Jacob Frank, Le Faux Messie
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JACOB FRANK, LE FAUX MESSIE Charles Novak JACOB FRANK, LE FAUX MESSIE Déviance de la kabbale ou théorie du complot © L’Harmattan, 2012 5-7, rue de l’Ecole-Polytechnique, 75005 Paris http://www.librairieharmattan.com [email protected] [email protected] ISBN : 978-2-296-55903-5 EAN : 9782296559035 « Avec Dieu, contre Dieu, mais jamais sans Dieu » Dicton talmudique « La lumière fait de l’ombre » Dicton chinois « Le peuple juif est la preuve vivante de l’existence de Dieu. » Un pasteur allemand arrêté en 1942, puis déporté qui s’insurgea contre les déportations des Juifs en Allemagne À mes ancêtres dont l’histoire s’est tragiquement arrêtée en 1941-1942. À mon père, qui survécut à la Deuxième Guerre mondiale, alors âgé de 8 ans. Paix à son âme. REMERCIEMENTS Tout d’abord, un grand merci à monsieur Jean, mon professeur et tuteur qui m’a fait confiance durant trois ans. Je tiens à souligner son immense savoir lié à une modestie exemplaire, ainsi que la patience dont il a fait preuve en lisant mon ouvrage et en y relevant les imperfections. Je remercie Maître Arminius, d’Allemagne, qui par son écoute et son ouverture, m’a donné accès à de nombreux documents inédits ou très rares. Je dédie également ce manuscrit au Rav Benyamin, qui m’a transmis l’amour du Talmud. Je remercie également Evelyne pour ses très sages conseils, sa droiture et sa fidélité à toute épreuve. Une femme extraordinaire plus que digne de ses ancêtres rabbins. Je remercie également Rebecca, une de mes lectrices-correctrices, pour toutes ses questions, ses remarques plus que stimulantes. Enfin, merci à tous ceux qui m’ont écouté lorsque je leur parlais du frankisme, sujet vaste, complexe, parfois douloureux. Au cours de ces recherches, solitude et difficultés étaient parfois au rendez-vous, je remercie donc tous mes amis : Marc qui a découvert la « rédemption par le péché », et qui par son écoute exceptionnelle dans mes moments de souffrance et son humour incroyable, a su transformer une recherche fastidieuse en un chemin réconfortant. Je remercie également Olivier, pour son amitié de vingt ans et sa quête éternelle du bonheur en tant que Juif, dans un monde ingrat. Je remercie Déborah pour avoir rallumé la flamme. Enfin, je dédie ce manuscrit à toutes les personnes de bonne volonté comme Fahim, mon ami d’enfance, Muriel, dont j’admire l’éternel courage, Saïda, Hind dont je remercie l’ouverture et l’intérêt porté au judaïsme. Merci à G., Albanais mystique, de m’avoir indiqué le chemin de la tombe de Sabattai Tsvi, alias Mehmet Effendi. Je remercie tant d’autres qui aspirent à un monde meilleur fait de solidarité entre tous les hommes et absous de toute la problématique du Mal qui nous entoure et avec lequel nous vivons. N’oublions jamais que la Loi du Talion, « œil pour œil, ʲ, dent pour dent, ʹ, main pour main, ʩ, pied pour pied, ʬʢʸ » (Exode 21,23-25, Deutéronome 19,21) n’est pas inexorable (ʲʹʩ soit le Salut) et que le Pardon existe aussi. Enfin, dédicace, à ma fille, à Fadela, la future maman d’Eva et de Noé, qui m’a encouragé à terminer ce travail qui n’en voyait pas la fin, et à ma mère, femme simple, qui a toujours cherché la tranquillité du foyer et malheureusement supporté ma dissidence. Merci à elle de m’avoir donné la vie. Puisse cet écrit ne pas faire tourner les mauvais esprits. Amen ! LE FRANKISME, UN REVELATEUR DES DECHIREMENTS DE LA VIE JUIVE AU XVIIIe SIECLE Nous souhaitons tout d’abord souligner la fulgurante ascension sociale des membres de la secte après leur conversion, dans les hautes sphères de l’aristocratie, de la politique, de l’art ou de la culture européennes. De par cette conversion collective, mystique et messianique, il nous apparaît que le mouvement frankiste fut révélateur des soubresauts et des déchirements de la vie juive dans le monde ashkénaze, au cours du XVIIIe siècle : pogroms, communautés décimées, tentation de l’assimilation ou de la résistance face au monde chrétien, misère sociale, non partage du savoir rabbinique ou orthodoxie, tous ces facteurs prouveraient un désir immédiat d’un sauveur, d’un Messie. Ce désir du Messie sauveur immédiat ou futur montrerait selon nous, à quel point le monde juif européen de l’époque est tourmenté et divisé. Le hassidisme et le frankisme naissent à quelques années d’intervalle et dans la même zone géographique. Ils sont « une vulgarisation de la Kabbale ». L’opposition apparente de ces deux mouvements peut laisser entrevoir que les choix pour survivre en tant que juifs1, furent extrêmes pour les Juifs d’Europe de l’Est. Depuis le XIXe siècle, de nombreuses études ont été réalisées sur le hassidisme du Baal Chem Tov, mais probablement pas assez sur le mouvement frankiste, l’autre facette des déchirements de la vie juive ashkénaze de l’époque, dont les sources sont rares. Le mouvement frankiste nous paraît fondamental dans l’histoire juive : si l’assimilation d’une part, face à une ferveur et une attente messianique d’autre part, représentent les deux faces d’une même crise, le frankisme nous semble symboliser l’ensemble de ces facteurs. Depuis la connaissance de l’existence du mouvement frankiste, beaucoup de chercheurs ont eu grand peine à l’étudier. Tout d’abord, il me semble capital de me libérer de l’opinion de Graetz, qui a vu le mouvement de Jacob Frank comme étant le mouvement hérétique, le plus nauséabond de 1 Au cours de ce travail, nous avons employé le mot « juif », avec j minuscule, pour définir un homme pratiquant le judaïsme, donc faisant partie d’une religion et le mot « Juif », ave J majuscule, pour définir une, ou plusieurs personnes, faisant partie du peuple juif en tant que communauté humaine ou nationale. l’histoire juive. Ceci a largement orienté les opinions futures. Ensuite, Kraushar, l’historien polonais du frankisme de la fin du XIXe siècle, s’est converti subitement au catholicisme, ce qui provoqua un choc dans le monde juif2. Ces deux faits, à quelque soixante années d’intervalle, ont terni, aux yeux de la recherche, l’image de ce mouvement. Depuis, ce n’est qu’avec recul et restriction que les chercheurs actuels se penchent sur ce sujet, voire ne s’y penchent pas du tout, comme Moshe Idel, spécialiste de la mystique juive, du hassidisme, et du sabbataïsme, jusqu’en 17503 ; ou encore, Gershom Scholem au début de ses recherches sur la mystique juive4. Et il n’y a, à notre connaissance, aucun chercheur sur le frankisme en France. Il me semble pourtant que ce sujet est un vaste champ de recherches pas assez approfondi, qui a considérablement marqué le monde juif d’une part, et le monde chrétien de l’autre. Il pose sous un nouvel éclairage les problématiques du converti, de la mystique juive, du messianisme et de la transmission de la Kabbale vers d’autres religions. La problématique du converti et des conversions de groupe Jusqu’à ce jour, peu d’études ont été réellement entreprises sur les convertis, tant sur un point de vue social que religieux et ce, quelles que soient la religion d’origine et la nouvelle religion. L’étude de l’Empire ottoman est riche en informations sur les convertis chrétiens ou juifs, à l’islam et nous restons étonnés que l’exemple balkanique soit si peu étudié dans les universités européennes. Du reste, les conversions à l’islam demeurent un sujet historique exclusivement balkanique avec une forte connotation politique, comme en témoignent les dernières guerres yougoslaves. En revanche, la conversion en Europe, du juif au christianisme ou du chrétien, du païen, au judaïsme (comme les Khazars ou les Berbères), voire du musulman au christianisme ou au judaïsme, est épisodique, très rare, voire inexistante. Si l’on observe de près le schéma du converti, on trouve chez lui une origine religieuse, une conversion - soit religieuse, sociale, mystique ou forcée, puis une nouvelle religion. Dans le cadre de l’histoire juive – et nous adhérons aux idées du sociologue allemand, Arthur Ruppin, qui voit 2 Gershom Scholem, Le Messianisme juif. Essai sur la spiritualité du judaïsme. Èd. Calmann- Levy. 1974. page199. Nahum Sokolow, président de l’Organisation sioniste mondiale de 1931 à 1935, vit dans la conversion de Kraushar, une trahison. 3 Moshe Idel, Mystiques messianiques, de la Kabbale au Hassidisme XIIIe-XIXe siècle. Calmann-Levy. 2005. 4 En effet, en 1946, Gershom Scholem dans son livre, Les Grands courants de la mystique juive, Schocken Books, première édition, 1946, ne traite presque pas du mouvement de Jacob Frank. 12 l’assimilation comme un phénomène normal dans l’histoire juive5, - voir Abraham Léon qui traite de l’assimilation par « l’embourgeoisement »6 – l’histoire regorge d’exemples de juifs qui se sont convertis au christianisme ou à l’islam : les juifs de Fez convertis à l’islam sunnite, les juifs d’Ispahan convertis à l’islam chiite, les juifs convertis au christianisme espagnol ou allemand. Or, l’historiographie moderne, dans les cas cités – et dans d’autres bien sûr, parfois oubliés – ne reconnaît que la conversion par la force ou par opportunisme, surtout quand il s’agit des juifs qui se convertissent au christianisme7. Ceci s’explique par l’influence de l’historiographie sur la période de l’Inquisition, en Espagne qui, à tort, a adopté le postulat selon lequel, si un Juif se convertissait au christianisme espagnol, ce n’était que par opportunisme ou par la force. Ce schéma nous paraît très réducteur. Nous en voulons pour preuve le frankisme, qui pose la question du converti, de ses motivations, et de son évolution.