oreina n° 16 – décembre 2011 RÉGIONS 39 PPrésencerésence dd’’AAglaopeglaope iinfaustanfausta ((Linnaeus,Linnaeus, 11767)767) ddansans llee MMassifassif aarmoricainrmoricain ((Lep.Lep. ZZygaenidaeygaenidae CChalcosiinae)halcosiinae) ●

BRUNO LAMBERT

Résumé : La découverte d’ infausta (L.), dans Fig. 1. Mâle d’Aglaope le Massif armoricain, en Anjou et en Bretagne, démontre infausta sur . que sur des biotopes particulièrement bien exposés, Fig. 2 : Accouplement. l’espèce est capable de coloniser des régions insoupçon- Fig. 3 : Mâle au repos sur nées, parfois même en l’absence de calcaire. Prunus spinosa. © B. Lambert. Summary: The discovery of Aglaope infausta (Linnaeus, 1767), on the Armorican Massif, which extends from Brittany to the Anjou region of the lower Loire valley, shows R. CORILLION (1981-1982 ; 1989) that, in ideally situated biotopes, colonies are to be found qui en a souligné le microcli- where least expected, even on non-calcareous substrates. mat et la remarquable richesse floristique. Ces isolats, situés Mots clés : Aglaope infausta, , Massif armo- sur l’extrême limite orientale du ricain, calcaire, xérothermique, répartition. Massif armoricain, sont non loin 1 des contreforts calcaires de la Key words: Aglaope infausta, Zygaenidae, Armorican vallée du Layon où l’espèce a été Massif, limestone, xerothermic, distribution. détectée ces dernières années par J.-P. Coat et S. Dupin dans un secteur susceptible d’abriter d’autres stations. glaope infausta (Linnaeus, 1767) (fig. 1 à Le 5 mai 2005, lors d’une sortie 4) est le seul représentant des Chalcosii- de la Société des Sciences na- nae en France. L’espèce y est largement turelles de l’ouest de la France, répartie et atteint sa limite nord-ouest aux les chenilles matures sur Cratae- Aconfins du Bassin parisien. Les observa- gus furent observées dans une tions d’Aglaope infausta montraient jusqu’à présent que ancienne carrière du secteur de l’espèce ne franchissait pas la frontière géologique du Montjean-sur-Loire (49). La len- Massif armoricain. tille calcaire également d’origine Cette espèce thermophile des biotopes calcaires bien lacustre comme à Beaulieu-sur- exposés est un parasite des Rosacées arbustives des Layon, se situe sur la partie ouest genres Prunus et Crataegus. Lorsque ses populations 2 du département, faisant alors de sont denses, la chenille (fig. 5) devient alors un important ce point l’unique station vérita- ravageur pour sa plante-hôte (fig. 6). Elle peut réaliser une blement à l’intérieur du Massif complète défoliation du végétal entraînant parfois sa mort armoricain (DROUET, 2009). lors des périodes de sécheresse. Les années de sura- S. Guibert, au cours de sorties bondance, l’espèce dans sa recherche de nourriture est avec ses élèves les 5 juillet capable de se réfugier sur d’autres Rosacées inhabituelles 2006 et 4 juillet 2007, observait telles que des arbres fruitiers ou d’ornement : Pruniers, et photographiait des imagos sur Pêchers, Amandiers, Pyracanthas, Pommiers du Japon… un biotope cristallin de la vallée (comme observé en 2003 dans le nord du département de l’Hyrôme (fig. 8) aux portes des Deux-Sèvres). même de Chemillé, dans le A. infausta est absent des anciennes collections angevines Choletais (49). Cette découverte malgré la prospection de nombreux entomologistes de ta- des plus surprenantes, démontre lent. P.-A. Millet de La Turtaudière (1865) citait cependant que l’espèce peut être présente sa présence dans le Saumurois, à Dampierre. hors calcaire, dans une station Dans le centre-ouest de la France, quelques petites po- éloignée de toutes autres.popu- pulations éparses ont été recensées dans le Val de Loire, 3 lations. dans les départements du Loir-et-Cher, d’Indre-et-Loire, Cette capacité à coloniser des ré- d’Indre et de Maine-et-Loire, jusqu’aux limites de la Sarthe gions non calcaires fut également où l’espèce reste à découvrir. Une citation du Morbihan par confirmée par notre découverte GRIFFITH en 1872, sans localité, n’a jamais été confirmée à Vaugiraud et sur la station botanique de la réserve natu- fortuite, le 16 juin 2006, de quelques imagos volant autour ce jour. Des populations plus importantes se rencontrent relle du Pont-Barré à Beaulieu-sur-Layon (49), ne fut donc d’une cépée de Crataegus sur une dune de sable du littoral plus au sud, dans les Deux-Sèvres et la Vienne (fig. 7). pas une découverte exceptionnelle. Les isolats calcaires morbihannais à Plouharnel (fig. 9). Le 25 juin 1981, la découverte de quelques individus à une lacustres du Dévonien et schistes de l’Ordovicien (J. BLAISE Cette observation beaucoup plus étonnante que les pré- quinzaine de kilomètres au sud d’Angers, dans le vallon de et al., 1985) présents sur ces secteurs ont été étudiés par cédentes (première confirmation de la présence d’Aglaope 40 RÉGIONS oreina n° 16 – décembre 2011

Légende Limites du Massif armoricain Environs de Espèce Montjean- présente sur-Loire Présence à confirmer Réserve de Point Pont Barré d’observation 4 Plouharnel Chemillé Belle-Ile

7

Fig. 7. Répartition d’Aglaope infausta dans l’ouest de la France.

infausta pour le Morbihan et la Bretagne) reste ce- existence. L’espèce y colonise des végétaux en général pendant cohérente du fait des éléments suivants : rabougris. Ce constat est sans doute valable ailleurs que le secteur bénéficie d’un microclimat exceptionnel dans le Massif armoricain comme en témoigne la présence 5 avec un fort taux d’ensoleillement, d’une excellente d’une importante population que nous avons découverte exposition due aux pentes de la dune mais surtout durant l’été 2008 en plein massif granitique de la Montagne de la présence du calcaire issu des débris coquilliers de l’Aigoual dans le Gard. dans le sable. Le 12 avril 2007, notre observation de près d’une di- Remerciements zaine de chenilles sur un Crataegus à quelques mètres Je remercie chaleureusement Jean-Paul Coat, Stéphane Du- de la plage des Grands Sables à Belle-Ile (56) allait pin et Stéphane Guibert pour m’avoir signalé leurs obser- conforter cette découverte (fig. 10 et 11). vations de A. infausta dans cette partie du Maine-et-Loire A. infausta possède donc une plasticité écologique ainsi que Sylvain Delmas pour sa recherche bibliographique. ■ plus grande que supposée. Si sa prédilection pour les biotopes calcaires est indéniable, il faut cepen- dant noter que des habitats à caractère xérother- mique prononcé sont suffisants pour favoriser son Bibliographie 6 BLAISE (J.), GRUET (M.), BROSSE (R.), CAVET (P.), LAR- DEUX (H.) & ARNAUD (A.), 1985. – Carte géologique de Fig. 4. Ponte sur Prunus spinosa. la France à 1/50000 : Thouarcé, Ed. BRGM, Orléans. Fig. 5. Chenille au dernier stade. CORILLION (R.), 1981-1982. – Flore et végétation du Fig. 6. Dégâts sur Crataegus monogyna. Pont-Barré. Essai sur l’origine et l’histoire du peuple- Fig. 8. Vallée de l’Hyrôme aux abords de ment. Mémoires de l’Académie des Sciences, Belles- Chemillé (49). Fig. 9. Dune de Plouharnel (56). Lettres et Arts d’Angers, V-VI, p. 109-124. Fig. 10. Les Grands Sables, Belle-Ile (56). © CORILLION (R.), 1989. – Une réserve botanique armo- B. Lambert. ricaine : Pont-Barré (Anjou) in « Plantes sauvages menacées » Actes Brest. BRG , p. 313-318. DROUET (E.), 2009. – Première observation d’Aglaope infausta (Linnaeus, 1767) dans le Massif armoricain (, Zygaenidae) Invertébrés Armoricains, 8 3 : 35-36. GRIFFITH (W.J.), 1872. – Catalogue raisonné des Lé- pidoptères observés dans le département du Morbi- han. Bulletin de la Société polymathique du Morbi- han, Vannes : 73-127. MILLET DE LA TURTAUDIÈRE (P.-A.), 1865. – Indicateur de Maine-et-Loire ou indication par communes de ce que chacune d’elles renferme, tome 2, Ed. de Cosnier et Lachèse, Angers, 616 p.

5, route des Grandes Beausses - La Planche 9 10 F-49630 Mazé. [email protected]