Festugière 1830 – 1914 Histoire Des Usines De Brousseval
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FESTUGIÈRE 1830 – 1914 HISTOIRE DES USINES DE BROUSSEVAL Jusqu’à la fin du dix-huitième siècle, il n’existait point, à Brousseval, d’établissement métallurgique. À côté du village se trouvait un domaine et un château, nommés le Champ-Bonin. Ce domaine avait appartenu à une famille du même nom, qui y résidait encore entre 1733 et 1737, à l’époque où Voltaire, exilé de Paris, s’était retiré à Cirey auprès de la Marquise du Châtelet. On trouve dans la correspondance de Voltaire, un certain nombre de lettres adressées à Mme de Champ-Bonin, avec laquelle il était dans les termes d’une assez grande familiarité pour lui donner le nom de « mon gros chat blanc ». D’après la tradition, Voltaire aurait même fait des séjours au château du Champ-Bonin, et c’est sous les marronniers de l’avenue du château, laquelle existe encore, qu’il aurait composé sa tragédie d’Alzire. Je ne puis dire si le domaine du Champ-Bonin fut vendu en 1790 comme bien national ; ce serait un point facile à vérifier dans les archives. Ce qui est certain, c’est que, en 1796, le domaine du Champ-Bonin appartenait à un sieur Adrien de Wassy, déjà propriétaire du haut- fourneau et de la forge de Montreuil-sur-Blaise. Le domaine de Champ-Bonin était et est toujours traversé par une dérivation de la Blaise dénommée « canal des Moulins ». Cette dérivation prend naissance à l’extrémité méridionale du domaine. Ce canal n’a jamais servi à faire mouvoir l’usine de Brousseval, il dépendait de trois moulins situés à Wassy, lesquels appartenaient au duc d’Orléans. Il en résultait que les tenanciers ou le propriétaire de ces moulins exerçaient tout le long du canal des droits de servitude sur les usines de Brousseval. Au début de la période révolutionnaire, en 1789, le duc d’Orléans venait de renouveler, pour ce moulin, avec un sieur Verry, un bail emphytéotique de 99 ans. Dès que la révolution eut éclaté, le dit Verry n’eut rien de plus pressé que de s’approprier le moulin. Mais à côté de ce moulin, existait, dans le domaine de Brousseval, une source alors plus abondante qu’aujourd’hui et nommée la fontaine du Haut-Sang Cette fontaine servait à faire tourner les roues de deux petits moulins. Comme elle avait l’avantage de ne tarir et de ne geler jamais, le sieur Adrien demanda, en 1796, à l’autorité administrative, la permission de transporter à Brousseval le haut-fourneau de son usine de Montreuil. Il faut rappeler que de tout temps, jusqu’à une loi du 9 mai 1866, les hauts-fourneaux et les forges ne pouvaient être créés que moyennant une permission du gouvernement, parce que ces usines jouissaient d’un privilège sur le produit des forêts et des minières affectées à leur alimentation. C’est seulement la loi rappelée ci-dessus qui a supprimé ces privilèges, en même temps qu’elle a établi la liberté de l’industrie. La permission demandée par le sieur Adrien lui fut accordée. Telle est l’origine des usines métallurgiques de Brousseval. Ces usines, pendant un demi-siècle au moins, ne furent constituées que par un haut-fourneau auquel, bientôt, en fut adjoint un second, et d’une halle de fonderie dans laquelle on fondait les saumons (fonte brute) destinés à être transformés à Montreuil ou à être vendus à d’autres forges. Il est probable qu’en même temps que les saumons on fabriquait les pièces en fonte moulée grossières, nécessaires à l’entretien de l’usine elle-même. Ces usines devinrent ensuite la propriété d’une dame Daguin, fille du fondateur Adrien. Elles passèrent après dans les mains d’une famille Chanlaire de Wassy, laquelle (vers 1850) les revendit à un M. Moinot-Delierre. Celui-ci fit démolir l’ancien château du Champ-Bonin et construire, à peu près à la même place, une maison carrée qui subsista jusqu’en 1908, entourée d’un parc de plusieurs hectares. En 1847, d’après la géographie départementale publiée par l’éditeur Dubochet, l’usine de Brousseval comportait : haut-fourneau, forge, fours à la Wilkinson (cubilots), et produisait de la fonte moulée, rouages et cylindres. En 1856, décédait en Périgord, dans une localité nommée les Eyzies, M. Eugène Festugière, directeur et co-propriétaire des Forges du Périgord. Il laissait deux fils, dont l’aîné Georges achevait alors ses études à l’École Supérieure des Mines à Paris. Le décès de M. Eugène Festugière entraîna la liquidation de la Société des Forges du Périgord. Le défunt laissait une fortune assez modeste. Son fils aîné, à sa sorte de l’école, vers 1857, songea d’abord à reconstituer une entreprise industrielle dans le pays dont il était originaire, mais après plusieurs tentatives infructueuses, il y renonça, et bien lui en prit, car il y aurait englouti rapidement le peu de capitaux qu’il possédait. Après cet insuccès, à la suite de démarches dont j’ignore le détail, il porta ses vues sur la Haute-Marne et, s’étant associé avec une M. Desforges et un M. Brochon, il acheta (en 1859) le domaine et la petite usine de Brousseval. L’acquisition ne fut pas payée comptant : sur le prix d’achat, 350.000 Frs, je crois, il restant encore dû 50.000 Frs au commencement du vingtième siècle. M. Desforges apportait dans l’association sa connaissance de la conduite de haut-fourneau. M. Brochon apportait une collection assez importante pour l’époque, de modèles de fonderie dont il était propriétaire, et qui se trouvaient alors dans une fonderie existant à Donjeux, ainsi qu’un magasin et qu’un dépôt dont il était locataire à Paris, rue du Grand St- Michel. (cette rue s’appelle aujourd’hui rue du Terrage). M. Georges Festugière apportait ses capitaux et ses connaissances d’ingénieur. Il donna très rapidement à l’usine un développement important. Les deux petits hauts-fourneaux furent agrandis et transformés, pour permettre la substitution, au charbon de bois, du coke. La production de ces appareils fut portée de 4 à 8 tonnes par jour pour chacun. Le minerai destiné à les alimenter provenait de quelques petites minières situées entre Brousseval et Vallerest, et sur les côtes de Morancourt, mais surtout des gisements de Pont- Varin déjà exploitées à cette époque. Ce minerai était, tantôt acheté aux propriétaires qui l’exploitent eux-mêmes et qui, généralement, le transportaient jusqu’aux hauts-fourneaux, tantôt exploité par l’usine même. Cette exploitation était faite sous le régime institué par la loi du 21 avril 1810, pour les extractions à ciel ouvert, dénommées minières. Ces gisements superficiels ne faisaient point l’objet d’une concession : on achetait au propriétaire du sol le droit d’extraire le minerai du sous-sol. Ce droit était à perpétuité mais les contrats d’acquisition contenaient généralement des clauses qui fixaient pour l’exploitation même, une fois commencée, une durée maxima. À partir du jour où des souffleries à vapeur avaient été substituées aux souffleries à l’eau, la fontaine du Haut-Sang devenait disponible, l’eau qu’elle fournissait ne servait plus qu’à alimenter les différents services de l’usine, mais elle fut affectée principalement au lavage du minerai, au moyen d’un ou de deux bocards qui furent établis entre cette usine et le canal des moulins. L’eau bourbeuse, à la sortie des bocards, allait se déposer dans une série de bassins en serpentine avant d’être restituée au canal des moulins, qui possédait un droit sur l’eau elle- même. Le lavage du minerai avait pour objet de le débarrasser d’une partie de l’argile qu’il contenait et d’augmenter la teneur en oxyde de fer. La soufflerie à eau (transformation des anciens moulins) fut remplacée par deux machines soufflantes à vapeur, construites par la Maison Farcot, alors célèbre. Aux hauts-fourneaux furent adjoints plusieurs cubilots destinés à fournir la fonte de seconde fusion. C’étaient des appareils alors nouveaux qu’on dénommait Wilkinson, du nom de leur inventeur anglais. Devant les hauts-fourneaux et les cubilots, furent construites des halles en bois, et furent montés des appareils de levage destinés à produire les objets en fonte moulée. Le sable de fonderie venait d’une localité La Houpette, située entre St-Dizier et Bar-le-Duc. La collection apportée par le sieur Brochon était constituée presque exclusivement par des modèles de fontes d’ornement : statues, fontaines, balcons, appuis de croisées, tuyaux des descentes. Comme la fonte de première fusion tirée directement des hauts-fourneaux ne se prêtaient pas à la fabrication de ces moulages légers, M. Georges Festugière eut la bonne idée d’ajouter à cette fabrication une nouvelle branche de moulages dans l’usine la fabrication des tuyaux de conduite en fonte, à joint de caoutchouc, qui en est restée l’une des spécialités. C’est à Brousseval, je crois, qu’a pris naissance ce système de tuyau. Le tuyau en fonte était connu depuis plusieurs siècles, mais on ne fabriquait que des tuyaux à emboîtement et cordon, dont le joint était fait au plomb. C’est un sieur Petit, originaire de Haute-Marne, et je crois de Pancey, qui eut l’idée de confectionner le joint au moyen d’une rondelle en caoutchouc, et de rassembler les tuyaux au moyen de pattes en fer. M. Georges Festugière, s’entendit avec cet inventeur, alors breveté, et la vente du tuyau « Petit » prit tout de suite une grande extension, au point que cette fabrication devint bientôt la fabrication, sinon exclusive du moins de beaucoup la principale, des usines de Brousseval.