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Late vintage Cohen World Tour 2008-2009. Concert donné à la Salle Wilfrid-Pelletier de la Place des Arts, dans le cadre du Festival international de jazz de Montréal, du 23 au 25 juin 2008 Gilles Dupuis

Immigration, justice et diversité culturelle Number 222, September–October 2008

URI: https://id.erudit.org/iderudit/16801ac

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Publisher(s) Spirale magazine culturel inc.

ISSN 0225-9044 (print) 1923-3213 (digital)

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Cite this article Dupuis, G. (2008). Late vintage Cohen / Leonard Cohen World Tour 2008-2009. Concert donné à la Salle Wilfrid-Pelletier de la Place des Arts, dans le cadre du Festival international de jazz de Montréal, du 23 au 25 juin 2008. Spirale, (222), 33–33.

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•••Had LEONARD COHEN WORLD TOUR 2008-2009 Concert donné à la Salle Wilfrid-Pelletier de la Place des Arts, dans le cadre du Festival internationa< l de Jazz de Montréal, du 23 au 25 juin 2008. 1 •

tn i l'on reconnaît un grand cru qu'on a pu entendre les incontourna­ soit l'approche choisie, la poésie leurs sonorités suaves, les accents o. classé à sa capacité de vieillir, bles Suzanne et So Long, Marianne était toujours au rendez-vous, réver­ plus rauques du mentor. Certains cri­ Splus précisément de bien vieil­ du premier album, de même que bérée et transfigurée par la musique. tiques ont reproché à Cohen de o lir, acquérant souplesse et profondeur Sisters of Mercy et Hey, That's No saluer trop souvent ses musiciens, tn tout en conservant des tannins moel­ Way to Say Goodbye; le très popu­ Un mot sur l'atmosphère très spé­ tirant sa révérence jusqu'à l'obsé­ UJ leux et capiteux, nul doute que Leo­ laire du deuxième ciale qui s'est dégagée de cette quiosité; pour ma part, j'y ai décelé la -i _J nard Cohen (l'homme, sa voix, sa album, ainsi que Avalanche du troi­ messe profane (ou ce concert sacré) profonde et plus sincère déférence poésie et sa musique) est l'assem­ sième; en revanche, presque rien tout au long de la soirée qui semblait que doit l'hôte à ses invités, et l'in­ o blage issu d'une cuvée exceptionnelle. des quatrième, cinquième, sixième vouloir s'éterniser, mais sans lon­ vité à son public, quand l'invité de L. Plus encore qu'à un vin d'origine et septième albums (incluant le pre­ gueur. Une scène on ne peut plus marque et l'humble commensal se contrôlée, c'est à un très grand porto mier album « Live » et la première simple, constituée en arrière-plan fondent en une seule personne qui a millésimé que je comparerais les ef­ compilation « The Best of ») sinon d'un rideau illuminé par un jeu de de la classe... fluves qui se sont dégagés ce mercredi Who by Fire, et seulement The lumière variant du bleu profond au soir, dans la salle principale pourtant Gypsy's Wife du huitième album; rouge intense en passant par le violet Que dire enfin de la voix du maître, si froide de la Place des Arts, lors du pour se concentrer sur les trois mystique, selon l'humeur des pièces, laquelle s'était enfumée en vieillis­ dernier spectacle montréalais de la albums suivants, avec Dance Me to pour atteindre avec Hallelujah un sant au point de n'être plus que le tournée mondiale de celui qui aurait the End of Love (présenté en ouver­ rayonnement doré on ne peut plus souffle d'elle-même? Démentant la pu choisir de devenir prêtre ou rabbin, ture du spectacle), Hallelujah et If It approprié. Dans cette optique, le rumeur qui veut qu'elle en soit réduite mais qui s'est contenté humblement Be Your Will (superbement rendu par spectacle se présentait comme une à un filet — rumeur que le dernier d'être poète et musicien, redonnant les sœurs Webb dans un climat cel- hyperbole radieuse de son et de album enregistré, , toutefois à l'antique charge de cantor semblait entériner tant le souffle s'y toute sa dignité humaine et spirituelle. faisait murmure indistinct —, c'est par une voix grave, certes, sombre, Entouré d'une brochette de musi­ Parfois le poète prenait le pas sur le sans aucun doute, que nous avons ciens triés sur le volet (le directeur encore été bercés, mais qui s'est musical Roscoe Beck à la basse, Neil musicien, récitant un poème repris ensuite révélée ce soir-là étonnement jeune, Larsen aux claviers et à l'accordéon, en chanson par ses compagnes ; d'autres fois, ou alors rajeunie, ou encore ragaillar­ Bob Metzger à la guitare, Javier Mas die. Comme si Cohen avait retrouvé à la mandoline et au luth, Dino Soldo il amorçait l'incipit d'un texte en français, tous ses moyens, s'était remis en au saxophone et autres instruments avant de le chanter en anglais. Quelle que voix, grâce peut-être à la voie béné­ à vent, et Rafael Gayol à la percus­ soit l'approche choisie, la poésie était fique du bouddhisme, sa dernière sion), secondé par ses complices de « religion » après ou plutôt aux côtés toujours qui lui prêtent volontiers toujours au rendez-vous, réverbérée et de l'héritage juif et de l'influence leur voix féminine — dont sa colla­ transfigurée par la musique. catholique, venue à point pour boratrice, Sharon Robinson, flanquée contrebalancer les « ravages » de la des sœurs Webb —, le chantre de la cigarette et de l'alcool... Et pourtant, poésie vivante et du verbe incarné, c'est encore à ces agents de destruc­ soumis à la tentation et y succom­ tique bien adapté à ce morceau); lumière, culminant au moment le plus tion qu'il faut remettre la palme si bant avec grâce, nous a livré une , Ain't No sacré et jubilatoire de la perfor­ l'on veut en apprécier le grain si par­ prestation des plus généreuses Cure for Love, I'M. Your Man, Take mance. En filigrane, sur la toile de ticulier. Après le timbre aigre de la (environ vingt-quatre titres en trois This Waltz (dans une interprétation fond, le logo de Cohen, The Order of jeunesse, puis le registre rauque de heures de spectacle, incluant trois émouvante dédiée à la mémoire de the Sacred Hearts, calqué sur l'étoile la maturité, le vieillissement a été rappels), à la hauteur des attentes l'ami poète, Irving Layton) et Tower de David par l'imbrication de deux profitable à cette belle voix usée que légitimes d'un public exigeant mais of Song {en ouverture de la deuxième cœurs inversés, d'abord entrevu dans la patine du temps a bonifiée. C'est conquis à l'avance, voire au delà de partie du spectacle); The Future, un flou « artistique », avant de se des­ en effet à une voix remplie de tannins ce que ses plus ardents partisans et Closing Time, Anthem et Democracy; siner avec plus de précision, jusqu'à que nous avons eu droit ce soir béni fidèles admiratrices auraient osé sans oublier les incursions dans se détacher nettement en finale du entre tous les soirs, une voix tonique espérer. Pour cette virée en sa ville l'avant-dernier album, produit par concert. Peu de musiciens sur scène, voire tannique, accompagnée de natale qui l'avait trop longtemps « l'incomparable » — les mots sont mais tous éminemment profession­ notes empyreumatiques. Pas éton­ désiré — et sur ce chapitre seule­ de Cohen lui-même — Sharon nels, jouant avec un art consommé de nant que nous ayons eu l'impression ment, on ne peut que « remercier » Robinson : In My Secret Life, A divers instruments acoustiques et de planer dans l'empyrée sans même celle qui en est l'instigatrice impopu­ Thousand Kisses Deep et Boogie électroniques — la mandoline espa­ quitter terre, en scandant à notre tour laire —, Cohen a puisé dans ses pre­ Street. Parfois le poète prenait le pas gnole rappelant le bouzouki grec (et Alléluia, Hosanna, Gloria... Ou plus miers et ses derniers albums, lais­ sur le musicien, récitant un poème par écho l'aventure hellénique du juif simplement en disant : grazie. CD sant la production mitoyenne dans repris ensuite en chanson par ses montréalais amorcée dans la métro­ 2 l'ombre, comme s'il s'agissait de la compagnes; d'autres fois, il amorçait pole avant l'exil volontaire à Hydra) — Merci, Monsieur Cohen. S partie de son œuvre (et de sa vie) l'incipit d'un texte en français, avant et, bien sûr, les indispensables voix qu'il préférait oublier. C'est ainsi de le chanter en anglais. Quelle que de femmes qui venaient tapisser, de