, entre 1 100 et 1 200 msnm, soit 250 m plus haut que Pambay. Il faut toutefois noter que la région est très fraîche en raison d’une insolation moins importante qu’ailleurs en Amazonie. En effet, la cordillère forme une barrière où s’accumulent les nuages, les brumes et l’humidité qui mitigent les pics de températures. Puyo, nom de la ville à proximité de laquelle se trouve Pambay, signifie d’ailleurs en quichua « brouillard ». Toutefois, nous sommes plutôt enclins à interpréter cette découverte de l’ulluque à Colline Moravia comme le résultat d’échanges de biens, d’idées et de croyances entre les cultures des Hautes et Basses Terres.

44 Quoi qu’il en soit, l’ensemble des données archéobotaniques comparées avec celles obtenues dans d’autres sites formatifs comme Sangay sur le piémont amazonien des Andes et Santa-Ana/La Florida sur les versants orientaux des Andes (Rostain 2011 ; Zarillo 2012), laisse supposer que la diète végétale reposait à cette époque principalement sur le maïs (Zea mays), le manioc (Manihot esculenta) et les haricots (Phaseolus sp.), et que le cacao (Theobroma sp.) était également consommé, peut-être de préférence durant des rituels, ainsi que la coca (Erythroxylum coca). En revanche, on remarquera l’absence totale d’outils de mouture à Pambay, car ni meule, ni molette n’ont été retrouvées. On peut en déduire que, soit la maison a été méthodiquement nettoyée lors de l’abandon, soit certaines activités étaient réalisées ailleurs. À ce

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 62

propos, notons qu’apparemment un autre édifice était construit à l’est, comme le suggère la présence de trois trous de poteaux alignés (F. 28, 32, 30).

Comprendre l’habitat formatif d’Amazonie équatorienne

45 La découverte essentielle du projet « Zulay », qui englobe tous les aspects de la fouille, est pourtant bien celle d’une maison formative. Si l’occupation formative a été clairement mise en évidence dans le site plus occidental de Colline Moravia, il n’a pourtant pas été possible de retrouver le plan de l’habitat comme à Pambay.

46 Les maisons d’époque formative connues en Équateur se trouvent toutes sur la côte pacifique ou dans les Hautes Terres andines, aucune n’étant signalée en Amazonie. Un coup d’œil rapide permet de voir que la maison de Pambay, spacieuse et elliptique, ne partage que peu de points communs avec l’habitat formatif contemporain des Andes, que ce soit celui de La Vega à Catamayo (Loja), sorte de case en auvent construite sur une base pierreuse en arc-de-cercle (Guffroy 2004), ou celui de Cotocollao avec ses constructions rectangulaires (Villalba 1988).

47 Un rapprochement plus intéressant semble pouvoir être fait avec les maisons Valdivia de la côte pacifique, car elles y sont toujours elliptiques (Zeidler 1984 ; Guillaume- Gentil 2013). Toutefois, ces dernières sont beaucoup plus courtes que la maison de Pambay, puisque la longueur de la structure 1 de Real Alto oscille entre 10 à 12 m (Zeidler 1984) et n’atteint que 3,10 m à Loma Alta (Damp 1984), ce qui semble expliquer pourquoi les poteaux intérieurs sont peu nombreux, contrairement à Pambay. Certaines d’entre elles possèdent des murs en torchis. Jonathan Damp (1984) fait remarquer que les activités domestiques (feu, taille de la pierre, filage du coton) prennent place en dehors de la maison, qui ne sert finalement que comme chambre à coucher. Comme à Pambay, nous voyons ici la présence de fosses extérieures qui pourraient être à l’origine des structures de stockage. De même, à Cotocollao, on remarque également la présence de fosses de stockage, notamment à l’intérieur des maisons (Villalba 1988 ; Zeidler 2008). En revanche, le foyer principal de la structure 1 de Real Alto est excentré et se trouve dans la moitié sud de la maison, après la cloison qui garde l’entrée (Zeidler 1984). On notera que cette maison possède la même orientation nord-nord-ouest/sud-sud-est que celle de Pambay. Toute une répartition des activités a pu être proposée à l’intérieur de la maison : un espace de couchage, deux zones de préparation des coquillages, des aires de circulation, des surfaces brûlées correspondant sans doute à des foyers secondaires (chauffage nocturne des lits ?), etc. Malheureusement, le sol de la maison de Pambay a été, semble-t-il, méticuleusement nettoyé avant l’abandon, comme nous l’avons évoqué. Il est donc impossible de comparer les aires d’activité.

48 Encore plus que les maisons Valdivia, l’habitat de Pambay présente des caractéristiques très proches de celles de cases actuelles des Achuar, des Shuar et des Kichwa de la région (Figure 16), tant dans le plan que dans les dimensions, tout comme de celles de leurs ancêtres de culture huapula (Rostain 2011). Cette similitude plaide pour une pérennité technique remarquable à travers le temps. Les différences sont de deux ordres. Pour ce que nous pouvons en juger, les techniques anciennes, inféodées à un outillage de pierre, sont beaucoup plus pragmatiques qu’actuellement. En effet, la diversité des types de poteaux de la maison laisse imaginer une volonté d’économie de

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 63

travail. L’utilisation actuelle d’outils en métal, notamment de la machette, permet une sélection et une standardisation facile et plus rapide des matériaux de construction. C’est peut-être aussi dans ce sens qu’il faut interpréter les dédoublements de poteaux (F. 13-14, 16-17, 34) correspondant à des épisodes de réparation. La seconde différence majeure se trouve dans le foyer, car si les foyers modernes sont constitués de trois troncs radiaux que l’on avance progressivement vers le feu, celui de Pambay est nettement plus élaboré, avec la construction d’une large et profonde cuvette en pierres (Figure 12). La présence d’une série de trous de poteau à l’est et des restes d’un second foyer à 15 m au sud du premier, laisse supposer l’existence d’un autre édifice, peut-être lié au premier, mais le terrain, complétement râpé par des travaux modernes à cet endroit, ainsi que le manque de temps empêchaient de pousser plus avant nos recherches. En revanche, le second foyer empierré du sud permet de conjecturer qu’une autre cabane, au moins, accompagnait la première.

Fig. 16 – Maison achuar moderne du moyen Pastaza (photographies P. Descola).

49 Par ailleurs, on peut se rappeler que des foyers présentant des caractéristiques similaires dans le diamètre, la concavité et la localisation au pied d’un poteau, existent dans les malocas actuelles des Miraña et Uitoto du Caquetá, en Colombie. Formés par la consumation des déchets après la construction de l’édifice, ces foyers, appelés mambiaderos en espagnol, sont intiment liés à l’usage de la coca car on y brûle les feuilles dont les cendres seront incluses dans la poudre de coca destinée à être mâchée. En outre, ce foyer, localisé près d’un poteau de soutènement, est le lieu d’autorité du maître de maisonnée assis sur son banc où il reçoit ses visiteurs et partage la coca avec eux. C’est un espace qui permet au maître des lieux d’affirmer « Je suis chez moi ! » (Karadimas, com. pers. 2015).

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 64

50 De toutes les façons, la similitude avec l’habitat indigène amazonien moderne ne laisse pas de surprendre. Le plan elliptique, l’orientation générale de la maison, nord-est/sud- ouest, comme sa position au sommet d’une petite colline entre deux ruisseaux, coïncident curieusement avec la préférence traditionnelle des Amérindiens actuels. Il est toutefois nécessaire de préciser notre pensée : cette similitude n’est peut-être que formelle et ne signifie pas forcément que les modes de vie et les structures sociales étaient identiques.

51 Au-delà de son ancienneté extraordinaire pour la région, cette demeure est rare dans l’archéologie d’Amazonie, car très peu de maisons y ont été trouvées. Le long du même piémont amazonien d’Équateur, plus au sud, on peut citer l’habitat de culture huapula, daté entre 800 et 1200 apr. J.-C., dans le site de Sangay de la vallée de l’Upano, où l’étude spatiale de la dispersion des traces et vestiges sur un sol d’occupation a permis la restitution d’une demeure amérindienne (Rostain 2006, 2011).

Conclusion

52 Sorti d’une très longue hibernation, le Formatif amazonien d’Équateur se dévoile peu à peu depuis une quinzaine d’années. Ce furent en premier lieu les spectaculaires complexes de monticules artificiels de terre de la vallée de l’Upano qui révélèrent de multiples facettes de sociétés denses de terrassiers et commerçants du piémont oriental des Andes, ainsi que de leurs prédécesseurs (Rostain 1999). Ces communautés, localisées à la frontière des Hautes Terres et des Basses Terres, diffusèrent en effet leur céramique, au décor très spécifique de dessins géométriques peints en rouge et délimités par des incisions, jusque loin dans les Andes. Cette brillante culture connut une fin tragique, comparable à celle des habitants de Pompéi, puisqu’ils subirent une effroyable éruption du proche Sangay qui noya tout le nord de la vallée de l’Upano sous une épaisse couche de cendres volcaniques. Un des aspects les plus surprenants de la recherche, menée à la fin des années 1990, fut la densité extraordinaire de tertres et de chemins creusés qui couvraient l’ensemble de la vallée de l’Upano, sur des dizaines de kilomètres. En fait, c’est quasiment toute la superficie des hautes terrasses de la rivière qui avait été modifiée par l’homme il y a quelque 2500 ans.

53 Enfin, dernière en date, la découverte de la maison antique de Pambay est une nouvelle « broche de oro » sur la révélation progressive du plus lointain passé humain de l’Amazonie équatorienne. Elle a été permise à la faveur de la réalisation d’un programme de recherche interdisciplinaire dans la région de Puyo, mais également grâce à la mise en place de fouilles horizontales par décapage de grande surface. Bien qu’encore peu populaire en Amazonie, et moins encore en Équateur, c’est pourtant la meilleure méthodologie pour la mise en évidence des restes d’un habitat et la compréhension synchronique des diverses activités qui y furent pratiquées. Il faut en effet se rappeler qu’il n’est pas si loin le temps où l’on fouillait en Amazonie exclusivement par « cabine téléphonique » dans l’espoir que ces sondages d’un mètre carré révèlent une stratigraphie, pourtant peu probable dans ce milieu. Cette méthode avait notamment été popularisée par Betty J. Meggers, alors chef de file de l’archéologie amazonienne, qui recommandait en outre d’établir la chronologie sur la base d’une stratigraphie artificielle censée pallier l’homogénéité du sédiment et restituer la succession des événements passés. Moins communs aujourd’hui, les

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 65

sondages stratigraphiques sont souvent remplacés par des tranchées, dont la conception n’en est pourtant pas si éloignée.

54 Une autre contrainte contribue à expliquer la rareté d’habitats précolombiens reconnus en Amazonie. En effet, si des forêts de trous de poteau ont été mises au jour dans différentes fouilles amazoniennes, les reconstitutions de l’habitat originel ne sont pas légions. L’absence de stratigraphie et la multiplicité de traces sur un même niveau empêchent souvent une bonne lecture et interprétation des anomalies, laissant au plus deviner une superposition de multiples occupations en un même lieu. Ici, nous avons eu la chance de rencontrer un édifice qui a été abandonné et rapidement recouvert, probablement par des phénomènes en partie volcaniques.

55 Les fouilles par décapage de grandes surfaces sont exceptionnelles, et encore trop souvent menées selon des principes stratigraphiques occultant une vision horizontale de l’espace. Malgré leur évidente efficacité en milieu tropical humide, ce type d’excavation est encore peu pratiqué en Amazonie. Il est surtout populaire dans les fouilles préventives, car les aménageurs se chargent naturellement d’ouvrir de grandes surfaces qui peuvent être ensuite observées par les archéologues. Néanmoins, c’est alors bien le commanditaire qui décide du lieu et le circonscrit, obligeant le chercheur à suivre son choix sans possibilité de s’écarter de la ligne arrêtée. Là encore, le terrain étudié demeure restreint car limité par l’étendue concernée par les travaux. Il en résulte ainsi des plans tronqués de sites et une interprétation difficile de l’habitat à partir des innombrables trous de poteau et autres anomalies révélées. Dans le cas de fouilles programmées, les fonds alloués sont souvent bien insuffisants pour utiliser du matériel lourd comme les pelleteuses et une équipe d’ouvriers suffisamment nombreux. En outre, il est fréquent que de tels projets de recherche se réalisent dans des aires éloignées où l’accès à des machines est difficile, voire impossible.

56 C’est donc une opportunité exceptionnelle d’avoir pu organiser des fouilles par décapage étendu dans ce milieu amazonien, tout comme de découvrir des traces si claires d’un des premiers logis précolombiens. Si l’on s’en donne les moyens, d’autres devraient apparaître.

57 En conclusion, les programmes scientifiques « Sangay-Upano/Río Blanco » et « Zulay », réalisés à quinze ans d’écart dans deux vallées piémontaises voisines d’Équateur, ont chacun apporté leur lot de résultats novateurs et contribué à l’enrichissement de l’archéologie et de l’écologie historique des basses terres tropicales d’Amérique du Sud. Tout d’abord, de longues chronologies locales furent définies dans chacune des aires, commençant au Formatif récent pour s’achever de nos jours (Figure 3). En outre, la consommation de certaines plantes amazoniennes et andines a pu être déterminée avec précision dans les deux cas. De grands événements naturels avec un impact décisif sur les habitants, comme des éruptions volcaniques catastrophiques, ont été révélés à chaque fois. Ensuite, des transformations anthropiques du paysage par terrassements ont été mises en évidence. Si, dans le cas de l’Upano, des tertres ont bien été construits par les populations précolombiennes, les élévations des terrasses du Pastaza sont, elles, parfaitement naturelles et résultent d’avalanches volcaniques, bien qu’elles aient été parfois partiellement aménagées et habitées – alors qu’elles étaient jusqu’alors considérées comme entièrement édifiées par les hommes (Rostain et al. 2014). Enfin, des fonds de maisons ont été découverts et étudiés spatialement dans chaque vallée, apportant des informations précises et originales sur les peuples précolombiens du piémont oriental des Andes.

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 66

58 Il n’est pas excessif d’affirmer que les contributions majeures du programme « Zulay » ont été l’élaboration d’une chronologie du bassin du Pastaza et la mise au jour de la plus ancienne cabane amazonienne. Les données obtenues pour l’instant montrent l’existence d’occupations humaines d’horticulteurs sédentaires céramistes à la fin du Formatif, vers 1500-1300 av. J.-C. (calibré), c’est-à-dire contemporains de la culture machalilla et des phases terminales de la culture valdivia (Zeidler 2008) sur la côte pacifique, ainsi que des cultures challuabamba (Greider et al. 2009), catamayo B (Guffroy 2004) et cotocollao (Villalba 1988) dans les Andes équatoriennes.

59 Si l’on sait aujourd’hui que l’Amazonie fut habitée de longue date avant l’arrivée des Européens et que la densité démographique y fut bien plus élevée que ce que l’on supposait, on peut toutefois s’étonner, à la suite d’Eduardo Neves (2007), de voir que l’on bute sur des aires, ou des périodes, lacunaires. Il est étonnant de voir que le Formatif tardif du Pastaza, qui n’est probablement pas la première occupation humaine de la région, repose directement sur le substrat géologique, comme s’il succédait à une période d’intense érosion et de lessivages systématiques. Et cela en totale contradiction avec l’enfouissement postérieur au Formatif tardif de Pambay qui montre une intense accumulation probablement d’origine volcanique et rapidement stabilisée par la végétation.

60 En dépit de ces vidanges et trop pleins, la fouille de Pambay laisse entrevoir que la découverte du Formatif d’Amazonie ne sera pourtant pas un tonneau des Danaïdes.

BIBLIOGRAPHIE

ALIX Claire 2012, « Using wood on King Island, Alaska », Études/Inuit/Studies, 36 (1), p. 89-112.

ARELLANO Jorge 1997, « Loma Pucara, un asentamiento del Formativo tardio en el valle de Cebadas, Sierra Central del Ecuador », Fronteras de investigacion, 1 (1), p. 78-100.

DAMP Jonathan 1984, « Architecture of the early Valdivia village », American antiquity, 49 (3), p. 573-585.

DEBOER Warren R. 2003, « Ceramic assemblage variability in the Formative of Ecuador and Peru », in Archaeology of Formative Ecuador, J.S. Raymond et R.L. Burger (éd.), Dumbarton Oaks Research Library and Collection, Washington, p. 289-336.

DUCHE HIDALGO Carlos et Geoffroy DE SAULIEU 2009, Pastaza precolombino, datos preliminares (y catalogo del Museo etno-arqueológico de Puyo y del Pastaza), Abya-Yala, Quito.

GRIEDER Terence, James D. FARMER, David V. HILL, Peter W. STAHL et Douglas H. UBELAKER 2009, Art and archaeology of Challuabamba, Ecuador. An ancient Andean society of the Peruvian north coast, University of Texas Press, Austin.

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 67

GUFFROY Jean 2004, Catamayo precolombino. Investigaciones arqueológicas en la provincia de Loja (Ecuador), IFEA/IRD (Travaux de l’Institut français d’études andines, 164), Paris.

GUILLAUME-GENTIL Nicolas 2013, Cinco mil años de historia al pie de los volcanes. Implantación, población y cronología en Ecuador, Flacso/Abya-Yala, Quito.

HUGH-JONES Christine et Stephen HUGH-JONES 1996, « La conservation du manioc chez les Indiens Tukano : technique et symbolique », in L’alimentation en forêt tropicale. Interactions bioculturelles et perspectives de développement, vol. II, C.M. Hladik, A. Hladik, H. Pagezy, O. Linares, G. Koppert et A. Froment (éd.), Unesco, Paris, p. 897-902.

IMAMURA Kikabu 1996, Prehistoric Japan. New perspectives on insular East Asia, University of Hawai’i Press, Honolulu.

LATHRAP Donald 1970, The upper Amazon, Thames and Hudson, Londres.

LE PENNEC Jean-Luc, Geoffroy DE SAULIEU, Pablo SAMANIEGO, Diego JAYA et Lydie GAILLER 2013, « A devastating plinian eruption at Tungurahua volcano reveals Formative occupation at ~1100 CAL BC in central Ecuador », Radiocarbon, 55 (2-3) (actes du 21st International Radiocarbon Conference, A.J.T. Jull et C. Hatté [éd.]), p. 1199-1214.

MEGGERS Betty J., Clifford EVANS et Emilio ESTRADA 1965, Valdivia and Machalilla phases, Smisthonian Institution, Washington.

NEVES Eduardo 2007, « El Formativo que nunca terminó: la larga historia de estabilidad en las ocupaciones humanas de la Amazonía central », Boletín de arqueología PUCP, 11, p. 117-142.

PAGÁN JIMÉNEZ Jaime R. et Stéphen ROSTAIN 2014, « Uso de plantas económicas y rituales (medicinales o energizantes) en dos comunidades precolombinas de la Alta Amazonía ecuatoriana: Sangay (Huapula) y Colina Moravia (c. 400 a.C.-1200 d.C.) », in Antes de Orellana. Actas del 3er Encuentro internacional de arqueología amazónica, S. Rostain (éd.), IFEA/FLACSO/Embajada de los EEUU, Quito, p. 313-322.

PORRAS Pedro 1987, Investigaciones arqueológicas a las faldas del Sangay. Tradición upano, Pontifica Universidad Católica del Ecuador, Quito.

ROSTAIN Stéphen 1999, « Secuencia arqueológica en montículos del valle del Upano en la Amazonía ecuatoriana », Bulletin de l’Institut français d’études andines, 28 (1), p. 53-89.

2006, « Etnoarqueología de la casa huapula y jívaro », Bulletin de l’Institut français d’études andines, 35 (3) (numéro thématique « Avances de investigación en el Ecuador prehispánico », M. Guinea et J.-F. Bouchard [éd.]), p. 337-346.

2010, « Cronología del valle del Upano, alta Amazonía ecuatoriana », Bulletin de l’Institut français d’études andines, 39 (3) (numéro thématique « Culturas y pueblos del Ecuador prehispánico », M. Guinea et J.-F. Bouchard [éd.]), p. 667-681.

2011, « Ethnoarchaeologogy of the Amazonian house: pre-Columbian and Jivaro continuity in Ecuador », in Communities in contact. Essays in archaeology, ethnohistory et ethnography of the

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 68

Amerindian circum-Caribbean, C.L. Hofman et A. van Duijvenbode (éd.), Sidestone Press, Leiden, p. 455-475.

2012, « Between Sierra and Selva: pre-Columbian landscapes in the upper Ecuadorian Amazonia », Quaternary international, 249 (numéro spécial « Human occupation of tropical rainforests », Norm Catto [éd.]), p. 31-42.

ROSTAIN Stéphen et Geoffroy DE SAULIEU 2013, Antes. Arqueología de la Amazonía ecuatoriana, IFEA/IRD/IPGH, Quito.

2014, « El sol se levanta por el Este. Arqueología en la Amazonía ecuatoriana », INPC. Revista del patrimonio cultural del Ecuador, 5, p. 42-55.

ROSTAIN Stéphen, Geoffroy DE SAULIEU et Emmanuel LÉZY 2014, « El alto Pastaza precolombino en el Ecuador: del mito a la arqueología », in Amazonía. Memorias de las conferencias magistrales del 3er Encuentro internacional de arqueología amazónica, S. Rostain (éd.), MCCTH/SENESCYT/3EIAA, Quito, p. 159-185.

SAULIEU Geoffroy DE, Stéphen ROSTAIN et Jean-Luc LE PENNEC 2014, « El Formativo del Alto Pastaza (Ecuador), entre arqueología y vulcanología », in Antes de Orellana. Actas del 3er Encuentro internacional de arqueología amazónica, S. Rostain (éd.), IFEA/ FLACSO/Embajada de los EEUU, Quito, p. 199-205.

VALDEZ Francisco, Jean GUFFROY, Geoffroy DE SAULIEU, Julio HURTADO et Alexandra YEPEZ 2005, « Découverte d’un site cérémoniel formatif sur le versant oriental des Andes », Palévol, 4 (4), p. 369-374.

VILLALBA Marcello 1988, Cotocollao, una aldea formativa del valle de Quito, Museo del Banco Central (Miscelánea Antropológica Ecuatoriana, Serie monográfica, 2), Quito.

WIENER Charles 1882, « L’Amazone et les cordillères », in Le tour du monde, Librairie Hachette et Cie, Paris, p. 209-304.

ZARILLO Sonia 2012, Human adaptation, food production, and cultural interaction during the Formative period in highland Ecuador, thèse de doctorat en archéologie, University of Calgary, Calgary.

ZEIDLER James A. 1984, Social space in Valdivia society: community patterning and domestic structure at Real Alto, 3000-2000 B.C., thèse de doctorat en anthropologie, University of Illinois at Urbana-Champaign, Urbana.

2008, « The Ecuadorian Formative », in Handbook of South American archaeology, H. Silverman et W. Isbell (éd.), University of Illinois at Urbana-Champaign, Urbana, p. 459-488.

RÉSUMÉS

Le projet interdisciplinaire « Zulay, le portail précolombien de l’Amazonie » dans la vallée du haut Pastaza, en Amazonie équatorienne, a permis la découverte et la fouille horizontale extensive des restes d’une maison du Formatif tardif, datée de 1496-1302 av. J.-C. calibrée. L’étude de la répartition des trous de poteau, des fosses et du foyer empierré conduit à reconstituer un plan d’habitat comparable à celui des cases amérindiennes actuelles de la région. En outre, une extrémité de poteau de bois s’était parfaitement conservée dans sa matrice au niveau de la nappe

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 69

phréatique. Il était fait d’un tronc d’arbre élagué et placé à l’envers dans le sol, la cime vers le bas. La rareté de structures domestiques précolombiennes étudiées dans la région rend cette trouvaille de la plus ancienne maison d’Amazonie particulièrement remarquable.

The interdisciplinary project entitled « Zulay, the pre-Columbian portal to the Amazon », in the upper valley of the Pastaza (Ecuadorian Amazon), has led to the discovery and extensive excavation of the remains of a late Formative house, dated cal. 1496-1302 BC. The study of the distribution of postholes, pits, and stone-made hearth has enabled archaeologists to reconstruct a dwelling pattern similar to that of present indigenous houses in the area. In addition, one end of a perfectly preserved wooden post has been found at an undisturbed cross section at groundwater level. It consists of a trimmed tree trunk, which was placed upside down in the ground, the crown towards the earth. Due to the scarcity of pre-Columbian domestic structures that have been studied in the region, the discovery of one of the most ancient Amazonian houses constitutes a remarkable finding.

El proyecto interdisciplinario « Zulay, el pórtico precolombino de la Amazonía » en el valle del Alto Pastaza, en Amazonía ecuatoriana, dio lugar al descubrimiento y a la excavación horizontal extensiva de los restos de una casa del Formativo tardío, con fecha calibrada 1496-1302 a.C. El estudio de la distribución de los hoyos de postes, las fosas y el fogón empedrado permitió la reconstitución de un plano de hábitat comparable con aquel de las actuales casas amerindias de la región. Además, un extremo de poste de madera se había conservado perfectamente en su matríz al nivel de la capa freática. Éste había sido elaborado a partir del tronco de un árbol podado y colocado al revés, con la copa hacia abajo. La carencia de estructuras domésticas precolombinas estudiadas en la región hace de este hallazgo de la casa de Amazonía más antigua, algo particularmente notable.

INDEX

Mots-clés : Formatif, Amazonie, Équateur, maison, trou de poteau Palabras claves : Formativo, Amazonía, cerámica, casa, hoyo de poste Keywords : Formative, Amazonia, Ecuador, house, posthole, pottery

AUTEURS

STÉPHEN ROSTAIN

CNRS, UMR 8096 ArchAm, Maison archéologie et ethnologie, René-Ginouvès, 21, allée de l’université, 92023 Nanterre cedex [[email protected]]

GEOFFROY DE SAULIEU

IRD, UMR 208 Paloc, Yaoundé [[email protected]]

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 70

La préhistoire des basses terres de l’Est de l’Uruguay et du Sud du Brésil The Prehistory of the eastern Uruguay and southern Brazil lowlands La prehistoria de las tierras bajas del este de Uruguay y sur de Brasil

José M. López Mazz

NOTE DE L’ÉDITEUR

Manuscrit reçu en octobre 2013, accepté pour publication en février 2015.

Je remercie Stéphen Rostain pour avoir corrigé ce texte ainsi que les illustrations qui l’accompagnent, et pour avoir lancé une coopération entre archéologues français et uruguayens. Je suis aussi reconnaissant aux collègues de la Maison de l’archéologie et de l’ethnologie René- Ginouvès pour m’avoir amicalement reçu dans leur laboratoire (« Archéologie des Amériques » UMR 8096). C’est à la générosité du programme ECOS-Sud que l’on doit l’établissement d’une collaboration archéologique France-Uruguay.

1 Dès le Xe millénaire av. J.-C., le versant atlantique méridional de l’Amérique du Sud a été le théâtre d’une colonisation humaine (Meneghin 2006 ; Suárez et López Mazz 2003 ; Suárez 2010 ; López Mazz 2013). Au cours des millénaires suivants, des développements sociaux, culturels et technologiques préhistoriques tout à fait singuliers y ont eu lieu. Néanmoins, dans la littérature classique, cette région est peu connue et, dans le Handbook of South American Indians, elle apparaît sous l’appellation d’« aire marginale », pour bien la distinguer d’autres auxquelles étaient attribuées une identité archéologique et un développement culturel plus affirmés (Steward 1946).

2 Pourtant déjà à la fin du XIXe siècle, Francisco Bauzá (1885-1897) et José H. Figueiras (1892) signalaient l’existence de traces d’un peuplement préhistorique dans les basses terres méridionales d’Amérique du Sud, caractérisé par des activités de chasse et de collecte et, plus tard, par la construction de monticules en terre. Ces tertres furent

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 71

alors dénommés « cerritos de indios » appellation qu’ils ont conservée jusqu’à nos jours (Figure 1). D’autres structures préhistoriques similaires furent identifiées dans le delta du Parana, le long du fleuve Uruguay (Lothrop 1932) et le long du Río de la Plata (Serrano 1972).

3 Dans les années 1960 et 1970, commencèrent les premières recherches systématiques. Elles furent le fait de chercheurs brésiliens (Naue, Schmitz et al. 1968 ; Copé Moehlecke 1991 ; Schmitz 1976) et uruguayens (Prieto et al. 1970 ; Schmitz et Baeza 1980). Ceux-ci interprétèrent ces monticules comme étant des structures résidentielles domestiques permettant aux chasseurs-cueilleurs d’habiter dans des environnements inondables. Ces groupes furent alors assimilés à la tradition culturelle des chasseurs « pampeanos » (Taddei 1987), caractérisée, en Argentine, en Uruguay et dans le Sud du Brésil, par une technologie lithique comprenant des pointes de flèches, des boleadoras (boules en pierre) et, à une période plus récente, par l’usage de chevaux (Schmitz 1976).

Fig. 1 – Carte de la région ici étudiée localisant les « cerritos de indios ».

4 En 1987, un projet public de sauvetage archéologique, rendu nécessaire par la croissance de la culture du riz dans une partie de la région, marque le départ d’une nouvelle étape de la recherche1. Les travaux qui suivirent ont inclus plusieurs prospections régionales et des fouilles stratigraphiques. Commencèrent à développer dans la foulée des tentatives de reconstitution des paléo-environnements des basses terres, ce pour mieux comprendre les comportements humains du passé. Ces travaux étaient fondés sur les concepts et les principes méthodologiques mis au point ailleurs pour l’étude des rapports entre changements environnementaux et transformations culturelles (López Mazz et Bracco 1994 ; López Mazz 2001 ; Bracco 2006).

5 Dans ce contexte, la vision des chasseurs-cueilleurs considérés comme de stricts primitifs changea peu à peu, et une nouvelle image se dessina, où les sociétés

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 72

apparurent plus complexes qu’on ne le pensait, avec une organisation sociale, un sens de la territorialité, une économie et un système politique plus développés que prévu (López Mazz et Bracco 1994 ; López Mazz 2001).

6 D’un autre côté, on commença à s’interroger sur l’identité des Indiens qui habitaient la région au moment des conquêtes espagnole et portugaise. Quel rapport avaient-ils avec les populations préhistoriques des basses terres du Cône Sud, et du reste de l’Amérique du Sud ?

7 Au cours des 25 dernières années, les recherches archéologiques dans le secteur ont été menées en lien avec les communautés universitaires et ont intégré de nouvelles techniques analytiques (datations 14C, zooarchéologie, études sédimentaires, analyses des technologies lithiques et céramiques, travaux paléobotaniques, d’anthropologie biologique, etc.). Parallèlement, s’est développé un nouvel intérêt pour les études ethnohistoriques, orientées vers l’identification des populations indiennes tardives, descendant, ou non, des sociétés préhistoriques (Bracco 1998).

8 Le principal objectif de ces pages est d’offrir une vue d’ensemble de la préhistoire de cette région, jusqu’à aujourd’hui fort peu connue hormis de quelques spécialistes.

Un environnement très dynamique qui conditionne les conduites humaines

9 Le paysage de la région est dominé par des basses terres très étendues et des lagunes proches de l’océan, au milieu desquelles des collines et des terrasses ont été occupées et réoccupées pendant des millénaires. Cet environnement est limité, d’un côté, par la forêt de palmiers Butia odorata et, de l’autre, par la côte atlantique. La lagune la plus grande est la Laguna Merín, entourée de près de 5 700 km2 de basses terres, qui s’inondent partiellement ou complètement pendant une grande partie de l’année. Bien qu’ayant souffert de dramatiques changements au cours de l’Holocène, la côte atlantique est riche en ressources marines, comprenant en particulier de grands mammifères (Otaria flavensces et Arctocephalus australis) qui forment des colonies au Cabo Polonio entre le mois de septembre et la fin du mois de mars. Les palmiers, formant de petites forêts, mûrissent en mars et produisent une noix qui était utilisée pour fabriquer de la farine par les Indiens au XVIIIe siècle (César 1981).

10 Il y a 12 000 ans, le paysage était cependant fort différent, notamment parce que le Río de la Plata n’existait pas. À sa place, il avait le paléo-Paraná, un fleuve beaucoup plus étroit qui, en débouchant dans l’océan Atlantique à la hauteur de la plateforme marine, formait un delta (Ayup-Zouain 2006 ; Bracco et al. 2011 ; Figure 2). Cette zone deltaïque devait faciliter la circulation des hommes entre le nord et le sud de l’actuel Río de la Plata (Miotti 2006). Il est important de noter que le bras le plus septentrional et le plus profond (autour de -30/-20 m snm actuel) de ce delta suivait un dessin proche de l’actuelle côte uruguayenne (Ayup-Zouain 2006 ; Bracco et al. 2011).

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 73

Fig. 2 – Paléographie du bassin du Río de la Plata, vers 9000-4000 av. J.-C. (Ayup Zouain 2006).

11 La fin du Pléistocène et le début de l’Holocène furent marqués par un changement des conditions climatiques, notamment l’augmentation de la température de près de 3ºC et le développement des plaines alluviales, des lagunes et des milieux aquatiques (Cavalloto, Violante et Parker 2004 ; García Rodríguez et al. 2011). Le paysage du post- Pléistocène était ainsi composé d’une mosaïque de zones écologiques, conditionnées par la latitude, la topographie et l’influence marine, avec un développement de basses terres (Cavalloto, Violante et Parker 2004 ; Iriarte 2006) et d’une forêt saisonnière près des fleuves et des cours d’eau (Leal et Lorscheitter 2007).

12 À partir de 15500 av. J.-C., le niveau de la mer monta depuis -120 m snm actuel jusqu’à submerger les plaines maritimes vers 4000 av. J.-C. (Bracco et al. 2011). Cette transgression marine provoqua la réduction des terres disponibles pour l’habitat et noya l’ancienne ligne de côte sur laquelle étaient implantés les premiers sites archéologiques. Les études paléobotaniques à l’est de l’Uruguay suggèrent que le Pléistocène final (entre 12810 et 8000 av. J.-C. environ) se caractérisait par des conditions froides et arides, ainsi que par des prairies riches de plantes en C3 (Iriarte 2006). Avec l’apparition de conditions plus chaudes et plus humides au début de l’Holocène (vers 7450-4620 av. J.-C.), les basses terres se développèrent, comme l’indiquent la formation de tourbières, la croissance d’espèces adaptées à des conditions humides et le remplacement, dans les prairies, des Pooideae (C3) par des Panicoideae (C4) (ibid., p. 27-28).

13 La structure écologique et le paysage du début de l’Holocène ont orienté l’organisation économique et la mobilité des chasseurs-cueilleurs. La montée des eaux, la réduction des terres aptes à l’occupation humaine, aussi bien que la circonscription des ressources critiques, au milieu des étendues de basses terres, ont été la clé d’une nouvelle forme d’occupation de l’espace. Les études paléobotaniques suggèrent que ces

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 74

conditions ont pu déclencher l’occupation intensive des basses terres (Bracco et al. 2005).

14 Les changements du régime d’inondation (entre eau douce et eau salée) ont été décisifs aussi pour l’Holocène moyen et, encore une fois, responsables de nouvelles formes d’occupation de l’espace des sociétés préhistoriques. Ces transformations se sont produites en même temps qu’un refroidissement et qu’une aridification relative des conditions climatiques, accompagnés d’une baisse du niveau de la mer et de la formation de champs de dunes côtières. Les datations au 14C du niveau sous les dunes du site archéologique de Cabo Polonio permettent de situer ce changement climatique vers 5000 av. J.-C. (López Mazz et al. 2009). Aux alentours de 1000-500 av. J.-C., les conditions climatiques s’améliorèrent, devenant plus chaudes et plus humides, pour se stabiliser et devenir similaires à celles d’aujourd’hui (Bracco et al. 2005).

15 L’émergence de la culture préhistorique connue comme celle des « constructores de cerritos » (les bâtisseurs de monticules) (López Mazz et Bracco 1994) est très liée à ce changement de la structure écologique et aux variations de la disponibilité des ressources naturelles des environnements inondables. Les communautés – très variables – de plantes et de faune ont fourni l’essentiel des aliments des sociétés. Durant 10 000 ans, les basses terres ont été le lieu d’expériences singulières entre les humains, l’eau, les plantes et les animaux, tout en donnant naissance à une économie originale et à des rapports sociaux particuliers.

16 Les recherches archéologiques sur les premiers peuplements du versant atlantique de l’Amérique du Sud se heurtent à des problèmes engendrés par les conditions du milieu. D’une part, la montée du niveau de la mer au cours de l’Holocène a noyé les plus anciens sites archéologiques. D’autre part, et plus récemment, entre circa 4000 et 3000 av. J.-C., la formation de dunes côtières a également enseveli des sites sous d’épaisses couches de sable. Dans ces contextes, les fouilles archéologiques doivent adopter des techniques compliquées ou se dérouler en profitant de situations exceptionnelles et au gré de leur apparition.

17 Le site archéologique d’Urupez sur le Cerro de los Burros (département de Maldonado) est localisé sur une colline et associé à un affleurement de rhyolithe qui a fourni la roche pour confectionner des outils. Depuis quelques années, des pointes de type « queue de poisson » (PQP) ont été collectées en surface, tandis qu’une pointe de quartz blanc a été trouvée dans une fouille stratigraphique, avec d’autres outils lithiques ovales et des éclats de rhyolithe, de quartz, de jaspe et de silex. Des charbons culturels associés ont fourni des datations 14C entre 10000 et 9000 av. J.-C. (Meneghin 2006). Ce site étant localisé près de la côte, non loin de l’océan Atlantique, il est possible que vers 11000-9000 ans av. J.-C., à l’époque du paléo-delta, il ait été proche du bras nord de ce dernier.

18 Le site archéologique de Cabo Polonio est localisé face à l’océan, près de l’ancien bras nord du paléo-delta. Il s’agit d’un cap et de quelques îles abritant des colonies de mammifères marins (Otaria flavensens et Arctocephalus australis). Des fouilles ont été réalisées là dès 1991 : on y a trouvé différentes couches de sable d’origine éolienne (López Mazz et al. 2009). Celles de couleur sombre concentrent le matériel culturel, constituant ainsi les niveaux d’occupation humaine (Figure 3). D’autres couches, plus claires, signalent les niveaux d’abandon du site. Ces fouilles ont permis de récupérer des restes de poisson et de coquilles, mais aussi de la faune terrestre, tels des cervidés et des rongeurs, ainsi que de l’œuf de nandou (Rhea americana), la présence de ce

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 75

dernier indiquant que l’occupation qui lui correspond a eu lieu au début du printemps. Bien que des pointes PQP aient été trouvées en surface de ce site, seuls quelques éclats de quartz et de granite ont été récupérés dans le niveau le plus ancien (ibid.).

Fig. 3 – Stratigraphie du site Cabo Polonio.

19 Plusieurs niveaux archéologiques superposés sont datés entre 7000-6000 av. J.-C. et le XIVe siècle, époque de l’arrivée des Espagnols et des Portugais dans la région. Toutefois, si aucun matériel susceptible d’être daté n’a encore été trouvé dans le niveau le plus ancien, trois échantillons de charbons culturels de la couche au-dessous des dunes ont été datés entre 2400 et 2900 av. J.-C. (López Mazz et al. 2009). On peut signaler que le niveau le plus ancien est similaire à d’autres couches archéologiques du Nord du pays datées d’environ 8500 av. J.-C. (Suárez 2010). L’eau affleure actuellement sous cette couche, ce qui suggère que le moment d’occupation du site correspondait à un niveau de la mer plus bas qu’aujourd’hui.

20 Le début de l’Holocène se caractérisa par le réchauffement progressif du climat et par plus d’humidité générale. Peu à peu, l’ancien delta du paléo-Paraná disparut sous les eaux, laissant place au Río de la Plata en cours de formation. Alors que beaucoup d’implantations humaines furent submergées, celles situées sur des terrasses continuèrent à être occupées de façon presque continue.

21 Le site de Ríncón de los Indios est stratégiquement localisé sur les collines de Potrero Grande, au nord de la Laguna Negra, ce qui permettait le transit au nord vers les terres basses d’India Muerta, un des plus anciens centres préhistoriques régionaux. Le site se trouve à 12 km de l’océan Atlantique, d’où venaient quelques ressources animales et minérales. Entre environ 6800 et 5100 av. J.-C., le sommet fut occupé par des chasseurs- cueilleurs dont un segment du cycle annuel de mobilité (sociale et économique) se situait sur la côte (López Mazz 2013). Les études sur l’organisation technologique des

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 76

populations montrent que celles-ci se fournissaient en matières premières lithiques de qualité – agate, calcédoine et silex – dans le Nord du pays (López Mazz, Gasacue et Piñeiro 2011).

22 Deux éléments retiennent l’attention pour cette période, tant dans le territoire uruguayen qu’au sud du Brésil. Le premier est l’évolution et la spécialisation des groupes de chasseurs, dont la technologie, caractérisée par la diversification des pointes de projectile en pierre taillée, peut être associée à la disparition des méga- mammifères du Pléistocène. Le deuxième élément est un schéma de mobilité très dynamique avec des campements saisonniers standardisés, dispersés sur une région étendue, qui va du fleuve Uruguay à l’État de São Paulo au Brésil (Suárez 2010 ; Chmyz et al. 2008 ; Días 2012 ; López Mazz 2013). L’homogénéisation et la standardisation des campements – leur disposition spatiale et celle des rejets – ainsi que de la culture matérielle suggèrent l’existence d’un réseau d’échanges et celle d’une sphère d’interaction sociale et culturelle étendue (Días 2012).

23 Du point de vue de la technologie de chasse, la diversification des formes de pointes de projectile avec plusieurs styles contemporains impose que l’on s’interroge sur les raisons qui ont produit cette variabilité archéologique. En premier lieu, on pourrait attribuer ces variations à l’histoire elle-même et aux recyclages successifs qu’ils ont pu subir (Suárez 2010 ; Castiñeira et al. 2011). Cependant, d’autres raisons ont pu fortement influencer ce processus ; elles sont liées aux changements dans la végétation, aux besoins de la chasse dans les basses terres, à la disparition de la grande faune du Pléistocène et à la disponibilité des matières premières lithiques. Il y a enfin des raisons culturelles (symboliques et sociales) qui peuvent en partie avoir provoqué cette variabilité des types (López Mazz 2013).

24 Les chasseurs de la transition Pléistocène/Holocène utilisaient encore des pointes de type PQP (Meneghin 2006) mais, en même temps, commençaient à expérimenter de nouveaux types (Hilbert 1991 ; Austral 1995 ; Suárez 2010 ; Días 2012 ; Mentz Ribeiro 1991). Au centre de la question, se trouve le débat sur les systèmes de propulsion qui sont associés aux différentes pointes de projectile. La datation entre 8000 et 7000 av. J.-C. de pointes de projectile plus petites que le type PQP suggère qu’il y a eu un centre d’innovation technique indépendant, plus ancien dans ces basses terres que dans les autres régions du continent sud-américain (Figure 4).

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 77

Fig. 4 – Pointes de projectile de la période comprise entre 9000 et 5000 av. J.-C.

Les chasseurs cueilleurs adoptent l’horticulture (vers 2000 av. J.-C.)

25 La période formative de la région est caractérisée par une gestion intensive des plantes, l’élargissement du spectre des espèces animales chassées (et pêchées) et des changements sociopolitiques exprimés dans les sépultures et dans un nouveau paysage culturel. Le modèle socio-économique traditionnellement relié à ce type de société préhistorique est celui de groupes de chasseurs-cueilleurs spécialisés exploitant les riches et très diverses ressources des basses terres. Ce modèle, centré sur la haute productivité (et prévisibilité) des environnements des terres inondables, n’excluait pas l’horticulture (López Mazz et Bracco 1994 ; Figure 5).

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 78

Fig. 5 – Niches écologiques de l’Est de l’Uruguay.

26 Les recherches paléobotaniques réalisées depuis quelques années ont montré que, parmi les plantes exploitées, se trouvaient le fruit d’un palmier (Butia capitata) et un tubercule (Canna glaucia) (Iriarte et al. 2001, 2004 ; Del Puerto et Campos 1999). À l’époque, apparaît une utilisation particulière du palmier cité, et un outil connu par l’ethnographie comme « cassenoix », qui montre une intensification dans l’exploitation de la noix du fruit de celui-ci (Dabezies et Gazzán 2008). Parmi les plantes domestiquées, ont été identifiés des silico-phytolites de Paseolus sp., de Cucurbita et de Zea maiz (Iriarte et al. 2001 ; Del Puerto et Campos 1999), ainsi que des grains d’amidon d’Hypomoea batata et d’ Arachis hypogaea (Dabezies 2009 ; López Mazz, Dabezies et Capdepont 2013). La présence de grains d’amidon de l’hallucinogène Datura ferox dans le site archéologique de Laguna de Castillos, pour sa part, laisse imaginer une importante activité rituelle à cette période (ibid.). Cette plante hallucinogène pousse encore aujourd’hui sur les monticules préhistoriques de Laguna Negra et d’India Muerta.

27 En ce qui concerne les activités de chasse, on constate la haute variabilité des types de pointes de flèches (orientées vers une faune plutôt petite) et l’intensification de l’exploitation des ressources aquatiques (poissons, crustacés, bivalves, etc.) (Días 2012 ; López Mazz 2013). Au-delà des témoignages strictement archéozoologiques, on reconnaît des innovations technologiques comme les poids de ligne et/ou de filet de pêche (López Mazz et Gascue 2007).

28 À l’époque, les sites répartis dans le territoire s’organisent en une véritable hiérarchie et témoignent d’un paysage économique, social et politique plus complexe (López Mazz 1999 ; López Mazz et Gianotti 2001). L’habitat s’oriente vers une semi- sédentarisation et montre une consolidation des cimetières familiaux (Bertoni et al. 2004). L’étude des processus de formation des sites indique clairement la réoccupation régulière des localités les mieux placées dans le paysage, et une intensification de l’activité rituelle exprimée dans différents types d’enterrements (Femenías et al. 1990 ; López Mazz 2001). Parallèlement, le traitement des morts implique davantage de soins apportés aux défunts (Figure 6).

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 79

Fig. 6 – Enterrement complexe (n = 3) site Isla Larga (Cabrera 1999).

29 C’est alors que se produisit une dispersion vers le sud de groupes provenant de l’Amazonie, que l’on peut reconnaître grâce à des céramiques incisées et peintes. Vers 1500 av. J.-C., des peuples liés à la tradition arawak (Politis et Bonomo 2012) et, plus tard, vers le début de notre ère, des groupes guaranis, sont arrivés par les grands fleuves Paraná et Uruguay, les basses terres du Matto Grosso et la côte atlantique (Brochado 1978).

30 La complexité sociale et politique qui se développe alors dans les basses terres est donc portée par deux éléments complémentaires. D’un côté, elle est stimulée par des logiques internes propres aux processus historiques locaux. De l’autre, l’évolution sociale a aussi été soutenue par des facteurs externes comme l’arrivée des peuples amazoniens. Dans ce contexte, il est plus facile de comprendre le rôle joué par les grands chefs (dont les tombes sont plus grandes et plus complexes) et surtout par les conflits et la violence. L’institutionnalisation du conflit apparaît dans les sites de cette période sous la forme de palissades (Iriarte 2006). Des traces de scalpation, d’anthropophagie et de têtes trophées ont été identifiées dans les vestiges fouillés au sud du Brésil (Schmitz 1976) et dans l’Est de l’Uruguay (Gianotti et López Mazz 2009 ; López Mazz et Moreno Rudolph 2013) (Figure 7).

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 80

Fig. 7 – Enterrement secondaire avec ocre rouge vers 500 av. J.-C. du site Rincón de Los Indios.

Les grands caciques et les conquêtes espagnole et portugaise (du début de l’ère chrétienne au XVIe siècle)

31 À partir du début de notre ère, on assiste à une importante expansion de ces peuples à travers les terres basses et tout le long de la côte atlantique. Dans chaque région, l’occupation de l’espace dut s’adapter à des conditions géographiques locales diversifiées, ce qui produisit des structures particulières d’occupation de l’espace (Bracco 2006 ; Iriarte 2006 ; López Mazz 2001). Parmi les nouvelles zones occupées de façon systématique, il y a le piémont de la Sierra de San Miguel et le bord de la mer, où s’étaient installés auparavant des campements saisonniers et de valeur stratégique, qui permettaient d’exploiter de façon simultanée des ressources provenant de diverses niches écologiques proches (López Mazz et Villarmarzo 2009).

32 La violence et les conflits identifiés au niveau archéologique, qui avaient commencé au Ier millénaire av. J.-C., continuèrent au début de l’ère chrétienne, de façon concomitante avec la pratique de l’anthropophagie et des têtes trophées (Pintos et Bracco 1999 ; López Mazz et Moreno Rudolph 2013 ; Gianotti et López Mazz 2009). La mise en place de cette nouvelle organisation territoriale est marquée par une série de sites hiérarchisés répartis dans différentes zones (López Mazz et Pintos 2000, 2001). Cette organisation suggère l’existence de différents niveaux de décision politique et d’un système social macro-régional avec des populations qui s’alliaient ponctuellement pour résister à des périls externes mais se retrouvaient en conflit à d’autres moments (Dillehay 1996 ; López Mazz 2001).

33 Une autre manifestation de la complexité des sociétés, soulignée par les chercheurs, est le paysage anthropisé. Celui-ci s’est constitué lentement sur plusieurs millénaires, mais c’est à cette époque qu’il se consolide. Il est à la fois le support et le produit d’une conduite de contrôle du territoire, avec la monumentalité associée aux activités

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 81

cérémonielles et une stratégie d’inter-visibilité entre les localités et les concentrations de ressources (lagunes, forêts de palmiers, etc.) (Figure 8) (Andrade et López Mazz 2000 ; Gianotti et López Mazz 2009 ; López Mazz 2001).

Fig. 8 – « Cerrito de indios », zone d’India Muerta.

34 Les chroniqueurs de l’époque coloniale confirment beaucoup d’aspects de la complexité sociale, que l’on peut reconstituer à partir des données archéologiques, notamment ce qui concerne la figure de ces caciques qui vont être en première ligne face aux conquêtes espagnole et portugaise du XVIe siècle (López Mazz et Bracco 2010). Les Indiens vont très rapidement adopter l’élevage, une transformation peut-être favorisée par les expériences que les anciens chasseurs avaient développées sur des troupeaux de cervidés, lesquels avaient été la principale source de protéines pendant des millénaires. Des chiens, souvent enterrés dans les « cerritos », ont pu aider à une meilleure gestion des cervidés (López Mazz 2001).

35 L’arrivée des premiers conquérants intensifia les conflits qui existaient entre les Indiens habitant la région depuis des millénaires et les peuples guaranis qui les avaient repoussés vers l’intérieur des terres. Comme dans d’autres zones d’Amérique, l’opposition entre les groupes autochtones profita aux conquérants qui développèrent des liens très étroits avec les Guarani.

36 Les Charruas et les Güenoas, connus également sous le nom de Minuanes, résistèrent à la fondation des premières villes européennes. Ce sont les descendants historiques des populations préhistoriques. Au XVIIIe siècle, les Güenoas furent expulsés vers le nord et se fixèrent au sud du Brésil. Métissés, ils adaptèrent leurs traditions techniques et culturelles au mode de production européen centré sur l’élevage des bovidés, des chevaux et des ânes (López Mazz et Bracco 2010). Du processus social de métissage émergea la figure du gaucho, personnage emblématique et chevalier renommé des plaines du bassin du Río de la Plata.

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 82

37 En 1833, le nouvel État uruguayen mena une guerre d’extermination contre les derniers Charrúas et Güenoas/Minúan, donnant ainsi naissance au stéréotype d’un Uruguay seul pays de l’Amérique sans Indiens.

Conclusions

38 La transition Pléistocene/Holocène a définitivement transformé les milieux et les paysages de la façade atlantique méridionale de l’Amérique du Sud avec : a. des variations du niveau de la mer et des conditions climatiques ; b. le développement des basses terres (et d’un système de lagunes côtières) et c. des changements dans la structure écologique des ressources critiques disponibles pour la survie.

39 Dans ce contexte, les plus anciennes sociétés de chasseurs-cueilleurs ont dû s’adapter à de nouvelles conditions environnementales. Ce processus d’ajustements et de changements adaptatifs a donné lieu à la première tradition technologique de chasseurs-cueilleurs proprement locale, connue sous le nom de tradition Ombú (vers 8000 av. J.-C.). Dépendantes des matières premières lithiques disponibles et destinées à une faune plus petite (en grande mesure associée aux environnements inondables), les pointes de projectile en pierre qui apparaissent alors variées constituent le produit le plus visible de la réponse humaine à la mise en place de l’Holocène.

40 Les paysages anthropiques et culturels bâtis sur la longue durée et qui émergèrent dans les basses terres à partir de 3000 av. J.-C. devinrent peu à peu un produit « socio- naturel » qui reflète la disponibilité des espaces à habiter et a permis de développer les activités de l’économie domestique. L’occupation répétée des terrasses (sédimentaires et structurelles) donna naissance à un paysage social à fort caractère territorial (composé de milliers de cerritos de indios) comportant des aspects économiques fondamentaux, le tout au service de systèmes politiques plus ou moins centralisés (Kolb 1994).

41 À partir de 1500 av. J.-C., la gestion intensive de l’environnement intégra différentes plantes, parmi lesquelles des espèces sauvages (palmiers, tubercules) et d’autres cultivées (maïs, Phaseolus, calebasses, patate douce, cacahuète). L’organisation économique détermina un calendrier saisonnier, de façon à exploiter un écotone riche et très varié, tout en faisant une large place aux ressources côtières (poissons, mammifères marins, coquilles, oiseaux, etc.).

42 L’évolution des sites vers une occupation plus prolongée donna lieu, à partir de 500 av. J.-C., à l’émergence de localités de premier ordre, où l’activité rituelle (politique et religieuse) était fortement associée à la mort. Les structures funéraires se combinèrent également avec de grands terrassements de dimensions vraiment monumentales.

43 Le contrôle des ressources naturelles a évolué sous l’influence des changements de l’environnement : depuis des formes de territorialité dynamiques propres aux chasseurs vers d’autres formes moins mobiles et centrées sur les lagunes, les palmeraies et, finalement, les pâturages aptes à l’élevage.

44 Les tribus Charrúas et Güenoas/Minúan qui, aux XVIe, XVIIe et XVIIIe siècles, construisaient toujours des « cerritos » résistèrent avec leurs flèches en pierre taillée à la conquête européenne et continuèrent sûrement à pratiquer l’anthropophagie et la

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 83

scalpation. Ils étaient en réalité, au moins culturellement, les descendants historiques des diverses sociétés de la préhistoire locale.

BIBLIOGRAPHIE

ANDRADE Lima Tania et José LÓPEZ MAZZ 2000, « El surgimiento de sociedades complejas en la prehistoria del litoral Atlántico meridional de Sudamérica », Boletín de antropología americana, 17-19, p. 129-175.

AUSTRAL Antonio 1995, « Los cazadores recolectores del sitio estratificado de Paypaso hace 10 mil años », in Mario Consens, José M. López Mazz et María del Carmen Curbelo (éd.), Arqueología en Uruguay, VIII Congreso Nacional de Arqueología de Uruguay, Banco Comercial, Montevideo, p. 212-217.

AYUP-ZOUAIN Ricardo N. 2006, « Evolución paleográfica y dispersión de sedimentos del Río de la Plata », in Rodrigo Menafra, Lorena Rodríguez-Gagello, Fabrizio Scarabino et Daniel Conde (éd.), Bases para la conservación y el manejo de la costa uruguaya, Vida Silvestre, Montevideo.

BAUZÁ Francisco 1885-1897, Historia de la dominación española en Uruguay, 3 vol., Biblioteca Artigas, Montevideo.

BERTONI Bernardo, Gonzalo FIGUEIRO, Gabriel CABANAS et James MC DONOUGH 2004, « Primeras secuencias de ADN mitocondrial de indígenas prehistóricos del Uruguay », in Laura Beovide, Isabel Barreto et Carmen Curbelo (éd.), X Congreso uruguayo de arqueología. La arqueología uruguaya ante los desafíos del nuevo siglo, Asociación Uruguaya de Arqueología, Montevideo [CD-ROM].

BRACCO Diego 1998, Guenoas, Ministerio de Educación y Cultura, Montevideo.

BRACCO Roberto 2006, « Montículos en la cuenca de la Laguna Merín: tiempo, espacio y sociedad », Latin American antiquity, 17 (4), p. 511-540.

BRACCO Roberto, Laura DEL PUERTO, Hugo INDA et Carola CASTIÑEIRA 2005, « Middle-Late Holocene cultural and environmental dynamics in the east of Uruguay », Quaternary international, 132, p. 37-45.

BRACCO Roberto, Felipe GARCIA, Hugo INDA et Laura DEL PUERTO 2011, « Niveles relativos del mar durante el Pleistoceno final-Holoceno en la costa de Uruguay », in El Holoceno en la costa uruguaya, Comisión Sectorial de Investigación Científica/Universidad de la República, Montevideo, p. 65-92.

BROCHADO José P. 1978, Ecological model of the spread of Amazonian pottery, thèse de doctorat en anthropologie, University of Stanford, Stanford.

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 84

CABRERA Leonel 1999, « Funebria y sociedad entre los constructores de cerritos del este uruguayo », in José M. López Mazz et Mónica Sans (éd.), Arqueología y bioantropología de las tierras bajas, Universidad de la República, Faculdad de Humanidades y Ciencias de la Educación, Montevideo, p. 63-80.

CASTIÑEIRA Carola, Marcelo CARDILLO, Judith CHARLIN et Jorge BAEZA 2011, « Análisis de morfometría geométrica de las puntas Cola de Pescado del Uruguay », Latin American antiquity, 22 (3), p. 335-358.

CAVALLOTTO José Luis, Roberto A. VIOLANTE et Gerardo PARKER 2004, « Sea-level fluctuation during the last 8600 years in the de la Plata river (Argentina) », Quaternary international, 114, p. 155-165.

CÉSAR Guillermino 1981, Primeros cronistas de Río Grande do Sul 1605-1801, Universidades de Río Grande do Sul, Porto Alegre.

CHMYZ Igor, Eliane Maria SGANZERLA, Jonas Elias VOLCOV et Eloi BORA 2008, « A arqueología da área da LT 750 kV Ivaipora-Itaberá III, Paraná-Sao Paulo », Arqueología- Revista do Centro de estudos e pesquisas arqueológicas/UFPR, 5, p. 1-305.

COPÉ MOEHLECKE Silvia 1991, « A ocupacão pré-colonial do sul e do sudeste do Río Grande do Sul », in Arno A. Kern (éd.), Arqueología pré-historia do Rio Grande do Sul, Editora Mercado Alberto (Série Documenta 26), Porto Alegre, p. 191-220.

DABEZIES Juan Martín 2009, « Elaboración de una colección de referencia de almidones con utilidad arqueológica », in Tirso Bourlot, Damián Bozzuto, Carolina Crespo, Ana Carolina Hecht (éd.), Entre pasados y presentes II. Estudios contemporáneos en ciencias antropológicas, Fundación de Historia Natural Félix de Azara, Buenos Aires.

DABEZIES Juan Martín et Nicolas GAZZÁN 2008, « Etnoarqueología en los tiempos que corren », in OrJIA (éd.), Actas de las I Jornadas de jóvenes en investigación arqueológica: dialogando con la cultura material, t. 1, Compañía Española de Reprografía y Servicios, Madrid.

DEL PUERTO Laura et Sara CAMPOS 1999, « Silicofitolitos: un abordaje alternativo de la problemática arqueobotánica del este de Uruguay », in Carlos Alberto Aschero, M. Alejandra Korstanje et Patricia Vuoto (éd.), En los tres reinos: prácticas de recolección en el Cono Sur de América, Instituto de Arqueología y Museo/Facultad de Ciencias Naturales e Instituto Miguel Lillo/Universidad Nacional de Tucumán, Tucumán, p. 141-150.

DÍAS Adriana 2012, « Hunter-gatherers occupation of south Brazil Atlantic forest. Paleoenvironment and archaeology », Quaternary international, 256, p. 12-18.

DILLEHAY Thomas 1996, Some speculations about the cerritos of Southern Uruguay, 33 p., ms.

FIGUEIRAS José H. 1892, « Los habitantes prehistóricos del este de Uruguay », in Comisión de exposición histórico- americana (éd.), El Uruguay en la exposición Mundial de Madrid, Memoria, Montevideo.

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 85

GARCÍA RODRIGUEZ Felipe (éd.) 2011, El Holoceno en la zona costera de Uruguay, CSIC, Universidad de la República, Montevideo.

FEMENÍAS Jorge, José LÓPEZ MAZZ, Roberto BRACCO et Leonel CABRERA 1990, « Tipos de enterramiento en estructuras monticulares (cerritos) de la Cuenca de la Laguna Merín (R.O.U.) », Revista do CEPA, 17, p. 345-358.

GIANOTTI Camila et José LÓPEZ MAZZ 2009, « Intensificación ceremonial, espacios rituales y antropofagia en el Rincón de los Indios », in José M. López Mazz et Andrés Gascue (éd.), Arqueología prehistórica uruguaya en el siglo xxi, Biblioteca Nacional/Facultad de Humanidades y Ciencias de la Educación, Montevideo, p. 33-55.

HILBERT Klaus 1991, Aspectos de la arqueología de Uruguay, Verlag Philipp von Zabern (Materialien zur allgemeinen und vergleichenden Archäologie, 44), Mainz am Rhein.

IRIARTE José 2006, « Vegetation and climate change since 14,810 14C yr BP in southeastern Uruguay and implications for the rise of early Formative societies », Quaternary research, 65, p. 20-22.

IRIARTE José, Irene HOLST, José LÓPEZ MAZZ et Leonel CABRERA 2001, « Subtropical wet adaptation in Uruguay during mid-Holocene: an archaeobotanical perspective », in Barbara A. Purdy (éd.), The environmental and cultural heritage of wetlands, Oxbow Books, Oxford, p. 51-60.

IRIARTE José, Irene HOLST, Oscar MAROZZI et Claudia LISTOPARD 2004, « Evidence for cultivar adoption and emergent complexity during the mid-Holocene in the La Plata basin », Nature, 432, p. 614-617.

KOLB Michael J. 1994, « Monumentality and the rice of religious authority in precontact Hawai’i », Current anthropology, 34 (5), p. 521-547.

LEAL Márcia Grala et Maria Luisa LORSCHEITTER 2007, « Plant succession in a forest on the lower northeast slope of Serra Geral, Rio Grande do Sul, and Holocene paleoenvironments, southern Brazil », Acta botanica brasilica, 21 (1), p. 1-10.

LÓPEZ MAZZ José M. 1999, « Construcción del paisaje y cambio cultural en las tierras bajas del este de Uruguay », in José López Mazz et Mónica Sans (éd.), Arqueología y bioantropología de las tierras bajas, Universidad de la República, Faculdad de Humanidades y Ciencias de la Educación, Montevideo, p. 35-62.

2001, « Las estructuras monticulares (cerritos) del litoral atlántico uruguayo », Latin American antiquity, 12 (3), p. 3-35.

2013, « Early human occupation of Uruguay: radiocarbon database and archaeological implications », Quaternary international, 21, p. 11-22.

LÓPEZ MAZZ José M. et Diego BRACCO 2010, Minuanes. Apuntes y notas para la arqueología y la historia del territorio Güenoa/Minúan, Librería Linardi y Risso, Montevideo.

LÓPEZ MAZZ José M. et Roberto BRACCO 1994, « Cazadores colectores complejos de la cuenca de la Laguna Merin », in José Luis Lanata et Alberto Borrero (éd.), Arqueología de cazadores-recolectores: limites, casos y aperturas, Programa de Estudios Prehistóricos, Buenos Aires, p. 1-33.

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 86

LÓPEZ MAZZ José M., Juan M. DABEZIES et Irina CAPDEPONT 2014, « La gestión de los recursos vegetales en la prehistoria de las tierras bajas del este de Uruguay. Un abordaje interdisciplinar », Latin American antiquity, 25 (3), p. 256-277.

LÓPEZ MAZZ José M. et Andrés GASCUE 2007, « El valle del arroyo Balizas: estructuras monticulares y sitios del litoral atlántico uruguayo », Cazadores recolectores del Cono Sur, revista de arqueología, 2, p. 89-103.

LÓPEZ MAZZ José M., Andrés GASCUE et Gustavo PIÑEIRO 2011, « Flint procurement strategies of the early hunter-gatherer of eastern Uruguay », in Marta Capote, Susana Consuegra, Pedro Díaz-del-Río et Xavier Terradas, Proceeding of the 2nd International conference of UISPP Commission of flint mining in pre- and protohistoric times (Madrid, 14-17 October 2009), British Archaeological Reports (BAR International Series), Oxford, p. 290-302.

LÓPEZ MAZZ José M. et Camila GIANOTTI 2001 , « Construcción de espacios ceremoniales públicos entre los pobladores prehistóricos de las tierras bajas de Uruguay: el estudio de la organización espacial en la localidad arqueológica de Los Indios », Revista de arqueología, 11, p. 87-104.

LÓPEZ MAZZ José M. et Federica MORENO RUDOLPH 2014, « El cambio social en la prehistoria de las tierras bajas del este de Uruguay: la visibilidad arqueológica del conflicto », in José M. López Mazz et Mónica Berón (éd.), Indicadores arqueológicos y bioantropológicos de conflicto y violencia en América Latina, Universidad de la República, Montevideo, p. 3-22.

LÓPEZ MAZZ José M., Federica MORENO RUDOLPH, Eugenia VILLARMARZO et Andrés GASCUE 2009, « Apuntes para una arqueología costera y del Cabo Polonio », in José López Mazz et Andrés Gascue (éd.), Arqueología prehistórica uruguaya en el siglo XXI, Biblioteca Nacional del Uruguay, Montevideo, p. 39-65.

LÓPEZ MAZZ José M. et Sebastian PINTOS 2000, « Distribución espacial de estructuras monticulares en la cuenca de la Laguna Negra », in Alicia Durán Coirolo y Roberto Bracco Boksar (éd.), Arqueología de las Tierras Bajas, Ministerio de Educación y Cultura, Comisión Nacional de Arqueología, Montevideo, p. 49-58.

2001, « El paisaje arqueológico de la Laguna Negra », in Arqueología uruguaya al fin del milenio, IX Congreso Nacional de Arqueología de Uruguay, Montevideo, p. 175-186.

LÓPEZ MAZZ José M. et Eugenia VILLARMARZO 2009, « Explotación intensiva de recursos marinos: el caso del este de Uruguay », in José M. López Mazz et Andrés Gascue (éd.), Arqueología prehistórica uruguaya en el siglo xxi, Biblioteca Nacional del Uruguay, Montevideo, p. 13-26.

LOTHROP Samuel Kirkland 1932, « Indians of the Paraná Delta, Argentina », in Annals of the New York academy of science, 33, p. 77.

MENEGHIN Ugo 2006, « Un nuevo registro radiocarbónico (14C) en el yacimiento Urupez II, Maldonado, Uruguay », Orígenes, 5, p. 1-7.

MENTZ RIBEIRO Pedro 1991, « Arqueología do Vale do Río Pardo, Rio Grande do Sul, Brasil », Revista do CEPA, 18 (21), p. 1-184.

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 87

MIOTTI Laura 2006, « La fachada atlántica como puerta de ingreso alternativa de la colonización de América del Sur, durante la transición Pleistoceno/Holoceno », in José Concepción Jiménez López (éd.), 2o Simposio internacional « El hombre temprano en América », Instituto Nacional de Antropología e Historia, Mexico, p. 155-188.

NAUE Guillermo, Ignacio SCHMITZ et Itala Irene BASILE BECKER 1968, « Sitios arqueológicos no municipio de Rio Grande do Sul », in Publicacoes avulsas do Instituto anchietano de pesquisas, 1, Instituto Anchietano de Pesquisas, Sao Leopoldo, p. 141-154.

PINTOS Sebastián et Roberto BRACCO 1999, « Modalidades de enterramiento y huellas de origen antrópico en especímenes óseos humanos. Tierras bajas del Este de Uruguay », in José M. López Mazz et Mónica Sans (éd.), Arqueología y bioantropología de las Tierras Bajas, Universidad de la República, Faculdad de Humanidades y Ciencias de la Educación, Montevideo, p. 81-106.

POLITIS Gustavo et Mariano BONOMO 2012, « La entidad arqueológica Gota-Malabrigo (Ríos Paraná y Uruguay) y su filiación Arawak », Revista de arqueología, 25, p. 10-46.

PRIETO Oscar, Alvaro ALVAREZ, Gerardo ARBENOIZ et Juan DE LOS SANTOS 1970, Informe preliminar sobre investigaciones arqueológicas en [sic] el Departamento de Treinta y Tres, R.O. Uruguay, Instituto Anchietano de Pesquisa (Publicacoes avulsas do Instituto anchietano de pesquisas, 18), Sao Leopoldo.

SCHMITZ Ignacio 1976, Sitios de Pesca Lacustre en Río Grande, Universidade Pontifica de Río Grande do Sul, Porto Alegre.

SCHMITZ Ignacio et Jorge BAEZA 1980, « Santa Victoria do Palmar. Una tentativa de evolución ambiental, el ambiente del Arroyo Chuy y sus vinculaciones con la problemática de los cerritos », in Actas del VII Congreso nacional de Arqueología Uruguaya, Centro de Estudios Arqueológicos, Montevideo, p. 11-33.

SERRANO Antonio 1972, Líneas fundamentales de la arqueología del litoral, Instituto de Antropología, Córdoba.

SUÁREZ Rafael 2010, Arqueología durante la transición Plesitoceno-Holoceno: componentes paleoindios, organización de la tecnología lítica y movilidad de los primeros americanos en Uruguay, thèse de doctorat, Universidad de la Plata, La Plata.

SUÁREZ Rafael et José LÓPEZ MAZZ 2003, « Archaeology of the Pleistocene-Holocene transition in Uruguay: an overview », Quaternary international, 109-110, p. 65-76.

STEWARD Julian (éd.) 1946, Handbook of South American Indians, vol. 3. The tropical forest tribes, Smithsonian Institution (Bulletin of the Bureau of American Ethnology, 143), Washington.

TADDEI Antonio 1987, « Algunos aspectos de la arqueología prehistórica del Uruguay », in Lautaro Núñez A. et Betty Jane Meggers (éd.), Investigaciones paleoindias al sur de la línea ecuatorial, Instituto de Investigaciones Arqueológicas, Universidad del Norte (Estudios atacameños, 8), San Pedro de Atacama, p. 2-93.

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 88

NOTES

1. La « Comisión de Rescate Arqueológico de la Cuenca de la Laguna Merín » (CRALM) était un projet de sauvetage archéologique chargé de dresser un état des lieux sur à peu près 5 700 km2 de basses terres. Il s’agissait d’une action coordonnée entre le Ministerio de Educación y Cultura et l’Universidad de la República (1987-2002).

RÉSUMÉS

La façade atlantique de l’Amérique du Sud a été explorée et colonisée depuis le Xe millénaire av. J.-C., par des chasseurs-cueilleurs très mobiles qui faisaient partie d’une grande sphère d’interaction culturelle. Par la suite, ces groupes devinrent moins mobiles s’attachant à des territoires qui sont autant de paysages culturels spécifiques. Leur économie était alors centrée sur l’exploitation des basses terres, avec la gestion de plantes et de ressources marines. À partir du IIIe millénaire, ces sociétés se complexifièrent, se dotant de systèmes politiques plus forts tandis que les conflits augmentaient. À cette époque, des groupes d’Amazonie (arawak et guarani) arrivèrent dans la région. Les tribus Charrúas et Guenoa/Minúan des XVI et XVIIe siècles semblent être les descendants historiques de ce long processus.

La fachada atlántica de Sudamérica fue objeto de exploración y colonización humana desde el decimo milenio antes de Cristo, por grupos de cazadores-recolectores de gran movilidad que formaban parte de una extensa esfera de interacción social y cultural. Con el tiempo estos grupos pierden movilidad y desarrollan una territorialidad caracterizada por paisajes culturales singulares y por la explotación de los recursos de las tierras bajas; con énfasis en la gestión de plantas y en los recursos marinos. Desde el tercer milenio antes de Cristo, estos grupos se vuelven más complejos, con sistemas políticos más fuertes e importantes niveles de conflicto. En esta época llegan a la región grupos amazónicos (arawak y guaraníes). Las tribus charruas y güenoas/ minuán de los siglos XVI y XVII parecen ser los descendientes históricos de este largo proceso.

The Atlantic slope of South America was explored and colonised from tenth Millennium before J.C. by hunter gatherers groups. These groups with high mobility are part of an extended sphere of cultural interaction. Later they became less mobile and produced a specific cultural landscape. Their economy was based on products, managed plants and marine resources of the lowlands. From the third millennium before the era these inhabitants acquired some degree of complexity with a strong political system able to withstand social conflict. At the beginning of this period people arrived from Amazonia (Arawak and Guarani). Charrua and Güenoa/Minuan tribes (well known in the sixteenth and seventeenth centuries) were the historical heirs of this long process.

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 89

INDEX

Mots-clés : basses terres, chasseurs-cueilleurs, sociétés complexes, monticules, préhistoire de l’Uruguay Keywords : lowlands, hunter-gatherers, complex societies, mounds, prehistory of Uruguay Palabras claves : tierras bajas, cazadores-recolectores, sociedades complejas, prehistoria de Uruguay, montículos

AUTEUR

JOSÉ M. LÓPEZ MAZZ

Departamento arqueología, facultad de Humanidades/CURE/UdelaR, SNI/ANII Universidad de la República

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 90

Identifications totémiques : réflexions sur la relation entre humains et entités surnaturelles chez les Salish centraux de la côte Totemic identifications: reflections on the relationship between humans and supernatural entities among the Central Coast Salish people Identificaciones totémicas: reflexiones sobre la relación entre humanos y entidades sobrenaturales en el grupo de los salish de la Costa central

Baptiste Gille

NOTE DE L’ÉDITEUR

Manuscrit reçu en octobre 2013, accepté pour publication en octobre 2014.

Je souhaite remercier très chaleureusement Paul Sorrentino pour la relecture attentive et éclairante de cet article, ainsi que Daphné Le Roux et Camille Chamois, pour leurs précieux conseils.

1 De nos jours, de nombreux autochtones Salish habitant le long de la côte pacifique, dans la région de Vancouver, continuent d’entretenir, en marge de leur insertion dans la vie socio-économique nord-américaine, un rapport particulier aux traditions de leurs ancêtres. Certains schèmes de rapport au monde, que l’on pourrait qualifier de « totémiques », continuent de subsister en parallèle, ou parfois contre, le mode de vie dominant de la société des « blancs », descendants des colons euro-américains. Ainsi beaucoup d’interlocuteurs peuvent affirmer qu’ils maintiennent un rapport privé avec une entité non humaine surnaturelle, souvent une espèce animale de la région. L’objectif du présent article est d’analyser les différentes modalités de cette relation à un non-humain surnaturel et les types d’identification qu’elles mobilisent.

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 91

2 Ce lien avec une entité surnaturelle est souvent présenté comme une relation intime, souffrant d’être trop explicitée. Lorsque l’on cherche à l’éclaircir plus avant, ce lien est exprimé avec précaution, à travers des hésitations et de profondes incertitudes. Ces hésitations laissent transparaître une forme d’indécision récurrente quant à la nature de l’entité surnaturelle ou à la relation adéquate à adopter avec elle. Pourtant, derrière ces hésitations, cette impression de flou, certains schèmes explicatifs sont continuellement convoqués. Le présent travail part de l’idée que loin d’être secondaires et périphériques, ces tâtonnements mêmes, ces embarras et incertitudes réitérées quant à la nature de l’entité surnaturelle, expriment au mieux le totémisme, c’est-à- dire la pluralité possible des rapports concevables entre un être humain et un être protecteur. Il s’agit donc de mettre en lumière ce qui pourrait être nommé un « complexe totémique », un groupe cohérent de relations possibles aux entités surnaturelles, actualisées différemment selon les individus. Cette nouvelle perspective permet de résoudre bien des problèmes dans le débat, plus que centenaire, sur le totémisme des Salish côtiers.

3 Les individus hésitent dans leurs explications, mais ne restent pas pour autant silencieux ou sans justification. Il s’agit donc dans cette étude de prendre au sérieux l’ensemble des données concernant les entités surnaturelles – c’est-à-dire à la fois les hésitations (élément discursif négatif) et les explications (élément discursif positif). Ainsi, plusieurs combinaisons relationnelles cohérentes peuvent coexister, permettant le flottement de l’une à l’autre sans trop de contradiction. Tracer les contours de ce complexe totémique chez les Salish côtiers permettra de comprendre comment différentes motivations individuelles peuvent se rencontrer sans contradiction autour d’un noyau commun de pratiques.

Modalités des énonciations sur l’expérience du surnaturel

Brouillages communicationnels et discours communs

4 Je me trouvai, un soir, sur un territoire des Salish centraux de la côte, sur la réserve de Coldwater1, vers la ville de Merritt, au nord-est de Vancouver, et je devais rendre compte à un ancien (elder) qui me le demandait des intentions qui me poussaient à vouloir continuer ma participation aux rituels. Avec embarras, j’exprimai l’idée que j’étais peut-être seulement curieux de connaître la nature des entités surnaturelles auxquelles il faisait souvent référence, vers lesquelles les rituels devaient conduire. L’ancien laissa passer un temps de silence et sembla choisir ses mots. Puis il me répondit calmement que cette attitude n’était pas forcément saine, car le monde des forces et entités surnaturelles est particulièrement dangereux : « On ne peut vouloir seulement y aller par curiosité. C’est un monde terrifiant. Il faut y aller pour y chercher quelque chose. La route est longue pour s’y préparer. »

5 Ce qui me marqua d’abord dans les conseils de cet ancien, c’est le caractère solennel et grave qu’ils avaient revêtu. Si au quotidien j’avais déjà pu l’entendre parler avec humour et légèreté de sujets parfois profonds, j’avais aussi pu remarquer que tous ses comptes rendus sincères sur l’expérience du surnaturel dans le cadre d’une transmission de savoir étaient entourés d’une aura de solennité. D’une manière générale, lors du rappel d’une expérience surnaturelle, il est possible de remarquer

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 92

chez de nombreux anciens des mécanismes de brouillage des marqueurs énonciatifs. Par exemple ici, les mots de l’ancien étaient renforcés par l’emploi de déictiques vides (« C’est », « s’y préparer », « y aller », « y chercher », etc.) : le discours renvoyait à cette expérience du surnaturel, sans la spécifier ou la déterminer plus avant, formant autour d’elle un halo de mystère. Les procédés énonciatifs décrivant une expérience du sacré des Salish côtiers cherchent ainsi souvent à éviter les mécanismes de désambiguïsation de la communication ordinaire (Sperber et Wilson 1989), c’est-à-dire ceux qui obligent le locuteur, dans des conditions normales de communication, à se rendre pertinent et à transmettre un maximum d’information avec un minimum d’effort pour l’interlocuteur. Ces procédés créent ainsi une structure d’attente chez l’interlocuteur et dessinent les contours de l’expérience surnaturelle comme ceux d’un objet indéterminé (Gille 2014).

6 Cela n’est pas nouveau. Alors que les entités surnaturelles ont toujours occupé une grande place dans l’organisation de la vie sociale, les premières études ethnographiques rappellent que les Salish ont toujours été peu loquaces à leur sujet, notamment parce qu’elles étaient soumises à des droits de propriété et à divers tabous (Hill-Tout 1904 ; Wike 1941 ; Suttles et Jenness 1956). Aujourd’hui il est encore dit que parler d’une entité surnaturelle, c’est convoquer son pouvoir, ce dernier pouvant se faire voler ou diminuer à force d’être mobilisé sans raison. Certaines de ces justifications de prohibition sont résumées dans les propos du représentant culturel Stó:lō2Nawawalhts’i, Albert Sonny McHalsie, lors d’un entretien avec l’anthropologue Bruce Granville Miller : Si quelque chose de spécial nous arrive, nous n’avons pas le droit d’en parler. Comme par exemple une rencontre avec le sasquatch. C’est pour cela que beaucoup d’autochtones ne partagent pas leurs histoires de rencontre avec le sasquatch parce qu’on nous apprend que c’est quelque chose de spécial, et que ce n’est pas quelque chose dont on parle. Si tu en parles trop, cela perd de son pouvoir. (Miller 2007, p. 124 ; traduction de l’auteur3)

7 Malgré une référence explicite à la rencontre avec le sasquatch – une sorte de big foot – on peut ici de nouveau relever la construction énonciative d’une expérience surnaturelle sans référence déterminée, par l’emploi de déictiques vides (« quelque chose de spécial », « quelque chose », « en parler », « cela perd de son pouvoir », etc.).

8 Si les anciens restent souvent évasifs, une manière courante d’enrayer les questions sur les esprits consiste, à l’inverse, à les noyer dans des discours communs et des généralités. Lors de discussions informelles, avant ou après des cérémonies de sudation – c’est-à-dire des cérémonies de chants et prières qui se déroulent à l’intérieur de tentes ou étuves chauffées –, des participants pouvaient me donner certaines informations plus précises sur les entités surnaturelles, tout en restant pourtant aussi vagues que possible sur la relation intime qu’ils pouvaient entretenir avec elles. Généralement, dans ces cas, la description du lien avec une entité surnaturelle était encadrée d’un mélange de vulgate new age, de principes de psychologie positive et de préceptes de bien-être. Ces récits permettent le plus souvent de créer une première forme de consensus, constituant notamment des lieux de recoupement avec l’imaginaire euro-américain, que tout le monde partage.

9 Il est possible de saisir ce type de syncrétisme new age à travers trois courts exemples :

10 1. Une femme d’une quarantaine d’années, qui participait à des cérémonies de sudation et à qui je posai la question de savoir pourquoi les rituels de sudation étaient dits

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 93

améliorer le contact avec le monde surnaturel, m’expliqua que c’était parce que les chants purifiaient l’âme et les plantes médicinales nettoyaient le corps, comme lors d’un jeûne, mais aussi comme lorsque l’on pratique le yoga ou la méditation. Si la conception d’une purification du corps est ancienne – de nombreux récits dans la littérature ethnographique sur les Salish côtiers font état de la nécessité de se laver régulièrement le corps et de se brosser avec des branches de cèdre lors des quêtes de vision (Suttles et Jenness 1956, p. 65 et suiv.) –, la référence au yoga fait partie d’un nouveau type de syncrétisme cherchant à rapprocher les pratiques autochtones des pratiques de purification orientales, comme le bouddhisme et les techniques du corps indiennes.

11 2. J’ai pu participer à des ateliers de travail à l’université de Colombie-Britannique dans lesquels la spiritualité autochtone salish et plus généralement le statut pan-autochtone d’ancien étaient présentés comme un modèle de leadership. Le statut d’ancien pouvait alors servir à affirmer les qualités de leader, le rayonnement personnel, voire la réussite entrepreneuriale. On parlait ainsi sans tabou de la sagesse et de l’expérience du surnaturel acquises par les anciens, mais dans des idiomes éloignés des cadres culturels qui les avaient vus naître.

12 3. Enfin, lors d’une journée de conférence sur la médecine autochtone, toujours à l’université de Colombie-Britannique, j’ai pu m’entretenir avec une auditrice autochtone. Elle me fit part du fait que selon elle les pratiques thérapeutiques autochtones pouvaient être pensées comme des manipulations d’énergie. Il était possible de concevoir la religion autochtone à partir de l’idée empruntée au vocabulaire de la science moderne de la matière comme énergie : les entités surnaturelles étaient peut-être des sortes de « pôles » concentrés d’énergie. Là encore, la nature des entités surnaturelles était comprise à l’intérieur d’une interprétation new age de la notion d’énergie et les modalités énonciatives étaient emboîtées dans ce contexte qui leur faisait perdre tout caractère tabou.

13 Il faut donc peut-être différencier dans un premier temps, sans pour autant en faire une délimitation trop rigide, le « savoir institué » de la communauté des anciens du « savoir commun »4, c’est-à-dire des justifications qui se transmettent de façon plus relâchée. Les anciens, détenteurs d’un savoir plus fondé, parce que supposés avoir une expérience du surnaturel plus étendue, modifient avec prudence les marqueurs énonciatifs, laissant planer davantage de mystère. Au contraire, quand je m’entretenais, dans les premiers temps sur un mode informel, avec des participants aux cérémonies de sudation – détenteurs d’un savoir plus commun –, on me donnait généralement des justifications assez courantes, constituées de références spirituelles éclectiques puisées dans la littérature new age.

Une déférence épistémique à l’égard du savoir des anciens

14 Si peu de gens entrent dans le détail, quand il est question de la relation « privée » qu’ils entretiennent avec une entité surnaturelle, la possibilité d’une expérience ostensive, directe, à travers des rêves ou des coïncidences étranges, est souvent considérée comme la marque du savoir des anciens. Les personnes possédant un savoir ordinaire sur ces questions renvoient souvent par « déférence » au savoir des anciens. Par déférence, il faut entendre ici une forme de respect pour la parole ou la

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 94

connaissance d’une personne que l’on reconnaît comme ayant une meilleure expérience ou connaissance que soi-même sur certains sujets5.

15 Lorsque je demandai à un ami pourquoi il avait décidé de planter sur la colline deux couteaux au sud d’un cercle sacré dans lequel il s’apprêtait à faire une prière, il me répondit simplement qu’un ancien lui avait dit de faire ainsi, sans autre justification. Autre exemple de déférence simple : lorsque je cherchais à connaître davantage la nature de l’entité surnaturelle que l’on nomme oiseau-tonnerre (thunderbird en anglais ou shxwexwo:s en halkomelem, langue autochtone qui n’est utilisée que dans de rares cas, notamment en référence à des termes sacrés), je fus renvoyé à plusieurs reprises vers des anciens censés mieux connaître cette entité particulière pour l’avoir eux- mêmes rencontrée en vision. On défère envers certaines personnes en s’appuyant sur l’étiquette implicite d’« ancien » : il s’agit de toute personne reconnue par la communauté comme détentrice d’un savoir concernant les pratiques culturelles autochtones, souvent en accord avec les traditions locales ou du moins avec des préceptes pan-autochtones plus généraux.

16 Au bout de la chaîne de déférence, comment se donne donc le savoir des anciens ? Comme nous l’avons vu, le savoir des anciens concernant les entités surnaturelles ne se présente jamais sous une forme explicite ou descriptive. Au contraire il mobilise constamment des marqueurs énonciatifs aux effets d’ellipses, ainsi que des références équivoques, et s’appuie sur des modifications des règles communicationnelles. Ces modifications sont-elles dès lors le signe qu’il n’existe pas de connaissance sur la nature des entités surnaturelles et les types de relations ?

17 Les anciens laissent en réalité transparaître leur connaissance des entités surnaturelles et des relations à entretenir avec elles de deux manières : 1. beaucoup de comptes rendus d’expériences avec les entités surnaturelles se donnent à la marge, dans des discours informels, comme en passant ; 2. le manque de loquacité marque la volonté de rappeler que ces expériences ne sont véritablement appréhendables qu’en première personne. Ces processus de brouillage propres aux énonciations des anciens sur ces questions semblent plutôt destinés à constituer des renvois directs et ostensifs de l’interlocuteur aux mêmes types d’expériences. Il s’agit de rappeler à celui intéressé par ces questions que le rapport authentique aux entités surnaturelles ne peut pas être qu’un rapport de déférence, de discours rapportés ou même de description : il faut toujours pouvoir expérimenter cette relation par soi-même et cela à travers un engagement solide dans la préparation rituelle, dont sont en charge ces mêmes anciens. Ce n’est que lorsque l’individu fera preuve d’un grand investissement et d’une participation constante aux rituels que certains témoignages pourront être partagés de manière informelle.

18 Un jour que nous faisions partir le feu pour chauffer les pierres pour une cérémonie de sudation, je demandai à un ancien, responsable de la loge, s’il pensait que les « blancs » et les autochtones pouvaient rencontrer les mêmes entités surnaturelles ou si elles étaient spécifiques à chaque culture. Il me répondit qu’il pensait que les entités étaient identiques, même si elles pouvaient apparaître différemment à ceux qui ne les connaissaient pas. Selon lui, les rituels permettaient d’approcher les entités surnaturelles directement et ces entités étaient les mêmes que celles de leurs ancêtres. On peut remarquer, alors que ma question concernait la nature des entités surnaturelles, que sa réponse me renvoya plutôt à la forme rituelle elle-même : c’est là un procédé ordinaire d’embrayage du discours des anciens sur le surnaturel qui, plutôt

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 95

que de faire valoir des descriptions des entités, renvoient l’interlocuteur aux outils – en l’occurrence ici rituels – permettant de les expérimenter en première personne. À une autre occasion, ce même ancien me dit que les amérindiens ne devaient plus avoir honte de leurs rituels et de leurs croyances, qu’ils devaient les rendre accessibles à tous, notamment aux « blancs », pour leur montrer la force des esprits et pour que tous puissent voir que les « manières de faire » (the way we do) autochtones sont puissantes (powerful).

19 Ainsi, d’une manière générale, les anciens donnent rarement des leçons détaillées sur la nature des entités surnaturelles et font peu état de cartographies cosmologiques complexes. Ils se réfèrent à leur « manière de faire » (the way we do), plutôt qu’à leur manière de penser. Ils attendent davantage des individus intéressés par ces questions qu’ils expérimentent d’eux-mêmes les réponses à leurs questions, à travers la participation aux activités rituelles.

20 Il faut donc partir du double constat que les discours au sujet des entités surnaturelles sont particulièrement tâtonnants, empreints de fortes hésitations, précautions et avertissements, mais ne sont pas non plus totalement prohibés ou fermés. Ces flottements justificatifs ne sont pas nouveaux chez les Salish côtiers. Jenness remarquait déjà, au début du siècle dernier, que, concernant la nature de l’entité protectrice surnaturelle et de l’âme, les anciens des communautés Saanisch de l’ouest n’étaient pas d’accord avec les Nanaimo de l’île et les Sardis des Basses Terres, et n’étaient en outre pas d’accord entre eux (Suttles et Jenness 1956, p. 89). Cette grande disparité théorique est aussi remarquée par Hultkrantz au milieu du XXe siècle : « Le matériel-source concernant les conceptions de l’âme parmi les nombreuses tribus Salish de la côte et de l’intérieur, et spécialement parmi ces derniers, est très inégal » (Hultkrantz 1953, p. 65 ; traduction de l’auteur). Les anciens Salish centraux de la côte, interrogés par Wells dans les années 1960, rappelaient aussi souvent que leurs propres anciens connaissaient mieux ces questions sur les entités surnaturelles qu’eux-mêmes et qu’ils ne pouvaient donc pas s’étendre beaucoup sur ces questions (Wells 1987, p. 159).

21 Les comptes rendus de rencontres avec des entités surnaturelles ne se font donc pas via des récits, comme cela peut être le cas dans d’autres régions du monde. L’ethnographie que je propose repose donc principalement sur des témoignages faits « en passant ». Si certaines confidences transparaissent aujourd’hui, elles sont souvent faites à la marge, lors de discussions détendues, comme des parenthèses discrètes à l’intérieur d’autres conversations. C’est sur ces témoignages informels, ainsi que sur les justifications de la pratique rituelle, que nous nous appuyons maintenant pour comprendre la diversité des liens entretenus aujourd’hui avec les entités surnaturelles.

Forme des identités totémiques

Une relation vague de parenté

22 Malgré le peu de loquacité des Salish de la côte, certaines conceptions au sujet de l’entité protectrice reviennent de manière récurrente. Même à travers des explications flottantes, les individus hésitent dans le cadre restreint d’un certain nombre de schèmes et de possibilités de justifications. Ce sont ces oscillations singulières, ces indécisions et ces incertitudes récurrentes qui permettent d’exprimer une pluralité

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 96

cohérente de rapports aux entités surnaturelles et qui forment ce que l’on pourrait nommer un « complexe totémique ». Le totémisme, que nous définissons pour l’instant avec Frazer (1887, p. 3 ; Rosa 2003, p. 232) comme la relation d’un individu à une entité surnaturelle non humaine, la plupart du temps protectrice, apparaît d’abord à travers l’identification d’une structure vague et incertaine de parenté.

23 Un jour que je participais à un rituel de deuil, nous vîmes tous plusieurs aigles voler au- dessus de l’endroit où nous nous trouvions. Étonné par un aussi grand rassemblement, je levai la tête et montrai du doigt les aigles à un ancien dont j’étais proche. J’appris alors qu’on ne pouvait pas montrer les aigles du doigt car c’est toujours manquer de respect que de désigner de cette manière ses grands-parents. Il était question ici de mes propres grands-parents. Pour les anciens présents, les aigles apparaissaient un peu comme les grands-parents de tous ceux qui étaient réunis ici. Nous faisions alors partie d’une loge de pratiques rituelles mise sous le signe de l’aigle et de la compassion, mais je n’avais jamais fait part d’une relation particulière avec les aigles. En réalité, il semblait peu importer que ce soit l’aigle ou un autre animal, et la relation semblait tout autant pouvoir concerner une autre personne que moi.

24 Cette expérience rappelle la présence d’une identification totémique a minima très relâchée et flottante. Ainsi un Français blanc, novice dans la pratique rituelle, devrait pouvoir reconnaître les aigles comme ses ancêtres et, surtout, entrer avec eux sous le même schème de respect et de politesse que celui valorisé chez les Salish de la côte entre petits-enfants et grands-parents (sur cette relation privilégiée entre petits- enfants et grands-parents chez les Salish côtiers, voir entre autres Barnett 1955, p. 132-135 ; Amoss 1978, p. 17 ; Carlson et McHalsie 2001, p. 29). Le rapport aux non- humains en tant qu’« esprits » (la nature de ce terme sera précisée plus loin) est donc d’abord celui d’une parenté indéterminée, dont la modalité est celle d’une protection réciproque (l’humain et le non-humain surnaturel se protègent réciproquement, comme les grands-parents et les parents protègent les enfants). Le schème vague de parenté permet de faire état au mieux de cette relation (sous la forme énonciative, par exemple, « Je suis relié à l’ours », « Je suis connecté à tel rocher », etc.). Cette relation de parenté vague peut-être exprimée soit sous la forme d’une relation d’alliance indéterminée, soit sous celle d’une filiation indéterminée (il est dit que les aigles sont les grands-parents de tout le monde).

25 Cette relation de parenté vague peut d’abord être exprimée sous la forme d’une alliance indéterminée qui se présente sous l’aspect d’une résonance singulière. Le terme « résonance » n’est pas issu de l’usage vernaculaire, mais il permet de rendre compte d’une affinité de longue date, parfois justifiée par l’évocation de souvenirs d’enfance. Un participant actif à la vie rituelle, aux origines salish de la côte et mi’kmaq, qui avait souvent prié le bison lors de rituels de sudation, me fit part lors d’une discussion sur cette question du fait que son entité protectrice était d’abord venue en rêve de manière récurrente, puis en quête de vision, et qu’il avait toujours senti la force de cet animal en lui depuis sa petite enfance : « Lorsque je vois un bison, je peux sentir en lui des choses. On se comprend, on sent et on pense de la même manière. » Cette identification avec le bison ne semblait pas anodine : cette personne était singulièrement corpulente et il est possible de penser qu’elle avait pu développer un ressenti à la mesure de sa propre force, sous le rapport d’un certain nombre de saillances physiques. Cette affinité est souvent comparable à l’expression d’une « tonalité » ou d’une « résonance » entre les comportements et la manière de penser d’un humain et ceux propres à tous les

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 97

individus d’une espèce animale. Cette relation d’accordance presque musicale n’est pas anodine chez les Salish centraux de la côte puisque souvent l’individu possède des chants propres, chargés de pouvoir, offerts par l’entité surnaturelle et qui permettent de manifester sa présence (Amoss 1978 ; Jilek 1974 ; Kew 1970). Il existe donc une manière de penser cette « alliance » singulière, intime et individuelle avec une entité surnaturelle sur le modèle d’une résonnance. Par « alliance », il faut ainsi comprendre un certain lien d’apprivoisement qui se construit avec le temps et qui repose sur l’identification selon des principes d’accordance physique ou mentale.

26 Si dans le rapport au bison décrit plus haut, il est davantage question d’une affinité personnelle, individuelle, du corps et de l’esprit avec l’animal, ayant le caractère d’une alliance, dans d’autres cas, le lien relève plutôt d’une affinité familiale, justifiant encore davantage la mobilisation d’une relation de parenté. Certaines entités sont héritées par lignage cognatique. Par exemple, sur le territoire musqueam, au cœur de Vancouver, plusieurs anciens peuvent encore aujourd’hui faire état d’un lien familial ancestral avec l’oiseau-tonnerre. Ce lien se manifeste parfois par des dimensions affectives fortes. Un jour, lors d’une cérémonie de passation de pouvoirs, je devais exprimer au tambour, avec d’autres, la présence de l’oiseau-tonnerre, notamment le battement de ses ailes sous la forme de coups de percussion. Un ancien respecté vint alors nous dire que nous devions imaginer l’émerveillement que ressent toute personne qui voit venir vers lui l’oiseau-tonnerre. Il tentait de faire partager émotionnellement une vision et de rappeler le mélange de peur et d’émerveillement que nous devions rendre manifeste. Il avait pris le ton sérieux qui caractérise le partage d’une expérience des entités surnaturelles. Il nous fit part du fait que l’oiseau-tonnerre était une entité avec laquelle plusieurs membres de sa famille, dont lui-même, avaient tissé un lien. Une relation de parenté similaire, c’est-à-dire indéterminée, avec l’esturgeon a également été rapportée récemment dans la littérature par le représentant stó:lō Nawawalhts’i, (Miller 2007, p. 105).

27 C’est en premier lieu une relation de parenté vague – entre « l’alliance » personnelle et la « filiation » – qui permet d’identifier le rapport à une entité surnaturelle. Turner (2005) remarque ainsi que la plupart des Salish font référence à une relation indéterminée, mais « centrée-sur-la-parenté » (kincentrism). De nos jours, cette notion vague de parenté est héritée de conceptions pan-autochtones plus générales, comme les notions de « relation » (relation) ou de « parents » (relatives), empruntées aux cultures des Sioux Lakota, aujourd’hui diffuses sur tout le continent nord-américain. L’expression lakota « Mitakuye Oyasin » (signifiant « Tout est relié »), qu’un grand nombre de personnes emploie parmi les Salish côtiers, dénote ce lien implicite qui relie les êtres, que beaucoup d’autochtones reconnaissent comme primordial6.

28 Au-delà de cette référence lakota, la parenté flottante, entre filiation et alliance, utilisée pour dénoter la relation aux entités surnaturelles, n’est pas nouvelle chez les Salish côtiers. Les anthropologues ont en effet remarqué depuis longtemps chez les Salish centraux de la côte une hésitation entre une forme collective et une forme individuelle de totémisme (Hill-Tout 1904) : dans le « totémisme collectif », certains individus appartenant à de hautes familles reçoivent en héritage des entités surnaturelles (filiation). Le « totémisme individuel », au contraire, dénote le fait que tous les individus doivent, très tôt, se mettre en quête d’entités surnaturelles pour s’en faire des alliés personnels et il arrive que ces entités expriment une individualité qu’ils ne partagent pas avec d’autres membres de leur famille (alliance). Hill-Tout remarquait

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 98

ainsi que les entités surnaturelles partagées collectivement étaient nommées sululia et que celles qui étaient personnelles étaient nommées sulia. La forme nominale du verbe ulia est la même dans les deux cas et signifie « rêver »7.

29 Il est possible que cette forme relationnelle particulièrement souple résulte de plusieurs facteurs : la destruction des formes communautaires autochtones avec l’arrivée des colons, l’introduction de logiques cognatiques occidentales, l’introduction du christianisme et de ses configurations singulières de parenté (tous les êtres sont des frères et sœurs, enfants d’un dieu unique), mais aussi les nouvelles manières pan- autochtones de construire le lien entre les existants, inspirées des cosmologies lakota. Ces nouvelles façons de penser la relation aux entités surnaturelles sont ainsi venues s’ajouter aux rapports originellement hésitants chez les Salish côtiers entre l’alliance et la filiation, c’est-à-dire des formes de totémisme individuel (sulia) et de totémisme collectif (sululia).

L’entité surnaturelle comme propriété extérieure du soi

30 Cette pluralité de conceptions hésitantes oscillant entre l’alliance et la parenté se manifeste à d’autres niveaux, notamment lorsqu’il s’agit de savoir si l’entité est une partie de soi (« propre » – de l’ordre de l’être) ou si elle est extérieure à soi (« propriété » – de l’ordre de l’avoir). Là encore l’incertitude est de mise : les participants aux rituels de sudation font souvent référence aux entités surnaturelles sur le modèle de ce qui est possédé ou de ce qui est reçu (« what I have »). Ce rapport de possession n’est pas toujours évident et sa compréhension est soumise à des séries d’hésitations. Nous allons analyser trois différentes modalités de cette relation de possession : d’abord, paradoxalement, lorsque cette relation de possession est inexistante, ou du moins ne se présente pas comme une appropriation de l’humain et du non-humain surnaturel (l’entité offre, par exemple, un don sans qu’il n’y ait d’appropriation), puis lorsque cette relation de possession se manifeste implicitement à travers une forme de domination de l’humain (l’humain est alors protégé), et enfin une domination du non-humain surnaturel (l’humain est alors agressé et peut tomber malade).

31 Il existe d’abord certaines justifications de la rencontre entre un humain et une entité surnaturelle qui ne supposent pas de logique d’appropriation : il est seulement dit que l’humain se fortifie au contact de l’entité non humaine. Lors de ma participation à des rituels de quête de vision dans la région de Merritt, j’ai remarqué que beaucoup de conseils donnés au quêteur étaient centrés sur la force acquise lors de la confrontation avec une entité surnaturelle. Alors que je m’apprêtais à monter sur la colline pour jeûner quatre jours, un participant ayant une longue expérience des activités rituelles, qui pratiquait le jeûne depuis plusieurs années, me dit : « Tu ne recevras que ce que tu donneras. L’important, c’est d’avoir le courage d’y aller, d’offrir quelque chose et de recevoir quelque chose. » Puis il me conseilla de faire attention à tous les sons, d’écouter les messages de tous les animaux qui passeraient à côté, même les plus petits. Leur seule présence même devait être interprétée comme un message. Nombreux sont les témoignages dans lesquels certaines personnes ont pu voir des ours passer ou même des pumas (cougars), mais ces derniers ne s’aventurent jamais près du cercle dans lequel se tient l’initié, comme si ces animaux savaient instinctivement qu’ils ne devaient pas briser le cercle rituel. On accentue ainsi le fait que les quêtes de vision sont là pour

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 99

fortifier le courage. Ce même initié m’avait dit durant la préparation rituelle : « Si ces rituels ne te font pas peur, cela est mauvais signe. Sans la peur, il n’y a pas de bravoure. » Les rencontres avec les entités surnaturelles, nécessitant de passer quatre jours sans eau ni nourriture, ont donc, selon certaines justifications, d’abord pour but de fortifier la volonté et de révéler les individus courageux, car les entités surnaturelles peuvent être hostiles ou vouloir tester la volonté de l’initié. Dans ce cas, la rencontre avec l’entité surnaturelle est moins encadrée par une relation d’appropriation que par la possibilité d’une consolidation de son pouvoir personnel au contact d’un être plus puissant que soi. Cette conception a aussi été avancée récemment par un conseil d’anciens stó:lō qui, réunis sur la question de savoir ce qui se transmettait de l’entité surnaturelle à l’humain, répondirent que l’individu gagnait et augmentait sa force de vie, son pouvoir personnel, moins de « l’appropriation » que de la « coexistence » répétée avec le non-humain surnaturel (voir le témoignage de McHalsie dans Miller 2007, p. 127).

32 Soit la seule coexistence avec l’entité permet à l’individu d’affermir son pouvoir personnel, soit il peut aussi être dit que l’être surnaturel « offre » un don ou un pouvoir lors de la première rencontre, si le cœur de celui qui le quête est suffisamment pur et clair. Avant de monter sur la colline pour la quête de vision, l’ancien qui coordonnait le déroulement rituel me dit que pour rencontrer ces entités il fallait que je garde la conscience bien claire (« keep focused »), de bonnes intentions (« with good intentions ») et que tout vienne du cœur (« from the heart ») grâce aux prières et aux fumigations de sauge et tabac. Cette idée selon laquelle les entités surnaturelles ne viennent voir que les personnes qui sont « propres » et « purifiées » (cleansed) – physiquement et spirituellement – peut se retrouver dans la littérature ethnographique concernant les Salish côtiers (Suttles et Jenness 1956 ; Jilek 1974 ; Amoss 1978). Ce qui est ici souligné est que l’entité vient offrir un don (une guérison, une vision, un chant, la certitude d’une vocation, la réponse à des questions, etc.) à une personne qui a le cœur et les intentions suffisamment purs. Dans ce cas, il n’est toujours pas question d’« appropriation » : l’entité vient seulement offrir un pouvoir particulier à celui qui a montré qu’il voulait vraiment de l’aide, par la peine qu’il était susceptible de s’infliger (un jeûne de quatre jours sans nourriture ni eau).

33 Enfin, dans la plupart des cas les justifications des individus mettent l’accent sur une relation de protection conçue sur le modèle d’un lent apprivoisement puis d’une appropriation : on revient des quêtes de vision avec une nouvelle entité surnaturelle, sous forme de possession (« what I got »). Cette possession justifie la relation de protection : elle peut être pensée comme un échange de bons procédés, à travers lequel des prières sont exaucées en échange de nourriture brûlée, de rituels de purification, d’aide aux autres, de bonnes actions accomplies, etc. L’entité surnaturelle ne veut que le bien de son protégé. Cette relation de protection peut également être perçue comme une forme de domination où l’entité est soumise et domptée à force de confrontation. Les justifications à ce propos sont assez floues.

34 Dans le cas d’une relation de protection bienveillante, il est souvent dit que les entités surnaturelles sont attirées par les individus qui accomplissent de bonnes actions. Ainsi, lorsque l’on me proposa d’être « gardien du feu » (firekeeper) pour certaines cérémonies de la loge, la justification principale était que c’était une bonne action et que d’une manière générale la participation et l’aide aux activités rituelles étaient une des meilleures manières de travailler ses bonnes intentions. C’est une forme de sacrifice de

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 100

soi qui rend meilleur. Il est admis que les comportements moralement bons purifient et la purification permet de trouver grâce auprès d’une entité surnaturelle. Dans ce cas, la relation à l’esprit est celle d’un apprivoisement doux, d’une alliance avec un ami intangible, sur le modèle d’un ange gardien. L’individu n’entre pas en conflit avec l’entité, elle est seulement à son service, protecteur bienveillant, dont la bonté est au- delà de toute lutte possible entre egos. Si cette conception est partagée par beaucoup d’individus, certains anciens pensent que les entités protectrices peuvent par contre être vues comme des puissances hostiles.

35 Les entités surnaturelles peuvent ainsi être présentées par les anciens comme prédatrices ou inamicales dans un premier temps. Les anciens donnent de nombreux avertissements aux novices ; plusieurs gestes rituels sont destinés à ne pas offenser les entités surnaturelles. Par exemple, lorsque nous coupions du bois pour les cérémonies de sudation, nous ne devions jamais oublier de faire une prière propitiatoire et de poser une pincée de tabac sur le sol – quelques fois seulement avant de s’enfoncer dans la forêt mais parfois aussi pour chaque arbre que nous arrachions. Les entités surnaturelles s’offusquent facilement : il ne fallait pas cracher sur le sol pour ne pas manquer de respect aux esprits des lieux. Les esprits peuvent s’offenser de la désinvolture des humains, en particulier s’ils sont conspués : un individu qui refuse de voir le lien qui le lie à un esprit, qui fait par exemple du mal à certains animaux avec lesquels il est relié sans le savoir, peut tomber gravement malade. La langue halkomelem possède le terme xó:li:s (Carlson et McHalsie 2001, p. 8 ; Miller 2007, p. 128) qui se traduit par « se tordre et mourir ». Ce terme désignait autrefois une maladie étrange qui pouvait résulter d’une rencontre inopinée avec une entité surnaturelle. La maladie était pensée comme un « entortillement » (twist around) (voir les témoignages des anciens dans Wells 1987).

36 Les entités surnaturelles peuvent donc être rencontrées sur le mode d’une relation d’hostilité. Elles ont le pouvoir d’entraîner un individu dans les spirales de l’alcool ou de l’addiction, de le mettre en péril, qu’il les recherche ou pas. Dans ces cas, il faut de la force personnelle (spiritual power) pour les apprivoiser. Plus l’entité surnaturelle est initialement prédatrice, plus son pouvoir surnaturel sera efficace lorsqu’elle sera apprivoisée. À cet égard, certaines entités n’étaient autrefois recherchées que par des apprentis-guérisseurs ou chamanes qui, d’une part, étaient suffisamment forts pour les affronter et qui, d’autre part, avaient besoin de leur pouvoir pour les rites de guérison. Des entités hautement individualisées (qui n’existent qu’en un seul exemplaire) comme l’oiseau-tonnerre (shxwexwo:s), le serpent-à-deux-têtes (si:lhqey), les yeux-flamboyants (st'qoya), l’asticot (appel), l’ours-noir-vivant-sous-les-eaux (slalakum) ou encore le sasquatch (sésq̓əc), sont réputées vivre dans les forêts à l’est de Vancouver. Si l’on souhaitait acquérir le pouvoir personnel de ces entités, il fallait respecter un certain nombre de protocoles : reculer lentement les yeux fixés sur la créature jusqu’à ce que celle-ci soit hors de vue, s’arracher un cheveu et l’envoyer en soufflant vers la divinité. Si la créature sacrée ne se considérait pas offensée, elle pouvait offrir son pouvoir. Dans d’autres cas, il est dit que c’est moins un don de la créature qui est fait, qu’une sorte de rapt qui s’opère au détriment de l’entité : il s’agit vraiment de convaincre l’entité de s’offrir en sacrifice pour donner son pouvoir à l’individu8. Ces conceptions ont encore cours. Dans la ville de Hope, au sud de Merritt, je discutais un jour avec un homme qui participait à beaucoup d’activités rituelles et qui me dit que certains individus continuaient à chercher le sasquatch dans la région pour son pouvoir. Plusieurs participants aux cérémonies de sudation continuent de prendre au sérieux ces entités

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 101

surnaturelles uniques, même si elles ont déserté les lieux, tandis que d’autres pensent que ce sont de vieilles croyances.

37 L’entité surnaturelle est ici conçue comme « une partie extérieure du soi ». Elle est ainsi soumise, encore aujourd’hui, à des protocoles d’acquisition : appropriation d’un pouvoir sur le modèle d’un don, d’un rapt ou d’un acte de prédation, ou encore à travers un apprivoisement (comme peut l’être celui d’un animal ou d’un ami). Dans ce dernier cas, la relation d’apprivoisement se fait en douceur ou résulte d’une lutte de domination, débouchant sur une relation asymétrique dominant-dominé. Dans les travaux ethnographiques du siècle passé, les esprits surnaturels pouvaient être « domptés » comme des chiens, voire des esclaves9. Lors des danses spirituelles d’hiver des Salish côtiers, durant lesquelles un initié en transe tente de dompter une entité surnaturelle qui le possède, il était souvent dit que l’individu ne devait jamais se laisser emporter par l’entité, mais toujours pouvoir la dominer et coopérer avec elle (Amoss 1978, p. 120). En général, aujourd’hui, la plupart des participants aux activités rituelles envisagent une relation assez pacifiée avec l’être surnaturel, proche de celle entretenue avec un ange gardien, mais les anciens continuent de décrire des entités dangereuses et potentiellement hostiles avec lesquelles il est possible d’engager un combat pour la survie. Ces discours sont aussi mobilisés pour mettre à l’épreuve la détermination des initiés qui s’engagent dans les activités rituelles.

L’entité surnaturelle comme propriété essentielle du soi

38 Loin d’être véritablement extérieure à soi, l’entité surnaturelle peut aussi être perçue comme une partie de l’âme, et même porter les propriétés essentielles de cette âme. Dans ce cas, l’individu et l’entité participent du même flux vital. Esprits et humains peuvent donc partager ce flux, dont l’on peut tenter ici de mettre en lumière quelques propriétés.

39 La plupart du temps les entités surnaturelles sont désignées par le terme « esprit » (spirit). Par exemple, un soir, à la sortie d’une hutte de sudation, l’ancien qui avait dirigé la cérémonie confia à tous les participants que l’« esprit de l’ours » (bear spirit) était entré dans la loge de sudation durant un chant et qu’il avait eu une vision de l’ours. Il lui était venu des images d’ours et il avait senti sa présence. Qu’est-ce qui est donc désigné par ce terme d’« esprit de l’ours » ? Est-ce celui d’« un » ours particulier dont l’âme aurait pu errer dans les environs ? L’esprit de l’ours qui est commun à tous les ours ? L’ancien ne semblait pas faire de différence entre l’ours qui pouvait être rencontré en forêt et l’ours apparu dans la vision. Il semblait s’agir d’une sorte d’occurrence ou de token particulier. Ce token, qui peut apparaître en rêve ou en forêt, est le signe envoyé par un esprit.

40 Lors d’une quête de vision, il faut être attentif et réceptif à tous les signes qui surgissent, notamment à la présence récurrente de tel animal particulier près de soi. Que ce soit en rêve, en vision ou de manière ostensive lors d’une marche en forêt, la présence d’un animal sera le plus souvent interprétée comme l’envoi d’un émissaire particulier, en lien avec l’esprit de l’espèce, c’est-à-dire comme une sorte de « représentant » intangible de l’espèce, souvent pensé et représenté sous la forme d’un prototype. Si un individu est en relation avec tel animal, il est en réalité en relation avec tous les individus qui sont de sa « sorte », c’est-à-dire qui possèdent ses mêmes propriétés essentielles. Il est donc possible d’interpréter la nature de l’entité

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 102

surnaturelle comme une forme particulière de concept « sortal ». Wiggins définit ainsi ce qu’il entend par concept ou prédicat sortal : « N’importe quel prédicat dont l’extension consiste en tous les objets ou substances particuliers d’une espèce particulière, disons les chevaux ou les moutons ou les serpettes, sera appelé un prédicat “sortal”. » (Wiggins 1980, p. 7).

41 Comment penser le type d’extension du concept sortal utilisé pour se référer à l’entité protectrice ou esprit ? Tout d’abord, comme nous venons de le voir, même si elle se présente sous la forme d’un animal, via un token, l’entité protectrice n’est jamais purement un animal. C’est un « esprit » (spirit). Par ce terme, il faut entendre qu’elle possède simultanément des propriétés mentales et physiques appartenant aux humains et aux non-humains. Deux témoignages permettent de mieux déterminer ce point.

42 Alors que nous discutions des quêtes de vision, une femme salish me fit part d’une vision pendant laquelle elle avait vu sa grand-mère décédée quelques années plus tôt : la vision l’avait fait pleurer lorsqu’elle l’avait reçue et avait suscité une grande émotion. Depuis, elle sentait que sa grand-mère la protégeait et qu’elle était liée à elle par des liens profonds. Dans sa vision, d’autres ancêtres s’étaient tenus à côté de sa grand-mère et elle avait senti sous la forme d’une certitude ineffable qu’elle était reliée à tous ces gens. À une autre occasion, cette femme m’avait déjà dit qu’elle était reliée à sa grand- mère et que cette dernière lui avait transmis le respect pour les oiseaux, dont les aigles. Sa grand-mère était liée aux aigles. Il n’était pas anodin pour elle de participer à des cérémonies de sudation dans une loge placée sous le patronage de l’aigle et de la compassion. C’est donc à travers les émotions attachées à une aïeule qu’elle tissait un lien particulier aux aigles. Dans ce cas, l’esprit-ancêtre possédait des propriétés à la fois humaines et non humaines.

43 Une seconde tendance permettant de mieux concevoir la nature hybride des entités surnaturelles se manifeste dans les réponses d’un ancien très impliqué dans les activités rituelles. Quand je l’interrogeai sur ce qu’il pensait qu’il y avait après la mort, il me répondit que l’on se « réincarnait » dans d’autres êtres, comme un animal ou une plante avec lequel on avait un lien : « Les arbres sont des ancêtres. C’est pour cela qu’il faut autant les respecter. » Je lui demandai alors s’il croyait que nous étions tous reliés intimement à des animaux ou à des plantes. Il ne le savait pas avec certitude, mais il le croyait : si un individu pouvait se réincarner en un autre être, c’est qu’il devait bien y avoir un lien entre eux.

44 Sans être explicité, ce point de vue rejoint fortement les conceptions classiques des Salish centraux de la côte, selon lesquelles tous les êtres descendent d’ancêtres hybrides mi-humains, mi-non humains. À l’origine, la région était peuplée d’êtres humanoïdes, sujets à des transformations perpétuelles, généralement en animaux : il leur suffisait d’ôter leur peau animale et de redevenir humain. Chacun de ces êtres humanoïdes possédait des propriétés comportementales et un nom proches de ceux d’une espèce particulière. Leur forme instable fut réparée (fixed) par un ou des transformateurs (khaals ou xals) (voir, entre autres, Suttles et Jenness 1956 ; Carlson et McHalsie 2001, 1998, p. 29-30 ; Carlson 1997). Les individus contemporains descendent en réalité d’un ancêtre totémique commun qui possède des propriétés mixtes, humaines et animales, et qui est parfois lié à un lieu géographique précis. Il ne s’agit pas seulement de relations entre humains et animaux ou végétaux, mais aussi avec des éléments du paysage. Ce qui caractérise le mieux la nature de ces êtres surnaturels est qu’ils ne sont ni complètement humains, ni complètement animaux, et qu’ils possèdent

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 103

une force de vie qui est à l’origine d’humains (individus ou groupes) et de non-humains (individus ou groupes).

45 Les humains sont donc reliés à d’autres espèces de non-humains par un être mythique qui serait leur commune origine. Cette configuration totémique est par exemple précocement repérée chez les Salish centraux de la côte par Hill-Tout à la fin du XIXe siècle : un de ses informateurs, François, lui expliqua que « même s’ils croyaient que leur ancêtre éloigné fut une loutre, il ne pensait pas que c’était le même genre de loutre qui vit de nos jours. Les loutres desquelles ils descendent étaient des gens-loutres, pas des animaux, qui avaient le pouvoir de changer leur forme d’hommes et de femmes en celle de la loutre. Tous les animaux lors des temps anciens étaient ainsi. Ce n’était pas juste des animaux communs et rien de plus […] », et Hill-Tout de continuer : « ces ancêtres ne sont pas regardés comme de simples animaux mais comme ayant ou prenant part aussi à des natures duelles » (1978, p. 110 ; traduction et italiques de l’auteur). De nos jours, ces ancêtres totémiques peuvent être rappelés par des familles, sous l’égide de relations filiales lointaines. J’ai pour ma part entendu des individus rappeler des liens familiaux avec le saumon, l’oiseau-tonnerre et l’ours. Une cartographie plus précise des liens familiaux totémiques est proposée par McHalsie, regroupant le saumon sockeye, le grizzly, le pic-vert à tête rouge, le cèdre, le vison, l’herbe coupée, le colibri, la grenouille géante, la salamandre, le geai bleu, etc. (Carlson et McHalsie 2001, p. 25). L’entité surnaturelle animale ou végétale, l’ancêtre totémique protecteur, possède donc des ensembles de propriétés ontologiques morales et physiques hybrides qui permettent d’assurer le lien entre l’humain et son animal protecteur.

46 L’esprit (spirit) peut donc être dit lié à une partie essentielle de l’individu, en tant qu’il partagerait avec lui une sorte de flux vital idiosyncratique. Mais comment penser ce flux, ces paquets partagés de propriétés ontologiques essentielles ? Il est possible de considérer que la manière d’identifier ces propriétés se fait en les comprenant comme trouvant leur origine dans un ancêtre surnaturel, commun à la fois à l’humain et au non-humain. Cet ancêtre est ainsi au cœur de l’identification totémique. Cette identification, sur laquelle repose l’idée que l’humain partage des propriétés essentielles avec l’entité surnaturelle, n’est pas l’affirmation d’une identité directe (« individu x = animal y », par exemple la proposition « Je suis un ours »). La règle d’identification totémique, lorsque l’entité surnaturelle est au cœur du soi, semble se construire par la médiation d’un concept « sortal » indéterminé (dont le paradigme est l’ancêtre commun). Dès lors, l’identité partagée par un individu humain et un individu non humain d’une autre espèce (par exemple, un ours) peut être décrite ainsi : x = F, y = F (où x et y sont l’humain et le non-humain et F l’ancêtre commun), et non pas par une relation d’identité directe du type x = y (où x et y sont l’humain et le non-humain). Cette identification sortale (F) permet ainsi de penser le paquet de propriétés ontologiques partagé à la fois par l’humain et le non-humain, mais aussi les transformations propres aux individus (ce qui reste du soi après la mort, par exemple). Ainsi, l’individu qui devient un ours après la mort ne fait peut-être que réaliser deux états de sa propre substance. Il apparaît ainsi, comme le suggère Guédon dans sa réflexion sur les entités surnaturelles de la côte nord-ouest, que « la transformation n’est pas tant un processus qu’une qualité correspondant à de multiples identités ou de multiples points de vue ou réalités que l’on attribue à une entité particulière » (Guédon 1984, p. 142).

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 104

Vers une force de vie surnaturelle diffuse

47 L’hésitation constitutive des relations que l’on entretient avec une entité surnaturelle permet de circonscrire certains schèmes récurrents d’identification : il s’agit d’une partie de soi qui est souvent conçue sous la forme d’une relation profonde de filiation ou d’héritage de propriétés déjà possédées par ses aïeuls, mais aussi d’un lien d’apprivoisement, d’alliance, fondé sur la rencontre de deux pouvoirs distincts, humain et non humain. Ces relations nous conduisent vers une appréhension des propriétés ontologiques de l’entité surnaturelle comme mixte hybride de propriétés humaines et non humaines, ce qui coïncide encore de nos jours avec les représentations des entités surnaturelles présentes dans les rapports ethnographiques du début du XXe siècle. Il s’agit d’existants humanoïdes pouvant se transformer en animaux. En réalité, qu’il s’agisse d’une force extérieure à soi ou d’une force interne, constitutive du soi, de nombreuses justifications concernant l’entité protectrice mobilisent l’idée d’une « force spirituelle » (spiritual power) qui se donne sous la forme d’une contagion diffuse.

48 Une jeune mère, originaire de l’île de Vancouver, avait invité quelques amis à une petite cérémonie dans le jardin d’une maison de la banlieue sud, pour nous présenter la danse de l’esprit du colibri (hummingbird) qu’elle avait reçue en rêve quelques semaines auparavant. L’esprit du colibri lui avait recommandé de faire une danse, en lui montrant les pas et le chant qui étaient propices à sa manifestation. L’esprit avait ajouté qu’il les protégerait, elle et sa petite fille de cinq ans, et que pour cela elle pouvait lui rendre hommage. La jeune mère exécuta la danse et le chant avec sa petite fille. Leur danse était accomplie les bras perpendiculaires au corps, par petits bonds, ce qui pouvait rappeler la posture et les mouvements du colibri, sans pour autant que l’entité soit totalement reconnaissable. L’implication de l’enfant montre que l’entité protectrice est certes reçue de manière personnelle et intime par la mère, mais qu’elle peut aussi tenir lieu de lien totémique intergénérationnel entre la mère et sa fille. De même, cet esprit apparaît comme extérieur – il a besoin d’une danse pour être remercié –, mais en même temps il contribue à la représentation du lien singulier et unique qui attache la mère et la fille. La même « force spirituelle », celle de l’esprit du colibri, traverse donc à la fois la mère, la fille et les colibris. Enfin, le fait de rendre cette danse publique suggère que la seule relation intime, bien que suffisante, doit pouvoir entrer dans une économie sociale et généralisée des relations avec les non-humains surnaturels.

49 L’esprit du colibri est d’abord une force spirituelle (spiritual force) – expression souvent utilisée pour parler des esprits. Cette danse privée suit un modèle ancien de présentation publique du lien créé avec une entité surnaturelle : des cérémonies, de grande ampleur ou en petit comité, nommées « danses d’hiver » ou « danses spirituelles », sont organisées, principalement en hiver, afin que les individus puissent témoigner du lien qu’ils ont noué avec une entité surnaturelle (sur les danses spirituelles voir notamment Wike 1941 ; Robinson 1963 ; Kew 1970 ; Jilek 1974 ; Amoss 1978 ; Bierwert 1999).

50 Si autrefois les individus en transe lors des danses d’hiver entraient en contact avec des entités protectrices distinctes (Wike 1941), de nos jours il est plutôt dit qu’ils se laissent posséder par une force spirituelle diffuse, que les Salish du haut et moyen Fraser nomment syowen (Kew 1970 ; Jilek 1974 ; Bierwert 1999). Cette force spirituelle est décrite en termes d’un pouvoir qui n’est pas rapporté à une entité animale ou végétale

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 105

particulière, comme cela était le cas autrefois, mais qui possède les caractéristiques de la protection et du danger spirituel propres aux entités totémiques. Frank Malloway, leader stó:lō, s’adressant à l’anthropologue Biewert dans les années 1990, dit ainsi à propos du syowen : « Et il en est ainsi – le syowen est une force étrange, et, lorsque tu commenceras à penser que tu la connais, tu sais, cela te fera prendre conscience qu’en réalité tu ne sais rien. Cela fera quelque chose… Je l’ai fréquenté (presque toute ma vie) et je ne connais presque rien sur sa nature. Je ne peux pas le décrire. Je ne peux pas dire à quelqu’un ce que c’est, parce que mes mots feront demi-tour et deviendront quelque chose d’autre. Mais il te stupéfait toujours chaque hiver. Quelque chose se passe. » (Bierwert 1999, p. 196 ; traduction de l’auteur). Aujourd’hui cette force est moins personnelle (elle est la même pour tous les individus) et moins liée à un animal, mais elle possède la même nature protectrice et dangereuse que les entités totémiques. Même si cette force est plus impersonnelle qu’un non-humain surnaturel, elle est tout de même appréhendée à travers de nombreux traits qui lui confèrent un caractère relativement individualisé : elle est jalouse, taquine et possessive (ibid., p. 180).

51 Il est aussi important de relever que cette idée d’une possession par une « force spirituelle diffuse et impersonnelle » fut au cœur de la religion des Salish côtiers nommée « shakerisme » (voir entre autres, Barnett 1957 ; Amoss 1990 ; Ruby et Brown 1996 ; Neylan 2011). Cette religion syncrétique, entre christianisme et croyances locales, naquit sur le territoire des Salish de la côte (Sahewamish [Squaxin]) en 1881. Le prophète, John Slocum (Squ-sacht-um), reçut la révélation d’un remède offert par Dieu : il parvint à faire passer le « pouvoir » de Dieu en tremblant de manière incontrôlable et à guérir. Ainsi, l’église shaker organisait de grandes messes où les individus pouvaient entrer en contact avec cette « force-qui-fait-trembler », via le pouvoir de l’Esprit saint. La force diffuse et impersonnelle du Saint-Esprit a donc été très tôt interprétée comme la présence d’un être surnaturel, sur le modèle de ceux rencontrés dans les quêtes de vision : sa principale caractéristique était de faire trembler, tout comme ce fut toujours le cas, chez les Salish côtiers, dans les comptes rendus de rencontres avec les entités surnaturelles (Wells 1987 ; Mohs 1994, p. 195). Le shakerisme entretient donc des liens étroits avec les danses spirituelles d’hiver, durant lesquelles les individus possédés par le pouvoir diffus du syowen entrent en transe et tremblent : dans ce cadre, le rite ne retient du rapport à l’entité totémique que l’idée d’un « pouvoir »10. L’étude de la lente évolution des danses d’hiver laisse paraître la transformation du rapport des initiés à leur entité totémique singulière (Wike 1941 ; Robinson 1963) en une force de plus en plus diffuse et impersonnelle, le syowen (Kew 1970 ; Jilek 1974 ; Amoss 1978 ; Bierwert 1999).

52 De nombreux autochtones sont aujourd’hui catholiques ou protestants pratiquants et certains préfèrent parler d’une relation particulière au Saint-Esprit. Cette force garde des aspects personnels : elle apparaît souvent comme la manifestation du pouvoir vital de Dieu ou du Grand Esprit. Ainsi, l’autel de la petite église Saint-Paul, sur la réserve Squamish, au nord de Vancouver, est entouré de branches sacrées de cèdre et les pichets qui contiennent le vin eucharistique sont ornés d’aigles autochtones. La force impersonnelle eucharistique oscille donc souvent entre celles de l’Esprit-Saint, du Grand Esprit ou d’entités totémiques singularisées, proches de la colombe, comme l’aigle.

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 106

De l’identification intime avec un non-humain au complexe totémique

53 Des exemples que nous avons présentés jusqu’ici se dégagent déjà cinq rapports différents et singuliers aux non-humains surnaturels.

54 1. Un totémisme individuel classique : la prérogative de l’identification totémique chez les Salish centraux de la côte est d’abord donnée à la rencontre personnelle et privée d’un « individu humain avec le représentant d’une espèce non humaine », que ce soit lors d’une rencontre tangible, d’un rêve ou d’une quête de vision. Par exemple, tel individu entre en contact avec l’esprit de l’ours, de la loutre, de l’aigle, etc.

55 2. Un totémisme collectif classique : nous avons vu qu’une place importante est accordée à la relation d’un groupe humain avec une espèce animale ou végétale. Tous les individus d’un groupe humain déterminé auront dès lors une relation particulière avec tous les individus d’un autre groupe non humain. Par exemple, telle famille est liée au saumon ou tel groupe de danseurs est lié à l’aigle, à l’ours, etc. Ainsi en est-il du colibri qui lie la jeune mère et sa petite fille.

56 3. Un totémisme individuel singulier : il est des cas où, lors de quêtes de visions, un individu ne rencontre pas un membre d’une espèce, mais une entité non humaine parfaitement singulière. C’est le cas, par exemple, de certaines créatures comme l’oiseau-tonnerre.

57 4. Un totémisme collectif singulier : dans certains cas encore, un groupe humain – une famille ou un ensemble d’individus pratiquant un rituel – peut aussi entretenir une relation totémique avec une entité individuelle et singulière qui n’est pas la représentante d’une espèce. C’est le cas, par exemple, de certaines familles musqueam avec l’oiseau-tonnerre mais aussi avec le serpent-à-deux-têtes.

58 5. Un totémisme indistinct et flottant : de nombreux individus rapportent l’expérience d’un contact avec une force impersonnelle et surnaturelle. Le parangon de cette relation particulière parmi les Salish centraux de la côte est le syowen, une force spirituelle et vitale qui traverse tous les individus qui entrent en contact avec le monde spirituel et qui peut avoir des effets concrets sur les corps, tels le tremblement et la transe.

59 Derrière les hésitations et les incertitudes, certaines explications reviennent donc de manière répétée dans les discours. Il est possible de nommer « complexe totémique » la cohabitation dans la région de ces relations plurielles aux non-humains surnaturels. Malgré leur hétérogénéité elles peuvent être organisées selon une logique qui permet de les replacer à l’intérieur d’un même « complexe », c’est-à-dire une structure qui met en lumière leur rapport.

Vers un complexe totémique propre aux Salish centraux de la côte

60 Le totémisme est pensé depuis Lévi-Strauss (1962a et b) comme un système de codage permettant d’organiser le monde à partir de saillances entre propriétés universelles et propriétés particulières. Cette organisation est selon lui possible grâce à un outil mental découpant et ordonnant les différences perceptuelles, outil qu’il nomme « opérateur totémique » (1962b, p. 184). Cet opérateur permet de découper le réel en parties manipulables et d’organiser à partir de ces mêmes saillances des regroupements

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 107

d’êtres. Dans Le totémisme aujourd’hui, Lévi-Strauss propose quatre formes possibles de cette liaison entre l’universel et le particulier, qui sont pour lui repérables à différents endroits du monde (1962a, p. 27).

Fig. 1 – Les différentes opérations totémiques selon Lévi-Strauss.

61 Il s’agit toujours, que ce soit au niveau de la nature ou à celui de la culture, de penser un lien logique entre la partie (personne/individu) et le tout (groupe/catégorie). Simplifions donc le tableau proposé par Lévi-Strauss pour arriver au cœur du processus de particularisation et d’universalisation au fondement du totémisme. Les termes de « groupe » et de « catégorie » renvoient en réalité à la même opération cognitive d’« universalisation » et ceux d’« individu » et de « personne » procèdent de la même opération logique de « particularisation ». Substituons encore aux deux concepts « individu » et « personne », celui unique d’« individu », et à ceux de « groupe » et de « catégorie », qui dénotent des extensions d’individus particuliers, celui unique de « groupe ». D’un côté, un individu humain peut entrer en contact avec un groupe de non-humains (l’ensemble des loutres), d’un autre côté, un groupe humain peut entrer en contact avec un groupe de non-humains (l’ensemble d’une famille humaine vs l’ensemble des loutres). La seconde opération de simplification consiste à remplacer la dichotomie nature/culture, par la distinction moins spécifique entre « non-humain » (monde naturel) et « humain » (monde culturel). La simplification proposée permet maintenant de ranger un certain nombre de combinaisons de rapports entre les humains et les non-humains, que le mot de « totémisme » pourrait contenir.

Fig. 2 – Le complexe totémique.

62 Loin de représenter des formes éparses à travers le monde, ces quatre opérations de rapport individu/groupe devraient pouvoir représenter la cristallisation des hésitations propres à définir la relation d’un humain et d’un non-humain surnaturel, et

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 108

cela à l’intérieur de justifications fragmentaires et confuses. Il serait ainsi possible de considérer que le « complexe totémique » émerge d’une oscillation, d’incertitudes ou d’hésitations signifiantes quant à la relation qu’un humain ou qu’un groupe d’humains doit entretenir avec un individu ou un groupe non humain surnaturel. Ces quatre opérations logiques se repèrent clairement dans les justifications et les pratiques des Salish centraux de la côte.

63 Si nous considérons donc que le totémisme est bien un outil de classification, reposant sur une discrimination minimale entre l’universel et le particulier, le collectif et l’individuel, il se déploie en cinq formes logiques chez les Salish centraux de la côte. Ce carré doit pouvoir se lire comme une carte d’analyse de différentes justifications de pratiques sociales, prenant la forme de groupes de transformation.

Fig. 3 – Le complexe totémique des Salish centraux de la côte.

64 Ces différentes formes ont été définies par l’examen des identifications totémiques contemporaines. Ces justifications du lien aux entités totémiques apparaissent ainsi comme des reformulations de pratiques plus anciennes chez les Salish côtiers, qui nous sont rappelées par la persistance d’un certain nombre de termes halkomelem vernaculaires.

65 1. Un totémisme individuel classique (entités sulia ou syuwél) : un individu humain entre en contact avec le représentant d’une espèce non humaine. Ces créatures surnaturelles protectrices sont aujourd’hui désignées par le mot halkomelem syuwél, qui désigne à la fois l’esprit protecteur et le chant offert par cet esprit protecteur (Suttles et Jenness 1956, p. 6 ; Galloway 1994, p. 491). Même si peu d’individus parlent aujourd’hui couramment l’halkomelem, ce terme est aujourd’hui encore utilisé à l’intérieur d’énoncés en anglais pour désigner l’esprit protecteur.

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 109

66 2. Un totémisme collectif classique (entités sululia ou syewà:ls) : cette forme désigne la relation d’un groupe humain avec une espèce animale ou végétale. Ces entités surnaturelles sont souvent prises dans une relation de parenté, comme des ancêtres des origines. Même si de nos jours la différence nominale n’est plus faite entre les esprits protecteurs personnels et les esprits reçus en héritage, il est possible de remarquer dans la littérature ethnographique que les anciens Stó:lō s’y réfèrent sous le terme syewà:ls, quelque peu différent de syuwél (Wells 1987, p. 94-95). Le lien est aussi établi par Hill-Tout (1978, p. 110) à maintes reprises dans sa distinction entre sululia (ancêtre mythique familial) et sulia (esprit protecteur individuel).

67 3. Un totémisme individuel singulier (entités stl’áleqem) : dans ce cas particulier de totémisme, un individu ne rencontre pas un membre d’une espèce, mais une entité non humaine parfaitement singulière. Ces créatures particulières, comme l’oiseau-tonnerre, sont souvent rangées par les anciens dans la catégorie des êtres stl’áleqem. Il n’y a dans cette catégorie que des entités surnaturelles uniques et singulières qui ne sont pas les délégués ou les représentants d’une espèce. Par exemple, le serpent-à-deux-têtes, les yeux-flamboyants, l’asticot, l’ours-noir-vivant-sous-les-eaux, etc. (pour une description de ces entités, Carlson et McHalsie 2001, p. 8 ; Hill-Tout 1978, p. 73-76 ; Van Eijik 2001, p. 179 ; Suttles 1987, p. 75-76 ; Wells 1987, p. 54-55, 84-85 et 156-157).

68 4. Un totémisme collectif singulier (entités stl’áleqem) : un cas de totémisme collectif est celui où un groupe humain – une famille ou un ensemble d’individus pratiquant un rituel (société secrète) – peut aussi entretenir une relation totémique avec une entité individuelle et singulière qui n’est pas la représentante d’une espèce. Ce cas de totémisme, un peu plus rare chez les Salish centraux de la côte, est celui au travers duquel des familles entières se disent liées à l’oiseau-tonnerre, qui est une créature unique. Dans la littérature ethnographique, les cas de protection de groupes de personnes par une entité unique et singulière sont davantage présents dans les descriptions des sociétés secrètes des voisins septentrionaux des Salish côtiers, les Kwakwaka’wakw (Kwakiutl) : la plus prestigieuse de ces sociétés secrètes est Hamatsa, dont les membres entretiennent une relation avec Baxbaxwalanuksiwe, un géant mangeur d’hommes.

69 5. Un totémisme indistinct et flottant (syowen) : beaucoup d’individus rapportent un contact avec une force impersonnelle et surnaturelle dont le parangon est le syowen. Ce terme est présent dès les premières études ethnographiques sur les danses spirituelles d’hiver des Salish centraux de la côte (Wike 1941 ; Robinson 1963 ; Kew 1970 ; Jilek 1974 ; Amoss 1978 ; Bierwert 1999) et prend aujourd’hui plus d’importance que les identifications totémiques singulières, qui étaient autrefois plus prégnantes lors des danses d’hiver (Wike 1941).

70 Parmi cet ensemble de relations totémiques, la notion de syowen, force de vie diffuse, semble opérer sur le modèle d’un signifiant flottant, d’un retour à la seule présence du surnaturel comme force spirituelle (spiritual power), au-delà des formes physiques qu’il pourrait revêtir. Chacun voit ainsi dans le syowen ce qu’il y met. Le syowen peut ainsi être pensé comme un opérateur de passage, comme cette case vide à laquelle Lévi- Strauss fait référence pour désigner les termes religieux englobants de mana ou de wakan (Lévi-Strauss 1950). C’est ainsi, comme tout signifiant flottant, un terme permettant de définir le monde surnaturel comme réunion des contraires : il s’agit d’une force qui est à la fois personnelle et impersonnelle, qui est protectrice et dangereuse, individuelle et collective, et qui permet de faire des liens avec le concept

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 110

d’Esprit saint, la notion pan-autochtone de Grand Esprit ou encore des notions plus contemporaines et new age comme l’énergie. Cette notion de force diffuse, qui est aujourd’hui au cœur des justifications des danses d’hiver, permet donc de réunir symboliquement la plupart des caractéristiques et formes de totémisme présentes chez les Salish centraux de la côte : son caractère extrêmement vague permet d’éviter tout discours de spécification de la nature de l’entité avec laquelle on est en contact et du mode de relation que l’on entretient avec elle. Le syowen cristallise cette opération totémique en tant qu’elle est toujours fluctuante et hésitante dans la désignation d’un rapport particulier à un non-humain surnaturel souvent incompréhensible et indescriptible.

Essai de résolution des problèmes ethnographiques concernant la nature du totémisme des Salish centraux de la côte

71 Ces considérations sur le totémisme contemporain des Salish centraux de la côte permettent peut-être de reformuler les termes du débat centenaire concernant la proximité entre totémisme individuel et totémisme collectif dans la région. Les premières données ethnographiques systématiques, recueillies vers la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle, principalement par l’école boasienne, s’appuient sur un concept de totémisme défini a minima par Frazer comme « une identification entre un homme et son totem, que ce soit un animal ou une plante, ou quelque chose d’autre » (Frazer 1887, p. 3 ; traduction de l’auteur). Mais dès 1897, dans son article intitulé The social organization and the secret societies ot the Kwakiutl Indians, Boas se méfie des grandes catégorisations sociologiques. Il réitérera cette méfiance dans un article de 1916, « The origin of totemism » : « Je ne pense pas que tous les phénomènes totémiques puissent être des formes dérivées des mêmes sources psychologiques et historiques. Le totémisme est une unité artificielle et non naturelle. » (Boas 1916, p. 321 ; traduction de l’auteur). Le totémisme Kwakiutl ou Salish a selon lui peu à voir avec le totémisme australien des Arunda, notamment parce que le totémisme clanique salish prend racine dans une forme primitive de totémisme individuel (voir aussi sur ces questions, les considérations de Goldenweiser 1910).

72 En 1904, Hill-Tout publie « Totemism: a consideration of its origin and import ». Il y considère que dans « dans ce pays [la Colombie-Britannique], la majorité des chercheurs professent l’opinion selon laquelle le totem “clanique” n’est qu’un développement social du totem individuel […]. Ils sont irrésistiblement conduits à cette conclusion par les données à leur disposition » (Hill-Tout 1904, p. 71 ; traduction de l’auteur). Le totémisme clanique serait ainsi régulièrement conçu comme une dégénérescence du totémisme individuel. L’anthropologie de la côte Nord-Ouest est donc prise dans un double mouvement : elle repère une certaine relation d’antériorité du totémisme individuel par rapport au totémisme clanique, soulignant la relation particulière entretenue entre un humain et un esprit, et, en même temps, elle opère une forme de désuniversalisation du phénomène totémique.

73 Pour Hill-Tout (1978, p. 85), qui a longuement travaillé avec les Salish centraux de la côte, le totémisme est loin d’être un simple instrument de classification de groupes sociaux. Le « totem » est avant tout une « vision » intime : il y a une précédence du totémisme individuel sur le totémisme collectif. Pour le démontrer, il utilise deux arguments. C’est la racine du mot « rêver » qui forme le terme « entité surnaturelle »

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 111

chez les Salish côtiers. Il s’agit donc toujours d’abord d’une rencontre privée car on ne peut rêver à plusieurs. Ce n’est que dans un second temps que ces entités sont transmises. De plus, le totémisme ne repose pas sur une structure clanique car il a survécu au passage de formes d’organisation matrilinéaires à des formes patrilinéaires. Cela montre bien qu’il survit à la destruction des structures sociales et qu’il désigne plutôt une relation privée et intime. Développons brièvement ces deux points.

74 Hill-Tout s’appuie sur l’étymologie du mot sulia (esprit protecteur, aujourd’hui écrit syuwél) dans les différents dialectes halkomelem et remarque que la racine /ulia/ signifie « rêver ». Ces êtres apparaissent avant tout comme des êtres rencontrés dans des rêves ou visions – états mentaux qui sont toujours personnels et privés. Le monde personnel du rêve ou de la vision est donc toujours le premier lieu de contact. Il est courant de constater que la vision d’un seul individu (totémisme individuel) peut affecter des générations entières (totémisme collectif). Un informateur de Hill-Tout, Dr. George, lui raconta que lorsque son grand-père rencontra son esprit protecteur (un ours) au cours d’une chasse, ce dernier lui annonça qu’il protégerait aussi les membres de sa famille et de sa descendance. Toute la famille était désormais connectée par cet incident (ibid., p. 111). Selon les informateurs chehalis de Hill-Tout, seuls les chamanes pouvaient acquérir leur sulia de leurs pères, alors que tous les autres hommes devaient aller les acquérir par eux-mêmes, lors de quêtes de vision. Il est dès lors fort concevable – comme le propose Hill-Tout – de considérer que toutes les relations de protection ont pour origine une vision individuelle et que le totémisme collectif est une forme altérée du totémisme individuel. Hill-Tout fait remarquer qu’il n’est pas certain de la possibilité de la transmission d’un esprit protecteur et que sur cette question les autochtones sont largement « divisés et en contradiction » (ibid.). Ainsi, pour les premiers ethnologues ayant étudié le totémisme des Salish centraux de la côte, un « choix culturel »11 semble toujours à l’origine de la présence marquée d’un de ces deux totémismes, individuel ou collectif. Hill-Tout montre par exemple que chez les Thompson les totems héraldiques sont en général très peu connus, alors que chez les Halkomelem du Fraser les armoiries apparaissent sur les poteaux du fronton des maisons. De ce fait, pour Hill-Tout, le totémisme collectif et le totémisme individuel « existaient parmi les Salish » (ibid., p. 113).

75 Le totémisme ne se déploie pas pour autant en une infinité de formes possibles car il organise les combinaisons individuelles et collectives à partir d’un double découpage : celui de l’individu et du groupe, celui des humains et des non-humains. L’analyse proposée ici du « complexe totémique » est donc non seulement en concordance avec les réflexions de Hill-Tout sur le totémisme propre aux Salish côtiers, mais elle se situe aussi dans le prolongement des propositions de Lévi-Strauss (1962a et b) qui voit dans le totémisme un ensemble encodé de relations entre les humains (culture) et les non- humains (nature) à partir de saillances organisées selon les rapports de l’individu et du groupe.

76 Dans ses récentes propositions de reprise du concept de totémisme, Descola (2005) resserre les caractéristiques propres au totémisme afin d’en faire une unité ontologique, c’est-à-dire un système de distribution de paquets de propriétés à l’ensemble des existants. La « formule ontologique du totémisme » (ibid., p. 232) opère donc par continuité interspécifique (entre humains et non-humains) de propriétés physiques et mentales, mais aussi à travers une identification cognitive et émotionnelle (c’est-à-dire un rapport intime) de paquets de saillances. Elle ne se résume donc pas à

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 112

une simple méthode de classification et d’organisation, comme c’est le cas chez Lévi- Strauss. Une particularité de la définition descolienne du totémisme, qui la rend particulièrement adéquate à une application possible aux modes relationnels chez les Salish centraux de la côte, est que le rapprochement interspécifique entre humains et non-humains se construit par référence à des « êtres du Rêve » (sur le modèle australien), c’est-à-dire à des non-humains surnaturels qui possèdent initialement les mixtes substantiels partagés par les différents existants – ce que le présent article nomme « concept sortal » de l’entité hybride et qui constitue le cœur de l’identification totémique.

77 En effet, chez les Salish centraux de la côte, comme nous l’avons vu, le rapport avec l’entité surnaturel se fait via un concept indéterminé de flux vital. Ce concept indéterminé est « sortal », au sens où il désigne d’abord une sorte ou une espèce (une force de vie ou un ancêtre commun). En ce sens, il permet de désigner le lien commun entre l’humain et le non-humain et les paquets de propriétés qu’ils partagent. Ce concept sortal permet ainsi, dans les justifications, de penser l’entité surnaturelle à la fois à travers un rapport extérieur au soi (une affinité singulière du fait de la détention de propriétés vitales partagées) ou à travers un rapport intérieur au soi (un flux vital trouvant son origine dans la parenté de l’humain et du non-humain avec un ancêtre commun surnaturel). Nous avons ainsi pu montrer que le complexe totémique, en tant qu’opérateur de liaison entre l’humain et le non-humain, ne se donne pas comme un rapport figé, mais comme une pluralité de combinaisons possibles, présente dans les tâtonnements, incertitudes et hésitations. On peut donc émettre l’hypothèse, comme le pensait Lévi-Strauss à l’échelle du monde entier, que le totémisme est toujours une pluralité irréductible des relations, mais qu’elles se présentent ici d’abord sous la forme de combinaisons à une échelle locale.

78 Les incertitudes et tâtonnements explicatifs sont donc essentiels chez les Salish côtiers pour exprimer sa relation à une entité surnaturelle. Pourtant l’étude de ces hésitations laisse paraître un nombre restreint de justifications relationnelles. Si l’on veut comprendre la possibilité du totémisme aujourd’hui, il faut tenir ensemble à la fois les hésitations (contenu négatif – ce que l’on ne sait pas) et les justifications (contenu positif – ce que l’on sait) : la notion de « complexe totémique », comme structure de transformation, permet ainsi de saisir l’ensemble de ces types de données ethnographiques. Cette réflexion entend apporter au débat deux idées essentielles. D’une part, le totémisme requiert, comme schème de rapport au monde, un concept sortal permettant de penser une identité hybride liant les existants et autorisant un certain nombre de rapports possibles à partir de la distribution de paquets de propriétés ontologiques. D’autre part, s’il est envisageable de concevoir la présence d’une « ontologie totémique » sur la côte Nord-Ouest, comme le propose Descola (2005), cette dernière ne peut être regardée comme une structure « figée » mais doit au contraire apparaître comme une construction pragmatique. Le complexe totémique n’est donc pas seulement un groupe de transformation abstrait, une structure faite pour des yeux d’anthropologue, il est d’abord ce lieu concret d’interactions où chacun justifie ses pratiques et ses ressentis, met à l’épreuve des modes de relations et construit des formes d’existence acceptables pour accueillir les entités qui peuplent son monde.

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 113

BIBLIOGRAPHIE

AMOSS Pamela 1978, Coast Salish spirit dancing: the survival of an ancestral religion, University of Washington Press, Washington.

1990, « The Indian Shaker church », in Northwest Coast. Handbook of North American Indians, Smithsonian Institution Press, Washington.

BARNETT Homer G. 1955, The Coast Salish of British Columbia, University of Oregon, Eugene.

1957, Indian Shakers: a messianic cult of the Pacific Northwest, Southern Illinois University Press, Carbondale.

BIERWERT Crisca 1999, Brushed by cedar, living by the river: Coast Salish figures of power, University of Arizona Press, Tucson.

BLOCH Maurice 2005, Essays on cultural transmission, Berg Publisher, Oxford.

BOAS Franz 1916, « The origin of totemism », American anthropologist, 18 (3), p. 319-326.

CARLSON Keith Thor (éd.) 1997, You are asked to witness: the Stó:lō in Canada’s Pacific Coast history, Stól:lō Heritage Trust, Chilliwack.

CARLSON Keith Thor, Albert Jules MCHALSIE et Kate BLOMFIELD 2001, A Stó:lō-Coast Salish historical atlas, Douglas & McIntyre, Vancouver.

CARLSON Keith Thor et Sonny MCHALSIE 1998, I am Stó:lō! Katherine explores her heritage, Stól:lō Heritage Trust, Chilliwack.

COLLINS June McCormick 1975, Valley of the spirits: upper Skagit Indians of Western Washington, University of Washington Press, Seattle.

DÉLÉAGE Pierre 2009, Le chant de l’anaconda, Société d’ethnologie, Nanterre.

DESCOLA Philippe 2005, Par-delà nature et culture, Gallimard, Paris.

ELMENDORF William W. 1993, Twana narratives: native historical accounts of a Coast Salish culture, University of Washington Press/ University of British Columbia Press, Seattle/Vancouver.

FRAZER James George 1887, Totemism, Adam & Charles Black, Édimbourg.

GALLOWAY Brent D. 1994, A grammar of upriver Halkomelem, University of California Press, Berkeley.

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 114

GILLE Baptiste 2014, « Modalités énonciatives du sacré chez les Salish centraux de la côte », Annales de la Fondation Fyssen, 28, p. 21-38.

GOLDENWEISER Alexander 1910, « Totemism: an analytical study », Journal of American folklore, 23, p. 17-293.

GUÉDON Marie-Françoise 1984, « An introduction to Tsimshian world-view and its practitionners », in Margaret Anderson (éd.), The Tsimshian: images of the past, views for the present, University of British Columbia Press, Vancouver.

HILL-TOUT Charles 1904, « Totemism: a consideration of its origin and import », Man, 4, p. 74-78.

1978, The Salish people: the local contribution of Charles Hill-Tout. Vol. 3: The mainland Halkomelem, Ralph Maud (éd.), Talcon books, Vancouver.

HULTKRANTZ Åke 1953, The conception of the soul among North American Indians, Ethnographical Museum of Sweden, Stockholm.

JILEK Wolfgang G. 1974, Indian healing: shamanic ceremonialism in the Pacific Northwest today, Hancock House Publishers Ltd., Surrey.

KEW Michael 1970, Coast Salish ceremonial life: status and identity in a modern village, University of Washington Press, Washington.

LÉVI-STRAUSS Claude 1950, « Introduction à l’œuvre de Marcel Mauss », in Marcel Mauss, Sociologie et anthropologie, PUF, Paris.

1962a, Le totémisme aujourd’hui, PUF, Paris.

1962b, La pensée sauvage, Plon, Paris.

MILLER Bruce Granville 2007, Be of good mind: essays on the Coast Salish, University of British Columbia Press, Vancouver.

MOHS Gordon 1994, « Stó:lō sacred grounds », in David L. Carmichael (éd.), Sacred sites, sacred slaces, Routledge, Londres/New York.

NEYLAN Susan 2011, « Shaking up christianity: the Indian Shaker church in the Canada-U.S. Pacific Northwest », The journal of religion, 91 (2), p. 188-222.

ROBINSON Sarah Anne 1963, Spirit dancing among the Salish Indians, Vancouver Island, British Columbia, University of Chicago, Chicago.

ROSA Frederico 2003, L’âge d’or du totémisme : histoire d’un débat anthropologique (1887-1929), Éditions de la Maison des sciences de l’Homme, Paris.

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 115

RUBY Robert H. et John A. BROWN 1996, John Slocum and the Indian Shaker church, University of Oklahoma Press, Norman.

SPERBER Dan et Deirdre WILSON 1989, La pertinence : communication et cognition, Les Éditions de Minuit, Paris.

SUTTLES Wayne P. et Ralph MAUD 1987, Coast Salish essays, Talonbooks, Vancouver.

SUTTLES Wayne P. et Diamond JENNESS 1956, Katzie ethnographic notes/The faith of a Coast Salish Indian, Wilson Duff (éd.), British Columbia Provincial Museum, Victoria.

TURNER Nancy J. 2005, The earth’s blanket: traditional teachings for sustainable living, University of Washington Press, Seatle.

VAN EIJIK Jan P. 2001, « Who is Sunutqaz? A Salish quest », Anthropological linguistics, 43 (2), p. 177-197.

WELLS Oliver 1987, The Chilliwacks and their neighbors, Ralph Maud et Brent Douglas Galloway (éd.), Talonbooks, Vancouver.

WIGGINS David 1980, Sameness and substance, Harvard University Press, Cambridge.

WIKE Joyce Annabel 1941, Modern spirit dancing of Northern Puget Sound, University of Washington, Washington.

NOTES

1. Ces analyses font suite à une expérience de terrain de quinze mois passés dans la région de Vancouver entre 2008 et 2009. Je tiens à remercier toutes les personnes qui ont bien voulu m’accepter et me guider dans la vie rituelle, partager du temps – de l’amitié – et accepter avec bienveillance mes questions parfois intempestives. 2. Le groupe Stó:lō est une communauté Salish de la côte vivant à l’est de Vancouver. 3. Toutes les traductions sont de Baptiste Gille, elles apparaîtront suivies de la mention « traduction de l’auteur ». 4. Cette distinction entre savoir institué et savoir commun est empruntée à Pierre Déléage dans son étude sur le chamanisme des Sharanahua (Déléage 2009). 5. L’utilisation faite ici du concept de déférence est largement inspirée de celle faite par Bloch (2005) et Déléage (2009). 6. D’une manière générale, les Salish côtiers que j’ai fréquentés étaient impliqués dans beaucoup de rituels d’origine sioux, notamment ceux qui entourent les Danses du soleil. Se référant toujours à une conception pan-autochtone du monde, ils me confessaient que pour eux il n’y avait pas de différence entre la spiritualité sioux et celle des Salish. Par exemple, les anciens étaient autant impliqués, et avec la même ferveur, dans l’organisation des Danses du soleil l’été – rituel sioux – que dans celle des Danses spirituelles l’hiver – rituel des Salish côtiers.

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 116

7. Aujourd’hui les entités sont désignées par un seul et même terme halkomelem : syuwél (« entité protectrice »), reposant toujours sur l’idée de rêve et de chant protecteur (ʔǝliyε). Pour une analyse grammaticale de ce terme, voir Galloway 1994, p. 584. 8. La littérature ethnographique concernant les Salish est abondante sur cette question. Voir Carlson et McHalsie 2001, p. 8 ; Hill-Tout 1978, vol. 2, p. 73-76 ; Van Ejik 2001, p. 179 et 183 ; Suttles 1987, p. 75-76 ; Wells 1987, p. 54-55, 84-85 et 156-157. 9. Deux exemples. Concernant les Skagit septentrionaux, Collins rapporte le commentaire suivant : « C’est comme avec Sandy, le chien que je possède. Si je meurs, le chien ira certainement à un de mes enfants. Si aucun de mes enfants ne peut prendre soin de lui, il repartira vers le lieu d’où il vient, quel qu’il soit. Les esprits reviennent vers le lieu d’où ils viennent, quel qu’il soit. Si mes enfants ne peuvent pas les comprendre, ils seront offerts à la possession de n’importe qui » (1975, p. 181). Au sujet des Twana, Elmendorf rapporte ceci : « Quand une personne meurt son esprit ne va pas avec lui vers le pays des morts. Il l’a toujours suivi comme un chien, et quand il meurt, il est comme un chien perdu. Parfois, le pouvoir oublie son propriétaire mort, mais quelquefois il veut appartenir à quelqu’un et commence à traîner autour des parents de cette personne décédée ou ses descendants. Cela rend malade la personne qu’il choisit » (1993, p. 191). Les basses classes ou les esclaves étaient aussi comparés à des chiens errants (Suttles 1987, p. 6). Les traductions sont de l’auteur. 10. Un rapprochement entre l’esprit diffus qui fait trembler le danseur dans le shakerisme et les cérémonies de danses d’hiver est aussi proposé par Neylan (2011, p. 195-196). 11. Hill-Tout parle de « sélection » et d’« adoption » (ibid., p. 82).

RÉSUMÉS

Actuellement, de nombreux autochtones vivant dans la région de Vancouver, sur les territoires des Salish centraux de la côte, affirment entretenir un rapport particulier avec une entité surnaturelle, souvent une espèce non humaine animale, végétale ou un élément du paysage. L’objectif de l’article est d’éclairer les différentes modalités de cette identification à un non- humain surnaturel protecteur, en partant des hésitations, embarras, imprécisions qui surviennent lorsque l’on cherche à la définir. Se dessinent alors les contours d’un véritable « complexe totémique », une structure flottante autorisant plusieurs relations possibles avec des non-humains. Cette étude propose donc de reconsidérer la question du totémisme chez les Salish côtiers et de montrer comment elle peut s’approfondir si le totémisme est appréhendé comme un « complexe » relationnel souple, consistant dans la coexistence de plusieurs combinaisons relationnelles possibles et cohérentes avec un non-humain surnaturel.

Nowadays, many indigenous people living in the Vancouver area, on Central Coast Salish territories, can claim to have a special relationship with a supernatural entity, often a non- human animal species, a vegetal species, or an element of the landscape. The purpose of this article is to highlight the different modalities of this identification with a protective non-human

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 117

being, and it takes as its starting point hesitations, difficulties, and inaccuracies that occur when one tries to define such identification. By doing so, we outline a real « totemic complex », i.e. a floating structure allowing several possible relationships with a non-human. This paper therefore proposes to reconsider the question of totemism among the Coast Salish people, and to show how it can be deepened if totemism is apprehended as a relational and flexible « complex », involving several possible relational and consistent combinations with a supernatural being.

Actualmente numerosos habitantes autóctonos de la región de Vancouver, en los territorios salish de la costa, afirman poseer una relación particular con un ente sobrenatural, ya sea una especie animal o vegetal no humana o un elemento del paisaje. El presente artículo pretende esclarecer las diferentes modalidades bajo las cuales se produce esta identificación con una entidad no humana protectora, tomando en cuenta las dudas, dificultades e imprecisiones que se presentan a la hora de intentar definirla. Es entonces cuando se dibujan los contornos de un verdadero « complejo totémico », es decir de una estructura flotante a través de la cual pueda ser considerada la diversidad de relaciones posibles con los no-humanos. El estudio plantea una reconsideración del totemismo salish de la costa, mostrando cómo éste puede ser profundizado si el totemismo es aprehendido como un « complejo » relacional flexible que comprende la coexistencia de numerosas combinaciones relacionales posibles y coherentes con un sobrenatural no humano.

INDEX

Palabras claves : Salish de la costa, totemismo, espíritu protector, identificación, incertidumbre. Mots-clés : Salish côtiers, totémisme, esprit protecteur, identification, incertitude. Keywords : Coast Salish, Totemism, guardian spirit, identification, uncertainty.

AUTEUR

BAPTISTE GILLE

Musée du quai Branly, département de la recherche et de l’enseignement, Paris [[email protected]].

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 118

Los excesos del mono: salvajismo, transgresión y deshumanización en el pensamiento nahua del siglo XVI Les excès du singe : sauvagerie, transgression et déshumanisation dans la pensée Nahua du XVIe siècle The excesses of the monkey: savagery, transgression and dehumanization in sixteenth century Nahua thought

Jaime Echeverría García

NOTA DEL EDITOR

Manuscrit reçu en juin 2013, accepté pour publication en avril 2015.

Agradezco a la Coordinación de Humanidades de la Universidad Nacional Autónoma de México por haberme otorgado una beca de investigación, por parte del Programa de Becas Posdoctorales en la UNAM, la cual me permitió elaborar este artículo. También agradezco a Guilhem Olivier por la atenta lectura del texto y sus comentarios.

1 Observar al mono era sumergirse en el pasado del ser humano, pero en un pasado remoto, imperfecto, caótico, un remedo del presente verdadero. Su inquietante semejanza con el hombre no hacía otra cosa que delatar el parentesco que existía con éste. Dijeron los informantes nahuas de Sahagún (CF, XI, p. 14): « tiene manos humanas, pies humanos » (tlacamaie, tlacaicxe)1; « su cara es un poco humana » (achi tlacaxayaque); « come como un ser humano » (huellacatlacua); « se sienta como un hombre » (moquichtlaliani)2. Según la antigua cosmovisión nahua, al ser destruido el Sol de Aire, Ehecatonatiuh, sus habitantes – o la mayoría de ellos – fueron convertidos en monos. Una fuente tardía afirma que dicha transformación fue motivada por las transgresiones de aquellos hombres (Veytia 2000, p. 43), lo que concuerda con uno de los elementos del complejo ideológico de creación y destrucción de eras cosmológicas: la falta.

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 119

2 El simio, entonces, fue visto como un ser humano bestializado. El cambio ontológico que implica el paso del hombre a un estado animal borra por completo los rasgos esenciales que definen la humanidad, que en gran medida están dados a partir de la prohibición y la contención de los impulsos. Los interdictos básicos sobre los que se erige la cultura radican en los contenidos de sexualidad y de muerte, tal como señaló Sigmund Freud (2000, p. 145). Justamente, el ser que se encuentra fuera de los límites de la cultura se ha despojado de dichas prohibiciones. El ser animalizado, en consecuencia, se distingue por un deseo sexual y de muerte irrefrenables, y esto se observa con claridad en las descripciones etnográficas del mono y de seres con rasgos simiescos. Volviendo otra vez con Freud (2003, p. 191-192), él comparó el inconsciente con el instinto animal. Aquél se forma precisamente de pulsiones sexuales y de muerte sobre las que se ha ejercido represión por considerarse atemorizantes, y que han devenido inconscientes como un mecanismo de defensa. Así, bajo un estado animal no existe conciencia, sólo aflora el instinto. No existe represión, pues ya ha quedado anulada. No hay vergüenza, pues ésta define al ser humano3.

3 Dentro de los múltiples valores que poseyó el mono entre los nahuas del siglo XVI, quiero destacar sus significados de transgresión y de exceso, que radican principalmente en el ámbito del sexo, y las consecuencias que acarreaba un comportamiento de tal naturaleza en el hombre: la deshumanización. En la lámina 32 del Códice Vaticano B (1972) (Figura 1) se ilustra una figura de simio que, mediante su actitud corporal y su acción, condensa aquellos significados. El mamífero está representado con la cabeza girada hacia atrás, los brazos levantados a la altura de los hombros con las manos abiertas, y expulsa un chorro de excremento que se dirige hacia la cabeza de una deidad de la muerte4.

Fig. 1 – Ozomatli que defeca en la cabeza de Mictlantecuhtli (Códice Vaticano B 1972, lám. 32, detalle).

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 120

4 La típica ambivalencia de sentido de la cosmovisión nahua igualmente se hace presente en la figura transgresora del mono, pues así como fue representado en los códices como un animal infractor – las fuentes documentales también lo dejan entrever –, algunos datos lo muestran desempeñando una función remediadora y punitiva.

5 La metodología que sigo en la elaboración del presente artículo es la conjunción de las fuentes históricas – tanto escritas como códices –, las etnográficas y el material arqueológico. De esta manera, se plantea un estudio interdisciplinario con el fin de ofrecer el cuadro más completo respecto a los simbolismos de transgresión y deshumanización del mono entre los antiguos nahuas.

La destrucción de los hombres por el viento

6 Quiero comenzar con las diferentes versiones que narran la transformación de los hombres en monos durante la era Ehecatonatiuh, y resaltar algunos aspectos que considero de interés. Una serie de fuentes coinciden en afirmar que correspondió a la cuarta edad, cuyo signo fue nahui ehecatl, « cuatro viento » (Benavente 1996, p. 548; Anales de Cuauhtitlan 2011, p. 31; Histoyre du Mechique 2002, p. 145; Hernández 1986, p. 145). El dios que rigió esta era fue Quetzalcóatl (Historia de los mexicanos por sus pinturas5 2002, p. 35), lo que fácilmente se entiende al ser el dios del viento. Una segunda y más abundante serie de documentos ubican a Ehecatonatiuh como el segundo Sol (Leyenda de los Soles 2002, p. 175; HMP 2002, p. 35; Muñoz Camargo 1998, p. 164; Códice Vaticano A 1964, III, p. 23; Alva Ixtlilxochitl 1997, I, p. 264; Veytia 2000, p. 47-48). Mientras que en otro documento, Alva Ixtlilxochitl (1997, II, p. 7) sitúa a dicho Sol en la tercera edad6.

7 En general, todas las versiones confluyen al narrar los desastrosos efectos ocasionados por poderosas ráfagas de viento que terminaron por perder el mundo, y la mutación de los hombres en simios. En palabras de fray Toribio de Benavente (Benavente 1996, p. 548): « Fue tan ympetuoso el ayre y viento que hizo, que todos los montes y árboles destruyó y arrancó, y leuantaua las grandes peñas y las quebrantaua y hazía yr rodando, y todos los hedificios destruyó. » Y señala el franciscano que los indios decían que los monos eran los hombres de la cuarta edad. Los Anales de Cuauhtitlan (2011, p. 31) precisan que los hombres transformados en aquellos mamíferos fueron hombres-mono (tlacaozomatin), a quienes se les arrojó al bosque.

8 Esta interesante mención puede identificarse con una escultura azteca en piedra del musée du quai Branly de París (Figura 2), que representa el cuerpo de un hombre sedente que viste maxtlatl – especie de calzoncillo –, pero, en oposición, está provisto de una cabeza y cola de simio. La primera se reconoce por el topete hirsuto, los grandes ojos circulares, la boca que parece soplar y el pelo que recubre gran parte del rostro; mientras que la cola sale del maxtlatl y sube por la espalda. Para Leonardo López Luján y Marie-France Fauvet-Berthelot (2005, p. 129, figura 52), esta estatua probablemente representa a Ehécatl-Quetzalcóatl o a Xochipilli-Macuilxóchitl. Yo, en cambio, considero que en esta imagen bien podemos ver reflejado a uno de los tlacaozomatin, es decir, el ser humano degradado a una condición simiesca7.

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 121

Fig. 2 – Hombre-mono, musée du quai Branly (López Luján y Fauvet-Berthelot 2005, p. 129, figura 52, cat. 52).

9 El descenso hacia el ámbito animal sufrido por la humanidad igualmente repercute en el espacio habitado, pues la nueva condición obliga el desplazamiento del hombre deshumanizado hacia el espacio salvaje. Y no sólo eso, la geografía condiciona la identidad humana o animal. En un mito popoluca (Foster 1945, p. 239), Cristo les voltea la cabeza a los sobrevivientes del diluvio y los avienta a los árboles, y es en ese momento que se convierten en simios. De por sí, los hombres que habitaban el Sol de Aire poseían una condición más ligada a la naturaleza, lo que se refleja en el tipo de alimento que consumían. Según la Leyenda de los Soles (2002, p. 175), comían matlactlomome cohuatl, « doce serpiente »; mientras que la Histoyre du Mechique (2002, p. 145) apunta que « se alimentaban de un fruto que se da en un árbol llamado mizquitl »; y una tercera variante la encontramos en el Códice Vaticano A (1964, III, p. 23): « no comían salvo frutas silvestres que llamaban acotzintli ». Estos tres productos, de origen silvestre, contrastan con el maíz, una planta cultivada, el alimento prototípico del hombre verdadero. En este sentido, Michel Graulich (1990, p. 101, 296-298) propuso ordenar los Soles en un plano vertical con base en la idea de progreso, donde las creaciones son cada vez menos imperfectas y el alimento va de lo silvestre hasta llegar al producto cultivado, el maíz, alimento de la era presente.

10 La elección del mizquitl o mezquite como el alimento de los habitantes de Ehecatonatiuh pareciera no ser casualidad. Previo a su huida a Tlapallan, Quetzalcóatl convirtió los árboles de cacao en mezquites (CF, III, p. 33). El cacao es uno de los frutos favoritos del mono, y en el arte maya se le representa con frecuencia asociado a este producto (Nájera 2012). Por otro lado, dicho mamífero mantuvo estrechas ligas con Quetzalcóatl.

11 Respecto a la mutación de los hombres, algunas fuentes especifican que fueron arrastrados o levantados por el viento, y así se transformaron en monos. El autor de

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 122

este gran ventarrón fue Tezcatlipoca (Leyenda de los Soles 2002, p. 175; HMP 2002, p. 35). Según Alva Ixtlilxochitl (1997, I, p. 264; también Veytia 2000, p. 43), muchos hombres y mujeres lograron escapar del gran huracán que arrasó con todo lo que había a su paso, refugiándose en cuevas y otros lugares lejos de su alcance. Pasados algunos días, salieron de su escondite y encontraron toda la tierra « cubierta y poblada de monos », animal que hasta entonces no conocían, declaró Mariano Veytia (2000, p. 43). En cuanto a la versión tlaxcalteca, los hombres fueron levantados del suelo por huracanes hasta perderse de vista, para luego caer y hacerse pedazos; mientras que las gentes que escaparon se « quedaron enredadas por algunas montañas y riscos escondidos, y que se convirtieron en monas y micos » (Muñoz Camargo 1998, p. 164). De nuevo se observa que el ámbito geográfico determina la naturaleza humana o animal, pues el refugio en sitios agrestes contribuyó a la mutación en simio. En este sentido, el hábitat es transformador.

12 No podemos pasar por alto las implicaciones inmorales que conlleva introducirse en el bosque o en otros lugares salvajes en el pensamiento nahua. Se decía que el joven que contrariaba el orden moral y el deseo de la divinidad se internaba en la barranca, en los peñascos, en el zacatal o en el bosque; se hacía conejo y venado, que eran los típicos animales del monte, y seguía su camino, el de la vagancia (García Quintana 1974, p. 157, 159). Las concepciones del bosque como un lugar de inmoralidad y alejamiento del dios, así como un espacio donde se adquiere una condición animal, ya señalado arriba, están expresadas en varios mitos chinantecos. Se narra que cuando apareció Cristo-Sol en el mundo, los hombres que no querían persignarse, ni ver la luz, ni oír la campana ni saber del cura, « se fueron al monte y se volvieron monos porque no les gustó vivir bajo la luz del cielo », o se metieron dentro de la tierra; mientras que los que permanecieron se hicieron cristianos. « Desde entonces tienen los changos las patas como manos y desde entonces no tienen vergüenza » (Weitlaner 1977, p. 218, 224, 226).

13 Habiendo adquirido forma simiesca, los hombres quedaron privados de razón y perdieron el habla, y « no les falta otra cosa sino la habla y quedaron mudos para ser hombres perfectos », apuntó Muñoz Camargo (1998, p. 164). Una información muy interesante y única en las descripciones de la destrucción del Sol de Aire, proporcionada por Mariano Veytia8, es que los hombres de esta edad « eran los ociosos y vagabundos que en castigo de su holgazanería fueron convertidos en monos ». Y a diferencia de Camargo, según los datos obtenidos por Veytia (2000, p. 43), « creían que sabían hablar, y que el no hacerlo era porque no los obligasen a trabajar ». Recordemos que en el Códice Vaticano A (1964, III, p. 40) se le atribuye al simio la ociosidad.

14 En el Popol Vuh (2005, p. 29, 31-32) también encontramos datos de gran interés respecto a los hombres de una era anterior cuya descendencia fueron los monos. Después de la creación fallida de los hombres de lodo, los dioses crearon muñecos labrados en madera, quienes se parecían al hombre, hablaban como él y poblaron la Tierra. Aunque tuvieron descendencia, « no tenían alma, ni entendimiento, no se acordaban de su Creador, de su Formador, caminaban sin rumbo y andaban a gatas ». « Fue solamente un ensayo, un intento de hacer hombres. » La parte del cuerpo sobre la que sufrieron daño antes de ser destruidos por un diluvio tiene implicaciones importantes. Sus utensilios de trabajo y animales se rebelaron contra ellos por el mal trato que les habían dado: los perros les destrozaron las caras, así como los comales y las ollas; las piedras del hogar « se arrojaron directamente desde el fuego contra sus cabezas causándoles dolor »; « a todos les fueron destrozadas las bocas y las caras. Y dicen que

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 123

la descendencia de aquéllos son los monos que existen ahora en los bosques; éstos son la muestra de aquéllos, porque sólo de palo fue hecha su carne por el Creador y el Formador ».

15 En la cabeza y el rostro se asienta la identidad humana, por lo que un golpe en esta parte del cuerpo implica su pérdida y la acción que facilita el tránsito hacia la bestialidad. Este atentado contra los hombres de madera, aunque su destrucción se haya llevado a cabo por un diluvio, posiblemente condujo a su descendencia a una humanidad disminuida, encarnada en la figura del simio. Por otro lado, el material con el que fueron creados dichos hombres en el mito maya quiché podría mantener concordancia con el nombre en náhuatl asignado al mono además de ozomatli: cuauhchimal (CF, XI, p. 14; Molina 2004, fol. 86r), « escudo de madera ». Posiblemente este apelativo alude tanto a un rasgo físico como al hábitat del mamífero. Dijeron los informantes de Sahagún (CF, XI, p. 14) que la espalda del simio es redonda, lo cual remitiría a la forma circular del escudo9; mientras que la madera apunta al bosque, el espacio habitado por aquél. Además de la descripción de los hombres de madera más ligada al ámbito animal – no tenían alma ni entendimiento, caminaban a gatas –, el material con que fueron creados enfatiza el espacio salvaje y ausente de la presencia humana.

De mono-chichimeca a la adultez civilizada

16 En este apartado quiero sustentar la hipótesis de que en el desarrollo del individuo, desde su nacimiento hasta la vida adulta, se reproduce el proceso mítico del desarrollo del grupo humano desde unos orígenes salvajes hasta alcanzar la civilización por obra de los españoles y el cristianismo, en el caso indígena contemporáneo, o desde un estado chichimeca a uno tolteca, en tiempos prehispánicos10. Dicho planteamiento tiene un parangón con la « ley fundamental de la sociogénesis » propuesta por Norbert Elias (2009, p. 75), que reza que « durante su vida el individuo vuelve a recorrer los procesos que ha recorrido su sociedad a lo largo de la suya »11.

17 La anterior hipótesis se basa en parte en el modelo del proceso de creación de los grupos humanos planteado por Alfredo López Austin y Leonardo López Luján (1999, p. 51-55, 65, 68, 71), que expongo de manera muy sucinta. En el origen, los pueblos esperan en Chicomóztoc, que se asemeja a la vida intrauterina; posteriormente ocurre su salida de las siete cuevas, que guarda similitud con el momento del parto. Los grupos humanos mantienen unos inicios chichimecas, cuyo tránsito hacia un estado tolteca involucra un proceso civilizatorio mítico que finaliza con la posesión definitiva de la tierra. Este tiempo, según los autores, corresponde al inicio de la vida.

18 Ciertos datos lingüísticos e históricos me hacen pensar que lo chichimeca representa la infancia, y por consiguiente, lo tolteca corresponde a la adultez (véase Davies 1977, p. 160). Por otro lado, en varias cosmovisiones indígenas actuales, tanto el feto como el recién nacido son concebidos como seres de naturaleza animal, de tal suerte que son llamados monos. Con el rito del bautismo, dicha condición muda al conferirles humanidad. Este cambio ontológico igualmente determina la adquisición de un estado de calor, anteriormente inexistente por dominar el frío. El cruce de informaciones permite trazar vínculos entre lo chichimeca y el mono, que se sustentan en las ideas de lo primigenio, del salvajismo y de la anticultura. A continuación expongo el desarrollo del planteamiento.

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 124

19 Un relato teenek (huasteco) sobre sus orígenes presentado por Anath Ariel de Vidas (2003, p. 410-411) facilita establecer dicha articulación. En él, la descripción denigrante de los antiguos teenek sorprende al ser tan semejante a la caracterización que hicieron del chichimeca las fuentes históricas del siglo XVI. Cito la información de Ariel de Vidas: Los ancianos nos dijeron que antes los teenek vivían en una cueva, en el cerro, en el monte. No sabían lo que era una casa, no conocían la lumbre […], comían raíces de árboles, frutas, todo crudo. Cuando llegaron los conquistadores y los hallaron, los teenek empezaron a conocer la luz, la ropa. Antes, eran monos, no tenían casas. Hacían un gran hoyo en la tierra […]. Allí tenían a sus hijos e hijas […]. El sol no siempre había existido, sólo había agua y la comida se comía cruda. Los monos hablan teenek […]. Los huastecos andaban desnudos, no estaban bautizados […]. No tenían casas, andaban como venados, como conejos […]. Andaban desnudos, vivían en cuevas, debajo de las piedras, en zanjas. Los españoles les enseñaron a hablar, los bautizaron, les dijeron cómo se come.

20 Podemos extraer de este relato los rasgos típicos que conformaron la representación nahua posclásica del chichimeca, así como algunas de sus connotaciones simbólicas: creación del ser humano en cuevas y habitación en ellas, desconocimiento del fuego, alimentación a base de productos silvestres y carne cruda, desnudez, práctica de cavar hoyos en la tierra, ausencia del sol, y andar como venados y conejos12.

21 De los anteriores elementos sólo voy a destacar aquéllos que, por su singularidad, apuntan sin lugar a dudas a lo chichimeca. Primero, cuando Icxicohuatl y Quetzaltehueyac llegan a Culhuacatepec para solicitar la ayuda de los chichimecas, la Historia Tolteca-Chichimeca13 (1989, fol. 17r, p. 163-164; fol. 18r, p. 166-167) los llama xicotli y pepeyoli, que eran los nombres de dos tipos de abejas que, según los nahuas, se caracterizaban por hacer cuevas en la tierra para fabricar su miel (Sahagún 2002, III, p. 1052). De ahí su parentesco con los chichimecas. Segundo, el periodo de migración se relaciona con la oscuridad, es decir, con la ausencia del sol: « De los años en que los chichimecas venían caminando se dice: “todavía era de noche” » (Anales de Cuauhtitlan 2011, p. 29). Y tercero, el conejo y el venado fueron los típicos animales del monte vinculados con la actividad errante chichimeca. « Seguir el camino del conejo y del venado » fue un difrasismo que significó la vagancia, y el comportamiento inmoral en general. Seguir el camino de las bestias del monte era, de alguna manera, señala Louise Burkhart (1986, p. 113), seguir el « camino de los ancestros », pero los ancestros chichimecas incivilizados, más que aquéllos más inmediatos que eran los modelos del comportamiento correcto.

22 La actitud civilizadora del español frente a los monos-teenek del relato anterior igualmente se asemeja a la del tolteca frente al chichimeca. Así como « los españoles les enseñaron a hablar », « les dijeron cómo se come », al aceptar abandonar los chichimecas su vida cavernícola y serrana, el ya mencionado Icxicohuatl les dio a comer maíz e inmediatamente empezaron a hablar náhuatl (HTCH 1989, fol. 18v, p. 167; fol. 19v, p. 169). Asimismo, en el Códice Tlotzin se narra cómo este chichimeca comió por primera vez carne asada – pues la comía cruda – y alimentos preparados a base de maíz – tamales y atole – por intervención del chalca Tecpoyo Achcauhtli, quien también le enseñó a hablar náhuatl (León-Portilla 1967, p. 72). El maíz y la lengua náhuatl fueron considerados marcadores de civilización.

23 En el contexto del enfrentamiento de dos modelos culturales disímbolos y del dominio de uno sobre el otro, la historia antigua teenek es borrada y vuelta a escribir, pues se ve la necesidad de establecer unos orígenes salvajes para explicar la sujeción española

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 125

(véase Ariel de Vidas 2003, p. 413), incluso, justificarla. Y más que una reescritura de la historia, hay una reactualización del antiguo discurso histórico indígena. Se recurre a un modelo mítico-histórico mesoamericano del desarrollo de los pueblos, con la diferencia de que los nuevos detentadores de la cultura son de una naturaleza totalmente extraña, pero no por ello se les deja de insertar en el discurso indígena desempeñando un papel tolteca, esto es, civilizador. Sólo a través de la chichimequización o la conversión en mono, es decir, sólo a través de la salvajización, es posible explicar la adopción de la civilización y de la fe cristiana, simbolizada por el bautismo, cuya implicación es de gran envergadura: la recuperación de la humanidad. La sustitución de la figura del chichimeca por la del mono se entiende porque ambos encarnan, además de lo primigenio, la contradicción del orden humano. Otra explicación es que son seres intermedios entre la naturaleza y la cultura, que, mediante un proceso civilizatorio, tienen la posibilidad de adquirir una plena condición humana.

24 En tiempos del gobierno de Tlotzin, la gente que no quería practicar la agricultura y deseaba persistir en las costumbres chichimecas huyó a las sierras de Metztitlan y Totepec (Alva Ixtlilxochitl 1997, II, p. 26). Y ya en tiempos coloniales, los grupos indígenas considerados chichimecas mantuvieron una actitud reacia a la dominación española, hecho que provocó la intensificación de su estereotipo salvaje (véanse por ejemplo Ramos de Cárdenas 1987, p. 224-225; Muñoz Camargo 1998, p. 86). La rebeldía chichimeca es paralela a uno de los significados del mono en los mitos indígenas: ser el hombre del pasado que rechaza a Cristo – rechazo a ser evangelizado y a integrarse al orden colonial – y huye de él al internarse en el bosque y sumergirse en la tierra (por ejemplo Weitlaner 1977, p. 218; Ariel de Vidas 2003, p. 216). En ambos casos, la rebeldía se traduce en un rechazo a la cultura dominante.

25 Ahora bien, al principio del apartado se sugirió la idea de que el desarrollo del hombre es análogo al desarrollo del grupo humano. En ambos se parte de un origen bestial o muy ligado a la naturaleza, asimilado con la infancia, para posteriormente alcanzar el estado humano y ordenado, típico de la vida adulta. Este tránsito, que también implica un paso de lo frío a lo caliente, sólo es posible mediante la intervención de marcadores de civilización, que se encuentran en sintonía con el ideal del ser humano.

26 Algunos grupos mayas como los tzotziles y los mochós conciben al nonato y al bebé no bautizado como monos. Esta categoría animal es superada una vez que el pequeño ha sido bautizado y ya cuenta con padrino y madrina (Bricker 1986, p. 152; Gossen 1989, p. 60; Petrich 1985, p. 232). Entre los tzotziles de Chamula, « el ciclo vital es concebido como un ciclo de aumento de calor desde un comienzo frío ». Dicha calidad fría del infante se ve reflejada precisamente en el término maš, « mono », pero con el bautismo, y posteriormente la madurez sexual, va adquiriendo un calor en constante aumento que alcanza un alto nivel con el matrimonio y la reproducción, que expresan madurez social (Gossen 1989, p. 60). A esta información podemos agregar uno de los nombres de los gigantes que antecedieron a la raza humana según los teenek de San Luis Potosí, Mut’in, cuya traducción literal es « aquellos cuyo desarrollo se detuvo en el nivel del mono » (Ariel de Vidas 2003, p. 219).

27 Me remito nuevamente al chichimeca. Hace algunas décadas, Nigel Davies (1977, p. 160) ya había sugerido que los chichimecas eran los jóvenes o nuevas gentes, y los tolteca- chichimecas implicaban unas gentes que ya se habían vuelto mayores o más civilizadas. Para el investigador, el nombre chichimeca deriva de su lugar de origen Chichimani, que significaría « chupadero », « lugar de los recién nacidos », o « lugar de los

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 126

jóvenes », lo que considero acertado. Sin embargo, en estricto sentido, el topónimo debería ser Chichiman, pues los gentilicios que acaban en – mecatl como chalmecatl o chichimecatl les corresponde el locativo – man, pero éste nunca aparece en las fuentes históricas (Reyes y Odena 2001, p. 254). Con base en el registro de las vocales largas del gentilicio chichimecatl(chīchīmēcatl) asentado por Horacio Carocci (1983, p. 4) en su Arte de la Lengua mexicana, Leopoldo Valiñas (comunicación personal, marzo de 2007) propone su traducción como « habitante del lugar donde los senos se extienden »14.

28 Esta traducción recuerda la morada celeste a la que se dirigían los niños que morían en la etapa de lactancia, el Chichihualcuahuitl, « árbol de senos », ilustrada en el Códice Vaticano A (1964, III, p. 17) como un lugar en el que se encuentra un árbol con frutos en forma de senos, de los cuales maman niños. Al ser lactantes, fenecieron sin haber probado maíz (véase Fernández de Oviedo 1944-1945, XI, p. 73).

29 Debido a su vínculo con el seno y, por ende, con la leche materna y el amamantamiento, así como su caracterización como seres que no consumían maíz, los chichimecas debieron identificarse con los lactantes. Una vez que el niño ingería maíz, adquiría una condición que lo alejaba de un estado primigenio salvaje chichimeca, y que lo insertaba por completo en el ámbito de la cultura, asimilado con lo tolteca, así, su humanización se veía completada. Como la ingesta del maíz es inherente a la lengua náhuatl, su correcto aprendizaje debió ser otro elemento que determinaba el distanciamiento del origen chichimeca y la rotulación de humanidad. En Amatlán de los Reyes, Veracruz, al balbuceo de los niños se le llama popolotza (Kirchhoff, Reyes y Güemes en HTCH 1989, p. 169, nota 4). Este término se relaciona con el verbo popoloca, del que Molina da la definición de « hablar lenguaje barbaro », « hablar entre dientes » (Molina 2004, fol. 67v). También es el nombre genérico de la lengua que hablaban los chichimecas, que correspondió al pame, al mazahua o al otomí (León-Portilla 1967, p. 67, 71)15.

30 A la luz de la información etnográfica, se hace evidente la estrecha relación simbólica que guarda el consumo del maíz con el ritual del bautismo: ambos son actos necesarios que humanizan al infante. Esperanza Penagos (2000, p. 5-6) sugiere que los mazatecos consideran al niño que no ha sido bautizado y que no ha comido maíz como un ser de « incompleta humanidad », que puede observarse en el rito que sigue a la muerte de un individuo de pocos días o meses de edad. Antaño, los niños que morían sin ser bautizados eran enterrados en un espacio no socializado por la presencia ni la actividad humanas, en el monte alto. Mientras que en la actualidad, se suprimen muchos rituales mortuorios con los niños que murieron sin haber probado maíz, lo que simboliza su aspecto bestial. Estos niños mazatecos se dirigen al yia chiquí, « árbol de senos ».

31 En resumen, así como todos los grupos humanos transitaron de un estado chichimeca, asimilado con la infancia y el salvajismo, hacia uno tolteca, identificado con la etapa de madurez y la civilización, cada ser humano iniciaba igualmente su vida bajo una condición chichimeca, no enteramente humana, que se transformaba con el consumo del maíz y el aprendizaje de la lengua náhuatl. Estos marcadores de civilización lo dotaban de una completa humanidad, mientras la identidad social acababa de forjarse con la llegada de la edad adulta y la conformación de la familia. En el contexto indígena de hoy, debido a los antecedentes históricos de la sujeción colonial, los antepasados – pero los remotos – son concebidos como seres bestiales, cuya humanización sólo fue posible gracias a la aceptación del orden español y del cristianismo. A nivel individual, todo hombre recorre dicho proceso en su persona. Comienza siendo un mono desde que

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 127

está en el útero hasta que recibe el bautismo, acto ritual, y también marcador de civilización, que modifica su naturaleza y lo posiciona en el ámbito humano.

Transgresión y exceso sexual

32 Aunque el destino que pronosticaban los signos de día ozomatli, es decir del día mono, era bastante favorable, el comportamiento inmoral de la persona que nacía bajo su auspicio lo trastornaba, pues al mostrar una actitud irreverente hacia su signo, aquélla provocaba su cólera que se materializaba en desgracias y enfermedades, como ocurría con todos los signos de los días del tonalpohualli. El carácter de algunas de las desdichas nos demuestra el significado transgresor del mono, específicamente en el terreno de la sexualidad. A diferencia del Códice Florentino, los Primeros Memoriales (Sahagún 1997, fol. 296r) precisan que si la persona – se señala al varón noble – no estimaba su signo ce ozomatli, éste la hacía enfermar de lepra, le causaba ceguera o alguna dolencia de la ingle; además, le ocasionaba vivir en la miseria y padecer hambre. Pero si la persona vivía con miedo de su signo sería rica y próspera. En cambio, el destino que le deparaba a la mujer noble que no respetara su tonalli de carga « uno mono » era la vida licenciosa (ahauilnemia) y el desamparo. Fray Diego Durán (2002, II, p. 236) consigna información muy similar: la mujer que naciera en el signo ozomatli sería « cantora regocijada graciosa no muy honesta ni casta risueña y muy fácil de persuadir en cualquier cosa »16.

33 Al ser Xochipilli el regente del signo de día ozomatli (por ejemplo Códice Borgia 2008, lám. 13) (Figura 3), en el mono se proyectaron su identidad y ámbitos de acción, de tal manera que el exceso sexual del simio fue en cierta manera un reflejo de aquella deidad. Para Seler (1980, I, p. 102, 106), de las concepciones de Xochipilli como dios de la danza, de la música y del juego, y dios de los alimentos y la generación, resulta una tercera que se revela en la naturaleza del signo mono: la de un numen del placer, pero del placer transgresor. En estricto sentido, Xochipilli y Macuilxóchitl correspondieron a nombres de dos dioses diferentes, pero la cercanía de sus identidades llegó a concentrarlos en una sola (Sahagún 2002, I, p. 90). El aspecto transgresor de estas divinidades es más evidente en Macuilxóchitl, pues resalta desde su nombre e iconografía. El numeral cinco, macuilli, que conforma a aquél, y que también se plasmó en su pintura facial al estar indicada por una mano extendida sobre la mejilla y la boca (CF, I, p. 32), señaló el símbolo del exceso17.

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 128

Fig. 3 – Xochipilli, dios patrono del signo ozomatli, onceavo del tonalpohualli (Códice Borgia 2008, lám. 13, detalle. Digitalización: Biblioteca Rafael García Granados, IIH, UNAM).

34 Los códices refuerzan y amplían el simbolismo del mono que venimos tratando. La actitud corporal que generalmente ejecuta el simio en su representación – tanto en la pictografía como en el material arqueológico – son los brazos levantados a la altura de los hombros con las manos abiertas, y en ocasiones el torcimiento de la cabeza. Dicho torcimiento, algunas veces también del cuerpo, caracteriza, por ejemplo, a la diosa Ixnextli (Códice Telleriano-Remensis18 1995, fol. 11r) (Figura 4); a una deidad femenina en el Códice Borgia (2008, lám. 60) (Figura 5); y a un personaje masculino en el mismo códice (lám. 59), identificado como tlamacazqui (sacerdote), que aparece entre dos figuras de Xochiquétzal (Figura 6). Por su parte, el torcimiento de la cabeza del mono se ilustra en el Códice Vaticano B (1972, lám. 32) (véase Figura 1).

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 129

Fig. 4 – Ixnextli con el glifo de excremento en una mano (CTR 1995, fol. 11r, detalle).

Fig. 5 – Deidad femenina (Códice Borgia 2008, lám. 60, detalle. Digitalización: Biblioteca Rafael García Granados, IIH, UNAM).

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 130

Fig. 6 – Sacerdote entre dos figuras de Xochiquétzal (Códice Borgia 2008, lám. 59, detalle. Digitalización: Biblioteca Rafael García Granados, IIH, UNAM).

35 Pablo Escalante (2010, p. 332-333) ha identificado el gesto corporal comentado con el gozo. Y si nos remitimos a las identidades de los anteriores personajes, a su acción y a sus atributos iconográficos, se puede determinar que el gozo es de carácter sexual (Escalante 2010, p. 333) con una fuerte inclinación hacia lo transgresor. Ixnextli es una de las diosas que transgredió en Tamoanchan (CTR 1964, I, p. 191), y el glifo de excremento (cuitlatl) que porta en una de sus manos en el Telleriano-Remensis refuerza su condición contraventora. La esquina superior izquierda de la lámina 59 del Borgia, según la interpretación de Eduard Seler (1980, II, p. 167-168) (véase Figura 6), representa a un sacerdote que desvía su atención sexual hacia una prostituta – quien también tiene la cabeza torcida –, lo cual se insinúa a través de una caricia que aquél le hace en un seno. Por último, la imagen del simio arriba señalada – a la que se hizo referencia al inicio del artículo – tiene la particularidad de estar expulsando un chorro de excremento, símbolo de la impureza – marcadamente sexual –, el cual se dirige hacia la cabeza de una figura de Mictlantecuhtli.

36 Cecelia Klein (2001, p. 208) ha afirmado que los cuerpos, extremidades y cabezas volteados o contorsionados, especificaron con frecuencia en los códices la conducta sexual desordenada. Y en relación a las figuras del sacerdote y la prostituta, Klein (2001, p. 209) apunta que la desorientación de sus cuerpos expresa los principios de desorden moral y la falta de dirección que fueron atribuidos por los nahuas a los adúlteros. A partir de las estrechas similitudes que guarda la figura del mono referida con los otros personajes, podemos concluir que el torcimiento corporal no sólo expresó la condición sexual transgresora en el ámbito humano y en el divino, sino también en el animal. En la imagen aludida del Vaticano B se plasmó una doble marca de la naturaleza desenfrenada e inmoral del mono: el torcimiento de la cabeza y el excremento. A esta última podemos agregar el diseño del mechón del mono de las láminas 1 y 5 del Códice Vaticano B (1972) (Figura 7), que, en opinión de Seler (2004, p. 22), está dibujado como cuitlatl (excremento), pintado de amarillo. Posiblemente, una tercera marca se indica en

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 131

la representación de la lengua de fuera del mamífero, que se asemeja a la ilustración del transgresor del décimo signo de los días del Códice Borgia (2008, lám. 13) (Figura 8), quien expele excremento y orina, porta un manojo de malinalli, o yerbas, y saca la lengua. El hecho de que este último rasgo sea un elemento común de representación del ozomatli, de igual manera que la postura comentada arriba de brazos levantados a la altura de los hombros con las manos abiertas, sugiere la idea de que la esencia del mono radicaba en el gozo, y, a la vez, de que la actitud o el estado gozoso fácilmente podía tomar un cariz transgresor al rebasar los límites de la moderación y ubicarse en el terreno del exceso. Así, el simio simbolizaba el gozo desmesurado. En palabras de Seler (1980, I, p. 102): « como animal del placer el mono es asimismo el animal de la voluptuosidad, de la concupiscencia, del amor sexual, del deseo pecaminoso y del pecado en general ».

Fig. 7a – Rostros de mono con mechón que semeja el glifo de cuitlatl (Códice Vaticano B 1972, láms. 1, 5, detalle).

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 132

Fig. 7b – Rostros de mono con mechón que semeja el glifo de cuitlatl (Códice Vaticano B 1972, láms. 1, 5, detalle).

Fig. 8 – Transgresor con la lengua de fuera del décimo signo de los días (Códice Borgia 2008, lám. 13, detalle. Digitalización: Biblioteca Rafael García Granados, IIH, UNAM).

37 La representación del mono con la inmundicia, por un lado, y su asociación con la deidad de la muerte, por el otro, nos lleva con facilidad a pensar que las transgresiones conducían a la muerte, o como lo he expresado en un trabajo anterior (Echeverría en prensa): que « el exceso aceleraba la consumación de la vida » (véase Seler 1980, I, p. 101). Aún más, la propia iconografía del ozomatli parece indicar su liga estrecha con la

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 133

muerte. El pelaje de aquél se representó mediante malinalli, que era el « símbolo de la muerte rápida » (Seler 1980, I, p. 102; véase CF, IV, p. 55). Incluso, la manera particular de representar el rostro del mono en piedra con sus ojos hundidos sugiere la idea de una calavera, según comentó Seler (1980, I, p. 102). Afirma: « En las esculturas de piedra a veces no puede aclararse si se trata de una cabeza de mono o de un cráneo de muerto ».

38 Bajo una lógica donde los opuestos no son excluyentes sino complementarios, a la vez que el mono y Xochipilli-Macuilxóchitl encarnaban el desenfreno sexual y lo promovían, igualmente ejercieron una actividad punitiva y remediadora de sus consecuencias. Esta deidad castigaba con enfermedades en los genitales a las personas que habían quebrantado, por medio del acto sexual, el ayuno preparativo para su fiesta. Se decía que « hacen morir su ayuno por causa del tlazolli » (quintlazolmictia, in inezahualiz) (CF, I, p. 31). Señala Sahagún (2002, I, p. 90): « y este dios se ofendía mucho desto, y por esto hería con enfermedades de las partes secretas a los que tal hacía, como son almorranas, pudredumbre del miembro secreto ». Por otro lado, entre los antiguos nahuas, el consumo de la carne y los huesos de mono, tostados y molidos, aliviaban los dolores provocados por el « contagio gálico » o « mal francés », esto es, la sífilis, mediante la sudoración (Hernández 1959, III, p. 306; Ximénez 2001, p. 284). Entre nahuas y popolucas del Istmo veracruzano, la carne del mono sirve al mismo propósito (Münch 1994, p. 224).

39 Para Martha Ilia Nájera Coronado (2000, p. 54; 2008, p. 67; 2012, p. 165), los diversos significados atribuidos al simio responden a situaciones históricas precisas. En ellos pueden diferenciarse dos grupos de acuerdo al contexto cultural que nos refiramos. La visión indígena, que corresponde al pensamiento netamente prehispánico y que persistió entrado el periodo colonial, enfatizó la concepción del mono como « seres preculturales, intermedios, salvajes, sin facultad de hablar ni de pensar ». Durante la Colonia, las connotaciones simbólicas del mamífero fueron peyorativas. Se identificó por su aspecto – especialmente la cola – con el diablo y el pecado, también con la lujuria, el desorden y el infierno. Siguiendo la tradición medieval, « el mono simboliza las bajas pasiones humanas y los pecados, se manifiesta como quien parodia las acciones humanas, representa a la lujuria del hombre en estado de degeneración ». « Simboliza todo lo contrario a la conducta de templanza que buscaba inspirar el cristianismo. » No obstante, señala Nájera, los variados significados del simio reflejan en el fondo sus características, de tal manera que persiste su simbolismo original.

40 Quisiera hacer algunas precisiones a las anteriores aseveraciones. Tanto la visión del mono como un ser precultural y salvaje, como su concepción transgresora y lúbrica, formaron parte del simbolismo general del mamífero en el pensamiento indígena precolombino, y, en el pensamiento nahua, en particular, pero dependiendo del contexto de su aparición, se hizo mayor énfasis en un significado que en otros. Cuando las fuentes históricas narran la destrucción del mundo por el viento, se acentúa la condición pre-humana y salvaje del simio; mientras que los códices subrayan el ámbito lúdico, del placer y de la transgresión (sexual) del simio, a partir de sus atributos iconográficos, tal como se acaba de exponer. Y si nos remitimos al contexto maya nos vamos a encontrar con asociaciones semejantes del mono. Según afirman Mary Miller y Karl Taube (1993, p. 118), el mono araña frecuentemente personifica en el arte del Clásico maya el comportamiento licencioso y el abandono sexual. En el mismo sentido, Stephen Houston (2001, p. 215) afirma que, opuesto a los ideales mayas clásicos de la

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 134

inexpresión de la emoción y el auto-control, el simio simbolizó la inmoderación y la animalización de las conductas y las emociones, que se observa en las escenas simiescas de coito (véase Figura 9). Más allá de pensar la concepción inmoral y lasciva del mono como una influencia occidental, debemos de pensar en paralelismos en los significados del simio entre el Viejo y el Nuevo Mundo.

Fig. 9 – Representación de un simio en actitud de cópula con una mujer desnuda en un plato de Uaxactún (dibujo de Jaime Echeverría basado en Smith 1955, II, figura 2g).

41 Por otro lado, sin negar que el simbolismo diabólico del mono fue introducido por el pensamiento medieval en América, y que a la fecha sigue persistiendo entre los indígenas la asociación del demonio con el simio (Bricker 1986, p. 75, 143; Gossen 1989, p. 60; Miller 1956, p. 210; Münch 1994, p. 181), debemos ser cautos al leer los textos coloniales que relatan la aparición del diablo en forma de simio, pues corremos el riesgo de pasar por alto información de corte indígena. Un ejemplo: Fray Gerónimo de Mendieta (2002, I, p. 206) narró que un cacique de Amequemeca le contó a un fraile que en tiempos pasados, « a su padre se le aparecía el demonio en figura de mona a las espaldas sobre el un hombro, y volviendo a mirarle se le volvía al otro, y así andaba jugando y pasando de una parte a otra ». Al cotejar esta información con un dato asentado por la Histoyre du Mechique (2002 p. 157), se nos revela la identidad divina indígena del « demonio »: se decía que Tezcatlipoca se le aparecía a la gente en figura de simio y les hablaba por sus espaldas19. Aunado a esto, tenemos representado al mono con la pintura facial de Tezcatlipoca en la lámina 49 del Borgia.

Seductor, amante y raptor hasta aqui

42 El mono, dijeron los informantes nahuas, « bromea a las mujeres jóvenes, continuamente pide algo a la gente, tiende la mano (o el brazo) delante de otros,

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 135

extiende su mano (o su brazo) ante otros »20(quincamanalhuia, in cihuatzitzinti: tetlatlaitlanilia, mamazoa teixpan teixtlan quimamana in ima) (CF, XI, p. 14). Y en palabras de Sahagún (2002, III, p. 997): « cocan a las mujeres; búrlanse con ellas, y demandan de comer, estendiendo la mano, y gritan ». A primera vista, este breve fragmento refleja el carácter juguetón y social del mono, pero mediante el análisis contextual y lingüístico, nos revela la esencia altamente sexual atribuida al mamífero, que era movilizada hacia las mujeres.

43 Del verbo camanalhuia, utilizado para describir una de las actitudes del simio, fray Alonso de Molina (2004, fol. 12r) da la versión de « enlabiar, dezir gracias, o burlar de palabra »; literalmente, « hacer bromas » (de camanalli, « bromas »). Aunque el sentido del término es ampliamente jocoso, su utilización en ciertos contextos también demostró una connotación sexual. Por tal razón, Alex Wimmer (2004, entrada camanalhuia) da como acepción de tecamanalhuia (con el prefijo de objeto indefinido te-) « tentar, seducir a alguien ». Con este sentido lo podemos encontrar en varios pasajes del Códice Florentino. En la fiesta de Uauhquiltamalcualiztli, el ixiptla, o la personificación, de Ixcozauhqui era resguardado por una ahuiani, o mujer de placer, la que le procuraba acciones reconfortantes y placenteras previo a la hora de su muerte: lo alegraba, lo divertía, « lo bromeaba » (quicamanalhuia) ( CF, II, p. 169). Tal entretenimiento era con seguridad de carácter sexual. En otra parte, cuando se describe el comportamiento desenfrenado del borracho, se dice que éste « escala muros para seducir y tomar [mujeres] » (tepan tepantemo, tecamanalhuia, tetzitzquia) (CF, IV, p. 13).

44 Ahora bien, el mono dirigía su actividad bromista y, a la vez, seductora, hacia las cihuatzitzinti, quienes eran las mujeres jóvenes que aún no se habían casado (CF, II, p. 194). No obstante que la acción seductora del simio reflejaba su ámbito de exceso, ésta se encontró delimitada por las reglas sociales, pues sólo era dirigida a las mujeres sexualmente disponibles.

45 Otra acción del mono también descrita en el Códice Florentino que refleja su falta de control, se expresa mediante el compuesto teixtlan quimana, « la extiende ante otros », refiriéndose a su mano o brazo. Esto se infiere a partir del Vocabulario de Molina, quien da para teixtlan mana la definición de « atrevido en hablar o importuno y moledor » (Molina 2004, fol. 17r).

46 Esta concepción seductora del simio puede verse reforzada a partir de uno de los elementos presente en una escultura mexica de un mono semi-esculpido sobre una placa en forma de disco, perteneciente al musée du quai Branly (Figura 10). Además de portar ciertos adornos, sostiene entre sus patas y su mano izquierda el tallo de una flor identificada como huacalxochitl por López Luján y Fauvet-Berthelot (2005, p. 138), que corresponde al alcatraz (López Luján y Fauvet-Berthelot en Breuer 2002, p. 424, figura 101). Los cazadores acostumbraban ponerse el fruto de esta flor con su tallo en sus tocados, « para encontrar así caza más abundante y bien dispuesta » (Hernández 1959, II, p. 390). Por otro lado, una variedad de esta flor, la teccizhuacalxochitl, era utilizada por las concubinas de Motecuhzoma Xocoyotzin para procurarse placer (CF, XI, p. 209). La lógica que posiblemente subyace a esta planta – entre otras –, sugiere Guilhem Olivier (2014, p. 73, 77), es la de que, como entre otros grupos, era utilizada tanto para atraer a las mujeres como para cazar venados, lo que revela la dimensión sexual de la práctica cinegética.

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 136

Fig. 10 – Escultura de mono del musée du quai Branly que carga entre sus extremidades el tallo de un alcatraz (López Luján y Fauvet-Berthelot 2005, p. 139, cat. 58).

47 La idea que venimos tratando persiste hasta nuestros días. El simio se percibe entre los otomíes de San Pablito como una « criatura de sexualidad devoradora, es el amante de las mujeres, a quienes hace señas para atraerlas » (Galinier 1990, p. 595). En un cuento narrado por Agustín Bautista, nahua de Zaragoza, Veracruz, se dice que un hombre y su hija fueron a buscar miel al monte. Después de haber llegado a donde estaba el panal y castrarlo, la hija le dijo a su padre que tenía sed, y le indicó que encontraría agua en el tarro de la palma. Beber de dicha agua le ocasionó que quedara embarazada de un mono. Posteriormente en el relato, éste le solicita a su madre que vaya con el rey y le pida en nombre suyo a sus hijas en matrimonio. El rey les presenta la propuesta y sólo acepta la más joven para no contrariar la voluntad paterna. La única condición que él establece es que el simio construya un palacio cuatro veces más grande que el suyo, « para que pueda abrazarla, besarla, morderle los senos a mi hija »21.

48 Desconozco a qué se refiera el « tarro de la palma », pero se deduce sin dificultad que el agua contenida en él tenía propiedades fértiles, tanto por el hecho de que la joven resultara embarazada como por el tipo del producto. Entre los antiguos nahuas, los pelos y huesos de simio molidos facilitaban el parto (De la Cruz 1991, fol. 57v, p. 81). El deseo del mamífero de casarse con las hijas del rey nuevamente nos habla de su apetito sexual conducido hacia las mujeres; y no sólo eso, la lubricidad del mono se expresa abiertamente al señalar el relato que le morderá los senos a su prometida. Esto me recuerda una escena pintada en un fragmento de un plato de Uaxactún (fase Tepeu II) en la que se representa a un simio en actitud de cópula con una mujer desnuda, a la que también le acaricia un seno (Smith 1955, II, figura 2g) (Figura 9).

49 En algunas descripciones etnográficas, la seducción se torna más bien rapto. Unos de los personajes que aparecen en el Carnaval de Chamula son los mašetik, « monos »,

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 137

quienes parodian los movimientos y actitudes de estos mamíferos; además, « amenazan en broma capturar a la gente, enrollarla con la cola y llevársela al bosque ». El siguiente enunciado fue emitido por un mono en un momento de la fiesta: « Cuídense, muchachas; si no me las voy a llevar a mi casa » (Bricker 1986, p. 92, 94-95). Junto con los personajes de negros y judíos – entre otros –, los monos representan el caos primigenio que se reactualiza en cada fiesta de Carnaval, de manera que encarnan el comportamiento desinhibido profundamente antisocial, bien ejemplificado en la obscenidad (Bricker 1986, p. 75, 122; Gossen 1989, p. 60).

50 Un fragmento de un mito teenek narra que una mujer salió de su casa y vio un gran árbol de zapotes. Mientras recogía los frutos que caían, un mono que estaba en el árbol la sujetó inesperadamente y se la llevó a una cueva. En el medio año que estuvo ahí, dio a luz a monos tras dos meses de embarazo, y en seis meses alumbró tres veces (Ariel de Vidas 2003, p. 220), lo que evidencia la potencia genésica atribuida al mamífero. Por su parte, una versión del relato europeo de Juan Oso narrada en la comunidad nahua de Huitzilan de Serdán, Sierra Norte de Puebla, cuenta al inicio que un hombre trabajaba en su sembradío de maíz y frijol, y cada día su esposa iba a alimentarlo. Ella atravesaba un bosque muy grande que era habitado por animales de la selva. Un día, la mujer partió al atardecer para darle de comer a su esposo, pero en el camino un mono la agarró y se la llevó a una cueva, donde durmió con ella. Ahí concibieron un niño mitad bestia (Taggart 1997, p. 48-49)22.

51 Atinadamente, Francisco Lugo y Roberto Martínez (2005, p. 243) han relacionado el rapto de mujeres y su consiguiente embarazo en manos del mono con Tezcatlipoca, quien fue el « raptor de mujeres arquetípico » en la cosmovisión nahua prehispánica. Recuerdan que este dios se robó a Xochiquétzal para llevársela al cielo (Muñoz Camargo 1998, p. 166) o al inframundo (Ruiz de Alarcón 1987, p. 154). Y bajo el nombre de Yaotl, Tezcatlipoca también castigó al orgulloso Maxtla, habitante de Toltecatepec, al embarazar a sus dos hijas – celosamente resguardadas – y hacerlas parir a cada una dos creaturas en forma de tlacuache (Anales de Cuauhtitlan 2011, p. 61).

52 La concepción sexual del mono desborda en el pensamiento indígena. En una narración tzotzil chamula, un mono enroscó su cola alrededor del de un hombre y se lo llevó a su cueva. Su muerte se debió a que varios monos practicaron coito anal con él. Se comieron sus excrementos y lo colgaron de un árbol (Gossen 1989, p. 368-369). A su instinto sexual descontrolado se suma uno de los símbolos claros de la transgresión entre los antiguos nahuas: el excremento. De igual manera, entre los nahuas de Mecayapan, al sur de Veracruz, al simio le da asco la excreta y muere al tocarla (Campos 1982, p. 150).

53 En la literatura etnográfica también nos encontramos con seres de rasgos humanos y simiescos, que además de tener costumbres semejantes a las de los monos, poseen rasgos físicos particulares que delatan su esencia transgresora. El Mahanamatz o Sisimito de los mayas de Belice es un animal parecido al gorila y de abundante pelo, pero a la vez posee rasgos humanos. También se caracteriza por tener los pies volteados hacia atrás (Thompson 1930, p. 67). Para los chinantecos, el Salvaje es descrito como un animal de grandes dimensiones pero que tiene torso humano y cuenta con una sola pata que, en opinión de algunos, es similar a las extremidades inferiores de los monos. Practica la antropofagia y « ocasionalmente roba mujeres para engendrar en ellas a sus hijos » (Weitlaner 1977, p. 193).

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 138

54 Un defecto en los pies o la ausencia de una de las extremidades inferiores fue una metáfora de la transgresión en Mesoamérica, especialmente de carácter sexual (Códice Vaticano B 1972, lám. 79, p. 147; Relación de Michoacán 1989, p. 133; Olivier 2004, p. 423). Y este mismo sentido expresan los pies invertidos de figuras como el Mahanamatz o la presencia de una sola extremidad. Dicho rasgo puede ser análogo al torcimiento de cualquier otra parte del cuerpo, como la cabeza, de tal manera que las formas simiescas documentadas por la etnografía se entrelazan con la imagen del mono de la lámina 32 del Códice Vaticano B (véase Figura 1) aludida en varias ocasiones. Otro elemento que también las une es la asociación de la excreta con el mono, lo que refuerza la naturaleza sexual transgresora del mamífero23.

55 Las escenas simiescas de seducción, rapto e hipersexualidad, se prestan a una lectura que parte desde las esferas mental – especialmente desde lo inconsciente – y social. El mono simboliza el deseo sexual no constreñido por la cultura. En aquél se ha depositado el deseo inconsciente masculino de poseer a todas las mujeres, ya sea por medio de la seducción, o incluso la fuerza, lo que permite aflorar las pulsiones agresivas masculinas. Mediante la construcción imaginaria del mono, la potencia viril no es desviada hacia los fines sociales esperados, sino que mantiene el curso dictado por el instinto, caracterizado por el salvajismo, la desmesura y la satisfacción narcisista. El hombre salvaje sepultado en el inconsciente por el proceso civilizatorio aflora mediante figuras bestiales cercanas a lo humano, que no por ello dejan de pertenecer a la naturaleza.

56 En el ámbito social, el comportamiento sexual señalado para el simio puede mantener una correspondencia con las maneras de que disponen los hombres para obtener mujeres. Planteo lo siguiente a manera de hipótesis. La vía que no afecta el orden comunitario, y que implica el consentimiento de las mujeres, es la seducción, la cual involucra una capacidad verbal de persuasión que permite a los hombres entablar amoríos con ellas. A esta capacidad remite el verbo tecamanalhuia comentado al inicio del apartado, que refiere a un lenguaje jocoso y sexual con miras a lograr una conquista amorosa. La otra forma de poseer mujeres, mucho menos cuidada que la anterior y con repercusiones sociales importantes, es el rapto y la posterior violación. Ésta puede presentarse en dos contextos: 1. como resultado de una frustración ante el rechazo de la actividad seductora; y 2. por una falla en los mecanismos de contención de la conducta que deja rienda suelta al disfrute del sexo por la vía violenta. El tema del mono raptor de mujeres da la nota bestial al acto de la violación, lo que indica la gravedad de la falta. Así, la violación se vuelve un acto deshumanizado.

Exceso y deshumanización

57 Quiero finalizar este texto con la exposición de la idea de que el comportamiento excesivo atentaba contra la identidad humana, al grado de provocar en el hombre un estado deshumanizado. En términos simbólicos, esta deshumanización denotaba el estado de inmoralidad en que vivía la persona. En el ámbito del mito, la acción transgresora era con frecuencia castigada con la mutación animal. Por falta de espacio, no he considerado en este apartado los numerosos y variados ejemplos míticos provistos por la etnografía, que versan sobre la transformación de los sobrevivientes del diluvio en mono a causa de sus transgresiones.

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 139

58 El comportamiento inmoral ocurría una vez que la persona transgredía los límites de la moderación; de esta manera, toda acción humana contraventora era considerada un exceso: exceso del habla, exceso del comer, exceso de la actividad sexual, etcétera. Las acciones humanas transgresoras, especialmente las de carácter sexual, o que tenían una repercusión en el ámbito de la sexualidad, se encontraban bajo el influjo del exceso promovido por los dioses Xochipilli y Macuilxóchitl y los símbolos que precedían. Como ya se había adelantado, el número cinco (macuilli) era un aspecto esencial de la identidad de éste. Para los nahuas, dicho numeral fue considerado el símbolo de la desmesura por antonomasia. Este dígito, por ejemplo, determinó la cantidad de tazas de pulque que provocaba la embriaguez, la cual desinhibía el comportamiento a tal grado de llevar a la desnudez o incluso a cometer incesto (CF, X, p. 193; Anales de Cuauhtitlan 2011, p. 47). La concepción que se tenía del número cinco y, por lo tanto, del exceso, está fielmente expresada en el Códice Florentino (CF, IV, p. 71). Se decía que:

[…in izquican tlamacuiltilia tonalli, mochi amo cualli: in aquique oncan tlacati, amo tlacacemelleque, amo tlaca, tlahueliloque… inin icuac tlacat ic tenmachoc in itonal macuilli: quitlamauhcaittilique, quitlatenmachilique].

…todos los signos de día que ocupaban la quinta posición eran malos: quienes allí nacían eran perversos, no humanos, malvados… Cuando nacía se experimentaba la angustia con su tonalli [de número] cinco: lo veían con miedo, les angustiaba24

59 Al estar poseída por el número cinco, ya fuera por su signo de día o por un comportamiento transgresor, la persona era dominada por un impulso excesivo que la hacía despojarse de las imposiciones culturales, de tal manera que devenía en un amotlacatl, « no humano ». Este concepto refería al inhumano, cruel y perverso (Siméon 2002, p. 556, 561; López Austin 1996, I, p. 203), el cual contrasta de forma rotunda con los vocablos tlacatl y tlacayotl, « humano » y « humanidad », respectivamente, cuyo campo semántico abarcaba la bondad, lo pacífico, lo afable, la generosidad y la compasión (Siméon 2002, p. 556, 561; López Austin 1996, I, p. 203). El comportamiento transgresor y excesivo, que hacía del hombre un ser perverso, borraba los rasgos típicamente humanos para dar paso a la deshumanización.

60 Tomo como punto de partida el pasaje en el que Cuextécatl se embriaga para ejemplificar lo que acabo de comentar. Una vez que los dioses del pulque prepararon la bebida, invitaron a todos los dirigentes y ancianos, y entre ellos estaba presente Cuextécatl. Les ofrecieron comida y pulque; cada uno tomó cuatro tazas, pero aquél tomó cinco. Esta acción le provocó un inmediato estado de ebriedad que le hizo arrojar su maxtlatl, o calzoncillo, en frente de la gente. Avergonzado, decidió abandonar la tierra y se llevó consigo a su linaje, los cuextecas o huastecos (CF, X, p. 193).

61 La deshumanización de Cuextécatl nos es conocida a partir de la esencia del numeral cinco, señalado en la cantidad de tazas de pulque ingeridas, y del consiguiente estado de embriaguez que lo posee. Se decía del borracho que « él no lo toma [el pulque] de manera humana, lo desea con exceso » (aquimotlacamaca, quitlaelnequi) (CF, IV, p. 11). Y en otra parte del Códice Florentino se señala: « Ahí está su palabra, no salida de boca humana » (Iz ca atlacaquiza in iten in itlatol) (Sahagún 1995, p. 112, 123).

62 Además de proporcionar la explicación mexica de la naturaleza incontinente del cuexteca, el tema de la desnudez de la narración anterior es un elemento que enfatiza la salvajización de la persona, pues corresponde al ámbito bestial. En una parte del mito quiché de los gemelos Hunbatz y Hunchohuén del Popol Vuh, se observa la materialización de la deshumanización, la que, siguiendo un orden lógico, podría

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 140

habérsele aplicado a Cuextécatl. Se cuenta que mediante engaños, los gemelos Hunahpú e Ixbalanqué hicieron que Hunbatz y Hunchohuén, sus hermanos mayores, se subieran al árbol Canté para bajar los pájaros que no caían al suelo. Al no poder descender, Hunahpú e Ixbalanqué les dijeron que se desataran sus calzoncillos. En el instante que lo hicieron, éstos se convirtieron en colas y tomaron la apariencia de monos. Y así, se internaron en el bosque haciendo gestos y movimientos simiescos (Popol Vuh 2005, p. 66-67). Posteriormente se dice que fueron convertidos en monos porque se ensoberbecieron y maltrataron a sus hermanos (Popol Vuh 2005, p. 69).

63 Me interesa el anterior relato quiché porque nos habla de la transformación en mono como consecuencia de actos inmorales. Esta idea igualmente persiste en una de las narraciones nahuas de la destrucción del mundo por el viento. Muy posiblemente también tengamos un ejemplo escultórico mexica, en el que se dispuso del recurso de la animalización para representar una acción contraria a los cánones plásticos dictados, en parte, por el pudor y las buenas costumbres mexicas. Me refiero a la imagen de una pareja con rasgos humanos y simiescos sentada en una banca, que se ve de frente y se abraza (Figura 11). Esta escultura es muy singular por ser la única pareja y la única manifestación de afecto representadas en el arte mexica. A partir de la propuesta de que esta imagen corresponde a la del acto sexual (Mena 1926, citado por Solís 1985, p. 426), Felipe Solís (1985, p. 426) hizo un comentario muy sugerente respecto a dicha escultura: La manifestación del acto sexual no era un motivo popular de representación artística; cuando se plasma, siempre tiene por objeto asociarlo con la idea de fecundidad, tanto de la tierra como de los individuos; esta puede ser la razón por la cual las figuras lucen rasgos faciales de simios, deshumanizando en cierta medida la representación y dando a la pareja el carácter lúbrico que caracteriza a estos animales, evitando que dicho acto presentado al público fuera contemplado como motivo de regocijo.

64 Su posición intermedia entre los ámbitos bestial y humano, sus atribuciones sexuales y, de manera importante, su naturaleza excesiva, fueron motivos determinantes para que algunos pueblos prehispánicos efectuaran la deshumanización de la persona transgresora en la figura del mono. En este sentido, dicho mamífero « fungió como depositario de conductas humanas reprimidas » (Echeverría 2012, p. 175).

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 141

Fig. 11 – Pareja con rasgos simiescos que se abraza, sentada en una banca. Museo Nacional de Antropología, Sala Mexica (Pasztory 1983, p. 232).

Reflexiones

65 El mono es un animal de contradicciones, a veces difíciles de dilucidar. Encarnaba los valores de vida y fertilidad pero a la vez poseía un significado de muerte. Mientras sus signos de día eran auspiciosos, su naturaleza era esencialmente transgresora. En términos sencillos, el simio simbolizó el exceso de lo que era bueno en sí mismo, lo cual nos remite al principio moral básico nahua: la conducción del comportamiento dirigido por el punto medio. Paralelamente, la condición del ser humano era fundamentalmente buena, pero los apetitos inmoderados la orillaban a la maldad. El simio, entonces, se concibió como un reflejo distorsionado del ser humano: extremadamente semejante a él pero siempre imperfecto al comparársele. Esta imperfección no sólo repercutía en el aspecto físico, también en el comportamental. Si en el hombre, como se dijo, albergaba la bondad y la rectitud, el mono las deformaba.

66 La figura del simio, podemos decir, fue moralizante. Mostraba el destino de aquellas personas que en el pasado se habían dejado guiar por sus impulsos: la deshumanización, y que también podía ocurrir en el tiempo presente. Un pensamiento indígena generalizado es que el comportamiento inmoral ocasiona la transformación en bestia. La forma simiesca es particularmente apta para representarla, pues muestra los signos de la degradación de la condición humana. Vivir bajo el imperio de los instintos aleja al hombre de la ley, del orden de la cultura, esto es, de lo meramente humano. Bajo una forma animal no puede habitarse más en la ciudad, ahora el ser bestializado debe replegarse a la periferia salvaje y hacer habitación en el bosque o en la cueva,

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 142

siendo ésta un lugar privilegiado de morada para los monos o los personajes simiescos de los relatos indígenas.

67 Las interacciones y desplazamientos que se establecen entre los seres humanos y los animales son variadas y complejas. Las que destacan de manera importante en el pensamiento mesoamericano están contenidas en los fenómenos del « tonalismo » y del « nahualismo ». El tonalismo refiere a la relación de co-esencia que se establece entre el ser humano y su animal compañero; mientras que el nahualismo consiste en la creencia de que determinados individuos, particularmente dotados y poderosos, poseen la capacidad de transformarse en animales (véase Lupo en prensa)25. En este artículo me centré en un tipo diferente de relación, que consiste en que el elemento bestial del hombre debe ser rechazado para que la verdadera esencia humana, en conjunción con la cultura, pueda aflorar. Pero ese rechazo no implica su aniquilación, la parte bestial es sepultada por el orden de la cultura y alojada en el inconsciente; y ahí permanece, latente. Las acciones transgresoras del hombre atentan directamente contra su humanidad, esto permite que lo animal interior se vuelva manifiesto. Este movimiento de lo humano a lo animal no es un hecho sujeto a la voluntad del hombre – por lo menos en el mito –, sino que es efectuado por la divinidad encolerizada: la falta se castiga con la pérdida de humanidad.

68 Un aspecto fundamental que revela el simio es que la noción de humanidad no puede concebirse aislada de la idea del salvajismo. En un sentido evolutivo, para alcanzar la humanidad, emparejada con la civilización, se debe de transitar previamente por un estado salvaje. Y sólo con la adquisición de determinados signos materiales – e inmateriales – de cultura es posible adoptar de manera definitiva la condición de ser humano. Sin embargo, dicha condición no es inmutable. El comportamiento antisocial puede ocasionar un retorno a los orígenes salvajes, a la animalización. Y justamente allí radica uno de los miedos más profundos del hombre civilizado.

BIBLIOGRAFÍA

Abreviaturas

ADV Akademische Druck-und Verlagsanstalt

CEMCA Centro de Estudios Mexicanos y Centroamericanos

CF Véase Sahagún, Florentine Codex

CM El Colegio de México

CIESAS Centro de Investigaciones y Estudios Superiores en Antropología Social

COLSAN El Colegio de San Luis

CONACULTA Consejo Nacional para la Cultura y las Artes

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 143

FCE Fondo de Cultura Económica

FFyL Facultad de Filosofía y Letras, UNAM

IIA Instituto de Investigaciones Antropológicas, UNAM

IIF Instituto de Investigaciones Filológicas, UNAM

IIH Instituto de Investigaciones Históricas, UNAM

IMSS Instituto Mexicano del Seguro Social

INAH Instituto Nacional de Antropología e Historia

INI Instituto Nacional Indigenista

IRD Instituto de Investigación para el Desarrollo

SEP Secretaría de Educación Pública

SHCP Secretaría de Hacienda y Crédito Público

UNAM Universidad Nacional Autónoma de México

Referencias citadas

ALVA IXTLILXOCHITL Fernando de 1997, Obras históricas, Edmundo O’Gorman (ed.), Instituto Mexiquense de Cultura/UNAM, IIH, México, 2 vols.

Anales de Cuauhtitlan 2011, Edición y traducción de Rafael Tena, CONACULTA (Cien de México), México.

ARIEL DE VIDAS Anath 2003, El trueno ya no vive aquí. Representación de la marginalidad teenek (Huasteca veracruzana, México), traducción de Ari Zighelboim, CIESAS/CEMCA/COLSAN/IRD, México.

BAUDOT Georges 1972, « Apariciones diabólicas en un texto náhuatl de fray Andrés de Olmos », Estudios de cultura náhuatl, 10, p. 349-357.

BENAVENTE fray Toribio de 1996, Memoriales (Libro de oro, MS JGI 31), Nancy Joe Dyer (ed.), CM/Centro de Estudios Lingüísticos y Literarios (Biblioteca Novohispana, 3), México.

2007, Historia de los indios de Nueva España, Edmundo O’Gorman (ed.), Editorial Porrúa (Sepan cuantos…, 129), México.

BREUER David et al. (eds.) 2002, Aztecs, Royal Academy of Arts, Londres.

BRICKER Victoria Reifler 1986, Humor ritual en la altiplanicie de Chiapas, traducción de Judith Sabines Rodríguez, FCE, México.

BURKHART Louise M. 1986, « Moral deviance in sixteenth-century Nahua and christian thought: the rabbit and the deer », Journal of Latin American lore, 12 (2), p. 107-139.

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 144

CAMPOS Julieta 1982, La herencia obstinada. Análisis de cuentos nahuas, FCE, México.

CF, véase SAHAGÚN 1950-1981

CAROCHI Horacio 1983, Arte de la lengua mexicana. Con la declaración de los adverbios della, Miguel León Portilla (ed.), UNAM, IIF, IIH (Facsímiles de Lingüística y Filología Nahuas, 2), México.

(Códice Borgia) Codex Borgia 2008, Biblioteca Apostólica Vaticana/Testimonio Compañía Editorial, Madrid.

Códice Telleriano-Remensis 1964, Antigüedades de México, basadas en la recopilación de Lord Kingsborough, José Corona Núñez (ed.), SHCP, México, vol. I, p. 151-337.

Codex Telleriano-Remensis 1995, Codex Telleriano-Remensis: ritual, divination, and history in a pictorial Aztec manuscript, Eloise Quiñones Keber (ed.), University of Texas Press, Austin.

(Códice Vaticano A) Códice Vaticano 3738 1964, Antigüedades de México, basadas en la recopilación de Lord Kingsborough, José Corona Núñez (ed.), SHCP, México, vol. III, p. 1-314.

(Códice Vaticano B) Codex Vaticanus 3773 1972, Biblioteca Apostolica Vaticana, Ferdinan Anders (ed.), ADV, Graz.

CHIMALPAIN CUAUHTLEHUANITZIN Domingo Francisco de San Antón Muñón 1997, Primer amoxtli libro. 3ª relación de las Différentes histoires originales, Víctor M. Castillo Farreras (ed.), UNAM, IIH (Serie Cultura Náhuatl, Fuentes, 10), México.

DAVIES Nigel 1977, The Toltecs. Until the fall of Tula, University of Oklahoma Press, Norman.

DE LA CRUZ Martín 1991, Libellus de medicinalibus indorum herbis, manuscrito azteca de 1552 según traducción latina de Juan Badiano, versión española con estudios y comentarios por diversos autores, FCE/IMSS, México.

DE JONGHE M. Édouard 1905, « Histoyre du Mechique, manuscrit français inédit du XVIe siècle », Journal de la société des américanistes, 2, p. 1-41.

DURÁN fray Diego 2002, Historia de las Indias de Nueva España e islas de tierra firme, Rosa Camelo y José Rubén Romero (eds.), CONACULTA (Cien de México), México, 2 tomos.

ECHEVERRÍA GARCÍA Jaime 2012, Los locos de ayer. Enfermedad y desviación en el México antiguo, Instituto Mexiquense de Cultura (Biblioteca de los pueblos indígenas), México.

(en prensa), « Entre la fertilidad agrícola y la generación humana: el rol fecundante del mono entre los antiguos nahuas », Estudios de cultura náhuatl, 50.

ELIAS Norbert 2009, El proceso de la civilización. Investigaciones sociogenéticas y psicogenéticas, traducción de Ramón García Cotarelo, FCE, México.

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 145

ESCALANTE GONZALBO Pablo 2010, Los códices mesoamericanos antes y después de la conquista española. Historia de un lenguaje pictográfico, FCE, México.

FERNÁNDEZ DE OVIEDO Y VALDÉS Gonzalo 1944-1945, Historia general y natural de las Indias, islas y Tierra-Firme del Mar Océano, t. XI, José Amador de los Ríos (ed.), Editorial Guaranía, Asunción.

FOSTER George M. 1945, Sierra Popoluca folklore and beliefs, University of California Press (University of California Publications in American Archaeology and Ethnology, 42-2), Berkeley.

FREUD Sigmund 2000, « Tótem y tabú. Algunas concordancias en la vida anímica de los salvajes y de los neuróticos (1913 [1912-13]) », in Obras completas, vol. XIII, Tótem y tabú y otras obras (1913-1914), Amorrortu editores, Buenos Aires, p. 1-164.

2003, « Lo inconciente (1915) », in Obras completas, vol. XIV, Contribución a la historia del movimiento psicoanalítico. Trabajos sobre metapsicología y otras obras(1914-1916), Amorrortu editores, Buenos Aires, p. 153-213.

GALINIER Jacques 1990, La mitad del mundo. Cuerpo y cosmos en los rituales otomíes, traducción de Ángela Ochoa y Haydée Silva, UNAM/CEMCA/INI, México.

GARCÍA quintana Josefina 1974, « Exhortación de un padre a su hijo. Texto recogido por Andrés de Olmos », Estudios de cultura náhuatl, 11, p. 137-182.

GOSSEN Gary H. 1989, Los chamulas en el mundo del sol. Tiempo y espacio en una tradición oral maya, traducción de Celia Paschero, CONACULTA/INI, México.

GRAULICH Michel 1990, Mitos y rituales del México antiguo, traducción de Ángel Barral Gómez, Colegio Universitario de Ediciones Istmo, Madrid.

HERNÁNDEZ Francisco 1959, Obras completas. Historia natural de la Nueva España, t. 2-3, vols. 1-2, UNAM, México.

1986, Antigüedades de la Nueva España, Ascensión H. de León-Portilla (ed.), Historia 16, Madrid.

Historia de los mexicanos por sus pinturas 2002, Mitos e historias de los antiguos nahuas, Rafael Tena Martínez (ed.), CONACULTA (Cien de México), México, p. 23-95.

Historia Tolteca-Chichimeca 1989, Edición y traducción de Paul Kirchoff, Lina Odena Güemes y Luis Reyes García, CIESAS/FCE/ Gobierno del Estado de Puebla, México.

Histoyre du Mechique 2002, Mitos e historias de los antiguos nahuas, edición y traducción de Rafael Tena Martínez, CONACULTA (Cien de México), México, p. 123-165.

HOUSTON Stephen D. 2001, « Decorous bodies and disordered passions: representations of emotion among the Classic Maya », World archaeology, 33 (2), p. 206-219.

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 146

KERR Justin Maya vase data base. An archive of rollout photographs, http://research.mayavase.com/ kerrmaya.html, consultado el día 5 de mayo de 2013.

KLEIN Cecelia F. 2001, « None of the above: gender ambiguity in Nahua ideology », in Cecelia F. Klein (ed.), Gender in prehispanic America, Dumbarton Oaks, p. 183-253.

LEÓN-PORTILLA Miguel 1967, « El proceso de aculturación de los chichimecas de Xólotl », Estudios de cultura náhuatl, 7, p. 59-86.

Leyenda de los Soles 2002, In Mitos e historias de los antiguos nahuas, edición y traducción de Rafael Tena Martínez, CONACULTA (Cien de México), México, p. 173-205.

LÓPEZ AUSTIN Alfredo 1996, Cuerpo humano e ideología. Las concepciones de los antiguos nahuas, UNAM, IIA, México, 2 tomos.

LÓPEZ AUSTIN Alfredo y Leonardo LÓPEZ LUJÁN 1999, Mito y realidad de Zuyuá. Serpiente emplumada y las transformaciones mesoamericanas del Clásico al Posclásico, CM/Fideicomiso Historia de las Américas/FCE, México.

LÓPEZ LUJÁN Leonardo y Marie-France FAUVET-BERTHELOT 2005, Aztèques. La collection de sculptures du musée du quai Branly, Musée du quai Branly, Paris.

LUGO SILVA Francisco y Roberto MARTÍNEZ GONZÁLEZ 2005, « Juan Oso y la paradoja del sincretismo en Mesoamérica », Anales de antropología, 39 (2), p. 231-253.

LUPO Alessandro (en prensa), « Entre venados y lagartas. Roles, valores e identidades en las narraciones huaves sobre el sexo entre animales y humanos », Itinerarios, 21.

MARLIAVE Olivier de 1995, Pequeño diccionario de mitología vasca y pirenaica, traducción de Esteve Serra, José J. de Olañeta (Alejandría, 6), Palma de Mallorca.

MARTÍNEZ GONZÁLEZ Roberto 2011, El nahualismo, UNAM/IIH/IIA, México.

MENA Ramón 1926, Catálogo del salón secreto (culto al falo), Museo Nacional de Arqueología, Historia y Etnografía, México.

MENDIETA fray Gerónimo de 2002, Historia eclesiástica indiana, Antonio Rubial García (ed.), CONACULTA (Cien de México), México, 2 tomos.

MILLER Walter S. 1956, Cuentos mixes, INI, México.

MILLER Mary y Karl TAUBE 1993, The gods and symbols of Ancient Mexico and the Maya. An illustrated dictionary of Mesoamerican religion, Thames and Hudson, Londres.

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 147

MOLINA fray Alonso de 2004, Vocabulario en lengua castellana y mexicana y mexicana y castellana, Miguel León-Portilla (ed.), Editorial Porrúa, México.

MORENO DE LOS ARCOS Roberto 1967, « Los cinco soles cosmogónicos », Estudios de cultura náhuatl, 7, p. 183-210.

MUNCH GALINDO Guido 1994, Etnología del istmo veracruzano, UNAM, IIA, México.

MUÑOZ CAMARGO Diego 1998, Historia de Tlaxcala (Ms. 210 de la Biblioteca Nacional de París), Luis Reyes García (ed.), con la colaboración de Javier Lira Toledo, Gobierno del Estado de Tlaxcala/CIESAS/Universidad Autónoma de Tlaxcala, Tlaxcala.

NÁJERA CORONADO Martha Ilia 2000, « Cambios y permanencias en la religión maya a través del análisis del significado de la figura simbólica del mono », Estudios mesoamericanos, 2, julio-diciembre, p. 49-56.

2008, « El rito del “palo volador”: encuentro de significados », Revista española de antropología americana, 381, p. 51-73.

2012, « El mono y el cacao: la búsqueda de un mito a través de los relieves del grupo de la serie inicial de Chichén Itzá », Estudios de cultura maya, 39, p. 133-172.

NAVARRETE LINARES Federico 2011a, Los orígenes de los pueblos indígenas del valle de México. Los altépetl y sus historias, UNAM, IIH, México.

2011b, « Chichimecas y toltecas en el valle de México », Estudios de cultura náhuatl, 42, p. 19-50.

NICHOLSON Henry B. 1975, « Religion in Pre-Hispanic Central Mexico », in Gordon F. Ekholm, Ignacio Bernal e Robert Wauchope (eds.), Handbook of Middle American Indians, vol. 10, Archaeology of Northern Mesoamerica, parte 1, University of Texas Press, Austin, p. 395-446.

OLIVIER Guilhem 2004, Tezcatlipoca. Burlas y metamorfosis de un dios azteca, traducción de Tatiana Sule, FCE, México.

2014, « Venados melómanos y cazadores lúbricos: cacería, música y erotismo en Mesoamérica », Estudios de cultura náhuatl, 47, enero-junio, p. 71-118.

OLMOS fray Andrés de 1990, Tratado de hechicerías y sortilegios, Georges Baudot (ed.), UNAM, IIH/CEMCA, México.

PASZTORY Esther 1983, Aztec art, University of Oklahoma Press, Singapur.

PENAGOS Belman Esperanza 2000, « El consumo del maíz en la construcción de la persona mazateca », Cuicuilco, 7-8, enero- abril, p. 1-8.

PETRICH Perla 1985, La alimentación mochó: acto y palabra (estudio etnolingüístico), Universidad Autónoma de Chiapas, Centro de Estudios Indígenas, San Cristóbal de las Casas.

Popol Vuh 2005, Edición y traducción de Adrián Recinos, FCE (Colección Popular, 11), México.

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 148

RAMOS DE CÁRDENAS Francisco 1987, « Relación de Querétaro », in René Acuña (ed.), Relaciones geográficas del siglo XVI: Michoacán, vol. 9, UNAM, IIA, México, p. 206-248.

Relación de Michoacán 1989, Leoncio Cabrero (ed.), Historia 16 (Crónicas de América, 52), Madrid.

REYES GARCÍA Luis y Lina ODENA GÜEMES 2001, « La zona del Altiplano central en el Posclásico: la etapa chichimeca », in Linda Manzanilla y Leonardo López Luján (coords.), Historia antigua de México, vol. III, El horizonte Posclásico, INAH/ UNAM/Editorial Porrúa, México, p. 237-276.

RUIZ DE ALARCÓN Hernando 1987, « Tratado de supersticiones y costumbres gentílicas que hoy viven entre los indios naturales desta Nueva España », in Fernando Benítez (ed.), El alma encantada, INI/FCE, México, p. 123-223.

SAHAGÚN fray Bernardino de 1950-1981, Florentine Codex. General History of the things of New Spain, Fray Bernardino de Sahagún, edición y traducción de Charles E. Dibble y Arthur J. O. Anderson, School of American Research/ University of Utah, Santa Fé.

1995, Los once discursos sobre la realeza. Libro sexto del Códice Florentino, edición y traducción de Salvador Díaz Cíntora, UNAM, México.

1997, Primeros Memoriales, edición y traducción de Thelma Sullivan, revisión de Henry B. Nicholson, University of Oklahoma, Norman.

2002, Historia general de las cosas de Nueva España, Alfredo López Austin y Josefina García Quintana (eds.), CONACULTA (Cien de México), México, 3 tomos.

SELER Eduard 1980, Comentarios al Códice Borgia, traducción de Mariana Frenk, FCE, México, 2 tomos.

2004, Las imágenes de animales en los manuscritos mexicanos y mayas, Brígida von Mentz (ed.), traducción de Joachim von Mentz, Casa Juan Pablos, México.

SIMÉON Rémi 2002, Diccionario de la lengua náhuatl o mexicana, traducción de Josefina Oliva de Coll, Siglo veintiuno ed., México.

SMITH Robert E. 1955, Ceramic sequence at , Guatemala, Middle American Research Institute, Tulane University (Publication, 20)/Carnegie Institution of Washington, Nueva Orleans, vol. II (Ilustrations).

SOLÍS OLGUÍN Felipe 1985, « Arte, Estado y sociedad. La escultura antropomorfa de México-Tenochtitlan », in Jesús Monjarás-Ruiz, Rosa Brambila y Emma Pérez-Rocha (recops.), Mesoamérica y el centro de México, INAH, México, p. 393-432.

TAGGART James M. 1997, The bear and his sons. Masculinity in Spanish and Mexican folktales, University of Texas Press, Austin.

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 149

THOMPSON J. Eric 1930, Ethnology of the Mayas of Southern and Central British Honduras, Field Museum of Natural History, Chicago.

VEYTIA Mariano 2000, Historia antigua de México, Editorial del Valle de México, México, 2 tomos.

WEITLANER Roberto J. 1977, Relatos, mitos y leyendas de la Chinantla, María Sara Molinari, María Luisa Acevedo y Marlene Aguayo Alfaro (eds.), INI, México.

WHITTAKER Arabelle y Viola WARKENTIN 1965, Chol texts on the supernatural, Summer Institute of Linguistics of the University of Oklahoma, México.

WIMMER Alexis 2009, « Diccionario de náhuatl clásico », in GDN. Gran diccionario del náhuatl, en CEN. Compendio Enciclopédico del Náhuatl, INAH, México, DVD-ROM [2004].

XIMÉNEZ fray Francisco 2001, Cuatro libros de la naturaleza y virtudes de las plantas y animales, de uso medicinal en la Nueva España, facsímil de la edición mexicana de 1888, Biblioteca Mexicana de la Fundación Miguel Alemán, México.

NOTAS

1. La ortografía del náhuatl ha sido normalizada con base en el Gran Diccionario del Náhuatl (GDN). 2. Existen dos especies de mono en el territorio mexicano: el araña (Ateles geoffroyi) y el saraguato o mono aullador (Allouata palliata). El mono araña es el que llamó la atención de los habitantes del Altiplano central, pues de las dos especies existentes, éste fue el único que se plasmó en los códices y en la escultura mexica. 3. Por cuestiones de espacio no me puedo extender en la exposición de las formulaciones freudianas sumariamente esbozadas, y no es mi objetivo hacerlo – para ello, remito al lector a los textos Tótem y tabú y Lo inconciente de Sigmund Freud que aparecen en la bibliografía. Aunque éstas tienen tintes universalistas, tampoco es mi intención empatarlas con el pensamiento nahua, pero sí sugerir su similitud con ciertos aspectos de dicho pensamiento, como la constitución de la cultura, y por ende, del ser humano, a partir de la norma, esto es, de la prohibición/represión; así como la asimilación del deseo inconsciente asocial e irresistible con el aspecto animal de la persona. En un texto inédito, Alessandro Lupo (en prensa) llega a semejantes planteamientos al analizar narraciones huaves sobre encuentros sexuales entre humanos y animales. Respecto del cuento de Xawealat – un joven que se come a su hermana, viola a la Luna y posteriormente es convertido en conejo por ésta –, dice Lupo, « representa en clave amerindia el eterno dilema de la relación entre el imperio de los instintos y la libertad de acción del sujeto, entre los ocultos e […] [incontrolables] componentes ferinos del inconsciente humano y la necesidad del ser humano, para distinguirse de los animales y elevarse por encima de ellos, de someterse a una larga y fatigosa disciplina cuyo resultado es un equilibrio siempre frágil ». El antropólogo termina su texto afirmando que mediante la apropiación de los valores culturales y el

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 150

dominio de los impulsos animales, la sociedad huave trata de hacer plenamente humanos a sus integrantes. 4. En el apartado « Transgresión y exceso sexual » explico cada uno de estos aspectos, los cuales son retomados más adelante en el apartado « Seductor, amante y raptor ». 5. A partir de aquí, HMP. 6. Respecto a la sucesión de los Soles, véanse Moreno de los Arcos (1967, p. 200) y Graulich (1990, p. 101, 296-298). 7. Sin negar que las ligas del mono con aquellas deidades fueron demasiado estrechas, no necesariamente cualquier escultura o figurilla con rasgos simiescos debe evocar a Ehécatl o a Xochipilli, a no ser que dichas imágenes estén adornadas con algunos de sus atributos iconográficos: orejeras epcololli y pectoral ehecailacacozcatl para la primera; y orejeras oyohualli para la segunda. Aunque el ozomatli portó los significados de aquellos dioses, el mamífero por sí mismo contó con un simbolismo particular, lo que no quiere decir que éste no fuera compartido con otros animales o divinidades. 8. Veytia es tan tardío como el siglo XVIII, mientras que la mayoría de las narraciones de la destrucción de los Soles corresponden al siglo XVI. Esto obliga a que tomemos con reserva los datos proporcionados por el historiador novohispano, pero no por ello que los desechemos. 9. El término cuitlaololtic « el que tiene la espalda redonda » no sólo describió al simio (CF, XI, p. 14), sino que también refirió a las aves tlalalacatl, un tipo de ganso (CF, XI, p. 27); atzitzicuilotl, el falaropo; aztatl, la garza (CF, XI, p. 28) y el tecolotl, tecolote (CF, XI, p. 42). 10. Quiero hacer una advertencia. La visión que planteo del chichimeca, en la cual se exaltan sus características de rusticidad e incivilización, está dominada por el mito y el imaginario, pero no es la única. Desde una postura histórica, la identidad chichimeca se funde con la tolteca para dar origen a los diferentes altepetl del Valle de México (Navarrete Linares 2011a, p. 259-341, 2011b). 11. El planteamiento general de El proceso de la civilización de Norbert Elias (2009), es que las transformaciones en las estructuras de personalidad (psicogénesis) mantienen sintonía con los cambios estructurales de la sociedad (sociogénesis); dichos cambios son de larga duración. Estas constituciones sociogenéticas y psicogenéticas son paralelas a la constitución biogenética. En este punto, Elias se apoya de forma implícita en la ley biogenética de Ernst Haeckel, que enuncia que la ontogénesis – el desarrollo biológico del individuo – recapitula la filogénesis – la evolución de la especie. La propuesta del sociólogo alemán está ubicada en el contexto medieval europeo y sus transformaciones hacia el Renacimiento. 12. Véanse, por ejemplo, Benavente 2007, p. 213; Mendieta 2002, p. 268; Durán 2002, I, p. 65; Sahagún 2002, II, p. 957; Anales de Cuauhtitlan 2011, p. 27, 29; Relación de Michoacán 1989, p. 180; Alva Ixtlilxochitl 1997, I, p. 289; Histoyre du Mechique 2002, p. 127; Ramos de Cárdenas 1987, p. 242. 13. A partir de aquí, HTCH. 14. Aunque el locativo -man (que significa extendido) no aparece en las fuentes, como se acaba de señalar, Valiñas lo toma en cuenta para su traducción. Los otros elementos que la conforman son chichihualli « seno » y el absolutivo -tl, que identifica el gentilicio.

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 151

15. La lengua que originalmente poseían los chichimecas de Xólotl era una popoloca, y fue Techotlalatzin, abuelo de Nezahualcóyotl, el primero que habló náhuatl (Chimalpain 1997, p. 67). 16. Tal como ya lo había indicado Eduard Seler (1980, I, p. 102), la carga del signo xochitl « flor » era análoga a la de ozomatli. El noble que nacía bajo el signo ce xochitl sería cantor, portador de alegría, narrador de historias y artesano; pero si despreciaba su signo, a semejanza de ce ozomatli era castigado con lepra, ceguera y malestar en la ingle. Y la misma suerte corría el macehual. En el caso de la mujer, sería buena bordadora. Pero si no era devota a su signo padecería todo tipo de enfermedades y se volvería ahuiani (Sahagún, Primeros Memoriales 1997, fol. 290v; CF, IV, p. 23, 25). La estrecha proximidad, casi fusión, entre los signos de día mono y flor, se explica a partir de las semejanzas de los dioses que regían dichos signos: Xochipilli-Macuilxóchitl y Xochiquétzal. Ambos presidían el deseo sexual – generalmente inclinado hacia el ámbito transgresor –, las flores, la fiesta y el placer en general, entre otros aspectos. De esta manera, Xochiquétzal fue la contraparte femenina de Xochipilli-Macuilxóchitl (Nicholson 1975, p. 421). 17. En el apartado « Exceso y deshumanización » se profundiza en la esencia del número cinco y sus repercusiones. 18. A partir de aquí, CTR. 19. Se puede afirmar que la aparición diabólica en forma de simio narrada por Mendieta fue retomada de la obra de fray Andrés de Olmos, pues la autoría del texto español original de la Histoyre du Mechique se le ha atribuido a él (De Jonghe 1905, p. 2; Tena, en Mitos e historias… 2002, p. 119), y con seguridad formó parte de su libro sobre las antigüedades de los indios utilizado por Mendieta (2002, I, p. 180; Tena, en Mitos e historias… 2002, p. 119). Sólo que al retomar el franciscano dicha información demonizó al dios indígena. Esta aparición igualmente fue asentada por Olmos (1990, p. 45; véase Baudot 1972, p. 353, 355) en su Tratado de hechicerías y sortilegios: « De igual modo un hombre llamado don Juan, señor de Amecameca, me dijo que antaño, él, a su padre, ya se le había aparecido el hombre-tecolote (el Diablo), parecido a un mono ». Aquí también es evidente la satanización de Tezcatlipoca. 20. Traducción propia. Un nombre dado al mono aullador entre los choles es « brazo largo » (Whittaker y Warkentin 1965, p. 57). En varias vasijas mayas se representó al mono con un brazo extendido y la mano abierta hacia arriba, en ocasiones, con semillas de cacao, en actitud de ofrecimiento (véanse en Kerr los vasos K1789 y K9103). 21. Este relato se llama « El cuento del venerable mono » (itapowilis migojtsin), y se trata de una relación oral en náhuatl del citado Agustín Bautista, que fue traducida al español por Antonio García de León. Este cuento está reproducido en un bastidor que cuelga de una de las paredes de la Biblioteca « Rafael García Granados », del Instituto de Investigaciones Históricas de la UNAM, exactamente la que se ubica en el descanso de las escaleras que conducen al Fondo Reservado. Agradezco a Martín Sandoval Cortés, Coordinador de la Biblioteca, por haberme hecho notar la información de este bastidor. 22. Francisco Lugo y Roberto Martínez (2005, p. 235-236, 241, 247) han explicado la sustitución del oso por el simio en las versiones indígenas del cuento de Juan Oso. Primero, la ausencia de plantígrados en regiones como la sierra de Puebla y el sur de Veracruz hizo que el raptor de mujeres cambiara de forma original. Y en la búsqueda de un remplazo autóctono, el mono fue el animal simbólicamente equivalente debido a que ambos mamíferos son pensados como próximos a lo humano (véanse algunas

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 152

leyendas vascas que enfatizan este pensamiento en Marliave [1995, p. 126]). Y aún más, a semejanza del mono mesoamericano, en las tradiciones orales de los Pirineos el oso mantiene un simbolismo de fecundidad. Se cuenta que en el valle de Barèges, una mujer fue al lago de Ardiden para bañarse con un oso, del que tuvo siete hijos (Marliave 1995, p. 126-127). Para el caso de los pueblos nahuas, la constante sustitución también puede deberse a la proximidad fonética que guardan las palabras oso y ozomatli, « mono » en náhuatl (comunicación personal de Taggart, 2002, a Lugo y Martínez [2005, p. 241]). 23. Recordemos que la figura del mono de la lámina 32 del Vaticano B, se caracteriza por tener rotada la cabeza hacia atrás y estar expulsando un chorro de excremento. 24. Traducción propia. 25. Esta idea de nahualismo es la más generalizada y, en opinión de algunos, la más simplista (López Austin 1996, II, p. 422). Para López Austin (ibid., p. 429), el nahualismo « es un tipo de toma de posesión que realizan hombres, dioses, muertos y animales, remitiendo una de sus entidades anímicas, el ihiyotl o nahualli, para que quede cubierto dentro de diversos seres, entre los que predominan animales… » En el mismo sentido, en su extenso y detallado estudio sobre el nahualismo, Martínez González (2011, p. 144) afirma que « la “transformación” del nahualli es un acto que no implica ninguna modificación corporal », sino que refiere al hecho de « poder controlar las deambulaciones de su entidad compañera durante los sueños por medio de la transferencia del tonalli humano al cuerpo de su coesencia ».

RESÚMENES

De los múltiples simbolismos que le fueron atribuidos al mono entre los antiguos nahuas, destacan los que tienen que ver con el exceso y la transgresión, de hecho, dichos simbolismos constituyeron en buena medida la esencia del mamífero. En el pensamiento nahua del siglo XVI, el comportamiento excesivo atentaba contra la identidad humana, de manera que conducía a una deshumanización simbólica. No obstante, en el mito realmente se efectuaba – la mayoría de las veces – una mutación animal. Además de estos simbolismos, el mono también representó el estado salvaje del hombre, que puede pensarse en dos direcciones: 1. como el estado de degradación del ser humano provocado por sus faltas; 2. como un estado salvaje primigenio por el que debe transitar todo hombre para poder alcanzar la cultura.

Parmi les différents symbolismes qui ont été attribués au singe chez les anciens Nahuas, ceux qui ont à voir avec l’excès et la transgression se distinguent, dans la mesure où ces derniers caractérisent en grande partie l’essence de ce mammifère. Or, dans la pensée nahua du XVIe siècle, le comportement excessif attentait contre l’identité humaine, de sorte qu’il conduisait à une déshumanisation symbolique. Cependant, il est vrai que dans le mythe s’effectuait – la plupart des fois – une authentique mutation animale. Ainsi, en plus des symbolismes mentionnés, le singe a également représenté l’état sauvage de l’homme, lequel peut être conceptualisé selon deux axes différents : 1. comme l’état de dégradation de l’être humain, résultat des fautes que celui-ci a commises ; 2. comme un état sauvage primaire par lequel tout homme doit passer pour pouvoir atteindre la culture.

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 153

Of the many symbolisms attributed to the monkey among the ancient Nahuas those related to excess and transgression stand out, as these qualities characterize for the most part the essence of this mammal. For the sixteenth century Nahuas, excessive behavior threatened the human identity, resulting in a symbolic dehumanization. Nonetheless, in mythical narratives, the mutation into an animal would usually actually happen. In addition to the symbolisms already mentioned, monkeys also represented the savage state of man, which can be understood in two ways: 1. as the state of degeneration of a human being caused by his shortcomings; 2. as a primary savage state that every man must undergo in order to reach culture.

ÍNDICE

Palabras claves: nahuas, mono, salvajismo, exceso, transgresión, deshumanización Keywords: Nahuas, monkey, savagery, excess, transgression, dehumanization Mots-clés: Nahuas, singe, sauvagerie, excès, transgression, déshumanisation

AUTOR

JAIME ECHEVERRÍA GARCÍA

Universidad Nacional Autónoma de México, Circuito Mtro. Mario de la Cueva, Zona cultural, Ciudad Universitaria, México, D.F. [[email protected]]

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 154

Barbarie en plural: percepciones del indígena en el auge cauchero boliviano Barbarism in the plural: perceptions of the Indian in the Bolivian rubber boom Barbarie au pluriel : perceptions de l’Indien à l’ère du caoutchouc en Bolivie

Lorena I. Córdoba

NOTA DEL EDITOR

Manuscrit reçu en février 2014, accepté pour publication en novembre 2014.

Agradecemos a Hans Joachim Wirtz, Mily Hecker, Guillermo Rojas, Isabelle Combès, Anna Guiteras Mombiola, David Jabin, Francis Ferrié y Diego Villar por haber colaborado con la elaboración de este trabajo, como así también a los dos evaluadores anónimos del JSA, por sus útiles comentarios y sugerencias. El indio es naturalmente suspicaz y receloso, pérfido y vengativo, profesa una inclinación invencible hacia el vagabundaje y ama su libertad. (Pando 1897, p. 96)Sin indios no hay industria del caucho. (Nordenskiöld 2003 [1922], p. 124)

1 En la Amazonía boliviana, el auge cauchero comienza a principios de la década de 1870 y se extiende hasta los últimos años de la década de 1910. Se trata de un hecho social total en el sentido más literal del término; un dato estructurante, decisivo para la historia y la geografía del Oriente boliviano. El boom se emplaza sobre una maquinaria preexistente. Desde la década de 1860, en efecto, gran parte de los mismos actores hasta entonces consagrados a la quina o « cascarilla » (Cinchona calisaya) comienzan a emplear los circuitos logísticos, los capitales y hasta los mismos escenarios naturales para

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 155

comercializar la goma, recurso abundante en el norte boliviano, especialmente en el llamado « Territorio de Colonias » situado en la frontera entre las actuales repúblicas de Bolivia, Brasil y Perú1. Utilizando la red fluvial para la tarea de extracción y exportación, la industria cauchera se despliega velozmente a través de los ríos Madre de Dios, Beni, Purús y Madera, entre otros.

Fig. 1 – « Mapa de Bolivia levantado por el Ing. Luis García Mesa en 1904 ».

Fuente: Instituto Geográfico Militar de Bolivia2.

2 El inédito potencial económico de la industria provoca a la vez una oleada de viajes y expediciones que recorren un territorio inhóspito, apenas mencionado de forma marginal en tiempos coloniales, para el cual el relevamiento cartográfico e hidrográfico se vuelve imperativo: Lardner Gibbon, Ivon Heath o Agustín Palacios son algunas de las figuras prestigiosas comisionadas por los gobiernos de turno para hacer de punta de lanza de la colonización. Es que, ligada con la industria gomera, tenemos la variable nacionalista: la fiebre del caucho es indisociable del proceso de conformación republicana de las fronteras limítrofes, que en una de sus vertientes desencadena la guerra del Acre entre Bolivia y Brasil (1899-1903). En ese lapso transcurren también las fundaciones de las principales ciudades del norte (Riberalta, Villa Bella, etc.), la repartición de títulos de propiedad, el establecimiento sistemático de tributos fiscales o la apertura regional a una nueva economía de exportación. Lo que interesa destacar, pues, es que en todos sus niveles y en todas sus dimensiones es imposible pensar la conformación histórica del Oriente boliviano sin tomar en cuenta sus conexiones con esta actividad extractiva (García Jordán 2001)3.

3 Sobre este telón de fondo, la industria gomífera se despliega a través de la red fluvial articulando una estructura ramificada, troncal, que con pequeñas variaciones locales se repite en casi todos los países de la cuenca amazónica4. El circuito básico puede resumirse así: un patrón o « habilitador » adelanta mercadería a cuenta a un gomero o siringuero, a quien se asigna un « centro » o « colocación » (campamento donde podrá explotar varias « estradas » o vías de árboles gomeros que se rayan diariamente para

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 156

colectar la leche)5. Luego de un tiempo, el gomero transporta la producción obtenida a la « barraca », « casa aviadora » o « siringal », sede del habilitador, auténtico locus sociológico de la industria extractiva; allí salda parte de la deuda y recibe un nuevo adelanto de mercaderías – teniendo el patrón, a la vez, derechos exclusivos sobre la compra de la goma y la venta de mercadería, con lo cual monopoliza tanto la producción como la reproducción. El patrón transporta luego la goma a una casa central, que administra numerosas barracas y comercializa el producto a través de puertos como Manaos o Belém do Pará llegando incluso hasta Europa; de hecho, muchas de las casas caucheras más importantes como Arana, Suárez o Braillard tienen sus filiales en Londres, y la industria amazónica abastece la demanda gomífera de Inglaterra, Estados Unidos, Alemania, Francia y Rusia entre otros países6. Basado en el circuito mercadería-goma-mercadería, pues, el sistema de « aviamento » o « habilito » constituye el auténtico motor de la industria: « La Amazonía es la tierra del crédito. No hay capital. El seringueiro debe al “patrón”, el “patrón” debe a la “casa aviadora”, la “casa aviadora” debe al extranjero, y así7. »

Fig. 2 – Emilia Hecker y personal de la empresa Hecker pesando bolachas de goma en una barraca (circa 1930).

Fuente: Colección privada de la familia Hecker, Riberalta.

4 En este reino del crédito, el mayor problema práctico pasa por la logística y la disponibilidad de mano de obra, compuesta por poblaciones criollas, migrantes nacionales y extranjeros, y también por poblaciones autóctonas. Muchas veces esta fuerza de trabajo es captada de forma voluntaria; otras veces no, y el reclutamiento toma la forma inquietante del peonaje a deuda y el enganche forzoso. Una vez integrada al circuito del crédito por medio del « habilito », el endeudamiento de la mano de obra deviene permanente, llegando a caracterizarse en muchos casos como una auténtica forma de esclavitud8.

5 En este escenario general, la mayoría de las investigaciones sobre las poblaciones indígenas del período suele coincidir en tres puntos básicos. El primero es la oposición

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 157

de « blancos » e « indios » como actores sociales homogéneos (pese a que, como veremos, abundan por un lado los datos sobre conflictos entre indígenas, o por el otro entre misioneros y caucheros). El segundo es la postulación de identidades que podríamos llamar genéricas (por fijación de « etnias » como « los cavineños », « los cayubabas », « los mojeños », etc.). El tercero es la canonización de una percepción fatalista del contacto, con muy pocos matices, que privilegia la descripción de fenómenos como las epidemias, las migraciones, el despoblamiento, los enganches forzosos o incluso la aniquilación de los indígenas, mientras deja de lado otros datos contemporáneos como las estrategias individuales y colectivas de esos mismos actores o bien sus criterios de interpretación de esas mismas coyunturas. Un examen desapasionado de la evidencia, creemos, permite matizar esos supuestos.

El discurso oficial sobre la cuestión indígena

6 Como en otros países latinoamericanos, puede decirse que en Bolivia la legitimación de la puja colonizadora se cifra en un postulado básico: los indígenas deben someterse por las buenas o por las malas. « Por las buenas » implica que se integren al sistema de trabajo, asimilándose a la sociedad nacional. « Por las malas » que se transformen en un obstáculo que debe reprimirse, cuando no eliminarse: Para librar de todo peligro la región comprendida entre el Acre y el Bajo Beni, que encontramos susceptible de un desarrollo industrial de primer orden, no hay otro medio que el de limpiarlo de salvajes, alejando a éstos sobre la margen izquierda del primero de dichos ríos […]. Allí las causas constantes que actúan en la naturaleza como auxiliares de la civilización, los reducirán a la impotencia para el mal, si no los mueven a someterse al trabajo, para participar de los beneficios de la industria. (Pando 1897, p. 108)

7 El argumento de José Manuel Pando es claro. El progreso no puede detenerse por las complicaciones que provocan los indígenas. Caucheros, colonos y misioneros son « héroes » que sobrellevan innumerables dificultades para anexar un territorio indómito. Si bien algunas voces denuncian excesos de los gomeros, que explican gran parte de la resistencia indígena, esto no puede detener la industrialización del Oriente (Quijarro 1893, p. 15-16). En 1895, por ejemplo, el teniente Pastor Baldivieso redacta un informe ministerial que reclama la « pacificación » del Alto Madidi y las zonas aledañas: En todo este año [1896] han sucedido tres hechos desgraciados; el primero en la barraca « Filadelfia » del río Tahuamanu en la que el patrón, don Santos Adriazola, fue muerto por los bárbaros que perseguía […]. El segundo hecho ha tenido lugar en las proximidades del « Manuripi » en un centro perteneciente a la empresa del « Carmen » en el Madre de Dios, un freguéz llamado Ruperto Gonzales que trabajaba con bárbaros conquistados por él fue asesinado durante la noche por sus propios peones que desaparecieron después de consumado el hecho. El tercero, en una pequeña barraca del río Orton en que un mayordomo que estaba a cargo de unos pocos bárbaros, ha muerto sin saber con seguridad si con alguna enfermedad o también asesinado; lo último es lo más probable a causa de la fuga de los trabajadores. (Baldivieso 1896, p. 60-61, resaltado nuestro)

8 Además del tono de las preocupaciones de la época, la cita muestra que se atribuyen hechos de violencia a los « bárbaros » sin demasiadas pruebas. Periódicos como La gaceta del Norte reportan un sinfín de crímenes en las barracas que muchas veces cometen los mismos gomeros por problemas laborales, mujeres, alcoholismo, etc. No obstante, en el imaginario oficial prevalece la idea de que la violencia es patrimonio

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 158

casi exclusivo de los indígenas. Es por eso que hay que fijarlos, disciplinarlos, integrarlos a la órbita republicana. El problema es que los mismos agentes colonizadores comienzan a disputarse entre ellos el control de los indígenas como mano de obra, así como también la metodología para integrarlos a la realidad nacional. El franciscano Nicolás Armentia (1885, p. 6) observa que la reducción de las tribus salvajes debe ser una prioridad del gobierno no sólo desde el punto de vista religioso, sino también comercial: si el subsidio estatal a la labor misionera implica desembolsar una fuerte suma durante tres años, los resultados lo compensarán con creces. Los caucheros no civilizan a los indígenas sino que apenas los apaciguan mediante continuos regalos y donativos; en cambio, como argumenta Armentia con lógica weberiana, los indígenas de las misiones invariablemente se convierten en ciudadanos productivos9.

Iguales pero diferentes: el indio civilizado

9 Para comenzar a desmontar el imaginario canónico del indígena de la Amazonía boliviana es necesario establecer una primera gran diferencia entre los indígenas « civilizados », por un lado, y los « salvajes » o « bárbaros » por el otro. Como bien explica Guiteras Mombiola (2012), dentro del primer grupo se cuenta a los cayubabas, baures, movimas, canichanas, itonamas, mojeños y también a las « etnias » referidas en las fuentes como « ixiameños », « tumupaseños »10, etc. Todos estos grupos se consideran « civilizados » porque son tempranamente reducidos al régimen misional jesuita, o luego al secular, y porque conocen entonces las reglas básicas de la civilidad. Un notorio divisor de aguas, asimismo, es que todos ellos son bautizados y poseen nombres y apellidos cristianos.

10 Hay bastante consenso sobre las virtudes de estos indios civilizados. Comerciantes, misioneros, políticos y militares refieren su gran destreza como remeros, imprescindible para atravesar las traicioneras cachuelas del Madera – hay que decir, a la vez, que muchas veces se habla de esta habilidad en general, sin referencia a ninguna etnicidad en particular. Ninguna partida gomera puede prescindir de la tripulación indígena: Todas nuestras dificultades se evidenciaron en la experiencia de este viaje. No teníamos canoas, no teníamos indios, ambos absolutamente indispensables para navegar el Madera y sus rápidos y sus cataratas. (Craig 1907, p. 140)11 Pero a fines del siglo pasado, los propietarios de los centros gomeros recurrieron a los pueblos de Tumupasa, Isiamas, San José de Uchupiamonas, etc. en busca de gente, conocida ya en todo el Beni como sobria, sufrida y especialmente trabajadora; y al mismo tiempo que comenzó la grandeza y la fama mundial del Beni por su goma, comenzó también la decadencia de los pueblos nombrados, porque, desde aquella fecha, una gran parte de sus habitantes buscó trabajo en las barracas gomeras o en la navegación. (Mendizábal 1932, p. 145)

11 En términos generales, se constata una caracterización positiva – si bien genérica – de este « indígena civilizado », que muchas investigaciones recientes retoman para discutir las formas diversas bajo las cuales estas poblaciones logran integrarse al mercado y acceder a la ciudadanía plena (Van Valen 2003, 2013; Vallvé 2010; Guiteras Mombiola 2012).

12 Nuestro interés, aquí, es otro. Dilucidar quiénes son los « salvajes », los « bárbaros » que no se sujetan al régimen misional primero y que mantienen una actitud ambigua luego

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 159

frente a la expansión cauchera: individuos y grupos que aparecen a veces como mozos fieles de algún empresario, otras comercializando sus productos con los siringueros, otras atacando las embarcaciones o a las barracas, e incluso asesinando a colonos y patrones caucheros. Las noticias suelen ser fragmentarias, cambiantes, contradictorias, y los mismos indígenas que supuestamente cometen crímenes atroces son reputados luego como trabajadores ejemplares.

La barbarie domesticada: araonas y cavineños

13 Puesto que nos interesa analizar a los « salvajes » durante el boom cauchero, comenzaremos describiendo a los indígenas que las fuentes describen trabajando en la goma. Aquí hay que hablar principalmente de araonas y cavineños, pertenecientes a la familia lingüística tacana, compuesta hoy también por los tacanas, maropas y ese’ejas12. En general los araonas son caracterizados como indígenas dóciles, aptos para la civilización, buenos trabajadores y excelentes rumbeadores por más que a veces también se les atribuyan acciones violentas. Son los primeros indígenas que aparecen en las barracas gomeras, como en la de Vaca Díez, llamada Puerto Rico, donde el cura Sanjinés (1895, p. 60) asegura que trabajan nada menos que 400 araonas: Vive todavía un indio capitán, ya viejo, llamado Chumo […] este deseaba bautizarse, y con la sencillez de un niño repetía: « Bárbaro, no bueno: yo cristiano ser. ¿Por qué bautizas a las criaturas y a mí no? » Apenas ver a estos infelices, hacinados entre diez, quince y más en una habitación sucia e inmunda, entregados a sus usos y costumbres de salvajismo, sin ninguna noción de moralidad, ni asomo de enseñanza cristiana; y sin embargo, se dice ¡hace más de diez años que ya están conquistados! (Sanjinés 1895, p. 60) Más tarde vendrá la civilización, pero entretanto el salvaje y sobre todo el temible araona ya no teme ni persigue al hombre y, al contrario, seducido por la generosidad de Vaca Díez que le regala, cura y atiende, se convierte en servidor de las barracas. Caza, pesca, sirve para el transporte, se ocupa de remar, y entra por fin, en la comunidad de estos colonos que plantan allí la bandera de la civilización nacional. (Anónimo 1894, p. 8)

14 En la crónica de Edwin Heath también podemos apreciar el carácter predispuesto de los araonas, que participan de sus expediciones entre 1879 y 1883. Esta buena voluntad no impide que se les atribuya la práctica de la antropofagia, clásico cliché del salvajismo: « Casi todos los años vienen unos indios antropófagos Araunas que viven al lado del río Mano […]. En el año 1879 uno quedó trabajando un mes, y en 1880, nueve se contrataron por dos meses » (Heath 1969 [1879-1881], p. 9-10). Los araonas no sólo proporcionan datos geográficos sino que acompañan en todo momento al norteamericano cuando sortea los escollos de las cachuelas y logra conectar por primera vez el río Beni con el Mamoré. Tal es la confianza mutua entre los araonas y el gomero Vaca Díez que éste los envía a navegar río abajo en busca de nuevos siringales (Heath 1896, p. 21-22). Por su parte, los araonas dicen: « Al tata doctor [Vaca Díez] lo queremos porque nos da herramientas para trabajar nuestras chacras; nos da de comer a tantos que vinimos cada año y nunca nos ha hecho mal. Deseamos que sea nuestro jefe, que nos mande y nos defienda de los pacaguaras que son nuestros enemigos » (cit. en Chávez Saucedo 2009 [1926], p. 134).

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 160

Fig. 3 – Postal « India tacana, Beni ».

Fuente: Colección privada de la familia Hecker, Riberalta.

15 Encontramos nuevamente a los araonas en la expedición del coronel brasileño Antonio Labre, que parte de la barraca Maravillas, propiedad de Víctor Mercier y Timoteo Mariaca, y explora la cuenca del Madera con una comitiva que incluye 15 araonas « semi-civilizados ». Los expedicionarios encuentran a varios araonas que viven en buenas relaciones con los comerciantes (Quijarro 1893, p. 11; Royal geographical society 1889, p. 496-499). En el relato de viaje que envían a Vaca Díez, en 1887, y que La gaceta del Norte publica en fascículos, observan: Llegamos a una chocita provisionalmente construida, donde habitaban cinco salvajes araonas con sus esposas […]. Nos recibieron con mucho cariño, brindándonos los pocos alimentos con que contaban […]. Atraídos por la buena hospitalidad que recibimos, resolvimos pasar la noche con ellos. (La gaceta del Norte, 23 de octubre de 1887)

16 El propio coronel Pando, una de las voces más duras sobre la cuestión indígena, reconoce asimismo que los araonas son « los únicos que se prestan a la civilización », refiriendo que trabajan para un tal Cárdenas en la barraca Camacho (Pando 1897, p. 36)13. Otro testimonio importante es el de Manuel Ballivián, para quien el principal problema del siringuero – prócer del trabajo y del progreso – es la captación de mano de obra. Si bien admite las correrías que los gomeros emprenden para proveerse de trabajadores entre los indígenas, describe a la vez las tentativas para entablar relaciones comerciales o amistosas con ellos. Su descripción de los araonas reitera el tema de su adaptabilidad a la industria siempre y cuando puedan mantener sus chacras y sus familias, comercializando la goma en su territorio y bajo sus propias condiciones (Ballivián y Pinilla 1912, p. 67-70, 80).

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 161

17 La caracterización de las mujeres araonas no es menos elogiosa. La alusión a su belleza se revela tan importante como su docilidad: El tipo araona es agraciado, de esbeltas formas y cutis bastante limpio. Las doncellas, sobre todo, son muy apetitosas. Vestidas a la europea, en nada desmerecen de las cruceñas, en concepto de algunos aficionados del Beni. En las barracas son las odaliscas del barraquero; en Riberalta he visto más de una mujer araona casada canónicamente y convertida en excelente ama de su casa. Un comerciante alemán había llevado una de estas indias a Europa, la hizo educar en un colegio, casó después con ella y puedo asegurar que por su educación y cultura es toda una señora, de las más señoras que conocí en el Beni. (Bayo 1911, p. 317, resaltado nuestro)

18 La anécdota de una joven araona casada apropiadamente con un alemán sólo tiene correlato en un matrimonio entre un europeo y una mujer cavineña, y no se repite en ninguno de los demás grupos « salvajes » – imposible encontrar un caso similar entre caripunas o pacaguaras. En efecto, la cuestión de las esposas indígenas nos sirve de transición a la representación contemporánea de los cavineños. Quien tiene una esposa cavineña es Eugène Robuchon, explorador francés tristemente conocido por su desaparición en la selva peruana en 1906, en circunstancias poco claras, trabajando para el barón cauchero del Putumayo, Julio César Arana. Desde 1893 a 1902 Robuchon recorre el Madre de Dios y recoge a una indígena cavineña a quien lleva a Europa, causando sensación en varios periódicos de la época. La indígena se bautiza, toma la primera comunión y adopta el nombre de María Margarita Hortensia Guamiri, para luego contraer matrimonio con el francés. En 1903, la nota periodística sobre un encuentro en la Sociedad de Geografía de Nantes dedica varias líneas a la descripción de esta mujer: Hay que escuchar a nuestro explorador mismo contar cómo cuando descendía el curso de uno de los afluentes del río Amazonas, percibió una joven de la antigua raza americana que parecía buscar refugio; cómo le dirigió la palabra en la lengua de los salvajes, cómo le ofreció protegerla y ayudarla a encontrar a su familia y su tribu […]. Ella se mostró tan inteligente y dedicada que M. Robuchon no dudó en hacerla su compañera para el resto de su vida y se casó con ella […]. Ella nos ha parecido grande y fuerte; no está desprovista de gracia en su traje todo europeo, y si bien sus rasgos difieren un poco de la raza caucásica, su figura no carece de encanto y respira bondad. La tribu Cahivas [Cavinas], a la cual pertenece, es conocida por la dulzura de sus costumbres y carácter. (cit. en Echeverri 2010, p. 32-33)

19 Estos indígenas provienen de la antigua misión de Cavinas y por ende se los conoce como « cavineños ». Tal vez su frecuente aparición en las fuentes se deba a que se encuentran en el epicentro de la fiebre cauchera y que muchas veces trabajan con los propios siringueros, o bien con los curas que administran la extracción de la goma en la misión (Nordenskiöld 2001 [1924], p. 345). De hecho son ellos quienes ayudan a Pablo Salinas, un comerciante de Reyes, a explorar la selva circundante a la reducción y a descubrir su potencial gomero (Sanabria Fernández 2009 [1958], p. 32-33). El cura Sanjinés describe el sistema de habilitación de los cavineños: « Los cavineños se ocupaban de picar la siringa de su cuenta, para venderla a [Miguel] Apuri, de quien recibían habilitación […]. Misión de Cavinas. El pueblo hoy cuenta con 148 almas […]. Me informan que están afuera, en las barracas, unas 12 familias, las que podrán ser recogidas, pagando sus cuentas » (Sanjinés 1895, p. 18-19). Según las informaciones de Armentia y Balzan, cuando los cavineños se quedan sin misioneros, entre 1885 y 1897, se dedican a trabajar como siringueros (Brohan y Herrera 2008, p. 268-269).

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 162

20 Una fuente importante para el período son los censos de 1910 de la barraca San Francisco, de la Casa Suárez, que reportan un total de 146 trabajadores, de los cuales 38 provienen de Santa Cruz de la Sierra mientras que 70 responden a la denominación « cavinas/cabinas/caviñas »; o sea que casi la mitad del personal es cavineño (ACS, « Censos de los ríos Manuripi, Madre de Dios, Orton y Tahuamanu de 1910 »). En cambio, en el censo de 1910 de Cachuela Esperanza las procedencias de los más de 200 empleados se dividen entre « francés », « alemán », « chileno », « suizo », « Santa Cruz », « Cochabamba », o bien entre distintos ríos, y las filiaciones indígenas más frecuentes son « Cayubaba », « Baure », « Chiquito », « Movima » o « Canichana ». Podemos pensar, pues, que mientras que en la central del imperio gomero trabajan los indios « civilizados », en los puestos más alejados lo hacen los indígenas « menos civilizados », aunque dóciles o al menos adaptables, como los araonas o los cavineños14. Siguiendo esta lógica concéntrica, encontraremos luego a los « bárbaros » pacaguaras, caripunas o chacobos pululando en la periferia más satelital de la industria gomera.

21 Otros caucheros de menor escala también refieren las buenas relaciones que establecen con los cavineños: En el mes de junio siguiente [1884] me entregué de lleno a la explotación de la goma, sin temer a los bárbaros, como que en efecto, habiendo avanzado unas dos leguas hacia el interior del bosque, ya encontré una tribu de 28 almas cuyo capitán llamado Ecuari entrando en relaciones conmigo, me entregó un hijo suyo de corta edad […]. Continuando mi marcha más al interior con ayuda del capitán Ecuari, encontré también otra tribu de 15 matrimonios con su capitán Ino. Al mes siguiente expedicioné sobre el Tahuamanu y en la margen derecha encontré al capitán Capa, en la tribu Buda, con una población de ocho matrimonios. La primera población que descubrí pertenece a los cavinas y las dos últimas a los Araonas […]. Yo me quedé haciendo picar gomeros con mis mozos propios y con los bárbaros que ya concurrían voluntariamente de las tres tribus descubiertas por mí. (Mariaca 1987 [1887], p. 11)

22 Dos años más tarde, cuando una inundación arruina sus provisiones, Mariaca envía a cuatro araonas y dos mujeres cavineñas en busca de ayuda al Abuná. Lo interesante es que la solución al dilema logístico no surge del seno de los « salvajes dóciles », puesto que la comitiva regresa con alimentos que obtiene de los pacaguaras (Mariaca 1987 [1887], p. 12-14)15. Esta noticia, así, nos sirve de bisagra para pasar a la otra gran categoría de « bárbaros », menos adaptables y definitivamente más complicados.

La barbarie indócil: pacaguaras, caripunas y chacobos

23 Los pacaguaras, caripunas y chacobos pertenecen a la familia lingüística pano (Erikson 1993, Villar et al. 2009). En el período cauchero, los pacaguaras aparecen mencionados lateralmente en algunas barracas, como cuando Sanjinés habla de ciertas familias que pican goma para un señor Pardo en el arroyo Ivon (1895, p. 60-61). Armentia refiere que el padre Ciuret le presenta a una pacaguara del Madre de Dios que dice tener parientes en Mamorébey, lo cual coincide con lo que cuentan los mozos de Vaca Díez, que se enfrentan con ellos en ese mismo lugar (Armentia 1976 [1882], p. 32-33, Heath 1896, p. 16). Clements Markham (1883, p. 324) observa campamentos gomeros asistidos por pacaguaras, que les proveen bananas, caña de azúcar y mandioca. Lo mismo reporta el ingeniero Edward Matthews (1875, p. 58), quien se encuentra con un hombre y niño pacaguaras en el río Tres Hermanos: ambos se comportan bien,

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 163

visten ropas occidentales e intercambian con el viajero plátanos y maíz por machetes, hachas y anzuelos. En su expedición por el río Beni, Edwin Heath (1896, p. 16) también se topa con una familia de pacaguaras viviendo con el gomero Fidel Endara, ayudándolo con el caucho, con la navegación y con las imprescindibles plantaciones de mandioca, arroz, caña, etc. Más que involucrados de forma directa, como los araonas o los cavineños, los pacaguaras aparecen pues comerciando con los caucheros, participando indirectamente de la reproducción del sistema extractivo.

24 Sin embargo, la mayoría de los testimonios son menos positivos. En primer lugar, todos recuerdan la matanza de la barraca Buen Retiro: En junio de 1893 la barraca Buen Retiro del bajo Beni fue asaltada por una horda de salvajes pacaguaras, en circunstancias en que la población masculina se hallaba en las labores de pica. Los asaltantes dieron muerte a unas cuantas mujeres, y entre ellas a la del capataz Manuel Jesús Parada y a varios niños, y después de pillar cuanto objeto metálico estuvo a su alcance, emprendieron la fuga hasta el cobijo de la selva. Al regresar los hombres de la faena y ver las víctimas del malón no vacilaron en emprender la expedición de castigo hasta el norte, siguiendo las huellas de los asaltantes, y al fin hubieron de alcanzarles en las cercanías de un arroyo que fue conocido desde entonces con el nombre de Pacaguara. (Sanabria Fernández 2009 [1958], p. 76)16

25 El comandante Herbert Edwards, que recorre la frontera entre Brasil y Bolivia desde 1911 a 1913, propone una lectura diferente de los hechos. Las orillas del río Abuná y del Río Negro son la tierra de cacería de los pacaguaras, que la defienden celosamente del avance de los gomeros (Edwards 1915, p. 394-395). El militar nos ofrece una detallada descripción de estos indígenas, y sostiene que la violencia no es más que una reacción ante los atropellos gomeros: Durante nuestro retorno a Fortaleza, nos encontramos con una partida de pioneros que tras una ocupación de apenas pocos meses acababan de ser echados del distrito del Río Negro por un raid organizado de los pachaquara, perdiendo incluso a varios hombres que murieron […]. Viviendo una vida libre y sin restricciones en su antiguo dominio, es natural que a los indios les desagrade la intrusión de gente cuyo objetivo es explotar los árboles de goma para su propia ganancia, y cuya incursión en los bosques remotos aleja a las presas de caza y arruina la caza tribal. (Edwards 1915, p. 390-391, cf. del Castillo 1929, p. 110)

26 Igualmente explícito es el relato del coronel Percy Fawcett (1954, p. 135), que antes de emprender su viaje es precavido respecto de la amenaza de las flechas envenenadas de los pacaguaras. Lo cierto es que el célebre explorador se topa con una experiencia bien distinta. En 1907, en Cachuela Esperanza, mientras visita la central de la casa Suárez, dieciséis pacaguaras aparecen de repente navegando en canoa por el río sin notar el alboroto que causa su presencia: cunde la alarma, los peones gritan y todos lanzan órdenes contradictorias mientras disparan histéricamente contra los indígenas. Los salvajes ni se inmutaron. El río, en ese punto, tiene seiscientas yardas de ancho, o sea, casi el límite del alcance de un Winchester cuarenta y cuatro. Con serena dignidad, los indígenas pasaron de largo, hasta perderse en algún pequeño afluente. Hubo rostros malhumorados después de la orden de « ¡cese el fuego! », cuando se hizo un balance del gasto de municiones de precio exorbitante. (Fawcett 1954, p. 147)

27 El viajero alemán Richard Wegner afirma que en esa época los pacaguaras suelen aparecer por el Orton y el Abuná atacando los campamentos siringueros. Los caucheros emprenden por su parte expediciones punitivas matando a los hombres y llevándose a las mujeres y a los niños. Wegner refiere, por ejemplo, la anécdota de un timonel que

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 164

rapta una mujer pacaguara del Madidi y la toma por esposa, pero luego la deja porque ésta defeca en la hamaca que comparten por las noches (Wegner 1936, p. 246-247).

28 Así se va construyendo el estereotipo sobre los pacaguaras: díscolos, sucios, peligrosos, imprevisibles. Su aspecto, su lengua, sus costumbres, todo los diferencia de los salvajes más dóciles como los araonas o los cavineños17. El reporte de la expedición de Labre y Mercier subraya en todo momento que los acuerdos con ellos son siempre frágiles, y que hay que entregarles constantemente mercaderías para apaciguarlos. De aquí se adelantó Mercier llevándose a los guías y todos los obsequios destinados para los salvajes […]. Era que estábamos sobre la primera población de Pacaguaras, donde esperaba Mercier ser recibido como un genio bienhechor y poder conseguir así algunos muchachos autoritativamente pero a cambio de los objetos llevados de esta Colonia, para conseguir el pasaje y nada más, a la comisión exploradora. (La gaceta del Norte, 23 de octubre de 1887)

29 En estas circunstancias, no sorprende tampoco que se les endilguen los crímenes más grotescos: A fines del mes de abril, la tribu salvaje de los pacaguaras asaltó la barraca de los señores Suárez y Durán, entre el Río Negro y el Abuná, matando al capataz Benjamín Pérez y a la sirviente Petrona Paniagua. El primero fue descuartizado, llevándose los salvajes, tal vez como bocato di cardinali, ambos brazos. A la segunda intentaron llevársela consigo; pero los gritos de socorro a sus compañeros, próximos a la barraca, obligaron a los salvajes a ultimarla a hachazos, con la misma herramienta que acababan de robarse en el saqueo de la casa. Esta tribu feroz y probablemente antropófaga es la misma que, hace años, asaltó también la barraca del señor Santos Mercado, sobre el río Beni, y la que años más tarde le dio muerte en su establecimiento industrial del Abuná. (La gaceta del Norte, 15 de junio de 1906)

30 No obstante, si en las percepciones caucheras los pacaguaras se presentan como bárbaros irrecuperables, hay que decir que sus parientes caripunas son retratados como iguales o aun peores. Labre y Mercier relatan que encuentran una gran tribu de caripunas « quienes al divisarnos dieron muestras de marcada alegría, salieron a nuestro encuentro y nos hicieron suponer que estas espontáneas manifestaciones eran hijas de la sinceridad », pero se equivocan, pues los indígenas tratan de atacarlos a traición durante la noche (Mercier 1981 [1894], p. 11). Pando no admite medias tintas: « El Caripuna es pérfido y no hay medio de reducirlo al trabajo; para asegurar este territorio y fomentar la industria gomera, la primera medida que se debe tomar, es la de alejarlos o destruirlos por medio de frecuentes batidas » (1897, p. 105-106). El militar asegura que los caripunas del Abuná frecuentan las cachuelas del Madera para prestar auxilio a los viajeros si los superan en número, pero también para atacarlos sin misericordia si son menos que ellos (Pando 1897, p. 106). No se trata del único testimonio: Los caripunas son los que atacan las tripulaciones que hacen el transporte de la carga del comercio de San Antonio al Mamoré y de éste al río Beni. Estos mismos son los que atacan los establecimientos gomeros del Bajo Beni y Orton, hasta la altura de Puerto Rico. Son temibles en sus asaltos y precipitados en la fuga […] cuando son tomados de sorpresa y conducidos como prisioneros, por mejor trato que se les dé, prefieren morir antes que aceptar alimento del enemigo. ¿Serán antropófagos? No cabe la menor duda; y si lo son, no es precisamente por necesidad de carne, sino por la sed de sangre de su carácter belicoso. (Ballivián y Pinilla 1912, p. 75-76)

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 165

Fig. 4 – « Indios Caripunas en la construcción del FFCC Madera-Mamoré (circa 1909) ».

Fuente: Colección Dana Merrill, Catálogo del Museo Paulista de la USP-BNDES.

31 Sin embargo, lo curioso es que en las fuentes brasileñas los caripunas son percibidos de forma muy distinta. Una hipótesis que podemos arriesgar es que estos indígenas habitan la frontera del Acre, problemática entre Bolivia y Brasil, y que muchas opiniones sobre ellos varían en función de la lógica nacionalista. Los caripunas (brasileños) compiten con los chacobos/pacaguaras (bolivianos) por la autoctonía regional: Palacios explora los ríos para el gobierno boliviano y encuentra chacobos por todas partes; los Keller Leuzinger lo hacen para el gobierno brasileño y no encuentran otra cosa que caripunas (Villar et al. 2009, p. 98). Henry Pearson, que describe las relaciones entre los indígenas y las empresas brasileñas que construían el ferrocarril Madera-Mamoré, evoca con nostalgia la abundancia de tortugas y pescado en los campamentos ferroviarios, provistos por los caripunas (1911, p. 128). Neville Craig incluso afirma haber visto caripunas trabajando en las barracas: « Arauz tenía una treintena de personas en Tres Hermanos, fundamentalmente recolectores de goma bolivianos y sirvientes domésticos con cuatro indios caripunas […]. Vivían por sí mismos en una choza vieja, pescaban un poco y eran aun más indolentes que los bolivianos » (1907, p. 256-257). No menos positiva es la opinión de los Keller Leuzinger (1875, p. 57-58): [Caripunas] Los tripulantes, hombres y mujeres, en número de 10 a 12, de los cuales los primeros iban desnudos, nos convidaron para ir a la ranchería. Aceptamos brindándoles cuchillos, tijeras, anzuelos, etc. En cambio nos dieron algunas raíces de yuca y maíz. (Keller Leuzinger y Keller Leuzinger 1870, p. 11) Nos enteramos de que unos meses después la misma tribu había atacado el bote de un mercader boliviano matando al propietario y a cinco de sus vendedores, mientras que su esposa, gravemente herida, había logrado escapar con el resto de los mismos en una de las canoas […]. Sin dudas, lo que sucedió fue que los bolivianos estaban atareados conduciendo a sus botes a través de las rocas, y la dispersión de la tripulación impidió cualquier resistencia seria. No podemos asegurar en modo

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 166

alguno si una provocación del lado boliviano había precedido al atentado. Por detrás del « patrón » los vendedores pudieron haber provocado la cólera de los indios, especialmente por el comportamiento brutal para con las indias. (Keller Leuzinger 1875, p. 149-150)

32 Con mayor o menos claridad, pues, los testimonios brasileños parecen sugerir que la violencia interétnica es un pecado exclusivamente boliviano. En líneas generales, de hecho, la literatura boliviana ciertamente acumula referencias negativas sobre los caripunas, y algunos autores hasta les imputan la matanza de Buen Retiro – atribuida, como hemos visto, a los pacaguaras. Baldivieso informa que por todas partes hay caripunas armados con rifles que asaltan las barracas en el Acre (Baldivieso 1896, p. 61). Para el coronel Quevedo (1875, p. 177), si bien estos indígenas son « tratables », no dudan en cometer actos de violencia. Otro testimonio es el del escritor español Ciro Bayo: « Los verdaderamente peligrosos son los bárbaros que habitan la banda brasileña, entre la boca del Itenes y la cachuela Bananera, los guaras, tribu caripuna, tan bravos y arrogantes, que entran en batalla campal con los viajeros, de los que ordinariamente se apodera el pánico » (Bayo 1911, p. 339). Hay que recordar, en este punto, que los caripunas son los principales imputados por el asesinato del cauchero Gregorio Suárez, en 1873, vengado cruelmente por su hermano Nicolás Suárez, el patriarca gomero que justamente financia de forma privada buena parte de las tropas bolivianas que enfrentan a Brasil durante el conflicto del Acre. Ciro Torres López (1930, p. 194-198) afirma que es un secreto a voces que Nicolás Suárez venga a su hermano dejando latas de alcohol envenenado a orillas del río, que acaban con gran parte de la tribu18. Franz Ritz, un suizo que trabaja para la empresa Braillard, narra los incidentes con un nivel de detalle escabroso: Por otro lado [los caripunas] habían matado a un hermano de Suárez. Él había hecho un viaje de Cachuela Esperanza hacia San Antonio. Un día del viaje, él [Gregorio] recibió la visita de un grupo de garipunas y en esta oportunidad quiso convencerse de si los salvajes eran tan buenos con el arco como se decía. Fueron con flechas y eligieron un blanco. Para mostrarle a los indios que él también se sabía defender muy bien, tiró con su Winchester al mismo blanco con el mismo éxito con que los indios lo hacían con sus flechas. Uno de los indios pareció interesarse en su arma y le hizo saber a Suárez que él también quería intentar tirar. Suárez le explicó el mecanismo y le entregó el arma. Súbitamente el salvaje se volvió con el arma contra Suárez y le disparó. El tiro lo mató y los restantes indios se arrojaron sobre Suárez para robarle la mercadería, aquella que se podían llevar […]. El indignado Suárez [Nicolás] mandó entonces por ese tiempo una expedición de castigo, que viajó con botes de caucho río hacia abajo en el Madera. Como se esperaba, apareció una tarde un grupo de garipunas y se acercaron al bote. De la manera usual fueron obsequiados con té dulce y luego se sirvieron los licores. Suárez había envenenado una parte de los licores con estricnina y los salvajes se emborracharon. Poco tiempo después, naturalmente todo el grupo se murió. Suárez había vengado a su hermano. (Ritz 1934, p. 37)

33 El polo opuesto de este salvajismo irreductible es personificado por los chacobos, descriptos generalmente como indígenas « dóciles » o « mansos » que incluso visitan en grupo los pueblos como Exaltación: Los indios que ocupan la banda boliviana del Mamoré […] son los chacobos y sinabos, tribus mansas de la nación pacaguara, que a veces visitan Exaltación de Mojos y a menudo salen al encuentro de los navegantes, que los llaman « indios gritones » por los japapeos o ademanes y gritos violentos con que llaman la atención […]. Van completamente desnudos, aunque disimulan lo que la decencia manda tapar, con un artificio que despierta hilaridad de los viajeros del Mamoré;

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 167

los cuales, sin distinción, regalan a esta pobre gente con tabaco, yucas y plátanos, amén de algún trago de aguardiente que contribuye a que la despedida sea más ruidosa que la bienvenida (Bayo 1911, p. 338).

34 Luigi Balzan también los caracteriza como seres amistosos, calificados como « indios gritones » por su costumbre de salir al encuentro de los navegantes gritando y haciendo ademanes para captar su atención (Balzan 2008 [1885-1893], p. 331). Si bien suelen ser ponderados como amigables, a veces los chacobos también provocan problemas, sobre todo relacionados con el ganado salvaje que ronda los campos situados entre Beni y el Mamoré, que consideran propio (Bresson 1886, p. 494; Arauz 1868, p. 201-202; Matthews 1875, p. 38). Hay noticias incluso de fugitivos movimas y cayubabas que huyen de las barracas para instalarse entre ellos: Salían antes con frecuencia al río Beni, a buscar plumas para flechas; según han declarado algunos Cayuvabas, que después de haber residido algún tiempo entre los Chacobos, se salieron y han entrado a los trabajos de gomas en el río Beni. (Armentia 1976 [1882], p. 137)

35 En 1909, Erland Nordenskiöld visita a los chacobos. Confiesa que debe pagar « un precio escandaloso » a un tal Vargas para que lo guíe hasta ellos. Vargas posee una plantación de caucho en el lago Rogoaguado, y hay con él « algunas mujeres chácobo y sus hijos ». Junto a Vargas, a sus hijos y a un muchacho chacobo, el sueco emprende el viaje, rodea el lago y finalmente llega al río Caimanes, donde encuentra una aldea chacobo y comienza a atisbar la verdadera naturaleza de la relación entre Vargas y los chacobos: Después de dos días llegamos a un bosque en el que hace cuatro años Vargas visitó a los chácobo. Nos dice que llegó a ser un buen amigo de ellos y que les había ayudado en su lucha contra otra tribu, posiblemente los sirionó. En estas luchas murieron dos chácobo, y sus mujeres e hijos siguieron a Vargas hasta su casa, a donde viven ahora. Uno de éstos es el muchacho que nos acompaña. Pero parece que no se fueron con él tan libremente, como se desprende de lo que más tarde advertí. (Nordenskiöld 2003 [1922], p. 89)

36 Luego de unos días llegan a otra aldea cercana al río Yata, donde logran ser bien acogidos; sin embargo, cuando regresan, advierten que los chacobos han atacado la cabaña del cauchero en clara señal de enemistad, pues, según parece, las mujeres y los niños indígenas no se habían ido con Vargas por voluntad propia (Nordenskiöld 2003 [1922], p. 121).

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 168

Fig. 5 – « Jóvenes chácobos. En el pecho, entre otros adornos, llevan collares de dientes de mono ».

Fuente: Nordenskiöld 2003 [1922].

37 Mansos, amigables, gritones, dóciles, apacibles: son algunos de los epítetos más frecuentes para describir a los chacobos. A diferencia de sus parientes pacaguaras y caripunas, las fuentes no suelen caracterizarlos en forma negativa. Son considerados salvajes por su desnudez, o por sus adornos corporales, pero a la vez todos los testimonios coinciden en recalcar su trato amable. Si bien no trabajan la goma durante el boom cauchero – pues aprenden a hacerlo recién en la década de 1960, por iniciativa de los misioneros del Instituto Lingüístico de Verano (Córdoba 2012b)19– los chacobos merodean las barracas: El día de mi salida llegó una tropa de salvajes a la barraca. Eran chacobos […]. Los chacobos mantenían una relación amistosa con mi anfitrión. Se mezclaban con los obreros, a los cuales conocían aparentemente de visitas anteriores. El motivo de su visita era mendigar azúcar y fósforos. También les gusta fumar cigarrillos, cosa que sólo aprendieron en la barraca. En casa no fuman, tampoco tienen tabaco. (Ritz 1934, p. 138-139)

38 Carl Blattmann trabaja como contador y fotógrafo aficionado en Cachuela Esperanza, lo que le permite retratar la vida en la central así como en las barracas. En su colección de imágenes hay dos fotografías de chacobos retratados a pocos meses de su llegada a Bolivia, en 1906, bajo el título de « Chacobos » y « Bárbaros bailando ». Las fotografías son tomadas en asentamientos relativamente cercanos a Cachuela Esperanza, en un evidente clima de buena voluntad (Centeno y Fernández 1998, p. 23-24). Recordemos, por otra parte, que se trata del mismo lugar y casi del mismo período en el cual la aparición de una canoa con pacaguaras provoca una alarma general y varias descargas de fusilería: sin embargo, los chacobos son bien recibidos en Cachuela cuando buscan herramientas, azúcar, sal, etc.

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 169

39 Nuestro último testigo también es suizo y trabaja para Nicolás Suárez. Ernst Leutenegger se casa con la hija mayor del patriarca gomero, Esperanza, y luego dirige la sucursal de la empresa Suárez & Filhos en Belem do Pará. Al separarse de Esperanza se muda a Londres, donde sigue trabajando para la compañía hasta su muerte en 1942. Cuando escribe sus andanzas bolivianas, Leutenegger afirma que no recuerda chacobos trabajando en las barracas, pero sí otros indígenas. Traba amistad con varios chacobos, e incluso salva la vida del hijo enfermo de un cacique. Y a los chacobos, justamente, dedica el final de su libro: Bajó el precio de la goma… La Madera-Mamoré fue inaugurada… Cachuela: progreso… Clubes… tenis… cine… teatro… hospital… Únicamente mis antiguos vecinos, los indios Chacobo de los ríos Benicito y Geneshuaya, no se habían dejado influir ni echado a perder por el barullo de la goma sino que seguían viviendo su existencia soñadora en la selva, sin preocuparse, modestos y contentos, como si el tiempo y el cambio no existieran. (Leutenegger 1940, p. 312)

Barbarie en plural

40 El estudio comparado del imaginario cauchero sugiere que las categorizaciones de la alteridad étnica no son objetivas, traslúcidas, directas, sino que son construcciones ideológicas que ganan densidad simbólica con el correr del tiempo, a medida que se autonomizan y se liberan de su contexto de producción. Imágenes que toman sentido al ser fraguadas, circuladas, negociadas, reinventadas según las diferentes racionalidades e intereses de cada contexto (Chaumeil 2009). En el caso particular del boom cauchero en Bolivia, el modelado ideológico del indígena amazónico supone desde el vamos una mediación textual ineludible; en este sentido, hay que preguntarse hasta qué punto vale la pena suponer que, con todas sus idiosincrasias y preconceptos, los testimonios de caucheros, funcionarios, misioneros, militares, exploradores, naturalistas, etc. son « distorsiones » de una imagen « en sí », originaria, auténtica, o si se trata más bien de discursos productivos, en el sentido de que se nutren de la trama relacional del contacto para generar diferencias e identidades (Pratt 2011).

41 Más o menos arraigados, más o menos conscientes, intereses económicos, agendas políticas, concepciones de la ciudadanía, disputas fronterizas, ideologías raciales, utopías, moralidades: todos estos factores parecen operar como componentes cruciales de los estereotipos étnicos. Si recapitulamos las imágenes sobre el indígena amazónico que nos legan los cuarenta años del boom cauchero en Bolivia, y pensamos en los juegos de similitudes y contrastes entre la fluidez de la adaptación araona, la diplomacia pintoresca de los chacobos o la violencia sistemática atribuida a los caripunas, es evidente que las representaciones étnicas mutan en función del enunciador o de los contextos, como queda claro en el caso de las disputas limítrofes, que alteran drásticamente la percepción de los caripunas según se privilegie el punto de vista « boliviano » o « brasileño ».

42 ¿Basta entonces, en estas circunstancias, con afirmar que los indígenas del boom cauchero no son todos iguales? Con su énfasis en el discurso republicano del progreso y la civilización, el paradigma oficial sobre la cuestión indígena nos propone una primera gran divisoria de aguas que no es más ni menos que la vieja oposición entre « indios » y « blancos ». Categorías reductoras, genéricas, que operan como si hubiera bloques sociales homogéneos (cuando sabemos que los araonas combaten con los pacaguaras, los misioneros con los caucheros, los brasileños con los bolivianos, etc.) e incluso

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 170

actores invariantes (cuando sabemos que los « cavineños » se transforman en « tacanas », o viceversa, y que los « pacaguaras » se convierten en « chacobos »). Entonces, ¿qué « indios » y qué « blancos »? Podemos preguntar, además, según este marco interpretativo, dónde ubicar los actores mestizos, protagonistas crecientes de la historia con el correr de las décadas, muchas veces más numerosos que los « indios » o incluso que los « blancos » (Combès 2010, p. 16).

43 Las fuentes responden al dilema casi intuitivamente. Descomponen el « polo indio » en un segundo nivel de contraste: indígenas « civilizados » (cayubabas, baures, movimas, etc.) versus indígenas « salvajes » o « bárbaros » (araonas, cavineños, chacobos, pacaguaras, caripunas). Por un lado, exponen la inventiva, la flexibilidad estratégica y la capacidad de adaptación de distintos grupos étnicos que se integran exitosamente a la sociedad nacional y gradualmente logran acceder a sus derechos como ciudadanos plenos. Por otro lado, a contramano, silenciados, marginalizados, están los bárbaros. Naturalmente, esta nueva dicotomía entre indígenas « civilizados » y « salvajes », cuyos antiguos avatares son los indios « mansos » y « bravos », « amigos » y « salvajes », « conversos » y « apóstatas », no tiene nada de novedoso; se entronca, o más bien se retroalimenta, con el discurso misionero que precede a la época del auge cauchero (y aun podría remontarse más allá, si pensamos en diversas categorías genéricas de la alteridad salvaje: « antis », « chunchos », « chiriguanos », « guarayos », etc.). Hay indios e indios, pues, y hay también toda una serie de razones que lo explican – y explican, incluso, que haya muchos más estudios consagrados a los primeros que a los segundos. Porque, en las tierras bajas bolivianas, una cosa son los indígenas que pasan por el tamiz jesuítico y otra aquellos que no. Sabemos que hay epidemias, guerras, relaciones interétnicas, procesos de misionización o articulación con el mercado bien distintos. Por sobre todo, la disciplina misional explica que haya (¿causa o consecuencia?) indígenas con o sin apellidos, más o menos dóciles, más o menos socializados, más o menos sedentarizados y adaptables a las demandas de la fe, la moral, el mercado laboral y la causa republicana. Lo cual implica necesariamente que haya otros grupos que en esos términos no pueden ser definidos más que por la negativa: aquellos que no tienen apellido, pudor, religión, cultura ni capacidad de generar excedentes.

44 Sea novedad o intensificación sedimentada de un proceso previo, lo notable del discurso cauchero sobre el indígena amazónico es que, cuando comenzamos a observarlos más de cerca, los términos de la fractura entre « mansos » y « bravos » se desdibujan una vez más. Por lagunas en las fuentes, por sesgos de la información o por intereses de los agentes mediadores, sí, pero sobre todo por el hecho de que los mismos atributos que distinguen en bloque a los « civilizados » de los « salvajes » (suciedad, inmoralidad, violencia, antropofagia) reaparecen para diferenciar, en un tercer nivel de oposición, a los mismos « salvajes » entre sí: al menos a unos que podríamos llamar « salvajes más civilizados » (araonas, cavineños) de otros que parecen ser « salvajes menos civilizados » (pacaguaras, chacobos, caripunas). A los bárbaros dóciles de los imposibles: a aquellos que en ciertas circunstancias tal vez lleguen a encarnar el ideal de socialización aceptando las reglas de juego del mercado, el matrimonio o el civismo (p. ej. la esposa cavineña de Robuchon, adaptada a la vida social francesa), de aquellos otros que difícilmente puedan traspasar esa barrera (la esposa pacaguara expulsada de la hamaca conyugal por su falta de higiene)20.

45 La salida más directa, naturalmente, sería pedir ayuda a la lingüística o a la etnología. De un lado los tacanas, del otro los panos. Los primeros se involucran de forma directa

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 171

en la producción cauchera; los segundos lo hacen apenas de forma indirecta con su reproducción. Hay indios y blancos, claro; hay indígenas civilizados y salvajes, también; hay, por fin, salvajes más y menos salvajes. Pero en realidad la introducción de la variable lingüística tampoco alcanza para dirimir el problema. Porque aun así, en un cuarto nivel de discriminación, si nos detenemos por ejemplo en el caso de los panos, las fuentes nos permiten distinguir otra vez entre salvajes más salvajes que son menos salvajes (chacobos), salvajes más salvajes que son más salvajes que ellos (pacaguaras), e incluso otros salvajes más salvajes que son todavía más salvajes (caripunas). Lo absurdo del juego de palabras refleja en cierta forma la inestabilidad relacional del imaginario. Porque lo complejo de este juego de redundancias, al fin y al cabo, es que en la medida en que aproximamos el zoom analítico para abarcar parcialidades, comunidades, familias extensas e individuos se repite lo mismo: « civilización » y « barbarie » se nos presentan como cualidades relativas. En cada nivel del discurso dualista reaparece un segmento más salvaje y otro más civilizado, como si la representación – al menos para este período y para este caso puntual – estuviera forzada a pensar la alteridad en términos relacionales, pero a la vez jerárquicos o al menos contrapuestos. Deberá bastar, por el momento, con la constatación descriptiva de que el imaginario cauchero del indígena amazónico construye sus representaciones de forma relacional, y que los discursos de la alteridad que producen « etnias », « salvajes » e « indígenas » en las fuentes no pueden reducirse en ningún caso a una lógica única, transparente y unívoca.

BIBLIOGRAFÍA

ACS Archivo Casa Suárez (Guayaramerín)

ALONSO O. Rafael y Rossana ARBAIZA G. (eds.) 2008, Papachí ese eja. Misioneros dominicos y huarayos: una historia interrumpida, Centro Cultural José Pío Aza, Lima.

ANÓNIMO 1894, El doctor don Antonio Vaca Díez. Sus antecedentes. Su obra.Sus detractores, Imprenta y Litografía de El Comercio, Cochabamba.

ARAUZ Ignacio 1868, « New fluvial outlet for Bolivia », in George Earl Church (ed.), Explorations made in the valley of the river Madeira, from 1749 to 1868, National Bolivian Navigation Company, Londres, p. 189-202.

ARMENTIA Nicolás 1976, Diario de sus viajes a las tribus comprendidas entre el Beni y el Madre de Dios y en el arroyo Ivon en los años de 1881 y 1882, Instituto Boliviano de Cultura, La Paz [1882].

1885, Exploración oficial mandada efectuar del Madre de Dios en 1884, Imprenta El Nacional, La Paz.

BALDIVIESO Pastor 1896, Informe que presenta al señor Ministro de Colonización el Intendente de la Delegación nacional en el Noroeste, teniente coronel Pastor Baldivieso. Bolivia, Riberalta, Taller Tipo-Litográfico, La Paz.

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 172

BALLIVIÁN Manuel y Casto PINILLA 1912, Monografía de la industria de la goma elástica en Bolivia, Dirección General de Estadística y Estudios Geográficos, La Paz.

BALZAN Luigi 2008, A carretón y canoa. La obra del naturalista Luigi Balzan en Bolivia y (1885-1893), Clara López Beltrán (ed.), IFEA/IRD/Embajada de Italia/Plural Editores, La Paz [1885-1893].

BARHAM Bradford y Oliver COOMES 1994, « Wild rubber: industrial organisation and the microeconomics of extraction during the Amazon rubber boom (1860-1920) », Journal of Latin American studies, 26 (1), p. 37-72.

BAYO Ciro 1911, El peregrino en Indias. En el corazón de la América del Sur, Librería de los Sucesores de Hernando, Madrid.

BETHELL Leslie (ed.) 1991, Historia de América latina. América latina: economía y sociedad, c. 1870-1930, t. 7, Editorial Crítica, Barcelona.

1991, Historia de América latina. América del Sur, c. 1870-1930, t. 10, Editorial Crítica, Barcelona.

BRESSON André 1886, Bolivia, sept années d’explorations, de voyages et de séjours dans l’Amérique australe, prefacio de M. Ferdinand de Lesseps, Challamel Ainé, París.

BROHAN Mickaël y Enrique HERRERA 2008, « Prólogo de los editores », in Alfredo Tabo Amapo, El eco de las voces olvidadas. Una auto- etnografía y etnohistoria de los cavineños de la Amazonía boliviana, IWGIA, Copenhague, p. 12-45, 206-280.

CAMARGO Eliane y Diego VILLAR (orgs.) 2013, Huni kuin hiwepaunibuki. A história dos Caxinauás por eles mesmos, Serviço Social do Comércio, San Pablo.

CASTILLO Marius del 1929, El corazón de la América meridional (Bolivia), t. 1, Imprenta Comercial, Barcelona.

CENTENO Ricardo y Patricia FERNÁNDEZ O. 1998, Imágenes del auge de la goma, La Papelera, La Paz.

CHAUMEIL Jean-Pierre 2009, « Guerra de imágenes en el Putumayo (1902-1920) », in Alberto Chirif y Manuel Cornejo Chaparro (eds.), Imaginario e imágenes de la época del caucho: los sucesos del Putumayo, CAAAP/ IWGIA/UPC, Lima, p. 37-73.

COIMBRA Juan B. 2010, Siringa. Memorias de un colonizador del Beni, Librería Editorial GUM, La Paz [1946].

COFFACI DE LIMA Edilene y Lorena CÓRDOBA (eds.) 2011, Os outros dos outros: relações da alteridade na etnologia sudamericana, UFPR, Curitiba.

COMBÈS Isabelle 2010, « ¿Indios y blancos? Hacer (etno)historia en las tierras bajas bolivianas », Boletín americanista, 60, p. 15-32.

CÓRDOBA Lorena 2012a, « El boom cauchero en la Amazonía boliviana: encuentros y desencuentros con una

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 173

sociedad indígena (1869-1912) », in Diego Villar y Isabelle Combès (eds.), Las tierras bajas de Bolivia: miradas históricas y antropológicas, Editorial El País (Colección de ciencias sociales, 29), Santa Cruz de la Sierra, p. 125-156.

2012b, « Misioneros-patrones e indígenas-siringueros: el caucho entre los chacobos del Beni (siglo XX) », Boletín americanista, 65, p. 85-106.

2008, Parentesco en femenino: género, alianza y organización social entre los chacobo de la Amazonía boliviana, tesis doctoral, Universidad de Buenos Aires, Buenos Aires.

CHÁVEZ SAUCEDO Medardo 2009, Eldorado boliviano, Fundación NOVA, Santa Cruz de la Sierra [1926].

CRAIG Neville 1907, Recollections of an ill-fated expedition to the headwaters of the Madeira river in Brazil, J. B. Lippincott Company, Filadelfia/Londres.

ECHEVERRI Juan Álvaro 2010, « La suerte de Robuchon », in Eugenio Robuchon, En el Putumayo y sus afluentes, Biblioteca del Gran Cauca, Universidad del Cauca, Lima, p. 19-56.

EDWARDS Herbert 1915, « Further frontier work on the Bolivia-Brazil northern boundary », The geographical journal, 45 (5), p. 384-402.

ERIKSON Philippe 1993, « Une nébuleuse compacte: le macro-ensemble pano », L’Homme, 126-128, p. 45-58.

FAWCETT Percy 1954, Exploración Fawcett, Zig-Zag S.A., Santiago de Chile.

FERRIÉ Francis 2014, Renaissance des Leco perdus. Ethnohistoire du piémont bolivien d’Apolobamba à Larecaja, thèse de doctorat, Université Paris Ouest Nanterre La Défense, Nanterre.

FIFER Valerie 1970, « The empire builders: a history of the Bolivian rubber boom and the rise of the house of Suarez », Journal of Latin American studies, 2 (2), p. 113-146.

GAMARRA TÉLLEZ María del Pilar 2007, Amazonía norte de Bolivia. Economía gomera (1870-1940). Bases económicas de un poder regional. La Casa Suárez, Colegio Nacional de Historiadores de Bolivia/CIMA, La Paz.

GARCÍA JORDÁN Pilar 2001, Cruz y arado, fusiles y discursos. La construcción de los Orientes en el Perú y Bolivia, 1820-1940, IFEA/IEP, Lima.

GIGLIOLI Enrico 1906, « Appunti sulle condizioni attuali delle tribu indigene dell’alto Madeira e región adiacenti (Brasile e Bolivia). Raccolti dal Dott. Andre Landi », Archivio per l’antropologia e la etnologia, 36, p. 219-228.

GUITERAS MOMBIOLA Anna 2012, De los llanos de Mojos a las cachuelas del Beni, 1842-1938, Instituto de Misionología/Editorial Itinerarios, Cochabamba/Archivo y Biblioteca Nacionales de Bolivia, Sucre.

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 174

HEATH Edwin 1969, « Informe sobre los estudios hechos en el departamento del Beni en los años 1879-1880-1881 » [1879-1881], Colección de folletos bolivianos de hoy, 4 (20), p. 7-15.

1896, La exploración del río Beni, anotada y traducida por Manuel Ballivián, Imprenta de la Revolución, La Paz.

HERRERA SARMIENTO Enrique 2011, Multiculturalisme et ethnicite en Amazonie bolivienne. La gestion publique des différences ethniques et l’invention des Indiens Tacana, thèse de doctorat, Université de la Sorbonne Nouvelle, Paris.

KELLER LEUZINGER Francisco 1875, The Amazon and Madeira rivers. Sketches and descriptions from the note-book of an explorer, Chapman and Hall, Londres.

KELLER LEUZINGER José y Francisco KELLER LEUZINGER 1870, Exploración del río Madera en la parte comprendida entre la cachuela San Antonio y la embocadura del Mamoré por los ingenieros brasileros José y Francisco Keller, Imprenta de la Unión Americana, La Paz.

La gaceta del Norte (Riberalta) 1887, 23 de octubre de 1887.

1887, 9 de noviembre de 1887.

1904, 15 de septiembre de 1904.

1906, 15 de junio de 1906.

LEUTENEGGER Ernst 1940, Menschen im Urwald: ein Schweizer erlebt Bolivien, M. S. Metz, Zürich.

LIMPIAS SAUCEDO Manuel 2005, Los gobernadores de Mojos, Prefectura del Departamento del Beni, Trinidad [1942].

MATTHEWS Edward 1875, « Report to the directors of the Madeira and Mamoré Railway Company Limited », in George Earl Church (ed.), Explorations made in the valley of the river Madeira, from 1749 to 1868, Waterlow and Sons, Londres, p. 1-90.

MARIACA Timoteo 1987, « Exploración al río Acre » [1887], Colección de folletos bolivianos de hoy, 3 (19), p. 3-32.

MARKHAM Clements 1883, « The basins of the Amaru-Mayu and the Beni », Proceedings of the Royal geographical society and monthly record of geography, 5 (6), p. 313-327.

MENDIZÁBAL Santiago 1932, Vicariato apostólico del Beni. Descripción de su territorio y sus misiones, Imprenta Renacimiento, La Paz.

MERCIER Víctor 1981, « Diario de una expedición del Madre de Dios al río Acre » [1894], Colección de folletos bolivianos de hoy, 3, p. 3-16.

NORDENSKIÖLD Erland 2003, Indios y blancos en el Nordeste de Bolivia, APCOB/Plural, La Paz [1922].

2001, Exploraciones y aventuras en Sudamérica, APCOB/Plural, La Paz [1924].

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 175

PANDO José Manuel 1897, Viaje a la región de la goma elástica (N.O. de Bolivia), Imprenta El Comercio, Cochabamba.

1892, « Informe que el jefe de la Exploración de los ríos del Norte de Bolivia, eleva al conocimiento del Supremo Gobierno, en cumplimiento del contrato celebrado el 30 de mayo de 1892 », Archivo de La Paz, Fondo José Manuel Pando, 1891-1897, no 2.

PAREDES PANDO Oscar 2013, Explotación del caucho-shiringa: Brasil-Bolivia-Perú. Economías extractivo-mercantiles en el Alto Acre-Madre de Dios, t. 2, JL Editores, Cuzco.

PEARSON Henry 1911, The rubber country of the Amazon. A detailed description of the great rubber industry of the Amazon valley, which comprises the brazilian states of Para, Amazonas and Matto Grosso. The territory of the Acre, the Montana of Peru and Bolivia, and the southern portions of Colombia and Venezuela, The India Rubber World, Nueva York.

PICCOLI Jacó 1993, Sociedades tribais e a expansão da economia da borracha na área Jurua-Purus, tese de doutorado, Pontificia Universidade Católica de São Paulo, San Pablo.

PIEDRAFITA IGLESIAS Marcelo 2010, Os Kaxinawá de Felizardo: correrias, trabalho e civilização no Alto Juruá, Paralelo 15, Brasilia.

PRATT Mary Louise 2011, Ojos imperiales. Literatura de viajes y transculturación, Fondo de Cultura Económica, México.

QUEVEDO Quintín 1875, « The Madeira and its headwaters », in George Earl Church (ed.), Explorations made in the valley of the river Madeira, from 1749 to 1868, National Bolivian Navigation Company, Londres, p. 167-188.

QUIJARRO Antonio 1893, Conferencia pronunciada el 18 de junio por el Doctor Antonio Quijarro exponiendo considerandos de la actualidad acerca de los ríos Madre de Dios, Aquiry y Purús, Imprenta El Comercio, La Paz.

RICHARD Nicolas 2013, « Aproximación al problema de los caminos, u odografía, en el Chaco y en la Puna contemporáneos », in Pablo Sendón y Diego Villar (eds.), Al pie de los Andes. Estudios de etnología, arqueología e historia, Itinerarios/ILAMIS, Cochabamba, p. 47-70.

RITZ Franz 1934, Kautschukjäger im Urwald, Orell Füssli Verlag, Zürich/Leipzig.

ROCA José Luis 2001, Economía y sociedad en el Oriente boliviano (Siglos XVI-XX), COTAS, Santa Cruz de la Sierra.

ROYAL GEOGRAPHICAL SOCIETY 1889, « Colonel Labre’s explorations in the region between the Beni and Madre de Dios rivers and the Purus », Proceedings of the Royal geographical society and monthly record of geography, 11 (8), p. 496-502.

SANABRIA FERNÁNDEZ Hernando 2009, En busca de Eldorado. La colonización del Oriente boliviano, La Hoguera Investigación, Santa Cruz de la Sierra [1958].

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 176

SANJINÉS Fernando de 1895, Ligeros apuntes de viaje, La Paz.

TABO AMAPO Alfredo 2008, El eco de las voces olvidadas. Una auto-etnografía y etnohistoria de los cavineños de la Amazonía boliviana, IWGIA, Copenhague.

TORRES LÓPEZ Ciro 1930, Las maravillosas tierras del Acre (en la floresta amazónica de Bolivia), Talleres del Colegio Don Bosco, La Paz.

VALLVÉ Frederic 2010, The impact of the rubber boom on the indigenous peoples of the bolivian lowlands (1850-1920), tesis doctoral, Georgetown University, Washington.

VAN VALEN Gary 2003, The ventriloquist messiah and his followers: Mojo Indian responses to the rubber boom in eastern Bolivia, 1860-1930, doctoral dissertation, The University of New Mexico, New Mexico.

2013, Indigenous agency in the Amazon. The Mojos in liberal and rubber-boom Boliiva, 1842-1932, The University of Arizona Press, Arizona.

VILLAR Diego, Lorena CÓRDOBA y Isabelle COMBÈS 2009, La reducción imposible. Las expediciones del padre Negrete a los pacaguaras (1795-1800), Nómadas/ ILAMIS, Cochabamba.

WEGNER Richard 1936, Zum Sonnentor durch Altes Indianerland, L. C. Wittich, Verlag/Darmstadt.

WEINSTEIN Barbara 1983, The Amazon rubber boom, 1850-1920, Stanford University Press, Stanford.

NOTAS

1. Utilizaremos como sinónimos los términos « caucho », « goma » o « siringa » más allá de sus diferencias técnicas; de hecho, vale notar que la forma de extracción y los modos de recolección del « caucho » (Castilla elastica) y la « goma » (Hevea Brasiliensis), así como sus diversos subproductos, difieren sustancialmente. Para una descripción más pormenorizada, ver Barham y Coomes 1994, p. 45 y ss. 2. En este mapa puede ubicarse la gran mayoría de los grupos étnicos mencionados en el texto, así como los principales ríos, puertos y localidades. 3. Para mayores detalles sobre el auge cauchero en Bolivia, ver Fifer 1970; Roca 2001; Van Valen 2003, 2013; Gamarra Téllez 2007; Vallvé 2010; Córdoba 2012a; Guiteras Mombiola 2012. 4. La metáfora arbórea trasciende el campo específico de la industria gomífera, y de hecho sirve para repensar el funcionamiento de otras modalidades extractivas del período tanto en los Andes (minería) como en el Chaco (ingenios azucareros) (Richard 2013). 5. En Bolivia se utiliza como sinónimo la palabra « cauchero » para denominar a todo aquel que se dedica a extraer caucho o goma; en Brasil ocurre lo mismo con el término « seringueiro » o « seringalista ». En Perú, en cambio, existe una diferencia lexical pues

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 177

se denomina shiringa a la goma elástica, siendo « siringuero » el que se dedica a la misma y « cauchero » quien lo hace solamente al caucho. La lexicografía cauchera ofrece otros préstamos lingüísticos, debidos sin dudas a la condición fronteriza de la industria, como « habilito », que deriva del portugués « aviamento ». Sobre las diferencias de las industrias caucheras en estos tres países ver Paredes Pando (2013). 6. Más allá de la participación de Perú o de Bolivia en la industria, la goma fue el gran motor de la exportación brasileña antes de la primera guerra mundial. De la región amazónica ocupada en 1880 por los tres países salieron 8.635 toneladas de goma, cuya enorme mayoría era de origen brasileño. Para 1910 la cifra era ya de 26.693 toneladas (Bethell 1991, vol. 7, p. 14). 7. Mario Guedes, cit. en Weinstein 1983, p. 23. Por más que la industria siga trabajando a escala local, el impulso macroeconómico del boom gomero se agota a partir de 1912, cuando cae el precio de la goma por la aparición en el mercado de plantaciones inglesas en Malasia, con cuyos precios no pueden competir las casas comerciales sudamericanas (véase Bethell 1991, vol. 10, p. 343). 8. Para una comparación con Perú y Brasil, ver Paredes Pando (2013). 9. Para la antítesis laica de este argumento, ver Pando 1892, p. 4 (véase Córdoba 2012a). 10. Todo sugiere que se trata de los mismos grupos, o de mezclas entre ellos o acaso también con otros grupos, aunque categorizados en clave territorial más que étnica: así, se habla de los « indios de Ixiamas », donde habitaban por ejemplo los cayubabas, pero sabemos que allí también había otros grupos; en todo caso, vale destacar que se trata de criterios compatibles aunque a veces contradictorios (Brohan y Herrera 2008; Villar et al. 2009; Ferrié 2014). 11. Todas las traducciones son nuestras. 12. No hemos incluido aquí a los tacanas stricto sensu porque no suelen ser mencionados como « grupo » en las fuentes del siglo XIX. Obviamente se los confunde con los araonas o los cavineños por la superposición de criterios lingüísticos, étnicos, territoriales, etc. Sin embargo, algunos autores son concientes de la dificultad. Uno es el naturalista italiano Luigi Balzan (2008 [1885-1893], p. 174-175) y otro Marius del Castillo (1929, p. 254, 261), que registra un censo de la barraca Fortaleza en el río Beni: 111 peones son « oriundos del Beni » que hablan el tacana, mientras que otros 130 son efectivamente tacanas (en menor cantidad aparecen baures, maropas y lecos). Para mayores precisiones respecto del problema, véanse Brohan y Herrera 2008; Herrera 2011. 13. Paradójicamente, y como para no perder de vista el horizonte de ambigüedad que caracteriza a las relaciones interétnicas, en ese mismo establecimiento un araona asesina a su mujer unos años más tarde, y vuelve a surgir la grotesca acusación de canibalismo: « Un indígena antropófago. Uno de los centros del establecimiento Camacho ha sido teatro del horroroso crimen que vamos a relatar, cometido por un indio de la tribu Araona en la persona de su consorte y cuyos nombres ignoramos. Es el hecho que el marido, cegado por los celos, aprovechando que su mujer se hallaba en completa beodez, dio principio a su desenfrenada antropofagia, comiéndose las partes genitales, un brazo, el pómulo derecho y la nariz. Es de advertir que este monstruoso salvaje, antes de comenzar a su tarea, ya se había devorado medio chancho crudo » (La gaceta del Norte, 15 de septiembre 1904). Si esta denuncia no parece demasiado seria tampoco parecen serlo las acusaciones del cura Sanjinés, que atribuye a « los araonas del capitán Nico » un asesinato en la barraca Humaitá, en venganza por los excesos

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 178

gomeros. Sabemos que el propio Pando (1897, p. 106) atribuye este mismo hecho a los indios caripunas, y que en la tribu del susodicho Nico (caripuna) hay mezclados pacaguaras y caripunas, pero no araonas. De igual modo, el tipógrafo Juan Coimbra es el único en afirmar – erróneamente – que los araonas asesinan al cauchero Gregorio Suárez (2010 [1946], p. 140). 14. No siempre los documentos indican la filiación étnica del trabajador en lugar de su apellido, y en esos casos se trata mayormente de movimas, cayubabas o canichanas. Otras veces aparece consignado el lugar de nacimiento (por ej. río Orton) y se indica « Araona » como apellido. No obstante, hay que recordar que estos censos no contemplan la totalidad de la población indígena que efectivamente trabajó para la firma, pues no era raro que se perdieran los nombres de los picadores indígenas, último eslabón de la cadena productiva (Frederic Vallvé, comunicación personal). 15. Si bien la historiografía de las relaciones interétnicas entre los panos y tacanas de la Amazonía boliviana está apenas en su fase inicial, parece indudable que existió un entramado de intercambios que iba mucho más allá de las fronteras lingüísticas (Brohan y Herrera 2008; Villar et al. 2009; Coffaci de Lima y Córdoba 2011). 16. Véase Limpias Saucedo 2005 [1942], p. 240-241. Según Torres López (1930, p. 194-198), en cambio, los protagonistas de la matanza son los caripunas. 17. Lo que más llama la atención es la ornamentación facial, como por ejemplo el rësëti, adorno nasal colocado en los rituales de iniciación, hecho generalmente de caña y adornado en sus extremidades con plumas de aves (Córdoba 2008): « El Pacaguara se diferencia a primera vista por la manera de desfigurarse la cara […]. Las orejas se traspasan con largos dientes de jabalí, de un peso considerable. El pene está atado al abdomen con un cordel que se amarra en un cordón de cintura » (La gaceta del Norte, 9 de noviembre de 1887). 18. Si bien no menciona directamente a la dinastía Suárez, el etnólogo italiano Andrea Landi comenta el episodio refiriendo que « un boliviano » envenenó alcohol con arsénico para dárselo a los caripunas en venganza por la muerte de un hermano (Landi cit. por Giglioli 1906, p. 222). 19. Debido al recorte diacrónico escogido para este trabajo (1870-1910), no disponemos de fuentes orales sobre la otra cara de la moneda, con el testimonio directo de la visión indígena – o mejor, de las percepciones indígenas – acerca del boom cauchero. La construcción del imaginario del nativo en estas condiciones, que incluyen la innegable mediación textual de caucheros, funcionarios, misioneros, militares, exploradores, naturalistas, etc., es el proceso que queremos abordar. Sin embargo, también es cierto que la industria gomífera no se detuvo por completo en la región amazónica luego de la caída general de 1912, sino que siguió operando regionalmente a nivel local durante varias décadas, teniendo una presencia más o menos constante e incluso algunos repuntes generalizados, como en la Segunda Guerra mundial. Es así que, si se deja de lado el foco espacio-temporal en el período del auge cauchero boliviano, y se analizan comparativamente los desarrollos locales de la industria durante el siglo XX, se encontrará que numerosos grupos indígenas se involucraron de forma más o menos activa en la maquinaria gomífera y generaron al hacerlo un corpus creciente de relatos a partir de sus experiencias (p. ej. Piccoli 1993; Alonso y Ardaiza 2008; Tabo Amapo 2008; Piedrafita Iglesias 2010; Córdoba 2008, 2012b; Paredes Pando 2013; Camargo y Villar 2013). El análisis comparado de estas memorias individuales y

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 179

colectivas es un tema ciertamente crucial, pero por obvias razones de recorte temático, diacrónico e incluso de espacio no podemos emprenderlo en esta ocasión. 20. Vale recordar, sin embargo, que al menos en Mojos, desde finales del siglo XVIII, tanto las autoridades seculares como las religiosas procuran promover el mestizaje entre indígenas « bárbaros » (por ejemplo pacaguaras) y « civilizados » (por ejemplo cayubabas) para facilitar el proceso de colonización « licuando » la diferencia de los primeros (Villar et al. 2009: 101).

RESÚMENES

Se analiza la construcción de los diferentes discursos, miradas y representaciones en torno de los indígenas de la región amazónica boliviana durante el boom del caucho. Desde fines del siglo XIX hasta las primeras décadas del siglo XX, las sociedades indígenas de esa zona mantuvieron relaciones ambivalentes (comercio, alianza, enfrentamientos bélicos) con el frente colonizador. Sin embargo, las imágenes y representaciones sobre ellas no fueron estables ni homogéneas, puesto que araonas, cavineños, pacaguaras, caripunas y chacobos fueron estereotipados de diversas maneras por sus observadores.

The paper analyses the construction of discourses, views and representations about the indigenous societies of Bolivian Amazonia during the rubber boom. From the final decades of the 19th century to the beginnings of the 20th, the vernacular societies held ambivalent relations with the colonization forces (commerce, alliance, armed clashes, etc.). Nevertheless, the images and representations about them were neither stable nor homogeneous, because the Araona, Cavineño, Pacaguara, Caripuna and Chacobo were stereotyped in different ways by their observers.

Ce texte analyse la construction des différentes représentations, images et discours forgés sur les Indiens de l’Amazonie bolivienne au cours du boum du caoutchouc. De la fin du XIXe siècle jusqu’aux premières décennies du XXe siècle, les sociétés indiennes de la région ont maintenu des relations ambivalentes (commerce, alliance, affrontements belliqueux) avec le front colonisateur. Cependant, leurs images et leurs représentations ne furent ni stables ni homogènes : Araona, Cavineño, Pacaguara, Caripuna et Chacobo ont donné lieu à des stéréotypes différents.

ÍNDICE

Palabras claves: Amazonía boliviana, indígenas, representaciones, caucho Mots-clés: Amazonie bolivienne, Indiens, représentations, caoutchouc Keywords: Bolivian Amazonia, Indians, representations, rubber boom

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 180

AUTOR

LORENA I. CÓRDOBA

Conicet, Universidad de Buenos Aires, Argentina [[email protected]]

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 181

Las músicas amerindias del Chaco argentino entre la hibridación y la exotización La musique amérindienne du Chaco argentin entre l’hybridation et l’exotisation Amerindian music of the Argentine Chaco, between hybridization and exoticization

Silvia Citro y Soledad Torres Agüero

NOTA DEL EDITOR

Manuscrit reçu en juin 2014, accepté pour publication en février 2015.

Introducción

1 En Argentina, así como en otros países de América Latina, las músicas indígenas circulan cada vez más por complejos entramados constituidos por diversas instituciones culturales y educativas, mercados, prácticas sociales, ejecutantes y públicos. Principalmente en la última década, tanto los organismos multilaterales internacionales como los Estados nacionales generaron legislaciones y políticas culturales que promueven la « salvaguardia » y « revalorización » del « patrimonio cultural inmaterial » de los diversos grupos, y especialmente de los numerosos pueblos indígenas de la región. Ejemplo de ello es la « Convención para la Salvaguardia del Patrimonio Cultural Inmaterial », promulgada por la Unesco en 2003, y en el caso del Estado argentino, de la Ley 26118, sancionada tres años después ratificando esta Convención y adhiriendo a todos sus artículos. Si bien estos nuevos discursos subrayan los aspectos dinámicos de la cultura y la « recreación constante » del patrimonio por las comunidades, diversos autores también señalan las tensiones entre preservación y transformación que surgen en torno a las expresiones activadas como patrimonio, en

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 182

tanto se convierten en objeto de políticas que involucran la obtención de recursos para evitar su abandono o alteración (Prats 1997; García Canclini 1999; Lacarrieu 2000, 2008; Guigère 2006; Crespo et al. 2007; Citro y Torres Agüero 2012).

2 Asimismo, estos mandatos institucionales de « salvaguardia » y « preservación » suelen coexistir con mercados culturales en los que la diversidad cultural e incluso el exotismo se han convertido en cualidades valoradas, junto con las tendencias a la mercantilización y espectacularización. Con la ampliación de las industrias del ocio y del turismo, que implicó desde la promoción turística de rituales, festivales y otras expresiones locales hasta la difusión de la denominada World Music, se fue ampliando la circulación y el consumo de las músicas indígenas, especialmente entre clases medias urbanas no indígenas. Estos procesos suelen dar lugar a importantes transformaciones, tanto en la estética como en las significaciones y finalidades asignadas a estas expresiones. De esta manera, hoy se constituyen en producciones culturales que suelen operar como signos estéticos híbridos que dan cuenta de las tensiones entre un mandato global multicultural y patrimonializante de « autenticidad » y/o re- producción de un supuesto género tradicional y la hibridez que favorece el mercado cultural contemporáneo, a través de la incorporación creativa, y a veces también coercitiva, de diferentes influencias estéticas hegemónicas.

3 Si bien en América Latina, ya desde los tiempos de la colonia el arte fue campo de hibridación y mestizaje, especialmente entre movimientos europeos como el barroco y algunas tradiciones indígenas que se expresaron sobre todo en las artes visuales y la arquitectura (Gruzinsky 2000), a partir de los procesos de globalización iniciados a finales del siglo XX, se advierte una intensificación de los procesos de hibridación cultural que alcanza a las diversas artes. El incremento de las relaciones interculturales y diásporas (Clifford 1994; Bhabha 2002) así como la difusión de la ideología del multiculturalismo (Grüner 2002; Zizek 1998), promovieron la « desterritorialización y reterritorialización » de los diferentes bienes culturales (García Canclini 1995); mientras que la difusión de las estéticas posmodernas, con su apelación a la fragmentación, intertextualidad, collage y montaje (Jameson 1991; García Canclini 1990), también favorecieron el surgimiento de nuevas modalidades híbridas. Respecto de las conceptualizaciones sobre la hibridez cultural, recientemente algunos autores han destacado su potencial para superar las formas estáticas y trascendentales de la identidad, constituyéndose así en prácticas transgresoras (Taussig 1987), o también, su capacidad para confrontar con su ambigüedad las categorías de autenticidad y verdad del colonialismo y la modernidad (Bhabha 2002). No obstante, como estos y otros autores (Hannerz 1996; Segato 1999; Anthias 2001) también han destacado, se trata de prácticas desautorizantes o desestabilizadoras de modelos hegemónicos que, sin embargo, se sigue estando obligado a utilizar; por ello, estas hibridizaciones también pueden encubrir jerarquías culturales o prácticas hegemónicas más complejas que es necesario develar.

4 Teniendo en cuenta este contexto, hemos investigado las políticas culturales que especialmente desde el año 2003 han sido promovidas por la Subsecretaría de Cultura del gobierno de la provincia de Formosa (situada en la región norte del Chaco argentino), las cuales se caracterizan por promover, por primera vez en su historia, músicas y danzas de los o qom y otros indígenas de esa región1. Nos centraremos aquí especialmente en una de estas producciones culturales: el CD titulado Qom Llalec (« Hijo de los qom »), del músico qom Romualdo Diarte, en tanto fue el primer CD de

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 183

música indígena financiado y producido por la mencionada Subsecretaría, en el año 2005. Cabe señalar que una de nosotras dedicó gran parte de sus investigaciones etnográficas entre 1998 y 2003, a documentar y analizar los procesos de transformación de las músicas y danzas de los grupos tobas del este de la provincia, conocidos como toba takshik (Citro 2003, 2005, 2009, entre otros). Así, esta irrupción del Estado provincial en un área en la que hasta entonces no había intervenido, se convirtió en un hecho novedoso que nos impulsó a iniciar esta reflexión conjunta sobre el proceso de implementación y apropiación de estas políticas culturales, analizando su impacto en los músicos indígenas contemporáneos.

5 Si bien bajo el término « políticas culturales » suele abarcarse un vasto conjunto de instancias, agentes, instituciones y organizaciones, muchos autores coinciden en destacar que en América Latina, el rol del Estado como gestor cultural ha sido fundamental (García Canclini 1987; Ochoa Gautier 2002; Bayardo 2008)2. También existe un amplio consenso en que estas políticas operan « como un campo organizativo que se puede articular para lograr fines de consolidación o transformación simbólica, social y política específicos » (Ochoa Gautier 2002, p. 215), utilizando de diversos modos a las expresiones culturales, en tanto « recursos » (Yúdice 2002) o « medios » para intervenir activamente en el espacio público (García Canclini 1987; Lacarrieu 2000; Coelho 2000; Escobar et al. 2001; Ochoa Gautier 2002). Por ello, cada vez más, el análisis de las políticas culturales nos plantea el desafío de articular el examen de las dimensiones estético-culturales con las políticas, en tanto la gestión y difusión de ciertas manifestaciones consideradas « culturales », se convierten hoy en un complejo campo para llevar adelante o mediar distintas estrategias y disputas simbólicas y políticas.

6 En el caso argentino, si bien los estudios antropológicos sobre políticas culturales constituyen un área de notable desarrollo en los últimos años, han sido muy pocos los estudios que focalizan en sus modos de implementación en provincias con población indígena (Roig 1996; Ruiz 2002-2003; Cámara de Landa 2006; Mennelli 2007; Citro y Torres Agüero 2012) y menos aún, los que se centran en el impacto de estas políticas en sus músicas y danzas, de ahí nuestro interés en focalizar aquí en el análisis del mencionado CD.

7 Ya más específicamente, en lo que refiere al campo de la antropología de la música, es importante destacar que especialmente desde las décadas del 60 y 70, se ha venido analizando la capacidad de estas expresiones para actuar como poderosos símbolos culturales o índices de identidades, remarcando su dimensión representativa. No obstante, en trabajos posteriores también comenzó a enfatizarse que estas expresiones no sólo serían capaces de condensar simbólicamente los rasgos de un determinado grupo o contexto social, sino que también son prácticas constitutivas de aquellas realidades socio-culturales de las que participan, tal es lo que se aprecia en las obras de Blacking (1985), Frith (1987), Béhague (1994), entre muchos otros, y para el caso del Chaco argentino, en los estudios de García (1999), Ruiz (2002-2003) y Citro (2003, 2005, 2009). Por tanto, las performances musicales no solo permitirían reforzar o legitimar posiciones identitarias ya constituidas (étnicas, nacionales, de clase y/o género), sino que también pueden intervenir activamente en sus procesos de construcción y transformación, así como en las disputas y estrategias político-culturales que encaran los diversos grupos y sectores sociales. Dentro de esta perspectiva y retomando también las reflexiones de De Certeau (1988) sobre las relaciones de poder, nos interesa investigar entonces cómo estas músicas y danzas indígenas pueden ser hoy utilizadas

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 184

« estratégicamente » por los sectores que detentan el control de un espacio de poder, como en este caso el gobierno formoseño, y « tácticamente » por los que se hallan bajo ese régimen, como son los músicos indígenas, para legitimar, o intentar reconfigurar, los imaginarios identitarios étnicos, provinciales y nacionales.

8 La hipótesis que intentaremos demostrar es que en el CD objeto de nuestro análisis se evidencia la estrategia política del estado provincial por legitimar el imaginario identitario formoseño como « una identidad multicultural » que revaloriza el componente indígena, atendiendo así a los mandatos globales que hoy se imponen a los Estados-naciones democráticos; no obstante, en los procesos de hibridación estética, exotización e invisibilización de ciertos rasgos de lo indígena que advertimos en esta producción, también se revelan (aunque de manera más sutil), las tensiones, conflictos y desigualdades que atraviesan las relaciones político-culturales entre el gobierno formoseño, la población criolla y los grupos indígenas, así como las tácticas de estos últimos por confrontar y reconfigurar ciertos rasgos de esos imaginarios.

9 Para contrastar nuestra hipótesis, en primer lugar, describiremos los contextos sociales y espacios institucionales en los que hoy se despliegan las músicas tobas, los medios en los que se las difunde y la trayectoria de sus músicos, productores y otros gestores que intervienen en su producción y distribución. En segunda lugar, nos centraremos en la descripción analítica del CD Qom Llalec, atendiendo a los diversos lenguajes estéticos que involucra y a los modos en que se articulan músicas, discursos e imágenes. Una vez efectuada esta descripción, como tercer paso proponemos un análisis genealógico que permita identificar la manera en que ciertos elementos estéticos y significaciones del caso analizado, remiten a otros géneros y prácticas culturales. La intención es poder mapear cómo en estas producciones culturales, ciertos elementos característicos de performances indígenas y no indígenas son des-contextualizados y re-contextualizados, combinados o resignificados, operando como marcas diacríticas indexicales (Turino 1999; Bauman y Briggs 1996); mientras que otros elementos que históricamente han sido característicos de estas expresiones, son invisibilizados. Asimismo, nos interesa destacar cómo en las marcas de lo indígena, muchas veces se recurre a estereotipos exotizantes y atemporales, que incluso pueden ser reapropiados por los mismos indígenas, operando a la manera de lo que Spivak (1987) denominó « esencialismo estratégico ». No obstante, retomando a Bhabha (2002, p. 92), cabe aclarar que no se trata de evaluar aquí el posible grado de « deformación » de estos estereotipos sobre lo indígena, sometiéndolos a un juicio previo normalizador, sino más bien de « construir su régimen de verdad » y « comprender los procesos de subjetivación hechos posibles (y plausibles) mediante el discurso estereotípico », un discurso que, en los casos analizados, se hace carne en sonoridades, letras e imágenes corporales. Como hemos señalado en otros trabajos (Citro 2003, 2009), consideramos que el examen de los modos en que los productores y performers se apropian de estas diversas marcas, nos permite empezar a develar algunos de sus posicionamientos identitarios así como de sus estrategias y tácticas político-culturales para legitimarlos o modificarlos, pues se trata de procesos que no siempre son verbalizados espontáneamente ni son objeto de reflexión consciente por parte de los sujetos. En este sentido, nuestro análisis apunta a examinar las posibles consecuencias o impactos de estas producciones culturales tanto en los imaginarios identitarios como en las relaciones sociales encaradas por los performers.

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 185

10 Nuestro entendimiento de las identidades se aleja entonces de cualquier postura esencialista, remarcando en cambio su carácter interaccional, procesual y dinámico, señalado ya por los estudios pioneros de Barth (1976). Asimismo, desde una perspectiva post-estructuralista, nos interesa destacar cómo las posiciones identitarias se construyen a partir de reiteraciones performativas que suelen involucrar diversas identificaciones (y también desidentificaciones y subversiones) con poderosas matrices de género, clase, raza, etnia y nación, que preexisten al sujeto. No obstante, veremos que es justamente en el contexto de las disputas ideológico-políticas, donde más se aprecian los intentos por fijar esas identificaciones múltiples y cambiantes a un único imaginario, es decir, a una serie de significantes que intentarán hegemonizar aquel significante identitario clave que es objeto de disputa, como es en este caso la definición del « ser formoseño » multicultural y del « toba o qom »3.

Los indígenas de Formosa, el Estado y sus políticas culturales

11 El territorio formoseño estuvo habitado mayormente por indígenas cazadores- recolectores semi-nómadas, tobas o qom, pilagá y wichi, que durante las primeras décadas del siglo XX comenzaron un proceso de sedentarización, incorporación al trabajo agrícola y conversión religiosa. Así, es recién en esa época que el Estado nacional argentino completó el proceso de incorporación y control efectivo de esos territorios y poblaciones, a través de campañas militares, del establecimiento de fuertes y reducciones estatales, así como del apoyo a las misiones religiosas, el establecimiento de colonos y la construcción del ferrocarril (Braunstein 1983; Wright 2008).

12 Debido a esta incorporación « tardía » del territorio formoseño respecto de otras provincias argentinas y probablemente también por su lejanía con la capital Buenos Aires, el menor interés económico de sus tierras y su escasa población criolla, Formosa permaneció como « territorio nacional » hasta 1955, año en el que se transformó, como suelen decir sus funcionarios, en una « joven provincia ». En lo que refiere a la legislación indígena, ha sido una provincia pionera en el país, pues en 1984, poco tiempo después de la reapertura democrática, sanciona la Ley provincial 426 (Ley Integral del Aborigen) mediante la cual se creó el Instituto de Comunidades Aborígenes y se dispuso la entrega de títulos a distintas « comunidades ». No obstante, desde ese entonces se han sucedido diversos conflictos con el reconocimiento de los territorios indígenas y el Estado provincial ha profundizado en políticas asistencialistas y clientelares que reproducen situaciones de desigualdad y, especialmente, de dependencia económica de la acción estatal, impactando considerablemente en los modos de organización y participación política de los grupos indígenas, sobre todo entre aquellos que habitan el centro-este formoseño (Citro 2003, 2009; Iñigo Carrera 2006-2007; Salamanca y Tola 2008; Vivaldi 2008; Wright 2008; Cardin 2013). Pese a esta situación, durante la última década, algunos grupos tobas empezaron a generar modalidades de auto-organización política que involucraron asambleas, cortes de ruta y la formación de asociaciones independientes del Estado y de los partidos políticos tradicionales, especialmente del peronismo. En muchos casos, la respuesta del Estado provincial a estas modalidades de acción política así como a los conflictos suscitados, implicó la deslegitimación y persecución de los nuevos líderes, la criminalización de la protesta social, la represión y abuso de las fuerzas policiales, tal es lo que aconteció en

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 186

la represión de la comunidad toba Nam Qom en 2002 (Vivaldi 2008) y en los cortes de ruta de 2005 y especialmente de 2010-2011 en la comunidad toba de La Primavera (Cardín 2013), en los cuales también quedaron de manifiesto las actitudes discriminatorias hacia los indígenas que aún perviven en parte de la población blanca de la región.

13 Fue en este contexto de creciente participación y movilización de los tobas que llevó a conflictos con el gobierno formoseño, que este último empezó a impulsar más decididamente políticas culturales que intentan enfatizar en el carácter « pluri » o « multi » « cultural » de la provincia, reivindicando el componente indígena, en una perspectiva que se alinea con los mandatos globalizados hoy impuestos a los Estados- Naciones.

14 Cabe recordar también que desde el 2003, con el inicio en Argentina el gobierno de Néstor Kirchner y luego de su esposa Cristina Fernández, comenzó un período de importantes cambios en las políticas económico-sociales y culturales4. Entre estas últimas, se aprecia una posición ideológica, expresada en las declaratorias y programas de la Secretaría de Cultura nacional, que enfatiza en « el carácter multicultural del país, el respeto por las identidades de los pueblos originarios e inmigrantes que lo componen », y que estaría promoviendo la construcción de nuevos imaginarios sobre las identidades nacionales que incluyen más decididamente el componente indígena y lo revalorizan (Bayardo 2008). De este manera, se viene confrontando y reformulando el imaginario nacional que, desde fines del siglo XIX, construyeron las elites gobernantes argentinas, acerca de una nación « blanca » heredera fundamentalmente de las tradiciones europeas (Bartolomé 1987).

15 Es importante aclarar que en un trabajo anterior (Citro y Torres Agüero 2012), analizamos en detalle la política cultural de la provincia en relación a las músicas indígenas, a partir de la revisión de las legislaciones, programas culturales y medios de difusión oficiales, así como de su relación con las políticas nacionales e internacionales. Por tanto, en el presente artículo, nos limitaremos a señalar solamente algunos rasgos de estas políticas, para indagar específicamente sobre el modo en que estas incidieron en la elaboración del CD Qom Llalec así como en la trayectoria de su autor, Romualdo Diarte. Entre otras cuestiones, en el mencionado artículo analizamos cómo en 2003, la provincia sanciona una nueva constitución « reafirmando la auténtica identidad multiétnica y pluricultural » de la provincia (Preámbulo). No obstante, si bien dentro de esta pretendida concepción multiculturalista se alude a la « preexistencia de los pueblos aborígenes que la habitan » (art. 79, cap. 4), y a que la « realidad cultural » provincial es « pluricultural » y está conformada por « vertientes nativas » y diversas « corrientes inmigratorias » (art. 92, cap. 6), en ningún pasaje del texto constitucional se alude específicamente a esos pueblos indígenas y a corrientes migratorias. Así, se aprecia una invisibilización de estos grupos, en pos de construir una « identidad del pueblo formoseño » como una unidad que, si bien reconoce su carácter « pluricultural », no particulariza ni valoriza la diversidad de sus componentes.

16 Finalmente, en el citado artículo (Citro y Torres Agüero 2012, p. 167-168) también analizamos cómo a partir de 2004, la Subsecretaría de Cultura provincial organiza el « Primer Encuentro de Pueblos Originarios de América », el cual se celebró sólo hasta el 2006; y en 2005 (año de la « Cincuentenario de la provincialización de Formosa »), comienza a apoyar las actividades de Romualdo Diarte y otros músicos indígenas como

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 187

Ema Cuañeri, Pilancho González y el grupo toba Qom Amistad5, aunque como veremos, este apoyo también ha mermado considerablemente en la actualidad.

17 Una de las conclusiones a las que arribamos a partir del análisis de estos y otros eventos y documentos oficiales, es que si bien en ellos se intentaba legitimar a un « ser formoseño multicultural », también se constataba una fuerte tendencia a invisibilizar a los indígenas contemporáneos, por ejemplo, cuando en los documentos se evita utilizar sus autoadscripciones étnicas como pueblos tobas, pilagá o wichi y se las reemplaza por términos generalizadores como « culturas etnográficas » o « vertientes nativas » (Citro y Torres Agüero 2012, p. 164). Finalmente, dentro de este discurso oficial multicultural y celebratorio de la diversidad, advertimos también la tendencia a asociar a los indígenas a un genérico « pasado tradicional », que se diluiría en ese « armonioso » melting pot actual que sería el « ser formoseño », fusionando las multiplicidades en una identidad única que, según nuestra hipótesis, tiende a enmascarar los conflictos y tensiones surgidas de las desigualdades sociales y de la discriminación.

Una aproximación a la música toba y la trayectoria de Romualdo Diarte

18 Aquello que hoy suele denominarse « música toba » abarca diferentes expresiones que los indígenas asocian a su música y « cultura antigua », término con el que refieren a los estilos de vida previos a su conversión religiosa a alguna de las modalidades del cristianismo presentes en la región: principalmente el denominado evangelio – con influencias pentecostales – en el este, el anglicanismo en el oeste y, en menor medida, el catolicismo (Wright 2008; Citro 2009). A través de la evangelización y la incorporación de los tobas al mercado de trabajo rural, y luego, con el acceso a los medios masivos de comunicación y las nuevas tecnologías de la información y la comunicación, se introdujeron nuevos géneros musicales (desde los himnos evangélicos al folklore regional, la cumbia y el reggaeton), así como instrumentos musicales (desde guitarras y bombos a teclados electrónicos), usos de la voz y estilos de actuación. En este proceso, también se han generado nuevos usos sociales y resignificaciones de las músicas y danzas, como la grabación y comercialización de Cds y, más recientemente, de las filmaciones de los grupos de música y danza de las iglesias indígenas (Citro 2005).

19 La conversión al evangelismo condujo al abandono de la performance pública de muchas expresiones vinculadas a rituales y festividades del pasado que fueron duramente criticadas por las iglesias, tal es el caso del Nmi, término que refería a los canto-danzas de los jóvenes solteros, y también sus ejecuciones del nvique o « violín de lata », destinadas a seducir a las mujeres; los cantos-danzas con el nasotaGalaqte o palo sonajero de las mujeres en los rituales de iniciación femenina; y los cantos chamánicos con el ltegete o sonaja de calabaza6. Aún con estas limitaciones y discontinuidades en las prácticas, encontramos que algunos de los rasgos musicales de estos géneros persistieron en la música evangélica, especialmente en los Coritos y la Rueda, dando lugar a procesos de hibridación musical y coreográfica que abordamos en diferentes trabajos (Ruiz y Citro 2002; Citro 2005; Citro y Cerletti 2009)7.

20 A pesar de la vitalidad y hegemonía que hoy adquiere el movimiento evangélico entre los tobas y de la deslegitimación que provocó sobre sus prácticas musicales y dancísticas anteriores, ya desde el año 2000, en nuestros trabajos de campo en

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 188

La Primavera y Nam Qom, comenzamos a notar el interés de algunos jóvenes músicos toba del Evangelio, por conocer y « recuperar » (tal es el término que solía escucharse) sus músicas y danzas. No obstante, como vimos, fue recién en 2005 que la Subsecretaría de Cultura comenzó a incorporar a unos pocos músicos tobas en sus programas oficiales.

21 Pasemos ahora a caracterizar la trayectoria de Romualdo como músico en estos diversos campos. Romualdo tiene actualmente treinta y siete años y nació en la comunidad rural de San Carlos, donde aprendió a tocar la guitarra en el marco de los grupos de música autodidactas de las iglesias del Evangelio. Años más tarde, se trasladó a Formosa capital para estudiar el colegio secundario y comenzó a participar en un coro escolar coordinado por Ema Cuañerí, que incluía algunos « temas autóctonos » además del repertorio folklórico. Según Romualdo, fue en ese contexto que se le « despertó el interés por la propia música ». Ema Cuañerí, además de maestra es una reconocida « cantautora toba » (así se autodefine), que se ha dedicado a recopilar cantos y danzas « antiguas » y ha realizado numerosas actuaciones. Ella nos contó que la primera vez que escuchó aquel coro de jóvenes, se « sintió liberada » y que su « misión estaba cumplida », pues pensó que de allí surgiría algún joven que podría continuar con la música toba. Esta continuidad era una preocupación para ella, porque se « sentía sola lidiando » con la recuperación de la música tradicional y temía que si « moría », no hubiese quién la continuara. Romualdo, con la ayuda de Ema, se convirtió entonces en el continuador de este legado, así, ambos coinciden en que su música se basa en cantos que « escucharon de los abuelos », y que eran utilizadas especialmente en los diferentes « rituales » (no evangélicos) del pasado.

22 Romualdo, una vez terminado el colegio secundario, ingresó al instituto de profesorado de música provincial, y en ese nuevo contexto profundizó el interés por su propia música, aprendiendo a tocar el nvique o « violín de lata » con el músico César González de San Carlos, su comunidad natal. Este instrumento es construido artesanalmente por los tobas – con una sola cuerda y el arco de crin de caballo y con la caja de resonancia de lata – y era ejecutado solamente por los hombres, principalmente en el contexto de los antiguos encuentros nocturnos entre jóvenes. Por eso, hoy quedan muy pocos ancianos que como César ejecuten el nvique.

23 Romualdo, una vez recibido de profesor, comenzó a trabajar como maestro de modalidad aborigen y profesor de música en la escuela primaria y secundaria del Barrio toba de Nam Qom, cercano a la capital formoseña, y hasta el momento, es el único indígena toba formoseño que posee un título de profesor de música otorgado por una institución oficial.

24 La trayectoria artística de Romualdo es extensa, luego de participar en algunos conjuntos musicales, especialmente a partir del 2004 comenzó a actuar como solista en diversos eventos, entre ellos los impulsados por el programa La Voz de los sin Voz (con apoyo de la Unesco y la Secretaría de Cultura de la Nación), el Congreso Nacional de Cultura y el Programa Música para todos (organizado por la Secretaria de Cultura de Nación), el Encuentro de Pueblos Originarios de América y otros encuentros de carácter local (como el Encuentro de Jóvenes Artistas, Festival de la Corvina, Festival del Pomelo) organizados por la Subsecretaría de Cultura de Formosa. Asimismo, Romualdo suele brindar talleres y conferencias sobre la música toba y, además, realizó dos cortometrajes sobre el tema, con el apoyo del Fondo Nacional de las Artes, la

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 189

Universidad de Buenos Aires y las antropólogas participantes del proyecto, Torres Agüero y Sarraute Yamada8.

25 Ema ha acompañado y apoyado decisivamente la carrera de Romualdo como músico y docente, impulsando su incorporación a la Subsecretaría de Cultura, donde ella ya se desempeñaba desde 2005 – primero como colaboradora de la revista Ser Formoseño, y luego como coordinadora del área de Artesanías. En este marco, a Romualdo le asignan seis horas semanales para la « investigación sobre su cultura », por lo cual ha venido participando en diversas actividades, como la realización de talleres extracurriculares de música toba para la escuela de Nam Qom y otras de la zona (en el marco del programa provincial Escuela Abierta), y junto con Ema, cuando la Subsecretaría se los solicita, participan en espectáculos o en alguno de los Festivales antes mencionados. No obstante, en los últimos años la situación inversa se ha tornado más difícil. Es decir, cuando los músicos o incluso también artesanos indígenas solicitan « apoyo » a la Subsecretaría, por ejemplo para solventar gastos de viaje para concurrir a actuaciones o exposiciones, dar clases o participar en un encuentro, no suelen obtenerlo. Según la percepción de algunos tobas, esta estrategia oficial sería una respuesta a la creciente conflictividad entre algunos de sus líderes y el gobierno provincial, a la manera de un escarmiento no explícito. En un sentido similar fue interpretado por algunos tobas el hecho de que el Festival de Pueblos Originarios no se efectuara más: « para muchos el Festival se inició por política, para tapar la racia (represión policial) de Nam Qom… », pero cuando empezaron a « reclamarle al gobierno, ya no lo quisieron hacer más »… De hecho, cabe destacar que cuando consultamos a las autoridades sobre los motivos que llevaron a la suspensión de este Festival, no obtuvimos una respuesta clara, más que la referencia a una inundación que había afectado a algunas comunidades de la provincia. Estas experiencias muestran cómo las modalidades clientelares antes mencionadas también atraviesan las políticas culturales provinciales, otorgándoles un carácter coyuntural, que responde más a los vaivenes de las alianzas o conflictos políticos del gobierno que a programas o proyectos culturales previos consensuados por un Estado participativo. En suma, como reflexionaba otro músico toba: « ¿Por qué se acuerdan de nosotros un 19 de abril o un 12 de octubre9, si todo el año existimos…? »

26 A continuación, analizaremos el primer y por ahora único CD de Romualdo.

Músicas, discursos e imágenes del CD Qom Llalec

27 Como ya adelantáramos, el CD de Romulado Diarte Qom Llalec constituye la primera edición de « música toba o qom » ejecutada por indígenas formoseños, con el apoyo de un organismo estatal provincial. Es importante señalar que en el caso de la vecina provincia de Chaco, donde también habitan otros grupos tobas, existen antecedentes de políticas culturales hacia estos grupos, que incluyeron ediciones en CD de su música, las cuales han influido a los músicos tobas formoseños. Nos referimos al coro toba Viri Nolka (con un CD de 1960 que luego fue reeditado), y especialmente al coro Chelaalapi creado en 1962 (Roig 1996) y que lleva ya tres CDs editados. Asimismo, desde el 2001, el grupo Tonolec ha jugado un rol fundamental en la difusión de estas músicas, pues si bien está constituido por una joven cantante mestiza chaqueña, Charo Bogarín, y Diego Pérez, un músico blanco, según sus propias definiciones, propone una « fusión » entre la « música étnica toba, el folklore y la música electrónica »10.

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 190

28 En Qom Llalec, Romualdo ejecuta la voz y el nvique o « violín de lata », mientras que un músico criollo, Pablo Irala, ejecuta guitarras, bajos, percusión y sintetizadores, y fue quien realizó los arreglos musicales y la producción general, como dueño del estudio en donde se realizó la grabación. Pablo Irala pertenece a una familia de músicos reconocidos y con un estrecho vínculo con todas las actividades culturales que promueve el gobierno formoseño. Como veremos, el rol de Pablo Irala ha sido clave en la forma final que ha tomado esta producción musical, aunque esto no sea muy visibilizado en el CD, pues su participación es mencionada en letras muy pequeñas en la contratapa, siendo la imagen y nombre de Romualdo el protagonista visual del CD. La Subsecretaria de Cultura financió las horas de grabación en el estudio de Irala así como las duplicaciones del CD, pero no pagó ningún tipo de honorarios a Romualdo. Al quedar enmarcado en la Colección por el Cincuentenario de la provincialización de Formosa, el CD fue distribuido gratuitamente por la Secretaría, entre diversos organismos así como festivales provinciales y nacionales. En este sentido, Romualdo nos comentaba que quisiera poder reeditar esta obra así como grabar nuevos temas, para poder difundir mejor su música, pero hasta ahora no ha logrado recibir el apoyo necesario para hacerlo.

29 El repertorio del CD combina dos tipos de piezas musicales que se van alternando. Por un lado, las seis piezas de número par son melodías con nvique, la mayoría sin canto, que en su estructura melódica se asemejan a los estilos musicales tobas « antiguos » documentados en las comunidades (Ruiz y Citro 2002; Citro y Cerletti 2009), y que fueron identificadas como « ancestrales » por Romualdo. Según nos explicaron tanto Romualdo como Ema, la música ancestral es para ellos « la que se transmite de generación en generación. Son las recopilaciones que tenemos de nuestras familias […]. Estos cantos expresan la cultura, la relación con la naturaleza, con el hombre, en general no tienen textos-letra, o los textos-letra son muy breves y repetitivos […] son pentatónicos11 ». Si bien los temas « ancestrales » del CD de Romualdo seguían estas características, también constatamos que a partir de los « arreglos musicales », se introducían modificaciones, como los acompañamientos con percusión (con diferentes bombos, algunos producidos con sintetizadores, y sonajero de pezuñas) y bajo electrónico, que permiten acercar estos temas a la música popular actual, remarcando los pulsos y utilizando sonoridades electrónicas cuyos timbres resultan más habituales al oído contemporáneo12. Asimismo, en el inicio de uno de los temas, se incluye una breve introducción melódica con sintetizador.

30 Todos estos temas instrumentales son precedidos por explicaciones verbales en español, que dan cuenta de su sentido, siendo esta una modalidad que ya había adoptado el coro Chelaalapi en sus grabaciones anteriores. Veamos algunas de estas explicaciones grabadas, así como otras que nos brindó Romualdo en una de nuestras entrevistas. Los temas 2 (Pioq dalo o Aguaracope) y 6 (TaGaiko o Amambe común) son toques de nvique que aprendió con su maestro César González y, como cuenta en la grabación, « imitan » cantos de animales de la región; el 8 (Alo noinaGac o Llanto de mujer) es una composición propia de Romualdo que, retomando motivos míticos, refiere a una « mujercita que lloraba porque su amado la había abandonado porque tenía que cumplir una misión para el bien de su pueblo », y tanto lloraba, « que sus llantos quedaron grabados en la naturaleza y hoy en día podemos traerlos a través del nvique ». Los temas 4 y 10 son versiones instrumentales en nvique de cantos ya grabados por el coro Chelaalapi: en Ayalaic LavoGolec (Flor de Lapacho), se relata que « el

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 191

abuelo le dice a sus nietos que observen la naturaleza porque ella es nuestra guía, cuando ven florecer el lapacho significa que ha llegado el momento de la pesca del dorado »; en La’ñaGashe lashe (la suroesteña), se introduce el tema diciendo que « es una danza de amistad que se practica en el tiempo de la recolección de frutos silvestre durante la cosecha de algarroba », y según nos explicara Romualdo, sería un canto- danza de nmi. También el último tema, Yasosheole (Mi sobrina), es un canto-danza de nmi conocido entre los tobas formoseños.

31 En contraste con estos « temas ancestrales », las canciones de número impar son definidas por Romualdo como « composiciones actuales o recientes » de su autoría, y todas son cantadas en toba y acompañadas en las hojas internas del CD, con una breve explicación escrita en español13. Tanto la instrumentación de estos temas (guitarra, bajo eléctrico, percusión y sintetizadores) como su estructura melo-rítmica, remiten a los géneros folklóricos y populares hoy en boga en la región mientras que los títulos de los temas y las líricas en toba, se constituyen en índices que remiten a la música indígena, aunque los géneros tradicionales, como suelen decir los tobas, eran « sin letra », pues repetían unas pocas palabras o frases.

32 Este modo de estructurar músicas y discursos en el CD, parece evidenciar el impacto de los procesos de escolarización, pues mientras los temas « ancestrales » son precedidos por relatos orales de historias específicas, los temas « recientes » son acompañados de explicaciones escritas que apelan a una mayor abstracción conceptual. Por ejemplo, sobre el tema 3, NauGo (Primavera), se escribe: « ha llegado el momento de la naturaleza, su fuerza, su color y su aroma. El paisaje se vuelve más sonoro, más colorido, y hay más movimiento natural, donde también el ser humano es cómplice »; sobre el 9, Hua’api la’añaGac (Fuerza ancestral): « La canción expresa la fuerza ancestral del Pueblo TOBA que sabía enfrentar los peligros de la naturaleza »; y sobre el 11, Vi’i (Año nuevo): « después de la primavera abunda la cosecha de frutos silvestres. Esto sucede siempre cuando se mantiene una armonía entre el hombre y la naturaleza ».

33 Como puede apreciarse, en las explicaciones de Romualdo se nota su énfasis en trasmitir el tipo de relaciones que los qom tendrían con la « naturaleza », su interés por « observarla », « imitarla », dejarse « guiar » por ella y mantener relaciones « armoniosas ». Según nos comentara, cuando lo invitan a dar alguna clases frente a niños o adolescentes blancos en las escuelas de Formosa, al principio ve en sus caras como que « hay burla y discriminación », pero « cuando comienzo a explicarles, le van cambiando las caras […], cuando les hablo del cuidado de la naturaleza, eso les gusta a ellos… Les digo que el algarrobo es como nuestro hermano, que tiene vida, como nosotros, que las flores son nuestras hermanas, que hacen bien a la mirada, y que por eso hay que cuidar a la naturaleza… y terminamos cantando todos juntos… » Así, a partir de su experiencia docente, Romualdo percibió el interés de los criollos por este aspecto de la cultura toba ligado a la cosmovisión cazadora-recolectora, los cuales son plausibles de asociarse con los hoy muy difundido discursos ecologistas y de la Nueva Era. Por tanto, en la transmisión de su música, tácticamente enfatiza en estos discursos que poseen una buena acogida en el público.

34 En lo que respecta a la composición musical, estos temas « recientes » evidencian la importante incidencia de Irala, pues fue este músico criollo el que ejecutó los diversos instrumentos allí utilizados, además de efectuar los arreglos. En una entrevista, Irala nos comentó: « Este trabajo es una fusión del folklore y lo puro de la música toba. No es un disco tradicional toba, partiendo desde la instrumentación misma. Es una mixtura

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 192

del folklore con la música toba, ya que temas tradicionales de la música toba fueron arregladas con tonalidades y modos más elaborados. »

35 Estas transformaciones se vincularían con lo que Romualdo también nos dijo en otra charla, acerca de que el « gusto del mercado » tiene mucho más « éxito » y es más fácil de « vender » y nos daba el ejemplo de que « el folklore… tiene más aceptación en la sociedad […], pero con la música indígena no hay oferta », y agregó: « La sociedad no toma conciencia. Se habla de la diversidad, pero ¿donde está la diversidad?… Por ejemplo, el grupo Qom Amistad fue dejando lo étnico y dedicándose más al folklore. Tiene más aceptación en la sociedad… al público hay que educarlo. »

36 Como puede apreciarse, estas hibridaciones con el folklore son percibidas por Romualdo como tácticas para insertarse en un mercado que reconoce con otros « gustos » musicales. No obstante, pensamos que en las explicaciones orales y escritas que acompañan cada tema, también puede percibirse su intención de « educar al público », en su preocupación por transmitir los sentidos, orígenes y fines sociales de los diferentes géneros musicales. Asimismo, esto nos muestra las diferencias entre los significados, usos rituales y sociales involucrados en las prácticas musicales indígenas, y los usos habituales de las músicas de la modernidad occidental, en tanto estas últimas han estado orientadas primordialmente al placer o el entretenimiento, dentro de una concepción estética en la cual las artes debían constituirse en una esfera autónoma del resto de las prácticas sociales. Esta diferenciación también es en cierta forma percibida por Romualdo, pues al ser consultado sobre por qué algunas de estas explicaciones fueron grabadas en forma oral mientras que otras fueron escritas, nos contestó: « para no poner toda la explicación al principio, porque muchos solo quieren escuchar la música… »

37 Finalmente, en otra entrevista en la que charlábamos con Romualdo sobre los diferentes tipos de músicas, consideró que algunos de estos temas podrían denominarse también como « música autóctona qom », ya que « tienen origen en música ancestral pero siempre hay una incorporación nueva por parte del músico… hay una fusión o intervención del músico ». Un ejemplo sería el tema « Fuerza Ancestral » en el que según nos explicaba se « basó en la lengua qom… ritmo qom y es pentatónico », pero introdujo instrumentación criolla como la guitarra y el teclado. Así, la fusión implica para Romualdo una síntesis creativa entre aquellas músicas ancestrales heredadas de sus antepasados y la « intervención » que él como joven músico formado en diversos ámbitos (desde las iglesias indígenas, los coros escolares al instituto del profesorado de música) puede introducir en ellas.

38 En el caso de Irala, la hibridación es planteada como una fusión o mixtura de lo « tradicional o puro toba » con modos « más elaborados » que pertenecerían al folklore, lo cual parece corresponderse con la estrategia oficial de promocionar una identidad multicultural que, no obstante, enmascara desigualdades: en este caso, entre músicas concebidas como « más elaboradas » que otras, y entre los múltiples instrumentos ejecutados por el criollo (los cuales, cabe aclarar, también podrían haber sido ejecutados por Romualdo), y un único instrumento tradicional ejecutado por el indígena.

39 Pasemos ahora al análisis de la gráfica del CD, que como el mismo Irala señala, es también una parte fundamental en la conformación de este producto artístico: « Se trabajó en todo lo referido al disco siempre en forma conjunta, se define un concepto en la gráfica que identifique en principio lo que el disco lleva dentro. Un mismo

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 193

concepto que acompañe lo que uno va a escuchar y se entienda desde el momento en que uno ve el disco, ya que en varias oportunidades primero llega por los ojos y después por el oído. »

40 En lo que refiere a la imagen corporal de la tapa, en la fotografía de Romualdo puede apreciarse un gesto serio que trasluce un tono muscular tenso y una impresión de inmovilidad, reforzada por la postura rígida de la espalda, los brazos y las manos y por la posición de piernas cruzadas sobre el piso, que a su vez remite al imaginario occidental del « sentarse como indio », tan difundida en las películas de Hollywood y de ahí a otros ámbitos14; asimismo, la presencia del nvique delante, refuerza la asociación con lo indígena. En este mismo sentido, la imagen de Romualdo se inserta en un fondo en el que se destaca la franja vertical izquierda que corresponde a un tejido artesanal con predominio de tonalidades marrones, a menudo asociadas con la tierra y lo indígena. No obstante, unos pocos elementos también hibridizan esta imagen corporal y la acercan a la de los actuales jóvenes criollos: tal es el caso de la vestimenta característica de los músicos del folklore (jean, camisa blanca y chalecos con tejidos artesanales, en este caso del muy difundido chaguar, proveniente de los indígenas wichi de la región) y los tratamientos aplicados al cuerpo, pues Romualdo lleva el pelo largo suelto (como lo hacían los antiguos indígenas pero también algunos jóvenes criollos contemporáneos)15 y una pequeña barba sobre su mentón (que no es característica de los tobas). Asimismo, abajo a la derecha se coloca un moderno logo que remite a la « Colección del Cincuentenario de la Provincialización de Formosa ».

Fig. 1 – Tapa del CD Qom Llalec y contratapa (con dedicatoria del músico a una de las antropólogas).

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 194

Fig. 2 – Tapa del CD Qom Llalec y contratapa (con dedicatoria del músico a una de las antropólogas).

41 En la contratapa se aprecia la continuidad de las tonalidades marrones para el fondo y otra fotografía de Romualdo, esta vez, ejecutando el nvique, en una toma de primer plano con gran angular, que destaca su mano sobre el violín. Así, esta imagen continúa la asociación con lo indígena, pero brindando una impresión más dinámica, que contrasta con la fijeza e inmovilidad de la tapa.

42 En la tercer fotografía que se encuentra en el interior del CD, Romualdo aparece en un primer plano de perfil, con una mirada que se dirige por encima de la línea del horizonte, lo cual produce una impresión de mirada esperanzada hacia el futuro, que se condice con las significaciones y emociones expresadas en su texto: « Es una gran satisfacción para mí, poder expresarme en mi propia lengua y difundir mi cultura que está viva a pesar del sometimiento de tantos años. Estas canciones expresan el pensamiento de mi pueblo sobre la naturaleza, el amor y la vida. »

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 195

Fig. 3 – Interior del CD Qom Llalec.

43 Esta satisfacción y especialmente el carácter esperanzador, es también remarcado por las palabras del Subsecretario de Cultura que son incluidas en el CD, y que apelan a términos como « anhelo », « sueños » y « utopías »: Con este material vamos cumpliendo un caro anhelo, el de poner en valor la rica diversidad cultural que nos identifica; nuestra Provincia se reconoce desde la misma constitución como pluriétnica, multicultural y multilingüística. Quienes integramos el equipo de cultura del Gobierno de la Provincia de Formosa estamos empeñados en que todos los sectores puedan expresarse en libertad y aportar a la realización de nuestras utopías, es decir una Formosa para todos. Romualdo Diarte es un ejemplo, para los jóvenes, no solamente para los de su raza « Qom » sino para toda la juventud formoseña, que cuando se pone fuerza, trabajo y creatividad, los sueños pueden hacerse realidad.

44 Así, no sólo se intenta promover las expresiones musicales tobas, sino que invirtiendo los modelos tradicionales que impulsaban a la aculturación del indígena, ahora en cambio se lo revaloriza como ejemplo para « toda » la juventud formoseña, desde este imaginario identitario que busca reforzar la multiculturalidad del « ser formoseño », en este caso de los jóvenes. No obstante, incluso estas reivindicaciones dejan entrever la persistencia de las estigmatizaciones naturalizadoras, pues los qom se asocian a su condición de « raza » – de la cual, justamente, no participarían los blancos, que no suelen ser denominados con ese término. Además, el hecho de que se presente como utopía una « Formosa para todos », deja entrever que aún hay en ella sectores que han permanecido excluidos y con menos posibilidades de « expresarse en libertad », tal es el caso de los indígenas. Justamente, es únicamente el discurso de Romualdo el que hará explícitas estas relaciones de poder y desigualdad, cuando en su texto menciona el « sometimiento de tantos años » de su cultura.

Genealogías y producción de sentido de una producción cultural híbrida

45 El CD aquí descripto se constituye en una producción de carácter híbrido que remite a distintas influencias culturales, promoviendo sentidos diversos e incluso contradictorios. Por un lado, el material visual y los discursos escritos que lo acompañan, parecen tener la intención estratégica de remarcar cierta autenticidad

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 196

indígena: desde los títulos en lengua vernácula, las alusiones a la « raza » qom y sus vínculos con la « naturaleza », hasta la imagen corporal de Romualdo con su instrumento tradicional. Incluso algunos de estos elementos evidencian una cierta exotización de lo indígena que remarcaría su otredad, como la postura de piernas cruzadas y el pelo largo, a la manera de un « indio hiperreal » que, como sostiene Ramos (1998), no concuerda con los indígenas contemporáneos.

46 Por otro lado, vimos también que los estilos e instrumentaciones musicales utilizadas, evidencian un carácter híbrido, reconocido por Romualdo en la combinación de temas « ancestrales » y « recientes », y por Irala, en su apreciación de que este CD implica una « mixtura » y « fusión », en la que además participó activamente – cuestiones que sin embargo no son visibilizadas en la gráfica y textualidad que acompaña el CD.

47 Así, consideramos que esta obra da cuenta de un intento estratégico de la Subsecretaría de Cultura provincial por reconocer el patrimonio musical de los tobas, aunque bajo dos condiciones: subsumiéndolo a una identidad cultural formoseña mayor de carácter multicultural, como se evidencia en la elección de una música de « mixtura » o « fusión », encarnada por un « ejemplo para toda la juventud formoseña »; y operativizando ese reconocimiento bajo la guía de un blanco, en este caso la figura del productor y músico criollo que aportaría, según sus palabras, sus modos « más elaborados » a esta « raza qom »16.

48 Para Romualdo, en cambio, la posibilidad de grabar este CD operó como una táctica que le permitió introducir su voz en las políticas culturales oficiales de la provincia, a través de estas músicas que « expresan el pensamiento » de su pueblo y también, aunque mucho más tímidamente, denuncian su « sometimiento ». De este modo, pudo aumentar también su « capital simbólico » y legitimarse como « músico toba », promocionando y difundiendo su música frente a audiencias blancas así como a gestores de políticas culturales públicas nacionales y globales, que comenzaron a convocarlo junto con Ema para participar en diferentes eventos17. Asimismo, a partir de este capital simbólico, también se le abrió la posibilidad de acceder a otros capitales socio-económicos, pues aunque nunca recibió paga alguna por la grabación de su CD, sí pudo incorporarse a la Subsecretaría de Cultura con un trabajo remunerado, además de su cargo docente, y pudo acceder también a viajes a otras ciudades del país, encarando nuevos contactos para futuras actuaciones. Esta situación lo diferencia de otros jóvenes de su edad que no pueden acceder a este tipo de recursos y experiencias, como por ejemplo los músicos del Evangelio, quienes limitan sus actuaciones y difusión de sus CDs a las iglesias indígenas locales y, en algunos casos, de provincias o paises vecinos, como Paraguay. Así, tanto por el tipo de música que realiza Romualdo como por sus estudios previos y los recursos económicos a los que hoy puede acceder, él solía auto- reconocerse como « un poco diferente » de los otros jóvenes tobas que hoy son sus vecinos del Barrio Nam Qom. De hecho, tal vez como una metáfora encarnada de su peculiar posición social, él vive sólo en una casa situada en los límites del barrio18, sobre la ruta provincial que lo conecta con la ciudad capital de Formosa.

49 Finalmente, consideramos que es importante realizar unas breves reflexiones sobre aquellas expresiones musicales tobas que no aparecen en el CD de Romualdo, los cantos chamánicos, tan importantes dentro de la cosmovisión y rituales de estos y otros grupos chaqueños. En este sentido, cabe recordar que el chamán recibe el poder por medio de cantos que le ofrecen los seres no humanos poderosos (jaqa´a), a través de sueños, visiones o encuentros (Ruiz 1978-1979; Wright 2008), y estos seres, mayormente

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 197

« padres » o « madres » de diferentes especies animales o espacios, pasan a convertirse en sus « compañeros », en « aquellos con quienes habla » o ltaGaiaGawa. Así, en uno de los rituales más difundidos del chamán como es el tratamiento de enfermedades, la cura se efectuaba a través del canto, el diálogo con el compañero no humano poderoso y con el paciente, los gestos del soplo y la succión del mal que produce el malestar. En la obra de Romualdo no existen referencias explícitas a cantos chamánicos, y tampoco sobre el posible rol de los sueños o las visiones en la composición de sus músicas, tradición que en cambio sí perduraba en muchos músicos evangélicos (Citro 2009). De hecho, en una de nuestras charlas, Romualdo reconocía que « algunos dicen que sueñan sus cantos… », pero que a él eso nunca le había sucedido. Es importante destacar que la entonación de estos cantos aún posee su propia eficacia performativa, es decir, ejecutarlos es un acto que encarna el poder de los seres no humanos, por tanto, implica aceptar recibir y operar con ese peculiar poder o haloik. En contraste, Romualdo no está interesado por incursionar en estas significaciones y usos de la música toba chamánica. Su preocupación se centra fundamentalmente en la « transmisión », en documentar y « preservar » otros cantos y ejecuciones instrumentales antiguas, a través de las visitas que suele realizar a ancianos de diferentes comunidades que aún recuerdan esas expresiones, y en tomar de allí la inspiración para sus nuevas composiciones. Suele enfatizar así en el sentido identitario que hoy le provee su práctica musical y no tanto en sus aspectos rituales. En este sentido, cabe preguntarse también si el canto chamánico no estaría constituyéndose hoy en el límite a aquello que sería « espectacularizable » para los tobas contemporáneos. Además, en tanto la gran mayoría de los tobas se ha convertido al evangelismo, que históricamente ha sido muy crítico del chamanismo, la grabación en un CD y/o la puesta en escena de un canto de este tipo en un espectáculo, habría implicado mayores tensiones y potenciales conflictos con los miembros de las comunidades, de hecho el Nmi o los toques de nvique ya resultaban bastante conflictivos para muchos tobas evangélicos, por estar asociado a la seducción de las fiestas del pasado19.

Conclusiones

50 El CD analizado da cuenta del tipo de políticas culturales que el gobierno formoseño ha puesto en práctica en los últimos años, con la intención estratégica de reelaborar los imaginarios identitarios de la provincia, incluyendo y revalorizando el componente indígena como parte de una renovada concepción identitaria multicultural. Así, en estas políticas culturales se pone de manifiesto aquella utilización de la cultura como un « recurso » para intervenir en el espacio público e intentar legitimar este nuevo imaginario identitario provincial. En términos estéticos, esta estrategia oficial promueve producciones artísticas que apelan a múltiples marcas culturales, adquiriendo así un carácter de hibridez20. Consideramos que en estos procesos de hibridación de las músicas indígenas, pueden advertirse tres grandes tendencias que atraviesan el caso analizado pero que también pueden hallarse en muchas de las expresiones de otros pueblos indígenas de la región.

51 En primer lugar, se aprecian transformaciones que parecen estar destinadas a acercar o adaptar estas expresiones a las sensibilidades estéticas de las nuevas audiencias que las consumen, al « gusto del mercado », como nos decía Romualdo. De ahí, como vimos, el recurso de incorporar estructuras de los géneros musicales y timbres sonoros más

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 198

difundidos, hibridizándolos con las estructuras melódicas e instrumentos nativos. Asimismo, estas adaptaciones suelen involucrar la espectacularización de expresiones cuyos fines eran originariamente rituales y/o festivos, tal es el caso de los toques de nvique y los cantos-danzas del Nmi, que formaban parte de los encuentros festivos entre los jóvenes solteros y propiciaban sus vínculos sexuales.

52 En segundo lugar, encontramos que paralelamente a estas incorporaciones y transformaciones, se suelen invisibilizar o incluso excluir aquellos elementos que confrontarían las sensibilidades hegemónicas, en tanto podrían ser percibidos como « aburridos » o poco « atrayentes » para estas nuevas audiencias, tal es lo que habría acontecido con el uso tradicional del nvique como instrumento solista, sin el acompañamiento de otros instrumentos que refuercen las marcaciones rítmicas. Otro importante elemento que es invisibilizado en la obra de Romualdo, es la relación entre música y chamanismo. No obstante, esta exclusión se vincularía con los potenciales conflictos al interior de su propia comunidad así como por las significaciones fundamentalmente identitarias que él hoy otorga a la práctica musical y que van más allá de sus dimensiones rituales. En este sentido, su educación terciaria y luego su desempeño como profesor de música, operaron en su biografía como prácticas de profesionalización que también habrían incidido en sus elecciones estéticas, excluyendo a estas otras músicas que poseen fuertes y controvertidas connotaciones religiosas entre los qom.

53 En tercer lugar, dentro de estas producciones culturales híbridas, encontramos otras reelaboraciones que parecen estar destinadas a visibilizar ciertos « índices » que marcarían la otredad o exotismo de estas expresiones, remarcando su carácter « originario », « ancestral », constituyéndolas así en objetos legítimos para las actuales políticas culturales y patrimoniales promovidas globalmente. En estos procesos de marcación de la otredad, suele advertirse aquello que Bhabha (2002) denomina « fetichizaciones exotizantes », tal es lo que se aprecia en el caso del CD analizado, en la imagen corporal que se eligió para la tapa y las alusiones a la « raza qom ». No obstante, vimos también cómo los performers pueden intervenir activamente en esta « instrumentación del exotismo » (Ramos 1998) y utilizarla tácticamente, por ejemplo, cuando Romualdo enfatiza en las relaciones « armoniosas » de los qom con la « naturaleza », intentado articular así su concepción de la cosmovisión cazadora- recolectora toba con ciertos contenidos afines de la concepción new age. En este sentido, y como también ha señalado Zuñiga (2008) para expresiones indígenas de México, cada vez son más habituales este tipo de reelaboraciones en torno a las significaciones y finalidades de las músicas y danzas rituales amerindias, en el contexto de la difusión de estas « nuevas espiritualidades » transnacionales.

54 En conclusión, a través de nuestro estudio, hemos buscado reflexionar sobre las complejas transformaciones socio-culturales que hoy viven los pueblos amerindios, a partir del análisis de algunas de sus expresiones musicales contemporáneas. Así, pretendimos destacar también la importancia de abordar las músicas amerindias, en tanto éstas históricamente han sido una parte fundamental de la cultura y la vida social de estos pueblos, aunque muchas veces en los estudios antropológicos han quedado relegadas a simples alusiones al canto y la danza (pero sin describir los modos en que se practicaban) o, en el otro extremo, a transcripciones y análisis musicológicos que no siempre nos permitían apreciar los usos sociales y políticos así como el potencial de sentidos culturales que se pone en juego en la ejecución musical. Finalmente, a partir

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 199

de este trabajo, subrayamos los aportes que el estudio antropológico de la música también provee para el abordaje de las políticas culturales y su papel en la construcción y legitimación de imaginarios identitarios, en el contexto de las complejas y a menudo conflictivas relaciones entre los grupos indígenas, el Estado y los diferentes sectores de la sociedad mayor.

BIBLIOGRAFÍA

ANDERSON Benedict 1993, Comunidades imaginadas. Reflexiones sobre el origen y la difusión del nacionalismo, Fondo de Cultura Económica, México.

ANTHIAS Floya 2001, « New hybridities, old concepts: the limits of “culture” », Ethnic and racial studies, 24 (4), p. 619-641.

BARTH Fredrik 1976, Los grupos étnicos y sus fronteras. La organización social de las diferencias culturales, Fondo de Cultura Económica, México.

BARTOLOMÉ Miguel A. 1987, « Afirmación estatal y negación nacional. El caso de las minorías nacionales en América Latina », Suplemento antropológico, 22 (2), p. 743-782.

BHABHA Homi 2002, El lugar de la cultura, Manantial, Buenos Aires.

BAUMAN Richard and Charles BRIGGS 1996, « Género, intertextualidad y poder social », Revista de investigaciones folklóricas, 11, p. 78-108.

BAYARDO Rubens 2008, « Políticas culturales: derroteros y perspectivas contemporáneas », Revista de investigaciones políticas y sociológicas, 7 (1), p. 17-29.

BÉHAGUE Gerard 1994, « Hacia un enfoque etnomusicológico para el análisis de la música popular », in Irma Ruiz, Elisabeth Roig y Alejandra Cragnolini (eds.), Procedimientos analíticos en musicología. Actas de las IX Jornadas argentinas de musicología y VIII Conferencia anual de la AAM, Instituto Nacional de Musicología Carlos Vega, Buenos Aires, p. 303-318.

BLACKING John 1985, « Movement, dance, music, and Venda girls´ initiation », in Paul Spencer (ed.) Society and the dance. The social anthropology of process and performance, Cambridge University Press, Cambridge, p. 64-99.

BOURDIEU Pierre 1967, « Campo intelectual y proyecto creador », in Marc Barbut, Pierre Bourdieu y Maurice Godelier, Problemas del estructuralismo, Siglo XXI, México, p. 135-182.

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 200

BRAUNSTEIN José 1983, Algunos rasgos de la organización social de los indígenas del Gran Chaco, Facultad de Filosofía y Letras, Universidad de Buenos Aires, Buenos Aires.

CÁMARA DE LANDA Enrique 2006, Entre Humahuaca y La Quiaca. Mestizaje e identidad en la música de un carnaval andino, Universidad de Valladolid, Valladolid.

CARDIN Lorena 2013, « La comunidad qom Paotae Napoqna Navogoh (La Primavera) y el proceso de lucha por la restitución de su territorio », ponencia presentada en la X Jornadas de sociología de la universidad de Buenos Aires.

CITRO Silvia 2003, Cuerpos significantes. Una etnografía dialéctica con los toba takshik. tesis de doctorado de Antropología, Facultad de Filosofía y Letras, Universidad de Buenos Aires.

CITRO Silvia y Adriana CERLETTI 2009, « “Aboriginal dances were always in rings…” Music and dance as a sign of identity in the Argentine Chaco », Yearbook for traditional music, 41, p. 138-165.

CITRO Silvia y Soledad TORRES AGÜERO 2012, « Es un ejemplo no solamente para los de su raza qom sino para toda la juventud formoseña. El patrimonio cultural inmaterial y la controvertida política formoseña », RUNA, 33 (2), p. 157-174.

CLIFFORD James 1994, « Diasporas », Cultural anthropology, 9 (30), p. 302-338.

COELHO Teixeira 2000, Diccionario crítico de política cultural: cultura e imaginario, Conaculta/Iteso/Secretaría de Cultura, Gobierno de Jalisco, México.

CRESPO Carolina, Flora LOSADA y Alicia MARTÍN 2007, Patrimonio, políticas culturales y participación ciudadana, Editorial Antropofagia, Buenos Aires.

DE CERTEAU Michael 1988, The practice of everyday life, University of California Press, Berkeley/Los Angeles.

ESCOBAR Arturo, Sonia ÁLVAREZ y Evelina DAGNINO 2001, « Introducción: lo cultural y lo político en los movimientos sociales latinoamericanos », in Arturo Escobar, Sonia Álvarez y Evelina Dagnino (eds.), Política cultural y cultura política. Una nueva mirada sobre los movimientos sociales latinoamericanos, Taurus/Icanh, Bogotá, p. 26-31.

FRITH Simon 1987, « Hacia una estética de la música popular », in AAVV: Las culturas musicales. Lecturas de etnomusicología, Editorial Trotta, Madrid.

GARCIA Miguel Ángel 1999, « En torno a las ideas pilagá del origen y la transmisión de cantos », Música e investigación, 5, p. 33-46.

GARCÍA CANCLINI Nestor 1987, Políticas culturales en América Latina, Grijalbo, México.

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 201

GRÜNER Eduardo 2002, El fin de las pequeñas historias. De los estudios culturales al retorno (imposible) de lo trágico, Norma, Buenos Aires.

GRUZINSKI Serge 2000, El pensamiento mestizo, Paidós Ibérica, Barcelona.

GUIGÈRE Hélène 2006, « Vues anthropologiques sur le patrimoine culturel immatériel. Un ancrage en basses Andaloise », Anthropologie et sociétés, 30 (2), p. 107-127.

HANNERZ Ulf 1996, « Fluxos, fronteiras, hibridos: palavras-chave da antropologia transnacional », Mana, 3 (1), p. 7-39.

IÑIGO CARRERA Valeria 2006-2007, « Apuntes para pensar el clientelismo entre los tobas del este formoseño: el torno a programas sociales de empleo y sujetos políticos colectivos », Cuadernos del Instituto nacional de antropología y pensamiento latinoamericano, 21, p. 91-100.

JAMESON Frederic 1991, El posmodernismo o la lógica cultural del capitalismo avanzado, Paidos, Barcelona.

LACARRIEU Mónica 2000, « Construcción de imaginarios locales e identidades culturales en la mundialización », in Seminario de nuevos retos y estrategias de las políticas culturales frente a la globalización, Institut d’estudis Catalans, Barcelona.

LACLAU Ernesto 1996, Emancipación y diferencia, Ariel, Buenos Aires.

MENNELLI Yanina 2007, Un abordaje de la performance de contrapunto de coplas « hombre » y « mujer » en el carnaval humahuaqueño, tesina para Licenciatura en Antropología Orientación Etnolingüística, Universidad Nacional de Rosario, Rosario.

OCHOA GAUTIER Ana Maria 2002, « Políticas culturales, academia y sociedad », in Daniel Mato (coord.), Estudios y otras prácticas intelectuales latinoamericanas en cultura y poder, CLACSO/CEAP/FACES, Universidad Central de Venezuela, Caracas.

PRATS Lorenc 1997, Antropología y patrimonio, Ariel, Barcelona.

RAMOS Alcida 1998, Indigenism. Ethnic politics in Brazil, Wisconsin University Press, Madison.

ROIG Elizabeth 1996, « El coro toba Chelaalapi. Un bolsón aislado de música tradicional », Revista argentina de musicología, 1, p. 71-80.

RUIZ Irma 1978-1979, « Aproximación a la relación canto-poder en el contexto de los procesos iniciáticos de las culturas indígenas del Chaco central », Scripta ethnologica, 5 (2), p. 157-169.

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 202

RUIZ Irma y Silvia CITRO 2002, « Toba », in Diccionario enciclopédico de la música española e hispanoamericana, Sociedad General de Autores y Editores de España, Madrid, 10 vol., p. 308-315.

SALAMANCA Carlos y Florencia TOLA 2008, « Formas contemporáneas de la acción política toba a partir del análisis de las estrategias relacionales qom y de la capacidad de acción », in José Braunstein y Norma Meichtry (eds.), Liderazgo, representatividad y control social en el Gran Chaco, Editoral Universitaria de la Universidad Nacional del Nordeste, Corrientes, p. 147-156.

SEGATO Rita 1999, « Identidades políticas/alteridades históricas: una crítica a las certezas del pluralismo global », Anuario antropológico, 97, p. 161-196.

SPIVAK Gayatri 1987, In other worlds. Essays in cultural politics, Methuen, Nueva York.

TAUSSIG Michael 1987, « Orden y desorden en ritos curativos neocoloniales: Brecht, Benjamín y el desorden mismo », Revista de antropología, 3 (1), p. 5-20.

TURINO Thomas 1999, « Signs of imagination, identity, and experience. A Peircian semiotic theory for music », Ethnomusicology, 43 (2), p. 221-255.

VIVALDI Ana 2008, « Un indio tiene que pagar », Violencia y disputas en la construcción de subjetividades indígenas, Calacs, Vancouver.

WRIGHT Pablo 2008, Ser-en-el-sueño. Crónicas de historia y vida toba, Biblos, Buenos Aires.

YUDICE George 2002, El recurso de la cultura. Usos de la cultura en la era global, Gedisa, Barcelona.

ZIZEK Slavoj 1998, « Multiculturalismo o la lógica cultural del capitalismo multinacional », in Fredric Jameson, Slavoj Zizek, Estudios culturales. Reflexiones sobre el multiculturalismo, Paidós, Buenos Aires.

ZÚÑIGA Cristina Gutiérrez 2008, « La danza neotradicional como oferta espiritual en la estantería exotérica new age », in Kali Argyriadis, Renée de la Torre, Cristina Gutiérrez Zúñiga y Alejandra Aguilar Ros (coord.), Raíces en movimiento. Prácticas religiosas tradicionales en contextos translocales, Centro de estudios mexicanos y centroamericanos, México, p. 363-392.

NOTAS

1. Formosa es parte del Gran Chaco, una de las principales regiones geográficas de Sudamerica de clima cálido subtropical. Se extiende por parte de los territorios de Argentina, Boliva, Brasil y Paraguay, entre los ríos Paraguay y Paraná y el Altiplano andino. Los indígenas del Chaco argentino resistieron a la colonización española así como a la instalación de misiones hasta fines del siglo XIX.

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 203

2. Cabe aclarar que en el caso formoseño, la intervención de otros organismos, como las ONGs, en la producción y circulación de las músicas indígenas, ha sido mínima. Ésta se restringió a la elaboración de un CD colectivo donde participó la cantante toba Ema Cuañerí junto con tres cantantes de otros grupos indígenas y al apoyo de algunas actuaciones puntuales de Ema y Romualdo Diarte. Sobre este aspecto, cfr. Citro y Torres Agüero (2012). 3. Si bien el carácter imaginario de las comunidades ya fue destacado por Anderson (1993), retomando a Laclau (1996), quien a su vez retoma a Lacan, nos interesa enfatizar cómo estas identidades imaginadas operan a la manera de « significantes vacíos », pues son objeto de disputas entre los distintos grupos que intentan « llenarlos » de un determinado significado y así hegemonizarlo (Citro 2009). 4. Ambos gobiernos peronistas revirtieron muchas de las políticas del gobierno peronista de la década anterior (el de Carlos Menem), que habían llevado al país a una profunda crisis económico-política en el año 2001. Entre estos cambios puede mencionarse la ruptura inicial con los principales organismos financieros multinacionales y sus políticas económicas neoliberales, una mayor intervención estatal en la producción y redistribución económica, y una creciente integración económica-política y cultural con Latinoamérica. 5. Este último grupo, en el año 2009 también recibió el apoyo de la Subsecretaría para editar su primer CD Am Maye. En el oeste formoseño, encontramos la colaboración al proyecto del coro wichí Sacham, para la edición del libro digital Wichi Tenkai (2009), dirigido por Sergio Aschero, quién imparte talleres de formación musical a través de los cuales jóvenes wichí compusieron canciones en lengua materna, aplicando el « Sistema Numerofonía » creado por el mismo Aschero. 6. Para una caracterización detallada de estos instrumentos y músicas puede verse Ruiz (1985) y Ruiz y Citro (2002). 7. La música evangélica toba hasta el momento no ha sido objeto de políticas de promoción cultural estatales, seguramente debido a su intensa hibridez musical y contenidos cristianos en las letras. No obstante, como veremos, en las expresiones hoy consideradas « tobas » también se advierten procesos de hibridación, aunque menos marcados. 8. En 2007, concretamos la realización de un taller audiovisual con Romualdo y otros maestros de modalidad aborigen, interesados en el uso del video como una herramienta de documentación, investigación y transmisión sobre las propias expresiones artístico- culturales, con el fin de producir un material audiovisual didáctico y de difusión para las escuelas y la comunidad. El objetivo fue buscar y registrar audiovisualmente, en tres comunidades rurales toba del interior de Formosa, músicas y danzas previas a la llegada de los criollos y misioneros. El producto final del taller fue dos cortometrajes: « ÑamqtaGa ca César (Visitando a César) », referido precisamente a César Gonzalez, el maestro de nvique de Romualdo, y « Potai Napokna, Colonia la Primavera » que fueron exhibidos en distintas comunidades, festivales de cine y video y en instituciones culturales afines. Videos disponibles en: https://vimeo.com/5232705 y https:// vimeo.com/5232075 9. Estas fechas refieren, respectivamente al « Día del Aborigen » y al « Día de la Diversidad Cultural » (que hasta el 2010 fue denominado « Día de la Raza »).

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 204

10. Aún cuando Charo posee ascendencia guaraní, ella estudió la lengua y la música toba con el Coro Chelalaapí. Así, Tonolec se convirtió en uno de los primeros grupos de Argentina que mixturan la música electrónica con una música indígena local, utilizando para el canto el mismo lenguaje nativo. En los últimos años el grupo ha ganado gran popularidad y ha sido impulsado también por la Secretaría de Cultura de Nación, pues fue invitado a participar de importantes actividades, entre las que se destacan los Festejos por el Bicentenario en 2010-2011 (Citro y Cerletti 2013). Sobre este grupo ver http://www.tonolec.com.ar 11. Esta referencia al « pentatonismo » que señala Romulado, proviene de sus aprendizajes musicales formales en instituciones de la provincia, en las cuales aún se siguen utilizando estas y otras ternimologías tradicionales de connotaciones evolucionistas. 12. Cabe destacar que la música folklórica argentina contemporánea se ve cada vez más atravesada por la instrumentación electrónica del rock (guitarras y bajos electrónicos, sintetizadores). Asimismo, Roig (1996) analizó como ya en el coro Chelaalapi se incorporaban instrumentos de percusión que no solían acompañar al nvique en el pasado. 13. Si bien el CD no se encuentra disponible online, puede apreciarse una ejecución de Romualdo Diarte en nvique junto con Ema Cuañeri, en https://www.youtube.com/ watch?v=9hFSWDOPVO4 (consultado 6/12/14), de un tema de tipo « ancestral ». Asimismo, en https://www.youtube.com/watch?v=Ljxxb4YQuBs (consultado 6/12/14), se aprecia una versión libre realizada por un coro de la provincia de Formosa, del tema NauGo, que es una de las « composiciones actuales o recientes » de Romualdo, grabadas en su CD. 14. Por ejemplo, en el contexto educativo argentino, en los primeros años se suele utilizar la frase « sentarse como indiecitos », para aludir a esta posición corporal. 15. Actualmente, son pocos los jóvenes tobas que optan por esta estética coporal, de hecho el uso del pelo corto en los varones ha sido una práctica promovida por los distintos procesos de misionalización, como rasgo civilizatorio. 16. Una estrategia oficial similar aprecimos en relación a proyectos de realización audiovisual presentados por Romualdo a la Subsecretaría de Cultura provincial, pues le proponían trabajar bajo la supervisión de un blanco. 17. Si bien utilizamos las nociones de Bourdieu (1967) sobre capital cultural, social y simbólico, no retomamos aquí la totalidad de conceptos y relaciones involucrados en su « teoría del campo cultural ». Esto se debe a que el énfasis de este artículo está puesto en analizar la producción de un músico toba como resultado de un agente que, circulando por diferentes campos (como son las comunidades aborígenes y el movimiento de iglesias del Evangelio, los distintos agentes e instituciones del gobierno provincial, los festivales artísticos y las escuelas) ha establecido diversas relaciones y acumulado un determinado capital cultural y simbólico, y no tanto en delimitar el conjunto de posiciones y relaciones de fuerza específicas que constituyen a cada uno de estos campos. 18. Si bien Romualdo vive rodeado de algunos vecinos que a la vez son familiares suyos (y son también quiénes cuidan su casa cuando viaja), él permanece soltero, lo cual no es muy común entre los tobas de su edad. Esta situación de no tener una familia que

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 205

mantener, sumada al hecho de que posee dos trabajos remunerados, lo colocan en una posición económica un poco más ventajosa que el resto. 19. De manera similar, interpretamos también la recomendación de Romualdo y Ema de no incluir la temática del canto chamánico en un libro de difusión sobre músicas y danzas tobas que estamos preparando actualmente junto con ellos y otros maestros tobas formoseños. 20. En este sentido, otra producción híbrida que hemos analizado recientemente (Citro y Torres Agüero 2014), es la presentación del año 2011 de la delegación oficial de la provincia en el « Festival Nacional de Folklore de Cosquín » (considerado el festival nacional más importante de Argentina), con la obra « Formosa, puerta norte a mi Argentina », ejecutada por el Ballet Folklórico provincial y diversos grupos musicales, en tanto esta obra incluyó, por primera vez en la historia de ese Ballet, motivos coreográficos que intentaban representar a los indígenas de la región.

RESÚMENES

A partir de la obra Qom Llalec (« Hijo de los qom ») del músico toba o qom Romualdo Diarte (Formosa, Argentina), que constituye el primer CD de música indígena producido por la Subsecretaría de Cultura de esa provincia, discutimos el impacto de las recientes políticas culturales en las músicas de estos pueblos. La hipótesis es que en esta obra se evidencia la estrategia política del estado provincial por legitimar el imaginario de una « identidad multicultural » que revaloriza al indígena chaqueño, atendiendo así a las demandas de multiculturalismo y patrimonialización de las políticas nacionales y globales. No obstante, los procesos de hibridación, exotización e invisibilización de lo indígena, también revelan las tensiones y desigualdades que persisten entre gobierno, criollos e indígenas, así como las tácticas de estos últimos para afrontarlas.

À partir de l’œuvre Qom Llalec (« Fils des qom ») du musicien toba ou qom Romualdo Diarte (Formosa, Argentine), qui est devenu le premier CD de musique indigène produit par le Sous- Secrétariat de la Culture de cette province, nous avons discuté l’impact des politiques culturelles récentes dans la musique de ces peuples. L’hypothèse est que l’on peut apprécier dans cette œuvre la stratégie politique de l’État provincial pour légitimer l’imaginaire d’une « identité multiculturelle » qui revalorise l’indigène chaqueño, répondant ainsi aux exigences du multiculturalisme et de défense du patrimoine de politiques nationales et mondiales. Cependant, les processus d’hybridation, d’exotisation et d’invisibilisation de l’indigène révèlent aussi les tensions et les inégalités qui persistent dans les relations entre gouvernement, « criollos » et indigènes, ainsi que les tactiques de ces derniers pour les affronter.

Starting from the musical piece Qom Llalec (« Son of the Qom ») of Toba or Qom musician Romualdo Diarte (Formosa, Argentina), which became the first CD of indigenous music produced by the Culture Department of this province, we discuss the impact of recent cultural policies in the music of these peoples. The hypothesis is that this musical piece evidences the political strategy of the provincial government for legitimating the imaginary of a « multicultural identity » that revalorizes the Chaco Indians, responding in this way to demands of

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 206

multiculturalism and patrimonialization of national and global policies. Nevertheless, the processes of hybridization, exoticization and invisibilization of the indigenous also reveal the tensions and inequalities that persist in the relationships among government, creoles and indigenous people, as well as the tactics of the latter to address them.

ÍNDICE

Mots-clés: musique, indigènes, Tobas, patrimoine, hybridité Keywords: music, indigenous people, Tobas, patrimony, hybridity Palabras claves: música, indígenas, tobas, patrimonio, hibridez

AUTORES

SILVIA CITRO

Facultad de Filosofía y Letras, Universidad de Buenos Aires, Puan 480, 4to piso Of 465bis (1406), Buenos Aires, Argentina [[email protected]]

SOLEDAD TORRES AGÜERO

Facultad de Filosofía y Letras, Universidad de Buenos Aires, Puan 480, 4to piso Of 465bis (1406), Buenos Aires, Argentina [[email protected]]

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 207

Notes de recherche

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 208

Du « temps des patrons » au « temps des droits » : conflits interethniques et transformations politiques chez les Ashaninka d’Amazonie brésilienne From the « time of bosses » to the « time of rights »: interethnic conflicts and political transformations among the Ashaninka of the Brazilian Amazon Do « tempo dos patrões » ao « tempo dos direitos »: conflitos interétnicos e transformações politicas entre os Ashaninka da Amazônia brasileira

José Pimenta

NOTE DE L’ÉDITEUR

Manuscrit reçu en février 2013, accepté pour publication comme note de recherche en février 2015.

1 Avec une population estimée à près de cent mille individus, les Indiens ashaninka appartiennent à la famille ethnolinguistique des Arawak subandins et sont un des principaux peuples indigènes d’Amazonie1. Bien que l’écrasante majorité de cette population vive en territoire péruvien, il existe, au moins depuis la fin du XIXe siècle et l’exploitation économique du caoutchouc, qui a fortement façonné l’histoire amazonienne, quelques familles ashaninka dans l’État brésilien de l’Acre, plus précisément dans la région du Haut-Jurua, à proximité de la frontière internationale entre les deux pays2.

2 Au cours des deux dernières décennies, après avoir été durement affectés par l’exploitation forestière sur leur territoire, les Ashaninka du rio Amônia, dans le Haut-

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 209

Jurua brésilien, se sont mobilisés politiquement pour défendre leurs droits garantis par la Constitution brésilienne de 1988 et ont acquis une visibilité croissante sur la scène politico-médiatique régionale et nationale. Les revendications ethniques de ce groupe s’inscrivent dans le contexte historique particulier de l’indigénisme3 contemporain et remontent aux années 1980 et au début des années 1990. Cette époque constitue en effet un moment-clé dans l’histoire récente des Ashaninka de l’Amônia. Période charnière entre ce qu’ils appellent le « temps des patrons » et le « temps des droits », elle a été marquée par une longue lutte contre l’exploitation intensive de bois sur leur territoire et la reconnaissance de celui-ci comme terre indigène par l’État.

3 Ce moment de transition engendra de profonds changements structurels dans l’organisation sociale et politique des Ashaninka de l’Amônia. Pour défendre leur terre, les différentes familles indigènes, qui vivaient jusqu’alors dispersées le long du fleuve, durent progressivement se regrouper dans un village et former une « communauté » : l’ apiwtxa4. De nouvelles institutions, comme une coopérative, une association ou encore une école, virent le jour et en vinrent à occuper une place centrale dans leur vie quotidienne. Toutes ces transformations furent fortement influencées par différents acteurs de l’indigénisme, mais elles sont aussi imprégnées de valeurs autochtones et témoignent du dynamisme et de la créativité des Ashaninka, qui surent incorporer des éléments allogènes en réinterprétant leur structure sociale traditionnelle. Résultats de facteurs externes tout autant qu’internes, elles se présentent comme des « hybrides interethniques », produits de la rencontre entre structure et histoire, ce que Sahlins a qualifié de « structure de la conjoncture » (Sahlins 1981).

4 Sans sous-estimer les conséquences souvent dramatiques du contact avec les Blancs, il est essentiel de ne pas réduire l’histoire des populations indigènes d’Amazonie à un simple appendice de l’histoire occidentale. Dans le domaine du politique, pour nous limiter à un seul aspect de la vie sociale, depuis les années 1990 de nombreux auteurs ont élaboré un regard moins pessimiste sur le destin de ces populations et complexifié notre appréhension du contact interethnique5. Sans occulter les problèmes, ils ont montré que les Indiens d’Amazonie, loin d’être les victimes passives de l’histoire, faisaient preuve d’une grande créativité dans leur appropriation et réinterprétation du contact avec les Blancs, que ce soit dans des analyses générales (par exemple, Chaumeil 1990 ; Brown 1993 ; Conklin et Graham 1995) ou à partir d’études de cas spécifiques (Turner 1991 ; Albert 1993 ; Rubenstein 2001, entre autres). Dans cette même direction, cet article se propose d’analyser quelques changements récents vécus par les Ashaninka de l’Amônia, en particulier les transformations directement liées au domaine du politique.

5 Après avoir exposé les conflits interethniques qui marquèrent les années 1980, nous nous intéresserons plus particulièrement au rôle de la FUNAI, l’institution officielle chargée des affaires indigènes au Brésil, dans la mesure où celle-ci eut une influence directe sur l’apparition d’une chefferie chez les Ashaninka de l’Amônia. Nous verrons que, bien qu’important, ce rôle ne doit toutefois pas être exagéré, dans la mesure où la chefferie s’est aussi bâtie sur des valeurs autochtones, et doit être replacée dans un contexte historique très singulier au sein duquel les Ashaninka n’ont jamais cessé de jouer un rôle actif. Nous montrerons, en conclusion, que ces changements politiques ne sont pas sans créer de nouveaux défis auxquels les Indiens s’efforcent aujourd’hui d’apporter des réponses.

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 210

Du « temps des patrons » au « temps des droits » : la lutte des Ashaninka du rio Amônia pour leur territoire

6 En raison de leur grande mobilité et du peu d’intérêt que les historiens ont accordé à la diversité autochtone avant la colonisation de la région, il est très difficile de dater la présence des Ashaninka dans le Haut-Jurua brésilien. L’histoire orale affirme néanmoins qu’ils habitaient déjà le fleuve Amônia à l’arrivée des seringueiros (récolteurs de latex), les premiers Blancs à s’installer dans la région à la fin du XIXe siècle. Aujourd’hui, les Ashaninka de l’Amônia narrent leur histoire en la découpant en périodes temporelles successives. Ainsi, le « temps des patrons » précède le « temps des droits » et succède au « temps des anciens »6. Bien que les limites entre ces phases ne soient pas toujours très précises, chacune est marquée par des événements et des transformations importantes de leur société et de leur mode de vie. Le « temps des patrons » commence par l’arrivée des premiers Blancs dans la région à l’époque du boom du caoutchouc.

7 Durant la colonisation de l’Acre, le contact des Ashaninka avec les seringueiros a été très particulier. Même s’ils ont participé à l’exploitation itinérante du caucho7 en Amazonie péruvienne, les Ashaninka du Haut-Jurua, contrairement aux autres groupes indiens de la région, ont rarement été sédentarisés dans les seringais (exploitations de caoutchouc). Prisés par les Blancs pour leurs qualités guerrières et habiles commerçants, ils ont surtout servi à sécuriser les seringais et ont été des partenaires d’échange privilégiés des seringalistas (patrons des exploitations de caoutchouc) ou de leurs représentants. Après avoir décimé les Indiens de la région considérés comme hostiles8, les Ashaninka s’illustrèrent dans le commerce interethnique avec les Blancs, échangeant périodiquement des produits de la forêt ou du gibier contre des biens industriels. Cette situation perdura jusqu’à la fin des années 1970 quand le Haut-Jurua, en particulier le bassin du rio Amônia, riche en bois précieux, commença à subir les assauts d’entreprises forestières.

8 Le bois précieux était abondant dans les forêts de l’Amônia, surnommé régionalement le « fleuve du bois ». L’acajou et le cèdre, espèces les plus convoitées, se concentraient tout particulièrement en territoire indigène, près de la frontière avec le Pérou ; une région jusque-là peu affectée par le front colonial9. À partir des années 1970, avec la crise persistante du caoutchouc et la faillite de nombreuses exploitations, beaucoup de seringueiros, privés de leurs moyens de subsistance, commencèrent à remonter le rio Amônia pour s’installer en territoire ashaninka, également plus riche en gibier. À l’exploitation commerciale de la chasse s’ajouta peu à peu celle du bois précieux. Pour se procurer les biens industriels dont ils devenaient progressivement dépendants, les Ashaninka participèrent à l’exploitation prédatrice des ressources naturelles de leur territoire en travaillant comme main-d’œuvre servile pour les bûcherons.

9 D’abord réalisée par les Indiens et les anciens seringueiros avec des méthodes artisanales, l’exploitation du bois s’intensifia au début des années 1980 avec l’arrivée d’entreprises forestières qui envahirent à trois reprises le territoire ashaninka. Comme l’économie du caoutchouc, la coupe du bois fonctionnait selon les règles de l’ aviamento10. Entre les Indiens, qui formaient l’essentiel de la main-d’œuvre non qualifiée, et les intermédiaires au service des patrons, l’argent ne circulait pas. La production de bois des Ashaninka était enregistrée sur des comptes contrôlés par le patron ou son contremaître. En échange, les Indiens recevaient quelques biens

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 211

industriels dont le coût était directement débité du crédit accumulé avec leur travail. Ne sachant ni lire ni compter, ils étaient systématiquement spoliés lors de ces transactions et devaient fournir sans cesse plus de bois pour alléger une dette qu’ils n’arrivaient jamais à solder. Ils ont ainsi parfois échangé plusieurs mètres cubes d’acajou contre des broutilles, par exemple quelques kilos de savon ou de sel.

10 L’exploitation intensive du bois en territoire ashaninka dans les années 1980 eut des conséquences écologiques et socioculturelles désastreuses. Plus d’un quart de la terre indigène a souffert directement ou indirectement des dégâts de cette activité économique destructrice. Près de 80 kilomètres de chemins ont été ouverts en forêt. Le long de ces voies d’accès, des milliers d’arbres ont été abattus. Les cours d’eaux ont été pollués et le gibier a fui la région, dont l’équilibre écologique a durablement été affecté. À ces conséquences, on peut ajouter l’augmentation de la présence de Blancs en territoire indigène qui conduisit à une cohabitation interethnique forcée, marquée par de nombreux conflits et une forte discrimination à l’égard des pratiques culturelles autochtones11.

11 Les Ashaninka de l’Amônia qualifient la période d’exploration intensive du bois et la coexistence imposée avec les Blancs comme l’apogée du « temps des patrons ». Ils s’en souviennent comme d’une époque marquée par la douleur, la maladie et la mort. Aux accidents du travail, qui marquaient régulièrement la vie des chantiers et causaient parfois de lourdes séquelles ou même la mort, le contact permanent avec les Blancs s’est également traduit par la multiplication des épidémies : grippe, coqueluche, pneumonie, hépatite, typhoïde, choléra, etc. Bien qu’aucune estimation ne soit disponible, les Ashaninka disent que ces maladies décimèrent parfois des familles entières, provoquant aussi le départ de certaines vers le Pérou.

12 C’est dans ce contexte douloureux de l’apogée du « temps des patrons » qu’émergea progressivement une nouvelle conscience politique et que les Ashaninka du rio Amônia commencèrent à se mobiliser pour la reconnaissance de leurs droits, en particulier le droit à la terre. La lutte pour le territoire leur a permis de se libérer peu à peu de la dépendance économique des patrons, d’expulser les Blancs, de retrouver leur liberté et une nouvelle fierté. Cette lutte inaugure le « temps des droits » qui s’étend jusqu’à nos jours et dont le 23 juin 1992 est la date de référence. Ce jour-là, en effet, la « Terra Indígena Kampa do Rio Amônia » fut définitivement démarquée avec une superficie de 87 205 hectares, étant officiellement homologuée en novembre de la même année. Depuis lors, cette date est annuellement célébrée par les Ashaninka de l’Amônia avec de grandes festivités qui mobilisent toute la communauté.

13 Comme nous le montrerons plus loin, la lutte pour la terre compta avec l’appui de divers secteurs de l’indigénisme, en particulier de la FUNAI. Le soutien de ces acteurs externes ne doit toutefois pas minimiser le rôle joué par les Indiens de l’Amônia eux- mêmes dans la défense de leur territoire. S’interrogeant sur les revendications autochtones dans le Gran Pajonal, en Amazonie péruvienne, Veber (1998) a fort justement rappelé que les Indiens ne doivent pas être considérés comme les victimes passives de la colonisation occidentale. Même au sein du système patronal de l’ aviamento, caractérisé par des relations extrêmement asymétriques, d’autres auteurs ont aussi montré que les Ashaninka étaient loin d’être passifs, interprétant, par exemple, leurs relations économiques avec les patrons comme des variations créatives de l’ayompari, le système indigène d’échanges (Bodley 1973 ; Pimenta 2006a et 2009 ; Killick 2008). Les Ashaninka de l’Amônia n’ont pas attendu la bienveillance de leurs

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 212

alliés indigénistes pour prendre conscience des conséquences désastreuses de l’exploitation prédatrice du bois. Avant même le soutien de la FUNAI et autres alliés, ils s’étaient déjà organisés par eux-mêmes pour faire face au pouvoir des patrons, envisageant même un conflit armé pour chasser les envahisseurs de leur territoire. Informés de leurs droits par les indigénistes et conseillés par leurs leaders, ils optèrent finalement pour s’engager dans une voie légale, cherchant une résolution pacifique du conflit. Tout au long des années 1980, ils jouèrent un rôle actif et ne cessèrent de multiplier les pressions sur l’agence indigéniste pour mettre un terme à l’immobilisme administratif dans lequel était enlisé le processus de démarcation de leur territoire. Il est donc important de souligner que la conquête de droits territoriaux est le résultat direct de leur mobilisation politique bien plus que d’une quelconque initiative délibérée de la FUNAI, même si cette dernière a joué un rôle non négligeable dans les transformations politiques vécues par les Ashaninka du fleuve Amônia. Avant d’évoquer ces changements, quelques considérations préliminaires sur l’organisation sociale et politique de cette société amazonienne sont indispensables.

Notes sur l’organisation sociale et la chefferie chez les Ashaninka

14 Selon Varese (2002, p. 15), la structure sociale constitue un des aspects les plus complexes et fascinants des Ashaninka. Généralement caractérisée par la fragmentation, leur organisation sociale est extrêmement flexible et peut donner naissance à une union momentanée et circonstancielle face à des menaces externes (Hvalkof et Veber 2005, p. 226 ; Killick 2007). La famille nucléaire, composée d’un couple et de ses enfants, constitue l’unité sociale élémentaire12. Ces familles peuvent vivre isolées ou se rassembler autour d’un ancien pour former ce que Bodley (1970, p. 79) a qualifié de « groupe domestique » (household group). Petits regroupements de maisons, composés d’une à six familles nucléaires unies par des relations d’affinité et consanguinité, ces groupes domestiques se caractérisent par une grande solidarité politique et une forte coopération économique : travaux agricoles en commun, répartition du gibier, etc. Ils peuvent être considérés comme la plus grande unité politique stable de la société ashaninka (Weiss 1969, p. 40).

15 Sous l’influence d’un homme charismatique, un ensemble de groupes domestiques peut également se regrouper et constituer ce que les Ashaninka appellent un « nampitsi » et que Mendes (1991, p. 26) a défini comme « territoire politique ». La taille d’un nampitsi est très variable et ses frontières ne sont pas toujours clairement délimitées. Les groupes domestiques qui le composent peuvent présenter un habitat plus ou moins dispersé le long d’un fleuve ou se réunir pour former un village ou une communauté, cas le plus fréquent aujourd’hui, aussi bien au Brésil qu’au Pérou. Selon Hvalkov et Veber (2005, p. 160), le mot nampitsi ferait plus référence à un espace social qu’à une entité sociale. Il indiquerait surtout le lieu où vivent plusieurs familles, parfois traduit en espagnol par « communauté » (ibid.). On retrouve une situation semblable chez les Ashaninka de l’Amônia qui présentent également leur village, apiwtxa, comme un nampitsi. Néanmoins, ils n’excluent pas sa dimension politique dans la mesure où leur communauté, comme nous verrons plus loin, est aussi dirigée par un chef. Plusieurs facteurs peuvent contribuer à l’extension, la réduction ou la fission d’un nampitsi : prestige de son leader, décès, conflits interfamiliaux, mariages, etc. En son sein, la

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 213

coopération économique est réduite, même si les membres des groupes qui le composent peuvent participer à des expéditions collectives de pêche ou de chasse. Comme l’a souligné Mendes (1991), c’est surtout l’institution de la fête de bière de manioc appelée piyarentsi13 qui constitue le principal mode d’interaction sociale à l’intérieur du nampitsi. En fonction des circonstances, notons également que différents territoires politiques peuvent établir des alliances plus amples, donnant naissance à une large solidarité ethnique qui peut être mobilisée pour faire face à des menaces externes, en particulier celles des Blancs14.

16 Les Ashaninka sont connus pour leur désir aigu de liberté, d’autonomie et d’égalitarisme (Hvalkof et Veber 2005, p. 226 ; Killick 2007). La flexibilité de leur organisation sociale leur permet de préserver à la fois ces valeurs et d’actionner, lorsque les circonstances l’exigent, une solidarité ethnique indispensable pour assurer la reproduction de leur société. Ainsi, bien que cherchant à éviter la plupart du temps l’avènement de toute hiérarchie sociale et d’un pouvoir coercitif, l’émergence de « chefs » ou de grands leaders n’est pas rare chez les Ashaninka. Des luttes contre les missionnaires franciscains, à l’époque coloniale, aux mouvements de résistance contre le Sentier lumineux, à la fin des années 1980 et au début des années 1990, leur histoire est parsemée d’événements qui illustrent leur union politique, sous la direction momentanée d’un chef, pour défendre leur territoire et leur mode de vie face aux menaces extérieures.

17 Dès lors, les ethnologues ayant travaillé avec les Ashaninka soulignent souvent le caractère circonstanciel de la chefferie dans cette société amérindienne. Lorsqu’il existe, le chef est qualifié de « curaca », terme d’origine quechua, amplement diffusé en Amazonie péruvienne, ou de « pinkatsari » en langue ashaninka. Pour des raisons de simplicité et de commodité, ces deux mots sont parfois employés comme synonymes ; beaucoup d’ethnologues15 et les Ashaninka de l’Amônia eux-mêmes présentent habituellement le pinkatsari comme un curaca et donc un chef. Un examen plus approfondi de la question révèle néanmoins que cet usage précipité est fréquemment problématique dans la mesure où, comme l’ont déjà observé Zolezzi (1994, p. 225) ou Hvalkof et Veber (2005, p. 170), les deux termes ont des sens différents et ne sont pas interchangeables.

18 Dans un article sur l’évolution de la chefferie amérindienne en Amazonie péruvienne, Chaumeil (1990) a montré que le système politique du curacazgo fut imposé par les missionnaires durant la colonisation espagnole. Dans la nouvelle vie des missions, le curaca était un chef indigène nommé, parfois à vie, par les missionnaires, plus en raison de sa réceptivité aux discours des Blancs et de ses affinités avec les objectifs de la colonisation que par sa légitimité traditionnelle. Dans la hiérarchie centralisée des missions, il servait d’intermédiaire entre les administrateurs locaux et les Indiens, et la maîtrise de la langue espagnole était un critère important dans son choix. Dans ses nouvelles fonctions, le curaca exerçait un pouvoir inédit et participait activement au contrôle et à l’administration de la population indigène. Beaucoup servirent ainsi de courroie de transmission de la colonisation, tandis que d’autres utilisèrent leur nouveau statut pour organiser la résistance et les révoltes indigènes. Comme le rappelle Chaumeil (ibid.), après la crise des missions coloniales, à partir de la seconde moitié du XVIIIe siècle, le système politique du curacazgo fut récupéré par les colons qui l’utilisèrent abondamment, par exemple à l’époque du caoutchouc, pour exploiter la

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 214

main-d’œuvre indigène. Le curaca se transforma en un intermédiaire entre le patron et les Indiens.

19 Dans la littérature ethnographique sur les Ashaninka, on trouve plusieurs définitions de pinkatsari. Weiss (1969, p. 48), par exemple, définit le terme comme « celui qui est craint », en précisant qu’il est aussi utilisé pour désigner les dieux dominants du panthéon ashaninka. Cette définition a été reprise par Mendes (1991, p. 25), tandis que Zolezzi (1994, p. 224-227) a préféré le présenter comme « celui qui est respecté », ce qui nous paraît plus fidèle à la situation que nous avons observée chez les Ashaninka de l’Amônia. En effet, nos interlocuteurs traduisent aisément curaca par chef, mais se montrent plus réticents avec le mot « pinkatsari » et éprouvent des difficultés pour lui trouver un équivalent exact en portugais. Beaucoup disent ainsi que le pinkatsari n’est pas nécessairement un curaca, c’est-à-dire un chef. Le pinkatsari et le curaca exercent tous deux un rôle que l’on pourrait qualifier de politique et peuvent avoir ou non un pouvoir coercitif. La différence entre eux se situe surtout dans le fait que le curaca est toujours un chef institué et légitimé dans ses fonctions par des agents extérieurs à la société ashaninka (la plupart du temps par les Blancs). Un pinkatsari, quant à lui, est un individu ashaninka qui a bâti son prestige dans sa société d’origine. Même s’il peut parfois exercer un pouvoir coercitif, en temps de guerre par exemple, le pinkatsari nous rappelle le plus souvent la figure désormais classique dans l’ethnologie amazonienne du « chef sans pouvoir » (Clastres 1974). Ainsi, les Ashaninka de l’Amônia affirment que seuls des individus ashaninka peuvent être pinkatsari et que celui-ci ne dispose généralement pas d’un pouvoir coercitif. Bien qu’un tel pouvoir ne soit pas non plus une caractéristique qui définit tous les curaca, ces derniers, même lorsqu’ils sont Ashaninka, doivent leur statut à des éléments extérieurs à leur société. Les pinkatsari sont ainsi des leaders charismatiques qui ont accumulé du prestige, ont une parentèle importante et se différencient de leurs pairs par leurs qualités individuelles. Le pinkatsari m’a parfois été présenté comme un antarite (« celui qui sait »), un owayiri (« grand guerrier »), un sheripiari (« grand chaman ») ou même, tout simplement, un homme âgé qui se distingue des siens par sa sagesse ou son savoir. Tous peuvent être qualifiés de pinkatsari sans nécessairement être perçus comme curaca ou chef16.

20 À l’intérieur d’un nampitsi, certaines personnes peuvent se distinguer et acquérir un grand prestige grâce à leurs qualités individuelles. La sagesse, le savoir, la connaissance des mythes et de l’histoire du groupe, la familiarité avec la forêt, les qualités de chasseur, le courage, la capacité à convaincre, le talent d’orateur et, de plus en plus, les aptitudes de négociateurs avec les Blancs, en particulier pour obtenir des produits manufacturés, sont des qualités importantes pour accroître sa renommée et rassembler des gens autour de soi. Un pinkatsari prestigieux peut agglutiner de nombreuses familles autour de lui et former un grand nampisti dont l’influence rayonnera dans le voisinage. Sa présence est importante pour l’administration des conflits de la vie quotidienne du nampitsi. Toutefois, il ne peut donner des ordres ou obliger les siens à lui obéir. Généralement, ses conseils suffisent à résoudre la plupart des disputes courantes : antagonismes de voisinage, adultères, vols, etc. Lors d’un conflit plus grave, une menace extérieure par exemple, le pinkatsari peut se voir attribuer des pouvoirs plus importants et prendre le devant de la scène politique.

21 En raison de leur place privilégiée au sein de la vie sociale indigène, les pinkatsari furent facilement identifiés par les Blancs comme des chefs. Cette identification ne doit pas masquer le caractère circonstanciel de la chefferie, dont l’existence chez les Ashaninka

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 215

semble être liée à des circonstances historiques très spécifiques et notamment au contact avec le monde occidental. Ainsi, si les Ashaninka se dotent parfois de grands leaders, ils peuvent également, en d’autres circonstances, présenter les caractéristiques d’une société dépourvue de chefs, comme les Achuar et d’autres sociétés amazoniennes, particulièrement dans la région subandine (Descola 1988, p. 822). Chez eux, il n’existe donc pas de chefferie en tant que lieu de pouvoir institué et, dans la langue ashaninka, il semble ne pas exister non plus d’équivalent sémantique pour désigner le mot « chef », si on définit celui-ci comme un individu exerçant un pouvoir politique institué ; le terme « curaca », d’origine quechua, étant le seul reconnu par les Ashaninka de l’Amônia pour qualifier cette fonction. S’ils cherchent la plupart du temps à éviter l’émergence d’une hiérarchie entre eux, les Ashaninka peuvent également se laisser mener par d’importants leaders lorsque la situation l’exige (Killick 2007). Un pinkatsari peut alors se transformer en curaca. Nos interlocuteurs ajouteraient certainement que pour être un bon curaca, il faut avoir les qualités d’un pinkatsari. Malgré les différences, il n’est pas rare que les Ashaninka de l’Amônia utilisent les deux termes comme synonymes. En effet, comme nous le montrerons plus loin, pinkatsari et curaca se confondent souvent pour désigner une même personne dans les récits des transformations politiques qui marquèrent la transition du « temps des patrons » au « temps des droits ». Cette analogie entre les deux termes est facilement compréhensible dans la mesure où il est souvent difficile de faire la distinction entre intérieur et extérieur. Il semblerait d’ailleurs que le mot « pinkatsari » prenne également des connotations particulières suivant les contextes ethnographiques et les moments historiques. Hvalkov et Veber (2005, p. 172-173) soulignent, par exemple, que ce terme a été récemment repris dans le contexte de l’indigénisme contemporain péruvien pour désigner les dirigeants de certaines associations indigènes, comme dans le cas de l’organisation des Ashaninka du Gran Pajonal (OAGP).

Émergence d’une chefferie : le rôle de la FUNAI

22 La mobilisation politique des Ashaninka du rio Amônia pour expulser les Blancs et reprendre le contrôle de leur territoire doit être replacée dans le contexte historique de l’Acre de la fin des années 1980 et du début des années 1990, marqué par l’effervescence des luttes des Indiens et des seringueiros contre l’exploitation qu’exerçaient les patrons régionaux. Les Ashaninka de l’Amônia participèrent en effet activement au mouvement indigène régional et à l’Alliance des peuples de la forêt, transformant profondément leur organisation sociale et politique17. Ces changements commencèrent toutefois au milieu des années 1980 et la FUNAI joua un rôle particulièrement important.

23 À l’époque de l’exploitation intensive du bois, les échanges entre Ashaninka et Blancs se faisaient généralement par l’intermédiaire de quelques hommes, en particulier Samuel Pianko dont le prestige dépassait les frontières de sa parenté. Samuel était originaire du Haut-Ucayali. À la fin des années 1930, à la recherche de meilleures conditions de vie, il traversa la frontière et s’installa dans la région brésilienne du fleuve Amônia avec sa femme, son beau-père et quelques autres membres de sa famille. Peu à peu, son groupe familial s’agrandit et il devint un personnage important. Aujourd’hui, les Indiens de l’Amônia parlent de Samuel comme d’un pinkatsari dont ils exaltent les vertus. Guerrier redouté dans sa jeunesse, les Ashaninka disent que Samuel était aussi

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 216

un admirable chasseur, un conteur d’histoires hors pair et un grand chamane, connaisseur des secrets du tabac et de l’ayahuasca.

24 Samuel est également présenté comme un respectable curaca qui servait souvent d’intermédiaire entre les Ashaninka et les Blancs. Il rassemblait le gibier, les peaux d’animaux sauvages et la production de bois des familles indigènes et se chargeait ensuite de négocier leur vente aux Blancs contre des produits manufacturés. Malgré le soutien d’une parenté importante et de ses qualités individuelles, il semblerait toutefois que Samuel Pianko ne se soit jamais considéré lui-même comme un curaca. En effet, en 1985, quelques mois avant sa mort, il confiait à un indigéniste de la FUNAI que les Ashaninka de l’Amônia n’avaient pas les conditions requises pour être dirigés par un chef. Selon lui, à cette époque, il ne pouvait exister de curaca sur le rio Amônia car aucun Indien ne possédait de marchandises en quantité suffisante pour exercer une autorité politique et attirer autour de lui d’autres familles (Espirito Santo 1985, p. 12-15).

25 Malgré lui, Samuel Pianko est présenté par les Ashaninka comme le premier Indien à occuper la fonction de curaca dans l’Amônia et ces derniers ne manquent pas de souligner le rôle joué par la FUNAI dans l’attribution de ce nouveau statut. L’émergence d’une chefferie parmi les Ashaninka du fleuve Amônia au milieu des années 1980 s’est ainsi d’abord cristallisée autour de la figure de Samuel Pianko, et l’organisme indigéniste officiel joua un rôle important.

26 Le premier contact des Ashaninka de l’Amônia avec la FUNAI remonte à la fin des années 1970 lorsqu’une équipe d’anthropologues au service de l’institution réalisa une expédition au Haut-Jurua pour réunir des informations sur les communautés indigènes de la région (Seeger et Vogel 1978). Cependant, ce ne fut qu’au milieu des années 1980, durant l’apogée de l’exploitation du bois et sous la pression des Ashaninka soutenus par des anthropologues et des ONG, que l’agence indigéniste officielle commença à se soucier de la situation de ces Indiens et à prendre plus au sérieux leurs revendications territoriales.

27 Une des premières missions de la FUNAI fut d’institutionnaliser des représentants politiques chez les Ashaninka et donc de faire surgir des chefs qu’elle pouvait utiliser comme interlocuteurs privilégiés. Cette situation n’a rien d’exceptionnel. On sait en effet que l’intervention de la FUNAI, historiquement guidée par une idéologie paternaliste, a entraîné de profonds changements dans de nombreux domaines de la vie sociale des populations indigènes : représentation politique, forme d’habitat, économie, etc. Ces diverses transformations ont déjà suscité de nombreuses recherches, tout particulièrement au Brésil où, selon certains auteurs (voir, par exemple, Ramos 1990), l’ethnologie a fait de l’étude des relations entre Indiens et Blancs un de ses traits distinctifs18.

28 Nous montrerons plus loin que le rôle de l’organisme officiel ne doit pas être surestimé et que les transformations politiques vécues par les Ashaninka de l’Amônia ne résultent pas exclusivement de facteurs externes. Toutefois, l’intervention de la FUNAI ne doit pas être négligée, à la fois quant à la réorganisation territoriale des Indiens (les familles étant regroupées dans un village) et à l’avènement d’une chefferie. Comme l’illustrent les deux témoignages suivants, nos interlocuteurs indigènes de l’Amônia lient étroitement la concentration de l’habitat et l’apparition d’un curaca à la FUNAI. Quand la FUNAI est arrivée, mon père [Samuel] a été curaca […]. La FUNAI est arrivée et a d’abord mis mon père comme chef parce qu’on n’avait pas de chef. On

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 217

avait besoin d’un chef pour commencer le travail [de démarcation du territoire]. La FUNAI est arrivée et a dit : « Allez, on va mettre un chef ! Allez, on va faire une communauté ! » […] Il n’y avait pas de chef ici. Il n’y avait pas de communauté. Il n’y avait que des maisons éparpillées, une ici, une autre là-bas. Mon père a été le premier curaca et on a fait une communauté. (Alípio, fils de Samuel) Avant l’arrivée de la FUNAI, il n’y avait pas de communauté, seulement des familles qui habitaient éparpillées. Il n’y avait pas de chef non plus. Le personnel [les fonctionnaires de la FUNAI] n’était pas encore arrivé. Au début, il n’y avait rien. Je ne peux pas dire qu’il y avait une communauté, qu’il y avait un chef. J’ai vu tout ça apparaître. Quand je suis arrivé, au départ, il n’y avait rien. Samuel habitait avec sa famille. On habitait tous éparpillés, seulement avec notre famille, nos enfants. Un habitait ici, l’autre là-bas, un autre dans un autre coin […]. Ensuite est arrivée la FUNAI. Elle a parlé avec Samuel […]. La FUNAI a beaucoup parlé avec Samuel et l’a mis comme chef pour qu’il nous regroupe, pour qu’on fasse une communauté pour démarquer la terre. (Aricêmio, chamane et gendre de Samuel)

29 Bien que les deux processus de concentration territoriale et de naissance d’une chefferie soient intimement liés, nous nous limiterons au domaine du politique19. Si Samuel Pianko était perçu par beaucoup d’Ashaninka comme un curaca, c’est surtout parce qu’il avait été le premier à recevoir, écouter et négocier avec les indigénistes et que ces derniers ont fait de lui un interlocuteur privilégié. Peu à peu, la FUNAI légitima Samuel comme « chef des Ashaninka de l’Amônia » dans les relations interethniques et il fut chargé « d’organiser son peuple » dans la lutte pour la démarcation du territoire. Dans le choix de Samuel, la maîtrise du portugais et la compréhension du monde des Blancs furent des éléments fondamentaux. À sa mort, probablement à la fin de l’année 1985, son fils Antonio prit le relais. Bien qu’elle puisse parfois évoquer Samuel, l’image du curaca est aujourd’hui surtout associée à Antonio Pianko. Si Samuel a initié les changements, c’est en effet sous la direction de son fils que fut fondé le village Apiwtxa et que les Ashaninka ont conquis la démarcation de leur terre.

30 L’affirmation politique d’Antonio doit, elle aussi, beaucoup à l’intervention de l’agence indigéniste officielle, mais il serait inexact de présenter Samuel ou Antonio comme des chefs imposés aux Indiens par la FUNAI. Comme son père, Antonio avait de nombreuses qualités individuelles valorisées par la société ashaninka. Bien que ne possédant pas de connaissances chamaniques particulières, il jouissait déjà d’un grand prestige entre les Indiens de l’Amônia avant de bénéficier de soutiens externes. Perçu par les siens comme un homme sage et généreux, Antonio se singularisait aussi par ses qualités de chasseur et avait pris l’habitude d’accompagner régulièrement son père dans les transactions commerciales avec les patrons, ce qui lui donna très vite une bonne expérience du contact avec les Blancs et des négociations interethniques. À la mort de Samuel, Antonio était un homme mûr qui avait accumulé un certain prestige entre les siens. Les Indiens le présentent également comme un pinkatsari et affirment qu’il était le mieux préparé pour prendre le relais de son père et servir d’intermédiaire entre les Ashaninka et le monde occidental. Avec l’appui de la FUNAI, Antonio succéda à Samuel et consolida progressivement sa position de curaca des Ashaninka de l’Amônia. Aujourd’hui, il est reconnu comme le seul curaca de la terre indigène, aussi bien par les Indiens que par les Blancs. La chefferie, circonstancielle entre les Ashaninka, comme nous l’avons vu, prit ainsi localement un caractère héréditaire. Au milieu des années 1980, la configuration politique chez les Indiens de l’Amônia était cependant beaucoup plus complexe.

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 218

La consolidation d’un chef

31 À la mort de Samuel, le territoire ashaninka de l’Amônia, en plus de compter avec la présence des nombreux colons blancs, était en effet divisé en trois nampitsi, dirigés par trois pinkatsari ou curaca20 : Antonio, Kishare et Thaumaturgo. Si quelques familles ne se rattachaient pas nécessairement à ces territoires politiques, menant une vie très autonome, ces trois hommes exerçaient leur influence sur la grande majorité des Indiens. Après le décès de son père, Antonio, dont le groupe familial était déjà le plus important en termes démographiques, augmenta considérablement son prestige, tandis que Thaumaturgo et Kishare perdirent de leur influence. La prédominance politique d’Antonio et son affirmation progressive comme curaca de tous les Ashaninka de l’Amônia s’explique non seulement par l’appui de la FUNAI et ses qualités personnelles de pinkatsari, mais aussi par des circonstances historiques très particulières.

32 Thaumaturgo était présent depuis longtemps sur le fleuve Amônia, mais il était fils d’Indiens amahuaca : sa mère avait été capturée alors qu’il était encore enfant, au cours d’un des nombreux raids que les Ashaninka menèrent dans la région jusqu’au début du XXe siècle contre les Indiens qu’ils considéraient « sauvages ». Thaumaturgo fut élevé par un Ashaninka et épousa une fille d’Antonio, mais ne se libéra jamais de ses origines et ne fut jamais considéré comme un « vrai Ashaninka », ni par la plupart des Ashaninka, ni par les représentants de la FUNAI. Son influence politique s’exerçait sur un groupe de familles hétérogènes qui formaient une véritable mosaïque ethnique, composée de Blancs et d’Indiens appartenant à différents groupes comme les Jaminawá, Kaxinawá, Arara, auxquels s’ajoutaient encore des survivants de peuples qui vivaient dans la région dans les premières décennies du XXe siècle, comme les Shama ou les Amahuaca. En raison de son caractère pluriethnique, le nampitsi de Thaumaturgo était vu comme un conglomérat d’« Indiens mélangés », dépossédés de leur culture indigène et vivants « comme des Blancs ». Dans les rapports des représentants de la FUNAI21, ils furent considérés comme des « Indiens acculturés » et l’objet d’un traitement discriminatoire en comparaison de celui que l’agence indigéniste réserva aux Ashaninka des nampitsi d’Antonio et de Kishare, qu’elle considérait « traditionnels » ou « authentiques ». Les Ashaninka de l’Amônia affirment également que Thaumaturgo et son groupe étaient politiquement alliés aux patrons, qu’ils refusaient de mettre un terme à l’exploitation prédatrice de bois et s’opposaient aussi au processus de démarcation territoriale. La FUNAI ne se soucia guère du sort de ces familles liées à Thaumaturgo. Après la démarcation de la terre indigène, elles connurent le même destin que les Blancs qui occupaient illégalement ce territoire et furent expulsées. Certaines se dispersèrent dans la région du Haut-Jurua, d’autres s’installèrent aux limites de la terre ashaninka22.

33 S’il existait de profondes divergences politiques avec le groupe de Thaumaturgo, les relations entre Antonio et Kishare furent beaucoup plus amicales dans la mesure où les deux hommes étaient alliés dans la lutte contre les Blancs et l’exploitation prédatrice de bois. Kishare et son groupe familial arrivèrent du Pérou pour s’installer dans l’Amônia au début des années 1980. Malgré cette présence récente qui lui donnait peu de légitimité sur le plan historique, Kishare sut très rapidement se faire reconnaître et respecter comme pinkatsari par les autres Ashaninka, mais aussi comme curaca par les indigénistes qui le considéraient le plus « traditionnel » des trois « chefs ». Selon nos

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 219

interlocuteurs, Kishare réunissait beaucoup des qualités de Samuel Pianko. Fin connaisseur de la culture ashaninka, il était aussi un chamane apprécié.

34 Antonio et Kishare participaient ensemble à des réunions avec la FUNAI et étaient souvent d’accord sur la manière de conduire la politique interethnique. Selon les Ashaninka de l’Amônia, Kishare avait toutefois une ambition démesurée qui le poussait sans cesse à vouloir accroître son prestige et à contrôler tous les Ashaninka de la région. Ne se contentant pas de partager le pouvoir politique avec Antonio, il souhaitait s’affirmer comme l’unique curaca de l’Amônia. Pour agrandir son nampitsi, Kishare essaya d’attirer vers lui des familles du groupe d’Antonio qu’il séduisait en promettant des biens industriels en grande quantité. Cette stratégie s’avéra néanmoins un cuisant échec. Ce fut justement autour de la question de l’accès aux marchandises, en particulier sur les capacités de gestion d’une coopérative, qu’Antonio prit progressivement l’ascendant politique sur Kishare.

35 En 1987, cherchant une alternative économique à l’exploitation du bois, la FUNAI finança le démarrage de deux coopératives dans les nampitsi d’Antonio et de Kishare. Les deux hommes se partagèrent ainsi un petit capital de départ qui leur permit d’acheter un stock initial de marchandises. Celles-ci devaient être distribuées aux différentes familles en contrepartie de produits agricoles qui, par la suite, seraient vendus par la coopérative ; une fois commercialisés, ces produits agricoles apporteraient les fonds nécessaires pour réapprovisionner la coopérative en produits manufacturés et ainsi de suite.

36 Le fonctionnement de la coopérative pouvait paraître assez simple, encore fallait-il que les Indiens, peu familiarisés avec la logique économique des Blancs, incorporent le système. Si Antonio démarra lentement sa coopérative en assimilant rapidement ses règles, Kishare, au contraire, procéda immédiatement à la distribution des marchandises entre les membres de son groupe sans exiger de contreparties. En agissant de la sorte, ce dernier, comme nous avons eu l’occasion de le développer ailleurs (Pimenta 2006b), suivait une logique du don (gift) dans un système de marchandises (commodity). Il faisait une démonstration de sa grande générosité, valeur essentielle dans la société ashaninka et indispensable pour un pinkatsari, mais condamnait du même coup son futur politique comme curaca. En effet, son attitude fut jugée totalement irresponsable par la FUNAI et il perdit rapidement la confiance et le soutien financier des indigénistes. Dans l’impossibilité d’obtenir de nouveaux fonds pour réapprovisionner sa coopérative en biens industriels, son nampitsi se désintégra peu à peu. Kishare perdit son influence politique et la plupart de ses partisans l’abandonnèrent. Certains retournèrent au Pérou, d’autres rejoignirent le nampitsi d’Antonio dont la coopérative se révélait être une alternative efficace à l’exploitation du bois23. En effet, malgré des débuts difficiles avec les produits agricoles, la coopérative d’Antonio Pianko permit aux Ashaninka de s’affranchir progressivement de l’emprise des patrons. En réapprovisionnant régulièrement sa coopérative en marchandises, Antonio vit son prestige s’accroître considérablement et son influence politique s’étendre peu à peu à tous les Ashaninka de l’Amônia.

37 La consolidation politique d’Antonio Pianko se doit donc à un ensemble d’éléments. Bien que le soutien de la FUNAI ait été un facteur important dans son affirmation comme curaca, il ne doit pas être considéré simplement comme un chef imposé par les Blancs. Contrairement à ce qui semble s’être produit dans la région voisine du rio Envira où un jeune adulte fut nommé par la FUNAI à la fonction de curaca au début des

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 220

années 1990 (Ioris 1996), l’émergence et surtout la consolidation d’une chefferie chez les Ashaninka de l’Amônia ne peuvent être simplement attribuées à des facteurs exogènes. Elle s’est également appuyée sur des valeurs de la société ashaninka. Antonio avait en effet des qualités individuelles et une histoire de vie qui faisaient déjà de lui un pinkatsari aux yeux des siens. Bien qu’extérieure, la catégorie curaca, dans l’Amônia, est étroitement liée à celle du pinkatsari. Cette particularité est importante dans la mesure où elle donna au chef une plus grande légitimité aux yeux de la population locale, lui assurant également un avenir politique plus solide. Au soutien de la FUNAI et aux attributs de pinkatsari, nous devons également ajouter sa familiarité avec le monde des Blancs – trois éléments qui sont intimement liés. Entre les Ashaninka de l’Amônia, Antonio était en effet celui qui avait la meilleure compréhension des rouages de la société occidentale. C’était important non seulement pour la FUNAI ou pour les indigénistes d’une manière générale, qui voyaient en lui un interlocuteur privilégié avec lequel ils pouvaient communiquer sans trop de malentendus, mais aussi pour les Indiens qui avaient pleinement conscience des bénéfices qu’ils pouvaient tirer de cette situation : démarcation du territoire, accès aux biens industriels, etc. La familiarité d’Antonio avec le monde des Blancs lui permit de consolider son statut politique et de devenir peu à peu le seul curaca des Ashaninka de l’Amônia. Or cette familiarité, qui s’est par exemple manifestée dans la gestion de la coopérative, était aussi bien antérieure à l’arrivée de la FUNAI. Comme nous l’avons déjà souligné, Antonio l’avait acquise auprès de son père, qu’il accompagnait régulièrement dans les transactions interethniques, mais il la devait surtout à une femme blanche de la région qu’il épousa en 1967.

38 Fille d’un ancien seringueiro, qui fut un des premiers colons à remonter le fleuve Amônia dans les années 1960 pour s’installer en territoire indigène, Francisca da Silva, surnommée régionalement « Piti », a énormément facilité l’accès d’Antonio au monde des Blancs. Après son mariage, elle alla vivre dans le nampitsi de Samuel. Au fil des années, pendant qu’elle s’immergeait dans le monde indigène, elle permit à son mari de se perfectionner en portugais et d’apprendre à mieux connaître la société brésilienne. Durant les années de lutte pour la démarcation du territoire, Piti a toujours été aux côtés des Indiens, allant parfois jusqu’à s’opposer à des membres de sa propre famille qui occupaient illégalement la terre indigène. Par ses positions et ses actions, elle gagna progressivement la confiance des Ashaninka. Sans jamais prendre le devant de la scène politique, elle œuvra beaucoup en coulisses, conseillant et orientant son beau-père et son mari dans leurs rapports avec la FUNAI et les Blancs de la région. Médiatrice discrète, fermement convaincue de la légitimité des revendications indiennes, Piti chercha toujours à apaiser les conflits mais apporta un soutien sans failles à la lutte des Ashaninka pour leur territoire.

39 De ce mariage interethnique, qui est souvent présenté par les Ashaninka comme une stratégie politique de Samuel Pianko et qui se heurtait aux conventions sociales de la société brésilienne24, sont nés sept enfants (cinq garçons et deux filles). Les deux fils aînés, Francisco et Moisés, jouèrent un rôle décisif dans la mise en route et la gestion de la coopérative. Jeunes adultes à la fin des années 1980, ils étaient alors les seuls Indiens alphabétisés et capables de réaliser des opérations arithmétiques simples, grâce à un enseignement rudimentaire dispensé par leur mère. Les deux frères ont joué à la fois le rôle de médiateurs interculturels et gestionnaires de la coopérative indigène. Ils ont été les piliers indispensables à l’affirmation politique de leur père25.

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 221

40 Le soutien de la FUNAI, ses qualités personnelles et une conjoncture historique spécifique placèrent donc Antonio Pianko dans une position structurale très singulière parmi les Ashaninka du rio Amônia et le mirent en position de curaca. Après l’expulsion des Blancs et la démarcation territoriale, les conditions de vie des Indiens s’améliorèrent sensiblement. La coopérative se consolida peu à peu avec la commercialisation d’artisanat qui assure encore aujourd’hui une part importante des revenus de la communauté. Dans les vingt dernières années, le domaine du politique fut toutefois marqué par d’autres changements qui placent aujourd’hui les Ashaninka de l’Amônia face à de nouveaux défis.

Considérations finales : nouveaux leaders, nouveaux défis

41 À partir du milieu des années 1990, le renforcement politique d’Antonio Pianko comme curaca s’est accompagné de celui de tous ses enfants, qui suivirent les pas des aînés Francisco et Moisés. Aujourd’hui, cette famille bénéficie toujours du soutien actif de différents acteurs de l’indigénisme et continue d’être très respectée par les Ashaninka. Antonio s’est peu à peu effacé de la politique interethnique. Il est aujourd’hui présenté comme un « chef traditionnel » par les Blancs et un curaca et pinkatsari respectable et généreux par les Ashaninka. Il intervient surtout dans les questions internes à la vie du village. Périodiquement, les Indiens lui demandent conseil sur la construction d’une maison, la réalisation d’un voyage, l’organisation d’un mariage, etc. On fait souvent appel à lui pour qu’il règle pacifiquement des querelles de voisinage et des conflits interfamiliaux. Au fil des années, sa maison est devenue, avec l’école, le principal point de référence du village Apiwtxa, aussi bien pour les Indiens que pour les Blancs de passage. Lieu privilégié des réunions politiques avec les indigénistes, l’endroit est aussi perçu par beaucoup d’Ashaninka comme une sorte d’extension de la coopérative leur facilitant l’accès aux biens industriels. Il n’est pas rare en effet que, lorsque les Indiens y viennent chercher conseil ou tout simplement bavarder, ils repartent avec un peu de tabac, des médicaments ou quelques poignées de perles pour la confection d’un bracelet ou d’un collier. Ces dons périodiques, à la fois « gratuits et obligatoires », comme dirait Mauss, constituent des moments privilégiés pour voir Antonio manifester sa générosité, essentielle au maintien de son prestige.

42 La politique interethnique est aujourd’hui l’affaire d’une nouvelle classe de leaders constituée par les enfants d’Antonio et de Piti. Tous, sans exceptions, exercent actuellement d’importantes fonctions au sein de la communauté et maintiennent d’étroites relations avec le monde extérieur. Francisco et Moisé sont devenus les principaux représentants des Ashaninka de l’Amônia dans les relations politiques avec les Blancs26. Depuis quelques années, dans un contexte indigéniste de plus en plus marqué par la rhétorique écologique, Benki, un troisième frère, agent agro-forestier de formation, connaît une médiatisation croissante aussi bien au Brésil qu’à l’étranger. Les autres frères et sœurs agissent surtout au sein de la communauté où ils exercent des fonctions importantes comme professeurs, aides-soignants, administrateurs de l’association et de la coopérative.

43 Ces nouveaux dirigeants ashaninkas sont parfaitement bilingues et fins connaisseurs des rouages du monde des Blancs. Ils s’inscrivent exactement dans le profil d’intermédiaires politiques indigènes qui naviguent entre deux mondes et que Brown

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 222

(1993, p. 312) a qualifié de « leaders caméléons ». S’ils doivent beaucoup de leur statut à leur connaissance du monde occidental, il serait aussi erroné de voir en eux une élite indigène déconnectée de leur société. D’abord parce qu’ils vivent pratiquement tous au village Apiwtxa ; Francisco est le seul à habiter loin de sa communauté, mais s’y rend très régulièrement. Ensuite parce que les Ashaninka ne manquent pas de souligner les qualités individuelles de leurs nouveaux leaders, évoquant, par exemple, leur grande générosité et les bénéfices qu’ils ont conquis grâce à eux au long des vingt dernières années27.

44 Bien qu’ils soient largement soutenus par leur communauté, la concentration du pouvoir au sein d’une seule famille n’est pas sans poser des problèmes. En occupant tous les nouveaux postes créés par la politique interethnique, cumulant parfois les fonctions, les enfants d’Antonio et Piti contrôlent aussi les rares sources de revenus. En effet, les fonctions qu’ils occupent sont directement ou indirectement rémunérées, ce qui creuse progressivement les inégalités économiques et sociales au sein de la communauté indigène28. La famille Pianko a ainsi un accès privilégié aux biens industriels, ce qui n’est pas sans faire des envieux et de susciter des critiques lorsque la tendance à l’accumulation devient évidente. Les manifestations de ces inégalités croissantes entre les Ashaninka de Apiwtxa apparaissent dans divers aspects de la vie quotidienne. Nous l’illustrerons par deux exemples.

45 Grâce à leur situation différenciée, la famille Pianko détient un accès privilégié aux pirogues et autres embarcations motorisées du village. Ces embarcations, qu’elles soient idéalement des biens considérés « collectifs », c’est-à-dire financés par des projets communautaires, ou des biens plus « personnels », achetés par les nouveaux leaders avec leur salaire, sont un atout de mobilité important pour les Ashaninka. L’avantage de posséder une pirogue motorisée est multiple. Il permet, par exemple, en période de pénurie de gibier, de se rendre plus facilement dans des zones de chasse plus éloignées, plus préservées et plus riches en gibier. Jusqu’à récemment, la famille Pianko était pratiquement la seule à faire usage d’embarcations motorisées29.

46 L’inégalité sociale croissante entre la famille Pianko et les autres est aussi visible dans les habitations. Biens qu’elles maintiennent de nombreuses similitudes avec les résidences des autres Ashaninka (bâties sur pilotis, couverture de paille, etc.), les maisons d’Antonio Pianko et de ses enfants commencent lentement à se différencier. Les biens industriels y sont beaucoup plus abondants et elles sont les seules à disposer d’appareils électroménagers tels que gazinières ou congélateurs, totalement absents chez les autres familles.

47 Ces inégalités croissantes ne résultent pas d’une politique délibérée de privilèges. Comme pour l’affirmation d’Antonio comme curaca, elles sont la conséquence de la place structurelle occupée par la famille Pianko parmi les Ashaninka du rio Amônia. Antonio et la plupart des nouveaux leaders se montrent d’ailleurs très conscients de ces nouveaux problèmes créés par la situation interethnique contemporaine et s’efforcent de minimiser ces inégalités en essayant de déléguer des responsabilités politiques et sociales à des individus, membres d’autres familles indigènes. En ce sens, ils voient dans l’école l’instrument décisif capable de lutter contre la croissance de ces inégalités. Son principal objectif est en effet la formation de nouveaux leaders qui puissent agir comme intermédiaires entre le monde indigène et le monde des Blancs et épauler la famille Pianko. La tâche semble cependant beaucoup plus difficile qu’il n’y paraît. La scolarisation progresse à pas très lents dans le village et la plupart des Ashaninka de

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 223

l’Amônia rencontrent toujours d’énormes difficultés pour comprendre le monde qui les entoure. Aujourd’hui encore, la famille Pianko est pratiquement la seule à pouvoir naviguer avec une certaine aisance dans les méandres du monde occidental, en particulier dans les activités liées à la politique interethnique.

48 La concentration du pouvoir et les inégalités économiques qui en résultent constituent aujourd’hui le principal défi du « temps des droits » et préoccupent de plus en plus les Indiens. Pas simplement par le sentiment d’injustice qu’elles gèrent, mais surtout parce qu’elles mettent en danger une des principales valeurs de la société ashaninka. En effet, comme certains auteurs l’on déjà souligné (voir, par exemple, Hvalkof et Veber 2005, p. 226 ; Killick 2007), les Ashaninka ont toujours soigneusement cherché à éviter le développement de toute forme de hiérarchie sociale et font de l’égalitarisme une valeur centrale de leur société. L’augmentation des inégalités est donc potentiellement très destructive, menaçant directement la cohésion sociale.

49 Après avoir surmonté le « temps des patrons », période la plus noire de leur histoire, les Ashaninka du fleuve Amônia affichent aujourd’hui une fierté renouvelée et assument les changements politiques qui ont marqué leur histoire récente. Obligés de cohabiter avec les Blancs, ils s’efforcent désormais de neutraliser l’inégalité économique croissante qui marque de plus en plus le « temps des droits » et leurs relations avec le monde occidental. Malgré les effets toujours menaçants et potentiellement destructeurs du contact avec les Blancs, ils semblent toutefois avoir pris en main les rênes de leur propre histoire et montrent une confiance sereine dans l’avenir.

BIBLIOGRAPHIE

ALBERT Bruce 1993, « L’or cannibale et la chute du ciel. Une critique chamanique de l’économie politique de la nature (Yanomami, Brésil) », L’Homme, 126-128, p. 349-378.

ALMEIDA Mauro 2004, « Direito à floresta e ambientalismo: seringueiros e suas lutes », Revista brasileira de ciências sociais, 19 (55), p. 33-53.

BAINES Stephen 1991, « É a FUNAI que sabe. » A frente de atração Waimiri-Atroari, SCT/CNPq, Museu Paraense Emílio Goeldi, Belém.

BODLEY John 1970, Campa socio-economic adaptation, thèse de doctorat en anthropologie, University of Oregon, Ann Arbor.

1973, « Deferred exchange among the Campa Indians », Antropos, 68, p. 589-596.

BROWN Michael F. 1993, « Facing the state, facing the world: Amazonia’s native leaders and the new politics of identity », L’Homme, 126-128, p. 307-326.

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 224

BROWN Michael F. et Eduardo FERNÁNDEZ 1991, War of shadows: the struggle for utopia in the Peruvian Amazon, University of California Press, Berkeley.

CHAUMEIL Jean-Pierre 1990, « “Les nouveaux chefs…” Pratiques politiques et organisations indigènes en Amazonie péruvienne », Problèmes d’Amérique latine, 86, p. 93-113.

CLASTRES Pierre 1974, « La société contre l’État », in La société contre l’État, Les Éditions de Minuit, Paris, p. 161-186.

CONKLIN Beth et Laura GRAHAM 1995, « The shifting middle ground: Amazonian Indians and eco-politics », American anthropologist, 97 (4), p. 695-710.

DESCOLA Philippe 1988, « La chefferie amérindienne dans l’anthropologie politique », Revue française de science politique, 36 (5), p. 818-827.

ELICK John 1970, An ethnography of the Pichis Valley Campa of eastern Peru, thèse de doctorat en anthropologie, University of California, Los Angeles.

ESPIRITO SANTO Marco Antônio do 1985, Relatório de viagem à área indígena kampa do rio Amônia, Fundação Nacional do Índio (FUNAI), Brasília.

GEFFRAY Christian 1996, Chronique de la servitude en Amazonie brésilienne, Karthala, Paris.

GOW Peter 1991, Of mixed blood. Kinship and history in Peruvian Amazonia, Clarendon Press, Oxford.

HVALKOF Søren et Hanne VEBER 2005, « Los ashéninka del Gran Pajonal », in Fernando Santos y Frederica Barclay (éd.), Guía etnográfica de la Alta Amazonía, vol. V, Campa ribereños, ashéninka, Instituto Smithsonian de Investigaciones Tropicales, Balboa/Instituto Francés de Estudios Andinos, Lima, p. 75-279.

INSTITUTO NACIONAL DE ESTADÍSTICA Y INFORMÁTICA (INEI) 2009, Resumen ejecutivo. Resultados definitivos de los censos en comunidades indígenas de la Amazonía peruana, Dirección Nacional de Censos y Encuestas/Instituto Nacional de Estadística e Informática (INEI), Lima.

INSTITUTO SOCIOAMBIENTAL (ISA) 2011, Povos indígenas no Brasil 2006-2010, Carlos Alberto Ricardo et Fany Ricardo (éd.), Instituto Socioambiental (ISA), São Paulo.

IORIS Edviges 1996, A FUNAI entre os Campa e os Brabos, mémoire de master en anthropologie, Universidade Federal do Rio de Janeiro (UFRJ), Rio de Janeiro.

KILLICK Evan 2007, « Autonomy and leadership: political formations among the Ashéninka of Peruvian Amazonia », Ethnos, 72 (4), p. 461-482.

2008, « Godparents and trading partners: social and economic relation in Peruvian Amazon », Journal of Latin American studies, 40, p. 303-328.

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 225

MENDES Margarete 1991, Etnografia preliminar dos Ashaninka da Amazônia brasileira, mémoire de master en anthropologie, Universidade Estadual de Campinas (UNICAMP), Campinas.

OLIVEIRA João Pacheco de 1988, O nosso governo. Os Ticuna e o regime tutelar, Marco Zero, São Paulo.

PIMENTA José 2006a, « De l’échange traditionnel à l’économie du “développement durable”. La notion de “projet” entre les Ashaninka du Haut-Jurua (Amazonie brésilienne) », Cahiers du Brésil contemporain, 63-64, p. 17-50.

2006b, Reciprocidade, mercado e desigualdade social entre os Ashaninka do rio Amônia, Departamento de Antropologia (Série Antropologia, 392), Brasilia.

2007, « Indigenismo e ambientalismo na Amazônia ocidental: a propósito dos Ashaninka do rio Amônia », Revista de antropologia, 50 (2), p. 633-681.

2008, « Viver em comunidade. O processo de territorialização dos Ashaninka do rio Amônia », Anuário antropológico, 2006, p. 117-150.

2009, « Parceiros de troca, parceiros de projetos. O ayompari e suas variações entre Ashaninka do Alto Juruá », in Maria Inês Smiljanic, Stephen G. Baines et José Pimenta (org.), Faces da indianidade, Nexus, Curitiba, p. 101-126.

RAMOS Alcida 1990, « Ethnology Brazilian style », Cultural anthropology, 5 (4), p. 452-472.

1998, Indigenism. Ethnic politics in Brazil, University of Wisconsin Press, Madison.

RENARD-CASEVITZ France-Marie 1991, Commerce et guerre dans la forêt centrale du Pérou, Université Sorbonne nouvelle – Paris 3 (Document de recherche du CREDAL, 221 ; Document de travail, 49), Paris.

1992, « História kampa, memória ashaninka », in Manuela Carneiro da Cunha (org.), História dos Índios no Brasil, Núcleo de História Indígena e do Indigenismo/Universidade de São Paulo/ Fundação de Amparo a Pesquisa do Estado e São Paulo/Companhia Das Letras, São Paulo, p. 197-212.

1993, « Guerriers du sel, saumiers de la paix », L’Homme, 126-128, p. 25-43.

RUBENSTEIN Steven 2001, « Colonialism, the Shuar Federation, and the Ecuadorian State », Environment and planning D: society and space, 19 (3), p. 263-293.

SAHLINS Marshall 1981, Historical metaphors and mythical realities. Structure in the early history of the Sandwich Islands Kingdom, University of Michigan Press, Ann Arbor.

SANTOS Fernando et Frederica BARCLAY 2005, « Introducción », in Fernando Santos et Frederica Barclay (éd.), Guía etnográfica de la Alta Amazonía, vol. V, Campa ribereños, ashéninka, Instituto Smithsonian de Investigaciones Tropicales, Balboa/Instituto Francés de Estudios Andinos, Lima, p. XV-XLI.

SARMIENTO BARLETTI Juan Pablo 2011, Kametsa Asaiki: the pursuit of the « good life » in an Ashaninka village (Peruvian Amazonia), thèse de doctorat en anthropologie, University of Saint Andrews, Saint Andrews.

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 226

SEEGER Anthony et Arno VOGEL 1978, « Kamparia: breve notícia etnográfica », in Relatório de viagem no Alto Juruá, Município de Cruzeiro do Sul, Estado do Acre, Fundação Nacional do Índio (FUNAI), Brasília, p. 23-48.

TURNER Terence 1991, « Representing, resistance, rethinking: historical transformation of Kayapo culture and anthropological consciousness », in Georges Stocking Jr (éd.), Colonial situations: essays on the contextualization of ethnographic knowledge. History of anthropology, vol. 7, University of Wisconsin Press, Madison, p. 285-313.

VARESE Stefano 2002, Salt of the mountain. Campa Asháninka history and resistance in the Peruvian jungle, The University of Oklahoma Press, Norman.

VEBER Hanne 1998, « The Salt of the montana: interpreting indigenous activism in the rain forest », Cultural anthropology, 13 (3), p. 382-413.

VIVEIROS DE CASTRO Eduardo 1992, From the enemy’s point of view, The University of Chicago Press, Chicago/Londres.

WEISS Gerald 1969, The cosmology of the Campa Indians of eastern Peru, thèse de doctorat en anthropologie, University of Michigan, Ann Arbor.

ZOLEZZI Enrique 1994, Los ashaninka: un pueblo tras el bosque. Contribución a la etnología de los campa de la Selva Central, Pontifícia Universidade Católica del Peru, Lima.

NOTES

1. Pendant longtemps, les Ashaninka ont été désignés par les chroniqueurs, les missionnaires et certains anthropologues comme « Campa ». Ce terme est en réalité une dénomination générique qui regroupe quatre groupes indiens d’Amazonie péruvienne, très proches sur le plan culturel et linguistique : Asháninka, Ashéninka, Matsiguenga et Nomatsiguenga. La plupart des familles indigènes du rio Amônia, objet de cet article, sont originaires du Haut-Ucayali et appartiennent au sous-groupe ashéninka ; une petite minorité parlant la variante linguistique asháninka. Par souci de commodité, nous utiliserons le terme « Ashaninka », beaucoup plus courant dans la littérature ethnographique contemporaine, pour désigner aussi bien les Ashéninka que les Asháninka. Pour un aperçu d’ensemble sur ces classifications, qui suscitent encore des controverses entre anthropologues et linguistes, voir Santos et Barclay (2005, p. XIX-XXIII). 2. En 2007, l’Instituto Nacional de Estadística y Informática (2009) a recensé 97 477 Ashaninka au Pérou. Au Brésil, il existe aujourd’hui un peu plus d’un millier d’Ashaninka qui vivent dans sept terres indigènes toutes dans la région du Haut-Jurua. Avec près de 450 habitants, la « Terra Indígena Kampa du Rio Amônia » regroupe environ la moitié des Ashaninka vivant au Brésil (Instituto Socioambiental 2011, p. 9 et p. 516-518).

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 227

3. Suivant Ramos (1998, p. 6), nous entendons par le terme « indigénisme » non seulement les relations des Indiens avec l’État brésilien et ses représentants, mais un champ politico-symbolique plus ample, composé d’un ensemble très hétérogène d’acteurs qui interviennent dans la « question indienne » au Brésil : FUNAI (Fundação nacional do Índio, organisme d’État chargé des affaires indiennes), ONG, anthropologues, missionnaires, écologistes, mouvement indigène, etc. 4. Ce terme, composé du préfixe « a » (« nous ») et du radical « piwtxa » (« unis » ; « ensemble ») peut être traduit par « tous ensemble » ou « tous unis ». Il a été choisi pour nommer à la fois le village et l’association indigène créée au début des années 1990. Il est devenu un symbole de la solidarité et de l’union des différentes familles ashaninka du fleuve Amônia pour faire face au monde des Blancs (Pimenta 2008). 5. Tout au long de cet article, nous utiliserons le mot « interethnique » pour faire surtout référence au contact des Indiens avec les Blancs. Il est toutefois évident que ce mot peut aussi englober des relations beaucoup plus amples, par exemple, entre différents groupes indiens. 6. Cette perception de l’histoire ne leur est en aucun cas exclusive. Malgré des variations sensibles, cette structure narrative scandée par des temps qui se succèdent est en effet commune à d’autres groupes indiens de l’Acre et d’Amazonie péruvienne. Voir, par exemple, Gow (1991, p. 59-89) pour les Piro (Yine) ou Sarmiento Barletti (2011, p. 62-75) pour les Ashaninka de l’Ucayali. 7. Le caucho, latex extrait de l’arbre Castilloa ellastica, est de qualité inférieure à la seringa, produite par l’hévéa brasiliensis. Le caucho est rare dans la région brésilienne du Haut-Jurua où l’on trouve essentiellement la seringa. 8. En particulier les Amahuaca, groupe pano qui existe toujours en Amazonie péruvienne et qui habitait également la région brésilienne du Haut-Jurua avant d’en être progressivement chassé par les Ashaninka durant les premières décennies du XXe siècle. Pour les Ashaninka de l’Amônia, le mot « amahuaca » est une catégorie générique qui englobe les Indiens amahuaca, mais aussi d’autres groupes qu’ils considèrent comme des « Indiens sauvages », par exemple, tous ceux qui pratiquent l’anthropophagie. 9. Le rio Amônia prend sa source au Pérou et débouche dans le Jurua au niveau de la petite ville de Maréchal Thaumaturgo qui se situe à environ deux jours de bateau en amont de Cruzeiro do Sul, capitale de la région du Haut-Jurua et seconde ville de l’État de l’Acre après Rio Branco. En remontant le rio Amônia en pirogue motorisée à partir de Maréchal Thaumaturgo, on atteint le village ashaninka, situé à l’entrée du territoire indien, après un voyage d’environ cinq heures. La terre indigène s’étend alors jusqu’à la frontière péruvienne que l’on rejoint après sept autres heures de navigation. Il est important de noter que cette portion de territoire habitée par les Ashaninka a toujours été très pauvre en seringa, beaucoup plus abondante sur le cours inférieur du fleuve Amônia. De ce fait, elle a été peu convoitée durant le boom du caoutchouc ; les seringueiros se cantonnant en aval du fleuve, à proximité de Maréchal Thaumaturgo. 10. Il serait trop long de développer ici les particularités de ce système économique caractérisé par le maintien d’une dette perpétuelle et des relations de travail paternalistes et semi esclavagistes. Encore présent dans des zones reculées de l’intérieur amazonien, l’aviamento était à la base de l’économie du caoutchouc et, de

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 228

manière plus générale, a longtemps caractérisé les transactions dans les régions rurales d’Amazonie. Il a été étudié et dénoncé par de nombreux auteurs. Geffray (1996, p. 13-36), par exemple, a décrit le fonctionnement de ce système dans le Haut-Jurua qu’il présente comme étant basé sur une « fiction marchande » débouchant sur une « dette imaginaire ». Voir également Killick (2008) pour un exemple de ce système chez les Ashaninka de l’Amazonie péruvienne. 11. Dans les années 1980, au sommet de l’exploitation du bois, les Ashaninka affirment que près de 400 Blancs, soit quelques 70 familles, avaient envahi leur territoire. À cette époque, les Blancs auraient ainsi dépassé la population indigène. Cette dernière, selon un fonctionnaire de la FUNAI qui effectua une mission au Amônia en 1985, s’élevait en effet à 256 personnes, réparties en 49 familles (Espirito Santo 1985). Face à la présence massive de Blancs, les Ashaninka, soucieux d’éviter les constantes moqueries, réduisirent la fréquence de leurs rituels, en particulier le rituel du kamarampi (ayahuasca). Ils évitaient aussi de parler leur langue en présence des Blancs et certains cessèrent de porter la cushma (tunique traditionnelle) pour adopter des vêtements occidentaux. 12. Bien qu’elle soit rare, la polygynie est présente chez les Ashaninka du Pérou et n’est pas l’apanage exclusif des « chefs » (Hvalkof et Veber 2005, p. 161). Dans la région de l’Amônia, elle a pratiquement disparu et la règle matrimoniale est le mariage monogamique avec une union préférentielle et idéale entre cousins croisés, qui est très peu suivie dans les faits. 13. Rituel durant lequel les Ashaninka consomment leur boisson à base de manioc fermenté. Très commune dans de nombreuses régions amazoniennes, la « bière de manioc » est aussi consommée par des Blancs régionaux et est appelée masato au Pérou et caissuma dans l’Acre. 14. Comme a montré tout particulièrement Renard-Casevitz (1991 ; 1992 et 1993), cette solidarité ethnique a une longue histoire dans la Selva Central du Pérou et pouvait s’étendre à d’autres groupes amazoniens de la région. 15. Par example, Weiss (1969, p. 48), Elick (1970, p. 188), Bodley (1971, p. 79-80), Brown et Fernández (1991, p. 12), et Mendes (1991, p. 25). 16. Notons que Hvalkof et Veber (2005, p. 169-173) utilisent le terme « jewatátsiri », c’est-à-dire « celui qui va devant » ou « qui prend l’initiative », pour désigner le leader d’une communauté ou d’un groupe local et semblent réserver le mot « pinkatsari » pour qualifier les « grands leaders locaux » dont le prestige peut s’étendre à plusieurs groupes et communautés. Dans la région de l’Amônia, nos interlocuteurs présentent également le jewatátsiri comme quelqu’un, généralement un chef de famille, « qui prend l’initiative » ou les devants d’une action collective (une expédition de pêche, par exemple). Toutefois, contrairement au pinkatsari, le jewatátsiri ne semble doté d’aucune dimension politique, étant, dans ce sens, très semblable au chef arawété décrit par Viveiros de Castro (1992, p. 110). 17. À la fin des années 1980 et au début des années 1990, Indiens et seringueiros s’unirent sous une bannière commune pour lutter contre l’exploitation de leurs territoires et créèrent l’Alliance des peuples de la forêt dont l’emblème fut le charismatique Chico Mendes, leader des récolteurs de caoutchouc, assassiné en décembre 1988. Cette alliance reçut le soutien de nombreuses ONG et du mouvement écologiste international. Elle fut particulièrement importante dans le Haut-Jurua où la plupart des territoires protégés de la région, relevant tous de l’administration fédérale,

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 229

furent créés durant cette période : des terres indigènes, un parc national et des réserves destinées aux seringueiros. Sur l’Alliance des peuples de la forêt, voir Almeida (2004) et Pimenta (2007). 18. Parmi la copieuse littérature sur le sujet, citons, par exemple, Oliveira (1988) et Baines (1991), qui ont respectivement montré les effets de la politique indigéniste officielle sur l’organisation sociale des Tikuna et des Waimiri-Atroari. Dans le Haut- Jurua brésilien, chez les Ashaninka du fleuve Envira, un groupe distant d’une centaine de kilomètres à peine de l’Amônia, Ioris (1996) a aussi mit en lumière le rôle, selon elle décisif, joué par la FUNAI dans la réorganisation sociale, territoriale et politique du groupe. 19. Nous avons exposé ailleurs une analyse détaillée du processus de réorganisation territoriale entre les Ashaninka de l’Amônia qui a débouché sur la création du village Apiwtxa (Pimenta 2008). 20. Les deux mots apparaissent souvent comme synonymes lorsque les Indiens évoquent cette période marquée par l’intervention de la FUNAI. 21. Voir, par exemple, Espirito Santo (1985). 22. Au début des années 2000, les familles restées dans la région de l’Amônia commencèrent à mettre en valeur leurs identités indigènes sur la scène publique et revendiquèrent de la FUNAI la démarcation d’un territoire propre. Celui-ci fut officiellement démarqué en 2009. Située entre la terre ashaninka et la Réserve extractiviste du Haut-Juruá, dans le cours inférieur du fleuve, la nouvelle « Terra Indígena Arara do Rio Amônia » fait encore l’objet de nombreuses polémiques, de conflits interethniques et de disputes juridiques. 23. Les Ashaninka racontent avec un mélange de peine et d’incompréhension le destin tragique de Kishare. Selon eux, il refusa, probablement par orgueil, les invitations d’Antonio à rejoindre son nampitsi. Abandonné par sa propre famille, il s’isola en forêt et se laissa mourir. 24. Au Brésil, l’union d’un homme blanc avec une femme indienne ne pose pas de problèmes particulier, étant même, depuis la colonisation portugaise, à l’origine du mythe fondateur de la nation qui glorifie le mélange harmonieux des « trois races » (Blancs, Indiens et Africains). En revanche, l’inverse, c’est-à-dire le mariage d’une femme blanche avec un Indien, est socialement et moralement très mal perçu. Ce constat, comme l’a déjà souligné Ramos (1998, p. 67-69), est un relent du racisme qui imprègne la société brésilienne. 25. Moisés Pianko joua un rôle important dans les négociations avec la FUNAI et participa aussi activement à l’Alliance des peuples de la forêt et du mouvement indigène du Jurua dont il fut un des principaux leaders au début des années 1990. Francisco fut essentiel dans l’organisation et consolidation de la coopérative. 26. Notons que Francisco Pianko étendit son action politique bien au-delà du fleuve Amônia. Durant les dix dernières années, il a été adjoint au maire de la municipalité de Marechal Thaumaturgo chargé de l’environnement, secrétaire d’État de l’Acre chargé des questions indiennes (un poste inédit au Brésil) et conseiller auprès de la présidence de la FUNAI à Brasília. Il occupe actuellement une fonction de direction dans le gouvernement régional et coordonne aussi le mouvement indigène du Juruá. 27. Les nouveaux leaders ont par exemple permis aux Indiens de l’Amônia de réduire considérablement leur dépendance économique à l’égard de produits occidentaux en

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 230

mettant en place divers projets dits de « développement durable » qui améliorèrent sensiblement les conditions de vie de la population locale et donnèrent à la communauté une importante visibilité politique et médiatique. Ces leaders sont généralement très respectés et la générosité n’est pas la seule de leurs vertus. À titre d’illustration, nous pouvons rapidement évoquer les cas de Francisco et de Moisés. Tous les deux ont des qualités personnelles qui sont très appréciées par les Ashaninka et sources de prestige dans leur société. Par exemple, même s’il n’est pas défini comme tel, les Ashaninka de l’Amônia disent que Francisco affiche beaucoup d’attributs d’un pinkatsari : talent oratoire, sérénité, patience, tranquillité, capacité à résoudre les conflits de manière pacifique, compétences pour créer des alliances politiques, en particulier avec les Blancs, etc. Moisés, quant à lui, est considéré comme un leader courageux, un meneur d’hommes, parfois comparé aux grands guerriers du passé (owayiri). 28. Les postes de professeur, agent de santé ou agent agro-forestier sont rémunérés directement par le pouvoir public, municipal ou régional selon les cas. Les projets négociés avec des organisations gouvernementales ou non gouvernementales n’entraînent généralement pas d’emplois formels, mais sont tous coordonnés et exécutés par les nouveaux leaders qui reçoivent des prestations financières pour leur travail. 29. Après le gouvernement Lula, la situation s’est un peu modifiée avec la mise en place et l’universalisation de politiques d’aides sociales et de droits, comme le droit à la retraite rurale dont beaucoup d’Indiens furent amenés à bénéficier. Chez les Ashaninka de l’Amônia, l’argent des retraites en particulier a été utilisé pour l’achat de moteurs afin d’équiper les pirogues. Comme la plupart des familles ont au moins une personne âgée à la retraite, beaucoup se sont sacrifiées pour acheter un moteur et la pirogue motorisée est devenu un bien beaucoup plus commun au sein du village Apiwtxa. Cette nouvelle situation n’invalide toutefois pas le fond de notre argument dans la mesure où elle ne réduit pas pour autant les inégalités. En effet, il ne suffit pas d’acheter un moteur, il faut aussi pouvoir l’entretenir, le réparer lorsqu’il tombe en panne (ce qui arrive très souvent) et bien évidemment avoir les moyens financiers pour acheter du carburant en quantité suffisante.

RÉSUMÉS

La lutte des Ashaninka du fleuve Amônia pour la démarcation de leur territoire a débuté dans les années 1980 à l’apogée de l’exploitation intensive de bois et a duré jusqu’au début des années 1990. Pour cette population indigène, cette période marque la transition entre le « temps des patrons » et le « temps des droits » et est considérée comme un moment clé de leur histoire récente. Après avoir caractérisé le « temps des patrons » et montré comment les Ashaninka, appuyés par différents secteurs de l’indigénisme, se sont mobilisés pour expulser les Blancs et les entreprises forestières de leur territoire, cet article analyse ce moment historique particulier en soulignant les changements survenus dans l’organisation sociale de cette société amérindienne, en particulier dans le domaine politique.

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 231

The struggle of the Ashaninka of the Amonia River for land demarcation began in the 1980s at the peak of lumber extraction in their territory, and lasted until the early 1990s. For the Ashaninka this was a transition period between the « time of bosses » and the « time of rights » which they deem a key moment in their recent history. First, this article describes this « time of bosses » and shows how, with the support of various indigenist agents, the Ashaninka organized themselves to expel the invaders and the lumber companies. We then analyze this unusual historical moment, with special emphasis on the changes that occurred in the Indians’ social organization, mostly in its political sphere.

Iniciada na década de 1980, no auge da exploração madeireira, a luta dos Ashaninka do rio Amônia para a demarcação de seu território durou até o início da década de 1990. Para esse povo indígena, esse período marca a transição entre o « tempo dos patrões » e o « tempo dos direitos » e é considerado um momento chave de sua história recente. Após caracterizar o « tempo dos patrões » e mostrar como os Ashaninka, apoiados por diferentes setores do indigenismo, se mobilizaram para expulsar os brancos e as empresas madeireiras de seu território, este artigo reflete sobre esse momento histórico peculiar, enfatizando as mudanças ocorridas na organização social dessa sociedade indígena, principalmente na esfera política.

INDEX

Palabras claves : Ashaninka, conflitos interéthnicos, organização política, indigenismo, chefia Keywords : Ashaninka, interethnic conflicts, political organization, indigenism, chieftaincy Mots-clés : Ashaninka, conflits interethniques, organisation politique, chefferie, indigénisme

AUTEUR

JOSÉ PIMENTA

Departamento de Antropologia, Instituto Central de Ciências (ICC), Campus universitário Darcy Ribeiro, Universidade de Brasília (UnB), 70910-900 – Brasília – DF, Brasil [[email protected]]

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 232

Chronologie mochica : une nouvelle synthèse Mochica chronology: a new synthesis Cronología mochica: una nueva síntesis

Nino Del Solar, Rémy Chapoulie et Luis Jaime Castillo

NOTE DE L’ÉDITEUR

Manuscrit reçu en mai 2014, accepté pour publication en février 2015.

Nous tenons à remercier le programme IdEx Bordeaux (Initiative d’excellence de l’université de Bordeaux). Cette recherche a bénéficié d’une aide de l’État gérée par l’Agence nationale de la recherche au titre du programme Investissements d’avenir portant la référence ANR-10- LABX-52.

Introduction

1 Les sociétés mochica ont occupé la bande côtière1 septentrionale de l’actuel territoire péruvien au cours du premier millénaire de notre ère. La culture matérielle mochica a été identifiée sur une aire d’environ 350 km de long et 60 km de large. Son influence stylistique couvre un espace global d’environ 550 km de long entre les vallées de Piura et de Huarmey.

2 Géographiquement, les sites mochica sont localisés autour d’une dizaine de vallées fluviales (Leche, Lambayeque, Zana, Jequetepeque, Chicama, Moche, Virú, Chao, Santa et Nepeña), dont l’origine est le versant occidental des Andes (Figure 1). Selon leur emplacement, ces vallées sont séparées en deux sections orographiques et hydrographiques qui ont été définies par Weberbauer pour la côte péruvienne (1980, p. 15) : la section septentrionale située entre Pisco et Trujillo, et la section localisée entre Trujillo et Punta Pariñas. Ces deux sections composent un vaste territoire caractérisé par la présence de plaines plutôt que de collines, ce qui a toujours permis

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 233

l’exploitation et la transformation de ce milieu par l’homme : « Cette plaine constitue la plus grande aire agricole de la côte du Pérou […]. Dans la section entre Trujillo et Punta Pariñas, certains terrains destinés à l’activité agricole arrivent à toucher la mer » (Weberbauer 1980, p. 18 [traduit de l’espagnol]).

3 Il semble que le développement de systèmes d’irrigation, depuis la période Mochica ancienne, a été à la base de l’accumulation de richesses par les populations aux échelles locales (Billman 2002 ; Castillo et Uceda 2008 ; Castillo 2010). Et c’est aussi cela qui aurait conduit à une complexification sociale (différenciation entre classes productrice et non productrice aux échelles locale et régionale), politique (création et planification de cérémonies et d’infrastructures servant à théâtraliser et à légitimer le pouvoir des élites) et économique (enrichissement et accès à la propriété communale) des sociétés côtières.

4 Concernant l’organisation spatiale du phénomène mochica, la recherche récente a fait évoluer les hypothèses de Rafael Larco (2001) qui concevait l’existence d’un seul territoire, d’une seule entité politique gouvernante et d’une seule culture matérielle largement partagée par une population qui occupait un ensemble de vallées. Aujourd’hui, conformément aux variations que présentent les données archéologiques (ainsi, le phénomène Vicus dans la vallée de Piura), les chercheurs considèrent comme composite et non linéaire l’histoire des Mochica. Probablement issus d’une tradition élitaire post-formative, Gallinazo ou Salinar (Castillo et Uceda 2008), les Mochica auraient suivi des processus culturels particuliers. Ces processus ont été caractérisés par des étapes de centralisation, de décomposition et/ou de conquête au cours des quelque sept siècles de son existence. Cette vision des choses concorde mieux avec les données archéologiques, parfois très hétéroclites. À cause de la discontinuité stylistique des productions matérielles et culturelles mochica entre les vallées du nord et celles du sud, deux séquences céramiques parallèles ont été établies et deux développements culturels reconnus. La présence des deux sphères d’influence culturelle mochica distinctes – dénommées « Mochica nord » et « Mochica sud » – répond mieux aux questionnements liés à l’organisation de l’espace entre la deuxième époque des développements régionaux et l’Horizon moyen (Castillo et Donnan 1994).

5 En ce qui concerne l’aire Mochica sud (située entre la vallée de Chicama et la vallée de Nepeña), l’hypothèse d’une seule sous-entité politique centralisée (Chapdelaine 2011) et conquérante est encore valable, même si, au cours du temps, des alliances et des divisions ont pu alterner. Les Huacas de Moche auraient été le centre religieux et civique pour cette aire, une sorte de capitale. Il existe d’autres sites monumentaux, dont les rôles sont encore débattus (capitales régionales ou capitales alternatives ?) (Castillo et Uceda 2008).

6 Dans le cas des Mochica du nord, trois sous-espaces culturels ont été distingués : Mochica de Piura, Mochica de Lambayeque et Mochica de Jequetepeque (Castillo et Uceda 2008 ; Chapdelaine 2011). Ces trois sous-aires ont été organisées autour des trois systèmes de vallées qui portent les mêmes noms. Mais de nombreuses questions archéologiques se posent : 1. est-ce que la division en trois sous-espaces culturels permet de réfléchir sur l’organisation de la production de la culture matérielle, contrainte par l’environnement et les ressources locales (eau, bois, terres argileuses et minéraux, etc.) ? ; 2. est-ce que des développements aux échelles locales auraient primé sur un développement à une échelle régionale (éventuellement étatique) ? ; 3. quels sont les éléments associés au phénomène de la subdivision (en termes d’organisation

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 234

socio-politique, de mouvements des populations, de disponibilité en matières premières, etc.) ?

Fig. 1 – Localisation des principaux sites mochica et des vallées sur la côte nord du Pérou.

Légende : ■ sites archéologiques

Typo-chronologies mochica

7 Le terme « mochica » renvoie à une culture archéologique que l’on date d’entre le IIe et le Xe siècle apr. J.-C. et qui a pu être définie par plusieurs caractéristiques formelles, spatiales et temporelles (Quilter 2002, p. 152). Les principaux attributs formels des céramiques mochica sont représentés sur l’ensemble du territoire ; toutefois, d’un secteur à l’autre, les séquences typo-céramiques ne sont pas les mêmes. À propos des temporalités des céramiques, la multiplication, au cours des cinquante dernières années, des dates au radiocarbone et des données stylistiques a suscité de nombreuses discussions, notamment sur l’évolution des relations internes et externes des groupes impliqués.

8 L’existence d’un système d’écriture et d’un calendrier dans les sociétés précolombiennes du Pérou est, encore à ce jour, sujet de débats (voir Larco 1944 ; Chaparro 2011 [pour la société mochica] ou Urton 2003 ; Beyersdorff 2005 ; Moscovich 2008 [pour les sociétés de l’Horizon tardif]). En l’absence d’inscription de type calendaire et de tout type de date, ce sont la sériation et la stratigraphie qui ont permis d’abord de retracer l’histoire pré-inca et inca (Rowe 1961). Mais, dès la fin des années 1940, plusieurs spécialistes de l’aire andine exprimaient la nécessité de trouver des méthodes susceptibles de faire évoluer les mesures relatives en datations absolues. Jusque-là, l’évolution sociale et l’histoire des groupes humains locaux ne s’appuyaient que sur la mise au point de séquences typo-céramiques et des travaux comparatifs. On avait aussi souvent recours aux analogies culturelles, au risque de commettre des

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 235

anachronismes. Celles-ci cherchent en effet à comparer données archéologiques et ethnographiques sans négliger les données issues de textes historiques des époques coloniale et républicaine.

9 Au milieu du XXe siècle, des techniques nouvelles et des approches scientifiques pluridisciplinaires au service des sciences humaines sont apparues. Dans le domaine de l’archéologie, c’est la mesure du 14C qui a révolutionné le domaine de la datation (Bronk Ramsey 2008) et qui a posé les jalons permettant d’amarrer à l’échelle du temps réel les séquences céramiques précolombiennes (Johnson et al. 1951).

10 Comme on l’a dit plus haut, les céramiques mochica ont fait l’objet de deux séquences typologiques distinctes, l’une pour la sphère sud (Larco 2001), l’autre pour la sphère nord (Castillo et Donnan 1994). La séquence en cinq phases de Larco Hoyle (I à V) date des années 1950 et elle a été construite grâce au croisement et à la synthèse de différents éléments : la sériation de récipients (bouteilles à anse-étrier, vases-portraits, cancheros, etc.), la caractérisation morphologique des goulots, la décoration, les techniques de fabrication. La plupart des pièces qui ont servi pour la construire provenaient de contextes funéraires. Mais, l’absence de cette typologie au nord (Chapdelaine 2011, p. 195 ; Castillo et Uceda 2008) et des décalages chronologiques et stylistiques la rendaient inadaptée pour caractériser les occupations mochica dans les vallées septentrionales. En réalité, au nord et au sud il y aurait eu des développements différents. La séquence adoptée pour la sphère Mochica nord comprend trois phases : initiale, moyenne et tardive. On remarquera que ces trois phases n’ont jamais été retrouvées toutes les trois sur un même site : c’est le cas par exemple du site de San José de Moro où les occupations connues concernent seulement les phases moyenne et tardive (Castillo 2003). Castillo et Donnan (1994) ont fait une description précise de la typologie de la sphère nord. C’est la période Mochica initiale qui est la moins documentée. Elle n’a été repérée que sur les sites de Tolón, Dos Cabezas et La Mina. Parmi ses caractéristiques les plus remarquables, on note la qualité des sculptures tridimensionnelles, l’abstraction des formes et la similarité entre les anses-étriers des céramiques de cette période et les anses-étriers des pièces de la phase Mochica I au sud. La période Mochica moyenne, quant à elle, a été identifiée surtout sur les sites de Pacatnamú et San José de Moro. Divisées en trois grandes catégories qualitatives (fine, moyenne et simple), les céramiques de cette période présentent des formes variées : bouteilles à anse-étrier, différentes toutefois des pièces du style Mochica III du Sud (forme lenticulaire, goulot modérément évasé, base annulaire, décoration en relief, emploi de pigments violets dans la décoration peinte), jarres simples, jarres à col effigie, figurines et marmites à col court, évasé ou droit. Enfin, la phase tardive a été répertoriée sur les sites de Pacatnamú, Chérrepe et San José de Moro. Dans ce dernier gisement, il faut remarquer la découverte de bouteilles à anse-étrier dites de « ligne fine ». Celles-ci comportent des scènes mythologiques assez complexes, des anses en forme de triangle inversé et des goulots coniques. De manière générale, ces bouteilles ont une forte ressemblance avec les bouteilles des phases IV et V de la sériation de Larco Hoyle pour le Sud. À la période tardive du Nord, il est aussi possible de remarquer l’apparition de formes nouvelles (par exemple des jarres mammiformes) et de styles (et/ou de techniques) étrangers (en provenance de Wari, Cajamarca, Lima, Nievería…) dans la production de l’époque. Plus récemment, Donnan (2011) a proposé un nouveau système de classification stylistique des céramiques. Selon lui, les différentes entités politiques au sein du territoire mochica auraient produit des sous-styles différentiables et caractéristiques de chaque entité : ces particularismes auraient visé à exprimer les

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 236

identités de chacune d’entre elles. Jusqu’à présent, Donnan a défini quatre sous-styles : Moro, Dos Cabezas, Huancaco et Huacas de Moche. À chacun aurait correspondu un centre de production (peut-être sur le site éponyme), ainsi qu’une apparition, une évolution et une fin propres.

Datations mochica au radiocarbone

11 La mesure du radiocarbone (Bronk Ramsey 2008) permet de placer les vestiges archéologiques sur l’échelle absolue du temps indépendamment des classifications et des évolutions stylistiques préalablement établies. Elle a pour conséquence la réévaluation d’hypothèses sur les évolutions sociales et stylistiques concernant en l’occurrence les Mochica. Grâce aux dates et aux données issues de fouilles récentes, on constate que les cadres chronologiques et culturels préalablement établis à propos des Mochica sont en train de changer de manière significative (voir Chapdelaine 2011 ; Quilter 2002, p. 151).

12 À l’échelle de toute l’aire mochica, les premières données 14C remontent aux années 1950 : elles ont été obtenues à partir de matériaux archéologiques des vallées de Moche et de Chicama (Johnson et al. 1951). De manière générale, les datations au radiocarbone ont augmenté fortement depuis les années 1970 et ont été publiées dans les années 1990 et 2000. Uceda et al. (2001 [pour le site de Huacas de Moche]), Lockard (2009 [pour la sphère Mochica sud]) et Koons et Alex (2014 [pour les deux sphères]) ont formulé les premiers bilans sur les datations 14C, soit sur un site, soit aux échelles régionale et macro-régionale. Dans la plupart des cas, les datations dont on dispose proviennent de contextes qui comportent des pièces céramiques caractérisables d’un point de vue typologique et stratigraphique.

13 Sur la base de l’étude systématique de la littérature relative au phénomène mochica, nous avons recueilli et synthétisé l’information concernant 121 datations 14C (publiées entre 1973 et 2014). La vocation de ce travail est quadruple : 1. accroître le nombre des datations publiées récemment par Koons et Alex (2014), en y ajoutant d’autres données 14C provenant de sites comme Loma Negra, Pacatnamú, Huaca Soledad, Huacas de Moche, San José de Moro et Sipán ; 2. rassembler, organiser et présenter, par site et par région, toutes les datations 14C publiées (articles de revues et ouvrages scientifiques, actes de colloques et rapports de fouilles, en omettant celles qui n’ont fait l’objet que de communications personnelles) ; 3. discuter de la nature des matériaux datés et des quantités soumises aux analyses ; 4. participer au travail d’inventaire des datations mochica et contribuer, par là, au questionnement sur la validité des séquences typo- chronologiques de chaque vallée ou région, l’information répertoriée étant traitée de façon inclusive, en s’appuyant sur des tests de statistiques descriptives.

Questions méthodologiques

14 Elles concernent plusieurs aspects : la nature des échantillons, le choix de la courbe de calibration, l’incertitude des mesures et l’approche statistique. La totalité des échantillons retenus est d’origine terrestre, sauf l’échantillon Beta-108281 provenant du site de Huacas de Moche (voir infra). La totalité des datations a été recalibrée avec la

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 237

courbe ShCal13 (Hogg et al. 2013), sauf l’échantillon Beta-08281 qui l’a été avec la courbe Marine13 (voir infra).

15 Toutes les datations ont été traitées à l’aide du logiciel OxCal v4.2 (Bronk Ramsey 2014). Enfin, pour comparer les données recalibrées, seuls les échantillons liés à une seule typo-chronologie ont été traités statistiquement. En conséquence, les échantillons SMU-833, Beta-121764, Gif-11577, et les échantillons provenant de Licapa et El Brujo, ne font pas partie des comparaisons effectuées.

16 Les résultats (en dates calendaires) sont donnés à 1 σ et à 2 σ. La comparaison statistique entre les dates a été réalisée en employant le logiciel PAST v2.17b (Hammer et al. 2001).

Choix de la courbe de calibration

17 En ce qui concerne le choix de la courbe de calibration pour l’analyse des 121 dates inventoriées, il faut d’abord rappeler que les différences de concentration en 14C entre les deux hémisphères sont bien connues et qu’elles affectent certaines périodes anciennes (McCormac et al. 2002, p. 641 ; Hogg et al. 2009b ; Ogburn, 2012, p. 223). Ce constat a conduit à développer des courbes de calibration particulières et des études statistiques ont permis de corriger les âges des échantillons provenant de l’hémisphère sud (McCormac et al. 2002 [41 ± 14] et Hogg et al. 2009a [40 ± 20]). Sur les chronologies précolombiennes d’Amérique du Sud, on soulignera que l’étude réalisée par Ogburn (2012, p. 223-225) inclut une discussion assez complète sur le choix de la courbe de calibration à appliquer aux dates 14C inca. Cela dit, il n’existe pas pour le moment d’accord sur la courbe de calibration qu’il faudrait appliquer aux échantillons datés par 14C provenant du Pérou précolombien. Ainsi, Grobman et al. (2012 [pour des échantillons de l’époque précéramique de la vallée de Chicama]), Lockard (2009 [pour des échantillons mochica de la sphère sud]), Koons et Alex (2014 [pour des échantillons mochica et licapa]) et León (2007, p. 35-42 [pour des échantillons paracas de Wari-Cerro Colorado] ; 2011 [pour des échantillons inca provenant des différents gisements]) ont employé la courbe ShCal04 et ShCal13. Mais, Finucane et al. (2007, p. 581 [pour des échantillons wari de la vallée d’Ayacucho]), Unkel et Kromer (2009, p. 235 [pour des échantillons paracas et nasca de la côte sud du Pérou]) ou Marsh (2012, p. 205-206 [pour des échantillons tiwanaku en Bolivie]) utilisent la courbe IntCal (04 ou 09). Pour évaluer les dates 14C, Ogburn (2012) a remarqué que le choix de la courbe dépend de plusieurs facteurs, notamment la migration annuelle et la migration à long terme de la zone de convergence intertropicale (ZCIT) par rapport à la position latitudinale du site archéologique où les échantillons ont été récupérés. Elle suggère que « la courbe IntCal est la plus appropriée pour dater des sites situés sur les montagnes andines de l’Équateur jusqu’à la Bolivie septentrionale ; par contre, pour dater des sites situés à des latitudes moyennes, de la Bolivie vers le sud, la courbe SHCal semble être la plus convenable » (Ogburn 2012, p. 224 [traduit de l’anglais]).

18 Dans la plupart des publications, la principale cause de divergence au moment de choisir l’une des courbes est évidemment la méconnaissance de la position de la ZCIT et de son déplacement historique. L’absence d’études approfondies rend le sujet complexe et difficile à trancher. Selon Haug et al. (2001) et Sachs et al. (2009), la ZCIT a eu tendance à migrer vers le sud lors de l’Holocène. Néanmoins, ce phénomène de migration n’aurait pas été constant. Cette hypothèse a été en partie corroborée par Bird

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 238

et al. (2011a), puisqu’il propose que la ZCIT s’est déplacée vers le sud depuis deux mille ans. Il faut remarquer que les résultats de ces recherches ont démontré l’existence de deux phénomènes liés à la mousson d’été sud-américaine, tout au long de l’époque géologique signalée : des sous-périodes ont présenté des précipitations vraisemblablement faibles dans la région entre 10 000 et 9 200, 7 000 et 5 000, et 1 500 et 900 ans avant le présent, d’autres des précipitations vraisemblablement fortes autour de 5 000, entre 2200 et 1500, et 550 et 130 ans avant le présent (Bird et al. 2011b). Même s’il est risqué d’appliquer automatiquement ces données à la côte nord- péruvienne pour avoir une idée des évolutions paléo-climatiques régionales, il est en tout cas possible de remarquer qu’à partir des années 500 apr. J.-C., il y a eu un changement dans les niveaux pluviométriques dans l’aire andine. Une période de sécheresse a vraisemblablement affecté alors le monde mochica. Les travaux de Bird et al. (2011a) ont en tout cas démontré que, lors de la période comprise entre 0 et 800 apr. J.-C., l’ITCZ a occupé des positions nettement septentrionales par rapport au millénaire dernier (McCormac et al. 2002, 2004). Ces résultats et les arguments développés par León (2007), Grobman et al. (2012), Lockard (2009) et Ogburn (2012), favorisent l’emploi de la courbe ShCal04. Cependant, Hogg et al. (2013) ont proposé une courbe nouvelle visant à améliorer les calibrations des dates 14C provenant de l’hémisphère sud, la courbe ShCal13. Cette dernière est, à notre avis, la plus pertinente à utiliser dans les études comparatives (voir Reimer et al. 2013 ; Koons et Alex 2014). Il faut toutefois tenir compte d’autres limites méthodologiques, à savoir l’« effet réservoir » et le phénomène des « vieux bois ».

L’effet réservoir

19 Les étendues d’eau terrestre sont des réservoirs de carbone échangeable, dont l’essentiel est présent sous la forme de carbone inorganique dissous (Dutta 2008). Par ailleurs, les eaux de surface des océans ont deux sources de 14C, l’atmosphère et les eaux profondes. Ces dernières apportent des quantités variables de 14C aux eaux superficielles lorsqu’elles remontent à la surface, selon le phénomène dénommé « upwelling ». Ce phénomène n’est pas uniforme à l’échelle globale, car il dépend de divers facteurs comme la latitude, la topographie des océans, la forme de la ligne côtière, etc. Dans ce cadre, les êtres vivants ayant grandi dans un milieu où ils ont absorbé du 14C provenant de l’atmosphère et d’un autre réservoir de carbone seront chronologiquement différents (de manière apparente) au moment où on les datera et où on voudra les comparer a posteriori (Stuiver et al. 1986, p. 980 ; Mangerud et al. 2006, p. 3228).

20 Dans le cas de datations d’êtres marins par le radiocarbone, il faut donc mettre en place une correction en recalibrant la datation avec une autre courbe (par exemple la courbe Marine13), car les organismes marins ont des quantités appauvries en 14C par rapport aux organismes terrestres. Ce phénomène est connu sous le nom « d’effet réservoir » et il a été mis en évidence par Jan Mangerud (1972, p. 151, 154, 156) dans ses recherches sur l’évaluation des dates 14C des coquillages marins modernes en Norvège. Pour le Pérou, les recherches d’Ortlieb et al. (2011) et Kennett et al. (2002) sont à retenir spécialement pour leur contribution à la compréhension de cet effet sur les dates d’échantillons marins et archéologiques de la période archaïque provenant de la côte sud-péruvienne.

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 239

21 Le « vieillissement » apparent est lié aux variations du réservoir marin et de l’âge réservoir. Il provient de l’appauvrissement de l’activité de l’isotope 14C dans les eaux océaniques profondes (c’est-à-dire à un ralentissement de sa désintégration radioactive) ainsi qu’au mélange, incomplet, des eaux profondes avec les eaux superficielles des océans (Mangerud 1972 ; Ulm 2006).

22 L’effet réservoir marin régional est noté ∆R et l’expression mathématique pour définir ∆R est ∆R = P – Q (Ulm 2006, p. 57) ou bien ∆R(s) = Rs(t) – Rg(t) (Stuiver et al. 1986, p. 982). Dans ces formules, ∆R est la différence entre une date 14C conventionnelle (P ou Rs[t]) d’un échantillon, dont on connaît bien l’âge et l’origine, et une date équivalente (Q ou Rg[t]) produite à partir de l’utilisation d’une courbe, dite marine, paramétrée et modelée à une échelle globale. Selon Kennett et al. (2002, p. 54), le ∆R pour le Pérou est 190 ± 40 années.

23 L’âge réservoir est la différence entre l’âge des organismes marins et l’âge des organismes terrestres contemporains (Olsen et al. 2010, p. 635). Cet âge n’est pas constant aux échelles temporelle et géographique (Mangerud et Gulliksen 1974 ; Ortlieb et al. 2011, p. 91). Dans les eaux superficielles, il peut varier de 400 ans selon Olsen (Olsen et al. 2010, p. 635) ou entre 350 et 1 500 ans selon Mangerud et al. (2006, p. 3228).

Dans les eaux profondes, cet âge évolue par rapport à l’échange de CO2 atmosphérique, l’afflux des eaux douces alourdies et l’« upwelling » (Olsen et al. 2010, p. 635).

24 En raison de l’effet réservoir, les datations des populations qui ont eu des régimes alimentaires à base de produits marins, apparaissent plus anciennes que celles dont les régimes alimentaires comprenaient exclusivement des produits terrestres (voir Olsen et al. 2010, p. 635).

25 Il faut encore noter ici le manque d’études sur l’effet réservoir sur la côte nord du Pérou et le manque de recherches systématiques comparatives sur les régimes alimentaires des populations à l’échelle régionale et/ou étatique mochica (voir, à titre d’exemple, Russell et Jackson 2001, p. 164-165 [pour le site de Cerro Mayal dans la vallée de Chicama]). Cette situation rend toute étude des datations de notre zone difficile car la consommation de produits marins par les sociétés côtières peut avoir modifié les dates que l’on obtient sur des vestiges humains. Dans l’inventaire des échantillons analysés ici, il n’en existe pas d’origine marine. Un seul est peut-être d’origine mixte, c’est-à-dire à la fois marine et terrestre (Beta-108281). On ne l’a pas exclu, mais il a été recalibré en utilisant la courbe Marine13.

Les vieux bois

26 En 2014, la recherche archéologique menée sur le site de San José de Moro, dans la vallée de Jequetepeque, a permis aux archéologues de vérifier l’usage d’une essence locale appelée algarrobo ( Prosopis sp.) pour la construction des toits des chambres funéraires des élites, pendant la période Mochica tardive. Cette essence fait encore partie du paysage désertique côtier péruvien et elle est actuellement utilisée comme carburant dans les fours servant à cuire des céramiques locales dans la province de Chepén. Par ailleurs, sur le site de Huacas de Moche, Moutarde (2008) a mis en évidence plusieurs essences employées dans la vie quotidienne et rituelle mochica. C’est le cas de la canne de Guayaquil (Guadua angustifolia), du lúcumo(Pouteria lucuma), de l’algarrobo qui ont été couramment utilisés comme poutres ; la caña brava(Gynerium sagittatum), pour sa

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 240

part, a été utilisée pour la construction de cercueils, de murs et de toits (Moutarde 2008, p. 304).

27 Matériaux vivants ou, plus exactement, issus du vivant, le bois et le charbon de bois sont des vestiges souvent abondants dans les sites mochica. Ils ont été couramment sélectionnés, échantillonnés et datés par le radiocarbone dans le cadre de recherches à objectif chronologique. Cependant la datation du bois – ou de charbon de bois – butte sur des limites méthodologiques : elle n’est pas liée au moment de l’abattage, mais à l’anneau de croissance de l’essence qui forme l’échantillon. Pour accepter une date 14C provenant d’un arbre, il faut contrôler plusieurs facteurs : la durée de vie de l’espèce, sa longévité (ainsi, Skolmen [1990] a étudié un algarrobo de plus de 100 ans à Hawaï), la partie de l’essence datée (de fait, la partie externe d’un bois sera très probablement moins ancienne que la partie interne) et la réutilisation ou le réemploi de matériaux anciens. Les distorsions dues à la datation de bois ou de charbons de bois sont connues sous l’appellation « vieux bois » (voir Kennett et al. 2002 [pour la côte sud-péruvienne] ; Scharf et al. 2013 [pour l’Asie] ; Caracuta et al. 2012 [pour l’Italie], etc.).

28 Dans notre corpus, 17 % des dates inventoriées correspondent à des échantillons de bois et 32 % à des échantillons de charbons (voir infra). Environ 50 % des échantillons fournissent donc des informations assez incertaines, car les essences datées n’ont pas été identifiées par les auteurs en raison du manque d’études anthracologiques systématiques (Figure 2). Cela constitue un vrai problème qui interdit d’examiner la validité des dates obtenues de cette façon par traitement statistique. Cela dit, notre objectif principal est ici de présenter un inventaire relativement complet et mis à jour des dates 14C dont on dispose (en spécifiant la région, le site et les matériaux datés). On s’est gardé en revanche de donner des découpages précis aux phases définies par les typologies céramiques sur la base des dates 14C, car ces dernières peuvent être imprécises.

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 241

Fig. 2 – Pourcentages relatifs des principaux types de matériaux datés par 14C au sein des contextes mochica.

29 Pour la recalibration des dates, deux approches étaient envisageables. Soit seules les dates obtenues sur d’autres matériaux que le bois ou le charbon de bois étaient traitées et analysées ; soit une analyse exploratoire et globale de tout le corpus était mise en œuvre. C’est la deuxième option que nous avons retenue, car les échantillons des types bois et charbon ne constituent que la moitié du corpus, et c’était en réalité une occasion de tester leur validité. Notre recherche se veut être, par ailleurs, une contribution à la discussion sur la chronologie mochica : on fait ici un état des lieux sans dissimuler les deux limites méthodologiques rappelées ci-dessus. Nous pensons en tout cas que notre démarche pourra améliorer à l’avenir le choix des protocoles de sélection des échantillons à dater. Même s’il n’existe pas à ce jour de travaux sur les vieux bois et l’effet réservoir et leurs conséquences dans la chronologie mochica, il apparaît indispensable d’effectuer des échantillonnages nouveaux sur des matériaux carbonisés de courte vie (Rick et al. 2005, p. 1641) pour obtenir des dates qui minimiseront les risques d’erreurs mentionnés.

Résultats

30 Dans le cas de la sous-aire Mochica de Piura, un seul échantillon – provenant du site de Loma Negra – daté par 14C (Lechtman et al. 1982, p. 5 [I-5573]) figure à notre inventaire. Il s’agit d’un fragment de fût de bois. L’échantillon a été recueilli en 1971 et il a produit une date de 1655 ± 95 ans (240-635 apr. J.-C. [2 σ]). Lechtman et al. (1982) ont hypothétiquement relié cette date au commencement de la phase Mochica II.

31 Sur un autre plan il faut observer qu’aucun échantillon d’origine marine n’est apparu dans la littérature révisée ; en revanche, deux échantillons d’origine mixte ont été répertoriés : Beta-108281 et Beta-1568907 (Uceda et al. 2001, p. 216). Dans la source consultée, Beta-1568907 n’est pas relié à l’une des phases de Larco. L’échantillon

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 242

Beta-108281, lui, correspondrait chronologiquement à la phase Mochica IV. Cette date doit toutefois être prise avec précaution à cause du possible vieillissement des datations sur ossements et coquillages (effet réservoir : voir supra). On a donc calibré cette date en utilisant deux courbes, ShCal13 et Marine13. L’emploi de la courbe ShCal13 a produit des dates bien anciennes pour un contexte Mochica IV à Huacas de Moche (203-390 apr. J.-C. [2 σ, 94,1 %]). En revanche, la courbe Marine13 a produit des résultats plus cohérents et qui peuvent être reliés à d’autres datations de la phase Mochica IV (518-695 apr. J.-C. [2 σ]).

32 Certaines données n’ont pas été prises en compte pour le traitement statistique. Par exemple, Dillehay et Kolata (2004) ont publié deux dates 14C pour la vallée de Jequetepeque2. Elles ne sont pas incluses ici, car elles ne sont pas reliées aux phases stylistiques de Larco. Pour la même sous-aire, Rosas (2007) présente des dates déjà calibrées associées à la période Mochica tardive du site archéologique Cerro Chepén3. Elles n’ont pas été retenues, car les dates avant le présent ne sont pas données.

33 Toutes les informations que nous avons inventoriées ont été regroupées dans les Figures 3, 4 et 5 pour la sphère Mochica nord et dans les Figures 6, 7, 8, 9 pour la sphère Mochica sud.

Fig. 3 – Vallée de la Leche (sphère Mochica nord).

SHCal13

1 σ (68,2 %) 2 σ (95,4 %) Site 14C Échantillon Phase Matériau Source mochica (BP) Début Fin Début Fin (apr. J.- (apr. J.- (apr. J.- (apr. J.- C.) C.) C.) C.)

Charbon 1540 SMU-873 Mochica IV (provenant 520 641 426 648 a, b ± 60 d’un foyer) Huaca del Charbon 1430 682 Pueblo SMU-901 Mochica V (provenant 595 544 769 a, b ± 30 (63,3 %) et Batán d’un foyer) Grande Charbon 1410 690 775 SMU-876 Mochica V (provenant 626 570 a, b ± 60 (45,6 %) (92,9 %) d’un foyer)

Charbon (provenant Huaca Mochica V d’une 1410 690 775 SMU-833 626 570 a, b Soledad (?) couche ± 60 (45,6 %) (92,9 %) protectrice organique)

a. Shimada et al. 1991, p. 252 ; b. Shimada 1994, p. 4.

Fig. 4 – Vallée de Lambayeque (sphère Mochica nord).

Site Échantillon Phase Matériau 14C SHCal13 Source mochica (BP)

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 243

1 σ (68,2 %) 2 σ (95,4 %) Début Fin Début Fin (apr. J.- (apr. J.- (apr. J.- (apr. J.- C.) C.) C.) C.)

Grains de 1380 A-1705 Mochica V maïs 642 768 594 876 a, b ± 70 carbonisés

Canne 1380 688 SMU-682 Mochica V 648 640 770 a, b brûlée ± 40 (43,0 %) Pampa Coton 1300 747 894 Grande SMU-399 Mochica V 682 653 a, b brûlé ± 60 (31,4 %) (94,6 %)

1280 878 904 A-1704 Mochica V Bois brûlé 764 658 a, b ± 70 (49,0 %) (88,0 %)

Coton 1250 905 SMU-644 Mochica V 766 892 756 a, b brûlé ± 50 (71,0 %)

Mochica Poutre en 1190 988 1026 Sipán BDX5138 moyen 842 758 c bois ± 80 (57,3 %) (87,8 %) (MM) a. Shimada et al. 1991, p. 252 ; b. Shimada 1994, p. 4 ; c. Roque et al. 2002, p. 237.

Fig. 5 – Vallée de Jequetepeque (sphère Mochica nord).

SHCal13

1 σ (68,2 %) 2 σ (95,4 %) Site 14C Échantillon Phase Matériau Source mochica (BP) Début Fin Début Fin (apr. J.- (apr. J.- (apr. J.- (apr. J.- C.) C.) C.) C.)

Mochica 1660 480 545 Beta-219771 initial Textile 388 356 b ± 40 (63,7 %) (94,9 %) (MI)

1580 584 Beta-129543 MI Textile 465 418 630 a, b ± 50 (64,9 %)

1570 Beta-219770 MI Textile 478 592 426 630 b Dos ± 40 Cabezas 1540 Beta-89550 MI Textile 530 634 439 645 b ± 50

Matériau organique 1530 Beta-129542 MI disséqué 529 642 431 652 a, b ± 60 au sein d’un crane

Pacatnamú Textile 1480 692 Beta-14743 MM 536 675 425 c (coton) ± 80 (89,0 %)

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 244

Univ. 1465 682 MM Charbon 590 658 535 d Heidelberg ± 50 (94,3 %)

Canne du 1350 776 894 Beta-89546 MM 648 591 c cercueil ± 80 (59,5 %) (94,6 %)

Textile 1260 891 Beta-14744 MM 762 672 986 c (coton) ± 80 (51,0 %)

1400 692 780 M-U413 MM (?) 635 577 e ± 60 (41,6 %) (91,6 %)

Mochica 1330 774 SJM2 tardif (?) 663 650 880 e ± 60 (60,2 %) (MT) San José de 1292 739 Moro AA-94827 MT Bois 684 680 880 f ± 35 (31,1 %)

1270 883 SJM1 MT (?) 764 671 970 e ± 70 (51,6 %)

1220 894 AA-94826 MT Gourde 838 770 970 f ± 34 (36,1 %) a. Moseley et al. 2008, p. 83 ; b. Donnan 2007 ; c. Donnan et McClelland 1997, p. 37, 79, 91 ; d. Shimada et Maguiña 1994, p. 36 ; e. Castillo, comm. pers. ; f. Castillo 2011.

Fig. 6 – Vallée de Moche (sphère Mochica sud).

SHCal13

1 σ (68,2 %) 2 σ (95,4 %) Site 14C Échantillon Phase Matériau Source mochica (BP) Début Fin Début Fin (apr. J.- (apr. J.- (apr. J.- (apr. J.- C.) C.) C.) C.)

Huacas 1880 250 Beta-158974 Mochica III Corde (canne) 126 224 69 a, b de ± 40 (93,9 %) Moche Pupe 1810 339 367 Beta-158975 Mochica III 267 200 a, b (mouche) ± 40 (43,7 %) (87,1 %)

1790 662 695 Beta-108281 Mochica IV Ossement 582 518 b ± 40 (68,2 %) (95,4 %)

1680 546 Beta-121762 Mochica III Charbon 358 520 316 b ± 60 (83,6 %)

1630 548 630 Beta-121761 Mochica III Charbon 406 338 b ± 70 (62,7 %) (93,6 %)

1620 Gif-11576 Mochica IV Charbon 430 525 410 575 b ± 35

Végétal thypa 1570 Beta-146465 Mochica III 478 592 426 630 a ? ± 40

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 245

Végétal thypa 1560 601 Beta-146464 Mochica III 517 436 632 a ? ± 40 (59,8 %)

Charbon 1540 Gif-9530 Mochica IV 530 634 439 645 b (canne) ± 50

1530 Beta-96028 Mochica IV Charbon 529 642 431 652 b, c ± 60

1520 Beta-134086 Mochica III Charbon 536 644 434 656 b ± 60

1520 654 Beta-96033 Mochica IV Charbon 545 639 464 b, c ± 50 (94,2 %)

1510 Beta-108280 Mochica IV Charbon 544 645 439 667 b ± 60

1500 Beta-121763 Mochica III Charbon 536 654 422 680 b ± 70

1500 Beta-84846 Mochica IV Charbon 520 634 435 640 b, c ± 50

Mochica IV- 1495 676 Gif-11577 Charbon 574 648 517 b V ± 50 (93,7 %)

1490 652 680 Beta-96031 Mochica IV Charbon 570 460 b, c ± 60 (62,9 %) (94,2 %)

Mochica III 1490 652 680 Beta-121764 Charbon 570 460 b (?) ± 60 (62,9 %) (94,2 %)

1480 658 684 Beta-96030 Mochica IV Charbon 572 466 b, c ± 60 (66,3 %) (93,8 %)

1470 Beta-96035 Mochica IV Bois 539 678 436 766 b, c ± 80

1460 Beta-96032 Mochica IV Charbon 584 672 523 766 b, c ± 60

1430 Beta-96026 Mochica IV Charbon 600 680 578 766 b, c ± 50

1410 690 775 Beta-84843 Mochica IV Charbon 626 570 b, c ± 60 (45,6 %) (92,9 %)

1400 692 780 Beta-96029 Mochica IV Charbon 635 577 b, c ± 60 (41,6 %) (91,6 %)

1370 875 Beta-84845 Mochica IV Charbon 652 765 630 b, c ± 60 (95,0 %)

1360 772 884 Beta-111545 Mochica IV Charbon 646 626 b, c ± 70 (66,9 %) (93,6 %)

1360 Beta-111544 Mochica IV Charbon 656 766 637 876 b ± 60

1360 Beta-124996 Mochica IV Charbon 656 766 637 876 b ± 60

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 246

1330 774 Beta-108279 Mochica IV Charbon 663 650 880 b ± 60 (60,2 %)

1290 860 895 Beta-124995 Mochica IV Charbon 762 658 b ± 60 (43,5 %) (93,1 %)

1280 876 900 Beta-96027 Mochica IV Charbon 764 665 b, c ± 60 (52,8 %) (90,7 %)

Mochica V 1441 673 684 AA56785 Charbon 628 580 e, f (MT) ± 40 (60,3 %) (92,7 %)

Charbon de 1415 884 1024 GX-3256 Mochica V 517 318 d bois ± 185 (64,6 %) (93,2 %)

Mochica V 1373 690 AA61597 Maïs 650 638 773 f (MT) ± 41 (36,0 %)

Mochica V 1372 690 AA56782 Maïs 651 646 768 e, f (MT) ± 37 (38,9 %)

Mochica V 1360 690 AA61600 Maïs 660 647 772 f (MT) ± 36 (27,3 %)

Mochica V 1358 765 AA61601 Maïs 731 646 774 f (MT) ± 36 (31,4 %)

Mochica V 1349 765 AA56792 Charbon 731 654 770 e, f (MT) ± 30 (36,1 %)

Mochica V 1341 779 Galindo AA61599 Canne 678 765 650 f (MT) ± 36 (89,9 %)

Mochica V 1335 780 AA61598 Maïs 680 765 653 f (MT) ± 36 (87,0 %)

Mochica V 1327 859 AA56786 Charbon 679 768 658 e, f (MT) ± 40 (95,4 %)

Mochica V 1322 860 AA56784 Charbon 680 768 667 e, f (MT) ± 35 (95,4 %)

Mochica V 1319 746 786 AA56793 Charbon 682 672 e, f (MT) ± 29 (58,3 %) (84,1 %)

1290 737 880 AA56783 MM Maïs 686 756 e, f ± 34 (28,2 %) (61,2 %)

Mochica V 1285 858 880 AA56787 Charbon 802 760 e, f (MT) ± 32 (35,0 %) (66,7 %)

K4649- Couche avec 1260 902 1051 Mochica V 678 575 d RC14-5 cendres ± 140 (58,1 %) (92,6 %) a. Verano 2008, p. 206 ; b. Uceda et al. 2001, p. 216 ; c. Chapdelaine 2001, p. 73 ; d. Shimada 1994, p. 4 (obtenues par Conrad en 1974) ; e. Lockard 2008, p. 279 ; f. Lockard 2009, p. 294 (les dates avant le présent incluses dans Lockard 2008 sont différentes de celles présentées dans Lockard 2009. Pour cette étude, nous avons retenu les dates publiées en 2009).

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 247

Fig. 7 – Vallée de Chicama (sphère Mochica sud).

SHCal13

1 σ (68,2 %) 2 σ (95,4 %) Site 14C Échantillon Phase Matériau Source mochica (BP) Début Fin Début Fin (apr. J.- (apr. J.- (apr. J.- (apr. J.- C.) C.) C.) C.)

1675 528 OxA-7005 Mochica I-II Canne 356 248 574 a ± 70 (67,2 %)

1670 576 OxA-7006 Mochica I-II Canne 364 524 321 a ± 65 (86,2 %)

1650 594 OxA-7008 Mochica I-II Peinture 382 534 330 a ± 65 (90,4 %) El Brujo Résidus de 1530 605 Beta-109132 Mochica I-II 569 528 643 a plantes ± 30 (42,6 %)

Mochica IV (et 1480 OxA-6896 quelques Canne 594 648 545 666 a ± 40 fragments Mochica V)

1491 678 DRI-2857 Mochica IV Bois 574 650 517 b ± 52 (93,4 %)

1450 686 Beta-71083 Mochica IV Bois 598 668 540 b ± 50 (91,2 %)

1390 690 774 Beta-71080 Mochica IV Bois 642 596 b ± 50 (42,3 %) (94,2 %)

1365 692 780 DRI-2858 Mochica IV Bois 654 638 b ± 46 (29,1 %) (90,4 %)

Cerro 1330 773 Beta-71079 Mochica IV Bois 671 654 862 b Mayal ± 50 (64,8 %)

1320 775 Beta-71081 Mochica IV Bois 675 662 876 b ± 50 (58,9 %)

1280 876 894 Beta-71085 Mochica IV Bois 765 675 b ± 50 (58,5 %) (94,1 %)

1210 902 992 Beta-71082 Mochica IV Bois 840 765 b ± 50 (30,7 %) (94 %)

1200 974 996 Beta-71084 Mochica IV Bois 856 766 b ± 50 (59,9 %) (95 %)

Licapa Mochica IV- Semence 1624 AA-94820 430 520 407 574 c V carbonisée ± 35

Mochica IV- Maïs 1572 588 603 AA-94819 517 426 c V carbonisé ± 35 (54,1 %) (94,1 %)

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 248

Mochica IV- Bâton 1531 648 AA-94813 545 630 517 c V carbonisé ± 36 (92,6 %)

Mochica IV- Maïs 1470 Beta-302519 600 648 580 662 c V carbonisé ± 30

Mochica IV- 1437 AA-94823 Bois 630 675 590 681 c V ± 34

Mochica IV- 1411 690 AA-94818 Bois 642 679 600 c V ± 34 (82,3 %)

Mochica IV- Bâton 1406 692 AA-94821 642 680 630 c V carbonisé ± 35 (75,9 %)

Mochica IV- 1382 684 AA-94817 Bois 649 645 766 c V ± 37 (45,7 %)

Mochica IV- Semence 1381 685 AA-94816 649 646 766 c V carbonisée ± 37 (44,9 %)

Mochica IV- Semence 1370 686 Beta-302518 654 651 766 c V carbonisée ± 30 (38,6 %)

Mochica IV- Semence 1329 790 AA-94815 680 766 657 c V carbonisée ± 37 (84 %)

Mochica IV- 1280 881 Beta-302520 Bois 766 876 761 c V ± 30 (72,6 %)

Mochica IV- Bâton 1256 824 894 AA-94814 774 760 c V carbonisé ± 36 (35,0 %) (82,6 %)

Mochica IV- Semence 1242 884 900 AA-94812 832 764 c V carbonisée ± 36 (36,2 %) (83,0 %) a. Franco et al. 2003, p. 170, 173 ; b. Russell et al. 1998, p. 83 ; c. Koons et Alex 2014, appendice (obtenues par Koons en 2012).

Fig. 8 – Vallée de Virú (sphère Mochica sud).

SHCal13

1 σ (68,2 %) 2 σ (95,4 %) Site 14C Échantillon Phase Matériau Source mochica (BP) Début Fin Début Fin (apr. J.- (apr. J.- (apr. J.- (apr. J.- C.) C.) C.) C.)

1300 906 L-335A Mochica IV Textile 680 860 646 a Huaca de ± 80 (88,7 %) la Cruz 1300 906 L-335B Mochica IV Panier 680 860 646 a ± 80 (88,7 %) a. Shimada 1994, p. 5.

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 249

Fig. 9 – Vallée de Santa (sphère Mochica sud).

SHCal13

1 σ (68,2 %) 2 σ (95,4 %) Site 14C Échantillon Phase Matériau Source mochica (BP) Début Fin Début Fin (apr. J.- (apr. J.- (apr. J.- (apr. J.- C.) C.) C.) C.)

1600 546 2001-EC-2 Mochica III Maïs 431 390 603 b, c ± 50 (65,2 %)

Épi de 1560 602 2002-ECE-1 Mochica III 516 428 636 b, c maïs ± 50 (52,9 %)

1540 El Castillo 2000-EC-06 Mochica III Canne 530 634 439 645 b, c ± 50

1480 2001-EC-1 Mochica III Charbon 583 652 522 680 b, c ± 50

1420 682 2001-EC-3 Mochica III Maïs 629 588 766 b, c ± 50 (56,2 %)

Épi de 1670 482 548 2002-ECH-2 Mochica III 370 334 b, c El Castillo maïs ± 50 (60,8 %) (89,5 %) Huaca Épi de 1530 Moche 2002-ECH-1 Mochica III 540 635 439 650 b, c maïs ± 50

2002- Épi de 1610 Mochica IV 425 540 382 598 b, c G-112-3 maïs ± 50

2002- Épi de 1490 652 680 Mochica IV 570 460 b, c G-112-4 maïs ± 60 (62,9 %) (94,2 %)

2002- Épi de 1390 692 786 Mochica IV 642 587 b, c G-112-5 maïs ± 60 (37,4 %) (90 %) Guadalupito 2002- Épi de 1360 Mochica IV 656 766 637 876 b, c G-112-1 maïs ± 60

2002- Épi de 1350 Mochica IV 670 766 646 860 b, c G-112-6 maïs ± 50

2002- Épi de 1340 772 Mochica IV 656 647 878 b, c G-112-2 maïs ± 60 (65,9 %)

1250 893 971 Guad-88 2002-G-88-1 Mochica IV Charbon 765 754 b, c ± 60 (60,1 %) (78,5 %)

1210 902 992 Guad-121 2001-G-121 Mochica IV Maïs 840 765 b, c ± 50 (30,7 %) (94 %)

2001-G-192- 1540 642 Mochica IV Maïs 516 390 674 b Hacienda (TO-9737) ± 80 (57,7 %) San José 2001-G-192- 1360 Mochica IV Charbon 656 766 637 876 b (TO-9738) ± 60

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 250

Habitation 1550 690 refuse at 92 UCLA 1802 Mochica IV Textile 436 640 326 a, d ± 110 (90,2 %) P2L2 # 170

Habitation 1390 692 786 refuse at UCLA 1803 Mochica IV Textile 642 587 a, d ± 60 (37,4 %) (90 %) 156 P1L3 # 2

Habitation refuse at 1450 904 UCLA 1804 Mochica III Textile 470 771 356 a, d 161 P1L1 ± 140 (93,1 %) # 63

Habitation refuse at 1870 259 UCLA 1805 Mochica III Textile 125 240 63 a, d 161 P1L4 ± 50 (85,1 %) # 93

a. Donnan 1973, p. 131 ; b. Chapdelaine 2008, p. 132, 135-136 ; c. Chapdelaine 2010, p. 257 ; d. Shimada 1994, p. 5.

Discussion

34 L’un des enjeux de l’archéologie mochica est la comparaison des données (typologiques et chronologiques) à l’échelle des deux grandes sphères distinguées : « La séquence céramique est l’approche fondamentale pour mettre en place la chronologie mochica ; en même temps, les dates radiocarbone doivent être comprises comme des outils servant à améliorer la connaissance du cadre culturel mochica. La sériation de la céramique vallée par vallée est l’une des solutions (Castillo 2000, 2003), mais une comparaison inter-vallées et la recherche d’une unité dans la description des céramiques sont aussi nécessaires » (Chapdelaine 2011, p. 195 [traduit de l’anglais]).

35 Concernant la quantité des datations répertoriées sphère par sphère, on remarquera qu’environ 20 % seulement des dates proviennent de l’aire Mochica nord. Dans cet espace, 65 % des datations ne proviennent pas d’échantillons du type bois ou charbon, ce qui est assez positif pour les prochaines études comparatives. Malgré tout, les datations des sites de la région nord (surtout Dos Cabezas, Pacatnamú et San José de Moro) devront être augmentées afin d’assurer une meilleure compréhension de l’évolution et de la diffusion des styles dans cette région. Dans la sphère sud, la moitié des datations provient d’échantillons de bois et/ou de charbon. L’autre moitié correspond à d’autres matériaux ; presque 30 % des dates ont été obtenus à partir de plantes comme le maïs (Zea mays) et les cannes (Guadua angustifolia et/ou Gynerium sagittatum).

36 Ces éléments précisés, une première constatation s’impose : même si les risques concernant les vieux bois ne sauraient être sous-estimés, l’utilisation de l’ensemble des datations fait apparaître des différences chronologiques significatives entre les phases III et IV. Il existe ainsi une différence chronologique entre l’apparition de la phase Mochica III (sur les sites de Huacas de Moche, El Castillo, El Castillo Huaca Moche Habitation refuse at 161 P1L1 # 63 ; et Habitation refuse at 161 P1L4 # 93) et celle de la phase Mochica IV (dans le site de Huacas de Moche) (voir Figure 10).

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 251

Fig. 10 – Comparaison des dates 14C calibrées (2 σ) correspondant à l’apparition des périodes Mochica sud-phase III (aMS-III) et Mochica sud-phase IV (aMS-IV) (Test Mann-Whitney).

Période (nombre de dates) Période (nombre de dates)

aMS-III (n = 17) aMS-IV (n = 21)

p (same) : 6.874E-05

37 Afin d’apporter des précisions chronologiques nouvelles, nous avons commencé à développer des comparaisons aux échelles intersite et intervallée. Les premières données ne sont pas encore concluantes, mais elles peuvent servir à proposer des hypothèses de travail. Ces résultats nous permettent notamment de constater l’insuffisance de données radiométriques concernant l’origine temporelle du phénomène mochica dans les deux sphères. Dans le cas des échantillons rattachés à un contexte archéologique de la phase Mochica initiale, les dates les plus anciennes se situent autour des années 250-350 apr. J.-C. (sites de Dos Cabezas et El Brujo). Mais les données pour cette période sont rares et cela constitue un véritable problème (Chapdelaine 2011).

38 Concernant les autres phases, des données hétérogènes selon les vallées et les sphères ont été avancées. Selon Chapdelaine (2011, p. 195), les deux phases III et IV du Sud peuvent coïncider avec la phase Mochica moyenne du Nord. Statistiquement, l’apparition de la phase Mochica III dans la sphère sud (représentée par les datations obtenues à Huacas de Moche, El Castillo, El Castillo Huaca Moche Habitation refuse at 161 P1L1 # 63 et Habitation refuse at 161 P1L4 # 93) diffère significativement, d’un point de vue chronologique, de l’apparition de la phase Mochica moyenne de la sphère nord (représentée par les datations obtenues à Pacatnamú, Sipán et San José de Moro) (voir Figure 11).

Fig. 11 – Comparaison des dates 14C calibrées (2 σ) correspondant à l’apparition des périodes Mochica sud-phase III (aMS-III) et Mochica moyenne (aMM) (Test Mann-Whitney).

Période (nombre de dates) Période (nombre de dates)

aMS-III (n = 17) aMM (n = 6)

p (same) : 0.004564

39 Au contraire, le moment d’apparition de la phase IV (dans les sites de Huacas de Moche, Cerro Mayal, Huaca la Cruz, Guadalupito, Guad-88, Guad-121 et Hacienda San José) est significativement similaire à celui de la phase Mochica moyenne (dans les sites de Pacatnamú, Sipán et San José de Moro) (voir Figure 12).

Fig. 12 – Comparaison des dates 14C calibrées (2 σ) correspondant à l’apparition des périodes Mochica sud-phase IV (aMS-IV) et Mochica moyenne (aMM) (Test Mann-Whitney).

Période (nombre de dates) Période (nombre de dates)

aMS-IV (n = 44) aMM (n = 6)

p (same) : 0.8112

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 252

40 Pour ce qui est de la contemporanéité du phénomène de transition stylistique correspondant aux phases III et IV dans les sites de la région Mochica sud, la question se pose en particulier de savoir s’il existe une différence significative ou non entre les datations relatives à la fin de la phase III dans la vallée de Moche et dans celle de Santa. Existe-t-il, par ailleurs, une cohérence ou une différence significative entre les datations relatives à l’apparition de la phase IV dans la vallée de Moche et dans celle de Santa ? En appliquant toujours le test de Mann-Whitney, il est possible de confirmer que les dates moyennes pour la fin de la phase III et l’apparition de la phase IV dans ces deux vallées sont similaires (voir Figure 13).

Fig. 13 – Comparaison des dates 14C calibrées (2 σ) correspondant à la disparition de la période Mochica sud-phase III-vallée de Moche (dMS-III-M) et à l’apparition du style Mochica sud-phase IV- vallée de Santa (aMS-IV-S) (Test Mann-Whitney).

Période (nombre de dates) Période (nombre de dates)

dMS-III-M (n = 8) aMS-IV-S (n = 12)

p (same) : 0.7282

41 Statistiquement, il est donc possible de corroborer l’existence d’un haut degré de cohésion chrono-stylistique – aux niveaux de la décoration et des formes céramiques – entre ces vallées, même pendant cette période de transition. Enfin, l’analyse comparative menée sur les échantillons de la sphère sud et de la phase IV, démontre que l’apparition et la fin de ce style dans les sites de Huacas de Moche, Cerro Mayal, Guadalupito, Guad-88, Guad-121 et Hacienda San José sont des phénomènes probablement contemporains (voir Figures 14, 15, 16a et 16b).

Fig. 14 – Comparaison des dates 14C calibrées (2 σ) correspondant à l’apparition de la phase IV dans le site de Huacas de Moche (aMS-IV-HM) et dans celui de Cerro Mayal (aMS-IV-CM) (Test Mann-Whitney).

Période (nombre de dates) Période (nombre de dates)

aMS-IV-HM (n = 21) aMS-IV-CM (n = 9)

p (same) : 0.007569

Fig. 15 – Comparaison des dates 2 σ correspondant à l’apparition de la phase IV dans les sites de Guadalupito, Guad-88, Guad-121 et Hacienda San José (aMS-V-GHSJ) et dans celui de Cerro Mayal (aMS-IV-CM) (Test Mann-Whitney).

Période (nombre de dates) Période (nombre de dates)

aMS-IV-GHSJ (n = 12) aMS-IV-CM (n = 9)

p (same) : 0.1352

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 253

Fig. 16a – Boîtes à moustaches montrant le regroupement des dates 14C calibrées (2 σ) relatives à l’apparition des phases céramiques III, IV et Mochica moyen. La ligne à l’intérieur d’une boîte indique la médiane des données. Chaque boîte est délimitée par les 1o et 3o quartiles. Fig. 16b – Boîtes à moustaches montrant le regroupement des dates 14C calibrées (2 σ) relatives à la disparition des phases III, IV et Mochica moyen. La ligne à l’intérieur d’une boîte indique la médiane des données. Chaque boîte est délimitée par les 1o et 3o quartiles.

Légende : MS Mochica sud MN Mochica nord III phase III IV phase IV MM Mochica moyenne S vallée de Santa M vallée de Moche

42 À propos des dernières occupations mochica, il apparaît qu’il est encore nécessaire d’effectuer davantage de prospections archéologiques afin de répertorier des sites nouveaux qui présenteraient des occupations Mochica V dans la sphère sud. De la même manière, il serait pertinent d’accroître le nombre de datations issues de contextes Mochica tardif dans la sphère nord.

43 Dans le site de Pampa Grande (section nord), les vestiges céramiques ont toujours été caractérisés comme Mochica V en raison de leurs attributs stylistiques (forme et décoration) : « Pampa Grande a été le site archéologique mochica le plus grand, le plus diversifié et le plus complexe. La plupart des échantillons céramiques trouvés en surface correspondent à une occupation Mochica V, la dernière des Moche… » (Anders 1981 [traduit de l’anglais]). Le site de San José de Moro (également au nord) présente des occupations, des styles céramiques nettement tardifs et de l’influence des sociétés wari et cajamarca. Cette influence se marque d’abord par des décors qui ont été importés sur le site. Mais c’est aussi vrai pour de nouvelles formes (comme les vases à deux goulots ou de nouvelles bouteilles et vases peints portant des décorations polychromes) qui font partie du registre archéologique des périodes Mochica tardif et transitionnel (Castillo 2000). En réalité, des influences de type technologique entre ces trois sociétés commencent aussi à être évoquées (Nickel et al. 2013). On a pu, par exemple, remarquer l’usage d’oxydes de manganèse pour la décoration peinte des vases wari (Del Solar 2011). Il s’agit d’une technique employée également à San José de Moro pour décorer des bouteilles hybrides mochica-wari (Dollwetzel 2012) vraisemblablement à partir de la phase Mochica tardif B.

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 254

44 Entre Pampa Grande et San José de Moro, il existe une corrélation chronologique et stylistique, même si l’apparition de la phase Mochica tardif à Pampa Grande semble être visuellement plus ancienne.

45 En fait, le décalage entre les données de ces deux sites et les données obtenues à la Huaca del Pueblo, ainsi que la comparaison des informations disponibles à une échelle macro-régionale, soulignent la nécessité de continuer la construction d’un corpus général de données radiométriques mochica. Encore une fois, en appliquant le test Mann-Whitney, les dates correspondant à la fin des styles Mochica tardif (à Pampa Grande) et Mochica V (à Galindo) ne sont pas différentes. Dans ce contexte, il est possible d’affirmer que la valeur de la variable chronologique ne change pas en fonction du site étudié, même quand la fin du style Mochica V semble être légèrement plus récente à Galindo que sur les sites de la sphère nord : Figures 17, 18a et 18b.

Fig. 17 – Comparaison des 14C calibrées (2 σ) correspondant à la fin des styles Mochica V à Galindo (dMS-V-GA) et Mochica tardif (V) à Pampa Grande (dMN-V-PG) (Test Mann-Whitney).

Période (nombre de dates) Période (nombre de dates)

dMS-V-GA (n = 13) dMN-V-PG (n = 5)

p (same) : 0.1037

Fig. 18a – Boîtes à moustaches montrant le regroupement des dates 14C calibrées (2 σ) relatives à l’apparition de la phase Mochica V et Mochica tardif dans trois sites archéologiques mochica. La ligne à l’intérieur d’une boîte indique la médiane des données. Fig. 18b – Boîtes à moustaches montrant le regroupement des dates 14C calibrées (2 σ) relatives à la disparition de la phase Mochica V et Mochica tardif dans trois sites archéologiques mochica.

Légende : GA Galindo (Mochica sud) PG Pampa Grande (Mochica nord) SJ San José de Moro (Mochica nord)

46 En définitive, la fin des styles Mochica V et Mochica tardif est parallèle au phénomène de fin lente et progressive de ces sociétés sur la côte nord du Pérou, entre le IXe et le Xe siècle de notre ère. À une échelle macro-régionale, la cause de l’effondrement sociétal a été probablement triple (Castillo 2003) : l’instabilité de l’environnement, l’influence de sociétés étrangères (par exemple wari et cajamarca) et un écroulement politique d’origine interne. Ainsi, les recherches menées à Pampa Grande (Shimada 1994), à

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 255

Galindo (Bawden 1982) et à San José de Moro (Castillo 2003) supportent l’hypothèse d’un stress interne entre classes sociales (sous la forme de révoltes violentes mettant en cause le pouvoir des élites locales et les méthodes d’intégrations sociale et culturelle). Par ailleurs, les informations archéologiques récentes concernant le site de Cerro Chepén indiquent que l’effondrement politique des communautés mochica a vraisemblablement aussi résulté de la pression exercée par des groupes étrangers cajamarca (Rosas 2007). En revanche, les données archéologiques provenant d’autres sites comme El Castillo ne montrent pas de processus de violence en rapport avec l’occupation post-mochica (Bélisle 2008).

47 Un effondrement sociopolitique lié à une instabilité de l’environnement paraît par ailleurs un scénario vraisemblable (Shimada et al. 1991). Les données paléoclimatiques pour la région andine révèlent que des conditions d’aridité ont prévalu entre 500-1100 apr. J.-C. avec un pic entre 900-1100 apr. J.-C. (Bird et al. 2011b, p. 199). Il semblerait que l’apparition de ces longues périodes de sécheresse ait affecté la production agricole des communautés andines et côtières de l’époque. Cela aurait probablement joué un rôle dans la détérioration des relations sociales entre élites locales et non-élites.

48 Dans tous les cas, des événements d’ordre climatique sont toujours considérés comme ayant eu un rôle déterminant dans les mobilités géographiques des communautés entre les périodes Mochica ancienne et moyenne, et Mochica moyenne et tardive (Castillo 2003).

Conclusions

49 Les sociétés mochica ont occupé et modifié le paysage d’une dizaine de vallées fertiles, séparées par des zones côtières arides, dans la partie septentrionale du Pérou. Aux yeux des andinistes contemporains, les organisations techno-culturelle et socio-politique de cette culture sont particulièrement complexes.

50 L’analyse croisée de données chrono-céramiques et de datations 14C obtenues dans des contextes mochica permet de placer l’apparition de cette société et ses premiers développements entre le IIe et le IIIe siècle de notre ère. Ayant prospéré probablement autour de systèmes de réciprocité sociale, de cérémonialisme théâtralisé et de valeurs culturelles et ethniques partagées, les sociétés mochica ont disparu entre le IXe et le Xe siècle à cause d’une combinaison de problèmes endogènes et exogènes.

51 Pour ce qui est des données radiométriques, il est évident que, pour les phases céramiques Mochica I et II ainsi que Mochica initiale, le corpus actuel demeure trop faible pour établir des jalons fermes. L’analyse statistique des dates au radiocarbone qui caractérisent l’interface chronologique des phases III et IV confirme, pour sa part, l’unité chrono-culturelle de l’aire mochica du Sud. Par ailleurs, la quantité et la variabilité des données dans cette zone permettent de penser que l’origine de plusieurs traits culturels et matériels mochica (surtout Mochica III) proviennent de ce secteur et, plus spécifiquement, des Huacas de Moche. En revanche, il n’est pas encore possible de déterminer sur quel site le style Mochica IV est apparu d’abord dans l’aire Mochica sud. Pour la période tardive, l’analyse comparative des datations obtenues à Pampa Grande (secteur Mochica nord) et à Galindo (secteur Mochica sud) indique, au moins présentement, que la fin des styles les plus récents a été un phénomène contemporain.

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 256

52 À l’avenir il conviendra de privilégier la datation de matériaux terrestres de longévité courte. L’obtention de sériations céramiques systématique, site par site, sera également fondamentale pour mieux comprendre l’évolution et la diffusion des styles à l’intérieur des deux grandes régions mochica. Les études stylistiques devront être accompagnées d’analyses technologiques (voir Druc 2009 ; Ramon 2008, 2013) au sein de chaque site et vallée. Dans cette optique, une étude de cas sur les traditions technologiques du site de San José de Moro (vallée de Jequetepeque) est actuellement en cours au sein de l’IRAMAT-CRP2A de Bordeaux. Les résultats de cette recherche serviront à mieux définir les traits technologiques locaux dans les processus de production potière : elle permettra principalement de reconstruire les chaînes opératoires céramiques aux périodes Mochica tardive et transitionnelle.

BIBLIOGRAPHIE

ANDERS Martha 1981, « Investigation of State storage facilities in Pampa Grande, Peru », Journal of field archaeology, 8 (4), p. 391-404.

BAWDEN Garth 1982, « Galindo: a study in cultural transition during the Middle Horizon », in Michael E. Moseley et Kent, C. Day (éd.), Chan Chan: Andean desert city, University of New Mexico Press, Albuquerque, p. 285-320.

BELISLE Véronique 2008, « El Horizonte medio en el valle de Santa: continuidad y discontinuidad con los mochicas del Intermedio temprano », in Luis J. Castillo, Hélène Bernier, Gregory Lockard et Julio Rucabado (éd.), Arqueología mochica: nuevos enfoques. Actas del Primer congreso internacional de jóvenes investigadores de la cultura mochica (4-5 agosto 2004), Pontificia Universidad Católica del Perú/ Instituto Francés de Estudios Andinos, UMIFRE 17-CNRS, Lima, p. 17-31.

BEYERSDORFF Margot 2005, « Writing without words/Words without writing. The culture of the khipu », Latin American research review, 40 (3), p. 294-311.

BILLMAN Brian 2002, « Irrigation and the origins of the southern Moche state on the north coast of Peru », Latin American antiquity, 13 (4), p. 371-400.

BIRD Broxton W., Mark B. ABBOTT, Mathias VUILLE, Donald T. RODBELL, Michael ROSENMEIER et Nathan D. STANSELL 2011a, « A 2,300-year-long annually resolved record of the South American summer monsoon from the Peruvian Andes », Proceedings of the National academy of sciences of the United States of America, 108 (21), p. 8583-8588.

BIRD Broxton W., Mark B. ABBOTT, Donald T. RODBELL et Mathias VUILLE 2011b, « Holocene tropical South American hydroclimate revealed from a decadally resolved lake sediment δ18O record », Earthand planetary science letters, 310, p. 192-202.

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 257

BRONK RAMSEY Christopher 2008, « Radiocarbon dating: revolution in understanding », Archaeometry, 50 (2), p. 249-275.

2014, « OxCal program, v. 4.2, Radiocarbon accelerator unit, University of Oxford, UK », http:// c14.arch.ox.ac.uk/embed.php?File=oxcal.html, consulté le 10 octobre 2014.

CARACUTA Valentina, Girolamo FIORENTINO et Maria Clara MARTINELLI 2012, « Plants remains and AMS: dating climate change in the Aeolian Islands (Northeastern Sicily) during the 2nd millennium BC », Radiocarbon, 54 (3-4), p. 689-700.

CASTILLO Luis J. 2000, « La presencia wari en San José de Moro », in Peter Kaulicke et William H. Isbell (éd.), Huari y Tiwanaku: modelos vs. evidencias, Boletín de arqueología PUCP IV, Pontificia Universidad Católica del Perú, Lima, p. 143-179.

2003, « Los últimos mochicas en Jequetepeque », in Santiago Uceda et Elías Mujica (éd.), Moche: hacia el final del milenio. Actas del segundo coloquio sobre la cultura moche (1-7 agosto 1999), Pontificia Universidad Católica del Perú/Universidad Nacional de Trujillo, Lima, vol. 2, p. 65-123.

2010, « Moche politics in the Jequetepeque valley. A case for political opportunism », in Jeffrey Quilter et Luis J. Castillo (éd.), New perspectives on the Moche political organization, Dumbarton Oaks Research Library and Collection, Washington, p. 83-109.

2011, San José de Moro y la arqueología del valle de Jequetepeque, Fondo Editorial de la Pontificia Universidad Católica del Perú, Lima.

CASTILLO Luis J. et Christopher B. DONNAN 1994, « Los mochicas del norte y los mochicas del sur: una perspectiva desde el Valle de Jequetepeque », in Krzysztof Makowski, Christopher B. Donnan et Ivan Amaro Bullon (éd.), Vicus, Banco del Crédito del Perú, Lima, p. 142-181.

CASTILLO Luis J. et Santiago UCEDA 2008, « The Mochicas », in Helaine Silverman et William Isbell (éd.), Handbook of South American archaeology, Springer, New York, p. 707-729.

CHAPARRO Adolfo 2011, « Teo-iconology of sacrificial power among the Moche », AISTHESIS, 50, p. 72-91.

CHAPDELAINE Claude 2001, « The growing power of a Moche urban class », in Joanne Pillsbury (éd.), Moche art and archaeology in Ancient Peru, National Gallery of Art, Washington, p. 69-87.

2008, « Moche art style in Santa Valley: between being “à la mode” and developing a provincial identity », in Steve Bourget et Kimberly L. Jones (éd.), The art and archaeology of the Moche: an Ancient Andean society of the Peruvian north coast, University of Texas Press, Austin, p. 129-152.

2010, « Moche political organization in the Santa Valley: a case of direct rule through gradual control of the local population », in Jeffrey Quilter et Luis J. Castillo (éd.), New perspectives on the Moche political organization, Dumbarton Oaks Research Library and Collection, Washington, p. 252-279.

2011, « Recent advances in Moche archaeology », Journal of archaeological research, 19 (2), p. 191-231.

DEL SOLAR Nino 2011, La caractérisation archéométrique des céramiques précolombiennes du Pérou : une synthèse historique et méthodologique, mémoire de Master 1, université Michel-de-Montaigne Bordeaux 3.

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 258

DILLEHAY Tom D. et Alan L. KOLATA 2004, « Long-term human response to uncertain environmental conditions in the Andes », Proceedings of the National academy of sciences of the United States of America, 101 (12), p. 4325-4330.

DOLLWETZEL Philipp 2012, Middle Horizon ceramic pigments. A meta-analysis of previous research on Peruvian ceramics in Bordeaux and Chemnitz, rapport de stage, Technische Universität, Chemnitz.

DONNAN Christopher B. 1973, Moche occupation of the Santa Valley, Peru, University of California Press, Berkeley.

2007, Moche tombs at Dos Cabezas, Cotsen Institute of Archaeology, University of California, Los Angeles.

2011, « Moche substyles: keys to understanding Moche political organization », Boletín del Museo chileno de arte precolombino, 16 (1), p. 105-118.

DONNAN Christopher B. et Donna MCCLELLAND 1997, « Moche burials at Pacatnamú », in Christopher B. Donnan et Guillermo Cock (éd.), The Pacatnamu papers. Volume 2, Fowler Museum of Cultural History, University of California, Los Angeles, p. 17-187.

DUTTA Koushik 2008, « Marine 14C reservoir age and Suess effect in the Indian Ocean », e-Journal earth science India, 1 (3), p. 175-188.

DRUC Isabelle 2009, « Tradiciones alfareras, identidad social y el concepto de etnias tardías en Conchucos, Ancash, Perú », Bulletin de l’Institut français d’études andines, 38 (1), p. 87-106.

FINUCANE Brian C., J. Ernesto VALDEZ, Ismael PEREZ, Cirilo VIVANCO, Lidio M. VALDEZ et Tamsin O’CONNELL 2007, « The end of empire: new radiocarbon dates from the Ayacucho Valley, Peru, and their implications for the collapse of the Wari state », Radiocarbon, 49 (2), p. 579-592.

FRANCO Régulo, César GALVEZ et Segundo VASQUEZ 2003, « Modelos, función y cronología de la Huaca Cao Viejo, complejo El Brujo », in Santiago Uceda et Elías Mujica (éd.), Moche: hacia el final del milenio. Actas del segundo coloquio sobre la cultura moche (1-7 agosto 1999), Pontificia Universidad Católica del Perú/Universidad Nacional de Trujillo, Lima, vol. 2, p. 125-177.

GROBMAN Alexander, Duccio BONAVIA, Tom D. DILLEHAY, Dolores R. PIPERNO, José IRIARTE et Irene HOLST 2012, « Preceramic maize from Paredones and Huaca Prieta, Peru », Proceedings of the National academy of sciences of the United States of America, 109 (5), p. 1755-1759, publié en ligne 17 janvier 2012 (doi : 10.1073/pnas.1120270109).

HAMMER Øyvind, David A. T. HARPER et Paul D. RYAN 2001, « PAST: Paleontological statistics software package for education and data analysis », Palaeontologia electronica, 4 (1), p. 9.

HAUG Gerald H., Konrad A. HUGHEN, Daniel M. SIGMAN, Larry C. PETERSON et Ursula RÖHL 2001, « Southward migration of the intertropical convergence zone through the Holocene », Science, 293 (5533), p. 1304-1308.

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 259

HOGG Alan G., Christopher BRONK RAMSEY, Chris TURNEY et Jonathan PALMER 2009a, « Bayesian evaluation of the Southern hemisphere radiocarbon offset during the Holocene », Radiocarbon, 51 (4), p. 1165-1176.

HOGG Alan G., Jonathan PALMER, Gretel BOSWIJK, Paula J. REIMER et David BROWN 2009b, « Investigating the interhemispheric 14C offset in the 1st millenium AD and assessment of laboratory bias and calibration errors », Radiocarbon, 51 (4), p. 1177-1186.

HOGG Alan G., Quan HUA, Paul G. BLACKWELL, Mu NIU, Caitlin E. BUCK, Thomas P. GUILDERSON, Timothy J. HEATON, Jonathan G. PALMER, Paula J. REIMER, Ron W. REIMER, Christian S. M. TURNEY et Susan R. H. ZIMMERMAN 2013, « Southern hemisphere calibration, 0-50,000 years cal BP », Radiocarbon, 55 (4), p. 1889-1903.

JOHNSON Frederick, Frank H. H. ROBERTS Jr., Robert F. HEIZER, James B. GRIFFIN, William S. WEBB, William A. RITCHIE, Helmut de TERRA, Junius BIRD, Hallam L. MOVIUS Jr., Robert J. BRAIDWOOD, Thorkild JACOBSEN, Richard A. PARKER, Saul WEINBERG, Richard FOSTER FLINT, Edward S. DEEVEY Jr., Froelich RAINEY et Donald COLLIER 1951, « Radiocarbon dating: a report on the program to aid in the development of the method of dating », Memoirs of the Society for American archaeology, 8, p. 1-65.

KENNETT Douglas J., B. LYNN INGRAM, John R. SOUTHON et Karen WISE 2002, « Differences in 14C age between stratigraphically associated charcoal and marine shell from archaic period site of kilometer 4, southern Peru: old wood or old water? », Radiocarbon, 44 (1), p. 53-58.

KOONS Michele et Bridget ALEX 2014, « Revised Moche chronology based on Bayesian models of reliable radiocarbon dates », Radiocarbon, 56 (3), p. 1039-1055.

LARCO Rafael 1944, « La escritura peruana sobre pallares », Relaciones de la sociedad argentina de antropología, 4, p. 57-76.

2001, Los mochicas, Museo arqueológico Rafael Larco Herrera, Lima, 2 vol.

LECHTMAN Heather, Antonieta ERLIJ et Edward BARRY 1982, « New perspectives on Moche metallurgy: techniques of gilding copper at Loma Negra, northern Peru », American antiquity, 47 (1), p. 3-30.

LEÓN Elmo 2007, « Cronología de los fardos funerarios de Wari Kayan, Paracas Necrópolis », in Carmen Thays, Mary Frame, Elmo León, Johny Isla, Markus Reindel et Ann Peters (éd.), Hilos del pasado. El aporte francés al legado Paracas, Instituto nacional de Cultura, Lima, p. 33-47.

2011, « Los quipus y la calibración radiocarbónica », in Hugo Pereyra, Catherine Julien, Carmen Arellano and Gary Urton (éd.), Atando cabos, Ministerio de Cultura, Museo nacional de arqueología, antropología e historia del Perú, Lima, p. 227-237.

LOCKARD Gregory 2008, « A new view of Galindo: results of the Galindo archaeological project », in Luis J. Castillo, Hélène Bernier, Gregory Lockard et Julio Rucabado (éd.), Arqueología mochica: nuevos enfoques. Actas del Primer congreso internacional de jóvenes investigadores de la cultura mochica (4-5 agosto 2004), Pontificia Universidad Católica del Perú/Instituto Francés de Estudios Andinos, UMIFRE 17-CNRS, Lima, p. 275-293.

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 260

2009, « The Occupational history of Galindo, Moche Valley, Peru », Latin American antiquity, 20 (2), p. 279-302.

MANGERUD Jan 1972, « Radiocarbon dating of marine shells, including a discussion of apparent age of recent shells from Norway », Boreas, 1, p. 143-172.

MANGERUD Jan et Steinar GULLIKSEN 1974, « Apparent radiocarbon ages of recent marine shells from Norway, Spitsbergen, and Artic Canada », Quaternary research, 1 (2), p. 263-273.

MANGERUD Jan, Stein BONDEVIK, Steinar GULLIKSEN, Anne Karin HULFTHAMMER et Tore HØISÆTER 2006, « Marine 14C reservoir ages for 19th century whales and molluscs from the north Atlantic », Quaternary science reviews, 25, p. 3228-3245.

MARSH Erik J. 2012, « A Bayesian re-assessment of the earliest radiocarbon dates from Tiwanaku, Bolivia », Radiocarbon, 54 (2), p. 203-218.

MCCORMAC F. Gerry, Paula J. REIMER, Alan G. HOGG, Thomas F. G. HIGHAM, Mike G. L. BAILLIE, Jonathan PALMER et Minze STUIVER 2002, « Calibration of the radiocarbon time scale for the southern hemisphere: AD 1850-950 », Radiocarbon, 44 (3), p. 641-651.

MCCORMAC F. Gerry, Alan G. HOGG, Paul G. BLACKWELL, Caitlin E. BUCK, Thomas F. G. HIGHAM et Paula J. REIMER 2004, « SHCAL04 southern hemisphere calibration, 0-11.0 CAL KYR BP », Radiocarbon, 46 (3), p. 1087-1092.

MOSCOVICH Viviana R. 2008, « El khipu como registro textil en el imperio inca: ¿herramienta de trabajo reutilizable o informe final? », Iberoamérica global, 1 (2), p. 59-93.

MOSELEY Michael E., Christopher B. DONNAN et David D. KEEFER 2008, « Convergent catastrophe and the demise of Dos Cabezas », in Steve Bourget et Kimberly L. Jones (éd.), The art and archaeology of the Moche: an Ancient Andean society of the Peruvian north coast, University of Texas Press, Austin, p. 81-91.

MOUTARDE Fanny 2008, « Los carbones hablan: un estudio del material antracológico de la Plataforma Uhle, Huaca de la Luna. Un acercamiento a la economía vegetal de la costa norte del Perú en la época mochica », in Luis J. Castillo, Hélène Bernier, Gregory Lockard et Julio Rucabado (éd.), Arqueología mochica: nuevos enfoques. Actas del Primer congreso internacional de jóvenes investigadores de la cultura mochica (4-5 agosto 2004), Pontificia Universidad Católica del Perú/Instituto Francés de Estudios Andinos, UMIFRE 17-CNRS, Lima, p. 295-305.

NICKEL Daniela, Luis Jaime CASTILLO, Rémy CHAPOULIE, Nino DEL SOLAR et Philipp DOLLWETZEL 2013, « Material analysis of colored pre-Columbian ceramic shards: identification of black pigments on ceramics of the Huari Viñaque, Mochica Polícromo and Cajamarca Costeño styles », in Andreas Hauptmann, Oliver Mecking et Michael Prange (éd.), Archäometrie und Denkmalpflege 2013. Jahrestagung an der Bauhaus-Universität Weimar (25-28 September 2013), Dt. Bergbau-Museum Bochum, (Metalla. Sonderheft, 6), Bochum, p. 148-153.

OGBURN Denise E. 2012, « Reconceiving the chronology of Inca imperial expansion », Radiocarbon, 54 (2), p. 219-237.

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 261

ORTLIEB Luc, Gabriel VARGAS et Jean-François SALIÈGE 2011, « Marine radiocarbon reservoir effect along the northern Chile-southern Peru coast (12-24oS) throughout the Holocene », Quaternary research, 75 (1), p. 91-103.

OLSEN Jesper, Jan HEINEMEIER, Harald LÜBKE, Friedrich LÜTH et Thomas TERBERGER 2010, « Dietary habits and freshwater reservoir effects in bones from a Neolithic NE German cemetery », Radiocarbon, 52 (2), p. 635-644.

PETERSEN George 1980, « Aspectos generales de la costa peruana », in Mario Samamé Boggio (éd.), El Perú minero. Volume III. Geología, Instituto Geológico Minero y Metalúrgico, Lima, p. 35-42.

QUILTER Jeffrey 2002, « Moche politics, religion and warfare », Journal of world prehistory, 16 (2), p. 145-195.

RAMÓN Gabriel 2008, « Producción alfarera en Piura (Perú): estilos técnicos y diacronía », Bulletin de l’Institut français d’études andines, 37 (3), p. 477-509.

2013, « Las fuentes del estilo: distribución regional de canteras y técnicas alfareras en Conchucos (Ancash, Perú) », Bulletin de l’Institut français d’études andines, 42 (1), p. 49-90.

REIMER Paula J., Edouard BARD, Alex BAYLISS, J. Warren BECK, Paul G. BLACKWELL, Christopher BRONK RAMSEY, Caitlin E. BUCK, Hai CHENG, R. Lawrence EDWARDS, Michael FRIEDRICH, Pieter M. GROOTES, Thomas P. GUILDERSON, Haflidi HAFLIDASON, Irka HAJDAS, Christine HATTÉ, Timothy J. HEATON, Dirk L. HOFFMANN, Alan G. HOGG, Konrad A. HUGHEN, K. Felix KAISER, Bernd KROMER, Sturt W. MANNING, Mu NIU, Ron W. REIMER, David A. RICHARDS, E. Marian SCOTT, John R. SOUTHON, Richard A. STAFF, Christian S. M. TURNEY et Johannes VAN DER PLICHT 2013, « IntCal13 and Marine13 radiocarbon age calibration curves 0-50,000 years Cal BP », Radiocarbon, 55 (4), p. 1969-1887.

RICK Torben, René L. VELLANOWETH et Jon M. ERLANDSON 2005, « Radiocarbon dating and the “old shell” problem: direct dating of artifacts and cultural chronologies in coastal and other aquatic regions », Journal of archaeological science, 32 (11), p. 1641-1648.

ROQUE Céline, Emmanuel VARTANIAN, Pierre GUIBERT, Max SCHVOERER, Daniel LÉVINE, Walter ALVA et Hogne JUNGNER 2002, « Recherche chronologique sur la culture mochica du Pérou: datation de la tombe du Prêtre de Sipán par thermoluminescence (TL) et par radiocarbone », Journal de la société des américanistes, 88, p. 227-243.

ROSAS Marco 2007, « Nuevas perspectivas acerca del colapso moche en el bajo Jequetepeque. Resultados preliminares de la segunda campaña de investigación del proyecto arqueológico Cerro Chepén », Bulletin de l’Institut français d’études andines, 36 (2), p. 221-240.

ROWE John H. 1961, « Stratigraphy and seriation », American antiquity, 26 (3), p. 324-330.

RUSSELL Glenn S., Banks I. LEONARD et Jesus BRICEÑO 1998, « The Cerro Mayal workshop: addressing issues of craft specialization in Moche society », in Izumi Shimada (éd.), Andean ceramics: technology, organization, and approaches, Museum Applied Science Center for Archaeology, University of Pennsylvania Museum of Archaeology and

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 262

Anthropology (MASCA research papers in science and archaeology, suppl. to vol. 15), Philadelphia, p. 63-89.

RUSSELL Glenn S. et Margareth JACKSON 2001, « Political economy and patronage at Cerro Mayal, Peru », in Joanne Pillsbury (éd.), Moche art and archaeology in Ancient Peru, National Gallery of Art, Washington, p. 159-175.

SACHS Julian P., Dirk SACHSE, Rienk H. SMITTENBERG, Zhaohui ZHANG, David S. BATTISTI et Stjepko GOLUBIC 2009, « Southward movement of the Pacific intertropical convergence zone AD 1400-1850 », Nature geoscience, 2 (7), p. 519-525.

SCHARF Andreas, Achim BRÄUNING, Wolfgang KRETSCHMER, Bertram WEGNER et Frederique DARRAGON 2013, « 14C AMS dating of wooden cores from historic buildings for archaeological and dendrochronological research in High Asia », Radiocarbon, 55 (2-3), p. 1358-1365;

SHIMADA Izumi 1994, Pampa Grande and the Mochica culture, University of Texas Press, Austin.

SHIMADA Izumi, Crystal BARKER S., Lonnie G. THOMPSON et Ellen MOSLEY-THOMPSON 1991, « Cultural impacts of severe droughts in the prehistoric Andes: application of a 1,500 year ice core », World archaeology, 22 (3), p. 247-270.

SHIMADA Izumi et Adriana MAGUIÑA 1994, « Nueva visión sobre la cultura gallinazo y su relación con la cultura moche », in Santiago Uceda et Elías Mujica (éd.), Moche: propuestas y perspectivas. Actas del Primer coloquio sobre la cultura moche (12-16 abril 1999), Universidad Nacional de la Libertad/Instituto Francés de Estudios Andinos (Travaux de l’IFEA, 79)/Asociación Peruana para el Fomento de las Ciencias Sociales, Trujillo, p. 31-58.

SKOLMEN Roger G. 1990, « Prosopis pallida (Humb. & Bonpl., ex Willd.) H.B.K. Kiawe », in Russell M. Burns et Barbara H. Honkala (éd.), Silvics of North America. Vol. 2. Handbook, Forest Service, United States Department of Agriculture (Agriculture Handbook, 654), Washington, p. 583-586.

STUIVER Minze, Gordon W. PEARSON et Tom BRAZIUNAS 1986, « Radiocarbon age calibration of marine samples back to 9000 cal YR BP », Radiocarbon, 28 (2B), p. 980-1021.

UCEDA Santiago, Claude CHAPDELAINE, Claude CHAUCHAT et John W. VERANO

2001, « Fechas radiocarbónicas para el complejo arqueológico Huacas del Sol y la Luna: una primera cronología del sitio », in Santiago Uceda (éd.), Informe del proyecto Huaca de la Luna 2001, Trujillo, p. 215-226.

ULM Sean 2006, « Short reports: Australian marine reservoir effects. A guide to ∆R Values », Australian archaeology, 63, p. 57-60.

UNKEL Ingmar et Bernd KROMER 2009, « The clock in the corn cob: on the development of a chronology of the Paracas and Nasca Period based on radiocarbon dating », in Markus Reindel et Günther A. Wagner (éd.), New technologies for archaeology. Multidisciplinary investigations in Palpa and Nazca, Peru, Springer (Natural science in archaeology), Berlin, p. 231-244.

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 263

URTON Gary 2003, Signs of the Inka khipu: binary coding in the Andean knotted-string records, University of Texas Press, Austin.

VERANO John W. 2008, « Communality and diversity in Moche human sacrifice », in Steve Bourget et Kimberly L. Jones (éd.), The art and archaeology of the Moche: an Ancient Andean society of the Peruvian North coast, University of Texas Press, Austin, p. 195-213.

WEBERBAUER Augusto 1980, « Geografia física del Perú, orografía e hidrografía », in Mario Samamé Boggio (éd.), El Perú minero. Volume III. Geología, Instituto Geológico Minero y Metalúrgico, Lima, p. 12-34.

NOTES

1. La côte du Pérou (≈ 0-0,8 km d’altitude) est caractérisée par un climat propre aux régions semi-arides sous-tropicales (≈ 18oC en moyenne). Géomorphologiquement, elle est composée par des plaines désertiques et des collines peu élevées produites par l’érosion subaérienne et fluviale (Petersen 1980, p. 36 [traduit de l’espagnol]). 2. Données 14C dans Dillehay et Kolata (2004, p. 4327) : échantillon : Beta-143883, site : JE-125, âge 14C : 1520 ± 60 ans ; échantillon : Beta-143885, site : JE-339, âge 14C : 1370 ± 70 ans. 3. Données 14C dans Rosas (2007, p. 235) : échantillon : AA61865, date calibrée : 790 ± 100 ans apr. J.-C. ; échantillon : AA61870, date calibrée : 780 ± 100 ans apr. J.-C. ; échantillon : AA61866, date calibrée : 780 ± 115 ans apr. J.-C.

RÉSUMÉS

L’un des enjeux majeurs des sciences archéologiques est l’établissement des séquences chronologiques d’occupation au sein des aires d’activité humaine. L’objectif est la reconstruction des processus culturels diachroniques liés à l’apparition, l’évolution et la fin de cultures matérielles caractéristiques des groupes humains qui ont occupé des espaces environnementaux spécifiques. Concernant la culture mochica (IIe-Xe siècles, côte nord du Pérou), cet objectif est encore au centre de la recherche archéologique et archéométrique contemporaine. Dans cet article, nous proposons une révision et une synthèse des informations concernant la chronologie relative de cette culture. En même temps, nous présentons un inventaire mis à jour de dates 14C mochica obtenues depuis la décennie des années 1970. Il s’agit donc ici de réévaluer les jalons temporels et stylistiques connus et acceptés jusqu’à présent.

One of the issues in archaeological sciences is the establishment of chronological sequences in areas of human occupation. The main objective in this context is the reconstruction of the cultural diachronic processes connected to the emergence, the evolution, and the vanishing of the material cultures connected to human societies in specific environments. Concerning the

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 264

Mochica (2th-10th century, north coast of Peru), recent archaeological research is pursued in order to explain such processes. In this article, we propose a revision and a synthesis of the given information on the relative chronology of this culture. Moreover, we present an inventory of Mochica 14C dates obtained during the last forty years. Thus the goal here is to reassess the temporal and stylistical data accepted by the archaeological community.

En las ciencias arqueológicas, una de las problemáticas capitales es el establecimiento de secuencias cronológicas de ocupación en áreas de actividad humana. Dicha problemática enmarca como objetivo principal la reconstrucción de los procesos culturales diacrónicos vinculados a la aparición, la evolución y la desaparición de la cultura material característica de un grupo humano establecido en un medio ambiente específico. Para la cultura mochica (siglos II- X d.C., costa norte de Perú), este objetivo es aún central en la investigación arqueológica y arqueométrica contemporánea. En este artículo, proponemos una revisión y una síntesis de las informaciones concernientes a la cronología relativa de la sociedad mochica. Al mismo tiempo, presentamos un inventario actualizado de fechas 14C mochicas obtenidas desde la década de los 1970. El objetivo es reevaluar la información temporal y estilística conocida y aceptada por la comunidad arqueológica.

INDEX

Mots-clés : archéologie, Mochica, Pérou, précolombien, datation 14C, céramique Palabras claves : arqueología, mochica, Perú, precolombino, datación 14C, cerámica Keywords : Archaeology, Mochica, Peru, pre-Columbian, 14C dating, ceramic

AUTEURS

NINO DEL SOLAR

Institut de recherche sur les archéomatériaux, UMR 5060 CNRS, Centre de recherche en physique appliquée à l’archéologie (CRP2A), université Bordeaux Montaigne, Maison de l’archéologie, Pessac [[email protected]]

RÉMY CHAPOULIE

Institut de recherche sur les archéomatériaux, UMR 5060 CNRS, Centre de recherche en physique appliquée à l’archéologie (CRP2A), université Bordeaux Montaigne, Maison de l’archéologie, Pessac [[email protected]]

LUIS JAIME CASTILLO

Pontificia Universidad Católica del Perú, Lima, Perú [[email protected]]

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 265

Nécrologie

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 266

Michel Graulich (1944-2015)

Guilhem Olivier

Michel Graulich au Grand Canyon en 2011.

1 C’est avec une immense tristesse que nous avons appris la mort de Michel Graulich, le 11 février 2015 à Bruxelles.

2 Né en 1944 à Orroir (Belgique), Graulich suit des études d’histoire de l’antiquité à l’université de Gand, puis d’histoire de l’art et d’archéologie à l’université libre de Bruxelles, où il obtient un doctorat en 1980, intitulé « Mythes et rituels du Mexique ancien préhispanique », préparé sous la direction d’Annie Dorsinfang-Smets. Lui-même

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 267

professeur à l’université libre de Bruxelles, il fut également directeur d’études à l’École pratique des hautes études, section des sciences religieuses.

3 L’originalité et la solidité de son œuvre se manifestent pleinement dès la publication de sa thèse de doctorat : Mythes et rituels du Mexique ancien préhispanique (1987). Pour la première fois, un chercheur propose une interprétation globale à la fois des mythes et des rituels de l’ancien Mexique central. Inspiré par les travaux de Georges Dumézil et de Claude Lévi-Strauss, Graulich entreprend de reconstruire à partir de sources fragmentaires la mythologie mésoaméricaine, n’hésitant pas à utiliser des mythes mayas – comme ceux inclus dans le Popol Vuh – et des mythes indigènes actuels à des fins comparatives. Parmi les principaux apports de cette reconstruction, signalons l’importance du mythe de Tamoanchan, un lieu paradisiaque d’où les dieux sont chassés suite à une transgression. L’approche comparative suivie par Graulich lui permet de réfuter au passage l’idée d’une prétendue influence chrétienne sur les mythes de paradis perdus, puisque, en réalité, ces derniers sont largement répandus dans le monde. Quoi qu’il en soit, il démontre que le mythe d’origine du quatrième soleil à Teotihuacan – où les dieux sont sacrifiés, deux d’entre eux se transformant en Soleil et Lune – explique comment les divinités parviennent à vaincre l’obscurité et la mort, regagnent l’empyrée d’où ils avaient été exilés et créent les au-delàs – le Soleil et le Tlalocan – où iront les méritants. De là, l’importance de l’acte sacrificiel qui constitue à la fois un acte de purification et un moyen d’alléger le corps pour vaincre la mort, acte sacrificiel des dieux que les hommes se doivent de reproduire sur la terre. Quant au mythe de la guerre sacrée, dont les victimes alimenteront le Soleil et la Terre, il rend compte du caractère double du sacrifice humain, dédié à la fois à l’astre du jour et à la Terre.

4 Graulich analyse ensuite le rôle fondamental assigné aux cycles cosmiques (les fameux « Soleils » ou « ères ») dans la pensée mésoaméricaine. Les récits les concernant manifestent l’importance des concepts d’équilibre, de rupture et d’inversion, chacune des ères étant placée sous la tutelle d’une divinité – Quetzalcoatl et Tezcatlipoca – qui alternent comme « Soleil ». Cette approche originale lui permet d’expliquer certaines « contradictions » des sources quant à l’ordre des Soleils. En effet, les Mexicas introduisirent un cinquième Soleil, celui de leur divinité tutélaire Huitzilopochtli, et ils permutèrent le Soleil d’Eau et le Soleil de Terre. C’est également à partir de ce modèle des différents Soleils que Graulich peut analyser de manière brillante les récits de l’« histoire » toltèque. Dans le cadre du quatrième Soleil, Quetzalcoatl apparaît successivement comme Soleil conquérant, qui vainc et sacrifie les meurtriers de son père Mixcoatl, puis comme astre lunaire au déclin à Tollan – cité paradisiaque assimilée au Tlalocan –, et enfin comme Vénus après sa crémation sur un bûcher qui annonce sa renaissance. Dans Quetzalcóatl y el espejismo de Tollan (1988), Graulich reprend et approfondit l’étude de ce personnage central de la mythologie mésoaméricaine, en citant systématiquement les sources sur lesquelles se fondent ses interprétations.

5 Mais revenons à la deuxième partie de Mythes et rituels…, où sont analysées les fêtes des vingtaines à l’aune d’une nouvelle interprétation du calendrier rituel. D’après Graulich, en l’absence de bissexte, les Mexicas – comme d’ailleurs les Mayas – auraient de fait volontairement laissé leur calendrier « solaire » se décaler afin de ne pas affecter sa concordance avec le calendrier de 260 jours et avec les cycles vénusiens. À partir des noms des vingtaines, dont certains renvoient à des époques précises de l’année (début ou fin de la saison des pluies par exemple), il aboutit à une remise en place des

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 268

vingtaines telles qu’elles auraient été situées au moment de leur « position originelle », vers 680-683. Cette reconstruction débouche sur une nouvelle analyse des fêtes des vingtaines, lesquelles, quoique décalées par rapport à l’année solaire, auraient effectivement eu une signification saisonnière. Les résultats détaillés de cette lecture originale sont consignés dans Ritos aztecas. Las fiestas de las veintenas (1999).

6 Graulich s’est intéressé ensuite à une figure particulièrement importante de l’histoire aztèque : Montezuma Xocoyotzin ou Motecuhzoma II, auquel il a consacré l’ouvrage intitulé Montezuma ou l’apogée et la chute de l’empire aztèque (1994). À l’instar de Jacques Le Goff qui, dans son grand livre sur Saint Louis (Gallimard, Paris, 1996), se consacre à la difficile recherche de la personnalité de Louis IX – au-delà du stéréotype du roi et du modèle du saint –, Graulich se demande dans quelle mesure un portrait fidèle d’un personnage préhispanique est réalisable à partir de sources souvent partisanes, voire contradictoires. De la même façon que Le Goff présente, dans sa biographie, la société, la religion, l’art et l’imaginaire de la France du XIIIe siècle, Graulich dresse, dans son propre livre, un tableau détaillé du Mexique du début du XVIe siècle, dépeignant la structure de l’Empire aztèque, la vie quotidienne de ses habitants et les mythes qui constituent les bases de leur « vision du monde ». En fait, la mobilisation des mythes pour analyser les actes de Motecuhzoma II constitue un des aspects les plus stimulants de l’ouvrage.

7 Pour l’étude de la vie du dernier souverain mexica, nous disposons principalement des récits des Espagnols, certains témoins directs des événements de la Conquête, et des écrits des Indiens et des religieux qui réalisèrent leurs œuvres à l’époque coloniale. Confrontant ces sources entre elles, Graulich conclut que les premières, en général, sont plus fiables que les écrits qui forment ce que l’on a appelé « la vision des vaincus ». Cela étant, la « confiance » de Graulich vis-à-vis des sources espagnoles est relative ; il démontre, par exemple, que l’Historia verdadera de la conquista… de Bernal Díaz del Castillo doit être employée avec circonspection. Quant aux sources indigènes, elles furent élaborées après la Conquête, souvent pour minimiser la résistance aux envahisseurs voire pour exalter la collaboration de certains groupes avec les Espagnols. Cela étant, les sources indigènes s’avèrent fondamentales pour appréhender les schémas mythiques préhispaniques qui présidèrent aux descriptions autochtones de la Conquête tout en expliquant certaines actions de Motecuhzoma II.

8 Il vaut la peine de s’attarder ici sur quelques points particulièrement importants de la première partie du livre, dédiée à la période qui précède l’arrivée des Espagnols. Graulich démontre que les campagnes militaires incessantes durant le règne de Motecuhzoma II visaient à consolider l’empire en y intégrant des enclaves indépendantes, et surtout à saper la puissance de la vallée de Puebla, où résidaient les principaux adversaires de la Triple Alliance. De la sorte, il explique que la célèbre « guerre fleurie » avait pour but, outre la capture de futurs sacrifiés, de contrôler et d’isoler les ennemis traditionnels de la Triple Alliance. Sur le plan religieux, Motecuhzoma II promut des changements significatifs, comme le passage de la fête du Feu nouveau de l’année 1 Lapin à une année 2 Roseau. En effet, 2 Roseau était le nom calendaire de Tezcatlipoca qui, identifié avec Huitzilopochtli, patronnait le cinquième Soleil des Mexicas. Cette « véritable révolution religieuse » devait entraîner le passage de la fête du Feu nouveau de la vingtaine d’ochpaniztli à celle de panquetzaliztli dont la signification allait changer. Alors que cette dernière vingtaine commémorait le sacrifice de Nanahuatl-Quetzalcoatl qui se transforma en Soleil, avec la réforme de

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 269

Motecuhzoma II la fête de panquetzaliztli en vint à reproduire la victoire de Huitzilopochtli, Soleil des Mexicas, sur les forces nocturnes. Cette substitution de Quetzalcoatl par Huitzilopochtli aura pourtant de graves conséquences lorsque les Espagnols furent assimilés au « Serpent à plumes » qui revenait pour « récupérer son royaume ».

9 L’un des éléments les plus novateurs de l’ouvrage de Graulich consiste à démystifier la prétendue lâcheté de Motecuhzoma II face aux Espagnols. Plusieurs témoignages laissent penser que le roi mexica jugeait son empire riche mais décadent, sur le point de disparaître, à l’image de l’Empire toltèque qui l’avait précédé. Toutefois, après avoir pris la mesure des envahisseurs, Motecuhzoma II adopta une attitude volontaire pour contrecarrer la progression des troupes espagnoles vers sa capitale. Graulich révèle que le souverain mexica s’inspira, à l’occasion, de précédents mythiques. Cela explique un épisode énigmatique qui eut lieu alors que les Espagnols se trouvaient encore sur la côte du Golfe du Mexique. Motecuhzoma II envoya à leur rencontre un dignitaire qui ressemblait tant au capitaine des conquistadors que les Espagnols eux-mêmes, amusés, l’appelèrent Cortez ! Graulich détecte avec finesse que le tlatoani cherchait à reproduire de cette façon la manœuvre de Tezcatlipoca à Tollan qui avait présenté un miroir face à Quetzalcoatl afin de l’affaiblir et de le tromper.

10 Parallèlement, Motecuhzoma II employa des moyens que nous jugerions aujourd’hui plus « concrets » pour lutter contre les envahisseurs. Prenons l’exemple du massacre de Cholula, fréquemment cité pour condamner la violence gratuite de Cortez et de ses troupes. D’après Graulich, plusieurs éléments confirment la thèse d’une embuscade : accusé par Cortez, Motecuhzoma II avoua que certaines de ses troupes se trouvaient dans les environs de la ville. Argument capital, la garnison espagnole de Veracruz fut attaquée précisément au même moment qu’avait lieu l’embuscade à Cholula. C’est pourquoi l’image du tlatoani orgueilleux et tyrannique, responsable de la défaite, doit être placée parmi les mythes forgés par les sources indigènes, selon des précédents mythiques où des personnages transgresseurs entraînent la chute de leurs empires. S’inscrivant en faux contre l’image d’Indiens sans défense, paralysés par de superstitieuses angoisses et qui ne réagirent pour se défendre qu’acculés par les sanguinaires envahisseurs, Graulich démontre brillamment que les Mexicas – peuple guerrier et conquérant, faut-il le rappeler ? – résistèrent et, surtout, que Motecuhzoma II ne fut pas ce souverain superstitieux et lâche qui aurait trahi son peuple sans combattre.

11 L’intérêt de Graulich pour le thème du sacrifice humain remonte à ses premières années de recherches sur le Mexique ancien puisqu’il y consacra son mémoire de licence. Suite à une série de cours à l’EPHE, il publia, en 2005, Le sacrifice humain chez les Aztèques, véritable somme sur ce sujet, à la fois polémique et passionnant. Inutile d’insister sur l’érudition et le caractère systématique de la recherche qu’il effectua alors dans toutes les sources disponibles (archéologiques, pictographiques et écrites), non seulement sur les Mexicas mais aussi sur d’autres peuples de l’ancien Mexique. Quant à son approche comparatiste – déjà employée dans ses précédents ouvrages –, elle prend ici une dimension plus ample encore. En témoigne le premier chapitre dédié aux mythes, où il n’hésite pas à comparer certains motifs mythiques mésoaméricains (comme l’arbre interdit du paradis) avec des récits de la Bible, de l’Inde ancienne ou encore de peuples actuels d’Afrique ou d’Australie. Graulich applique d’ailleurs parfois cette approche comparatiste aux rituels : ainsi, lorsqu’il évoque les Khonds de l’Inde qui

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 270

faisaient pleurer les victimes sacrificielles afin de susciter des pluies abondantes, tout comme les Mexicas qui associaient les sanglots des enfants destinés au sacrifice et les futures précipitations. De même, à propos du mythe de Yappan – un personnage qui, à travers des pratiques ascétiques, menace de se transformer en scorpion à la piqûre mortelle – Graulich a recours à des données de l’Inde où les dieux sont parfois menacés par des ascètes dont les pénitences augmentent la puissance. Sans succomber à la tentation diffusionniste ou à des simplifications abusives, sa « méthode comparatiste » prudente et rigoureuse ouvre incontestablement de nouvelles perspectives interprétatives, au-delà d’une singularité mésoaméricaine qui parfois s’apparente à un isolationnisme obtus.

12 Au début de l’ouvrage, Graulich présente une brève historiographie du sacrifice humain en Mésoamérique. Pour simplifier, nous dirons que depuis le XIXe siècle, deux grands types d’interprétation ont été avancés : la première, « énergétique », où on considère le sacrifice comme un moyen d’alimenter et de vivifier les divinités et ce qu’elles représentent ; la seconde, plus « spirituelle », et selon laquelle l’acte sacrificiel rachète les fautes et facilite l’accès à des au-delàs glorieux. Tout au long de l’ouvrage Graulich combine ces deux théories, les fonctions et les significations du sacrifice humain se révélant extrêmement diverses selon les participants et les contextes rituels. C’est ainsi qu’il développe l’hypothèse selon laquelle le sacrifice représentait un châtiment et une expiation. En effet, la présence des dieux exilés sur la terre au moment de la création du Soleil et de la Lune à Teotihuacan ne s’explique que par la transgression dont ils furent les acteurs au « paradis » de Tamoanchan. Suite à leur sacrifice, les dieux regagnèrent le ciel où furent créés les au-delàs du Soleil et de la Lune, destinées post- mortem des deux grandes catégories de sacrifiés : les guerriers, accompagnateurs de l’astre solaire, et les esclaves rituellement baignés, destinés à atteindre le Tlalocan, situé dans la lune. Transgresseurs également – ils n’offrent pas leur gibier à Soleil et Terre, s’enivrent et couchent avec des femmes –, les Mimixcoa apparaissent dans le mythe d’origine de la guerre sacrée comme les prototypes des guerriers sacrifiés.

13 La deuxième partie de l’ouvrage est consacrée aux différents acteurs et au déroulement du sacrifice. Graulich insiste sur le rôle fondamental des sacrifiants – reprenant la définition classique d’Hubert et de Mauss – qui s’identifient à leurs victimes, meurent symboliquement par leur truchement et ainsi acquièrent des mérites et la promesse d’un au-delà glorieux. Il détecte dans les sources les preuves de cette identification entre les sacrifiants et leurs victimes, par exemple dans le fait que les guerriers étaient ornés à l’image des victimes sacrificielles qu’ils avaient capturées, victimes identifiées aux Mimixcoa. Graulich remarque aussi que les prisonniers de guerre étaient dans un premier temps intégrés à la communauté et, comme chez les Tupinambas du Brésil, on leur offrait parfois des épouses rituelles. Quant aux esclaves obtenus par les campagnes militaires, le tribut des cités conquises, ou faits tels par les tribunaux, ils représentaient la deuxième catégorie de sacrifiés. Certains étaient baignés rituellement et personnifiaient les dieux durant les rites. Étant donné l’absence ici de cérémonie d’intégration au groupe, Graulich considère que ces esclaves appartenaient de facto à la communauté.

14 Graulich ne néglige pas la dimension sociale du sacrifice humain et il souligne l’aspect public des rites durant lesquels le sacrifiant était exposé à la vue de divers groupes sociaux avec lesquels il établissait des relations de réciprocité à travers des dons. Ainsi, il explique : « le sacrifiant recueille ici-bas gloire, prestige, promotion et relations. Son

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 271

goût de la guerre et son esprit guerrier sont encouragés, le butin, les dons et les récompenses l’enrichissent, l’intérêt de l’État est servi » (p. 164). Le dernier chapitre de l’ouvrage est, lui, consacré au déroulement du sacrifice. Graulich y examine avec minutie les différents espaces où avaient lieu les sacrifices (temples, autels, pierres de sacrifice, lieux d’exposition des crânes) ainsi que les instruments du rite. Les différentes techniques d’exécution font également l’objet de descriptions précises – extraction du cœur, décapitation, crémation, sacrifice à coups de flèches – à partir des sources anciennes et des travaux des anthropologues physiques.

15 La dernière partie de l’étude est consacrée au « festin cannibale », un thème éminemment débattu. Outre les incontestables aspects rituels du cannibalisme, Graulich souligne ses composantes vindicatives et gastronomiques, en particulier vis-à- vis des guerriers capturés sur le champ de bataille. Il examine l’importance de la « cuisine du sacrifice aztèque », les victimes bouillies relevant de la culture (sacrifice religieux), tandis que celles rôties, pratique associée à la nature, renverraient à un sacrifice de type alimentaire.

16 En conclusion, Graulich aborde les possibles explications de la multiplication des sacrifices humains dans l’ancien Mexique : absence d’animaux domestiques de grande taille qui constituèrent, dans d’autres civilisations, les victimes privilégiées ; raisons sociales inspirées du modèle de René Girard, la participation/complicité aux sacrifices consolidant une cohésion sociale fragile dans de grandes cités pluriethniques.

17 L’espace manque pour rendre compte de la totalité de l’œuvre de Graulich. Outre les sujets abordés dans ses principaux ouvrages, il a publié aussi de nombreux articles dans lesquels il précise certains points de ses démonstrations, parfois dans le cadre de discussions avec des collègues. On ne saurait oublier, d’autre part, qu’il a consacré plusieurs écrits importants à l’art de la Mésoamérique et, en particulier, aux principaux monuments religieux aztèques : du Teocalli de la Guerre sacrée à la Coatlicue, en passant par le fameux Calendrier aztèque ou le Temalacatl-Cuauhxicalli d’Axayacatl, les analyses iconographiques de Graulich allient la précision des descriptions, une érudition sans faille et l’originalité des interprétations.

18 Ce qui précède a tenté de montrer dans quelle mesure la disparition prématurée de Michel Graulich laisse dans le milieu des américanistes un vide immense. Tous ceux qui ont eu le privilège de connaître Michel, étudiants, collègues et amis, garderont le souvenir d’un maître rigoureux et généreux à la fois, doté d’une immense culture alliée à une grande sensibilité et à un sens de l’humour hors du commun.

BIBLIOGRAPHIE

Livres

1987, Mythes et rituels du Mexique ancien préhispanique, Académie royale de Belgique, Bruxelles.

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 272

1988, Quetzalcóatl y el espejismo de Tollan, Instituut voor Amerikanistiek, Antwerpen.

1994, Montezuma ou l’apogée et la chute de l’empire aztèque, Fayard, Paris.

1995, Codex Azcatitlan, introd. de Michel Graulich, comment. de Robert H. Barlow, mis à jour par Michel Graulich, trad. espagnole Leonardo López Luján, trad. française Dominique Michelet, Bibliothèque nationale de France/Société des américanistes, Paris.

1999, Ritos aztecas: las fiestas de las veintenas, Instituto Nacional Indigenista, Mexico.

2005, Le sacrifice humain chez les Aztèques, Fayard, Paris.

Articles

1974, « Las peregrinaciones aztecas y el ciclo de Mixcóatl », Estudios de cultura náhuatl, 11, p. 311-354.

1981, « The metaphor of the day in Ancient Mexican myth and ritual », Current anthropology, 22 (1), p. 45-60.

1982, « Les mises à mort doubles dans les rites sacrificiels des anciens Mexicains », Journal de la société des américanistes, 68, p. 49-58.

1983, « Myths of paradise lost in Pre-Hispanic Central Mexico », Current anthropology, 24 (5), p. 575-588.

1983, « Vues obliques et troisième dimension dans l’art maya », Baessler-Archiv, 31, p. 185-218.

1984, « Quelques observations sur les sculptures mésoaméricaines dites “ChacMool” », Jaarboek van het Vlaams Instituut voor Amerikanistiek, 1984, p. 51-72.

1987, « Les incertitudes du Grand Temple », in Arne Eggebrecht (éd.), Les Aztèques. Trésors du Mexique ancien, catalogue, Roemer-Museum/Pelizaeus-Museum, Hildesheim, p. 121-131, 224-227.

1990, « Dualities in Cacaxtla », in Rudolph van Zantwijk, Rob de Ridder et Edwin Braakhuis (éd.), Mesoamerican dualism (46th International congress of Americanists, Amsterdam 1988), RUU-ISOR, Utrecht, p. 94-118.

1990, « La royauté inca », in Inca-Perú. 3000 ans d’histoire, catalogue d’exposition (Musées royaux d’art et d’histoire, Bruxelles, 21 septembre-30 décembre 1990), Imschoot, Gent, vol. 1, p. 426-437.

1991, « Les grandes statues aztèques dites de Coatlicue et de Yollotlicue », in Raquel Thiercelin (éd.), Cultures et société. Andes et Méso-Amérique. Mélanges en hommage à Pierre Duviols, Publication de l’université de Provence, Aix-en-Provence, vol. 1, p. 375-419.

1991, « L’inauguration du temple principal de Mexico en 1487 », Revista española de antropología americana, 21, p. 121-143.

1992, « Quetzalcoatl-Ehecatl. The bringer of life », in Nicolas Saunders (éd.), Ancient America. Contributions to New World archaeology, Oxbow Books, Oxford, p. 33-38.

1992, « Les fêtes mobiles des Aztèques », Annuaire de l’École pratique des hautes études. Section des sciences religieuses, 99, p. 31-37.

1993, « Les Aztèques avaient-ils une religion ? », in Ugo Bianchi (éd.), The notion of « religion » in comparative research. Selected proceedings of the XVI International association of history of religions congress, L’Erma, Roma, p. 239-245.

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 273

1995, « : la lógica de las pinturas », in Carmen Varela Torrecilla, Juan Luis Bonor Villarejo et María Yolanda Fernández Marquínez (éd.), Religión y sociedad en el área maya, Sociedad Española de Estudios Mayas (Publicación de la Sociedad Española de Estudios Mayas, 3), Madrid, p. 43-50.

1995, « Una posible explicación del punto de partida de la cuenta larga maya », in Carmen Varela Torrecilla, Juan Luis Bonor Villarejo et María Yolanda Fernández Marquínez (éd.), Religión y sociedad en el área maya, Sociedad Española de Estudios Mayas (Publicación de la Sociedad Española de Estudios Mayas, 3), Madrid, p. 51-56.

1995, « El Popol Vuh en el Altiplano mexicano », in Memorias del segundo Congreso internacional de mayistas, Universidad Nacional Autónoma de México, Instituto de Investigaciones Filológicas, Centro de Estudios Mayas, Mexico, p. 117-130.

1995, « Fêtes mobiles et occasionnelles des Aztèques (suite) », Annuaire de l’École pratique des hautes études. Section des sciences religieuses, 102, p. 25-31.

1996, « Fêtes mobiles et occasionnelles des Aztèques (suite et fin) », Annuaire de l’École pratique des hautes études. Section des sciences religieuses, 103, p. 33-39.

1996, « Jésus, Horus, Shiva et Quetzalcoatl. De quelques similitudes entre les mythes de l’Ancien et du Nouveau Monde », Académie royale des sciences d’outre-mer. Bulletin des séances, 42 (3), p. 397-410.

1996, « “La mera verdad resiste a mi rudeza”: forgeries et mensonges dans l’Historia verdadera de la conquista de la Nueva España de Bernal Díaz del Castillo », Journal de la société des américanistes, 82, p. 63-95.

1997, « Reflexiones sobre dos obras maestras del arte azteca: la Piedra del Calendario y el Teocalli de la Guerra Sagrada », in Xavier Noguez et Alfredo López Austin (éd.), De hombres y dioses, El Colegio de Michoacán, Michoacán/El Colegio Mexiquense, Zinacantepec, p. 155-207.

1997, « Elementos de las fiestas de las veintenas en las trecenas del Códice Borbónico », in Salvador Rueda Smithers, Constanza Vega Soza et Rodrigo Martínez Baracs (éd.), Códices y documentos sobre México. Segundo simposio, Instituto Nacional de Antropología e Historia, Mexico, p. 205-20.

1997, « Chasse et sacrifice humain chez les Aztèques », Académie royale des sciences d’outre-mer. Bulletin des séances, 43 (4), p. 433-446.

1998, « La royauté sacrée chez les Aztèques de Mexico », Estudios de cultura náhuatl, 28, p. 197-217.

1999, « Nota sobre el llamado “Cuauhxicalli-temalacatl de Motecuhzoma Ilhuicamina” », Cuicuilco, 5 (4), p. 239-250.

2000, « Les contenus subliminaux de l’image chez Felipe Guaman Poma de Ayala », Journal de la société des américanistes, 86, p. 67-112.

2000, « Tlahuicole, un héroe tlaxcalteca controvertido », in Federico Navarrete et Guilhem Olivier (éd.), El héroe entre el mito y la historia, Universidad Nacional Autónoma de México, Instituto de Investigaciones Históricas/Centro d’études mexicaines et centraméricaines, Mexico, p. 89-99.

2000, « Aztec human sacrifice as expiation », History of religions, 39 (4), p. 352-371.

2000, « Más sobre la Coyolxauhqui y las mujeres desnudas de Tlatelolco », Estudios de cultura náhuatl, 31, p. 77-94.

2002, « Los reyes de Tollan », Revista española de antropología americana, 32, p. 87-114.

2002, « Tezcatlipoca-Omácatl, el comensal imprevisible », Cuicuilco, 9 (25), p. 359-367.

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 274

2002, « Acerca del “Problema de ajustes del año calendárico mesoamericano al año trópico” », Estudios de cultura náhuatl, 33, p. 45-56.

2004, « Relieves mexicas de Tlaltéotl-Tláloc con influencia teotihuacana », in Patrick Lesbre et Marie-José Vabre (éd.), Le Mexique préhispanique et colonial. Hommage à Jacqueline de Durand-Forest, L’Harmattan, Paris, p. 49-72.

2005, « The warriors of the Bilimek Pulque Vessel », in Peter Eeckhout et Geneviève Le Fort (éd.), Wars and conflicts in Prehispanic Mesoamerica and the Andes, John and Erica Hedges/Archaeopress (BAR International Series, 1385), Oxford, p. 58-65.

2005, « Autosacrifice in Ancient Mexico », Estudios de cultura náhuatl, 36, p. 301-329.

2005, « Un relieve de Coyolxauhqui en Tetzcoco », Mexicon, 27 (1), p. 6-10.

2006, « Le codex aztèque du Palais Bourbon ou Codex Borbonicus », Annuaire de l’École pratique des hautes études. Section des sciences religieuses, 113, p. 45-51.

2007, « Le codex aztèque du Palais Bourbon ou Codex Borbonicus (suite) », Annuaire de l’École pratique des hautes études. Section des sciences religieuses, 114, p. 41-47.

2008, « Nuevas consideraciones en torno al Teocalli de la Guerra Sagrada », in Guilhem Olivier (éd.), Símbolos de poder en Mesoamérica, Universidad Nacional Autónoma de México, Instituto de Investigaciones Históricas, Instituto de Investigaciones Antropológicas, Mexico, p. 163-174.

2008, « Las fiestas del año solar en el Códice Borbónico », Itinerarios, 8, p. 185-194.

Articles en collaboration

1978, « Une grande statue en terre cuite du Veracruz (Mexique) », Bulletin des Musées royaux d’art et d’histoire, 48, p. 35-48 (avec Michèle Doppée).

1993, « Decapitation among the Aztecs: mythology, agriculture and politics, and hunting », Estudios de cultura náhuatl, 23, p. 163-178 (avec Elizabeth Baquedano).

2004, « ¿Deidades insaciables? La comida de los dioses en el México antiguo », Estudios de cultura náhuatl, 35, p. 121-155 (avec Guilhem Olivier).

AUTEUR

GUILHEM OLIVIER

Instituto de Investigaciones Históricas, Unam, Mexico

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 275

Comptes rendus

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 276

MÉTRAUX Alfred, La religion des Tupinamba et ses rapports avec celle des autres tribus tupi-guarani | MÉTRAUX Alfred, Écrits d’Amazonie. Cosmologies, rituels, guerre et chamanisme PUF, Paris, 2014 | CNRS Éditions, Paris, 2013

Élise Capredon et Florent Kohler

RÉFÉRENCE

MÉTRAUX Alfred, La religion des Tupinamba et ses rapports avec celle des autres tribus tupi- guarani, avec une présentation de Jean-Pierre Goulard et Patrick Menget, PUF, Paris, 2014, 346 p., bibliogr., index, ill., cartes. MÉTRAUX Alfred, Écrits d’Amazonie. Cosmologies, rituels, guerre et chamanisme, présenté et édité par Mickaël Brohan, Jean-Pierre Goulard, Nathalie Petesch et Patrick Menget, CNRS Éditions (Bibliothèque de l’anthropologie), Paris, 2013, 530 p., réf. dissém., bibliogr., index, gloss.

1 Ces deux ouvrages sont le fruit d’un effort éditorial collectif qui doit être salué. La parution quasi simultanée de La religion des Tupinamba et du recueil Écrits d’Amazonie…, à l’occasion du cinquantenaire de la mort d’Alfred Métraux (1902-1963), vise à assurer une meilleure divulgation de certains textes inédits en français, ou non réédités, mais surtout à mettre en évidence le caractère pionnier et la cohérence interne de la réflexion de Métraux.

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 277

2 Alfred Métraux écrivait beaucoup, sur de multiples supports, en français, en espagnol et en anglais1. Si ses travaux les plus réputés sont ses ouvrages sur l’île de Pâques et le vaudou haïtien2, ses contributions relatives aux peuples indigènes d’Amérique du Sud représentent le corpus le plus important de sa bibliographie. Or publiées pour la plupart outre-Atlantique en espagnol et en anglais, ces contributions sont dispersées sur de multiples supports et difficilement accessibles au public francophone3. En sélectionnant parmi elles un échantillon de textes et en le situant dans son contexte académique et politique, les éditeurs nous permettent d’apprécier la palette des activités et des intérêts de l’anthropologue helvético-américain. Alfred Métraux peut en effet être considéré comme une figure marquante de l’histoire de l’ethnologie, non pas pour son ambition théorique, mais pour la constitution même de la discipline et de son éthique. En écrivant et publiant sur trois continents, puis, à l’UNESCO, en œuvrant à la progressive prise en compte, non seulement de phénomènes culturels particuliers, mais aussi d’un contexte politique et économique fatal au maintien de la diversité culturelle, Alfred Métraux a joué un rôle central dans le tournant qu’a connu l’anthropologie dans les années 1950. Science marquée par son origine coloniale, la discipline commence à cette époque à reconsidérer ses fondements pour accompagner le processus de décolonisation.

3 Le premier volume, La religion des Tupinamba suivie de Les migrations historiques des Tupinamba, réunit la thèse complémentaire de Métraux, publiée en 1928, et un article paru dans le Journal de la société des américanistes en 1927. Métraux, âgé de 26 ans, oscille alors entre l’orientation d’Erland Nordenskiöld et celle de Marcel Mauss, à mi-chemin du diffusionnisme et de l’évolutionnisme. Ses premiers travaux reflètent aussi l’attrait pour l’exotisme, les différences radicales ; ce qui est digne d’étude est d’abord ce qui est éloigné dans le temps, l’espace, l’entendement. Marcel Mauss domine à l’époque la scène anthropologique française : l’anthropophagie rituelle est appréhendée dans le contexte d’une quête de faits sociaux totaux, au même titre que le potlatch ou la kula. C’est sur l’indication de Marcel Mauss que Métraux étudie des documents inédits à l’époque, notamment une longue description, faite par Thevet, d’un festin anthropophage. La méticulosité dont il fait preuve dans son analyse, qui lui permet de reconstituer un ensemble – la cosmologie Tupinamba – à partir d’éléments disparates et fragmentaires, force l’admiration. Son ambition, comme le signalent les éditeurs, n’est pas de produire une ethnographie historique des Tupinamba, mais de reconstituer une civilisation à un moment donné de son histoire. Toutefois Métraux a très bien vu, par exemple, le caractère pérenne des migrations observées par Nimuendajú sur le littoral de São Paulo. Quant à l’anthropophagie, c’est sur la base des documents qu’il a réunis que pourra émerger la proposition de Viveiros de Castro sur la guerre comme réciprocité négative, par la socialisation post-mortem de l’ennemi et le cycle de représailles sans cesse recommencé.

4 La constitution d’un corpus de faits ethnographiques n’est pas encore achevée au moment où Métraux rédige sa thèse. Le lecteur sent aujourd’hui les limites conceptuelles sur lesquelles l’anthropologue vient buter, notamment lorsqu’il évoque les « salutations larmoyantes »4. L’attention des voyageurs est attirée par la manière dont les femmes tupinamba saluent les étrangers, mais aussi leurs proches de retour d’excursion, en pleurant et en mentionnant le courage du visiteur ainsi que les dangers qu’il a affrontés. C’est précisément parce que ces salutations sont « exotiques » qu’elles font l’objet d’une description, et c’est sans doute une limite de l’anthropologie

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 278

débutante que d’avoir cherché d’abord l’étrangeté des usages et des mœurs, focalisée sur l’ordre du rituel, plutôt que de produire un savoir sur la « normalité » sociale. Ainsi, lorsque Métraux recherche les éléments constitutifs du festin anthropophage, il considère toute manifestation de joie ou d’excitation comme une partie intégrante du rituel. Il utilise pour cela l’imparfait, là où les témoins oculaires, à l’instar de Thevet, décrivaient les scènes au présent. Par ce tour de passe-passe grammatical, sept ou huit vieilles femmes sont condamnées, festin après festin, à s’approcher du prisonnier en l’insultant à chaque tour, alors qu’une description au présent ou au passé simple eût révélé, sans doute, le caractère anecdotique de la scène.

5 Si l’on s’intéresse depuis une quarantaine d’années aux « rites d’interaction » de la vie quotidienne, notamment sous l’impulsion de Goffman, il est vrai que nombre d’ethnographes contemporains sont encore focalisés sur un ordre de faits particuliers érigé en système, comme si le fonctionnement des sociétés relevait d’une métaphysique révélée uniquement par les danses ou les chants religieux. C’est au nom de cette recherche d’un ordre ou d’une structure sous-jacente que la dimension éminemment politique (et pas uniquement « cosmopolitique ») des sociétés amérindiennes d’aujourd’hui, dans leur réseau de relations, tend à être sacrifiée au tout-animisme. On le voit, la thèse soutenue par Métraux à l’âge de 26 ans, outre ses qualités intrinsèques, permet également un retour salutaire sur la constitution de l’ethnographie, sa portée et ses attendus, au moment où son destin n’était pas encore fixé.

6 Après ces premières publications, la carrière d’Alfred Métraux se déploie sur de multiples terrains, aidée en cela par sa capacité à publier, rapidement, des portraits de sociétés saisies au prisme de leur quotidien, notamment celles du Chaco qu’il a fréquentées tout au long de son existence. Les Écrits d’Amazonie. Cosmologies, rituels, guerre et chamanisme aurait ainsi dû s’intituler, selon les éditeurs, « Écrits d’Amazonie et du Chaco ». Le recueil réunit dix-neuf textes consacrés aux Indiens d’Amérique du Sud, initialement parus entre 1935 et 1962. Ces articles n’ayant pas vocation à être publiés ensemble, les éditeurs les ont agencés en cinq parties thématiques.

7 Consacrée à la mythologie, la première est composée d’études qui explorent dans une perspective comparative les mythes d’origine de différentes populations amérindiennes. Il s’agissait pour Métraux de dresser à terme une liste des motifs mythologiques récurrents de manière à appréhender leur diffusion sur le continent américain.

8 La deuxième partie de l’ouvrage porte sur le religieux. Métraux décrit d’abord de manière remarquablement concise les principes de l’interprétation de la maladie et de la cure chamanique communs à la grande majorité des Indiens de la « région tropicale », c’est-à-dire des basses terres. Ses observations étaient novatrices à l’époque de la parution de l’article, en 1944, si l’on songe que l’ouvrage de Mircea Eliade, Le chamanisme et les techniques archaïques de l’extase, n’est paru que sept ans plus tard. Dans la deuxième contribution, dédiée à l’étude comparative des systèmes religieux, l’anthropologue ébauche une classification des entités peuplant les cosmos amérindiens et de leurs représentations matérielles, répertorie plusieurs types de pratiques rituelles et confronte, enfin, la figure du prêtre et celle du chaman. L’ensemble de sa réflexion est fondé sur l’idée que les cultes andins, et plus particulièrement incas, constituent des religions « développées » tandis que les systèmes religieux amazoniens, relevant du chamanisme ou de l’animisme, seraient des religions « primitives », susceptibles d’évoluer spontanément ou sous l’influence des

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 279

religions andines vers des modèles plus sophistiqués. Envisagés dans une perspective évolutionniste, les pratiques religieuses des « tribus » des basses terres présentant des signes de formalisation apparaissent comme des stades « embryonnaires » d’un développement religieux dont les cultes incas représenteraient la forme la plus aboutie. Cette partie s’achève sur une étude de la figure de Juan Santos Atahualpa, leader quechua originaire de Cuzco, qui s’autoproclamait « Fils de Dieu » et devint un leader parmi les Campa, des Indiens des versants orientaux des Andes, avant de mener avec eux une rébellion contre la domination espagnole au milieu du XVIIIe siècle.

9 Le troisième volet de l’ouvrage a trait à la vie sociale et politique. Il s’ouvre sur un texte ethnographique consacré à la place et au rôle des femmes dans la société chiriguano, peuple du Chaco. Il est amusant de constater que Métraux, qui commence par déplorer la rareté des observations « impartiales et pénétrantes » (p. 203) en matière de psychologie des « tribus primitives » y brosse un portrait des femmes chiriguano imprégné de ses goûts et valeurs personnels, clairement ancrés dans la morale occidentale de l’époque. La contribution suivante est l’application à un cas concret de la vision évolutionniste du religieux développée dans l’article « Religion et chamanisme » de la partie précédente. Métraux s’efforce d’y reconstituer à partir de sources historiques éparses l’organisation sociale et religieuse préchrétienne de deux peuples de la Bolivie orientale, les Mojos et les Manasí, en cherchant à faire apparaître des indices de l’émergence d’une stratification sociale et d’une transformation du chamanisme en prêtrise. Elle est suivie d’une vaste étude portant sur l’ensemble du continent sud-américain, extraite du cinquième volume de l’encyclopédie Handbook of South American Indians. On y retrouve l’opposition entre les « tribus civilisées » de l’Altiplano et les « tribus primitives » d’Amazonie et du Chaco, qui sert cette fois à établir une typologie des pratiques guerrières amérindiennes. Publié en 1940 dans un quotidien argentin, La prensa, le dernier article est écrit sur un ton plus informel. L’anthropologue y dépeint avec verve la pratique du hockey telle qu’il l’a observée chez les Toba du Chaco en la présentant comme exutoire aux tensions sociales.

10 La quatrième partie du volume traite de rites de passage : la couvade, les rituels d’initiation masculine et féminine, et les rites mortuaires. Les données sur les pratiques d’endocannibalisme complètent judicieusement le contenu de l’article sur la guerre et l’exocannibalisme de la partie précédente.

11 Plus hétérogène, la cinquième partie donne un aperçu du caractère engagé des écrits de Métraux. Le premier texte est une analyse historique de l’entreprise de conversion des Indiens menée par les jésuites durant les premiers temps de la conquête dans laquelle l’anthropologue s’interroge sur les raisons du succès des missionnaires. La seconde contribution, vraiment saisissante, nous plonge dans un épisode beaucoup plus récent de la confrontation entre « Blancs » et Indiens, la guerre du Chaco. Dans ce texte inédit qui s’apparente à une méditation tirée d’un journal de terrain, Métraux relate les anecdotes de ce conflit et affirme avec emphase son respect et sa sympathie pour les Indiens du Chaco, établis dans une des régions les plus hostiles du monde. Issu d’une communication orale présentée au 34e Congrès des Américanistes qui s’est déroulé à Vienne en 1960, le troisième texte est une fervente dénonciation de la perpétuation au XXe siècle de la « grande tragédie des Indiens5 ». Métraux y dénonce la disparition des Cayapo (ou Kayapó) du Brésil central qui, à l’époque où il les a rencontrés, en 1954, subissaient de plein fouet l’avancée de nouveaux fronts pionniers en Amazonie, notamment l’expansion de fronts extractivistes et pastoraux empiétant toujours plus

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 280

sur leurs territoires. La dernière contribution est composée d’extraits d’un plaidoyer de l’anthropologue en faveur des « arts populaires traditionnels » publié dans le Courrier de l’UNESCO en 1949.

12 Ces Écrits d’Amazonie, hommage des éditeurs à Alfred Métraux forment un ensemble où les détours par le Chaco ou les Andes sont fréquents, où le regard ethnographique prend souvent de la hauteur pour offrir une vision plus « panoramique » des objets d’étude. Le discours emprunte tantôt la voie de l’anthropologie, tantôt celle de l’histoire ou de l’archéologie pour arriver à destination. Si plusieurs des textes se terminent abruptement par des descriptions6, la collecte réalisée en chemin se suffit généralement à elle-même et on discerne au fil de l’ouvrage certaines préoccupations récurrentes. Comme nombre d’ethnologues de sa génération, inquiets de la disparition des populations indiennes ou de leur assimilation aux sociétés nationales, Métraux cherchait à consigner leurs coutumes avant qu’elles ne soient englouties par la civilisation occidentale. Influencé par son mentor suédois, le diffusionniste Nordenskiöld, il s’efforçait également, à travers l’étude des traits culturels des populations amérindiennes, de rendre compte de leur distribution sur le continent, de déterminer leur origine afin de définir des aires culturelles et de mieux comprendre les mouvements de population au cours des siècles. Dans cette perspective, son approche de prédilection est la comparaison, démarche mise en œuvre dans la grande majorité des textes de l’ouvrage. On se demande ce qu’il serait advenu des Mythologiques sans ce travail préliminaire effectué par Métraux. Claude Lévi-Strauss semble s’inscrire comme le revers théorique et systématique d’un Métraux davantage soucieux d’aller au gré de ses perplexités – et de son anxiété.

13 De ce point de vue, et malgré la minutie des éditeurs, on est parfois pris de vertige. En effet, Métraux mobilise ses connaissances – ou celles de ses confrères – aussi bien en archéologie et en histoire qu’en ethnologie, si bien que la temporalité dans laquelle s’inscrivent ses études peut englober plusieurs siècles. Dans certains passages dépourvus de références bibliographiques ou d’indications relatives à la provenance des sources, il est particulièrement malaisé de situer les phénomènes décrits dans un contexte historique, même si la bibliographie générale inclut ces références. Le fait d’associer à chaque article son propre corpus de références aurait permis au lecteur de se faire une idée plus claire des sources utilisées et de leurs variations temporelles dans chaque cas. Outre les textes de Métraux, le volume est composé de deux volets d’annexes ajoutées par les éditeurs contenant de précieux outils pour contextualiser le travail de l’anthropologue et se repérer dans l’ouvrage. Ils incluent, entre autres choses, une introduction présentant la démarche éditoriale et retraçant de manière synthétique le parcours de Métraux, un glossaire, deux listes d’ethnonymes, un index thématique et trois corpus bibliographiques.

14 Empreinte de notions qui, comme le signalent les éditeurs dans une note préliminaire, appartiennent à une époque révolue, l’approche comparative de Métraux a parfois tendance à réifier les populations étudiées. Métraux plaidait pourtant en faveur d’une anthropologie valorisant davantage le discours des informateurs et portant une attention plus soutenue aux fluctuations des règles ou des systèmes étudiés7, un message qui fut entendu par les générations suivantes8, et dont la portée fait de ces deux ouvrages une lecture salutaire pour les ethnologues de demain. C’est donc l’occasion de saluer ce travail éditorial, mené dans la convivialité, qui suppose de la

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 281

part de Mickaël Brohan, Jean-Pierre Goulard, Nathalie Petesch et Patrick Menget une idée de l’ethnologie réinvestie par l’historicité.

BIBLIOGRAPHIE

ELIADE Mircea 1983, Le chamanisme et les techniques archaïques de l’extase, Payot, Paris [1951].

MÉTRAUX Alfred 1967, Religions et magies indiennes d’Amérique du sud, Gallimard, Paris.

1958, Le vaudou haïtien, Gallimard, Paris.

1941, L’île de Pâques, Gallimard, Paris.

TARDITS Claude 1964, « Bibliographie d’Alfred Métraux », L’Homme, 4 (2), p. 49-62.

ERIKSON Philippe 2000, « Dialogues à vif... Note sur les salutations en Amazonie », in Aurore Monod-Becquelin, Erikson Philippe (éd.), Les rituels du dialogue. Promenades ethnolinguistiques en terres amériendiennes, Société d’ethnologie, Nanterre, p. 113-136.

NOTES

1. L’une des bibliographies les plus exhaustives de l’œuvre de Métraux a été établie par Claudie Tardits (1964). 2. Métraux 1941 et 1958. 3. En 1967, plusieurs d’entre elles, destinées à alimenter une Ethnographie de l’Amérique du Sud que Métraux n’a jamais achevée, ont été rassemblées dans Religion et magies indiennes d’Amérique du sud. Toutefois, dans la mesure où cet ouvrage n’épuisait pas la richesse du corpus sud-américaniste du prolifique auteur, l’entreprise méritait d’être renouvelée. 4. À propos de ce phénomène relativement peu étudié, on pourra se référer à Philippe Erikson (2000). 5. Métraux emploie l’expression dans l’introduction de son texte sur Juan Santos Atahualpa (p. 193) en ajoutant que cette tragédie « est d’ailleurs toujours aussi réelle de nos jours qu’elle l’était à l’époque [du messie quechua] ». 6. P. 66, 112, 191, 267, 312, 360. Certains travaux ayant vocation à alimenter des études de plus grande ampleur, Métraux ne jugeait peut-être pas nécessaire de leur adjoindre des conclusions élaborées.

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 282

7. À ce sujet, voir notamment un passage de l’article « Croyances et pratiques religieuses toba-pilaga. Histoire du monde et de l’homme » publié dans Métraux 1967, p. 121-122. 8. On pense notamment à Alban Bensa, 2010, Après Lévi-Strauss – Pour une anthropologie à taille humaine, Textuel, Paris.

AUTEURS

ÉLISE CAPREDON

Doctorante en anthropologie, EHESS, Centre de recherches sur les mondes américains (Cerma, UMR 8168)

FLORENT KOHLER

Maître de conférence, université de Tours, Centre de recherche et de documentation des Amériques (Creda, UMR 7227)

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 283

GARCÍA JORDÁN Pilar (éd.), Para una crónica de Guarayos Instituto Latinoamericano de Misionología/Itinerarios Editorial, Cochabamba, 2014

Diego Villar

RÉFÉRENCE

GARCÍA JORDÁN Pilar (éd.), Para una crónica de Guarayos, Instituto Latinoamericano de Misionología/Itinerarios Editorial (Colección Scripta autochtona, 13), Cochabamba, 2014, 343 p., bibliogr., glossaire, index.

1 Completando una trilogía que incluye otras obras dedicadas a los guarayos de Bolivia (García Jordán 2006, 2009), la historiadora Pilar García Jordán recupera en este libro los diarios franciscanos de las cinco reducciones guarayas: Urubichá, Ascensión, Yotaú, Yaguarú y San Pablo. Localizados en el Archivo de Tarata, en el Archivo Histórico de la Provincia Misionera de San Antonio (Cochabamba) y en el Archivo Parroquial de Ascensión de Guarayos, los diarios narran los pormenores de la existencia franciscana entre 1927 y 1967. La información de base es apoyada por la introducción de la propia autora (p. 9-23) y por copiosas notas críticas, que contextualizan los documentos en forma exhaustiva. Se trata, en efecto, de un período fundamental para las misiones guarayas, pues su secularización data de 1939. A las desilusiones de una evangelización incompleta se suman la merma demográfica, las rencillas, las plagas que asolan los cultivos, las noticias de epidemias así como las relaciones cada vez más turbias de los misioneros con la prensa cruceña, los militares que toman el control de la región y la flagrante corrupción de las autoridades seculares. Lejos de independizarse, pues, el guarayo – « el más orgulloso de todos los salvajes » (d’Orbigny 2002 [1833], p. 1345) – pasa de la tutela franciscana a un nuevo escenario en el que debe sobrevivir bajo el yugo de militares, políticos y propietarios blancos y mestizos.

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 284

2 Los diarios compilados por Pilar García Jordán contienen los previsibles detalles de la agenda misional: qué religioso trabaja en cada poblado, los preparativos para la inminente visita del Obispo, quién celebra tal o cual misa. Pero, también, continuando una rica tradición etnográfica iniciada por religiosos católicos (Cardús 1886; Pierini 1908, 1910) y protestantes (Grubb 1924), nos ofrecen datos valiosos sobre la vida de los neófitos y sus vecinos: la onomástica mixta (Augusto Abapucu, Rosa Cuñarogui, Severo Cuñaendi, Anastasia Urañavi Antonio Mborebanchi, Filomeno Urazaipegua, Marcelina Mboirapa, etc.), los suicidios (p. 62), el alcoholismo (p. 31, 102, 115, 262, 273, 280), la persistencia de las creencias en los espíritus ânguer (p. 268), la ambivalente relación de los indígenas con el concepto de patriotismo (p. 40), el servicio militar (p. 133 y 181) o la evangelización misma (p. 250). También ilustran bien los avatares de la convivencia entre los franciscanos y actores sociales tan diversos como los religiosos protestantes del Instituto Lingüístico de Verano (p. 90, 223-226), la etnóloga Wanda Hanke (caracterizada como « exploradora y científica alemana, mentirosa y ladrona […] que se cree la salvadora de todos los indios », p. 214), el Comité pro Santa Cruz y la Juventud Cruceñista (p. 88), el Movimiento Nacionalista Revolucionario (p. 106) e incluso eventos de la historia republicana como la Guerra del Chaco (p. 46) o la misma revolución (p. 100).

3 Los documentos también exponen las frustradas tentativas misioneras de acercamiento a los choris, los sirionós « salvajes » (p. 49, 71, 93, 174, 232, 236, 244, 266; cf. García Jordán 2011), o incluso a los grupos « bárbaros » de guarayos que se resisten a entrar a la órbita misional (p. 61, 68-69, 77-78, 171-172, 202-203, 210-212, 229-233, 241, 266, 272, 309). Con brutal honestidad los franciscanos describen hechos que muchas veces no los dejan bien parados, como las huidas de los neófitos, el desinterés indígena por la religión en tiempo festivo e incluso los frecuentes castigos corporales: « Cansado de castigar a la guaraya Tomasa Uraba por sus travesuras empléase el sistema de ponerle esposas en los pies; parece que da mejor resultado pues ni anda tanto, ni muestra tanto descaro en sus correrías diabólicas. Este sistema ha mejorado un poco los guarayos, muchachos huidores » (p. 197; cf. p. 125, 188-189, 215, 235, 247-248).

4 Decir que este nuevo libro de Pilar García Jordán constituye un aporte significativo para la historiografía del proyecto franciscano entre los guarayos es una obviedad. Es, asimismo, un nuevo instrumento que nos ayuda a recorrer con paciencia franciscana los recovecos más recientes del « camino sembrado de espinas y trampas » (Combès 2014, p. 389) que supone la reconstrucción de la historia indígena de las tierras bajas sudamericanas.

BIBLIOGRAPHIE

CARDÚS José 1886, Las misiones franciscanas entre los infieles de Bolivia, Librería de la Inmaculada Concepción, Barcelona.

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 285

COMBÈS Isabelle 2014, « Guarayos, o los nombres de las rosas », Anuario de estudios bolivianos, archivísticos y bibliográficos, 20, p. 377-394.

GARCÍA JORDÁN Pilar 2006, « Yo soy libre y no indio: soy guarayo. » Para una historia de Guarayos, 1790-1948, IFEA/PIEB/IRD/ TEIAA, Lima.

2009, Unas fotografías para dar a conocer al mundo la civilización de la república guaraya, Consejo Superior de Investigaciones Científicas, Madrid.

2011, Para una historia de los sirionó, Instituto Latinoamericano de Misionología/Itinerarios Editorial (Colección Scripta autochtona, 7), Cochabamba.

GRUBB W. Barbrooke 1924, « Mythology of the Guarayo Indians », Folklore, 35 (2), p. 184-194.

ORBIGNY Alcide (d’) 2002, Viaje a la América meridional (realizado de 1826 a 1833), IFEA/Plural Editores, La Paz [1833].

PIERINI Francesco 1908, « Los guarayos de Bolivia », Anthropos, 3 (5-6), p. 875-880.

1910, « Mitología de los guarayos de Bolivia », Anthropos, 5 (3), p. 703-710.

AUTEURS

DIEGO VILLAR

Conicet, Argentina

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 286

PERRIN Michel, Visions huichol. Un art amérindien du Mexique Éditions d’art Somogy, Paris, 2014

Yann Hutin

RÉFÉRENCE

PERRIN Michel, Visions huichol. Un art amérindien du Mexique, Éditions d’art Somogy, Paris, 2014, 224 p., bibliogr., ill. coul., photos.

1 Visions huichol. Un art amérindien du Mexique présente un produit emblématique de la culture huichol ou wixárika selon l’ethnonyme autochtone. Sur un support en contreplaqué recouvert de résine sont appliqués des fils en laine ou en acrylique. Les motifs réalisés – personnages, artefacts, animaux, éléments naturels et traits ondulatoires – se caractérisent par la vivacité de leur couleur et leurs formes sinueuses. Ces tableaux de fil (cuadros de estambre en espagnol, yarn paintings en anglais) sont la projection d’un univers esthétique où se mêlent épisodes mythiques et accomplissements rituels. Cette convergence, fondamentale pour Michel Perrin qui considère que le rite est un mythe « en actes », rend ainsi possible l’interprétation des œuvres selon l’un ou l’autre critère.

2 Les quelque cent vingt-cinq tableaux reproduits dans cet ouvrage d’art constituent une documentation iconographique exceptionnelle mise en valeur par une qualité d’édition particulièrement soignée. La richesse du contenu, qui regorge de précieuses informations sur la cosmologie, le système de croyances et les pratiques correspondantes, fait de Visions huichol un véritable objet ethnologique. L’exercice auquel se livre l’auteur est remarquable au regard du foisonnement de motifs qui rend les tableaux de fils complexes et difficiles à déchiffrer. Indice du souci pédagogique de Perrin, un chapitre est spécialement réservé à un « vocabulaire de signes » permettant au lecteur de s’orienter dans un écheveau symbolique dense, caractéristique d’un « art pictural » qui sollicite des actes de regard et de pensée. Chaque œuvre est ainsi

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 287

accompagnée d’un commentaire détaillé avec, procédé hautement judicieux, l’addition de détails iconographiques à côté du texte. Ces pictogrammes, sélectionnés pour leur valeur significative, représentent les auxiliaires sémantiques idéals pour interpréter les tableaux.

3 Quatre axes thématiques charpentent l’ouvrage : l’art et la société, le mythe, le chamanisme et le rite. Le premier est développé dans les chapitres qui traitent de l’organisation sociale huichol, des modes d’expression artistique, de l’histoire des tableaux de fil, des techniques et des matériaux de fabrication employés, du répertoire symbolique figuré et du style iconographique. La « pensée mythique », quant à elle, s’exprime abondamment à travers les œuvres proposées et les commentaires qui relatent des épisodes primordiaux (l’apparition des ancêtres-animaux, le déluge, l’origine de l’agriculture, etc.) ou la naissance d’éléments naturels divinisés (le feu, le soleil, la lune, etc.). Exposés dans la première moitié du livre, ces thèmes sont suivis de la présentation d’un imago culturel considéré comme structurant – la « trilogie peyotl- cerf-maïs » – et d’une figure souvent représentée dans les tableaux, une solanacée appelée kieri. Les chapitres qui leur sont consacrés annoncent celui réservé au chamanisme huichol dont ces éléments représentent certains attributs. Enfin, le quatrième axe aborde les rites du cycle agraire et cérémoniel (les sacrifices du cerf et du taureau en particulier) ainsi que les rituels du cycle vital (naissance, maladie et mort).

4 Les quatorze chapitres proposés, appelés « itinéraires », à l’image de ceux que le « chamane huichol […] trace dans l’univers mythique » (p. 14), témoignent de la cohérence de la démarche de Perrin, qui contextualise l’environnement social et symbolique de l’iconographie qu’il se propose d’examiner. Leur projection sur un plan esthétique est à l’origine du projet ethnologique qui anime l’ouvrage : « Quelles relations existe-t-il entre la religion et l’art d’une société traditionnelle ? Comment un art pictural se nourrit-il d’un milieu géographique particulier et d’une manière spécifique de concevoir l’homme et le monde, exprimée par les mythes et les rites ? » (p. 9). Si l’auteur n’avance pas de réponses textuelles à ces questions ambitieuses formulées en incipit, c’est sans doute parce que les matériaux visuels qu’il présente agissent comme supports de la réflexion.

5 L’intitulé de l’ouvrage annonce les arguments développés au cours du livre. Le sous- titre, Un art amérindien du Mexique, comporte des implications relatives au statut à accorder aux tableaux de fil. Perrin, fidèle à la perspective de deux pionniers de l’ethnologie huichol, Carl Lumholtz et Robert M. Zingg, qualifie les Huichol de « peuple d’artistes ». Cette position, qui ouvre l’analyse des tableaux et en constitue le fondement, invite à ranger l’ensemble des productions matérielles huichol dans la catégorie de l’art. Une catégorie extensive au point d’inclure les instruments de musique, la broderie, les décorations corporelles, les arrangements floraux et les objets rituels. Sous cet angle-là, l’art des tableaux de fil apparaît comme le prolongement de l’ornementation des coupes votives sur lesquelles sont fixés, à l’aide de cire, des éléments (êtres humains, animaux, étoiles ou plants de maïs, par exemple) figurant des pétitions adressées aux divinités (p. 16). Les pictogrammes utilisés dans les œuvres trouveraient, pour leur part, leur analogue morphologique et historique dans les motifs gravés sur des pierres cérémonielles ou sur des rochers (p. 49).

6 Quant au terme « amérindien », il entend souligner le caractère essentiellement indigène de la pratique. Cependant, le contexte historique, géographique et

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 288

sociologique de l’apparition des tableaux de fil impose des limites à l’usage d’un tel adjectif. Dans l’introduction, le premier chapitre et la conclusion, l’auteur soulève, sans le qualifier de tel, le paradoxe qui consiste à définir comme traditionnelle une activité apparue dans les années 1950, d’impulsion extérieure, commerciale et exécutée principalement dans des foyers de peuplement éloignés des communautés indigènes. « [C]et art des tableaux de fil était pratiqué par un tout petit nombre. Il se réalisait surtout aux marges des communautés traditionnelles, dans de nouvelles urbanisations voisines des villes [et était] le fait d’artistes isolés encouragés par des ethnologues, des missionnaires et des fonctionnaires d’instituts indigénistes mexicains, véritables promoteurs d’un art trop vite qualifié de “chamanique” » (p. 9).

7 La portée des termes « art » et « amérindien », qualifiant les tableaux de fil, est par conséquent à nuancer si l’on tient compte des éléments de contexte disponibles. Insister sur leurs implications dans le cas huichol a pour intention de signaler une ambiguïté. Elle ne manque d’ailleurs pas d’apparaître dans le propos de l’auteur. Car, si ce dernier précise, à un moment donné, que « cet art devenu avant tout commercial a produit une sorte de renouveau culturel dans les communautés huichol qui se sont formées autour des zones urbaines » (p. 219), l’impression que donne la lecture du livre est que cette pratique artistique est un phénomène témoignant de l’acculturation et de la transformation de la tradition huichol dans son ensemble, alors qu’il n’est représentatif que d’une portion restreinte de la société.

8 Les observations qui précèdent ne fragilisent en rien l’argument principal de l’ouvrage exprimé, lui aussi, dans le titre : les tableaux de fil sont l’expression de « visions ». La question soulevée d’entrée est de savoir s’il s’agit d’un « art chamanique ». Apparemment non. La plupart des artistes « reconnaissent illustrer la mythologie ou les visions décrites dans le chant des chamanes sans avoir de communication directe avec un monde-autre » (p. 19). Ainsi, peu importe qu’il s’agisse d’un rêve ou d’une vision, ce qui compte pour l’artiste est la « dimension chamanique » de l’œuvre (ibid.). Perrin distingue d’ailleurs les productions de l’artiste « chamaniquement inspiré » de celles de l’artiste ordinaire. Le premier restituerait les messages qui lui auraient été communiqués lors d’un rituel alors que le second « illustrerait des récits » (ibid.). Cette distinction est à différencier de celle opérée par la suite à propos des « deux types extrêmes » de tableaux : d’un côté, ceux qui déploient une quantité importante de motifs « évoquant […] la complexité des rites », de l’autre, ceux, plus sobres, qui expriment des relations entre des êtres (p. 46).

9 Au-delà du statut social du créateur, de ses intentions et de ses compétences, l’intérêt majeur, sur le plan ethnologique, réside dans le contenu de l’œuvre. L’iconographie du tableau de fil est caractéristique d’un « art de voir ». Une question émerge alors : en quelle mesure la vision recherchée ou restituée par l’artiste, le sujet-créateur, se confond-elle avec celle de l’objet créé ? Rendre compte de cette relation au moyen de pictogrammes est assimilé à une incarnation de la vision de l’entité représentée, correspondant au phénomène de « voir de l’autre côté », une disposition acquise par les initiés huichol appelée nierika ou « don de voir » – un concept qui qualifie d’ailleurs souvent les tableaux et s’y traduit par des cercles. « Ces forces invisibles sont parfois censées émaner de l’œuvre entière. Le tableau de fil ne serait plus alors une simple œuvre d’art mais un objet doté de pouvoirs comparables à ceux qu’il représente » (p. 49).

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 289

10 Grâce au matériel présenté et aux explications des artistes recueillies par Perrin, on conçoit que plusieurs sujets et objets habitent un tableau de fil et qu’ils sont par ailleurs impliqués dans des procès de métamorphose, l’« une des caractéristiques de l’art des tableaux » (p. 132), faisant de ceux-ci des images dotées de vie. L’identité ontologique des êtres représentés, en plus d’être instable, modifie la relation de communication qui s’engage entre l’artiste, son œuvre et les entités qui la peuplent. La complexité dialogique s’accroît encore dès lors qu’interviennent des références spatio-temporelles indexées dans l’iconographie par la représentation d’un mythe ou d’un rituel, avec une séquence d’actions perceptible et des déplacements dans l’espace. La lecture du tableau sollicite donc bien des actes de pensée, tributaires d’actes de regard qui parcourent l’œuvre selon l’agencement de pictogrammes fonctionnant comme des connecteurs logiques. Comme l’indique le commentaire d’un tableau représentant le sacrifice d’un taureau : « Tout ce qui se passe en bas agit en haut » (p. 199).

11 Au-delà de la compréhension du tableau déterminée par une opération iconique ou indexicale – dans le sens où la relation entre les signes distribués se fait selon la prise en compte du contexte propre à l’action représentée – la question de la nature de l’œuvre, en l’occurrence la transmutation de l’objet figuré en sujet agissant, intéressera de près l’ethnologie américaniste et l’anthropologie en général. Les modalités de communication dont le tableau est le vecteur sont révélatrices d’une pensée qui combine aspects concrets du monde et immatérialité des existants. Autrement dit, l’écriture pictographique « sert à entrer en contact avec l’invisible et même à le manipuler » (p. 49).

12 Visions huichol a le mérite d’ouvrir des pistes de recherche intéressantes. Précieux, il fournit au chercheur mésoaméricaniste un compendium de mythes et de rites déclinés sous une forme iconographique. Il représente également un compagnon de choix pour l’ethnographe qui saura mettre à profit ces ressources pour donner sens aux accomplissements rituels observables et s’interroger sur les dispositifs de communication entre des individus, des entités, des substances ou des principes ambulatoires. Car, il convient de le souligner, certains pictogrammes « méritent une attention particulière. Ils désignent non plus le visible, les êtres et les choses, mais des paroles, des forces, des dynamismes, des communications, des bruits, des “sécrétions” émanant du monde-autre ou bien provenant d’éléments de la nature, d’objets et d’êtres marqués par le sacré » (ibid.). Parallèlement, et cela intéressera l’anthropologie de l’art, les tableaux de fil invitent à s’interroger sur les mécanismes dont fait preuve une forme picturale pour traduire différents domaines d’expérience : le mythe, le rite, le politique, la technologie, les usages quotidiens ou encore les pratiques matrimoniales.

13 Les ethnologues trouveront dans ce livre une contribution indispensable à l’étude du symbolisme huichol. Et bien davantage encore, car l’analyse des cuadros de estambre menée par Perrin alimente la réflexion anthropologique contemporaine en ce qu’elle met en évidence un système de distribution ontologique indigène, traduit par le concept de vision et donné à voir sous la forme de récits pictographiques. Des dispositifs de mondiation y sont manifestés, au travers desquels le fond et la forme – sur les plans iconographique (sous-espaces vs motifs) et culturel (mythes vs rites) – s’engendrent et se définissent mutuellement. Ils caractérisent ces œuvres dont l’originalité réside dans le fait que la technique et le style pictural révèlent des actes de communication qui articulent pratiques sociales, récits mythiques, création artistique et connaissance ésotérique.

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 290

AUTEURS

YANN HUTIN

Laboratoire d’anthropologie sociale (Las, EHESS), Paris

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 291

LECOQ Patrice, Nouveau regard sur Choqek’iraw (Choque Quirao) : un site inca au cœur de la cordillère de Vilcabamba au Pérou Archeopress, Oxford, 2014

Laurent Segalini

RÉFÉRENCE

LECOQ Patrice, Nouveau regard sur Choqek’iraw (Choque Quirao) : un site inca au cœur de la cordillère de Vilcabamba au Pérou, Archeopress (Paris monographs in American Archaeology, 37 ; BAR International Series, 2669), Oxford, 2014, 343 p., bibliogr., ill., cartes.

1 Lancé en 2003, le programme de restauration et de valorisation du site inca de Choqek’iraw, fruit d’une coopération franco-péruvienne de grande envergure qui visait notamment à proposer une option touristique alternative à Macchu Picchu, site maltraité par l’afflux de centaines de milliers de visiteurs, trouve, avec ce volume, l’aboutissement de son volet strictement archéologique. Patrice Lecoq, responsable de l’équipe française, livre dans cet ouvrage, première monographie d’importance consacrée au site, le résultat d’une dizaine d’années de recherches : campagnes de fouilles effectuées sur les secteurs 9 et 13, investigations réalisées sur les édifices et structures les plus notables, sans négliger la question de l’insertion de Choqek’iraw dans la cordillère de Vilcabamba et celle de son inscription dans la durée.

2 L’ouvrage comprend trois parties, seize chapitres et d’abondantes illustrations. Il s’ouvre sur une description du site et de son contexte géographique, une histoire de sa fréquentation par les voyageurs et les explorateurs des XVIIIe et XIXe siècles qui nous ont laissé des témoignages écrits ou illustrés et une synthèse des travaux archéologiques

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 292

menés dans la région. Vient ensuite le compte rendu des campagnes de fouilles réalisées entre 2004 et 2006 dans diverses structures d’habitat des secteurs périphériques. La troisième partie offre, quant à elle, une tentative d’interprétation de la fonction du site, en particulier de sa dimension symbolique, à la lumière de l’ensemble des données disponibles. Les deux derniers chapitres sont consacrés au plus notable : les vingt-neuf terrasses du versant occidental ornées de mosaïques de pierre représentant des camélidés stylisés, unique exemple connu à ce jour de ce type de décorations murales d’époque inca. On conçoit aisément que la compréhension de ces mosaïques exceptionnelles, auxquelles l’auteur avait déjà consacré plusieurs articles, constitue, conjointement avec la question du statut et de la fonction du site, le point-clé de l’ouvrage. Dans ce contexte, la mobilisation de données toponymiques, historiques, ethnohistoriques et ethnographiques prend évidemment une forte ampleur et permet de soulever plusieurs points de grand intérêt, au-delà de la seule perspective archéologique.

3 Longtemps tenu à tort par les explorateurs du XIXe siècle pour le dernier bastion de la résistance inca repliée dans la cordillère de Vilcabamba – rôle dévolu en réalité à Vitcos et Vilcabamba –, Choqek’iraw n’en a pas moins été l’objet d’un enjeu stratégique dans le cadre des relations complexes entre les Incas retranchés et les Espagnols : le site figurait dans la zone dont l’Inca Sayri Tupac réclamait la restitution au vice-roi La Gasca comme l’une des conditions de sa reddition. Ce constat nourrit l’hypothèse développée par l’auteur (sur la base de travaux de Duffait) selon laquelle Choqek’iraw aurait été un domaine royal de l’Inca Tupac Inca Yupanqui, dixième souverain de la dynastie cuzquénienne, que son arrière-petit-fils aurait souhaité se voir restitué en qualité de chef du lignage. Cette idée est interrogée tout au long de l’ouvrage, appuyée sur des arguments architecturaux et urbanistiques et confortée par des témoignages ethnohistoriques attestant l’existence de vastes propriétés royales dans la zone. L’absence de données précises sur le fonctionnement et sur la vocation de ces sites n’autorise cependant que des suppositions assez générales : lieu de mémoire du propriétaire royal défunt, « vitrine » lignagère ou lieu de vie de certains descendants. Pour convaincante que paraisse la possibilité de voir dans Choqek’iraw une « terre royale », son attribution à Tupac Inca Yupanqui sur la seule base de la réclamation de la zone par Sayri Tupac n’en soulève pas moins bien des questions. Si la documentation exploitée par Rostworowski (1970) et Rowe (1987, 1997) suggère effectivement que d’autres cités de la région, au premier rang desquelles Macchu Picchu, ont pu appartenir à l’Inca Pachacuti, père et prédécesseur de Tupac Inca Yupanqui, les normes incaïques régissant la propriété et surtout la transmission des domaines royaux sont trop mal connues pour être affirmatif dans le cas de Choquek’iraw, d’autant que les propriétés bien identifiées de Tupac Inca Yupanqui se concentraient entre Chinchero, Guayllabamba et Maras, dans la vallée de l’Urubamba (Rowe 1997, p. 281-282). En fait, l’attribution du site à Tupac Inca Yupanqui à partir de la demande formulée par Sayri Tupac, chef supposé de Capac ayllu, repose sur un postulat discutable. En effet, d’après un document publié par Rowe (1985), il apparaît que si Capac ayllu comprenait effectivement les descendants de Tupac Inca Yupanqui, il ne s’agissait pas à proprement parler du lignage du souverain : les descendants de ce dernier n’en constituaient qu’une section dénommée Collana à laquelle s’adjoignaient, suivant une tripartition bien connue, deux autres subdivisions nommées Payan et Cayau qui rassemblaient les descendants de ses frères de sang, Amaru Tupac Inca et Auqui Tupac Yupanqui. Ainsi, comme d’autres sources le confirment, Capac ayllu aurait compris

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 293

l’ensemble des descendants de Pachacuti, issus de ses fils nés de la Coya Mama Anahuarqui, et constitué à ce titre le lignage principal de Pachacuti lui-même1. Dans ces conditions, même en considérant que Sayri Tupac ait pu réclamer la zone de Choqek’iraw en qualité de chef de Capac ayllu, rien ne permettrait d’assurer qu’il l’ait fait comme descendant de Tupac Inca Yupanqui ou de Pachacuti, voire de Huayna Capac. En réalité, Pachacuti, déjà propriétaire de terres et de résidences dans la cordillère de Vilcabamba, pourrait apparaître comme un titulaire plus vraisemblable pour Choqek’iraw.

4 S’agissant de cerner le statut et la fonction du site, l’hypothèse du domaine royal est élargie à une perspective plus religieuse et symbolique sans qu’il y ait là matière à contradiction. S’appuyant notamment sur les recherches historiques réalisées par Erwan Duffait, l’auteur rappelle que le site était vraisemblablement connu des Espagnols au moins depuis la fin des années 1530, puisqu’un village nommé Chuquicarando ou Chuquierrando (parfois Chuquitambo), situé dans la vallée de l’Apurimac, figure dans la liste des localités données en encomienda par Francisco Pizarro à son frère Hernando en 1539. Considérant qu’il s’agit là probablement de déformations d’un nom qui aurait alors été celui du site à la période inca, Lecoq consacre le chapitre V à la question des toponymes du lieu et de la région qui, selon lui, renverraient à « de nombreux sens symboliques quant à sa fonction possible [du site], notamment minière et cérémonielle » (p. 77). Une exploration détaillée de la sémantique de choque, terme associé à l’or, à la brillance et à la préciosité dans les lexiques aymaras et quechuas, permet d’ouvrir des pistes interprétatives multiples. La dénomination « berceau (k’iraw) d’or ou doré (choqe) » a-t-elle trait, comme le pensait Bingham, à la rutilance du site au coucher du soleil due à l’abondance du mica dans les roches locales ? Ou bien aux gisements miniers des alentours (essentiellement argentifères) dont le site aurait pu être le principal centre d’exploitation et de transformation ? Ou bien encore à une dimension symbolique du lieu et de la région ? Ces explications ne s’excluent pas nécessairement, mais, parmi celles-ci, la perspective « sacrale » semble avoir la préférence de l’auteur, comme en attestent les développements consacrés à la cordillère de Vilcabamba (« Plaine du soleil ») et à certaines de ses ressources (métaux précieux, mais aussi psychotropes, dont la villca, Anadenanthera colubrina), ainsi qu’aux noms des massifs environnant Choqek’iraw qui sont en relation plus ou moins directe avec le panthéon inca. Ainsi, Viracocha a donné son nom à plusieurs cerros de la région, de même que Chuqui Illa, divinité de l’éclair. La perspective qui a les faveurs de Lecoq est confirmée d’ailleurs par l’intitulé de la troisième partie de l’ouvrage, le site étant envisagé comme un « wak’a régional au cœur de la cordillère de Vilcabamba ».

5 L’enquête toponymique donne lieu à plusieurs développements à propos d’un wak’a homonyme de Cuzco, Choquequirao Puquio, mentionné par le chroniqueur Bernabé Cobo dans sa « Relación de los adoratorios del Cuzco » (Cobo 1956 [1653]), qui enregistre plus de 300 lieux sacrés disséminés dans la ville et ses environs, disposés sur des lignes imaginaires (ceques) rayonnant depuis le Coricancha. La comparaison entre les deux sites homonymes est une des pistes de recherche ingénieuses développées par l’auteur : elle s’inscrit effectivement dans ce qui semble avoir été une tendance culturelle à produire des « doubles », y compris dans les modes d’aménagement, matériels ou symboliques, de l’espace. Lecoq signale que la source de Choquequirao Puquio, située sur le quatrième ceque du quartier d’Antisuyu, avoisine – si toutefois l’identification proposée par Bauer (2000, p. 94) est exacte – des édifices associés à une

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 294

colline au sommet conique arasé dont la forme rappelle celle de la plate-forme (ushnu), également édifiée sur une colline tronquée, du site de la cordillère de Vilcabamba. Proposant que Choqek’iraw aurait pu avoir été conçu comme une sorte de « projection plus ou moins idéalisée » du wak’a cuzquénien, Lecoq reconnaît toutefois les limites de cette hypothèse, parmi lesquelles une peut néanmoins être écartée. Il est rappelé, en effet, que, tandis que Choqek’iraw aurait constitué « un patrimoine des lignages de Pachakuti ou de Tupaq Yupanki », le Choquequirao de Cuzco se situait sur un ceque associé à l’ayllu se réclamant de la descendance de Yahuar Huacac, septième souverain de la dynastie cuzquénienne. Or la documentation d’archives montre que, contrairement à une idée répandue, l’attribution de ceques cuzquéniens à certains lignages ou groupes sociaux (tel le quatrième ceque d’Antisuyu confié à l’ayllu Aucaylli panaca) n’impliquait pas la propriété du groupe sur l’espace associé au ceque qu’il avait à sa charge2. En réalité, plusieurs documents attestent au contraire que le Choquequirao de Cuzco serait longtemps resté propriété de descendants de Pachacuti Inca Yupanqui3.

6 L’essai d’interprétation des mosaïques spectaculaires du site, qui occupe les deux derniers chapitres de l’ouvrage, ouvre des pistes stimulantes. Ces images sont d’un abord délicat. Elles mobilisent des registres variés (géométriques et figuratifs) et occupent un espace discontinu (les terrasses à motifs géométriques – lignes brisées et damiers – surplombent les terrasses à motifs figuratifs, mais elles en sont séparées par un certain nombre de terrasses « vierges »). Par ailleurs, elles mêlent à des effets de stylisation une volonté d’individualisation, un fait notable dans le langage visuel inca, marqué par une forte tendance à l’abstraction et à la standardisation. De fait, aucune des vingt-quatre figures de camélidés ne ressemble à une autre et il est clair que ces dissemblances ne peuvent s’expliquer par l’effet de contraintes matérielles : certains lamas portent un fardeau, d’autres non, et plusieurs paires comportent des individus dont l’écart de taille est significatif, permettant de distinguer une femelle et son petit (no 8-9, 10-11 selon la numérotation de Copesco). Enfin, la composition du groupe des camélidés présente une complexité qui tranche avec la répétition rythmique des motifs, habituelle dans l’ornementation inca. L’auteur suggère que comme à d’autres périodes ou dans d’autres régions de l’aire andine où cette transposition a été appliquée à la décoration de la céramique ou à des peintures murales, la composition des mosaïques a pu être conçue selon des procédés empruntés à la confection textile, telle que la technique de la « trame enroulée » (p. 280). L’hypothèse secondaire que développe Lecoq, selon laquelle les mosaïques ont peut-être été conçues comme un tissu revêtant le lieu sacré, à l’image des pièces textiles dont on couvrait les wak’a (p. 282), doit cependant être nuancée par le fait que, précisément, l’ensemble des mosaïques s’écarte des codes des motifs textiles, non seulement par la singularité de chaque motif figuratif, mais aussi par la dissymétrie et l’arythmie apparente de la composition.

7 On distingue, d’amont en aval, trois « groupes picturaux » : des lamas adultes, probablement mâles, sur les quatre terrasses supérieures ; des femelles accompagnées de leurs petits sur deux terrasses ; puis deux caravanes de jeunes lamas (quatre groupes de trois individus) suivies d’un petit personnage, disposées sur treize terrasses. Pour analyser cet ensemble complexe, l’auteur adopte un découpage en dix unités de lecture constituées de un à trois motifs figuratifs, les « frises » géométriques étant traitées à part. En tenant compte des données numériques, de l’orientation des différents groupes, des effets de symétrie, mais aussi de la localisation des terrasses dans

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 295

l’ensemble du site, Lecoq avance un certain nombre d’hypothèses alimentées par des références ethnographiques et ethnohistoriques. Ces mosaïques « textiles » constituaient-elles une représentation codifiée de l’espace régional, à la manière de certaines pièces de tissus contemporaines (unkhuña) constituant les mesas des rites pastoraux et où s’exprime la représentation de l’espace où évolue la communauté, chaque lama en mosaïque y tenant un rôle comparable aux objets ou offrandes déposés sur lesdites mesas ? Faut-il y voir une représentation des différents étages écologiques et des diverses activités saisonnières de l’année agropastorale ? Reproduction des lamas dans les pâturages d’altitude à la saison des pluies (lamas adultes, femelles et petits des terrasses supérieures) et grandes caravanes de troc entre les hautes terres et le piémont amazonien à la saison sèche (lamas et petit berger des terrasses inférieures) ? En s’intéressant aussi à l’orientation des caravanes en mosaïques à certaines périodes de l’année (en particulier lors du solstice de juin) par rapport notamment à la Voie lactée et à la constellation du lama (Yacana), prototype des lamas terrestres dont elle garantissait la fécondité, l’auteur suggère finalement la possibilité de voir dans cet ensemble un véritable calendrier agropastoral. Mais peut-être faut-il aussi envisager le site lui-même comme un important wak’a régional ou bien encore comme un centre cérémoniel, voire un sanctuaire oraculaire, comme celui, voisin, d’Apurimac, que Lecoq semble d’ailleurs tenté d’identifier à Choqek’iraw (p. 308).

8 L’évocation conjointe d’étages écologiques et d’activités associées, correspondant à certaines périodes de l’année, représente une piste intéressante. Il resterait pourtant à expliquer les raisons de la figuration de ces phénomènes sur ce site précis et sous cette forme inédite. L’hypothèse d’un calendrier agropastoral complet, « destiné à organiser l’activité des communautés régionales tout au long de l’année » (p. 298), soulève quant à elle d’autres questions. De fait, elle impose de ne considérer, pour des raisons numériques, que les douze lamas des parties basses, correspondant aux petites et grandes caravanes de troc, en laissant de côté ceux des parties hautes. En outre, sauf à envisager les camélidés comme l’expression métaphorique de réalités plus générales, ce calendrier ne concernerait que les activités pastorales. Quoi qu’il en soit, les deux hypothèses débouchent sur une même interrogation : comment expliquer que l’illustration de faits de cet ordre prenne une forme à ce point sensationnelle (et inédite), dont la réalisation a nécessité une planification et une logistique importantes ?

9 On ne peut en tout cas faire grief à l’auteur de multiplier des interprétations dont il sait que l’articulation soulève plusieurs difficultés. Il fait preuve en fait d’une réelle générosité intellectuelle là où trop souvent dominent des thèses rigides et des présupposés de tous ordres. S’agissant des terrasses, quelle que soit la plausibilité de chacune des interprétations proposées, il reste néanmoins qu’elles semblent bien appartenir à un complexe dont la vocation cérémonielle – pas nécessairement exclusive d’ailleurs – apparaît très vraisemblable4. Concernant la relation que Lecoq envisage entre orientation des terrasses, Voie lactée et constellation du lama lors du solstice de juin, il pourrait être intéressant de tenter de prolonger la perspective comparative amorcée plus haut entre Choqek’iraw et le wak’a homonyme cuzquénien. De fait, si la « Relación de los adoratorios del Cuzco » ne précise pas les raisons du culte rendu à Choquequirao puquio, elle indique néanmoins qu’il s’agissait de l’un des six wak’a associés au cerro Mantocalla, « de gran veneración », impliqué en particulier dans les célébrations de l’Inti Raymi au mois de juin, où il tenait une place centrale, à la fois comme lieu cérémoniel et résidence ponctuelle pour l’Inca et ses proches (Molina 1989 [1575], p. 69-70). Par ailleurs, Zuidema identifie le secteur de Choquequirao puquio et

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 296

Callachaca à celui de la fameuse source de Susurpuquio. Là, le futur Pachacuti – encore lui – aurait reçu la vision divine lui garantissant sa victoire sur l’envahisseur Chanca et la promesse d’un règne glorieux renouvelant les anciennes structures de Cuzco, assimilant ainsi le prince au jeune soleil du solstice de juin, en opposition à son père, Viracocha Inca, souverain timoré refusant l’affrontement avec les Chancas, identifié au vieux soleil déclinant (Zuidema 1976, p. 204 et 213). Ces données, qu’il conviendrait de consolider, permettraient de mettre en relation la zone de Choquequirao puquio avec un complexe mytho-rituel lié au solstice de juin5. Ajoutons que l’association de camélidés à ce complexe, apparemment bien banale, n’en présente pas moins quelques singularités qui doivent être relevées. Sans même mentionner la relation avancée par Zuidema entre Catachillay (constellation du petit lama) et la vision de Pachacuti à Susurpuquio sur la base d’un poème quechua recueilli par Perez Bocanegra (Zuidema 1982, p. 215), on peut noter que dans l’une des variantes de la guerre contre les Chancas, le jeune prince fougueux (cette fois Viracocha Inca) se trouve exilé par son père hors de la cité et contraint d’officier comme pâtre de lamas du soleil dans la pampa de Chita. C’est là qu’il reçoit la communication divine l’encourageant à prendre la tête de la résistance contre l’envahisseur (Garcilaso 2003 [1609], Livre IV, chapitre XXI). Or Chita, espace de médiation marquant la frontière de la vallée de Cuzco, constitue également le point terminal des trois ceques d’Antisuyu associés au complexe mytho-rituel de l’Inti Raymi. De même, quoique le sacrifice de lamas et l’usage de miniatures de camélidés d’or ou d’argent aient été fréquents dans les pratiques cérémonielles, la description proposée par Molina des rites du solstice de juin menés sur la colline de Mantocalla met tout de même l’accent sur la procession de quatre camélidés métalliques grandeur nature, deux d’or (corinapa) et deux d’argent (colquinapa), portés sur des litières par les proches de l’Inca, en souvenir des lamas sortis de la caverne mythique de Tambotoco avec les premiers Incas (Molina 1989 [1575], p. 70).

10 Preuves du caractère éminemment stimulant de l’ouvrage, ces quelques observations montrent que cette première synthèse sur Choqek’iraw ouvre des pistes de réflexion qui, au-delà de l’intérêt propre du site, sont susceptibles d’alimenter notamment des questionnements soulevés par la projection dans l’espace géographique de certains schèmes de représentations incaïques.

BIBLIOGRAPHIE

Sources

BETANZOS Juan de 1987, Suma y narración de los incas, María del Carmen Rubio (éd.), Ediciones Atlas, Madrid [1551].

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 297

COBO Bernabé 1956, Historia del Nuevo Mundo. Obras, vol. 2, Ediciones Atlas (Biblioteca de autores españoles, 92), Madrid [1653-1656].

GARCILASO DE LA VEGA 2003, Comentarios reales de los incas, Mercedes Lopez-Baralt (éd.), Espasa-Calpe, Madrid [1609].

MOLINA Cristobal de 1989, Relación de las fábulas y ritos de los incas, dans Fábulas y ritos de los incas, Urbano Henrique et Pierre Duviols, Historia 16, Madrid [1575], p. 47-134.

SARMIENTO DE GAMBOA Pedro 2001, Historia de los incas, Miraguano Ediciones/Ediciones Polifemo, Madrid [1572].

Travaux contemporains

BAUER Brian 2000, El espacio sagrado de los incas. El sistema de ceques del Cuzco, CBC, Cuzco.

ROSTWOROWSKI María 1970, « El repartimiento de doña Beatriz Coya, en el valle de Yucay », Historia y cultura, 4, p. 153-267.

ROWE John Howland 1985, « Probanza de los incas nietos de conquistadores », Revista histórica, 9 (2), p. 193-245.

SEGALINI Laurent 2009, « Organización socio-espacial del Cuzco prehispánico: datos sobre la repartición de tierras de los grupos aristocráticos incas », Revista andina, 49, p. 105-133.

ZUIDEMA Reiner Tom 1976, « La imagen del sol y la huaca de Susurpuquio en el sistema astronómico de los incas en el Cuzco », Journal de la société des américanistes, 63, p. 199-230.

NOTES

1. « A los descendientes deste [Pachacuti] Ynga Yupanqui llamavan desde entonces hasta hoy Capac aillo Ynga Yupanqui Haguaymin que dice de linaje de reyes y descendientes y nietos de Ynga Yupangue » (Betanzos 1987 [1551], p. 150). « Capac Aillo que ellos dicen que era el linaje de Ynga Yupangue » (ibid., p. 194). Quant à Hatun ayllu, souvent considéré comme le groupe des descendants de Pachacuti, Sarmiento de Gamboa précise : « [Pachacuti Inca Yupanqui] tuvo cuatro hijos legítimos en su mujer Mama Anahuarqui, tuvo cien hijos varones y cincuenta hijas bastardas a los cuales por ser muchos llamó Hatun ayllu, que quiere decir gran linaje » (Sarmiento de Gamboa 2001, p. 127). La formule, quoique peu explicite, permet du moins de distinguer deux groupes de descendants de Pachacuti : d’un côté, des fils « légitimes », issus de Mama Anahuarqui (ancêtres à l’origine des différentes sections de Capac ayllu dans le document publié par Rowe) ; de l’autre, une vaste progéniture issue de femmes secondaires qui aurait composé Hatun ayllu. 2. Sur l’implantation territoriale des groupes aristocratiques cuzquéniens et la documentation correspondante, voir Segalini 2009.

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 298

3. Selon Bauer, un document daté de 1594 (BN/Virreinato, Real Audiencia, Asuntos Judiciales, B701, f. 3) laisserait entendre que Pachacuti Inca Yupanqui aurait possédé des terres à Choquequirao et Callachaca (Bauer 2000, p. 94, n. 19). « Chuquiquirao » figure par ailleurs dans un vaste ensemble de terres dont les membres de Capac ayllu et Hatun ayllu se voient confirmer la possession en 1575 (BN [Lima], B561, 1685, f. 27v). De même, en 1636, Ana Chuquirimay Ocllo, « descendiente de Pachacuti Ynga Yupangui », reçoit une provisión lui garantissant la protection de terrains qu’elle possède à « Cchoqueqquero Ccallachaca » (AHC, Titulos de tierras de Amaro Cancha, no 58, f. 29). 4. Comme le suggère Lecoq, il conviendrait en effet d’envisager une relation étroite entre les terrasses à mosaïques et les enclos à lamas situés en contrebas (p. 33 et 285), mais aussi probablement avec le « temple hurin » ou « temple principal », situé près de ces enclos, ainsi qu’avec la plate-forme tronquée (identifiée comme ushnu). 5. Offrant un support astronomique à ce complexe, le 6e ceque d’Antisuyu qui traversait la zone, permettait, selon Zuidema, l’observation du lever du soleil à cette période de l’année (Zuidema 1976, p. 121).

AUTEURS

LAURENT SEGALINI

Docteur en anthropologie, Institut des hautes études de l’Amérique latine (Iheal), Centre de recherche et de documentation des Amériques (Credal, UMR 7227)

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 299

ITIER César, Viracocha o el océano, naturaleza y funciones de una divinidad inca Instituto Francés de Estudios Andinos/Instituto de Estudios Peruanos, Lima, 2013

Pablo F. Sendón

REFERENCIA

ITIER César, Viracocha o el océano, naturaleza y funciones de una divinidad inca, Instituto Francés de Estudios Andinos/Instituto de Estudios Peruanos, Lima, 2013, 95 p.

1 Según una parte de los estudios etnohistóricos dedicados a los incas, Viracocha es el Dios « creador » o « hacedor » de los astros y de los hombres. Sin embargo, y como se observa al comienzo de esta obra, el vocabulario de la lengua quechua de Diego González Holguín (1608) registra una discrepancia aparentemente pasada por alto: Viracocha es « epíteto » del sol, es el « nombre » del Dios que adoraban los indios. En esta dirección, el presente libro propone una lectura alternativa de la mitología y de la religión inca a partir de un análisis filológico (e histórico-filológico) de las fuentes con miras a retomar el problema de la naturaleza de Viracocha, su posición y función dentro del panteón inca y su relación con el sol.

2 Lo primero que cabe destacar es que para la época de la llegada de los españoles el significado de Viracocha había sido olvidado y fue materia de especulación entre los primeros cronistas. Su caracterización como « Ser Supremo creador de todas las cosas » fue resultado de un proceso de cristianización en el que participaron los propios cronistas – quienes concibieron que la creencia, todavía imperfecta, en un ser de dicha naturaleza era un hecho entre los habitantes del Perú antes de su llegada – y sus informantes incas – quienes, para la segunda mitad del siglo XVI, habían sido convertidos al cristianismo. Este proceso redundó en una ecuación entre Viracocha y

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 300

Dios que encontró su contraparte en la ecuación de los supay y huaca del panteón local con el « demonio » (o « ídolo ») cristiano, en una suerte de « monoteización » de la religión inca. La divinización de los astros, por su parte, fue atribuida a un error intelectual. El recurso al análisis filológico invita a ir más allá del resultado del proceso resumido y perfilar los contornos de las divinidades locales sin mayor necesidad de proyectar « una categoría extraña al sistema religioso autóctono » (p. 10). En los párrafos que siguen sólo procuraremos ofrecer los resultados generales alcanzados en esta empresa.

3 Viracocha es la versión cuzqueña de una divinidad similar que, en el centro y norte del Perú, es conocida como Huari y en la costa como Huichama. En cualquiera de sus versiones, se trata siempre de una divinidad agrícola estrechamente vinculada con el sol que destruye, o manda a destruir a través de él, una primera humanidad (presolar) antes de que surja la humanidad actual consagrada a la agricultura de riego. Las etimologías de los términos wari y wiraqucha remiten a este acto y concretización del surgir: « gente del amanecer » y « mar de la gente del amanecer », tratándose, en un caso, de los hombres que salen de las entrañas de la tierra y, en el otro, del mar de donde surgen los ancestros de los agricultores de riego. En efecto, wiraqucha es el océano que sostiene y circunda la tierra y, además, es el « mar de grasa » (o « sebo »), con el sentido vital asociado al segundo de los términos.

4 La principal función de Huari o Viracocha es la de otorgar – y velar por – el agua necesaria para el feliz desenvolvimiento de la agricultura de riego. La naturaleza de esta entidad es fundamentalmente acuática, tratándose del « agua subterránea que abastece el conjunto de las redes hidrográficas locales » (p. 46) y, como tal, es la divinidad principal de las poblaciones que habitan y usufructúan los valles y quebradas mediante sistemas de riego artificial. A su vez, Huari o Viracocha presenta una naturaleza unitaria y múltiple, tratándose de un ser a la vez universal y específico de un lugar, o, mejor dicho, de « una especie de prototipo con hipóstasis o epifanías locales » (p. 48). Entre los prototipos individuales de la familia de los Viracocha destaca Ticsi Viracocha(n), tratándose en este caso de una divinidad unitaria de la región del Cuzco, diferenciada de otras hipóstasis locales. El análisis de los muchos sentidos de tiqsi en su asociación con el nombre wiraqucha nuevamente confirma su naturaleza acuática: « (el) Viracocha base (del mundo) » o « (el) océano base (del mundo) » (p. 59), es decir, la extensión acuática sobre la que descansa el mundo y en la que cada noche el sol se hunde para volver a surgir en el siguiente amanecer.

5 ¿Cuál es, entonces, la relación entre Viracocha y el sol? Ya hemos visto que la ecuación creador = criatura no refleja la conceptualización indígena de sus divinidades. Tampoco lo hace, advierte Itier, la ecuación señor = criado. Entre los incas, el culto solar detenta una dimensión política ajena en principio a Viracocha (divinidad agraria): el soberano se identifica con el astro, su esposa principal con la luna y los señores locales con el lucero matutino, existiendo una íntima compenetración entre las jerarquías cósmica y social. Ahora bien, el sol no es sólo una divinidad sino una pluralidad de divinidades. Las crónicas permiten identificar al menos dos series de tríadas: sol-día-trueno o también sol mayor-sol hijo (« día »)-hermano sol, identificado este último con una « virtud de criar » y por tanto plausible de ser también identificado con el mismo Viracocha (« fecundador del suelo »). Crítica de información adicional mediante, Itier concluye que Viracocha es « un miembro de la familia solar », más específicamente « un sol hermano de Inti » (p. 70). He aquí la razón por la cual González Holguín definió a

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 301

Viracocha como epíteto del sol: « Viracocha, “mar de la gente del (primer) amanecer” era una de las denominaciones por las cuales los incas se referían a uno de los componentes de la tríada solar. El lexicógrafo jesuita acertó en entender que Viracocha y el Sol eran idénticos en esencia. No entendió, sin embargo [que] Viracocha y el Sol se distinguían por su envoltura corporal: el “cuerpo” de Viracocha era el océano, mientras que el de Inti era un astro que circulaba de noche por ese océano y de día por el cielo » (p. 71).

6 Las distintas figuras del sol mencionadas líneas arriba ascienden, en rigor, a cuatro: sol, día, Viracocha y trueno (o « relámpago »). Trueno-relámpago era objeto de culto entre los incas y también estaba representado mediante tres estatuas en el Coricancha. Documentación procedente de la antigua provincia de Cajatambo (Lima) permite identificar al trueno con el « sol de la estación seca ». A propósito de ello se propone, a manera de hipótesis, extender esta identificación a la relación Viracocha-Sol. Es decir, tanto Viracocha como Rayo se identifican con sol, pero el primero lo hace en la estación de las lluvias y el segundo en la estación seca. Esta hipótesis encontraría sus fundamentos en las « concepciones ontológicas andinas » relativas a la « permeabilidad de los seres », en el sentido de que « un ser puede acoger dentro de sí, temporal o permanentemente, una parcela o un desdoblamiento de otro ser » (p. 75). Sol se encuentra también afectado por esta permeabilidad ontológica: cuando es invadido por rayo (en la estación seca) pierde temporalmente parte de sus poderes de fecundación dotados por Viracocha (en la estación de las lluvias). Esta permeabilidad entre los seres remite a un sincretismo temporal con fundamentos políticos: al integrar en su ser a océano y rayo, sol es objeto de adoración tanto de los agricultores de riego de valles y quebradas como de los agricultores de secano y los pastores de puna: « el papel de sol en el plano cósmico resulta así análogo al que desempeñan los incas a nivel político » (p. 78). La dualidad ontológica del sol no supone un equilibrio simétrico, ya que el astro pertenece a la esfera acuática de Viracocha. Y océano no « creó » a los hombres de las entrañas de la tierra ni a los astros de sus propias profundidades, sino que los « animó » (p. 83).

7 Estas breves líneas apenas hacen justicia a la calidad del análisis filológico (e histórico- filológico) sobre el que se erigen los cimientos que sostienen esta obra. Queda en manos de los especialistas en filología quechua y etnohistoria del Perú antiguo evaluar las conclusiones propuestas de manera pormenorizada. En lo que concierne al lector profano que escribe estas líneas, la inevitable escasez de la información de base relativa a muchas esferas de la sociabilidad del Perú prehispánico le lleva a preguntarse si algunos problemas que quieren ser resueltos pueden efectivamente serlo.

AUTORES

PABLO F. SENDÓN

Conicet, Argentina

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 302

BESSIRE Lucas, Behold the black caiman. A chronicle of Ayoreo life The University of Chicago Press, Chicago/Londres, 2014

Alfonso Otaegui

REFERENCIA

BESSIRE Lucas, Behold the black caiman. A chronicle of Ayoreo life, The University of Chicago Press, Chicago/Londres, 2014, 314 p., bibliogr., index, ill., photos.

1 En su libro Behold the black caiman. A chronicle of Ayoreo life (que podría traducirse como Contemplad el caimán negro. Una crónica de vida ayoreo), Lucas Bessire sigue de cerca el destino de un pequeño grupo de ayoreo totobiegosode que salió del monte en 2004 y el de otros ayoreo ya contactados décadas antes. El autor se esfuerza desde el comienzo por distanciarse de las dinámicas interpretativas habituales que hablarían del contacto como degradación, como pérdida de una tradición hasta entonces inalterada. En vez de ello, Bessire propone estudiar el devenir de los ayoreo, y se aboca a defender la capacidad de auto-objetivación de este grupo. El libro abarca una amplia variedad de temas, desde el análisis de mitos y fórmulas de cura, el uso de nuevas tecnologías, la conversión al cristianismo, hasta el rol que misioneros, antropólogos y ONG han jugado en la vida e historia de este grupo del Chaco boreal.

2 En cuanto a su estilo narrativo, el libro está muy bien escrito y su lectura es llevadera. Las numerosas anécdotas – instiladas generalmente al comienzo y a final de cada capítulo – ilustran las problemáticas discutidas y le dan una textura de « experiencia vivida » a la investigación. Bessire nos permite de ese modo percibir, como en una crónica, las vidas de los ayoreo en el Chaco paraguayo y en Bolivia.

3 Si bien la variedad de temas abarcados es amplia, hay una serie de ideas rectoras que atraviesan toda la obra. Bessire postula aquí fundamentalmente la necesidad de abandonar el estudio de una alteridad radical indígena – espacio de la no- modernidad –, y concentrarse en el devenir, en el « llegar a ser » (« becoming ») de los

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 303

ayoreo, reconociéndoles su capacidad para la autodeterminación ontológica. El autor discutirá a lo largo de toda la obra con la figura del antropólogo primitivista que va al campo a registrar costumbres del pasado, y que está ciego frente a la realidad presente. También irá contra el « giro ontológico » – en particular el perspectivismo –, y analizará las consecuencias políticas que – a juicio del autor – esa propuesta acarrea. Bessire analiza incisivamente el papel que juegan las ONG en el campo ayoreo, sus estrategias focalizadas en los grupos aislados y las consecuencias nocivas que esas políticas tienen para los « ex-primitivos », carentes de suficiente alteridad.

4 El autor construye la figura alegórica del caimán negro como una imagen de incertidumbre, violencia y muerte que en cierto modo representa las ambigüedades del ser ayoreo en el mundo actual. Podría decirse que el siguiente párrafo constituye una síntesis de la obra, por resumir su experiencia de campo, aludir a las perspectivas contra las que discute e ilustrar su estilo confrontativo:

Only one thing was clear: the archetypes of primitivist anthropology were nowhere to be found. Instead of psychosocial types like the Chief, Shaman, Warrior, and Enemy, I found diabolical spirit anthropologists, partially reconstituted souls, bulldozers, madness, addicts. Instead of animism, I found apocalypticism. Instead of jaguars who are humans, I found Indians who were animalized. Instead of wisely multinaturalist primitives crossing human/nonhuman divides at will, I found increasingly sharp and nonnegotiable divides between nature and culture, primitive and human, past and future (p. 15).

5 Ahora pasaremos a una revisión de la obra, capítulo por capítulo. En el primer capítulo, « The devil and the fetishization of tradition » (« El diablo y la fetichización de la tradición »), hace una revisión del trabajo de sus predecesores y construye la figura del abujá – antropólogo en la lengua de los ayoreo –, con la que discutirá a lo largo de toda la obra.

6 Según indica Bessire, para los ayoreo el abujá es una figura trickster, lleno de dinero y dulces palabras, que busca cosas del pasado, es un ser del que desconfían y que catalogan como ayudante del demonio. Bessire analiza el uso ayoreo de la imaginería del demonio para hablar de los antropólogos. Llama la atención en el análisis la ausencia de mención a los misioneros New Tribes Mission, que han catalogado las antiguas creencias ayoreo como diabólicas (Von Bremen 1988). Bessire señala que en otros casos – como los putumayo en Colombia o los toba occidentales en Argentina – esa imaginería es usada por los indígenas para interpretar las inequidades del capitalismo y hacer frente a la explotación. Se pregunta entonces qué pueden tener en común el patrón de una mina, el administrador de una plantación y un etnógrafo de los ayoreo, y explicará que – mediante un proceso de alienación de los ayoreo y fetichización de la tradición –, así como el patrón de la mina trafica con plata o el administrador de una plantación con trabajo asalariado, un abujá trafica con tradición.

7 El autor analiza el trabajo de sus predecesores (Bórmida, Von Bremen, Fischermann, entre otros), y elabora una interpretación alternativa de los mitos , que será indispensable para el argumento general de la obra. Bessire va contra el animismo y el perspectivismo que suponen que animales y humanos comparten una misma interioridad desde tiempos inmemoriales y contra la lectura de Sebag de que los animales serían humanos que renunciaron a su humanidad. Más bien, argumenta Bessire, los seres primigenios ayoreo eran proto-humanos amorales y sin sociedad. Es a través de sucesivas transformaciones que se genera la sociedad humana con una guía

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 304

moral, ya que cada proto-humano al transformarse en animal dejaba a los demás – que aún no tenían reglas de comportamiento – una regla o enseñanza y un canto de cura. Los elementos centrales para la reproducción social no existieron siempre, sino que surgieron en esas transformaciones. Esa interpretación le permitirá al autor poner en valor la transformación, y cuestionar la atribución a los ayoreo – por parte de los abujá – de una esencia estable y una alteridad radical. Bessire analiza las consecuencias políticas que se derivan de tal violencia hermenéutica, entre ellas la negación a los ayoreo de su capacidad de transformación y auto-objetivación. Esa antropología focalizada en la tradición, argumenta el autor, implicó la omisión voluntaria de las condiciones de generación del conocimiento antropológico y de las desiguales relaciones con los ayoreo que este implicaba.

8 En el segundo capítulo, « The lost center of the world » (« El centro del mundo perdido »), Bessire se adentra en la etnohistoria de los ayoreo con el fin de poner a revisión el lugar común de que los ayoreo son un pueblo guerrero, violento y territorial.

9 El capítulo se concentra en Echoi, salinas que eran el centro del territorio ayoreo, cerca de la frontera entre Paraguay y Bolivia, siempre descrito como escenario de numerosas batallas. Bessire encuentra relatos de batallas allí, pero también otros que – sorprendentemente para lo que se conoce en la literatura – describen Echoi como un centro de alta efervescencia social, donde los grupos realizaban intercambios, arreglaban matrimonios y celebraban el importante ritual del cambio de estaciones. Algunos ayoreo lo describían como un paraíso, otros – con el recuerdo fresco de enfrentamientos –, preferían no hablar. El autor realiza entonces un recorrido etnohistórico sobre esa zona desde las misiones jesuíticas en el siglo XVIII hasta después de la Guerra del Chaco, y explica que así como varió la percepción sobre esa zona – desde un paraje edénico hasta un infierno verde –, también se transformó la visión sobre los grupos que la habitaban.

10 El autor describe la presión constante sobre el territorio ayoreo desde comienzos del siglo XX, con el establecimiento de colonias menonitas y la Guerra del Chaco, y sugiere que la violencia externa sobre los ayoreo fue amplificada en guerras internas. Indica que hacia 1930 la paz en Echoi fue rota, hubo grandes enfrentamientos internos y el otrora lugar de encuentros se contaminó de sangre derramada. En ese punto hubiera sido interesante que el autor dialogara en mayor profundidad con la obra de la etnohistoriadora del Chaco Isabelle Combès (a la que refiere en otros puntos), quien otorga mayor peso a los factores internos, tales como la formación de la confederación del líder Uejai en los años 1920, que unió los grupos del sur contra los del norte y contra los totobiegosode (2009, p. 115). En este capítulo, como a lo largo de toda la obra, merece destacarse la gran base de información de relatos orales y el análisis minucioso de informaciones en apariencia contradictorias.

11 En el tercer capítulo, « Hunting Indians » (« Cazando indios »), Bessire abordará los primeros pasos de los misioneros New Tribes Mission, la noción de etnocidio, la « recolección de almas » y los antropólogos que recolectan tradición. El capítulo comienza recapitulando los eventos de fines de 1986. Un grupo de ayoreo de la misión de Campo Loro fue a contactar ayoreo totobiegosode que vivían en el monte y cuyo campamento había sido divisado por un piloto de los New Tribes Mission. Los totobiegosode, al ver llegar a los visitantes, mataron cinco de ellos antes de acordar salir en términos pacíficos. El caso tuvo revuelo internacional: varias ONG y

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 305

agrupaciones indigenistas elaboraron documentos que hablaban de etnocidio, y condenaban la acción de los New Tribes Mission llamándola « caza de indios ». Bessire se distancia de esas interpretaciones (« This narrative is also an origin myth for the political anthropology of indigeneity », p. 86). El autor asegura que los totobiegosode no lo veían como una caza de indios – más bien estaban de acuerdo con la versión de los misioneros e inclusive estaban contentos de haber sido contactados, querían salir del monte: « We were happy when they captured us, because we no longer were happy in the forest […] » (p. 90). Ese punto de vista era común entre los totobiegosode, afirma el autor. Para comprender el deseo de buscar parientes en el monte y traerlos al mundo de los contactados, Bessire retraza la historia de los primeros contactos en Bolivia con los New Tribes Mission. Explicará que los misioneros que recolectan almas se parecen a los antropólogos que recolectan tradición: ambos en algún punto buscan extraer algo inmaterial y extremadamente valioso – almas para unos, tradición para otros – de unos seres degradados (pecaminosos o aculturados). En la tensa situación de contacto, los ayoreo ofrecían a los misioneros una imagen aún más salvaje – por ejemplo, se incrementaba el número de infanticidios –, lo que justificaba aún más la necesidad de ir a contactarlos y salvarlos. Esa disfuncionalidad – la de que en algún punto, los misioneros creaban los salvajes que salvarían luego – era funcional a la misión. Esta dinámica contradictoria de la « caza de indios », indica el autor, sería parte también del proceso civilizatorio en general – por ejemplo con los aché en Paraguay – y hasta de la etnografía – con el caso de Jean Vellard que cazaría indios para obtener muestras de sangre. Ese no-sistema, señala Bessire, funcionaba gracias a sus contradicciones, y uno de sus pilares es justamente la noción de etnocidio ya que implica la defensa de una alteridad radical (a su vez funcional al proyecto colonial):

It does not question Indian alterity but reifies it anew. That is, the notion of ethnocide is a key colonial metanarrative that inverts and naturalizes the operations of colonial subjugation (p. 107).

12 En el capítulo 4, « Mediating the new human » (« Mediando el nuevo humano »), el autor se consagra al estudio del uso de la radio UHF en las comunidades ayoreo y a la transformación del principio anímico ayipie en el seno del nuevo contexto, Cojñone-gari (el presente en contacto con los blancos). El intenso uso de la radio en las comunidades ayoreo ha sido visto por otros investigadores como una continuidad con el pasado y como un ejercicio contrahegemónico. Es interesante en ese sentido la perspectiva diferente de Bessire, quien aborda la radio como una práctica que tiene sentido dentro del proceso – para los ayoreo – de volverse « gente nueva ». No se trata de analizar el contenido de los mensajes – que suele tratar sobre Dupade (dios) y sobre el estado de salud de parientes y amigos –, señala Bessire, sino de que la materia del principio anímico ayipie circula por las ondas de radio. El ayipie « was this kind of soul matter that Ayoreo believers imagined to have been transformed by conversion to Christianity. It was a barometer of moral standing and physical health and personal agency » (p. 116). Hay más bien una ruptura a nivel moral entre el Erami (el mundo del monte, del pasado) y el Cojñone- gari (el presente en interacción con los blancos). En ese proceso hay una transformación del principio anímico ayipie, necesaria para devenir humanos nuevos. La radio es un medio para la transmisión y transformación del ayipie.

13 En el capítulo 5, « Apocalypse and the limits of transformation » (« Apocalipsis y los límites de la transformación »), Bessire discute sobre la transformación como una estrategia propiamente ayorea de auto-objetivación, describe la cristiandad ayorea y

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 306

explica el surgimiento de una visión apocalíptica, que permitiría a los ayoreo sobrellevar las extremas condiciones de pobreza.

14 El autor realiza una crítica a la visión de la conversión ayorea por parte de los antropólogos del Chaco. Estos últimos verían la conversión como una evidencia de etnocidio, o bien como una pátina que ocultaría una alteridad radical. En esos modelos, señala Bessire, la « cristiandad indígena » sólo puede ser entendida en una relación de continuidad o ruptura con el pasado, y se los ve como regímenes de valores incompatibles. El autor señala que esos modelos no sirven para comprender las practicas ayoreas de la fe, cuya heterodoxia creativa les ha servido como herramienta para volver habitable su posición como pueblos indígenas.

15 Los ayoreo, nos explica el autor, ven una ruptura entre la vida en el monte y la vida actual, pero no como la imaginan las ONG o los misioneros. Los ayoreo ven una discontinuidad entre la vida en el monte y la vida entre los blancos análoga a la discontinuidad entre proto-humanidad y sociedad humana en los mitos (siguiendo la interpretación que Bessire había ofrecido en el primer capítulo). Bessire explica la conversión de los ayoreo al cristianismo con la dinámica del « tocar », proceso por medio del cual se adoptaban (o capturaban) enemigos. Así, los primeros ayoreo de Bolivia al ser contactados, fueron « tocados » por los misioneros. Explica a continuación como la conversión implica una transformación – o directamente un reemplazo – del principio anímico ayipie, proceso necesario para vivir en el mundo actual.

16 En ese proceso de transformación, la vergüenza es el sentimiento que define el devenir « gente nueva », lo que es tratado en el capítulo 6, « Shame and the limits of the subject » (« Vergüenza y los límites del sujeto »). En el dominio del monte era necesario imponerse y dominar animales, plantas y enemigos. En el nuevo dominio de Cojñone- gari, la ecología moral ha cambiado y la vergüenza es parte de ella (lo que se debe en parte a la relación con Dupade, pero también al desprecio que suelen ejercer los blancos con los ayoreo).

17 En el capítulo 7, « Afliction and the limits of becoming » (« Aflicción y los límites del devenir ») se dedica a dos casos extremos dentro del espacio ayoreo, el urusoi y las puyedie, para luego discutir las contradicciones de las políticas multiculturales en América Latina. El urusoi corresponde a una enfermedad que en épocas de pre contacto implicaba para el que la sufría volverse animal: el urusoi huía al monte y se movía y comía como una iguana. El urusoi en la era post-contacto en cambio, argumenta Bessire, se vuelve un ayoreo no contactado (rompe artilugios de los blancos). Las puyedie son las consumidoras de pasta base en Santa Cruz de la Sierra, marginales entre los marginales. Ambos comportamientos marcan los extremos del espacio moral ayoreo, « the interruption of moral humanity » (p. 175). Desde el punto de vista de los que lo padecen – el urusoi y las puyedie –, es un modo radical de transformarse negativamente (p. 176). Bessire contrasta estos ejemplos de marginalidad extrema con las esperadas ventajas de una ciudadanía « post-multicultural » en América Latina. El autor analiza las contradicciones de las políticas multiculturales, entre ellas cómo se han reforzado regímenes de lo que Didier Fassin denomina « biolegitimidad » (p. 177), que produce nuevas desigualdades. Tanto es así que la cultura como derecho colectivo se basa en una noción estable y marcada de alteridad, lo que llevará a definir ciertos sujetos como « indígenas autorizados », mientras que otros « ex-primitivos » – o « aculturados » – quedarán aún más marginados o, para usar la terminología del autor, « hipermarginalizados »:

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 307

Hypermarginality can be defined as a novel regime of social depersonalization and structural violence deriving from the instrumental conflation of politically authorized culture and Indigenous biolegitimacy across distinct political domains (p. 184).

18 Finalmente, el capítulo 8 « The politics of isolation » (« La política del aislamiento ») analiza todo lo que se despliega alrededor de la protección de los grupos aislados: aspectos legales, la biolegitimidad, el accionar de las ONG compitiendo por financiamiento, y el relegamiento de los ya contactados que carecerían de suficiente alteridad. En este interesante capítulo Bessire analiza y desmantela los presupuestos implicados en las acciones de las ONG y explica cómo, en un intento por proteger a los indígenas aislados, terminan perjudicando a los contactados desde hace tiempo y reproduciendo lógicas coloniales. En cierto punto – explica el autor – la defensa del derecho al aislamiento se basa en la idea de que los límites de la cultura son fronteras permanentes a ser defendidas (p. 206). Esta política, con su énfasis en la estabilidad de la alteridad – una estabilidad frágil, por cierto – no es apta para pensar la transformación y la auto-representación, proceso sobre el que el autor se ha concentrado a lo largo de la obra. Hace un minucioso análisis del trabajo de las ONG en Paraguay – fundamentalmente dos que trabajan con ayoreo – y de cómo esas organizaciones no dejan protagonismo ni autonomía a los ayoreo:

Whereas Indigenous groups elsewhere have « turned to cultural forms of political struggle in direct defense of the reproduction of their lives, » both Paraguayan NGOs acted as if preserving pure culture required denying Indigenous peoples the capacity for self-objectification (p. 210).

19 Behold the black caiman es una obra que por su estilo y desarrollo argumental interpela al lector y lo moviliza, lo que merece destacarse de un libro. Si bien la argumentación a lo largo de la obra es clara, su discusión con ciertas propuestas teóricas no siempre lo es. A veces es difícil seguir el hilo que va de la crítica de un concepto antropológico a sus nefastas consecuencias políticas, e inclusive en ocasiones el autor llega a esquematizar en exceso el perspectivismo con el que discute (aunque también es cierto que desarrolla con mayor extensión esas críticas en otra publicación, cf. Bessire y Bond 2014). En otras ocasiones es difícil entender con precisión el uso que el autor hace de « ontología ». Hubiera sido interesante, en su crítica a la atribución de ontologías estables, que desarrollara esa noción (al respecto, ver las interesantes reflexiones sobre el uso de « ontología » en antropología en Severi 2014), ya que de hecho es una noción útil para el autor (quien hablará de « ontological self-determination », « ontological transformation », « ontological senses of being in the world », « ontological murkiness of the colonial encounter », etc.). La obra presenta, no obstante, un claro abordaje en pos del estudio del devenir ayoreo.

20 Behold the black caiman. A chronicle of Ayoreo life es una obra ante la cual es difícil permanecer indiferente – sobre todo si uno es antropólogo o miembro de una ONG – dado que los interrogantes que despierta sobre el papel de la disciplina y las políticas indigenistas trascienden ampliamente el caso ayoreo. Tanto por su sólida base etnográfica, como por su actualidad y relevancia, Behold the black caiman es una obra de referencia en la etnografía del Chaco.

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 308

BIBLIOGRAFÍA

BESSIRE Lucas y David BOND 2014, « Ontological anthropology and the deferral of critique », in American ethnologist, 41 (3), p. 440-456.

BREMEN Volker von 1988, Los ayoreos cazados, Servicios Profesionales Socio-Antropológicos y Jurídicos, Asunción.

COMBÈS Isabelle 2009, Zamucos, Éd. Nómades/Insituto de Misionología (Scripta autochtona, 1), Cochabamba.

SEVERI Carlo 2014, « Transmutating beings. A proposal for an anthropology of thought », in HAU: Journal of ethnographic theory, 4 (2), p. 41-71.

AUTORES

ALFONSO OTAEGUI

Instituto de Ciencias Antropológicas, Facultad de Filosofía y Letras, Universidad de Buenos Aires

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 309

VAN VALEN Gary, Indigenous agency in the Amazon. The Mojos in liberal and rubber-boom Bolivia, 1842-1932 University of Arizona Press, Tucson, 2013

David Jabin

RÉFÉRENCE

VAN VALEN Gary, Indigenous agency in the Amazon. The Mojos in liberal and rubber-boom Bolivia, 1842-1932, University of Arizona Press, Tucson, 2013, 250 p., bibliogr., index, ill. noir et photos noir et blanc, cartes, tabl., glossaire.

1 Son titre ne le laisse pas présager, mais cette recherche historique est une contribution de valeur à la réflexion sur les mouvements messianiques indigènes en Amérique du sud tout autant qu’un apport original à la connaissance des libéralismes latino- américains. Gary Van Valen s’intéresse ici aux premières réformes et au boom du caoutchouc dans la région bolivienne des llanos de Mojos dans le but de comprendre les stratégies indigènes adoptées en réponse à ces profonds bouleversements.

2 C’est la raison principale qui pousse l’auteur à analyser cette histoire à l’aune d’un concept à la mode : celui d’agentivité (agency). Chez les descendants des néophytes des anciennes missions jésuites de Mojos, cette agentivité prend de multiples formes comme les migrations, le millénarisme, la participation politique, l’usage du discours des dominants et la manipulation de leurs concepts et de leurs catégories. Parmi la diversité des réponses indigènes présentées, le mouvement messianique connu sous le nom de Guayochería forme le cœur de l’ouvrage.

3 Six chapitres se suivent de manière chronologique. Ils traitent d’abord de l’histoire des habitants de Mojos dans leur ensemble, puis se focalisent graduellement sur les groupes ethniques de langues arawak connus aujourd’hui comme Mojeños. Face au traitement historiographique traditionnel de la fièvre du caoutchouc en Amazonie, Van

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 310

Valen défend une vision plus nuancée. En effet, selon lui, « après examen approfondi de l’histoire de Mojos, l’idée que le boom du caoutchouc fut une période préjudiciable à tous les Indiens à toutes époques n’est plus défendable ». Sans nier les aspects extrêmement négatifs de ce cycle extractiviste (déplacement de population, esclavage pour dette, groupes ethniques décimés, etc.), Van Valen se refuse à l’application indiscriminée d’un tel jugement « largement valide dans le cas des groupes indigènes vivant hors de l’autorité de l’État dans le nord de Bolivie », mais « qu’on ne peut appliquer à la région de Mojos qui fut transformée sans être dévastée par la fièvre du caoutchouc » (p. 5).

4 Le premier chapitre est une introduction synthétique à la géographie et à l’histoire de cette région de plaines alluviales où les jésuites installèrent de nombreuses missions dès la fin du XVIIe siècle. Pour Van Valen l’acceptation de la présence jésuite fut un choix conscient des Mojos qui obtinrent ainsi une protection contre les raids esclavagistes mais aussi un accès au sel et au fer. Avec leurs missionnaires « les Mojos créèrent une culture missionnaire viable basée sur l’agriculture, l’artisanat et l’élevage » (p. 27), sur la répartition de ces productions (temporalidades) et sur une vie rituelle syncrétique. Dans chaque mission on distinguait deux groupes parmi les néophytes : la familia (une élite composée de leaders politiques, de chanteurs, d’assistants religieux et de différents corps d’artisans) et le pueblo (force de travail sous les ordres de la familia). L’introduction du cabildo indigenal (1701) donna à certains membres de la familia un rôle de gestion des temporalidades et une position de médiation entre les jésuites et le gros de la population. Cette organisation et la nouvelle identité indigène qui en découla résisteront à la sécularisation des missions qui suivit l’expulsion des jésuites, tout comme à l’arrivée du libéralisme et à l’épisode de la fièvre du caoutchouc.

5 L’État libéral qui fit suite à l’indépendance de la Bolivie vit dans les territoires missionnaires autonomes un obstacle à ses desseins progressistes et donc à son développement économique. L’année 1842 marque précisément l’ouverture de Mojos au libéralisme. À cette date, le gouvernement créa le département du Beni en séparant le territoire de Mojos du département de Santa Cruz. Par de nombreux décrets le gouvernement du président Ballivián mit en place des réformes libérales. De cet ensemble complexe de mesures, il faut retenir deux traits fondamentaux : la volonté d’incorporer les Mojeños à la nation par la citoyenneté et l’introduction de la propriété privée là où régnait la propriété communale. Mais il est important de comprendre que l’idéologie libérale s’exprimait à tous les niveaux. Ainsi, cette volonté de modernisation s’appliqua autant aux plans urbains qu’à l’architecture, à l’éducation ou encore au développement des voies de communication nationales et internationales. Ces changements radicaux amenèrent dans le Beni fraîchement créé de nouveaux acteurs. Premièrement, les fonctionnaires boliviens remplacèrent, du moins en partie, les prêtres à la tête des anciennes missions, en tant que représentants de l’État. Deuxièmement, l’arrivée d’autres carayanas – les descendants d’européens – fut encouragée par des mesures leur facilitant l’accès à la propriété foncière. Les premières unions matrimoniales entre familles carayanas et élites mojeñas ne tardèrent pas, marquant la participation de ces dernières aux politiques locales. Van Valen conclut à l’échec de l’application de ces réformes et ajoute qu’elles furent dans leur ensemble préjudiciables aux Mojeños. Cependant l’auteur ajoute que jusqu’en 1860 – date à laquelle des patrons boliviens se lancent dans l’extraction de caoutchouc sur le Madeira – les choses n’ont pas vraiment changé dans la région : « il y avait, pour les

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 311

étrangers, peu de raisons de venir au Beni et pour les indigènes, peu de raisons de le quitter » (p. 56).

6 Une description du boom du caoutchouc dans le contexte bolivien des années 1860 aux années 1880 suit ce chapitre sur l’arrivée du libéralisme au Beni. Cette période débute par l’augmentation des activités commerciales boliviennes sur le cours du Madeira, les patrons carayanas faisant appel à la force de travail des Indiens du Beni pour le travail dans leurs barracas (centres d’exploitation du caoutchouc) mais aussi pour le transport fluvial. À cette époque, des barracas étaient établies sur le cours moyen du fleuve Beni, une région où les populations indigènes furent décimées. Bien que souffrant de l’exploitation des carayanas, les Mojeños « incorporés à la société latino-américaine » depuis plus d’un siècle et demi vécurent cette période de manière radicalement différente (p. 67). Pour le démontrer l’auteur décrit de manière précise les conditions de travail des Mojeños, s’agissant du travail de récolte du caoutchouc, du transport fluvial, de la construction du chemin de fer Madeira-Mamoré. Pour Van Valen, il n’existe pas vraiment de preuves de l’existence d’un système d’enganche ou de dette et de travail forcés concernant les Indiens du Beni qui, du moins dans le cas des barracas situées au-delà des rapides du Madeira, pouvaient facilement se soustraire à l’autorité de leurs patrons. La vie dans ces barracas semble avoir permis aux Mojeños de s’organiser en communautés et de maintenir certains aspects de la vie rituelle en vigueur à Mojos. En prenant le contre-pied de l’historiographie classique, l’auteur soutient même que le boom du caoutchouc permit aux Mojeños de bénéficier de conditions de travail moins dures que sur le fleuve Beni, mais aussi d’éviter de payer les taxes et tributs en vigueur dans les anciennes missions. Pour nuancer cette idée, Van Valen note que les Indiens du Beni furent beaucoup plus durement exploités, après 1880, dans les barracas située plus au sud dans le territoire bolivien (p. 89). Dans les anciennes missions de Mojos, le boom du caoutchouc provoqua un déclin démographique, une baisse de la production artisanale et le délabrement de l’organisation économique mise en place à l’époque jésuite. Dans le même temps, le nombre d’alliances matrimoniales entre les élites de Mojos et les carayanas augmenta de manière importante. Ces mêmes élites des cabildos acquéraient peu à peu des terres à des peones et devenaient des agents incontournables pour recruter la main-d’œuvre nécessaire aux carayanas pour le transport fluvial et le travail de plus en plus contraignant des barracas. Les élites mojeñas servaient les carayanas qui défendaient les intérêts du caoutchouc. Pour échapper à ce contrôle, les gens du commun optèrent alors pour diverses stratégies dont la plus importante aux yeux de l’auteur se trouve être la migration.

7 Le quatrième chapitre s’attache à la méticuleuse reconstruction et à l’analyse d’un mouvement migratoire en particulier : la Guayochería. Sous la pression croissante née des réformes libérales et de l’accroissement de la demande de main-d’œuvre liée au caoutchouc, de nombreux indigènes quittèrent Trinidad, la capitale du Beni, pour former de nouvelles communautés dans les pampas situées au sud-ouest de cette ancienne mission jésuite. Ce mouvement migratoire avait débuté depuis quelques décennies quand, en 1886, pour remédier au manque de main-d’œuvre, les autorités de Trinidad tentèrent d’étendre leur contrôle sur la région. Les carayanas rencontrèrent alors une résistance organisée autour de la personne d’un vieil homme habitant la nouvelle communauté de San Lorenzo : Andrés Guayocho. Usant d’une technique de ventriloquie, ce chamane donnait la parole à de puissants esprits comme Jésus-Christ ou d’anciens leaders trinitarios connus pour s’être opposés aux carayanas. Selon la

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 312

rumeur, il exhorta par ce moyen les habitants de Trinidad à fuir et à venir le rejoindre avec leur bétail avant que la ville ne soit inondée. Les habitants de San Lorenzo firent de Guayocho leur cacique et fondèrent autour de lui un nouveau cabildo, marquant leur volonté de mener leur vie économique et spirituelle à l’écart de Trinidad. Aucun cabildo n’avait été créé dans la région depuis le XVIIe siècle. C’était aussi la première fois qu’un cabildo était établi de manière indépendante par des indigènes, chose qui se reproduisit régulièrement depuis (et se reproduit toujours aujourd’hui).

8 En tentant de reprendre le contrôle par la force, les autorités carayanas de Trinidad provoquèrent une révolte des partisans de Guayocho. Le mouvement fut réprimé dans le sang après des mois d’une âpre lutte durant l’année 1887 et son leader brutalement assassiné sans jugement par les militaires envoyés en représailles par le préfet du Beni. San Lorenzo fut rasé et le mouvement dispersé, mais le gouvernement national désavoua la politique du préfet en le destituant de ses fonctions et en prenant des mesures de protection en faveur des Indiens.

9 La mort de Guayocho et la dispersion de ses partisans ne marquèrent cependant pas la fin de la Guayochería. En effet, San Lorenzo fut refondé quelques années plus tard et les Trinitarios fondèrent de nouveaux cabildos à l’ouest du Mamoré. La résistance trinitaria s’organisa alors autour d’un personnage au profil très différent mais non moins charismatique : Santos Noco Guaji, le nouveau cacique de San Lorenzo. Pendant plus de quarante ans, soit jusqu’au début des années 1930, ce leader héritier de l’œuvre de Guayocho réussit, par d’habiles jeux politiques, à maintenir les carayanas en respect tout en renforçant l’indépendance administrative de San Lorenzo. Dans un style radicalement différent de celui de son prédécesseur, grâce à la négociation et à l’utilisation des concepts du libéralisme, il sut maintenir l’autonomie de San Lorenzo en mettant dos à dos les élites locales, le gouvernement national et les franciscains.

10 En contrepoint de ces développements sur les entreprises d’Andrés Guayocho et Santos Noco, le dernier chapitre montre l’évolution de la condition indigène dans les anciennes missions de Trinidad et San Ignacio durant cette même période (1880-1930). De plus en plus nombreux, les carayanas accaparèrent les meilleures terres pour y développer l’élevage et la culture de canne à sucre grâce à la main-d’œuvre de peones indigènes.

11 L’auteur a su relever le défi qu’il s’était fixé : montrer que la Guayochería est une réponse indigène aux méfaits des développements économiques particuliers que subirent les llanos de Mojos dans la deuxième moitié du XIXe siècle. Cet essai historique qui nous mène des lendemains de l’indépendance bolivienne à la veille de la guerre du Chaco fait écho à de nombreuses analyses des stratégies politiques indigènes et intéressera autant les historiens que les spécialistes de l’anthropologie politique. Contribution intéressante à l’histoire du Beni, Indigenous agency in the Amazon représente aussi une source d’inspiration pour repenser les mouvements messianistes et millénaristes indigènes dans le bassin amazonien. On regrettera néanmoins que l’auteur n’ait pas pris la peine de mentionner certains travaux historiques et anthropologiques publiés entre la fin de son doctorat, il y a 10 ans, et la parution du présent ouvrage. En effet, plusieurs auteurs spécialistes de la région travaillent ou ont travaillé sur les thématiques abordées par Van Valen. Sans prétendre à l’exhaustivité, on pense en particulier aux travaux de Guiteras Mombiola (2010, 2011a, 2011b, 2012) sur la propriété foncière et l’utilisation de la main-d’œuvre indigène, à ceux de Vallvé (2010) et de Córdoba (2012) concernant le boom du caoutchouc en Bolivie, mais aussi

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 313

aux articles de García Jordán (2004) et Saito (2004) sur les mouvements messianiques et le culte des morts.

BIBLIOGRAPHIE

CÓRDOBA Lorena 2012, « El boom cauchero en la Amazonía boliviana: encuentros y desencuentros con una sociedad indígena (1869-1912) », in Diego Villar et Isabelle Combès (éd.), Las tierras bajas de Bolivia: miradas históricas y antropológicas, Museo de Historia-El País, Santa Cruz de la Sierra, p. 125-156.

GARCÍA JORDÁN Pilar 2004, « La Guayochería. Conflicto y violencia en el Beni boliviano en la segunda mitad del siglo XIX », in José Antonio Munita Loinaz (éd.), Conflicto, violencia y criminalidad en Europa y América, Publicaciones de la Universidad del País Vasco, Vitoria-Gasteiz, p. 305-330.

GUITERAS MOMBIOLA Anna 2010, « Los indígenas benianos en el acceso a la propiedad de la tierra y la constitución de una sociedad de frontera en la Boliva republicana, 1842-1951 », Boletín americanista, 60, p. 67-89.

2011a, « La mano de obra indígena en el comercio fluvial del Beni (Bolivia) en la segunda mitad del siglo XIX », Bulletin de l’Institut français d’études andines, 40 (3), p. 511-532.

2011b, « Propiedad indígena y titulación de tierras en la Amazonía boliviana, 1842-1880 », Caravelle, 96, p. 35-50.

2012, De los llanos de Mojos a las cachuelas del Beni 1842-1938: conflictos locales, recursos naturales y participación indígena en la Amazonía boliviana, Itinerarios (Scripta Autochtona, 10), Cochabamba, Bolivia.

SAITO Akira 2004, « The cult of the dead and the subversion of state justice in Moxos, lowland Bolivia », Journal of Latin American lore, 22 (2), p. 167-196.

VALLVÉ Frederic 2010, The impact of the rubber boom on the indigenous peoples of the Bolivian lowlands (1850-1920), Ph.D. en histoire, Georgetown University, Washington.

AUTEURS

DAVID JABIN

Centre d’enseignement et de recherche en ethnologie amérindienne (Erea) du Laboratoire d’ethnologie et de sociologie comparative (Lesc, UMR 7186), Nanterre

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 314

TALADOIRE Éric, D’Amérique en Europe. Quand les Indiens découvraient l’Ancien Monde (1493-1892) CNRS, Paris, 2014

María Agustina Morando

RÉFÉRENCE

TALADOIRE Éric, D’Amérique en Europe. Quand les Indiens découvraient l’Ancien Monde (1493-1892), CNRS, Paris, 2014, 286 p., bibliogr., index, append., tabl.

1 Le débarquement de Christophe Colomb en Amérique constitue un événement majeur reconnu universellement dans presque tous les domaines (géographie, historie, pharmacie, religion, entre autres). Un événement que l’historiographie a abordé trop souvent du seul point de vue des conquistadores en laissant de côté l’Autre Amérindien. Voilà pourquoi, alors que trop de textes se consacrent à l’étude de l’impact de la venue des conquistadores européens en Amérique, D’Amérique en Europe. Quand les Indiens découvraient l’Ancien Monde (1493-1892), vise à récupérer l’expérience des Amérindiens qui ont effectué la traversée inverse vers l’Ancien Monde en tant qu’esclaves, serviteurs, représentants politiques des élites indigènes, curiosités ethnographiques ou alliés militaires.

2 Dans ce sens, l’intérêt de l’ouvrage d’Éric Taladoire est d’abord de documenter les différents types de voyages des indigènes en Europe à partir de la récupération et de l’analyse de sources archivistiques d’époque (chroniques, écrits littéraires, correspondances, entre autres) minutieusement abordées et classées. Pour cela, l’auteur fournit au lecteur un inventaire minutieux où sont relevés non seulement les noms de ces voyageurs, mais aussi les dates, les destinations et la diversité de leurs conditions.

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 315

3 Une lecture d’ensemble nous permet de diviser cet ouvrage en deux parties. La première propose, en huit chapitres, une description des différents voyages effectués par des Amérindiens en Europe entre 1493-1616. En effet, esclaves, serviteurs, caciques et métis, entre autres, effectuent à partir de ce moment des voyages dans les divers pays européens, particulièrement l’Espagne, l’Angleterre et la France.

4 Au sein de cet ensemble très divers, le contingent le plus représentatif en termes quantitatifs est celui des esclaves et des serviteurs qui s’occupaient des tâches domestiques, de prendre soin des enfants et de la cuisine – ce qui a provoqué des changements notables dans les pratiques alimentaires, par l’introduction en Europe de plantes originaires d’Amérique comme le maïs, la tomate, les haricots, le cacao. Ceci a aussi influencé profondément les systèmes agraires européens, puisque les plantes américaines dépendent de sols et de climats différents (Marchenay et al. 2000-2004 ; Crosby 2003).

5 Pourtant, les Amérindiens n’ont pas seulement voyagé en Europe en tant qu’esclaves et serviteurs, mais encore en tant que curiosités pour les citoyens européens. C’est le cas des démonstrations de lutte, des combats navals ou des jeux de balle mis en scène pour les autorités et pour le public européen en général.

6 Un autre cas est celui des membres d’élites indigènes qui voyagent en Europe. Par exemple, la délégation des nobles mexica qui ont accompagné Cortés à son retour en Espagne en 1528 (p. 42). D’autres nobles ont voyagé en Europe pour s’y réfugier et échapper à des crises politiques ou des tentatives de révolte. Mais ce ne sont pas seulement les dirigeants de haut rang qui ont fait cette traversée vers l’Ancien Monde : des personnages de moindre rang (riches, commerçants, nobles provinciaux) sont aussi partis en Europe en mission politique.

7 Pendant cette période historique, la présence de métis, en Amérique comme en Europe, acquiert aussi une importance stratégique. On trouve dans ce groupe des personnages célèbres, tel que l’Inca Garcilaso de la Vega, considéré comme le premier écrivain péruvien et fils de Sebastián Garcilaso de la Vega y Vargas et de la princesse Isabel Chimpu Ocllo, descendante de l’Inca Huayna Capac. Du fait de leur richesse, de leur pouvoir et de leur influence politique, la Couronne espagnole a cherché à intégrer ce groupe particulier à la vie des élites européennes.

8 Les sources documentaires décrivent des cas similaires de métis dans d’autres pays comme la France et l’Angleterre (p. 53). L’un des plus connus est celui de Pocahontas, fille du chef Powhatan de Virginie Wahunsunacock, qui arrive à Londres en 1616 avec son époux, John Rolfe, et son fils, l’un des premiers métis anglais connus d’après les sources (p. 62 ; Vaughan 2006). Ce cas est également intéressant parce qu’il soulève une question importante : celle de l’espionnage. En effet, Pocahontas, incitée par son père, parcourait les campements européens pour en ramener des informations aux Powhatan (Sturtevant 1976). Néanmoins, l’espionnage existait déjà chez les Amérindiens et, chez les Aztèques et les Incas (Innes 1971), l’auteur remarque la présence d’espions qui connaissaient la langue des Espagnols et qui étaient envoyés dans les campements européens pour mesurer le danger (p. 66).

9 La deuxième partie de l’ouvrage aborde les voyages vers l’Europe entre 1616-1892, période inaugurée par la visite de Pocahontas en Angleterre. Au contraire des décennies antérieures, les grandes métropoles européennes commencent à perdre de l’importance et les capitales des vice-royautés (Lima, Mexico, Carthagène, Buenos

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 316

Aires) commencent à traiter la plupart des questions politiques, économiques et sociales, sans recourir aux institutions et aux autorités européennes.

10 De plus, pendant cette période et suite à l’application des Leyes Nuevas, proclamées en 1542 par Charles Quint, l’activité esclavagiste diminue considérablement. Pourtant, quelques dizaines de cas témoignent encore de l’existence de ce trafic. En effet, Taladoire souligne l’existence, dans les gazettes et les journaux, d’annonces relatives à la disparition ou à la fuite d’esclaves indigènes et des offres de récompense en cas d’informations.

11 Comme les esclaves et les serviteurs, les métis aussi traversent l’Atlantique au cours de cette période, mais ils le font plus rarement. Quant aux élites indigènes, elles se sont déjà confondues avec celles de Nouvelle-Espagne, ou se sont installées en Espagne et intégrées à la société européenne. Cependant, l’auteur constate la présence en Europe de voyageurs amérindiens considérés comme de potentiels alliés militaires et politiques. Outre le voyage de Pocahontas en Angleterre, Taladoire mentionne d’autres cas qui servent à illustrer ce phénomène. Par exemple, vers la fin des années 1620, le fils d’un cacique de l’île de Saint-Christophe visite Londres. En 1634, un cacique de Mosquito Coast (au Nicaragua actuel) voyage aussi en Angleterre pour le compte de Warwick dans le but d’établir, sans succès, une alliance formelle contre les Espagnols. Ainsi, ces voyages procurent des bénéfices politiques notables aux les autorités européennes comme aux Amérindiens, avec notamment l’établissement de négociations, d’alliances politiques et la signature de traités. En effet, durant la période coloniale et le XIXe siècle, les puissances européennes d’abord et plus tard les États américains ont signé environ 1 500 traités avec différentes tribus, ce qui implique leur reconnaissance formelle (p. 130).

12 Une autre facette de ce phénomène historique est la participation jamais interrompue des Amérindiens dans des spectacles et des expositions (reconstitutions d’attaques et de convois, compétitions équestres ou de tir à l’arc). Par exemple, en 1825, une exposition sur l’art hispanique montée par William Bullock présentait la reconstitution d’une hutte devant laquelle se tenait un indigène originaire du Mexique (p. 159). Ces acteurs percevaient une rémunération de 25 dollars par mois pour les hommes et de 10 pour les femmes. Quelques années plus tard, les Amérindiens deviennent une curiosité scientifique comme le montrent les séries d’exhibitions organisées dans le Jardin d’acclimatation à Paris : Inuits (1877), Fuégiens (1881), Araucans (1883), entre autres (p. 169). Le cas le plus notable est celui des Kalina guyanais et surinamiens qui voyagent en 1892 à Paris pour participer à une exposition au Jardin d’acclimatation. Leur séjour est marqué par le décès de trois d’entre eux et les survivants rentrent en Amérique avec plusieurs malades (p. 170). Cet événement change définitivement l’image des Amérindiens en Europe au XIXe siècle et conclut la deuxième partie de cet ouvrage.

13 Dans la conclusion de l’ouvrage, l’auteur vise à démanteler quelques idées fortement établies dans les études historiques de la conquête de l’Amérique et d’abord le fait que, durant la période historique en question, les voyages se seraient accomplis à sens unique, d’Europe en Amérique. Un autre point contesté par l’auteur est l’image largement répandue des Amérindiens comme sujets passifs dans cette conjoncture historique. Bien au contraire, la présence des Amérindiens dans l’Ancien Monde a eu des effets notables sur l’histoire européenne, par exemple dans les domaines de la médecine et de la pharmacopée, ou encore du point de vue de l’apport intellectuel des indigènes et des métis comme l’Inca Garcilaso de la Vega.

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 317

14 Cette brève présentation a voulu rendre compte de la diversité des études de cas, tous méticuleusement étudiés, qui décrivent une conjoncture historique particulière en évoquant des apports historiographiques successifs. Taladoire offre dans ce livre beaucoup plus qu’un simple ensemble d’histoires sur les voyages des Amérindiens vers l’Europe, en les inscrivant dans un cadre temporel particulier et en se penchant sur leurs raisons, leurs explications et leurs conséquences.

BIBLIOGRAPHIE

CROSBY Alfred 2003, The Columbian exchange. Biological and cultural consequences of 1492, Greenwood Press, Westport.

INNES Hammond 1971, Los conquistadores, Elzévir-Sequoia, Paris.

MARCHENAY Philippe, Jacques BARRAU et Laurence BÉRARD 2000-2004, « Polenta, cassoulet et piperade. L’introduction des plantes du Nouveau Monde dans les cuisines régionales », JATBA, revue d’ethnobiologie, 42, p. 65-80.

STURTEVANT William 1976, « First visual images of native America », in Frei Chiappelli (éd.), The impact of the New World on the Old, University of California, Berkeley.

VAUGHAN Alden 2006, Transatlantic encounters: American Indians in Britain, 1500-1776, Cambridge University Press, New York.

AUTEURS

MARÍA AGUSTINA MORANDO

Conicet, Argentine

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 318

YAYA Isabel, The two faces of Inca history: dualism in the narratives and cosmology of ancient Cuzco Brill, Leiden, 2012

Pablo F. Sendón

REFERENCIA

YAYA Isabel, The two faces of Inca history: dualism in the narratives and cosmology of ancient Cuzco, Brill, Leiden, 2012, XII-296 p., bibliogr., ill., cartes.

El estudio del parentesco inca, y en particular el examen de las reglas de descendencia, la transmisión de nombres y las preferencias matrimoniales, ha sido decisivo para alcanzar esta perspectiva renovada sobre las representaciones históricas. La perspectiva adquirida a través de este análisis exige una aproximación a la historiografía inca en la que la historia y la antropología sean dominios de investigación interrelacionados y cruzados, y cuya meta no sea reconstruir acontecimientos pasados o estructuras sociales fijas, sino más bien desentrañar cómo los incas referían su pasado así como delinear los contornos de formas alternativas de representación histórica (p. 259)1.

1 Como queda explicitado en el párrafo anterior, el propósito de este libro no es presentar una historia de los incas sino descubrir y analizar la historia de los incas. Ello presenta de inmediato una primera dificultad: la ausencia de registro escrito – uno de los registros, no el único ciertamente, contemplado por el historiador o el antropólogo interesado en materias del pasado – procedente del cincel o de la pluma de los propios incas. Los escritos más tempranos acerca de ellos y de su historia provienen de la pluma de cronistas ibéricos – y, en menor medida, de escritores americanos educados al amparo del cristianismo – de los siglos XVI y XVII, instruidos o no en la lengua general del imperio. A esta primera dificultad se le añade una segunda: lejos de constituir un corpus documental coherente y acumulativo, las crónicas dedicadas a los incas son disonantes, inconsistentes e incluso contradictorias entre sí. En lugar de rendirse ante

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 319

la heterogeneidad de la evidencia, la autora de este libro hace de ella una virtud al ponderar que estas mismas inconsistencias son las que informan acerca de una forma alternativa de relatar y concebir la historia. La historia inca no es una historia, sino un conjunto de narrativas históricas que nos ha sido legado como tal. De aquí el fundamento de uno de los supuestos más importantes de la obra, y la razón para revisitar este corpus documental: « la consciencia histórica inca, incluso forzándola en categorías ajenas, impregna las crónicas y puede recuperarse en parte » (p. 17). Esta historiografía (i.e., estas narrativas históricas) ha sido elaborada en « un marco cultural basado en el dualismo » (p. 6), de modo que incursionar en torno de ella involucra también una aproximación diacrónica al tema del dualismo y de la organización dualista. En síntesis, el tema subyacente a lo largo del libro es una « nueva evaluación de las tradiciones históricas incas a través del lente de las oposiciones dualistas » (p. 18) entendidas, estas últimas, en términos asimétricos y jerárquicos.

2 Como no podía ser de otra manera, entonces, el libro está organizado en dos grandes partes, la primera dedicada a la organización social y a las políticas de reproducción del grupo de descendencia real y la segunda a las estructuras de la cosmología y la naturaleza de los principales ancestros divinos de la elite reinante. Es decir, la historia inca son las historias narradas por la elite inca y, en este sentido, el libro busca « entender un aspecto particular del Tawantinsuyu en calidad de poder imperial: la formación de la identidad de su elite a través de medios narrativos, rituales y cosmológicos » (p. 22). Debido a la extensión, profundidad y seriedad con la que fueron abordados los distintos problemas – cada uno de los cuales podría ser materia de discusión en una única reseña –, resulta imposible para quien escribe estas líneas abordar todos ellos, de modo que lo que resta de estas notas se concentrará en la primera parte, prestando especial atención al tema del parentesco2.

3 Quizá la disonancia más estridente que dejan entrever las crónicas consiste en la heterogeneidad de los soberanos incas consignados en ellas y la imagen estandarizada de una genealogía real que asciende a once o doce reyes antes de la guerra fratricida entre Atahualpa y Huascar al momento de la llegada de los españoles. Junto con la genealogía real, algunas de las crónicas brindan información acerca de la existencia de linajes reales consistentes en la descendencia de reyes difuntos. Cada uno de estos linajes, designado con el término panaca, « según el autor más prolijo sobre el tema y cuyos comentarios dejaron una impronta de larga duración en la percepción moderna sobre la dinastía inca […] fue fundado tras la muerte de un soberano y pertenecía a una u otra de las dos mitades que dividían el Cuzco en cuartos residenciales. Los linajes procedentes de los primeros reyes de la dinastía estaban afiliados y poblaban Hurin Cuzco, la parte baja. Los descendientes de los últimos soberanos pertenecían y ocupaban Hanan Cuzco, la parte alta » (p. 31). No sólo existe en las crónicas discrepancias sobre los nombres de los reyes que conforman la genealogía real sino también sobre la secuencia de liderazgos de una y otra mitad (i.e., de los fundadores de linajes de cada una de ellas).

4 Dejando de lado el problema que involucra la trágica desaparición de las primeras y la falta de consenso unánime en torno del sentido que guardan los segundos, Yaya reconoce en las pinturas – tablones y lienzos – y en los cantos rituales conservados en los khipus dos formatos de trasmisión de la historia oral de la elite cuzqueña. En relación con los segundos, la autora precisa que ellos « no constituían un registro exhaustivo de la historia inca, sino más bien ofrecían una valoración selectiva de los

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 320

logros alcanzados por una figura ancestral » (p. 46). Es decir, « el exclusivo apego de estas épicas con individuos particulares era tal que su trasmisión permanecía dentro de la esfera de parentesco del gobernante cuya vida era recordada. De esta manera, cada panaca estaba a cargo de mantener viva la memoria y la energía vital de su ancestro momificado » (p. 47). Ahora bien, « la sujeción de los cantos históricos a linajes individuales significó también que ellos eran contingentes a los intereses de los miembros de las panacas a la hora de hacer valer el legado de sus propios ancestros. En Cuzco, donde varios grupos de descendencia mantenían relaciones tensas entre sí y competían por cargos influyentes, las diferencias en la percepción de los acontecimientos históricos habría sido particularmente exacerbada » (ibid.). Aquí es donde precisamente radica la peculiaridad de la historiografía inca en relación con registros posteriores: « En esta sociedad estratificada donde los vínculos de parentesco y el mérito excepcional definían el acceso a la autoridad, las narrativas históricas habían sido instrumentos de legitimación política y por lo tanto objetos de contienda mucho antes de la implementación de la administración española » (p. 48). La historia inca, entonces, es el resultado de las narraciones históricas producidas en un estado de contienda permanente por los miembros de la elite inca, es decir, el ayllu real y las panacas o los linajes de los reyes difuntos. De aquí las discrepancias registradas en las crónicas.

5 Las versiones sobre la dinastía inca informan acerca de dos modalidades de oposición en mitades: una basada en las relaciones de parentesco y la otra en la historia en un sentido laxo del término. Esta última oposición está relacionada con dos tipos de narrativas históricas relativas a la regla de sucesión real: la primogenitura y el mérito personal o, en otros términos, la insistencia en la perpetuación a través del tiempo de características estructurales de la descendencia real, por un lado, y el juego de intrigas para la toma del poder por parte de personajes « ajenos » a la línea de descendencia real, por el otro. Para acceder a los fundamentos culturales de la asimetría de esta oposición, la autora interpreta el grupo descendencia real (Qhapaq Ayllu) desde la perspectiva que ofrece el modelo del « clan cónico » – ideado con anterioridad para interpretar algunas características de la organización social del Cuzco prehispánico y otras latitudes.

6 En su versión cuzqueña, el clan cónico o el ayllu real « estaba compuesto de una línea mayor principal de la que procedían una variedad de ramificaciones llamadas panacas, las cuales formaban los linajes menores [sublineages] de las mitades asimétricas del Cuzco. Cada una de estas ramificaciones trazaba su descendencia de algunos de los gobernantes pasados cuyas historias de vida habían sido preservadas y quienes eran considerados descendientes directos del ancestro apical » (p. 61)3. La « distancia genealógica » (p. 66) que separaba a cada fundador de estas ramificaciones del ancestro fundador del Qhapaq Ayllu determinaba el lugar que ocuparía en el orden jerárquico de la capital imperial. El ordenamiento de los segmentos de la jerarquía se vería trastocado ante la contingencia histórica de una sucesión que no se ajustara a la regla de la primogenitura y que encontrara su razón de ser en el mérito personal (y las intrigas palaciegas correspondientes) del futuro rey: « En este sentido, las sucesiones reales por lo general provocaban una disrupción en el orden social preexistente que modificaba la posición del Qhapaq Ayllu, la línea principal » (p. 67). Al decir de la autora, estamos en presencia de una « práctica de reordenamiento de la jerarquía de prestigio cada vez que una panaca diferente derrocaba a la casa real que ocupaba el poder » ( ibid.). Las disonancias, inconsistencias o contradicciones que recogen las crónicas dejan de ser

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 321

tales cuando se aprecia que las diferentes narrativas expresan la tensión inherente a un modelo dinástico y un sistema dinámico en busca de expansión. Esto no significa que el orden de la jerarquía en tanto tal se viera cuestionado: « la apertura de la monarquía a las contingencias históricas y a las hazañas individuales no desafiaban la estructura jerárquica del sistema de descendencia […] ya que cada nuevo gobernante, cualquiera fuese su cercanía genealógica a la línea principal, se servía de al menos tres estrategias de legitimación de parentesco: la sanción divina, el matrimonio y la reorganización jerárquica de las panacas alrededor de su persona » (p. 91)4. Las « historias de vida » y la « genealogía inca » son los dos géneros de la historia inca, las dos caras de su historia, y como tales encuentran expresión también en las narraciones de los vínculos que los incas supieron forjar con otros hombres y con sus dioses5.

7 El empleo que hace Yaya del modelo del clan cónico es original y está lleno de matices imposibles de ser incorporados aquí. Conscientes de ello, nos permitimos realizar dos observaciones finales que entendemos pertinentes para una eventual discusión a futuro sobre el particular. En primer lugar, el clan cónico es un modelo de organización social – entre otros modelos con base parental que fueron diseñados o importados para interpretar la organización social del Cuzco prehispánico –, que no necesariamente tiene que encontrar un correlato empírico. En este sentido, el recurso a criterios genealógicos para explicar aspectos definitorios del funcionamiento de una sociedad acerca de la cual no existen registros de este tipo (i.e., genealogías) no deja de ser problemático. Ello no significa que en calidad de herramienta heurística concebida con el fin de iluminar aspectos que no se circunscriben al ámbito estricto de las relaciones de parentesco el empleo del modelo sea desestimable. Eso sí: una cosa es sostener que la historia inca es el resultado de las narraciones enunciadas por grupos en pugna por el poder en un escenario de contienda y otra, muy distinta, es precisar y definir los respectivos estatus de los grupos en cuestión en función de su cercanía o lejanía genealógica de un ancestro ápice cuando, insistimos, no existen registros genealógicos que permitan hacerlo. En segundo lugar, la propia existencia de las panacas ha sido recientemente cuestionada. En efecto, en 2011 César Itier publicó un artículo titulado « Las panacas no existieron » en el que buscó demostrar que el término panaca no significa « linaje real » ni ningún otro tipo de grupo de parentesco. Esto presenta un severo problema al modelo del clan cónico empleado por Yaya: como se recordará este consiste en una línea principal de la que proceden una variedad de ramificaciones llamadas panacas que formaban linajes menores o « sublinajes ». Si las panacas no son « linajes » ni « grupos de parientes » se estaría incurriendo en un empleo erróneo del término, del tipo que observó Itier. Esto no significa que Itier niegue la existencia de linajes en el Cuzco incaico. Sin embargo, tampoco los define de manera explícita más allá de su asociación con el término « ayllu »6. Resta saber entonces si las características que definen a « las » panacas – sin ser en rigor agrupaciones de parientes – en el modelo del clan cónico sirven para caracterizar a los « linajes » de Itier o a los « sublinajes » de Yaya. Y de no ser el caso, quedaría por definir qué son los « linajes » y/o los « sublinajes » en la morfología social del Cuzco prehispánico. Sería entonces deseable para quienes estamos interesados en estas materias que los especialistas del Cuzco antiguo se pronunciasen al respecto con miras a resolver problemas como los que plantean algunos de los temas tratados en el libro comentado hasta aquí. Y sería aún más deseable que ello no se tradujese en un intercambio injurioso de saberes o ideas (Zuidema 2013; Itier 2013b).

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 322

BIBLIOGRAFÍA

ITIER César 2011, « Las panacas no existieron », in Willem F. H. Adelaar, Pilar Valenzuela Bismarck y Roberto Zariquiey Biondi (eds.), Estudios sobre lenguas andinas y amazónicas. Homenaje a Rodolfo Cerrón- Palomino, Fondo Editorial de la Pontificia Universidad Católica del Perú, Lima, p. 181-193.

2013a, Viracocha o el océano, naturaleza y funciones de una divinidad inca, IFEA/Instituto de Estudios Peruanos, Lima.

2013b, « Una institución política inca mal interpretada: el panaca. Respuesta a R. Tom Zuidema », Libros & artes, 62-63, p. 28-30.

ZUIDEMA R. Tom 2013, « Las panacas no existieron. Crítica al texto del César Itier », Libros & artes, 62-63, p. 26-27.

NOTAS

1. Las traducciones de citas textuales de la obra son del autor. 2. Algunos de los lineamientos generales propuestos en la segunda parte del libro recibieron un tratamiento similar por parte de César Itier (2013a) en un libro que comentamos en este mismo medio. 3. Subraya Yaya que « el Qhapaq Ayllu es el único linaje que los cronistas designan consistentemente como un ayllu, los otros grupos de descendencia son llamados panacas » (p. 62). 4. Al cierre del capítulo dedicado al clan cónico, Yaya observa que el modelo « reconoce la historia al mismo tiempo que triunfa sobre ella » (p. 97). 5. En la sección final del libro se afirma que la representación inca de la historia era « bidimensional » (p. 258), con una faceta orientada hacia el exterior que subrayaba la homogeneidad de la ideología imperial y otra orientada hacia el interior que expresaba las perspectivas particulares de los distintos linajes. 6. « Panaka fue el título dado al primer kuraka del ayllu, nombrado por el inca fundador, y quienes conocieron su significación lo tradujeron como “vicario”, “gobernador”, “lugarteniente”, “mayordomo”, “capitán” y “cabeza de linaje” » (Itier 2011, p. 190).

AUTORES

PABLO F. SENDÓN

Conicet, Argentina

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 323

GOLTE Jürgen y Doris LEÓN GABRIEL, Alasitas: discursos, prácticas y símbolos de un « liberalismo aymara altiplánico » entre la población de origen migrante en Lima Instituto de Estudios Peruanos/Centro de Estudios Regionales Andinos « Bartolomé de las Casas »/Universidad Nacional de Juliaca, Lima, 2014

Pablo F. Sendón

REFERENCIA

GOLTE Jürgen y Doris LEÓN GABRIEL, Alasitas: discursos, prácticas y símbolos de un « liberalismo aymara altiplánico » entre la población de origen migrante en Lima, Instituto de Estudios Peruanos/Centro de Estudios Regionales Andinos « Bartolomé de las Casas »/ Universidad Nacional de Juliaca, Lima, 2014, 293 p., bibliogr., ill.

1 Las alasitas son pequeños objetos que adoptan una asombrosa variedad de formas y son adquiridos en ferias o mercados de origen altiplánico por personas deseosas de incrementar sus bienes y patrimonio. Es decir, si un individuo busca conseguir un medio de transporte, aumentar su riqueza o ascender en la pirámide social puede comprar alasitas con la forma de automóviles, billetes y títulos universitarios para hacer realidad sus deseos. En cierta manera este tipo de práctica parecería estar relacionado con el sentido que se le atribuye al término aymara « alasita »: « cómprame ». Sin embargo, tal y como fue registrado a comienzos del siglo XVII, el significado del vocablo alaasitha encierra un sentido que no se relaciona de manera directa ni evidente con el acto de comprar: « dejarse crecer las uñas, cabello, etc. » (p. 33)1. El propósito de este volumen es precisamente seguir la pista que ofrece esta segunda definición con miras a desarrollar los discursos y prácticas involucrados en las

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 324

dinámicas de producción, consumo y ritualidad de las alasitas en la ciudad de Lima. Para hacerlo es necesario seguir el camino inverso al experimentado por su expansión: del campo a la ciudad y del altiplano ayamara a otros ámbitos de los Andes peruanos.

2 Entre los pastores aymaras que habitan las punas del norte de Chile se ha registrado la elaboración de figurillas zoomorfas de arcilla para venerar a la Pachamama en el mes de diciembre con el propósito de aumentar los rebaños. Algo similar sucede entre los pastores de Apurímac en el sur peruano: hacia fines de agosto también confeccionan figurillas de llamas y alpacas en honor a la Pachamama y a los apus locales en el ámbito de un espacio signado por la conjunción de principios contrarios y generadores de vida. Los peregrinos que visitan en junio el santuario de Qoyllurit’i, donde ya existe comercio de alasitas, suelen emplear piedras para representar miniaturas de bienes materiales como casas, animales o automóviles. ¿Cuál es la relación que existe entre las prácticas rituales de pastores aymaras, quechuas y peregrinos del Cuzco y de regiones más o menos aledañas al momento de introducir el universo simbólico y ritual de las alasitas? El elemento común parece brindarlo el componente de la cultura pastoril que se ha extendido desde el altiplano aymara hasta por lo menos las alturas del nevado Ausangate. El vínculo recíproco que se establece entre el pastor, la tierra, las montañas y el acto de fecundación de los animales anuncia la lógica subyacente al consumo de alasitas: en lugar de reducirse a una transacción comercial, el lazo en cuestión informa acerca del inicio de una relación entre la divinidad y los humanos, tratándose de una especie de acto fundacional que continúa en una convergencia entre fe y trabajo.

3 Las alasitas encuentran antecedentes ilustres en las figuras del , las miniaturas diseñadas en todo el altiplano para adornar mesas-ofrendas y las piedras zoomorfas (enqa, enqaychu, illa y khuya rumi) típicas de los pastores del sur peruano, todas ellas conducentes a la creación y reproducción de seres y cosas. Si bien la existencia y uso de estos objetos remiten al pasado precolombino, los orígenes del comercio de las alasitas así como el surgimiento de mercados dedicados a tal fin no es fácil de determinar, siendo lo más probable que las principales características de las ferias contemporáneas hayan comenzado a definirse hacia la segunda mitad del siglo XIX, en un contexto de crecimiento del mercado interno y de una mayor inserción del altiplano en la economía mundial. Las peregrinaciones anuales celebradas en distintos sitios de los Andes peruanos y bolivianos constituyen escenarios propicios para el empleo y comercio de alasitas en un « estadio » todavía cercano a las prácticas rituales pastoriles. En efecto, una característica común a estos escenarios, junto con el protagonismo que detenta en ellos la liturgia católica, es la recurrencia del principio de unión de contrarios expresado en términos espacio-temporales: « esta unión entre opuestos persiste en la lógica de la realización de las alasitas, ya que si bien las personas no tienen la idea explícita de que estas miniaturas son pasibles de concretizarse en los bienes reales deseados por la acción de un tinku, sí tienen la certeza de que ‘crecerán’ por la conjunción de la acción de la divinidad (por eso se habla de fe) y la acción humana (trabajo) » (p. 92). Aquí es importante el peso que se le asigna a la acción humana, ya que ella redunda en el afianzamiento de una ética del trabajo con consecuencias sociológicas profundas entre las que destaca la formación de « una suerte de burguesías nacientes que movilizan y crean grandes cantidades de capital a través de sus negocios » (p. 109). La magnitud y convocatoria de las ferias de alasitas en el departamento de Puno y su expansión a la ciudad de Lima son indicadores de ello.

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 325

4 En Lima se observan tres momentos del año en los que el consumo de alasitas parece exacerbarse: la peregrinación del Viernes Santo al cerro San Cristóbal, la Feria de los Deseos en diciembre y un conjunto de ferias (« de la peruanidad », « campesina », « de la fortuna ») que se realizan entre junio y agosto. En todos estos eventos la gran mayoría de participantes (en calidad de compradores o vendedores) son migrantes o descendientes de migrantes del altiplano y otras regiones del país. Los discursos y rituales en torno de las alasitas durante la peregrinación del Viernes Santo en un ámbito urbano se presentan como una instancia interesante de comparación entre lo que acontece en peregrinaciones afines en ámbitos rurales y las ferias urbanas propiamente dichas. Si bien los rituales asociados con la Semana Santa están cargados de discursos, imaginerías y símbolos cristianos, los fines que los animan « no remiten precisamente a un tipo de espiritualidad religiosa abstracta y trascendente con elementos como piedad, humildad, temor a Dios, amor al prójimo […] sino a propósitos más mundanos y aspiraciones más seculares, como éxito, prosperidad, dinero y riqueza » (p. 189). Las ferias, por su parte, no son sino la otra cara de este fenómeno: ellas son el producto de « una iniciativa comercial de organizadores y artesanos que han sabido potenciar y conjugar la cultura y símbolos del Altiplano con los ideales de progreso y riqueza material de migrantes y limeños de origen migrante » (p. 218). Precisamente, estos ideales están en consonancia con los elementos de una cosmovisión que en los Andes encuentra su fundamento « en concepciones de dualidades complementarias como base de la creación de fertilidad y del futuro » (p. 225). De aquí en parte el éxito de estas miniaturas.

5 El volumen comentado consiste, entonces, en una detallada etnografía sobre las alasitas en diversos contextos de los Andes desde la perspectiva que ofrece, entre otras cosas, sus derroteros históricos durante los últimos cien o ciento cincuenta años. Pero ello no es todo. Debido al crecimiento y expansión experimentados por la manufactura y el comercio de estas miniaturas en las últimas décadas, los autores ven en ellas el medio para la conformación de un « liberalismo aymara altiplánico » en los Andes peruanos y bolivianos del tipo que estudió Max Weber en la Europa protestante. Aquí es preciso seguir a los autores con cuidado. La principal hipótesis del libro es que « la cosmovisión desarrollada por las culturas altiplánicas tiene características que favorecen una suerte de “acumulación primitiva” – a la usanza europea – de una burguesía nacional y con ello muestran cierta similitud con lo que Weber llamó la ética protestante » (p. 31). Es preciso subrayar que entre uno y otro caso existe cierta similitud, y que ello no implica que en un comerciante de alasitas de un mercado de Lima – descendiente de un pastor aymara del altiplano pueneño – se encuentre la reencarnación de Benjamin Franklin. Esto último es importante ya que aquí reside, creemos, una de las principales lecciones de este libro.

6 En su introducción a La ética protestante y el espíritu del capitalismo Weber definió los objetivos y el alcance de la obra en los siguientes términos: una cosa es « determinar la influencia de ciertos ideales religiosos en la formación de una “mentalidad económica”, de un ethos económico », y otra es fijar ello « en el caso concreto de las conexiones de la ética económica moderna con la ética racional del protestantismo ascético ». En el libro en cuestión, Weber se limitó a « exponer uno de los aspectos de la relación causal » (Weber 1994 [1905], p. 18). O más precisamente, el segundo de ellos. El universo descrito en la etnografía dedicada a las alasitas está lejos – al menos todavía – del « desencantamiento del mundo » y de la « jaula de hierro » weberianos. Siendo esto así,

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 326

el recurso al ejercicio comparativo descansa más en una cuestión de método que de caso: « es ahí, en la relación entre trabajo, divinidad y la realización de los deseos de bienestar, que hallamos similitudes con el desarrollo del protestantismo europeo » (p. 15). Planteada en estos términos, la pertinencia y validez de la comparación estaría más bien relacionada con el primero de los aspectos de la relación causal antes enunciada: « el crecimiento de la inserción al mercado considerado como un espacio de generación de bienestar individual y familiar que se expresa en la compra y venta de alasitas […] da cuenta de una forma de pensamiento económico y político afín al liberalismo […] pero que no es ni única ni principalmente producto de la influencia de la globalización neoliberal, sino que tiene asidero en una larga historia en nuestro territorio » (p. 142). Así entendida, la comparación adquiere una dimensión más sutil que permite dar cuenta de la originalidad del « liberalismo altiplánico » en los Andes.

BIBLIOGRAFÍA

BERTONIO Ludovico 1984, Vocabulario de la lengua aymara, Centro de Estudios de la Realidad Económica y Social/ Instituto Francés de Estudios Andinos/Museo Nacional de Etnografía y Folklore, Cochabamba [1612].

WEBER Max 1994, La ética protestante y el espíritu del capitalismo, Península, Barcelona [1905].

NOTAS

1. El vocabulario de Ludovico Bertonio también consigna el término alasitha con el primero de los sentidos: « Comprar propiamente con la preposición Na, de precio, y persona » (Bertonio 1984 [1612], Segunda parte, p. 9).

AUTORES

PABLO F. SENDÓN

Conicet, Argentina

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 327

GARCÍA JORDÁN Pilar, El Estado propone, los carai disponen y los guarayos devienen ciudadanos. El impacto de la secularización en Guarayos, 1939-1953 ILAMIS/Editorial Itinerarios/Adveniat für die Menscher in Lateinamerika/Centro de Investigaciones Históricas y Antropológicas, Cochabamba, 2015

Anna Guiteras Mombiola

REFERENCIA

GARCÍA JORDÁN Pilar, El Estado propone, los carai disponen y los guarayos devienen ciudadanos. El impacto de la secularización en Guarayos, 1939-1953, ILAMIS/Editorial Itinerarios/ Adveniat für die Menscher in Lateinamerika/Centro de Investigaciones Históricas y Antropológicas (Scripta Autochtona, 14), Cochabamba, 2015, 428 p. bibliogr., index, cartes, tabl., annexes, index onomastique.

1 Tras más de dos décadas dedicadas al estudio del papel de las misiones franciscanas entre los guarayos, grupo étnico de las tierras bajas bolivianas, el último trabajo de la historiadora española Pilar García Jordán da un paso más allá y aborda el impacto de la secularización de las mismas en la región y entre sus pobladores. Como ella demostró en sus obras anteriores (García Jordán 2006, 2009), los franciscanos no pudieron completar el proceso de « transformación de los bárbaros guarayos en ciudadanos » (p. 8) encomendado por los gobiernos bolivianos. Fue entonces, en un contexto histórico complejo como el de la Bolivia de la década de 1930, cuando el gobierno militar estableció en la zona una administración, militar primero y civil después, con el objetivo de completar la incorporación de los guarayos a la « bolivianidad ». La implementación y desarrollo de la Delegación – y más tarde Intendencia Delegacional – de Guarayos es pues el objetivo central de la presente obra, cuya tesis fundamental es

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 328

que la secularización de las misiones provocó el surgimiento de un grupo dirigente blanco-mestizo que, en connivencia con las autoridades políticas, accedió al control de los recursos naturales y de la población guaraya.

2 La obra forma parte de la colección « Scripta Autochtona », cuya finalidad es el estudio de la historia de los pueblos indígenas de las tierras bajas bolivianas y, al mismo tiempo, la publicación sistemática de documentos inéditos o publicados pero escasamente conocidos, cometido que cumple exitosamente la obra aquí reseñada. El libro consta de una primera parte en la cual se analizan los aspectos más relevantes de la historia de Guarayos entre 1939 y 1953; y una segunda que consta de una selección documental de legislación, correspondencia, informes y prensa referida al territorio y la población guaraya.

3 La primera parte se estructura en cinco capítulos, a lo largo de los cuales la autora nos revela, por un lado, las prácticas de los distintos funcionarios públicos para mantenerse y consolidarse como grupo de poder en el ámbito local; y, por otra parte, indaga las vicisitudes experimentadas por los propios guarayos en su camino hacia la adquisición plena de los derechos ciudadanos.

4 Las tensiones surgidas entre los misioneros, los grupos económicos regionales y las autoridades estatales en torno de la eficacia del proyecto misional son tratadas en un primer capítulo: « Guarayos se encontró en un fuego cruzado de intereses políticos y económicos, tanto nacionales como regionales » (p. 45-46). Como demuestra la autora, estos intereses obedecían primero a la voluntad de fortalecer el control estatal en territorio boliviano y, segundo, a la presión para acceder a la mano de obra sin mediación de los religiosos, acusados de obstaculizar el desarrollo de las actividades agropecuarias y de impedir la socialización de los guarayos. El segundo capítulo aborda la administración estatal de las antiguas misiones surgida en 1939 examinando los alcances de uno de sus principales objetivos: la incorporación definitiva de los guarayos a la « nacionalidad ». A través de un análisis exhaustivo de la correspondencia ministerial, la prensa cruceña y los diarios de los religiosos, demuestra que los individuos que ocuparon los nuevos cargos públicos – siendo los más significativos el administrador y el maestro –, lejos de favorecer el florecimiento económico regional y ocuparse de lo público, atendieron solamente a sus intereses particulares. Tal actitud provocó tanto la decadencia económica de los pueblos guarayos como el progresivo deterioro de las condiciones de vida de los nativos, que desconocían el valor económico de su trabajo, y facilitó asimismo que aquellos funcionarios devinieran el embrionario grupo de poder del ámbito local.

5 Quiénes eran estos agentes y qué prácticas llevaron a cabo para acceder a los recursos económicos de Guarayos son los interrogantes a los que da respuesta el tercer capítulo. La diversidad de fuentes utilizadas y el cruce atinado de su información nos desvelan la procedencia de aquellos que ocuparon los cargos públicos de forma casi rotativa – sectores populares y medios, cruceños en su gran mayoría –, así como el proceder de los mismos, cuyo objetivo fundamental fue en última instancia hacerse con el control del comercio, el acceso a la tierra, la producción agropecuaria y el uso indiscriminado y abusivo de la mano de obra nativa.

6 Las reiteradas denuncias de abusos y atropellos sobre la población guaraya provocaron, finalmente, que el gobierno de Enrique Hertzog suprimiera la Intendencia delegacional y la plena integración de los territorios y pobladores guarayos al régimen político- administrativo boliviano en 1947-1948, y a la vez el acceso de estos últimos a la plena

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 329

ciudadanía. Los aspectos más relevantes de la supresión de la Intendencia, los hitos más importantes acaecidos en Guarayos a partir de este momento y hasta 1953, y los significados del concepto de « ciudadanía » son estudiados por García Jordán en el cuarto capítulo. A partir de la clasificación de « guarayo » y « blanco boliviano » presente en los expedientes de lotes urbanos y tierras tramitados en Guarayos, la autora desmenuza los significados de las nociones de « bolivianidad » y « ciudadanía » presentes en los textos legales, así como su contradictoria y limitada asimilación por parte de la sociedad blanco-mestiza. Estas consideraciones nos ofrecen elementos para explicar cómo, a pesar del nuevo « status » jurídico adquirido, los guarayos persistieron en su papel de productores y fuerza laboral. El análisis de la ingente cantidad de información expuesta en estos dos capítulos es de por sí sugestiva y novedosa; y el valor de los mismos aumenta todavía más con los abundantes cuadros que proporcionan datos relevantes sobre los administradores de todos y cada uno de los pueblos o de los titulares de los lotes urbanos y rurales, fueran guarayos o colonos.

7 El quinto capítulo identifica y caracteriza a los principales miembros del nuevo grupo dirigente « carai » en Guarayos. La autora nos presenta una aleatoria selección de solicitudes de tierras y de expedientes judiciales presentados por algunos de estos individuos. Muestra, primero, la adquisición de la propiedad legal de la tierra, ocupada por ellos durante el ejercicio de los distintos cargos públicos a lo largo de administración delegacional; titularidad que se vio confirmada y consolidada tras la reforma agraria aprobada por el gobierno del Movimiento Nacionalista Revolucionario. Segundo, cómo se presentaron éstos ante la sociedad local: funcionarios, comerciantes, agricultores, ganaderos. Y tercero, las relaciones de poder tejidas entre los mismos actores, las cuales les permitieron, al menos a la mayoría de ellos, consolidar su posición dominante en la región.

8 La segunda parte del libro recoge la transcripción de un amplio y heterogéneo abanico de fuentes referidas a la historia de las poblaciones guarayas – y en particular la derivada de la secularización de las misiones –, muchas de ellas inéditas y en su gran mayoría de difícil acceso. El anexo documental alcanza el centenar y medio de páginas, en las que hallamos la correspondencia mantenida entre misioneros, funcionarios civiles y militares y autoridades estatales; informes e inventarios relativos al estado de los pueblos guarayos y los bienes existentes en los mismos; decretos y leyes que dieron lugar a la secularización de las misiones y sus posteriores reorganizaciones político- administrativas; documentos relativos a la propiedad de lotes urbanos y rurales en los pueblos; así como una selección de los más significativos artículos periodísticos que se hicieron eco de la situación por la que pasaban los pueblos guarayos. Junto a esta masa documental la obra incluye también dos mapas, un utilísimo índice onomástico y una gran cantidad de cuadros estadísticos que además de la información destacada anteriormente ofrecen datos relevantes sobre el devenir de Guarayos entre 1939 y 1953: la población, los bienes de los pueblos, el nombre de misioneros, delegados, intendentes y representantes nacionales. Junto a la reconstrucción del proceso histórico desarrollado en el ensayo introductorio, todo ello evidencia la atenta y meticulosa lectura de unas fuentes demasiadas veces esquivas, dispersas en distintos repositorios de Bolivia, que hoy ven la luz gracias a la tenacidad de la autora.

9 En suma, García Jordán nos ofrece un trabajo riguroso, honesto y serio en el que se zambulle en el estudio de un proceso casi desconocido como es la incorporación de los pueblos guarayos al quehacer nacional boliviano. La importancia de la obra radica no

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 330

sólo en el hecho de tratarse de un valioso aporte a la reconstrucción de la historia regional, que sienta las bases de futuras investigaciones, sino porque al mismo tiempo interpela al lector a reflexionar acerca de la incapacidad de los miembros que conforman la sociedad boliviana de concebir como « iguales » a las poblaciones indígenas de las tierras bajas.

BIBLIOGRAFÍA

GARCÍA JORDÁN Pilar 2006, « Yo soy libre y no indio: soy guarayo. » Para una historia de Guarayos, 1790-1948, IFEA/PIEB/IRD/ TEIAA, Lima.

2009, Unas fotografías para dar a conocer al mundo la civilización de la república guaraya, Consejo Superior de Investigaciones Científicas, Madrid.

AUTORES

ANNA GUITERAS MOMBIOLA

Universität zu Köln

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 331

AQUINO MORESCHI Alejandra, Des luttes indiennes au rêve américain. Migrations de jeunes zapatistes aux États-Unis Presses universitaires de Rennes, Rennes, 2013

Stefan Le Courant

RÉFÉRENCE

AQUINO MORESCHI Alejandra, Des luttes indiennes au rêve américain. Migrations de jeunes zapatistes aux États-Unis, Presses universitaires de Rennes (Des Amériques), Rennes, 2013, 205 p., bibliogr., photos en coul., cartes, glossaire.

1 « C’est la vie… On a lutté pour ne pas avoir de patrons et nos enfants s’en vont chercher leur patron au Nord, et ils payent même pour y aller » (p. 74). À ce constat désabusé établi par Don Jorge, zapatiste de la première heure qui voit les membres de sa communauté maya-tojolabale de la forêt du Lacandon au Chiapas – appelée ici Maria Trinidad – préférer au « rêve zapatiste », le « rêve américain », l’ouvrage d’Alejandra Aquino Moreschi donne profondeur historique et complexité sociologique1. Cette recherche s’appuie sur une enquête ethnographique menée au sein de la communauté de Maria Trinidad – que l’auteure a d’abord approchée comme sympathisante –, puis aux États-Unis par le suivi des migrants à la recherche d’une « vie meilleure ». Cette riche enquête permet de saisir d’une part les reconfigurations du mouvement zapatiste face à une migration qui prend chaque jour plus d’ampleur et d’autre part de s’approcher au plus près des expériences vécues par ces migrants singuliers.

2 Le 1er janvier 1994, près de dix ans après sa création, le mouvement zapatiste apparaît sur la scène publique en déclarant la guerre au gouvernement du Mexique. Cette date n’a pas été choisie au hasard, elle correspond à l’entrée en vigueur de l’accord de libre- échange nord-américain venant entériner une décennie de réformes d’inspiration néolibérale ayant profondément affecté la vie quotidienne des paysans. Pour les

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 332

communautés indiennes2 engagées dans ce soulèvement armé, cette date marque un tournant dans un processus initié depuis des décennies (chapitre 1). En effet, les années 1930 sont marquées par les premières fuites de travailleurs agricoles indiens vers les terres inhabitées de la forêt du Lacandon afin d’échapper au système d’exploitation et de subordination instauré par les grands propriétaires de fincas (ranchs). Dès lors les communautés indiennes commencent à militer pour leur reconnaissance politique et pour leurs droits sur les nouvelles terres mises en valeur – la communauté de Maria Trinidad sera officiellement reconnue en 1957. L’évangélisation de cette région dans les années 1970-1980 va par la suite jouer un rôle central dans la politisation des revendications. Prônant l’autogestion, la théologie de la libération – largement inspirée par la doctrine marxiste – donne des structures idéologiques aux mouvements contestataires émergeants. Un « rêve » commence à prendre forme, celui d’un avenir meilleur pour les communautés indiennes, d’un avenir libéré de l’ordre capitaliste. Face à la violence étatique, le recours à la lutte armée se concrétise le 17 novembre 1983 par la création de l’Armée zapatiste de libération nationale (Ejército Zapatista de Liberación Nacional, EZLN). Dix ans plus tard, la violente riposte du gouvernement face à la déclaration de guerre de l’EZLN oblige nombre de militants et de sympathisants zapatistes à poursuivre la lutte en s’exilant, toujours plus loin, dans les montagnes environnant les communautés en lutte. Après des années de vie dans la clandestinité, le retour au village de ces combattants marque les prémices d’un phénomène encore minoritaire au début des années 2000, le départ vers les États-Unis.

3 La communauté de Maria Trinidad est l’une des dernières de la région à être touchée par le départ de ses membres. Au sein de l’histoire centenaire des migrations mexicaines vers les États-Unis, celles venues du Chiapas n’ont commencé qu’au début des années 1990. Et il faut attendre 2002 pour que les premiers candidats originaires de Maria Trinidad – principalement des hommes entre 15 et 35 ans – tentent l’« aventure » (p. 75) vers le nord. La fatigue, le désenchantement, la démoralisation, le désespoir et la perte de sens sont les conséquences directes des années de guerre de basse intensité et de contre-insurrection menées par le gouvernement mexicain. Ce sont également les motifs les plus souvent évoqués par ces migrants qui découvrent, à leur retour au village, qu’ils n’ont « rien gagné » (p. 50) au cours de ces années de lutte. S’appuyant sur l’ouvrage de Honneth (2000), Aquino Moreschi propose de penser également ces actions militantes comme une « lutte pour la reconnaissance ». Dans ce cadre, les gains du zapatisme ne peuvent pas s’évaluer uniquement matériellement : c’est ce qu’apprendront à leurs dépens ceux qui quittent le mouvement. Aux yeux de ceux qui restent, ces départs sont des trahisons de la cause. Les migrants sont alors perçus comme des ambitieux irresponsables qui mettent en péril l’autonomie communautaire fondée sur le partage des charges au sein du village. Face à ces départs qui perturbent l’organisation commune – qui suppose la participation aux assemblées, la prise en charge de l’éducation et de la santé, etc. –, les militants zapatistes hésitent sur la position à adopter (chapitre 2). Dans les premiers temps, la migration est interdite et ceux qui partent malgré tout sont exclus du mouvement. Proscrire la migration ne doit pas uniquement servir à endiguer le départ des membres, mais permettre aussi de circonscrire les dangers dont elle serait porteuse : alcoolisme, drogues, enrichissement personnel, dissolution familiale et plus largement désintégration sociale. En partant, le migrant perd son statut de compañero et découvre que le zapatisme n’est pas uniquement un engagement idéologique, mais recouvre des pratiques quotidiennes et

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 333

des relations sociales dont il est désormais privé. En quittant le militantisme, il perd aussi le support d’un répertoire d’identifications valorisantes. Pourtant, cette mise à l’écart de la communauté ne suffit pas à enrayer les départs toujours plus nombreux. Le conseil villageois change alors de stratégie et décide d’intégrer la logique migrante aux objectifs zapatistes. Désormais, la migration sera encadrée : chaque candidat à la migration devra demander l’autorisation de partir, durant son absence toutes les charges qui lui reviennent devront être assurées – qu’il se fasse remplacer ou paie quelqu’un pour les effectuer – et la durée de son absence ne pourra pas excéder quatre ans.

4 Pour ceux qui partent, la migration n’est pas perçue comme une trahison, mais comme ce qui permettra de « s’en sortir », d’obtenir cette « vie meilleure » (p. 71) que le zapatisme n’a pas encore su offrir. Qu’ils aient été des militants de toujours ou qu’ils soient nés dans le zapatisme, les migrants vivent leur départ comme un « repos », parfois même comme une « libération » (p. 72-74) : ils sont dégagés, pour un temps au moins, des règles et des obligations imposées par le mouvement. Pour eux, l’émancipation ne passe plus par la communauté et se fera sans elle. Cette affirmation d’individualité se traduit par l’adoption de nouveaux comportements, de nouveaux modèles d’identification. Les migrants découvrent notamment l’alcool, interdit dans la communauté, qu’ils consomment souvent jusqu’à l’excès. Arrivés aux États-Unis, certains d’entre eux passent des après-midi entières dans les allées des supermarchés, comme si se construire comme « consommateur » (p. 163-164) était la seule manière de participer à cette nouvelle société.

5 Les militants zapatistes et leurs descendants sont-ils des migrants comme les autres ? Voilà une interrogation qui traverse cet ouvrage. Dès les premiers instants de l’« aventure » migratoire, le « capital militant » (p. 177) est susceptible d’être mobilisé afin de surmonter les épreuves imposées par cette dernière. La première épreuve rencontrée, une des plus redoutables aussi, consiste à traverser le désert qui sépare le Mexique et les États-Unis. Le renforcement des contrôles à la frontière a fait de ce désert la dernière porte d’entrée pour des migrants poussés à suivre un chemin toujours plus périlleux (chapitre 3). Paradoxalement, de cette traversée du désert qui coûte chaque année la vie à des centaines de personnes, les migrants de Maria Trinidad gardent plutôt un bon souvenir. Se déplacer dans l’obscurité sans bruit, affronter la faim n’est pas sans leur rappeler les techniques de combat apprises pour mener à bien les assauts. Une fois sur le territoire étasunien, la conscience politique héritée des années de lutte leur donne une grille de lecture des mécanismes d’exploitation qui les affectent. En 2006, bien qu’arrivés très récemment aux États-Unis, ils sont nombreux à défiler dans les manifestations nationales des « sans-papiers » latinos. Mais la précarité de leur condition ne permet pas, le plus souvent, de s’engager pleinement dans une lutte structurée en faveur de ce qu’ils sont pourtant nombreux à penser en termes de « droits des migrants » (p. 178). Car, s’il existe un secteur où les arrivants du Chiapas connaissent un sort comparable à celui des autres migrants venant du sud, c’est bien celui du travail. Aquino Moreschi décrit finement les mécanismes de la subordination issue, pour partie, de l’organisation locale de gestion de la main-d’œuvre dans les exploitations agricoles californiennes (chapitre 4). Les enganchadores – littéralement les « accrocheurs » – anciens migrants eux-mêmes pour la plupart, introduisent les nouveaux arrivants sur le marché du travail en les mettant en contact avec des mayordomos. Ces derniers – chargés du recrutement, de la formation et de la répartition des travailleurs dans les champs – sont en lien direct avec les sous-traitants qui

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 334

emploient les travailleurs agricoles. Ce système d’intermédiaires permet d’assurer la disponibilité de la main-d’œuvre, sa dépendance et sa loyauté par un réseau de relations interpersonnelles tout en permettant aux grandes entreprises agricoles d’échapper aux risques liés à l’embauche de personnes en situation irrégulière. Cette situation administrative irrégulière accroît la vulnérabilité de ces migrants et achève la production d’un « salariat bridé » (Moulier-Boutang 1998) et flexible à même d’occuper les emplois les moins qualifiés en répondant au mieux aux exigences de l’économie capitaliste.

6 Aquino Moreschi a accompagné les migrants de Maria Trinidad dans leur quête de meilleures conditions de travail. Ces recherches sont faites d’incertitude et de mobilité contrainte sous la menace constante de l’arrestation par la « migra » – appellation que les migrants donnent aux agents de la Border Patrol ou de l’Immigration and Naturalization Service – qui pourrait aboutir à l’expulsion vers le Mexique. En 2005, à la suite du passage de l’ouragan Katrina en Louisiane, de nombreux migrants chiapanèques convergent vers la ville de Biloxi pour participer à sa reconstruction (chapitre 5). Par la suite, ils trouveront des emplois au sein des nombreux casinos de la ville. Le cycle de substitution ethnique fondé sur la hiérarchie du statut migratoire explique que, dans ces casinos, les migrants de Maria Trinidad se voient, ici encore, cantonnés aux tâches les moins valorisantes et les plus pénibles, comme le nettoyage, le plus souvent de nuit. L’amélioration des conditions de travail est une quête incessante pour ces nouveaux arrivants car, comme très souvent, c’est par la réussite économique qu’ils pourront justifier leur départ aux yeux de leur communauté d’origine comme aux leurs. Cette réussite doit aussi permettre de démontrer qu’ils ne sont pas « sortis de la lutte pour rien » (p. 54). Depuis Maria Trinidad, le portrait du « bon migrant » se dessine et reprend les contours de ce qui prévaut largement dans de nombreux contextes marqués par la migration. Est « bon » celui qui marque sa fidélité à sa communauté d’origine en faisant construire une maison et en envoyant régulièrement de l’argent à ses proches. Il prouve ainsi qu’il n’est pas parti au nord pour s’amuser. À l’opposé, l’auteure dresse le portrait de ceux qui privilégient la « satisfaction immédiate » (p. 154) à travers la consommation – notamment d’alcool – entraînant culpabilité et remord au moment de rendre des comptes à leur famille restée au Chiapas (p. 157).

7 La comparaison entre les conditions de travail des exploitations agricoles californiennes et celles qui prévalent à Biloxi permet de mesurer l’impact de la société d’accueil sur les expériences des migrants. Dans les champs californiens, les migrants de Maria Trinidad sont victimes d’une double discrimination. D’abord comme latinos puis comme Indiens Chiapanèques, ils se retrouvent à occuper le rang le plus bas de la hiérarchie locale. À Biloxi, en absence d’une communauté latino développée, ils échappent en revanche au racisme visant les Indiens sans pour autant trouver des conditions de travail beaucoup plus favorables. Par ailleurs, l’important besoin de main-d’œuvre après le passage de l’ouragan Katrina a permis le regroupement des personnes originaires des mêmes villages jusque-là dispersées aux États-Unis. Autour de la cantine tenue par Nati – la seule migrante originaire de Maria Trinidad – émergent les prémices de ce qui pourrait être une communauté migrante de Chiapanèques. Les liens qui se nouent alors privilégient l’origine commune au détriment de l’engagement militant. Au sein du réseau de solidarité que la cantine de Nati cristallise, on se retrouve entre « cousins » et « peu importe si tu es compañero ou

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 335

non » (p. 168). Pour ces migrants, le zapatisme semble perdre de sa puissance identificatoire.

8 Témoin de ce mouvement migratoire depuis ses premières heures, Aquino Moreschi dresse dans ce livre « la carte du déplacement géographique, politique et subjectif qu’a provoqué le passage du militantisme à la migration transnationale » (p. 173) et expose la complexité de ce phénomène pour une communauté qui s’était construite à travers le rêve d’un autre monde. En traitant de deux thèmes rarement articulés, le militantisme politique et la migration, elle aborde de nombreuses questions quant au devenir des migrants et à l’impact qu’ils auront auprès de ceux qui ont choisi de rester dans leur communauté d’origine pour y continuer la lutte. Car, malgré la nouveauté du phénomène migratoire, les trajectoires personnelles retracées dans cet ouvrage sont déjà porteuses de transformations sociales. À Maria Trinidad, des biens de consommation jusque-là absents ont commencé à faire leur apparition dans certaines familles. Plus fondamentalement encore, en l’absence de leurs maris partis aux États- Unis, les femmes ont été les premières à voir leur vie quotidienne transformée. Leur autonomie s’est amenuisée à mesure que leur dépendance aux envois d’argent venus des États-Unis a crû. Nombreuses sont celles qui ont dû quitter leur maison pour aller habiter chez leurs beaux-parents afin d’échapper aux rumeurs que ne manquent pas de faire naître cette condition nouvelle de femme seule. L’étude des effets à plus long terme de ces départs et les reconfigurations du militantisme dans un contexte migratoire sont les pistes de recherches passionnantes que le travail d’Aquino Moreschi invite à poursuivre.

BIBLIOGRAPHIE

AQUINO MORESCHI Alejandra 2012, De las luchas indias al sueño americano. Experiencias migratorias de jóvenes zapotecos y tojolabales en Estados Unidos, CIESAS/Universidad Autónoma Metropolitana, Unidad Xochimilco, México.

HONNETH Axel 2000, La lutte pour la reconnaissance, Le Cerf, Paris.

MOULIER-BOUTANG Yann 1998, De l’esclavage au salariat. Économie historique du salariat bridé, PUF, Paris.

NOTES

1. Aquino Moreschi est l’auteure d’un autre livre, également paru en 2012 au Mexique, qui reprend en grande partie – à l’exception du chapitre 3 sur la traversée de la frontière – le contenu du présent ouvrage. Cette version espagnole comprend par ailleurs trois chapitres inédits consacrés à l’étude des parcours de migrants originaires de l’État de Oaxaca.

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 336

2. L’auteure explicite dans une note le choix du terme « indien » : le terme français d’« indigène » charrie une connotation négative qui fait référence à l’époque coloniale et le terme « autochtone » appartient au jargon technocratique des instances onusiennes et n’est pas approprié lorsqu’il s’agit de populations migrantes (p. 10).

AUTEURS

STEFAN LE COURANT

Laboratoire d’ethnologie et sociologie comparative (Lesc)

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 337

DETER-WOLF Aaron and Carol DIAZ- GRANADOS (éd.), Drawing with great needles. Ancient tattoo traditions of North America University of Texas Press, Austin, 2013

Sébastien Galliot

RÉFÉRENCE

DETER-WOLF Aaron, Carol DIAZ-GRANADOS (éd.), Drawing with great needles. Ancient tattoo traditions of North America, University of Texas Press (Social sciences: anthropology, archaeology), Austin, 2013, 311 p., bibliogr., nombr. ill. en noir et blanc, cartes, tabl., index.

1 En dépit du nombre croissant d’ouvrages consacrés au tatouage, et de la popularité de ce thème à l’heure actuelle, très rares sont pourtant les volumes collectifs conjuguant approches archéologiques, ethnographiques, ethno-historiques et iconographiques comme cette publication. S’y trouve réunis les résultats de recherches initialement présentées en 2009 à Mobile (Alabama) dans un colloque intitulé « Tattooing and Body Modification in the Prehistoric and Early Historic Southeast ». Comme le titre du colloque le suggérait déjà, il s’agit d’un ouvrage enraciné dans un espace culturel donné et, ce faisant, on ne s’étonnera pas qu’il se dispense d’un cadre d’analyse général portant sur le tatouage. C’est donc au fil de la lecture que se découvre le projet intellectuel qui a guidé les auteurs. Ce défaut mineur est au demeurant largement compensé par l’intérêt de contributions qui éclairent des matériaux jusque-là peu étudiés à travers le prisme du tatouage, pour une région qu’anthropologues et archéologues américanistes s’accordent par ailleurs à considérer comme particulièrement complexe.

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 338

2 L’ouvrage, richement illustré, est composé de huit chapitres animés à des degrés divers par un projet de « reconstruction », étant entendu qu’il n’est plus possible d’observer les pratiques dont il est question. Au-delà de l’aire géographique, les auteurs partagent la volonté d’établir la cohérence entre les matériaux liés au tatouage d’une part, et l’ensemble de pratiques de mise en image associées à d’autres supports que la personne d’autre part. Même si l’idée n’est pas clairement formulée, tous les auteurs semblent s’accorder sur l’uniformité et la relative stabilité des conventions graphiques indépendamment de leurs supports. Cette orientation les incite ainsi à mettre en perspective les données concernant le tatouage à l’aide d’autres corpus iconographiques, mieux identifiés, d’après le principe selon lequel, si le symbolisme et l’usage rituel d’un motif présent sur un artefact sont bien établis alors, le même motif sur le corps d’une personne doit renvoyer au même prototype et les mêmes intentions doivent présider à sa réalisation.

3 Cette remarque générale ne s’applique toutefois pas au premier chapitre. Antoinette Wallace y passe en revue un ensemble de récits historiques désormais classiques comme ceux de Bossu ou de Swanton ainsi que d’autres sources antérieures moins détaillées, afin de produire un aperçu chronologique du tatouage dans les sociétés du Sud-Est nord-américain entre le XVe et le XXe siècle qui en démontre l’importance. Le terme tatouage ayant été forgé à la suite des expéditions de Bougainville et de Cook en Polynésie, l’objectif de ce chapitre consiste donc à identifier les données qui font effectivement état de cette pratique à une époque où elle pouvait être fréquemment confondue avec la peinture corporelle. L’auteure rappelle ainsi à juste titre les précautions avec lesquelles doivent être traitées les sources anciennes : celles-ci reflètent parfois beaucoup plus les préjugés des Européens à l’égard des indigènes qu’elles n’offrent un tableau réaliste de leurs mœurs et coutumes. Le chapitre offre un corpus ethnographique remarquable qui récapitule l’essentiel des sources pertinentes et incite, par la même occasion, à une lecture plus approfondie des textes originaux.

4 Le second chapitre, rédigé par Aaron Deter Wolf est centré sur l’examen de données matérielles liées à la préhistoire du tatouage dans les Plaines et les Eastern Woodlands. Partant de l’hypothèse que les pratiques observées par les Européens à partir du début du XVIe siècle se sont transformées rapidement sous l’influence étrangère, il s’agit pour lui d’en établir l’ancienneté dans la région à travers l’analyse de preuves indirectes. Certains masques de coquillages ornés de marques géométriques pourraient en faire remonter l’existence au premier siècle de l’ère chrétienne. Conscient du caractère hypothétique de cette proposition, Deter-Wolf passe en revue une série d’artefacts issus de diverses fouilles archéologiques entreprises depuis la fin des années 1930 et pouvant représenter des attestations de l’existence du tatouage dès les premiers peuplements de l’Amérique du Nord. Au sein de ce corpus, un objet lithique découvert en Caroline du Sud sur le site de Topper aurait 18 000 ans. D’autres artefacts d’origine animale (provenant de ramure de cervidés, d’os de dinde ou d’arête de poisson) sont également mentionnés comme de possible outils à tatouer paléo-indiens. Ce faisant, l’auteur cherche à introduire le lecteur à la pertinence d’une enquête croisée sur les sources archéologiques et ethno-historiques afin de reconstruire la technologie du tatouage d’avant le contact avec les Européens. Le texte est d’ailleurs accompagné d’un tableau recensant ces données ethno-historiques qui permettraient d’éclairer les découvertes archéologiques précédemment mentionnées et pour lesquelles leur association avec une technique de tatouage est certes vraisemblable mais pas certaines. La méthodologie

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 339

de l’auteur semble toutefois problématique dans la mesure où il propose un éclairage mutuel entre les sources écrites aux XVIe, XVIIe, XVIIIe et XIXe siècle et les données archéologiques qui renvoient à un passé beaucoup plus ancien. Il entend néanmoins attirer l’attention sur le fait que certains artefacts mal identifiés, ou comportant des difficultés d’interprétation (notamment des os d’animaux taillés en pointes, des aiguilles végétales, ou des sites de production de pigment), devraient à l’avenir être regroupés et pourraient permettre de constituer un corpus de données relatives à la technologie du tatouage.

5 Benjamin Steere s’inscrit aussi, dans le troisième chapitre, dans la « quête » du tatouage préhistorique amérindien à travers l’étude qu’il consacre aux décors des poteries Swift Creek découvertes dans l’état de Géorgie. Adoptant l’hypothèse (émise avant lui) que les motifs de poteries doivent symboliser des idées importantes susceptibles d’être reproduites sur d’autres supports (comme la peau, par le biais du tatouage), Steere souligne avec raison que la plupart des recherches sur le tatouage se sont focalisées sur sa fonction de marqueur (de statut, de genre, de classe d’âge, etc.). Le constat que les travaux dédiés aux relations entre décoration corporelle et culture matérielle sont plus rares est, en revanche mal fondé, lorsque l’on sait à quel point cet axe de recherche est présent en anthropologie depuis au moins la fin du XIXe siècle. L’idée la plus intéressante de l’article consiste à traiter l’unité ornementale des poteries swift creek (dont les motifs étaient ajoutés par pression à l’aide d’un tampon ou d’une matrice gravée) comme l’expression d’un style technique, à savoir l’application d’un même procédé d’ornementation à différents supports (ici à la poterie et à la peau humaine). Cette intéressante esquisse d’approche technologique aboutit cependant à la réaffirmation d’une corrélation relativement banale : si le transfert de motifs existe dans d’autres cultures, alors, avance Steere, les décors des poteries et des statuettes anciennes des Woodlands peuvent aider à reconstruire les tatouages qui s’y réalisaient à la période préhistorique. Les données que présente l’auteur à l’appui de cette thèse demeurent, hélas, nettement moins convaincantes que celles, extra-américaines, avec lesquelles il les compare.

6 Le quatrième chapitre reprend, à sa manière, l’interrogation du précédent puisqu’il porte lui aussi sur le rapport entre support et iconographie. Lars Krutak y analyse le système de communication visuel des Northern Woodlands et y traite majoritairement des Six Nations iroquoises. À partir de récits anciens et d’objets (au premier rang desquels se trouvent des casse-tête), il cherche à déchiffrer le sens des motifs de tatouage. Il montre ainsi que les motifs gravés sur les casse-tête (ainsi que des troncs d’arbres) renvoient à une pictographie « militaire ». Celle-ci permettait notamment de communiquer des informations sur l’identité des propriétaires de ces casse-tête laissés intentionnellement sur le champ de bataille tandis que le marquage des arbres livrait des données sur les pertes infligées aux ennemis. Porteurs d’une dimension narrative et d’un système de repérage dans l’espace, ces motifs auraient ainsi la même signification lorsqu’ils seraient tatoués ; hypothèse forte qui à la différence du chapitre précédent est supportée par une étude détaillée des motifs gravés et des tatouages. Krutak met ainsi en lumière un parallélisme entre le mode d’enregistrement graphique d’informations personnelles sur les casses têtes et sur le corps (attesté dans plusieurs gravures anciennes) et décode au passage la signification de certains dessins de tatouage. Par exemple, le nombre de points visibles en travers du visage de certains chefs mohawks signalait le nombre de scalps obtenus en période de guerre. Les motifs sériels présents sur le front étaient quant à eux associés au nombre de blessures reçues.

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 340

D’autres motifs encore, tatoués près de la bouche, semblent désigner l’identité de l’assistant spirituel du porteur. Finalement, si l’on suit Krutak, le tatouage iroquois se distingue ici surtout par sa dimension guerrière mais dans une perspective narrative et biographique.

7 Dans le chapitre suivant, le même auteur présente les résultats de ses recherches sur les paquets cérémoniels des Grandes Plaines que Lévi-Strauss et La Flesche appelaient des « autels portatifs ». Contrairement à ce que suggère le titre de sa contribution, « The art of enchantment », Krutak ne s’inspire pas des travaux d’Alfred Gell1. Poursuivant le même objectif que dans sa contribution antérieure, il cherche à restituer le contexte d’utilisation de ces puissants objets afin d’en comprendre le symbolisme graphique et matériel. Krutak se consacre en particulier à l’étude d’un paquet cérémoniel osage destiné au tatouage qui, par sa composition et ses formants décoratifs, se présente comme un modèle réduit de leur ordre socio-cosmique. À l’issue d’une comparaison avec d’autres paquets cérémoniels du même groupe destinés à la guerre ainsi qu’avec des paquets à tatouage sioux et cree, l’auteur défend l’idée de l’unité régionale de la liturgie rituelle liée à ces objets. En se fondant sur diverses sources, il suggère par ailleurs qu’il existait deux grandes catégories de tatouage : l’un obtenu au mérite à l’issue d’un parcours individuel militaire d’exception ; l’autre obtenu contre prestation, visant à signaler une position hiérarchique, une fonction cérémonielle ou l’appartenance à un groupe cérémoniel. Bien qu’elle puisse paraître, par son aspect binaire, peu sophistiquée aux yeux des spécialistes du tatouage, cette analyse soucieuse du détail ethnographique, n’en a pas moins le mérite de cerner avec précision les modalités culturellement spécifiques des institutions de tatouages.

8 L’archéologue Kent Reilly III offre, au sixième chapitre, une comparaison des représentations anthropomorphes de l’art pariétal de la période proto-mississippienne avec les éléments formels plus tardifs du Style Braden. Appliquant à sa manière la méthode iconologique de Panofsky, l’auteur resserre son analyse sur les décorations corporelles observables sur les personnages peints dans l’abri-sous-roche de Gottschall (Wisconsin) et dans la Picture Cave (Missouri) qui manifestent pour l’auteur une variante du motif Akron Grid définit en 1978 par Phillips and Brown et caractéristique du style Braden2. L’analyse iconographique de Reilly établit l’existence d’un ensemble de motifs partagés de type « sacré », dispersés dans le temps et l’espace et sur des supports allant de la forme humaine aux coquillages employés dans les rites funéraires. Néanmoins, si l’identification de tels motifs « sacrés » peut se révéler utile à l’analyse stylistique et apporter une contribution à l’interprétation des artefacts qui leur servent de support, plus spéculative est la conclusion selon laquelle cette unité formelle aurait répondu au besoin de produire un système symbolique de communication visuelle signalant au spectateur (humain) la présence de forces non humaines et indicatives de l’usage de l’objet dans un contexte rituel.

9 Par son titre même (« Dhegihan tattoos. Markings that consecrate, empower and designate lineage »), le septième chapitre semble postuler une correspondance entre les langues dhegiha (un sous-groupe de langues sioux réunissant les Quapaw, les Omaha, les Ponca, les Kansas et les Osage), et les usages du tatouage par leurs locuteurs. Au-delà du paradigme linguistique simpliste qui consisterait à rechercher « ce que veulent dire » les tatouages, James Duncan, spécialiste de la cosmologie des Osage, consacre ce chapitre à l’interprétation de l’iconographie du tatouage et la reconstruction possible de l’idéologie exprimée par les images tatouées. Ce chapitre se

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 341

distingue des précédents par son approche synthétique puisqu’il reprend en grande partie les travaux mentionnés par les autres contributeurs afin de dresser un tableau général du tatouage des Sioux dhegiha. Il rappelle ainsi que le tatouage y était pratiqué pour célébrer des faits de guerre, pour s’assurer d’une longue vie, consacrer ou sanctifier l’individu, ou encore rendre visible le rôle et la place de l’individu dans le cosmos. Les commentaires sur le répertoire visuel du tatouage viennent ainsi renforcer les propos de Krutak et de Reilly. On regrettera toutefois que cette contribution piétine quelque peu, soit qu’elle répète des éléments déjà évoqués, soit qu’elle s’écarte de son sujet central par des digressions.

10 Le huitième et dernier chapitre porte sur l’interprétation du symbolisme des images tatouées chez les Osage et se présente comme une enquête sur les concepts et la signification religieuse de l’art corporel. David Dye y rappelle classiquement l’importance du dualisme qui caractérise la cosmologie, les théories de la conception et les règles de parenté chez les Osage, mais propose un éclairage original par rapport à ses collègues : il cherche en effet à comprendre comment agissent les images tatouées sur le processus vital. Dans un contexte où les pratiques rituelles étaient tournées vers le recyclage de la force vitale et la manipulation des esprits (des morts notamment), le tatouage est présenté ici comme fondamentalement lié à la supplication rituelle et au piégeage (ho’-e-ga) de la force de vie présente dans le cosmos. L’analyse formelle des tatouages masculins et féminins retient en particulier l’attention. Située au-delà de la stricte logique prédicative ou narrative des motifs, elle aborde l’iconographie dans son mode d’action sur les personnes. Ainsi, l’interprétation des groupes de motifs distribués sur le corps de certaines femmes le long de lignes parallèles ne sont pas de simples représentations géométriques de la lune, de la terre, des étoiles ou du soleil mais s’avèrent être au service d’une technique et d’un dispositif graphique de canalisation de forces vitales. Outre les modalités culturellement spécifiques des conditions d’accès au tatouage et du secret initiatique qui le caractérise, Dye met remarquablement en avant cette logique de piégeage. Il prolonge ainsi ce qu’Emmanuel Désveaux appelle la « logique dualiste de répartition sexuelle des prérogatives »3. Tandis que le tatouage féminin manipulerait et canaliserait les forces célestes et stellaires pour garantir la continuité des récoltes et des naissances, les hommes prolongeraient leur longévité en captant des vies (à la chasse et à la guerre) et en incorporant l’esprit de leur victime par le tatouage et la peinture faciale. Enfin, du point de vue graphique, cette logique de piégeage contraste nettement avec ce que l’on sait des fonctions apotropaïques du tatouage puisque, ici, ce piégeage de force n’est pas rendu visible par un aniconisme mais par un répertoire conventionnel doté d’un haut degré d’iconicité combinant symboles et pictogrammes.

11 Destiné à première vue à un lectorat d’experts de l’archéologie et de la préhistoire mississippienne, cet ouvrage se révèle être en définitive un formidable volume de référence sur le tatouage amérindien. Jusque-là traitées comme un épiphénomène, et largement ignorées par les programmes de recherches académiques, les pratiques de tatouages dans les Eastern Woodlands et dans les Plaines s’avèrent en effet occuper une place importante dans le complexe rituel, et leur comparaison avec les autres pratiques de mises en image offre un tableau plus complet des modes de figuration existant dans cette partie de l’Amérique.

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015 342

NOTES

1. La notion d’« enchantment » repose chez Gell sur le fait que le pouvoir de fascination des œuvres d’art provient de leur opacité technique. En rupture avec les interprétations linguistique et l’analyse formelle, il a opté pour une approche cognitive et sémiotique de l’art selon laquelle les objets d’art sont des agents sociaux qui, en tant qu’indices, s’inscrivent dans des réseaux d’agentivité et fonctionnent comme des relais d’intentionnalité. 2. Présent sur des objets rituels tels que des coquillages mais également associé à la décoration corporelle, il consiste en un arrière-plan composé de striures sur lesquelles sont disposés des motifs indépendants. 3. Emmanuel Désveaux, « Parenté, rituel et organisation sociale : le cas des Sioux », Journal de la société des américanistes, 83, 1997, p. 118.

AUTEURS

SÉBASTIEN GALLIOT

Chercheur associé, Centre de recherche et de documentation sur l’Océanie (Credo, UMR 7308), Aix-Marseille université, CNRS, EHESS

Journal de la Société des américanistes, 101-1 et 2 | 2015