Douala : Ville Et Histoire
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René GOUELLAIN DOUALA VILLE ET HISTOIRE MUSÉUM NATIONAL D'HISTOIRE NATURELLE MÉMOIRES DE L'INSTITUT D'ETHNOLOGIE - XI INSTlTUTD'ETBNOLOGIE - MUSÉE DE L'HOMME PARIS Dans la présente étude l'histoire joue un rôle aussi important que les enquêtes dé mographiques, écologiques, ethnologiques menées sur le terrain. Disposant de "fonds d'archives" suffisants, l'auteur, qui les a largement utilisés, tente d'éclairer la ge nèse et les caractères actuels d'une ville coloniale. Deux périodes sont distinguées: les pério des pré-coloniale et coloniale. Pour la pre mière, il est surtout fait appel aux tradi tions orales à contenu historique. L'auteur essaie, à l'aide de cette information di verse et contradictoire, de reconstituer le peuplement du Sud-Cameroun occidental, les rapports entre les groupes migrants, et la position de ces derniers, après leur fixation, dans les échanges commerciaux qui s'établirent et se multiplièrent à me sure que l'Europe étendait son commerce outre-mer. Parmi les populations qui parti cipèrent activement aux échanges, les Duala, de par leur situation et leur organi sation, occupèrent une place de premier plan. Ils surent suivre l'évolution de la concurrence commerciale en se fragmen tant sans pour autant perdre leur unité. Cependant, il vint un moment où ils du rent cesser de se fractionner. Ils traversè rent alors une crise qui se répercuta sur le commerce, obligeant les commerçants eu ropéens, en compétition entre eux et aux prises avec leurs partenaires africains de plus en plus exigeants, à mettre sur pied une organisation quasi judiciaire. La seconde période débute avec la prise sous protectorat par les Allemands du Cameroun et s'achève, après le Mandat français, à la fin du régime de Tutelle qui entra en vigueur après la seconde guerre mondiale. Les matériaux relatifs à cette période étant nombreux ~ rapports po litiques, procès -verbaux, correspondan ces... -, il a été possible à l'auteur d'ex poser le développement de la ville presque chronologiquement. C'est ainsi qu'il re trace l'assujettissement des Duala, la mise entre parenthèses de leur société, l'appari tion de l'indigène face au colon et la formation d'une première population ur baine composée d'autochtones et d'étran gers à la ville. La cité qui naquit présen tait déjà à la fin du Protectorat allemand, immédiatement après la première guerre mondiale, les caractères d'une future gran de métropole maritime. Pendant l'entre deux-guerres, un phénomène peu observé jusque-là se produisit: la transformation des colonisateurs en "employeurs" et celle des colonisés en "employés", rapproche ment au sein d'une même "entreprise" qui ne suscitera pas la création d'une société commune acceptée par tous. Sous le ré gime de tutelle apparaissent les syndicats et les partis politiques en Afrique noire. Cette période prend fin le 1er janvier 1960 avec la proclamation de l'Indépendance. Parvenu à ce moment de l'histoire, l'auteur ten te de définir la ville coloniale dans son unité, son objectivité et sa réalité. Né en 1928 à Paris, René Gouellain a effectué différentes missions en Afrique dans le cadre de l'O.R:S.T.O.M. Il est actuellement chercheur au C.N.R.S. et se consacre à l'étude des pêches maritimes. Cette étude a été présentée en 1969 com me thèse de troisième cycle à l'Université de Paris. DOUALA VILLE ET HISTOIRE MUSÉUM NATIONAL D'HISTOIRE NATURELLE MÉMOIRES DE L'INSTITUT D'ETHNOLOGIE - XI RENÉ GOUELLAIN DOUALA VILLE ET HISTOIRE Enquête réalisée dans le cadre de I'Orstom Ouvrage publié avec le concours du Centre National de la Recherche Scientifique PARIS INSTITUT D'ETHNOLOGIE MUSÉE DE L'HOMME, Palais de Chaillot. Place du Trocadéro, 16'" 1975 © Institut d'Ethnologie, 1975. INTRODUCTION Nous voudrions parler des matériaux que nous avons utilisés dans notre étude. Nous pensons que c'est dans une introduction que nous devons le faire. Le document est révélateur d'une réalité. C'est là son aspect positif. Il est aussi évocateur d'images qui ne correspondent pas toujours à la réalité. Ce peut être son côté négatif. Nous essaierons donc de rendre compte de l'univers qui se dégage spontanément de la lecture des matériaux. Nous n'avons pas besoin pour cela d'entrer dans le détail: l'examen de l'ensemble des documents par catégorie suffira. L'image passivement reçue de la société coloniale (1) reconstituée, il nous sera alors possible au cours de notre étude de la redresser si besoin est, donc de mieux nous contrôler. * ** 1. - Les rapports politiques de l'administration locale, confidentiels, cela va sans dire, étaient adressés à l'Administration supérieure du Territoire. Ce sont des dossiers comportant en général entre 50 et 80 pages dactylographiées. Nous possédons la copie de la collection à peu près complète des rapports annuels de la Région du Wouri et quelques-uns émanant de la Subdivision. Les premiers sont le reflet fidèle des seconds, car ces deux appellations administratives recouvraient à Douala, la même réalité territoriale. Le Chef de Région qui était presque toujours délégué du Haut-Commissaire, avait pour adjoint le Chef de Subdivision, lequel devait lui rendre compte de son administration dans un rapport qui était ensuite repris et adressé au Pouvoir central au nom de la Région. Il existait des rapports semestriels, trimestriels et mensuels, mais nous n'en avons que quelques-uns. (1) Le concept de "société coloniale" peut tout aussi bien être utilisé pour désigner le groupe des colonisateurs sur place, (cf. G. Balandier) que l'ensemble de la "Colonie" (cf. Evgueni Varga). Nous avons opté pour le second sens. 6 Cependant, il nous fut possible de constater que les synthèses annuelles les utilisaient au mieux. Il existait également des rapports d'Inspection. Ce sont des documents sortant de l'ordinaire. Mentionnons ceux de la période 1919-1920, d'une importance considérable pour l'histoire de la ville. 11 convient d'ajouter que le commandement centralisait les rapports fournis par les autres services adminis tratifs: Sûreté et Police, Enregistrements et Timbres, Domaines, Services écono miques, Douanes, ... Comme nous avons eu l'occasion d'en consulter, nous avons remarqué la parfaite transmission de leur contenu dans les documents de caractère politique. Les manuscrits duala et basa étaient destinés en grande partie à l'Administra tion locale. Ils ont été obtenus à l'IFAN (2) ou dans les bureaux de la "Résidence", ou bien auprès des intéressés dans les différents lignages. Presque tous sont manuscrits. La plupart sont assez volumineux. Certains ont été rédigés à l'origine en langue allemande, puis traduits en français. D'autres, les plus nombreux, ont été conçus en langue duala et par nos soins traduits - par les auteurs ou par plusieurs "informateurs". Signalons aussi les traditions recueillies par les Allemands et traduites sur leur initiative dans leur langue. Tous ces manuscrits, d'inégale importance, et d'inégale valeur, présentent un intérêt évi dent: très tôt les Duala écrivirent leurs traditions orales à contenu historique. Il nous en est parvenu provenant des principales "familles" de Douala, et, chose in téressante, rédigées à différen tes époques. A ces rapports politiques et à ces manuscrits il faut adjoindre la correspon dance qui restait entre les mains des destinataires et, en double, chez les expéditeurs. Le plus important expéditeur-destinataire étant l'administration lo cale, il est normal de trouver à cet échelon l'essentiel des documents. Ce sont avant tout des lettres classées dans des dossiers particuliers. Les affaires doma niales semblent en avoir suscité le plus, si l'on en juge d'après ce que nous avons vu. Comme toutes questions de terre en Afrique laissées en suspens durant la colonisation, celles qui ne purent jamais être résolues soulevèrent de nombreux litiges, dont les solutions proposées supposaient une connaissance globale de la société coloniale. Aussi ces matériaux sont-ils précieux quant à leur contenu documentaire malgré leur aspect uniquement "utilitaire". Déjà une remarque s'impose, remarque dont il faudra sans cesse tenir compte: le point d'impact de l'information écrite durant la colonisation se situait donc au niveau de l'administration locale, premier "auteur" et "unique public" ; détail intéressant, car il faut s'attendre à une réelle orientation de l'information qui nous est échue: que ce soit à propos, mais cela ne fait aucun doute, des rapports politiques et de la correspondance, ou des manuscrits. 11 s'avère nécessaire, à l'égard de ces derniers, de découvrir les intentions qui présidaient à leur rédaction, afin de voir comment l'administration était visée alors qu'il était rarement fait mention de la colonisation. Notons que même les procès-verbaux de mairie, quand il y en eut, ceux de conseils de notables, d'urbanisme ... reflètent la position-clé du pouvoir local autour duquel et en fonction duquel, chacun se situait, voyait, informait, agissait. 11 est un fait que dans n'importe quelle réunion, (2) I.F.A.N., Institut Français d'Afrique Noire. 7 chaque séance est une authentique pièce répétant cette structure malgré les sujets et ordres du jour variés. Derrière les dialogues "manifestes" l'on peut saisir les attitudes de chacun. Certes, celles-ci changèrent au cours du temps, mais les statuts restèrent identiques. C'est ainsi que les uns, les Européens, acceptèrent d'introduire le débat et les autres, leurs partenaires, d'y participer avec une aisance qui étonne parfois. Cependant, tout s'ordonne en fin de compte autour des mêmes préoccupations: les projets et les réalisations des colonisateurs, ou les réponses qu'ils cherchaient, avec l'aide des notables, aux problèmes que soulevait leur action. Nous aurons d'ailleurs l'occasion d'analyser ces discussions.