À La Recherche Du Logement Abordable Un Défi Européen
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Octobre 2018 RAPPORT À la recherche du logement abordable Un défi européen Marie Baléo Sommaire 4 Stockholm 16 Londres 34 Paris 46 Berlin 60 Varsovie 68 Munich 78 Bordeaux 86 Chronologie du projet 87 Réseau d'experts 88 Notes 95 Crédits images 2 Introduction a mondialisation qui marque notre survivre, s’adapter et croître en dépit de cette fin, il leur faudra comprendre les histoire depuis plusieurs décennies ce qui, ici, constitue un stress chronique. déterminants de la pénurie actuelle, qu’ils Ldonne à présent à voir l’ampleur de Car c’est non seulement de la présence soient la conséquence de leur attractivité ses effets polarisants : polarisation des d’écosystèmes innovants, de secteurs et de leur dynamisme économique emplois – ceux que l’on crée aujourd’hui économiques porteurs et d’universités ou les fruits de leurs particularités sont souvent très qualifiés ou, à de haut niveau que dépendent la vitalité politiques, économiques, historiques... l’inverse, peu sophistiqués et faiblement et le fonctionnement économique de C’est ce que ce rapport s’emploie à rémunérateurs – mais aussi des revenus, nos villes mais aussi et avant tout de permettre : sa visée est de fournir aux compétences et territoires. Cette celle de ces ménages à revenus faibles villes une analyse des difficultés que polarisation, qui clive les populations, et moyens. rencontrent aujourd’hui les métropoles accentue les inégalités et contribue européennes dans la résolution de la à l’atrophie progressive de la classe Alors que la production de logement crise du logement. À la clé, un véritable moyenne, n’épargne pas le logement. dans les villes européennes se trouve enjeu de société, car les réponses On observe ainsi dans plusieurs pays entravée par des contraintes tantôt qu’apporteront les villes européennes à la européens un contraste saisissant entre, physiques ou topographiques, tantôt question du logement éclaireront aussi la d’un côté, des communes et cœurs de réglementaires ou d’ordre politique, question de la forme que nous entendons ville désertés où les logements vacants alors que le logement abordable se donner à nos sociétés dans les décennies (et abordables) abondent et, de l’autre, raréfie au point que les ménages à à venir. des métropoles en croissance, denses revenus faibles voire moyens voient et attractives, où le logement devient leur capacité à vivre en ville remise en Ce qui ressort de ce rapport, fruit chaque jour moins accessible aux cause, c’est donc tout le dynamisme d’entretiens menés avec une trentaine ménages à revenus faibles et moyens. des économies urbaines qui se joue d’experts dans sept villes européennes Ainsi, le rêve autrefois réalisable de aujourd’hui dans cette question du (Paris, Bordeaux, Londres, Stockholm, l’accession à la propriété en ville s’éloigne logement abordable. Et pour cause, une Berlin, Munich et Varsovie), c’est désormais pour les classes moyennes, à ville si attractive qu’elle ne parvient pas bien la nécessité d’une intervention mesure que les prix du foncier et de la à loger ne le restera pas longtemps... renouvelée de la puissance publique en construction continuent d’augmenter. En témoigne l’exemple de Stockholm, matière de logement. C’est à l’échelle dont le marché de l’emploi pâtit de la des métropoles, miroirs grossissants de la Il y a dix ans, la crise financière achevait saturation et des prix démesurés du mondialisation où inégalités, fracturation de révéler la place centrale du logement parc résidentiel. Outre-Atlantique, spatiale et segmentations socio- dans la sécurité patrimoniale des c’est de cette même crise que souffrent économiques vont croissant, que doit ménages, conséquence des politiques depuis longtemps déjà la Silicon Valley, s’opérer cette intervention, car la crise d’incitation à l’achat des années où se multiplient les récits d’employés du logement n’est pas, ne fut jamais une 1970 qui, aux États-Unis comme en contraints de dormir dans leur voiture, crise nationale. Le constat d’une ultra- Europe, détournèrent le logement de sa et New York qui, de ville, est devenue un polarisation territoriale de la question fonction originelle d’abri pour en faire objet un de luxe où la simple location d’un du logement et d’une inadéquation la voie première de constitution d’un studio est désormais hors de portée de spatiale entre offre et demande doit patrimoine. C’est précisément parce nombreux ménages. dès aujourd’hui conduire les villes à que le logement constitue la pièce renouveler leur approche. Les difficultés maîtresse de la stratégie patrimoniale La formule qui consisterait, pour les auxquelles font face les métropoles de nombreux ménages que s’y cristallise métropoles, à s’abstenir d’agir pour étudiées donnent à voir les écueils aujourd’hui l’angoisse des classes endiguer l’envolée des prix immobiliers associés à l’inaction. Les solutions moyennes face à la perspective d’un et à laisser s’éloigner de leurs centres qu’elles s’efforcent aujourd’hui de déclassement né de la mondialisation. les ménages à revenus faibles et mettre en œuvre indiquent aussi que Mais s’il est une préoccupation critique moyens au prix de trajets quotidiens tout espoir n’est pas perdu et que la pour les citadins, le logement est pour toujours plus longs et coûteux n’est résolution de la crise urbaine de notre les villes l’enjeu premier de la résilience ni souhaitable ni durable. Il est donc siècle est avant tout affaire de volonté urbaine, capacité des individus, urgent pour les villes de se saisir de la politique. communautés et systèmes urbains à question du logement abordable. À Logement abordable Stockholm Une conception universaliste du logement à l’épreuve de la pénurie 4 Stockholm « Je pense que si nous ne parvenons pas à répondre à la demande de logement, nous risquons la révolte » : c’est ainsi qu’Ann-Margarethe Livh, maire adjointe de Stockholm en charge du logement, décrit la situation actuelle de la capitale suédoise, confrontée depuis le début de la décennie à une pénurie avérée de logement qui menace aujourd’hui son attractivité économique. La pénurie dont Stockholm fait pendant 10 ans), dans un pays qui comptait La décennie suivante est marquée par la l’expérience est le fruit d’une crise qui alors 8 millions d’habitants. Pour mettre en remise en cause des résultats du « Programme » touche l’ensemble de la Suède dont le œuvre cette politique, l’État peut s’appuyer dont on considère qu’il a engendré de la régime de logement public particulier, à sur « de généreux programmes de prêt à 100% ségrégation spatiale et que ses logements la visée résumée par l’adage « dwellings et des bonifications d’intérêt/garanties de taux n’ont pas su proposer à leurs habitants une for all » (« logements pour tous »), apparaît d’intérêt »3. Si le « Million Programme » est connexion adéquate aux infrastructures aujourd’hui incapable d’atteindre cet pensé comme un programme de logement sociales dont ils avaient besoin. objectif premier. En cause, un arrêt de la à destination de la classe moyenne, il s’avère construction de logement de près de deux rapidement que ses grands ensembles denses décennies, une croissance démographique et standardisés peinent à séduire leur cible, redynamisée par l’arrivée de demandeurs peu convaincue par leurs caractéristiques d’asile et réfugiés à partir de 2015 ou encore architecturales et leur uniformité (« le projet une politique de cession de logements devra avoir un haut degré d’uniformité. Les municipaux à leurs occupants, ayant variantes devront être strictement limitées, Stockholm en causé l’attrition d’un parc public dont le notamment le dimensionnement des composants redéveloppement conditionne aujourd’hui la de construction, des escaliers, les plans d’étages quelques chiffres résilience de la capitale suédoise. et la configuration en général », édictait ainsi le Home Office suédois en 19684). Dès le début Population : 897 700 habitants des années 1970, alors que 500 000 des logements prévus ont été construits Part de ménages 1965-1974 : un million et que l’économie du pays entre dans unipersonnels : 44% une période de ralentissement, le parc d’appartements au service résidentiel suédois devient excédentaire Part d’habitants d’origine du « logement pour tous » et certains logements du « Programme » se étrangère : 31% trouvent durablement vacants5, notamment dans la capitale : « à Stockholm, la production des Revenus annuels Témoin d’une période de croissance logements du ‘Million Programme’ a continué moyens : 35 585 € économique soutenue doublée d’une bien longtemps dans les années 1970 jusqu’à ce urbanisation rapide dans les années suivant que tous les logements prévus aient été construits, Taux de chômage : 8%1 la Seconde Guerre mondiale, la Suède est alors même que la population de Stockholm confrontée, dès les années 1960, à une pénurie décroissait, passant de 787 182 habitants en aiguë et généralisée de logement. Alors que 1965 à 647 115 en 1981 »6. Les logements le logement devient une préoccupation de du « Million Programme » commencent premier plan pour le parti social-démocrate2 alors de concentrer des populations au pouvoir, l’État suédois approuve en défavorisées, souvent issues de 1965 le « Million Programme », ambitieux l’immigration : elles représentent aujourd’hui programme de construction d’un million 85 à 90% des habitants des quartiers d’appartements (à raison de 100 000 par an concernés par le « Million Programme »7. 5 Logement abordable Fig. 1 : bâtiment de logement public construit dans le cadre du « Million Programme », Gröndal (Suède). concomitants d’une nouvelle période de du parc ancien à loyer faible et ce même 1990-2010 : excédent de croissance démographique : la population dans les quartiers excentrés. Dans le même logements, stagnation du comté de Stockholm augmente ainsi de temps, les loyers du neuf augmentent 350 000 entre 2005 et 201510.