BIOGRAPHIE NATIONALE

PUBLIÉE PAR L'ACADÉMIE ROYALE DES SCIENCES, DES LETTRES ET DES BEAUX-ARTS^ DE BELGIQUE

TOME QUARANTE-ET-UNIÈME

SUPPLÉMENT

TOME XIII (FASCICULE 1") ABBELOOS — JOASSART

BRUXELLES ÉTABLISSEMENTS EMILE BRUYLANT Société anonyme d'éditions juridiques et scientifiques RUE DE LA RÉGENCE, 67 I 1979

ι BIOGRAPHIE NATIONALE BIOGRAPHIE NATIONALE

PUBLIÉE PAR L'ACADÉMIE ROYALE DES SCIENCES, DES LETTRES ET DES BEAUX-ARTS DE BELGIQUE

TOME QUARANTE-ET-UNIÈME

SUPPLÉMENT er TOME XIII (FASCICULE 1 ) ABBELOOS — JOASSART

BRUXELLES ÉTABLISSEMENTS EMILE BRUYLANT Société anonyme d'éditions juridiques et scientifiques

RUE DE LA RÉGENCE, 67

1979 Les opinions exprimées dans les notices n'engagent que leurs auteurs. A

ABBELOOS (Jean-Baptiste), prê- dans la lutte scolaire qui a marqué tre du diocèse de Malines et orienta- l'histoire de notre pays à cette épo- liste, recteur de l'Université Catholi- que et devint, en 1883, vicaire géné- que de Louvain, né à Gooik le 15 jan- ral de l'archevêché de Malines. Nommé vier 1836, décédé à Louvain, le 25 fé- recteur de l'Université Catholique de vrier 1906. Louvain le 10 février 1887, il s'acquitta Issu de la bourgeoisie rurale du de cette tâche jusqu'à son éméritat Brabant flamand, il fut l'élève du c'est-à-dire jusqu'au 1er octobre 1898. Petit Séminaire, puis du Grand Sémi- Il faisait partie de la Société asiatique naire de Malines avant d'aller étudier de Paris. Il était prélat, avec le titre la théologie à Louvain puis à Rome. de protonotaire apostolique ad instar A l'Université de Louvain, il avait parlicipantium, et chanoine honoraire appris le syriaque avec J.-B. Beelen de la cathédrale de Malines. et Mgr Th.-J. Lamy et il fut reçu On possède plusieurs portraits du docteur et maître en théologie après recteur Abbeloos. Mgr Cauchie, qui la soutenance publique d'une disser- fut son contemporain et son historien, tation sur la littérature syriaque et dit qu'il était « d'apparence délicate, de septante-deux thèses annexes, qu'il petit, quelque peu voûté ». Cet exté- défendit selon l'usage les 11, 13 et rieur fragile dissimulait un esprit 15 juillet 1867. Il compléta ensuite ardent et primesautier. Ses armes rec- sa formation philologique à Londres, torales furent, si l'on en croit VAn- où il copia, au cours de l'hiver 1867- nuaire de l'Université, gravées pour 1868, le texte de la Chronique ecclé- la première fois sur les menus d'un siastique de Grégoire Barhébréus, dé- banquet académique servi le 14 jan- couvert dans un manuscrit du Musée vier 1887 : elles étaient d'azur au britannique. monogramme du Christ d'argent accosté Il commença sa carrière comme d'alpha et d'oméga de même avec la professeur d'Ecriture sainte et d'hé- devise Soli Deo (rien que pour Dieu). breu au Grand Séminaire de Malines, Son caractère entier ne le portait au début de l'automne 1868. Tandis pas à transiger. Cauchie, après avoir qu'il préparait l'édition de la chroni- noté l'énergie morale et l'ardeur du que découverte dans le manuscrit tempérament d'Abbeloos, ajoute : syriaque de Londres, il écrivit quel- « II y eut parfois des heurts et, soit ques articles relatifs à l'orientalisme. » par son attitude dans l'organisation Il renonça à l'enseignement en 1876 » de l'Institut Léon XIII, soit par et fut installé comme curé à Duffel ; » ses manifestations intempestives de de 1879 à 1883, il se trouva engagé » démocratie et de flamingantisme, BlOGR. NAT. — t. XLI. 1 3 ABBELOOS 4

» Mgr Abbeloos ne fut pas toujours tifique (Annuaire de l' Université Catho­ » également loué par ses inférieurs lique de Louvain, 1888, p. XC1II- » et par ses supérieurs » (col. 38-39). CVIII), soit des préoccupations pasto­ Mgr J. Coppens signale le rôle qu'il rales et pédagogiques plus positives. joua dans une polémique violente Ces dernières inspirent des publica­ engagée en 1888 sur la transcendance tions telles que la traduction et l'in­ des livres et des doctrines de l'Ancien troduction du discours de Mgr J. Lan­ Testament, dans le Journal de Bru­ caster Spalding (Peoria, Illinois, Etats- xelles ; dans une notice de Γ Annuaire Unis), qui parut dans Dietsche Wa­ de Γ Université Catholique de Louvain rande en Belfort, en 1900, sous le (1934-1936), consacrée au professeur titre : The University : a Nursery of A. Van Hoonacker, le savant théolo­ the Higher Life. De universiteit : een gien louvaniste signale qu'à cette kweekplaats voor hooger leven. Même occasion, le recteur Abbeloos avait des articles consacrés à l'orientalisme, instigué un professeur de théologie tels que celui par lequel il faisait (qui n'était pas Van Hoonacker) à connaître au grand public belge Les riposter dans le Journal de Bruxelles manuscrits syriaques de Londres, dans aux articles de l'éminent juriste la Revue catholique, en 1874, sont E. Picard ; mais, la prose du théolo­ inspirés par les mêmes préoccupations gien « déplut à la rédaction de la d'éducateur et d'apôtre. » feuille bruxelloise. Son auteur, gar- Evoquant la carrière scientifique » dien fidèle de la stricte orthodoxie, d'Abbeloos, le 8 mai 1895, le cardinal- » y apparaissait trop manifestement archevêque de Malines louait celui-ci » comme le pourfendeur de l'hérésie » d'avoir fait de la science sa « compa­ (p. LV). gne inséparable ». A vrai dire, en L'idée que le recteur Abbeloos se raison des fonctions diverses et éle­ faisait de l'Université était marquée vées qu'il eut à exercer, Abbeloos ne par le souci pastoral dont il était fut vraiment fidèle à cette compagne animé. Répondant au ministre Beer- que pendant les premières années de naert, qui avait prononcé un toast à sa carrière. Néanmoins la dissertation l'occasion des fêtes jubilaires des historico-théologique sur la vie et les vingt-cinq ans d'existence de l'Asso­ écrits de Jacques de Sarug, publiée ciation des anciens élèves de l'Uni­ à Louvain, en 1867, et l'édition cri­ versité, le 6 mai 1888, Mgr Abbeloos tique en trois volumes de la Chronique assignait pour but à cette institution ecclésiastique, de Barhébréus, publiée « de servir, par l'enseignement et par en collaboration avec Mgr Lamy » la science, les intérêts supérieurs (Louvain, 1872, 1874 et 1877), sont » de la religion et de la patrie » des ouvrages importants dans le do­ (XXVe anniversaire..., Louvain, maine des études historiques et phi­ 1888, p. 46). Le même thème se lologiques des sources orientales chré­ trouve déjà fortement souligné dans tiennes. Ces travaux monumentaux le premier discours de rentrée acadé­ furent suivis par l'editio princeps et mique qu'il avait prononcé dans la la traduction des Acta Sancii Maris salle des Promotions de l'Université (Bruxelles, 1885), et par celles des de Louvain, à l'occasion de l'ouver­ actes du martyre de Mar Kardagh, ture des cours, le 12 octobre 1887, préfet d'Assyrie (Bruxelles, 1890). et l'on retrouve les mêmes idées dans Abbeloos avait aussi acquis deux la plupart de ses discours publiés. manuscrits persans contenant d'au­ On y relève en outre, selon les cir­ tres actes de martyrs en grande par­ constances, soit son goût pour l'apo­ tie inédits ; lorsque ses fonctions rec­ logétique et son insistance à défen­ torales Fécartèrent des travaux scien­ dre les milieux catholiques contre les tifiques, il en confia l'édition à un accusations d'obscurantisme et de prêtre persan, qui les publia à Leipzig. méfiance à l'égard du progrès scien­ Cette carrière en trois étapes bien 5 ALLARD 6 distinctes, scientifique, ecclésiastique de l'Association des anciens étudiants de et académique, trouve son unité dans l'Université Catholique de Louvain. 1863- l'inspiration pastorale qui anime le 1888. Compte rendu..., Louvain, 1888, p. 32-41 et 45-48. — Ch. Caeymaex, savant, comme le curé, le prélat et « Chronique. Mgr J.-B. Abbeloos, recteur le recteur. Abbeloos a mis sa vie et magnifique honoraire de l'Université de ses œuvres au service d'une certaine Louvain. Notice bio-bibliographique », idée de la Religion et de la Patrie, dans Revue bibliographique belge, 18e an- caractéristique d'une certaine bour- née, 1906, n° 4, p. XXV à XXXI, avec geoisie catholique de son temps. L'ori- un portrait p. XXV. — A. Gauchie, arti- ginalité de l'œuvre et de l'homme cle « Abbeloos », dans Dictionnaire d'His- toire et de Géographie ecclésiastiques, t. I, réside dans l'orientation philologique 1912, col. 37-39. — J. Coppens, « Mr le et historique de ses recherches per- chanoine Albin Van Hoonacker. Profes- sonnelles dans le domaine de la litté- seur émérite de la Faculté de théologie », rature syriaque. Ce n'était pas à pro- dans Annuaire-Jaurboek. 1934-1936. Uni- prement parler une nouveauté à Lou- versité Catholique de Louvain, Louvain, vain ; mais, l'influence exercée par le s.d., Appendice, p. LI à LXXXIX, spé- recteur Abbeloos au sein de son uni- cialement p. LV. — La tranchée. Journal versité, à ce moment de son histoire, étudiant, n° 1 du 8 novembre 1898. contribua à orienter définitivement l'école de philologie et d'histoire orien- tales louvaniste vers l'étude critique ALLARD (Alphonse), prénoms dé- des sources anciennes ; d'autre part, clarés à l'état civil: Adolphe-Alphonse, l'autorité et le prestige dont il jouis- instituteur, membre de la Chambre sait dans les milieux extérieurs déve- des représentants, né à Lasne-Chapelle-Saint-Lambert loppa l'intérêt des milieux catholiques le 5 février 1857, et particulièrement des Autorités ec- décédé à Braine-l'Alleud le 24 septem- clésiastiques pour l'étude scientifique bre 1923. des anciennes littératures chrétiennes. Alphonse Allard est issu d'une Ainsi son action morale autant que famille bourgeoise aisée, teintée de ses travaux personnels ont joué un libéralisme ; ses parents étaient gros- rôle dans le renouveau scientifique sistes en graines et son frère, par la marquant l'histoire de notre pays à suite, leur succéda. la fin du XIXe siècle. Il fit des études à l'Ecole Normale Justin Mossay. de Nivelles, car son tempérament le Bibliographie. Université Catholique de portait à enseigner et à communiquer Louvain. Premier supplément. 1899-1901, à ses semblables les idées généreuses Louvain, 1901, p. 4-5 ; Troisième supplé- dont il faisait montre depuis sa prime ment, Louvain, 1906, p. VIII, portrait. — jeunesse. Instituteur — diplômé en J. Coppena et C. Vervoort, Bibliographie 1877 — Allard vécut plusieurs années académique. Academische bibliographie. en compagnie d'enfants dont les ori- 1934-1954, t. I, Louvaiu, 1954, p. 156 gines étaient diverses et modestes : à 250 passim, et l'index p. 428, renvoyant à l1Annuaire de l'Université Catholique de milieux ruraux, milieux ouvriers, etc. Louvain, 60 à 71 (1886 à 1907), spéciale- Constatant au fil du temps la détresse ment les volumes de 1888, 1896 et 1907. matérielle et morale de ceux-ci, il se — Les fiches du Centre de recherche sur rendit compte que la lutte devait la communication en histoire, de l'U.C.L. : être portée sur un terrain plus vaste ; n° 3104 (photographies extraites de L'escho- et peu à peu ses convictions philoso- lier, 35-36, du 18 janvier 1897), n° 4038 phiques et politiques s'affirmèrent (portrait se trouvant aux Halles univer- sitaires de Louvain), n° 5014 (portrait grâce surtout aux réflexions que susci- reproduit dans l'Annuaire de l'Université tèrent dans son esprit les nombreuses de Louvain, 1007, p. XXXIX), n° 5808 et substantielles conversations qu'il (Patriote illustré, 43, du 25 octobre 1806, eut avec Hector Denis, quand celui-ci 9 et 10, des 4 et 11 mars 1906). séjournait dans la ferme « la Pape- Consulter en outre XXVe anniversaire lotte », située à proximité de lieux 7 ALLARD 8 chargés d'histoire : Waterloo et Plan- dant vingt-trois ans il lui renouvela cenoit. C'est de cette période qu'Emile fidèlement sa confiance. Vandervelde disait : « J'ai bien connu Dans l'enceinte du Parlement il » Allard dès les temps où, se déta­ s'intéressa logiquement aux problèmes il chant de la démocratie libérale, il agricoles et de l'enseignement. Il ne » était venu au socialisme, non par s'y tint cependant pas exclusivement ; » instinct de classe, non par ressen- c'est ainsi, par exemple, qu'avec ses » timent d'injustices subies, mais sim- collègues le baron Snoy (catholique) » plement parce que le socialisme lui et Léon Jourez (libéral) il fit classer » apparaissait comme l'expression doc- le champ de bataille où s'effondra » trinale la plus haute de la justice jadis l'empire napoléonien. Mais il » et de la bonté ». est vrai qu'il s'attacha plus spéciale­ Faisant œuvre de sociologue, Allard ment, et ceci avec un petit groupe rédigea maintes notes sur la condi­ de députés socialistes, à représenter tion ouvrière de sa région ; il étudia le peuple des campagnes. principalement la vie des maçons, Tous les témoignages d'amis et des charpentiers et des plafonneurs d'adversaires s'accordent sur l'extrême que les villes industrielles arrachaient courtoisie, la douceur et la bienveil­ à la terre. Puis au sein de cette masse lance dont Alphonse Allard fit preuve il répandit les idées et les doctrines tout au long d'une carrière fructueuse. du Parti Ouvrier Belge, grâce aux­ Quand il mourut après une cruelle quelles il faillit être élu député en maladie, M. Theunis, au nom du octobre 1894. Pendant cette campa­ gouvernement déclara : « De longues gne électorale et au cours des années » années de travail en commun avaient suivantes, il fit de nombreuses con­ » pu nous mettre à même d'apprécier férences dominicales, exposant devant » son dévouement au pays et son ces frustes auditoires le programme » caractère généreux. La simplicité socialiste et défendant les idées de la » et la modestie de son caractère fai- libre pensée selon l'éthique née de la » saient de lui un homme que l'on fréquentation de l'entourage d'Hector » aimait et respectait ». Denis. Braine-l'Alleud a donné son nom Mais Allard fut aussi et surtout à une de ses artères et le monument un constructeur ; il créa des ligues élevé sur sa tombe est dû à la géné­ ouvrières, des sociétés de secours rosité et à la reconnaissance des con­ mutuels, des syndicats, tant à Braine- citoyens d'Alphonse Allard. l'Alleud qu'à Waterloo, Lillois, Plan- Il a publié : Désarmement, Bru­ cenoit, Ohain, Maransart, Ittre, Wau- xelles, Editions Oscar Schepens, 1899 ; thier-Braine, bref dans ces « villettes » Le Juif errant, Gand, Volksdrukkerij, du Brabant wallon où la représenta­ 1905 ; Le Catéchisme des Ouvriers du tion socialiste peu à peu s'affirmait. Bâtiment, Gand, Volksdrukkerij, 1909. A Nivelles il fut secrétaire de la so­ ciété coopérative « La Persévérance » Robert Abs. et à Braine-l'Alleud il s'occupa du Archives de l'Institut Emile Vander­ secrétariat du bureau de bienfaisance. velde, à Bruxelles. Cette activité multiforme devait P. Van Molle, Le Parlement belge, 1894- évidemment être couronnée par des 1969, Ledeberg-Gent, 196Θ, p. 1. — mandats politiques. Dès 1895 il de­ Annales Parlementaires, Chambre, session 1923-1924. — Rapports présentés ou vint conseiller communal à Braine- e XXXV Congrès du Parti Ouvrier Belge l'Alleud et trois ans plus tard, en 1898, les 19, 20 et 21 avril 1924. — Compere- conseiller provincial suppléant. Enfin, Morel, Grand Dictionnaire socialiste du le 27 mai 1900 l'arrondissement de mouvement politique et économique national Nivelles élut Alphonse Allard à la et international, Paris, 1924, p. 31. — Chambre des représentants ; et pen­ L. Bertrand, Histoire de la démocratie et 9 ARBERG ET DE VALLENGIN 10 du socialisme en Belgique depuis 1830, et à . C'est en tout cas à Bruxelles-Paris, 1906. — L. Bertrand, Tournai qu'il commença sa carrière Histoire de la coopération en Belgique. d'homme d'Eglise : le 12 mars 1764 Les hommes. Les idées. Les faits, Bruxelles, 1902. — F. Livrauw, Le Parlement belge il est nommé assesseur et examinateur en 1900-1902, Bruxelles, 1901, p. 218. — du Vicariat. Moins d'un an après, L. Delsinne, Le mouvement syndical en le 12 février 1765, il était reçu cha- Belgique, Bruxelles, 1936. — Collection noine noble au Chapitre tréfoncier de du journal Le Peuple. Liège. C'était incontestablement une réussite. Le comte Maximilien mar- qua sa satisfaction en transportant ARBERG et de VALLENGIN à son quatrième fils, le 27 février (Charles-Alexandre, comte d'), évêque 1765, le château et la Seigneurie de suffragant de Liège, ensuite der- La Rochette, près de Chaudfontaine. nier évêque d'Ypres, né à Nivelles Le nouveau châtelain releva, le 27 mai le 24 août 1734, décédé à Chaudfontaine,suivant, devant la cour féodale de au château de La Rochette le Limbourg, la charge de maréchal 10 mai 1809. héréditaire de Limbourg. Le 3 juillet Charles-Alexandre était le septième de la même année, il releva l'avouerie enfant et le quatrième fils de Maximi- de Fléron. lien-Nicolas-Edmond-Joseph, comte Charles d'Oultremont, prince-évê- d'Arberg, de Vallengin et du Saint que de Liège, le postula comme évê- Empire, marquis de Tricère, comte que suffragant (nous dirions aujour- de Bruay et de Fresin, baron d'Elsloo, d'hui « auxiliaire »). Elu le 31 août seigneur de La Rochette et d'Ollignies, 1767 au titre d'évêque in partibus etc., chambellan du prince-électeur d'Amyzon, Charles-Alexandre fut sa- de Cologne, grand-bailli de Looz, et cré le 25 octobre 1767 par le prince- d'Henriette, comtesse du Han de évêque en personne, assisté des abbés Martigny, sa seconde épouse. Les de Saint-Laurent et de Saint-Jacques. comtes d'Arberg — le premier est Il gardait sa prébende de chanoine attesté, à ce qu'il paraît, en 1275 — tréfoncier et sa bulle de provision lui prétendent descendre en ligne droite assignait une portion congrue de des princes de Neufchâtel. Une bran- trois cents ducats d'or de caméra à che s'est fixée dans les Pays-Bas au prendre sur la mense épiscopale de xvie siècle, elle avait fourni aux Liège. A la mort de Charles d'Oultre- Habsbourg des soldats de valeur. mont, le suffragant sera continué Baptisé, ou plutôt ondoyé, en dans sa charge d'abord par le Chapitre l'église Saint-Jean l'évangéliste à Ni- cathédral, sede vacante ; ensuite, le velles le 24 août, Charles-Alexandre 11 mars 1772, par François-Charles fut destiné à l'état ecclésiastique. Il de Velbrûck (auquel il conférera tous fut admis à la cléricature le 21 dé- les ordres, y compris la consécration cembre 1744; bien entendu, il ne épiscopale) ; de nouveau par le Cha- reçut les ordres mineurs et le sous- pitre cathédral, le 31 avril 1784; diaconat qu'à sa majorité, le 24 mai enfin par l'évêque César-Constantin 1755 ; il fut promu au diaconat le de Hoensbroeck. 22 mars 1760, et à la prêtrise le 19 dé- Le registre des suffragants de Liège cembre 1761. Il avait sans doute fait conservé au Grand Séminaire de cette sa théologie à l'Université de Louvain, ville donne une idée précise de l'ac- car il y avait suivi les cours de philo- tivité de Charles-Alexandre d'Arberg sophie au Collège du Château ; c'est comme évêque auxiliaire : du 1er mai également à Louvain qu'il fut pro- 1768 au 27 septembre 1783, il bénit clamé licencié in utroque le 9 juin dix abbés et une abbesse, il consacra 1759. plus de cent dix églises et autels et Il aurait occupé des stalles de cha- ordonna de nombreux clercs. noine à Saint-Paul de Liège, à Leuze Mais le suffragant n'avait, dans la 11 ARBERG ET DE VALLENGIN 12 principauté, qu'un rang subalterne. lorsque le cardinal de Franckenberg C'est pour ce motif sans doute que, et les évêques de , Tournai et la prévôté de Notre-Dame de Huy Ruremonde avancèrent en 1784 le étant venue à vaquer, l'évêque d'Amy- nom d'Arberg pour le siège d'Ypres, zon se la fit attribuer : elle devait l'agent diplomatique de l'évêque de nécessairement être tenue par un Liège auprès de la Cour de Bruxelles, chanoine de Saint-Lambert. Le 16 jan­ B.J. Dotrenge, doutait beaucoup des vier 1775, Léonard de Moreal, cha­ chances du suffragant de son maître noine et écolâtre de la collégiale de celsissime. Mais les rapports de l'évê- Huy, recommanda le comte Charles- ché d'Ypres avec la Cour de Ver­ Alexandre d'Arberg aux suffrages de sailles exigeaient un prélat très sou­ ses confrères : ils ne purent que mar­ ple, et comme l'usage du français quer leur plein accord ; d'autant plus était « beaucoup plus répandu à que le comte Maximilien d'Arberg, » Ypres » qu'à , le Conseil privé, père de l'évêque d'Amyzon, avait dans sa consulte du 14 mars 1785, épousé une nièce de Velbrück en troi­ proposa Charles-Alexandre à la nomi­ sièmes noces. D'ailleurs, l'avant-veille nation de l'empereur. D'Arberg reçut de l'élection, le Conseil communal sa patente en date du 4 mai 1785, avait déjà député les bourgmestres mais il dut attendre jusqu'au 3 mars régents avec le Grand Greffier pour de Tannée suivante pour obtenir ses complimenter Sa Grandeur au nom bulles de Pie VI. C'est que le nonce de la ville et lui présenter le vin d'hon- exigeait qu'il signât tout d'abord le heur. D'Arberg fut confirmé et reçu formulaire antijanséniste d'Alexan­ prévôt le 24 avril suivant, vigore dre VII. Or l'empereur l'avait inter­ lilterarum apostolicarum et paya cent dit. D'Arberg tenta de ruser avec le florins pour les droits de réception. nonce : quel besoin de signer le for­ mulaire? N'était-il pas évêque de­ Les capacités de Charles-Alexandre, puis 1767? Mais le nonce tint bon, le dévouement des siens à la Maison et l'empereur finit par capituler : de Habsbourg, le destinaient à de « Que le nouvel évêque fasse ce qu'il plus grands honneurs, et c'est tout voudra ! » Les pièces signées partirent naturellement qu'il prit place parmi pour Rome le 13 septembre et d'Ar­ les candidats aux sièges épiscopaux berg fut préconisé dans le consistoire des Pays-Bas. Il avait déjà été pro­ du 19 décembre suivant. Entretemps, posé, une première fois en 1771, pour il continua à exercer à Liège les fonc­ le siège de Gand ; la même année tions épiscopales. encore il avait été candidat à Tournai et à Namur. Mais la Jointe qui discu­ Le nouvel évêque d'Ypres prit tait les candidatures avait écarté possession de son siège le dimanche celle de d'Arberg parce que, comme des Rameaux 9 avril 1786. Il avait suffragant de Liège, il avait exigé été reçu, vers 15 heures à la porte des taxes pour l'exercice de certaines d'Anvers, par le Chapitre cathedral fonctions épiscopales, pratique que la et le Magistrat de la ville. Ayant Jointe avait qualifiée de simoniaque. pris les habits pontificaux à l'église Cependant à la mort de l'évêque Saint-Jacques, il fut conduit à la de Bruges, J.R. Caïmo (1776), le Gou­ cathédrale sous le baldaquin. L'im­ verneur, Charles de Lorraine, porta primeur T.F. Walvein avait tiré sur lui-même d'Arberg sur la liste des ses presses un Applausus metro-musi- candidats « pour faire, disait-il, plaisir cus illustrissimo ac reverendissimo Do­ » à la noblesse du pays », Kaunitz ne mino, Domino Carolo Alexandre S.R.I. put admettre cette candidature : pour corniti ab Arberg et Vallengin, etc. le Conseil privé c'est un « principe etc., decimo octavo Yprensium episcopo » que les évêques doivent connaître in solemni ad cathedralem suam die 9. » la langue dominante de leur diocèse » Aprilis adventu a CatheDraLIs Ypren- et d'Arberg ignorait le flamand. Aussi, sls MUsICIs reVerenter eXhlbltUs 13 ARBERG ET DE VALLENGIN 14-

Yprls (un in-quarto de deux folios cipal, le chanoine Jacques Denis signalé dans A. Diegerick, Essai de Houcke, est désigné en avril 1787 bibliographie yproise, n° 1844). pour prendre la direction de l'établis­ A peine installé, l'évêque fit inscrire sement, l'évêque en profite pour ré­ ses facultés dans un nouveau registre clamer de l'empereur l'éloignement (le n° 110) : elles lui avaient été con­ de certains professeurs suspects et la cédées, pour la partie autrichienne de suppression de manuels incompatibles son diocèse, pro arbitrio PU VI dura- avec la foi catholique. Joseph II, turae, pour la partie française ad hélas 1 repousse ces représentations quinquennium. On se rappellera, en et, au printemps de 1788, le président effet, que le diocèse d'Ypres, comme Houcke doit rentrer à Ypres. Mais celui de Tournai, avait à peu près les séminaristes d'Ypres, comme d'ail­ autant de paroisses dans le royaume leurs ceux de Tournai et de Gand, de que dans les Pays-Bas ne retourneront plus à Louvain : autrichiens. Il est vrai que l'arche­ d'Arberg sait jusqu'où un évêque vêque de Cambrai étendait également peut aller dans les concessions. sa juridiction de l'autre côté de la Comme les autres évêques des frontière, ce qui obligeait les deux Pays-Bas, pourtant si soigneusement gouvernements à des concessions réci­ choisis par l'autorité centrale, d'Ar­ proques. Charles-Alexandre notifia berg se détache de l'empereur. Il aussitôt sa prise de possession au car­ applaudit à la révolution brabançonne. dinal archevêque de Malines, son Le 17 décembre 1789, il célèbre un métropolitain, et aux évêques de sa Te Deum solennel pro recuperatione province ecclésiastique, au maréchal Belgii libertate; le 1er mars 1790, il de Ségur, secrétaire d'Etat de reçoit, dans sa cathédrale, le général Louis XV, et à l'intendant de Flan­ Vandermersch avec les honneurs dus dre à Lille. à un chef d'Etat ; le 10 août, il bénit, Durant l'été, d'Arberg prit un pre­ à Saint-Martin, le drapeau des pa­ mier contact avec ses ûdèles. Il üt triotes volontaires d'Ypres. sa joyeuse entrée à Poperinge le Le 24 octobre 1790, il avait encore 15 juillet 1786, le 16 à Bergues et célébré le premier anniversaire du le 18 à Dunkerque. Il était rentré soulèvement comme une fête natio­ à Ypres le 21. Il s'y trouverait bien­ nale. Sans doute ne pouvait-il faire tôt confronté avec des difficultés autrement : le clergé et le peuple pires sans doute que celles qu'il eût demeuraient les derniers à soutenir pu prévoir. une révolution défaillante. Ainsi s'ex- L'empereur Joseph II allait durcir plique-t-on l'empressement avec le­ sa politique de contrôle de l'Etat sur quel il chante, le 2 janvier 1791, une l'Eglise, malgré la vague grandissante messe solennelle suivie d'un Te Deum de protestations. Il s'empare de la pour remercier le Très-Haut du re­ formation du clergé. Un « Séminaire tour des Pays-Bas sous l'autorité de général » est ouvert à Louvain sous la Maison d'Autriche. Le 8 août sui­ le contrôle du gouvernement. D'Ar­ vant, il peut accueillir l'archiduchesse berg, très attaché à la Maison d'Au­ Marie-Christine accompagnée de son triche, cherche à éviter une rupture. époux, le duc Albert-Casimir de Il envoie à Louvain, le 26 novembre Saxe-Teschen, pour l'inauguration de 1786, les vingt et un séminaristes de l'empereur Leopold II comme comte son diocèse (la liste officielle, signée de Flandre dans le West-Quartier. et scellée par l'évêque, avec une brève S'il s'est détourné de l'empereur phi­ appréciation sur les sujets envoyés, losophe lorsque les excès de ce der­ se trouve aux Archives de l'Etat à nier l'ont acculé à un non possumus, Bruges, Nieuw kerkelijk archief, n° 19). il est heureux de pouvoir revenir sous Mais lorsque le directeur de son pro­ l'autorité légitime, dès que l'occasion pre séminaire et son conseiller prin­ lui en est offerte. 15 ARBERG ET DE VALLENGIN 16

Aussi bien, les opinions des Vonckis- prélat à l'attitude plus souple de son tes devaient l'inquiéter, elles n'étaient conseiller habituel, J.D. Houcke, qui que trop proches de celles des révo­ a vraisemblablement mis la main au lutionnaires français, et celles-ci, Char­ mémoire de 1792, où les « fortes rai­ les-Alexandre d'Arberg avait appris sons » des jureurs avaient été expo­ à les connaître. Il était à peine arrivé sées avec objectivité. dans son diocèse qu'il avait fait une Pour des raisons qui nous échap­ expérience mortifiante. Il s'était fait pent encore, Charles-Alexandre d'Ar­ élire, non sans quelques manœuvres, berg quitte son diocèse en avril 1791. comme délégué du clergé du district Il ne doit guère s'en être fort éloigné, de Bailleul aux Etats Généraux de car il y revient à plusieurs reprises Versailles. Ici, il avait d'abord eu la pour de brèves apparitions. Son surprise de voir le bas-clergé se dres­ absence prend fin le 20 avril 1793. ser contre lui. Finalement, son élec­ Durant celle-ci, les fonctions épisco- tion, comme celle de l'évêque de pales ont été assurées par un émigré, Tournai, lui aussi ordinaire d'une l'évêque de Boulogne, René d'Asse- partie de la Flandre française, avait line. Quant à d'Arberg, il fera ses été invalidée le 20 juillet 1789 par dernières ordinations à Ypres le la Constituante. Bientôt, il dut com­ 25 mai 1793. battre la Constitution civile du Clergé Il quitte à nouveau son diocèse qui amputait son diocèse ; il n'hésita après la seconde invasion des Fran­ pas un instant, en octobre 1790, à çais en avril 1794 et, cette fois, défi­ nommer deux curés à Steenvoorde nitivement. Il s'arrête d'abord au et à Wemaerscappel, s'attirant ainsi château de La Ruchette, d'où il con­ le mécontentement d'une partie de fère, le 18 mai 1794, un dernier cano- son clergé et les foudres des autorités nicat dans sa cathédrale à Charles- du Département du Nord. Il s'était Louis-Eugène de Gheus. Puis ce sera déjà élevé publiquement contre les l'exil en Allemagne. Il s'établit suc­ décrets de la Constituante qui frap­ cessivement à Dorsten, en Westpha- paient les ordres religieux ; sa rigueur lie, ensuite au château de Krechting se manifeste à l'endroit des religieux près de Bocholt; en 1801 on le re­ qui ont donné suite à l'invitation qui trouve à Düsseldorf. Entretemps, ses leur était faite de rompre leurs vœux. biens avaient été mis en vente avec Puis viendra l'épineuse question des ceux de plusieurs émigrés (annonce serments à la constitution française. du 20 février 1795, mentionnée dans Lorsque, après la chute de Louis XVI, A. Diegerick, Essai de bibliographie l'Assemblée législative imposera aux yproise, n° 1941). ecclésiastiques, « fonctionnaires pu­ blics », le serment dit de Liberté et On a peu de renseignements sur d'Egalité, l'évêque d'Ypres, en pré­ son séjour en Allemagne. On sait seu­ sence d'avis et d'arguments contra­ lement qu'il reste en contact avec dictoires, fit parvenir au pape, en son diocèse et qu'il suit de près le octobre 1792, un « mémoire très rai­ développement de la situation. Il sonné » qui inspirera la décision de participe aux conciliabules que des Pie VI d'interdire le serment jusqu'à membres du clergé émigré tiennent plus ample informé (1793). Ayant sur les bords du Rhin, à la recherche lui-même provoqué cette décision, on de moyens pour hâter la libération comprend dès lors pourquoi, dans un de leur pays. De leur côté, les puis­ mandement imprimé du 12 juin 1793, sances coalisées contre la République l'évêque d'Ypres n'hésite pas à reti­ française ne restent pas inactives. Le rer toute juridiction aux ecclésiasti­ prince-héréditaire d'Orange, Guil­ ques de son diocèse qui auraient laume-Frédéric — Guillaume Ier des prêté ce serment. On évitera donc Pays-Bas — préparait de longue date d'opposer trop vite la rigueur du la création de son futur royaume ; il n'envisageait encore, en 1799, qu'une 17 ARBERG ET DE VALLENGIN 18 république federative des XVII pro­ tant de l'évêque a, à son tour, pris vinces belges et bataves. Ses émis­ Houcke pour confident ; il en reçoit saires — on nomme un certain Wester- les mêmes conseils de modération holt — prennent contact avec l'évê- qui ne peuvent qu'irriter le prélat que d'Ypres comme le plus représen­ émigré. C'est sans doute ce qui incite tatif de ces émigrés belges. C'est mal d'Arberg à faire paraître à Wezel, le connaître. Il écoute les propositions en 1801, la Lettre pastorale de Mgr avec courtoisie, les transmet à Vienne, l'évêque d'Ypres à tous les prêtres mais évite de se compromettre. Sa jureurs de son diocèse qui n'ont pas « conduite sage et mesurée » est appré­ encore rétracté les serments de haine à ciée à Vienne, où l'empereur finit la royauté et autres. par affirmer publiquement ses droits Ce serait un des derniers actes de à la souveraineté des Pays-Bas son gouvernement. Le 15 juillet 1801, (1er juillet 1799). La fortune des un concordat est signé entre le Saint- armes, qui tourne cette année à l'avan­ Siège et la République française, qui tage de la seconde coalition, fonde allait être ratifié le 15 août suivant. largement l'espoir de l'Autriche de On connaît l'essentiel de ses clauses, ressaisir ses anciennes provinces. écrasantes pour un épiscopat qui L'attitude de l'évêque d'Ypres à avait souvent retrouvé dans l'épreuve l'égard de son clergé devait s'en res­ le sens de sa mission apostolique et sentir. En quittant son diocèse en de l'attachement à l'Eglise : tous les 1794, il en avait confié le gouverne­ évêques de la République, aussi bien ment à son grand-vicaire, le chanoine constitutionnels que d'ancien régime, J.-D. Houcke. Il avait tout d'abord étaient démis de leurs fonctions ; tous approuvé la prudence, voire Yindul- les évêchés, tant de France que des gence avec lesquelles ce dernier enten­ Pays-Bas, étaient supprimés pour dait réserver l'avenir, tout en ména­ faire placo à de nouvelles circonscrip­ geant la faiblesse de certains prêtres tions, moins nombreuses. La Consti­ incapables de résister à de trop fortes tution civile du Clergé était ainsi pressions. Pour un moment, « le pré- abolie sans laisser de vainqueurs ou » lat belliqueux semblait avoir cédé de vaincus. Mais à quel prix? Le » la place chez lui au pasteur et au Saint-Siège avait lutté en vain pour » diplomate » (L. Preneel). S'il n'a pas rendre moins dur le sort des évêques suivi, en 1796, l'exemple du cardinal qui lui avaient montré une irrépro­ de Franckenberg reprenant le che­ chable fidélité. Les seules concessions min de son diocèse et déclarant vou­ que Pie. VI pût obtenir étaient que loir vivre sous les lois de la Républi­ la démission des évêques leur serait que, c'est à la demande expresse d'un avant tout demandée ; en second lieu, émissaire de Vienne, l'avocat Genotte. qu'ils demeureraient administrateurs Bientôt l'espoir d'une restauration de leur évêché jusqu'à la nomination autrichienne ravive son hostilité à de leur successeur, ou jusqu'au mo­ l'œuvre de la révolution. Il ne tarde ment où le Saint-Siège en disposerait pas à désavouer l'attitude du chanoine autrement. Houcke. Ce dernier, malade — il de­ Ce ne fut pas une petite affaire vait mourir le 24 octobre 1802 — pour le cardinal Caprara, légat chargé souhaitait abandonner sa charge. de l'application du Concordat, et ses D'Arberg lui adjoint d'abord deux aides que de retrouver les évêques autres vicaires, les chanoines Fran­ dispersés par la tourmente révolu­ çois-Jacques Vermeersch (1752-1822) tionnaire. L'ancien cardinal de Ma­ et Bernard Bouckaert (1759-1835). Peu lines, Franckenberg, ignorait l'adresse après, d'Arberg lui retire complète­ de d'Arberg. Quand il l'eut enfin ment sa confiance et donne la charge trouvée, il lui écrivit le 4 décembre de premier grand-vicaire à F.-J. Ver­ 1801 pour le prévenir de son infor­ meersch. Mais le nouveau représen­ tune. Le bref pontifical, porté vrai- 19 ARBERG ET DE VALLENGIN 20

semblablement par un banquier de l'hôtel-musée Merghelynck à Ypres, Münster, chargé de cette mission par l'autre au grand séminaire de Bruges. le cardinal della Genga, atteignit La Bibliographie liégeoise de J. de l'évêque d'Ypres deux jours plus Theux de Montjardin signale un tard. Le lendemain, 7 décembre, opuscule publié à Liège en 1801, Charles-Alexandre d'Arberg, « aupa­ La voix solitaire ou instructions spiri­ ravant évêque d'Ypres », non sine tuelles et morales sur différents sujets summa cordis amaritudine, offre « l'ab­ par un solitaire. C'est une partie des dication volontaire et spontanée » méditations écrites par Charles- qu'on exige de lui. Il continue à Alexandre durant son séjour au châ­ administrer son diocèse jusqu'au teau de Krechting. 13 juin 1802, date à laquelle son suc­ Nicolas-Norbert Huyghebaert. cesseur, Mgr Fallot de Beaumont, prend possession du siège de Gand. U. Berlière, « Les évêques auxiliaires Mais d'Arberg ne reviendra plus à de Liège », dans Revue bénédictine, Ypres : le 22 décembre 1801, par t. XXXI, 1914-1919, p. 294-306. — O. De une lettre datée de Düsseldorf, il Clercq, n La triple épreuve du cardinal de Franckenberg en 1801 », dans Sacrie continue les pouvoirs de ses deux erudiri, t. X, 1958, p. 298-328. — J.B. de vicaires généraux, F.-J. Vermeersch Harenne, « Le château de La Rochette et et B. Bouckaert. ses seigneurs », dans Bulletin de l'Institut En sa qualité d'administrateur d'un archéologique liégeois, t. XXII, 1891, évêché qui n'était plus le sien, il lui p. 237-250. — A. de Saint-Léger, La restait une dernière et délicate tâche : Flandre maritime et Dunkerque sous la do­ obtenir des prêtres assermentés qu'ils mination française, Paris-Lille, 1900. — L. Detrez, La Flandre religieuse sous la régularisent leur situation. C'est ici Révolution (1789-1801), 2 volumes, Lille- qu'il convenait de faire preuve de Bruges, 1928. — S.-P. Ernst, Tableau douceur et de compréhension, mais historique et chronologique des suffragans ses propres déceptions ne l'y encou­ ou co-évêques de Liège, [Liège, 1806], p. 268- rageaient guère. D'Allemagne, d'Ar­ 270. — L. Jadin, o Procès d'information berg fit parvenir à ces prêtres, fin pour la nomination des évêques et abbés mars 1802, une lettre où il s'inspirait des Pays-Bas, de Liège et de Franche- Comté d'après les Archives de la Congré­ des directives, en cette matière, du gation consistoriale. 3e Partie : 1713- cardinal de Franckenberg. La formule 1794 », dans Bulletin de l'Institut historique de rétractation qu'il leur imposait belge de Rome, t. XI, 1931, p. 224-226 était plus sévère que celle dont se et 302-304. — P.F. Lefèvre, « Le recru­ serait contenté le légat Caprara. Le tement de l'épiscopat dans les Pays-Bas dernier appel de l'ancien évêque pendant le régime autrichien », dans Bul­ d'Ypres fut un coup d'épée dans letin de la Commission royale d'Histoire, t. ΟΠΙ, 1938, p. 115-204. — C. Looten, l'eau, si l'on en croit une curieuse « Lettres de François-Joseph Bouchette lettre de son vicaire-général, Bernard (1735-1810), avocat à Bergues, membre Bouckaert, publiée en 1958 par C. De de l'Assemblée nationale Constituante «, Clercq. dans Annales du Comité flamand de France, Après sa démission, d'Arberg fut t. XXIX, 1909, XII-679 pages. — L. officiellement rayé de la liste des émi­ Mahieu, « Antijansénisme des évêques grés. Il avait reçu la pension assignée d'Tpres nommés par l'autorité autri­ chienne », dans Bulletin de la Société d'étu­ aux anciens évêques de France. II se des de la Province de Cambrai, t. XLII, retira au château de La Rochette, où 1947, p. 108-114. — H. Nélis, « Mgr J.A. il mourut le 10 mai 1809. Il fut inhumé Brenart, 'L'idiome du diocèse' en de au cimetière d'EIsloo (Limbourg hol­ benoeming van Mgr Brenart tot bisschop landais) sous une pierre qui est encore van Brugge (1777) », dans Biekorf, conservée. t. XXXI, 1928, p. 162-166. — J. Peter et Ch. Poulet, Histoire religieuse du dépar­ Il reste au moins deux portraits tement du Nord pendant la Révolution de l'ancien évêque d'Ypres : l'un à 21 ARBERG ET DE VALLENGIN 22

(1789-1802), 2 volumes, Lille, 1930-1933. « Les Archives nationales à Paris et l'his­ — Ch. Piot, « Les agissements de la poli­ toire de notre pays sous le régime fran­ tique étrangère en Belgique vers la fin çais (1789-1815) », dans Bulletin de la du dix-huitième siècle », dans Bulletin de Commission royale d'Histoire, t. CXXVI, la Commission royale d'Histoire, 4 e série, 1960, p. CXLI, OXLIV, OXLVI et ÖLVII. t. IV, 1877, p. 15-80. — J. Plumet, L'évê- — P. Uzureau, t Pie VI et le serment de ché de Tournai pendant la Révolution fran­ Liberté-Egalité » dans Revue belge de çaise, Louvain, 1963. — L. Preneel, « Karel- Philologie et d'Histoire, t. Ior, 1922, p. 342- Alexander van Arberg, XVIIIe bisschop 344. — R. Warlomont, « L'élection des van leper (1786-1802). Zijn ontslagneming évêques de Tournai et d'Ypres à l'Assem­ en de opheffing van het bisdom », dans blée nationale et la genèse du mandat Anciens pays et assemblées d'Etals, représentatif de droit public », dans Revue t. XLIV, 1968, p. 105-144. — C. Richard, d'Histoire du Droit, t. XVIII, 1950, p. 413- « Election des évêques de Tournai aux 439. — Pour le portrait moral du prélat, Etats Généraux de 1789 », dans Annales l'austérité de sa vie et sa sobriété, on de l'Est et du Nord, t. IV, 1908, p. 161- verra les deux curieuses anecdotes rap­ 174. — R. Ritzler et P. Sefrin, Hierarchia portées par le sacristain de Reninghelst, catholica medii et recentioris aevi, t. VI P.-L. Cuvelier (1739-1828), dans Het [Padoue, 1958], p. 81, 447 et 452. — « Memoriael van Reninghelst » door koster G. Simenon, « Les consécrations d'églises P.L. Cuvelier. Zuid-W'estvlaamse Hjds- au diocèse de Liège dans la seconde moitié kroniek uit de Oostenrijkse en Franse tijd, du xvrne siècle », dans Leodium, t. XII, 1761-1814, éd. Jos. De Smet, t. 1 [Asse- 1913, p. 79-84. — M.-J. Tits-Dieuaide, broek, 1970], p. 101-102. B

BABYLAS. Voir GHELDERODE seph Dotrenge, agent diplomatique du (Michel DE). prince-évêque de Liège auprès de la cour de Bruxelles et de servir d'agent de liaison entre les opposants de Hon- BARTHOLEMY (Jean-Joseph), grie et des Pays-Bas autrichiens à la prêtre, précepteur et aumônier mili- politique de Joseph II. taire, baptisé à Malmédy le 2 avril Jacques Breuer. 1750, décédé à Bude (actuellement Bu- dapest, Hongrie) le 14 avril 1805. Hanns Schlitter, Geheime Correspondenz Fils de Dieudonné, organiste et de Joaefa II, mit aeinem Minister in den Marie-Catherine Bodson, Jean-Joseph Oesterreichischen Niederlanden, Ferdinand Bartholemy fit sa théologie au Collège Grafen Trauttmannsdorff, Vienne, 1902, des jésuites d'Aix-la-Chapelle et reçut p. 145, 157, 158, 161, 642, 643. — J. la prêtrise à Cologne le 15 avril 1775. Breuer, « B.-J. Dotrenge, l'abbé Bartho- lemy et les Hongrois. Une conspiration Le 24 septembre 1777, il sollicite et en 1787-1789 ? », dans Folklore Stavelot- obtient l'autorisation de s'établir dans Malmedy-Saint-Vith, t. XXIX, 1965, un autre diocèse. Peut-être partit-il p. 127-142. — M. Lang, « La famille Bar- dès ce moment pour la Hongrie où on tholemy à Malmédy », ibidem, p. 143-172. le retrouve en 1784, chez le comte François Széchényi, chambellan et conseiller intime de l'Empereur, en BASSEVELDE (A. DE). Voir qualité de précepteur du neveu, puis GHELDERODE (Michel DE). du fils de ce grand personnage. Du 7 juillet 1792 au 31 août 1800, il est aumônier du 53me régiment d'infante- BIOLLEY (Raymond-Jean-François, rie Murray de Melgum. Il avait fait vicomte de), industriel (1); né à venir de Hongrie ses deux neveux, Verviers le 10 février 1789, y décédé le Pierre Bartholemy (voir notice dans 22 mai 1846. La famille Biolley est déjà citée en la Biographie Nationale, t. 34, 1968, e col. 47-48) et Jean-Albert Bartholemy France au xvi siècle, mais c'est avec (Malmédy, 25 avril 1773 — Pest, le bisaïeul de Raymond de Biolley, 4 mars 1838), qui furent officiers au François de Sales-Alexis Biolley (né à service d'Autriche. Sallanches le 21 janvier 1687), que la dynastie des Biolley sera étroitement L'abbé Bartholemy mérite quelque attention du fait qu'il fut soupçonné, (1) Cette notice complète le texte paru en 1787-1789, d'entretenir une corres- dans la Biographie Nationale, t. II, Bru- pondance secrète avec Bertrand-Jo- xelles, 1868, col. 436-440. 25 BIOLLE Y 26 liée à l'industrie de la laine de Ver- Dans le domaine social, il illustre viers ; en effet, cet homme d'affaires cette période intermédiaire entre le entreprenant crée à Augsbourg, à Pra­ corporatisme du passé et le syndica­ gue, à Nuremberg et au pays de Liège lisme de notre siècle. des entreprises bancaires et indus­ Fidèle à ses convictions religieuses, trielles et son fils, Jean-François il sera à la base de l'érection d'une (grand-père de Raymond), né aussi à nouvelle église paroissiale et de la Sallanches en 1715, s'établira défini­ création de multiples œuvres. tivement à Verviers où il épouse en Enfin, il s'intéressera à la chose pu­ 1747 Lambertine-Françoise Simonis blique en participant activement et (1721-1782) ; il dirige l'entreprise fami­ avec lucidité à la vie politique du liale « Jean-François Biolley et Fils ». pays. Rapidement notable en la cité, il en Ce quadruple aspect appelle des est le bourgmestre comme le devien­ précisions qui ne pourront pas tou­ dront plusieurs membres de sa famille ; jours être ainsi compartimentées, tant c'est à Verviers qu'il mourut le 2 no­ souvent elles s'interpénétrent. vembre 1790. De brillantes études préparent Ray­ Son fils, François de Sales (1751- mond de Biolley à une carrière qu'il 1826), épouse Marie-Claire-Reine-Hu- commencera encore jeune ; émigrée à bertine Godin (née à Verviers en 1761 la Révolution à Hambourg et à et y décédée en 1851) ; c'est de cette Brunswick, sa famille avait été auto­ union que naquirent quatre enfants, risée à rentrer au pays (1795) ; l'in­ dont Raymond de Biolley. vention de la machine à vapeur et le Le 10 septembre 1818, Raymond de remplacement de l'antique rouet par Biolley épouse Marie-Isabelle Simonis, le moulin à filer dû à William Cockerill née à Verviers le 24 avril 1799 et y avaient suscité un intense développe­ décédée le 25 décembre 1865; elle ment de l'industrie lainière tout parti­ était la fille de Jean-François Dieu- culièrement dans l'entreprise fami­ donné, dit Iwan et de Marie-Agnès de liale ; il sera d'abord associé à sa tante, Grand'Ry. Marie-Anne Simonis (1758-1831), Cette union l'alliait avec une fa­ épouse de Jean-François Biolley (1755- mille industrielle qui joua un rôle de 1822), surnommée « La Grande Ma­ premier plan dans l'industrie lainière dame », qui était une femme d'affaires verviétoise en battant un record de remarquable [Biographie Nationale, longévité : près de trois siècles (1680- t. II, 1868, col. 432-436) dont il 1958). devint le successeur. De cette union naquirent huit en­ L'entreprise familiale compte près fants dont la descendance compte de 2000 ouvriers répartis dans quatre encore de nombreux membres au­ usines. jourd'hui. Raymond de Biolley donnera une Le 4 avril 1843, Raymond de impulsion remarquable à sa firme ; Biolley obtint une reconnaissance de dépassant le cadre de son entreprise, il noblesse et la concession du titre de sera le dirigeant écouté de la Chambre vicomte transmissible à tous les de Commerce qu'il présidera bientôt ; descendants mâles. déjà en 1815, il figure parmi les quatre Raymond de Biolley est le parfait notables de Verviers qui apportent au prototype du chef d'entreprise que l'on roi Guillaume l'hommage des Ver- trouve dans la première moitié du viétois, et en 1829, lors de la visite de xixe siècle. ce souverain à Verviers, il sera le Capitaine d'industrie, Raymond de porte-parole de la Chambre de Com­ Biolley sera à l'affût du progrès merce pour en exposer les desiderata. technique et d'une hardiesse dynami­ Il en sera de même en septembre que dans la recherche des débouchés 1833, lors de la joyeuse entrée à Ver­ de par le monde. viers du roi Leopold Ier et de la 27 BIOLLEY 28

reine Louise-Marie, où il met l'accent I quatre coins du monde s'appellera sur la nécessité de négocier un accord I « Le Raymond ». douanier avec la France (la Reine Sur le plan national, sa compétence n'est-elle pas la fille du Roi des Fran­ l'appellera à présider le Comité indus­ çais, Louis-Philippe ?) et nos autres triel de Belgique (1842). voisins ; réaliste, il comprend l'impor­ tance des moyens de transport et Cette action sur le plan industriel plaide chaudement pour une rapide est doublée d'une féconde activité construction du chemin de fer, moyen politique : sous le régime hollandais, moderne d'accroître nos échanges. la Régence l'appela à siéger aux Un fait historico-industriel vaut la Etats provinciaux comme suppléant peine d'être cité : lorsque Napoléon en 1819 et comme effectif en 1820. décréta le blocus continental contre Mais c'est comme sénateur, après l'Angleterre, l'industrie lainière du l'indépendance, qu'il joua un rôle continent se vit privée des toisons bri­ primordial depuis son élection (31 août tanniques, matière première très re­ 1831) jusqu'à sa mort, son mandat cherchée. La famille Biolley possédait étant renouvelé à chaque consulta­ un important domaine à Maison-Bois tion électorale. (Ensival) depuis le XVIIIe siècle ; par Sa spécialisation à la Haute Assem­ sa faculté d'adaptation aux circon­ blée sera les problèmes budgétaires stances, elle y construisit une ber­ dont il sera maintes fois le rapporteur ; gerie, dont les fermes existent encore il préconisera diverses réformes du aujourd'hui, qui compta jusqu'à système financier de l'Etat, et natu­ 4000 moutons. C'étaient des mérinos, rellement ses interventions toucheront comme ceux de Rambouillet, dont on à un domaine qui lui est cher, les con­ espérait améliorer la race. Cette ber­ ventions internationales commercia­ gerie disparut lorsque, autre mutation les : France (1842) et le Zollverein économique, les progrès de la naviga­ (1844). Sa compétence lui valut d'être tion dus à la vapeur permirent l'im­ appelé au poste de secrétaire adjoint portation des laines de l'hémisphère du Sénat (1831). austral, dont la qualité est supérieure ; Sa débordante activité lui permet encore aujourd'hui, elles constituent d'assumer la présidence de la Société la matière première de nos filatures. d'Harmonie fondée en 1829. Précurseur en matière de libre- La prospérité de Verviers influence échange, Raymond de Biolley est la construction de ses monuments opposé à tout protectionnisme ; ce ne publics ; l'ancienne église Saint-Rema- sont pas les barrières douanières qui cle paraît, à tort ou à raison, bien feront l'expansion de l'industrie, mais désuète et l'on veut un temple plus bien ses perfectionnements continus ; majestueux : Raymond de Biolley sera c'est la « recherche » scientifique avant le dynamique président de la commis­ la lettre. Il assigne à notre corps sion d'étude créée dans ce but (1832) diplomatique une mission de défense et, de par ses largesses, il mènera le de nos intérêts industriels et commer­ projet à bonne exécution : l'église sera ciaux à l'étranger ; ceux-ci devront inaugurée le 8 octobre 1838. En 1886, être défendus, non plus par le minis­ un projet de mausolée fut dessiné par tère de l'Intérieur, mais bien par celui l'architecte Auguste Vivroux ; il ne des Affaires étrangères. fut pas réalisé ; par contre, une plaque L'exportation lui tient à cœur : un commémorative apposée à l'occasion voyageur de passage à Tombouctou ne du centenaire de l'église (1938) évoque verra-t-il pas un coupon de drap por­ la « grande générosité » du donateur. tant l'indication « Maison François Biolley et fils, Verviers » ? Sur les mers, Raymond de Biolley ne voit pas seu­ un navire qui transporte ses draps aux lement dans ses ouvriers un agent de 29 BIOLLEY 30 la production, un servant de la ma­ appuyer l'ardent vœu des Verviétois : chine ; précurseur dans le domaine so­ une ligne de chemin de fer tant vers la cial comme il l'est dans les secteurs Prusse que vers le centre du pays. industriel et politique, il a à cœur Lorsque Leopold Ier (1843) vint inau­ d'améliorer le sort du travailleur. gurer la station, c'est à la résidence de Deux secteurs mobilisent ses efforts : Raymond de Biolley qu'il descendit : le logement et l'instruction. ce fastueux hôtel de maître existe Point n'est besoin de rappeler les encore aujourd'hui bien qu'il soit taudis qui hébergeaient les familles défiguré par la station d'essence qui ouvrières ; c'était trop souvent la l'occupe. On souhaite qu'il soit rapide­ source d'une misère morale et maté­ ment classé et entretenu, car il rappelle rielle ; au pied de la colline de Hom- un souvenir historique postérieur à biet, sur les bords de la rivière, dans Raymond de Biolley ; c'est là qu'en une verte prairie, Raymond de Biolley 1853 se déroula la cérémonie dite « des érige (1833) des petites maisons que échanges », entre les Cours de Bruxel­ l'on qualifierait aujourd'hui d' « uni- les et de Vienne, lors des fiançailles du familiales » : cuisine, chambres à cou­ futur roi Leopold II et de la future cher, grenier, le tout entouré d'un reine Marie-Henriette, archiduchesse jardinet servant de décoration et de d'Autriche. potager. Cet ensemble reçut de ses Une vie aussi active ne favorisait habitants le nom de « rue Raymond » ; guère la longévité : c'est seulement l'emploi du seul prénom traduit la âgé de cinquante-sept ans que popularité du bienfaiteur. Cette rue Raymond de Biolley s'éteignit. existe encore de nos jours sous ce Paul Léon. même nom. A ce propos, est-il appréciation plus Iconographie : Le peintre Louis Gallait élogieuse que cette phrase extraite de a fixé pour la postérité, en deux portraits La Belgique, terre d'expérience, due à à l'huile, les traits de Raymond de Biolley et de son épouse, née Isabelle Simonis ; H. Charriaut : « La première cité ou­ des copies en lithographies, signées Schu­ vrière construite en Europe » ? bert, ont été imprimées en 1848 par la Il existe également une « rue Biol­ Lithographie royale Vve P. Dagobert, à ley », en Sommeleville, c'est-à-dire Bruxelles ; ces portraits figurent aussi dans le quartier où se trouvaient les dans le tome II des Archives verviétoises, usines de cette firme disparue à la fin citées ci-dessous. du siècle dernier. J.S. Benier, Histoire de l'industrie dra­ L'analphabétisme était la plaie du piere au pays de Liège et particulièrement prolétariat industriel ; sans attendre la dans l'arrondissement de Verviers depuis future loi sur l'instruction obligatoire, le moyen-âge jusqu'à nos jours, Liège, et suivant en cela l'exemple familial de 1881. — A. Maquinay, Histoire de la sa sœur Clary (1793-1862), créatrice paroisse de Verviers depuis ses origines jusqu'à nos jours, Verviers, 1947. — M. d'une école gratuite pour filles pau­ Pirenne, Les constructions verviétoises du vres, Raymond de Biolley fournit un XV' au XX' siècle, Verviers, 1927. — local qu'il meubla et obtint l'interven­ Annuaire de la Noblesse belge, passim. — tion de l'Etat pour le payement des J. Fonai, Les événements de 1830 à Ver­ enseignants (1828) ; c'était la pre­ viers et aux environs, Verviers, 1930. — mière école comptant plusieurs classes J. Pohal, Verviers et son industrie il y a et instituteurs et gérée par un conseil quatre-vingt-cinq ans, 1843, Verviers, 1928. d'administration. Pendant les dix pre­ — P. Gason, Baymond de Biolley, Ver­ mières années après l'indépendance, il viers, 1950. — P. Léon, Dictionnaire des rues de Verviers, t. Ier, Dison, 1976, ouvre d'autres écoles : gardiennes et p. 56-58, 254-255. — J. Meunier, Verviers primaires tant pour les filles que pour vu de loin et dans le temps, Verviers, 1953. les garçons ; il installe les Frères des — Portraits verviétois (Série Α-K), Ver­ Ecoles chrétiennes. viers, 1944; (Série L-Z), Verviers, 1946 On a lu comment il insistait pour (Archives verviétoises, t. II et III). 31 BOUILLY 32

BOUILLY (Joseph), pseudonyme: provinciales et communales, L'Avenir DUHOT (Jean), journaliste, député de connaît des difficultés considérables en l'arrondissement de et homme raison de l'attrait sur une partie de la d'œuvres socialistes, né à Elouges le classe ouvrière du Peuple, quotidien 29 décembre 1884, décédé à Thulin le d'information national de qualité qui 19 juillet 1970. vend presque autant d'exemplaires Joseph Bouilly, élevé par sa mère, dans l'arrondissement que lui. Mais il reçoit une forte éducation et fait des subit également la concurrence d'au- études moyennes à l'Athénée de Mons. tres journaux nationaux tels que Le Employé dans diverses entreprises de Soir et La Dernière Heure moins tour- la région de Mons, il suit également les nés vers l'actualité politique et sociale cours de l'Ecole Industrielle de Dour. et qui répondent à l'intérêt des lec- Devenu socialiste, dès 1905 il écrit teurs de plus en plus nombreux pour dans L'Avenir du Borinage, quotidien de nouvelles activités rendues plus de la Fédération Socialiste Républi- accessibles par la diminution du temps caine, il collabore également au Réveil de travail et l'augmentation du niveau du Nord, quotidien socialiste du Nord. de vie caractéristiques de cette époque Marié à la fille d'un brasseur libéral de (apparition et développement des Thulin, il prend, dès son entrée en sports, de la radio, du cinéma, par journalisme, le pseudonyme de Jean exemple). Duhot, nom sous lequel il est commu- Jean Duhot malgré ses efforts ne nément connu et appelé. En 1907, il parvient pas à enrayer le déclin inexo- est journaliste plein-temps à L'Avenir rable et, en 1928, la fusion avec Le et milite dans les organisations socia- Peuple est décidée. L'Avenir du Bori- listes d'Elouges, dont il est un des e nage paraît désormais toutes les se- animateurs de la 2 génération plus maines et abandonne l'information instruite que la première, moins vulné- locale. Devenu correspondant du Peu- rable aussi puisqu'il est appointé par ple dans le Borinage et à ce titre une institution socialiste. responsable de la page régionale insé- Pendant la guerre, il est membre du rée dans l'édition nationale, Jean Comité local de secours et d'alimenta- Duhot reste journaliste jusqu'à son tion. A la fin de la guerre en raison de élection comme député de l'arrondisse- la nomination d'Achille Delattre à la ment de Mons en 1932. Celle-ci ne met tête du Syndicat régional des Mineurs, pas fin à ses activités journalistiques Jean Duhot prend la direction de qui se poursuivent dans Le Peicple L'Avenir du Borinage, qui tire à cette jusqu'à sa retraite, mais désormais il époque à quelque 10.000 exemplaires. est parlementaire et « homme d'œu- Le quotidien socialiste régional prend vres » comme il se définit lui-même. part avec ardeur aux luttes politiques Il est, en effet, élu député en 1932 à et sociales qui émaillent l'immédiat l'occasion d'un sérieux renouvelle- après-guerre. Mais les passions relati- ment et rajeunissement de la députa- vement apaisées après l'instauration tion socialiste de Mons-Borinage (avec du Suffrage Universel pur et simple Léo Collard, Achille Delattre, Louis (pour les hommes) et l'organisation de Goblet et Louis Piérard, le seul ancien nouvelles relations sociales entre pa- dans ce groupe), mais il est victime en tronat et classe ouvrière (création des 1936 du net recul de la liste socialiste Commissions nationales et régionales (— 20 %) et n'est plus réélu. Au poil qui précède les élections il était mixtes de concertation et d'arbitrage P dans les principaux secteurs indus- d'ailleurs arrivé en 6 place c'est-à-dire triels), la réalisation de réformes so- en ordre « inutile », en raison de la ciales (journée de 8 heures, etc.) montée de la contestation de gauche malgré les importants succès socia- incarnée par Walter Dauge. Par con- listes dans les diverses élections légis- tre, il entre au Sénat comme sénateur latives (66 % des voix en 1925), provincial bénéficiant du même rajeu- 33 BOUILLY 34

nissement mais différé de quatre ans à lance l'activité de la coopérative « l'auguste assemblée ». En 1946, il est Union-Progrès-Economie, fondée en élu sénateur direct. Secrétaire du Sé­ 1898, et anime diverses organisations nat de 1940 à 1954, il est également syndicales de mutualité, d'éducation secrétaire de la réunion commune des et de loisirs. Elu conseiller communal chambres en 1950. De 1954 à 1958, en 1920, membre du bureau de bien­ date à laquelle il renonce à son mandat faisance de 1921 à 1925, ensuite il il est vice-président du Sénat. Il joue est échevin de 1927 à 1932, chef de un rôle actif au sein de l'assemblée, l'opposition jusqu'en 1938 où la majo­ intervient dans les questions agricoles rité absolue obtenue par le P.O.B. (il est à plusieurs reprises rapporteur (7 sièges sur 9) lui donne l'écharpe du budget du ministère de l'Agricul­ mayorale qu'il détiendra jusqu'en ture), les questions régionales et com­ 1966. La lutte politique dans cette munales ainsi qu'en ce qui concerne les petite commune rurale mais où vivent questions sociales. Après la guerre, il de nombreux mineurs ainsi que des s'est également intéressé aux problè­ métallurgistes travaillant dans le Nord mes des dommages de guerre. Mais de la France, explique son intérêt pour c'est au plan régional et surtout local les questions agricoles, ses deux fils ont que son activité est prépondérante. d'ailleurs fait des études d'agrono­ Journaliste et donc dans l'optique mie. C'est un municipaliste avisé et d'avant 1914, l'un des militants per­ son activité dans ce domaine ne se manents chargés de la propagande limite pas à sa seule commune. Mem­ quotidienne, Jean Duhot participe aux bre du Comité de patronage des Habi­ meetings, conférences, etc. Après la tations à bon marché de Dour- première guerre qui voit disparaître Pâturages, président de la Wateringue plusieurs dirigeants socialistes, il est de la Haine de 1948 à 1964, membre assez naturellement chargé du secré­ fondateur de l'Intercommunale du tariat de la Fédération régionale du Borinage pour l'aménagement de la Parti Ouvrier Belge (P.O.B.), seul puis région (aujourd'hui IDEA). en tandem avec Louis Goblet. La Partisan de l'union des efforts dans direction de L'Avenir, en 1921, l'em­ une région où les particularismes lo­ pêche de poursuivre cette tâche mais caux ont souvent abouti à l'évolution il reste membre du comité exécutif de contraire, il est favorable après la la fédération, comme du comité fédé­ première guerre à la centralisation ral durant tout l'entre-deux-guerres. coopérative et participe à la création Il la représente au Conseil général du de l'Union des Coopérateurs Borains P.O.B. de 1919 à 1921. Au sein de la fé­ dont il sera président et président dération il est un élément du centre, d'honneur. modéré et modérateur et participe à Il fut également membre de la plusieurs reprises à des commissions Ligue de l'enseignement et fondateur de conciliation entre des avis diver­ du Comité permanent de défense de gents. Plus que politique, il est surtout l'enseignement officiel à Thulin, pré­ un homme de gestion. Dès 1906, il sident de l'Association de la Presse est entré au Conseil d'Administration belge - section Hainaut-Namur et de la Coopérative d'Elouges, il milite membre du Conseil d'Administration dans les diverses organisations so­ de l'Ecole provinciale d'agriculture cialistes de cette commune et est élu à Ath. conseiller communal. Après la pre­ En 1953, Joseph Bouilly fut nom­ mière guerre, avec l'instauration du mé chevalier de la Légion d'Honneur. Suffrage Universel et donc l'espoir so­ cialiste de triompher dans des com­ Jean Puissant. munes limitrophes du bassin houiller, il se fixe dans la commune d'où est ori­ P. Van Molle, Le Parlement belge 1894- ginaire son épouse : Thulin où il re- 1969, Ledeberg, I960, p. 23. BIOGR. NAT. — t. XLI. 2 35 BRACONIER 36

BRACONIER (Frédéric), prénoms Frédéric Braconier avait épousé déclarés à l'état civil: Joseph-Char- une des filles de Gilles-Antoine La- les-Frédéric, industriel et parlemen- marche. Fondateur de la Fabrique taire, né à Liège le 5 janvier 1826, de Fer d'Ougrée, intéressé dans divers décédé à Liège le 27 mai 1912. charbonnages, ce dernier avait donné Frédéric Braconier était issu d'une ses filles en mariage à Jules Orban, famille intéressée dans l'industrie beau-frère de W. Frère-Orban, à houillère depuis deux générations. Jules-Jean-Maximilien van der Hey- Son grand-père Abraham-Josué- den a Hauzeur, le fondateur de l'Astu- Jean-Louis (1750-1826), avocat à rienne des Mines et à Charles-Fr.-J. Liège, avait acquis des participations de Rossius, industriel. dans des houillères en activité et les Frédéric Braconier s'était ainsi allié droits de propriété sur certaines por- à une famille proche de l'opinion tions du sous-sol liégeois. Il se pliait catholique mais n'en demeurait pas ainsi au droit de l'Ancien Régime moins fidèle au parti libéral, seul tout en introduisant, en vertu de la groupement politique structuré de la législation de 1791 revue en 1810, province de Liège. Elu conseiller com- des demandes en concession de mines munal de Liège en 1856, il ne fut de houille. pas réélu l'année suivante. Si les S'étant retiré des affaires, il lais- élections communales à Liège don- sait à son fils Joseph-Frédéric (1785- naient lieu à des luttes souvent âpres, 1858) le soin de développer ses char- les élections législatives, en raison de bonnages. Ayant reçu, avec ses coas- l'abstention des catholiques politi- sociés, la concession des gisements ques mal organisés, l'étaient beau- de Belle-Vue Saint-Laurent à Liège, coup moins. Seul importait, en fait, de la Grande Bacnure à Liège et le poil du parti libéral dont le choix Herstal, de la Petite Bacnure à était entériné par les électeurs de Herstal, celui-ci se consacra surtout l'arrondissement. Trouvant un appui au développement du charbonnage plus ferme auprès des membres du du Horloz à Saint-Nicolas et Tilleur parti de l'arrondissement que celui dont il était seul propriétaire. Il fut que lui avaient réservé les électeurs le premier dans la province à placer liégeois, Frédéric Braconier fut dési- un chemin de fer en surface où cir- gné pour succéder à Deliège à la culait un « chariot à vapeur» (1818). Chambre, le 14 août 1861. De son mariage avec Joséphine- Au Parlement, Frédéric Braconier Claire-Aldegonde de Thier, Joseph- se montra tel qu'il était : précis et Frédéric eut quatre enfants. Sa fille exigeant. N'intervenant pas dans les Marie-Louise ne participa que de loin questions de politique générale, il à l'activité industrielle de la famille ; défend avec constance les intérêts par contre, ses trois fils agirent con- des industriels liégeois. Comme le stamment de commun accord après développement de l'industrie de l'ar- le décès de leurs parents pour mettre rondissement qu'il représente est étroi- en valeur l'héritage commun. Dans tement dépendant des conditions de ce « trio industriel », Frédéric (1826- transport, l'homme d'affaires liégeois 1912) fut, selon le témoignage des se spécialise dans ce domaine. Il se contemporains, le chef incontesté. dit manchestérien, ainsi faut-il souli- Cependant, sans l'activité de son gner qu'en matière de transport fer- frère Léon (1830-1907) qui suivait roviaire, il exige de l'Etat qu'il se de très près l'activité du charbonnage plie à des conditions d'exploitation du Horloz, sans l'entregent de Char- dont l'esprit est identique à celui les, président de l'Union des Char- qui préside à la rédaction des cahiers bonnages, il n'aurait pu mener à bien des charges imposés par l'Etat aux une aussi belle carrière politique et concessionnaires miniers. industrielle. Sa présence au Parlement ne réduit 37 BRACONIER 38 pas ses activités industrielles. Le majorité ou soit au contraire dans charbonnage du Horloz est agrandi l'opposition, le sénateur de Liège par la création d'un siège d'exploita­ revendique pour l'industrie nationale tion à Tilleur qui commencera à être des tarifs ferroviaires aussi avanta­ productif en 1873. Cet établissement geux que ceux réservés aux produits se double de fours à coke (1866). circulant en transit. Il se fait, comme Après le décès de G.A. Lamarche, il son collègue, J. d'Andrimont, le porte- succède à ce dernier au sein du con­ parole de l'Union des charbonnages, seil d'administration de la Fabrique mines et usines métallurgiques de la de Fer et y jouera, sa vie durant, un province de Liège, présidée par son rôle important. Comme la famille frère Charles Braconier-de Macar. Le Lamarche, il s'intéresse à l'industrie sénateur de Liège sera également l'in­ du zinc, grande consommatrice de terprète de ces milieux lorsque fut houille. Il acquiert des actions de la discutée la réglementation du travail Vieille Montagne et siège dans le des femmes et des enfants. Frédéric conseil d'administration de cette en­ Braconier revendique, pour l'indus­ treprise jusqu'à son décès. trie, le maintien d'une totale liberté, Comme leur père, les descendants puisque l'initiative privée a fait ses de Joseph-Frédéric Braconier ont preuves en apportant une incontesta­ donné leur préférence aux investisse­ ble amélioration des conditions de ments industriels sans pourtant négli­ vie des ouvriers. Seule l'intervention ger les placements immobiliers. Aussi, de la loi lui paraît justifiée lorsqu'il au moment où Frédéric Braconier s'agit de la protection de l'enfance. est élu sénateur de l'arrondissement Dans l'impossibilité d'arrêter le mou­ de Liège, peut-il faire valoir une for­ vement de réforme sociale, les in­ tune immobilière qui, venant s'ajou­ dustriels tentent de l'endiguer. Fré­ ter au montant des impôts versés déric Braconier qui préside la Caisse par les charbonnages, justifiait ses de prévoyance des ouvriers mineurs, titres à siéger dans la haute assem­ institution que son père a contribué blée. à établir en 1839, cherche à sauve­ Ce n'est qu'un an plus tard qu'il garder son maintien en élargissant va acheter le château de Modave. ses attributions. Propriété de la famille de Montmo­ Sénateur, Braconier n'en est pas rency, le domaine avait été acquis moins homme d'affaires et ses qualités en 1817 par les héritiers Lamarche- d'administrateur semblent avoir été Ledent. Lors du partage opéré entre largement reconnues. Il est ainsi dési­ ceux-ci, le château était devenu la gné à cette fonction au Crédit Géné­ propriété de G.A. Lamarche. A son ral Liégeois, institution bancaire con­ décès, survenu en 1865, ses descen­ stituée en 1865 où s'illustra son ami dants n'avaient procédé à aucun par­ politique A. Poulet. Par le biais de tage. Joséphine Lamarche, épouse de cet établissement financier, il fut Frédéric Braconier, était ainsi co­ amené à siéger dans divers conseils propriétaire avec ses frères et sœurs d'administration, entre autres les du domaine de Modave. C'est à ces Sucreries centrales de Wanze, la derniers que Frédéric Braconier ra­ S.A. des Hauts Fourneaux de Rume- cheta les 6/7e qu'ils détenaient de la lange. propriété de Modave. Il se montre très intéressé par le Frédéric Braconier, entré au Sénat développement des industries qui gra­ en 1872, siégera dans cette assemblée vitent autour de la sidérurgie et des jusqu'en 1900. mines et comme plusieurs membres Comme il l'avait fait précédemment de la famille Lamarche, il prend des à la Chambre, il intervint principale­ participations dans des entreprises ment sur les questions de transport situées en aval. La S.A. des Ateliers de marchandises. Qu'il soutienne la de Construction de la Meuse, consti- 39 BRAEM 40

tuée le 28 novembre 1872, la S.A. de Hauts Fourneaux d'Ougrée. Il pré- Saint-Léonard pour la fabrication du sida le conseil d'administration de fer et de l'acier et pour celle des la S.A. d'Ougrée ainsi constituée outils et des machines dont les sta- en 1892 et travailla à la réunion tuts furent modifiés le 1er juillet avec le Charbonnage de Marihaye. 1882, le comptent comme fondateur La S.A. d'Ougrée-Marihaye, qui fut et administrateur. organisée en 1900, le choisit à son L'industrie minière reste cependant tour pour présider ses destinées. l'objet de ses plus vives préoccupa- C'est cette dernière société fusion- tions. Il donne au charbonnage du née avec Cockerill depuis 1955 qui Horloz une expansion remarquable. conserve encore aujourd'hui le por- Au moment du décès de Joseph- trait en pied de Frédéric Braconier Frédéric Braconier, l'entreprise pro- décédé en son domicile à Liège, rue duisait 23.000 tonnes, occupait Hazinelle, le 27 mai 1912. 319 ouvriers; en 1890, le Horloz amène au jour 378.050 tonnes et Nicole Caulier-Mathy. donne du travail à 2.246 ouvriers. Par acte du 11 juillet 1887, le char- Archives de l'Etat, à liège : fonds des bonnage est devenu une société ano- Hypothèques : fonds des notaires : Archi- nyme. Les maisons ouvrières qui ves d'entreprise, Gosson-Kessales : Archi- ves de l'Administration des mines de appartenaient à l'entreprise furent Liège. — Archives de la ville de Liège : apportées, en décembre 1895, à la Etat civil. — Archives de l'Etat, à Huy : S.A. des Maisons Ouvrières du Sud fonds des Hypothèques : archives du de Liège. château de Modave. Archives privées de Pour faire face à la concurrence la Grande Bacnure et de la famille Bra- étrangère fut constituée, en 1883, conier. sous l'égide de J. d'Andrimont, l'As- N. Caulier-Mathy, La modernisation des charbonnages liégeois pendant la pre- sociation charbonnière qui donnera mière moitié du XIX' siècle. Techniques naissance en 1897 au Syndicat des d'exploitation, Paris, 1971. — N. Caulier- Charbonnages liégeois. Avec son gen- Mathy, Frédéric Braconier et son temps dre, Paul van Hoegaerden, Frédéric (à paraître). — H. Douxchamps, La Braconier fut à la base de ce groupe- famille Lamarche. Des Xhendremael-Coninx- ment dont il défendit d'ailleurs la heim à l'industrie liégeoise, Bruxelles, légitimité au Sénat. 1974. — Index des éligibles au Sénat (1831-1893), Bruxelles, 1975, p. 25-26. — Administrateur des Charbonnages Le Sénat belge en 1894-1898, Bruxelles, de la Grande Bacnure et de la Petite 1897, p. 252-254. — « Notices nécrologi- Bacnure, il présida aux destinées de ques », dans La Meuse, 28-29 mai 1912, ces deux sociétés sans cependant le Journal de Liège, 28-30 mai 1912, arriver à fusionner ces charbonnages Gazette de Liège, 29-30 mai 1912. voisins. Seule la houillère de Belle- Vue-Saint-Laurent, où s'était produit un accident technique, fut fermée de BRAEM (Conrard, Conrardus ou son vivant, en 1881. Il avait prévu Coenraert), ou BRAME, imprimeur le développement de la production établi à Louvain au XVe siècle. de charbon maigre à usage domestique Conrard Braem (il se nomme, dans et avait, à cette fin, ouvert un siège l'édition néerlandaise, Coenraert) est, d'extraction dans la concession inac- à deux personnages près, Jean Vel- tive de la Basse-Rancy à Vaux-sous- dener et Jean de Westphalie, le plus Chèvremont. Mais l'entreprise était à ancien imprimeur de la ville univer- peine ébauchée à la veille du premier sitaire de Louvain, alors encore ré- conflit mondial. cente. Dans la Matricule de V Univer- Dans la sidérurgie, il contribua au sité de Louvain, il est inscrit à la date rapprochement de la Fabrique de Fer du 20 juillet 1474 comme « Colonien- et de la Société des Charbonnages et sis », originaire de Cologne. Son nom 41 BRAEM 42

Braem est tout à fait néerlandais, geaient eux-mêmes leurs textes. De mais on peut conjecturer qu'il s'est plus, grâce à leur inscription à l'uni­ rendu en Allemagne, le pays de l'art versité, ils étaient exemptés de cer­ de l'imprimerie, pour y apprendre à tains impôts, par exemple sur la fond le métier d'imprimeur. bière et le vin. Il est frappant que son compatriote On peut distinguer deux périodes le grand Jean de Westphalie se fit dans l'activité d'imprimeur de Con­ inscrire à l'université le 7 juillet de rard à Louvain : 1474-1477, avec les cette même année 1474 et que Jean éditions des œuvres d'Aristote ; la Veldener était lui aussi allemand. La guerre dans le Brabant arrêta momen­ ville universitaire exerçait manifeste­ tanément son activité en 1477 ; il ment un grand attrait sur les impri­ reprend son travail durant les années meurs allemands. C'était une époque 1479-1481. En 1481, il se risque à difficile pour les imprimeurs de Colo­ publier un petit ouvrage en langue gne, qui ne pouvaient plus rien livrer vulgaire dans cette ville universitaire dans l'Etat de Bourgogne. D'autre où le latin très en honneur, était part, la différence de langue n'était même parlé, certainement par les pas tellement grande en ce temps-là : professeurs de l'université. Le livre le frère mineur, Dire Coelde van groupait trois traités de médecine, Munster était originaire de Westpha­ sujet qui a toujours intéressé même lie, mais il prêcha pendant presque l'homme de la rue : Lanfranc de Mi­ toute sa vie dans les Pays-Bas. Son lan, Chirurgia parva ; Guy de Chau- Kerstenspiegel parut d'abord en néer­ liac, Analhomia; Avicenne, Fleubo- landais et plus tard seulement en thomia (la Saignée). Suit le colophon : allemand. « Hier eyndet ende gaet wt die Fleu- Les premières œuvres imprimées » bothomia van meester Avicenna par Conrard à Louvain sont des œu­ » gheprent in die eerweerdighe uni- vres d'Aristote et des commentaires » versiteit van loven By Coenraert sur ce philosophe. C'est la raison pour » brame op sinte Andreas avont anno laquelle on suppose que l'imprimeur » ie. lxxxi ». Avec ce livre, se termine a d'abord étudié à Paris, tout en tra­ la carrière d'imprimeur de Conrard, vaillant dans une imprimerie. Paris tout au moins dans la mesure où elle était alors un centre de néo-aristoté- est connue. Peut-être ne put-il pas lisme. Les caractères typographiques soutenir la concurrence de son com­ de Conrard évoquent d'ailleurs Paris patriote Jean de Westphalie, qui et sa première presse universitaire, devint le plus grand imprimeur de celle de Ulrich Gering, Martin Crantz la ville universitaire? et Michael Friburger (1470), tous alle­ Conrard Braem ne semble pas avoir mands. Nous pouvons donc supposer été un grand artiste imprimeur. Ses que le jeune Conrard étudia la phi­ caractères typographiques ne sont pas losophie à Paris, et y apprit en même de la meilleure qualité. Dans ses temps le métier d'imprimeur. premiers travaux, il utilise fréquem­ La seule chose surprenante c'est ment les capitales romaines, tandis qu'il se soit inscrit à Louvain « in jure que les bas de casse sont le plus sou­ canonico », peut-être s'estimait-il suf­ vent gothiques. Dans sa seconde pé­ fisamment instruit en matière philoso­ riode, il a recours à une variante des phique et s'est-il inscrit dans une caractères de Veldener. Il est possi­ autre faculté pour mieux prendre ble qu'il les lui ait achetés, lorsque pied dans l'université? Il n'est pas Veldener quitta Louvain (1477), mais étonnant que les imprimeurs, tout en les bas de casse sont en maints détails exerçant leur métier, aillent étudier différents du type Veldener ; peut- à l'université. Ils étaient tous, dans être lesdites matrices étaient-elles toute l'acception du terme, des intel­ complètement usées, et a-t-il dû per­ lectuels, qui choisissaient et corri­ sonnellement les remettre en état, ce 43 BRAME — BRAY 44

en quoi il n'a pas des mieux réussi? — J. Wils, Matricule de l'Université de Nous ne pouvons le qualifier de Louvain, vol. II, 1457-1485, Bruxelles,. grand imprimeur tel que Jean de 1948, p. 306; pour Jean de Westphalie, Westphalie, mais nous voyons en lui p. 304 (Commission royale d'Histoire, collection in-4°), — B. De Troeyer, L. Mees,. plutôt le personnage qui prit le risque Bio-Bibliographia Frandscana Neerlan- d'éditer à Louvain en langue germa- dica ante saeculum XVI, Nieuwkoop, nique à une époque où le latin était 1974, I : Pars Biographica, p. 196-248, seul en vigueur. II : Pars Bibliographica, n°» 1-21, III r Il était aussi un habile homme d'af- Pars Bibliographica, Illustrationes incuna- faires, il savait choisir ses textes, bulorum, p. 7-40. — A. Rouzet, Diction- ceux d'Aristote au moment où ce naire des imprimeurs, libraires et éditeurs- des XVe et XVIe siècles dans les limites philosophe devenait à la mode même géographiques de la Belgique actuelle, à Louvain ; une idylle d'amour, De Nieuwkoop, 1975, p. 27 (Centre national duobus amanlibus, l'amour éternel de l'Archéologie et de l'Histoire du Livre, qui doit avoir régné aussi bien à cette 3). — M.F.A.G. Campbell, Annales de la- époque dans l'esprit des jeunes étu- typographie néerlandaise au XVe siècle, diants friands d'une lecture sur ce avec 4 suppléments, La Haye, 1874, thème. Suppléments, 1870-1890. N°» 173, 178, 1437, 170, 174, 12, 1086. — M.E. Kronen- Adresse : « In Aima universitate berg, Campbell's Annales de la typographie- Lovaniensi ; in die eerweerdighe uni- néerlandaise au XV siècle, Contributions versiteit van Loven » (voir ci-dessus to a new Edition, La Haye, 1956, le colophon). n<" I 1436a, I 1028b. — H. De Vocht, History of the Collegium Trilingue, Lou- Liste des ouvrages imprimés par vain, 1951, p. 181 (note). — H. De Vocht, Conrard Braem : (avant 1475). Por- Inventaire des archives de l'Université de phyre, Isagoge in Arislolelis Praedi- Louvain. 1426-1797, Louvain, 1927, camenta..., 4°, Campbell-Kr. I 1436a; n°» 5357-5362, 5381, 5389-5392 et suivants- 1475. Aristote, Liber primus et secun- {Archives générales du Royaume à Bru- dus priorum analylicorum, 4°, Camp- xelles). — W. et L. Hellinga, The Fifteenth- Century Priniing Types of the Low Coun- bell 173 ; (1475). Aristote, Physico- tries, 2 vol., Amsterdam, 1966, vol. I, rum libri VIII, f°, Campbell 178; p. 32, 63 ; vol. II, pi. 43-48. — L. M[ees], 1475. Porphyre, Instituliones Aristo- telis Categoriae et de interprelatione • Conrard Braem », dans Le Cinquième liber, 4°, Campbell 1437 ; 1476. Aris- Centenaire de l'Imprimerie dans les Anciens Paye-Bas, Bruxelles, 1973, p. 178-181, tote, Elhicorum textus secundum inter- ill. 32, Bibliothèque Royale Albert I=% pretationem Leonardi Aretini, f°, Camp- catalogue de l'exposition. — S. Cforsten], bell 170; 1476. Aristote, Posteriora • Jean de Westphalie », ibidem, p. 129. analytica, f°, Campbell 174; 1479. Aeneas Silvius (Pius II), De duobus amantibus Euriola et Lucretia opuscu- BRAME (Conrard, Conrardus ou lum, 4°, Campbell 12; (14)81. Lan- Coenraert). Voir BRAEM (Conrard, franc de Milan, Chirurgia parva of Conrardus ou Coenraert). Cirurgijn; Guy de Chauliac, Anatho- mia; Avicenne, Fleubothomia, 4°, Campbell 1086 ; 1481. Jean de Car- BRAY (Nicolas de), médecin, né vraisemblablement vers le milieu du done, Litterae indulgentiarum pro bello e contra Turcos et defensione Rhodes, XIV siècle, mort à Mons le 13 mai vellum, Campbell-Kr. I 1028a. 1414. Clerc marié du diocèse de Cam- Leonide Mees. brai, maître es arts et licencié en médecine, il fut d'abord médecin du E. Van Even, « Renseignements inédits comte de Namur qui, en 1378, de- sur les imprimeurs de Louvain au XVe siè- manda pour lui une dispense au pape- cle •, dans Le Bibliophile Belge, lre année, Clément VII, lui permettant d'être- 1866, p. 47-65 (principalement p. 59-60). promu à la maîtrise en médecine. It 45 BRENEZ 46 est cité à Mons en qualité de médecin Issu d'une famille d'ouvriers mi- pensionnaire à partir de 1397, avec neurs Alphonse Brenez fréquente une pension annuelle de 10 livres. l'école primaire durant quelques an- Toutefois, son nom apparaît déjà nées avant d'entrer à la mine, « jam- dans les comptes de Mons, sans men- bot » puis « scloneux » il devient tion de profession dès 1383 et on peut « caporal de scloneux » c'est-à-dire supposer qu'il fut employé par la qu'il dirige une « bande », un groupe ville à partir de cette date. A ce titre, d'ouvriers chargés par un contrat il est le plus ancien médecin pension- spécifique à long terme et collectif naire montois mentionné dans les d'effectuer les transports de houille sources d'archives. Un acte du 17 juin et de mort-terrain des chantiers 1396 nous apprend qu'il habitait à jusqu'à l'accrochage pour être expé- Mons, au Rivage. Nicolas de Bray diés à la surface. paraît devoir être confondu avec Le 1er janvier 1882, il s'engage à « maistre Nicolle », médecin en titre l'armée, et sert au 2e chasseurs à d'Albert et de Guillaume de Bavière pied où il devient sergent, grade qu'il et attaché spécialement, de 1407 à détient au moment de son licencie- 1409, à la personne de Jacqueline de ment le 21 avril 1887. Il gagne ensuite Bavière et de son époux Jean, duc l'Amérique du Nord, où il travaille de Touraine, dauphin de France. Il comme mineur dans la région des figura parmi les officiers qui reçurent Montagnes Rocheuses probablement la livrée de deuil à l'occasion de la jusqu'en 1889. Rentré au pays, il mort d'Albert de Bavière, survenue retourne à la fosse et se mêle, dès le 12 décembre 1404. Les funérailles 1890, à l'agitation ouvrière et socia^ de Nicolas de Bray furent célébrées liste. A l'occasion du 1er mai 1890, en la paroisse de Saint-Germain à plus de quinze mille mineurs chôment Mons. On lui connaît deux enfants, en faveur de la journée des 8 heures dont l'aîné, Jean, fut épicier et maî- à l'appel de la Fédération socialiste tre-apothicaire à Mons. républicaine du Borinage, pour la Bobert Wellens. première fois de nombreux ouvriers du Charbonnage du Grand Hornu Archives de la Ville de Mons. — Ch. Gen- participent à une grève d'inspiration debien et E. Dony, « Les de Bray ou politique. Le retour de Brenez n'est du Bray. Recherches généalogiques et historiques », dans Annales du Cercle peut-être pas étranger à cette muta- Archéologique de Mons, t. XLIV, 1919, tion. Le succès rencontré par cette 150 p. [p. 68-69]. — K. Hanquet, Docu- manifestation de la conscience syndi- ments relatifs au Grand Schisme. Textes cale et politique naissante des mineurs er et analyses, t. I , Suppliques de Clé- de la région contribue à relancer les ment VII {1378-1379), Rome-Bruxelles- efforts d'organisation. Des syndicats Paris, 1924, p. 206 (Analecta Vaticano- sont créés dans diverses localités, à Belgica, vol. VIII). — E. Wickersheimer, Dictionnaire biographique des médecins en Hornu où Brenez en devient rapide- France au Moyen Age, t. II, Paris, 1936, ment une des principales chevilles p. 573. — G. Wymans, « Médecins et mé- ouvrières. Emile Vandervelde consi- decines en Hainaut au début du XVe siè- dère en 1891 qu'il s'agit là du groupe cle », dans Annales du Cercle Archéologique le plus fort et le mieux structuré du du Canton de Soignies, t. XIX, 1959-1960, Borinage. Brenez est à la tête de p. 58-59. toute l'agitation socialiste à Wasmuel où il habite et à Hornu où il travaille. BRENEZ (Alphonse), ouvrier mi- En septembre 1890 à la tête de la neur, syndicaliste, homme politique fanfare socialiste de Jemappes, il se socialiste, député de l'arrondissement heurte au commissaire de police de de Mons, né à Hornu le 7 novembre Wasmuel qui essaye de protéger un 1862, décédé à Hornu le 14 février concert d'une société locale. Une ba- 1933. garre éclate, on crie « chantez encore, 47 BRENEZ 48 tuez-le » (le commissaire). Brenez, avec Son élection en novembre 1894 avec un autre mineur, est attrait en justice la liste socialiste entière au premier pour outrages et coups, il est con­ scrutin du Suffrage Universel tempéré damné à 16 jours de prison et 22 francs par le vote plural, et non les nom­ d'amende. « Insolvable, vit de son breuses manifestations en faveur de » travail, conduite douteuse, moralité l'amnistie pour les multiples con­ » assez bonne, agent socialiste pas- damnations d'avril (une centaine, » sionné » : dans sa nudité, la descrip­ 50 pour la seule séance du 23 avril tion de la fiche signalétique de police du Tribunal correctionnel de Mons), est révélatrice. Orateur violent, me­ l'ont tiré de prison. Il restera député neur d'hommes, Brenez est à la pointe jusqu'en 1929, devant indubitable­ de l'action durant ces années trou­ ment son siège à cette circonstance blées socialement et politiquement précise et le conservant en raison de (1891-1893). Dirigeant du Syndicat son statut particulier au sein de la des mineurs de Hornu, il siège au fédération ; d'autres militants borains comité du Syndicat général des mi­ auraient en effet pu prétendre à ce neurs du Borinage (1893), au Comité siège. Il est de fait le seul véritable de la Fédération Boraine du Parti député mineur de la région. (Désiré Ouvrier Belge (P.O.B.). Le 16 avril Maroille, qui est également souvent 1893, lors de la grève qui suit le vote considéré comme tel, n'a en effet défavorable de la Chambre des repré­ jamais travaillé au fond de la mine sentants à l'égard du Suffrage Univer­ et très peu de temps en surface plus sel, Brenez est arrêté à la suite d'une comme employé (marqueur) que bagarre qui a opposé grévistes et un comme ouvrier et depuis 1885, il peloton de gendarmerie rue de Mons- est permanent du parti comme secré­ ville à Quaregnon où une barricade taire de coopérative). Ses discours a été dressée. « Effroyable mêlée, les à la Chambre, peu nombreux d'ail­ » gendarmes tirèrent dispersant la leurs, concernent exclusivement les » bande de 1200 à 1500 p. ... les travailleurs de la mine, à l'occasion » femmes n'étaient pas les moins ter- de catastrophes, grèves ou lors de » ribles, on a vu des vieilles femmes la discussion de propositions ou de » se jeter à la tête des chevaux, lan- projets législatifs les visant. Il est » cer des pierres, des morceaux de par exemple cosignataire des pro­ » bois, des débris de toute nature positions de loi d'Alfred Defuisseaux » (débris de vaisselle, bouteilles), pri- concernant la pension des mineurs, » ses d'une rage effrayante... ». (La l'inspection ouvrière des mines, la Chronique, 14 et 15 avril 1893). Deux réparation des accidents du travail, mineurs et deux gendarmes sont plus tard celle de la journée des 8 heu­ assez grièvement blessés. « Dans tout res, etc. » le Borinage, affreuse panique, les » bourgeois se barricadent chez eux, Alphonse Brenez fait partie, soli­ » on s'attend à de graves bagarres » dement, du noyau dirigeant tant de {ibidem), trois jours plus tard, la la Fédération boraine dont il est fusillade de la route de Jemappes à d'ailleurs le peu zélé secrétaire (il ne Cuesmes laisse sept morts sur les fait que signer les textes qui en éma­ pavés. Plusieurs membres du comité nent) en 1893 et en 1907, que du fédéral sont arrêtés puis libérés, faute Syndicat régional des mineurs quand de charges. Brenez, lui, est condamné provisoirement il se constitue. C'est le 23 avril 1893 à 5 ans de prison d'ailleurs dans le domaine syndical pour rébellion lors d'une véritable que son activité est peut-être la plus procédure de flagrant délit. L'impres­ importante. Fondateur du Syndicat sion subsiste qu'il a été condamné des mineurs de Hornu, ouvert à ses pro forma et pour l'exemple à la place débuts à toutes les catégories profes­ de ceux que la justice n'a pu garder. sionnelles, il est conscient de la pré­ carité de ces organisations qui se 49 BRBNEZ 50 font et se défont au rythme de la çois Quinchon, ancien mineur comme conjoncture économique et des mou­ lui, participe à la création d'une nou­ vements sociaux. Souvent ce ne sont velle coopérative, en 1895, L'Avenir que de simples caisses d'épargne. Socialiste. Il en est administrateur, En 1903, il met sur pied à Hornu il préside l'importante chorale, Les et préconise, lors d'un Congrès Na­ Enfants du Peuple, la plupart des tional, l'organisation à « base multi­ sociétés de la commune affiliées au ple » qui adjoint à la caisse de résis­ P.O.B. Il est la personnalité porte- tance (grève) des caisses particulières : drapeau des organisations socialistes chômage, maladie, invalidité, vieil­ de la commune, prononce les dis­ lesse, destinées à rendre l'adhésion cours, écrit non beaucoup mais régu­ au syndicat plus fructueuse et impli­ lièrement dans la presse socialiste quant sa pérennité. C'est donc aussi régionale : Le Suffrage Universel heb­ la nécessité d'une forte cotisation domadaire puis L'Avenir du Bori­ garante d'une forte organisation. A nage quotidien. En 1899, il est parmi Hornu, la cotisation syndicale est la les fondateurs de l'Imprimerie coopé­ plus élevée de la région jusqu'en 1907. rative fédérale à Cuesmes qui les Modernisateur en 1903, Brenez par édite et dont il reste membre du contre est un des porte-parole du con­ Conseil d'administration. Mais dans servatisme et du particularisme local, les faits, le véritable organisateur dix ans plus tard lorsqu'il est question des groupes socialistes d'Hornu, c'est de moderniser et de centraliser les François Quinchon. Tous deux sont structures locales. Brenez est pour­ élus conseillers communaux en 1895, tant secrétaire de la Fédération ré­ avec trois compagnons (sur 11 con­ gionale des Mineurs en 1901, en 1903, seillers au total). Malgré les rigueurs en 1907 (charge qu'il abandonnait de la loi électorale communale, le en août 1908 en faveur d'Alfred P.O. parvint donc à constituer une Labbé, son ancien adjoint à Hornu importante opposition dans une com­ qui devient le premier secrétaire per­ mune où la politique paternaliste du manent du Syndicat des Mineurs plus puissant charbonnage, le Grand dans le Borinage). Sous sa direction, Hornu (logements sociaux, diverses la fédération régionale n'acquiert au­ institutions de secours et de loisirs), cun dynamisme propre, le rôle essen­ avait réussi à maintenir prépondé­ tiel restant toujours assumé par les rante son influence au sein de l'ad­ syndicats locaux, et n'est affiliée ni ministration communale, comme elle au P.O.B., ni à sa Commission syn­ avait réussi à tenir Hornu à l'écart dicale. Il reste néanmoins membre des conflits sociaux jusque dans les du comité fédéral des mineurs et années 80. En 1907, pour la première cela pratiquement jusqu'à la fin de fois, la liste socialiste obtient la ma­ sa vie. Il joue donc un rôle non négli­ jorité aux élections communales ; Bre­ geable au cours des mouvements so­ nez et Quinchon font leur entrée au ciaux dans la région de 1891 à la collège des bourgmestre et échevins. première guerre. Brenez est égale­ Lorsque le P.O. obtient la majorité ment, régulièrement, un des repré­ au sein du Conseil en 1912, il reste sentants du Borinage au Comité na­ échevin des travaux tandis que Quin­ tional, aux congrès nationaux et chon devient bourgmestre ff. puis internationaux des mineurs. Le siège bourgmestre après la guerre. Durant de la Fédération syndicale régionale cette dernière, Brenez préside le Co­ des Mineurs sera d'ailleurs fixé à la mité local de secours et d'alimenta­ Maison du Peuple de Hornu en rai­ tion, il est toujours après la guerre son du rôle majeur des militants hor- membre de la direction fédérale du nutois dans sa création et de la puis­ P.O.B., délégué au Conseil général sance du syndicat local. du P.O.B. mais en jouant un rôle A Hornu même, Brenez, avec Fran­ moins important qu'avant 1914. Il 51 BROBUCQUEZ 52 est alors le patriarche, le dernier Broeucquez consacra toute son acti- survivant de la vieille garde du mou- vité à l'art de guérir et, dans ses vement socialiste borain, qui a connu écrits, il s'attacha à réfuter les erreurs les grèves générales de 1891, 1893, qui se commettaient dans le traite- qui est sorti de prison par la volonté ment des maladies des enfants et du Suffrage Universel. En 1929, il dans le régime prescrit aux malades abandonne, à l'âge de soixante-sept et aux convalescents. Pour défendre ans, ses divers mandats politiques. ses idées, il publia en 1755, chez Surnommé « l'Pekeu » par Alfred Henri Bottin, à Mons, un Discours Defuisseaux en raison de sa passion sur les erreurs vulgaires qui se com- pour la pêche (y compris à la dyna- mettent dans le traitement des jeunes mite selon la tradition), Brenez fut enfans depuis leur naissance jusqu'à de ce type de mineur borain volon- leur âge adulte, où l'on fait voir la taire, têtu « fort en gueule » « qui bonne méthode de les élever avec toute » fait toujours ce qui est interdit et sûreté, aisée à concevoir par toutes » qui le fait surtout parce que c'est personnes non médecins. L'année sui- » interdit » (comme l'écrit en 1925 vante, en 1756, il publia, également Achille Delattre), qui dut peut-être chez Henri Bottin, un ouvrage inti- son mandat de député à un incident tulé Réfutation des erreurs vulgaires de grève mais qui est incontestable- sur le régime que la médecine prescrit ment un des éveilleurs de la classe aux malades et aux convalescens où ouvrière du Borinage à la fin du l'on verra les suites funestes qui arri- XIXe siècle. Il est à ce titre représen- vent tous les jours de ces erreurs avec tatif d'une génération de militants des principes intelligibles pour toutes dont la notoriété nous atteint rare- sortes de personnes pour se préserver ment. le précieux trésor de la santé. Jean Puissant. Antoine-François Du Broeucquez se maria deux fois. Le 12 août 1757, P. Van Molle, Le Parlement belge. 1894- 1969, Ledeberg, 1969, p. 26. —A. Delattre, il épousa Marie-Thérèse Bonniau, Souvenirs, Cueames, 1957, p. 338-339. fille d'un avocat et bailli de Trélon. Elle mourut le 1er mai 1760 après lui avoir donné un fils et une fille. BROEUCQUEZ (Antoine-Fran- Le 7 juin 1761, il épousa en secondes çois DU), médecin (1), né à Belœil noces Suzanne-Louise Dumont, fille le 11 juin 1723, mort à Mons le 9 no- de Claude Dumont, capitaine et aide- vembre 1765. major de la place de Mons. Fils du médecin Jean-François Du Robert Wellens. Broeucquez et de Dorothée-Ignace Dupont, il commença ses humanités Ville de Mons, Table des Mariages, t. 1, au collège des Jésuites de Mons et p. 199 et t. 2, p. 510. — Ville de Mons, les continua à Douai, toujours sous Table des Décès, t. 2, p. 624. — N.-P.-J. Eloy, Dictionnaire historique de la méde- la direction des Jésuites, jusqu'en er 1743. Décidé à embrasser la profes- cine ancienne et moderne, t. I , Mons, sion de son père, il suivit les cours 1778, p. 455. — A. Mathieu, Biographie montoise, Mons, 1848, p. 300-301. — H. de médecine à l'Université de Louvain Rousselle, Annales de l'imprimerie à Mons où il conquit le grade de licencié en depuis 1580 jusqu'à nos jours, Mons, Bru- 1747. Après ses études, il revint à xelles, 1858, p. 468 [n° 750] et p. 469 Mons où il commença à pratiquer [n° 754]. — T.-A. Bernier, Dictionnaire sous la direction de son père. Du biographique du Hainaut, Angre, 1871, p. 68. — E. Matthieu, Biographie du Hai- naut, t. Ier, Enghien, 1902-1905, p. 215. (1) Cette notice remplace celle parue — F. Leuridant, « Biographie bellœilloise », dans Biographie Nationale, t. VI, Bru- dans Annales du Cercle Archéologique xelles, 1878, col. 211. d'Ath et de la Région, t. XX, 1934, p. 53- 53 BRUNELLB 54

54. — B. Wellens, « La littérature médi- 8 e un colonel polonais du nom de Van cale à Mons aux xvu et XVIII siècles », Mechtel (?). On est mal renseigné sur dans Mémoires et Publications de la Société des Sciences, des Arts et des Lettres du le séjour et le genre de vie des jeunes Mainaut, t. 88, 1977, p. 41-42. époux en Hongrie. On sait seulement qu'ils entretenaient des relations avec le général comte de Mercy-d'Argen- * BRUNELLE (Isabelle), comtesse teau qui résidait à Hogyesz. D'HARSCAMP, fondatrice d'institutions Du mariage de Pontian d'Harscamp de bienfaisance, née à Aix-la-Chapelle et d'Isabelle Brunelle naquirent trois le 3 septembre 1724, décédée à Namur enfants : Wenceslas-Stanislas, baptisé le 8 mai 1805. le 29 août 1751 à Chomranice (Hon- Isabelle Brunelle est la fille de Her- grie), François-Joseph, baptisé le 4 dé- man Brunelle et de Jeanne-Marie cembre 1753 dans l'église de Leutschau Tilmans, petits bourgeois d'Aix-la- et une fille dont le prénom n'est pas Chapelle qui habitaient dans la Kônig- connu, née en 1759. Ces trois enfants strasse (actuellement n° 47, ancienne- moururent en l'espace de quelques ment n° 106). Elle fut baptisée, le années, à la fleur de l'âge, les deux 3 septembre 1724, dans la chapelle fils, les 2 et 12 juillet 1763, emportés de Saint-Jean-Baptiste. On ne con- par la petite vérole, la fille en 1765 ( ?). naît pas grand-chose de son enfance A la suite de ces terribles malheurs, et de sa jeunesse, si ce n'est qu'elle le comte et la comtesse d'Harscamp reçut une éducation soignée dans une décidèrent de rentrer dans le Namu- maison de Liège, jouissant d'une rois et s'en vinrent habiter au château bonne réputation. de Fernelmont (Noville-les-Bois), où Son destin fut intimement lié à ils menèrent un grand train de vie celui de François-Pontian d'Hars- et entretinrent des relations étroites camp, dernier enfant de Charles- avec la noblesse du pays. François de Paule, baron d'Harscamp Pontian d'Harscamp mourut à Fer- et de Marie-Isabelle d'Argenteau, nelmont, le 1er mai 1794, à l'âge de chanoinesse d'Andenne. Pontian septante-six ans, et fut inhumé à d'Harscamp, né à Namur, le 15 mai Noville-les-Bois. Il laissait une grosse 1717, appartenait à une famille noble fortune. Un mois plus tard, sa veuve originaire d'Arnheim, dans la pro- quittait la province de Namur pour vince de Gueldre, qui s'était enrichie l'Allemagne. Les Français occupaient dans la fabrication des armes et pos- notre pays. Faisant valoir ses droits sédait d'immenses propriétés dans le comme • étrangère, Isabelle obtint, Namnrois, la principauté de Liège et peu après, du préfet Pérès, un passe- à l'étranger, notamment dans la ré- port pour revenir à Namur, mais gion de Vireux et en Hongrie. Entré une grave maladie l'empêcha d'exé- au service de l'Autriche comme capi- cuter ce projet et elle fut portée sur taine de dragons, il dut, vers 1747, la liste des émigrés. Elle s'établit faire une cure à Aix-la-Chapelle et alors, avec sa suite et des amis, à c'est ainsi qu'il aurait rencontré celle Miltenberg, en Bavière, puis à Ans- qui allait devenir son épouse, Isabelle bach, en Prusse. Ayant reçu, le 27 mai Brunelle. Le mariage de Pontian 1797, sa radiation provisoire de la d'Harscamp et d'Isabelle Brunelle liste des émigrés, elle séjourna, en eut lieu à Kniesen, en Hongrie, le juillet et août de cette année, au 3 septembre 1748, le jour même du château de Marchin (près de Huy) et 24e anniversaire d'Isabelle. chez le baron d'Obin, à Wasseige. Devenue comtesse d'Harscamp, Isa- Malheureusement pour elle, la loi du belle Brunelle, à la tête d'une fortune 19 fructidor an V (5 septembre 1797) imposante, acheta, en Pologne, une devait ordonner aux Belges — rentrés terre baronniale pour ses parents et sous le bénéfice de leur radiation pro- ménagea le mariage de sa sœur avec visoire — d'abandonner leurs demeu- 55 BRUNELLE 56 res dans les vingt-quatre heures et le allaient profondément marquer l'his­ territoire de la République dans les toire de la bienfaisance et de la cha­ quinze jours. C'est ainsi que la com­ rité à Aix-la-Chapelle et à Namur. tesse d'Harscamp quitta Wasseige à C'est ainsi qu'elle établit quatre fon­ la fin septembre 1797 et se réfugia dations à Aix-la-Chapelle en vue du à Zittard, en Juliers, puis à Mülheim. soulagement des vieillards pauvres, En 1798, on la retrouve à Cologne, des pauvres honteux, de familles dé­ puis à Francfort où elle tomba malade chues mais honorables, et de jeunes et connut des ennuis financiers. Elle filles et garçons de condition modeste. songea alors à vendre ses propriétés Elle décidait, d'autre part, de fonder, de Galicie et, avec son vieil ami le dans son hôtel de la rue de l'Ange à baron d'Obin, elle se rendit dans Namur, un hospice qui porterait le cette région. Elle vécut à Nawojawa, nom d'Harscamp, « en mémoire de en juin et juillet 1799, puis à Tarnow son très cher époux ». Cet hospice (Pologne), jusqu'à l'été 1800. Ayant était destiné à recevoir des personnes reçu notification de sa radiation défi­ des deux sexes, âgées au moins de nitive de la liste des émigrés et de soixante ans, appartenant à des fa­ la levée du séquestre mis sur ses biens, milles déchues ; les seuls collateurs elle prit le chemin du retour, mais des places vacantes, devaient être, elle tomba à nouveau malade à Franc­ à perpétuité, les parents mâles de fort où elle resta durant les mois son mari, à tous les degrés. Les der­ d'août, de septembre et d'octobre nières volontés d'Isabelle Brunelle ne 1800. Le 24 novembre 1800, elle arri­ furent cependant pas entièrement vait à Liège où elle prêta le serment respectées car l'hôtel d'Harscamp ne de fidélité à la Constitution de la convenait point pour la fondation République française. Rentrée à Na- projetée et ce fut dans les bâtiments mur, elle s'installa dans son hôtel du couvent des Récollets de Namur du Marché de l'Ange où elle vécut, (supprimé à la Révolution), situé un dans l'aisance, les dernières années peu en aval du confluent de la Sam­ de sa vie, faisant de temps à autre, bre et de la Meuse, que fut établie des séjours à Dhuy, Thon, Wasseige la maison de retraite voulue par la et à Spa et s'occupant, avec beaucoup comtesse d'Harscamp. Cette maison d'ordre et de minutie, de l'administra­ fut inaugurée le 1er octobre 1812, en tion de ses nombreuses propriétés. présence du préfet Pérès : quarante vieillards, vingt hommes et vingt Madame d'Harscamp mourut subi­ femmes, avaient été agréés. tement à Namur, rue de Fer, n° 769, le 8 mai 1805, dans sa quatre-vingt- Soixante ans plus tard, une statue unième année. Elle fut inhumée auprès en pierre blanche, reposant sur un de son mari à Noville-les-Bois. Son piédestal en pierre bleue, œuvre du oraison funèbre fut prononcée le sculpteur G. Geefs et du marbrier 8 mai 1806 dans la cathédrale d'Aix- Balat, devait être érigée dans le jar­ la-Chapelle. din de l'hospice. Elle rappelle aux Par un testament du 28 avril 1788, Namurois le souvenir d'une grande e daté de Fernelmont, Isabelle Brunelle dame du xvm siècle, d'une femme avait fait plusieurs fondations impor­ de tête et d'affaires, mais aussi d'une tantes en faveur de filles pauvres et femme dévouée, au cœur charitable, de pauvres honteux de Namur et dont la fortune enrichit la pauvreté d'Aix-la-Chapelle. Le 22 décembre et dont les dispositions testamen­ 1794, elle avait complété ce testament taires généreuses n'ont cessé de pro­ par un codicille daté de Miltenberg. duire des effets bienfaisants dans la Enfin, le 20 janvier 1805, elle avait ville où son mari était né et où, elle- passé, devant un notaire de Namur, même, voulut mourir. A Aix-la-Cha­ son testament définitif de cinquante pelle, le souvenir d'Isabelle Brunelle pages et demie, dont plusieurs clauses n'a pas entièrement, non plus, dis- 57 BUGATTI 58 paru. La ville a sa « Harskampstrasse » Carlo Bugatti destinait son fils et, sur une maison de la Kônigstrasse Rembrandt aux sciences techniques, (n° 47), une plaque rappelle qu'Isa- mais lorsque ce dernier eut quinze belle Brunelle y vit le jour, en 1724. ans, son père découvrit dans son ate- lier, caché sous des linges, un groupe Jean Bovesse. de trois vaches que Rembrandt avait L. Genicot, avec la collaboration de sculpté en cachette. Ceci décida de J. Bovesse et 0. Douxchamps-Lefèvre, la carrière de Rembrandt. Inventaire des archives de la Commission Rembrandt Bugatti n'a fréquenté d'Assistance publique de Namur, an V- aucune académie ; il est certain qu'il 1870 (Archives de l'Etat à Namur), Bru- a reçu des conseils de son père et xelles, 1959. — P. Jacquet-Ladrier, Inven- d'un ami de la maison, le prince Paul taire des archives du château de Franc- Troubetzkoï, renommé pour ses sculp- Waret déposées par le comte A. d'Andigné. XIII'-XX" siècles (Archives de l'Etat à tures de portraits d'hommes et d'ani- Namur), Bruxelles, 1974. — P. Courtoy, maux. J. Bovesse et P. Jacquet-Ladrier, Inven- En peu de temps il sut tirer tout taire des archives de la famille d'Harscamp le parti possible de l'exemple des (XVII°-XIX° siècle) (Archives de l'Etat maîtres qui le précédèrent mais sans à Namur), Bruxelles, 1977. — S. Bormans, se laisser entraîner dans la voie de < La famille d'Harscamp », dans Annales l'imitation. Il parvint ainsi à acquérir de la Société archéologique de Namur, t. XIV, 1872, p. 21-82. — A. von Reu- de la technique sans rien compro- mont, a Die Grafen von Harscamps •, mettre de son inspiration personnelle. dans Zeitschrift des Aachener Geschichts- Etudier, mais ne pas imiter ; au vereins, t. 8, 1886, p. 1-14. — J. Godenne, contraire faire un effort constant pour La famille d'Harscamp et les fondations conserver la fraîcheur du premier d'Isabelle Brunelle, Namur, [1905]. — élan et produire ainsi un art aussi J. Lothe, Paupérisme et bienfaisance à original par la forme que par l'expres- Namur au XIX' siècle, 1815-1914, Bru- sion. xelles, 1978, p. 189 ss. La première exposition de Rem- brandt à Paris à l'âge de dix-neuf ans (1904) mit l'artiste en rapport avec * BUGATTI (Rembrandt-Angelo), Adrien Hébrard, propriétaire d'une sculpteur animalier, né à Milan le galerie d'art, rue Royale à Paris et 16 octobre 1885, décédé à Paris le d'une fonderie de bronzes artistiques, 8 janvier 1916. réputée pour la qualité de sa produc- Rembrandt Bugatti était le fils tion, suivant le procédé de la « cire de Carlo Bugatti (Milan, 1855 - Dor- perdue ». Cette rencontre fut décisive lisheim, Alsace, 1940), décorateur, dans la carrière de l'artiste. peintre, restaurateur, ensemblier et Adrien Hébrard reconnut d'emblée architecte, qui dessina des modèles en Rembrandt un artiste hors ligne. industriels et des meubles aux formes Il parvint à mettre l'artiste sous con- neuves, géométriques. Il apporta à trat et organisa, sans perdre de temps, l'époque une révolution dans l'art de dans sa galerie des expositions de Pébénisterie, obtint même un grand l'œuvre du jeune artiste. La critique prix à l'Exposition de Turin de 1898 fut d'emblée très favorable et en peu et s'établit à Paris en 1904. de temps Rembrandt Bugatti fut Il était le frère d'Ettore Bugatti célèbre. (Milan, 1881 - Paris, 1947) qui se Sa carrière fut très brève ; elle ne destina d'abord aux Beaux-Arts, mais dura que douze ans. En ce laps de conscient de son manque de talent, temps il fut l'auteur de quelque quitta l'Académie Brera pour se lan- 150 sculptures coulées en bronze, cer dans la technique et la mécanique. représentant en très grande majorité Il devint constructeur des automo- des animaux. biles Bugatti. Il fut décoré chevalier de la Légion 59 BUGATTI 60 d'Honneur à l'âge de vingt-cinq ans. En cela il ne fut pas un continua­ Bien qu'il eut un studio à Paris, teur ni surtout l'interprète de l'œu­ rue Magdebourg (Montparnasse), il vre d'un prédécesseur. Il a mis dans vécut surtout à Anvers : la métropole son art ce qui le brûlait : la vie même. des Arts où il trouvait jusqu'à la Sa carrière a été trop courte pour déclaration de la première guerre que l'on puisse constater une évolu­ mondiale, d'abord une franche amitié tion spectaculaire dans son art. Il auprès d'autres jeunes artistes, et était naturaliste et l'est toujours surtout ce Jardin Zoologique mondia­ resté mais il est indéniable que son lement réputé pour la richesse excep­ style s'est simplifié vers 1909, peut- tionnelle de ses collections d'animaux. être sous l'influence du cubisme. Longtemps il habita une chambre Sa dernière œuvre trouvée dans au second étage d'une maison avenue son atelier après sa mort — la Lionne de Keyser. Après il eut un atelier avec le serpent — et coulée en bronze donnant sur le Parc, avenue van par son frère Ettore, après sa mort, Eyck ( ?) et puis Rempart des Bé­ est certainement le meilleur exemple guines dans une immense bâtisse où de l'évolution que son œuvre subis­ plusieurs artistes louaient également sait. des ateliers. Au dire de ses amis il vivait replié Ce qui frappe dans l'art de Rem­ sur lui-même, passant parfois de brandt Bugatti est son affinité avec l'exubérance la plus vive à un isole­ les expressions de la vie et cela sur­ ment total. tout chez les animaux. Il est parvenu Il était un être intensément raffiné à matérialiser toute la sensibilité de et bon. Cette bonté s'étendait à tout ses sujets et ce dans l'expression de être vivant et ne supportait pas qu'on leurs réactions les plus subtiles. Il y fasse du mal ni à l'homme ni à l'ani­ a toujours de l'action dans sa façon mal. Il était raffiné aussi dans sa de traiter les animaux, ses bronzes façon de s'habiller, dans ses instru­ ne sont jamais statiques. Ce qui fait de ments de travail, que son frère l'in­ lui probablement le plus grand sculp­ génieur fabriquait sur ses indications teur animalier du début de ce siècle. pour lui. 11 possédait, en plus du feu sacré Et quand il travaillait il paraissait auquel il s'est brûlé : le don. Il tra­ être saisi d'un accès. Il ne prenait vaillait dans la fièvre d'un seul jet nul repère, aucune mesure. Il tendait et ne reprenait jamais son sujet. Cela l'armature sur laquelle la sculpture venait, il créait, en une séance. Sinon prendrait forme, ses mains pétrissaient il détruisait l'ébauche et en commen­ la glaise et bientôt la figure s'ébau­ çait une autre. Mais au préalable il chait pour s'achever en quelques avait étudié son modèle, sa muscula­ heures, rayonnante de vie. ture, sa nature même. Il se transpo­ La déclaration de la guerre en 1914 sait en lui et c'est en cela qu'il faut surprit Rembrandt Bugatti à Anvers. trouver l'origine de ce naturel, de De nationalité italienne il aurait pu cette vie intense qui anima le bronze regagner sa patrie, mais il préféra ou la pierre, matières inertes sorties rester et subir le siège de la ville. de ses mains qui avaient le « sorti­ Il s'engagea comme brancardier lège ». auprès de la Croix-Rouge qui avait Car toutes ses sculptures, même improvisé une infirmerie dans la Salle celles de la dernière période où il des Marbres de la Société royale de arrive à une simplification prenante Zoologie. Les scènes d'horreur qu'il de son art, sont réellement vivantes. vécut en cette qualité l'ont littérale­ Les animaux qu'il représente ne sont ment déchiré. pas de dociles modèles académiques ; En passant d'abord par l'Angle­ ils vivent, marchent, bondissent, sont terre, il gagna Paris en 1915 ; déprimé prêts à combattre. par toutes les misères auxquelles il 61 BUISSERBT 62 avait assisté, il n'avait plus la force tiative de la Société royale de Zoolo- morale de résister aux revers qui le gie d'Anvers, Salle des Marbres, An- touchaient physiquement et morale- vers ; 1960 : Expositions à Paris, ment. Ayant perdu graduellement Lausanne, Bruxelles et Londres ; l'ouïe et blessé par un amour malheu- 1973 : Salon d'Automne au Grand reux il était désespéré. Palais, Paris ; 1975 : Galerie Paul Le 8 janvier 1916, il assista à la Ambroise, rue Royale, Paris. messe à la Madeleine, acheta un bou- Cécile Kruyfhooft. quet de violettes, rentra dans son modeste atelier, 3 rue Joseph Bara Archives de la Ville de Paris, Mairie à Montparnasse, écrivit une lettre à du 6 e arrondissement, extrait des minutes sa mère, une autre destinée à la po- des actes de décès. lice, déposa le bouquet de violettes V. Rossi-Sacchetti, « Rembrandt Bu- et les lettres à côté de la Croix de gatti, sculpteur », dans Carlo Bugaiti et la Légion d'Honneur sur la table de son art, Mutzig, Imprimerie G. Jost, sep- nuit, ouvrit le robinet du gaz et s'éten- tembre 1907. — A. Salmon, « Rembrandt Bugatti », dans Art et Décoration, dit sur son lit. t. XXXIV, 1913, p. 157-164. — M. Schiltz, Il fut inhumé à Dorlisheim (Bas- Rembrandt Bugatti, Anvers, Société royale Rhin) dans le caveau familial. Un peu de Zoologie, 1955. — M. Haynes, Biogra- plus tard son frère créa un Musée phy of Rembrandt Bugatti, London, The à Molsheim (Alsace), où il y avait Sladmore Gallery, 1976. — J. Mackay, l'usine de voitures automobiles. En The Animaliers : the Animal Sculplors of 1947, les filles d'Ettore Bugatti firent the 19th and 20th centuries, London, Ward Lock Limited, 1973. — B. Bénézit, Dic- transférer toute la collection des tionnaire des peintres, sculpteurs, dessina- sculptures de Rembrandt au château teurs et graveurs, t. II, Paris, 1976, p. 383. d'Ermenonville, près de Paris. En 1947, à l'initiative de Mr Walter Van den bergh, directeur de la Société BUISSERET (Auguste-Dieudonné-Eugène), royale de Zoologie d'Anvers, on créa avocat, conseiller communal, un prix bisannuel dénommé « Prix puis échevin de Liège, ministre de Rembrandt Bugatti » pour sculpteurs l'Instruction publique, de l'Intérieur, animaliers, et ce à l'intention des des Travaux publics, des Colonies, étudiants de l'Institut national supé- bourgmestre de Liège, né à Beauraing rieur et de l'Académie des Beaux- le 16 août 1888, mort à Liège le Arts d'Anvers. 15 avril 1965. La Société royale de Zoologie Après de brillantes études à l'Athé- d'Anvers édita en 1955 une monogra- née de (premier au concours phie consacrée à Rembrandt Bugatti, général des athénées et collèges de de la main de Marcel Schiltz (1898- Belgique) et deux ans de philosophie 1959), administrateur secrétaire de à Notre-Dame de la Paix à Namur, il l'Institut national supérieur et de achève ses études à l'Université de l'Académie des Beaux-Arts à Anvers. Liège. Il en sort docteur en droit avec En 1955 la Société organisa une la plus grande distinction. Classé pre- exposition rétrospective de l'œuvre mier au Concours interuniversitaire de l'artiste dans la Salle des Marbres (section : sciences politiques), il patr de la Société. pour Paris et fait son stage chez Me Florimond Desjardin, brillant avo- Expositions de Rembrandt Bugatti : cat parisien. Il se spécialise dans les 1905 : Galerie Adrien Hébrard, questions de propriété intellectuelle et rue Royale, Paris ; 1907 : Exposition seconde son patron dans le procès qui des Artistes italiens aux Serres de oppose Anatole France, qu'il admirait, l'Aima, Paris ; 1910 : Salon de la à l'éditeur Lemerre. Nationale et Salon d'Automne ; 1955 : Le 2 octobre 1911, il s'inscrit au Rétrospective de son œuvre à l'ini- Barreau de Liège et, pendant la pre- €3 BUISSERET 64 mière guerre mondiale, assume la dé­ rédigée. Il retrouve dans ce cercle fense de plusieurs patriotes devant les le socialiste et fédéraliste Georges tribunaux allemands. A trois reprises, Trufïaut, premier président du Grand- il est arrêté par l'occupant et, finale­ Liège, association fondée en 1936 ment, condamné à mort (10 novem­ pour enrayer le déclin de Liège, bre). Heureusement, le lendemain Fernand Dehousse, qui vient de suc­ c'est l'armistice ! Servi par sa con­ céder à Ernest M ah ai m dans la chaire naissance des langues germaniques, et de Droit international à l'Université particulièrement de l'allemand, il con­ de Liège, le libéral , dont tinuera à servir la cause des droits de on connaît la brillante carrière in­ l'homme et du citoyen dans plusieurs ternationale, les catholiques Félix procès internationaux. Il entreprend Depresseux et Maurice Firket, le dès 1933 — l'étude du droit national journaliste Georges Detry, correspon­ socialiste et en présente une étude cri­ dant du Temps et bien d'autres Lié­ tique au Congrès juridique interna­ geois, dont le très distingué bourgmes­ tional de Paris en 1936. tre de Liège Xavier Neujean, que sur­ Cependant, son métier d'avocat veille sa propre police ! Au moment où n'absorbe pas toute son activité. En le rexisme, discrédité par ses compro­ 1930, il est élu conseiller communal et missions avec le troisième Reich, s'ef­ s'impose bientôt comme l'un des es­ fondre, Auguste Buisseret est élu séna­ poirs du parti libéral, brillamment re­ teur à Liège le 18 avril 1939. Il vient présenté à Liège. Dès 1934, il est éche- de dépasser (de peu) la cinquantaine et vin des Finances et pratique une poli­ une nouvelle étape dans sa carrière tique déflationiste qui paraît la seule commence. possible, dans cette période de crise, Elle commence hélas 1 dans des pour mettre un terme au déficit conditions dramatiques. Dès l'invasion communal. En 1937, il passe à l'éche- allemande du 10 mai 1940, l'équipe de vinat de l'Instruction publique et des L'Action wallonne s'est dispersée. Offi­ Beaux-Arts où son nom reste, au­ cier dans l'armée belge, Georges jourd'hui encore, lié aux « achats de Trufïaut a refusé la capitulation du Lucerne » : grâce à quelques mécènes 28 mai et est immédiatement passé en liégeois, notamment le comte de Lau- Angleterre où il mourra sous l'uniforme noit, et sur les conseils de quelques allié. Georges Thone, qui a monté des amateurs éclairés, particulièrement chaînes de passage (hommes et maté­ Jules Bosmant, qui deviendra conser­ riel) vers la France, a dû se réfugier vateur du Musée des Beaux-Arts à dans le Midi et il ne rentrera au pays Liège, il peut enrichir les collections qu'après la libération. Auguste Buisse­ liégeoises de quelques tableaux célè­ ret, lui, est aussitôt arrêté par l'occu­ bres de peintres contemporains : Pi­ pant. Il est bientôt libéré mais reste casso, Gauguin, Chagall, Ensor, Ko­ e étroitement surveillé et, en 1941, il koschka, que les maîtres du III Reich est écarté de ses fonctions scabinales. font vendre en Suisse comme témoi­ Publiquement, il s'occupe, comme lors gnages d'un art décadent. Dans le de la première guerre mondiale, à climat politique du temps, cet acte de défendre les patriotes traînés devant bon goût — qui est aussi un acte clair­ les juridictions allemandes. Secrète­ voyant donne une place singulière à ment, il est en rapport avec les résis­ Auguste Buisseret parmi les « intellec­ tants. Mais il se sait surveillé. Autour tuels antifascistes » de Liège. Quoiqu'il de lui, le réseau se resserre et, plutôt fasse déjà figure d'aîné et de sage, il se que d'attendre son destin, il décide lie intimement au groupe antirexiste — malgré son âge — de gagner l'An­ et antineutraliste que dirige fougeuse- gleterre. Il y parvient après avoir ment Georges Thone, généreux impri­ franchi à pied les Pyrénées et avoir meur d'une revue percutante : L'Ac­ connu la prison de Figueras (1943). tion wallonne, aussi bien présentée que A Londres, Buisseret entre en rela- €5 BUISSERET 66 tion avec le cabinet Pierlot-Spaak et ment à l'administration des bâtiments devient conseiller juridique de plu­ et de l'urbanisme. sieurs départements ministériels. Son Devenu homme de gouvernement, expérience des hommes et des affaires Buisseret, le reste lorsqu'il est rejeté intérieures belges l'y font apprécier. dans l'opposition. Ainsi en témoignent On s'en souviendra dès son retour en les nombreuses propositions de loi Belgique. L'étape ministérielle de sa qu'il dépose pour compléter son œu­ carrière va commencer, Pavant-der­ vre ministérielle, et les nombreux pro­ nière et la plus brillante de sa vie. jets de loi dont il est rapporteur. En A quatre reprises, Buisseret est dépit de la considération qui l'entoure, appelé à diriger un ministère, chaque il se sent frustré de n'être plus minis­ fois différent : du 12 février 1945 au tre. Un moment même, il songe à 13 mars 1946, l'Instruction publique; faire une carrière internationale. En •du 31 mars 1946 au 20 mars 1947 : 1947, le Conseil de sécurité le choisit l'Intérieur; du 11 août 1949 au 8 juin à l'unanimité moins deux voix, 1950, les Travaux publics ; du 26 avril comme gouverneur de Trieste, que 1954 au 26 juin 1958, les Colonies. se disputaient alors l'Italie et la You­ Comme on le constate, le ministre est goslavie. Les circonstances ne lui per­ trois fois victime de l'instabilité gou­ mirent pas de remplir ce mandat. vernementale du pays. Que faire en En compensation, on lui offrit une quelques mois? Cependant, en bon mission analogue à Jérusalem où le juriste et en homme pratique, Buisse­ conflit arabo-israélien battait son ret sait classer les affaires, distinguer plein. Buisseret refuse. Fort heureuse­ l'important de l'accessoire, mettre en ment : les deux gouverneurs désignés place ce qui peut prolonger l'action. à Trieste et à Jérusalem furent assas­ En peu de temps, les résultats sont sinés. En dos moments comme ceux-là, surprenants. Nous ne retiendrons que il évoquait complaisamment et plai­ quelques uns d'entre eux. A l'Instruc­ samment sa « bonne étoile »... tion publique : création du Théâtre Enfin, en 1954, Achille Van Acker national et du Service national de la compose un gouvernement qui va Jeunesse, participation à la constitu­ durer toute une législature. Connais­ tion de l'Unesco, signature du premier sant Buisseret de longue date, il le accord culturel avec la France et propose au Roi comme ministre des avec les Pays-Bas. En matière d'en­ Colonies. Rien ne pouvait mieux lui seignement, il est le promoteur du convenir .que cette espèce de « pro­ Fonds des constructions scolaires que consulat » où il pourrait concilier son successeur fera aboutir. A l'In­ l'idéal qui était le sien depuis sa jeu­ térieur : réglementation des traite­ nesse : la défense des droits de l'homme ments des agents des pouvoirs locaux et du citoyen, et l'expérience qu'il et admission, dans le budget des avait acquise de l'administration et grandes villes, de dépenses considérées de la politique. Sa présence au sein comme « moralement obligatoires », ce de la Commission des Colonies, une qui leur permettra de conserver leur longue mission sénatoriale au Congo, rôle artistique et intellectuel ; fonda­ les conseils amicaux de son aîné Ro­ tion du Conseil d'Etat (23 décembre bert Godding l'avaient préparé à cette 1946). Au Travaux publics : étude tâohe. Par diverses réformes institu­ d'un canal Meuse (Visé)-Rhin (Neuss) tionnelles, judiciaires, sociales, éco­ qui ne sera pas réalisé, modernisation nomiques, le ministre, qui désire •du réseau hydrographique, extension rattraper un retard considérable, veut des ports d'Anvers, Ostende et Liège, créer une communauté belge-congo­ rénovation du réseau routier, accélé­ laise « d'hommes égaux en droit et ration des constructions scolaires grâce » animés de sentiments fraternels ». à des simplifications de la procédure I Mais, pour promouvoir cette série •et à l'extension des crédits d'engage- | de réformes, il faut tout d'abord BlOGR. NAT. — t. XLI. 3 67 BUISSERET 68 compléter et rajeunir l'enseignement Histoire d'un homme, notice rédigée par qui est dans les mains des missions le secrétaire de Jean Lejeune, P. Pierrot, catholiques et protestantes, créer et à l'occasion de l'élection communale de développer un enseignement d'Etat 1958. — J.B. Cuyvers, « Buisseret (Au- guste-Dieudonné-Eugène) », dans Biogra- aux niveaux primaire, secondaire, pro- phie belge d'Outre-Mer, t. VI, Bruxelles, fessionnel et technique, l'ouvrir aux 1968, col. 136-146 : notice complète sauf filles comme aux garçons, créer un pour l'activité d'Auguste Buisseret dans enseignement supérieur qui formera le milieu de L'Action wallonne. les cadres indispensables, doter enfin le Congo de recettes budgétaires nou- velles en associant à l'œuvre entre- prise l'ensemble des Etats occiden- BUISSERET (Louis-Emile-An- taux et en informant des possibilités toine-Maxime), peintre, dessinateur congolaises l'opinion nationale et in- et graveur, né à Binche le 24 mars ternationale. Le vieil homme s'use 1888, décédé à Uccle (Bruxelles) le dans cette tâche immense, trop long- 25 mai 1956. temps différée et qui lui valut de L'ascendance de Louis Buisseret nombreux adversaires attachés aux est purement wallonne. Son père est formes colonialistes d'antan. binchois, sa mère namuroise. Lorsqu'en juin 1958, Auguste Buis- Dès son jeune âge, il est attiré seret quitta le ministère des Colonies, par la carrière des arts ; aussi, ses sans cesser de s'inquiéter des événe- études moyennes terminées, ses pa- ments qui allaient submerger l'ancien rents n'hésitent-ils pas à l'encourager Congo belge, il restait assez vif et dans cette vocation difficile. disert pour préparer, avec Maurice Buisseret décide de suivre les cours Destenay, les élections communales de l'Académie de Mons où Emile du 12 octobre qui en firent un bourg- Motte, le directeur, l'admet à la fois mestre de Liège. dans son cours et dans celui de Louis Ce dernier mandat le plaçait à la Greuze. tête d'une ville qui lui devait beau- Motte est un peintre influencé par coup et à laquelle il avait conscience le préraphaélisme anglais tandis que de devoir également beaucoup. Il y Greuze est un « buriniste » au métier était attaché d'une façon à la fois accompli. sensible et spirituelle qui faisait beau- Pendant quatre ans, le futur artiste coup de son charme et de sa séduc- s'adonne aux disciplines du dessin et tion. Ainsi se montra-t-il lorsqu'il de la gravure. reçut à l'hôtel de ville le prince de Mais Buisseret estime que l'atmo- Liège et sa fiancée, la princesse sphère de la capitale peut avoir sur Paola. Ce fut hélas! son chant du son art une influence bénéfique ; il cygne. Cet homme pétillant d'esprit s'inscrit à l'Académie royale des et riche de souvenirs était gravement Beaux-Arts de Bruxelles pour y sui- atteint par la maladie qui devait l'emporter. Elle progressera lente- vie les cours de dessin de Jean Del- ment d'abord puis plus rapidement, ville, un de nos maîtres symbolistes, alors qu'il en avait conscience et et d'Herman Richir, un portraitiste faisait des efforts inouïs pour en de talent. déguiser les effets. Il se fit suppléer Jean Delville, par la rigueur de par le premier échevin, feu Jean son dessin fera prendre au disciple le Raymond, qui l'assista avec un tact chemin du grand style qui caractéri- touchant et exceptionnel. Il se rési- sera par la suite l'art de Louis Buis- gna finalement à présenter sa démis- seret. sion (1963) et mourut en 1965. En 1910, le jeune homme a vingt- deux ans et se présente au prix de Jean Lejenne. Rome. Il peint une Adoration des 69 BUISSERET 70 bergers, le sujet imposé, et obtient la (1923, Musée de Mons), La famille seconde place. Il se représente l'année du peintre (1925, Musée de Madrid) suivante, mais cette fois en gravure. et Jour d'été (1928, Collection parti­ Il est grand lauréat à l'unanimité du culière, Chicago). jury avec une planche gravée au Cette activité majeure s'accompa­ burin. gne de l'exécution de nombreux por­ Les goûts et la formation de Louis traits. Buisseret devaient nécessairement en Ce fut un grand événement dans faire un admirateur de l'art de la la vie artistique de Wallonie que la Renaissance ; aussi le jeune artiste création en 1928 par Buisseret et son part-il pour l'Italie dans l'enthou­ ami Anto Carte du groupe Nervia, siasme le plus fervent. au sein duquel se réunirent des artistes Les chefs-d'œuvre de Florence, de wallons de qualité. Pendant des Sienne et de Rome le stimulent et années qui furent celles du plein l'engagent dans la voie de l'huma­ épanouissement, Buisseret accroche nisme et de la grandeur. Son admi­ aux cimaises de Nervia ses plus ration pour Mantegna, Ghirlandaio belles toiles : Imperia (1930, Collec­ et Raphaël ne se démentira jamais ; tion particulière), Mater Beata (1931, elle se développera parallèlement à Musée de Mons), Hellade (1931, Musée une culture littéraire qui va des d'Anvers), et La voix du silence (1938, grands poètes et philosophes de l'An­ Collection particulière). tiquité aux plus grands écrivains mo­ En 1929, la ville de Mons charge dernes, appréciant tout particulière­ Buisseret de diriger son Académie. ment Paul Valéry. Jusqu'en 1949, l'artiste assume cette Le grand voyage de Buisseret se lourde responsabilité avec enthou­ prolonge pendant trois ans et se ter­ siasme et générosité, donnant à ses mine par un séjour en Autriche et élèves un enseignement à la fois en Allemagne où le peintre admire rigoureux et empreint de libéralité. l'art savant et compliqué de Dürer. L'Académie royale de Belgique A son retour en Belgique commence l'élit membre correspondant de la la guerre de 1914; c'est pour l'artiste Classe des Beaux-Arts le 10 janvier une période de repliement sur soi- 1946, et membre effectif le 3 juillet même. 1947. De ces années de jeunesse, rete­ Si durant la plus grande partie de nons deux autoportraits. L'un daté sa carrière, l'art de Buisseret montre de 1916 est une excellente étude une continuité dans les intentions et d'une technique accomplie ; l'autre se tourne exclusivement vers la forme de 1917 où le peintre manifeste visi­ et le style, pendant les dernières blement ses dons particuliers de grand années, le peintre s'intéresse de plus dessinateur. en plus à des recherches métaphysi­ En 1920, Louis Buisseret se marie. ques, voire même mystiques. De cette Son épouse devient désormais le mo­ époque, citons parmi les œuvres dèle idéal. Une grande toile inaugure marquantes : Le pain et le vin (1951, le style enfin trouvé : Lucie et les Collection particulière) et Visite à la Bambins de 1922 (Collection parti­ malade (1951, Collection particulière). culière, Paris), peinte sous l'égide Et enfin ses toutes dernières œu­ du Raphaël de la période florentine. vres seront des natures mortes où La leçon des grands maîtres ita­ seuls des problèmes relevant de spé­ liens porte ses fruits : la couleur, culations abstraites proches des pré­ malgré son très grand raffinement, occupations de Piero della Francesca reste l'accompagnement d'une forme retiennent l'artiste. De cette ultime épurée à l'extrême. Au cours de cette démarche, on peut citer : Composi­ période, quelques très belles œuvres tion statique (1953, Collection parti­ se suivent : la Maternité aux raisins culière), Nature morte au panier (1954, 71 BULTEEL 72

Collection particulière), Nature morte heureusement pas déterminer l'école à la grenade (1955, Collection parti- qu'il fréquenta. Toutefois, l'enthou- culière). siasme de Gislain pour les poètes de Ainsi s'achève dans l'exercice de Rome permet de penser qu'il fit de l'art le plus méditatif, la carrière trop brillantes humanités. Alors que ses courte de Louis Buisseret. Il meurt camarades de classe ne songeaient inopinément à Bruxelles en pleine qu'à livrer aux flammes leurs livres création à l'âge de soixante-huit ans. de classe ou à préparer avec les pages Buisseret fut un de nos derniers de ceux-là des sachets à poivre ou à classiques. C'est par là que son œu- gingembre, Gislain Bulteel achetait vre restera vivante et fera date dans avec son argent de poche l'œuvre l'histoire de la peinture belge. d'Ovide, de Tibulle, de Lygdamus, de Sulpicia, d'Horace. C'est le poète Jean Ransy. de Venouse que le jeune Yprois révé- rait surtout. C'est sans doute à lui- V. Decroyère, Louis Buisseret et l'art contemporain, Bruxelles, 1926. — M. de même et à ses années gantoises que Marchi, Artistes flamands et wallons, vol. I, Gislain Bulteel songeait lorsqu'il écri- Bruxelles, 1934, p. 1-6. — K. Dupierreux, vait à Henri Meuchenius : « Et pour- « Louis Buisseret, notre latinité », dans » tant il faut faire beaucoup pour les L'Art belge, 17e année, 1936, p. 32-37. — » enfants ; si tu en connais un, ne J.-B. Delahaut, « Louis Buisseret », dans e » pense pas que tu les connais bien Terres latines, 5 année, 1937, p. 301-308. » tous. Tu trouveras peut-être dans — E.-L. Poschelle, Le peintre Louis Buisse- » la masse obscure des écoliers un ret, Bruxelles, 1939 (Anthologie des artistes » garçon qui aime les livres plus que belges contemporains, n° 5). — R. Dupier- reux, Louis Buisseret, Anvers, 1954 (Mo- «ses yeux» (Miscellanées, VI, 11, nographies de l'Art belge). — R. Dupier- 55-58). reux, Louis Buisseret, Bruxelles, 1956. — Agé de quatorze ans, Gislain Bulteel J. Ransy, « Notice sur Louis Buisseret », dans Annuaire de l'Académie royale de commença l'étude du droit à l'Uni- Belgique, 1978, p. 139-162, portrait pho- versité de Louvain. Le programme tographique. des cours comportait le droit cano- nique et le droit civil. Les leçons des maîtres de Louvain, Wulmar BULTEEL (Gislain), poète néo-latinBernaerts et homm, eJea politiqun Wamesiuse (1), ,n é Eberà t Ypres vers la fin de 1555, décédé Leoninus, Gérard de Caverson, Michel dans la même ville le 10 septembre Erenbout, Pierre Peck, n'eurent pas 1611. l'heur de plaire à Gislain Bulteel. S'il s'attacha à l'étude du droit, aux Il était l'aîné des enfants de Gislain seules instigations de son père, ce fut Bulteel, Seigneur de la Clyte, avoué de telle façon pourtant qu'il put con- (« voogd ») de la Ville d'Ypres en sacrer beaucoup de temps aux Muses. 1558, en 1566 et 1570, et d'Anne « Les Digestes, nous confie-t-il (Miscel- Lansaem, la fille d'un patricien yprois. » lanées, V, 7, 55-61), m'avaient à ce Malgré ses lourdes charges politiques, » point écrasé et terrifié de leurs cin- le Seigneur de la Clyte initia notre » quante livres, où l'on ne trouvait poète à la grammaire flamande et » aucune loi qui ne fût hérissée d'in- aux légendes de la Grèce et de Rome. » terprétations nombreuses et qui ne A l'âge de dix ans, le jeune Gislain » fût mise en pièces de diverses ma- commença à suivre les cours d'un » nières. Depuis les Gloses barbares gymnasium gantois. On ne peut mal- » d'Accorto, quelle barbarie ne s'est » pas abattue de partout sur les lois? » Bartolo, Balde, Paul, Azo triom- (1) Cette notice complète les textes » phent ». Après avoir passé quatre parus dans la Biographie Nationale, t. III, années pénibles à Louvain, Gislain Bruxelles, 1872, col. 157; et t. XXX, Bulteel s'inscrivit à l'Université de Bruxelles, 1958-1959, col. 236-239. 73 BULTEEL 74

Dole, où il apprit le français tout en flamandes exilées. Là, il rencontra poursuivant ses études de droit et celle qui allait devenir sa femme : profitant des leçons de Claude Chifïlet Louise de Cortewille, la fille de Josse notamment. C'est à Dole que se si­ de Cortewille, chevalier d'Alcantara, tuent les débuts de la vie sentimen­ gouverneur de Villafranca, secrétaire tale de notre poète. Gislain s'amou­ d'Etat de Philippe II, et de Jeanne racha là d'une Franc-Comtoise belle Van Houte, héritière de la seigneurie et provocante qu'il a chantée sous le de la Niepe, la fille unique de Pierre nom de Lycé, puis d'une autre effron­ Van Houte, grand-bailli de la Ville tée qu'il a appelée Fausta. et de la Châtellenie d'Ypres. Louise Gislain Bulteel passa deux ans à de Cortewille, née vers 1560, avait Dole. Rentré à Ypres, il persuada son perdu son père en 1572 et sa mère père de l'envoyer à Rome. Arrivé en 1573. Le poète s'éprit de la jeune dans la ville éternelle, il s'inscrivit à fille dès qu'il la vit. Celle-ci, fort la Faculté de droit pour y continuer jolie, un tantinet coquette, ne se ren­ ses études utriusque juris. Il y suivit dit aux prières de Gislain qu'en 1581. les leçons de Marc-Antoine Muret, Louise apportait en dot à son mari entre autres. Une fois de plus, l'étude une fortune considérable. Ce fut à ne retint pas toute l'attention du Bailleul aussi que Gislain se lia d'ami­ jeune Yprois. Il parcourut Rome pour tié avec un médecin né à Bonn, Henri son plaisir, admirant les ruines du Meuchenius, qui écrivait pendant ses passé, les palais modernes, les innom­ loisirs des poèmes grecs et latins ainsi brables et charmantes églises, obser­ que des ouvrages scolaires, un péda­ vant d'un œil pénétrant les mœurs gogue sous la férule duquel étaient romaines — comme en témoignent les écoles de Bailleul : Jean Empellius, ses vers sur les manèges aguichants un Yprois exilé, Olivier Immeloot, de coquettes dans les églises (Miscel- le poète et historien néo-latin Antoine lanées, V, 7, 145-166), ou sur « les De Meyer, le fils de celui-ci, Philippe radoteurs latins, romains, siciliens ou De Meyer, poète néo-latin lui aussi. sabins » (Miscellanées, IV, 8) —, La mauvaise fortune n'épargna pas émerveillé encore par le grandiose Gislain et Louise. Tandis qu'ils sé­ des cérémonies religieuses de l'année journaient dans une de leurs maisons sainte de 1575. Gislain Bulteel fut de campagne, Bailleul fut, le 5 août tiré brutalement de son émerveille­ 1582, prise et mise à sac par le mar­ ment par la nouvelle du décès de son quis de Roubaix. La maison de Gis­ père. Ainsi il fut contraint de rega­ lain et de Louise fut détruite. Outre gner Ypres. une partie de la fortune de Louise, A ses lourdes responsabilités d'aîné, maints poèmes manuscrits de Gislain Gislain Bulteel vit bientôt s'ajouter et de ses amis périrent dans les de graves difficultés politiques. L'an­ flammes. Ce malheur ébranla profon­ née 1578 fut terrible pour les catho­ dément le poète qui, pendant des liques romains yprois. Ypres fut prise mois, n'écrivit plus un vers. Gislain par les réformés et Bulteel jeté en et Louise quittèrent Bailleul et s'ins­ prison comme tant d'autres notables tallèrent à Armentières (1583). Du­ catholiques. Libéré, il partit en exil rant les quelques mois qu'il passa en compagnie de Maximilien Vilain, dans cette ville, Gislain se fit des baron de Rassenghien, gouverneur de amis. Il fréquenta, entre autres, l'éru- Lille, Douai et Orchies. Celui-ci dit et poète néo-latin François Mos­ accueillit notre poète pendant quel­ chus, le médecin humaniste Frédéric que temps dans son domaine de Jamot, auteur d'ouvrages médicaux Lomme. Gislain Bulteel gagna en­ et d'érudition et poète néo-latin gran­ suite Bailleul qui était alors le lieu diloquent, un correspondant de Juste de refuge de beaucoup de familles Lipse : André Hoius, dramaturge et 75 BULTEEL 76

poète néo-latin, professeur de grec un manuscrit copié sous la direction à l'Université de Douai à partir de même de l'écrivain : le Bruxellensis, 1593. B.R., 15681-15682. A la fin de l'été de l'année 1583, Les genres des Miscellanées qu'on Alexandre Farnese forçait Ypres à lit aux feuillets 1-157 v° du manuscrit capituler. Les exilés yprois, et parmi de Bruxelles sont divers. Les Miscel­ eux Gislain, rentrèrent dans leur lanées, écrites par le poète à des mo­ foyer. Le poète eut préféré alors, ments très différents de son exis­ entouré de sa femme et de ses enfants, tence, offrent plusieurs poésies auto­ vivre dans ses domaines campagnards : biographiques. Gislain Bulteel s'est il ne s'extasiait pas sur les honneurs, plu, comme tant d'autres écrivains il ne poursuivait pas les applaudisse­ néo-latins, à évoquer les événements ments du peuple — stupidi populi, historiques auxquels il a été intime­ éciit-il en Miscellanées, III, 14, 8 —. ment mêlé. Dans un long poème de Mais il fut contraint, en dépit de son six cent un hexamètres (VII, 4), il manque d'enthousiasme, de partici­ raconte, avec maints détails inconnus per aux affaires publiques : en 1589, par ailleurs, le siège et la prise d'Ypres 1596, 1598, 1602, 1606, 1608, il fut par les réformés en 1578. Dans un élu second avoué d'Ypres ; en 1603, sermo de cent soixante-trois hexamè­ premier avoué. L'éducation de ses tres (VII, 17), il fustige l'outrecui­ douze enfants, l'administration de ses dance de calvinistes yprois qui, ren­ vastes propriétés terriennes — les trés après 1583 dans le giron de seigneuries de la Clyte, de Pollinkhove, l'Eglise catholique et romaine, ten­ de Reningelst, de la Niepe —, les daient, de toute leur énergie, à par­ questions religieuses enfin absorbèrent venir aux honneurs. Dans un poème également Gislain. Les dernières en distiques élégiaques, fort plaisant années du poète sont mal connues. à lire et riche en fines notations psy­ Il mourut à Ypres le 10 septembre chologiques et en descriptions justes 1611. Sa femme lui survécut de quel­ et pénétrantes (V, 7), Bulteel a évo­ ques années. qué sa jeunesse, ses années d'études e à Gand et à Louvain, son séjour à Au début du xvn siècle, Bulteel Dole, son voyage en Italie, ses sou­ n'avait encore rien publié. Toutefois venirs romains, son retour, son séjour les lettrés de nos provinces semblent à Ypres. Les Miscellanées contien­ avoir tenu en haute estime l'activité nent plusieurs poésies amoureuses, en littéraire du Seigneur de la Clyte. mètres divers, les unes sensuelles En 1603, Maximilien Vrientius dédiait inspirées par Lycé (II, 6 et 7) et à Gislain le cinquième livre de ses Fausta (IV, 2), les maîtresses de jeu­ Epigrammes. Gislain Bulteel colla­ nesse du poète, les autres délicates, bora à l'hommage offert aux mânes — plus d'une vingtaine —, inspirées de Juste Lipsc en 1607 — Justi Lipsi par l'amour et la tendresse que Gislain Sapientiae Et Lilterarum Antistitis Bulteel nourrissait à l'égard de Louise Fama Postuma, Anvers, Jean More- de Cortewille. On lit aussi aux feuil­ tus —. En 1608, Pierre Pantin édi­ lets 1-157 du manuscrit de Bruxelles, tait à Anvers la Vie de Sainte Tècle maintes élégies amicales. D'inspira­ de Basile de Séleucie et le traité sur tions variées, elles éclairent bien la le même sujet de Syméon Métaphraste. vie et l'intimité du poète : par exem­ On trouve dans la guirlande de ple, Gislain dit en IV, 14 sa joie poèmes qui introduit l'ouvrage du d'avoir retrouvé à Rome Jean de doyen de Sainte-Gudule des distiques Ribeque qu'il connut à l'Université de Gislain Bulteel. Et lorsque Gislain de Dole; en I, 16, il annonce à Henri mourut en 1611, le poète Josse de Meuchenius que, renonçant à être un Rycke lui consacra un chant funèbre. Méonide ou un Virgile, il compose Un grand nombre de poèmes de sur sa lyre des vers français à l'in- Gislain Bulteel nous sont connus par 77 BULTEEL· 78 tention de Louise ; dans une élégie une troisième (VII, 2), il complimente écrite après le sac de Bailleul (VI, 18), Maximilien Vilain pour son accession il demande, à Antoine De Meyer, de à l'ordre de la Toison d'or. Dans ses lui faire parvenir un nouvel exem­ odes morales et religieuses (II, 11 ; plaire de ses poésies; ailleurs (VII, 3), III, 12; III, 14; III, 15; V, 1...), le il évoque l'accueil que Maximilien poète plaide pour la conscience intime Vilain lui fit à Lomme ; il taquine, de soi, contre l'accumulation des ri­ en VI, 11, Henri Meuchenius qui, chesses, pour la vie champêtre, con­ renonçant à écrire les hauts faits tre les luttes meurtrières, pour l'ami­ de Philippe II, entre autres, a com­ tié fidèle, contre l'hésitation inutile posé pour les écoliers un manuel, et la peur honteuse à l'heure du — les Graeco-Lalinae, — destiné, péril. Il y a trois odes politiques dans comme tant d'autres, à être manié les Miscellanées : dans la première avec irrévérence, injurié, inondé de (II, 13), Gislain Bulteel attaque avec larmes, dépecé pour fournir des sa­ violence le duc d'Orange ; dans la chets où mettre du poivre ou du deuxième (VI, 20), il glorifie Balthasar gingembre. On trouve également dans Gérard, l'assassin du Taiseux ; dans les Miscellanées des ioci ou élégies la troisième (VII, 30), il s'indigne badines : elles se différencient des contre le meurtre du Duc de Guise. élégies amicales par leurs gaietés un Les odes familières de Bulteel sont peu lourdes. Dans l'une d'elles (VI, 4), des évocations des heures heureuses Bulteel raille Meuchenius qui, bien de la vie familiale (VI, 3), des invita­ qu'éloigné de Bonn depuis l'enfance, tions à un repas rustique (IV, 20) ou préfère aux gens des Pays-Bas les à une beuverie (VI, 14), des protesta­ Allemands aux pantalons immenses tions d'amitié (IV, 22; VI, 17), des mais faussement prometteurs ; dans entretiens littéraires (VI, 16), des une autre (III, 13), il plaisante Jean félicitations adressées à un ami (VII, Wechstenius sur ses pieds et ses 5). Fort voisines des odes d'invitation fesses ; dans une autre encore (VI, 9), sont les odes bachiques (II, 5 ; II, il évalue quel sera le labeur du sexa­ 10 ; III, 5...) pleines de détails réalistes génaire Benoît qui vient d'épouser sur les parties de plaisir où Bulteel une pucelle, sa cadette de trois ou et ses amis buvaient vin et bière quatre ans. Il y a dans les Miscella­ jusqu'à l'ivresse. On lit encore dans nées une élégie bachique — le poète les Miscellanées des odes propempti- y célèbre les qualités du vin —, des ques : dans l'une d'elles (III, 16), tumuli ou élégies funéraires : les deux le poète souhaite bon voyage à Louis plus beaux tumuli des Miscellanées Flaminius qui quitte les Pays-Bas sont consacrés à la mémoire du père pour l'Espagne ; dans une autre de Gislain (VII, 8) et au souvenir (III, 17), Gislain Bulteel, félicitant d'Isabelle, une sœur du poète (VII, Jacques Canis qui se hâte là où le 9). Les élégies religieuses ainsi que Duc de Parme l'appelle, lui demande les paraphrases des Ecritures sont de se souvenir d'Ypres où s'ouvrit si rares dans les Miscellanées. Parmi heureusement pour lui la carrière des les poèmes écrits en mètres lyriques, honneurs. Les volumineuses Miscel­ l'on trouve, outre des poésies amou­ lanées offrent également une épitaphe reuses, des œuvres encomiastiques et de chien (IV, 3), une ode pastorale gratulatoires : Gislain félicite dans dialoguée (II, 8), des invectives anti­ l'une d'elles le talent médical de calvinistes (IV, 6 ; V, 5), qui tombent Meuchenius qui a rendu la santé à parfois dans l'obscénité, une satire la maison, gravement malade et dé­ dirigée contre les vieux pédants ita­ laissée par tous les autres médecins, liens (IV, 8), quelques épigrammes de Charles d'Egmont (II, 15) ; dans (III, 11; IV, 16; VII, 12). une autre (V, 6), il chante les succès Dans le domaine de la langue et militaires du Duc de Parme ; dans du vocabulaire, Gislain Bulteel a pris 79 BULTEEL 80

le chemin du maniérisme, sans exa­ religieuses de Bulteel sont celles-là gération. Sa versification vaut bien même que le Concile de Trente a celle de Laevinus Torrentius ; enfin défendues. Les deux derniers recueils la recherche de multiples figures de du Bruxellensis B.R. 15681-15682, — rhétorique n'a pas empêché Bulteel le De lapsu et reparatione generis hu- de s'exprimer en toute sincérité. mani (feuillets 386-404 v°) composé en A son retour d'exil, Gislain, mûri hexamètres, avant 1589, et dédié à par les malheurs, cherche un refuge Jean Snick, doyen de la cathédrale dans la foi, les pratiques dévotes et Saint-Martin d'Ypres, et les Strenae la poésie religieuse. Quatre livres de Christianae (feuillets 405-433 v°) en Pia Carmina (feuillets 304-382 v°) distiques élégiaques et hexamètres, — sont précédés dans le Bruxellensis sont des paraphrases des Ecritures. B.R. 15681-15682 des Divinae Conso- Us offrent beaucoup moins le souci lationes : ils sont dédiés à Pierre Simon, de beauté si présent dans les Miscel­ évêque d'Ypres depuis 1585 (feuil­ lanées et quelques-uns des Pia Car­ lets 302-303 v°). Si quelques pia car­ mina. La lecture des poèmes religieux mina ont été écrits en Italie, à Bailleul de Bulteel permet de voir combien et à Armentières, la plupart ont été le calvinisme et les doctrines de Michel rédigés à Ypres entre 1583 et 1590. De Bay — Baius — avaient réussi Les Pia Carmina, écrits en mètres à sensibiliser aux problèmes théolo­ plus divers que ceux employés dans giques de son temps un simple les Miscellanées, sont d'inspiration croyant catholique romain : tel était fort variée : prières à la Vierge, exal­ bien notre poète. Les recherches arti­ tation des sacrements catholiques, stiques sont moins nombreuses dans méditations sur le mystère de la foi, la poésie sacrée de Bulteel que dans sur la Passion, sur le Jugement der­ sa poésie profane : Gislain laisse appa­ nier, méditations de caractère moral, raître sans voile son inquiétude née prière pour la paix. On lit également des querelles religieuses, alors que dans les Pia Carmina des œuvres plus d'un de ses contemporains mas­ imprégnées d'une profonde tendresse que son angoisse sous une ornemen­ pour Louise de Cortewille. L'on trouve tation trop voyante. aux feuillets 167-299 v° du manuscrit de Bruxelles, B.R. 15681-15682 une Guy Cambier. troisième œuvre poétique de Gislain Bulteel : les Divinae Consolationes, J. Fabri, « Basilius (S), episcopus Seleu- composées en hexamètres, en 1589. ciae. Éd. Petrus Pantinus », dans Biblio- Dans le premier livre de cette œuvre, theca Belgica, 231e livraison, Bruxelles, le poète yprois défend le dogme de 1964, Β 395,8 (= Bibliotheca Belgica. la Providence. Dans le deuxième, il Bibliographie générale des Pays-Bas... montre combien les maladies sont rééditée sous la direction de Marie-Thérèse Lenger, VI, Bruxelles, 1970, p. 6, 2e col.). utiles au perfectionnement moral de — L. Bakelants, La vie et les œuvres de l'individu et médite interminablement Gislain Bulteel d'Ypres 1555-1611. Contri­ sur la Passion. Dans le troisième, il bution à l'histoire et à l'humanisme dans fait voir le Démon qui attaque les Pays-Bas. Ouvrage édité par G. Cam­ l'homme avec l'avarice, la luxure et bier, Bruxelles, Latomus, 1968 (CoUection le doute ; il s'en prend aussi à la Latomus, 97). — G. Cambier, « La vie et théorie de la prédestination imaginée les œuvres de Gislain. Bulteel d'Ypres (1555-1611) », dans La Bévue Nationale, par Satan pour abuser l'homme et e défendue par les réformés ; dans le 41 année, 1969, p. 75-79. — J. Ij[sewijn], • Notes on the « Glossaires des néologis- quatrième, il disserte sur les péchés mes », in L. Bakelants, La vie et les œu­ capitaux, obstacles importants au vres de Gislain Bulteel d'Ypres 1555-1611 salut des hommes, dans le cinquième (Bruxelles, 1968), p. 158-169 », dans Euma­ et le sixième, sur les épreuves subies nistica Lovaniensia. Journal of Neo-Latin à cause des hommes. Les positions Studies, vol. XXII, 1973, p. 335. — P. Laurens avec la collaboration de Cl. Ba- 81 BUSSGHE 82 lavoine, Musae Reduces. Anthologie de la placer temporairement au Grand Sé- poésie latine dans l'Europe de la Renais- minaire de Gand le professeur de sance, II, Leyde, Brill, 1975, p. 104, 106. — J. Ijsewijn, Companion to neo-Latin dogmatique, le chanoine Werner Goos- Studies, Amsterdam-New-York-Oxford, sens (1899-1949), puis, au cours de North HoUand Publishing Company, 1977, la même année, il succéda au cha- p. 50, 107, 237. noine Paul van Imschoot (1889-1968) comme professeur d'Ecriture sainte. En 1956, un cours d'enseignement BUSSCHE (Henri-Omer-Antoine biblique lui fut confié à la section VAN DEN), exégète, professeur au flamande de l'Institut Supérieur des Grand Séminaire de Gand et à l'Uni- Sciences Religieuses de l'Université versité catholique de Louvain, né à de Louvain. En 1960, quand le cha- Schendelbeke-lez-Grammont le 8 fé- noine Albert Descamps fut nommé vrier 1920, décédé à Louvain le 2 juil- évêque auxiliaire de Tournai, Henri let 1965. Van den Bussche, promu dans l'en- Parmi les étudiants de la Faculté tretemps chanoine de la cathédrale de théologie de Louvain qui se sont de Gand (1953), lui succéda comme spécialisés dans l'exégèse de l'Ancien président du Collège du Saint-Esprit. Testament sous le rectorat de Mgr Van A cette occasion il fut nommé succes- Waeyenbergh (1940-1962), l'abbé sivement professeur extraordinaire Henri Van den Bussche se classe (1960) et ordinaire (1961) à la Faculté parmi les plus doués. Il naquit de de théologie. Les autorités académi- parents profondément chrétiens qui ques lui confièrent à la Schola brevior l'un et l'autre avaient obtenu le di- de la Faculté l'introduction aux Sain- plôme d'instituteur. Son père enseigna tes Ecritures et, à la section flamande d'abord à Schendelbeke, puis fut de la Schola maior, l'exposé histori- promu instituteur-en-chef à Den- que du Milieu religieux du Nouveau derbelle-lez-Termonde. Après avoir Testament. Dans la nuit du 1er au achevé les humanités gréco-latines 2 juillet 1965, il succomba asphyxié au Collège Notre-Dame de Termonde au cours de l'incendie tragique qui (1930-1936), Henri Van den Bussche ravagea ses appartements. opta pour le sacerdoce dans le clergé Ayant été initié en 1936-1939 aux diocésain de Gand. Vu ses excellentes méthodes de la philologie, il est natu- études moyennes au collège de Ter- rel qu'à son retour à Louvain en 1942 monde, les autorités diocésaines l'en- il décida de se spécialiser dans l'étude voyèrent tout de suite à l'Université critique et historique des Livres Saints. de Louvain où il conquit la candida- Il porta son choix sur l'Ancien Testa- ture en philologie classique et le ment et prit comme matière de ses baccalauréat en philosophie (1936- mémoires de licence et de doctorat 1939). Après trois ans de formation un problème qui à cette époque était théologique et pastorale au Grand à l'ordre du jour mais qui réclamait Séminaire de Gand (1939-1942), il pour l'aborder beaucoup d'érudition, retourna à Louvain pour y entrepren- de travail, de flair critique. Il s'agis- dre et achever un cycle supérieur sait de comparer les narrations des d'études théologiques (1942-1946). Il Livres de Samuel et des Rois avec y fut nommé sous-régent au Collège celles des Chroniques et d'en inférer du Pape, une résidence pour étudiants dans quelle mesure les variantes des laïcs et y fut promu successivement récits parallèles des Chroniques méri- bachelier (17 février 1945), licencié taient de l'emporter sur le texte, (13 août 1945), docteur (30 juin 1949) généralement réputé plus ancien et en théologie et licencié en philologie plus valable, de Samuel et des Rois. et histoire orientales. Après un bref Henri Van den Bussche s'inscrivit passage au Vrij Technisch Instituut en faux contre les vues les plus répan- d'AIost, il fut appelé en 1948 à rem- dues. Bien qu'il reconnût que l'auteur 83 BUSSCHB 84

des Chroniques n'a pas hésité à amé­ Het Boek der Tekens. Verklaring van liorer sinon l'actuel texte de Samuel Johannes 1-4 (Tielt, 1959) ; Het Boek et des Rois, pour le moins une tradi­ der Werken. Verklaring van Johannes tion très proche de ce texte, il lui 5-12 (Tielt, 1960) ; Het Boek der parut qu'en maints endroits les Chro­ Passie. Verklaring van Johannes 18-21 niques présentaient des variantes (Tielt, 1960). Ces quatre ouvrages plus fidèles à l'original. Il serait constituent un commentaire intégral inexact de prétendre que le point de de l'évangile johannique, un com­ vue du professeur de Louvain l'a mentaire dont les parties principales emporté mais jusqu'à maintenant les furent traduites en français, notam­ exégètes continuent à se référer à ment dans Jean. Commentaire de l'hypothèse aussi erudite que per­ l'évangile spirituel (Bruges, Desclée sonnelle développée dans son mémoire de Brouwer, 1967, in-8°, 578 pages). pour le doctorat : De parallelverhalen Dans ses études johanniques, Henri in Samuel en Kronieken (Louvain, Van den Bussche révéla un remarqua­ 1946, in-4°, 207 pages, mémoire dont ble talent d'exposition. Il manifesta un extrait parut sous le titre : Le également une grande indépendance texte de la prophétie de Nathan dans l'interprétation de maintes péri- sur la dynastie davidique, dans les copes dont à ses yeux les spéculations Ephemerides Theologicae Lovanienses théologiques avaient abusé. En revan­ (t. XXIV, 1948, p. 354-394). che, dans les questions relatives à La nomination d'Henri Van den l'origine littéraire et historique de Bussche à la chaire d'Ecriture sainte l'évangile, l'auteur, par ailleurs friand du Séminaire de Gand ne lui permit de vues critiques originales, se mon­ pas de prolonger notablement ses tra excessivement réservé et fidèle recherches et publications vétérotes- aux positions traditionnelles. tamentaires. Elle l'orienta en ordre Les cinq années de professorat full principal vers de nouvelles activités time à Louvain se révélèrent les et vers un nouveau domaine d'ex­ moins fructueuses. Le travail intense ploration biblique. Soucieux de pren­ auquel il s'était livré pour achever dre une part de plus en plus active en deux ans trois volumes de son au renouveau biblique qui s'amorçait œuvre johannique contribuèrent à en­ partout dans l'Église catholique, le tamer sérieusement une santé qui professeur du Séminaire de Gand n'avait jamais été brillante. Il dut consacra pas mal de temps à des se résigner à ralentir le rythme de conférences et des publications de ses publications et à prendre à diver­ haute vulgarisation. Puis, obligé par ses reprises quelques semaines de son enseignement de donner la prio­ repos. Les soins dont ses confrères rité au Nouveau Testament, il s'ap­ et parents l'entourèrent avaient déjà pliqua surtout à l'exégèse néotesta­ laissé entrevoir un rétablissement progressif quand le tragique accident mentaire et entreprit le commentaire er d'un écrit, le quatrième évangile, que survenu dans la nuit du 1 au 2 juil­ les maîtres de Gand et de Louvain let 1965 mit brusquement et bruta­ avaient quelque peu négligé. C'est lement fin à l'attente de ses élèves, dès lors à l'explication de l'évangile de ses collègues et de ses lecteurs de johannique qu'il consacra ses meil­ plus en plus nombreux dans le pays leurs efforts, réalisant ce qui allait et à l'étranger. devenir son œuvre maîtresse. De 1955 à 1960 parurent quatre volumes : On trouvera la bibliographie d'Henri Jezus' woorden aan het Afscheidsmaal. Van den Bussche dans Université Verklaring van de hoofdslukken 13-17 catholique de Louvain. Bibliographia van het Sint-Jansevangelie (Tielt, Academica, t. X, Louvain, 1964, 1955; 2« éd., 1957; 3e éd., 1960); p. 76-78 ; t. XII, Louvain, 1969, 85 BUSSCHE 86 p. 81-83. — Ephemerides Theologicae Δ. Verheul, « In Memoriam Dr. Hendrik Lovanienses, t. XLII, 1966, p. 622- Van den Bussche, 8 februari 1920-2 juli 627. 1965 ·, dans Getuigenis, t. IX, 1965, p. 231-236. — P. Van Den Berghe, t In Joseph Coppens. memoriam Prof. Hendrik Van den Bus­ Diverses notices biographiques lui ont sche », dans Collationes Brugenses Ganda- été consacrées : Δ. Descamps, « Rede bij venses, t. XI, 1965, p. 419-422. — « In de uitvaart van Kan. Prof. Dr. Ξ. Van Memoriam Henri Van den Bussche », dans den Bussche op 7 juli 1985 », dans Ζουα- Bible et Vie chrétienne, t. LXV, 1965, niensia [Louvain], septembre 1965, p. 14- p. 93. — J. Coppens, « La carrière et 18. — J. Coppens, « Professor Henri Van l'œuvre de M. le chanoine Henri Van den den Bussche ι, dans Spectator (Bruxelles), Bussche », dans Ephemerides Theologicae week-end 17-18 juillet 1965, p. 2. — Lovanienses, t. XLII, 1966, p. 602-627. c

CALEWAERT (Charles-Justin-Marie-Ernest),à garder près d'elle un fils unique, évêque de Gand, né à et qu'un concitoyen, le chanoine René Deinze le 17 octobre 1893, décédé à Maere, put intervenir à Gand pour Gand le 27 décembre 1963. que le brillant étudiant ne dût pas Les parents de Charles-Justin Cale- partir pour la Ville éternelle. Charles waert, 27e évêque de Gand, apparte- Calewaert entra donc à la section de naient à la bourgeoisie aisée de la philosophie du Petit Séminaire de ville. Sa mère, devenue tôt veuve, Saint-Nicolas. Il apprit à y connaître confia l'éducation de son enfant uni- le chanoine Oscar Joliet (1878-1969) que au Collège Sainte-Barbe des qui dans la suite devint un de ses Pères jésuites à Gand. C'était l'épo- plus efficaces protecteurs. que où la Compagnie de Jésus se La déclaration de guerre allemande consacra en ordre principal à l'instruc- à la Belgique, la mobilisation de l'ar- tion et à la formation des fils de la mée belge, les combats à la Lys, au bonne bourgeoisie, et où, dans les centre même de la ville de Deinze, humanités gréco-latines, tous les titu- combats qui dévastèrent la maison laires des classes étaient des religieux, familiale du futur évêque, — maison pères ou scolastiques. Les collèges située tout près du pont donnant formaient ainsi un milieu idéal pour accès au cœur de la cité —, amenè- l'éclosion de vocations sacerdotales rent les Calewaert à quitter leur ville et religieuses. A l'époque où l'étudiant et, comme pas mal de nos compa- Calewaert terminait ses études, elles triotes, à partir, au cours de leur étaient d'autant plus nombreuses que exode, pour l'Angleterre. Charles Ca- la réforme eucharistique introduite lewaert y poursuivit sa formation par Pie X avait contribué à intensi- pour le sacerdoce. II put en effet fier la vie spirituelle des collégiens. être admis au séminaire d'Up Holland Charles Calewaert opta pour une et y séjourna jusqu'au moment où il vocation sacerdotale dans le clergé fut appelé sous les drapeaux. Débar- du diocèse de Gand. Bien qu'il eût quant en France, il fut d'abord dirigé terminé premier, ex aequo avec le vers le camp militaire du Ruchard, futur notaire gantois Léon Dupont, puis, grâce à l'intervention du cha- la classe de rhétorique, les autorités noine Maere, mobilisé comme aumô- ecclésiastiques ne l'envoyèrent pas nier, affecté comme brancardier mili- à Rome pour y entreprendre à l'Uni- taire à l'hôpital de Chambéry, où il versité grégorienne les études philo- resta jusqu'à la fin des hostilités. sophiques et théologiques. On soup- Revenu dans le pays, l'aspirant au çonne que madame Calewaert tenait sacerdoce fit en 1919 son entrée au 89 CALEWABRT 90 séminaire de Gand. Il y accomplit d'isoler de la section des humanités ses premières années d'études théolo­ celle de philosophie, cette œuvre fut giques, mais en octobre 1921, il fut réalisée avec prédilection grâce au envoyé à la Faculté de théologie de concours assidu de celui qui de pro­ Louvain. Ordonné prêtre à Gand le tecteur inlassable était devenu le 22 avril 1922 par Mgr Seghers, il con­ collaborateur le plus étroit, Mgr Oscar quit, étudiant à Louvain, le 14 juillet Joliet, promu en 1948 premier vicaire 1924 la licence en théologie. Le 4 fé­ général et, le 12 avril 1948, évêque vrier 1925 il fut nommé professeur auxiliaire. de morale au Centre pour la forma­ Au lendemain des élections du tion des brancardiers religieux à Be- 11 avril 1954 qui marquèrent la dé­ verlo, nomination qui l'empêcha de faite du Parti Social Chrétien et le continuer à Louvain ses études pour début d'une guerre scolaire déclan- le doctorat. chée par le ministre Léon Collard, Charles Calewaert ne resta que surgit pour l'évêque une nouvelle deux ans au camp de Beverlo. En occasion inattendue pour se tourner août 1927, Mgr Coppieters le nomma vers le problème de l'enseignement. directeur du Grand Séminaire de Un souffle de fidélité religieuse tra­ Gand. Il y recueillit la succession du versa et anima le pays. La lutte menée chanoine Joliet, promu président du dans son diocèse aboutit à recueillir Collège belge à Rome. Désormais la une des sommes les plus élevées en voie était ouverte pour de nouvelles faveur et à l'appui des écoles libres. nominations : celle de président du Au terme de la campagne qui aboutit séminaire (1er octobre 1931) à la mort à la conclusion du pacte scolaire de Mgr De Baets, celle de vicaire (novembre 1958), une plaquette, re­ général (25 janvier 1940) à la mort du produisant fidèlement les traits de chanoine Camille van Crombrugghe, l'évêque, fut offerte à tous les zéla­ celle d'évêque de Gand (30 janvier teurs. L'évêque autorisa le cardinal 1948) à la mort de Mgr Coppieters. van Roey de faire appel à un prêtre Depuis plusieurs années, surtout de­ de son diocèse, le chanoine Jules puis qu'une crise d'infarctus avait Daem, supérieur du Petit Séminaire notablement entamé la santé du cha­ de Saint-Nicolas-Waas, pour créer à noine Félix Vercruyssen, le clergé Bruxelles un centre de coordination gantois opinait pour ainsi dire una­ interdiocésaine qui contribua grande­ nimement que la succession de Mgr ment à préparer le pacte et à en réali­ Coppieters allait revenir au chanoine ser l'application. Calewaert, bien vu des prêtres et favorablement connu en haut lieu, Préoccupé certes de l'enseignement, notamment auprès des évêques bel­ il n'en fut pas moins soucieux du ges. ministère paroissial, de ce service d'évangélisation quotidienne, obscure, Si dans la grisaille d'une charge sans éclat, dont se chargent les curés episcopale fidèlement accomplie sans et les vicaires' pour maintenir à tra­ souci d'actes à panache, nous cher­ vers le diocèse, jusque dans les villa­ chons à découvrir quelques traits ges les plus isolés, la présence du saillants, nous pouvons, semble-t-il, Christ et de son Eglise. En la matière, noter l'attention spéciale consacrée Mgr Calewaert estimait pouvoir rester par Mgr Calewaert au développement fidèle aux traditions qui lui parais­ de l'enseignement libre à tous les saient avoir réussi dans le passé à échelons. Il inaugura d'ailleurs sa consolider et même à faire progresser carrière par la construction du sémi­ la vie religieuse. Et tout d'abord il naire Saint-Paul sur le territoire de ne manqua jamais à l'obligation de Tronchiennes. Conçue par son pré­ résidence que les Pères de Trente décesseur qui voulut donner satisfac­ inscrivirent parmi les mesures les plus tion à un désir maintes fois exprimé impérieusement requises pour renou- 91 CALEWAERT 92 veler le visage et 1'eflicacité pastorale de Mont-Saint-Amand (1949). Rappe­ de l'épiscopat. Sans doute n'aurait-il lons surtout la manifestation impo­ pas contesté qu'à tout évêque incombe sante qui se déroula en 1962 à Moer- aussi une part de responsabilité pour zeke-lez-Termonde en souvenir du le bien-être de l'Eglise universelle. vénérable abbé Poppe. Mgr Calewaert Mais il estimait que la contribution présida l'inauguration de la chapelle la plus efficace à cette tâche d'oecu­ érigée pour perpétuer la mémoire ménisme catholique était de veiller de l'apôtre de la croisade eucharisti­ à ce que son propre diocèse fût à que ainsi que la translation de la tous les égards un joyau de la chré­ dépouille mortelle du saint prêtre tienté. dans le nouveau sanctuaire. Ce fut Dans le cadre de sa fidélité exem­ l'occasion d'un vibrant hommage plaire au devoir de résidence, il tint, rendu à la figure et à l'œuvre aposto­ et de nouveau conformément à des lique d'Edouard Poppe, exactement décisions tridentines qui à ses yeux à la veille du désarroi religieux et n'avaient rien perdu de leur actualité sacerdotal que la période post-conci­ et de leur valeur, à ce que sa maison liaire devait déclancher et qu'en 1962 et sa personne restassent largement personne sans doute n'était à même ouvertes et facilement accessibles à de prévoir. tous ses diocésains, en tout premier Mgr Calewaert participa aux deux lieu aux prêtres, aux religieux et premières sessions du Concile Vati­ religieuses, ses collaborateurs les plus can II. Il y fut élu par ses confrères proches et les plus réguliers. S'il les en troisième position dans la com­ retenait moins que son prédécesseur mission pour la liturgie : Giovanni à partager ses repas, — un régime Caprile, Il Concilio Vaticano II, t. II, prescrit par la Faculté ne s'y prêtait guère —, il se tenait toujours disposé Rome, 1968, p. 58. Il suggéra une à recevoir et à écouter ceux qui dési­ réforme modérée, notamment pour raient ses conseils et son aide même l'usage des langues vernaculaires matérielle. (ibid., p. 83) et accepta d'assumer le rôle de rapporteur (ibid., p. 261 ; Et voici une troisième fidélité de t. III, p. 71). l'évêque aux traditions de ses prédé­ Revenu de la deuxième session, le cesseurs : De Godsdienstige Week van prélat apparut brisé par la fatigue et het Bisdom Gent nota, non sans quel­ miné par la maladie dont il souffrait que admiration pour la vigilance et depuis des années. Une violente crise l'œuvre pastorale fournies au cours le terrassa dans la nuit du 23 au de la première décennie d'un minis­ 24 décembre 1963. Il perdit conscience tère accompli sans relâche, que le l'après-midi de Noël et décéda dans prélat avait jusqu'à cinq fois par­ la clinique des Sœurs de Charité où couru son diocèse tout entier. on l'avait transporté, le vendredi Au milieu des labeurs apostoliques 27 décembre vers 17 h. et demie. qui faisaient la trame de ses occupa­ tions régulières, Mgr Calewaert put Pour un portrait de l'évêque, les jouir de quelques-unes de ces manifes­ notations d'un chroniqueur du men­ tations de foi et de fidélité populaires suel diocésain : De Godsdienstige dont son prédécesseur avait lui aussi Week van het Bisdom Gent, fournissent été friand et auxquelles la deuxième d'intéressants éléments. Lors de la guerre mondiale avait mis un terme. nomination de l'évêque, cet auteur Mentionnons par exemple au début louait la piété virile du prélat, son de son épiscopat les fêtes de Notre- ferme attachement aux principes, son Dame-aux-Epines à Eeklo (1948), courage dans l'affrontement des obsta­ celles en souvenir du saint abbé cles, son aimable simplicité dans ses Poppon en sa ville natale de Deinze relations. A l'occasion du dixième (1948) et celles du jubilé du béguinage anniversaire de la promotion épisco- 93 CALEWAERT 94 pale, le même chroniqueur découvrait ou petites, de la vie ecclésiale diocé­ de nouvelles qualités. Il trouvait saine. Ce sentiment était d'autant l'évêque largement doué et il célé­ plus vivement ressenti que déjà à la brait sa loyauté, son bel équilibre, veille de Vatican II s'élevaient et se sa sagesse. La simplicité lui paraissait multipliaient les voix pour demander même être devenue amabilité, presque une participation plus directe du cordialité. A la mort de l'évêque, clergé, des religieux et même des sim­ l'auteur exaltait de nouveau la foi ples fidèles à la vie de l'Eglise. Ajou­ vive du défunt et sa piété simple tons qu'aux vœux ainsi exprimés mais solide, puis, plus particulière­ Vatican II allait répondre positive­ ment dans l'accomplissement de ses ment en prévoyant et en prônant tâches administratives, une univer­ l'érection de divers conseils appelés selle disponibilité, un sens aigu de à donner l'occasion aux sujets des ses devoirs d'état, un souci remar­ évêques d'exprimer leurs vues et d'ai­ quable de justice, ainsi qu'une ouver­ der ainsi leurs pasteurs dans l'exer­ ture d'esprit et de cœur aux problèmes cice de leur ministère. que son ministère pastoral rencon­ Les évêques se suivent mais ne se trait. Pour la première fois le chroni­ ressemblent pas. Telle est notre im­ queur distinguait aussi quelques traits pression à nous remémorer les quatre moins favorables. Il ne prisait plus prélats que nous avons connus à la autant la cordialité du défunt. Il tête du diocèse de Gand : Mgr Antoine concédait que le prélat avait toujours Stillemans, « ce lion tranquille », grand éprouvé de la difficulté à engager promoteur de l'enseignement et des librement une conversation avec ceux œuvres sociales, et, malgré ses ori­ qui n'étaient pas ses familiers, et gines modestes, incarnation d'un puis que, trop peureux, il avait hésité triomphalisme ecclésial qui valut à à avaliser la moindre nouveauté. son règne d'être appelé « l'ère des Les appréciations du chroniqueur Antonine » ; — Mgr Emile Seghers, correspondent dans une large mesure l'image vivante du pasteur d'âmes à aux traits que nous-même avons rete­ l'esprit surnaturel, qui brûla de zèle, nus dans la brochure consacrée à en émulation avec le vénérable abbé notre ancien condisciple. Plus que lui Poppe, pour instaurer dans son diocèse nous serions porté à signaler une ten­ le règne eucharistique du Christ dont dance exagérée au conservatisme. Pie X avait rêvé ; — Mgr Honoré C'est d'ailleurs le trait de caractère Coppieters, le plus populaire des qua­ tre, dont la simplicité, la bonhomie que le clergé gantois releva le plus, et parfois même une certaine espiègle­ quand, dans ses propos de table, il rie anticipèrent au niveau episcopal passait en revue l'administration du la physionomie de Jean XXIII ; diocèse. Surtout les plus jeunes prê­ exégète de marque, dont à Louvain tres estimaient que le gouvernement on avait espéré une carrière univer­ de l'évêque était trop personnel, trop sitaire brillante, il contribua par sa paternaliste. Ce reproche tenait en décision à lui préférer le ministère partie au fait que Mgr Calewaert vi­ sacerdotal, à revaloriser les humbles vait relativement isolé, qu'il ne se tâches du clergé paroissial. livrait guère spontanément à ses inter­ locuteurs, qu'il craignait de mettre en Mgr Calewaert ne fut la copie d'au­ question son autorité en s'adressant cun de ses prédécesseurs. Toutefois si pour la conduite de son diocèse à l'on se risque à découvrir en lui quel­ d'autres que ses plus proches colla­ que tendance à s'inspirer d'un modèle, borateurs. D'où l'impression d'une c'est peut-être à l'exemple de son direction peu collégiale, trop autori­ prédécesseur immédiat, à l'ardeur au taire. D'où le sentiment chez les prê­ travail, à la volonté de multiplier tres et les fidèles d'être ignorés dans sa présence, au désir de porter par­ l'élaboration des directives, grandes tout la parole qui caractérisaient 95 CERFAUX 96

Mgr Honoré Coppieters, qu'il con- ses fils. Celui-ci commença par fré- vient de songer. En tout cas, il n'a quenter l'école moyenne de Châtelet, pas fallu Vatican II pour donner à mais l'abbé Jules François, qui devi- nos diocèses des pasteurs exemplaires, nait dans le jeune étudiant un esprit pieux, courageux, dévoués. Préoccu- et une âme d'élite susceptibles d'être pés de maintenir, de renforcer, d'éten- orientés vers le sacerdoce, intervint dre le règne du Christ au sein de auprès des parents pour envoyer leur l'Eglise locale dont la Providence fils au Petit Séminaire de Bonne Espé- leur avait confié la garde et la pro- rance et lui faire entreprendre des motion, ils avaient conscience de ne études gréco-latines. C'était l'époque pouvoir efficacement remplir cette où les prêtres n'avaient pas perdu le mission qu'en communion étroite sens de leur identité et se préoccu- avec ceux appelés par le canon eucha- paient d'assurer la relève du sacer- ristique romain les orthodoxi atque doce. Lucien Cerfaux fut admis d'em- catholicae et apostolicac fidei cultores, blée en cinquième, tout en étant astreint à suivre en même temps les à savoir le successeur de Pierre et e tous ses frères collégialement unis cours de latin de 6 . Le Séminaire dans la tradition unanime de la foi de Bonne-Espérance possédait de catholique. solides traditions. Le jeune homme Joseph Coppens. put s'y abreuver largement aux sour- ces de la culture gréco-latine au point On consultera la collection dea Acta d'en avoir été marqué pour toujours episcopalia, et les brèves nouvelles recueil- (A. Descamps). Les résultats obtenus lies dans le mensuel diocésain De Gods- en rhétorique le signalèrent aux auto- dienstige Week van het Bisdom Gent. rités diocésaines quand il se présenta Pour une notice plus développée c/r en 1903 pour s'engager dans le clergé J. Coppens, « Monseigneur K.-J. Cale- de Tournai. Le conseil épiscopal dé- waert 1893-1963. lu memoriam «, dans cida d'envoyer le candidat au sacer- Analecla Lovanicnsia, n° 17, mars 1972, 38 pages. doce tout de suite à l'Université gré- Pour le milieu ecclésiastique gantois gorienne de Rome, où il conquit cfr M. DeBaets, a Sa grandeur Monseigneur successivement, conformément aux Emile-Jean Seghers, évêque de Gand », habitudes de l'époque, les doctorats dans Annuaire de l'Université Catholique en philosophie et en théologie (1903- de Louvain, 1927-1929, p. XXVIII-XXXI. 1910). Au lendemain de ce dernier — J". Coppens, « Son Excellence - Zijne grade, il fut autorisé à prolonger Excellentie Monseigneur Coppieters », dans durant un an (1910-1911) son séjour Université Catholique de Louvain. An- dans la Ville éternelle et à s'y spécia- nuaire - Jaarboek 1944-1948, t. LXXXV, liser en Ecriture sainte auprès de IIe partie, p. 5-60. — « F. Vercruyssen. In Memoriam », dans Annua Nuntia Lova- l'Institut Biblique nouvellement fondé. niensia, t. VIII, 1953, p. 167-180. — Il y eut comme condisciples l'abbé « O. Joliet. In Memoriam », dans Epheme- Capelle, le futur abbé du Mont-César rides Theologicae Lovanienses, t. XLV, à Louvain (1884-1961) et l'abbé Paul 1969, p. 541. van Imschoot, le futur professeur d'exégèse au Grand Séminaire de Gand (1888-1968). Il y reçut un en- CERFAUX (Lucien-Jean-Joseph), seignement biblique qui, sous l'im- helléniste, exégète, professeur au Sé- pulsion du Père L. Fonck, S.J. (1865- minaire de Tournai et à l'Université 1930), entendait faire de l'Institut catholique de Louvain, né à Presles biblique romain, non sans réaction le 14 juin 1883, décédé à Lourdes le contre l'Ecole biblique dominicaine 11 août 1968. de Jérusalem, la citadelle d'une rigou- Le père de Lucien Cerfaux, Jean- reuse orthodoxie, en liaison étroite Baptiste, était un modeste artisan qui avec les directives conservatrices de consentit à vendre un carré de pré la Commission biblique pontificale. pour payer les études du plus doué de 97 CERFAUX 98

On ne peut affirmer que l'étudiant elle atteignait l'apogée de sa valeur romain revint dans le pays fort con­ et de son rayonnement avec les tra­ vaincu et enthousiaste de l'enseigne­ vaux de véritables maîtres, tel le ment théologique et biblique lui im­ Père Lemonnyer, dont Cerfaux appré­ parti dans 'a Ville éternelle. Ce qu'il ciait particulièrement les qualités ramena d'Italie ce fut d'abord une d'exégète-théologien. Ajoutons que connaissance directe et un amour par l'intermédiaire de Paul van Im- intense de l'épopée et de la spiritualité schoot il entra en relation avec le franciscaines, puis un désir de mieux chanoine Camille Van Crombrugghe, étudier et comprendre le passé gréco- professeur au Grand Séminaire de romain dont il avait rencontré à Rome Gand et maître de conférences à tant de vestiges et qui lui était apparu l'Université de Louvain, qui passait comme le milieu préparé par la Pro­ à juste titre comme un des théolo­ vidence pour accueillir et favoriser giens belges les plus éclairés et res­ la naissance et la première diffusion pectés. internationale de la religion chré­ Les premiers travaux de Lucien tienne. Cerfaux parurent dans les Collaliones A son retour de Rome, il fut nommé Tornacenses. Lui-même ne les jugea tout de suite professeur d'exégèse au pas suffisamment valables pour les Grand Séminaire de Tournai. Il fut signaler toutes dans sa bibliographie. appelé à y succéder au chanoine Ras- C'est qu'il estima n'avoir pu y expri­ neur, le futur évêque de Tournai mer des vues personnelles déjà venues (1874-1939. Cfr Lucien Cerfaux, dans à pleine maturité ou qu'il dut y expo­ Annuaire de l' Université catholique de ser une doctrine trop élaborée sous Louvain, 1936-1939, t. II, p. II-VI), le contrôle, à cette époque sévère, dont quelques-uns avaient cru devoir de la censure diocésaine. Le premier mettre en question l'enseignement. article important signalé par Lucien C'était en effet une période bien trou­ Cerfaux date de 1922-1923 : Le titre blée dans l'Eglise où le modernisme « Kyrios » et la dignité royale de Jésus. était apparu comme un grand danger Bref le professeur attendit une dizaine pour la foi, et où des maîtres, préoc­ d'années avant d'offrir au public une cupés de l'aggiornamento d'un ensei­ contribution d'allure et de niveau gnement dépassé, risquaient facile­ scientifiques. Un deuxième article,, ment d'être suspectés d'infection mo­ entrepris en 1926 à l'invitation du derniste. Père Léonce de Grandmaison, S.J. Que l'abbé Cerfaux ait réussi à (1868-1927) pour prévenir les attaques traverser ces années difficiles sans de P. 'Alfaric, s'efforça de démêler faux pas, sans encombre, sans con­ l'écheveau de la gnose simonienne. testation, il le doit d'abord à son Ces deux publications obtinrent un tempérament, qu'une piété solide tel retentissement qu'en 1928 Paulin contribuait à bien équilibrer, puis au Ladeuze, recteur de l'Université de travail intense auquel il se livra pour Louvain, jugea le professeur du Sémi­ acquérir une connaissance approfon­ naire de Tournai, largement autodi­ die de la matière qu'il eut à ensei­ dacte, parfaitement qualifié pour ex­ gner, également aux traditions scien­ poser à Louvain, en qualité de maître tifiques bien implantées dans le de conférences, les mouvements reli­ clergé tournaisien qui comptait des gieux du monde hellénistique. maîtres chevronnés, les Remy, Cau- Lucien Cerfaux débuta ainsi dans chie, Ladeuze, Grégoire, enfin aux les milieux scientifiques et dans l'en­ relations qu'il ne tarda pas de nouer seignement universitaire par ses re­ avec la communauté dominicaine, cherches et ses exposés sur les cou­ qui, chassée de France par le minis­ rants religieux de l'hellénisme et leur- tère Combes, avait trouvé refuge aux éventuel impact sur le christianisme portes de Tournai. A cette époque, naissant. Jusqu'à la fin de sa carrière,. BIOGR. NAT. — t. XLI. 4 99 CERFAUX 100

il ne cessa de s'intéresser à ce do­ saint Clément de Rome et le Paulinisme, maine et de l'enrichir de nouvelles Louvain, 1943. contributions. Surtout deux travaux Outre ces trois dissertations, qui sont à signaler. En 1936 parut un furent publiées intégralement, Lucien imposant article sur la Gnose dans Cerfaux en dirigea beaucoup d'autres le Dictionnaire de la Bible. Supplé­ toutes en relation étroite avec ses ment, fase. 13-14, col. 659-701. Cer- cours de Louvain, en théologie ou en faux y observe dans ce qu'on appelle philosophie et lettres, sur l'hellénisme. la Gnose trois courants nettement Leur large éventail permet de se ren­ distincts : le premier, celui d'un dre compte de l'ample érudition et gnosticisme vulgaire, étranger et an­ des intérêts multiples du maître qui térieur à la gnose philosophique et en assuma la direction. Signalons une substantiellement indépendant du étude sur Philon de Byblos (L. Bel- christianisme ; le second, celui du Ion, 1954), — deux monographies gnosticisme philosophant dont l'her­ sur Philon d'Alexandrie (J. Giblet, métisme est le représentant païen le 1946, 1948 et M.-Chr. Wathelet, plus important ; le troisième, celui du 1954), — une enquête sur la religion gnosticisme philosophique chrétien, d'Aelius Aristide (J. Maréchal, 1939), situé d'abord, entre 130-150, à Alexan­ — une dissertation sur le dieu alexan­ drie avec Basilide et Valentin, puis drin Aiôn (L. Pépin, 1944), — une transporté à Rome où Valentin vint monographie sur les thiases de Diony­ s'installer et où, sensiblement à la sos (A. Ancia, 1940), — deux disser­ même époque, arriva du Pont le tations sur le culte des empereurs célèbre Marcion, le créateur d'un (J. Tondriau, 1940, 1941 et R. Boreux, système fort différent, personnage 1941), — un exposé de M. Depré dont l'ascendant est rapporté à la sur la connaissance de Dieu chez les fois par Celse et Tertullien. Vingt ans philosophes du IIe siècle après J.-C. plus tard fut publié, en collaboration (1940), — un examen des noms et avec J. Tondriau, le second travail des attributs divins dans les Livres notable consacré à l'hellénisme : Un Sibyllins (A. Collard, 1951), — une concurrent du christianisme. Le culte série de travaux sur la gnose de Va­ des souverains dans la civilisation lentin (L. Burnet, 1942 ; A. Torhoudt, gréco-romaine, Paris-Tournai, 1957 Si 1938, 1942; D. Caenepenne, 1946; la part de Tondriau fut importante, Y. Janssens, 1946 ; J. Mouson, 1949 ; voire principale, dans l'apport de la F. Petit, 1949), — deux enquêtes documentation, celle de Lucien Cer- sur le Corpus Hermétique : celle de faux fut capitale dans l'élaboration P. Renard sur le mysticisme cosmique de la monographie, dans la relecture du Corpus hermeticum (1949) et celle de l'ensemble et dans la rédaction de de Fr. Petit sur la transposition des quelques-uns des chapitres les plus formules de gnose dans VAsclepius notables et les plus difficiles à traiter. latin (1949), — une thèse consacrée Ne quittons pas le domaine des aux manichéens (J. Ries, 1953). études hellénistiques sans mentionner la part de Cerfaux dans la fondation A cette série de recherches sur des Studia hellenislica (1942, avec le l'hellénisme se rattachent plusieurs concours du professeur W. Peremans) travaux se référant aux Pères de et son patronage de trois disserta­ l'Eglise et à leur époque. Il s'agit de tions Iouvanistes : J. Thomas, Le recherches portant sur les Pères apos­ mouvement baptiste en Palestine et en toliques (S. Van Roye, 1945 ; A. Her­ Syrie (150 av. J.-C. - 300 après J.-C), mans, 1946 ; J. Ponthot, 1950 ; A. Ze- Louvain, 1935; A. Torhoudt, Een ghers, 1954), sur la Didaché (A. Dié- onbekend gnostisch systeem in Plutar- part, 1949), sur la Lettre à Diognète chus' De Iside et Osiride, Louvain, (M. Taverne, 1952), sur St Justin 1942 ; L. Sanders, L'hellenisme de (I. Posnoff, 1948 et FI. Hofmans, 1954), sur St Irénée (A. Houssiau, 101 CERFAUX 102

1955), sur St Jérôme (V. Caris, 1944) chaire du Nouveau Testament, et et St Augustin (A.-M. Galot, 1948). cette nomination amena tout natu­ A deux reprises J. Thomas s'occupa rellement notre regretté collègue à des sectes ébionites (1934-1935), tan­ accorder désormais dans ses recher­ dis que G. Dumont (1942) et M. Bon- ches et ses travaux la priorité aux nave (1945) s'appliquèrent à décrire livres du Nouveau Testament. les polémiques entre chrétiens et Peu d'écrits néotestamentaires ont païens. Ajoutons que plusieurs de ces échappé aux investigations du pro­ élèves de Lucien Cerfaux, notamment fesseur. En 1943, il se pencha sur le regretté J. Tondriau, J. Giblet, les Actes des Apôtres : La communauté J. Ries, A. Houssiau, Y. Janssens, apostolique, et, en 1953, il publia de continuèrent à œuvrer et à explorer cette œuvre lucanienne un commen­ les domaines vers lesquels leur maî­ taire concis en collaboration avec tre les avait orientés. J. Dupont : Les Actes des Apôtres, En 1928, rien ne faisait prévoir dans La Sainte Bible de Jérusalem. pour le professeur du Séminaire de Avec un autre de ses élèves, J. Cam- Tournai la promotion à un professo­ bier, il publia en 1955, dans Lectio rat full time à l'Université de Lou­ divina, L'Apocalypse de saint Jean vain, car à cette époque les ressources lue aux fidèles. Enfin, en 1963, il financières de l'Aima Mater étaient réédita, l'augmentant de compléments trop limitées pour multiplier les chai­ importants, la Théologie du Nouveau res d'enseignement spécialisé. En 1930, Testament de son ancien ami, le père le décès du chanoine Edouard Tobac dominicain Lemonnyer. (1877-1930, Cfr J. Coppens, dans Toutefois l'attention du professeur Annuaire de l' Université catholique de d'exégèse néotestamentaire de Lou­ Louvain, 1930-1933, p. LXXVIII- vain s'est surtout concentrée sur deux XCV) obligea les autorités académi­ domaines : les évangiles et les écrits ques à pourvoir à la succession d'un pauliniens, l'un et l'autre domaine exégète prématurément disparu qui inaugurés dès 1925-1927 par trois avait bien mérité de la science néo­ articles des Ephemerides Theologicae testamentaire. Un des plus brillants Lovanienses : L'Eglise et le Règne de élèves du défunt, l'abbé André Charue Dieu d'après saint Paul (t. II, 1925, {Cfr J. Coppens, In Memoriam. Son p. 181-198), Les Saints de Jérusalem Excellence Mgr André-Marie Charue. (t. II, 1925, p. 510-529), et La Pro­ 1898-1977, dans Ephemerides Theolo- bité des souvenirs évangéliques (t. IV, gicae Lovanienses, t. LIV, 1978, 1927, p. 13-28). p. 221-235) entrait certes en ligne de compte pour succéder à Tobac, mais De ces deux domaines, celui des à Louvain on estimait, — et on ne écrits pauliniens est devenu le terrain s'est guère trompé —, que son ave­ par excellence scruté par Lucien Cer­ nir se situait davantage dans son faux. Les trois volumes consacrés à diocèse. Il y avait également l'abbé la théologie paulinienne : La théologie Paul van Imschoot que Mgr Hebbe- de L'Église suivant saint Paul, dans Unam Sanctam, t. X, Paris, 1942 ; lynck, l'ancien recteur de Louvain, e e était tout disposé à recommander à 2 éd., 1948; 3 éd., 1965; — Le son successeur. Mais Lucien Cerfaux Christ dans la théologie de saint Paul, dans Lectio divina, t. VI, Paris, 1952 ; était sur place depuis qu'en 1928 il e avait été nommé maître de confé­ 2 éd., 1954 ; — Le Chrétien dans la rences, et ses premières publications théologie paulinienne, dans Lectio di­ avaient révélé tant de qualités qu'il vina, t. XXXIII, Paris, 1961, consti­ se plaçait en toute première ligne pour tuent indiscutablement l'œuvre maî­ recueillir la succession. tresse du professeur. Pour la compren­ dre et la jauger à sa juste valeur il En juillet 1930, les évêques appe­ convient d'abord de se rappeler que lèrent de fait Cerfaux à occuper la leur auteur ne tient pas compte des 103 CERFAUX 104

Epîtres pastorales et de l'Epître aux fidèles, habités par l'Esprit, y devien­ Hébreux mais qu'il garde comme nent le véritable temple de Dieu. Au authentiques les lettres de la capti­ troisième stade, l'Eglise se présente vité, les Epîtres aux Philippiens et surtout comme réalisant le grand aux Colossiens et même l'Epître aux « mystère » et par conséquent comme Ephésiens. Puis on ne perdra pas de anticipant dans un cadre eschatolo- vue que, dans les trois volumes, leur gique la cité idéale, celle subsistant auteur tend à distinguer une évolu­ dans le royaume céleste et éternel tion de la pensée paulinienne en trois de Dieu. Dans un tel contexte, le étapes, évolution qu'en 1956 nous chrétien est promu citoyen du ciel, avons essayé de mettre en pleine compagnon des milices célestes, et le lumière dans un article intitulé : Christ y apparaît de plus en plus L'état présent des études pauliniennes, comme préexistant, notamment en dans Ephemerides Theologicae Lova- tant que Sagesse divine. nienses, t. XXXII, p. 363-372. Nous Dans un opuscule intitulé L'Itiné­ y proposions de reconnaître, dans le raire spirituel de saint Paul et paru développement de la pensée pauli­ dans Lire la Bible, fascicule 4, Cer­ nienne telle que Cerfaux la reconstitue, faux revint en 1965 à sa grande syn­ un premier stade où elle est dominée thèse paulinienne. Il la résuma admi­ par l'intelligence de l'Eglise comme rablement, tout en la complétant sur la réalisation providentielle du Verus des points importants qui lui avaient Israel. Dans un deuxième stade, été signalés comme réclamant une l'Apôtre aurait compris l'événement clarification ou des suppléments. Il chrétien avant tout comme l'avène­ y exposa une fois de plus un point ment de l'Esprit divin. Un troisième de vue qui sous-tend toute la trilogie stade lui aurait permis de voir l'Eglise paulinienne, à savoir que la pensée dans un cadre sapientiel et surtout de l'Apôtre et son développement apocalyptique, comme l'incarnation continu s'inscrivent beaucoup plus du « mystère » divin par excellence dans la ligne des traditions juives et comme l'anticipation terrestre des que dans celle des spéculations hellé­ réalités célestes et éternelles du nistiques. Certes le professeur n'écarte Royaume de Dieu. Dans chacun de nullement tout rapprochement avec ces stades, l'Apôtre ne manqua pas le monde hellénistique, tantôt par le d'élaborer en connexion étroite avec truchement du Judaïsme hellénisti­ sa visée de l'Eglise, sa conception que, tantôt par un contact plus direct du Christ et du chrétien. Résumant avec le milieu philosophique gréco- fortement les vues de notre collègue, romain, stoïcien ou platonisant. Par au risque peut-être de trop les sim­ exemple selon le professeur de Lou­ plifier et dès lors de défigurer quel­ vain Paul connaît et utilise occasion­ que peu ses exposés toujours extrême­ nellement fort à propos le droit hellé­ ment nuancés, nous estimons qu'au nistique. En II Cor., XI, 21-29, le premier stade Cerfaux nous invite à lecteur de l'épître se reportera tout entrevoir l'Eglise comme l'Israël des naturellement à l'éloquence grecque. derniers temps, à comprendre Jésus Puis, l'appel au témoignage de la comme le Christ, c'est-à-dire le Messie- conscience (II Cor., I, 12), les mots sauveur attendu par Israël, et à dé­ de « confiance, liberté, pureté d'in­ nommer les chrétiens comme « les tention, aptitude », qui tous survien­ saints ». Au deuxième stade, l'Eglise nent sous la plume de l'Apôtre, relè­ apparaît plutôt en premier lieu comme veraient d'un affinement psychologi­ une réalité spirituelle s'identifiant que imputable en partie à l'hellénisme. mystérieusement avec le Christ dans En particulier, le terme « intelli­ son corps jusqu'à subsister en quel­ gence », si révélateur de la pensée que sorte en lui. Le Christ y est salué grecque, se présente souvent dans ses comme le Kyrios par excellence et les écrits. La même pensée grecque : 105 CERFAUX 106 celle d'Euripide, celle des stoïciens et, et la « voix vivante » du Sauveur —, dans sa transposition latine, celle se rattachent un nombre important d'Ovide, surgit dans les textes pau- d'articles presque tous rassemblés liniens quand l'Apôtre décrit les dans les trois volumes du Recueil luttes qui se déroulent à l'intérieur Cerfaux, puis quelques ouvrages mi­ de chaque homme préoccupé de réali­ neurs : La voix vivante de l'Evangile ser les normes morales. La philoso­ au début de l'Eglise, dans collection phie platonicienne se profilerait der­ Lovaniwm, Tournai, 1946 ; 2e édition, rière les affirmations pauliniennes dès 1956 ; Discours de Mission dans l'évan­ que Paul cherche à se représenter gile de Matthieu, Tournai, 1957 ; Le une survie indépendante de la résur­ Trésor des Paraboles, Tournai, 1966, rection matérielle du corps réservée ainsi que l'article Luc (Evangile de), à la fin des temps. Renonçant à rédigé en collaboration avec J. Cam- l'étroitesse de vues du judaïsme, bier pour le Dictionnaire de la Bible, l'Apôtre semble avoir embrassé, dans Supplément, 1953, t. V, col. 545-594. un moment d'illumination intellec­ Dans la question synoptique, le pro­ tuelle, une perspective se rapprochant fesseur ne paraît pas avoir abouti à du dualisme grec. D'autres affinités des conclusions fermes, d'autant moins avec l'hellénisme sont signalées par qu'il n'arriva pas à adopter une atti­ Cerfaux à propos de la créature en­ tude nette à l'endroit de l'hypothèse trevue comme reflet de la nature que son collègue et ami, le professeur divine, ou de la parousie du Christ de Lyon L. Vaganay, avait exposée comparée à l'entrée triomphale des dans un ouvrage qui fit sensation : souverains hellénistiques, ou de la Le problème synoptique, Paris, 1954. spiritualisation du culte, ou même A la fin de sa carrière, il entreprit, de certains aspects de l'ecclesia en il est vrai, de synthétiser et de pré­ tant qu'assemblée plus ou moins ciser sa pensée dans deux contribu­ démocratisante du peuple chrétien. tions publiées au lendemain de son C'est donc surtout avec le stoïcisme décès : Jésus aux origines de la Tra­ et le platonisme tels qu'ils étaient dition. Matériaux pour l'histoire évan- vulgarisés dans le monde gréco-romain gélique, Bruges, 1968 et L'utilisation que le professeur de Louvain a discerné de la source Q dans Luc, dans L'Evan­ les rapprochements les plus frappants gile de Luc. Problèmes littéraires et avec le monde hellénistique. Quant théologiques. Mémorial Cerfaux (Bi- aux religions à mystères, il s'est bliotheca Ephemeridum Theologicarum montré très réservé, admettant seu­ Lovaniensium, t. XXXII), Gembloux, lement quelques rares recoupements, 1973, p. 61-69. Mais même ces deux telle la présence du terme technique mises au point laissent sur sa faim embaleuô dans les épîtres de la capti- celui qui y chercherait une réponse vité. A ce qu'il nous paraît, les con­ claire au problème synoptique. En clusions qu'un de ses élèves J. Dupont revanche, quand le professeur décor­ formula dans sa dissertation : Gnosis. tiqua au cours de sa carrière un texte La connaissance religieuse dans les particulier, surgit plus d'une fois une Epîtres de saint Paul, Louvain, 1949, lumière qui lui donne, sinon un sens n'a pas manqué d'influencer les posi­ nouveau, du moins une perspective tions définitives de Cerfaux sur la inattendue et une profondeur insoup­ part d'influence respective à attribuer çonnée, celle qu'en termes récents on aux conceptions juives et hellénisti­ appelle la visée. C'est dès lors aux ques dans la genèse de la théologie articles réunis dans le Recueil Cerfaux paulinienne. qu'il convient de recourir pour trou­ ver les meilleurs apports du profes­ Au deuxième domaine de recher­ seur à la solution du problème synop­ ches, — les évangiles synoptiques, tique. leur genèse ainsi que la probité de leurs souvenirs touchant le portrait Parmi les élèves que le professeur 107 CERFAUX 10* conduisit à la maîtrise en théologie, apostolique, Gembloux, 1947. Et n'ou­ aucun ne s'attela non plus à résoudre blions pas que Lucien Cerfaux fut le problème de la genèse des évangiles aussi un homme de lettres, qui était synoptiques. M. Hermaniuk se livra parvenu à se former un style bien à une enquête exégétique et critique particulier, où l'inspiration poétique sur la parabole évangélique (1947) ; affleurait jusque dans ses écrits les A. Descamps étudia surtout dans plus techniques. l'évangile matthéen « les Justes et la On apprendra à connaître cette Justice » (1950), et B. Massaux explora riche personnalité en se reportant en l'influence de l'Evangile de Matthieu tout premier lieu aux deux remarqua­ sur la littérature chrétienne avant bles ébauches de portrait tracées par saint Irénée (1950). Au cours de ces Xavier Nassaux et Albert Descamps. dernières années, le problème synop­ Puis, pour découvrir certains aspects tique ne fut vraiment abordé que par complémentaires de la genèse du prê­ l'élève d'A. Descamps, le professeur tre et du professeur, on aura recours F. Neirynck, ses étudiants et son à quelques notices de Cerfaux lui- équipe de collaborateurs : Cfr F. Nei­ même, où il évoque les milieux et rynck, Duality in Mark, dans Bi- les personnages qu'il a connus et bliotheca Ephemeridum Theologicarum dont il a subi l'empreinte : A la pieuse Lovaniensium, t. XXXI, Gembloux, mémoire de Monsieur l'abbé Jules 1972 ; F. Neyrinck, T. Hansen et François, Tournai, 1930 ; Un grand F. Van Segbroeck, The Minor Agree­ recteur : Mgr Ladeuze, dans Revue ments of Matthew and Luke against Générale belge, 1946, n° 3, p. 315-333 ; Mark with a Cumulative Index, dans Mgr Ladeuze, fils aîné de Bonne- Bibliotheca Ephemeridum Theologica­ Espérance, dans Bona Spes. Bulletin rum Lovaniensium, t. XXXVII, Gem­ de l'Association des anciens élèves de bloux, 1974; Jean et les Synoptiques. Bonne-Espérance, 1946, n0" 23-24, Examen critique de l'exégèse de M.-E. p. 11-12 ; Hommage à Monseigneur Boismard, dans Bibliotheca Epheme­ Ladeuze, dans Ephemerides Theolo- ridum Theologicarum Lovaniensium, gicae Lovanienses, t. XXV, 1949, t. XLIX, Louvain, 1979. p. 325-331 ; Eloge académique de La personnalité de Lucien Cerfaux Mgr Paulin Ladeuze, dans Annuaire fut d'une variété et d'une richesse de l'Université catholique de Louvain, peu communes. Il y avait en lui le 1939-1941, t. LXXXV, 1942, savant préoccupé de poursuivre in­ p. XXXIX-XLI; S. Exe. Mgr Gas­ lassablement des recherches person­ ton-Antoine Rasneur, évêque de Tour­ nelles et de stimuler celles de ses nai, dans Annuaire de Γ Université élèves, qu'il aimait réunir chez lui catholique de Louvain, 1936-1939, en des séances de séminaire. Il y t. LXXXIV, 1941, vol. II, p. I-VI ; avait aussi le prêtre fervent, soucieux Son Excellence Monseigneur Louis de répandre surtout dans le clergé Delmotte, ancien évêque de Tournai une authentique piété biblique et (1898-1957), dans Annuaire de l'Uni­ évangélique, de couleur nettement versité catholique de Louvain, 1957- franciscaine. A ce maître de spiri­ 1959, t. XCII, 1960, vol. III, p. 5-12. tualité qui se délectait également Comme nous regrettons que le pro­ d'organiser autour de lui quelques fesseur n'ait pas davantage multiplié « thiases » de prêtres épris d'un même ces notices biographiques où, à tra­ idéal, nous devons entre autres ou­ vers les traits de ces modèles, il révèle vrages La communauté apostolique, maintes fois ses propres aspirations, Paris, 1943 ; 2e édition, 1953 ; 3e édi­ son idéal personnel de chrétien, de tion, 1970 ; Discours de mission dans prêtre, de savant 1 l'Evangile de saint Matthieu, Tournai, Le dimanche 11 août 1968, Mgr Lu­ 1957 ; Le Trésor des paraboles, Tour­ cien Cerfaux s'est doucement éteint nai, 1966 et surtout une Retraite à Lourdes. Conformément à une habi- 109 CHARLIER 110 tude prise au cours des années de vanienses, mais omet quelques arti- son éméritat, il s'y rendait au mois cles de vulgarisation). d'août pour y donner à un groupe de Les articles principaux de Lucien jeunes filles se consacrant à l'aposto- Cerfaux ont été réunis en trois volu- lat, une série de leçons sur les évan- mes et publiés dans la Bibliotheca giles. Le soir du vendredi 9 août, il Ephemeridum Theologicarum Lova- célébra une messe solennelle dans la niensium. Recueil Lucien Cerfaux, crypte de la maison de formation où t. I-II. Ed. J. Coppens, A. Descamps, il résidait, pour remercier le Seigneur E. Massaux, Gembloux, 1954; t. III, de son ordination sacerdotale dont Gembloux, 1962. c'était le soixantième anniversaire. Ajoutons que le 19 février 1941 Dans la soirée du surlendemain il se Mgr Cerfaux fut nommé membre de sentit brusquement indisposé. Con- la Commission biblique, qu'il fut duit à l'hôpital, il y reçut en pleine honoré d'un doctorat honoris causa lucidité les derniers sacrements et, de l'Université de Strasbourg et qu'il vers 11 heures, il s'endormit dans le fut désigné comme peritus pour le Seigneur sans cri et sans souffrance Concile Vatican II. apparente. On trouva sur sa table de travail un texte fraîchement écrit Joseph Coppens. comme s'il avait pressenti son départ Pour la biographie de Lucien Cerfaux pour l'éternité et avait voulu nous voir X. Nassaux, < L'enseignement de léguer un testament à la fois scien- M. le chanoine Cerfaux au Grand Sémi- tifique et spirituel (Cfr une reproduc- naire de Tournai », dans Annua Nuntia tion du manuscrit en L'Evangile de Lovaniensia, Louvain, t. X, 1955, p. 26- Luc, p. 110) : « J'ai passé ma vie à 28. — A. Descamps, « La carrière et l'œu- » me faire la main au métier d'histo- vre scientifique de Monseigneur Lucien » rien... Je crois connaître la docu- Cerfaux >, Ibidem, p. 39-52. — G. Thils, » mentation chrétienne autant que « Monseigneur Lucien Cerfaux. In Me- » d'autres... Je n'ai jamais trouvé moriam. Hommage de la Faculté de théologie », dans Ephemerides Theologicae » que l'étude historique diminuait ma Lovanienses, t. XLV, 1969, p. 5-7. — » foi... J'ai trouvé un contact vivant J. Coppens, « La carrière et l'œuvre scien- » avec le Christ de l'histoire, et je tifique de Mgr Lucien Cerfaux », dans » suis sûr que c'était en même temps Ephemerides Theologicae Lovanienses, » le Christ de ma foi ». t. XLV, 1969, p. 8-44 et L'Evangile de Luc. Mémorial Cerfaux, p. 23-59. — A. Descamps, • Ebauche d'un portrait », On trouvera la bibliographie de dans Ephemerides Theologicae Lovanienses, Lucien Cerfaux dans Université catho- t. XLV, 1969, p. 58-73 et dans L'Evan- lique de Louvain. Bibliographia Aca- gile de Luc. Mémorial Cerfaux, p. 9-21. dernica, t. VI : 1914-1934, Louvain, 1937, p. 42-43; t. VII : 1934-1954, Louvain, 1954, p. 330-349; t. VIII : CHARLIER (Guillaume-Joseph), 1954-1955, Louvain, 1956, p. 20 ; sculpteur, né à Ixelles le 2 août 1854, t. IX : 1956, Louvain, 1957, p. 17-18 ; décédé à Saint-Josse-ten-Noode le t. X : 1957-1963, Louvain, 1964, 15 février 1925. p. 54-55 ; t. XII : 1963-1968, Louvain, Fils de Nicolas-Joseph Charlier, 1969, p. 40-41 ; Ephemerides Theolo- modeste conducteur de travaux, Guil- gicae Lovanienses, t. XLV, 1969, laume Charlier est un enfant du peu- p. 58-73 ; L'Evangile de Luc. Pro- ple. Après avoir fréquenté les écoles blèmes littéraires et théologiques. Mé- primaires d'Ixelles et de Koekelberg, morial Lucien Cerfaux, dans Biblio- il entre comme apprenti chez un mo- theca Ephemeridum Theologicarum Lo- deleur. A quinze ans, ayant perdu vaniensium, t. XXXII, Gembloux, son père, il doit contribuer aux char- 1971, p. 71-90 (complète la bibliogra- ges familiales. Devenu aide-praticien phie des Ephemerides Theologicae Lo- chez les frères Geefs, il passe le plus Ill CHARLIER 112 clair de son temps à dégrossir des lier l'est aussi à Tournai qu'il dote- monolithes de marbre, mais ses em­ d'un monument consacré à la mémoire· ployeurs n'ont guère envie de voir du peintre Gallait. Ses groupes créés progresser leur aidant, et celui-ci choi­ en 1893 — La Croix, La Misère, sit de les quitter pour entrer au ser­ L'Aveugle — confirment ses dons vice de Simonis. Là, sa journée accom­ d'interprète des sentiments de pitié plie, il peut rester a l'atelier où, qu'inspirent les déshérités, et lui poussé par le besoin d'apprendre, il valent une première médaille d'or commence à travailler pour lui-même. décernée par le jury de l'exposition Son adolescence sera studieuse, et les de Munich. cours du soir qu'il suit à l'Académie On le voit, l'œuvre du sculpteur royale des Beaux-Arts de Bruxelles ne manque pas de diversité. Si, en sont pour lui un nouveau tremplin. 1886, il sacrifie encore à l'influence Lors d'une exposition de fin d'études, antique, notamment dans un bas- un visiteur est enthousiasmé par les relief : Printemps, et dans un buste travaux du jeune sculpteur. Cet ama­ de Gladiateur, en 1889, il crée Sou­ teur, c'est Henri Van Cutsem, et de venir, figure d'exilée qui semble pleu­ cette rencontre naîtra une affection rer le bonheur passé. Plus tard, en réciproque que seule la mort parvien­ signant La Croix, représentant deux dra à briser. pèlerins qui communient devant Grâce à la vente d'un groupe l'image du Christ, il symbolise dans- — Le Déluge — Guillaume Chartier une œuvre simple le sentiment chré­ peut réunir les fonds qui lui permet­ tien qui imprègne le cœur des mon­ tent de partir pour Paris afin d'y tagnards. suivre des cours à l'Ecole des Beaux- En 1895, il fixe dans le bronze les Arts. Il y restera de 1880 à 1882, à traits de S.M. la Reine des Belges, la suite de quoi il entre à l'atelier tandis que l'année suivante, le groupe libre de Van der Stappen. Le 6 sep­ représentant Un Bûcheron vient orner tembre de la même année, il est pro­ le Jardin Botanique de Bruxelles. clamé Premier Prix de Rome. Connu dans toute l'Europe, il dé­ 1883 est pour Guillaume Charlier croche une nouvelle médaille à l'ex­ l'année des voyages, mais, un peu position de Barcelone où il vend de- déçu par l'Italie, il obtient du gou­ nombreuses œuvres. En 1898, Dou­ vernement le droit de retourner à leur Maternelle, groupe en plâtre, est Paris. Très tôt, cette ville apprend exposé à Paris et à Bruxelles. à apprécier son art, et se faisant re­ A la suite d'un concours, il obtient présenter au Salon de Paris en 1885 en 1901 la commande d'un monument et 1886, Guillaume Charlier y obtient dédié à Bara et destiné à la Ville de· deux mentions honorables. Tournai. Il le réalisera avec la colla­ Dans les œuvres qu'il produira boration de Victor Horta. ensuite : L'Aïeule, Jeune Mère, L'In­ Guillaume Charlier est membre de quiétude maternelle, Le Pêcheur de la Société nationale des Beaux-Arts Blankenberghe, etc., le sculpteur de Paris. affirme sa connaissance de la vie Dès 1894, date de son mariage avec intime du peuple qu'il coudoie. Marie Agniez, Henri van Cutsem lui Son œuvre maîtresse : La Sortie du avait offert l'hospitalité dans son Port, bas-relief en bronze représen­ hôtel de maître sis à Saint-Josse-ten- tant un groupe de pêcheurs tirant Noode, avenue des Arts, 16. Au décès leur barque, est un hymne au cou­ de Van Cutsem, survenu à Ochamps rage des populations du littoral qui en 1904, Guillaume et Marie Charlier ont sans nul doute constitué la prin­ héritent de tous ses biens, avec comme cipale source d'inspiration de l'ar­ seule condition : continuer l'œuvre tiste. de mécénat. Consacré à Paris, Guillaume Char­ Respectant le vœu de leur bienfai- 113 CITOYEN CLAVIÈRE — CLOKERS 114

teur et ami, Guillaume et Marie des Beaux-Arts, 26<= année, 1884, p. 68, Charlier font transférer la collection 141 ; 27e année, 1885, p. 78 ; 29» année, 1887, p. 148. — La Gazette des Beaux- de peintures d'Henri Van Cutsem à e e Tournai, dans le nouveau Musée des Arts, 29 année, 1887, II, p. 48 ; 34 année, 1892, II, p. 24. — Forma (Barcelone), Beaux-Arts dont les plans furent éta- vol. II, 1907, p. 373, 393. — L'Arte (Rome), blis par "Victor Horta. anno VI, 1903, p. 286. Marie Charlier décède en novembre 1924. C'est peu de temps après, le 15 février 1925, que Guillaume Char- CITOYEN CLAVIÈRE (LE). Voir lier disparaît à son tour, léguant tous GHELDERODE (Michel DE). ses biens à sa commune d'adoption, Saint-Josse-ten-Noode, à la condition formelle et expresse que l'immeuble CLOKERS (Hector-Lambert-Jo- soit ouvert en musée public, qu'il ne seph), violoniste et chef d'orchestre, soit jamais aliéné et que les collec- professeur et directeur du Conserva- tions intactes soient conservées égale- toire de Verviers, né à Vivegnis le ment, afin que les générations à venir 26 novembre 1901, décédé à Liège puissent réaliser dans quel cadre vi- le 30 août 1965. vaient, à la fin du xixe siècle, des Né dans l'humble famille du garde- bourgeois aisés et amateurs d'art. champêtre de Vottem, qui était lui- Les œuvres de Charlier se trouvent même poète wallon, Hector Clokers notamment à Saint-Josse-ten-Noode, eut la chance de voir ses dons recon- dans l'Hôtel qui porte son nom, à nus et encouragés par ses parents. Blankenberge, en France, en Angle- C'est auprès du Herstalien Albert terre et en Allemagne. Rahier, bon pédagogue, qu'il reçoit Elia Ketels. ses premières leçons de violon. A neuf ans il entre au Conservatoire A. Garcia LJanso, « Guillermo Charlier », royal de Liège. Il y franchit rapide- dans La Illnstracion Artistica (Barcelone), ment les étapes de l'apprentissage : n° 1025, 19 août 1901. — G. Verdainne, dans la classe de Léopold Charlier, Guillaume Charlier, Mons, 1897. — P. Schu- il obtient le 2e Prix à l'âge de qua- mann, dans Illuslrierle Zeitung, n° 3031, er er torze ans; en 1917, le I Prix de 1 avril 1901. —P. Schumann, « Belgische violon avec grande distinction ; en Bildhauer der Gegenwart », dans Die er Kunst fur Aile (Munich), XXII Jahrgang, 1919, le I Prix de musique de cham- novembre-décembre 1906, p. 68-69. — bre avec distinction; en 1920, la mé- L. Solvay, a Guillaume Charlier », dans daille en vermeil avec grande distinc- Caprice-Revue, 1889. — L. de Taeye, Les tion pour le violon. artistes belges contemporains, Bruxelles, Mais Hector Clokers a d'autres 1894-1897, p. 136, 563-575, 653, 741. — ambitions : il entend parfaire sa for- S. Pierron, Portraits d'artistes, Bruxelles, 1905, p. 39-42, portrait. — S. Pierron, mation à Paris. Entreprise difficile Guillaume Charlier, Bruxelles, 1913. — et coûteuse ; . pas même le soutien J. Du Jardin, L'Art flamand, Bruxelles, d'une bourse d'études. Qu'à cela ne édit. Boitte, 1896-1900, 6 vol., vol. V, tienne : Clokers accumule un petit p. 105 ; vol. VI, p. 07. — M. Devigne, pécule en jouant comme violon-solo Catalogue de la Sculpture, Musée royal pendant une saison au Théâtre Royal. de Bruxelles, Bruxelles, 1922. — M. Gau- Puis, en 1921, il prend, accompagné chez, Les vivants et les morts, 1922, p. 219- 251. — S. Pierron, La sculpture en Bel- de sa mère, le chemin de Paris. Il gique, 1830-1930, Paris-Bruxelles-Cour- est admis d'emblée, après épreuve, trai, 1932, p. 63, 64, 69. — Nos Contem- dans la classe de Guillaume Remy, porains, Ixelles-Bruxelles, 1904, p. 88-90, ancien élève de Heynberg à Liège. portrait photographique. — E. Essling, Et c'est pendant deux ans une vie La sculpture belge contemporaine, Bru- d'études, dans un modeste logement xelles, 1903. — L. Gonse, La sculpture où sa mère tient le petit ménage. Vie française, Paris, 1895, p. 563. — Journal heureusement agrémentée de visites 115 CLOKERS 116 dans les musées, aux théâtres ; mais prennent, en passant par Vienne, aussi où se mêlent les fastidieuses une tournée en Pologne. La presse prestations dans les tavernes et les salue la « subtilité du style », « le tea-rooms, où Clokers joue le soir musicien cultivé », « une noble sim­ pour arrondir son pécule, et les leçons plicité de style », « le successeur particulières que lui donne, de temps d'Ysaye ». en temps, le jeune et déjà célèbre Mais la carrière du virtuose est Jacques Thibaud. encore à cette époque semée d'em­ En février 1923 il remporte le Prix bûches. Il faudrait pouvoir s'y con­ Vieuxtemps à Verviers. Il rentre sacrer entièrement. Mais comment aussitôt à Paris où il doit affronter payer les salles, établir les contrats, les épreuves du concours final. Et là s'engager dans ce qui à chaque fois aussi c'est le succès : Henri Rabaud, se révèle comme une aventure coû­ directeur du Conservatoire National teuse et risquée ? Les mécènes ne et président du jury, proclame, parmi tiennent pas leurs promesses ; les trente-quatre concurrents, Hector Clo­ gouvernements n'ont pas encore ins­ kers « premier nommé des deux épreu­ tauré ces systèmes d'échanges dont ves masculine et féminine réunies » bénéficient aujourd'hui les jeunes (Premier Prix du Conservatoire na­ musiciens. En 1925, à l'âge de vingt- quatre ans, Hector Clokers obtient tional de Paris). la charge de professeur de violon au Le virtuose, le professeur et le chef Conservatoire Royal de Liège, où il d'orchestre : Sylvain Dupuis, directeur prend la succession d'Edouard Deru. du Conservatoire de Liège, heureux Charge qu'il prend à cœur comme d'offrir à l'un de ses anciens élèves le l'attestent les nombreux et brillants privilège d'une consécration liégeoise, élèves qui sont sortis de ses classes : engage Hector Clokers pour le pre­ Joseph Beck, Michel Ledere, Gérard mier concert de la saison 1923-1924. Libert, Frédéric Petronio, Robert Il y joue le Concerto de Beethoven Hosselet, Nicolas Louis, et tant et la Symphonie Espagnole de Lalo d'autres, qui témoignent encore au­ avec, se rappelle son compagnon jourd'hui de l'excellence de son ensei­ gnement. Marcel Lejeune, « une facilité prodi- » gieuse, une justesse impeccable, un Et dès lors Hector Clokers connaît » charme élégant, un son pur et fin ». la vie de tout artiste qui doit se par­ Sur la recommandation d'Eugène tager entre ses activités d'interprète Ysaye, qui l'a entendu et lui a donné et de pédagogue : outre ses cours au quelques conseils, il fait bientôt par­ conservatoire, il est violon-solo aux tie du Trio de la Cour de Belgique, concerts de la Vieille Maison ; il joue avec le pianiste Bosquet et le violon­ en été au Kursaal d'Ostende ; en 1939 celliste Dambois. Il joue, en récital Armand Marsick le choisit comme ou en concert, à Paris. (« Un jeu concertmeister pour ses concerts de » ferme, hardi, phrasé très sûr, vir- l'Exposition de l'Eau. Il continue de » tuosité aisée », écrit le critique donner des récitals. A Londres il joue Henri de Curzon), à Bruxelles, à Beethoven sous la direction d'Alexan­ Ostende ; il entreprend des tournées dre Glazounoff. En 1935 il n'hésite en Italie et en Hollande. En 1930, pas à rassembler, en deux récitals, c'est lui qu'Ysaye choisit pour jouer les six Partitas et Sonates pour violon en soliste au concert du Conserva­ seul de Bach, performance qui à toire que lui-même dirige. Clokers y l'époque apparaît encore comme une interprète le 5e Concerto de Vieux- gageure. Avec François Rasse au temps d'une façon qui lui vaut l'acco­ piano il donne à plusieurs reprises lade publique du vieux maître. une exécution de l'intégrale des So­ nates de Beethoven. Il met son talent En 1932, Hector Clokers et le au service des compositeurs belges : pianiste Charles Van Lancker entre­ 117 CLOKERS 118

non seulement Franck et Lekeu mais Les Concerts Permanents : En 1940 aussi Vreuls, Georges Antoine et la guerre et l'exode avaient profon­ bien d'autres. Sa curiosité est grande : dément perturbé la vie de la cité. qui joue encore, comme il le fait à Les musiciens, désemparés, étaient cette époque, les Sonates de Richard sans travail. Hector Clokers fut l'un Strauss, de Silvio Lazzari, de Guy des premiers, avec ses amis Joseph Ropartz? Lakaye, Victor Sumkay, et bientôt Clokers fut également président de Maurice Kunel, à se ressaisir. Le l'Union des Professeurs du Conserva­ 21 juillet 1940 ils forment un comité, toire Royal de Liège de 1954 à 1960. Groupement d'Entraide par l'Art, qui Mais une nouvelle ambition se sai­ va tenter de rassembler les musiciens sit d'Hector Clokers : 'a direction dispersés, de leur procurer un travail d'orchestre le séduit, qu'il va d'ail­ et un salaire. L'orchestre ainsi formé leurs approfondir, peu avant la guerre, donne son premier concert le 28 juillet à Berlin, auprès de Clemens Krauss. à l'Acclimatation. Ainsi prend son En 1934 quelques musiciens amateurs départ une Association qui en 1942 liégeois qui ont décidé de faire de la reçoit le statut d'une A.S.B.L., Les musique ensemble lui proposent de Concerts Permanents, ébauche du prendre la direction de leur orchestre. futur Orchestre de Liège et dont Avec le Cercle Clokers s'ouvre un Hector Clokers assumera jusqu'en nouveau chapitre de sa carrière. 1960 la direction musicale : plus de 60 concerts pendant les deux pre­ L'animateur : Il y a chez un musi­ mières années, 188 concerts au Con­ cien professionnel qui collabore avec servatoire, à l'Acclimatation, ailleurs des amateurs un mouvement qui est encore, de 1942 à I960; une telle le signe d'une véritable générosité : activité étonne quand on pense aux tenter de faire partager aux humbles circonstances, quand on sait à quels de la musique une richesse dont il obstacles elle se heurte, à quelles entend ne pas être le seul déposi­ rivalités même elle donne lieu. taire. Hector Clokers jamais n'a cru déchoir en s'occupant du cercle qui Un Prix des Concerts Permanents porte son nom et qui va bientôt fu­ est encore aujourd'hui accordé à un sionner en 1940 avec l'orchestre que lauréat du Conservatoire. Le souvenir d'Hector Clokers ne peut être dissocié dirige Maurice Dambois, le Cercle de cette longue action qui tenta pen­ royal des Amateurs. L'un des prési­ dant vingt ans de donner aux musi­ dents du cercle, John Soubre, a qua­ ciens liégeois un travail permanent lifié l'action qu'a menée pendant et un statut encore imparfait mais vingt ans Hector Clokers en tant qui devait, avec la création de l'Or­ que chef d'orchestre à la tête des chestre de Liège en 1948, redéfini en Amateurs « d'inoubliablement fé­ 1960, prendre sa forme définitive. conde ». Un geste résume toute l'ami­ tié que portait Clokers à ses amis A Verviers : Violoniste, pédagogue, amateurs et l'importance qu'il accor­ chef d'orchestre : en 1955 Hector dait à leur action. En mai 1953, lors Clokers ajoute un titre à ses multi­ du retour du cœur d'Ysaye dans sa ples occupations. Le voilà directeur ville natale, cérémonie dont il avait du Conservatoire de Verviers, l'in­ pris l'initiative, il tint à associer les stitution du genre la plus florissante « Amateurs » à cet hommage en les de Wallonie. Des maîtres l'ont précédé mêlant aux musiciens de l'Orchestre dans cette charge. De l'avis unanime de Liège, tant au concert qui se dé­ des Verviétois, Clokers fut à la hau­ roula au Théâtre Royal qu'au cortège teur de ses devanciers. Grâce à lui qui parcourut, avec la glorieuse reli­ le Conservatoire maintient son excel­ que, aux côtés de la famille d'Ysaye lente réputation ; il y crée de nou­ et de Jacques Thibaud, les rues de veaux cours ; afin de donner aux la ville. professeurs l'occasion d'exercer leur 119 CLOSSET 120

talent en-dehors de la classe, il orga- envoya son fils aîné à l'Ecole com- nise les Concerts du dimanche matin, munale d'Herstal (1907-1913), puis dont le succès est tout de suite assuré. à l'Athénée royal de Liège, actuelle- Il reprend la tradition des concerts ment l'Athénée royal I, rue des Cla- symphoniques instaurée par Dengis risses (1913-1919). Ce fut la manière en dirigeant lui-même l'orchestre du de faire, avant et pendant la Première Conservatoire ; les meilleurs solistes guerre mondiale, et encore après défilent sur l'estrade. Hector Clokers celle-ci, dans les milieux d'agents est élu président des Jeunesses Musi- prévoyants, soucieux d'un avenir cales verviétoises et président d'hon- sûr, un avenir de fonction publique, neur des Jeunesses Théâtrales. Hector surtout pour les garçons. Quant aux Clokers et sa femme s'intègrent rapi- filles, elles ne franchiraient les mar- dement dans la vie verviétoise. Les ches de l'enseignement moyen, actuel- rapports du directeur avec le corps lement l'enseignement secondaire, qu'à professoral et les élèves le montrent partir des années 1924-1925, et ce attentif, affable, sévère avec élégance, dans les écoles officielles de garçons. exigeant avec humour. La conception de l'enseignement mixte Mais la maladie le mine déjà. Il se fit jour à cette époque ; je l'ai vu naître à l'Athénée royal d'Hasselt, lutte avec courage. En vain, une tandis que l'Ecole moyenne pour opération ne lui accorde qu'un répit. filles allait devenir le Lycée royal Il s'éteint le 30 août 1965, à l'âge pour filles. de 63 ans. Outre plusieurs distinctions hono- C'est vers la même époque qu'à rifiques belges, Hector Clokers était l'Université de Liège furent délivrés, chevalier de l'Ordre d'Orange-Nassau vers les années 1925-1927, les pre- (), officier de l'Académie miers diplômes de docteur, entre autres de philologie germanique, aux de France (1938) et officier d'Instruc- lle tion publique de France (1945). jeunes filles : M Jeanne Thonet, épouse Albert Gobeaux, bibliothécaire Jacques Mairel. en chef à la Bibliothèque centrale de l'Université de Liège, promotion 1925 ; Archives du Cercle royal des Amateurs. Mlle Simone d'Ardenne, professeur — Archives du Conservatoire royal de ordinaire en philologie germanique de Liège. — Collections des journaux La la même université, en grammaire et Meuse et La Wallonie. — Souvenirs per- littérature anglaises du moyen âge, sonnels de l'auteur. — Souvenirs de la lle femme, de la sœur, des amis et des anciens promotion 1926 ; M Madeleine La- collègues d'Hector Clokers. voy, bibliothécaire à la Bibliothèque centrale de l'université, docteur en histoire, et qui obtint un certificat CLOSSET (François-Lambert-Mi- d'explication de textes en moyen chel-Eugène), professeur ordinaire à néerlandais, promotion 1927. l'Université de l'Etat de Liège, né à François Closset venait à peine de Herstal le 4 février 1900, décédé à précéder cette génération de l'Après- Etterbeek le 15 décembre 1964. guerre de quelques années. En effet, François Closset appartient à cette il fut promu candidat en philosophie lignée d'élite d'agents de l'Etat, issus et lettres, le 15 juillet 1921 ; puis des milieux de fonctionnaires subal- docteur en philosophie et lettres, phi- ternes de la hiérarchie administrative. lologie germanique, le 25 juillet 1923. Lambert Closset, son père, exerça, Sa thèse de docteur porta sur un sujet en effet, la fonction de secrétaire de littérature allemande, mais fut communal d'Herstal, agglomération écrite en néerlandais : Bijdrage tôt industrielle pilote à la fin du siècle betere kennis van de fantasie van Jean dernier dans la banlieue liégeoise ; il Paul Fr. Richter aan de hand van le fit avec droiture et compétence. Il zijn vergelijkingen en metaphora's in 121 CLOSSET 122 den « Quintus Fixlein ». Cette combi­ donné, cette fois en allemand ; The naison académique, un sujet donné Theorie of Romantic Comedy (1902) ; dans une langue germanique, mais Anglo-Belgian Relations Past and Pre­ traité dans une autre langue germa­ sent (1918), écrit en collaboration nique que celle du sujet donné, était avec Herman vander Linden, profes­ une possibilité à cette époque ; elle seur d'histoire de Belgique ; — enfin, pouvait témoigner, de prime abord, le plus jeune, mais aussi le plus savant de l'orientation future très large chez dans le sens philologique du terme, le jeune chercheur, et chez celui qui Joseph Mansion (1877-1937), en même se destinait à l'enseignement. Comme temps classique, orientaliste, germa­ nous allons le voir, ce fut certaine­ niste, pionnier de l'onomastique gan­ ment le cas de François Closset. toise et flamande en ancien et moyen C'est en octobre 1919 que François néerlandais, impressionnant par « une Closset se fit inscrire à la section de » science qui semblait bâtie sur pieux philologie germanique de l'Université » armés », appliquant « à l'analyse des de Liège. » faits linguistiques et à la résolution Il y trouva d'abord, immédiate­ » des équations philologiques les qua- ment après la guerre, l'ancienne géné­ » lités (qu'il tenait) de (son) savant ration de professeurs, qui allaient le » père, professeur d'analyse infinité- former : Frans van Veerdeghem » simale, de calcul intégral et différen- (1849-1932), professeur emèrite le » tiel » (A.-L. Corin, lors de la mani­ 16 mars 1919, éditeur des 2e et 3e li­ festation, organisée en 1929, à l'occa­ vres de l'œuvre hagiographique, Le­ sion des vingt-cinq années de profes­ ven van Sinte Lutgart, de Willem van sorat de Joseph Mansion). Il suffit de Afflighem (1210-1297), en 1277 abbé citer de lui cette œuvre maîtresse des bénédictins de Saint-Trond, ou­ pour l'époque, Oud- Gentsche Naam- vrage édité d'après le manuscrit de kunde (1931), pour donner raison au Copenhague (1899) ; — Henri Bischofî professeur A.-L. Corin. (1867-1940), professeur emèrite en En même temps que cette ancienne 1920, spécialiste de l'œuvre de Th. équipe de professeurs, qui très bien­ Körner, L. Tieck, avant tout de tôt allait céder la place à la nou­ N. Lenau, fondateur à Liège en 1906 velle génération de professeurs, frais du Lülticher Schillerverein, et défen­ émoulus, et sortis de la guerre avec seur de la troisième langue nationale, des conceptions et des méthodes nou­ l'allemand, en Belgique ; — Paul velles, François Closset allait pouvoir Hamelius (1868-1922), auteur d'ou­ bénéficier de l'enseignement d'un trio vrages de littérature flamande, an­ inséparable et inoubliable de jeunes glaise et de littérature comparée, maîtres, qui ont été mes propres en­ entre autres : Histoire politique et seignants de 1925 à 1929 : René Ver- littéraire du mouvement flamand (1894) ; deyen (1883-1949), désigné comme Introduction à la littérature française professeur de langue et de littérature et flamande de Belgique (1921), écrite néerlandaises par Arrêté Royal du sur la base de notes de conférences, 15 décembre 1919; — Adolphe-Léon faites pendant la guerre en Angle­ Corin (1889-1968), qui débuta à la terre, et destinées aux Anglais, « dési- section de philologie germanique pour » reux de s'instruire du passé de la l'enseignement de la langue et de la » Belgique », ainsi que de « notre litté- littérature allemandes, en janvier » rature nationale » ; Die Kritik in der 1920; — Victor Bohet (1887-1948), Englischen Literatur des 17. und 18. qui entra à la section pour l'ensei­ Jahrhunderts (1897), un autre exem­ gnement de la langue et de la litté­ ple d'une thèse doctorale sur un sujet rature anglaises, en mai 1922, Joseph donné, cette fois de littérature an­ Mansion, le doyen d'âge, et le collè­ glaise, mais écrite dans une autre gue hautement respecté, allait les langue germanique que celle du sujet seconder dans leurs tâches jusqu'à 123 CLOSSET 124 son décès, en 1937. C'est sous l'égide pour le retrouver, après une période de cette équipe, jeune et dynamique, d'interruption, à partir du moment que François Closset allait acquérir où j'ai été désigné comme chargé de une formation scientifique et pédago­ cours à la section, par Arrêté Royal gique de chercheur et d'enseignant, du 22 février 1951. en même temps dans le domaine Ce sont ses débuts dans l'enseigne­ allemand, anglais et néerlandais. Nous ment secondaire à Bouillon, puis à allons voir de quelle manière la fin Dînant et à Huy, aussi son passage de sa carrière s'affirmerait de plus en dans l'enseignement normal moyen à plus comme celle d'un néerlandisant, Liège (Fragnée) et l'enseignement aussi bien dans le domaine de la phi­ supérieur de commerce à Mons, qui lologie que de la littérature néerlan­ allaient préparer François Closset à daise. sa tâche de pédagogue et de métho- Sa carrière d'enseignant comme dologue, particulièrement de profes­ professeur de langues germaniques seur d'une didactique spéciale des dans l'enseignement secondaire des langues vivantes, destinée surtout degrés inférieurs et supérieurs, Fran­ aux enseignants des langues germa­ çois Closset la commencera, dès sa niques dans l'enseignement secon­ sortie de l'Université de Liège, en daire de la partie francophone du 1923. C'est ainsi que, du 24 octobre pays. 1923 au 9 janvier 1924, il sera pro­ Comme base de départ, cet ensei­ fesseur à l'Athénée royal de Bouillon ; gnement devait, selon lui, se fonder du 9 janvier 1924 au 5 août 1927 à sur la langue maternelle, dans ce cas l'Athénée royal de Dînant ; du 5 août sur le français, en plus, une connais­ 1927 au 20 février 1936 à l'Athénée sance sérieuse du français. De là son royal de Huy. Du 2 octobre 1933 au Introduction à une didactique spéciale 31 janvier 1936, il enseigna le néer­ des Langues Vivantes (1942), devenue une Didactique des Langues Vivantes landais à l'Ecole normale moyenne e e de l'Etat à Liège (Fragnée) ; du (2 édition, 1950, 4 édition, 1961), 1er février 1936 au 1er octobre 1939, conçue dès le départ comme didac­ les langues germaniques à l'Institut tique pour les enseignants francopho­ supérieur de commerce à Mons. En­ nes belges, et destinée à des étudiants tretemps, il avait été désigné, par francophones belges. Il n'empêche Arrêté Royal du 19 mars 1934, comme que l'ouvrage fut traduit en néerlan­ chargé de cours de troisième catégorie dais sous le titre Inleiding tot de didactiek van de Levende Talen (1954, (half time), pour le cours de métho­ e dologie spéciale de l'anglais, de l'alle­ 2 édition, 1961) par l'auteur lui- mand et du flamand, et pour les même, adapté en langue yougoslave exercices qui s'y rapportent, à la par Marinka Brujic (1953), et traduit en langue espagnole par Julio Landò Faculté de philosophie et lettres. Alonso (1958) ; il semble donc que C'est à cette époque que j'ai appris cette méthodologie spéciale, conçue à le connaître, moi-même ayant été de prime abord en vue de l'enseigne­ désigné comme assistant au service ment en Belgique (en France) des de langue et de littérature néerlan­ langues vivantes germaniques, ait pu daises du professeur René Verdeyen er contenir suffisamment d'éléments pour le 1 mars 1932 (Arrêté Royal du pouvoir s'affirmer comme une métho­ 15 février 1932), et y ayant été main­ dologie générale, pouvant être utile tenu pour un terme de deux ans, à er pour l'enseignement des langues vi­ partir du 1 mars 1934 (Arrêté Royal vantes, à l'étranger. du 27 mars 1934). J'y ai fonctionné jusqu'au 5 novembre 1938 (Arrêté Après sa désignation à l'Université Royal du 5 novembre 1938), et ai de Liège comme chargé de cours de donc connu de près François Closset troisième catégorie (half time) pour à la section de philologie germanique, le cours de méthodologie spéciale de 125 CLOSSET 126 l'anglais, de l'allemand et du flamand, germanique, « en remplacement du et pour les exercices qui s'y rappor­ professeur R. Verdeyen », que René tent, François Closset eut l'avantage, Verdeyen fit, en même temps que la à partir de 1937, de voir étendre ses partie moyen âge, de 1919 à 1949. attributions académiques, à plusieurs C'est à la même occasion qu'en 1950 reprises. le professeur Willem Pée fut chargé, En effet, par Arrêté Royal du pour ce cours, de 1950 à 1957, — date 23 janvier 1939, il fut nommé chargé à laquelle il passa de l'Université de de cours de première catégorie (full Liège à l'Université de Gand —, de time), et ce pour les exercices philo­ la partie philologique ; le professeur logiques sur le flamand, partim : pre­ Joseph Moors allait le reprendre, à mière année candidature, « en rem- partir de 1958. » placement du professeur J. Mansion, A la date du 15 juin 1958, et renou­ » décédé ». A la même occasion, il fut velé le 29 juin 1959, il fut permis à désigné pour le cours facultatif d'or­ François Closset de faire, en dehors thophonie, partim : orthophonie des de ses attributions ordinaires, un langues germaniques, candidature, cours libre de langue, non plus fla­ « en remplacement du professeur Henri mande, mais néerlandaise, repris du » Grégoire, qui en a été déchargé sur professeur Willem Pée, qui le fit de » sa demande ». Joseph Mansion dé­ 1939 à 1958, cours ayant été repris, céda, le 8 novembre 1937. Henri Gré­ sous l'intitulé ancien de langue fla­ goire introduisit une demande de mande, du professeur René Verdeyen, décharge, acceptée par Arrêté Royal, qui le fit de 1920 à 1939. En effet, le 25 janvier 1939 ; il fit le cours par un Arrêté Royal du 11 février d'orthophonie des langues germani­ 1958, pris sur avis conforme des ques, depuis le 15 janvier 1921. C'est quatre universités belges à cette épo­ en 1939 que François Closset eut que, et par suite d'une proposition de également comme collègue le profes­ la Faculté de philosophie et lettres, seur Willem Pée, désigné pour la acceptée par le Conseil académique grammaire historique du néerlandais ; de l'Université de Liège en sa séance celui-ci reprit ce cours du professeur du 15 mai 1958, le texte des lois sur René Verdeyen, qui l'avait fait de la collation des grades académiques 1919 à 1939. Willem Pée lui-même et du programme des examens uni­ fit le cours de 1939 à 1959, quand, versitaires, coordonnées le 31 décem­ en 1959, il le passa au professeur bre 1949, fut ainsi modifié : les mots Joseph Moors. α flamand » et « flamande » ont été remplacés par « néerlandais » et « néer­ C'est par Arrêté Royal du 21 juillet landaise » (Moniteur du 28 mars 1958). 1942 que François Closset fut promu professeur ordinaire, avec effet rétro­ Quand on examine de près les actif, à partir du 1er janvier 1942. activités professionnelles de François En 1950, par suite du décès du pro­ Closset, à partir du professeur de fesseur René Verdeyen, le 9 octobre l'enseignement secondaire au profes­ 1949, François Closset vit, une fois seur de l'enseignement supérieur, en de plus, étendre ses attributions. En passant par le rôle qu'il a joué comme effet, par Arrêté Royal du 21 décem­ membre, vice-président et président bre 1950, et dans le cadre de la suc­ de plus d'une association nationale et cession René Verdeyen, il fut désigné internationale, il faut constater, non pour deux nouveaux cours, cette fois seulement une continuité, mais encore de littérature : histoire approfondie une unité entre sa conception de l'en­ de la littérature flamande, licence en seignement en général et celle de philologie germanique, que René Ver­ l'enseignement des langues vivantes, deyen fit de 1919 à 1949; exercices surtout germaniques, à l'endroit même philologiques sur le flamand, partim : où a lieu le passage du secondaire au partie littéraire, licence en philologie supérieur. Il suffit, pour s'en convain- 127 CLOSSET 128 ere, de se rendre compte de ses con­ sans pour autant exclure certains ceptions pédagogiques et méthodolo­ automatismes, et cela en faisant faire giques en matière d'enseignement des exercices traditionnels, thèmes et actif et vivant de la langue mo­ versions, devoirs parlés et écrits, des derne, conceptions qui, tout en étant elocutions sur des sujets, ou d'un nouvelles, l'empêchaient cependant caractère général, ou d'une portée par­ d'adopter des points de vue par trop ticulière, voire nationale, tels que les extrêmes. Une même conception pru­ voyages dans le pays, ou à l'étranger, dente se fit jour chez lui en matière les us et coutumes, le commerce, d'enseignement de la littérature néer­ l'industrie, l'économie, les arts et les landaise, d'explication de textes lit­ lettres, certaines formes de culture téraires néerlandais et de critique générale, en Belgique, en Allemagne, littéraire néerlandaise, sans que pour en Angleterre, aux Pays-Bas. Pour cela il abandonnât l'étude des litté­ ce faire la langue à utiliser, donc à ratures allemande et anglaise. parler et à écrire assez couramment, Pour ce qui est du premier domaine, devait être celle du « bon usage », — l'enseignement actif et vivant de la pour ce qui est du néerlandais, la langue moderne, dans son chef des lan­ deuxième langue nationale, si possi­ gues modernes germaniques, dont il ble ΓΑΒΝ (Algemeen Beschaafd Ne­ derlands), était le responsable à l'Université de teintée toutefois plutôt de « hollandismes » que de « flandricis- Liège, en tant que professeur de la mes ». méthodologie spéciale des langues ger­ maniques —, l'attitude pédagogique C'est de ces préoccupations que et didactique de François Closset fut, sont nés chez François Closset une à l'époque, les années 1934-1964, pour série de manuels d'enseignement pra­ le moins rénovatrice, pour ne pas dire tique, avant tout de la langue et de combattante, sans pour cela verser, la civilisation néerlandaises, devenues — comme je viens de le dire —, dans pour une grande partie ses domaines des expériences ou des réformes, dé­ de prédilection : Door Nederland pourvues de logique et de bon sens (1930), De kleine Correspondent (1931), élémentaire. Kantteekeningen bij « Door Nederland » Au départ, il s'est en effet toujours (1938), Nederland in een Notedop tenu au point de vue de l'enseigne­ (1952), mais aussi, — déjà citée —, ment de la langue moderne étrangère, cette Didactique des Langues Vivantes à partir de la langue maternelle, donc (1950), traduite en néerlandais sous celle-ci étant considérée en tant que le titre Inleiding tot de didactiek van première langue moderne. De par sa de Levende Talen (1954), ouvrage où, position d'enseignant dans l'enseigne­ théoriquement, le o système Closset » ment secondaire et supérieur dans la a été exposé, en partant du général, partie française (francophone) de notre pour atteindre au particulier. pays (Wallonie, Bruxelles), il s'agis­ II suffit de parcourir la division de sait pour lui et ses élèves de partir l'ouvrage, pour s'en convaincre : d'une connaissance approfondie du lre Partie, la formation pédagogique français, pour aborder après, par com­ des professeurs de langues vivantes, paraison, l'étude de la deuxième lan­ particulièrement en Belgique ; 2e Par­ gue moderne, germanique dans ce cas, tie, les principes, où l'ensemble de la e l'allemand, l'anglais, le néerlandais. méthode est explicité ; 3 Partie, la De plus, cet enseignement ne pouvait pratique, où la matière est étudiée être selon lui un enseignement de pure par rapport à la prononciation, le mémoire ; il s'agissait au contraire, vocabulaire, le vocabulaire de base, tout en tenant compte des aptitudes la grammaire, l'enseignement culturel, personnelles de l'élève, de travailler suivie de considérations sur les exer­ avec lui patiemment, progressivement, cices oraux, les exercices écrits, la du plus simple au plus compliqué, traduction, la lecture et l'explication 129 CLOSSET 130 de textes, la dramatisation de textes en 1934 une association bilingue, lus ; 4e Partie, les moyens auxiliaires l'Association des Professeurs de Lan­ de l'enseignement des langues vivan­ gues Vivantes - Vereniging Leraren tes, le matériel didactique, la radio, Levende Talen, dont l'organe était le film, le phono, les contacts avec la Revue des Langues Vivantes - Tijd­ l'étranger. Comme on peut le consta­ schrift voor Levende Talen, toujours ter, il s'agit bien d'une didactique existante. qui, à l'époque, se trouvait à la croi­ Actuellement, la revue s'intéresse sée des chemins, entre un enseigne­ aux problèmes les plus avancés des ment dit traditionnel et un enseigne­ sciences linguistiques et littéraires, ment dit rénové, mais dans le bon tout en maintenant l'accent sur les sens, le sens non dogmatique du terme. problèmes de didactique, objet prin­ Dans des domaines plus particuliers, cipal auquel pensait son fondateur. mais dans un même esprit, Fran­ Quant à l'Association, elle a disparu. çois Closset édita aussi : Deutscher C'est aussi à partir de cette époque, Handel und Wandel, Einführung in l'Entre-deux-guerres, que François die deutsche Handelskorrespondenz, Closset allait se tailler une place en nebst Einblicken in das Wirtschafts­ vue parmi les représentants, collègues, leben, édité en collaboration avec Ie savants et organisateurs, des milieux professeur A.-L. Corin, son maître de la didactique internationale. Pour et ami (1934), Nederland's Handel en ne citer que quelques exemples, dans Verkeer, Inleiding tot de Nederlandsche le monde de l'enseignement des lan­ Handelscorrespondentie en het econo­ gues vivantes, de la politique natio­ mische en sociale Leven (1941), ainsi nale et internationale de la jeunesse, qu'une Phonétique de la langue néer­ et des accords culturels : à l'Unesco, landaise (1938), d'une grande utilité où il fut membre de la Commission à l'époque où il se fit jour, avant nationale de l'Unesco, président de la que les sciences phonologiques ne Commission des Mouvements de Jeu­ prennent le relais, un véritable en­ nesse de l'Unesco ; à Bruxelles, où il gouement pour les sciences phonéti­ fut membre des Commissions mixtes ques. D'ailleurs, ses collègues, les pro­ pour l'Application des Accords cultu­ fesseurs V. Bohet et A.-L. Corin, le rels belgo-danois, belgo-luxembour- premier pour la phonétique de l'an­ geois, belgo-néerlandais, belgo-norvé- glais, le second pour celle de l'alle­ giens. Il fut encore président de la mand, en avaient donné l'exemple. Commission belgo-néerlandaise Effec­ tue civilis', président de la Fédéra­ A la suite de cette didactique des tion internationale des Organisations langues vivantes, spécialement ger­ d'Echanges scolaires, président hono­ maniques, vue d'une manière théori­ raire du Conseil national de la Jeu­ que, et pour mettre en pratique ses nesse, président d'honneur de l'Asso­ conceptions, François Closset, encou­ ciation internationale des Professeurs ragé en cela par le professeur A.-L. Co­ de langues vivantes. C'est dans ces rin qui en avait pris l'initiative en organisations qu'il propagea, aussi 1930, allait prendre la direction d'un bien sur le plan international que na­ Bureau belge pour les Echanges estu­ tional, ses idées et ses projets, pour diantins ; en 1945, ce bureau allait le moins salutaires, jusqu'à sa mort. devenir la fondation La Jeunesse belge à l'Etranger, avec son siège à Cette notice biographique sur Fran­ la Fondation Universitaire, à Bru­ çois Closset ne serait pas complète, xelles. La fondation existe toujours. si on ne soulignait pas très particu­ Dans un même but, et pour informer lièrement ses contributions à l'étude le personnel enseignant belge, tant et à l'enseignement de la littérature néerlandophone que francophone, des néerlandaise, lui étant d'origine wal­ progrès en matière de pédagogie et lonne. de didactique dans le monde, il fonda Nous avons vu François Closset BIOGR. NAT. — t. XLI. 5 131 CLOSSET 132

écrire une thèse doctorale à l'Univer­ tinua, dans Herwig Hensen (1965), à sité de Liège sur Jean Paul Fr. Rich­ entretenir étudiants et professeurs de ter, un auteur allemand, mais traité la liberté d'esprit et de l'originalité en néerlandais. Ce fut en 1923 ; de littéraire des jeunes écrivains flamands ce fait son éclectisme linguistique et hollandais. Il fit montre de ses commença à s'affirmer. De 1929 à prédilections : Multatuli, A. Vermey- 1935 son intérêt littéraire continuait len, H. Teirlinck, S. Vestdijk, ainsi à se porter sur des sujets de littéra­ que les collaborateurs à la revue ture allemande (L. Franck, S. George, 't Fonteintje (1921-1924) et à Forum G.E. Lessing, E. Reger, E.M. Remar­ (1932-1935), d'une part R. Herreman, que, W.E. Süskind, F. von Unruh), K. Leroux, M. Roelants, d'autre part mais aussi de littérature anglaise M. Gijsen, G. Walschap, W. Elsschot. (S. Butler, J. Galsworthy, A. Huxley, Sa sensibilité, plaçant avant tout D.H. Lawrence, S. Lewis, G.B. Shaw). plutôt la valeur humaine que la valeur Sans doute, en partie par suite de son formelle dans l'œuvre d'art littéraire, mariage à Dinant avec Angèle-Geor- fit en sorte que le critique en lui se gette Manteau, son élève, le 4 avril tint à l'écart, tant de la littérature 1936, et qui allait d'abord seconder symbolisante et esthétisante, que de son père à la Uitg. Mij Onze Tijd, la littérature expérimentale et d'avant- S.V., fondée par Leo J. Kryn, éditeur, garde. à partir du 1er août 1936, de la revue Dans le but d'atteindre le lecteur Onze Tijd, Maandblad voor Letteren, intéressé, aussi bien en dehors que Kunst en Wetenschap, ensuite pren­ dans l'enseignement, François Closset dre la direction, en 1938, de la maison a écrit, sous forme d'esquisses, une d'édition A. Manteau, N.V., Bruxelles, série de synthèses qu'on peut appeler ainsi que, en 1943, des Editions Lu­ de vulgarisation scientifique, mais mière, S.A., Bruxelles, éditrices des bien documentées et bien pensées. Ce œuvres complètes d'August Vermey- sont : Esquisse des littératures de lan­ len, Karel van de Woestijne et Her­ gue néerlandaise (1941), Aspects et man Teirlinck, docteur « honoris figures de la littérature flamande (1943), causa » de l'Université de Liège à la La Littérature flamande au moyen âge date du 14 décembre 1953, ainsi que (1946), Dictionnaire des littératures, des Joyaux de la littérature flamande dans la Collection des Petits diction­ du moyen âge (1949) de François naires des Lettres et des Arts en Bel­ Closset lui-même, celui-ci se dirigea gique (1946), écrit en collaboration peu à peu vers la critique littéraire avec R. Herreman et E. Vauthier, et l'histoire littéraire néerlandaise. Littérature néerlandaise, dans Histoire C'est ainsi que parut de lui, dans générale des littératures, t. II et III (1962). la Série Langues Vivantes de la Revue des Langues Vivantes, en néerlandais C'est aussi au moyen de la traduc­ un premier essai, H. Marsman, M. ter tion du néerlandais en français que Braak en E. du Perron (1940), qui, François Closset fit connaître, en à l'époque, fit date en ce qui concerne Belgique et en France, quelques écri­ l'étude de l'évolution de la littérature vains néerlandais de grande impor­ néerlandaise de l'Entre-deux-guerres, tance : j'ai déjà cité ses Joyaux de la littérature de contestation idéologi­ littérature flamande du moyen âge que et politique antifasciste, avant (1949). Il faut y ajouter : Herwig la lettre. C'est jusqu'à la veille de sa Hensen, Théâtre, Lady Godiva, Ai- mort, notamment dans un essai sur ceste, Agamemnon, présenté et tra­ Herwig Hensen, poète, dramaturge duit par lui (1953) ; Simon Vestdijk et essayiste anversois, représentatif L'Ami brun (De Bruine Vriend), pré· d'un courant d'esprit d'affranchisse­ sente et traduit par lui (1958) ; Her" ment de la personne humaine de wig Hensen, Poèmes (1959), traduit" toute idéologie dogmatique, qu'il con­ par lui, sans présentation ; Maurice 133 COENEN 134

Roelants, Le Joueur de Jazz (De Est-ce l'ambiance créée par l'agi- Jazzspeler), présenté et traduit par tation permanente régnant dans les lui. C'est pour les Joyaux, dédiés au rues et ruelles des « Marolles », ou professeur A.-L. Corin, qu'il se vit sont-ce ses sentiments humanitaires attribuer, en 1962, le Prix de la Tra- innés qui conduisirent Coenen à pren- duction de l'Etat belge. dre part aux actions du Parti Ouvrier Belge dès son jeune âge? Ces der- Mathieu Rutten. niers sans doute, auxquels tous les témoins sont sensibles. Un de ses Publications : Les publications de Fran- instituteurs déclare que « Coenen çois Closset ont été recensées d'une ma- » est un des meilleurs élèves de nière très complète dans une bibliogra- » l'école n° 7 ; il se distingue non seu- phie, établie par ses anciens assistants, » lement par son intelligence, mais MM. R. Galderoux, L. Gillet, M. Lemaire » aussi par ses qualités d'affection et et J. Quenon, dans la Revue des Langues e » de bon cœur à l'égard de ses cama- Vivantes, 31 année, 1965, 1, p. 12-13. » rades ». Un autre enseignant signale « François Closset (1934) », dans Liber que c'est un enfant très doux auquel, memorialis. L'Université de Liège de 1867 à 1935. Notices biographiques, t. 1, Liège, à cause de sa belle conduite, fut con- 1936, p. 635-636. — I. Simon, « Soixante fiée la mission d'aide-bibliothécaire années de philologie germanique à l'Uni- à la Bibliothèque publique. versité de Liège », dans Bulletin trimestriel Ayant perdu son père très tôt — ce- de l'Association des Amis de l'Université de Liège, 22e année, n° 4, octobre-décem- lui-ci était treillageur —, Coenen bre 1950, p. 15-51. — M. Lemaire, « In devint le soutien de sa mère, Marie Memoriam François Closset (1900-1964) », Stas, épuisée par la mise au monde dans Revue des Langues Vivantes, 31e an- de treize enfants ; ouvrier confiseur née, 1965, n° 1, p. 3-7, portrait photogra- ses patrons n'ont que des compli- phique. — K. Jonckheere, « Frans Closset, ments à lui adresser : l'un d'eux Minnaar van het Nederlands », ibidem, l'estime très intelligent ; un autre p. 8-11. — M. Butten, t François Closset regrette son départ de l'usine et c'est (Herstal, 4 februari 1900 - Etterbeek, de- ainsi qu'on apprend que le jeune cember 1964) », dans Jaarboek van de Maaischappij der Nederlandse Lelterkunde homme, ayant refusé le bénéfice des te Leiden, 1964-1965, Leiden, 1965, p. 128- secours de l'assistance publique pour 139. — M. Rutten, « François Closset sa mère, gagnait huit francs par mois (1900-1964) [1934] », dans Liber memoria- ou cent francs par an. lis. L'Université de Liège de 1936 à 1966. Tout cela serait banal et ne méri- Notices biographiques, t. II, Liège, 1967, p. 204-231. terait pas de longs commentaires si nous ne retrouvions, en 1905, Louis Coenen, secrétaire de la Jeune Garde socialiste, sur les bancs de la Cour COENEN (Louis-Jean-Baptiste), d'Assises du Brabant, accusé d'avoir conseiller communal, échevin et bourg- méchamment et publiquement atta- mestre de Saint-Gilles-lez-Bruxelles, qué la force obligatoire des lois orga- né à Bruxelles le 24 février 1881, niques de l'armée et de la discipline décédé à Schaerbeek le 23 août 1965. militaire, ou provoqué à y désobéir, Louis Coenen vit le jour dans une le tout sous le couvert de l'article 2 famille modeste, au cœur des quar- du décret du 2 juillet 1831. tiers populaires de la capitale, à proxi- En réalité il s'agit d'un article ré- mité d'une ancienne synagogue de- digé par Coenen et publié en pre- venue, par la volonté des fondateurs mière page du journal La Caserne, du Parti Ouvrier Belge, la « Maison distribué par les soins des jeunes du Peuple de Bruxelles », immeuble gardes socialistes aux miliciens appe- précédant le bâtiment conçu par l'ar- lés sous les drapeaux, qui fait ainsi chitecte Victor Horta et détruit en l'objet de poursuites. Le ton en est 1965. vif et les termes non équivoques : 135 COENEN 13G c'est une protestation véhémente con­ responsabilité légale du contenu de tre le système de remplacement alors ce quotidien. En effet, il ne tarda en vigueur, d'une part, et un appel pas à devenir l'éditeur responsable à la désobéissance, d'autre part. Ce du moniteur du Parti Ouvrier Belge .n'est pas le premier contact de Coenen et le restera pendant près d'un demi- avec la justice. L'année précédente, siècle ; à ce titre, ses démêlés avec en 1904, le Conseil général de la les autorités judiciaires vont se mul­ Jeune Garde socialiste avait publié tiplier dans d'étonnantes proportions. une grande affiche illustrée à l'occa­ Mais, sur une autre scène, Louis sion du tirage au sort ; le Parquet Coenen va jouer un rôle non négli­ de Bruxelles s'était élevé contre les geable d'abord, important ensuite, allégations qui y figuraient et ordonné essentiel enfin. Le 15 octobre 1911, une action envers les responsables : il est élu conseiller communal et le Louis Coenen, Henri de Man et d'au­ 9 janvier de l'année suivante, il entre tres membres dudit Conseil général. à l'hôtel de ville de Saint-Gilles, où il Mais les intéressés bénéficièrent d'un est le plus jeune membre du Conseil. non-lieu. Au sein de cette assemblée, son tem­ Le procès eut immédiatement une pérament généreux le pousse aussitôt portée politique importante ; après aux initiatives hardies ; mais la guerre avoir qualifié Coenen de « grand cri­ interrompt cette naissante carrière minel », M. l'avocat général Servais tout en lui donnant l'occasion de ma­ estima que l'inculpé compromettait nifester ses sentiments patriotiques. la patrie, que la propagande antimi­ Entre 1914 et 1918, il préside aux litariste était immorale et rappela destinées d'une cantine, participe aux que ces idées « anarchistes » avaient distributions de dons et de secours été déférées au jury trente-deux fois aux sans-travail, est membre du co­ et vingt-sept fois condamnées. Les mité des magasins communaux et de plaidoiries des avocats de la défense, la section locale du Comité de secours Maîtres Charles Gheude et Emile et d'alimentation. Il prête son con­ cours à l'Œuvre des Orphelins de la Royer furent éloquentes, passionnées guerre, à l'Œuvre du Sou et fait par­ et chaleureuses ; curieusement et ainsi tie du conseil d'administration du que l'avait d'ailleurs voulu l'avocat Foyer des Orphelins. général, c'est sur le plan moral que le débat se développa. C'était là un En 1919, il est appelé à remplacer terrain solide et la défense s'y ha­ Antoine Delporte, décédé, et devient sarda hardiment. En fin de compte, titulaire de l'échevinat des Travaux après une courte délibération, le publics. A la tâche qui lui incombe jury n'hésita pas et répondit négati­ dès lors, Coenen va se donner sans vement à l'unique question posée. restriction ; il fera construire une Louis Coenen fut donc acquitté sous cantine scolaire et aménager une les applaudissements d'une foule nom­ école en plein air, « La Roseraie », à breuse difficilement contenue par d'im­ laquelle il accordera une attention portantes forces de police. vigilante et continue. II réorganisera Ainsi se déroula la jeunesse de les services de la voirie et fera amé­ Coenen, qu'on appela parfois « un nager des jardinets, soucieux avant la enfant du Parti Socialiste », militant lettre de l'environnement et de la infatigable, jetant à l'occasion un qualité de la vie. explosif dans un soupirail de la Ban­ En 1929, il remplit pendant six que Nationale, travailleur acharné à mois et à la satisfaction générale les qui nulle facette de l'activité politi­ fonctions de bourgmestre. Il admi­ que, syndicale, coopérative et éduca­ nistre également le Foyer Saint- tive n'était étrangère, employé au gillois, la Compagnie intercommunale service publicité du journal Le Peuple des eaux. Il est membre du conseil et qui allait bientôt accepter la lourde général de l'Union des villes et pré- 137 COENS 138 sident de la Commission d'appel près magistrature de la cité mais, ayant la Commission d'assistance publique. été réélu, il prend place à nouveau Quand survient la seconde guerre au sein du Conseil communal et ce mondiale, puis la défaite et l'occupa- pour six ans encore, c'est-à-dire jus- tion de la Belgique, Coenen repousse qu'au 7 janvier 1959. toute résignation. Dans son chef, la Louis Coenen était une figure aimée collaboration avec l'ennemi et ses et particulièrement connue dans les séides, sous quelque forme que ce rangs du Parti Socialiste Belge. soit, est exclue ; aussi, est-il bientôt Il était Officier de l'Ordre de Léo- membre du groupe Socrale el aide pold, Officier de l'Ordre de Léopold II activement les réfractaires ; ce qui lui avec palme, Chevalier de l'Ordre de vaut d'être emprisonné par les Alle- la Couronne, Chevalier de la Légion mands, lesquels le libèrent quelque d'Honneur et titulaire de la « Médaille temps après suite à une erreur com- du Roi pour courage dans la cause mise par leurs propres services 1 II de la liberté » (britannique), de la diffuse des journaux clandestins, Le décoration américaine « Freedom », de Peuple, La Voix des Belges et le faux la Croix de guerre 1940 avec palme, Soir ; il est sans cesse sur la brèche ; de la médaille commémorative 1940- aussi, la citation qui justifie l'octroi de la « Médaille du Roi » (britannique) 1945 avec deux sabres croisés, de la est-elle rédigée comme suit : «... a médaille de la Résistance, de la croix » pris part aux activités de la Rési- du Prisonnier politique 1940-1945, de » stance depuis septembre 1940 ; a la médaille commémorative française » organisé le sabotage des plans alle- de la guerre 1939-1945 avec barrette » mands en Belgique ; a assuré le libération ; de la croix civique de pre- » succès des missions accomplies par mière classe, de la médaille de pré- » des agents parachutés de Londres voyance de première classe, de la » en Belgique et exécuté leurs ordres médaille industrielle de première » ou en recevant et leur donnant le classe. » plus de renseignements possible ». Robert Aba. Le 4 février 1947, un arrêté du Archives de la commune de Saint-' Régent nomme Louis Coenen bourg- Gilles. — Archives de l'Institut Emile mestre de Saint-Gilles ; à ce poste, Vandervelde, à Bruxelles. — L. Bertrand, Histoire de la démocratie et du socialisme où il gère les affaires générales, la en Belgique depuis 1830, Bruxelles-Paris, police et la régie, il se fait apprécier 1906. — JubiU administratif de M. le par l'ensemble de la population ; de Bourgmestre Louis Coenen, 1912-1948. — plus il assume la charge d'échevin de Le procès de La Caserne, abonnement Ger- l'instruction publique et des beaux- minal, Gand, Volksdrukkerij, 1905, 52 pa- arts. Au cours de la célébration du ges. — Collection du journal Le Peuple. jubilé administratif de Louis Coenen, en 1948, celui-ci s'exprima en ces termes : « Le contact journalier des COENS (Maurice), prénoms décla- » réalités, tout en faisant mieux res- rés à l'état civil: Pierre-Marie-Mau- » sortir, par contraste, la hauteur de rice, bollandiste, né à Anvers le 30 mai » l'idéal que l'on s'est assigné, stimule 1893, décédé à Bruxelles le 8 janvier » l'énergie que l'on déploie pour y 1972. » atteindre ». C'est là son credo et Né d'une famille d'assureurs d'An- une synthèse de la vie publique de vers, Maurice Coens fit ses humanités cet homme modeste mais efficient au collège des Jésuites de la ville et, qui, depuis sa jeunesse et sans désem- à leur issue, en 1911, il entra dans parer, s'est mis au service de ses com- la Compagnie. Conformément aux patriotes. orientations de celle-ci à l'époque, il Après les élections communales de fut d'abord destiné au professorat et 1952, Coenen abandonne la première engagé dans la philologie classique. 139 COSPEAU — CUTSEM 140

Sa candidature, un moment interrom- une trentaines de ces dernières, dans pue en août 1914, et sa philosophie des études qui restent exemplaires. achevées, il fut, de 1918 à 1920, dans sa cité natale, titulaire de troisième, Léopold Genicot. puis de poésie. Avec succès car ses L. Genicot, « Notice sur Maurice Coens >, goûts le portaient vers la littérature ; dans Académie royale de Belgique, An- il avait entamé une collaboration de nuaire, t. CXXXIX, 1973, p. 193-215, critique au Mercure de France et il avec relevé des travaux du Père Coens. ne cesserait de confier à des sonnets ses sentiments, ses aspirations, ses nostalgies. Mais ses supérieurs modi- COSPEAU (Adrien), médecin, né fièrent son avenir. En 1920, le père à Mons le 5 février 1618, y décédé le Delehaye, senior des bollandistes, 17 août 1684. avait besoin de forces fraîches. Le Fils du jurisconsulte Pierre Cospeau, visiteur provincial lui donna trois avocat à la Cour Souveraine de Hai- jeunes collaborateurs, dont Maurice naut, et de Catherine Cousin, il pos- Coens. Celui-ci avait été initié à l'his- tula une première fois en 1654 la place toire, en candidature, par les Pères de médecin pensionnaire de la ville Malou et Fabry. Il compléta cette de Mons, mais sa candidature ne fut formation, en théologie, avec les pas retenue. Ce ne fut que le 17 juil- Pères J. de Ghellinck et le Père Char- let 1655 qu'il fut admis à ce poste. les, qui l'introduisirent à la patrologie et l'hymnologie, puis à Bonn, dans le En 1658, il publia, à Mons, chez la séminaire de W. Levison. Dès lors, veuve de Jean Havart, un ouvrage il consacra toutes ses forces, que son intitulé De Febre maligna, sive de état de santé entama progressivement febre horum temporum dialogus. Le sans en avoir jamais raison, à l'élabo- 9 juin 1650, il avait épousé Françoise ration d'une centaine d'articles d'ha- Debraine. giographie, indépendamment d'une Robert Wellens. foule de comptes rendus et de notices Archives de la Ville de Mons. — A. bibliographiques. Rien que des arti- Mathieu, Biographie montoise, Mons, 1848, cles. Pas de livres. Quelques aperçus p. 290. — H. Rousselle, Annales de l'im- généraux, pour la plupart à l'usage primerie à Mons depuis 1580 jusqu'à nos de ses confrères de l'Académie royale jours, Mons, Bruxelles, 1858, p. 311 de Belgique, dont il fut élu membre (n° 354). — T.-A. Bernier, Dictionnaire associé en 1954 et effectif en 1960. biographique du Hainaui, Angre, 1871, p. 47. — E. Matthieu, Biographie du Bai- Membre de la Commission de la Bio- er graphie nationale depuis le 4 octobre naut, t. I , Enghien, 1902-1905, p. 139- 140. — B. Wellens, « La littérature médi- 1965, Maurice Coens fut vice-président cale à Mous aux xvn» et xvni" siècles », de cette commission du 2 mai 1967 dans Mémoires et Publications de la Société jusqu'à son décès. Son tempérament, des Sciences, des Arts et des Lettres du tout de réserve, et son souci de rigueur Bainaut, t. 88, 1977, p. 36. le confina, même quand il eut pris la direction des bollandistes en 1950, dans l'érudition et la monographie. COSTENOBLE (Philostène). Voir Il dressa des catalogues de manuscrits GHELDERODE (Michel DE). hagiographiques de villes allemandes, se pencha avec prédilection sur textes et épisodes de la vie des bienheureux CUTSEM (Henri-Emile VAN), mé- de l'Escaut, de la Meuse et du Rhin cène et collectionneur, né à Bruxelles et se fit une spécialité de la critique le 25 décembre 1839, décédé en son des nomenclatures de saints : calen- château de Ronfay à Ochamps (pro- driers, martyrologes et surtout lita- vince de Luxembourg) le 13 septem- nies. Il a rassemblé, analysé et publié bre 1904. Henri Van Cutsem était un pur 141 CUTSEM 142

Brabançon, son ascendance paternelle le texte les poètes et les romanciers était du Brabant wallon et sa grand- allemands et espagnols, il était pas­ mère paternelle du Brabant septen­ sionné de musique et fut parmi les trional. défenseurs de Wagner si discuté à De cette origine, il avait la finesse Paris. d'esprit latine d'une part et de l'au­ Il avait un cœur et une sensibilité tre, le sens positif des choses. d'artiste, une grosse fortune qui lui Héritier d'intellectuels et de ma­ permettait d'accorder une généreuse nuels, il conservait des uns le respect hospitalité à ses amis. et la pratique du travail et des autres Il s'était entouré dans sa maison l'amour des spéculations morales qui de la rue des Cendres d'un groupe de supplantait les préoccupations maté­ peintres, de sculpteurs, de musiciens rielles. et d'écrivains, tels Henri De Braeke- La grand'mère paternelle d'Henri leer, Stobbaerts, Verstraete, Théo Van Cutsem, Marie-Claire de Cort Hannon, A.-J. Wauters et de jeunes, (1777-1851) épouse de Jean-Baptiste doués qui avaient besoin d'encoura­ Van Cutsem, était l'arrière-petite- gement et de soutien. fille de Jean-Hyacinthe de Cort (1656- Découvrant un jeune talent à un 1730), seigneur d'Hilvarenbeke et de concours d'académie, il sert une pen­ Dussen, avocat au Conseil de Brabant. sion à sa famille et assure les études Les Van Cutsem, gentilshommes à Paris du sculpteur Guillaume Char- campagnards, étaient originaires du lier. Brabant septentrional, leurs armoiries Il en fera son ami le plus intime, affirmaient leur origine terrienne : le formera par des lectures, des voya­ d'azur à deux faucilles affrontées em­ ges, l'Italie, la Sicile, le Maroc, les manchées, les pointes vers le chef entou­ festivals de Bayreuth. rant une rose. Frappé dans ses plus chères affec­ Le père d'Henri, Joseph-Adolphe, tions — il perd en un an, sa femme, avait suivi avec succès les cours d'ar­ son jeune fils, son frère et sa sœur. chitecture de l'Académie de Bruxelles. Resté seul, sans proche parent, il A Paris, il fut l'un des élèves les plus se tourne vers l'art pour donner un brillants du plus pur des maîtres sujet à son besoin d'admiration, vers classiques français, Jean-Dominique les artistes pour trouver à qui dis­ Ingres qui le considérait comme son penser sa bonté. meilleur disciple et fondait sur lui les Il vendit l'Hôtel de Suède et amé­ plus grandes espérances. nagea l'immeuble de l'avenue des La mort inopinée de son père le Arts, aujourd'hui musée Charlier. rappela à Bruxelles où la direction Il confia ce travail à Victor Horta, d'importantes affaires de famille ne jeune architecte au talent prometteur lui permit plus de se consacrer à qui réussit une parfaite adaptation l'art. du rez-de-chaussée en deux salles Henri Van Cutsem, après avoir d'exposition admirablement éclairées pris son diplôme de docteur en droit et intégrées aux salons de réception. à l'Université de Liège, subit la même C'est là qu'il créa cette atmosphère destinée que son père. Il dut repren­ enrichissante toute empreinte de cor­ dre la lourde charge de l'Hôtel de dialité, qui rendait à son existence Suède, rue de l'Evêque, qui était une valeur incomparable. honoré de la clientèle des cours d'Eu­ Ses bienfaits étaient innombrables rope. et toujours si discrets. C'était un homme supérieur par sa Sa générosité s'étendait à la jeu­ sensibilité, ses vastes connaissances et nesse studieuse. Son nom reste atta­ la sûreté de son goût. ché aux prix fondés par lui au Con­ Il aimait les écrivains grecs et latins servatoire royal de Bruxelles, à l'Aca­ autant que les français et lisait dans démie des Beaux-Arts de Tournai, 143 CUTSEM 144 par Chartier au Conservatoire royal vres des protégés, la collection con­ de Bruxelles, à l'Ecole normale de tient de nombreuses toiles achetées Dessin et à l'Ecole de Musique de au gré des expositions, des ventes, Saint-Josse-ten-Noode. Elle permet­ des visites à l'atelier des artistes. tait à Verstraete d'exécuter ses grands Dans ces achats, Van Cutsem sui­ thèmes de la Campine et de la mer, vait son seul jugement, il allait direc­ à Van Strydonck ceux de Machelen tement à l'œuvre qui le faisait vibrer et des Indes. Elle soutenait Agnees- du sentiment du beau. Et il se trom­ sens et Verstraete au déclin de leur pait rarement. vie et veillait à la mémoire de De Dès 1874, ses premiers achats ex­ Braekeleer en lui élevant un mémo­ priment cette liberté de choisir dans rial au cimetière du Kiel (Anvers). des registres différents : L'atelier de Les salons de l'avenue des Arts De Braekeleer, très discuté alors, étaient un havre où artistes, écrivains, chef-d'œuvre de lumière et d'harmo­ musiciens discutaient, s'éclairaient nie, le romantique Chemin creux de mutuellement et reprenaient courage Coosemans où chante la lumière d'au­ auprès de leur protecteur et ami. tomne et ces tableaux sévères de Et puis, il y avait à Blankenberge, Degroux, Pèlerinage à Dieghem et la villa Quissisana sur la digue, où Femme en prière. tout l'été, peintres et amis venaient Sa galerie s'enrichit de marbres et se reposer en famille sous l'attentive de bronzes de Chartier et de Van der et affectueuse hospitalité de Marie Stappen, de Braeke et de Rousseau. Charlier-Agniez. Un atelier avait été Sa collection de peintures et de aménagé où Chartier, Van Strydonck, dessins comprend les grands noms Louis Pion et Van Cutsem mode­ des réalistes et impressionnistes bel­ laient, dessinaient d'après quelque ges et français, Agneessens, Boulen- vieux pêcheur. ger, De Braekeleer, Courtens, Ensor, Le tableau de Van Strydonck Por­ Finch, Meunier, Oleffe, Stevens, Stob- trait d'amis (Collection Van Cutsem, baerts, Van Strydonck, Voghels, Van Musée de Tournai), groupe autour du Gogh, Toorop, Manet, Monet, Seurat, mécène, dans l'atmosphère lumineuse Bastien-Lepage, Fantin-Latour. de la salle à manger, le professeur Dans ce dernier quart du xixe siè­ Henrijean de l'Université de Liège, cle, l'impressionnisme brille de tout les frères Damien, Guillaume Char- son éclat — souvent controversé et Her, André Collin et l'auteur du ta­ moqué —. Van Cutsem admire, il bleau, quelques-uns des habitués de achète l'étude de Fantin-Latour, Ar- la villa. genteuil et Chez le Père Lathuile Un bas-relief de Chartier montre d'Edouard Manet, la Marine de Seu­ les profils du professeur Henrijean, de rat, La Petite communiante de Bastien- sa femme et de sa fillette, le violo­ Lepage, cinq chefs-d'œuvre parmi niste Emile Agniez, beau-frère de les hors pair de cette collection. Chartier, les peintres Verstraete, Désirant en assurer la pérennité, il Struys, Pion, André Collin et l'auteur envisage de la donner à l'Etat, mais de ce bas-relief entourant Van Cutsem. il fut profondément affecté par la Deux témoignages de l'amitié pro­ réponse inopportune d'un haut fonc­ fonde qui unissait ces artistes à leur tionnaire qui, choqué par La Péri- protecteur. mèle de Legendre, voulait se conten­ Et en 1894, quand il reçut la Croix ter de faire un choix. de Chevalier de l'Ordre de Leopold, Louis Pion, peintre tournaisien, ils lui offrirent un album de dessins ami de Chartier et de Van Cutsem, dédicacés et de poésies auquel ils assura ce dernier que Tournai, devant avaient tous contribué. pareille offre construirait un musée A côté des pochades, des études pour y exposer la collection. données en hommage, à côté des œu­ Dans ce but, le bourgmestre Victor 145 GUTSEM 146

Carbonnelle acquit un terrain et de­ Iconographie : Un mémorial en bronze, vant ce geste, Van Cutsem offrit un hommage à Henri Van Cutsem, œuvre et demi-million pour aider à la construc­ don de Chartier, dans l'axe du musée, à tion. l'étage, rappelle les traits du mécène à qui va l'hommage de la poésie, de la mu­ Il exprima son intention formelle sique et des arts plastiques. de donner toute sa collection à ce Un portrait en grisaille, par Louis Pion, musée ; il en désignait l'architecte exprime avec fidélité l'expression de droi­ "Victor Horta. ture et de grande bonté de son ami. Quelques mois plus tard, une mort Dans un admirable buste en marbre de inopinée l'empêchait de réaliser sa Chartier, le collectionneur a soixante ans, ses cheveux mi-longs couronnent son front donation. haut et droit, d'abondants favoris enca­ Guillaume Chartier, qui était son drent le visage. La douceur pensive dee légataire universel et son ami le plus yeux s'accorde avec la bonté spirituelle intime, tint à réaliser le vœu de son de la bouche. C'est un portrait d'une protecteur. grande ressemblance où est profondément marqué le caractère moral de cet homme Le Musée des Beaux-Arts de Tour­ d'élite. nai fut inauguré le 23 juin 1928. S. Pierron, Collection Henri Van Cutsem, Léonce Pion. Paris, Imprimerie L. Beresniak, 1926. D

DAMHOUDER (J.). Voir GHELDERODEdans une librairie de la ville (il y (Michel DE). gagne 7 francs par mois), puis apprenti compositeur-typographe dans divers ateliers avant d'entrer en 1840 comme DAUBY (Joseph), prénoms décla- typographe à l'Imprimerie Lesigne, rés à l'état civil: Jean-François-Joseph,petite entreprise dont il devient rapi- typographe, publiciste, direc- dement la cheville ouvrière. En 1857, teur du Moniteur Belge, né à Bru- il est chef d'atelier. « Les exigences xelles le 21 octobre 1824, décédé à » de la profession qu'il a embrassée, Saint-Josse-ten-Noode le 5 février » secondée par une volonté persévé- 1899. » rante, lui ont fait acquérir par lui- Quiconque s'intéresse au xixe siè- » même une instruction moyenne assez cle a rencontré l'œuvre abondante » solide » écrit-il à son sujet. De fait sino noriginale, souvent intéressante Dauby va rapidement s'intéresser à de Joseph Dauby, concernant la la fois aux pratiques sociales de son classe ouvrière, les grèves, la question temps et à l'observation des faits sociale et les moyens de la résoudre. sociaux. Dès 1843, il adhère à la L'importance accordée à ses livres Société typographique de Secours mu- par ses contemporains est due pour tuels et surtout à l'Association libre une bonne part au fait que Dauby des Compositeurs Typographes créée est lui-même un ancien ouvrier qui en 1842, qui est le premier syndicat selon un modèle idéal, souvent déve- moderne dans notre pays, dont il loppé à l'époque, s'est élevé dans la devient successivement commissaire hiérarchie sociale par ses qualités per- (1848-1850), secrétaire (1857), prési- sonnelles, son travail, son effort auto- dent (1857-1860). didacte. C'est très probablement au contact Fils d'un petit patron bottier-cor- de plusieurs ouvrages de Ducpétiaux, donnier, Dauby ne fréquente l'école de l'Enquête sur la condilion des que de sept à neuf ans, il est ensuite classes ouvrières et sur le travail des obligé de travailler pour contribuer enfants de 1843, dont l'impression est à l'équilibre de l'économie familiale. assurée par la Maison Lesigne, que Son père, selon son propre témoignage, Dauby prend intérêt pour les sciences se serait par trop consacré à la vie sociales naissantes. En 1851, il publie politique et à la garde civique en 1830 un premier ouvrage, primé par la au détriment de ses affaires person- Société médico-chirurgicale de Bruges. nelles. En 1857-1858, comme président, il Dauby est successivement commis mène une importante action syndicale 149 DAUBY 150 en faveur d'une augmentation géné­ Belge, touché par une grève des typo­ rale des salaires et de la fixation d'un graphes. Devenu « patron », Dauby tarif uniforme pour l'imprimerie à est effectivement passé de l'autre Bruxelles qui finit par aboutir dans côté de la barrière sociale. A l'occa­ la plupart des firmes, notamment sion de cette grève suscitée par l'As­ par la création d'une commission sociation Libre qui demande un nou­ mixte paritaire chargée de surveiller veau tarif des salaires, avec plusieurs l'application de l'accord obtenu mais patrons imprimeurs qui refusent d'en­ qui, dans deux importantes maisons, core négocier avec le syndicat, il crée conduisit à un conflit aigu qui fut une société de secours mutuels la porté devant les Tribunaux. Dauby Fraternelle typographique qui a pour ainsi que plusieurs membres ou an­ but essentiel de soustraire à l'in­ ciens membres du comité de l'Asso­ fluence syndicale les ouvriers de leur ciation libre furent condamnés pour entreprise. Il est secrétaire puis prési­ le principe à une amende pour délit dent de la nouvelle société jusqu'en de coalition. Fêté par la corporation 1880, date à laquelle il devient mem­ pour le succès obtenu, Dauby n'en bre de la Commission permanente est pas moins échaudé par l'expé­ des Sociétés de Secours mutuels. rience. Il quitte l'action syndicale et Devenu régisseur du Moniteur Belge se consacre désormais à la Société (1870), puis directeur (1888-1898), il typographique de Secours mutuels reste un observateur attentif de l'évo­ dont il est administrateur de 1860 lution sociale, un expert en matière à 1864. C'est dans la mutualité qu'il de mutualisme. A ce titre il siège voit un des principaux moyens de encore très activement à la Commis­ relever la condition ouvrière. Il crée sion d'enquête, créée par le gouver­ à cet effet en 1860 le Journal de l'Ou­ nement à la suite de troubles sociaux vrier, hebdomadaire qui se voulait dans les bassins industriels wallons être le moniteur des sociétés de se­ en 1886, où il présente d'ailleurs le cours mutuels. En 1863 il consacre rapport consacré aux sociétés de se­ un ouvrage à leur organisation et la cours mutuels. même année tente de regrouper les sociétés existantes lors d'un congrès L'œuvre de Dauby est caractérisée convoqué pour discuter un projet de par deux constantes, l'une de forme, retraite ouvrière élaboré par le baron l'autre de fond. Il s'adresse à la classe de la Rousselière. Avec l'appui de ouvrière pour la moraliser, lui donner Ducpétiaux qu'il connaît certainement un certain nombre de recettes de depuis 1857, il devient le directeur réussite sociale. Son deuxième ou­ de l'imprimerie le Comptoir universel vrage, qui obtient un prix à l'Expo­ d'Imprimerie et de Librairie, qui im­ sition d'Economie domestique orga­ nisée à Bruxelles par Ducpétiaux en prime la Revue Générale, créée par er Ducpétiaux. Il y collabore d'ailleurs 1856 dans le cadre du 1 Congrès durant un an. La disparition de Duc­ International de Bienfaisance et qui pétiaux, à terme, met fin à son rap­ s'intitule Le livre de l'ouvrier ou con­ prochement avec le monde catholique. seil d'un compagnon (Bruxelles, 1857), Fondamentalement libéral, défendant est un manuel de morale pratique à des conceptions individualistes basées l'usage de la classe ouvrière centré sur le Self-Help anglo-saxon, Dauby, sur la famille et l'atelier. Cet ouvrage qui a été admis en 1858 à la loge ma­ rencontre l'approbation de tous les çonnique Les vrais Amis de l'Union milieux dirigeants qui tentent de et du Progrès réunis, est pressenti au le diffuser largement. Entre autres, début de l'année 1869 par le ministre le gouvernement en commande de la Justice Jules Bara (admis à la 500 exemplaires, la Caisse de Pré­ loge le même jour que lui) pour assu­ voyance des Ouvriers Mineurs du rer la réorganisation du Moniteur Couchant de Mons 1200, la loge Les vrais Amis de l'Union et du Progrès 151 DAUBY 152

réunis fait de même. Le livre connaît » la proie facile de la misère et qui quatre éditions jusqu'en 1872 ainsi » conduisent par une pente rapide, qu'une édition en portugais. Dans la » à toutes les défaillances et aux pires foulée de ce succès, Dauby est à la « situations ». Ce texte de présenta­ base de l'organisation de conférences tion est révélateur de l'attitude de à l'usage des ouvriers dans le cadre Dauby et de l'orientation de toute de l'école d'adultes de Saint-Josse- son œuvre. Devenu adversaire des ten-Noode, il participe également à grèves, de l'organisation syndicale qui la création des Causeries populaires ne serait pas corporatiste et qui ne de Saint-Josse sous l'égide de la ba­ mêlerait donc pas harmonieusement ronne Van Crombrugghe. Il donne patrons et ouvriers, Dauby est égale­ notamment une série de conférences ment dès 1865, un violent adversaire qui tendent à prouver que la condi­ de l'Association internationale des tion de l'ouvrier s'est très sensible­ Travailleurs et des organisations bel­ ment modifiée et améliorée dans le ges qui y adhèrent. Un de ses ouvrages cadre du capitalisme industriel libre- les plus connus et les plus utilisés, échangiste. Elles sont publiées sous aujourd'hui encore, est certainement le titre Les classes ouvrières en Bel­ celui consacré aux grèves ouvrières : gique. — Parallèle entre leur condition Aperçu sur l'étal économique et social d'autrefois et celle d'aujourd'hui. Ali­ actuel des classes ouvrières en Belgi­ mentation. Vêtement. Logement. Mobi­ que. Causes et caractères des grèves. lier scolaire. Condition de Travail. Moyens de les diminuer ou de les sup­ Instruction. Niveau moral (Bruxelles, primer. Conditions d'application et 1861). Fort de l'appui de milieux d'exécution (Bruxelles, 1879, Prix Gui- divers tant catholiques (Ducpétiaux) mard de l'Académie royale de Belgi­ que libéraux (Fontainas), La Revue que). Trimestrielle) qui apprécient à sa Excepté en ce qui concerne les juste valeur l'impact potentiel d'un sociétés de secours mutuels qui doi­ tel discours tenu par un « authentique vent prévenir l'ouvrier contre la mi­ ouvrier » sur la classe ouvrière au sère en cas de maladie ou de blessure, sein de laquelle l'agitation sociale Dauby est adversaire de l'organisa­ (grèves du Borinage, de Gand) et les tion ouvrière, il privilégie au con­ efforts d'organisation s'intensifient, traire l'effort individuel basé sur la Dauby crée Le Journal de l'Ouvrier, prévoyance et l'épargne, le travail et hebdomadaire qui paraît durant une la fidélité à l'égard du patron, mais période extrêmement longue pour ce surtout l'instruction, fondement de type de périodique (1860 - septembre la morale et de la discipline person­ à janvier 1869). Le Journal s'efforce nelle, mais aussi l'atelier, instrument selon ses propres affirmations de « gui- de la formation professionnelle. Non » der et de conseiller les travailleurs seulement il développe l'idée de la » dans les situations difficiles, de forti- possible, nécessaire même, ascension » fier les bonnes résolutions, de com- sociale pour régler la question sociale, » battre les mauvaises. Il (montre) aux mais il l'incarne et projette sa propre » ouvriers combien leurs intérêts sont existence dans le débat de cette deu­ » d'accord avec ceux des chefs d'In- xième moitié du xixe siècle. « La » dustrie et (s'attache) à établir avec » porte de la bourgeoisie, écrit-il, est » eux des liens de bienvaillance, de » ouverte à tous ceux qui veulent y » franchise et d'équité. Il (combat) ré- » entrer » (1870). « En Belgique peut- » solument les préjugés qui peuvent » être plus rapidement qu'ailleurs, » faire obstacle à ce désirable et grand » l'ouvrier peut devenir patron ... bien » résultat. Il (combat) surtout les vices » plus, la société tout entière est inté- » de nature à dégrader les travailleurs, » ressée à ce que les avancements et » l'ignorance, l'imprévoyance, l'intem- » les promotions se multiplient dans » pérance qui font trop souvent d'eux » la grande armée des travailleurs » 153 DAVID 154

(1867). Le modèle est incontestable- » sagement l'élévation de ce dernier ment Benjamin Franklin, comme » par la moralité, l'instruction, l'or- tous ceux qui issus d'un milieu mo- » dre et le travail » (1867). deste ont acquis renommée, prestige, Par contre l'idéologie dont il se richesse et dont les biographies illus- réclame et qu'il transmet par ses trent les colonnes du Journal de l'Ou- écrits est indubitablement libérale vrier. Résolument conservateur en ce dans son esprit privilégiant l'effort qui concerne le système économique individuel, le Self-Help, plutôt que et social, intangible, parce que ordre l'effort collectif de collaboration des « naturel » ou o providentiel », consi- classes proposé par le monde chré- dérant que le malaise social n'est pas tien, ou de lutte de classes défini tant le fruit de la situation sociale par les socialistes. que de l'esprit de révolte, de l'igno- Dauby est donc à cette période de rance ou de l'impiété des classes ou- lutte des partis ardente, assez bien vrières, Dauby n'en est pas moins accepté de part et d'autre et obtient porteur d'un projet réformateur, par- pour son œuvre abondante de nom- ticulièrement en matière d'instruc- breuses marques de distinction de tion et d'enseignement, de formation l'Académie royale de Belgique (en professionnelle, à quoi il consacre la 1874-1878-1883), de la Société des plus grande partie de plusieurs ouvra- Sciences, des Arts et des Lettres du ges, par exemple De l'élévation des Hainaut (1871-1873),du Grand Orient classes ouvrières en Belgique au point de Belgique (1871), de La Société de vue moral et intellectuel, Bruxelles, d'Etudes sociales de Paris (1858), 1873. Dans cet ordre d'idée, il colla- outre celles déjà citées. bore dès 1861 au Progrès, organe de Il est également l'auteur de divers la Société centrale des Instituteurs de commentaires sur diverses lois inté- Belgique, au Journal Franklin, organe ressant les ouvriers : Conseils de des intérêts populaires (1867), à Prud'hommes (1859), Sociétés de Se- L'Education populaire, organe de la cours mutuels (1863), de rapports Société des Conférences de l'Ecole sur l'industrie du livre à l'occasion Industrielle de (1877). Il de diverses expositions internationales est également cofondateur de la Ligue (Londres, 1862 ; Paris, 1867 ; Amster- de l'Enseignement de Bruxelles (1864). dam, 1869). Dauby est aussi, à certain moment, Dauby est aussi l'auteur d'une partisan prudent, mais résolu de la intéressante autobiographie sociolo- nécessité d'une intervention législa- gique intitulée Compositeur typographe tive pour aménager certains drames de Bruxelles (Brabant), dans Ouvriers de la condition ouvrière, notamment des deux Mondes, t. II, Paris, 1859, en matière de pension de vieillesse. p. 193-239. Refusant avec fermeté d'entrer Jean Puissant. dans la querelle partisane de l'époque, Outre l'autobiographie de Dauby, citée Dauby est en politique relativement ci-dessus, voir Bibliographie de Belgique, neutraliste, même si dans l'orbite de t. I, Bruxelles, 1886, p. 328-329 ; t. IV, Ducpétiaux, il rédige des Chroniques Bruxelles, 1901, p. 471. — J. Puissant, « Le Bon ouvrier, mythe ou réalité du a"Economie, sociale et chrétienne pour e la Revue générale (en 1866-1867) et XIX siècle », dans Revue belge de Philo- l'Economie chrétienne, organe de la logie et d'Histoire, t. LVI, 1978, p. 878-929. Fédération des Œuvres ouvrières chré- tiennes (1870-1873), ou s'il devient DAVID (Pierre), industriel, homme directeur du Moniteur par la filière politique (1), né à Verviers le 9 jan- libérale. Comme il l'affirme, le Journal de l'Ouvrier n'est ni libéral ni clérical, (1) Cette notice remplace le texte paru il a toujours été du parti de l'ouvrier, dans la Biographie nationale, t. IV, Bru- c'est-à-dire « de celui qui veut le plus xelles, 1873, col. 732-733. 155 DAVID 156 vier 1771, y décédé le 30 juin 1839. » poissons extra-fin Londres et Saxe Il vécut célibataire avec sa sœur » de la Maison J.N. David, à Ensival ». dans une propriété où l'on entrait, L'examen des deux millésimes de par une porte cochère, dans une cour l'existence de Pierre David (1771- couverte de cailloux de rivière ; la 1839) révèle immédiatement qu'il maison était en retrait et comprenait vécut pendant des années particulière­ une ferme de 5 hectares y attenante ment troublées que traversa notre qu'il exploitait lui-même ; elle était pays. située place Verte à Verviers, entre En effet, il est contemporain de la la rue Xhavée et la rue de Rome, à révolution liégeoise en 1789, de l'in­ un endroit complètement différent vasion des armées françaises chassées aujourd'hui par suite de la construc­ ensuite par les Autrichiens, eux- tion de l'église du Sacré-Cœur et du mêmes expulsés à leur tour par les Collège Saint-François-Xavier par les Français, de l'annexion à la Républi­ pères Jésuites en 1857 ; c'était d'ail­ que française le 15 décembre 1792, leurs dans une maison de Pierre David de l'Empire avec ses grandeurs et ses que les premiers religieux s'étaient servitudes, de la chute de Napoléon, installés, en 1855, en attendant la du rattachement de nos provinces fin des travaux de leur couvent. aux Pays-Bas en 1815 et enfin de Il était le fils de Pierre David et de l'indépendance de la Belgique, tant son épouse Catherine-Joseph Jacob ; désirée. de ce fait il appartenait à l'une de La famille David compte parmi les ces familles d'industriels qui, avec notables de la cité ; aussi, lorsque le les Simonis, les Franquinet, les Biolley, prince-évêque Constantin-François de les Grand'Ry, les Hauzeur — et nous Hoensbroeck crée en 1792 un règle­ en passons — donnèrent une remar­ ment militaire pour la Ville de Ver­ quable impulsion à l'industrie dra­ viers, le gouverneur de Franchimont, piere verviétoise des xvme et xixe siè­ Fr.-Maximilien d'Aspremont-Lynden, cles. appelle-t-il les deux frères à faire En effet, Louis-François Thomassin, partie de ce corps de police : l'aîné, chef de division à la préfecture, reçut Pierre, est sous-lieutenant, le cadet, de l'empereur Napoléon, en 1806, la Jean-Nicolas, né en 1772, adjudant; mission de rédiger un Mémoire statisti­ tous deux sont versés au quartier de que du Département de l'Ourle, qui fut la Brassine (c'est-à-dire la brasserie), publié en 1879 par les Bibliophiles qui devint la place Verte, et compre­ liégeois. Avec un soin méticuleux, nait la rue du Brou et la rue Xhavée ; l'auteur dénombre toutes les entre­ ces deux officiers prêtent le serment prises classées par genre d'industrie prévu à cet effet le 20 février 1792. et il cite (1812) Jean-Nicolas David Dès sa prime jeunesse, il est mêlé (1772-1813), le frère de Pierre, à Lam- à la vie de l'entreprise familiale, une bermont, qui possède 18 assortiments fabrique de draps, où son frère Jean- mécaniques, 120 métiers à drap, 20 à Nicolas écrivit des rapports sur ses Casimir, occupant 140 tisserands et lointains voyages d'affaires, en Argen­ 54 tondeurs et produisant 5.400 piè­ tine notamment, qui sont des modèles ces de drap par an. du genre par leur précision et leur Ce document nous apprend aussi esprit d'observation et que conserve qu'à la même époque Pierre David jalousement sa famille. possédait une fabrique de 20 assorti­ La jeunesse de Pierre est studieuse : ments mécaniques, 14 métiers à drap cette hérédité d'homme d'affaires lui et 12 à Casimir, occupant 14 tisserands a tôt fait comprendre les difficultés et 6 tondeurs, fabriquant 720 pièces auxquelles se heurte le commerce par an. international de par la multiplicité En 1838, un prospectus répandu à des monnaies ; aussi rédige-t-il, en Trieste vantait « les draps aux deux 1789-1794, un minutieux travail inti- 157 DAVID 158 tuie Traité des changes étrangers ou vinces aux Pays-Bas (1815-1830) ; la Banque rendue facile aux princi­ Pierre David siège au Conseil de Ré­ pales nations d'Europe. gence. Le manuscrit demeura toutefois En août-septembre 1830, l'irrita­ inédit par suite des modifications tion populaire contre le régime hollan­ que la République française apporta dais se traduit à Verviers par des dans les différents systèmes moné­ désordres ; des immeubles sont pillés taires de l'époque. et détruits ; c'est la chasse aux Oran- Mais le caractère de Pierre David gistes ou supposés tels. le poussait davantage vers la vie Qui peut mieux vaincre l'anarchie publique à un moment où l'art de que Pierre David appelé aussitôt à la gouverner subissait une transforma­ présidence de la Commission de sûreté tion radicale. publique? L'influence qu'il exerçait Très jeune, il observe un monde en sur les masses, le respect qu'il inspi­ évolution. rait à toutes les classes sociales, les A la révolution liégeoise (1789), il mesures énergiques qu'il sut prendre a dix-huit ans ; il se fait déjà distin­ conjurèrent le désordre qui commen­ guer de ses concitoyens par son ardent çait déjà à jeter l'épouvante dans la patriotisme qui pouvait être à peine cité (29-30 août). comprimé par ses parents. Quoi d'étonnant dès lors si les Le 7 Germinal an VI (27 mars électeurs le nommèrent bourgmestre, 1799), les assemblées primaires du charge qu'il va exercer, durant près canton l'appelèrent au poste d'officier de dix années (1830-1839). En effet, municipal où il fut installé le 20 avril réélu conseiller en 1836, dans le cadre suivant. de la nouvelle organisation commu­ Sa carrière administrative com­ nale, un arrêté royal le confirme dans mence et elle se poursuivra durant ses fonctions de bourgmestre. quarante ans, à différents postes et Nommé membre du Congrès natio­ sous différents régimes. nal, lors de la révolution de 1830, il Le 4 juillet 1800, il est appelé aux fut un des neuf membres qui votèrent fonctions de maire par le préfet du en faveur d'un régime républicain ; département de l'Ourte (sic), Demous- plus tard, il vota pour la réunion de seaux. nos provinces à la France. Toutefois, cet homme épris de Il siégea également au conseil pro­ liberté est indisposé par le gouverne­ vincial. ment absolu de Bonaparte et, bien La gestion de Pierre David, en ses qu'un décret impérial du 18 mars différentes fonctions, se place sous le 1808 l'ait continué dans ses fonc­ signe de son amour pour sa ville tions, il en refuse la continuation, natale et celui du respect de ses con­ malgré les instances réitérées des citoyens. autorités supérieures ; il cède le mayo- Son esprit d'homme d'affaires est rat à Jean-Toussaint Rutten, le transposé dans la gestion commu­ 21 septembre 1808. nale : il rend les dépenses plus effi­ Demeuré conseiller, il assume une caces pour le bien commun ; son désin­ large part de la gestion communale. téressement lui fit refuser tout émo­ L'empereur Napoléon subit les re­ lument relatif à ses fonctions ; les vers que nous apprend l'histoire ; bureaux de l'administration sont mo­ pour Verviers, c'est l'entrée des Alliés dernisés ; il crée un service de pom­ le 5 février 1814; une «commission piers, ce qui constitue une innovation d'arrondissement » remplace la sous- pour l'époque ; le cimetière qui se préfecture impériale de Malmedy ; trouvait à côté de l'église est désaf­ Pierre David y siège avec L. Dam- fecté et remplacé, en 1817, par une seaux et Joseph Simonis. nécropole située en dehors de l'agglo­ C'est le rattachement de nos pro­ mération, 159 DAVID 160

Un petit fait traduit son caractère tière de mouture du grain, il est le consciencieux : en 1806, un voyage promoteur d'un mémoire adressé au de trois mois l'éloignant de la ville, roi Guillaume de Hollande. il rédige à l'intention de son collègue Ces quelques lignes du Commis­ J.Fr. Biolley, qui assure l'intérim, saire d'arrondissement M. Lardinois, un mémoire en 11 articles où il con­ dans son éloge funèbre, résument signe ses préoccupations. parfaitement ce que nous venons de Epris de liberté et de justice, il tenter de décrire : « les événements s'oppose à l'expulsion des religieuses » politiques pouvaient amener des sépulchrines et à la vente des cloches » changements de situation ; ils des églises. » n'avaient aucune influence sur les Précurseur en urbanisme, il fait » principes de liberté et d'égalité que planter 53 tilleuls à la promenade » professait M. David. Aimant le peu- des Récollets, procurant ainsi une » pie, protégeant l'ouvrier, dévoué à ombre bienfaisante à ses concitoyens. » tous, jamais on ne l'a vu abandon- Il favorisa, en 1808, la généreuse » ner le faible pour plaire au puis- initiative des industriels Biolley et » sant. » Simonis qui firent construire les pre­ Un accident mit fin brutalement miers logements ouvriers loués par à la vie de cet homme de bien : sa les Hospices à des prix modiques ; ces résidence comprenait un fenil ; le bâtiments existent encore aujourd'hui. matin du 30 juin 1839, Pierre David Il fut à la base de la création d'éta­ s'y rendit afin d'ouvrir une porte blissements de bienfaisance et d'in­ pour aérer le foin ; un malencontreux struction. hasard voulut que les gonds de cette Par une innovation qui confirme nouvelle porte fussent trop petits son esprit démocratique, il rendit pour la pesanteur ; de plus la pluie publiques les délibérations de la mu­ en avait gonflé le bois si bien que, nicipalité et fit apposer au fronton de sous la poussée du maïeur, porte et l'hôtel de ville l'inscription qui y gonds se détachèrent vers l'extérieur figure encore aujourd'hui « Publicité entraînant le malheureux dans cette sauvegarde du peuple ». chute ; sa tête fut broyée et la mort Par son opiniâtreté, il triompha des instantanée. réticences de l'administration des Cette fin imprévue et la popularité Ponts et Chaussées : un seul pont du défunt suscitèrent le plus grand franchissait la Vesdre, celui des Ré­ émoi dans la cité ; le conseil de Ré­ collets ; le centre de la ville était gence se réunit d'urgence pour arrê­ ainsi séparé de Hodimont, commune ter les mesures à prendre pour l'en­ industrielle en développement ; on terrement ; la foule se presse à la franchissait la rivière sur un gué de mortuaire où Charles Warnotte (né grosses pierres ; dès 1829, un concours en 1783 qui devait lui succéder en est organisé entre architectes et enfin qualité de bourgmestre le 11 janvier Pierre David eut le plaisir de poser 1840) a dit un dernier adieu au nom la première pierre le 9 mai 1832. de la Régence qu'il préside. C'est à lui qu'échut l'honneur de La Régence recommande aux indus­ recevoir le roi Leopold Ier et la reine triels de libérer leurs ouvriers dès Louise-Marie, lors de leur visite à 16 heures, afin de leur permettre Verviers en 1833. d'assister aux funérailles qui vont se La popularité de Pierre David est dérouler le mardi 2 juillet. extraordinaire : en 1834, on organise C'est la levée du corps à la mor­ une sérénade pour son anniversaire, tuaire, l'office religieux en l'église en face de son domicile, place Verte, Notre-Dame des Récollets, un arrêt derrière le théâtre de l'époque. du cortège funèbre face à l'hôtel de L'alimentation de la population ville, une foule attristée qui suit le suscitant certaines difficultés en ma­ corbillard ou le regarde passer avec 161 DAVID 162 respect, sur un itinéraire qui aboutit du talentueux sculpteur Clément Vi- au cimetière. C'est la bénédiction de vroux (1831-1896) et il porte l'inscrip­ la tombe et les discours du docteur tion : « à Pierre David : 1771-1839, Alex-Simon Lejeune, conseiller de la » ses concitoyens,/ Régence, Lardinois, commissaire de »Officier municipal 1799; maire district, Laurent Hauzeur, conseiller » 1800-1808;/ et Beaurang, blessé et décoré des » Conseiller de Régence 1815-1830 ;/ journées de Septembre ; tous redisent » Qui consacra 40 ans de sa vie au les mérites du défunt. » service public./ Un fait est frappant ; il est rare, » Bourgmestre 1830-1839 ;/ lors du décès d'un homme politique » Membre du Congrès national de trouver l'unanimité dans les élo­ » 1831. » ges ; souvent ils varient suivant les Dans les premières années qui sui­ tendances de l'orateur ou du rédac­ virent la création des chemins de fer, teur ; Verviers comptait à cette épo­ l'usage voulait que l'on donnât des que trois quotidiens : le Journal de noms aux locomotives, comme cela Verviers était l'organe des libéraux se fait encore pour les bateaux, les doctrinaires ; le Nouvelliste défendait chalands ; c'est ainsi que l'une de ces des opinions religieuses plus conserva­ machines reçut, en 1843, le nom de trices et enfin le Franchimontois Pierre David, tout comme d'autres s'avérait progressiste, avec une petite locomotives reçurent le nom d'autres tendance républicaine. Verviétois du monde politique, in­ Tous trois, indistinctement, louent dustriel ou militaire : Iwan Simonis, le magistrat paternel, soulignent sa Général Jardon, J.L. Bonjean. modestie et son désintéressement et Afin de perpétuer le souvenir de voient dans sa conduite une leçon son maïeur, la Ville de Verviers son­ pour ses successeurs. gea d'abord à donner son nom au Dès le décès de Pierre David, les pont dont l'érection était due à son autorités communales décidèrent d'éle­ opiniâtreté, mais, pour des raisons ver un monument en son honneur et, que l'on ignore, ce pont fut dénommé en accord avec sa famille, prélevèrent pont du Chêne ; par contre la rue de son cœur par les soins des chirurgiens la Régence vit modifier sa dénomi­ Grégoire Chapuis, Alexandre Bouchez nation en rue David ; cette artère et Charles Lamberty, en présence des prenait en effet de l'importance du conseillers Alex-Simon Lejeune et fait de l'implantation des usines Pelt- Laurent Hauzeur, suivant un constat zer & Lieutenant et de la création daté du 7 juillet 1839. de la gare-Ouest en 1843. Le curé de Notre-Dame, M. Meu­ Si Pierre David, mourant céliba­ nier, rédigea pour les obsèques le taire, ne laissa pas de postérité, son chronogramme : patronyme et son prénom qu'il avait VerVIensis CIVItas trlstls Con- tant illustrés, subsistèrent dans les sULI DaVID Dire sUbLato. générations issues de son frère Jean- En 1839 également le Conseil com­ Nicolas. En effet, le chevalier Pierre munal prit la décision de confier à David, de Stavelot, né le 19 novem­ sculpteur et peintre la mission de re­ bre 1872, fut, entre les deux guerres, produire les traits du défunt. membre de la Chambre des représen­ Le monument en l'honneur de tants et sénateur de l'arrondissement Pierre David, dont l'érection avait de Verviers, où il laissa le souvenir été décidée au lendemain de sa mort, d'un parlementaire affable et compé­ ne fut exécuté que quarante-quatre tent et son fils, également chevalier ans après ; en effet, c'est le 25 juin Pierre David, fut un juge de paix 1883 que l'on inaugura cette fontaine très apprécié au canton de Spa. sur la place Verte ; un buste du maïeur L'on aura lu que, dès le tragique surplombe les vasques ; c'est l'œuvre décès, le Conseil communal prit les BIOGR. NAT. — t. XLI. 6 163 DEHESBLLE 164 mesures adéquates pour assurer à la David, bourgmestre de Verviers >, dans postérité le souvenir des traits du Bulletin de la Société verviétoise d'Archéolo- défunt ; outre le monument qui vient gie et d'Histoire, vol. 24, p. 205. — L.-Pr. Thomassin, Mémoire statistique du Dépar- d'être décrit, l'on retiendra les œu- tement de l'Ourte, Liège, 1879 (Société des vres suivantes : Bibliophiles liégeois). — Les Archives ver- après que les docteurs Chapuis et viétoises, t. V, 1969. Bouchez eurent remis dans leur posi- tion naturelle les os fracturés du vi- sage, Delbove prit un moule de la DEHESELLE (Victor), prénoms tête du défunt ; ce masque mortuaire déclarés à l'état civil: Henri-Joseph-Victor, est conservé au Musée de Verviers ; industriel, né à Thimister le le peintre Laurent Olivier (1808- 10 janvier 1816, décédé à Spa le 1857) fut chargé d'exécuter un por- 18 juin 1886. trait à placer à l'hôtel de ville ; ce Son père, Antoine-Joseph, naquit tableau se trouve aujourd'hui au aussi à Thimister le 16 novembre Musée de Verviers ; 1772 et il y mourut le 21 février un buste (qui fut encore tout récem- 1840 ; c'est aussi à Thimister qu'il ment dans la salle des mariages à avait épousé, le 22 avril 1814, Hélène- l'hôtel de ville) est l'œuvre de B. Del- Joseph Waucoumont, née à Thimister bove, sculpteur bruxellois, et se trouve le 17 avril 1785 et y décédée le 28 mars actuellement dans les locaux de l'Ad- 1875. ministration communale ; Son grand-père, Herman-François, Jean-François Xhoffer (1794-1874), est né le 1er mai 1730 et décédé le industriel à Verviers et littérateur 2 février 1779, à Thimister également; wallon fut aussi sculpteur à ses heu- 11 fut l'époux de Marie-Joseph Du- res ; il exécuta un buste de Pierre delet. David ; Enfin, son arrière-grand-père, Hu- une médaille en bronze à l'effigie bert, époux de Anne-Marie Leruth, du bourgmestre sera offerte à chaque est né vers 1698. souscripteur dont la liste est lancée Cette généalogie, peut-être un peu par le Conseil communal le 5 juillet sommaire, est suffisante pour illustrer 1839; comment des familles issues de la Th. Doyen se vit confier l'exécution campagne furent tentées, au xixe siè- d'un portrait destiné à être reproduit cle, de s'intégrer dans l'industrie qui par la lithographie et diffusé au pro- se développait à une cadence vertigi- fit des indigents (1839) ; le bourg- neuse grâce aux inventions constan- mestre y apparaît sur son lit de mort. tes qui la stimulaient, notamment la C'est l'œuvre de Sulhé et Polcké. machine à vapeur et le moulin à filer de William Cockerill. Paul Léon. Antoine-Joseph Deheselle (1772- 1840) l'avait bien compris : sa fabri- J.S. Kenier, Histoire de l'industrie dra- que, actuellement démolie, à Stockis pière depuis le moyen-âge jusqu'à nos jours au pays de Liège et particulièrement dans (Thimister) succéda à un moulin à l'arrondissement de Verviers, Liège, 1881. farine dont elle utilisa le coup d'eau — J.S. Renier, Histoire de l'administra- pour actionner sa foulerie et son ate- tion communale de la ville de Verviers, lier mécanique du travail de la laine ; Verriers, 1898. — Extraits du journal cette entreprise demeura la dernière « Le Franchimontois », à la mémoire de en activité dans cette région où l'in- M. Pierre David, bourgmestre de la ville dustrie drapière fut florissante. de Verviers, décédé le 30 juin 1839, suivis de son oraison funèbre, 2e édition, Ver- La fabrique Antoine Deheselle était viers, Imprimerie T. Angenot fils, 1839. réputée pour sa fabrication de fla- — Journaux verviétois (1839) : Journal de nelles ; à sa mort en 1840, son fils Verviers, Nouvelliste, Franchimontois. — Victor lui succède et un an après P. Linon, « Notes sur la jeunesse de Pierre déjà, le catalogue de l'Exposition de 165 DEHESELLE 166

Bruxelles cite élogieusement les draps le fonctionnement des sociétés indus­ zéphirs et les flanelles de cette entre­ trielles ; dès l'année suivante, la So­ prise. ciété industrielle et commerciale de Victor Deheselle est de son siècle : Verviers voit le jour ; il y siège comme il réalise parfaitement que l'industrie administrateur en 1864, vice-président est un perpétuel devenir ; toute stag­ en 1865 jusqu'au 26 mars 1869, où nation est mortelle ; il faut s'arc- il accède à la présidence en rempla­ bouter sur les découvertes et les in­ cement de son ami Florent Gouvy qui ventions qui perfectionnent tant l'ou­ vient de décéder. tillage que le produit fini ; le fabricat On lira dans la notice que la Bio­ doit être compétitif et pour cela, il graphie Nationale précitée consacre faut connaître le matériel et le pro­ à Florent Gouvy l'extraordinaire acti­ cessus de fabrication du monde en­ vité de cette société (1863-1923) dans tier. Ces simples lignes résument la tous les domaines de l'industrie lai­ doctrine économique de Victor Dehe­ nière notamment, technique, écono­ selle. mique et social. L'activité de Victor Deheselle por­ Victor Deheselle y joua un rôle de tera sur deux objectifs : son usine et premier plan comme en témoignent la collectivité lainière à laquelle il les rapports et le Bulletin de la Société appartient. Industrielle et Commerciale de Verviers ; Il fut un novateur dans la construc­ il fut un pionnier de l'expansion de la tion de son usine : l'éclairage parfait cité. est indispensable au bon travail de Il siège au Comité institué au sein l'ouvrier ; il inaugura sur le sol belge de la Société Industrielle pour étudier la fabrique faite d'un rez-de-chaussée toutes les applications mécaniques avec une toiture composée de lanter- possibles. naux vitrés qui y propagent la lumière Accompagné de deux autres indus­ solaire : c'est le reickem. Une anec­ triels d'élite, J. Mali et I. Simonis, dote vaut d'être citée ; elle vient de Deheselle visite les principaux centres Jean-Simon Renier, l'historien de manufacturiers d'Angleterre poursui­ l'industrie drapiere locale (1884) : la vant toujours les mêmes buts : quel maison Hauzeur-Gérard fut la pre­ est le processus de fabrication de la mière à Verviers à reproduire ce dis­ concurrence et le matériel qu'elle positif pour sa filature ; habitués à utilise ? jeter un coup d'oeil vers la rue par Il est le corédacteur, lors de l'Ex­ les fenêtres de leurs fabriques, les position de Paris en 1867, d'un docu­ ouvriers qui pénétrèrent pour la pre­ ment qui guide les visiteurs vers les mière fois dans le nouvel atelier ainsi produits et les machines textiles ; il conçu, s'exclamèrent désappointés : fait aussi rapport sur l'Exposition « c'est comme à Reickem » ; cet en­ de Leeds (1875). droit est un dépôt de mendicité bien Ce n'est pas seulement l'aspect connu. Et Renier de conclure que technique qui retient son attention ; cette appellation demeura pour dési­ les préoccupations commerciales gner ce genre de bâtisse qui allait l'amènent à rédiger une étude sur être adopté par la plupart des flla- l'ouverture de nouveaux débouchés teurs. La collection La Belgique indus­ pour notre production (1864). trielle contient une planche reprodui­ Cette hantise, parfaitement louable, sant cette usine. du progrès technique, alliée à sa gé­ En 1863, il accompagne son collè­ nérosité, en fit, avec son ami Gouvy, gue et ami, l'industriel hodimontois le fondateur du prix quinquennal Florent Gouvy (cfr Biographie Natio­ Gouvy et Deheselle (1863) qui est nale, tome XLI, 1979-1980, col. 365), destiné à allouer une somme de dans un voyage en France, à Reims, à 6.000 francs tous les 5 ans « à l'au- Amiens, à Mulhouse, pour y étudier » teur de la découverte, invention ou 167 DEHESELLE 168

» application faite dans les 5 années années dispensait l'enseignement de » précédentes et qui, au jugement de la géométrie, de la mécanique et du » la Société Industrielle, aura le plus dessin des machines. » contribué aux progrès ou à la pros- Une lacune restait à combler : cet » perite de l'industrie lainière de l'ar- enseignement se limitait à la maîtrise ; » rondissement de Verviers ». d'aucuns (dont Victor Deheselle) en­ II est le cosignataire de la lettre trevoyaient une formation de cadres qui consacre cette donation de supérieurs susceptibles, par une for­ 10.000 francs, tant par lui-même que mation scientifique de haut niveau, par son ami Florent Gouvy. d'apporter à la technique une perfec­ Les deux premiers lauréats qui tion croissante : l'industrie lainière bénéficièrent de cette munificence aurait ses ingénieurs spécialisés, tout furent en 1869, Eugène Melen (cfr comme les mines et le génie civil. Biographie Nationale, t. 39, col. 697) Esprit d'avant-garde, Victor Dehe­ et, en 1874, Célestin Martin (cfr selle animait ces projets à la Chambre Biographie Nationale, t. 39, col. 681). de Commerce (1875) dont il fut un Depuis lors, les lauréats se succé­ membre très actif ; ne se limitant pas dèrent régulièrement et aujourd'hui à la parole, il souscrivit une somme encore, le prix quinquennal est con­ de 50.000 francs pour l'érection de l'institution envisagée, tout comme féré, géré par la Chambre de Com­ ses confrères, Edouard et Auguste merce ; ses rapports constituent le Peltzer, avaient gratifié la commis­ palmarès de l'industrie verviétoise de sion préparatoire d'un don de la laine. 10.000 francs. La générosité de Victor Deheselle ne s'arrêtera pas là : en 1877, Florent Par suite de lenteurs administra­ Gouvy étant décédé en 1869, il com­ tives, c'est seulement le 30 août 1890 que le conseil communal de Verviers plète le premier don de 10.000 francs décida la création de l'Ecole manu­ par l'octroi d'une seconde somme du facturière qui ouvrit ses portes aux même montant. futurs ingénieurs lors de l'année aca­ Mais la recherche de nouveaux dé­ démique 1894-1895. bouchés et le perfectionnement de Elle acquit rapidement une répu­ l'outillage et du fabricat seraient tation mondiale et décerna le diplôme sans effet si l'on ne jouit pas d'une d'ingénieur textile, non seulement à main-d'œuvre adéquate ; son adap­ de nombreux Verviétois ou compa­ tation aux constantes transformations triotes, mais encore à des étrangers du matériel est un impératif et sa de pays voisins ou lointains, qui con­ formation rationnelle demande un tribuèrent à l'essor de l'industrie lai­ effort considérable. nière de leur pays. Depuis 1855, la Chambre de Com­ La première guerre mondiale, la merce avait pris l'initiative d'instituer coupure de l'Europe en deux blocs une Ecole de Tissage, avec le con­ (1945), la concurrence d'institutions cours du gouvernement et des com­ similaires furent autant de facteurs munes de Verviers et de Hodimont qui amenèrent les autorités vervié- ainsi que des industriels de l'agglomé­ toises à céder à l'Etat l'Ecole supé­ ration ; T. Bona, auteur d'un Manuel rieure des Textiles qui devint l'Insti­ de tissage ou exposé complet de la tut d'Enseignement technique supé­ fabrication des tissus et spécialement rieur de l'Etat. de la draperie-nouveauté (Bruxelles, Sans doute, Victor Deheselle n'aura- 1857), qui faisait autorité, y profes­ t-il pas vécu l'aboutissement d'un sait un cours de deux ans. projet qui lui était si cher ; la mort En 1862, l'administration commu­ le surprit dans sa retraite à Spa le nale fusionna cette école avec une 18 juin 1886. école d'artisans qui, depuis plusieurs Paul Léon. 169 DEKEMPENEER — DELACRE 170

Archives diverses. Sur quelques dérivés chlorés de l'éther J.8. Eenier, Histoire de l'industrie dra- acétique (dans Bulletin de la Société pière au pays de Liège et particulièrement Chimique de Paris, année 1887, 2e se- dans l'arrondissement de Verviers depuis le moyen-âge jusqu'à nos jours, Liège, mestre, nouvelle série, t. XLVIII, 1881. — P. Léon, Monographie des Fon- p. 706-716) ; Sur l'alcool trichloré et dations Gouvy et Deheselle et Victor Dehe- l'action du zinc éthyle sur les aldéhydes selle, Dison, 1935. — J. Géruzet, La Bel- [Ibidem, p. 784-788) témoignent de gique industrielle, 1855. — Bulletin de la son intense activité « louvaniste », et Société industrielle et commerciale de Ver- des bienfaits qu'il en a retirés pour viers, passim. sa carrière. Après le séjour à Louvain, nous retrouvons Maurice Delacre phar- macien, Montagne-de-la-Cour, à Bru- DEKEMPENEER (Philippe-Hippolyte).xelles, où il partage son temps entre Voir KEMPENEER (Hippolyte DEl'officin). e et un laboratoire privé. C'est là qu'il fait les observations, consi- gnées dans sa Note au sujet de l'ac- DELACRE (Maurice-Jules-Joseph), tion des acétones sur les composés chimiste, professeur à l'Université de organo-zinciques (dans Bulletins de Gand, né à Bruxelles le 6 septembre l'Académie royale des Sciences, des 1862, décédé à Gand le 24 décembre Lettres et des Beaux-Arts de Belgique, 1938. 3e série, t. 18, 1889, p. 705-712), où Fils de Charles-Louis-Ambroise, s'éveille son intérêt pour les pinacones pharmacien et industriel, et Marie- (appelés aujourd'hui pinacols) ces Léontine Tillier. alcools bitertiaires, et leurs produits Maurice Delacre a vu le jour au de déshydratation, les pinacolines sein d'une famille française, originaire (pinacolones). En partie dans son du Nord, qui avait pris racine dans laboratoire bruxellois, en partie à notre capitale. Le jeune Maurice, Paris chez Friedel, il s'occupe en second des quatre fils Delacre, fit ses effet de la constitution de la benzo- humanités au Collège des Dunes à pinacoline. Dunkerque. Il s'inscrivit ensuite à La première recherche d'inspira- l'Université libre de Bruxelles, où il tion strictement personnelle est con- conquit son diplôme de pharmacien, sacrée à la dypnone, produit de con- en juillet 1884. Attiré par la science densation de l'acétophénone (hyp- pure et par la recherche, il vint en- none). Le nouveau corps se présente suite à Louvain occuper le poste de comme « un liquide très épais, jaune préparateur auprès de Louis Henry, » clair, il possède une odeur faible, titulaire de la chaire de chimie et qui, » non sans analogie avec celle de depuis que Kékulé avait quitté Gand » l'acétophénone, dont il dérive par en 1868, était le seul en Belgique à » condensation de deux molécules maintenir, contre vents et marées, » avec élimination d'une molécule un laboratoire de chimie organique » d'eau ». Soumis à la distillation en activité ; laboratoire de recherches atmosphérique, la dypnone se décom- dont la renommée s'étendait bien pose en donnant de l'acétophénone, au-delà de nos frontières. C'est au de l'acide benzoïque et du triphényl- contact de ce maître incomparable benzène symétrique C24H18 (Fus. que Delacre a appris à pratiquer la 171°C). En outre, l'acétophénone chimie organique expérimentale de produit du triphényl-benzène lors- son temps. qu'elle est abandonnée pendant suffi- Ses trois premiers mémoires Sur samment longtemps au contact de l'alcool élhylique bichloré (dans Bulle- HCL à froid. La communication adres- tins de l'Académie royale des Sciences, sée sur ce sujet à l'Académie, et pré- des Lettres et des Beaux-Arts de Bel- sentée par Louis Henry, au cours de gique, 3e série, t. 13,1887, p. 235-272) ; la séance du mois de novembre 1890, 171 DELACRE 172 mettait Delacre sur la voie de la voyage du Gouvernement. Delacre synthèse graduelle du benzène. La fut classé premier, et il put ainsi question revêtait une importance ca­ compléter sa formation scientifique, pitale : elle touchait à la constitution par un séjour à Bonn chez Kékulé» du benzène, telle qu'elle avait été et à Munich chez von Baeyer. avancée par Kékulé dans sa formule En octobre 1891, il est nommé hexagonale, en 1865. Importance et professeur à l'Ecole royale Militaire, intérêt, difficultés surtout, étaient mais il n'y fait qu'un séjour éclair : bien propres à exciter l'enthousiasme en mars 1892, en effet, il passe à du chimiste, qui allait y consacrer l'Université de l'Etat à Gand où il une partie essentielle de son activité est chargé d'enseigner la chimie ana­ de recherche. lytique et toxicologique, les denrées Mais arrêtons-nous d'abord pour alimentaires ainsi que la chimie phar­ assister, le mardi 28 octobre 1890, à maceutique organique. En 1895, Mau­ son examen de docteur en sciences rice Delacre se voit attribuer le cours naturelles : épreuve unique au cours de chimie générale du doctorat en de laquelle Delacre est interrogé ora­ sciences naturelles, tandis qu'il est lement sur la chimie générale, la déchargé des cours précédents, sauf chimie analytique et la cristallogra­ la chimie pharmaceutique. Le 31 mars phie. Les épreuves pratiques ont eu 1896, enfin, il est promu à l'ordina­ lieu la veille ; en outre, le récipien­ ri at. daire a présenté les dissertations et Nous pouvons bien penser qu'il travaux suivants : Sur l'alcool éthy- devait, à ce stade, se sentir comblé lique bichloré : sur quelques dérivés dans ses ambitions professionnelles. chlorés de l'éther acétique ; Sur l'alcool Ne pouvait-il se considérer comme trichloré et l'action du zinc éthyle sur un des successeurs d'Auguste Kékulé les aldéhydes ; Note sur l'action des dans la chaire gantoise? N'allait-il acétones sur les composés organo- pas être à même, disposant des moyens zinciques ; Sur la constitution de ben- nécessaires, de fonder une école de zopinacoline β (dans Bulletins de chimie organique à l'instar de son l'Académie royale des Sciences, des maître louvaniste? «... j'ai voulu Lettres et des Beaux-Arts de Belgique, e » contribuer », a-t-il écrit à ce propos 3 série, t. 20, 1890, p. 99-115) ; Faits « à la suite de mes maîtres et dans pour servir à l'histoire de l'aldéhyde » la mesure de mes forces, à faire (Ibidem, p. 289-295) ; Sur la dypnone » valoir l'utilité de la thèse de Doc- (Ibidem, p. 463-475). » torat dans mon enseignement. Les L'ampleur des résultats obtenus et » élèves qui ont été créés docteurs en l'importance de la matière présentée » sciences chimiques par l'Université à l'examen est tout à fait exception­ » de Gand, depuis que je suis chargé nelle pour l'époque. » du cours de chimie supérieure, l'ont A l'issue de la délibération, le réci­ » été chaque fois sur la présentation piendaire fut proclamé docteur avec » d'une thèse qui a toujours été im- la plus grande distinction. Le jury, » primée ». présidé par le minéralogiste C.J.X. de Et sur sa politique de recherches, la Vallée-Poussin, se composait de Delacre s'est exprimé de la façon Louis Henry, C. Blas, G. Bruylants, suivante : « Je m'efforce de donner J.F. Dewalque et A. Van Biervliet » à mes élèves des sujets de recher- (secrétaire). » che qui sont destinés à prendre Le même jour était également pro­ » place dans l'ensemble de mes tra- clamé docteur Paul Henry (1866- » vaux ; ils doivent arriver à se coor- 1917), avec lequel Delacre restera » donner, et il faut que, tôt ou tard, longtemps en relations scientifiques. » les erreurs qui s'y seraient glissées L'année suivante, le nouveau docteur » se retrouvent soit par des élèves, participa au concours des bourses de » soit par moi. J'espère que cette 173 DELACRE 174

» methode développera chez Ie jeune » établir sur une base expérimentale » chercheur le sentiment de la respon- » solide. Environ 3.000 kilogrammes » sabilité, en même temps que la pré- » d'acétone ont été mis par portions » cision et la rigueur, qualités sans » successives, en réaction. On devine » lesquelles il n'est pas de travail » que la quantité de sodium employé » scientifique solide ». » pour hydrogéner cette masse acéto- Dès lors, son papier à lettre porte » nique est elle-même énorme. A un l'en-tête « Université de Gand Labo­ » moment donné le laboratoire de ratoire de Recherches, Prof. M. De- » notre savant confrère aurait pu sans lacre » ; ce qui n'est pas sans porter » doute être pris pour une véritable ombrage à certains collègues. Delacre » fabrique d'alcool isopropylique. Des ne se cachait d'ailleurs pas pour dire, » recherches de ce genre n'auraient et répéter autour de lui, que la loi » pu être entreprises il y a cinquante de 1890 — celle qui instituait l'obli­ » ans, car leur réalisation aurait gation de la thèse de doctorat — » coûté des sommes considérables que « tombant dans les laboratoires de » n'auraient pu supporter les budgets » chimie, troubla la vie paisible des » des laboratoires les plus richement » professeurs ». Mais il ne se bornait » dotés. » pas à parler de ce qu'il avait déjà Rapportant un ensemble considé­ fait, il travaillait intensément. A son rable de faits expérimentaux, rigou­ cher maître Louis Henry, il écrit au reusement observés, Delacre en arrive début de l'année académique 1899- dans ses conclusions à dégager un 1900 : « Je n'ai garde d'oublier votre concept personnel relatif à l'indivi­ » recommandation relativement à la dualité chimique de la pinacoline : » publication de mes travaux. Mal- celle-ci serait formée d'une sorte de » heureusement cela ne va pas tou- mélange en équilibre de molécules de » jours aussi vite que l'on voudrait; deux types, symétrique et dissymé­ » le principal est que mes recherches trique, en nombre inégal. « On voit » ont fait ces derniers temps de très » que tout en étudiant la pinacoline, » grands progrès ». » écrit-il en terminant, c'est la notion En 1905, paraît un mémoire de » de l'individualité chimique qui est trois cents pages intitulé Recherches » devenue le but de mes expériences. sur la notion d'individualité chimique » L'étude de la pinacoline rapproche à propos de la constitution de la pina- » à certains égards ce corps de ceux coline (Bruxelles, 296 pages, Mémoi­ » que l'on a qualifiés de tautomères. res de l'Académie royale de Belgique, » Cependant je ne proposerais pas Classe des Sciences, collection in-8°, » qu'elle leur soit assignée. J'estime 2e série, t. Ier). « Les recherches » en effet que le point de vue auquel » dont M. Delacre rend compte dans » je me suis placé est tout différent » son mémoire » peut-on lire dans » de celui qui a guidé les études des le rapport établi à cette occasion » chimistes dans la tautomerie, isomé- par Louis Henry, comme commis­ » rie sur la nature de laquelle les saire de l'Académie « constituent une » expérimentateurs ne sont pas d'ac- » œuvre de grande étendue. A ce » cord. » Louis Henry, comme premier » qu'il nous apprend, elles sont le fruit commissaire, trouve originale l'idée » de neuf années de travail assidu, et d'équilibre ; mais « il laisse à M. De- » ont nécessité des quantités de ma- » lacre tout le mérite de sa nouvelle » tières vraiment considérables, plus » conception en lui laissant toute la » considérables que celles que les chi- » responsabilité. » Le second commis­ » mistes ont habituellement à leur saire, Frédéric Swarts émet des obser­ » disposition, même dans les travaux vations, dont une semble être en » faits largement. Il le fallait, eu égard désaccord formel avec l'idée de Dela­ » à la nature des faits, parfois si déli- cre sur l'individualité chimique de la » cats, qui étaient à constater et à pinacoline. Swarts écrit en effet 175 DELAGRE 176

«... la pinacoline nous fournit un telier (dans Bulletin de la Société Chi­ » exemple de plus de ces intéressants mique de France, année 1910, 4e série, » phénomènes de tautomerie ou des- t. VII, p. 163-166) ; enfin, soulignons » motropie, dont l'étude a fait de si surtout les dypnone et dypnopina- » grands progrès dans ces dernières cone sur lesquelles il revint inlassa­ » années. » blement, découvrant une foule de Une autre observation relative à la dérivés et d'isomères qui, dans l'En­ purification et à l'identification des cyclopédie de Beilstein, finiront par corps apparaît comme une critique noircir six pages, bourrées de données de la méthode analytique de Delacre. expérimentales, recueillies par lui- Le rapport de Swarts en 1904 va même et par ses élèves de doctorat. donner lieu à une première note rec­ Jetons-y un rapide coup d'oeil. La tificative de la part de Delacre, suivie dypnone de Delacre (CleH140) est, d'une seconde de la part de son con­ d'après la nomenclature rationnelle, tradicteur, six mois plus tard. Ces Γα-οχο-α, γ-diphenyl-ß-butylene ; con­ deux notes furent insérées au Bulletin sidéré comme dérivé de Pacétophé- de la Classe des Sciences. Ne se jugeant none, on peut aussi la dénommer ω pas satisfait de la réponse de Swarts, [α-méthyl-benzal] acétophénone, ou Delacre présenta une réplique au mois encore ß-methyl-chalcone. d'octobre 1905. Mais la Classe en Le premier produit de l'action des refusa l'impression ; à la suite de agents de condensation alcalins sur quoi, Delacre, s'estimant lésé dans la dypnone est la dypnopinacone ordi­ son droit de réponse, publia à Gand, naire. C'est la substance-mère de tous en novembre 1905, une brochure expo­ les produits de condensation de la sant les faits dans ce qui était devenu dypnone : les autres combinaisons du une véritable polémique. même groupe peuvent, en effet, être Le grand mémoire « sur l'individua­ obtenues à ses dépens et la plupart lité chimique » qui constitua en réalité d'entre elles possèdent la même teneur un des sommets de l'activité de re­ en carbone (C3Î). Ce corps existe sous cherche et de réflexion du savant cinq variétés isomères, la γ-dypno- gantois devenait par la polémique pinacone, et les α-β,-,γ- et S-homo- qui l'avait entouré un « mémoire dypnopinacones. En outre, Delacre pénible » ; c'est, du moins, le senti­ décrit des dypnopinacolines (C32H2eO) ment qu'il a laissé dans le souvenir produits de déshydratation des diver­ de Delacre. ses dypnopinacones dont il trouve Les années suivantes furent tout onze isomères, les α-,β-,γ- et S-lutéo- aussi riches de travaux dans les do­ dypnopinacolines, les α-,β-,γ-,S-, et maines désormais classiques du labo­ ε-isodypnopinacolines et les a- et ratoire de recherches de Gand. Men­ ß-homodypnopynacolines. Les alcools tionnons Sur le problème de la syn­ dypnopinacoliques sont les produits thèse graduelle de la chaîne benzénique d'hydrogénation des précédents (dans Bulletin de la Société Chimique (C H 0, 7 isomères), et enfin les e 32 28 de France, année 1910, 4 série, dypnopinacolènes (C32H24- 3 isomè­ t. VII, p. 1041-1046), à propos duquel res) sont les hydrocarbures obtenus il signa une importante revue d'en­ par déshydratation des dypnopinaco­ semble en octobre 1910 ; relevons lines. Ces combinaisons sont groupées aussi les questions relatives aux ben- en trois classes d'après leur mode zopinacolines et à leur isomérisation d'obtention et leur parenté : lutéodé- mutuelle, dont il traita également en rivés, albodérivés et homodérivés. 1910, dans un article général où il Par scission alcaline, toutes les examina ses résultats expérimentaux dypnopinacones et les dypnopinaco­ à la lumière de la loi de Le Châtelier : lines donnent de l'acide benzoïque et Sur une nouvelle isomérisation des un hydrocarbure C25H22. Ce dernier benzopinacolines et la loi de Le Châ• est un des corps de base de ces grou- 177 DELACRE 178 pes, comme la dypnopinacone elle- mier est le conflit qui l'opposa à même. l'administrateur-inspecteur de l'Uni­ La structure de la dypnone était versité de Gand ; à la suite de ce parfaitement établie. Ce qui ne fut conflit, son service universitaire de pas le cas pour les dypnopinacones doctorat fut privé du personnel, dont isomères et les diverses dypnopinaco- il disposait depuis vingt ans. Cette lines ; Delacre s'efforça de déterminer situation entraîna sa démission de la pour chaque isomère la formule cor­ Faculté des Sciences, et son rattache­ respondante, tenant compte des pro­ ment à la Faculté de Médecine, où il priétés de ces combinaisons et de continua à enseigner la Chimie Phar­ leurs relations réciproques. Mais, en maceutique. dépit de recherches approfondies, il Le second événement fut l'établis­ rencontra de grandes difficultés, et des sement de ce qu'on a appelé « l'Uni­ contradictions, chaque fois qu'il cher­ versité von Bissing » en 1916, compor­ cha à tirer de ses résultats une quel­ tant l'exclusion de l'Université d'État conque conclusion à propos de leur de tous ceux qui n'entendaient pas structure. C'est la raison pour laquelle collaborer avec l'ennemi. Delacre le rédacteur du « Beilstein » caracté­ trouva asile à l'Ecole Industrielle, risa ces corps comme des « produits où un de ses anciens élèves, M.D. » de transformation de la dypnone Poppe, lui ouvrit son laboratoire. » dont la constitution n'est pas con- Les cinq mémoires précédents fu­ » nue avec certitude », et qu'il repro­ rent complétés, en 1925, par les résul­ duisit les formules de structure de tats de l'action de la lumière sur les Delacre avec un point d'interroga­ différents isomères de la dypnopina- tion. Leur auteur lui-même avait coline ; ceux-ci font l'objet d'un arti­ parlé en ces termes des fameuses cle intitulé Sur les photodypnopinaco- structures : lines (dans Bulletin de la Société Chi­ « Ces formules, qui me paraissent mique de France, 4e série, t. XXXVII, » logiques, je les apprécie comme tout 1925, p. 440-452). Ces corps nouveaux, » à fait stériles dès que l'on veut s'en dont la grandeur moléculaire et la for­ » servir pour expliquer les relations mule brute correspondent à C32HaeO, » d'isomération, et le lecteur pourra sont donc des photoisomères du pro­ » s'apercevoir déjà, d'après les recher- duit original. Dans cette publication » ches qui vont suivre sur les homo- il n'y a plus de formule de constitu­ » dypnopinacones, qu'il est absolu- tion : Delacre s'est complètement » ment impossible de tirer une con- affranchi de la théorie de la structure. » elusion sûre d'une réaction isolée, Pendant la période qui va de 1905 s Dans les généralités sur ces recher- à 1925, Delacre ne s'est pas seulement » ches, je m'efforcerai d'ailleurs de contenté d'amasser des richesses expé­ » démontrer qu'il existe, à part et rimentales considérables, le professeur » au-dessus des formules, des relations de chimie organique de Gand a en­ » de faits bien plus instructives. » core fait paraître en librairie trois L'ensemble de ces impressionnants ouvrages importants. Ce sont dans travaux forme le sujet de cinq mé­ l'ordre chronologique, en 1920 une moires publiés à Paris, aux Annales Histoire de la Chimie (Paris, Gauthier- de Chimie en 1914, en 1916 et en 1918 Villars) ; en 1921 un Traité de Chimie dans des circonstances exception­ pharmaceutique organique (Paris, Doin) nelles dues à la Grande Guerre. et enfin en 1923 l'Essai de Philoso­ L'inlassable activité de recherche, phie Chimique (Paris, Payot). manifestée au cours de cette période, h'Histoire de la Chimie est un vo­ fut considérablement contrariée par lume de plus de six cents pages com­ deux événements : le premier lui portant une partie qui traite de l'al­ était personnel ; le second découlait chimie et de la chimie de la Renais­ de l'occupation allemande. Le pre­ sance, mais qui est consacré, en ordre 179 DELACRE 180 principal, à la chimie moderne dans dit-il en terminant. « Je vais re- la période qui va de Lavoisier aux » prendre dans un instant le chemin importants développements de la » de ce domaine enchanté où se chimie organique vers 1860. Cet ou­ » termine ma vie intellectuelle ; Van vrage a été couronné par l'Académie » Dijck, Rubens, Michel-Ange m'at- des Sciences à Paris. » tendent. Ils me confieront peut-être Le Traité de Chimie pharmaceutique » leurs secrets. Les fruits mûrissent organique compte deux fascicules : le » plus vite au grand soleil de la premier consacré à la série grasse, le » beauté. Je souhaite que la chimie second à la série aromatique ; le tout » belge puisse fournir à la Science de faisant un ensemble de quelque » jeunes recrues qui viennent parler quatre cents pages. Ce traité corres­ » ici la langue du positivisme scien- pond à l'enseignement qu'il a donné » tifique. » depuis son début à Gand, à travers L'année 1934, celle des adieux à la les vicissitudes de sa carrière acadé­ Classe des Sciences, n'était pas en­ mique. core écoulée que paraissait au Compte L'Essai de philosophie chimique, en rendu de l'Académie des Sciences prônant que la chimie doit être à Paris, une note de Dimitri Ivanoff, basée exclusivement sur des faits, chimiste bulgare, élève de Victor que toutes les théories sont illusoires, Grignard, ramenant au premier plan était une déclaration de guerre de l'actualité l'œuvre du chimiste vis-à-vis de l'école dominante en belge. Elle était en réalité le point chimie organique. Ce petit livre, de de départ de recherches approfondies, plus de cent cinquante pages, consti­ relatives aux molécules découvertes tue une application pratique et phi­ et étudiées par Delacre. losophique des études historiques de En milieu alcalin, la dypnone se Delacre. Les atomes et les molécules condense avec elle-même et engendre en sont bannis et, à fortiori, les par cétolisation, la dypnopinacone ; formules de constitution, utilisées en celle-ci est donc un cétol, non pas chimie organique. un cétol ordinaire, ou cétol 1,2, mais Le 15 septembre 1924, le professeur bien un cétol 1,4 résultant d'une Maurice Delacre était admis à l'émé- addition du type Michael ; addition ritat sur sa demande. Trente-trois suivie d'une cyclisation intramolécu- années s'étaient écoulées depuis sa laire engendrant un dérivé du cyclo- première nomination dans l'enseigne­ hexène qui se déshydrate ultérieure­ ment universitaire ; trente-quatre, de­ ment en cyclohexadiène correspon­ puis son doctorat et quarante, depuis dant. cette inoubliable année passée à Les recherches étendues à d'autres Louvain au laboratoire de Henry. cétones insaturées ont amené à Il va encore publier quelques arti­ constater que la cétolisation 1,4 est cles dans le Moniteur scientifique un phénomène général. Sont suscep­ Quesneville et un dernier au Bulletin tibles de le manifester les cétones α-β de l'Académie. Celui-ci date du 7 juil­ insaturées, portant un groupe mé- let 1934, et est intitulé Quelques con­ thyle en β. sidérations sur la chimie positiviste ; Delacre avait assimilé l'action des Delacre, qui avait été élu correspon­ agents alcalins sur la dypnone à une dant de l'Académie royale de Belgi­ hydrogénation pinacolique de cétone, que le 15 décembre 1893, et membre dont le principe remontait aux tra­ le 3 juin 1905, revient une dernière vaux de Fittig en 1859, à ceux de fois devant ses confrères de la Classe Staedeler en 1861, et de Friedel en des Sciences pour fixer définitivement 1862. Les nouvelles recherches mon­ ses positions. traient, à suffisance, que la réaction « Je fais mes adieux à la Classe », découverte en 1891 par Delacre loin 181 DELOYE 182

•d'être connue, représentait un type trait photographique, liste des publica- nouveau et général de condensation tions. — A. Bruylants, « Notice sur Mau- cétolique. rice Delacre, membre de l'Académie », dans Annuaire de l'Académie royale de Les chimistes de Sofia, qui ont Belgique, t. CXL, 1974, p. 2-86, portrait élucidé le mécanisme de cette con- photographique, liste des publications. — densation, l'ont dénommée « condensa- A. Bruylants, « Maurice Delacre (1862- tion dypnonique » ; j'ai proposé qu'elle 1938), membre de l'Académie, et la céto- soit plutôt appelée la « condensation lisation des cétones a,(3 insaturées. Réac- de Delacre-Ivanoff ». tion de Delacre-Ivanoff », dans Bulletin De 1948 à 1953 l'école de Sofia, de la Classe des Sciences de l'Académie royale de Belgique, 5e série, t. LX, 1974, sous la direction de l'académicien p. 6-9. Dimitri Ivanoff, a continué l'étude systématique des dérivés du groupe de la dypnopinacone de Delacre. Les DELOYE (Salomon), conseiller résultats en sont consignés aux communal, bourgmestre d'Ougrée, né Comptes rendus des Académies de à Flémalle-Grande le 3 novembre Paris et de Sofia. 1908 et décédé à Ougrée le 21 mars Les nouvelles formules proposées 1965. par Ivanoft lèvent pratiquement tou- Issu d'une famille nombreuse et tes les contradictions auxquelles mè- modeste, Salomon Deloye fut indélé- nent les formules de Delacre. bilement imprégné par l'esprit ani- Bien plus, les écrits philosophiques mant le milieu au sein duquel se dé- de l'inventeur de la dypnopinacone roula son enfance. Quatrième garçon se trouvent, depuis lors, privés de — la mère, Marie-Marguerite MysteT, leur argument essentiel. en mit six au monde —, il subit l'in- La philosophie de Delacre rap- fluence particulière de son père, mi- pelait singulièrement celle de Stas neur au charbonnage du Xhorré à à Bruxelles, de Berthelot à Paris, de Flémalle, militant politique et syndi- Kolbe à Leipzig, au siècle précédent, cal, thuriféraire des groupements de compréhensible à l'époque, elle était « Libre-Pensée » locaux et, ipso facto, devenue anachronique au temps des célébrité régionale à laquelle les habi- Bohr et des Curie, des Bragg et des tants du lieu avaient recours quand, Lewis, en un temps où la théorie à l'école communale, surgissaient des atomique était en train de perdre son problèmes à propos du cours de reli- caractère hypothétique, en un temps gion qui, parfois, heurtait certaines où l'atome du chimiste et celui du convictions. physicien, après avoir été considérés Bien que les résultats scolaires du comme différents, commençaient à jeune Salomon fussent excellents, il se fondre dans la même réalité n'en dut pas moins abandonner pré- physique. maturément les études et entrer en A la lumière des travaux d'Ivanoff, apprentissage ; cependant, tout en les écrits de Delacre ne sont plus fréquentant divers ateliers il suivit l'énigme qu'ils furent pour les con- pendant trois années les cours de temporains mais le témoignage l'Ecole industrielle. Après cette pé- d'une aventure intellectuelle extra- riode, ses soirées furent consacrées à ordinaire ; celle d'une intelligence la propagande politique et surtout d'élite, d'un chercheur infatigable et syndicale. d'un grand caractère. A dix-huit ans, il devint garçon Albert Broylants. de laboratoire dans une cokerie ; puis, les dirigeants de cette société B. Ruyssen, « Maurice Delacre (1862- ayant peu apprécié son activité en 1938) », dans Rijksuniversileit te Qent. faveur des associations profession- Liber Memorialis. Deel II, Faculleit der nelles, se gardèrent de le réengager Geneeskunde, Gent, 1960, p. 49-62, por- après l'accomplissement de ses obliga- 183 DEMANET 184 tions militaires. Il entra alors au ser- de Liège. Parallèlement, il fut aussi vice des voies de la Société Nationale membre du Bureau National du des Chemins de fer belges, puis à P.S.B. Mais Deloye souhaitait se con- l'usine des Produits chimiques de sacrer entièrement à la gestion de la la Meuse, appelée aussi Chimeuse, commune d'Ougrée, dont il était de- où il sera successivement chef de venu conseiller le 3 janvier 1947, puis magasin, attaché au département bourgmestre en septembre 1948 à la Chimie et directeur du Service social. suite du décès de J. Wuidar. Au moment de la libération du terri- Le dynamisme qui caractérisa ses toire national, en 1944, la direction actions professionnelle et politique, sa de l'atelier des sulfates lui sera pro- lutte opiniâtre contre les armées d'oc- posée, mais Salomon Deloye préférera cupation et les collaborateurs de se consacrer exclusivement au travail l'ennemi, se manifesta également à la politique. première magistrature de sa commune Car la politique est dans son chef d'élection. une passion tenace et exigeante. Dès Il travailla dans de multiples sec- ses jeunes années, il fut membre des teurs : social, scolaire, financier. Aucun Enfants du Peuple, groupement dé- problème ne le laissa indifférent et il pendant du Parti Ouvrier Belge, puis en fut de même dans les innombrables de la Jeune Garde Socialiste pendant comités, cercles et associations dont les périodes exaltantes de la lutte il fut membre actif, compétent et contre le rexisme. Parfaitement inté- omniprésent. gré au mouvement ouvrier multi- Devenu administrateur de la So- forme de la région liégeoise, il jouera ciété Nationale des Chemins de fer au cours de la seconde guerre mon- belges — ainsi que de la Société des diale un rôle considérable au sein des Ferry Boats — cet autodidacte se mouvements socialistes de résistance plaisait à rappeler qu'à une époque à l'ennemi. Ayant échappé — bien de sa vie il avait besogné aux voies que mobilisé en 1940 et participant ferrées de cette même société, mar- à la campagne des dix-huit jours — quant ainsi une ascension sociale peu à l'emprisonnement en Allemagne, il commune, dont il tirait un légitime reconstituera, avec six amis, puis ani- orgueil. mera la Fédération liégeoise du parti Réélu aux élections communales socialiste clandestin ; il gérera le fonds Truffaut-Delbrouck, et à ce titre pro- de 1964, il abandonna la charge de cédera à la répartition de sommes bourgmestre, mais conserva jusqu'à considérables entre les familles des sa mort l'échevinat des Sports et de victimes de la répression nazie, arrê- la Culture. tées, fusillées et mortes dans des Salomon Deloye était titulaire de camps de concentration. Il s'atta- nombreuses distinctions belges et chera passionnément à la presse clan- étrangères. destine et principalement au Monde Robert Abs. du Travail, journal issu du maquis, Archives de la famille Deloye à Liège dont il sera, avec Charles Rahier et et de l'Institut Emile Vandervelde, à consorts, un des fondateurs. Bruxelles. Documentation du journal Le Monde Dès la cessation de l'occupation du Travail. — Collection des journaux allemande, Salomon Deloye est dési- La Meuse et La Lanterne. — Les Fastes gné pour diriger le secrétariat de la du Parti, Bruxelles, Editions de l'Institut Fédération liégeoise du Parti Socia- Emile Vandervelde, 1960, 350 pages. liste Belge renaissant. Il gardera cette fonction jusqu'en 1957, après en avoir assumé brillamment les lourdes char- DEMANET (Félix), paléontolo- ges qu'imposait la restructuration des giste, stratigraphe, conservateur au organisations socialistes de la région Musée royal d'Histoire naturelle de 185 DEMANET 186

Belgique, professeur à l'Université vembre 1927. C'est là, au cours d'une catholique de Louvain, chanoine de la démonstration malheureuse sur le cathédrale de Namur, né à Sosoye le phosphore devant ses élèves, qu'il 23 septembre 1882, décédé à Watermael-Boitsfortperdra un doigt. le 14 avril 1968. Dès le 2 juin 1927, ayant été Si le chanoine Félix Demanet remarqué par Victor Van Straelen, montra tôt de l'intérêt pour la directeur du Musée d'Histoire na- géologie, ce n'est que relativement turelle de Belgique, alors qu'il s'occu- tard qu'il put s'y consacrer pleine- pait des collections de l'Abbaye de ment. Ce n'est en effet qu'à l'âge de Maredsous, il est autorisé par le quarante-cinq ans qu'il entre au principal du collège à accepter de Musée d'Histoire naturelle de Bel- travailler audit musée un jour par gique comme naturaliste stagiaire. semaine. Il s'occupait aussi d'hydro- Fils de la campagne il va faire ses logie et avait collaboré à deux plan- humanités au Collège Belle-Vue à chettes de la carte géographique de Dinant, ensuite deux années de phi- Belgique. losophie au Séminaire de Floreffe. Son transfert à l'Etat ne va heu- Après quatre ans de théologie à la reusement pas tarder. Nommé aide- Faculté de Namur, il est ordonné naturaliste stagiaire le 15 novembre prêtre le 10 août 1908, et est désigné 1927, il accédera aux divers grades en avec deux de ses condisciples pour un minimum de temps pour finale- aller étudier les sciences naturelles à ment être nommé conservateur le l'Université de Louvain. Pendant les 30 juin 1931. vacances, Dom Grégoire Fournier Le 6 mars il avait été désigné comme l'initiait à la paléontologie en lui C.R.B. Educational Foundation ad- permettant de travailler dans les vanced Fellow pour 1931-1932. collections de l'Abbaye de Maredsous, Intégré dans la section des Inverté- voisine de son village. Il eut le cha- brés primaires que dirigeait son ami noine Henry de Dorlodot comme Eugène Maillieux il se trouvera ra- directeur de thèse, thèse qu'il dé- pidement à la tête d'une sous-section fendit en 1914. Il fut reçu docteur indépendante, celle des Invertébrés avec la plus grande distinction. Il du Carbonifère, tant en raison du avait présenté la première partie de développement de ses recherches per- sa thèse au concours universitaire de sonnelles, que d'un plan d'organisation 1912-1914 et il sortit premier ex- du directeur du musée qui ne cessera aequo. de multiplier les sections et augmen- La guerre devait le détourner de ter le nombre des chercheurs. L'étage ses recherches. Il s'occupe des orphe- Carboniférien comporte en Belgique lins de guerre du Refuge Saint- de bas en haut les 3 assises : Dinan- Jean-de-Dieu à Namur où il donne tien, Namurien et Westphalien. Le cours de religion et établit le premier Dinantien est composé lui-même du quatrième degré technique libre à Tournaisien surmonté du Viséen. Namur en 1915. Devant cette réussite, Envisageons d'abord le Dinantien. Monseigneur Heylen le prie de créer Dans le Waulsortien de Sosoye et en 1917 l'Institut technique de Na- ses rapports fauniques avec le Waulsor- mur, qu'il dirigea jusqu'à la fin de la tien d'âge Tournaisien supérieur (dans guerre. Du 26 juin 1915 au 30 juin Mémoires de l'Institut géologique de 1918, il est chapelain à Wépion (Mar- l'Université de Louvain, t. II, 1921- lagne). 1923, p. 36-285, pi. III-XIV), qui n'est En 1920, l'autorité diocésaine le que le développement de son travail désigne pour donner le cours de de doctorat, Demanet défend claire- sciences naturelles au Collège Belle- ment le faciès waulsortien et montre Vue de Dinant et ce jusqu'au 30 no- qu'il s'étend jusque dans le Viséen, 187 DEMANET 188 ceci grâce à l'analyse des faunes. Il les célèbres collections de De Koninck décrit environ 180 espèces qui sont si souvent mal documentées), mais presque toutes figurées. dont les ambitions se révélèrent plus Avec Les lamellibranches du Marbre vastes. Le désir de localiser exacte­ noir de Dînant ( Viséen inférieur) ment les échantillons dans la strati­ {Mémoires du Musée royal d'Histoire graphie générale entraîne l'auteur à naturelle de Belgique, n° 40, 1929, établir les associations de fossiles, en 78 pages, 2 planches), nous pénétrons particulier les mollusques du Viséen. de plain-pied dans le Viséen inférieur, Les mémoires publiés par Demanet tandis que dans La Faune des couches sont avant tout d'importantes mono­ de passage du Dinantien au Namurien graphies de fossiles basées sur les dans le Synclinorium de Binant (Ibi­ anciennes collections du musée et dem, n° 84, 1938, 201 pages, 14 plan­ davantage encore sur un matériel ches), l'auteur tente d'établir en Bel­ recueilli par l'auteur avec une très gique la concordance des niveaux grande précision de localisation. Nous fossilifères avec ce qui est connu pourrions encore en citer une sur les dans les pays voisins. Environ 300 es­ Brachiopodes du Dinantien et une pèces sont signalées et décrites pour autre sur les Pectinidés des terrains les couches de passage du Dinantien houillers de la Belgique. Ils consti­ au Namurien. tuent aussi pour la plupart une con­ Pour le Namurien, Demanet re­ tribution importante à la connais­ connaît en Belgique toutes les zones sance de la stratigraphie des terrains établies à l'étranger basées sur l'étude primaires. De nombreuses formes des faunes recueillies avec soin, pa­ nouvelles y sont décrites, d'autres tience et en abondance, ce dernier sont signalées pour la première fois point n'étant pas négligeable. Les en Belgique. assises du Namurien réputées pauvres Des recherches ultérieures ont in­ en fossiles, tant animaux que végé­ firmé certaines déterminations de taux, fournissent une faune de plus fossiles, la concordance de certains de 100 espèces. niveaux stratigraphiques avec l'étran­ L'auteur adopte une division en ger. L'existence de la zone à Eumor- zones qui servira de cadre aux tra­ phoceras El a été mise en doute en vaux d'autres chercheurs notamment Belgique. Des méthodes nouvelles pour la répartition des flores namu- et plus fines ont permis l'élaboration riennes : zones de Bioul, zone de d'échelles biostratigraphiques. C'est Malonne, zone de Spy pour l'Assise là le sort de toute œuvre scientifique. de Chokier, zone de Sippenaeken, Les monographies publiées par Félix zone de Baulet et zone de Gilly pour Demanet restent la base indispen­ l'Assise d'Andenne. sable à toute étude du Carboniférien Importante encore la première mo­ en Belgique. Pour leur époque elles nographie complète de la faune ma­ constituent une mise au point re­ rine du Westphalien, basée sur des marquable. En 1942, l'Académie observations personnelles au cours de royale de Belgique lui décerna le douze ans d'exploration. Le côté prix Adolphe Wetrems pour son original de cet ouvrage est l'accent ouvrage Faune et Stratigraphie de l'étage namurien de la Belgique {Mé­ mis sur l'intérêt des Lamellibranches moires du Musée royal d'Histoire qui suppléent à la répartition des naturelle de Belgique, n° 97, 1941, Goniatites généralement utilisées en 327 pages, XVIII planches). paléontologie houillère. Revenant au Dinantien alors qu'il A côté de ces travaux, on compte avait été élevé à l'honorariat, De­ nombre de publications de moindre manet lui consacra en 1958 un mémoire amplitude. Il y a lieu de citer l'Echelle qui avait pour but l'étude du Tour- stratigraphique des terrains primaires naisien de Tournai (d'où proviennent de la Belgique en collaboration avec 189 DEPESTRE 190

Eugène Maillieux (dans Bulletin de la de la région d'Argenleau et de la vallée Société belge de Géologie, de Paléonto- de la Berwinne (Planchette Dalhem), logie et d'Hydrologie, 42 e année, dans L. Lambrecht et P. Charlier, t. XXXVIII, 1928, p. 124-131) et sa op. cité ci-dessus; 1956. Notices con- participation à l'ouvrage Flore et cernant le Dinantien, dans Lexique Faune houillères de la Belgique (3e par- stratigraphique internationale. I. L'Eu- tie, Bruxelles, 1938, p. 99-246, plan- rope, Paris; 1958. Contribution à ches 106-144) de haute vulgarisation l'étude du Dinantien de la Belgique, destiné aux ingénieurs des mines. Bruxelles, 152 pages (Mémoires de Lorsque Van Straelen créa l'Asso- l'Institut royal des Sciences naturelles ciation pour l'étude de la Paléontolo- de Belgique, n° 141). gie et de la Stratigraphie houillères, François StockmanB. Félix Demanet fut naturellement membre du conseil d'administration. Archives de la commune de Sosoye, Il contribua activement à ses travaux. extrait d'acte de naissance. — Archives En 1945, Félix Demanet demanda à de l'Institut royal des Sciences naturelles, être déchargé de ses cours à l'Univer- à Bruxelles : dossier Demanet ; Rapport sité de Louvain. sur les travaux de M.P. Demanet, direc- C'était un des collaborateurs dé- teur de laboratoire honoraire. — Archives voués de Victor Van Straelen qui de de la Commission de la Biographie natio- son côté ne lui ménageait pas ses nale, à Bruxelles, photographies diverses. Au chanoine Félix Demanet. En hom- sympathies. Ce dernier suggéra au mage. L'Association pour l'étude de la conseil d'administration de l'Associa- Paléontologie et de la Stratigraphie houillères, tion pour l'Etude de la Paléontologie dans Publications de l'Association pour et de la Stratigraphie houillères de l'étude de la Paléontologie et de la Strati- rendre un hommage bien mérité au graphie houillères, n° 21, hors série, Bru- paléontologiste, au cours d'une mani- xelles, 1955, p. l-vi. — J. Bouckaert, festation qui se déroula en octobre « Stratigraphie et Paléontologie de la super-zone Ri, dans Mémoires de l'Institut 1956. Il lui fut remis un volume auquel géologique de l'Université de Louvain, ses collègues et amis avaient apporté t. XXI, 1960, p. 3-94, pi. I-IV. — J. Bou- leur contribution. ckaert et A.C. Higgins, « La Base du Na- C'était un collègue sympathique murien dans le bassin de Dinant », dans qui avait gardé un peu de la malice Bulletin de la Société belge de Géologie, du paysan. de Paléontologie et d'Hydrologie, t. LXXII, 1963, p. 106-120, 7 pi. — W.P. Van Leck- wijck, Le Namurien en Belgique et dans Publications : outre les publications les régions limitrophes (Stratigraphie, Pa- relevées dans le volume dédié au léogéographie, Paléontologie, Sédimenlolo- chanoine Demanet, relevons : 1952. gie, Puissances), Bruxelles, 1964, 58 p., Un nouvel horizon à Goniatites dans 9 cartes (Académie royale de Belgique, la partie inférieure de l'assise d'An- Classe des Sciences, Mémoires in-4", denne, dans Compte rendu du 3e Con- 2' série, t. XVI, fasc. 2). grès de Stratigraphie et de Géologie carbonifères de Heerlen, t. Ier, Maes- tricht, 1951, p. 141-144, 1 tableau; DEPESTRE (Julien-Ghislain), 1956. Le Westphalien inférieur et le comte de Seneffe et de Turnhout, Namurien de la région Cheratle-Argen- homme d'affaires, baptisé à Ath le teau, par L. Lambrecht et P. Charlier, 22 janvier 1725, mort à Bruxelles le avec la collaboration de Félix Dema- 21 janvier 1774. net, André Pastiels et Yvonne Wil- Son père, Jean-Baptiste Depestre lière, Bruxelles, 81 pages, planches A (1678-1751), issu de la moyenne bour- et B (Publications de l'Association geoisie marchande d'Ath, fit fortune pour l'étude de la Paléontologie et de dans les livraisons aux armées et la Stratigraphie houillères, n° 25) ; dans le grand négoce de tissus et au- 1956. Note sur la faune du Namurien tres produits des Indes, et compta 191 DEPESTRE 192 parmi les principaux actionnaires de à obtenir à cet effet un statut public la Compagnie Impériale des Indes, du gouvernement — qui le jugeait dite d'Ostende. Anobli en 1744, il se déjà suffisamment puissant et l'ac­ fixa ensuite à Bruxelles, pour y pour­ corda à James Dormer, financier et suivre le commerce de gros de mar­ négociant anglais établi à Anvers —, chandises indiennes et s'adonner aussi il exploita cette activité en associa­ aux spéculations monétaires. tion avec son beau-frère Jean-Baptiste A Bruxelles, Jean-Baptiste Depestre Cogels et d'autres parents, et en tira se faisait assister par son fils cadet, d'appréciables bénéfices. Julien, qui acquit ainsi une solide Julien Depestre joua aussi un rôle formation commerciale, position ren­ notable dans l'industrie du papier, forcée bientôt par le considérable en regroupant deux papeteries — héritage paternel ainsi que par son celles de Diegem et de La Hulpe — mariage avec Isabelle Cogels, fille en une seule société qui l'associait d'un important banquier d'Anvers. Il principalement avec Cogels et la ban­ avait alors vingt-six ans et allait que Nettine, et qui, avec l'octroi d'un devenir en une quinzaine d'années le monopole gouvernemental, allait de­ principal homme d'affaires des Pays- venir l'une des premières du secteur Bas autrichiens. dans le pays. Julien Depestre, établi à Bruxelles, Toujours avec Cogels, Depestre y reprit la maison de commerce pater­ constitua à cette époque un consor­ nelle en tissus des Indes — cotons tium de prise ferme d'un emprunt imprimés, soies peintes, damas, bro­ public à lots, opération qui tentait, carts, etc. —, négoce qui, en associa­ cette fois, de l'introduire dans le ser­ tion avec son frère Jean-Baptiste, vice financier du gouvernement, fonc­ resté à Ath, allait former jusqu'en tion cependant réservée en fait à la 1765 la base de son activité lucrative. banque Nettine. Comme le commerce direct avec On le voit, Julien Depestre s'inté­ les Indes orientales avait été interdit, ressa dès ses débuts et de façon mar­ les ressortissants des Pays-Bas ten­ quante aux affaires les plus diverses tèrent de s'y intéresser par divers de commerce, d'industrie et de fi­ subterfuges. Julien Depestre joua un nance, au pays et à l'étranger, en rôle marquant dans l'une de ces ten­ témoignant un esprit d'entreprise tatives. En 1753, en effet, fut formée particulièrement dynamique. S'il y à Emden une compagnie d'armement allait de ses fonds propres et de ceux vers le Bengale, reprenant l'octroi de son épouse, il put compter aussi que Frédéric II de Prusse venait sur l'association de parents des deux d'accorder à un Anglais. Le Roi agréa côtés et, occasionnellement, de tiers, comme directeurs outre un Allemand, ce qui donna à sa maison — connue Julien Depestre, Jean-Pierre Hens- sous le nom de Messieurs Depestre, sens, d'Anvers, et Cornil Carpentier, etc. — le caractère d'une compagnie de Gand. La compagnie arma deux familiale ; il collectait aussi, dans une navires, mais ne rencontra que décon­ mesure considérable, des dépôts de venues. Depestre put toutefois profi­ grosses sommes à terme annuel renou­ ter du commerce des Indes par ses velable, dont la comptabilité s'inté­ participations dans les compagnies grait, le cas échéant, dans son réseau des Indes de Suède, de Danemark et de comptes de correspondants. Pour d'Angleterre. Il s'associa également faire face aux tâches courantes, il à l'expédition de plusieurs vaisseaux avait engagé plusieurs assistants. de Cadix pour les Indes mais aussi pour Buenos Aires et l'Angola. Ayant déjà bien assis sa fortune, Julien Depestre devait aborder de Le négoce outre-mer engagea De­ très importantes affaires. pestre à fonder une compagnie d'as­ Il put conclure — en fournitures surances maritimes. N'ayant pas réussi militaires, à l'instar de son père — 193 DEPESTRE 194 une opération impressionnante, qui deux pays — unis par un traité de allait élargir notablement sa fortune. paix — les résidences, les lieux d'édu­ Au cours de la guerre de Sept ans, cation des enfants et les alliances de la France devait entretenir une con­ ceux-ci seraient choisis aussi bien du sidérable armée en Allemagne. A cet côté français qu'au pays natal. effet, Depestre signa en 1761, à Ver­ En 1765, Julien Depestre acheta à sailles, une convention avec le duc Paris une charge de conseiller du roi, de Choiseul, ministre de la Guerre et qui comprenait divers privilèges tout des Affaires étrangères, par laquelle en assurant un crédit considérable. il s'engagea, moyennant monopole, C'est à cette époque qu'il acquit en à fournir et entretenir pendant six France d'importantes seigneuries : le mois à l'armée du maréchal de Sou- marquisat de La Tournelle, la châ- bise, six mille chevaux attelés à qua­ tellenie de La Ferté-lez-Saint-Riquier torze cent quatre-vingts voitures, ainsi que la baronnie de La Ferté- avec organisation hiérarchique. Pour Saint-Aignan, près de Beaugency, assurer l'exécution de cet énorme qu'il dota d'un nouveau château. En service et de fournitures annexes, ce temps aussi, il se lança à Paris Depestre eut recours à la sous-trai­ dans d'importantes opérations de cré­ tance de Pierre Ivens, négociant dit à de grands seigneurs, à des ma­ bruxellois. On imprima des affiches nieurs d'argent et au Trésor royal. de recrutement et des formulaires de Depestre ne délaissa cependant pas nomination, de recensement, de comp­ son pays. C'est ainsi qu'il tenta de tabilité, etc. Le recrutement des char­ développer l'économie de la région retiers, chevaux et chariots se fit no­ de Seneiïe, où il construisait son châ­ tamment dans le Hainaut, le Luxem­ teau principal. En 1764, il établit, bourg, la Lorraine et la Rhénanie. avec deux maîtres verriers connus, Le succès de cette affaire permit les Falleur, une verrerie à Seneffe, à Depestre de se livrer à de considé­ qui obtint la faveur du gouverne­ rables dépenses d'agrément, surtout ment. A Seneffe encore, il possédait la construction d'un château à Se- une briqueterie, mais il ne parvint neffe, seigneurie qu'il avait acquise pas à y implanter une fabrique de précédemment : on se décida pour produits chimiques. Dans la même un édifice d'ampleur et de beauté région, près de Saint-Vaast, il prit exceptionnelles — un corps de logis des intérêts dans plusieurs houillères orné de pilastres, avec deux galeries et finança de la sorte l'introduction, en retour, dans le nouveau goût de dans le Centre, des machines à vapeur l'antiquité romaine. Les travaux com­ nécessaires au pompage des eaux hors mencèrent en 1763 et furent terminés, des mines. pour l'essentiel, six ans plus tard. Par ailleurs, Julien Depestre suivit Les plans avaient été donnés par le mouvement d'idées en faveur du l'architecte Dewez, qui, après quel­ défrichement. La Campine, largement ques années en Italie, avait passé couverte de déserts de sable, de ma­ un an à Londres au service du célèbre rais et de bruyères, offrait à cet architecte Robert Adam, et était égard d'amples perspectives, que le rentré à la fin de 1758 au pays, où gouvernement s'efforçait de favoriser ; il avait, rapidement, gagné la renom­ des boisements de pins y avaient mée. d'ailleurs réussi depuis le siècle pré­ L'économie des provinces belges cédent. Or, une très importante sei­ n'offrant pas suffisamment de per­ gneurie de cette région, Turnhout, spectives à sa taille, Depestre résolut comprenant la ville et une douzaine de développer son activité en France, de villages, était alors en vente : le au point que sa famille allait bientôt duc de Sylva Tarouca, président du prendre un caractère belgo-français : Conseil Suprême des Pays-Bas à au départ d'intérêts répartis dans les "Vienne et favori de l'Impératrice BlOGR. NAT. — t. XLI. 7 195 DEPESTRB 196

Marie-Thérèse, tentait de s'en défaire. défrichement, mais il y rencontra Depestre imagina à cette occasion l'opposition des notables de la ville, un plan de manœuvres dont la ri­ qui — au-delà d'objections juridi­ gueur et le poids devaient assurer le ques — voyaient dans ces projets succès. Il s'agissait d'obtenir de l'Im­ novateurs une atteinte à leur pou­ pératrice le titre de comte ainsi que voir. En outre, lorsque l'Impératrice le droit d'ériger ses terres belges en édicta en 1772 l'ordonnance pour la majorat — domaine inaliénable et mise en culture des terres du Brabant, indivisible, à transmettre par primo­ obligeant les communes à vendre geniture masculine. Pour obtenir ces leurs terres incultes, l'opposition con­ faveurs exorbitantes à défaut d'un tre Depestre s'étendit à tout le comté dévouement particulier envers l'Etat, de Turnhout : c'est que l'économie Depestre pouvait promettre son aide des ruraux dépendait des bruyères, pécuniaire, agiter discrètement la me­ qui fournissaient gratuitement le com­ nace de s'établir en France et indi­ bustible, l'engrais, ainsi que le pâtu­ quer qu'il achèterait Turnhout, qu'il rage et le couchage du bétail ; au envisageait de faire fructifier par le reste, il était à prévoir que seul De­ défrichement. Muni des plus hautes pestre pourrait acquérir de telles recommandations, il monta en 1768 étendues, et cela à titre perpétuel en à Vienne, où il sollicita l'audience raison de l'incorporation dans son impériale pour y demander le titre majorat. Des procédures judiciaires comtal et le droit de majorat sur bloquant son projet, Depestre entre­ Seneffe et Turnhout, qu'il proposait prit d'appliquer celui-ci à d'autres d'acheter. Tous ces désirs furent exau­ terres de la région, en achetant de cés par Marie-Thérèse. Après achat grandes étendues de bruyères et ter­ du domaine campinois, Depestre de­ rains vagues sous Geel, Eindhout, vint ainsi comte de Seneffe et de Ravels, et Oostmalle. Mais il ne put Turnhout. y voir exécuter les travaux, frappé par la mort à la veille de ses qua­ Rentré à Bruxelles, il déclara quit­ rante-neuf ans. Du moins fut-il parmi ter les affaires. En fait, il s'agissait les premiers à donner une impulsion de s'en tenir à l'administration d'en­ durable au défrichement de la Cam­ treprises qu'il avait promues, mais pine, que son fils aîné allait pour­ aussi de développer ses placements en suivre. France et de commencer des défriche­ ments dans la région de Turnhout. Il laissait une succession colossale, En ce qui concerne la France, il de l'ordre de 3 millions de florins, se joignit en 1768 à un groupe de soit la première fortune d'affaires du Paris — notamment le duc de Choi- pays. seul, l'intendant de la Guerre Foullon Une grande partie de celle-ci, com­ et l'intendant des Colonies Dubuq — prenant le comté de Seneffe et de pour constituer une société de mise Turnhout, passa à son fils aîné, Joseph en culture en Guyane ; cette entre­ (1757-1823), qui vécut surtout à Paris, prise conduisit à l'achat et à l'éta­ où il devint un des principaux ma­ blissement de douze cents esclaves nieurs d'argent, mais perdit le plus noirs. A la même époque, Depestre clair de ses avoirs dans des opérations forma une compagnie pour l'exploi­ financières trop risquées et dans les tation de plantations à Saint-Domin­ confiscations de la Révolution. gue, et il fit de considérables crédits à Paris, surtout au Trésor, mais sa Xavier Duquenne. fortune y fut ébranlée par la faillite frauduleuse d'un important débiteur, Iconographie : un portrait de Julien. caissier général des Postes. Depestre est conservé dans sa descen­ dance. Quant à son territoire de Turnhout, X. Duquenne, Le château de Seneffe, Depestre s'efforça d'y entreprendre le Bruxelles, 1978, principalement p. 3-2Θ. 197 DERMUL — DESGAMPS 198

DERMUL (Amédée-Adolphe-An- Anvers, cofondateur et trésorier de toine), directeur de la Bibliothèque l'Académie de Marine, chargé de la communale d'Anvers et astronome publication du bulletin de bibliophilie amateur, né à Ostende le 4 avril Le compas d'Or, professeur à l'école 1887, décédé à Mortsel (Anvers) le moyenne des bibliothécaires et d'ar- 3 avril 1967. chivistes de la ville d'Anvers. Issu d'une famille de capitaines de Jacques-P. Cox. navire dont il appréciait fort la tradi- tion, il fit cependant carrière dans R. de Terwangne, « Amédée Dermul, l'administration de la ville d'Anvers (1887-1967) », dans Ciel et Terre. Bulletin et notamment à la Bibliothèque com- de la Société belge d'Astronomie, de météo- munale. rologie et de physique du Globe, LXXXIII6 Amédée Dermul fit d'importants année, 1967, p. 125-127. — Société d'Astro- travaux de bibliographie et de biogra- nomie d'Anvers. 46" et 47' rapports, 1965- phie, fut collaborateur de la Biogra- 1966, 1967, p. 9-11. phie Nationale. Il a dressé le Catalo- gue des manuscrits de la Bibliothèque DESCAMPS (Edouard-François-Eugène, de la ville d'Anvers (1 fort volume, baron), professeur à l'Uni- 1932) ; il fut le collaborateur scienti- e versité catholique de Louvain, avocat, fique d'Antwerpen in de XVIII eeuw sénateur, ministre d'Etat de l'Etat (1952). Membre du Comité National Indépendant du Congo, écrivain, •d'Astronomie, qui encouragea ses tra- né à Belœil le 27 août 1847, décédé à vaux, il fut chargé en 1948, par Bruxelles le 17 janvier 1933. l'Union Astronomique Internationale, Edouard Descamps est issu d'une •dont il était membre, de combler la ancienne famille belœilloise, alliée aux lacune qui s'étendait de 1881 à 1898 De Bay, Crombez, Petit et Cousin. entre la bibliographie de Houzeau- Descamps était le cinquième enfant Lancaster et YAstronomisches Jahres- d'Edouard-Joseph Descamps, qui berichl, travail considérable et im- épousa en secondes noces, après la portant. Il fut vice-président de l'As- mort de sa première femme en décem- sociation française d'Observateurs bre 1845, Sylvie van der Elst. Edouard •d'étoiles variables à Lyon et fut ho- Descamps épousa, le 14 novembre noré de la médaille Abbot en 1935. 1882, Marie-Thérèse David-Fischbach- Possédant un télescope newtonien Malacord, fille du bourgmestre de de 20 cm. construit par Paul Vincart Ferrières (Liège), née le 25 juillet d'Anvers, il effectua près de 40.000 1860, qui lui donna trois fils. Des- observations d'étoiles variables. camps a obtenu, le 30 avril 1892, la Bibliothécaire de la Société d'Astro- concession de noblesse et le titre de nomie d'Anvers, il était membre de chevalier transmissible à sa postérité la Société belge d'Astronomie, ainsi par ordre de primogéniture ; le titre de que du Conseil scientifique de celle-ci, baron lui fut-octroyé le 28 mai 1904, de la Société astronomique de France, transmissible de mâle en mâle par •de la British Astronomical Associa- ordre de primogéniture. tion, de la Société hollandaise Vereni- Descamps fit ses humanités et sa •ging voor Weer- en Sterrenkunde, de candidature en philosophie et lettres la Vereniging voor Sterrenkunde, préparatoire au droit, au Collège de Météorologie, Geophysica en aanver- Notre-Dame de la Paix de Namur. wante Wetenschappen in België. Dé- Ses études y furent couronnées par légué de la Société astronomique les palmes de l'excellence ; il obtint •d'Anvers auprès de la Fédération « à l'examen d'élève universitaire, le belge de Sciences mathématiques, » plus haut chiffre de points atteint physiques, chimiques, naturelles et » jusqu'alors en Belgique » (Mani- appliquées, il fut aussi conservateur festation en l'honneur de M. Edouard honoraire du Musée de la Marine, à Descamps [19 mai 1885], p. 4). Des- 199 DESCAMPS 200

camps s'inscrivit à l'Université catho­ eminente professeurs de l'Université lique de Louvain, où après d'excel­ catholique de Louvain, Delcour, fut lentes études, il fut reçu docteur en appelé au poste de ministre de l'In­ droit en 1869 et docteur en sciences térieur et, coïncidence ou non, le politiques et administratives en 1870, jeune Descamps — il était alors étant entendu qu'à l'époque, les âgé de vingt-cinq ans — fut nommé études politiques relevaient de la professeur extraordinaire à la Faculté Faculté de Droit. Lors de l'obtention de Droit. Le premier enseignement que de son diplôme en juin 1869, Descamps les autorités académiques lui con­ organisa une séance d'hommage à fièrent fut le cours de droit admi­ son professeur Charles Périn — homme nistratif, qu'il donnait à titre de de confiance de Pie IX —, qui ve­ suppléant du professeur Périn, forte nait d'être nommé correspondant personnalité louvaniste à rayonne­ de l'Institut de France, et auquel il ment national et international qui vouait une vive admiration. Périn ne dédaignait pas l'engagement po­ enseignait — signe des temps — un litique : chef de file des ultramon- nombre impressionnant de branches tains, il prit part à toutes sortes de plus ou moins disparates — l'écono­ controverses philosophiques qui divi­ mie, le droit public, le droit des Gens, saient à cette époque les catholiques et les libéraux (A. Louant, Périn, la statistique — et c'est « au nom des dans Biographie Nationale t. 30, » élèves des cours de droit et d'éco- 1959, col. 665-670 ; H. Pirenne, His­ » nomie politique », que Descamps toire de Belgique, t. IV, p. 144). lui dit « l'expression spontanée des Cette première nomination de Des­ » sentiments de reconnaissance et camps sera le point de départ d'une » d'admiration » et l'assura que « la très longue et d'une très fidèle colla­ » gloire du maître » était pour les boration à l'Université pendant près étudiants « une perpétuelle exhorta- d'une soixantaine d'années. » tion à la vertu » (Discours prononcé par M. E. Descamps au nom des Tout en accomplissant sa tâche Elèves des cours de Droit et d'Economie d'enseignant, Descamps prit soin de politique, Louvain, 1869, p. 4-5). compléter sa formation en s'inscri- Périn fut ému et enchanté. Quant à vant à certains cours aux universités Descamps, il quittait Louvain, s'inscri­ allemandes. Deux ans après sa nomi­ vait aux barreaux de Mons et de nation, sa charge d'enseignement fut Paris, mais en 1872 il passa au barreau augmentée des cours de Γ Encyclopédie de Louvain. Excellent avocat, res­ du droit et du Droit naturel, deux pecté par ses confrères, c'est à trois disciplines qui correspondaient par­ reprises, la première fois en 1892, faitement à ses inclinations et qui qu'il exerça les fonctions de bâtonnier marqueront sa personnalité. En 1877, de l'Ordre. Descamps fut chargé d'une nouvelle branche d'enseignement portant sur Sa longue et féconde carrière se l'Introduction historique au cours du déroula à plusieurs niveaux : univer­ droit civil ; il est devenu secrétaire sitaire, colonial, politique et interna­ de la Faculté, et c'est au cours de la tional. même année que les évêques de a) Sa carrière universitaire se fit à Belgique l'ont promu au grade de l'Université catholique de Louvain, professeur ordinaire. En 1880, il plus spécialement à la Faculté de exerça pendant un an les fonctions de doyen de la Faculté et fut nommé Droit, laquelle, dans les années 1871- vice-président de la Société littéraire 1872, comptait près de 150 étudiants de l'Université catholique de Louvain. sur un total d'environ 1.000 inscrits Sachant combien la théorie juridique à l'Université, et dont le nombre est distante de la pratique du droit et dénotait une progression lente mais voulant habituer ses étudiants à ma- constante. En 1871, un des plus 201 DESCAMPS 202

nier l'arme de la parole, il fut à progressivement leur attitude. Dès l'origine de la création de la Société 1885, Descamps modernisa l'intitulé juridique de l'Université, qui s'assi­ de son cours en Droit international et gna pour but « le développement des la législation consulaire. études juridiques au sein de la jeu­ En mai 1884, l'Université de Lou­ nesse catholique ». L'inauguration de vain célébra avec éclat son cinquan­ cette nouvelle institution eut lieu tième anniversaire depuis sa restau­ le 17 novembre 1880 dans la salle ration en 1834, et ce fut pour Des­ des réunions de la Société littéraire, camps, qui était alors âgé de trente- en présence du recteur Mgr Namèche, sept ans, une occasion pour manifester qui accepta le titre de président ses sentiments de militant catholique d'honneur de la société, alors que engagé. Il donna libre cours à ses sa direction effective fut confiée à penchants littéraires en composant Descamps. Dans son discours inau­ une Cantate jubilaire, laquelle à gural, le recteur salua en Descamps défaut d'une exceptionnelle valeur « un maître excellent qui va présider artistique ou littéraire, témoignait » à nos premiers travaux » (Annuaire d'une grande candeur de la part de de l'Université catholique de Louvain, son auteur, de son ardent attache­ 1881, p. 467). Il ne se trompa point. ment à la cause de la science, et de sa Descamps s'avéra un remarquable fidélité inconditionnelle à l'Univer­ organisateur, un excellent conducteur sité. Ces vers édités par les Autorités d'hommes, et sous son impulsion, la académiques, comportaient un couplet Société juridique eut un développe­ que voici : ment rapide. « Au grand soleil de la Belgique L'année académique suivante mar­ » Fiers et joyeux, gardant au cœur qua pour Descamps un important » L'amour du travail dans l'honneur, tournant dans sa carrière universi­ » Gardant notre devise antique : taire. Sur un blâme du nouveau pape » " Pour Dieu, la Patrie et le Roi ! " Léon XIII (3 août 1881), Périn » Liberté, nous suivons ta Loi, refusa de se soumettre et donna sa » Et dans l'avenir qui rayonne démission à l'Université de Louvain ; » Nous entrons, la main dans la des cours devenaient vacants, et les » maini autorités académiques chargèrent Des­ camps de l'enseignement du Droit » Dieu protège toujours Louvain des gens, matière à laquelle il tenait » Et l'Aima Mater, sa couronne ! » tout particulièrement et dans la­ En guise de remerciements pour les quelle il ne tarda pas à exceller. Il services rendus, la Société juridique existait à cette époque en Belgique organisa, en 1885, une manifestation « une insouciance peut-être trop d'hommage à son guide et protecteur. » prononcée à l'égard de ces questions » Placée sous la présidence d'honneur de droit international (Manifesta­ du prince de Ligne et sous la direction tion du 19 mai 1885, p. 8). Malgré la effective du baron Léon Béthune, création en 1869 par G. Rolin-Jae- la séance académique eut lieu aux quemyns, Westlake et Asser de l'excel­ Halles Universitaires, et « par une lente Revue de Droit international et de » délicate attention, le Comité organi- législation comparée, et malgré la » sateur avait fixé la date de cette fondation à Gand en 1873 de l'Insti­ » manifestation à l'époque anniver- tut de Droit international, les univer­ » saire des grandes Fêtes Jubilaires sités tardaient à suivre le mouvement, » de mai 1884, dont M. Descamps a et c'est finalement sous l'impulsion » été le poète et l'éloquent rapporteur de l'action de Leopold II en Afrique » après en avoir été un des principaux et de ses incidences politiques inter­ » organisateurs » (Manifestation en nationales, que les autorités acadé­ l'honneur de M. Edouard Descamps miques furent amenées à modifier [19 mai 1885], p. 3). Le président de 203 DESCAMPS 204 la Société générale des Etudiants, juridiques et sociales, il devenait M. Tibbaut, a reconnu chez Descamps président de sa section des confé­ « ce cœur de chrétien plein de dé- rences. Nommé en 1896 président » vouement et de sacrifice, cette de l'Ecole des Sciences politiques et » passion du travail qui fait les sociales qui venait d'être fondée à » savants, cette amabilité et cette l'initiative de Jules Van den Heuvel, » gaîté de caractère qui constituent le il ne tarda pas à s'y affirmer comme » charme de votre société » (p. 5). Le un des plus éminents enseignants. Montois Alphonse Harmegnies eut « Dans la Faculté de Droit, disait le des paroles non moins élogieuses. » recteur Mgr Hebbelynck, c'est sur- « Oui, Monsieur le Professeur, grâce » tout au sein de l'Ecole des Sciences » à la droiture de votre caractère, » politiques et sociales et diploma- » à l'aménité de votre esprit, à la » tiques que se manifeste l'initiative » généreuse bonté de votre cœur, » féconde de nos maîtres, soucieux de » vous avez eu le rare mérite de ne » relever l'enseignement profession- » compter que des amis sur les bancs » nel par la direction spéciale donnée » de l'Université, au sein du barreau, » à des disciples de choix par les » dans les rangs du corps professoral » publications personnelles » [Annuaire » et parmi les nombreux jeunes gens de Γ Université catholique de Louvain, » qui ont recueilli votre enseigne- 1910, p. xvi). En 1910, l'Université » ment. Et comment en serait-il de Louvain créait un autre établis­ » autrement ? Alors que tant d'hommes sement destiné à un grand avenir, » ne prennent pour règle de leurs l'Ecole des Sciences commerciales, » actions que les froids calculs de consulaires et coloniales, et Descamps » l'intérêt propre, vous avez toujours devenait titulaire du Cours de droit » eu pour unique ambition d'être colonial, rattaché au droit international » utile aux autres ; utile à la religion, en remplacement de la législation » utile au pays, utile à vos sembla- consulaire. » bles » (p. 12). Descamps fut pro­ fondément touché par tant d'éloges, Tout au long de cette première il remercia les orateurs avec beau­ période d'engagement louvaniste, les coup de chaleur, et prononça ensuite publications de Descamps portent un Discours sur la coordination des le sceau de ses convictions religieuses lois nationales, dénonçant l'éparpille- et de l'idée qu'il se faisait de la place ment et l'enchevêtrement extrême de du droit dans l'ordonnancement de la l'œuvre législative, proposant « un vie sociétaire. « Sur cet esprit pro­ » procédé rationnel et pratique de li fondement pénétré du rôle des » coordination » (p. 34). Et de ter­ » idées philosophiques et religieuses miner par une exhortation à l'adresse » dans l'histoire des institutions hu- des étudiants : « Ne dites pas : le » maines, le problème fondamental » génie est un don du ciel : cette » des rapports entre la nature et le » conviction fut souvent fatale. Ré- » christianisme avait exercé une at- » pétez-vous plutôt : le génie est » traction constante » (Ch. De Vis- » fils du travail, le génie est une longue scher, Annuaire de l'Académie royale » patience : cette conviction fût-elle de Belgique, t. Cil, 1936, p. 16). » fausse en partie, est du moins Descamps aurait voulu humaniser les » féconde » (p. 36). rapports entre les individus et entre les nations, et c'est pourquoi sa Bien entamée, la carrière univer­ philosophie du Droit fut largement, sitaire de Descamps continua à se fut essentiellement, moralisante. Il dérouler sous les meilleurs auspices. aurait voulu fonder la vie sociétaire En 1887, il redevenait doyen de la sur des bases morales solides, et Faculté de droit, et trois ans plus comme il lui semblait que le positi­ tard, lors de la transformation de la visme volontariste rigide n'était pas Société juridique en Cercle d'Etudes de taille à répondre à cette exigence, il 205 DESGAMPS 206 préconisait l'établissement d'un ordre tice. Et peu à peu, cette orientation social basé sur le droit naturel rénové. philosophique s'affirmera dans ses En 1880, il publiait un ouvrage écrits : l'idée du Pacigérat — du ré­ intitulé L'action du christianisme dans gime juridique de la paix en temps les sciences et dans les lois, ainsi que de guerre, et de l'établissement de Les harmonies du Droit naturel et du la paix par le droit — s'implantait Droit chrétien, en 1881 Les fondateurs dans son esprit, et il y reviendra à de la science du Droit, Hugo Grotius plusieurs reprises, avec beaucoup et le droit naturel, en 1886 Eludes de d'obstination, surtout à la fin de philosophie du Droit, en 1896 La sa vie, surestimant le rôle assigné au science de l'ordre. Pour bien com­ Droit pour pacifier la vie interna­ prendre cette tournure d'esprit et tionale, et sous-estimant l'incidence cette orientation philosophique de des forces politiques qui ne travail­ l'auteur, il est indispensable de rappe­ laient pas exactement à la cause de ler le climat dans lequel elles se si­ la paix, mais bien au contraire, tuent. A cette époque, la vie politique préparaient la guerre. C'est dire que en Belgique était marquée par de cette orientation philosophique et violentes controverses philosophiques cette conception juridique doivent et doctrinales, certaines idées issues être situées dans le contexte de leur de la Révolution française se heur­ milieu et de leur époque, car bien taient à une vive résistance et ne entendu, les idées qui agitaient le parvenaient pas à pénétrer dans le monde politique d'avant la première milieu de Louvain, la lutte scolaire guerre mondiale et entre les deux faisait rage, et c'est justement en guerres ne sont que peu comparables 1880 que fut consommée la rupture avec les préoccupations spirituelles, entre le Saint-Siège et le gouverne­ idéologiques et socio-politiques de la ment belge libéral, rupture qui a seconde moitié du xxe siècle. vrai dire ne fut que de courte durée, Il enseigna à Louvain pendant quatre ans à peine. C'est également près de soixante ans et sa carrière à cette époque que fut lancée à Rome académique eut un vaste rayon­ et à Malines, l'idée de la fondation à nement international que nous re­ Louvain d'un Institut de Philosophie traçons dans la dernière partie de thomiste, qui, sous l'impulsion du cette notice. Il ne fut admis à l'émé- cardinal Mercier, vit effectivement le ritat qu'en 1932, à l'âge de quatre- jour en 1889. Ce fut le retour à la vingt-cinq ans, un an avant sa mort. tradition, mais aussi un progrès par rapport à une certaine intransigeance 6) Pour bien comprendre l'engage­ doctrinale qui n'était plus de mise. Il ment colonial de Descamps — il est certain que l'esprit du cardinal fut total et inconditionnel — il planait sur les auditoires du Collège faut le situer lui aussi dans le con­ du Pape où Descamps enseignait son texte de l'époque et avoir constam­ Droit naturel, et il en subit l'influence. ment à l'esprit l'immense espoir que Le credo juridique de Descamps fut suscitèrent dans les milieux ecclésias­ que, « l'homme n'est pas le droit, il tiques belges les audacieuses initiatives » ne crée pas le droit, il lui est sou- africaines de Leopold II : on s'enthou­ » mis », et il le transposa dans son siasmait à l'idée que de nouvelles enseignement sur les questions na­ terres et de nouvelles populations tionales et internationales. Descamps s'ouvriraient à l'Eglise pour son était convaincu qu'un ordre juridique action missionnaire. Dès l'heureuse international ne pourrait pas dériver issue de la Conférence de Berlin en exclusivement de la volonté indivi­ février 1885 consacrant l'entrée de duelle ou collective des Etats, mais l'Etat Indépendant du Congo (E.I.C.) devrait être soumis à des principes sur la scène internationale, l'Univer­ transcendants de morale et de jus­ sité catholique de Louvain envoyait, 207 DESCAMPS 208 le 9 mai 1885, à Leopold II une » la côte africaine pour se livrer à Adresse, contresignée notamment par » certaines opérations commerciales. le recteur Pierre Pieraerts et les » Les Français devaient opérer entre doyens des cinq Facultés de l'Univer­ » le Sénégal et la Gambie, les Anglais sité catholique de Louvain. L'Adresse » à la Côte d'Or et à la Côte d'Ivoire, disait au Roi, « non sans une émotion » les Portugais dans les régions d'An- » de fierté nationale », l'admiration de » gola et de Benguela. Et quel était l'Université et l'assurait de son en­ » l'objet de ce partage ? L'exercice tière fidélité. « A voir ce continent » plus commode et plus fructueux de » immense ouvert par les soins de » la traite. Au xixe siècle, les gouver- » notre Roi à la civilisation chrétienne, » nements européens ont procédé à » la barbarie et l'esclavage menacés » un nouveau partage autrement pé- » dans leur sanglant foyer par l'in- » nétrant, et c'est l'abolition de la » vasion d'un ordre pacifique ; à voir » traite qu'ils n'ont pas hésité à » ce débouché préparé à l'exubérante » placer au premier rang de leurs » activité du peuple belge au moment » devoirs, avec la volonté ferme et » même où sa population croissante, » sincère de remplir ce devoir. Qui » où ses industries encombrées de » ne saluerait avec bonheur dans un » produits, où sa prospérité agricole » tel fait la marche du progrès dans » menacée lui font désirer plus vive- »l'humanité?» (L'Afrique nouvelle, » ment des horizons moins circon- p. 223). En effet, à cette époque de » scrits : nous comprenons que les l'expansionnisme colonial des puis­ » Rois, pères des peuples, ont des in- sances européennes, les problèmes » tuitions providentielles, et que la humanitaires soulevés par la coloni­ » grande responsabilité qui charge sation agitaient l'opinion publique » leurs couronnes leur inspire au πίθ­ on ne peut plus, et de toutes parts ο ment donné une élévation de vues, s'élevaient les voix réclamant l'abo­ » une générosité, une persévérance lition de la traite. Il faut se souvenir » bien faites pour leur mériter de la que, si l'abolition de l'esclavage aux » part des peuples une éternelle recon- Etats-Unis eut lieu déjà en 1863, » naissance » (Annuaire de Γ Université c'est tardivement, le 5 mai 1888, catholique de Louvain, 1886, p. xxvi- que Léon XIII avait dénoncé publi­ xxvn). Un an plus tard, en 1886, quement les horreurs de la traite l'Université fondait un Séminaire africaine en tant qu'institution, et africain pour les Stations et les réclamait sa suppression. Fort des Missions de l'E.I.C, lequel placé encouragements du Pape, le cardinal sous la direction de l'abbé Forget, Lavigerie lança aussitôt sa vigou­ professeur en théologie et arabisant, reuse campagne antiesclavagiste — reçut pour tâche la formation des il vint même prêcher à Sainte-Gudule missionnaires pour l'Afrique. à Bruxelles le 15 août 1888 —, des comités nationaux furent constitués, Descamps s'enthousiasma pour cette et plusieurs expéditions militaires œuvre d'évangélisation de l'Afrique ont été organisées en Afrique pour centrale : dans son esprit, elle s'iden­ combattre la traite. La Société anti­ tifiait avec une sorte de croisade esclavagiste belge fut constituée le civilisatrice. Son premier objectif de­ 25 août 1888 sous la présidence du vait être l'abolition de l'esclavage, général Jacmart, ancien comman­ tâche qui incomberait aux gouver­ dant de l'Ecole militaire, et ayant nants ; le second devait viser l'éman­ reçu la reconnaissance de la person­ cipation spirituelle des Noirs, tâche nification civile, elle organisa, avec qui devrait être confiée aux missions. le concours de l'Etat, trois expéditions Pour Descamps, l'abolition de l'escla­ en Afrique. Descamps adhéra à la vage découlait de son interprétation société dès ses débuts, y déploya une de l'histoire. « Au xvnie siècle, les grande activité, participa à la Fonda- » nations européennes se partageaient 209 DESCAMPS 210 tion de sa revue, Le Mouvement xelles, Hayez, 1890 ; L. de Lichter- antiesclavagiste dont il devint un des velde, Leopold II, 4e édition, 1935, rédacteurs, et y publia plusieurs p. 279-280 ; interprétation soviétique articles sur l'abolition de la traite. chez A.Z. Zousmanovitch, Imperija- Il a représenté la société belge en lislitcheskij razdel bessejna Kongo 1889 à Cologne, à l'assemblée générale [1876-1894], Moscou, 1962, p. 232- de la société antiesclavagiste alle­ 247). Dans ses souvenirs, Emile Ban­ mande, ainsi qu'au congrès interna­ ning rapporte le rôle constructif joué tional antiesclavagiste de Paris en par Descamps dans les travaux de la 1890, où il prononça un discours sur Conférence, rôle qui fut vivement L'Afrique nouvelle, qui fut publié à apprécié par le roi (Mémoires politi­ Louvain. ques et diplomatiques, 1927). Lorsque Tous ces problèmes lui tenaient à peu après, contrairement à la Bel­ coeur, et Leopold II qui observait gique, le Parlement français refusa attentivement ses activités, les a de ratifier l'Acte de Bruxelles pré­ appréciées et lui donna l'occasion de textant, entre autres, que les dispo­ mettre son zèle au service de l'Etat. sitions relatives au droit de visite Le 17 septembre 1888, le gouverne­ maritime allaient à rencontre de la ment britannique adressa à Leopold II souveraineté de la République, Des­ un message exprimant l'espoir que camps répliqua énergiquement dans o la Belgique pourrait être disposée Le Mouvement antiesclavagiste (La » à prendre l'initiative d'inviter les Conférence antiesclavagiste de Bru­ » puissances à se réunir en Conférence xelles et la Chambre des Députés de » à Bruxelles, afin d'examiner les France, 1891, p. 233-237). Il trouva » meilleurs moyens d'arriver à la sup- dans cette affaire un allié de marque » pression graduelle de la traite des en la personne de Gustave Rolin- » esclaves sur le continent d'Afrique », Jaequemyns, qui fut secrétaire géné­ et Leopold II y acquiesça, non cepen­ ral de l'Institut de Droit international dant sans avoir formulé ses conditions. et le rédacteur en chef de la Revue Réunissant les plénipotentiaires des de Droit international et de Législation dix-sept puissances, la Conférence en­ comparée, dans laquelle il publia, en tama ses travaux le 18 novembre 1891, une étude doctrinale préconi­ 1889, et Descamps y participa au sant la ratification de l'Acte. Peu à titre de délégué adjoint de l'Etat peu, sous la pression de l'opinion pu­ Indépendant du Congo (dont les plé­ blique internationale, le Parlement nipotentiaires titulaires ont été Per- français céda, et en décembre 1891 wez, Van Maldeghem et van Eet- il ratifia l'Acte de Bruxelles, sous velde), la Belgique, pour sa part, réserve néanmoins des dispositions ayant été représentée par deux grands relatives au droit de visite ; l'Acte commis du Royaume, Lambermont est entré en vigueur le 2 avril 1892. et Banning, ainsi que par Arendt. La Conférence de Bruxelles enrichit C'est grâce à eux que, dans la phase l'expérience coloniale de Descamps. finale de la Conférence, et nonobstant Le 21 août 1889, il fut nommé con­ la vive opposition de la délégation seiller au Conseil supérieur de l'Etat néerlandaise, Leopold II réussit à Indépendant du Congo, qui présidé réaliser une sorte de marché : il con­ par Pirmez, détenait dans l'ordre sentit à signer l'Acte de Bruxelles judiciaire de l'E.I.C. des attributions (2 juillet 1890), mais à condition de de la Cour d'appel et de la Cour de pouvoir prélever au Congo, contraire­ cassation, et qui en outre, avait pour ment aux dispositions de l'Acte Géné­ mission la préparation des codes et ral de Berlin de 1885, une imposition des décrets législatifs de l'Etat. II douanière de 10 p.c. sur les importa­ faut noter que, déjà en novembre tions (Actes de la Conférence de Bru­ 1888, le Bulletin Officiel de l'E.I.C. xelles [1889-1890], 2e édition, Bru­ publiait trois décrets se rapportant 211 DESCAMPS 212

à la lutte contre la traite, dont le » d'un gouvernement stable et pro- premier concernait l'interdiction du » tecteur ; donne pleinement ton fruit trafic des armes à feu, de la poudre » et répands par surcroît sur tes bien- et autres matières explosives. C'est » faiteurs des fruits d'honneur et de en sa qualité de membre du Conseil »richesse!» (Ibidem, p. 331). Et il que Descamps rédigea en 1891 le termina par un appel en faveur des décret relatif à la suppression de la missions africaines. « J'ai la confiance traite par voie de terre, qui fut à » que de vos délibérations sortiront l'époque une des premières législations » non seulement des résolutions, mais coloniales dans ce domaine. Le 27 dé­ » des actes et des œuvres dignes de cembre 1892, il rédigea un autre dé­ » la sainte cause de la rédemption cret relatif à l'acquisition de la na­ » des noirs, dignes des chevaleresques tionalité congolaise. » vertus de notre race, dignes de l'at- » tente de notre Roi, dignes des grands Concurremment au problème de la » desseins de Léon XIII touchant traite, Descamps se fit apôtre de » l'expansion des Missions catholiques Pévangélisation de l'Afrique centrale » d'Afrique » (Ibidem, p. 339). et de l'organisation d'une vigoureuse action missionnaire. Le 10 août 1891, C'est dans le contexte de sa croi­ il participa au Congrès catholique de sade antiesclavagiste que se situe éga­ Malines, réuni à l'initiative du car­ lement l'œuvre littéraire de Descamps : dinal, et y prononça un important elle se trouva au centre d'une querelle discours sur L'Avenir de la civilisation qui fit à l'époque beaucoup de bruit. en Afrique. Tout en reconnaissant Mû par ses nobles sentiments, Des­ que le mouvement de l'Europe vers camps composa une pièce de théâtre l'Afrique répondait « à un besoin en cinq actes et en vers, intitulée » général et providentiel d'expansion », Africa, une sorte de tragédie mélo­ et à « des nécessités économiques » dramatique, dont la qualité littéraire, (Le Mouvement antiesclavagiste, 1891, il faut le dire, était loin d'égaler la p. 330), Descamps plaida en faveur générosité de son inspiration morale. de la « rédemption de la race noire ». La pièce fut envoyée au concours Il le fit avec une fougue non dépour­ littéraire institué au nom de Léon XIII vue d'emphase. « Race noire, sœur de par le cardinal Lavigerie, pour récom­ » la nôtre, race trop longtemps vouée penser le meilleur ouvrage consacré » à la servitude dans le milieu natu- aux méfaits de l'esclavage en Afrique, • Tellement appareillé à ton existence, et dont le jury, composé en ordre » toi qui semblés n'avoir goûté un peu principal de membres de l'Institut de » de liberté qu'aux régions lointaines France, fut présidé par Jules Simon, » où l'on t'a fait essaimer dans le sang membre de l'Académie française, pro­ » et dans les larmes, — dépouille, dé- fesseur de philosophie, député puis » pouille enfin les langes séculaires sénateur, chef de gouvernement sous » où te retenaient ta faiblesse et notre Mac Mahon, adversaire de la politique » indifférence ou nos crimes ! Voici anticléricale scolaire de Jules Ferry, » que nous venons à toi les mains et auteur — dans un style pareil à » pleines de trésors divins et humains, Descamps — de la Religion naturelle »le cœur riche de pitié et d'amour! (1856), Dieu, Patrie, Liberté (1883), » Nous t'aimons comme les aînés etc. Le Jury avait à choisir entre » d'une famille aiment les plus jeunes. 35 ouvrages, il couronna l'Africa de » Attache-toi à nous comme le lierre Descamps. Le prix du concours, » au chêne et monte avec nous, dans 10.000 francs-or, était pour l'époque » la force et dans la lumière. Participe une petite fortune enviable, mais, » largement à la grande vie des peu- avec beaucoup d'empressement, Des­ » pies civilisés. Connais sur ton sol camps le remit au Pape pour aider » le bienfait d'une société régulière, ses missions africaines ; il reçut en 213 DESCAMPS 214 retour le titre héréditaire de comte » sont des souvenirs qui me resteront romain qu'il ne porta pas. Quant à » longtemps. L'enfer du théâtre est Y Africa, elle connut un retentissant » pavé d'alexandrins vertueux » (Re­ succès d'édition : trois éditions fran­ vue Générale Belge, février 1954, çaises, une en Flandre, une aux Pays- p. 705). Bas, deux en Italie, une en Allemagne, Léopoldiste convaincu, Descamps cette dernière comportant une lettre mit tout son talent au service de de Stanley. L'attribution de ce prix l'œuvre royale en Afrique. Le 25 juil­ déclencha dans le pays une véritable let 1893, il rédigea un rapport au guerre littéraire. Des publicistes appar­ Sénat relatif au régime des colonies tenant à la jeune aile de la littérature (Art. 1er de la Constitution) que nous catholique belge, contestèrent la va­ évoquons dans la partie consacrée à leur artistique de la pièce couronnée ses activités politiques, et un an plus et lancèrent contre l'Africa une cam­ tard, le 4 juillet 1894, il prononça au pagne de critique, voire de dénigre­ Palais des Académies à Bruxelles un ment. « Un critique verveux et se vibrant discours sur les Stations civi­ » sentant « supporté » comme on dit, lisatrices au Tanganika. Lorsque le » aujourd'hui, par les moins de trente 12 février 1895, le ministre des Affaires » ans d'alors, voua /l'Africa/ aux gé- étrangères, le comte de Mérode- » monies » (J.-M. Jadot, Bulletin des Westerloo, déposa le premier projet Séances de l'Institut royal colonial d'annexion du Congo par la Belgique, belge, 1954, p. 501). Le puriste en Descamps fut un des rares parlemen­ question était le chanoine Hector taires à appuyer le projet. A ce mo­ Hoornaert, du Magasin littéraire et ment, le roi ne voyait pas d'inconvé­ artistique de Gand, qui publia au nient à la reprise, mais le projet cours de la même année 1893, sous échoua en raison de la carence de la le pseudonyme suggestif de Justus Commission des XXI. Severus, un pamphlet intitulé Africa, En 1896, Descamps prononça le ou le mérite récompensé, drame nègre discours inaugural à la session de en un acte et en vers (Bruxelles, Bruxelles de l'Institut colonial inter­ Lacomblez). Descamps n'y répliqua national, et y esquissa un projet de pas, et d'ailleurs, n'a jamais gardé réglementation internationale du re­ une quelconque rancœur à ses détrac­ crutement de la main-d'œuvre dans teurs : sa poésie valait ce qu'elle les colonies. L'année suivante, il fut valait, elle découlait de ses sentiments, membre de la Commission de patro­ et après tout, ils étaient sincères et nage de la Section congolaise de l'Ex­ élevés. Peu à peu, la querelle s'apaisa, position de Bruxelles-Tervueren et la pièce fut occasionnellement jouée un des membres d'honneur de l'Œu­ dans l'un ou l'autre établissement vre des Missions catholiques de scolaire, par exemple au Collège Saint- l'E.I.C, fondée à Louvain avec l'as­ Michel à Bruxelles, et on n'en entendit sentiment de l'Episcopat belge et des plus parler. La dernière fois, quelques évêques-missionnaires du Congo. extraits d'Africa furent représentés Tout au long de la controverse qui au Palais des Beaux-Arts à Bruxelles, entourait l'œuvre royale en Afrique, lors de la séance commémorative en Descamps manifesta publiquement l'honneur de Descamps en janvier son soutien inconditionnel au roi. Le 1954, en présence de Mgr Van Wae- 6 mai 1903, il prononça à l'Académie yenbergh, Paul Struye, le R.P. Van royale un discours sur Le duc de Bra­ Wing s.j., etc. Le critique littéraire bant au Sénat de Belgique, En sou­ de la Revue Générale Belge y assista venir du cinquantième anniversaire de lui aussi, et son jugement fut cruel. l'entrée au Sénat de S. M. Leopold II « La rencontre des trafiquants arabes (1853-1903), et y rappela avec force » à Zanzibar, écrit-il, la mort du plusieurs initiatives royales en vue » héros, en pleine brousse et en vers, d'une expansion coloniale, plus spé- 215 DESGAMPS 216 cialement son discours au Sénat, le » seront tombés et que la main ordon- 27 février 1860, dans lequel le prince » natrice du temps, impartiale et se- héritier déclarait : « Je sens, avec une » reine, fixera la stature des hommes » conviction profonde, l'étendue de » et le relief des choses de notre épo- » nos ressources et je souhaite passion- » que, peu d'événements garderont, » nément que mon beau pays ait la » sans doute, aux horizons de l'huma- » hardiesse nécessaire pour en tirer » nité en voie du progrès, une enver- » tout le parti qu'il est possible, selon » gure égale à celle du mouvement » moi, d'en tirer. Je crois que le mo- » africain qui a auréolé de son éclat » ment est venu de nous étendre au » ce dernier quart de siècle » (p. xiv). » dehors ; je crois qu'il ne faut plus Pour Leopold II, qui affrontait » perdre de temps, sous peine de voir justement une violente campagne » les meilleures positions, rares déjà, contre sa politique africaine en Bel­ » successivement occupées par des gique, mais aussi à l'étranger, surtout » nations plus entreprenantes que la en Angleterre, la parution de l'ou­ » nôtre ». Et le futur Leopold II ajou­ vrage de Descamps fut une véritable tait : « Les comptoirs et les colonies aubaine. Le 12 avril 1903, le roi qui » n'ont pas seulement toujours bien se trouvait momentanément à Wies­ » servi les intérêts commerciaux des baden, écrit à Descamps : « C'est un » peuples, mais c'est encore à ces éta- » bien important travail de droit et » d'histoire. Avec un remarquable » blissements que la plupart d'entre » talent vous sapez de nombreuses » eux ont été redevables de leur gran- » erreurs et établissez l'inanité d'une » deur passée ou présente ». Descamps » foule de calomnies. Votre livre partageait entièrement ces vues, et » supérieurement écrit, admirablement en conséquence, adhéra avec enthou­ » raisonné fait briller des vérités que siasme à tout ce que Leopold II en­ » de bien des côtés on avait cherché à treprenait en Afrique. » obscurcir. Vous avez fait une œuvre C'est également en 1903 que Des­ » vraiment magistrale et éminemment camps publiait L'Afrique nouvelle, » patriotique. Permettez que je vous avec un sous-titre évocateur, Essai » exprime ma vive et profonde gra- sur l'Etat civilisateur dans les pays » titude et que je vous assure de neufs et sur la fondation de l'Etat » nouveau de ma sincère amitié ». Peu indépendant du Congo, qui est sans après, le 20 mai 1903, la Chambre des doute l'œuvre maîtresse de ses écrits Communes d'Angleterre votait une coloniaux. Certains ont voulu y voir motion qui ne fut pas très agréable « une somme de la science coloniale pour l'Ë.I.C, et en conséquence, » belge » (P. Coppens, dans Bulletin une fois rentré à Bruxelles, le 23 mai des Séances de l'Institut royal colonial Leopold II écrit à Descamps une belge, 1954-2, p. 516), d'autres n'ont seconde lettre le priant d'envoyer pas manqué de critiquer son style L'Afrique nouvelle au roi d'Italie, à quelque peu cérémonieux et son atta­ l'empereur de Russie, au chancelier chement sans réserves à l'action de de l'Empire allemand, aux ministres Leopold II. C'est un fait que Descamps des Affaires étrangères d'Autriche- défendait vigoureusement l'œuvre du Hongrie, d'Italie, de Russie, etc. ; roi en Afrique centrale, et il exhortait dans une autre missive il ajoutait sur ses compatriotes à s'y associer. Il la liste l'Espagne et la Suède. Une faut, écrivait-il, « couper défini tive- troisième lettre royale, datée elle aussi » ment court à des jugements super- du 23 mai, annonçait à Descamps que » ficiels que l'on rencontre encore le roi a signé l'arrêté le nommant mi­ » sous la plume de graves publicistes, nistre d'Etat du Congo. « Permettez- » et même sur les lèvres de quelques » moi à cette occasion, écrivait Léo- » hommes d'Etat » (p. 33). Et aussi : » pold II, de vous réitérer mes remer- « Lorsque les flots de poussière soule- » ciements pour les services eminente » vés par la mêlée contemporaine 217 DESCAMPS 218

» que vous voulez bien rendre sans royale de Belgique, 1904, p. 278). Il » cesse à l'Etat que je dirige ». Des­ disait que les colonies « sont appelées camps fit davantage. Il traduit L'Afri­ » à passer normalement de l'âge des que nouvelle en anglais (New Africa — » terres vacantes auquel correspond an essay on government and civiliza­ » la cueillette, à l'âge du sol approprié tion in new countries and the founda­ » ayant pour conséquence l'exploita- tion, organization and administration » tion reproductrice et vraiment cul- of the Congo Free State), et ce fut sans » turale des terres » (p. 280). En ce doute un geste utile, étant donné que qui concerne le régime de liberté les accusations britanniques prenaient commerciale, Descamps estimait qu'il une tournure plus précise et plus faut distinguer entre les formes que pressante. Il y avait d'abord une revêt l'échange : la traite coloniale première note du Foreign Office du doit nécessairement évoluer vers le 8 août 1903, puis une seconde du négoce, et seul ce dernier peut être 11 février 1904 à laquelle fut joint le soumis à un régime susceptible de rapport consulaire de Casemant. Des­ réclamations. camps décida d'y répliquer. Comme Le gouvernement britannique ayant en 1904 il assumait les fonctions de cru devoir porter devant le for des président de l'Académie royale de Etats signataires de l'Acte Général de Belgique, il centra son discours so­ Berlin certaines accusations d'ordre lennel de rentrée du 11 mai 1904 sur humanitaire, Descamps répliqua — le Différend anglo-congolais. Et il ce n'était pas son meilleur argument — s'empressa de faire paraître une que « tout le monde ne considère pas seconde édition anglaise de L'Afrique » l'obligation du travail imposé aux nouvelle, en y annexant son discours » noirs, à titre d'impôt, comme con- de l'Académie conçu à l'intention des » traire à leur relèvement » (p. 289). Anglais, et qui contenait une En ce qui concerne les allégations foule d'excellents arguments ; d'autres du rapport Casemant, il estima que, étaient bons et peut-être aussi moins « pour juger sainement de la con- bons. » dition des indigènes au Congo, il Les accusations britanniques se » convient de se rappeler et la situa- situaient tant sur le plan économique » tion où se trouvaient ceux-ci quand que sur le plan humanitaire. Le gou­ » l'Etat fut créé, et les immenses vernement de Londres accusait l'E.I.C. » progrès réalisés dans tant de do- d'avoir formellement violé les dispo­ » maines dont le rapport parle peu sitions de l'Acte Général de Berlin » ou ne parle aucunement » (p. 295). en ce qui concerne la liberté de com­ Et il 'ajoutait : « l'Etat indépendant merce dans le bassin conventionnel » du Congo n'a jamais prétendu être du Congo, d'avoir favorisé outre » infaillible ni impeccable. Qui pour- mesure la Belgique en n'accordant des » rait se flatter de l'être, en matière concessions qu'à des compagnies bel­ »coloniale surtout? S'il a procédé ges et d'avoir commis des abus en ce » parfois par tâtonnements, il ne qui concerne l'appropriation des ter­ » s'entête pas dans des errements res dites vacantes. » dont le redressement est réalisa- Descamps estimait que « les indi- » ble » (p. 299-300). » gènes peuvent disposer comme bon Enfin, Descamps refusait énergi- » leur semble de ce qui leur appar- quement la thèse de la colonisation » tient légitimement », mais, ajou­ collective, et naturellement, il n'ad­ tait-il, « l'acquisition de biens propres mettait pas que la Conférence de » n'est pas et ne peut pas être la même Berlin « ait instauré un haut contrôle » dans les pays où les terres sont sans » international, moins encore un grand » maîtres et dans les pays où le sol » conseil des Nations devant lequel » est légalement approprié » (Bulletins » les divers Etats pourraient avoir de la Classe des Lettres ... de l'Académie » à rendre compte de la manière 219 DESCAMPS 22»

» dont ils ont rempli ces engage- mort, il publiait, en 1932, un ouvrage » ments » (p. 286). Il contestait au collectif sur Y Histoire générale com­ gouvernement de Londres d'être « in- parée des missions, réunissant les » vesti d'un mandat spécial d'huma- écrits de Mgr Baudrillart, G. Goyau, » nité » (p. 290), et déclina l'offre P. Lebreton, P. Jacquin, L. van der britannique de soumettre l'affaire à Essen, R.P. Charles, R.P. de Moreau l'arbitrage : toute tentative de faire et P. Schmidt. Ce fut son dernier traîner l'E.I.C. à la barre de la Cour geste missionnaire avant de mourir. arbitrale serait, dit-il, contraire au c) Sa carrière politique débuta en Droit international, car l'E.I.C. n'a 1884 à l'occasion des élections pro­ pas adhéré à la Convention de La vinciales. Conseiller provincial de Haye. Par ailleurs, ajoutait-il, le gou­ Brabant de 1884 à 1892, il prit une vernement britannique avait refusé part active aux travaux du Conseil. antérieurement la procédure arbitrale Il préconisait la suppression des proposée par l'E.I.C. dans un de ses ballottages par l'application de la différends relatifs à l'interprétation représentation proportionnelle sans des traités de délimitation territo­ majorité absolue (1888), et étudia riale... Leopold II fit sienne cette les règlements comparés des neuf argumentation, et pour marquer sa provinces sur les cours d'eau (1891). gratitude, le 28 mai 1904 il a promu Conseiller communal de Louvain de Descamps au titre de baron. Ceci 1895 à 1907, il fut attiré par le pro­ étant, le roi a néanmoins tenu compte blème de l'eau et de l'éclairage de la de l'opinion publique et il consentit ville universitaire (1896). (ultérieurement) à l'envoi au Congo Mais, ce sont surtout les questions d'une commission internationale d'en­ politiques et constitutionnelles qui quête dont les conclusions l'amenèrent attiraient son attention. Comme il à prendre une série de mesures desti­ a déjà été signalé, Descamps préconisa nées à mettre fin aux abus. en 1885 d'entreprendre une œuvre sur Après l'annexion du Congo par la La coordination des lois nationales Belgique en 1908, Descamps deviendra (Louvain, 1885) : il y reviendra ulté­ président du Conseil supérieur du rieurement à plusieurs reprises. En Congo (5 avril 1919). La juridiction 1886, il publia un fascicule traitant de de la Cour de Cassation belge ayant L'expropriation pour cause de l'utilité été étendue au Congo en 1924, le publique, une étude relative aux 7 février 1925, il prononça le discours Immunités parlementaires, plus spé­ de clôture des travaux du Conseil. cialement une notice traitant de Pendant la période de l'après-guerre, L'arrestation et la poursuite des dé­ il se fit un ardent protagoniste de putés en cas de flagrant délit. Il édita l'œuvre missionnaire en Afrique. A en 1887 un volume sur la Constitu­ l'occasion du cinq centième anniver­ tion belge, un ouvrage sur le Code saire de l'Université de Louvain constitutionnel belge, ainsi qu'une no­ en 1927, Descamps lui fournit des tice dans les Pandecles, portant sur fonds permettant la fondation d'une des Conflits entre les grands pouvoirs chaire de l'histoire des missions, qui constitutionnels. En 1891, à la veille fut confiée à Léon van der Essen. des élections législatives, Descamps L'université apprécia cette générosité publiait un essai sur les sources du et rapidement la chaire de missiolo- texte de la Constitution qu'il intitula gie devint un important support La Mosaïque constitutionnelle. de l'action missionnaire au Congo (Mgr van Waeyenbergh, Les activités Rien d'étonnant qu'en 1892, Des­ coloniales de l' Université de Louvain, camps fut choisi comme sénateur dans Lovania, 1948, n° 13, p. 145). par l'arrondissement de Louvain : Quant à Descamps, peu avant sa il était alors âgé de quarante -cinq ans. Il resta membre du Sénat pendant 221 DESCAMPS 222 quarante ans, jusqu'en 1932. Il fut 13 novembre 1900), l'emploi de la intimement mêlé aux travaux de la langue flamande dans les publications révision constitutionnelle du 7 sep­ officielles (15 avril 1898), rapport sur tembre 1893 : pendant la session de l'épargne de la femme mariée et du 1892-1893, il fut d'abord secrétaire mineur (14 novembre 1899), l'orga­ et ensuite rapporteur de la Commis­ nisation du droit de suffrage (17 dé­ sion sénatoriale de la révision consti­ cembre 1899), la représentation pro­ tutionnelle. En 1893, Descamps est portionnelle (21 et 22 décembre 1899), intervenu à plusieurs reprises au rapport sur la Banque Nationale sujet de l'organisation du Sénat, plus (19 mars 1900), les immunités parle­ spécialement en ce qui concerne les mentaires (4 avril 1900), rapport sur articles 53, 54, 55, 56, 57 et 58 (19 mai, les pensions de vieillesse (5 mai 1900), 2,11,12, 28 août et 2 septembre 1893), le droit d'initiative et le droit d'amende­ du référendum (Article 26, 26 juillet ment au Sénat (1901), rapport sur les 1893), de la politique coloniale (2 août actes de partage (11 mai 1904), l'orga­ 1893) et du régime des colonies (Ar­ nisation diplomatique et consulaire ticle 1er). Dans son rapport relatif (8 juin 1905), rapport sur le système à cette question (Sénat de Belgique, défensif d'Anvers et sur les nouvelles Document N° 122, Commission de la installations du port d'Anvers (26 jan­ révision de la Constitution, réunion vier, 10 et 11 février 1906). du 25 juillet 1893), Descamps sou­ Descamps fut rapporteur des bud­ tenait la thèse que l'annexion par gets du ministère des Affaires étran­ la Belgique de l'E.I.C. n'aurait pas gères (1895 et 1896), des Voies et pour effet de faire des territoires Moyens (1897, 1898, 1899, 1906, 1907), coloniaux partie intégrante de la de la Dette publique (1897, 1898), des Belgique, et ne conférerait pas aux Dotations (1902, 1904, 1907), des habitants de la colonie la qualité de Finances et des Travaux publics citoyens mais de sujets. Tant au (1901, 1902, 1905, 1906), des Recettes niveau de la doctrine que sur le plan et des Dépenses extraordinaires (1898, constitutionnel et politique, cette 1900, 1902). formulation fut abondamment discu­ Il n'a pas cherché à accéder à tée et commentée, souvent en sens l'exercice de la responsabilité ministé­ divers. Elle fut évoquée en 1895 et rielle. Pourtant, lors de la démission en 1908, mais également dans les du gouvernement présidé par de Smet années précédant l'accession du Congo de Naeyer (12 avril 1907) et la con­ à l'indépendance (A. Durieux, La stitution du ministère de Trooz (2 mai Belgique et le Congo belge, dans 1907), 'il entra dans le nouveau Zaïre, 1953, p. 339-379). On s'y gouvernement. « Deux personnages, référa à la tribune de l'Institut » peu compromis dans la politique, Royal Colonial Belge en 1954, à » MM. Davignon et Descamps, rece- l'occasion de la présentation de la » vaient respectivement le portefeuille communication de Jean Stengers à » des Affaires étrangères et celui, nou- propos de la révision de l'article 1er de » vellement créé, des Sciences et des la Constitution [Bulletin des Séances, » Arts » (Ch. Terlinden, Histoire poli­ 1954, p. 1353-1363). tique interne, dans Histoire de la Bel­ Au cours des sessions suivantes, les gique contemporaine, Bruxelles, Dewit, interventions et les travaux de Des­ 1929, p. 219). En fait, ce ministère camps ont porté sur la création d'un des Sciences et des Arts correspondait Office international du travail (17 mai au département de l'Education natio­ 1894), l'arbitrage international (16 juil­ nale : jusqu'en 1878, l'instruction let 1895, 7 juillet 1897, 23 juin 1905), publique relevait du Ministère de rapport sur l'unification du réseau des l'Intérieur (le louvaniste Delcour en chemins de fer (23 juin 1897), le ré­ est devenu titulaire en 1871), et une gime de neutralité (19 avril 1898 et fois au pouvoir, les libéraux, désireux 223 DESCAMPS 224 d'opérer une vaste réforme laïque de mais surtout « au soldat du Droit, à l'enseignement, créèrent un ministère » l'apôtre de la pensée internationale, de l'Instruction publique. Revenus » au sens le plus humain et le plus au pouvoir en 1884, les catholiques » élevé du terme ». supprimèrent ce département, et c'est d) C'est en tant qu'internationaliste en 1907 qu'il fut rétabli sous la déno­ que Descamps s'est acquis une répu­ mination de ministère des Sciences et tation qui a largement débordé les des Arts. Quant à la direction du gou­ frontières de la Belgique. Ce qualifi­ vernement où Descamps fut ministre, catif appelle une explication. Dévoué elle passa, après la mort prématurée à la cause de la paix, protagoniste de de Trooz, à l'ami de Descamps, d'une organisation internationale re­ Schollaert. En sa qualité de ministre, posant sur la solidarité et l'interdé­ Descamps présenta le rapport au roi pendance des nations, confiant dans sur L'Organisation d'une enquête con­ le règne du Droit auquel il assignait cernant l'expansion artistique de la une mission civilisatrice primordiale, Belgique (1908), prépara le rapport Descamps ne fut ni un pacifiste ver­ parlementaire sur la création d'un beux ni un mondialiste naïf. Son dé­ Institut supérieur d'éducation physi­ vouement à la cause de la paix et de que (1908), rapport sur L'éducation la coopération internationale n'ex­ esthétique à l'école primaire (1909), cluait nullement le sens des réalités rapport sur L'Ecole primaire et l'ex­ politiques. Dans un monde marqué pansion belge (1910). C'est lui qui eul par la violence, le heurt implacable l'initiative de L'Exposition de l'Ari des intérêts politiques et la compéti­ Belge au xvne siècle qui fut un rée] tion économique outrancière, il savait succès de l'Exposition universellt faire la part des choses, fut fier de de 1910 (Trésor de l'art belge αυ sa patrie et ne cachait pas son ardent XVIIe siècle, 1er vol., p. V s., p. ix s.) patriotisme. Il condamnait « des poli- « Peu de ministres auront cependanl » ticiens cosmopolites, méconnaissant » été autant que lui honnis et cons- » la loi historique de notre développe- » pues. Aux diatribes virulentes de ses » ment social et les plus indestructi- » adversaires, il opposait un fronl » bles instincts de notre nature /les- » quels/ combattent le sentiment pa- » impassible, mais son flegme appa- » triotique au nom de l'esprit huma- » rent dissimulait mal une certain« » nitaire, proscrivent le mot de nation » surprise quand les intempérances dt » comme un vocable étroit, égoïste, » langage de nos députés le transpor- » contraire à la fraternité humaine, » taient bien loin de cette atmosphère » et croient ne pouvoir unir les peu- » sereine à laquelle l'avaient habitui » pies qu'en les condamnant à perdre » les débats au Sénat. Conciliant el » leur individualité dans je ne sais » pacifique, d'une éloquence académi- » quel Etat unique et sans frontières » » que courtoise, il s'accommodait ma (L'Afrique nouvelle, p. 32). Cette pro­ » aux luttes oratoires trop violentes fession de foi s'explique, tout au » à la Chambre. Le Ministre démis moins en partie, par les idées de » sionna en octobre 1910 » (F. Leu Descamps dans les affaires coloniales, ridant, Galerie belœilloise, p. 135). et le combat qu'il menait à côté de En 1922, il fut élu vice-présidenl Leopold II pour créer aux Belges un du Sénat, poste qu'il occupa jusqu'er avenir en Afrique. Il savait pertinem­ 1932, date à laquelle il quitta la Haut« ment bien que sur le continent noir, Assemblée. Le Sénat honora sa re la compétition des puissances n'était traite en organisant une séance publi pas un vain mot. Ce n'est que vers que, le 14 juin 1932. Dans son discour! la fin de sa vie, qu'à l'instar de beau­ circonstancié, le président Magneti* coup de ses concitoyens, sa vision du a rendu l'hommage au parlementaire monde politique évolua ; imprégné de à l'ancien collaborateur de Leopold II 225 DESCAMPS 226

Pesprit de Genève, c'est avec beau­ préconisa l'adoption d'un système coup de sincérité qu'il a cru que la pour parer à cette situation. Ses pro­ Société des Nations serait en mesure positions allaient au-delà des résolu­ de réussir dans sa lourde mission de tions de l'Institut de Droit interna­ gardienne de la paix mondiale. Ce ne tional : Descamps suggérait non seu­ fut pas le cas. lement la publication des traités con­ Etant donné la compétence de clus par les Etats membres de l'Union, Descamps en matière du droit des mais également la publication des gens — dont le contenu, peu étoffé traités signés entre les membres et jusque-là, commençait à se préciser — les Etats tiers. D'autre part, c'est à le Gouvernement belge recourut plu­ juste titre qu'il excluait de la publi­ sieurs fois à ses services pour le repré­ cité les lois nationales et les règle­ senter à l'extérieur. Descamps parti­ ments d'exécution. Traduisant ses cipa à la Conférence de Berne pour idées en acte, Descamps entreprit la publication des traités (1894), à la avec Louis Renault et Paul Fauchille, Conférence de Paris pour la protec­ la publication du Recueil international tion des œuvres artistiques et litté­ des traités du XXe siècle, et après la raires (1896), à la Conférence de Lon­ mort de Renault, avec Jules Basde- dres sur l'organisation de la Biblio­ vant le Recueil international des trai­ graphie internationale des Sciences tés du XIXe siècle. Dans la suite, (1898). la Société des Nations mit sur pied Il est un fait que Descamps nour­ le système d'enregistrement et de pu­ rissait un grand espoir dans l'avenir blication des traités internationaux des Unions administratives. Dans une (article 18 du Pacte), qui fonctionne communication à l'Académie royale de nos jours sous les auspices de l'Or­ de Belgique du 9 mai 1894, il leur ganisation des Nations Unies (arti­ assignait une place de premier plan cle 102 de la Charte). dans le développement de la coopé­ Non moins important fut l'apport ration économique, sociale et scienti­ de Descamps à l'institutionnalisation fique entre les nations. Les rédacteurs de l'idée de l'arbitrage international, du Pacte de la Société des Nations une des idées maîtresses de la fin du étaient du même avis, et conformé­ xixe siècle. Les méthodes arbitrales ment à l'Article 24 du Pacte, la Société pour régler les conflits entre les Etats a tenté, avec succès mitigé, l'intégra­ étaient préconisées notamment par tion des diverses Unions sous son l'Union interparlementaire, fondée à autorité. L'Article 57 de la Charte Paris.en juin 1889 sous la présidence de l'Organisation des Nations Unies de Frédéric Passy. Descamps y adhéra, accentua cette tendance centralisa­ en fut son secrétaire général, puis son trice. président à la Conférence de Bruxelles Descamps joua un rôle important en 1895, au cours de laquelle l'Union dans la mise en application de l'idée adopta un projet de statut d'une de l'enregistrement et de la publicité Cour d'arbitrage. Descamps rédigea des traités internationaux. S'inspirant à cette occasion un Mémoire aux des travaux de l'Institut de Droit Puissances sur l'organisation de l'ar­ international de 1885, 1891 et 1892, bitrage international, qui fut soumis ainsi que du projet du gouvernement aux différents ministères des Affaires belge qui donna naissance, en 1890, étrangères et publié en 1896. En sa à l'Union internationale pour la pu­ qualité de sénateur, il souleva le blication des tarifs douaniers, Des­ problème arbitral au Sénat de Bel­ camps présenta en 1894 un mémoire gique, le 16 juillet 1895 et le 7 juillet à l'Institut de France qui mettait en 1897 ; le Sénat s'y montra favorable évidence le grand désordre qui régnait et vota une résolution relative au rè­ à l'époque dans le domaine de la pu­ glement pacifique des différends in­ blicité des traités internationaux, et ternationaux. Elle fut bien accueillie BIOGR. NAT. — t. XLI. 8 227 DESCAMPS 228

à l'étranger et eut une incidence dans cours de l'Académie de Droit interna­ la préparation des conférences de la tional, t. III, 1926, p. 405). C'est paix. Descamps qui fut conseil du gouver­ Avec , Descamps nement des Etats-Unis d'Amérique représenta la Belgique à la Première et plaida pour lui, les 29 et 30 sep­ Conférence de La Haye en 1899. Il tembre 1902, dans cette affaire des y fut rapporteur de la Troisième Com­ Fondations californiennes, dans la­ mission dont les travaux aboutirent quelle le gouvernement américain fut à l'adoption de la Convention relative opposé au gouvernement du Mexique. au règlement pacifique des conflits Il fut également conseil du gouverne­ internationaux (29 juillet 1899), qui ment du Japon et plaida pour lui, servit ultérieurement de base à un contre l'Allemagne, la France et la très grand nombre d'instruments con­ Grande-Bretagne, dans l'affaire des ventionnels. Rendant hommage à Baux perpétuels au Japon, conformé­ Descamps, le délégué de la France, ment au protocole arbitral conclu à Léon Bourgeois, déclara : « M. Des­ Tokyo le 28 août 1902. Adatci, qui ìi camps est un de ceux qui, dans le fut directeur des affaires juridiques » monde, se sont le mieux et le plus du gouvernement japonais de 1903 » utilement consacrés à la cause de à 1907, et qui devint ultérieurement l'ambassadeur du Japon à Bruxelles, » l'arbitrage. Il a mis au service de dira : « Nous savons tous avec quelle » ses fonctions de rapporteur, outre » admirable clarté et avec quelle » le fruit de son expérience, toute sa » puissance persuasive le baron Des- » valeur personnelle ; je suis heureux » camps a exposé la thèse du Japon » de lui renouveler ici l'expression de » devant le tribunal arbitral de La » notre profonde reconnaissance ». De » Haye. Nous savons également que son côté, le président de la Confé­ » c'est grâce à votre conseil éclairé rence, le baron Staal, affirma : « Son » que la langue japonaise y fut recon- » nom demeurera intimement uni au » nue comme une langue officielle de » texte que vous venez d'adopter. » la Cour, à l'égal des trois langues » Son rapport est un monument de » européennes : le français, l'anglais » science et de méthode et représente » et l'allemand » (Me'morial, p. 30). » un effort intellectuel inappréciable ». Ayant largement contribué à la Descamps fut membre de la délé­ création de la Cour permanente d'ar­ gation belge à la Conférence de Paris bitrage, Descamps en fut membre dès dirigée par Hymans, Van den Heuvel ses origines, et il lui échut l'honneur et Vandervelde. Il fut un des dix de participer à la première affaire qui experts juridiques de la délégation. fut soumise à la Cour. « Pendant Le Conseil de la Société des Nations » quelques années, les Etats eurent ayant été chargé, aux termes de l'ar­ » l'air de la dédaigner. C'est alors ticle 14 du Pacte, de préparer un » que l'un des membres de la Confé- projet de la Cour permanente de » rence, le baron d'Estournelles de Justice internationale, il institua en » Constant (1851-1924), réussit à per- février 1920 un Comité de dix juristes » suader le Président des Etats-Unis, représentant toutes les parties du » Théodore Roosevelt, de chercher monde et le chargea de préparer un » dans les archives du Département avant-projet du statut de la Cour. » d'Etat, à Washington, un litige Descamps figurait parmi les membres » sempiternel avec le Mexique, et de de ce Comité, qui comprenait notam­ »le soumettre à la Cour (1902). C'est ment Adatci (Japon), Altamira (Espa­ » ainsi que la glace fut brisée, et gne), de Lapradelle (France), Philli- » pendant les années suivantes une more (Grande-Bretagne), Root (Etats- » série d'affaires fut réglée devant la Unis), auxquels se sont joints les » Cour » (Ch. Lange, Histoire de la membres du Secrétariat de la Société doctrine pacifique, dans Recueil des des Nations, Anzilotti, Brown Scott 229 DESGAMPS 230 et Hammarskjöld. Sur la proposition tion la plus marquante de Descamps d'Adatci, Descamps fut porté à la au progrès du droit des gens. présidence de ce Comité, et il dirigea Les problèmes relatifs aux relations ses travaux en juin et en juillet 1920. extérieures de la Belgique, plus par­ L'avant-projet qui en est sorti est ticulièrement à son statut internatio­ devenu le Statut de la Cour, après nal, retenaient son attention. Son avoir subi quelques remaniements du ouvrage sur la Neutralité de la Bel­ Conseil et de l'Assemblée de la Société gique, publié en 1902, fut parmi ses des Nations. Adatci dira que, c'est meilleures contributions doctrinales grâce à sa « bienveillante, souple, en droit international. Dans cette » mais énergique présidence que la étude sur « la constitution des Etats, » Cour permanente de Justice inter- pacifiques à titre permanent », Des­ » nationale a vu le jour » (Mémorial, camps réclamait pour la Belgique p. 31). l'indépendance, la neutralité et les En fait, la contribution la plus garanties, non sans affirmer que le décisive de Descamps dans l'élabora­ statut de neutralité permanente n'im­ tion du Statut avait trait à la défini­ pliquait nullement l'abandon du de­ tion des sources de droit judiciaire­ voir d'assistance à un pays victime ment applicable par la Cour. Conscient d'une agression non provoquée. S'il des insuffisances et des lacunes du parlait de la neutralité, il plaidait droit international conventionnel, également pour la limitation du droit opposé à un ordre juridique qui déri­ de guerre pour toutes les puissances,, verait uniquement des manifestations grandes et petites. Cet ouvrage reçut de volonté des Etats, Descamps refu­ d'emblée un accueil chaleureux. Pros­ sait d'admettre que « les nations ne per Poullet qui fut professeur à Lou­ » puissent être engagées que dans les vain d'histoire diplomatique contem­ » rapports qu'elles ont constitués par poraine de 1898 à 1937, écrit qu'« en » leur volonté concertée ». En consé­ » réunissant les éléments du Code· quence, il insistait sur l'inclusion dans » des droits et des devoirs internatio- le Statut des dispositions permettant » naux de la Belgique, l'auteur n'a aux juges, sous peine de déni de jus­ » pas seulement rendu un service tice, de faire appel, à titre complé­ » eminent à son pays, il a apporté mentaire, à d'autres sources de droit » une contribution importante au pro- que les traités ou la coutume. Des­ » grès du Droit international » ( Un camps réclama et obtint que la Cour, livre sur la neutralité de la Belgique,. o dont la mission est de régler con- dans Revue Générale, 1902, p. 779- » formément au Droit international 791). Cet ouvrage s'avéra d'une grande » les différends qui lui sont soumis », actualité en 1914 lors de la violation puisse appliquer à titre subsidiaire, de la neutralité belge par l'Allemagne,, « les principes généraux de droit re- et en 1919 lors de l'élaboration d'un » connus par les nations civilisées », nouveau statut international de la et secondement, qu'elle puisse recou­ Belgique. Au même titre que les rir à l'équité. Par cette adjonction, écrits d'Emile Waxweiler (La Belgi­ la mission de la Cour s'élargissait con­ que neutre et loyale, 1916 ; Le procès sidérablement, car aux règlements pu­ de la neutralité belge, 1916), de Fer­ rement judiciaires s'ajoutaient main­ nand Van Langenhove (Comment naît tenant des méthodes en vigueur dans un cycle de légendes, 1916), d'Alfred les procédures arbitrales. Charles De De Ridder (La violation de la neutra­ Visscher, qui plaida à plusieurs repri­ lité belge et ses avocats, 1926), et sur­ ses devant la Cour de La Haye et tout ceux de Charles De Visscher y fut juge de 1946 à 1952, a vu dans (The Neutrality of , 1915; cette formulation une solution émi­ La Belgique et les juristes allemands, nemment féconde pour l'avenir de la 1916 ; Les lois de la guerre et la théorie justice internationale, et la contribu­ de la nécessité, dans Revue générale- 231 DESCAMPS 232

de Droit international public, 1917), teur de la Chambre des Représentants, l'écrit de Descamps fut un ouvrage Van Cauwelaert, Descamps s'y dé­ de référence pour situer correctement clara favorable. En ce temps de la le problème de la neutralité de la réconciliation franco-allemande et de Belgique dans son devenir internatio­ l'amitié vigilante entre Briand et nal. En 1918, le gouvernement belge Streseman, on nourrissait beaucoup notifia à la France et à la Grande- d'espoirs. Non sans un certain opti­ Bretagne qu'il ne lui était pas possi­ misme, Descamps écrivait : « Loin de ble de rétablir le régime de neutralité » détruire le Pacte de la Société des permanente de 1839, et le 17 janvier » Nations, les Accords de Locamo 1919 il soumettait à la Conférence de » s'ajustent remarquablement à ce Paris un mémorandum auquel fut » Pacte dans l'ordre d'une consolida- annexée la note juridique rédigée » tion plus parfaite de la paix. Et, par Charles De Visscher sur la révi­ » en pénétrant dans leur économie, sion des traités de 1839. « Le statut » l'on n'a pas de peine à saisir, au » international que la Belgique pré- » regard spécial de la Belgique, com- » tend acquérir, déclarait Paul Hy- » ment ces Accords forment avec le » mans, est l'indépendance complète » Traité de Versailles, dont ils sont » sans conditions ni restrictions, poli- » le complément, et avec l'entente » tique, militaire et économique ». » défensive signée avec la France, C'est dans ce contexte de l'après- » visant le cas d'agression non provo- guerre que Descamps compléta ses » quée, un ensemble caractéristique considérations en publiant le Droit » du statut international nouveau de international et la thèse de la nécessité » notre pays ». Effectivement, le Pacte (1919), et en rééditant en 1920, la rhénan constata « l'abrogation des Neutralité de la Belgique. traités de neutralité de la Belgique » et substitua un système nouveau à Après la première guerre mondiale, l'ancienne neutralité belge. Alors que Descamps fut auteur de plusieurs jusqu'en 1925, le mécanisme de ga­ rapports sénatoriaux relatifs aux re­ ranties s'appuyait uniquement sur la lations extérieures de la Belgique. Il France, il reposait désormais sur un fut rapporteur sur la Convention groupe de puissances ; « grâce aux belgo-luxembourgeoise du 25 juillet » Accords de Locamo, la Belgique 1921 établissant une union économi­ » estimait avoir retrouvé son équilibre que entre la Belgique et le Grand- » européen, sauvegarde de son indé- Duché de Luxembourg : désormais, » pendance » (M. Bourquin, dans Re- les deux pays sont considérés comme vue de l'Université de Bruxelles, 1930, ne formant qu'un seul territoire au p. 276 ; P. Van Zuylen, Les mains point de vue de la douane et des libres, 1950). La suite des événements accises communes. Dans le cadre des démontra la fragilité de cet édifice difficiles négociations avec les Pays- diplomatique. Bas, Descamps présenta le rapport sénatorial sur le traité hollando-belge Après avoir représenté la Belgique (27 juillet 1926). avec le baron Moncheur, à Genève, En 1926, il fut rapporteur au Sénat Descamps fut rapporteur au Sénat du projet de loi portant approbation du projet de loi portant approbation des Accords de Locamo, lesquels, de l'Acte général pour le règlement négociés par Emile Vandervelde avec pacifique des différends internationaux l'appui de Paul Hymans, compor­ (26 septembre 1928), à l'élaboration taient, entre autres, le Pacte rhénan duquel participa activement le regretté conclu entre l'Allemagne, la Belgique, Henri Rolin. L'Acte institua une tri­ la France, la Grande-Bretagne et ple procédure : conciliatrice, judiciaire l'Italie, ainsi que la Convention d'ar­ et arbitrale, et il plaça la solution bitrage entre l'Allemagne et la Bel­ des controverses pouvant surgir en gique. Au même titre que le rappor­ ce qui concerne la « qualification des 233 DESCAMPS 234 litiges » (juridiques et politiques) dans fut nommé ultérieurement membre les attributions de la Cour permanente titulaire, succéda pendant deux ans de Justice internationale. Juriste par à Ernest Lehr aux fonctions de secré­ sa formation, Descamps approuva taire général de l'institut, fut son cette formulation. La Belgique adhéra président lors de la session de Bru­ à l'Acte le 18 mai 1929. xelles en 1902. C'est au nom de l'In­ Descamps fut délégué de la Belgi­ stitut de Droit international qu'il que à la douzième Assemblée de la prononça le discours aux funérailles Société des Nations en 1931 : « il y de son regretté fondateur, Gustave « défendit une dernière fois, avec une Rolin-Jaequemyns, décédé le 9 jan­ » fermeté qui fit impression, la cause vier 1902. En 1904, Descamps a fait » à laquelle il avait voué l'effort de suivre le Tableau général de l'organi­ » sa vie » (Ch. De Visscher, Annuaire sation, des travaux et du personnel de de l'Institut de Droit international, l'Institut, édité par Ernest Lehr, par 1934, p. 541). un Tableau décennal relatif à la pé­ En 1929, il publiait dans la Revue riode de 1894 à 1904 (session d'Edim­ de Droit international et de Législation bourg). L'édition plus complète de ce comparée une étude plaidant en faveur Tableau fut réalisée en 1919 par d'un Droit international nouveau. La Albéric Rolin. signature du Pacte Briand-Kellogg Lors de la fondation de l'Académie « mettant la guerre hors la loi » de Droit international de La Haye (27 août 1928), lui a fait entrevoir en 1913-1914, Descamps fut nommé une « ère juridique sans violence et membre du Curatorium de douze per­ » l'avènement du Pacigérat positif ». sonnalités auxquelles fut confiée la Il n'en fut hélas rien. Cette étude direction scientifique de l'Académie : écrite à l'âge de quatre-vingt-deux ans, il devait cette nomination à sa qua­ reprise et élargie en 1930 dans son lité d'ancien président de l'Institut cours à l'Académie de La Haye, lais­ de Droit international. Il assista à la sait transparaître un certain décalage première session du Curatorium du entre, d'une part, les vœux généreux 31 janvier au 2 février 1914 à Paris. d'un homme épris de la paix, sincère­ En 1930, Descamps fut chargé d'un ment et imperturbablement convaincu enseignement à l'Académie : son cours que le droit constituait toujours une porta sur L'Influence de la condamna­ force sociale nécessaire mais suffisante tion de la guerre sur l'évolution juri­ pour garantir la paix entre les nations, dique internationale. Descamps fut et d'autre part, les dures réalités de membre du Curatorium de l'Académie la vie politique internationale qui jusqu'à sa mort, en 1933; il y fut démentaient ces convictions. Le Pacte remplacé en 1934 par Charles De Briand-Kellogg s'avéra rapidement Visscher. lettre morte, l'esprit de Genève s'éva­ Nommé en 1895 en remplacement nouissait et de lourds nuages s'amon­ de l'homme d'Etat espagnol, Emilio celaient à l'horizon : les démentes Castelar, Descamps fut un des dix années de violence qui suivront seront associés étrangers de l'Institut de combien différentes de la douce tran­ France (Académie des Sciences mo­ quillité de la vie politique de la fin rales et politiques) ; il y siégeait à e e du xix et du début du xx siècle... côté du cardinal Mercier. Le roi Albert e) La carrière académique de Des­ fut élu en 1926 au siège devenu vacant camps eut un rayonnement interna­ par suite du décès du président Wil­ tional. son. Il fut membre d'un grand nombre Descamps fut élu correspondant de sociétés savantes. en 1893 et président en 1904 de l'Aca­ Nommé membre associé de l'Insti­ démie royale de Belgique. Il fut mem­ tut de Droit international en 1892, il bre de l'Académie des Beaux-Arts 235 DESCAMPS 236· d'Anvers. Il fut président de l'Insti­ noncées, parmi lesquelles une des tut colonial international, membre et plus émouvantes fut celle du vice- président de l'Union interparlemen­ président de la Chambre des Repré­ taire, président du bureau permanent sentants, le baron Tibbaut, le même de la Conférence parlementaire inter­ qui quarante ans plus tôt, en 1885, nationale du Commerce. Il fut mem­ rendait hommage à Descamps au bre de l'International Law Associa­ nom des étudiants... tion, et de l'Académie de la religion Il ne quitta définitivement Louvain catholique. Membre de l'Académie qu'en 1932. En cette année, beaucoup dei Lincei (Rome), de l'Académie de de choses venaient de changer à l'Uni­ Lisbonne et de l'Académie d'Oslo versité, mais aussi des hommes nou­ (Christiania). Membre correspondant veaux avaient fait leur apparition. de l'Académie royale des Sciences de Dès 1926, le Cours de droit colonial· l'Institut de Bologne et de l'Académie fut attribué à Paul Coppens qui garda de Jurisprudence de Barcelone. pour Descamps une vive admiration. Il était docteur honoris causa des La Législation consulaire passa au Universités d'Oxford, d'Edimbourg, vicomte Prosper Poullet, qui garda de Paris et des Facultés catholiques le cours jusqu'à sa mort en 1937. Le de Lille. flambeau du Droit naturel fut confié Le 31 mai 1926, à l'initiative de la à Jacques Leclercq venu de Saint- Faculté de Droit, l'Université catho­ Louis, qui commença comme abbé, lique de Louvain célébra avec éclat continua comme chanoine et finit en le jubilé de cinquante années d'ensei­ monseigneur : il fut prêtre. L'ensei­ gnement de Descamps. Le roi Albert gnement de l'Encyclopédie de droit qui le connaissait bien — il lui avait passa à Jean Dabin qui était un déjà écrit en 1903 à l'occasion de la homme d'envergure et dont on garde parution de L'Afrique nouvelle — lui un vivant souvenir. En ce qui con­ adressa un message de sympathie. cerne les deux Cours de droit interna­ Le premier ministre Jaspar s'associa tional, ils furent repris par Charles à cet hommage, au même titre que De Visscher, qui lors de la flaman- le gouvernement du Japon, la Cham­ disation de l'Université de Gand, bre et le Sénat du Brésil, les Univer­ fut nommé à Louvain en 1931, d'abord sités d'Oxford, Lausanne, Zurich, à l'Ecole des Sciences politiques et Strasbourg, Fribourg, Oviedo et Paris, sociales, ensuite à la Faculté de Droit. l'Institut de Droit international, l'In­ Charles De Visscher fit éloge de son stitut de France, l'Académie des Scien­ prédécesseur : « Le temps, dit-il, qui ces morales et politiques de Madrid, » sitôt efface honneur et dignités, l'Académie des Sciences de l'Institut » nous laisse l'exemple d'un labeur de Bologne, etc. En évoquant en » continu et fécond au service de termes élogieux la personnalité de » Dieu, du Droit et de l'Humanité » Descamps, le message de l'Université (Annuaire de l'Université catholique d'Oxford disait : « He is a type of de Louvain, 1934-1936, p. 907 s. - xi)- » man who specially appeals to an Ce fut une bonne succession. A son » English University and to English tour, Charles De Visscher défendra » Scholars — one who has combined l'honneur scientifique de l'Université » distinguished contributions to the avec une compétence rarement éga­ » theory of his Science with practical lée : il fut un homme de science de » application of it, both in affairs of réputation mondiale. » State administration and in the Law » Courts » ; adressé à un homme qui, Descamps fut un homme de bien en 1904, combattait les vues du gou­ et de devoir. Sa longue vie de labeur vernement de Sa Majesté, cet hom­ fut émouvante : il l'a placée sous le mage britannique fut significatif. De signe de la vertu. « Tout en recon- nombreuses allocutions ont été pro­ » naissant que l'avenir est à Dieu, » dit-il lors de son Jubilé à Louvain, 237 DESGAMPS 238

» j'ai cru placer la dernière étape de Paix, Ibidem, 1900, p. 736-749 ; La » mon existence sous l'égide d'une constitution internationale de la Bel­ » maxime qui me paraît féconde pour gique, dans Bulletins de la Classe » les travailleurs de la pensée. Cette des Lettres ... de l'Académie royale de » maxime, la voici dans toute sa sim- Belgique, 1901, p. 81-213 ; Le droit » plicité : celui qui veut faire un de guerre et le droit d'alliance dans la » emploi plein de sa vie doit toujours constitution internationale de Belgique, » se tailler de la besogne comme s'il Ibidem, 1901, p. 615-642; Discours de » avait encore à vivre longtemps, et Monsieur le baron Descamps, Prési­ a régler son travail comme s'il lui dent de l'Académie en 1904, lors de » fallait prochainement quitter l'exis- la réception au Palais le leT janvier » tence ». Il s'est éteint en janvier 1905, Ibidem, 1905, p. 1-4 (réimpres­ 1933, sans souffrances, en paix. A sion au Moniteur belge) ; Le droit beaucoup de ses amis et aux généra­ international et la thèse de la néces­ tions de ses anciens étudiants, sa sité, Ibidem, 1919, p. 375-396. mort causa un grand et un très sin­ Dans les Annuaires de l'Institut de cère chagrin. Droit international : Comptes rendus La bibliographie des œuvres de des sessions, 1892 s. ; Rapport sur la Descamps fut publiée dans le Mémo­ révision des statuts de l'Institut, 1900, rial des fêtes jubilaires organisées en p. 103-114; Discours d'ouverture de la l'honneur du Baron Descamps à l'oc­ session de l'Institut de Bruxelles, 1902, casion de sa cinquantième année de p. 222-228 ; Hugo Grotius (Discours professorat (Bruxelles, Guyot, 1926). prononcé à Delft au nom de l'Institut Elle fut reproduite textuellement avec à l'occasion du trois centième anniver­ ajouts pour la période 1926-1932 par saire du De Jure ac Pacis), Tableau Ch. De Visscher dans l'Annuaire de décennal de l'organisation du personnel l'Académie royale de Belgique, t. GII, et des travaux de l'Institut, 1905. 1936, p. 21-35. Nous y avons apporté Publiés sous l'égide de Γ Union quelques correctifs, en nous référant interparlementaire pour l'arbitrage in­ à d'autres sources, par exemple, E. Pi­ ternational : Essai sur l'organisation card et F. Larcier, Bibliographie géné­ de l'arbitrage international. Mémoire rale et raisonnée du droit belge, Bru­ aux Puissances par le Président de xelles, Larcier, 1882-1890, édition Γ Union interparlementaire, Bruxelles, de 1906 par E. Van Arenbergh. La 1896, reproduit dans a) Revue de liste ci-après (elle n'est ni complète, droit international et de législation ni parfaite) adopte le classement selon comparée, 1896, p. 4-74, b) Résolutions les matières. prises dans les huit conférences inter- parlementaires pour l'arbitrage de la 1. Droit international : paix et présentées au Parlement por­ Les offices internationaux et leur tugais par Joao de Paiva, Lisbonne, avenir, dans Bulletins de l'Académie 1898, c) traduction allemande, Mu­ royale des Sciences, des Lettres et des nich, Schupp, 1897, traduction russe; Beaux-Arts de Belgique, 3e série, Discours et rapport de M. le chevalier t. XXVII, 1894, p. 699-802 ; L'évolu­ Descamps sur le Pacigérat. Xe confé­ tion de la neutralité en droit interna­ rence interparlementaire tenue à Paris, tional, Ibidem, 3e série, t. XXXV, le 31 juillet 1900, Paris, Imprimerie 1898, p. 629-728 (reproduit dans Le nationale, 1901, reproduit en annexe droit de la paix et de la guerre ; Le dans le Compte rendu de la Xe Con­ Pacigérat, Ibidem, 3e série, t. XXXV, férence, p. 127-154 ; Comptes rendus 1898, p. 923-993 (également reproduit des Conférences, 1895 s. dans Le droit de la paix et de la guerre) ; Deux Recueils des traités : a) Recueil La Fondation Nobel et les institutions international des traités du XXe siècle auxiliaires qu'elle comporte. Projet contenant l'ensemble du droit conven­ d'érection d'un Institut Nobel de la tionnel entre les Etats et les sentences 239 DESCAMPS 24» arbitrales, en textes originaux et avec le titre Report of I.K. Ralston in the traduction française, en collaboration matter of the Pious Fund of California, avec Louis Renault et Paul Fauchille, Washington, Government Printing Paris, Rousseau, 1914-1921 ; b) Re­ Office, 1902 ; Le fonctionnement du cueil international des traités du premier tribunal d'arbitrage constitué XIXe siècle ..., en collaboration avec au sein de la Cour permanente de Louis Renault et Jules Basdevant, La Haye, dans Compte rendu des Paris, Rousseau, 1914. séances de l'Académie des sciences mo­ Actes des Conférences internationa­ rales et politiques (Paris), t. LIX, les : Actes de la première Conférence 1903, p. 420-432 ; Baux perpétuels au de La Haye, 1899. Cfr notamment les Japon. Tribunal of arbitration consti­ Travaux de la 3e Commission, ainsi tuted under Section I of the Protocol que le projet présenté par Descamps concluded at Tokyo, August 8, 1902, relatif à la Convention sur le règlement Bruxelles, Guyot, 1905; Chemin de pacifique des conflits internationaux, fer de Mex-Marioul à Salloum. Le a) reproduit dans Revue de droit inter­ différend entre la Daira Kassa et le national et de législation comparée, Gouvernement égyptien. 1912 ; Hélio­ 1900, p. 117-134, 270-299, 353-377, polis contre le Gouvernement égyptien. 499-514, b) traduction espagnole par Plaidoirie devant la Cour d'appel Marciai Martinez, dans Secunda Con- d'Alexandrie avec Me Millerand con­ ferencia internacional americana tenuda cernant les taxes immobilières, Le Caire, in Mexico, 1901-1902, Santiago de 1913 ; Un mariage mixte international. Chili, Cervantes, 1902, p. 38-140; Sur la condition juridique d'une prin­ Actes de la Conférence de Bruxelles cesse égyptienne mariée en Russie (1889-1890) sur l'abolition de la traite, avec un Russe, 1913 ; Une cause célè­ 2e édition, Bruxelles, Hayez, 1890; bre devant la Société des Nations. Le Actes de la Conférence de Berne de différend roumano-hongrois sur la con­ 1894 concernant la création d'une dition juridique des immeubles en Union internationale pour la publica­ Transylvanie (La réforme agraire en tion des traités, Berne, 1894 ; Actes Roumanie, étude dans l'ouvrage col­ de la Conférence de Paris de 1896 lectif publié sous ce titre, vol. 2, pour la protection des œuvres littéraires Paris, 1928). et artistiques, Berne, Bureau de l'Union, 1896 ; Report of the Proceedings at the Travaux relatifs à la Cour perma­ international Conference on a Catalo­ nente de Justice internationale : Procès- gue of scientific Littérature held in verbaux des séances du Comité des London, 18 act. 1898, Londres, Royal dix jurisconsultes nommés par le Con­ Society, 1898 ; Travaux de la Confé­ seil de la Société des Nations, La Haye, rence bibliographique internationale de 1920, notamment p. 12, 44, 322, 752. Bruxelles, dans Bulletin de l'Institut Ouvrages et articles : L' Union inter­ international de Bibliographie (Bru­ nationale pour la publication des trai­ xelles), lre année, 1895-1896, p. 4-9. tés, dans Comptes rendus des séances de l'Académie des Sciences morales et Les plaidoiries à la Cour d'arbitrage politiques (Paris), 1895, p. 445-471 ; de La Haye et d'autres plaidoiries Droit de la paix et de la guerre, Paris, internationales : Fondations califor­ Rousseau, 1898 ; Le Pacigërat ou le niennes. Etats- Unis d'Amérique contre régime juridique de la paix en temps le Mexique, La Haye, septembre 1902 ; de guerre, dans Revue générale de droit Le premier arbitrage de la Cour de international public, 1900, p. 629-652 ; La Haye. Les fondations californiennes Les grandes étapes du régime de la et la question de la chose jugée en droit neutralité et la vocation de notre temps international, avec le texte du compro­ à la constitution du Pacigérat, dans mis et de la sentence arbitrale, Bru­ Revue générale de droit international xelles, Guyot, 1902; La Haye, Van public, 1900, p. 705-731 ; La neutra­ Langenhuysen, 1902, reproduit sous lité de la Belgique au point de vue 241 DESCAMPS 242 historique, diplomatique, juridique et ters, 1891 ; Etudes d'art oratoire et de politique. Etude sur la constitution des législation, Louvain, Ch. Peeters, 1889 ; états pacifiques à titre permanent, en ce qui concerne les travaux au Bruxelles, Larcier, 1902 ; G. Rolin- Sénat et au Ministère des Sciences et Jaequemyns. Discours prononcé à ses des Arts, cfr le texte. funérailles, dans Revue de droit inter­ national et de législation comparée, 3. Questions coloniales et africaines : 1902, p. 10-17 ; L'avenir de l'Albanie, Articles et notes dans la revue 1913, adaptation dans une conférence Le Mouvement antiesclavagiste (Bru­ à l'Université du Caire, 1913; La xelles) ; Les grandes initiatives dans neutralité de la Belgique au point de la lutte contre l'esclavage, Bruxelles, vue historique, diplomatique, juridique 1888 ; La part de la Belgique dans le et politique, 2e édition, Bruxelles, mouvement africain, Louvain, Ch. Pee­ 1920; Le droit international nouveau. ters, Bruxelles, Murquardt et Falck, L'ère juridique sans violence et l'avè­ 1889 ; Un type d'Etat moderne : l'Etat nement du Pacigérat positif, dans civilisateur dans la colonie libre, Bru­ Revue de droit international et de légis­ xelles, 1889 ; La traite africaine. Dis­ lation comparée, 1929, p. 159 ss. ; cours prononcé à la salle académique 1930, p. 62-89; Le droit international de l'Université de Liège, Liège, 1888; nouveau et la vie commerciale dans le Les protocoles de la Conférence de Ber­ monde, dans Revue de droit interna­ lin concernant la traite, Bruxelles, tional et de législation comparée, 1930, 1889 ; La question africaine. Discours p. 243 ss. ; Le droit international nou­ prononcé à l'assemblée générale anti- veau. L'influence de la condamnation esclavagiste de Cologne, Cologne, 1889 ; de la guerre sur l'évolution juridique Discours sur l'Afrique nouvelle pro­ internationale, dans Recueil des Cours noncé à la salle de la Société de Géogra­ de l'Académie de droit international, phie de Paris, à l'ouverture du Congrès 1930, I, 31, p. 399-557. antiesclavagiste, Louvain, Peeters, 1890, reproduit dans Compte rendu du 2. Droit constitutionnel et admini­ Congrès antiesclavagiste de Paris, 1890 ; stratif : L'avenir de la civilisation en Afrique. Cours de droit administratif, Lou­ Discours prononcé à l'assemblée géné­ vain, Ch. Peeters, 1878 ; De la coordi­ rale du Congrès de Malines, Malines, nation des lois nationales, dans Mani­ Compte rendu du Congrès, 1891, pu­ festation en l'honneur de M. Edouard blié séparément la même année à Descamps (19 mai 1885), Louvain, Louvain chez Ch. Peeters et à Bru­ Ch. Peeters, 1885, p. 19-35; Code xelles chez Goemaere ; Projet de légis­ constitutionnel belge, contenant la con­ lation pénale contre la traite des escla­ stitution comparée et la coordination ves, Bruxelles, 1891 ; Les stations civi­ du droit public et administratif de la lisatrices au Tanganika. Discours pro­ Belgique, Bruxelles, 1887; La Con­ noncé au Palais des Académies sur stitution belge comparée aux sources l'œuvre de la Société antiesclavagiste modernes et aux anciennes constitutions de Belgique, Bruxelles, Goemaere, nationales, Louvain, 1887 ; De l'expro­ 1894; Avant-projet d'un règlement priation pour cause de l'utilité publi­ type concernant l'utilisation de la main- que, Louvain, 1886 ; De l'arrestation d'œuvre exotique dans les colonies, dans et de la poursuite des députés en cas Compte rendu de la session tenue à de flagrant délit, Bruxelles, 1886, re­ Bruxelles les 5,6 et! août 1899 (Insti­ produit dans La Belgique judiciaire, tut colonial international), 1899, p. 52- n° 50, 24 juin 1886, et dans les Etudes 66 ; Le duc de Brabant au Sénat de d'art oratoire et de législation, Louvain, Belgique. En souvenir du 50e anniver­ 1886 ; La mosaïque constitutionnelle. saire de l'entrée au Sénat de S. M. Leo­ Essai sur les sources du texte de la pold II (1853-1903), dans Bulletins Constitution belge, Louvain, Ch. Pee­ de la Classe des Lettres ...de l'Académie 243 DESCAMPS 244 royale de Belgique, 1903, p. 279-322, en 1896 ; La science de l'ordre. Essai réédition chez Peeters à Louvain en d'hormologie, Louvain, Institut supé­ 1903, seconde réédition en 1926 ; Le rieur de Philosophie, 1898; Le génie différend anglo-congolais, dans Bulle­ de la langue française et son rayonne­ tins de la Classe des Lettres ... de l'Aca­ ment international, dans Comptes ren­ démie royale de Belgique, 1904, p. 263- dus des séances et travaux de l'Académie 302 ; L'Afrique nouvelle. Essai sur des Sciences morales et politiques, l'état civilisateur dans les pays neufs Paris, 1921, p. 104-141 ; Le monde du et sur la fondation, l'organisation et le droit. Essai sur la gravitation juridi­ gouvernement de l'Etat Indépendant que et l'évolution civilisatrice, Ibidem, du Congo, Paris, Hachette - Bruxelles, 1922 ; Le génie des religions. Les ori­ Lebègue, 1903 ; New Africa. An Essay gines. Avec un essai de protologie on Government and Civilization in new scientifique sur la vérité, la certitude, countries and the foundation, organi­ la science et la civilisation, Paris, zation and administration of the Congo Alcan, 1923, 2e édition en 1930 chez Free State, Londres, Sampson Low le même éditeur, ainsi qu'à Bruxelles and Marston, 1903, 2e édition en chez Dewit et à Rome chez Desclée ; 1904 ; Législation pénale contre la Le génie des langues et le problème de traite des esclaves. Avant-projet et pro­ la parenté linguistique, dans Revue jet présentés au Conseil Supérieur du néoscolastique de philosophie, XXVIe Congo, Bruxelles, 1891 ; Discours de année, 2e s., n° 1, février 1924, p. 389- clôture des travaux du Conseil Supé­ 416 ; Le problème scientifique de la vie rieur du Congo, 7 février 1925; Pro­ selon la méthode intégrale et à la lu­ cès-verbaux des séances du Conseil ; mière de la science du réalisme ration­ La vocation de notre temps au progrès nel, dans Rendiconti della R. Accade­ des hautes études et à la didactique mia Nazionale dei Lincei, Classe di des missions, discours-introduction de Scienze morali, storiche e filologiche l'Histoire générale comparée des mis­ (Rome), 6e série, vol. I, 1925, p. 194- sions (Inauguration de la chaire de 248 ; La matière et la force, selon la missiologie à l'Université de Louvain), méthode intégrale et à la lumière de la Paris, Pion - Bruxelles, Dewit - Lou­ science et du réalisme rationnel, dans vain, Aucam, 1927; Histoire générale Bulletins de la Classe des Lettres ... de des missions, Introduction, Paris, Pion - l'Académie royale de Belgique, 5e série, Bruxelles, Edition universelle, 1932. t. X, 1924, p. 333-372. Notices et rapports sur les concours 4. Philosophie, droit, linguistique : ouverts par l'Académie, dans les L'action du christianisme dans la mêmes Bulletins. science et dans les lois, dans Revue catholique, n.s., t. 23, 1880, p. 4-21, 5. Economie : 161-174; La formation historique des Sous l'égide de la Conférence parle­ législations chrétiennes, Ibidem, p. 262- mentaire internationale du Commerce, 283 ; Les légistes et la liberté, Ibidem, différentes notes dans les comptes p. 540-549 ; les articles précités ont rendus des sessions, plus spécialement été réunis dans l'ouvrage L'action du Discours inaugural de la Conférence christianisme dans la science et dans à Bruxelles en 1914 ; Discours comme les lois, Louvain, Ch. Peeters, 1880; président du Conseil de la Conférence : Les fondateurs de la science du droit. Bruxelles (1919), Paris (1922), Bru­ Hugo Grolius et le droit naturel, Lou­ xelles (1924), Rome (1925), Londres vain, Ch. Peeters, 1881, reproduit (1926), Paris (1928) ; Discours sur la dans Etudes d'art oratoire et de légis­ crise du change, Paris, 1920. lation, Louvain, Ch. Peeters, 1889, Sous l'égide du Congrès internatio­ p. 121-140, et dans Etudes de philoso­ nal d'expansion économique : Discours phie du droit, Louvain, Ch. Peeters, e d'ouverture de la Section de l'expansion 1886, 2 édition chez le même éditeur civilisatrice dans les pays neufs et pré- 245 DESCAMPS 246 sidence de la section, Compte rendu du versité, dans Compte rendu des fêtes Congrès, 24 septembre 1903 ; Projet jubilaires de l'Université de Louvain, d'institution d'une Cour permanente Louvain, 1884 ; Africa, drame en des Parères internationaux, Compte vers, couronné au Concours littéraire rendu du Congrès, 27 septembre 1905. international pour le meilleur ouvrage sur l'esclavage africain, lre et 2e édi­ 6. Biographies et histoire de l'Uni­ e versité de Louvain : tions, Paris, 1894, 3 édition, Louvain, 1895, traduction allemande de L. von Discours prononcé par M. Edouard Heemstede, Münster, 1894, traduc­ Descamps au nom d'élèves des cours tions italiennes, Rome, 1894 (A. An- de droit et d'économie politique réunis tonelli) et Rome, 1896, traductions pour offrir à M. le professeur Périn néerlandaises par P.-M. Bots, Leiden, son portrait lithographie, Louvain, r 1894, et par J.-A. \ an Droogenbroeck, Ch. Peeters, 1869 ; Les fêtes jubilaires Gand, 1895. célébrées à l'occasion du cinquantième Komain Ytikemtchouk. anniversaire de l'Université de Lou­ vain. Compte rendu général, Louvain, Il existe une abondante documentation 1884, reproduit dans Université catho­ en ce qui concerne la vie du baron Des­ lique de Louvain. Liber memorialis, camps ; à part les archives, plusieurs 1834-1884, Louvain, Ch. Peeters, 1887, écrits retracent son œuvre. p. ν ss. ; Note historique sur la vie Pour la généalogie, cfr P.-A. du Chastel de la Howarderie, « Descamps >, dans et les travaux de Charles Delcour, mi­ Annuaire de la noblesse belge, 1Ö22, nistre d'Etat, professeur à l' Université lre partie, p. 68-75, cfr également les de Louvain, dans Annuaire de Γ Uni­ Annuaires de la Noblesse belge, 18Θ3, II, versité catholique de Louvain, 1890, p. 1006 ; 1910, II, p. 378 ; 1921, II, p. 190 ; p. xxxv-Li ; Eloge de M. le profes­ 1924, II, p. 195 ; 1926, II, p. 191. — En seur Maton, Ibidem, 1896, p. LV- plus, P.-A. du Chastel de la Howarderie, LXVIII, reproduit dans la Revue juri­ Généalogie de l'ancienne famille iournai- dique du Notariat belge, 10 mars sienne Cousin, Tournai, Casterman, 1908. 1890; Notice sur Léon-Charles De Pour sa carrière universitaire, cfr Annuaire de l'Université catholique de Monge, vicomte de Franeau, membre Louvain, 1872-1936, ainsi que Manifesta­ de l'Académie royale de Belgique, dans tion en l'honneur de M. Edouard Descamps Annuaire de l'Académie royale des {19 mai 1885), Louvain, Ch. Peeters, Sciences, des Lettres et des Beaux-Arts 1885 et surtout le Mémorial des fêtes jubi­ de Belgique, 1899, p. 123-144 ; L'élo­ laires organisées en l'honneur du baron quence de François Schollaert, Louvain, Descamps à l'occasion de sa cinquantième 1882; Notice sur le comte Everard de année de professorat, Bruxelles, Guyot, 1926. t'Serclaes, Louvain, 1904; Léon de Pour sa carrière politique, cfr les Docu­ Lantsheere. Discours prononcé à Γ Uni­ ments du Sénat, 1892-1932, plus spéciale­ versité par le doyen de la Faculté de ment la Séance du 14 juin 1932. Manifes­ Droit, 1912; Discours d'inauguration tation en l'honneur du baron Descamps, du monument élevé à la mémoire du vice-président ' de la Haute Assemblée à Père Damien, apôtre des lépreux de l'occasion de la 40" année de son mandat Molokaî, Louvain, 1894, reproduit sénatorial. — Cfr également les Documents dans La Gazette de Louvain, 22 dé­ de la Chambre des représentants, 1907-1910. — Mémorial administratif de la province cembre 1894, et dans Compte rendu de Brabant, 1884-1892. — Bulletin com­ des fêtes inaugurales ; Discours pronon­ munal de Louvain, 1895-1907. — A titre cés à l'inauguration de l'exposition subsidiaire, Figures nationales contempo­ Constantin Meunier et à l'inaugura­ raines, t. I, Bruxelles, Librairie moderne, tion de la statue Juste-Lipse, à Lou­ 1908, p. 5-6, portrait photographique, et vain. Le Sénat belge, 1894-1898, Bruxelles, 1897, p. 275-282. 7. Poésie : Sa carrière d'internationaliste a été La ronde des étudiants, musique de retracée par Ch. De Visscher, « Notice Ch. Gounod. Les souvenirs de l'Uni­ sur le baron Edouard Descamps, membre 247 DBVOS 248 de l'Académie >, dans Annuaire de l'Aca- issues de corporations de métiers démie royale de Belgique, t. OU, 1036, au XVIIe siècle (1641). p. 1-35 ; du même dans Y Annuaire de Il fit ses classes primaires à l'Ecole l'Institut de Droit international, 1934, moyenne de l'Etat de sa ville natale p. 538-541 ; du même dans l'Annuaire de l'Université catholique de Louvain, 1934- et ses humanités gréco-latines au Col- 1936, p. I-XII. — Cfr également Prosper lège de la Sainte-Trinité jusqu'à la Poullet,

Lonchay durent interrompre faute étendue de l'enseignement et de la de crédits. Ces recherches furent recherche. poursuivies avec succès en 1934 et Il enseigna aussi au Rijkstechnisch 1935 à Paris aux Archives Nationales Instituut et fut collaborateur attitré dans le Fonds de Simancas. En 1939 notamment de la Revue d'Histoire il devint chercheur libre du Fonds ecclésiastique, de la Revue belge de national de la Recherche scientifique, Philologie et d'Histoire, du Bulletin chargé d'une nouvelle mission, à de la Commission royale d'Histoire, PArchivo General de Simancas. du Dictionnaire d'Histoire et de Géo- La seconde guerre mondiale inter- graphie ecclésiastiques, de la Biogra- rompit ces recherches. phie Nationale. En 1950 un imposant volume sor- Il fut attaché à la Bibliothèque de tit de presse : Les chiffres de Phi- l'Université de Louvain en 1959 et lippe II [1555-1598] et du Despacho 1960. Universal durant le XVIIe siècle, Ayant atteint la limite d'âge en Bruxelles, 1950, 576 pages (Publica- 1959, il obtint démission honorable tions de la Commission royale d'His- de ses fonctions. toire, série in-4°). Ce travail, consacré Jérôme Devos est également l'au- à l'étude des systèmes cryptographi- teur de : e L'Art de Deschiffrer. Traité de dé- ques sous Philippe II et le xvn siè- e cle, reçut les éloges unanimes de la chiffrement du XVII siècle rédigé par Secrétairerie d'Etat du Saint Siège, un fonctionnaire du Despacho Univer- aux Etats-Unis, en Angleterre et aux sal (1668-1714?), Louvain, Nauwe- Pays-Bas. En même temps il mena de laerts, 1967, 18-166 pages et de front, avec succès son enseignement Jehan Lhermile. De la Généralité et plusieurs de ses anciens élèves d'Espagne (1587-1602). Extrait du s'intéressèrent à l'histoire. Mss II1028 de la Bibliothèque Royale, Un nouveau mandat de chercheur Bibliothèque générale de l'Ecole Pra- lui fut accordé pour la période 1952- tique des Hautes Etudes - Sorbonne - 1955. II lui permit d'étendre ses re- S.E. V. P.E.N., Paris, 1969,135 pages. cherches dans les divers fonds de Joseph de Kempeneer. l'Archivo General. Des documents nouveaux concer- Documents appartenant à la famille et nant les postes — la diplomatie — mis à la disposition de M. Joseph de Kem- l'espionnage et l'économie furent mis peneer. au jour. Enfin, le gouvernement, par arrêté royal du 2 mai 1956, le chargea DOCTEUR KWIEBUS. Voir de continuer à titre officiel, les recher- GHELDERODE (Michel DE). ches entreprises depuis 1929. Son état de santé, devenu inopinément DUFAY (Guillaume). Voir FAY précaire, le força à renoncer à cette (Guillaume DU). mission. Plus tard, des crédits plus larges permirent à son successeur de séjourner quasi en permanence à Si- DUHOT (Jean). Voir BOUILLY mancas. C'est cette même année que (Joseph). la Real Academia de la Historia l'élut à l'unanimité en qualité de membre DUPRÉEL (Eugène), prénoms dé- correspondant. clarés à l'état civil: Gustave-Eugène-Cécile-Léon; Les étudiants-stagiaires de l'agré- philosophe, sociologue gation de l'enseignement moyen du et historien, professeur à l'Université degré supérieur furent unanimes à libre de Bruxelles, né à Malines le apprécier la valeur de ses directives 8 février 1879, décédé à Ixelles le didactiques, basées sur son expérience 14 février 1967. 251 DTJPRÉFX 2K2

Après avoir achevé des humanités laire, 1939) de l'Académie royale de gréco-latines à l'Athénée royal d'Ixel- Belgique (Classe des Lettres et des les, il s'inscrivit à l'Université libre de Sciences morales et politiques), mem­ Bruxelles, où il devait obtenir, — en bre (correspondant, 1936; associé, 1901, en 1903 et en 1906, — les 1958) de l'Institut de France (Aca­ diplômes de docteur en philosophie et démie des Sciences morales et poli­ lettres (histoire), de docteur en philo­ tiques), il reçut, par ailleurs, les in­ sophie et lettres (philosophie) et de signes de docteur honoris causa de docteur spécial (philosophie). Des l'Université de Poitiers (1950) et de séjours successifs d'étude et de re­ l'Université de Paris (1950). Lauréat cherche à l'étranger (Berlin, Paris, (1951) du Prix décennal de philoso­ Florence, Rome) lui permirent de phie (7e période : 1938-1947), il compléter sa formation et de nouer compte, — avec Paul Decoster (1886- d'ores et déjà quelques précieuses 1939), le R.P. Joseph Maréchal (1878- relations avec le monde philosophique 1944) et Edgar De Bruyne (1898- de son époque. Chargé de cours (1907), 1959), — parmi les plus éminents phi­ professeur extraordinaire (1909), pro­ losophes belges de la première moitié fesseur ordinaire (1914), à l'Université du vingtième siècle. Un an après sa libre de Bruxelles, il y enseigna mort, s'est tenu le Colloque Eugène principalement l'histoire de la philo­ Dupréel (Bruxelles, 1968), dont les sophie ancienne, la métaphysique, la actes ont été d'abord recueillis dans la philosophie morale, la sociologie gé­ Revue Internationale de Philosophie nérale. Ce furent certes là ses en­ (1968), ensuite présentés sous forme de seignements de prédilection ; les néces­ volume (Eugène Dupréel. L'homme et sités de l'organisation même de la l'œuvre, Bruxelles, 1968) ; venant de vie académique l'avaient néanmoins France, d'Italie, de Pologne, de Suisse, amené à se voir confier, pour des des philosophes et des sociologues temps limités, les cours d'histoire sont ainsi venus se joindre à ses grecque, de logique, d'encyclopédie anciens élèves, dans un commun de la philosophie, d'analyse critique esprit de réflexion sur l'œuvre, de d'un traité philosophique. Promu à reconnaissance et d'attachement à l'honorariat en 1949, il poursuivit, l'égard de l'homme. tout au long des années d'une retraite assurément féconde, l'active et austère L'ampleur et la richesse de l'œuvre, méditation dont s'était constamment la rigueur et l'intrépidité de l'inspi­ nourri son enseignement. L'Institut ration qui en soutient l'ensemble, de Sociologie de l'Université libre de le dépouillement d'une écriture très Bruxelles, — aux publications pério­ surveillée : voilà qui déjà suffirait à diques duquel il avait régulièrement rendre compte de l'intrinsèque apport collaboré depuis 1910, — l'avait d'une pensée marquée au double appelé à participer aux travaux du sceau de la clairvoyance et de la sou­ Comité scientifique (1937) et à siéger veraineté. Encore convient-il de se au sein du Comité directeur (1945). faire attentif au singulier climat des Lorsque fut créé l'Institut de Philo­ présuppositions, des avertissements et sophie de l'Université libre de Bru­ des prémonitions, des inventaires et xelles, il avait été le premier à en des prospections, des engagements, assumer la direction (1940). La Société des options et des refus. Si la plus belge de Philosophie, — dont il fut, haute consistance n'est jamais que en 1920, l'un des fondateurs, — la consistance révélatrice de la plus l'avait porté à la présidence d'honneur haute précarité, et si le nécessaire (1947) ; et, l'année même où se consti­ peut être objet de dédain parce qu'il tua la Société belge de Sociologie, il ne saurait être objet de respect, accepta d'en être le président (1950). l'activité philosophique, — toute d'ex­ Membre (correspondant, 1927; titu­ plication et d'admiration, — culmine toujours dans un indéfectible acquies- 253 DUPRËEL 254 cement au tragique discret des bornes, nisme, dans Revue de Γ Université de des limites, des frontières et des Bruxelles, 1897-1898), — point de confins. Il n'y a rien qui ne soit départ de son premier grand ouvrage valeur, car il n'y a rien qui ne soit (Evolutionnisme et platonisme, Paris, synthèse d'ordre et d'acte. Une même 1908), — le jeune philosophe français dénonciation des illusions péremptoi- avait esquissé le programme d'un res du rationalisme et de l'irrationa- compromis entre la pensée de Platon lisme ne se laisse point retrancher et la pensée de Hegel. Programme d'une égale sensibilité à la transpa­ assurément original, dès lors que rence et à l'opacité des promotions Platon et Hegel n'étaient en effet du réel, non plus que d'une même consultés et interrogés que dans la attitude d'indépendance sourcilleuse, mesure où leurs solutions et leurs de probité critique, de réserve vigi­ réponses, révisées comme de juste, lante, de lucidité tout à la fois pai­ fournissaient les éléments constitutifs sible et désenchantée. Ainsi le sens d'un traitement bien informé et vécu de l'excellence humaine, — hors correctement ordonné des problèmes de portée des édifiantes et symétriques fondamentaux et des récentes ques­ apologies de la résignation à un ordre tions de logique générale. Berthelot pleinement générateur de force ou professait, sous les étendards d'une à une force pleinement génératrice philosophie de la relation, un rationa­ d'ordre, — a-t-il pu se rendre un peu lisme ouvert et vigoureux que ne distant, demeurer justement secret, laisserait pas de nuancer bientôt une se révéler néanmoins empreint de alerte et piquante curiosité à l'endroit patience, de compréhension et de des philosophies contemporaines de tolérance, accueillant et bienveillant, la vie (F. Nietzsche), de la convention jusque dans les lointaines manifesta­ (H. Poincaré), de l'intuition (H. Berg­ tions d'une solitude sereine et d'une son), de la croyance (W. James), de tranquille amertume. l'action (M. Blondel). Certains des Dupréel fut d'abord un brillant enseignements qu'il dispensa, de 1897 élève de Léon Vanderkindere sous à 1907, à ses auditoires bruxellois, la direction de qui il présenta une préludèrent ainsi aux vastes enquêtes dissertation de doctorat qui connut sur le mouvement pragmatiste ( Un les honneurs de la publication (His­ romantisme utilitaire, 3 volumes, Pa­ toire critique de Godefroid le barbu, duc ris, 1911-1922). Instruit des derniers de Lotharingie, marquis de Toscane, développements de la logique et des Uccie, 1904). Comme l'attestent mathématiques, de la physique, de les premiers des quatre-vingt-quinze l'astronomie et de la biologie, histo­ « Carnets » (1892-1963), demeurés jus­ rien des sciences, des religions et des qu'ici inédits, il ne se préparait littératures, exégète hardi de Sha­ cependant guère à un avenir de kespeare et de Goethe, collaborateur médiéviste. Tout se serait alors un exigeant et minutieux du célèbre peu passé comme s'il avait calmement Vocabulaire 'technique et critique de la attendu de pouvoir rencontrer, sur philosophie (Paris, huitième édition, les chemins obscurément pressentis 1960), Berthelot a confié à la posté­ de quelque nouvel esprit philosophi­ rité, — rien de plus émouvant, que, un conseiller averti et sagace, somme toute, que l'ultime hommage dont la haute compétence saurait lui de l'ancien élève à un maître qu'il ne inspirer la confiance qu'il estimait devait guère tarder à suivre dans la aussi bien devoir être de mise. Or, mort (René Berthelot à Bruxelles en 1897, à Guillaume Tiberghien [1897-1906], dans Revue de l'Univer­ (1819-1901), admis à l'honorariat, sité de Bruxelles, 1961), — les récoltes avait succédé René Berthelot (1872- éparses et riches d'une érudition 1960). Dans une retentissante leçon prodigieuse, les matériaux disparates inaugurale (Platonisme et évolution- d'une philosophie qui s'est progres- 255 DUPRÉEL 256 sivement renoncée dans un commen­ la relation (constitutive, en tant que taire équitable de la philosophie et telle, des termes mêmes qu'elle relie). des philosophies. Il fut, à n'en pas Il s'en faut ainsi de beaucoup que douter, — et comme Gabriel Tarde l'ouvrage ne mérite pas, à un double l'avait dit autrefois d'Antoine-Au­ titre, quelque mention particulière. gustin Cournot, — un « spécialiste D'une part, l'on peut y découvrir universel ». C'est donc à l'école et l'ébauche du système philosophique sous le patronage de Berthelot que que Berthelot s'était vainement pro­ Dupréel, — promptement introduit mis d'édifier. D'autre part, Dupréel, et méthodiquement entraîné à une en toute bonne foi, a pu s'exagérer, lecture toujours plus scrupuleuse de après coup, l'ampleur de la réorienta­ Platon et de Hegel, de Leibniz et de tion alors prochaine de sa pensée. Kant, de Cournot, de Renouvier et Marcel Barzin ne s'y est pas trompé, de Tarde, de Bertrand Russell et de qui a su clairement suggérer, en 1950, Louis Couturat, — défendit sa dis­ comment s'était jadis opéré le passage sertation de doctorat spécial (Essai d'une logique générale de la relation sur les catégories, Bruxelles, 1906). à une philosophie du rapport social Au temps de la maturité, l'auteur, — (Manifestation Eugène Dupréel [Bru­ dans une étude (De la nécessité, dans xelles, 1950]). Archives de la Société belge de Philo­ Lorsque, en 1907, Dupréel succède sophie, 1928) recueillie ultérieurement à Berthelot, il n'aura de cesse qu'il dans un précieux volume de mélanges n'ait étendu et approfondi son infor­ (Essais pluralistes, Paris, 1949), — mation. S'il s'enquiert, avec circon­ en parle comme d'un « travail de spection, de l'abondante et inégale » jeunesse soutenu par une entière production des sociologues rassemblés » confiance dans l'idée de nécessité ». autour d'Emile Durkheim, il se prend Au vrai, il n'était peut-être pas en revanche aux œuvres maîtresses indispensable de renier un brillant de Tocqueville, aux fructueux écrits exercice universitaire, tout imprégné de Tarde, à quelques extraits remar­ des premiers enseignements de Ber- quables de Simmel, et il pratique de thelot, quand bien même l'une ou plus en plus volontiers Cournot (qui l'autre des thèses qui s'y trouvaient demeurera, à peu de chose près, son illustrées devait, par la suite, être auteur de chevet). Les lignes de par­ abandonnée ou condamnée. Se pro­ tage et les champs d'application de posant de clarifier l'univers des ca­ ses intérêts majeurs se précisent à tégories, sous les points de vue l'horizon dégagé de l'œuvre à venir. complémentaires de leur statut et Dans la Préface aux Essais pluralistes, de leur origine, de leur signification Dupréel n'hésite pas à tenir une de et de leur portée, Dupréel, — après ses études (Convention et raison, dans avoir institué une confrontation cri­ Revue de Métaphysique et de Morale, tique des répertoires d'Aristote, de 1925), — d'ailleurs parmi les plus Kant et de Renouvier, — arrêtait solides, — pour « le premier manifeste les bases d'un ingénieux système » de l'autonomie de [sa] réflexion ». catégorial, qu'il identifiait résolument Jugement caractéristique seulement à la métaphysique de l'avenir. Or, de l'insatisfaction que ne devait jamais un tel système de catégories (caté­ arrêter d'éprouver le penseur à l'en­ gories logiques, catégories de l'activité, droit de tout ce qu'il avait pensé (et catégories sensibles), s'il procédait qu'il espérait toujours pouvoir mieux en effet d'une légitimation d'ailleurs penser). Qu'en est-il, par le fait, du prudente d'un même esprit d'univer­ thème, — fondamental, en l'occur­ salité (quant aux catégories logiques) rence, — de la convention ? Dupréel et de nécessité (quant aux catégories s'en est servi comme de la pierre angu­ sensibles), n'en consacrait pas moins laire d'une révision téméraire, peut- une philosophie de la souveraineté de être redoutable et assurément ambi- 257 DUPRËEL 258 guë, de l'histoire de la philosophie des variations concomitantes), les faits Ve et IVe siècles grecs (La légende sociaux ne se laissent intercepter, socratique et les sources de Platon, dans leur intrinsécité, qu'au travers Bruxelles, 1922). Dans un texte de d'un réseau complexe et mouvant de circonstance, sobre et très ramassé relations multiples, diverses et com­ (Sur l'importance de la notion de con­ plémentaires les unes des autres, vention dans l'explication philosophi­ telles, au surplus, que les termes que, dans Atti del V° Congresso inter­ qu'elles relient ne les détermineraient nazionale di filosofia, Napoli, 1924), que dans la mesure même où elles il en a poursuivi méthodiquement les déterminent. Si Dupréel se garde l'élaboration amorcée dix ans plus tôt d'identifier une société à la simple (Convention et réalité, dans Année somme de ses membres, c'est parce sociologique, 1914). Aussi bien en qu'il s'est interdit d'identifier les avait-il déjà laissé aisément percevoir membres d'une société aux unités les multiples résonances lors d'une d'une somme dont la commutativité présentation solennelle (Sur les rap­ serait alors une propriété fondamen­ ports de la logique et de la sociologie tale. Multiples, divers et interdépen­ ou théorie des idées confuses, dans Atti dants, les rapports sociaux auront pu del IV" Congresso internazionale di être dénombrés sous quelques larges filosofia, Bologna, 1911) du livre, à points de vue (analogie, temps, exten­ tant d'égards incomparable, qu'il sion, résultat), et l'on retiendra, par s'apprêtait alors à publier (Le rapport exemple, de cet inventaire, que, s'il social, Paris, 1912). Nul doute que y a des rapports sociaux positifs (gé­ c'est donc en 1911-1912 que Dupréel nérateurs d'accord et d'entente) et accède à » l'autonomie de [sa] ré­ des rapports sociaux négatifs (géné­ flexion ». Le sous-titre (Essai sur rateurs d'antagonisme et de conflit), l'objet et la méthode de la sociologie) ceux-ci ne sont certes pas moins révé­ du livre de 1912 fixe, dans ces con­ lateurs des mutations de la socialite ditions, le programme que s'est assi­ que ne le seraient ceux-là. Quant à gné l'auteur. L'objet de la sociologie? la « logique sociale », dont les pre­ Il y a rapport social aussitôt que se miers acquêts sont consignés dans le noue entre deux hommes une rela­ dernier chapitre du livre, ce n'est pas tion en fonction de laquelle certains s'abuser que de prétendre que s'y états de conscience et certaines actions annoncent les éléments principaux de de l'un d'entre eux dépendent, en la philosophie de la maturité. Sans tout ou en partie, de l'existence (telle doute le souvenir du Tarde de La qu'elle s'est manifestée, à son tour, logique sociale (Paris, 1895) n'est-il dans des états de conscience et dans pas absent de ces pages qui, pour le des actions) de l'autre. La méthode reste, sont d'un philosophe délibéré­ de la sociologie ? Ce n'est pas élucider ment soucieux de ne point se laisser les faits sociaux que de les réduire prendre au double piège des réduc­ à des processus de contrainte ou à tions mutilantes et onéreuses du ratio­ des mécanismes de pression de la nalisme et de l'antirationalisme. Le collectivité sur l'individu, et c'est ne propos de Dupréel ne saurait cepen­ pas rendre compte des choix et des dant être confondu, — ni dans les renoncements d'un individu que d'as­ prémisses, ni dans les conclusions, — similer d'entrée de jeu celui-ci au avec le dessein le plus général de terme passif et réceptif d'une relation Tarde. Il ne s'agit, en l'occurrence, mixte et unilatérale dont la collecti­ de rien de moins que d'une ferme et vité serait le terme actif et productif ; incisive justification du refus des pri­ bien loin qu'ils ne soient que des mats symétriques et contrastés du « choses » (strictement explicables, clair sur le confus et du confus sur comme de l'extérieur, grâce à un re­ le clair. Ni la clarté ne se résorbe cours systématique à la méthode des dans le pur intelligible, ni la confu- BIOGR. NAT. — t. XLI. 9 259 DUPRÉEL 260 sion ne se résorbe dans le pur sensi­ les plus élaborées de la pensée con­ ble. Les idées qui passent pour les fuse. Non que Dupréel soit tenté de plus claires (nombre, espace, temps, cautionner quelque pragmatisme lour­ causalité, finalité) ne seraient exemp­ dement enclin à réduire le clair au tes de toute confusion qu'à la condi­ confus. Ou d'avaliser quelque positi­ tion d'être dépourvues de toute uti­ visme qui, s'étant avisé de leur irré­ lité pratique. Qu'en est-il, à plus ductibilité aux idées claires, congé­ forte raison, des idées de bien, de dierait les idées confuses après leur beau, de Dieu, de bonheur, de justice, avoir dénié inconsidérément toute de charité, de liberté, de responsabi­ importance. Il y a plus et il y a autre lité, de mérite, de gloire, d'honneur, chose, dans les réformes de la con­ etc. ? Ni sensibles ni claires, ce sont science et dans les progressions de la des idées confuses (et d'autant plus connaissance, que les témoignages confuses qu'elles sont en général plus contrôlables d'un simple passage du prestigieuses). Retient-il, à titre confus au clair. De ce que « la morale d'exemple et pour la cerner dans les ne se démontre ni ne se déduit », limites de l'insurmontable confusion Dupréel entend seulement retenir qui l'affecte, l'idée de mérite person­ que, — loin que nous puissions discré­ nel? C'est cette même idée, que Du- diter, parce qu'ils sont confus et qu'ils préel (procédant, sur nouveaux frais, seraient du même coup contradic­ toires, les notions, les idées, les énon­ à une réhabilitation de la pensée con­ cés et les raisonnements dont elle ne fuse) soumettra à un même type de cesse de s'enrichir, — nous devons traitement, dans une magistrale étude nous enquérir des processus d'accord (La pensée confuse, dans Annales de et d'entente, d'antagonisme et de l'Ecole des Hautes Etudes de Gand, conflit, de convention et d'évaluation, 1939), recueillie dans les Essais plu­ en fonction desquels ne cesse de se ralistes. Or, les rapports sociaux (com­ promouvoir, tramée et transie de plémentaires, positifs, négatifs, etc.) socialite, la pensée confuse. constituent les cadres d'enracinement historique et d'épanouissement aven­ Ainsi, dès 1912, se trouve thé- tureux des idées confuses. Si l'idée matisée la première des « trois no­ dite claire est l'idée dont l'adoption tions fondamentales » (rapport social, est fondée sur la valeur logique plu­ groupe social, symbiose sociale) par tôt que sur l'utilité pratique, l'idée le souple jeu desquelles s'aménageront dite confuse est l'idée dont l'adoption les développements, bien ultérieurs, (indissociable des avatars de la pro­ d'un ample essai de synthèse (Socio­ pagation) est fondée sur l'utilité pra­ logie générale, Paris, 1948). C'est à tique plutôt que sur la valeur logique. maints fragments de deux autres A la logique pure (dont le domaine vastes essais de synthèse (Traité de privilégié est la pensée opérant par morale, 2 volumes, Bruxelles, 1932 ; idées claires) vient, par conséquent, Esquisse d'une philosophie des valeurs, s'agréger la logique sociale (dont le Paris, 1939) que préludent les linéa­ domaine privilégié est la pensée opé­ ments d'une logique sociale (comme rant par idées confuses). En s'ingé- critique générale de la pensée con­ niant à leur substituer coûte que fuse). Dès l'instant, enfin, où il s'est coûte, — et afin de ne les justifier insurgé contre le rationalisme et l'an- qu'au prix de définitions qui seraient tirationalisme, le philosophe d'une philosophie de la convention et de rigoureusement contraignantes et uni­ l'évaluation, préoccupé de l'avenir de versellement valables, — des idées sa philosophie, s'inquiète de la phi­ claires (ou des systèmes finis d'idées losophie du passé. Aux aguets d'une claires) qui en seraient alors les équi­ certaine tradition de pensée, — dont valents logiques, Descartes, Spinoza sa propre pensée se réclamerait d'au­ et Leibniz se sont condamnés à ne tant mieux qu'elle aurait davantage rendre aucun compte des productions 261 DUPRËEL 262 contribué à l'autoriser, — il se sait critiques et des protestations d'autant tenu de n'interroger la philosophie plus vives que, pour ce qui est du du passé que dans la perspective ina- fond, ils réagissaient peut-être moins missible de sa propre philosophie. Et en historiens et en philologues qu'en puisque toute philosophie ne décide défenseurs zélés d'une philosophie édi­ pas moins de la philosophie du passé fiante au prestige de laquelle ils soup­ que celle-ci ne décide de celle-là, çonnaient Dupréel d'avoir voulu s'at­ — dans la mesure où les questions taquer. Aussi bien la réhabilitation de celle-là, anticipant sur les réponses des sophistes procède-t-elle d'une de celle-ci, ne les suscitent pas moins réhabilitation de la pensée confuse. qu'elles ne sont suscitées par elles, — Que Platon sorte très diminué d'une Dupréel épie, jusque dans la philoso­ opération dont il supporte par ailleurs phie grecque des Ve et IVe siècles, tous les frais, — attendu que, dans les attestations d'une pensée dissi­ son essai de restauration de la sophis­ dente, et ne les chercherait sans doute tique, Dupréel n'a guère pu exploiter point avec tant de ferveur s'il ne les d'autres sources que celles que lui avait déjà, de quelque manière, trou­ fournissaient les textes platoniciens, — vées. C'est donc à la lumière dispen­ voilà qui aura laissé réticent maint sée par une philosophie de la con­ lecteur qui, s'étant accommodé d'une vention et de l'évaluation que allègre démythisation du personnage s'agence, dans La légende socratique de Socrate, aura su accorder cepen­ et les sources de Platon, le canevas dant aux sophistes une importance d'une redistribution des rôles assignés bien autrement déterminante que celle aux chefs de file de la pensée grecque, qu'avaient cru pouvoir auparavant et que s'établissent, dans le tome pre­ leur reconnaître Hegel (à l'heure d'un mier du Traité de morale, les plans idéalisme conquérant) ou George Grote d'une reconstitution des principaux (à l'heure d'un utilitarisme discret). courants de la philosophie occiden­ Après quoi, — et ainsi qu'en ont tale. Or, pour peu que nous admet­ jugé, au Colloque Eugène Dupréel, tions que ni Platon, ni Xénophon, ni P. Aubenque, G. Calogero, J. Crois­ Aristote n'ont parlé de Socrate, en sant et P.-M. Schuhl, — le bilan se historiens, rien ne vient plus nous révèle-t-il favorable? Ce n'est pas obliger à croire en une « doctrine seulement parce que l'on aurait relevé socratique », en un « platonisme ori­ entre-temps, chez E. Kapp, O. Gigon, ginal », en un « aristotélisme ne datant M. Untersteiner, des arguments à que d'Aristote ». Vie, enseignement l'appui des thèses de 1922, c'est aussi et mort de Socrate seront alors exa­ (et c'est surtout) parce que ces thèses minés comme les éléments d'une créa­ devaient toutefois, habilement cen­ tion littéraire. Quant aux dialogues trées sur leur plus sûr enjeu, faire de Platon, ils participent d'une libre l'objet d'un deuxième exposé (Les et somptueuse orchestration de thèmes sophistes. Protagoras, Gorgias, Prodi­ qui furent diversement traités par les cus, Hippias, Neuchâtel-Bruxelles, plus vigoureux penseurs du Ve siècle. 1948), dont le moindre mérite ne Les sophistes (Protagoras, Gorgias, serait pas de reconstruire, avec une Prodicus, Hippias) se voient ainsi puissance de systématisation telle crédités de développements doctrinaux qu'elle suffirait désormais à l'avérer, qui ne deviennent cohérents que pour la pensée des sophistes, comme à autant que l'on renonce à les dispo­ eux-mêmes impérieusement restituée. ser dans les cadres fictifs d'un plato­ Quant aux deux écrits, de portée nisme imaginaire. En 1922, La légende inégale, qu'il a réunis dans un cin­ socratique et les sources de Platon sou­ quième livre (Deux essais sur le pro­ leva, par conséquent, chez les repré­ grès, Bruxelles, 1928), Dupréel ne les sentants de l'historiographie erudite a point présentés conformément à (A. Dies, A. Mansion, L. Robin), des l'ordre chronologique de leur compo- 263 DUPRËEL 264 sition respective. Dans le plus ancien che de son apogée que Dupréel publia, des deux écrits (Population et progrès en 1932, les deux volumes du Traité [1914]), une analyse des variations de morale. Lorsqu'il présenta, au cours démographiques et de l'influence de la séance du 29 février 1936, à la qu'elles peuvent exercer sur la socia­ tribune de la Société française de lite incline l'auteur à juger que l'ac­ Philosophie, un résumé de ses prin­ croissement de la population accélère cipaux enseignements d'éthique et les processus de consolidation, de d'axiologie, R. Berthelot, L. Brunsch- multiplication et de diversification vicg, R. Hubert, E. Leroux et J. Na- des rapports sociaux. Une vision con­ bert furent unanimes à saluer les fiante et sereine de l'avenir des socié­ hautes qualités du Traité de morale tés ne laisse encore apparaître aucune (La morale et les valeurs. Consistance faille dans la croyance au progrès. et précarité, dans Bulletin de la Société C'est précisément avec l'optimisme française de Philosophie, 1936). Or, le progressiste que Dupréel a rompu, Traité de morale et la Sociologie géné­ dans le plus récent des deux écrits rale sont comme les deux versants (La valeur du progrès [1925]), et pour dont l'Esquisse d'une philosophie des entreprendre un examen sévère, sans valeurs serait la ligne d'intersection. passion ni complaisance, des dévelop­ L'on se gardera ainsi d'isoler l'une pements extrêmes d'une civilisation de l'autre les trois œuvres de la pleine affectée par un déséquilibre grandis­ maturité, et l'on aura soin, par ailleurs, d'en déceler le détail utile ou l'heu­ sant entre la technique sociale et la reux complément dans de nombreux technique industrielle. La lecture des articles, souvent très fournis, qui, pour ouvrages de Georges Sorel, de Louis la plupart, furent rassemblés dans les Weber, de Guglielmo Ferrerò n'a pas Essais pluralistes. Du « savant qui été étrangère à l'amorce d'un revire­ » voudrait progresser dans l'explica- ment de l'attitude ; non plus, sans » tion des choses de la vie morale doute, et en profondeur, que la fré­ » sans avoir longuement médité sur quentation des œuvres de Tocqueville » l'histoire des doctrines », Dupréel et de Cournot. A l'idée d'un progrès nous dit qu'il « n'irait pas loin ». Des unilinéaire, régulier, universel et trois parties que comprend le Traité absolu, — telle que l'a formulée l'op­ de morale, la première partie, consa­ timisme progressiste banal, — Dupréel crée à une évocation critique des oppose l'idée d'un progrès précaire, étapes majeures de la pensée morale, incertain, limité, toujours relatif à aura donc été la plus étendue. Se quelque fin donnée, ou, pour mieux trouve, par suite, contesté le postulat dire, l'idée que la somme de progrès axial d'un certain intellectualisme techniques partiels n'équivaut pas sous-jacent aux morales classiques de nécessairement à un progrès général. Peudémonisme comme à celles de Conséquemment à la discordance des l'idéalisme. Que le bonheur procède rythmes de leur évolution respective, nécessairement de la vertu, et que la la technique sociale (dont le retard vertu procède nécessairement du sa­ sur la technique industrielle s'accuse voir, — le savoir étant la variable toujours davantage) n'est plus en dont la vertu et le bonheur seraient mesure d'assurer l'aménagement hu­ les fonctions, — c'est alors ce que main des conquêtes et des innovations Dupréel refuse d'agréer. Toute morale de la technique industrielle. Seule une déduite de la science précipite (ou politique basée sur nos capacités de consomme) la destitution de la vo­ renoncement serait susceptible de fon­ lonté. Si ne s'interrogent sur le sen­ der l'espoir que puisse être reconnue timent du bien que les consciences (et respectée) une ultime et secourable qui sont capables de l'éprouver, et si prévalence de la technique sociale sur ne s'enquièrent justement des exa­ la technique industrielle. mens du moraliste que les consciences C'est au vif d'une inspiration pro­ 265 DUPRËEL 266 qui nourrissent et entretiennent en à distinguer entre savoir et vertu, elles-mêmes les visées et les aspira­ savoir et bonheur, vertu et bonheur, tions sur lesquelles ils portent, il n'y ainsi qu'à préciser le statut respectif a de morale que donnée. Dénier au du bien, du beau et du vrai. S'agissant, bien toute unité intrinsèque, consti­ par exemple, de la « logique inten­ tutive et ultime, c'est pouvoir le sive » de Tarde, Dupréel a pu la con­ situer au faîte de la consistance parce sidérer, jusque dans le détail, avec qu'on aura dû le situer au comble une sympathie qui aura paru d'autant de la précarité. Tel est en effet le plus vive qu'aura semblé plus aiguë bien qu'il ne se fonde que sur un jeu l'antipathie que n'a cessé de lui inspi­ complexe de sacrifices et de règles rer le « sociologisme intégral » de dont l'expérience nous apprend que Durkheim (La logique et les sociologues, celles-ci ne sont pas constamment dans Revue de l'Institut de Sociologie, respectées et que ceux-là ne sont pas 1924; La sociologie et les problèmes constamment consentis, bref, que les de la connaissance, dans Revue de uns et les autres sont toujours mena­ l'Institut de Sociologie, 1925). Et c'est cés, jamais nécessaires et seulement pourquoi, du programme présomp­ probables. En 1937, lors de la célé­ tueux qu'avait bâti Lucien Lévy- bration du tricentenaire du Discours Bruhl, en 1903, dans La morale et la de la méthode, Dupréel fit ainsi ressor­ science des mœurs, il conserve, somme tir, sur nouveaux frais, le contraste toute, peu de chose, puisque, s'inter- entre la morale déduite et la morale disant de fonder quelque « art moral donnée. Au « moment cartésien dans rationnel » que ce soit sur la « science l'histoire de la pensée morale », des mœurs », il récuse, en outre, le — simple moment de consécration modèle d'une science des faits moraux de la tradition d'une morale déduite, à l'objet de laquelle ne s'intégreraient par voie démonstrative, de la science, pas d'emblée les buts, les fins, les — il sied d'opposer les divers mo­ convictions et les idéaux, pleinement ments, — quand bien même ils se caractéristiques, — jusque dans les seraient révélés d'importance inégale antagonismes de leur irréductible mul­ et d'intérêt variable, — de la tradi­ tiplicité, — de l'activité même des tion d'une morale donnée dans les consciences. Reste pourtant que cette consciences et dans les sociétés. C'est activité ne saurait être éclairée qu'au de l'esprit de cette seconde tradition prix d'un repérage soutenu des dimen­ (rivale de la première, et telle qu'il sions sociales de son instauration et lui arriva, chez un Protagoras ou de son épanouissement. Elaborée, au chez un Camèade, de s'aviser d'elle- cours des années précédentes, — que même comme d'une tradition dissi­ ce soit dans La valeur du progrès dente) que se réclame Dupréel, s'in- (Deux essais sur le progrès), ou que scrivant en faux contre les philoso­ ce soit à l'occasion du traitement phies « édifiantes ou valorisantes », et sociologique réservé à des questions pour appeler de ses vœux le juste essor de philosophie générale (La métaphy­ des philosophies « critiques ou expli- sique et la notion de groupe social, catrices ». Les sophistes, l'un ou l'au­ dans Bulletin de la Classe des Lettres tre sceptique et les probabilistes de et des Sciences morales et politiques de l'antiquité, Montaigne, les natura­ l'Académie royale de Belgique, 1928 ; listes anglais (A. Shaftesbury, F. Hut- Le problème sociologique du rire, dans cheson, J. Butler), J.-J. Rousseau et Revue Philosophique, 1928 ; Le renon­ Kant, Tocqueville, Cournot et Tarde : cement, dans Archives de la Société c'est à ces penseurs, — si nettes et belge de Philosophie, 1930), — la si nombreuses que soient les objec­ notion de groupe social, telle qu'elle tions adressées à certains d'entre se trouve systématiquement utilisée eux, — que revient le mérite d'avoir dans les investigations de la deuxième plus ou moins directement contribué partie et de la troisième partie du 267 DUPRËEL 268

Traité de morale, est la deuxième des première à la deuxième des trois pha­ « trois notions fondamentales » en ses? Déjouer les servitudes rigides et fonction desquelles s'articuleront les les contraintes opaques de l'instinct prospections de la Sociologie générale. et de l'habitude, c'est les enfreindre Sera donc considérée comme un groupe et ne les transgresser que pour susci­ social, toute pluralité d'individus entre ter quelque désordre à l'occasion du­ lesquels se seront noués des rapports quel s'instituera quelque arbitrage. sociaux positifs et complémentaires. La formulation de la règle entérine, Etroitement apparentée à la notion en l'occurrence, la stigmatisation du de rapport social, au point de lui être délit. S'agit-il de la transition de la formellement réductible, la notion de deuxième à la troisième des trois groupe social s'est révélée, à l'usage, phases? Relever, tout à la fois, de des mieux appropriées à l'élucidation groupes sociaux dont les conventions même du contexte social de la mora­ et les prescriptions se seront révélées lité. Nombreux, hétérogènes et entre­ souvent divergentes, incompatibles croisés, les groupes sociaux sont ainsi et même contradictoires, c'est, pour susceptibles d'être distribués selon des l'homme de la conscience morale, critères de classification très généraux s'exposer aux conflits de devoirs et (consistance, recrutement, cohésion, aux oppositions de mérites, s'enquérir durée, origine, composition). Or, si un de la conformité d'un impératif ou d'une norme au bien en tant que tel groupe social ne se pose qu'en s'oppo- plutôt qu'au bien d'un groupe, s'éle­ sant à quelque autre groupe social, ver désormais à l'expérience des op­ et si un même individu peut appar­ tions que sanctionnent des renonce­ tenir à plusieurs groupes sociaux, ments inexorables, s'entraîner résolu­ c'est à l'homme qu'est chacun de ment à l'assomption des choix que nous que doit revenir Γ« initiative de rend aventureux l'absence des preu­ l'établissement de la moralité ». En ves et des démonstrations. La prati­ somme, la moralité, — complexe d'or­ que des vertus directes (bienfaisance, dre et d'acte, mixte de régularité et justice) et des vertus indirectes (hon­ de sacrifice, — présuppose, pour s'éta­ neur, noblesse d'âme) ratifie, par con­ blir, que l'homme qu'est chacun de séquent, l'ascendant acquiescement à nous puisse consentir à un sacrifice un même surcroît de régularité et de au nom d'une règle, bref, porter le sacrifice. La noblesse d'âme est cepen­ respect de la règle jusqu'à l'accepta­ dant la plus insigne des « formes par­ tion du sacrifice. De la « phase des ticulières du mérite moral » ; ne pro­ instincts » à la « phase de la conscience cédant d'aucune soumission à des morale proprement dite ou de la consignes exactement déterminées et connaissance des règles » et à la formellement communicables, elle « phase de la volonté morale pure ou s'épuise toute dans l'exercice d'un de l'idéal moral », la conscience mo­ indomptable α talent moral ». Quand, rale s'aguerrit dans les réformes direc­ au seuil d'un choix, les règles établies trices de son déploiement comme dans tantôt se contredisent, tantôt demeu­ les témoignages constitutifs de son rent muettes, l'homme de la noblesse explicitation. D'une phase à l'autre, d'âme se trouve investi de la charge le passage est médiatisé par le jeu inaliénable d'inventer sa conduite, de processus sociaux foncièrement dans la reconnaissance plénière des transis de négativité. De même que postulats fondamentaux d'une mora­ l'accession à la phase de la connais­ lité à son faîte. La noblesse d'âme, sance des règles requiert l'interven­ — telle que le souci fervent des valeurs tion de rapports sociaux négatifs sin­ absolues les plus universelles ne l'in­ guliers, de même l'accession à la phase spire pas moins que ne l'anime la de l'idéal moral requiert l'interven­ bonne volonté, — présuppose que l'on tion de rapports sociaux négatifs col­ ait convenu de l'irréductibilité des lectifs. S'agit-il de la transition de la 269 DUPRËEL 270 antinomies externes (entre le bien, diment qu'il y ait de la connaissance le beau et le vrai) et des antinomies nécessaire, de l'être nécessaire, de la internes (morales et esthétiques), ainsi causalité nécessaire. Connaissance né­ que de la réductibilité des antinomies cessaire, être nécessaire, causalité théoriques. Postulant, du même coup, nécessaire : autant de fictions nées la liberté morale des personnes et le d'une tenace et illégitime confusion déterminisme universel des phénomè­ du logique et du dynamique. Aucun nes, elle consacre, de manière égale, ordre n'est discernable, qui serait en la légitimité du point de vue de l'ad­ soi dynamique ; aucune force n'est miration et la pertinence du point décelable, qui serait en soi ordinale. de vue de l'explication. Admirables Le déterminisme universel des phéno­ (parce qu'elles ne sont jamais néces­ mènes, — dont la convention s'est saires), les ultimes manifestations de accompagnée de la convention de la l'accomplissement moral sont explica­ liberté morale des personnes, — est bles (parce qu'elles sont toujours pro­ donc un déterminisme probabiliste. bables). Des valeurs absolues les plus Entre la cause et l'effet, entre l'anté­ universelles nous aurons donc appris cédent X et le conséquent Y, se loge qu'elles sont d'autant plus précaires un intervalle. Des phénomènes inter­ qu'elles sont plus consistantes. Mais calaires orientent la modalité du pro­ n'en va-t-il pas de même des valeurs cessus causal. L'ordre XY n'aura pu relatives, et celles-ci ne sont-elles pas, être détecté que parce qu'aura dû à leur tour, d'autant moins consistan­ être risquée une conjecture sur l'in­ tes qu'elles sont moins précaires ? Les tervalle XY. Dès lors que rien n'est conclusions du Traité de morale re­ nécessaire, rien n'est non plus fortuit, quièrent un relevé systématique des et tout est seulement probable. Un niveaux singuliers de l'émergence des fait quelconque est determinable, valeurs, une exploration méthodique comme l'est un effet (ou un consé­ des processus généraux de l'insurmon­ quent) dont nous aurons entrepris de table complémentarité du logique et dresser le cadre de probabilité. Cadre du dynamique, de l'ordre et de l'acte, des conditions de l'effet, le cadre de de la consistance et de la précarité. probabilité est indéfiniment révisa­ Dans l'Esquisse d'une philosophie ble : le philosophe critique se réserve des valeurs, Dupréel a élaboré, sur les l'inlassable mission de le compléter bases d'une critique probabiliste de ou de l'épurer. Il n'y a pas d'ordre l'idée de nécessité, une théorie inté­ qui ne soit toujours déjà un autre grale des limites résiduelles du savoir, ordre ; pas d'ordre qui ne soit toujours de l'action et de la création. Que déjà conquis sur un intervalle. L'éli­ cette théorie ait pu culminer dans une mination de l'intervalle équivaudrait axiologie, c'est ce dont doit alors s'as­ à l'abolition de l'ordre. Philosophie surer celui qui se sera avisé de tout de l'infranchissable complémentarité donné de l'observation et de l'expé­ d'un ordre irréductible à l'acte et rience, comme d'une valeur. Nous d'un acte irréductible à l'ordre, la n'accordons de prix qu'à cela même philosophie critique fonde son refus qui, par ses propriétés logiques autant des absolutisations respectives de que par ses propriétés dynamiques, l'ordre ou de l'acte sur la reconnais­ aura éveillé notre attention ou notre sance irréfragable d'un « plafond logi­ sollicitude, suscité notre étonnement que », et s'identifie ainsi à une philo­ ou notre inquiétude. Ne nous étonnant sophie de la finitude. Qu'est-ce, au jamais que de quelque synthèse d'or­ demeurant, que le probable, si ce dre (ou de consistance) et d'acte (ou n'est une combinaison (ni nécessaire de précarité), nous nous inquiétons ni fortuite) d'ordre et d'acte, une toujours de quelque valeur que nous manifestation du réel parmi d'autres, comparons aussitôt à quelque autre qu'il nous est possible d'expliquer et valeur. Ainsi Dupréel conteste-t-il har­ qu'il nous est permis d'admirer, un 271 DUPRÊEL 272

complexe de consistance et de préca­ création, le savoir) ou de ses trois rité parmi d'autres, bref, une valeur rayonnements de juridiction propre parmi d'autres valeurs ? Parce qu'elles (la morale, l'art, la science). Après sont toutes relatives, — soit absolu­ quoi, l'observation et l'expérience ment relatives, soit relativement abso­ nous enseignent que des incompati­ lues, — les valeurs sont explicables. bilités radicales se font jour entre les Expliquer une valeur, c'est en con­ valeurs absolues les plus universelles, struire le cadre de probabilité, c'est et que des oppositions foncières affec­ la situer, eu égard à son propre degré tent deux de celles-ci (le bien et le de consistance et de précarité, dans beau). En convenant de l'irréductibi­ une hiérarchie des émergences majeu­ lité d'antinomies externes et internes, res du consistant et du précaire. Car Dupréel achève de se prononcer, sur il nous aura fallu veiller à déjouer nouveaux frais, en faveur d'un plu­ les pièges de Γ« explication par l'in­ ralisme probabiliste des valeurs. Evo­ férieur non surmonté ». Ni la con­ quer une valeur absolument absolue, naissance ne se laisse réduire à la vie, — telle que le bien, le beau et le vrai ni la vie aux choses, ni les choses ne en qualifieraient les modes conciliables se laissent réduire à la matière. Mais ou en désigneraient les figures harmo­ ce n'est pas renoncer à l'explication, nieuses, — c'est invoquer une valeur — et c'est ménager l'admiration, — dont nous ne saurions rien dire, puis­ que tout ce que nous pourrions en que de tenir compte des frontières de dire n'aurait pour résultat que de lui l'intelligibilité. Si la connaissance conférer des propriétés que nous de­ l'emporte sur la vie, la vie sur les vrions aussitôt emprunter à des va­ choses, et si les choses l'emportent leurs relativement absolues. Absolu­ sur la matière, c'est en consistance ment indéterminable, une valeur abso­ et en précarité. Les cadres de proba­ lument absolue, n'étant plus justicia­ bilité, que l'on aura pris soin de mon­ ble du régime de la consistance et de ter, seront d'autant plus riches et la précarité, ne serait plus susceptible plus nuancés que seront plus consis­ de s'insérer dans quelque hiérarchie tantes et plus précaires les valeurs de valeurs que ce soit. absolument relatives (matière, cho­ ses, vie, connaissance), dont ils sont S'agrégeant aux processus caracté­ destinés à cerner le surgissement spé­ ristiques de la formation des « conso­ cifique. Aux valeurs absolument rela­ lidés de coexistence » et des « con­ tives se superposent des valeurs rela­ solidés de succession », les processus tivement absolues. Le bien, le beau sociaux interviennent, comme des et le vrai sont les plus universelles mécanismes d'intégration, dans les de ces valeurs relativement absolues. cadres de probabilité de la promotion Siégeant au sommet d'une hiérarchie, des valeurs. Si les processus sociaux dont la détermination du degré de ont constitué l'objet privilégié des consistance et de précarité règle l'éco­ vues récapitulatives et panoramiques nomie, ce sont les valeurs dans le de la Sociologie générale, les processus souci desquelles les hommes, s'enqué- de consolidation ont fourni le thème rant de la valeur de toute valeur, se central des compositions programma­ seront le plus fréquemment enquis tiques de La pragmatologie (Bruxelles, des critères ultimes de la validité de 1955) et de La consistance et la proba­ toute action, de toute création et de bilité constructive (Bruxelles, 1961). tout savoir. En inaugurer l'explica­ L'on se gardera toutefois d'oublier tion, c'est ajuster les cadres de pro­ que les années qui précédèrent la babilité de l'accession même de la publication de la Sociologie générale furent marquées par la parution d'une conscience intégrale (pratique, esthé­ instructive anthologie critique (Adol­ tique, théorique) à la troisième et phe Quételet. Pages choisies et commen­ dernière phase de chacun de ses trois tées, Bruxelles, 1942) et d'un essai champs d'essor pregnant (l'action, la 273 DUPRËEL 274 succinct de philosophie politique (Le tuent néanmoins que d'utiles et justi­ pluralisme sociologique. Fondements ficatifs préliminaires à une question scientifiques d'une revision des institu­ cruciale : qu'en est-il de l'achemine­ tions, Bruxelles, 1945). ment de la civilisation à ses desti­ La notion de symbiose sociale, telle nées? Jointes à des constantes (géolo­ que l'usage en a été codifié dans la giques, météorologiques, biologiques), Sociologie générale, est la troisième la variable démographique et la va­ des « trois notions fondamentales » riable technique régissent les mécanis­ avec lesquelles opère le sociologue mes d'agencement et les rythmes qui s'est promis d'établir un recense­ d'évolution de l'humanité. Mais la ment méticuleux des « formes de la civilisation sur le sort de laquelle vie en société » et de rendre un s'interroge Dupréel est la civilisation jugement équitable sur les plus récents du monde occidental, et il s'est essen­ cheminements de la « civilisation ». tiellement attaché à scruter les com­ Vivent en symbiose (sociale), les indi­ posantes et les incidences de la varia­ vidus qui, appartenant à des groupes ble technique. Or, l'ordonnance des (sociaux) différents, amorcent et main­ groupes en symbiose est amplement tiennent entre eux des rapports (so­ déterminée par le jeu mouvant des ciaux) positifs et généralement com­ effets de la technique sociale et de plémentaires. Sans négliger, pour au­ la technique industrielle. C'est à l'es­ tant, les rapports négatifs entre grou­ prit même des conclusions de la Socio­ pes sociaux, — à telles enseignes logie générale que ressortissent les qu'il a même esquissé, à leur propos, diagnostics et les pronostics formulés une ingénieuse « logique des con­ dans deux études où un avenir hono­ flits », — Dupréel a donc traité sur­ rable de la civilisation n'est plus guère tout des rapports positifs entre grou­ envisagé que dans la perspective d'une pes sociaux, dans ses descriptions de sévère et minutieuse estimation de la l'activité juridique, de l'activité éco­ faillite complète de l'optimisme pro­ nomique et de l'activité religieuse. gressiste (Vues sur la courbe du pro­ L'examen de l'activité religieuse, — grès, dans Bulletin de la Classe des dont les premières bases avaient été Lettres et des Sciences morales et poli­ solidement posées dans deux études tiques de l'Académie royale de Belgi­ antérieures (Sur les rapports de la que, 1945 ; Démesure et pluralisme, technique et de la religion, dans Mé­ dans Bulletin de la Classe des Lettres langes D. Gusti, Bucarest, 1936; Le et des Sciences morales et politiques de caractère le plus fondamental de la l'Académie royale de Belgique, 1947). religion, dans Revue de V Institut de La distinction entre technique sociale Sociologie, 1936), — lui a ainsi permis (comme ensemble de nos procédés d'énoncer une théorie souple et origi­ d'action sur nos semblables) et tech­ nale des réformes successives et des nique industrielle (comme ensemble décantations progressives d'une tech­ de nos procédés d'action sur les cho­ nique (spécifiquement complémen­ ses), — dont Dupréel avait jadis em­ taire) d'aménagement systématique prunté les traits saillants aux consi­ de la confiance (qu'il s'agisse, en un dérations qu'avait émises L. Weber, premier temps, d'une technique de en 1913, dans Le rythme du progrès, — conciliation des facteurs de l'intervalle s'est alors enrichie d'une sous-distinc­ sur lesquels l'observation et l'expé­ tion précisive entre technique sociale rience demeurent sans prise, ou qu'il unilatérale (axée sur la force) et s'agisse, en un dernier temps, d'une technique sociale bilatérale (axée sur technique d'entretien et de sauvegarde l'accord). Aussi bien était-il indispen­ des valeurs les plus eminentes de sable d'introduire cette sous-distinc­ l'humanité). Les aperçus des multi­ tion, après que l'on avait admis que ples structures et des principaux cir­ certaines manifestations de la techni­ cuits de la vie en symbiose ne consti­ que sociale sont affectées, à leur tour, 275 DUPRËEL 276 par l'état de « pléthore » et de « dé­ sur les particularités que la pensée mesure », consécutif à la prolifération de chacun d'eux possède en propre. déchaînée et au renouvellement accé­ Les quatre portraits de l'insolite ga­ léré des procédés d'action et d'in­ lerie sont-ils d'une vraisemblance fluence. Pléthore et démesure ne équivalente, sinon d'une égale vérité ? seront jugulées que si nous logeons Craignons que le plus fouillé ne soit notre confiance et nos espoirs dans pas le plus convaincant. Et osons les ressources de la technique sociale soupçonner que les intelligences de la bilatérale (comme art des aménage­ complicité et de la connivence ont ments libres et volontaires de la so­ davantage servi Protagoras d'Abdère cialite, des concertations méthodique­ que les secours de l'adresse et de ment délibérées et des conventions l'ingéniosité n'ont joué en faveur pleinement consenties). Peut-être eût- d'Hippias d'Elis. il été préférable de concéder que Les Essais pluralistes contiennent, c'était là une manière de sacrifier, parmi tant d'autres, cinq études sans excès, à l'esprit d'utopie. En se (Théorie de la consolidation. Esquisse targuant de prévoir la fin prochaine d'une théorie de la vie d'inspiration de la progression démographique, et sociologique, 1931 ; La cause et l'in­ en se flattant d'entrevoir, — parce tervalle ou ordre et probabilité, 1933 ; qu'il a cru pouvoir conclure au paral­ La probabilité ordinale, 1933-1934; lélisme de l'évolution de la population Nature psychologique et convention, et de l'évolution du progrès techni­ 1934 ; Vers une théorie probabiliste de que, — un ralentissement symétrique la vie et de la connaissance, 1937) qui de la cadence d'accumulation et d'ex­ s'imposent comme les premiers et pansion de la technique industrielle, stimulants témoignages d'un long Dupréel n'a certes rien ajouté à la attachement au projet de constitution pertinence du thème d'une juste et si d'une philosophie de la vie. L'éluci- souhaitable revanche modératrice de dation des mécanismes, des processus la technique sociale (comme technique et des promotions de la socialite sociale bilatérale). Non plus qu'en n'est-elle pas susceptible d'orienter alléguant l'idée d'un « plafond de civi­ opportunément l'examen des phéno­ lisation », — complémentaire, en l'oc­ mènes les plus caractéristiques de la currence, de l'idée d'un « plafond des vie? Si Dupréel n'en a guère douté, valeurs », — il n'a seulement com­ ce n'est pas sans avoir surestimé la mencé d'exorciser l'éventualité même portée épistémologique de la thèse de quelque inéluctable processus pla­ (chère à Cournot) de la « polarité nétaire de corruption radicale des symétrique » des mécanismes physi­ valeurs qu'il tient à bon droit pour ques et des mécanismes sociaux. les valeurs les plus respectables. S'étant autrefois inscrit en faux con­ tre l'organicisme, — qu'avait contri­ Avec Les sophistes, — que Dupréel bué à soutenir René Worms, en 1896, publia l'année même où parut la dans Organisme et société, — il devait Sociologie générale, — les thèses de incliner progressivement à en pren­ La légende socratique et les sources de dre assez exactement le contre-pied. Platon ont été présentées au jour Le sociologue a moins à emprunter d'une autorité plus sereine, plus nuan­ aux hypothèses et aux modèles de la cée, et dépouillée de toute vaine polé­ biologie que le biologiste n'a à s'en­ mique. Si Protagoras, Gorgias, Pro- quérir des hypothèses et des modèles dicus et Hippias se maintiennent en de la sociologie. Mieux : les phéno­ effet au premier plan, ce n'est pas mènes biologiques sont justiciables sans comparaître, dans l'ample com­ d'une théorie intégrale des « prag- position de 1948, comme des philo­ mata », dès lors que les dispositifs de sophes qui ne se laisseraient pas aisé­ la consolidation spatiale et de la con­ ment ranger sous une seule et même solidation temporelle, les précipités bannière. L'accent est désormais porté 277 DUPUIS 278 de la similitude, du rapprochement des travaux de Dupréel, dans les et de la différence, du dépassement Essais pluralistes (p. 379 à 383) pour et de la compatibilité viennent s'in- la période 1897-1949, et dans Eugène sérer dans les cadres de probabilité Dupréel. L'homme et l'œuvre (p. 238 de la promotion naturelle des êtres. à 240) pour la période 1949-1967. Il en va néanmoins de La pragma- tologie, comme des quelques articles Jean Faumen. et communications (Similitude et com- A. Ledent, « La philosophie des valeurs », patibilité, 1950 ; Les trois finalités, dans Revue Internationale de Philosophie, 1950 ; Fers une théorie sociologique de 2° année, n° 6, 15 octobre 1939, p. 133-138. la vie, 1952 ; Vie et pensée dans une — 8. De Coster, « Note établissant une théorie des semblables, 1954), auxquels comparaison entre la valeur selon M. E. Du- le lecteur du livre est expressément préel et selon M. N. Hartmann », dans prié de se référer, et dans lesquels se Theoria. A Swedish Journal of Philoaophy trouve préconisée une généralisation and Psychology, vol. VI, 1940, part. II, p. 158-163. — J. Faumen, « Philosophie systématique de l'objet même de la des valeurs », dans Philosophie. Chronique sociologie : ce sont des écrits un peu des années de guerre 1939-1945, X. His- sommaires où paraît s'être laissé sou- toire de la philosophie. Métaphysique. Phi- vent enliser et parfois égarer un élan losophie des valeurs, Paris, 1950, p. 125- d'inspiration alors à son déclin. Quant 144. — Manifestation Eugène Dupréel. au dernier ouvrage que publia Dupréel Discours prononcés au cours de la céré- (La consistance et la probabilité con- monie du 18 février 1950 à l'Université libre de Bruxelles [M. Barzin, J. Baugniet, structive), il fut réimprimé, conformé- Ph. Devaux, B. Le Senne, J. Paumen, ment au vœu de l'auteur, dans un G. Smete, Ch. Prérichs], s.l. [Bruxelles], recueil d'études (Similitude et dépas- s.d. [1950]. — Eapports de Commissions sement, Paris-Bruxelles, 1968), dont instituées par le gouvernement. Concours on retiendra ici, et pour s'en féliciter, décennal des sciences philosophiques (7e pé- qu'y figurent au moins deux textes riode : 1938-1947), dans Moniteur belge, de la plus haute venue (Le pari de 24 octobre 1951, p. 8230-8233. — F. Duy- ckaerts, « La philosophie en Belgique (de Pascal et les valeurs, 1942 ; Le baroque 1830 à nos jours) », dans : A. Weber et et la philosophie, 1949). D. Huisman, Histoire de la philosophie Du 19 juin 1892 au 24 décembre européenne. Tableau de la philosophie con- 1963, Dupréel a tenu un véritable temporaine, Paris, 1957, p. 443-453. — « journal de bord » de son itinéraire J. Gérard, " Belgique et Luxembourg », philosophique. Il s'agit de quatre- dans Les grands courants de la pensée vingt-quinze carnets, dont les princi- mondiale contemporaine, I. Panoramas na- paux matériaux ont été largement tionaux, vol. I, Milan, 1958, p. 231-265. exploités dans la composition des — Eugène Dupréel. L'homme et l'œuvre. travaux destinés à la publication. Essais de P. Aubenque, M. Barzin, G. Bas- Ainsi que le font apparaître les quel- tide, G. Calogero, D. Christoff, J. Crois- sant, G. Davy, 8. De Coster, P. Gonseth, ques fragments qu'en a livrés au pu- G. Goriely, H- Janne, T. Kotarbinski, blic le professeur Jean Dupréel (Ré- M. Ossowska, J. Paumen, Ch. Perelman, flexions sur l'art, dans Eugène Du- A. Sauvy, P.-M. Schuhl. Inédits d'E. Du- préel. L'homme et l'œuvre), l'ensemble préel. Colloque de Bruxelles (30-31 mai- demeure cependant riche en esquisses 1er juin 1968) [Extrait de la Revue Inter- et en ébauches, en éclaircissements nationale de Philosophie, 22» année, et en commentaires, qui mériteraient n° 83-84, 1968], Bruxelles, 1968. — G. Stabile, Valore morale e società net assurément les honneurs d'une édition pensiero di Eugène Dupréel, Salerno, 1976. critique. La photocopie intégrale des — L. Battaglia, Sodologia e morale in « Carnets » a été déposée à la Biblio- Eugène Dupréel, Milano, 1977. thèque de l'Institut de Philosophie de l'Université libre de Bruxelles. L'on trouvera les éléments d'une DUPUIS (Albert-Laurent-Joseph), bibliographie à peu près complète chef d'orchestre et compositeur, né 279 DUPUIS 280

à Verviers le 1er mars 1877, décédé de Rome avec sa cantate Cloches à Saint-Josse-ten-Noode le 19 septembrenuptiales, écrite sur un texte du poète 1967. flamand Rafaël Verhulst. Son père, Guillaume Dupuis, était Afin de pouvoir poursuivre ses étu- professeur de musique à l'Athénée des à la Schola Cantorum, Dupuis royal de Verviers. accepta, à la fin de 1899, les fonctions Dès sa huitième année, Albert Du- de maître de chant à l'exécution des puis suivit les cours au conservatoire « Oratorios de Saint-Eustache », sous de sa ville natale (piano, classe de la direction de d'Harcourt. François Duyzings ; flûte, classe de Pendant l'Exposition Universelle, Haseneier ; solfège et violon, classe il assista Charles Bordes à la direction d'Alphonse Voncken). Il perdit son des chanteurs de Saint-Gervais. père à l'âge de quatorze ans. Sa mère fut obligée d'émigrer aux Etats-Unis ; En septembre 1900, Dupuis fut néanmoins, le jeune Albert, recueilli nommé maître de chapelle de la par des parents, put rester en Belgi- Basilique de Saint-Quentin, et il que. Pour subvenir à ses besoins, il quitta définitivement la Schola Can- donna des leçons de piano, et, à peine torum. Dans cette ville de province, âgé de quinze ans, il fut engagé il s'efforça de donner un nouvel comme pianiste au Grand Théâtre. éclat à la musique religieuse. Il y François Duyzings, professeur aux composa les deux premiers actes de Conservatoires de Liège et de Verviers son drame lyrique Jean Michel. Après découvrit le jeune talent et il lui un séjour de huit mois, il vendit en apprit la technique de l'harmonie. Il secret ses meubles, et reprit le train avait à peine dix-huit ans lorsque fut pour Paris. Une semaine plus tard, exécuté son opéra-comique Idylle au il regagnait Verviers où il passa le Théâtre de Verviers. En 1896 à l'occa- surplus de sa vie. sion de l'exécution du Chant de la Le 28 novembre 1900, il épousa Cloche de Vincent d'Indy organisée Maria Housman, qui, à plusieurs par la Société royale d'Emulation de reprises, a exécuté les œuvres vocales Verviers et à laquelle assistait le com- de son mari. positeur, Albert Dupuis fut présenté A Verviers, il déploya une grande au célèbre maître. Celui-ci examina activité comme compositeur. En 1901, les premières compositions de Dupuis il se représenta au Prix de Rome. Bien et lui proposa de s'établir à Paris que classé seulement septième à pour étudier, sous sa direction, à la l'épreuve éliminatoire, il put par- Schola Cantorum. Grâce au mécène ticiper provisoirement à l'épreuve verviétois, Edmond Bastin, il put finale ayant pour objet la mise en réaliser ce projet et partir, en janvier musique de la cantate Œdipe à 1897, pour Paris. II y suivit les cours Colone d'après le texte de Jules de composition (Vincent d'Indy), Sauvenière. Le jury l'exclua toutefois, d'harmonie pratique (Fernand de la ce qui fit grand bruit. Pour y mettre Tombelle), d'orgue (Alexandre Guil- fin sa cantate fut créée à Verviers mant), de chant grégorien (Charles le 5 avril 1902 et connut un succès Bordes et dorn Joseph Pothier), d'his- énorme. toire de la musique (Mathys Lussy). En 1897 également, il fut nommé La création, à Bruxelles le 5 mars assistant du professeur Charles Bordes. 1903, de sa comédie lyrique Jean Michel, qui fut très favorablement Le 15 septembre 1898, au cours de accueillie, fut pour Dupuis un événe- ses vacances à Verviers, il y donna ment important de sa vie d'artiste. un premier concert de ses oeuvres qui La même année, il se porta à fut accueilli élogieusement par la nouveau candidat au Prix de Rome. presse. A l'unanimité, sa cantate La chanson En 1899, il obtint le second Prix d'Halewyn remporta, cette fois, le 281 DUPUIS 282 premier Grand Prix et il reçut un en 1928, pour célébrer le vingt- accueil triomphal à Verviers, sa cinquième anniversaire de l'obtention ville natale. Encouragé par ce succès, du Prix de Rome par Albert Dupuis il se mit à composer sans relâche. furent pour lui un sommet de sa Eugène Ysaye exprima sans ambage carrière. Deux grands maîtres y sa grande admiration pour Dupuis, assistaient : Vincent d'Indy, son dont il créa la première symphonie en ancien professeur, et Eugène Ysaye, mars 1905. son protecteur et défenseur. Un A la fin de l'année 1905, Dupuis grand concert des œuvres de Dupuis, fut nommé chef d'orchestre à l'Opéra dirigé par d'Indy, Ysaye et Dupuis de Gand, mais, vu le peu de temps lui-même, fut donné à cette occasion. qui lui restait pour se consacrer à la En 1932, le vingt-cinquième anni­ composition, il renonça à renouveler versaire de sa nomination de directeur le contrat après la première saison et au Conservatoire de Verviers fut il retourna à Verviers. En octobre commémoré par une représentation 1907, il succéda à Louis Kéfer (1842- de gala de La Passion, au Grand 1926) comme directeur du Conserva­ Théâtre. Il assuma cette direction toire de Verviers. A partir de ce jusqu'en 1947, soit pendant quarante moment, son existence est intimement ans. liée à Verviers. Jusqu'en 1914, il se consacra prin­ Liste des œuvres d'Albert Dupuis : cipalement à la composition d'oeuvres A. — Musique vocale. lyriques (Fidélaine, La grande Bre- tèche, La Passion et la version pour le 1. Œuvres lyriques : théâtre de la Chanson d'Halewyn). L'Idylle, opéra-comique en 1 acte, La première guerre mondiale a rendu créé au Théâtre de Verviers, en 1896 ; très difficile l'exécution de ces œuvres Ilda, drame lyrique, acte 1 terminé et même après la guerre la situation ne en 1898, reste inachevé ; Bilitis, 1899 ; s'améliora pas. Jean Michel, comédie lyrique en En 1923, La Victoire fut exécutée 4 actes, représentée à Bruxelles, au Théâtre royal de la Monnaie à le 5 mars 1903, livret de George Bruxelles, suivie le 4 décembre 1934 Garnir et Henry-Charles Vallier ; Ματ- par La Passion. Tandis que la ca­ tille, drame lyrique en 2 actes, repré­ pitale et la partie wallonne du pays senté à Bruxelles, le 3 mars 1905; restaient à peu près hermétiquement Fidélaine, conte lyrique en 3 actes, fermées à Dupuis, ses œuvres étaient composé en 1908-1909 et créé à souvent exécutées dans la partie Liège, en 1910 (Paris, Editions Mu­ flamande du pays : La Passion à tuelles) ; La chanson d'Halewyn, lé­ l'Opéra de Gand, La Chanson d'Hale­ gende dramatique en 3 actes, compo­ wyn au Théâtre royal flamand d'An­ sée en 1912-1913 et créée le 6 décembre vers, La grande Bretèche et La Passion 1913 à Anvers. Adaptation de sa à l'Opéra français d'Anvers, qui cantate du prix de Rome (Paris, créera plus tard également Hassan Eschig) ; La Grande Bretèche, drame et Ce n'était qu'un rêve. lyrique en 4 actes, composé en 1911- Découragé par ses efforts dans le 1912 et créé à Nice, en 1913 (Paris, domaine des compositions lyriques, il Eschig ; publié sous le titre Le châ• s'orientera progressivement vers la teau de la Grande Bretèche) ; Le composition de musique symphonique. Poète et sa femme, drame poétique en De plus en plus, il s'adonna à l'exécu­ 6 tableaux, composé en 1915-1916; tion de musique belge. Il fonda même La Passion, drame lyrique en 4 actes un quatuor « Wallonia », qui ne et 10 tableaux, composé en 1912-1914 faisait entendre qu'exclusivement des et créé le 2 avril 1916 à Monte-Carlo. œuvres de compositeurs belges. La 150e représentation au Théâtre Les festivités déployées à Verviers, royal de la Monnaie, à Bruxelles 283 DUPUIS 284 eut lieu en avril 1954 (Paris, Chou- Nuit de Noël, chœur pour voix d'hom­ dens) ; La Délivrance, drame réaliste mes ; Plaisir d'amour, arrangement en 2 actes, composé en 1916-1917 pour voix d'hommes ; Plaisir d'amour, et représenté à Lille, en 1921 ; La arrangement pour voix de femmes et Victoire, tragédie antique en 3 actes, piano ; Le chant du plus fort, pour représentée à Bruxelles, en 1923 ; voix d'hommes ; O Babylone, pour La Barrière, drame lyrique en 3 actes 2 voix de femmes et piano (Bruxelles, [c. 1917]; Hassan, conte hindou en Schott) ; Aigles fiers, pour deux voix 5 épisodes, composé en 1919-1922, de femmes et piano (Ibidem); Cor­ créé à l'Opéra Français d'Anvers en tège lyrique; Paler Nosier (1936). novembre 1931 ; Ce n'était qu'un rêve, comédie poétique en 1 acte, créée en 5. Mélodies : novembre 1931 au Théâtre Royal Recueil de douze mélodies, sur des d'Anvers ; L'Epreuve Ballet, en 1 acte ; poèmes de Francis Jammes, Louis Un drame sous Philippe II, opéra Payen, la Comtesse de Noailles, en 4 actes, composé en 1934, repré­ Emile Verhaeren et André Lemoyne senté en mars 1948 à Bruxelles. (Bruxelles, Schott) : La chapelle sonnait encore, Les lilas qui avaient 2. Oratorios : fleuri, Nous nous aimerons tant, La Sauge fleurie, pour soli, chœurs J'ai quelqu'un dans le cœur, Si tout et orchestre à cordes (1927), créé à ceci n'est qu'un pauvre rêve, Dame Verviers en 1928; Psaume CXVIII, souris, Le jardin et la maison, Ne me pour soli, chœurs, orgue et orchestre ; console pas, Maintenant ô mon Dieu, La Captivité de Babylone, drame Les Brumes, Dans le chemin, Vains biblique. regrets ; L'Aube, poésie de Hardy 3. Cantates : (1898) ; Le Printemps, poésie de Les Cloches nuptiales, pour soli, Bernard (Paris, Senart) ; Calme de la chœurs et orchestre (1899) ; Œdipe mer, poésie de Goethe (Paris, Eschig) ; à Colone, pour soli, chœurs et orchestre Le Crépuscule, poésie de Louis Payen (1901) ; La Chanson d'Halewyn (1903) ; (Ibidem) ; Chanson roumaine, poésie Vers le progrès, pour baryton, chœurs de Varesco ; Offrande, poésie de et orchestre ; Pour la paix, pour soli, Camille Mauclair ; Menuet ; Si pâle chœurs et orchestre ; Cantate jubi­ et si lente, Douze vocalises modernes laire de l'Indépendance, pour chœurs (Bruxelles, Schott) ; Douze vocalises mixtes et orchestre ; La Gileppe, pour progressives modernes ; Douze exer­ soli, chœurs et orchestre. cices de préparation aux vocalises modernes (Bruxelles, Schott) ; Chant 4. Chœurs : de la Croix-Rouge. Ode à Vieuxtemps, chœur mixte et B. — Musique instrumentale. orchestre (1897) ; Méditation, chœur mixte avec piano ou orchestre ; Noc­ 1. Pour orchestre (éventuellement turne, chœur mixte avec piano ou avec instrument soliste) : orchestre ; La Chanson de Mab, chœur Symphonie n° 1, terminée en octo­ mixte sans accompagnement ; Piange bre 1904 et créée en mars 1905 par quasi virgo, motet à 4 voix (1898) Eugène Ysaye ; Symphonie n° 2, (Paris, Editions Mutuelles) ; Veni composée en 1922-1923 et créée le Creator, motet à 4 voix (1898) (Ibi­ 30 septembre 1923 à Verviers. Con­ dem) ; L'Heure promise, chœur pour tient 4 mouvements : Lente-Allegro, 4 voix d'hommes (Paris, Margueri- Andante, Scherzo, Finale. (Discogra­ tat) ; Les vieilles chansons, recueil phie : Decca 173.292) ; Hermann et avec piano (Bruxelles, Schott) ; Ariet­ Dorothée, ouverture pour le drame de tes et Brunettes, recueil avec piano Gœthe ; Lucas et Lucette, églogue en­ (Ibidem) ; Aube de Mai, chœur pour fantine en 4 parties : Escapade mati­ voix d'hommes (Bruxelles, Buyst) ; nale, La toupie, Sommeil sous la feuil- 285 DUPUIS 286 lée, Ronde joyeuse (Bruxelles, Cranz) ; violoncelle et orchestre ou piano ; Le Chasseur de Nio (1898) ; Manille, Berceuse, pour violoncelle et petit ouverture ; Jean Michel, entractes orchestre ou piano (Paris, Eschig) ; des 3e et 4e actes : La Chambrette de Légende, pour violoncelle et orchestre Madeleine, Entracte de la Fête des ou piano. Rois (Bruxelles, Buyst) ; La Proces­ 2. Musique de chambre : sion, poème symphonique (Bruxelles, Cranz) ; Chanson de Mai (Bruxelles, Quatuor à cordes n° 1 ; Quatuor pour Coll. Excelsior) ; Fidélaine, bal­ piano, violon, alto et violoncelle (Paris, let ; Epitaphe ; Prélude symphoni- Senart) ; Trio n° 1 pour piano, violon nique [= Prélude de la Suite en ut, et violoncelle (1912) (Bruxelles, Coll. 1898?]; Impressions de Carnaval : Excelsior) ; Trio n° 2 pour piano, Rendez-vous nocturne, Sérénade ou­ violon et violoncelle (1930) ; Sonate bliée, Rêve, Cortège ; Caprice rapsodi- pour violon et piano (1904) (Paris, que (Bruxelles, Buyst ; Discographie : Senart) ; Absence, pour quintette à Decca 143.283) ; lre Suite récréative : cordes ; La Sylphide, pour violon et Chant du retour, Jeune fille au rouet, piano ; Elégie, pour violon et piano ; Petites variations ; 2e Suite récréative : Esquisse orientale, Chanson affec­ Air de danse, Chanson affectueuse, tueuse, Grieg, Schumann, Mendels­ Jour de kermesse ; 5e Suite récréative : sohn, Chopin, Petites variations, Chant Schumann, Grieg, Chopin, Mendels­ du retour, La jeune fille au rouet, sohn ; Suite champêtre : Le soir au Méditation, Chant d'adieu, pour alto foyer, Sur la campagne endormie, et piano ; Variations, pour cor et Jour de récolte, Après Vêpres (Bru­ piano (Paris, Leduc) ; Solo de ron- xelles, Cranz) ; Quatre petites pièces cours, pour trombone (Paris, Schott) ; pour orchestre : Historiette, Tristesse, Solo de concours, pour cor. Le soir à la fenêtre, Petite marche 3. Musique pour piano : burlesque (Bruxelles, Schott) ; Marche hindoue, pour petit orchestre (Paris, Trois pièces symphoniques (Paris, Eschig) ; Rêve de poète (Bruxelles, Herelle) ; Trois improvisations (Paris, Cranz) ; Trois préludes (Bruxelles, Senart) ; Nocturne (Bruxelles, l'Art Buyst) ; Méditation (Verviers, Jon­ Belge) ; Esquisse (Bruxelles, Schott) ; gen) ; La Victoire, Prélude et danse Mazurka-Caprice; Deux petites piè­ (Bruxelles, Buyst) ; Navarraise ; La ces : Menuet, L'enterrement d'une Chevauchée d'Iolande (Paris, Eschig) ; poupée (Paris, Editions Mutuelles) ; Evocation d'Espagne, ballet (Discogra­ Cinq pièces paradoxales dans le style phie : Decca 143.368) ; Allegro de con­ cubiste : Prélude des chats, Autopsie, cert, pour piano et orchestre (rema­ Valse révulsive, Controverses, Marche niement d'un concerto pour piano des bourreurs de crânes ; Suite cham­ [c. 1917-1918]) ; Prélude et variations, pêtre : Le matin au village, La soli­ pour piano et orchestre ; Mon pays, tude au foyer, Après Vêpres, Sur la impressions champêtres pour piano et campagne endormie, Jour de récolte orchestre ; Fantaisie rapsodiqve, pour (Bruxelles, Cranz) ; Bapsodie liégeoise violon et orchestre ou piano (1901) (Bruxelles, L'Art Belge) ; Quatre pe­ (Bruxelles, Schott) ; Allegro de concert, tites pièces : Historiette, Le soir à la pour violon et orchestre ou piano ; fenêtre, Tristesse, Petite marche bur­ Divertissement rapsodiqve, pour violon lesque (Bruxelles, Schott). et orchestre ou piano ; Trois baga­ telles, pour violon et orchestre ou C. — Ouvrages didactiques. piano ; Bomance, pour violon avec Le Guide du jeune artiste, solfège à petit orchestre (Paris, Eschig) ; Aria, changement de clefs avec accompa­ pour alto et orchestre ou piano ; gnement de piano (Paris, Leduc) ; Le Concerto, pour violoncelle et orchestre petit musicologue, notions générales [c. 1917-1918]; Poème oriental, pour sur la musique, les notations, le chant 287 DURAND 288 grégorien, les instruments et les DURAND (Hélène-Emilie), dessi- formes musicales (Paris, Leduc, e.a.). natrice botaniste, née à Watermael le 9 août 1883, décédée à Uccle le Dupuis a toujours fait une distinc- 4 août 1934. tion nette entre la musique de théâtre Hélène Durand était fille de Théo- et celle de concert. Selon lui, la pre- phile-Alexis Durand, qui devint di- mière doit avoir un caractère popu- recteur du Jardin botanique de l'Etat laire. Elle fait partie d'un tout indi- à Bruxelles, et de son épouse Sophie visible et doit s'allier harmonieusement Van Eelde, une Hollandaise. Merveil- à l'action, aux personnages, aux leusement douée, elle fit de brillantes décors, à l'éclairage. L'ensemble doit études. Le 7 juillet 1903, un jury être parfaitement proportionné et composé d'artistes et de critiques d'art équilibré. Dupuis est avant tout un lui décernait le diplôme de maîtresse compositeur de musique de théâtre. des arts professionnels, avec le maxi- Il a le sens des situations scéniques, mum des points. de l'exaltation lyrique. Il connaît son métier. Sa musique est caractérisée par Le 4 septembre suivant, Hélène la simplicité naturelle, la spontanéité Durand, qui avait été nommée pro- et la bonne humeur. Il compose fesseur de dessin à Saint-Josse-ten- seulement « ce qui fait plaisir, avec Noode, entra au Jardin Botanique de » l'espoir que cela fera plaisir aux l'Etat pour y travailler à titre béné- » autres ». Elève de Vincent d'Indy, vole sous la direction de son père. il est pénétré de la tradition franckiste Elle suivit en élève libre les cours de et de la Schola Cantorum de Paris. Il botanique de Léo Errera à l'Univer- est resté fidèle aux grandes conceptions sité libre de Bruxelles et s'initia au lyriques et mélodiques de la fin du dessin micrographique sous la direc- xixe siècle et ne se laisse pas in- tion de Jean Massart. De tels maîtres fluencer par les tendances modernes. firent d'elle une botaniste avertie. Ses œuvres symphoniques portent Le 11 juillet 1906, le baron de Haul- souvent un caractère rapsodique, elles leville, premier directeur du Musée du brillent par des effets hauts en cou- Congo, agréa Hélène Durand au titre leurs, par une orchestration magistrale de dessinateur du Gouvernement du et une franche et chaleureuse inspira- Congo. Le 1er octobre de la même tion lyrique. année, l'artiste débuta dans le dessin entomologique au Musée royal d'His- Bernard Huys. toire naturelle de Belgique, sous la « Albert Dupuis », dans Za Revue musi- direction du conservateur Guillaume cale belge, vol. 10, 1934, n° 23, p. 1-2. — Severin. En février 1908, elle dessina J. Dor, Albert Dupuis; Notices biographi- des insectes pour Henri Schouteden. ques et critiques, Liège, 1935. — J. Dôme, C'est toutefois la botanique qui • Albert Dupuis », dans Gazette musicale retint Hélène Durand. En 1908, elle de Belgique, 1936, n° 72, p. 7-9. — J. Mon- devint membre effectif de la Société fort, « Compositeurs verviétois », dans Verviers « bonne ville » o trois cents ans, royale de Botanique de Belgique, sous Verriers, 1951, p. 75-82. — B. Blom, le parrainage de son père et de Charles « Dupuis », dans Orove's Diclionary of Bommer. En 1909, elle publia en Music and Musidans, 5e éd., vol. II, Lon- collaboration avec son père un Syl- dres, 1954, p. 816. — A. De Sutter, « Du- loge Florae congolanae. Cet ouvrage puis », dans Algemene Muziekencyclopedie, présentait le tableau complet des vol. II, Anvers-Amsterdam, 1958, p. 394- connaissances acquises à la fin de 1908 395. — « Albert Dupuis », dans Muziek sur la flore phanérogamique du Zaïre. in België; hedendaagse Belgische compo- Il fut couronné par l'Académie royale nisten, Bruxelles, 1967, p. 71-73. — i Du- puis », dans Dictionnaire de la musique de Belgique (Classe des Sciences, publié sous la direction de Marc Bonegger, Prix Emile Laurent 1907-1908) et vol. I, Les Hommes et leurs Œuvres, A-K, est resté un ouvrage de référence [Paris], 1970, p. 298. classique. 289 DURAND 29»

En mai 1912, Hélène Durand fut 38 x 31 cm, reliées en dix volumes nommée préparateur au Jardin Bota­ et portant des dessins botaniques va­ nique de l'Etat. Elle y fit désormais riés au crayon, à la plume, à l'aqua­ carrière. relle ; 4° enfin, un des chefs-d'œuvre Lorsque la guerre éclata en août du dessin botanique, les Matériaux- 1914, elle obtint d'être officiellement d'étude sur les Gymnospermes prove­ licenciée pour entrer à la Croix-Rouge ; nant des cultures du Jardin Botanique tout le mois d'août, elle s'occupa des de l'Etat et de l'Arborelum de Ter- réfugiés. Le 3 septembre, elle reprit vueren, réunis par Charles Bommer, son travail au Jardin Botanique. Elle Aquarelles et dessins originaux exécutés y travailla sans relâche. Ni les réquisi­ sous sa direction par Mlle Hélène tions temporaires des bâtiments du Durand, artiste-dessinateur au Jardin Jardin, ni le manque de chauffage Botanique de l'Etat; cet ouvrage pendant les hivers de guerre ne comporte deux volumes : vol. 1, ralentirent son activité. Ainsi, en lre partie : Cycadées, Bruxelles 1919- 1915, elle fit 243 œuvres. 1930 (relié 52 χ 67 cm, 14 planches Elle travailla surtout pour Charles à l'aquarelle) et vol. 2, 2me partie : Bommer. Ce dernier organisa dans les Conifères, Bruxelles 1913-1926 (relié locaux du Jardin Botanique, du 37 X 50 cm, 33 planches à l'aquarelle) ; 24 au 29 avril 1928, une exposition de cette œuvre merveilleuse, il n'a des dessins de botanique de Ray été publié que la planche d'Ence- Nyst et d'Hélène Durand. Bommer phalartos laurentianus De Wild., pla­ espérait qu'à la suite de cette exposi­ cée par Walter Robyns en frontispice- tion, on créerait une école de dessina­ du volume I de la Flore du Congo Belge teurs scientifiques. Cet espoir fut déçu. et du Ruanda- Urundi, Spermatophy- Hélène Durand poursuivait inlas­ tes (Bruxelles, 1948). sablement son travail. Mais sa santé D'autres dessins d'Hélène Durand laissa bientôt de plus en plus à désirer. illustrent diverses publications d'Emile- Dans la nuit du 3 au 4 août 1934, De Wildeman et de Walter Robyns sur- l'artiste mourut à l'Institut du Sacré- la flore congolaise. Citons les figures Cœur, rue de La Ramée à Uccie, 1-8 de l'introduction du volume I et où elle était hospitalisée. Son grand les planches XIX-LIV du volume II talent ne l'avait pas enrichie. Elle de la Flore agrostologique du Congo vivait très simplement, avec sa sœur belge et du Ruanda- Urundi de Robyns. Louise, restée célibataire comme elle. (vol. I, Bruxelles, 1929 ; vol. II, Après la mort d'Hélène, Louise Du­ Bruxelles, 1934). rand dut vendre des meubles et vécut Charles Bommer recourut aussi à dans l'indigence. Hélène Durand lorsqu'il organisa le- Les dessins originaux d'Hélène Du­ Musée Forestier du Jardin Botanique rand sont conservés au Jardin Bota­ de l'Etat. Il y exposa de nombreuses nique national de Belgique. Les prin­ aquarelles originales ou copiées de cipaux sont : 1° Les roses de la Bel­ diverses publications et représentant gique, douze planches dessinées sous les principales espèces d'arbres, dues, la direction de George-Albert Bou- à Hélène Durand. lenger et représentant les urcéoles Hélène Durand était extrêmement et calices des diverses espèces de soigneuse et minutieuse. Elle a laissé rosiers indigènes en Belgique ; 2° les des carnets où l'emploi de toutes ses dessins qui ont servi à illustrer Les heures est relaté et qui sont conservés Roses d'Europe de l'herbier Crépin de au Jardin Botanique national de George-Albert Boulenger (Bulletin du Belgique. On peut calculer par exem­ Jardin Botanique de l'Etat à Bruxelles, ple que le cône d'Encephalartos. vol. 10 et 11, 1931-1932) ; 3° sous le laurentianus reproduit au frontis­ titre Icônes Horti Bruxellensis, cinq pice du volume I de la Flore du Congo* cents feuilles du format approximatif lui a demandé 140 heures de travail ;. BIOGR. NAT. — t. XLI. 10 291 DUVIVIER 292 un cône d'Abies nobilis Lindl. (Maté- naire de la ville de Mons aux appoin- riaux ..., vol. 2, tab. 22), 105 h. 30. tements de 150 livres. En juillet 1781, Les aquarelles d'Hélène Durand il rédigea en collaboration avec les allient la densité à la fraîcheur. On médecins Eloy, Griez et Honnorez un reste confondu devant le rendu des mémoire sur les travaux urgents à surfaces, qu'elles soient veloutées, faire à l'hôpital de Saint-Nicolas à lisses, luisantes ou mates, comme Mons, dans l'intérêt des malades. devant le rendu du relief. Les Coni- Entre 1790 et 1792, il fut chargé fères de l'artiste surpassent en beauté d'étudier avec Honnorez, une épidé- les célèbres Pins de Bauer. Malheu- mie qui s'était déclarée dans quelques reusement, l'œuvre d'Hélène Durand, villages du Hainaut et, en 1792 en- une des plus belles qui soient dans core, avec les méderins Mauroy, le domaine de l'illustration botanique, Knapp et Honnorez, il présenta un reste presque entièrement inédite. rapport sur une dysenterie qui s'était déclarée à Mons. Le 15 août 1763, André Lawalrée. il avait épousé Marie-Thérèse Naveau.

A. Lawalrée, « Hélène Durand, artiste Robert Wellens. botaniste (1883-1934) », dans Natura Mo- sana, vol. 3, 1950, p. 1-3. Archives de la Ville de Mons. — A. La- croix, Notice chronologique et analytique sur les épidémies et épizootiea qui ont régné DUVIVIER (Joseph-Maximilien), en Hainaut à diverses époques, de 1006 à 1832, Bruxelles, 1844, p. 34-35 {Variétés médecin, né à Mons le 26 février 1728, historiques, n° 4). — L. Wellens-De Donder y décédé le 30 juillet 1796. et B. Wellens, « L'hôpital de Saint-Nicolas Fils de Martin Duvivier et Marie-Jeanneà Mons à la fin du XVIIIe siècle », dans Decamps, il fut reçu, le 14 août Annales du Cercle Archéologique du Can- 1770, en qualité de médecin pension- ton de Soignies, t. XXII, 1963, p. 123-127. E

EYLENBOSCH (Gustave-Charles-Joseph),fluencé par ce patronage et l'éduca- ouvrier typographe, syndica- tion qu'y donnaient de jeunes bour- liste et homme politique, né à Gand geois catholiques. le 10 décembre 1856, décédé à Gand En 1877, devenu un typographe le 17 septembre 1939. accompli, Eylenbosch se fait recevoir Sa mère, née Maria Libbrecht, comme membre de la Gentsche boek- était la fille d'un industriel de Lede- drukkersbond (la ligue des imprimeurs berg (près de Gand), elle avait épousé gantois du livre). un employé de commerce qui travail- L'année suivante, Eylenbosch par- lait chez son père : Jozef Eylenbosch. vient à convaincre la majorité des De cette union naquirent deux fils : membres de cette ligue de s'opposer Jean et Gustave. Très tôt, Gustave à l'admission du typographe Edouard perd son père alors que celui-ci avait Anseele, qui était aussi secrétaire du à peine quarante-neuf ans. Sa mère parti socialiste de Gand. Il lui prê- doit aller travailler chez des familles tait, en effet, l'intention de vouloir aisées pour subvenir aux frais du utiliser la ligue pour y mener sa pro- ménage. Gustave est mis en pension pagande révolutionnaire. Deux ans chez les Frères de Notre-Dame à après, il renouvelle son opposition à Renaix où il reçoit un enseignement la candidature d'Anseele et de 1882 exclusivement en français. A quatorze à 1884, il emporte la vice-présidence ans, il est mis en apprentissage chez du syndicat des imprimeurs du livre un forgeron, mais n'ayant pas la à Gand. force physique suffisante pour appren- Il épouse, en 1885, Leonie Fran- dre ce dur métier, Gustave se voit cisca De Vos dont il a trois enfants. contraint d'abandonner. C'est alors Il poursuit ses occupations multiples. qu'il commence à apprendre le métier Depuis 1881, il est en relation avec de typographe. Ses capacités intellec- Herman Ronse, alors étudiant et tuelles compensaient très largement membre actif du mouvement flamand, sa déficience physique et lui permet- avec lui il fonde une société littéraire taient de répondre parfaitement aux Hou ende Trou en 1884. A deux, ils exigences de ses activités profession- s'inscrivent dans la Vrije Kiezersbond, nelles. fondée pour s'opposer au socialisme. Chaque dimanche, Eylenbosch En 1886, Eylenbosch et Ronse assiste aux activités du patronage transforment la Vrije Kiezersbond en de Saint-Vincent de Paul, établi dans une Algemeene Bond van werklieden le quartier de Steendam. Gustave en burgers (Ligue générale des travail- Eylenbosch fut profondément in- leurs et des citoyens), qu'ils dotent 295 EYLENBOSCH 296 d'un hebdomadaire : De Lichtstraal s'intitulant Antisocialistische Werk­ (Le rayon de lumière) au sous-titre liedenbond (Ligue des travailleurs an­ très significatif : Antisocialistisch werk­ tisocialistes). Eylenbosch en devient mansblad (1886-1891). le secrétaire. Ala fin de l'année 1886, Eylenbosch Entretemps, un hebdomadaire po­ lance un appel aux différentes caisses pulaire catholique, Het Volk (Le Peu­ de secours mutuels établies à Gand ple), avait vu le jour en novembre afin de les grouper et de mieux orga­ 1890, il était l'œuvre d'Arthur Ver­ niser leur action. haegen. Malgré l'opposition violente des Le 1er mai 1891, la direction de la socialistes, l'appel est entendu. La Werkliedenbond décide de prendre Vrij Verbond der Ziekenbeurzen van cet hebdomadaire pour organe et d'y Gent (Alliance libre des Caisses de absorber son Lichtstraal. Het Volk maladie de Gand) est fondée. allait devenir l'organe des démocrates Face au syndicalisme socialiste qui chrétiens de Flandre. débute à Gand, Eylenbosch veut Eylenbosch qui était typographe organiser des groupements profession­ de métier se trouve dans son élément nels. Il réussit à fédérer, le 18 décem­ quand on lui demande de prendre la bre 1886, dans la Vrije Katoenbewer- direction du nouveau journal Het kersbond (Ligue libre des travailleurs Volk. du coton), des tisserands, des fileurs Il met sa propre maison à la dispo­ et des cardeurs qui pourtant conti­ sition du journal. On y installe les nuent à posséder une administration machines et, le 21 juin 1891, le pre­ propre au sein de la nouvelle associa­ mier numéro sort de presse. Dans ce tion. En fait, c'était la première asso­ premier numéro, Eylenbosch déve­ ciation autonome d'ouvriers chrétiens loppe longuement son programme. en Belgique. C'était un appel à tous les ouvriers Après ces succès, Eylenbosch songe flamands pour qu'ils s'unissent. à établir à Gand une boulangerie Poursuivant sa lutte antisocialiste coopérative pour mieux lutter contre et, pour répondre à Defuisseaux, la coopérative socialiste. Avec quel­ Eylenbosch écrit un Catechismus van ques catholiques, et grâce au soutien den waren socialist (Catéchisme du vrai pécuniaire d'un industriel, Maurice socialiste), dont le tirage dépasse le de Smet de Naeyer, Eylenbosch par­ demi-million. vient à réaliser son projet. Het Volks­ En 1891, le Comité d'action des belang (L'intérêt du peuple) était né. associations ouvrières chrétiennes est Cette coopérative n'était cependant fondé ; Eylenbosch en devient le pre­ pas essentiellement ouvrière, de Smet mier président. Au cours de cette de Naeyer possédait 970.000 francs même année, il mène campagne pour dans le capital de fondation, les ou­ les coiffeurs qui s'étaient mis en grève. vriers n'en possédaient que 30.000 fr. Il ouvre une liste de soutien en leur Eylenbosch s'y sentait mal à l'aise faveur dans le journal Het Volk. et donna sa démission d'administra­ En 1896, il devient secrétaire de la teur. Belgische Volksbond, aile flamande Après le congrès social tenu par les de la Ligue démocratique belge, à la catholiques à Liège en septembre fondation de laquelle il avait pris une 1890, Arthur Verhaegen rend visite part importante. à Eylenbosch pour discuter de l'or­ En 1893, il appuie la candidature ganisation des forces sociales catholi­ des neuf membres de la ligue ouvrière ques. Het Volk au Conseil de prud'hommes Sous l'influence d'Arthur Verhaegen de Gand. Par 8.608 voix, ceux-ci et grâce à l'action d'Eylenbosch, la l'emportent sur les socialistes, qui ne Ligue libre des travailleurs du coton récoltent que 6.893 voix. Cette vic­ élargit ses cadres et son action en toire appartient en réalité à Eylen- 297 EYLENBOSGH 298 bosch qui a mené les démocrates dération des syndicats chrétiens et chrétiens au combat. libres, Gustave Eylenbosch en devient En 1895, Eylenbosch est élu au le premier président. Conseil communal de Gand au grand C'est dans une optique sociale mécontentement des catholiques con­ qu'Eylenbosch s'intéresse au mouve­ servateurs. Très souvent, il y expri­ ment flamand. Après être allé en mera l'intérêt constant qu'il porte France en 1898, il prend particulière­ aux chômeurs. C'est sous son in­ ment à cœur la situation malheureuse fluence qu'à partir de 1901 le con­ des nombreux ouvriers flamands tra­ seil communal de Gand accorde un vaillant en France. Sous son influence subside à la caisse de chômage. En est fondée une Verbond der Fransch- 1910, il devient échevin de l'Etat mansgilden (Alliance des corporations civil. de flamands travaillant en France). Eylenbosch lance, en 1896, l'idée A cette époque aussi, il consacre une d'une coopérative de consommation : édition spéciale du journal Het Volk Het "Volk. En avril de cette année, aux émigrés flamands en France. la coopérative commence à fonction­ Le 17 novembre 1917, Eylenbosch ner sous sa présidence. Faisant con­ succède à Arthur Verhaegen comme fiance à ses compétences, la Ligue président de la Ligue des Travailleurs démocratique belge le charge, en chrétiens. 1905, de se rendre à Rochdale en Le 2 décembre 1922, il est appelé Angleterre pour y étudier sur place à continuer le mandat d'un sénateur le système du financement des coopé­ provincial de la Flandre orientale qui ratives. Eylenbosch en ramène le vient de décéder. Il sera élu direct principe des comptes courants à 4 % au Sénat par l'arrondissement de qui lui permet d'atteindre rapidement Gand-Eekloo le 27 novembre 1932. dans sa coopérative gantoise Het Volk Dans l'exercice de son mandat séna­ un capital de 350.000 francs. torial, Eylenbosch intervient pour la Acceptant la proposition de dockers révision de la loi sur les loyers de gantois, Eylenbosch fonde, le 21 juil­ 1920, pour défendre les ouvriers fla­ let 1901, sous le nom de Ganda, une mands qui travaillent en France, association coopérative mettant en pour la flamandisation de l'Univer­ commun les moyens de travail. sité de Gand, pour une fiscalité plus Ce n'est pas sans raison qu'en 1904 egalitaire. le père Rutten installe à Gand le Il sera rapporteur du projet de loi secrétariat général des unions profes­ octroyant un supplément aux béné­ sionnelles chrétiennes ; il trouve en ficiaires d'une pension de vieillesse Eylenbosch un collaborateur actif et et siège dans les Commissions des compétent. En fonction de son expé­ affaires économiques et des pétitions. rience, Eylenbosch avait été chargé En 1938, il se retire loin du bruit en 1900 de faire une des premières et des foules. Il meurt quelques mois leçons à la première semaine sociale plus tard, à l'Institut de Marie-la- flamande sur « l'esprit et la pratique Salvatrice à Maaltebrugge près de » dans l'association professionnelle ». Gand. Cette leçon servira de base à l'ensei­ Publications de Gustave Eylen­ gnement chrétien syndical. Au cours bosch : Emiel Guerry. Voor de volks- de cette même année, Eylenbosch xaak. Maatschappelijk tooneelspel in avait mené les négociations qui seront drie bedrijven. Naar het Fransch omge­ à l'origine d'une concertation entre werkt, Gand, Het Volk, 1912, 130 pa­ syndicalistes chrétiens de Belgique, ges ; Het ontstaan en het leven der d'Allemagne et des Pays-Bas. Lors- Christene Werkliedenbeweging in het qu'en 1912, les deux fédérations syn­ Gentsche, 1885-1914, Gand, Het Volk, dicales chrétiennes de Wallonie et de 1926, 81 pages ; Het ontstaan en het Flandre se réunissent en une confé­ leven der Christene Werkliedenbewe- 299 EYLENBOSCH 300 ging in het Gentsche, 1885-1926, Cinquante années d'action sociale, poli­ Gand, Het Volk, 1928, 128 pages; tique, catholique, 1884-1934. Préface De socialistische en communistische de H. Pierlot, Gand, Het Volk, 1936, Internationale en hare bedrijvigheid in 153 pages. België, Gand, s.d., 70 pages ; De Bel­ Collaboration aux périodiques : De gische Volksbond. Beknopte Geschie­ Lichtstraal, Gand, 1886-1891 ; Het denis, 1891-1920, Gand, Het Volk, Volk, hebdomadaire, Gand, 1890- 1929, 67 pages ; La Ligue démocra­ 1891 ; Het Volk, quotidien, Gand, tique belge. Notice. 1891-1920, Gand, depuis 1891. Het Volk, 1929, 71 pages; De stands­ Pani Oérin. vertegenwoordiging in de katholieke parlij geschiedkundig toegelicht, dans B. Bock, Zo streed Eylenboach, Gand, De Tijd, 7 janvier 1936, p. 1 ; Vijftig 1954. — · Gustaaf Eylenbosch », dans jaar sociale, politieke, katholieke actie, Gids op Maatschappelijk Gebied, 1957, 1884-1934. Voorwoord van Mr. H. Pier­ p. 126-142. — A. Verhaegen, Vingt-cinq lot, Gand, Het Volk, 1936, 164 pages; années d'action sociale, Bruxelles, [1911]. F

FAY (Guillaume Du), ou DUFAY, France que dans nos provinces roma- compositeur (1), né probablement à nes. Ajoutons que le nom propre Soignies vers 1398, décédé à Cambrai Dufay se rencontre fréquemment dans le 27 novembre 1474. les écrits se rapportant à l'époque. Quelle localité peut revendiquer Parmi les meilleurs capitaines de d'avoir été son berceau? Charles le Téméraire, on trouve trois La probabilité de revendication est Dufay : le sire du Fay, gouverneur beaucoup plus légitime pour la ville de Luxembourg, Pierre du Fay, dé- de Cambrai, où le maître vécut et fenseur de Vaudémont, Vautrin du trépassa, affirma Emile Dony, avec Fay, défenseur de Nancy. la plupart des historiens de la musi- Nous relevons cinq « Fay », dans que. le Hainaut belge : Fayt-le-Franc, Charles van den Borren avança près de Dour, dont l'église est dédiée plus pertinemment : « Elle doit être à saint Nicolas ; Fayt-lez-Manage, » située dans notre Hainaut actuel ». dont les patrons sont sainte Barbe et C'est aussi l'avis du professeur Albert saint Gilles ; Fayt, dépendance de Vander Linden. Ladeuze, dont l'église est dédiée à Guillaume Du Fay a eu le soin de saint Géry ; Fayt, dépendance de nous désigner, lui-même, son lieu de Grandglise, dont le temple a saint naissance et le saint patron à qui fut Martin pour protecteur ; Fayt, dans dédiée sa paroisse natale. la topographie sonégienne. Dans le motet : Salve flos tusce Dans sa pierre tombale sculptée de genlis - Vos nunc Etrusce jubar - Viri son vivant, Du Fay désigne le saint mendaces, il dit, s'adressant à la jeu- patron de sa paroisse. nesse florentine : o Ite decus mundi ! Cette pierre tumulaire, conservée » Vester per secula cuneta/Guillermus au Musée de Lille, représente neuf per- » cecini natus est ipse Fay » (Allez sonnages. Le Christ ressuscité en est beauté du monde 1 C'est votre Guil- le personnage central. Au second laume qui vous a chantée pour l'éter- plan à gauche, on remarque, quelque nité. Il est né au Fay). peu effacée, sainte Waudru accompa- Fay dérive de fagetum, bois de gnée de ses deux filles : Adeltrude hêtres, hêtraie. Les villages, hameaux et Madelberte. Vers le milieu, saint ou lieux-dits sont nombreux tant en Dentelin est représenté sous la forme traditionnelle d'un angelot (saint Den- (1) Cette notice complète celle parue telin passe pour avoir émigré vers le dans la Biographie nationale, t. VI, Bru- ciel, après avoir reçu le baptême). A xelles, 1878, col. 247-249. droite, se dresse saint Landry. A 303 FAY 304 l'avant-plan à droite, un personnage lennel du Chapitre de Saint-Vincent revient à la vie. A gauche, en vêture s'adresse logiquement au Sonégien le de chanoine et portant l'aumusse, plus prestigieux de son époque, comme Du Fay est agenouillé à côté d'un la Confrérie de Saint-Luc de Tournai guerrier agenouillé également, qui fit, elle aussi, célébrer un office funè­ s'appuyant de la main sur un bou­ bre le 11 novembre 1464 pour le repos clier, contemple le Christ. Il faut de l'âme de Rogier del Pasture, le identifier ce dernier personnage à plus illustre de ses fils, mort à Bru­ Madelgaire-saint Vincent (qui « sut xelles, le 18 juin 1464. vaincre les séductions de la chair Il est probable que le jeune Guil­ et le prince des ténèbres » et qui laume fréquenta l'école, annexée à la α déposa les armes de la milice ter­ collégiale, réservée aux choraux et restre »). Six de ces neuf personna­ aux enfants de la bourgeoisie. Dès ges appartiennent à la même famille : le xme siècle, existait aussi à Soignies sainte Waudru, saint Vincent, son une école élémentaire fondée en faveur époux et leurs quatre enfants. La des enfants pauvres. présence immédiate et mise en exer­ C'est à Cambrai, à l'école de la gue de saint Vincent désigne celui-ci cathédrale, qu'il reçut sa formation comme patron de la paroisse où l'ar­ française et latine et musicale. L'école tiste est né. cambrésienne comptait d'excellents Il y avait cependant lieu d'envisa­ maîtres de chant, tels Nicolas Malin ger que la paroisse natale de Guillaume et Richard de Loqueville, qui fut Du Fay eût pu être placée sous le harpiste de la duchesse de Bar de patronage de sainte Waudru ou de 1412 à 1418, Nicolas Grenon, qui l'un de ses enfants. Les saintes Adel- enseignait aussi la grammaire aux trude et Madelberte et les saints enfants. Grenon eut pour élève le Dentelin et Landry n'ont point d'égli­ jeune Du Fay dont le nom apparaît ses qui leur sont dédiées en terre hen- pour la première fois sur un compte nuyère. La pierre de Lille ne peut de 1409-1410, où se lit le payement donc être qu'un témoignage de véné­ de soixante-dix-sept sous à J. de ration à sainte Waudru ou à saint Hesdin pour avoir entretenu un cer­ Vincent. tain Willermus avant qu'il eût été Sainte Waudru est la patronne de admis à la maîtrise. C'est donc à la Mons, de Frameries, de Maffle et de maîtrise de Cambrai que Guillaume Ciply. Des recherches toponymiques fit son apprentissage et qu'il fut initié permettent d'affirmer que ces parois­ aux secrets de l'ars nova. Mais il ses n'ont pas eu, à la fin du xive siè­ quitta bientôt Cambrai et son génie cle et au xve, de lieu-dit : Fay. ne tarda guère à se manifester. Il attira l'attention par un épithalame A saint Vincent sont dédiées les à 3 voix : Resveillies vous et faites églises de Haulchin, Mesvin, Cambron- chiere lye (Réveillez-vous et faites Saint-Vincent et Soignies. Les trois joyeuse figure), qui célébra le 17 juin premières localités n'ont pas connu, 1416 le mariage de Carlo Malatesta, aux xive et xve siècles, de lieu-dit : seigneur de Pesaro, avec Vittoria di Fay. Par contre, la topographie soné- Lorenzo Colonna, nièce de Martin V. gienne mentionne fréquemment ce nom. Il suffit de relire le Glossaire Nous savons qu'il obtint le grade toponymique de la Ville de Soignies, de bachelier en droit canon (bacca- d'André Demeuldre, pour s'en con­ larius in decretis). Dans quelle uni­ vaincre. L'Obituaire de Saint-Vincent versité accéda-t-il à cette promotion? de Soignies mentionne le nom de Selon Harbel, à Paris plutôt qu'à Guillaume Du Fay, alors qu'il n'en Bologne, haut lieu du droit canon fut jamais chanoine. Il faut donc encore au xve siècle et pour lequel expliquer cette dérogation par son penchent Leo Schrade et André lieu de naissance. Cet hommage so­ Pirro. Il faut sans doute éliminer 305 FAY 306

Paris, où la faculté de décret, comme En 1431, il reçoit deux canonicats on disait alors, avait piètre réputation. avec expectative de prébendes à la Car « elle était la plus corrompue et cathédrale de Tournai et à Saint- » la plus vénale de toutes les facultés. Donatien de Bruges, au diocèse de » Elle n'avait ni maître ni étudiants ; Tournai ; et un canonicat et une » elle n'avait que des vendeurs et des prébende en l'église de Lausanne. » acheteurs ». De surcroît, les frais En 1433, il délaisse la chapelle d'études et d'examens y étaient romaine et se rend en Savoie à la exorbitants (Ch. Thurot). Dans l'état cour d'Amédée VIII, le Pacifique de nos connaissances actuelles, le (qui portera la tiare, en 1439, sous choix de Bologne semble s'imposer, le nom de Félix V), dont il sera le d'autant plus que Du Fay vécut chapelain et le maître de chapelle. dans cette région de 1416 à 1426. En 1435, il quitte les bords du Cependant la pochette d'un disque lac Léman et regagne la chapelle de motets de Dufay enregistrés par papale transférée à Florence, où il le Petit Ensemble Vocal de Montreal trouvera en Eugène IV un protecteur (Vox Productions, New York, 1963) particulièrement bienveillant. porte une notice signée R.D. Darrel En 1436, il compose le motet qui affirme que Dufay a conquis son Nuper rosarum flores, interprété pen­ grade de bachelier en droit canon, à dant l'office de consécration de l'église l'Université de Turin. Santa Maria del Fiore, célébré par le En 1419, les Malatesta l'attachent pape lui-même le 24 mars, et il est à leur cour. Le 19 mai de cette année, pourvu d'un canonicat et d'une il écrit Vasilissa ergo gaude, à 4 voix, prébende de l'église cathédrale de à l'occasion du mariage de Cléophe Cambrai. Malatesta de Rimini avec Tomaso En 1437, il quitte définitivement Paléologue, despote de Morée (Pélo- la chapelle pontificale et retourne en ponèse). Savoie, où le duc Louis et son épouse Durant ce premier séjour en Italie, Anne de Chypre le tiennent en grand il signe l'admirable Vergine bella che honneur. di sol vestita, coronata di stelle (Vierge En 1439, il obtient la 24e prébende belle, vêtue de soleil, couronnée de l'église cathédrale de Saint-Donat d'étoiles), sur le poème de Pétrarque. à Bruges. En 1426, il revient en France, En 1440, il rentre à Cambrai et probablement dans la région de Laon. devient un des familliers privilégiés de Diacre l'année suivante, il séjourne Philippe le Bon, duc de Bourgogne, à Bologne. à la cour duquel il se lie d'amitié En 1428, il reçoit la prêtrise et avec le Montois Gilles Binchois, entre à la chapelle pontificale, haut grand musicien de l'époque. lieu de la musique, sous le pontificat Le 23 avril 1444, il a la douleur de de Martin V (Ottone Colonna), jus­ perdre sa mère qui, probablement, qu'en 1431, et sous celui d'Eugène IV, vivait avec lui dans son hôtel de jusqu'en 1433. Cambrai. En 1430, trois chapellenies perpé­ Le 17 octobre 1446, il est reçu au tuelles lui sont accordées : celle de canonicat de Sainte-Waudru à Mons. Saint-Fiacre dans l'église de Laon, Durant les dernières années de sa celle de Saint-Géry dans l'église vie, il mène l'existence d'un grand Saint-Géry de Cambrai, celle de seigneur honoré et considéré par Saint-Jean-Baptiste dans l'église pa­ tout ce que l'Europe compte d'esprits roissiale de Nouvion-le Vineux, au distingués et sensibles à la musique. diocèse de Laon (département de Du Fay est le plus grand génie l'Aisne). Il jouit, de surcroît, d'un musical du xve siècle, « le parfait bénéfice à l'église paroissiale Saint- » héritier qui fait fructifier l'héritage Pierre de Tournai. » avec le plus grand discernement », 307 FAY 308 il est l'ambassadeur privilégié de la Il est « le compositeur le plus musique et le prince illustrissime des » représentatif de son temps », af­ musiciens, l'ami et le protégé des firme Guido Adler ; la figure centrale ducs et des monarques. Il n'est point de son époque, « die Dufay Epoche », de cérémonie quelque peu solennelle dit Hugo Riemann, qui souligne que où l'on n'ait recours à ses produc­ la musique du Chanoine de Cambrai tions. L'Europe entière joue sa mu­ « est d'un style très pur et d'une sique et l'admire. » grâce charmante » et il ajoute : « Si Mais il est encore et surtout le » l'on en croit le témoignage d'Adam créateur de ce langage musical qui » de Fulda, Dufay aurait introduit va marquer dorénavant toute la » nombre d'innovations dans l'écri- grande musique européenne. Sa poly­ » ture musicale. C'est de Dufay que phonie servira de modèle à l'évolution » date le grand développement de de la musique en Europe. Elle sera la » l'écriture à 4 parties. » base sans laquelle la polyphonie « C'est dans le pouvoir de clariflca- d'un Roland de Lassus, d'un Pa- » tion de son œuvre, écrit Léo Schrade, lestrina et d'un Bach serait impen­ » qu'il faut peut-être reconnaître l'ef- sable. C'est lui qui sut élaborer, » fet le plus remarquable de son façonner, ciseler, grener le motet de » génie ... Cette clarification nouvelle la fin du XVe siècle, dont Josquin des » marque fortement la musique pro- Prez boira la sève floribonde et » fane... C'est à ses efforts que nous distillera le suprême parfum. Car » attribuons un progrès capital de la Josquin, « Hennuyer de nation », » musique religieuse, en particulier comme dit Ronsart, est son héritier » dans le domaine liturgique de l'Ordi- avec Jean Ockeghem, « Hennuyer de » naire de la messe... ». nation », lui aussi. Sans lui, Josquin « Son œuvre comporte plus de ne serait point le grand, le merveil­ » deux cents compositions religieuses leux génie. » et profanes, dont des messes où Dans son motet Prière des Chan­ » il semble avoir été un des tout teurs, Loyset Compère supplie la » premiers, avec les Liégeois Arnold de Vierge d'intercéder pour le salut des » Lantin et Jean de Limbourg, à musiciens les plus célèbres de son » mettre le « sceau » à la poursuite époque, il y cite Guillaume Du Fay en » de l'unité en imposant outre le premier lieu : « Et primo Dufay ». » motif de tête, un élément interne « Les œuvres de Binchois, Dunstable » de la plus haute importance, à » et Dufay, dit le Nivellois Jean » savoir le ténor... ». (Charles van » Tinctoris, respirent une telle suavité den Borren.) » qu'on doit les tenir pour dignes Les messes du maître sont toutes de » non seulement des hommes ou des grande facture et souvent de purs » héros, mais encore des dieux im- chefs-d'œuvre : Se la face ay pale, la » mortels ». Missa Caput, Ecce ancilla Domini et Il est dans les louages de Guillaume surtout l'incomparable Ave Regina Crétin (Lamentation sur la mort à"Ocke• Coelorum, l'un des plus hauts monu­ ghem), des deux remarquables théori­ ments de la musique du xve siècle. ciens Gaffari et Spararo ; de Simon Guillaume Du Fay a composé des Gréban (Complainte sur la mort de hymnes à 3 voix destinées aux fêtes Jacques Milet) et d'Eloy d'Amerval ecclésiastiques, hymnes qui procla­ (Le Livre de la Deablerie). ment, avec les Magnificat, sa maî­ Les historiens, dont les avis font trise suprême dans l'art de la can­ autorité, ont rendu ou confirmé à tilène. Guillaume Dufay, la place que lui Il est aussi l'auteur de chansons attribuaient ses contemporains, c'est- où le musicien profane ne le cède en à-dire la première :

» ginalité inventives. Ici, derechef, origines à nos jours, publiée sous la direc­ » il est le maître incontesté. Il a tion de N. Dufourcq, Paris, 1946, p. 118- » parfois pu être égalé (et notamment 121. — Oh. van den Borren, « Guillaume » par Gilles Binchois), mais nul n'a Dufay, centre de rayonnement de la poly­ phonie européenne à la fin du moyen âge », » su faire preuve, dans ce domaine, dans Bévue belge de Musicologie, t. XXI, » d'une richesse d'inspiration com- 1967, p. 66-67. — L. Schrade, « La Mu­ » parable à la sienne ». sique de Machaut à Dufay », dans Histoire Mais de toute sa production musi­ de la Musique publiée sous la direction cale, les motets prennent la première de R. Manuel, t. I, Paris, 1960, p. 868- place. C'est là, sans doute, son 889 ; « La Musique religieuse de Dufay à itinéraire élu, depuis le motet à Josquin des Prés », ibidem, p. 945-974. — E. Dony, · Le Musicien Guillaume Dufay teneur isorythmique et à la pluralité (1398P-1474) », dans La Vie Wallonne, des textes où se perpétue la pure Liège, t. VI, 1925-1926, p. 373-374. — E. tradition de l'ars nova, jusqu'à la de Seyn, Dictionnaire historique et géogra­ composition libre et messagère du phique des Communes belges, 3 e édition, 1.1, motet de la Renaissance. Turnhout, [1950], p. 393. — L.-J. Lalieu, Au cours de l'automne 1474, la Vie de saint Vinceni-Madelgaire et de sainte Waudru, son épouse, princes et patrons du maladie immobilise le maître wallon. Hainaut, Tournai - Braine-le-Comte, 1886. Durant six ou sept semaines, il subit e les soins de Jean le Duc, chirurgien — Office de saint Vincent, au 3 Nocturne, VIIe Répons et au 2 e Nocturne, Ve Ré­ et barbier, qui le visite deux fois pons. — A. Demeuldre, Les Obituaires de chaque jour, « touchant la maladie la Collégiale de Saint-Vincent à Soignies, » qu'il avoit es gambes et ailleurs ». Le Soignies, 1904, p. 192. — A. Demeuldre, 27 novembre de cette même année Glossaire toponymique de la Ville de 1474, meurt Guillaume Du Fay, Soignies », dans Annales du Cercle archéo­ musicien exceptionnel qui possédait, logique du Canton de Soignies, t. V, 1920. jusqu'au flamboiement, « ce don d'uni- — J. Marix, Histoire de la Musique et » versalité qui le classe si haut parmi des Musiciens de la Cour de Bourgogne, sous le règne de Philippe le Bon, Strasbourg, » les artistes de tous les temps » ... 1939, p. 15-16. — Th. Lejeune, Mémoire Guillaume Du Fay, « le plus grand historique sur l'ancienne Ville de Soignies, » ornement du siècle », à l'estime de Mons, p. 193 (Société des Sciences, des Arts Pierre de Médicis, siècle musicalement et des Lettres du Hainaut. Concours de 1868- exceptionnel que dominent les Gilles 1869, Monographies historiques et archéolo­ Binchois de Mons, Jean-François de giques des diverses localités du Hainaut, Gembloux, Jean Tinctoris, de Nivelles, t. III). — A. Le Glay, Recherches sur l'église métropolitaine de Cambrai, Paris, Henri Battre, de Ciney, Jean Ci­ 1825, p. 153-160. — J. Houdoy, α Histoire gogne, de Liège, Hugues et Arnold de artistique de la cathédrale de Cambrai, Lantins, Jean de Limbourg, Jean de ancienne église métropolitaine Notre Sart, Jean Brassart... Dame », dans Mémoires de la Société des Albert Lovegnée. Sciences, de l'Agriculture et des Arts de Lille, 4" série, t. VIII, 1880, p. 59, 86-88, F.-X. Haberl, « Wilhelm du Pay », dans 76-77, 79, 194-195, 245. — A. Pirro, « Remarques sur l'exécution musicale de Vierteljahresschrift für Musikwissenschaft, e Jg 1, Leipzig, 1885, p. 397-530. — H. Rie- la fin du xrv au xv° siècle », dans Con­ manii, « Guillaume Du Pay », dans Sand­ grès de la Société internationale de Musi­ buch der Musikgeschichte, Leipzig, 1907, cologie, Liège, 1930, p. 56. — A. Pirro, Histoire de la Musique de la fin du XIVe siè­ passim. — Ch. van den Borren, Guillaume e Dufay. Son importance dans l'évolution cle à la fin du XVI siècle, Paris, 1941. — de la musique au XVe siècle, Bruxelles, J. Chailley, Histoire musicale du moyen 1926 (Académie royale de Belgique. Classe âge, Paris, 1950, p. 265-273-277-286. — G. Thibault, « La Chanson française au des Beaux-Arts, Mémoires in-8°, t. II, e fase. 2). — Oh. van den Borren, Eludes XV siècle, de Dufay à Josquin des Prés sur le XVe siècle musical, Anvers, 1941. (1420-1480) », dans Histoire de la Mu­ — Oh. van den Borren, « L'Ecole et le sique, publiée sous la direction de R. Ma­ temps de Dufay », dans Za Musique des nuel, t. I, Paris, 1960, p. 890-944. — 311 FINET 312

Pr. Baix, « La carrière « bénéficiais > richir ses connaissances, furent les de Guillaume Dufay. Notes et docu- causes initiales de son engagement ments », dans Bulletin de l'Institut histo- dans l'action militante, politique et rique belge de Rome, fasc. VIII, 1928, p. 265-272. — St. Cordero di Pamparato, syndicale. « Guglielmo Dufay alla Corte di Savoia >, C'est dans les organisations de la dans Sancta Ceoilia, n° II, Turin, 1925, Commission Syndicale, laquelle se dé- p. 20 et s. — A. Grunzweig, « Quelques veloppait au sein du Parti Ouvrier figures néerlandaises dans la Florence du Belge que Finet œuvra pour satis- Quattrocento », dans Hommage à Dom faire son sens profond de la justice Ursmer Berlière, Bruxelles, 1931, p. 117- sociale. Affilié à la section de Marci- 130. — J.P. Paber, « Biographie cambré- nelle du Syndicat des Métallurgistes, sienne, XVe siècle : Guillaume Dufay >, dans Mémoires de la Société d'Emulation il en devint rapidement le propagan- de Cambrai, t. XXVI, 1859, p. 381-385. diste (1929), puis prit une part pré- — L. De-rillers, « MCOXLIX », dans Char- pondérante à l'action menée par les tes du Chapitre de Sainte-Waudru de Mons, organisations syndicales lors des grè- t. III, Bruxelles, 1908, p. 231 (Commission ves belges de 1932 et 1936. On le vit royale d'Histoire. Collection des Chroniques pendant cette période, dans le Pays belges inédites et de Documents inédits rela- Noir et le Hainaut, haranguer les tifs à l'histoire de la Belgique, in-4°). — grévistes et les mineurs, leur exposant A. Vander Linden, « Dufay fut-il cha- les multiples problèmes que pose la noine de Soignies ? », dans Revue belge de Musicologie, t. XVIII, 1964, p. 28-32. — condition ouvrière et leur soumettant A. Lovegnée, Guillaume Du Fay, le plus les solutions que préconisait le syn- grand génie musical du XVe siècle, Mont- dicat socialiste. Parmi ces dernières sur-Marchienne, Institut Jules Destrée, figurait en bonne place le Plan du 1979. — Ch. Thurot, De l'organisation de Travail, admis en 1933 par le Congrès l'enseignement dans l'Université de Paris, de Noël du Parti Ouvrier Belge Paris, 1850, p. 179, 183. (P.O.B.), et dont Finet devint l'ardent thuriféraire. Conséquemment, en 1934, il dirigea le secrétariat du Comité d'Action pour le Plan du Travail et FINET (Paul-Christophe-Eloi-Ghislain),mit sur pied conjointement avec syndicaliste, secrétaire gé- Arthur Gailly la publicité destinée à néral de la Fédération Générale du faire connaître et à populariser ledit Travail de Belgique (F.G.T.B.), fon- plan. dateur et premier président de la Confédération Internationale des Syn- Cette activité sera fructueuse car dicats libres (C.I.S.L.), président de Finet est aussi un tribun populaire la Haute Autorité de la Communauté possédant parfaitement les moyens européenne du Charbon et de l'Acier, d'entraîner les foules et de provoquer l'enthousiasme et même la ferveur né à Montignies-sur-Sambre le 4 no- er vembre 1897, décédé à Luxembourg des auditoires. Le 1 novembre 1936 le 18 mai 1965. il devint secrétaire national adjoint D'origine extrêmement modeste de la Commission Syndicale, qui allait puisque né dans une famille ouvrière bientôt se muer en « Confédération générale du Travail de Belgique » du bassin carolorégien, Paul Finet (5 décembre 1937), dont il devint quitta l'école avant même d'avoir secrétaire national, puis, le 29 avril atteint l'âge de quatorze ans pour 1945, à la suite d'un congrès de fusion, devenir apprenti traceur de chau- en « Fédération Générale du Travail dronnerie. Mais son tempérament, de Belgique » (F.G.T.B.), au sein les cadres familial et professionnel, de laquelle Paul Finet sera d'abord les problèmes et les difficultés des secrétaire national puis secrétaire travailleurs pendant l'entre-deux- général, lors de la mise à la retraite guerres, le milieu ambiant et surtout de Joseph Bondas en décembre 1946. ses facultés intellectuelles qui le pous- sèrent sans cesse à améliorer et à en- La diversité est une caractéristique 313 FINET 314 de son action au cours des années des commissions mixtes pour l'harmo­ trente ; à ce que nous venons d'évo­ nisation des conditions de travail. quer il y a lieu d'ajouter encore sa Au début de la crise charbonnière, collaboration régulière aux journaux : les gouvernements des Etats mem­ L'Action Syndicale, Le Journal de bres confièrent à Paul Finet les fonc­ Charleroi et Le Travail de Verviers ; tions de président de la Haute Auto­ ses articles attirèrent l'attention de rité. Il devait exercer ces fonctions tous les milieux. du 10 janvier 1958 au 15 septembre Après mai 1940, il séjourna en 1959. Ensuite, il en restera membre France, puis s'en fut en Angleterre sur proposition des syndicats libres non sans avoir surmonté maintes des mineurs et des métallurgistes des difficultés (1942). Aussitôt arrivé à pays de la Communauté européenne Londres il se mit à la disposition du du Charbon et de l'Acier affiliés à la Gouvernement belge. Attaché au Ca­ Confédération Internationale des Syn­ binet du ministre des Communica­ dicats libres. tions, chargé des affaires sociales, il Evoquant cet autodidacte le pro­ s'adressa à plusieurs reprises aux tra­ fesseur Léon-Eli Troclet a dit : « C'est vailleurs belges par la voie de la » là un symbole de la démocratie mo- radio. Il fut aussi membre du Centre » derne, de la démocratie sociale no­ syndical belge. li tamment, puisque par ses propres Pendant les hostilités, il représenta » qualités, par son effort de perfec- la Belgique aux réunions du Bureau » tionnement et d'élévation person- International du Travail. Il sera mem­ » nelle, Finet a pu obtenir non seule- bre du Conseil d'Administration de » ment la confiance de la classe ou- 1945 à 1951. Poursuivant intensé­ » vrière de laquelle il sortait et où ment son action sur le plan interna­ » il a fait ses premières armes, mais tional, il présida la conférence qui se » a aussi obtenu la confiance des tint dans la capitale anglaise et d'où » Gouvernements des pays membres naquit, en 1949, la Confédération » de la Communauté ». Internationale des Syndicats Libres Paul Finet était titulaire de nom­ (C.I.S.L.) ; il sera membre du Comité breuses distinctions honorifiques bel­ exécutif et le premier président (1949- ges et étrangères ; le Gouvernement 1951). français l'avait fait commandeur de Le 10 août 1952, à la séance con­ la Légion d'honneur, et le Gouverne­ stitutive de la Haute Autorité de la ment italien l'avait nommé grand Communauté européenne du Charbon officier' de l'Ordre du Mérite. et de l'Acier, il est coopté comme neuvième membre, conformément à Robert Abs. l'article 10 du Traité. Au sein du collège, Paul Finet s'attacha à faire Archives de l'Institut Emile Vander- progresser et à développer par tous velde, à Bruxelles. — Archives Jef Bens, à Bruxelles. — J. Bondas, Un demi-siècle les moyens à la disposition de la d'action syndicale, 1898-1948, Anvers, Haute Autorité les activités sociales [1953], préface de L. de Brouckère. — de la Communauté. Il a notamment H' Rapport général sur l'activité de la donné une impulsion au financement Communauté {1er février 1965-31 janvier de la construction de maisons ou­ 1966), C.E.C.A., Haute Autorité. — Rap­ vrières, à la mise en œuvre de la port moral et administratif pour les années réadaptation et à l'amélioration des 1951 et 1952, Congrès statutaire de la P.G.T.B., 14-15 et 16 novembre 1953. — conditions de vie et de travail du Discours de M. Léon-Eli Troclet devant les monde ouvrier. Il prit l'initiative de membres de la Commission sociale du Par­ proposer un statut européen du mi­ lement européen, 1965. — Collection du neur. Il fut le premier président de journal Le Peuple, à Bruxelles. — The l'Organe permanent pour la sécurité International Who's Who, 1965-66, Lon­ dans les mines de houille, ainsi que dres, 1965, p. 357. 315 FLANDERS — FULRAD 316

FLANDERS (Joé). Voir GHELDERODE On retrouve Fulrad huit ans plus (Michel DE). tard, à Noyon. Il y participe au synode de 814 chargé de régler un conflit entre prélats. Il est signalé après les FRÈRE JEHAN DES ENTONNOIRES.abbés de Corbie et de Saint-Bertin. Voir GHELDERODE (Mi- La générosité de Charlemagne per- chel DE). met à Fulrad d'entreprendre en cette même année 814 la reconstruction de FULRAD, abbé de Saint-Quentin son abbatiale. Elle fut consacrée en en Vermandois et de Lobbes, décédé 823 par son cousin, l'évêque Drogon le 31 janvier 826. de Metz. Une notice en vers gravée autrefois Avant 823, tout en restant abbé de sur la tour de l'église de Saint-Quentin Saint-Quentin, Fulrad est appelé à en Vermandois (Aisne) et reproduite diriger le monastère de Saint-Pierre par Folcuin de Lobbes (M.G.H., SS., de Lobbes, en Hainaut, fondé au mi- t. IV, p. 59-60) jette quelque lumière lieu du viie siècle par saint Landelin. sur le milieu familial de Fulrad. Ce Les gesta abbatum Lobbiensium et dernier apparaît comme un cousin de les Annales Laubienses rapportent Charlemagne, par son père Jérôme, qu'il succéda à son neveu Ramnéric ; fils de Charles Martel, et sa concubine le nécrologe de Remiremont par con- bavaroise Swanéhilde. Il est égale- tre, qui offre plus de garanties du ment le cousin de Drogon, évêque de point de vue chronologique, cite Ram- Metz et l'oncle de Ramnéric qui lui néric après Fulrad parmi les « Nomina succédera à Lobbes. Plusieurs auteurs » fratrum monasterii Laubias. Nomina ont mal interprété cette inscription et » defunctorum », et lui donne comme font de Fulrad un petit-fils de l'em- prédécesseur l'abbé Hildric, présent pereur Charles. Selon J. Vos (op. également en 814 au synode de Noyon. infra cit.), sa mère Erquisinde (?) Les chroniqueurs de Lobbes saluent descendrait de la famille des rois avec joie cette nomination, mais on Goths. ne connaît toutefois du passage de Pareille origine devait favoriser Fulrad à Lobbes que ce qui a trait l'accession à de hautes fonctions. Dès à l'élévation des reliques de saint 771, à la mort de son père Jérôme, Ursmer. Fulrad lui succède comme abbé de La vogue de l'ancien abbé de Saint-Quentin en Vermandois. Lobbes (f 713) grandissait; les mira- Un mandatum célèbre de Charle- cles qu'on lui attribuait et la véné- magne relatif à l'organisation de son ration fervente dont il était l'objet armée — Vencyclica de placito generali amenèrent Fulrad à obtenir de l'évê- habendo, souvent reproduit et diver- que de Cambrai, Halitgaire (817-831), sement commenté, que l'on peut dater une élévation de reliques. La cérémo- de 806 — enjoint à Fulrad de se ren- nie se déroula en présence d'une foule dre à un plaid général à Strassfurt, nombreuse, le 26 mars 823. en Saxe orientale, le 17 juin, avec Fulrad aurait également fait agran- tous ses hommes « bien armés et bien dir l'église supérieure de Lobbes ; » équipés, prêts à entrer en campa- mais comme ce fait n'est pas signalé » gne ». Les cavaliers auront chacun dans les premières sources relatives « un écu, une lance, une épée longue au monastère hennuyer, on peut » et une épée courte, un arc et un croire à une confusion avec la recon- » carquois garni de flèches ». Tous struction de l'église de Saint-Quentin seront munis de vivres pour trois (voir ci-dessus). mois à compter du départ de Strass- Fulrad mourut le 31 janvier 826 furt, de vêtements pour une demi- (Annales Laubienses, p. 13). Sa notice année et ils seront accompagnés d'un en vers latins, œuvre de Théodulfe, convoi d'outillage. fut gravée (et vraisemblablement re- 317 FULRAD 318 haussée d'or) sur la tour de l'église SS., t. IV, p. 13. — Pour les autres sour­ de Saint-Quentin {Gesta abbatum, ces relatives à Lobbes {Gesta abbatum p. 59-60). Lobiensium écrites en 980 et les Miracula Ursmari Lobiensis, de 980-990), voir Jacques Pycke. A. Stainier, Index scriptorum operumque latino-belgicorum Medii Aevi. Nouveau M.G.H. LL., t. I", p. 145-146 {Ency- répertoire des œuvres médiolatines belges. clica de placito generali habende). — Δ ce VIIe-X" s., Bruxelles, 1973. — U. Ber­ sujet, L. Halphen, Charlemagne et l'empire bère, Monasticon belge, I, Provinces de carolingien, 3e éd., Paris, 1988, p. 162-153. Namur et de Hainaut, Maredsous, 1897, — J.P. Verbruggen, « L'armée et la stra­ p. 203 (dépassé). — Catholicisme, t. IV, tégie de Charlemagne », dans Karl der col. 1673-1674 (P. Viard). — G. Lecocq, Grosse, I, Düsseldorf, 1965, p. 420-436. Histoire de la ville de Saint-Quentin, Saint-Quentin, 1875, p. 33-37. — J. Vos, — Flodoard, Historia Remensis ecclesiae, er lib. II, dans M.G.H. SS., t. XIII, p. 406 Lobbes, son abbaye et son chapitre, t. I , (présence de Fulrad et de Hildric au Louvain, 1865, p. 165 (complètement synode de Noyon. Les collections de con­ dépassé). — J. Warichez, L'abbaye de ciles ne font que reproduire ce texte). — Lobbes depuis ses origines jusqu'en 1200, Liber memorialis von Remiremont, dans Louvain, 1909, p. 32-36. — Gallia Chris­ M.G.H., Libri memoriales, t. Ier, 1970, tiana, t. IX, p. 1079 et euiv. ; t. III, p. 16-17. — Hahn, Jahrbücher des frän• p. 81-82. — R. Lemaire, De karolingische kischen Reichs, 741-752, p. 154-155. — Sint-Ursmaruskerk te Lobbes, Bruxelles, Annales Laubienses, a0 823, dans JU.G.H. 1949. G

GARMUNDE, ou GUARMUNDUS, 1101, de 1102 avant le 16 mai et de WARMUNDUS, écolâtre de la cathé- 1102. drale de Tournai de 1101 à 1107, On le retrouve une dernière fois décédé en 1107. en 1102, à Noyon : magister Warmun- On connaît, grâce au témoignage dus y souscrit une charte épiscopale du chroniqueur Hériman de Tournai, de Baudry au profit de l'abbaye de la renommée exceptionnelle de l'école Nogent-sous-Coucy. On ne peut sou- capitulaire de Tournai à la fin du tenir — comme les auteurs de Y His- e xi siècle, sous l'impulsion de l'éco- toire littéraire de la France, t. IX, lâtre Odon d'Orléans. On admet géné- Paris, 1868, p. 583 et comme Léopold ralement qu'au départ d'Odon — fon- Delisle, op. infra cit., p. 32 — qu'il dateur puis premier abbé de Saint- s'agit là d'un écolâtre de Noyon, Martin de Tournai avant d'être appelé puisque Warmundus souscrit en tête le 29 juin 1105 au siège épiscopal de des témoins, avec l'archidiacre de Cambrai — l'école capitulaire connut Tournai Lambert et les abbés gantois un déclin rapide. de Saint-Pierre et de Saint-Bavon. Or, on peut suivre la trace de trois Garmunde mourut en 1107 sans écolâtres de la première moitié du avoir laissé, semble-t-il, d'écrits. Il XIIe siècle inconnus jusqu'ici : Gar- fait l'objet d'un court éloge funèbre munde, Hotfrid et Gautier. Les docu- de 19 vers, rédigé par un clerc tour- ments qui les concernent autorisent naisien, conservé dans un fragment à penser que le déclin ne fut pas aussi du rouleau mortuaire de l'abbé Hu- brutal. gues Ier de Saint-Amand (1085- Tout comme Odon d'Orléans, l'éco- 8 septembre 1107). L'auteur du lâtre Garmunde a été appelé de l'ex- titulus tournaisien le qualifie de décor térieur par les clercs tournaisiens, Tornacensis et voit en lui un templum entre 1095 et 1100. (Peut-être s'agit-il philosophiae. de l'archidiacre de Hainaut de l'Eglise On compte parmi ses disciples le de Cambrai attesté entre 1064 et célèbre Guerric d'Igny, qui exercera 1076.) Il apparaît déjà comme sco- vraisemblablement à son tour la lasticus Tornacensis dans une charte charge d'écolâtre de la cathédrale encore inédite de l'évêque de Noyon- de Tournai. Tournai Baudry, donnée le 9 mars 1101 au profit du chapitre cathedra]. Jacques Pycke. Il porte ce même titre dans trois Bibliothèque nationale à Paris, nouv. autres chartes épiscopales de Baudry, acq. lat. 1525 (fragment du rouleau mor- datées respectivement du 31 mars tuaire de Hugues de Saint-Amand). — 321 GÉRARDY 322

Edition L. Delisle, Littérature latine et Valérie, Léon Paschal, les frères Ras- histoire du moyen âge, Paris, 1890, p. 31- senfosse, etc. 33. — Edition L. Delisle, Bouleau mor- Dès lors, il s'adonne entièrement à tuaire du bienheureux Vital, abbé de Sa- vigni, Paris, 1009, p. 28-29. — N. Huyghe- la poésie, puisant tour à tour, en par- baert et J. Pycke, Chartes des évêques de fait bilingue, dans les domaines alle- Noyon-Tournai avant 1146 (en prépara- mand et français, il publie des vers tion). — J. Pycke, « Le déclin de l'école langoureux et mélancoliques d'inspi- capitulaire de Tournai au début du ration nettement germanique. XIIe siècle et le rouleau mortuaire de er Son premier recueil, Les Chansons l'abbé Hugues I de Saint-Amand », naïves (Liège, Vaillant-Carmanne, dans Le Moyen Age, t. LXXXV, fasc. 3/4, 1979, avec références bibliographiques, 1892), obtient d'emblée les faveurs à paraître. de la critique et d'importantes revues littéraires, telles que Les Ecrits pour l'art, La Jeune Belgique, Le Mercure de France, La Plume ou La Société GÉRARDY (Paul), pseudonymes: nouvelle saluent avec éloge cette pre- LOUP, ULTOR, JUSTIN WALLON, poète, mière publication. journaliste et pamphlétaire, né à En janvier 1892, il fonde à Liège, Maldange (Maldingen), près de Saint-Vith,la revue littéraire Floréal qui connaî- le 15 février 1870, décédé à er tra un retentissement certain mais Bruxelles le 1 juin 1933. qui, pour l'heure, n'a pas encore une Le lieu de sa naissance revêtira ligne de conduite bien définie : pour Gérardy une importance primor- « Une revue naît, qui s'intitule diale qui marquera toute son exis- » Floréal. Elle se veut indépendante tence et expliquera en grande partie » et neuve. Nous ne savons pas encore les méandres de sa carrière littéraire » si nous comblerons une lacune ; tout et journalistique. En effet Maldange, » simplement nous nous manifeste- petit village situé à quelques kilo- » rons, tâchant d'être toujours juvé- mètres de Saint-Vith, se trouve dans » niles et sincères. cette région des marches rattachée au » Paraissant à Liège, Floréal ne gré des guerres à tel ou tel pays. Lors » sera pas une sous- Wallonie. La pré- de la naissance de Gérardy, cette con- » sence, parmi nous, de plusieurs trée appartient au royaume de Prusse » artistes qui collaborent à cette revue et dès l'année suivante elle fait partie » ne signifie pas autre chose qu'une de l'empire allemand, proclamé à » amitié dont nous sommes fiers. Versailles (le 18 janvier 1871). En » Eussions-nous un but, il serait de 1919, elle revint à la Belgique et fut » rassembler sous notre titre, dans rattachée à la province de Liège. » une haute fraternité d'art, le plus Gérardy naît donc allemand, mais » grand nombre possible de talents après ses études primaires suivies » littéraires, sans souci d'école ou de avec fruit dans son village natal, il «coterie. La.revue se doit, croyons- est envoyé, jeune orphelin, par son » nous, d'offrir à ses fidèles de riches tuteur poursuivre sa formation au » et diverses jonchées (...). Au seuil petit séminaire de Saint-Trond où il » de son premier jour, Floréal salue fera la connaissance du futur roman- » ses vaillantes aînées belges, La Jeune cier Edmond Glesener, puis à l'Uni- » Belgique, L'Art moderne, La Wal- versité de Liège. De tempérament » lonie, et sa piété s'émeut vers cette profondément artiste, le jeune Gérardy » sœur défunte, La Basoche (...). » quitte l'université, après avoir obtenu (Au lecteur, Floréal, lre année, n° 1, ses diplômes de candidat en philoso- janvier 1892). phie, pour se mêler à la bohème litté- A la fin de la première année, la raire liégeoise et se lier d'amitié avec doctrine s'était précisée et se présen- les jeunes artistes wallons : Charles tait sous la forme d'une vibrante pro- Bronne, Joseph Chot, Charles Delche- fession de foi : BlOGR. NAT. — t. XLI. 11 323 GÉRARD Y 324

« Floréal touche à la fin de sa pre- Gérardy et le poète autrichien » mière année. Les quelques mois Hugo von Hofmannstahl sont parmi » écoulés furent pour nous la période les premiers à rejoindre Stefan George » d'essai. Nos désirs un peu vagues et Gérardy — qui est rapidement » se sont faits plus nets et nous espé- devenu un intime de George — se » rons les affirmer d'une manière pré- charge de développer la doctrine du » eise. A nous connaître, à discuter cénacle, visant à promouvoir le renou­ » ensemble, l'idée a mûri, qui depuis veau de l'esprit allemand, en publiant » longtemps germait parmi nous. Nous le manifeste intitulé Geistige Kunst » voulons, sans drapeau, sans félibrige, (« L'art spirituel »), dont une traduc­ » résumer en nous le passé d'une tion française sera donnée par Gérardy » race. Nous voulons, dans l'art uni- lui-même dans Le Réveil d'octobre » versel, glorifier l'âme wallonne ; 1894. Le poète wallon collaborera » nous tâchons à grouper, sur ce coin dès le premier numéro des Blätter et » de terre où nous sommes, ceux qui poursuivra sa collaboration d'une » sentent et qui pensent selon l'âme manière régulière jusqu'en 1904, en » commune. Ce sera, cette œuvre col- y donnant nombre de poèmes en lan­ » lective, notre hommage à la vieille gue allemande. » terre héroïque dont nous sommes Le deuxième recueil du poète, » pétris, dans nous dirons l'âme sub­ Pages de joie, paraît dans le courant ii tile et profonde (...). » (Au lecteur, de l'année 1893 et est, à nouveau, Floréal, lre année, nos 10-11-12, oct- salué avec beaucoup de sympathie nov.-déc. 1892). par la critique. Mais déjà Gérardy Sans réaliser pleinement son ambi­ s'éloigne de la poésie et, sa revue tieux projet, il faut reconnaître qu'en disparue, il éparpille son talent dans un peu moins de deux ans (Floréal d'innombrables journaux et revues. paraîtra de janvier 1892 [n° 1] à Après son mariage, en avril 1894 à décembre 1892 [lre année, nos 10-11- Liège, avec Louise Delvoie, fille d'un 12] et du 15 février 1893 [2e année, professeur de dessin de Charleroi et n° 1] à la fin de 1893 [nos 8-9-10-11, nièce du libraire-éditeur liégeois dernière livraison non datée], la revue Gnusé, il effectue de nombreux voya­ avait atteint un évident degré de ges en Belgique et à l'étranger et notoriété en s'assurant la collabora­ notamment en Allemagne où il passe tion d'artistes tels que André Gide, de longs mois à visiter les musées et Pierre Louys, Camille Mauclair, Henri les galeries d'art. Il tracera, sous le de Régnier, Francis Vielé-GrifTin, du pseudonyme de Loup, une série de côté français et parmi les écrivains portraits d'artistes allemands dans belges : Hector Chainaye, Charles L'Art moderne, inspirés de ses longues Deichevalerie, Célestin Demblon, Eu­ fréquentations, en compagnie de Ste­ gène Demolder, Auguste Donnay, fan George, des peintres allemands contemporains. C'est encore de ses Max Elskamp, Edmond Glesener, méditations sur les buts et la finalité Camille Lemonnier, Maurice Maeter­ de l'art qu'il tire le sujet d'une pla­ linck, Georges Marlow, Albert Mockel, quette intitulée A la gloire de Böcklin Fernand Severin, Emile Verhaeren (Liège, Gnusé, 1895), dont le titre notamment. introductif, « Les petits essais d'en­ En cette même année 1892, paraît thousiasme », exprime assez l'engoue­ à Berlin une autre revue littéraire, ment passionné qui habite le jeune Die Blätter für die Kunst (« Les Feuilles artiste à ce moment. L'analyse de pour l'art »), fondée par le poète l'œuvre du peintre symboliste suisse allemand Stefan George, en réaction Arnold Böcklin, ne sert ici au cri­ contre la société bismarckienne, mili­ tique que de prétexte pour dévelop­ tariste et toute empreinte de lourdeur per ses propres conceptions artisti- matérialiste. 325 GËRARDY 326 ques et philosophiques : le retour à sous la forme de conseils ironiques et la nature, à la vie païenne, à la Grèce, désabusés donnés par le roi Leopold II à l'Italie, à la lumière et au soleil... à son neveu Albert, son successeur Un second ouvrage paraît encore désigné. Egratignant, tour à tour, en cette année 1895 qui, bien que toutes les couches de la société : les très différent du précédent, est lui savants, les artistes, les académiciens, aussi, un cri de ferveur passionnée. les philosophes, les journalistes, etc., La Revanche de la crapule (Liège, l'auteur prête au souverain des pro­ Thone) est, en effet, un violent réqui­ pos d'un tel cynisme qu'ils devaient sitoire socialisant en faveur des cou­ inévitablement provoquer la colère ches les plus déshéritées de la popu­ et l'animosité de tous ceux qu'ils lation. Ce pamphlet, signé du curieux touchaient. Dès le 15 février 1903, pseudonyme d'UItor, est dédié à quelques jours à peine après sa mise Camille Lemonnier en ces termes : en circulation en Belgique, toute la « Au maître Camille Lemonnier, qui presse se met à brocarder le libelle » sut magnifier ceux de la glèbe comme et à en rechercher l'auteur. Les suppu­ » ceux des forges et de la bure, je tations vont bon train, tout le monde » dédie ces pages. Ultor. » Gérardy se met à suspecter tout le monde : utilisa une nouvelle fois son pseudo­ des journalistes belges et français, nyme pour préfacer la première bro­ des écrivains, des officiers de la cour ; chure militante de Léon Troclet, Le la reine elle-même est soupçonnée Catéchisme du conscrit socialiste, dédié d'être l'instigatrice du pamphlet. aux Jeunes gardes socialistes (Liège, Après plusieurs perquisitions, un juge Imprimerie coopérative M. Thone, d'instruction ordonne la saisie de 1897). L'ancien député socialiste a l'ouvrage subversif et la comparution raconté, dans un long article consacré de son auteur, toujours inconnu. à la mémoire du poète (Le Travail, Gérardy, de Paris, donne une brève Verviers, 19 juillet 1938), comment suite, toujours anonyme, aux Carnets naquit leur amitié et quelle émotion en publiant une plaquette, Le Chinois suscita, dans les milieux politiques tel qu'on le parle (Librairie française, liégeois, la parution de La Revanche L. Genonceaux et Cie, 1903, 32 pages), de la crapule. sous-titrée : « Lettre ouverte aux Son dernier recueil de poésie, Ro­ » juges de mon pays, pour les exhorter seaux 1892-1894, est publié, ultime » au calme et à la modération », par consécration, par le Mercure de France, l'auteur des Carnets du Roi. Dans en 1898, mais à ce moment déjà, cette spirituelle mise au point, Gé­ Gérardy est entièrement requis par rardy s'en prend à la magistrature le journalisme et ses chroniques de belge et, tout en réclamant un procès La Réforme, du Messager de Bru­ aux assises afin de pouvoir défendre xelles ou de La Gazette coloniale absor­ publiquement sa cause, il invoque sa bent la plus grande partie de son nationalité belge, annulant ainsi la activité. Il semble acquis que ce soit possibilité d'un éventuel arrêté d'ex­ durant cette période de collaboration pulsion : régulière à des feuilles politiques et « Mon affaire, malheureusement, financières qu'il rassemble la docu­ » n'est pas correctionnalisable, quel- mentation qui servira de base au » que adroit que vous soyez à bafouer nouveau volume qu'il projette d'écrire » la loi. Et, en désespoir de cause, et qui sera appelé à connaître un » vous aviez imaginé ceci : me dépouil- succès de scandale qui ne s'est pas » 1er du bénéfice douteux de la natio- encore démenti aujourd'hui : Les » nalité belge et m'envoyer me faire Carnets du Roi. » pendre au-delà des frontières. Notre Publié à Paris (Librairie française, » bon gouvernement a l'expulsion L. Genonceaux et Cie) en 1903, sans » leste (...). L'aimable intention de nom d'auteur, l'ouvrage se présente » M. de C. étant ainsi de m'éviter, 327 GÉRARDY 328

» par l'expulsion, les rigueurs de la » ayant suivi depuis longtemps le » Cour d'Assises, il lui eût fallu, afin » conseil que la sagesse antique inscri- » qu'il pût aboutir dans une telle » vit au fronton du temple delphien — » procédure, quelques éclaircissements » a quelque parti pris mais n'a aucune » sur ma nationalité et, par malheur, » haine ; n'essayez donc pas de per­ » ces éclaircissements-là, il n'est pas ii suader vos concitoyens qu'il les » en mon pouvoir de les fournir. Tout » hait. Peut-on ne pas aimer un peu- » arrive et il est même des gens à ce » pie qui compte parmi les siens » point inassujettis qu'ils ne sont » Maeterlinck et Verhaeren, Picard » sujets d'aucun pays. Je suis de ces » et Meunier, Giraud et Severin, » gens-là. Ah I si vous pouviez me » Ensor et Elskamp, Mockel et Van » donner une nationalité I Ce n'est » Lerberghe, Donnay et Raway et » pas que je tienne exagérément à » Demolder et toutes ces délicates et » être catalogué. N'ayant nul des­ » splendides fleurs d'art et de pensée ìi sein de devenir quelque chose, je » dont seul « le Belge » s'obstine à ne » n'éprouve pas le besoin d'être de » pas respirer l'enivrant parfum? ». » quelque part et j'aime marcher seul. Cinq ans plus tard, après la paru­ » Ne concluez pas hâtivement, je vous tion d'une ordonnance de non-lieu, » prie, de cette dernière affirmation, Gérardy décide de republier ses Car­ » que je ne peux être Belge. Je suis nets du Roi, sous sa signature cette » de mon village et cela me suffit. fois, en feuilleton dans le quotidien » Mon village est quelque part en liégeois L'Express (du 19 octobre au » Wallonie et comme il n'y a pas 22 novembre 1908). Le texte est » encore de nationalité wallonne, je augmenté d'un épilogue inédit publié » préfère attendre et rester unique- en deux parties (L'Express des 23 » ment de mon village. Mais ce village et 24 novembre 1908). » lui-même, il a si souvent changé de Après la parution de ses deux » nationalité officielle que finalement libelles fustigeant les travers et les » ses naïfs habitants s'y perdent et défauts de la mentalité du peuple » parfois ils voudraient bien être Bel­ belge et la conduite de son souverain, ìi ges, s'ils pouvaient concevoir l'exis- ouvrages narquois et ironiques certes, » tence d'une nationalité belge ». mais dépourvus d'acrimonie, Gérardy Et il poursuit sur ce même ton lance, en 1904, et comme pour prou­ ironique : ver son absence d'attache avec l'Alle­ « Vous aurez beau enquêter et inda- magne, un véritable pamphlet politi­ » guer. Personne ni moi-même ne que, dirigé contre Guillaume II et » peut vous renseigner et vous voilà contre l'Allemagne : Le Grand Roi » bien perplexes ; en fin de compte, Patacake (Paris, Librairie française, » je ne suis pas expulsable et il fau- L. Genonceaux et Cie, 1904, 275 pa­ » dra bien m'honorer de quelques ges). Ce véritable réquisitoire, égale­ » séances de cour d'assises sous peine, ment publié sans nom d'auteur, ra­ » pour vous, de paraître énormément conte une journée de la vie de « sa » ridicules. Et je suis parti. Ne tenant majesté Patacake » vue par un obser­ » pas à palabrer en pure perte avec vateur malicieux et caustique qui brosse un tableau sans complaisance » M. de C, je suis allé attendre sous de l'Allemagne d'avant quatorze et » l'orme dont le feuillage m'a plu, de son chef casqué et botté. Comble » qu'il vous convienne de prendre d'ironie, cet ouvrage publié en quel­ » une décision qui ne peut être que que sorte comme gage de l'indépen­ » celle de me convoquer à compa- dance de Gérardy vis-à-vis de l'Alle­ » raître devant douze bourgeois bra- magne, va l'obliger à quitter la Bel­ » bançons qui se prononceront par gique durant la première guerre mon­ » oui ou non sur mes crimes (...). diale, afin de se soustraire au châti­ » L'auteur des Carnets du Roi — et je ment que lui réservait l'envahisseur I » le connais bien, Messieurs les juges, 329 GHELDBRODE 330

Gérardy se réfugie alors en Grande- et au tourisme. Cette publication, qui Bretagne où, mêlé à la colonie belge, ne connaîtra que trois livraisons il va collaborer à diverses revues (23 mars, 30 mars et 9 avril), obtien- fondées par des compatriotes. C'est dra le concours de personnalités aussi en Angleterre également qu'il publie, importantes et diverses que Charles sous le nouveau pseudonyme de Bernard, Pierre Bourgeois, Louis Du- Justin Wallon, un ouvrage contant la mont-Wilden, Richard Dupierreux, vie quotidienne des Belges réfugiés Marcel Lecomte et Henri Liebrecht à Londres : Une cité belge sur la notamment. Cette diversité est une Tamise (Londres-Bruxelles, Librairie dernière preuve, et comme un dernier moderne, sans date, [1917], 102 pages). hommage, de l'estime dans laquelle L'ouvrage, sous couverture illustrée, Gérardy était tenu dans le monde est composé de deux parties, la pre- littéraire de notre pays. mière qui porte le titre du livre, dé- Mené Payt. crit l'arrivée et l'installation de la colonie belge sur les bords de la Ta- Archives et documentation de Madame mise à Twickenham et à Richmond. Veuve Paul-M. Gérardy (Bruxelles). La seconde partie, intitulée Une Bibliographie des écrivains français de promenade dans un beau pays, est Belgique, t. II, Bruxelles, 1966, p. 138- 140. — R. Bôhringer, Mein Bild von une sorte de guide historique, litté- Stefan George, Munchen-Dusseldorf, 1951 ; raire et touristique des deux agglo- nouvelle édition, 1967. — E.L. Duthie, mérations londoniennes ayant accueilli L'influence du symbolisme français dans le nos compatriotes durant la grande renouveau poétique de l'Allemagne. Les guerre. Bldtter fur die Kunsi de 1892 à 1900, De retour au pays, Gérardy reprend Paris, 1933 (Bibliothèque de la Revue de littérature comparée, 91). — R. Payt, son activité de chroniqueur indépen- a Paul Gérardy et Les Carnets du Roi », dant, fondant et dirigeant à nouveau dans Marginales, 29e année, n° 163, dé- nombre de publications éphémères; il cembre 1974, p. 1-16. — [ J.M. Horemans], semble se désintéresser définitivement « James Ensor et Paul Gérardy à Thuin », de la vie littéraire, lorsque paraît, dans Les Feuillets du Spantole, 18e année, en 1920, un nouvel ouvrage, son der- n°» 161-162, Thuin, 1973, p. 9-12. nier, au contenu aussi curieux que son titre : Quatorze extraits du bestiaire d'Hortensius (Bruxelles, Collection GHELDERODE (Michel de), pseu- Pamphila, 25 rue de la Loi, sans donyme et à partir du 12 juillet 1930 date, [1920], 104 pages). A nouveau nom patronymique officiel de MARTENS anonyme, ce petit opuscule contient (Adémar [sic]-Adolphe-Louis); sous forme de fables, toute la philo- pseudonymes occasionnels: LE CI- sophie et toute la sagesse un peu TOYEN CLAVIÈRE, SCEPTICUS, PHILOSTÈNE amère d'un homme qui resta, toute COSTENOBLE, BABYLAS, A. sa vie, fidèle à un seul mais exigeant DE BASSEVELDE, DOCTEUR KWIEBUS, idéal : la liberté d'expression la plus J. DAMHOUDER, KWIEBE-KWIEBUS, totale. Dans cette dernière œuvre, JOÉ FLANDERS, FRÈRE JEHAN DES pratiquement inconnue, et qui peut ENTONNOIRES, OLÉANDRE; drama- être considérée comme son testament turge et conteur, né à Ixelles le 3 avril spirituel et poétique, Gérardy a com- 1898, décédé à Schaerbeek le 1er avril posé quelques morceaux de philoso- 1962. phie douce-amère qui résument assez Le 19 janvier 1889, Henri-Alphonse bien la sagesse du soir de la vie. Martens (Waarschoot, 14 avril 1861- Peu avant sa mort, qui surviendra Londerzeel, 31 mars 1943) avait le 1er juin 1933, Gérardy créera en- épousé à Ixelles Jeanne-Marie Rans core une dernière revue, Atrium, (Louvain, 24 mars 1864 - Londerzeel, revue hebdomadaire illustrée, consa- 14 mars 1944). Deux ans plus tard, il crée aux arts, aux lettres, aux sciences était entré au service des Archives Gé- 331 GHELDERODE 332

nérales du Royaume comme « homme dans les classes d'alto à cordes et de de peine à la journée ». En 1898, à solfège du Conservatoire Royal de la naissance de son quatrième et Musique. Après que Marie Van Echel, dernier enfant, il y était « huissier son premier amour (« Mariette la messager à la journée ». Malgré son » macabre »), eut quitté l'institution zèle de fonctionnaire modèle, son en septembre 1916, il ne se montra intelligence et sa connaissance de plus que très irrégulièrement aux quatre langues qui lui vaudront de de­ cours, de sorte qu'il fut renvoyé avant venir « huissier » en 1900 et « commis » les examens généraux de 1917. Il en 1919, il aurait difficilement pu assista aux concours publics comme nourrir sa famille sans l'exécution à critique musical de l'hebdomadaire domicile de menus travaux consistant financier Mercredi-Bourse. Dans sa principalement en la transcription de chronique du 15 août, il ne put documents généalogiques. C'est à s'empêcher de se gausser du « prestige l'odeur de ces documents que Michel » lointain de notre Conservatoire, si de Ghelderode attribuera plus tard » belgement administratif ». sa « passion pour l'ancien ». Il n'en Le 6 février 1918, parut dans le reprochera pas moins à son père même hebdomadaire le tout premier d'avoir manqué de chaleur, de s'être texte signé « Michel de Ghelderode » : longtemps opposé à sa vocation lit­ le compte rendu d'un concert. Le téraire et de l'avoir francisé pour des choix du pseudonyme remontait aux raisons de promotion sociale. Ce der­ derniers mois de 1917. Plus tard, nier reproche étonne quelque peu mystificateur mystifié, le dramaturge lorsqu'on constate qu'à l'Institut donna de ce choix les explications Saint-Louis de Bruxelles, où il fit ses les plus farfelues. Il suggéra entre préparatoires (1906-1910) et quatre autres que « Ghelderode » venait, « par ans et un trimestre d'études « profes­ » déformation de scribe », de « Ghen- sionnelles » (1910-décembre 1914), » trode », le nom d'un « fief » que Adolphe Martens ne se révéla brillant possédait son ancêtre Jacques Mar­ qu'en composition française. Les notes tens de Bassevelde, mort le 6 mars obtenues dans les autres branches 1573 après avoir été président du étaient nettement inférieures, y com­ Conseil de Flandre en 1557 et troi­ pris en néerlandais. Il faut croire que sième assesseur au Conseil des Trou­ le dialecte flamand que continuait à bles en 1567. La vérité est que parler sa mère, en dépit de l'interdic­ Ghelderode n'est même pas parvenu, malgré tous ses efforts, à identifier tion du père, n'était guère apprécié à son quatrième aïeul. Cela ne l'em­ Saint-Louis. Quoi qu'il en soit, Adol­ pêcha pas d'arborer les armes et la phe Martens fut si profondément devise d'un « inquisiteur » du xvip siè­ marqué par le talent avec lequel sa cle... En fait, tout porte à croire que mère racontait en flamand les poéti­ « Ghelderode » ne lui fut pas inspiré ques légendes de son pays natal que, par « Ghentrode », qui n'a jamais francisé par son père et par l'école, il existé, ni par « Ghontrode », situé ne put pourtant plus se détacher du près de Gand dans le pays de son père, mythe de la Flandre. Après que la mais par « Ghelrode », village des maladie, jointe à la médiocrité de ses environs de Louvain, le pays de sa résultats, eut mis fin à son séjour mère, où l'on prononce d'ailleurs chez les Messieurs-Prêtres, il renia « Ghelderode ». Par le choix de ce peu à peu la foi catholique qu'ils pseudonyme, notre écrivain se dis­ professaient, sans réussir à se libérer tançait donc, plus ou moins consciem­ complètement de la hantise de la ment, de son père, pour exprimer religion, cette autre source, non son attachement à sa mère. Les moins féconde que la Flandre, de sa raisons pratiques de ce changement future inspiration artistique. de nom figurent dans la requête qu'il En octobre 1915, il se fit inscrire 333 GHELDERODE 334 adressa en 1929 au ministre de la Le 29 avril 1918, Ghelderode fit Justice : « Si j'ai abandonné le nom représenter, au Théâtre de la Bonbon­ » trop répandu et sans caractère de nière, La Mort regarde à la fenêtre » Martens, c'est parce qu'il me fallut (inédit), « drame poësque en un acte » » imposer à la foule, dont la psycholo- écrit du 2 octobre 1917 au 26 janvier » gie est discutable, une signature aux 1918, où l'on put voir un prêtre » consonances caractéristiques, facile terrorisant sadiquement une vieille » à perpétuer dans les mémoires et princesse romaine, jusqu'au moment » gardant toutefois un relief racique ». où celle-ci, voyant à la fenêtre la La raison profonde pour laquelle il silhouette du mari dont elle avait voulut à tout prix substituer son causé la mort par sa cruelle indif­ pseudonyme à son patronyme fut férence, tombe morte. Le spectacle sans doute que Martens représentait était précédé d'une conférence de ce qu'il avait refusé d'être, un petit Michel de Ghelderode, « homme de employé sans prestige et sans mystère, » lettres d'une espèce particulière », alors que de Ghelderode était le sur Edgar Poe, son « dada » du mo­ symbole de ce qu'il était devenu ment, auquel il resta fidèle toute sa par son œuvre littéraire et théâtrale, vie, sans jamais dissimuler ce que son de ce qu'il voulait être, de ce qu'il esthétique avait de « poësque » : « du croyait être, de ce qu'il voulait pa­ » beau, du licencieux, du bizarre en raître. Son pseudonyme n'était en » quantité ». fait, comme les légendes dont il s'en­ Le 10 janvier 1919 eut lieu au même toura plus tard, que l'un des nom­ théâtre la création du Repas des breux masques qu'il mit, moins pour Fauves, « comédie dramatique con- tromper les autres que pour se dé­ » temporaine en trois actes de MM. de passer lui-même. Il est troublant de » Ghelderode et Léo Bert », mais ma­ constater que le problème de la per­ nifestement basée sur une expérience sonnalité disparut presque totalement du seul Ghelderode, à savoir le choc de son œuvre le jour où il eut le que lui avait causé, à lui qui se disait droit de remplacer officiellement son anarchiste, le décès de son frère banal patronyme par son prestigieux Ernest, mort pour la patrie le 8 octo­ pseudonyme. bre 1918. Les premiers textes littéraires signés Malgré l'accueil favorable réservé Michel de Ghelderode sont trois à ce deuxième essai théâtral, Ghelde­ contes un peu mièvres publiés en rode consacra les quatre années sui­ 1918 par Résurrection de Clément vantes' à la prose narrative. Le ma­ Pansaers, qui n'est pas encore, il nuscrit inédit de Heiligen Antonius s'en faut, « le premier dadaïste belge » (1919-1921), « roman burlesque » écrit qu'il deviendra. Le jugement de — comme toute l'œuvre de Ghelde­ Ghelderode sur son premier directeur rode — en français malgré son titre de revue évoluera singulièrement au flamand, permet de mesurer les efforts fil des années, en sens inverse de maladroits du jeune conteur pour son prestige réel. En 1927, il saluera se créer un ton et un style bien à lui. en lui le « vrai dadaïste, moderne Il y décrit la vie peu édifiante d'un » d'avant tout modernisme, profes- saint Antoine flamand et de son » seur de poésie future »; en 1958, il mauvais compagnon Luppe, en imi­ opinera : « Il ne reste rien de la poésie, tant la langue de Rabelais et de » des écrits en vers veux-je dire, de Charles De Coster, en détaillant à » cet homme de lettres qui n'aima grand renfort de flandricismes les » rien ni personne jamais et ne se coutumes du petit peuple flamand et » supportait pas lui-même. Il n'aimait en paraphrasant des toiles de Breughel, » que la négation ; il aimait ce qui de Bosch et d'Ensor. Y voir l'in­ » détruit; et ce qui détruit l'Humain, fluence de ses origines serait simpliste. » c'est le Démon ». Mieux vaut l'explication que Ghelde- 335 GHELDERODE 336

rode a trouvé sa voie en « faisant « Toi que je regarde comme un génie flamand », intentionnellement. Un ex­ » très puissant, de vieille race, et trait publié en 1926 sous le titre de » méconnu des canailles, je t'envoie Kwiebe-Kwiebus et réédité en 1947 » mon salut fraternel, car tu es sous celui de Voyage autour de ma » l'aîné, le plus fort, et l'éducateur de Flandre, si profondément remanié qu'il » ma pensée ». Un an plus tôt, quel­ soit, illustre cette recherche obstinée ques jours après avoir perdu le grand de l'originalité décidée par un jeune amour de sa jeunesse, une Française de écrivain, qui vient de comprendre qu'il quarante ans, Ghelderode avait écrit provient « d'un pays et d'une race à son « seul intime » : α Quand un de » hantés » (lettre inédite à Franz » nous deux sera mort, quelle navrance Hellens, 12 mars 1933). Ce petit livre » aura le survivant en songeant à ces contient en outre toute la philoso­ » temps de si étroite communion. Et phie du futur dramaturge et notam­ » il n'y aura pas un amour de femme ment son parti pris d'exalter l'in­ » qui nous laissera semblable tris- stinct, que la religion et la morale » tesse. » Phrases navrantes, quand officielles n'ont que trop paralysé. on sait que vers 1930 cette grande Le meilleur ami du jeune Ghelderode amitié se transforma définitivement pendant cette période d'orientation en haine! fut Julien Deladoès (de la Doès, Après son service militaire, Ghelde­ de la Doës ou Doès avant 1956). Cet rode profita des six mois qu'il avait écrivain peu connu Charles-Julien passés dans la force navale pour van der Does, né à Strasbourg le répandre le bruit, parmi d'autres, 14 novembre 1886 de père hollandais qu'il avait « bourlingué sur les mers et de mère belge, mort à Ixelles le » du monde », « étrangla(nt) de misère 27 décembre 1974), marchand de » sur les quais du port, ou dans les tableaux, collectionneur de cires, de » soutes à esclaves des riches cargos ». masques et d'estampes, joua dans En fait, il n'avait jamais quitté le sa formation un rôle décisif qu'à port d'Anvers. Après différents em­ l'heure de la gloire le dramaturge plois sans gloire, bien moins extrava­ cachera soigneusement, un peu hon­ gants que ceux (« bateleur sur les teux de cette admiration excessive. » champs de foire », « employé de Julien Deladoès l'avait pourtant ré­ » cirque », etc.) que retiendra la vélé à lui-même en lui communiquant légende qu'il fera circuler, il trouve son goût des cires et des masques, ses enfin refuge, le 13 avril 1923, dans l'ad­ préférences pour certains peintres et ministration communale de Schaer- graveurs tels Breughel, Bosch, Goya, beek et, le 2 février 1924, dans le Rops, Jules De Bruycker et surtout mariage civil avec Jeanne-Françoise Ensor (dont il était l'ami), sa ferveur Gérard, la sténodactylographe qu'il pour toute une série d'écrivains un avait rencontrée à la librairie Le- peu marginaux comme Lautréamont, bègue en 1922 et qui l'avait sauvé Villiers de PIsle-Adam, Barbey d'Au­ d'une grave crise morale. Double­ revilly, Jean Lorrain, Joris-Karl Huys- ment casé, dans l'administration et mans, Petrus Borei, Alfred Jarry. dans le mariage, il peut désormais Mais plus encore par ses goûts lit­ s'adonner à corps perdu à la litté­ téraires et picturaux, Julien Deladoès rature, d'autant plus librement que marqua son disciple par ses propres depuis sa démobilisation il a réussi dessins, plus bizarres que ceux d'En- à vider ses tiroirs de la presque tota­ sor, et par ses récits morbides et lité des manuscrits qu'il accumulait provocateurs. Une lettre du 24 juillet depuis 1918. En un peu plus d'un an, 1920 résume bien les dettes du jeune il avait publié quatre livres : deux Ghelderode à l'égard de son vrai éditions différentes de L'Histoire co­ « maître temporel » (titre qu'il don­ mique de Keizer Karel (1922 et 1923), nera plus tard à Georges Eekhoud) : recueils d'anecdotes savoureuses sur 337 GHELDERODE 338 la vie de Charles Quint ; La Halte Ixelles, mes amours..., préfacée par Catholique (1922), quinze contes, les Michel de Ghelderode. uns roses et puérils, les autres grin­ Sa fonction de président du Cercle çants et cruels, assez caractéristiques bruxellois de La Renaissance d'Oc­ déjà, malgré leurs scories, de ce que cident dicta à notre dramaturge une sera la manière ghelderodienne ; autre mystification littéraire, non L'Homme sous l'Uniforme (1923) en­ moins intéressante que ses « coste- fin, quinze « histoire de soldats » i nobleries ». En quelques semaines, sans grande originalité. il écrivit pour le castelet qu'il s'était Les deux premières années de son fait construire cinq petites pièces mariage, Ghelderode participe active­ pour marionnettes folkloriques qu'il ment à la vie littéraire et artistique. publia toutes, faute d'avoir pu les A Ostende il devient codirecteur de monter lui-même, comme « reconsti- La Flandre Littéraire. A Bruxelles, la » tuées d'après le spectacle des ma­ fonction de « chargé d'affaires » du il rionnettes bruxelloises » : Le Mys­ Cabinet Maldoror, la galerie d'art de tère de la Passion (1925), La Tentation Geert van Bruaene, lui permet d'en­ de saint Antoine (1925), Le Mas­ trer en contact avec des peintres sacre des innocents (1926), Duvelor comme Albert Servaes, Marcel Stob- (1931), et La Farce de la Mort qui baerts et Prosper de Troyer. Pendant faillit trépasser (1952 ; version néer­ la saison 1924-1925, il assume la landaise en 1925). Contrairement à ce présidence du Cercle bruxellois de qu'on ne cesse de prétendre, aucune La Renaissance d'Occident, la grosse de ces œuvres ne fut écrite ni sous la revue, inspirée du Mercure de France dictée de Toone IV, ni à son intention. et dirigée par Maurice Gauchez, qui Ghelderode ne fit la connaissance le 29 juillet 1923 avait couronné de Toone IV (Jean Hembauf) qu'en Oude Piet (1925; Piet Bouteille en 1934, grâce au peintre Ange Rawoe. 1957) et qui allait bientôt devenir son Ce qui est vrai, c'est que le célèbre principal éditeur (sept livres de 1923 montreur a adopté Le Mystère de la à 1929). Comme président, Ghelderode Passion en 1934, et que ses succes­ s'occupe essentiellement d'organiser seurs, Toone VI (Pierre Welleman) et des conférences. Le 17 octobre 1924, Toone VII (José Géal) ont agi de il monte lui-même à la tribune pour même, le premier en 1952, le second parler de ses Amis : Paul-Gustave en 1966. Depuis cette dernière date, Van Hecke, Albert Lepage, Jan Milo, La Passion figure tous les ans, pen­ Paul Werrie, René Verboom, Paul dant · la semaine sainte, au pro­ Vanderborght, Paul Avort, René gramme du Théâtre de Toone. Quant Baert, Horace Van Offel, Armand à La farce de la Mort qui faillit tré­ Barigant, Maurice Gauchez, Philos- passer, elle a dû attendre jusqu'en tène Costenoble et Pierre Fontaine. 1952 avant de trouver le chemin du Seul l'avant-dernier était tout à fait même théâtre. C'est elle, toutefois, inconnu. L'orateur explique qu'il s'agit qui avait révélé Ghelderode aux d'un timide, croque-mort en semaine Flamands dès juin 1925 et qui fut à mais superbement poète le dimanche. l'origine de sa participation à la Un mois plus tard, il présente aux α généreuse aventure » du Vlaamsche lecteurs de La Flandre Littéraire Volkstooneel (Théâtre Populaire Fla­ quatre poèmes de son ami croque- mand), l'expérience la plus marquante mort. Il soutiendra l'imposture pen­ de toute sa carrière dramatique. dant plusieurs années encore, par goût En 1924, Ghelderode avait rencontré de la mystification, mais aussi pour un jeune écrivain flamand, Jef Ver- pouvoir publier à peu de frais des vaecke, qui, lui aussi, se passionnait œuvres mineures. La plupart des pour la marionnette. D'un texte éta­ poèmes de Costenoble seront réunis bli par son ami, Vervaecke fit une en 1928 dans une plaquette intitulée adaptation assez libre, publiée en 339 GHELDERODE 340

juin 1925 sous le titre de Van den beaucoup contribué à renouveler l'in­ Dood die bijna stierf (De la Mort qui térêt de Ghelderode pour le genre faillit trépasser) et signée « Jef Ver- dramatique. Emerveillé par l'ensemble vaecke en Michel de Ghelderode ». des possibilités scéniques offertes par La version française de cette farce, La Mort du Docteur Faust où le annoncée par Vervaecke dès 1925, ne dramaturge expérimentait toutes sor­ parut qu'en 1952, sans la moindre tes de procédés empruntés au music- allusion à l'écrivain flamand (mort hall, au cinéma, au cirque, à la le 24 juin 1926) parce que celui-ci pantomime, à la marionnette, à la « n'était en réalité que le premier peinture, etc., Johan de Meester traducteur » (lettre inédite de Ghelde­ insista beaucoup auprès de Jan Boon, rode à Jef Contryn, écrite vers le le secrétaire de la troupe, pour qu'il 15 novembre 1941). En effet, le ma­ confiât à Ghelderode le spectacle nuscrit original de la pièce contredit par lequel ils voulaient commémorer l'explication avancée par Vervaecke le septième centenaire de la mort de dans sa préface de mai 1925 où il saint François d'Assise. racontait que son rôle avait consisté Au début de 1927, les représenta­ à transformer un canevas en pièce en tions de Beeldekens uit het leven van attendant que Ghelderode traduise Sint Franciskus van Assiste (1927 ; celle-ci en français. Il ressort de la l'original français, Images de la vie de comparaison de l'édition française de Saint François d'Assise, n'a jamais 1952 avec la version néerlandaise paru) suscitent partout en Flandre, que le dramaturge n'a d'aucune façon et même à Amsterdam et à Rotter­ « traduit » Vervaecke, mais qu'il a dam, des réactions violentes d'admi­ tenu compte de quelques-unes de ses ration ou de rejet. Quelques membres trouvailles. du Tiers Ordre crient à la profanation, La publication du volume en 1925 mais le grand public est conquis et les valut à Ghelderode son premier critiques les plus ouverts prédisent (petit) succès de librairie et l'honneur que le spectacle fera date dans l'his- d'être créé, le 19 novembre de la .toire du théâtre en Flandre. Le dra­ même année, par le Vlaamsche Volks- maturge accompagne la troupe à toonel, troupe catholique itinérante Amsterdam. Un peu grisé par le dont les spectacles à la fois populaires triomphe au Théâtre Communal, il et modernistes commençaient à en­ écrit à sa femme : « J'aurai énormé- thousiasmer les foules flamandes et » ment de travail. Il faudra que nous à éveiller l'intérêt de l'élite franco­ » voyagions beaucoup (...) J'aime- phone. Cette première création, né­ » rais beaucoup aller en Allemagne. gociée par le seul Vervaecke et plutôt » Avec un peu de patience, je crois mal accueillie par la critique, serait » que ma plume nous rapportera de sans doute restée sans lendemain si, » quoi vivre largement, confortable- quelques mois plus tard, Ghelderode » ment ! » (lettre inédite du 18 mars n'avait de nouveau attiré l'attention 1927). Un an plus tard, aucune de ces du brillant metteur en scène de la perspectives ne s'est réalisée. Le troupe flamande, Johan de Meester. V.V.T. non seulement a renoncé à Cette fois-ci par la publication de jouer Beeldekens en Allemagne et à La Mort du Docteur Faust (1926), Paris, il a refusé l'un après l'autre « tragédie pour le music-hall » fracas­ tous les nouveaux projets que Ghelde­ sante et iconoclaste, préfacée géné­ rode lui a soumis. Profondément blessé reusement par le critique dramatique dans sa fierté d'artiste, celui-ci, dans Camille Poupeye qui, par ses encou­ une interview du 30 avril 1928, accuse ragements et par ses publications la troupe de faire de la propagande sur les tendances nouvelles au théâtre catholique et lui retire sa collabora­ (Pirandello, Andreiev, les expres­ tion o pour des raisons philosophi- sionnistes allemands, etc.) avait » ques ». Pour suspecte que paraisse 341 GHELDERODE 342 cette justification, il est vrai que critiques se déclarent un peu choqués depuis Saint François le dramaturge par le côté burlesque du spectacle, l'ac­ s'était associé à un groupe d'anar­ cueil des masses est sans réticences. Le chistes qui d'octobre 1927 à mars 1928 28, Ghelderode écrit à Jan Boon, qui crachèrent mensuellement dans Haro ! a traduit la pièce : « Le Volkstooneel leur haine de la société établie. Les » m'a restitué à mon véritable public, contributions de Babylas, alias Mi­ » qui est la foule flamande. » chel de Ghelderode, sont parmi les Un an plus tard, le V.V.T. crée plus virulentes que la feuille ait Pantagleize, dont le succès égale jamais publiées : réquisitoires contre presque celui de Barabbas, grâce à la Belgique, « fausse-couche de la l'interprétation de Renaat Verheyen, »Diplomatie de 1815»; contre les le « Chaplin flamand », pour qui le « calotins de la haine basse, de la dramaturge avait écrit la pièce. Mais » rancune évangélique » : « C'était l'euphorie est de courte durée cette » l'ennemi sous Philippe II ; c'est fois-ci car quelques jours après la »l'ennemi toujours! ... » ; contre les première la compagnie se scinde en patriotes : « Hiboux, ces gens de deux troupes rivales. Par reconnais­ » Comités, patriotes sans balles, qui sance envers Jan Boon, qui a tou­ » firent de l'Ulenspiegel séculaire le jours servi d'intermédiaire entre la » vaillant soldat de l'Yser (croix de troupe et lui, Ghelderode refuse de » guerre, Mijnheer...), alors qu'ils tai- rejoindre le camp des dissidents, » sent le massacre des rebelles flamands animé par Staf Bruggen et Renaat »(1914-1918)...»; contre les anciens Verheyen. Six mois plus tard, le combattants, qui eurent droit à un 24 octobre 1930, il est bouleversé par poème acerbe, Chanson du Trépané. la nouvelle de la mort de ce dernier, Au mois d'août 1928, le différend âgé de vingt-six ans. Le 2 novembre, prétendument philosophique entre il confie à Marcel Wyseur : « Le Ghelderode et le V.V.T. est brusque­ » meilleur disparaît. Les cabotins sub- ment aplani : la troupe a besoin de son » sistent et dégoisent boniments inep- meilleur dramaturge et celui-ci ne » tesi ... Avec Verheyen disparaît ma peut se passer d'elle car les théâtres » foi en certain idéal... » En attendant francophones persistent à ignorer son que le remords d'avoir trahi Verheyen existence. De cette réconciliation naî­ lui inspire Sortie de l'Acteur, Ghelde­ tra le plus grand succès populaire de rode reste fidèle au V.V.T. qui, quel­ Ghelderode et du V.V.T. : Barabbas. ques jours plus tard, crée sans succès La rédaction de cette Passion centrée Oceaanvlucht, petit « mélodrame spor­ non sur le Christ, mais sur le brigand tif » (dont l'original, Atlantique, est qui fut libéré à sa place — point de vue toujours inédit). Le public apprécie tout à fait insolite à l'époque — rap­ davantage, grâce à la performance proche quelque peu Ghelderode de la personnelle de Renaat Grassin dans le foi de son enfance. Choqués par ce rôle titulaire, De Sterrendief, la tra­ semblant de conversion, les commu­ duction néerlandaise, créée le 28 mars nistes du Drapeau Rouge, poussés par 1932, du Voleur d'Etoiles (inédit). l'ancienne équipe de Haro.', lui repro­ L'avis de Camille Poupeye résume chent alors outrageusement son « arri- le jugement sévère de la critique : » visme littéraire » et sa « profonde « Œuvre d'importance secondaire, » ignorance de toute question sociale ». » destinée à une compagnie de valeur Une semaine plus tard, le dramaturge » moyenne ». Peu de jours après, la envoie à Jan Boon, Don Juan et troupe est dissoute, et Ghelderode Christophe Colomb, avec la promesse se retrouve seul, sans public. Plus que ce sont là ses « dernières pièces tard, il ne manquera pas d'idéaliser païennes ». Les représentations de Ba­ ses rapports avec le V.V.T., évoquant rabbas, à partir du 4 mars 1929, sont nostalgiquement l'époque où il était un long triomphe. Si la plupart des » tout à fait comme à l'époque élisa- 343 GHELDBRODE 344

» béthaine, le dramaturge qui travaille ci est élu membre de l'Académie » sur commande, pour les besoins de Picard. En mai 1933 La Nervie » la troupe itinérante ». En fait, de lui consacre un numéro spécial (daté toutes les commandes qu'il avait de 1932) et en juin paraît enfin le reçues, il n'avait réalisé que le seul texte français de Barabbas (daté Saint François. Ne se mêlant pas de également de 1932), un an et demi la « cuisine théâtrale », n'assistant après la traduction néerlandaise. En quasi jamais aux répétitions, il n'avait 1934, Barabbas et Pantagleize sont jamais vraiment fait partie du Théâtre créés en français par Albert Lepage, et Populaire Flamand. S'intéressant da­ Marcel de Beer réalise dans une salle vantage à l'accueil du public bru­ minuscule les premières représenta­ xellois, composé partiellement de fran­ tions de Magie Rouge (édition 1935), cophones, qu'aux réactions du vrai grande pièce en trois actes que le public du V.V.T., celui des campagnes dramaturge avait écrite en 1931, à et des petites villes flamandes, il un moment où il commençait à pré­ n'avait fait que deux ou trois déplace­ voir le déclin du Vlaamsche Volks­ ments avec la compagnie. Il ne faut tooneel. C'est dans cette version très pas pour autant sous-estimer l'im­ coloriée de L'Avare, où l'avarice portance des contacts de Ghelderode compte moins que l'inhibition sexuelle avec le Vlaamsche Volkstooneel, car et la peur de la mort, que le drama­ ils furent à peu près les seuls qu'il turge, pour la première fois depuis Don Juan, donna libre cours à ses ait eus avec les réalités de la scène obsessions personnelles sans se préoc­ pendant sa carrière de dramaturge. cuper des exigences politiques et Le V.V.T. le détourna des expériences sociales de la troupe catholique, de laboratoire où il s'était engagé auxquelles il n'avait pas manqué de avec La Mort du Docteur Faust et faire quelques concessions. avec Don Juan (1928 ; écrit en 1926). Il lui inspira, outre Saint François, C'est dans ce même esprit de Barabbas, Pantagleize et une demi- liberté qu'il écrivit en 1934-1937, en un douzaine de pièces secondaires, un temps record, une demi-douzaine Christophe Colomb poétiquement cor­ d'oeuvres importantes, sinon majeures, rosif (1928) et un Escurial intensément qu'aucun théâtre n'osa aborder. Cette dramatique (1928), écrit tout spéciale­ période de haute fécondité, la plus ment pour Staf Bruggen et Renaat belle de toute la vie de Ghelderode, Verheven, les deux meilleurs acteurs fut inaugurée par Sire Halewyn, adap­ de la troupe. Le V.V.T. apprit à Ghel­ tation très libre, destinée à la radio, de derode qu'il était capable de captiver la vieille ballade flamande, où, dans non seulement les intellectuels, mais un style et un découpage rappelant les foules. Sans ce stimulant, il n'au­ Maeterlinck, le thème du courage rait probablement pas eu le courage devant le Mal cède le pas à celui de de donner toute son énergie au théâtre la fascination erotique devant la jusqu'à la fin de 1937. Mort. En moins de deux mois, le Pendant sa période flamande, Ghel­ dramaturge écrit ensuite La Balade derode ne fut joué valablement en du Grand Macabre (1935), grande français qu'à Paris où le fameux « labo- farce ubuesque où la peur de la mort, » ratoire théâtral » Art et Action de de la femme et de l'oppression poli­ Louise et Edouard Autant-Lara donna tique se transforme progressivement, par la vertu du burlesque, en une quelques représentations de La Mort ode à la vie, à l'amitié (masculine) du Docteur Faust en janvier 1928 et et à la liberté. Le lendemain de de Christophe Colomb en octobre 1929. l'achèvement de cette farce, le 25 sep­ Après la disparition du V.V.T., la tembre 1934, Ghelderode entame la partie francophone de la Belgique rédaction d'un « mystère », Mademoi­ s'intéresse un moment à l'oeuvre de selle Jaïre (achevé le 23 janvier 1935, Ghelderode. En décembre 1932, celui- 345 GHELDERODE 346 publié en 1942). Ici l'épisode biblique Ce n'est qu'en novembre de l'année de la résurrection de la fille de Jaïre suivante qu'il trouve la fcrce de mettre sert de trame non plus à la dérision un terme à cette « tragédie-bouffe » de la mort, mais à l'expression du autour d'un évêque empoisonné par désir de mourir. Cette pièce ger­ son entourage de prêtres mesquins mait en Ghelderode depuis 1928, de­ et envieux. Après Fastes d'Enfer, le puis qu'il en avait trouvé le décor en dramaturge écrit encore, en décem­ contemplant de chez Marcel Wyseur bre 1937, La Pie sur le Gibet (1938), la cour intérieure d'un vieil Hôtel- remanie ensuite quelques pièces an­ Dieu brugeois. Le poète Marcel Wy­ ciennes, et, le 1er février 1939, il seur (1886-1950) était son meilleur cesse officiellement d'écrire pour le ami, « l'homme que j'aime le plus en théâtre. Il vient de terminer le » ce monde, avec qui j'aurai connu la septième conte de Sortilèges lorsque, » meilleure communion spirituelle » le 13 juillet, il apprend qu'on vient (lettre inédite au notaire Jean Van de lui octroyer le grand Prix Triennal Caillie, 31 décembre 1935). Ghelde­ de Littérature Dramatique 1936-1938 rode lui attribuait sa connaissance de pour... Escurial, pièce écrite, publiée la Flandre et de Bruges en particulier. et créée depuis plus de dix ans (mais L'Homme à la moustache d'or (le reprise au Théâtre des Galeries le « mystérieux manuscrit jaune » de 31 mai 1938). Le jury n'ignorait 1931) est la chronique inédite de pourtant pas que Hop Signor!, sans leurs randonnées brugeoises. doute trop audacieux, était sorti de La même année que Mademoiselle presse en janvier 1938, car il con­ Jaïre, le dramaturge réussit enfin à naissait fort bien le compte rendu terminer Sortie de l'Acteur (édition paru dans Le Soir du 27 mars 1939, 1942), nouvelle exploration des rap­ où Franz Hellens (à ce moment l'un ports entre la vie, le théâtre et la des meilleurs amis du dramaturge) mort, commencée en janvier 1933 exprimait l'espoir que le tour de en guise d'hommage posthume à Ghelderode viendrait « avant qu'il Renaat Verheyen, son meilleur in­ soit trop tard ». Il était trop tard, terprète (saint François, Judas, Pan- car le lauréat était redevenu conteur, tagleize), qu'il regrettait amèrement comme à ses débuts. En novembre d'avoir abandonné lors de la scission 1941 parut l'édition originale de du V.V.T. En 1936, il achève d'abord Sortilèges, recueil de douze fascinants D'un Diable qui prêcha merveilles (édi­ contes « crépusculaires » qu'il faut tion 1942), satire haute en couleur, considérer davantage toutefois comme mais un peu laborieuse par ses le témoignage d'une crise que comme longueurs, de l'hypocrisie universelle, « l'ouvrage primordial », « le livre to­ puis La Farce des Ténébreux (1942), tal » de Ghelderode. Cette erreur de où le même thème se double d'une Pol Vandromme est attribuable au exaltation un peu artificielle de l'éro- dramaturge lui-même qui en 1947 tisme comme remède contre la peur data l'édition définitive de « 1919- de la vie et de la mort. Dans Hop 1939 » alors qu'aucun de ces contes Signor! (édition 1938), le thème de n'avait été écrit avant le 1er février l'impuissance sexuelle se trouve rat­ 1939. taché au drame de l'artiste créateur Après Sortilèges, Ghelderode n'ache­ dont l'œuvre déplaît et dont l'épouse va plus que trois pièces. Dans la plus frigide se venge cruellement. La importante, L'Ecole des Bouffons même année 1936, Ghelderode com­ (1942), on retrouve le thème de Fastes mence Fastes d'Enfer (19Ί3), qui le d'Enfer, avec cette différence que hantait depuis 1929, mais le 22 octo­ Folial, maître bouffon et ex-drama­ bre, alors qu'il est arrivé au milieu, turge, durement mis à l'épreuve par la maladie met brutalement fin à ces ses disciples jaloux de sa supériorité, trois années de grande productivité. n'opte pas pour le pardon, comme 347 GHELDERODE 348 l'évêque Jan in Eremo, mais pour la Régent rejette enfin le recours de la cruauté, qu'il considère comme le Commune contre la décision de la secret de tout art. Le Soleil se couche... Deputation permanente et trans­ (écrit en mars-avril 1943, publié en forme la révocation en « une peine juillet, dans un volume daté de 1942) disciplinaire de trois mois de sus­ est une méditation sur la mort. pension sans traitement ». Pour met­ Marie la Misérable enfin (écrit en tre fin aux rumeurs injustes, mais 1951-1952, publié en 1954) est une tenaces, qui continuent à circuler brillante reconstruction, pas toujours sur l'attitude de Ghelderode pendant édifiante, du martyre d'une sainte l'Occupation et qui tendent à le médiévale. Œuvre de commande liée à faire passer pour un « collaborateur » un cadre bien défini, elle n'en aura pas au sens fort du terme — rumeurs moins beaucoup de succès les trois qui, quarante ans après sa réhabilita­ fois que la commune de Woluwe- tion, risquent de détourner de son Saint-Lambert trouvera l'enthou­ oeuvre certains hommes de théâtre —, siasme et les moyens de la monter il n'est peut-être pas sans intérêt de (1952, 1954 et 1969). citer ici in extenso la façon dont la A part ces trois pièces, Ghelderode « peine disciplinaire » était motivée n'écrivit plus, à partir de la guerre, dans l'arrêté du Régent publié dans que des ouvrages d'inspiration fol­ Le Moniteur Belge des 4-5 mars 1946 : klorique : Mes Statues (1943) et les « Considérant qu'il est notamment deux tomes de Choses et Gens de chez » résulté de l'enquête approfondie à nous (1943) qui reproduisent soixante » laquelle il a été procédé que la et onze des cent quatorze causeries » révocation prononcée par le conseil qu'il a lues ou fait lire devant le micro » communal n'est pas fondée ; de Radio-Bruxelles entre le 24 avril » Considérant qu'il est demeuré 1941 et le 15 août 1943. Après cette » établi que l'intéressé a continué, dernière date, il fut trop malade » pendant l'occupation, à donner à pour s'occuper encore de littérature » Radio-Bruxelles les mêmes causeries alimentaire. » qu'il y donnait avant le 10 mai 1940, A la libération, ses collègues de l'ad­ » causeries ayant trait à des sujets ministration communale de Schaer- » se rapportant au folklore et à un beek n'en essayèrent pas moins de » lointain passé de l'histoire nationale ; lui voler son gagne-pain. Le 12 janvier » Considérant qu'il est établi que 1945, le Conseil communal le relève » sans doute ses causeries ne pouvaient de ses fonctions de commis de di­ » en rien servir la propagande enne- rection, mais le dramaturge se pour­ » mie, mais que l'intéressé, qui avait voit aussitôt en appel devant la » la qualité de fonctionnaire cora­ Deputation permanente du Brabant. il munal, a néanmoins commis une Entretemps, les écrivains Franz Hel­ » faute en ne se rendant pas compte lene et Marie de Vivier rédigent en » que sa collaboration, à l'abri de sa faveur une pétition, qu'ils adres­ » toute critique en soi, n'en avait pas sent, au début de mars, à la Reine » moins pour résultat de rendre at- Elisabeth, après l'avoir fait signer » trayantes pour les auditeurs des par trente-deux « purs ». Le 23 du » émissions radiophoniques au cours même mois, la Deputation casse la » desquelles de véritables collabora- révocation prononcée par la Com­ » teurs se livraient à une propagande mune de Schaerbeek, mais celle-ci » antinationale ; interjette appel devant le ministre » Considérant qu'eu égard aux lar- de l'Intérieur, Adolphe Van Glabbeke. » ges circonstances atténuantes exis- Après une interminable attente, pen­ » tant en la cause et compte tenu dant laquelle Ghelderode frôla le » par ailleurs des états de service de délire de la persécution, le 19 février » l'intéressé, il apparaît qu'une peine de l'année suivante, un arrêté du » disciplinaire de trois mois de sus- 349 GHELDERODE 350

» pension sans traitement, prenant Ghelderode composa un conte, Eliah » cours à dater du jour initial de la le Peintre, entaché tristement de » suspension par mesure d'ordre, ap- traits antisémitiques (publié en no­ » paraît comme étant une peine vembre 1941 dans l'édition originale » adéquate. » de Sortilèges, mais écarté de l'édition On retiendra surtout de cette belle définitive de 1947). Il est vrai aussi prose administrative que la Justice qu'une de ses causeries données à belge n'a jamais considéré Ghelde- Radio-Bruxelles, Le Juif Errant, lue rode comme un « véritable collabora­ le 27 juin 1941, contient, surtout teur ». Quant aux « larges circon­ dans sa version inédite, un passage stances atténuantes » auxquelles le révélant un antisémitisme primitif et verdict fait allusion, il s'agit sans stupide (voir R. Beyen, M. de Ghelde­ doute de l'état de plus en plus pré­ rode ou la hantise du masque, p. 419- caire de la santé d'un homme qui, 420), mais il est tout à fait faux que en moins de six ans, était passé de le dramaturge, comme on a pu le lire 100 à 53 kilos et dont le traitement dans un article mal informé de Kerk nécessitait des médicaments onéreux ; en Leven du 20 novembre 1969, il s'agit également du fait qu'avant aurait prononcé à la radio, pendant d'accepter la chronique incriminée, la guerre, « d'odieux discours contre l'intéressé avait demandé conseil à les Juifs » (c'est nous qui traduisons). Franz Hellens, qui confirma la chose. Il ne faut pas minimiser l'antisémi­ Jusqu'ici aucun chercheur n'a eu tisme de Ghelderode. Il ne faut pas accès à toutes les pièces du « dossier non plus le gonfler. Il faut le compren­ Schaerbeek », mais il ne semble pas dre et l'étudier comme le reflet d'une qu'il y ait lieu d'être plus sévère que mentalité malheureusement assez ré­ la Justice belge. Il est vrai que la pandue en Belgique, comme ailleurs, correspondance privée du dramaturge au début de la guerre, avant qu'on ne atteste qu'aux premiers mois de connaisse le sort des Juifs déportés, l'Occupation Ghelderode considérait et comme la réaction irrationnelle l'arrivée des Allemands d'un œil d'un homme qui a peur de tout et plutôt favorable, espérant notam­ qui essaie de combattre cette peur ment qu'en réalisant l'autonomie po­ sans objet en lui conférant des vi­ litique et culturelle de la Flandre, sages concrets, donc moins dange­ ils allaient mettre fin à sa propre reux : les prêtres, les Américains, les solitude d'artiste méconnu par la Belges, les Juifs. Ghelderode était Belgique unitaire, mais la même certainement infiniment plus anti­ correspondance prouve qu'il ne tarda clérical qu'antisémite. pas à comprendre son erreur. Le Il commença à peine à se remettre 4 décembre 1940, il écrivit encore de la « persécution » qu'il avait subie, au graveur Jac Boonen : « En atten- lorsque Catherine Toth et André » dant, il est vrai que la lumière vient Reybaz découvrirent à Paris, avec » du septentrion », mais, le 16 février enchantement, l'extrême richesse des 1943, il confia à son ami brugeois trois volumes de son Théâtre Complet Jean Stiénon du Pré : « Bientôt nous publiés pendant l'Occupation. En » serons bolchévistes, mais avons- 1947, ils montent Hop Signori et » nous le choix ? Le browning des Le Ménage de Caroline. L'année » nègres civilisateurs d'Amérique ou suivante, René Dupuy et Michel » la mitrailleuse des rouges moscou- Vitold révèlent Escurial. En juillet » taires ? Il y a aussi, promise, la 1949, au Concours des Jeunes Com­ » cravache allemande, mais je n'ai pas pagnies, le premier prix est remporté » le goût de Mr. de Sacher-Masoch, par Fastes d'Enfer, dans la mise en » non!... Je demande à Dieu de nous scène de Reybaz-Toth, le troisième »garder en humaine dignité!...» prix par Mademoiselle Jaïre, monté Il est vrai aussi qu'en avril 1940 par Roger Iglésis. Sur l'invitation de 351 GHBLDERODE 352

Jean-Louis Barrault, la troupe vic­ introduire Ghelderode chez eux (la torieuse reprend Fastes d'Enfer au Finlande, l'Allemagne) ou pour re­ Théâtre Marigny le 20 octobre, mais nouer avec lui (la Belgique néerlan- le public de la rive droite juge le dophone). Deux ans plus tard, ce fut spectacle « sacrilège », « démoniaque ». au tour des Etats-Unis et des Pays- C'est « une nouvelle bataille d'Her- Bas. En 1954, la Belgique francophone, nani » (René Barjavel). Après le après avoir décerné à Ghelderode, pour chahut monstre de la quatrième la seconde fois, le prix Triennal de représentation, le 28, la pièce est Littérature Dramatique (cette fois-ci retirée de l'affiche, mais elle trouve pour Marie la Misérable, créé en 1952 refuge d'abord aux Noctambules, et repris en 1954), envoie le Barabbas puis au Vieux-Colombier. C'est le du Théâtre National au Festival de début d'une « ghelderodite aiguë ». Venise, l'année suivante en Améri­ Gallimard entame la publication du que du Sud (Brésil, Uruguay, Argen­ théâtre complet de Ghelderode (5 vo­ tine) et en 1956 au Festival de Paris. lumes, 1950-1957). La radio fran­ La Suède, qui avait créé Barabbas en çaise envoie Alain Trutat et Roger 1931, découvre La Balade du Grand Iglésis à Ostende pour enregistrer les Macabre et Escurial en 1954. L'Angle­ confidences du dramaturge, que celui- terre choisit Pantagleize et Mademoi­ ci remaniera en profondeur avant de selle Jaïre en 1957. Trente ans après les publier en 1956 sous le titre Les sa création de La Mort du Docteur Entretiens d'Ostende (voir R. Beyen, Faust au Teatro degli Indipendenti de M. de Ghelderode ou la hantise du Rome, Anton Giulio Bragaglia a la masque, p. 24-46). Et les jeunes joie de saluer Escurial au Teatro compagnies s'arrachent les pièces du Pirandello de la capitale italienne. « Shakespeare flamand » (Louis Pau- Après avoir révélé Escurial à la télévi­ wels) : celui-ci leur apporte ce théâtre sion en 1957, la Pologne représente de chair et de sang, plus physique que Christophe Colomb et Pantagleize au métaphysique, qu'elles attendaient si début de 1958. Pendant les vingt impatiemment depuis que la Libéra­ années qui suivirent, ce pays montera tion avait consacré le théâtre philo­ plus de trente spectacles Ghelderode, sophique des Sartre, Camus et Gabriel sans compter les nombreuses adapta­ Marcel. Quant à savoir pourquoi elles tions radiophoniques et télévisées. se lasseront un peu de Ghelderode à 1960 fut l'année de la fondation de partir de 1954, sans avoir réussi à lui « The American Friends of Michel ouvrir les théâtres officiels de la ca­ de Ghelderode ». Cette association pitale française, il se peut, comme éphémère contribua modestement à beaucoup de critiques le pensent, faire connaître Ghelderode aux Etats- qu'il y ait incompatibilité entre le Unis. La présence de son fondateur, « goût français de la mesure et de Samuel Draper, aux côtés de Jan la clarté » et les excès un peu bru­ Boon qui l'avait découvert en Flan­ meux du baroquisme flamand. Il dre trente-cinq ans plus tôt et d'André est plus probable que Ghelderode Reybaz qui l'avait révélé à Paris, a pâti d'une part de la vogue des à l'hommage rendu par la ville Ionesco, Beckett et Genet qu'il avait d'Ostende le 16 juillet 1960, fut l'une annoncés et préparés, et d'autre part des dernières joies du dramaturge. de la révélation de Brecht par le Un mois plus tard, le 20 août, il Berliner Ensemble. Quoi qu'il en confia à Marcel Lupovici : « Quelle soit, le théâtre de notre dramaturge » consolation, finir en paix — voir avait suffisamment tenu l'affiche à » s'éloigner la haine qui m'a suivi Paris pour attirer l'attention de la » toute mon existence, telle un vam- Belgique et de l'étranger. » pire épuisant, un loup-garou accroché Dès 1951, plusieurs pays avaient » à ma carcasse ! Oui, je respire porté leur choix sur Barabbas pour » mieux I Et en Belgique, on n'ose 353 GHELDERODE 354

» plus trop me persécuter, après dans un autre trou », répond l'un » ces preuves publiques d'une re- des disciples de Folial, indiquant » nommée (...) qui vient de loin, de crûment les deux hantises fondamen­ » partout! » Un an plus tard, dans un tales de Ghelderode : l'érotisme et hommage à Jan Boon écrit le 8 juin la mort, Eros et Thanatos. 1961, il jette une nouvelle fois son Le théâtre de Ghelderode, malgré masque de misanthrope pour avouer ses audaces verbales et gestuelles, sans honte son immense besoin d'être n'a pourtant rien à voir avec le genre approuvé, admiré, aimé : « Et d'au- erotique. Son auteur n'est pas, comme » cuns comprirent [à Ostende] que ce il le déclare dans Les Entretiens » serait ma seule, ma dernière célébra- d'Ostende, « un industriel-pornographe » tion publique, moi qu'on ne fête » spécialiste en orgasmes bourgeois », » jamais dans ces Belgiques, moi mais il n'a pas peur d'aborder le » qu'on n'aime pas ! ». Il mourut le problème de l'érotisme, « qui condi- 1er avril 1962, pauvre et souffrant de » tionne toute existence et tous les se sentir un peu abandonné, ignorant » actes de l'homme » et dont ce qu'on que l'Académie suédoise, pressée entre appelle « l'amour » n'est le plus sou­ autres par l'influent critique améri­ vent « qu'un camouflage ». Cet éro- cain Eric Bentley, était en train tisme, qu'il préfère appeler « luxure », d'examiner sa candidature au Prix il le dévoile impitoyablement chez Nobel. les hommes qui se croient, ou qui se Depuis cette date, le prestige de son disent « purs », les prêtres et les œuvre théâtrale n'a cessé de croître. moines ; il le rencontre surtout chez Elle n'est pas seulement jouée beau­ les femmes, généralement insatiables, coup dans le monde entier, principa­ et sadiquement cruelles envers leurs lement par les jeunes compagnies, compagnons qui, impuissants ou inhi­ elle a déjà engendré une dizaine bés, sont condamnés à les décevoir; d'opéras, dont les plus connus sont il le cherche de préférence dans la le Hop Signor! de Manuel Rosenthal proximité de la mort, avec laquelle (1962) et surtout Le Grand Macabre il forme un couple inséparable : « Où de Gyôrgy Ligeti (1978). En outre, » Mort il y a, Luxure ne manque I » elle est discutée et analysée dans des (Le Cavalier bizarre). Surtout les centaines de centres universitaires. femmes sont excitées par les exécu­ En novembre 1978, des spécialistes tions capitales (« Beaucoup de femmes d'une douzaine de pays différents, » feront l'amour cette nuit », dit la chercheurs et hommes de théâtre, laveuse de morts à l'accoucheuse le se sont rencontrés à Gênes, à l'invi­ soir du vendredi saint), mais Eglon tation de Venanzio Amoroso, pour d'Arken avoue à son complice Rosten- essayer d'établir une première syn­ duvel, après l'affreux supplice de thèse des études ghelderodiennes. Marie la Misérable, qu'il a « vécu par Pendant ce congrès, dont l'éclat fut » l'agonie de cette créature sublime rehaussé par l'inauguration de trois » les plus honteuses transes qui soient, expositions remarquables, fut fondée » celles des pendus ». L'orgasme tant la Société Internationale des Etudes recherché par les personnages, sur­ sur Michel de Ghelderode. tout féminins, est presque toujours Cet intérêt international pour le associé à des images de douleur, de théâtre de notre dramaturge semble torture, d'agonie et de mort. En s'expliquer en premier lieu par l'uni­ écoutant les « longs gémissements versalité de ses thèmes. On a vite fait de bête » de sa femme, l'avare de le tour de la thématique gheldero- Magie Rouge se demande : « Elle dienne parce qu'elle se réduit à poser » gémit?... Est-ce de douleur?... Est-ce les grandes questions de la condition » de plaisir?... Cela se ressemble humaine : Qui est l'homme? D'où » tellement... » Et dans Hop Signor! vient-il? Où va-t-il? «D'un trou le bourreau Larose explique à sa BIOGR. NAT. — t. XL.I. 12 355 GHELDERODE 356 future victime : « La volupté n'est justice, la politique, la science et la » qu'une torture abrégée (...) Le morale bourgeoise. » bonheur à son comble devient Le dramaturge d'Escurial n'aime » gémissant ». Marguerite sent intui­ pas le pouvoir, dont il démontre le tivement qu'elle ne trouvera la déli­ mécanisme infernal, mais il ne croit vrance que dans le sang et dans la pas non plus à la révolution sanglante, mort : « Pour que je n'eusse plus mal, qui ne peut aboutir qu'à l'établisse­ » il faudrait qu'on me blessât, je ne ment d'un nouveau régime tout aussi » sais où, que je saignasse... » Elle odieux que le précédent. Longtemps ressemble à Purmelende de Sire avant Ionesco et Beckett, il renvoie Halewyn, qui « perd les sens quand dos à dos oppresseurs et opprimés, » (elle) voi(t) un couteau » et qui convaincu que le mal social est sans s'écrie, à l'approche du séducteur : remède, parce qu'il est enraciné dans « Je ne veux pas l'amour, je veux la nature même de l'homme. Si dé­ » aimer ; je ne veux pas la mort, je faitiste que paraisse son attitude, il » veux mourir d'aimer. » Dans le est sans conteste du côté de l'individu, manuscrit original, où elle le ren­ et plus particulièrement du faible, contre effectivement sur scène, elle du rêveur, du poète, que la machine lui demande : « L'amour, la mort, sociale menace constamment de » est-ce la même chose ? » Ce n'est broyer. Contre les dangers du nivelle­ pas la même chose, mais dans l'œu­ ment politico-social, Ghelderode essaie vre de Ghelderode ils sont intimement de défendre, sans se faire beaucoup liés. d'illusions, les valeurs de l'individu, Tout en soulignant donc la puis­ de la vie instinctive, de l'imaginaire, sance cachée de l'érotisme, le drama­ du rêve, du surnaturel, de l'anormal turge ne cesse de rappeler la réalité de même, de la solitude, de l'amitié, de la mort, que la société s'efforce l'anarchie politique, de la liberté également de « camoufler ». L'atti­ sexuelle, de la religion et de la morale tude des humains devant leur fin naturelles, en un mot, de la poésie. revêt toutes les formes possibles, Mais beaucoup plus encore que par variant de l'horreur animale à la l'universalité de ses thèmes, la fasci­ dérision burlesque, de la résignation nation exercée par l'œuvre de Ghelde­ fataliste à la fascination secrète. rode sur les amateurs d'un théâtre à Cette dernière est moins morbide la fois populaire et exigeant, semble qu'on ne le dit parfois, car on la ren­ s'expliquer par la richesse des indi­ contre surtout chez les protagonistes cations scéniques destinées à théâtra­ persuadés qu'« on ne meurt pas en­ liser cette vision du monde. C'est par tier », soit qu'ils croient à un Dieu cet aspect surtout que notre drama­ personnel (saint François, maître turge est considéré comme l'un des Folial, la Misérable, le premier Co­ principaux précurseurs du » nouveau lomb), soit qu'ils sont vaguement théâtre » des années cinquante. Il n'est panthéistes comme Blandine, Lazare pas prouvé qu'il ait réellement in­ et le Colomb de l'édition définitive. fluencé Ionesco, Beckett, Genet, Ada- La religion fascine l'homme ghelde- mov ou Arrabal, mais on ne peut rodien par la splendeur de ses fastes et nier que la plupart de leurs innova­ par ses attaches avec le surnaturel, tions figuraient déjà chez lui et qu'il mais elle le déçoit par la médiocrité leur a ouvert la voie. de ses ministres, fonctionnaires rou­ Plusieurs critiques ont rapproché tiniers qui ont souvent perdu le sens Ghelderode d'Artaud, allant jusqu'à de la poésie. Elle le rebute par ses saluer en lui le dramaturge qui a le pratiques inquisitoriales qui prolon­ mieux appliqué, sans les connaître, gent l'action répressive des « hypo­ les théories du Théâtre et son Double. crites bases sociales » (Saint Fran­ Us ont souvent perdu de vue qu'un çois) que constituent l'armée, la abîme infranchissable sépare les 357 GHELDERODE 35& visions du monde et les intentions admirablement sa conception du Des­ des deux hommes. Artaud se propose tin qui fait de l'homme un pauvre de changer l'homme grâce aux forces fantoche destiné à disparaître dans vitales libérées en lui par des céré­ une trappe. Cette parenté entre monies théâtrales rigoureusement ré­ l'homme et la marionnette est souvent glées par des metteurs en scène tout- explicitée dans le texte-à-dire ou puissants. Ghelderode, par contre, dans les didascalies. Dans L'Ecole sans mettre en question l'essence des Bouffons, par exemple, Folial même du théâtre « représentatif » improvise « des figures singulières de- basé sur la suprématie de l'auteur et poupée chavirante » jusqu'au mo­ du texte, se borne à tendre à l'homme ment où, la musique s'achevant, il un miroir qui lui reflète son ambiva­ « reste comme suspendu à des fils ». lence et qui le fait réfléchir sur le Ce qui attire Ghelderode vers le- côté dérisoire, à la fois tragique et guignol, le pousse également vers le comique, de sa condition. Si Ghelde­ carnaval. La société ne lui apparaît rode peut être rapproché d'Artaud, pas seulement comme un théâtre de- c'est plutôt sur le plan de l'utilisation pantins, mais aussi comme un car­ des moyens scéniques. En effet, peu naval perpétuel où tout le monde de dramaturges se sont appliqués porte masque, les uns pour échapper- comme lui à exploiter systématique­ à l'inexorable machine sociale, les- ment toute la gamme des moyens autres pour se dépasser en revêtant « physiques » qu'Artaud considérait l'identité de leurs rêves. Bien d'au­ comme « spécifiquement théâtraux ». tres formes de spectacle encore sont Pour Ghelderode, comme pour Artaud, intégrées dans l'œuvre de Ghelderode r le théâtre s'adresse d'abord aux sens. les cortèges et les réjouissances po­ C'est « plus qu'un dialogue littéraire pulaires, la parade foraine, l'office- » (...) c'est une optique et c'est une religieux, le cinéma, le cirque, le- » acoustique, voilà la règle secrète », music-hall, la pantomime, la danse. écrit-il le 21 décembre 1936 à son ami Mais c'est surtout à la peinture que- Paul Neuhuys qui prétend s'orienter le dramaturge emprunte l'épaisseur vers le genre dramatique. physique qui caractérise ses pièces. Que le théâtre soit pour lui « une Estimant que « l'œuvre théâtrale acoustique », Ghelderode le prouve » n'existe pas sans la sensualité pro- par sa recherche constante de l'incan­ » pre aux arts plastiques, ou alors tation verbale, et par le recours » n'existe que dans la forme d'un fréquent au chant, à la musique instru­ » dialogue qui peut se lire et n'appelle- mentale et à toutes les ressources du » pas la mise en scène » (Les Entretiens bruitage. Mais plus encore qu'« une d'Oslende), il conçoit le théâtre comme- » acoustique », son théâtre est « une « de la peinture en mouvement »· » optique ». Non seulement il est (lettre inédite au peintre Robert attentif, dans ses didascalies très Vanheste, 15 mars 1961). Ses pièces soignées, au choix de l'éclairage, mais abondent en réminiscences picturales, il se nourrit de toutes les formes de dont la plupart rappellent Breughel spectacle possibles. Outre le procédé et Bosch. Certaines contiennent de efficace de « la pièce dans la pièce » longues paraphrases de toiles de ces. auquel on doit les scènes les plus maîtres. D'autres, comme Les Aveu­ poignantes de La Mort du Docteur gles et La Pie sur le Gibet, sont du Faust, d'Escurial, de L'Ecole des Breughel « en mouvement ». Cette- Bouffons, du Soleil se couche..., il préférence à valu à Ghelderode les utilise souvent, pour exprimer l'am­ titres de « Breughel théâtral » et de- biguïté des rapports entre le vrai et le « Bosch théâtral ». Elle rappelle qu'Ar­ faux, le personnage de l'acteur (Trois taud était, lui aussi, hanté par « les. Acteurs, un Drame..., Sortie de l'Ac­ cauchemars de la peinture flamande », teur). La marionnette, elle, symbolise par Breughel et Bosch en particulier,. 359 GOBLET D'ALVIELLA 360 et qu'il considérait Bulle Griet comme science des religions, archéologue, « du théâtre muet ». L'univers inso- orientaliste, géographe, né à Bru- lite de Ghelderode présente bien des xelles le 10 août 1846, y décédé le analogies aussi avec celui de James 9 septembre 1925. Ensor, qui lui inspira Masques Osten- Il était le petit-fils du général dais et une virulente, époustouflante, Goblet, ministre dans le Cabinet du satire antimilitariste : Le Siège Régent en 1831 et à deux reprises d'Ostende (1933). Cette « épopée mili- ministre des Affaires étrangères par taire pour marionnettes » serait pu- la suite. Envoyé extraordinaire au bliée depuis longtemps si son incon- Portugal en 1839, il y devint le con- tinence verbale un peu scatologique seiller de la reine dona Maria qui lui n'avait pas déplu au vieux maître décerna le titre de comte d'Alviella ; ostendais. ce titre, transmissible à tous ses Par la diversité inépuisable de ses descendants mâles fit, en Belgique, moyens scéniques, Ghelderode permet l'objet d'une concession de noblesse aux metteurs en scène et aux comé- sous le nom o Goblet d'Alviella ». diens de se livrer à toutes les expé- Le comte Eugène commença ses riences. Il leur laisse toute liberté, études à l'Athénée de Bruxelles ; il pourvu qu'ils respectent le sens de les poursuivit à Paris au Lycée l'œuvre et qu'ils ne le subordonnent Louis-le-Grand et les acheva à l'Uni- pas à quelque censure morale, reli- versité libre de Bruxelles avec les gieuse ou politique. Tous ceux qui grades de docteur en droit et de ont eu la chance de l'étudier, de le docteur en sciences politiques et monter ou de le jouer, aspirent à administratives. recommencer parce qu'ils savent que Dans le domaine scientifique, l'his- le théâtre de Ghelderode plonge ses toire des religions fut pendant qua- racines dans les sources du Théâtre. rante ans sa préoccupation dominante. La ferveur des jeunes augure favora- Il l'enseigna de 1884 à 1914, à l'Uni- blement de ses chances de survie. versité de Bruxelles dont il fut recteur de 1896 à 1898. Quand il Roland Beyen. inaugura cet enseignement il en était Archives et Musée de la Littérature, un promoteur. Il n'y avait alors que Bruxelles. — Marginales, n° Ghelderode, quatre chaires similaires dans les uni- mai 1967. — B. Deberdt-Malaquais, La versités de l'Europe et de l'Amérique ; Quête de l'identité dans le théâtre de Ghelde- il n'y en avait aucune autre en Bel- rode, Paris, 1967. — J. Francis, L'éternel gique. aujourd'hui de Michel de Ghelderode, Bru- xelles, 1968. — J. Decock, Le théâtre de Sa notoriété s'était étendue à Michel de Ghelderode, Paris, 1969. — l'étranger. En 1892, il avait été R. Beyeu, Michel de Ghelderode ou la choisi pour donner à l'Université hantise du masque. Essai de biographie d'Oxford la série de conférences critique, Bruxelles, 1971. — R. Beyen, annuelles instituée sous le titre de Ghelderode, Paris, 1974. — M. EUing, Hibbert Lectures et qu'avaient précé- L'Œuvre dramatique de Michel de Ghelde- demment illustrées Max Muller, Er- rode, Amsterdam, 1974. — A. Vandegans, Aux origines de « Barabbas ». « Actus Tra- nest Renan, Albert Reville..., il y gicus » de Michel de Ghelderode, 1978. — avait adopté pour sujet : Evolution Michel de Ghelderode et le théâtre contem-de l'idée de Dieu d'après l'anthro- porain. Actes du Congrès organisé à Gênes pologie et l'histoire. En hommage au du 22 au 25 novembre 1978 (à paraître). savant, les universités de Glasgow et — R. Beyen, Bibliographie de Michel d'Aberdeen lui avaient décerné le de Ghelderode (à paraître). titre de docteur honoris causa. Richard Kreglinger, qui avait été GOBLET D'ALVIELLA (Eugène-Félicien-Albert,à l'Université de Bruxelles, son disci- comte), homme ple et son successeur, voyait en lui d'Etat, professeur, pionnier de la l'un des fondateurs de la science des 361 GOBLET D'ALVIELLA 362 religions et l'un des principaux arti­ Dans le domaine des lettres, il sans de ses développements. « Doué avait publié, en 1877, un roman de » d'une vaste culture, disait Kreg- mœurs belges où la politique entrait » linger, initié aux recherches philoso- pour une large part, Partie perdue. » phiques autant qu'aux méthodes de Directeur de 1878 à 1900 de la Revue » l'histoire, il aperçut l'immense com- de Belgique, il avait collaboré à de » plexité des phénomènes, l'influence grands ouvrages nationaux : Patria » réciproque des diverses civilisations, Belgica en 1873, Cinquante ans de » qui échangent leurs croyances et Liberté en. 1880. L'archéologue, l'orien­ » leurs emblèmes, tout en leur don- taliste, le président de la Société » nant à chacune une interprétation royale belge de Géographie qu'il » originale : son ouvrage classique sur était, en avaient fait un grand » La migration des symboles devint voyageur. » ainsi l'un des fondements de l'ar- Suivant le témoignage de Richard » chéologie religieuse. II apportait Kreglinger, « le prestige dont jouis- » surtout — et il était à peu près » sait le comte Goblet d'Alviella, il J> seul dans ce cas — à ces recherches » le devait, ... non seulement à l'im- » une connaissance précise des reli- » portance des services rendus, mais • gions contemporaines », consacrant » encore à la grande élévation de sa des ouvrages importants, en particu­ » pensée et à un esprit de tolérance lier, aux mouvements religieux des » dont il ne se départissait jamais ». Etats-Unis et de l'Inde. Ils avaient dominé les multiples Elu le 9 mars 1887 membre cor­ activités de cet inlassable laborieux, respondant de la Classe des Lettres voué à l'étude des problèmes éthiques et des Sciences morales et politiques et religieux. Ils s'étaient révélés de l'Académie royale de Belgique, il jusque dans son rêve de voir se briser y avait siégé pendant près de quarante les barrières séparant les Eglises et ans, participant assidûment à ses tra­ se réaliser une entente où le libre- vaux, y faisant vingt et une commu­ penseur qu'il était aurait sa place. nications inédites, toutes relatives à Fernand Vanlangenbove. l'archéologie et à l'histoire des reli­ Bulletin de la Classe des Lettres et des gions. En 1897, élu directeur, il avait e été président de l'Académie. Sciences morales et politiques, 5 série, t. XI, 1925, p. 371-372. — Notices biogra­ Son activité s'étendait au-delà de phiques et bibliographiques concernant les celle-ci, aux domaines les plus variés. membres, les correspondants et les associes, Sa carrière politique s'était poursuivie, Académie Royale de Belgique, 1907-1909, fidèle à une tradition familiale, pen­ 1909, p. 436-457. — E. Kreglinger, « No­ dant plus de cinquante ans. Conseiller tice sur la vie et les travaux du comte provincial du Brabant de 1872 à Goblet d'Alviella ·, dans Rapport de l'Uni­ 1878, il avait été député de Bruxelles versité libre de Bruxelles sur l'année acadé­ mique 1924-1925, Bruxelles, 1926, p. 33-35. de 1878 à 1884. Entré au Sénat — L. Vanderkindere, L'Université de en 1892, il en était devenu vice- Bruxelles, 1834-1884, Bruxelles, 1884, président en 1910. A la tête du parti p. 166-167. — P. Van Molle, Le Parlement libéral, il avait consacré ses princi­ belge, 1894-1969, Ledeberg, 1969, p. 158- paux efforts à l'extension démocra­ 159. — Th. Juste, « Goblet (Albert-Jo­ tique du droit de suffrage et au déve­ seph) i, dans Biographie Nationale, t. VII, loppement de l'instruction. Nommé 1880-1883, col. 822-828. — G. de Hemp- tine, O. Coomans de Brachène, Etat pré­ ministre d'Etat le 5 août 1914, au sent de la noblesse du Royaume de Belgi­ lendemain de l'invasion allemande, que, t. VII, 1963, p. 06-97. — F. Van- le gouvernement l'avait invité à le langenhove, « Le Comte Eugène Goblet suivre, d'abord à Anvers, ensuite à d'Alviella », dans Annuaire de l'Académie Sainte-Adresse ; il en était devenu Royale de Belgique, 1978, p. 31-69 (biblio­ membre comme ministre sans porte­ graphie du Comte Goblet d'Alviella et feuille en 1916. portrait photographique). 363 GOOSSENS 364

GOOSSENS (Alphonse-Adolphe-Marie),avec le botaniste Alfred Cogniaux un aquarelliste, illustrateur scien- Dictionnaire iconographique des Orchi- tifique et peintre de fleurs, né à dées, resté inachevé mais comportant Uccle le 13 mai 1866, mort à Bru- néanmoins 827 planches coloriées. A xelles le 1er juin 1944. la suite de cette publication, le- Les parents d'Alphonse Goossens, peintre fut nommé membre d'honneur Adolphe Goossens et Louise Goossens, de l'American Orchid Society. étaient cousins germains. Ils eurent Goossens fit aussi bon nombre de une fille et trois fils. Alphonse Goos- petites aquarelles destinées au com- sens manifesta très tôt ses goûts et ses merce des orchidées. Dans les ventes dons artistiques. Il suivit des cours à publiques, on exposait de semblables l'Académie des Beaux-Arts de Bru- aquarelles représentant en fleurs les xelles et à l'Ecole des Beaux-Arts orchidées vendues à l'état non fleuri. de La Cambre, et devint un aqua- Les démarcheurs de firmes productri- relliste accompli. Il peignit des paysa- ces d'orchidées étaient munis d'al- ges très fins mais fut bientôt recher- bums de pareils dessins lorsqu'ils ché surtout comme peintre de fleurs et visitaient la clientèle. Les aquarelles comme illustrateur scientifique en rai- de Goossens étaient regardées comme son de la précision et de l'habileté de absolument fidèles. ses œuvres. Il travailla notamment Goossens travailla beaucoup pour pour le Musée du Congo (Tervuren), les Warocqué, de Mariemont. Depuis peignant 295 objets de céramique 1889, peut-être même plus tôt, jus- congolaise ; ces aquarelles furent pu- qu'en 1915 au moins, il peignit plus bliées en 21 planches (Annales du de 200 aquarelles sur feuillets de Musée du Congo, Anthropologie et papier de 55 X 44 cm, représentant Ethnographie, série III, tome II : en grandeur naturelle des orchidées Les Industries indigènes, fascicule 1 : des serres des célèbres mécènes. la Céramique, 1907). Ceux-ci avaient même mis un appar- Toutefois, c'est la peinture bota- tement à sa disposition dans leur nique qui fut le principal domaine château. Pour Raoul Warocqué (1870- d'activité d'Alphonse Goossens. Celui- 1917), Goossens orna de figures d'or- chidées un service de table en porce- ci était membre de la Société royale laine de Bruxelles ; ce service fut Linnéenne de Bruxelles. Plusieurs détruit le 25 décembre 1960 par un revues horticoles publièrent ses aqua- incendie au Musée de Mariemont. relles : l'Illustration horticole, Lin- denia, la Tribune horticole, la Revue Le baron Charles Dietrich, châte- horticole (de Paris), le Moniteur de lain du Val-Duchesse (Auderghem), V Horticulture. L'artiste collabora aussi fut un autre grand patron d'Alphonse au Florilegium harlemense ; ce recueil, Goossens. Le peintre peignit pour publié à Harlem (Pays-Bas) en 1901 et lui une collection de 95 aquarelles consacré aux plantes bulbeuses cul- intitulées Les Orchidées du Val Du- tivées dans cette ville, renferme chesse. Il s'agit de cultivars élevés ou 60 planches coloriées, presque toutes obtenus dans les serres du baron. dues à son pinceau. Parmi les plantes représentées, plu- Mais Goossens s'adonna principa- sieurs venaient d'être primées, ainsi r un Cypripedium cvar Jules Moors,. lement à représenter des orchidées, er primé à Gand le 1 décembre 1907 ; fleurs alors très en vogue. Il travailla un Cattleya hardyana cvar Président dans les serres des principaux orchi- W. Devigne, obtenteur d'un certificat dophiles belges, entre autres dans de mérite au meeting du 26 octobre celles du roi Léopold II à Laeken. 1907 de la Société royale Linnéenne Il fit même plusieurs courts voyages (Bruxelles) ; un Cypripedium X euryale à l'étranger, où on l'appelait pour cvar splendens couronné d'un diplôme- peindre des orchidées en fleurs. De d'honneur au meeting du 16 février 1896 à 1907, il publia en collaboration 365 GOUVY 366

1908 de la même société; etc. Le Son aïeul Mathieu-François, né à baron Dietrich, son peintre d'orchi- Chaineux le 3 février 1711, épousa dées, divers artistes et amateurs for- dans cette localité, le 26 avril 1739, maient un joyeux groupe, « Les Same- Jeanne Molinghen, y décédée le distes d'Auderghem ». Goossens illu- 30 mars 1785; il mourut après 1785. stra à l'aquarelle le menu de leur Enfin, son bisaïeul était Gérard réunion annuelle du 9 novembre 1907. Gouvy, époux de Catherine Haleux Goossens a illustré de rosés un (vers 1685). service de table pour l'ambassadeur Cette généalogie imparfaite situe d'Espagne à Bruxelles, le marquis le personnage : l'efflorescence de de Villalobar. l'industrie drapière au début du Il a vécu très simplement, en xixe siècle, grâce à l'invention de la artiste désintéressé et voué entière- machine à vapeur et du moulin à ment à son art. Modeste et dédai- filer dû à William Cockerill, tente gnant l'intrigue, il ne fut guère plusieurs habitants des campagnes du honoré que par une élite de savants Pays de Hervé et des alentours, et d'hommes de goût. Il reçut pour- d'instaurer une usine lainière ; ils tant en 1933 la Croix de Chevalier de y trouvent l'occasion d'exercer leur l'Ordre de la Couronne. dynamisme et sont aidés par la Ses aquarelles originales sont pour main-d'œuvre que leur procure la la plupart très fines, de loin supé- campagne environnante. rieures aux reproductions qui en C'est ainsi que Louis-Joseph Gouvy, furent publiées en chromolithogra- père de Florent, est fabricant de drap phie. Les plus importantes collections à Chaineux (aujourd'hui rattaché à de ces aquarelles originales sont Hervé), berceau de sa famille, qu'il celle du Musée de Mariemont, celle quittera pour transférer l'usine fa- de la Bibliothèque Royale de Bruxel- miliale à Hodimont ; cette localité les et celle de l'American Orchid s'est développée tout comme sa Society à Boston (U.S.A.). voisine Verviers et constitue, elle Alphonse Goossens épousa, le aussi, un important centre lainier 30 avril 1895, Emilie Michel. De ce qui présente cette caractéristique : mariage naquirent un fils, Robert, alors que Verviers était jusqu'à la et deux filles : Madeleine (devenue fin de l'Ancien Régime dans la Prin- Madame Versi), et Yvonne (devenue cipauté millénaire de Liège, Hodi- Madame Jaumotte). mont, seigneurie de Rechain, faisait partie du Duché de Limbourg et André Lawalrée. relevait, suivant l'époque de notre A. Lawalrée, « Notes sur l'iconographie histoire, de l'Espagne, de l'Autriche, botanique en Belgique >, dans Natura etc., Hodimont était couramment Mosana, vol. 2. 1949, p. 55-57. appelé « faubourg d'Espagne ». Si nous rappelons cette situation, c'est parce qu'elle eut son incidence GOUVY (Florent-Joseph), indus- sur l'industrie de Verviers et de triel, né à Hodimont (commune Hodimont : ces deux localités étaient rattachée à Verviers en 1930) le séparées par une frontière d'Etat 5 juin 1806, y décédé le 16 février 1869. et cela joua un rôle considérable sur Florent Gouvy est le fils de Louis- l'implantation des usines ; il fallait, Joseph Gouvy, né à Chaineux le suivant l'époque, choisir au mieux 11 février 1744 et décédé à Hodimont en fonction des droits et taxes perçus le 14 janvier 1814, qui épousa à par l'un ou l'autre des deux Etats et Hervé, le 24 juin 1781, Marie- des facilités d'exportation qu'offraient Catherine Hougrandx, née à Hervé leurs territoires respectifs. le 15 mai 1761 et décédée à Hodi- Sans doute le xixe siècle ne pré- mont le 22 juillet 1833. sentait-il pas les vastes concentrations 367 GOUVY 36S industrielles auxquelles nous assistons ; collège et sa compétence lui vaut les mais le début de ce siècle est marqué, renouvellements successifs de son dans la dimension de l'entreprise, par mandat en 1855, 1859, 1863 et 1867. un accroissement qui, s'il n'est pas Il y accède à la vice-présidence en comparable à celui d'aujourd'hui, re­ 1856-1857 pour enfin présider cet présente néanmoins une caractéristi­ organisme en 1861 jusqu'à sa mort que de l'époque qui succède aux petits en 1869, soit pendant huit ans. ateliers artisanaux en chambre. Sur le plan national, il existait à C'est ainsi que, toute proportion cette époque, à Bruxelles, le Conseil gardée, Louis-Joseph est un important supérieur de l'Industrie qui présidait industriel quand en 1806 son usine aux destinées de l'industrie ; sa com­ compte 4 assortiments et 8 métiers pétence s'étendait à tout le pays, où 16 ouvriers produisent 400 pièces accueillant ainsi des représentants de de drap. la province ; Florent Gouvy y repré­ C'est à cette entreprise familiale sente la Chambre de Commerce de que Florent Gouvy donnera une sin­ Verviers. gulière impulsion, qui sera qualifiée Certes, les préoccupations du monde en 1825 de « florissante filature ». industriel ne sont pas identiques du­ Comme ses autres confrères dyna­ rant tout le xixe siècle ; elles varient miques, il est à l'affût du progrès, en fonction des événements ; toute­ sachant combien le perfectionnement fois, il en est deux que l'on retrouve du matériel est la base de l'améliora­ d'une génération à l'autre : un effort tion du produit et partant de son constant vers le perfectionnement de écoulement, non seulement dans la l'outil et le souci d'abaisser — voire région, mais sur les marchés les plus d'abolir — les barrières douanières lointains qui s'ouvrent à nos fabri­ afin de lancer ses fabricats de par le cants. monde. Florent Gouvy est de ceux qui ont Un homme comme Florent Gouvy compris que l'industriel n'est pas un se devait d'être à la pointe de ce individualiste replié égoïstement sur combat ; aussi présidera-t-il le Comité sa propre entreprise, mais le membre verviétois pour la réforme douanière ; d'une collectivité agissante dont la Verviers mène, en effet, la croisade réussite est fonction de l'apport d'un pour le libre-échange ; en relation chacun. avec l'économiste Hardy de Beaulieu, C'est pourquoi, dépassant le cadre le secrétaire de la Chambre de Com­ de son entreprise, il apportera une merce de Verviers, Lucien Masson collaboration généreuse et éclairée (1812-1866), y répand les idées de aux associations professionnelles et à Richard Cobden (1804-1865) qui ins­ la gestion de sa commune, tout comme pirèrent le fameux traité de commerce à des sociétés d'agrément. franco-britannique de 1860, monu­ On sait le grand intérêt que portait ment d'avant-garde du libre-échan- le pouvoir français à l'industrie en gisme. La Société belge d'économie plein développement ; une loi de ger­ politique, à Bruxelles, offrit d'ailleurs minal an xi, complétée par un décret à la Chambre de Commerce de Ver­ du Premier Consul de la même année, viers, en 1866, un buste en marbre prévoit que le maire préside un col­ de Richard Cobden, afin de souligner ainsi le rôle de bastion du libre- lège de notables de la cité : ce sont échange que jouait la cité lainière. les « Chambres consultatives pour les Florent Gouvy sera le délégué de manufactures, fabriques, arts et mé­ Verviers, en 1860, à Paris lors de tiers » qui furent maintenues, moyen­ l'enquête qui y fut menée par le nant quelques modifications, sous le gouvernement français à propos du régime hollandais et celui, en 1830, traité en cause. de la Belgique indépendante. Dès 1851, Florent Gouvy siège à ce Mais à quoi sert d'abaisser les 369 GOUVY 370 barrières douanières si le produit nent aussi l'attention ; enfin une com­ n'acquiert pas une supériorité qui le mission s'intéresse aux industries nou­ rende compétitif vis-à-vis de la con­ velles. Sur le plan commercial, on currence? C'est pourquoi, l'élite de procède à une rationalisation de la l'industrie lainière est arc-boutée sur vente des déchets de filature. Des le perfectionnement de l'outil. préoccupations sociales animent aussi En 1862, nos industriels sont con­ la Société industrielle ; elles préfigu­ frontés à un litige relatif à un brevet rent la sécurité sociale contemporaine : contesté (drap de velours Montagnac) ; prévention des accidents de fabriques, en réaliste, Florent Gouvy lance travail des enfants, société d'alimen­ l'idée d'une association des industriels tation populaire, logements ouvriers, dans ce procès, ce qui se fit avec etc.. succès. Cette union, temporaire à La Société publiera un bulletin l'origine, engendra le projet de la d'informations variées et de premier rendre permanente et complétée par plan tant par leur actualité que par un éventail d'activités. Accompagné la compétence de leurs auteurs ; la d'un ami, industriel d'avant-garde liste des brevets y est régulièrement comme lui, Victor Deheselle [cfr Bio­ insérée. graphie nationale, tome 41, col. 164- Pendant soixante ans, cette société 169), Florent Gouvy prend contact, joua un rôle déterminant jusqu'à sa en 1863, avec les Sociétés industrielles fusion, le 1er mai 1923, avec la Cham­ de Reims, Amiens, Mulhouse, etc.. ; bre de Commerce. en 1864, la Société industrielle et La sollicitude de Florent Gouvy commerciale de Verviers est fondée ; pour le progrès technique, les décou­ Henri Lieutenant fait un don de vertes, les inventions se manifesta 5.000 francs pour son installation. également par la création, le 12 octo­ Son but est triple : en matière de bre 1863, de la Fondation Gouvy et brevets, procéder à leur examen et Deheselle : par une généreuse dona­ leur vérification de façon à les adop­ tion, le fondateur crée un prix de ter ou les annuler, et ce à frais com­ 6.000 francs, somme importante pour muns ; étudier à l'étranger la qualité l'époque, à décerner tous les 5 ans des fils et tissus et des processus de (pour la première fois en 1868) « à leur fabrication ; importer, à des fins » l'auteur de la découverte, invention d'étude, des machines utilisées par » ou application faite dans les 5 années les concurrents. » précédentes et qui, au jugement de Florent Gouvy accède à la prési­ » la Société industrielle, aura le plus dence du nouvel organisme et l'assu­ » contribué aux progrès ou à la prospé- mera jusqu'à sa mort. » rite de l'industrie lainière de l'arron- La Société industrielle et commer­ » dissement de Verviers. » ciale de Verviers présente un éventail Le capital initial dû à la munifi­ surprenant d'activités : deux com­ cence de Florent Gouvy et de Victor missions étudient, l'une le problème Deheselle, 10.000 francs chacun, fut épineux de la combustion spontanée complété par un second don, en 1877, de la laine, l'autre se préoccupant de 10.000 francs de Victor Deheselle. des analyses chimiques ; des essais La modestie de ce mécène était en comparatifs de métiers à tisser et une fonction de sa générosité, comme en étude des machines à carder assurent témoigne la lettre écrite au secrétaire une sélection du matériel le plus mo­ de la Société industrielle à la veille derne ; d'autres commissions étudient de l'assemblée générale qui avait à respectivement les problèmes de son ordre du jour l'annonce du prix l'éclairage, du chauffage, de la force quinquennal : « Je suppose que la motrice ; il en est de même des pro­ » communication importante qui fi- cessus d'apprêt des tissus ; les mar­ » gure à l'ordre du jour est relative ques de fabrique et les brevets retien­ » à la fondation du prix quinquennal ; 371 GOUVY 372

» cette circonstance étant de nature tour, Florent Gouvy sera bourgmestre » à donner lieu à des compliments et de Hodimont du 16 septembre 1856 » des coups d'encensoir qui sont très au 31 décembre 1860. » antipathiques à ma nature, je me Depuis 1829, il existait à Verviers, » propose de me soustraire à cette sous le nom de Société d'Harmonie, » épreuve ou tout au moins au dan- devenue « royale » entretemps, une » ger de la voir se produire, moi pré- société mondaine fréquentée par la » sent. » bourgeoisie de la cité lainière ; joignant C'est ainsi que depuis le 12 février l'utile à l'agréable, Florent Gouvy en 1869 ce prix quinquennal fut régu­ est le président de 1856 à 1860. lièrement distribué et que la fonda­ Au soir de la vie, la maladie l'éloi­ tion, gérée par la Chambre de Com­ gné du travail ; ses pairs qui le por­ merce, fonctionne encore de nos jours taient en haute estime espéraient dans l'esprit de ses créateurs. néanmoins son rétablissement et ils Les rapports du jury constituent renouvelèrent encore son mandat un précieux palmarès de l'industrie présidentiel à la Chambre de Com­ lainière verviétoise. merce pour 1869, mais la mort impla­ Ce n'est pas d'aujourd'hui que le cable le ravit le 16 février 1869; il financement des entreprises constitue avait soixante-trois ans. un problème crucial ; à l'époque que Conformément à sa modestie déjà nous décrivons, l'amélioration de l'ou­ citée, il avait spécifié qu'il ne voulait tillage postulait déjà des fonds impor­ aucun discours à ses funérailles. tants ; ici encore Florent Gouvy sera II n'est pas dépourvu d'intérêt de un précurseur. citer un fait assez extraordinaire qui Sous son impulsion à la Chambre se rattache à la famille Gouvy et de Commerce qu'il préside, un écono­ fait comprendre la pugnacité atavi­ miste parisien du nom de Horn expose, que de celui à qui est consacrée la en 1864, le mécanisme des banques présente biographie. populaires ; on prête également atten­ Au village de Goffontaine (province tion aux réalisations de Friedrich- de Liège), Pierre Gouvy, né en 1714, Wilhelm Raiffeisen (1818-1888), bourg­ abandonna son aciérie pour émigrer mestre d'une cité rurale allemande, à Sarrelouis dont il fut le maire royal qui créa les caisses qui portent son de 1745 à 1765 ; le comte de Nassau- nom et existent encore aujourd'hui Sarrebrück lui ayant concédé un pri­ dans de nombreuses localités. vilège pour la fabrication de l'acier, Ici encore apparaît le caractère il s'installa dans les environs à un réaliste de Florent Gouvy : après endroit qu'il nomma Goffontaine, en l'étude, la création. Dès l'année sui­ souvenir de son village. vante, 1865, est née la Banque Popu­ Son fils, portant le même prénom, laire avec 226 adhérents, qui seront Pierre Gouvy, est aussi maître de 300 l'année suivante, et profiteront forges ; l'administration napoléonienne d'un mécanisme bancaire adapté à avait fait prospérer les mines sarroises leurs entreprises. que convoitait la Prusse ; aussi, à la Florent Gouvy présida cet orga­ chute de l'empire s'installa-t-elle sur nisme jusqu'à sa mort ; la Banque le Rhin. Lorsque cette modification Populaire existe encore de nos jours. de frontières n'était pas encore con­ Doué d'un tel sens de la gestion, nue, Pierre Gouvy avait écrit à son il s'intéressera à l'administration de ami de collège, le ministre Berryer, sa commune, Hodimont, ne fût-ce cette sinistre prédiction : « mon ami, que par tradition de famille ; Joseph » songe bien que si la fatalité me fait Gouvy avait été bourgmestre de Ho­ » prussien, je suis un homme mort. » dimont sous le régime hollandais 1815 confirme l'appréhension de Pierre (1825-1830) et après l'indépendance Gouvy : la Sarre passe à la Prusse, de la Belgique (1835-1836) ; à son et notre maître de forges rédige son 373 GOVAERTS 374 testament dans son cabinet de travail, Lameere et s'initie chez ce zoologiste termine une lettre d'adieu à sa femme éminent à la recherche. Alors qu'à par ces mots « Gouvy, mort français » cette époque il était loisible, aux étu- et met fin à ses jours. diants se destinant à la médecine, de Ses neveux installent de nouvelles présenter les deux épreuves de la can- aciéries à Hombourg-Haut, près de didature en Sciences, soit en un exa- Saint-Avold ; ils sont ainsi en terri- men unique, soit en un examen scindé toire français ; deux Gouvy, dont l'un en deux, de façon à accéder, en cas sera tué à Bazeilles, servent dans de réussite, à la lre candidature en l'armée française durant la guerre médecine dès la 2e année d'études, franco-allemande en 1870. Govaerts, dont chacun remarquait Tout comme en 1815, le traité de déjà la vive intelligence, préféra con- Francfort (1871) place le territoire sacrer deux années à la candidature des usines Gouvy dans l'empire alle- en sciences. mand ; avec un patriotisme qui force Ce choix est caractéristique déjà l'admiration, ceux-ci émigrent une du désir d'approfondissement de ses nouvelle fois et fixent leur entreprise connaissances qui a marqué toute sa en Meurthe-et-Moselle, à Dieulouard ; carrière. ils sont en territoire français. Esprit vif, réfléchi et original, il Cette France, leur patrie, ils la découvre comme d'instinct la faille serviront encore lorsque, en 1914, le d'un raisonnement ou l'erreur d'une lieutenant Félix Gouvy, maître de théorie. forges comme ses pères, rejoignit au Il jette un regard neuf, lucide et front huit combattants français por- sans préjugés sur les concepts reçus. tant fièrement le nom de Gouvy. Attitude intellectuelle qu'il manifeste Paul Léon. dès ses premières recherches et qu'il n'abandonnera jamais. Archives diverses. H. Hans, Histoire de la commune de Docteur en médecine avec la plus Hodimont, Verriers. — J.S. Renier, His- grande distinction en juillet 1914, il toire de l'industrie drapière au Pays de va partir à la guerre quelques semai- Liège et particulièrement dans l'arrondisse- nes plus tard, mais durant ses études, ment de Verviers depuis le moyen-âge jus- travaillant chez le professeur Brachet, qu'à nos jours, Liège, 1881. — P. Léon, ce maître en embryologie, il a eu le Monographie des Fondations Gouvy et temps d'achever un mémoire, Recher- Deheselle et Victor Deheselle, [Dison], 1935. — L.-E. Ealkin, « Des Wallons dans la ches sur la structure de l'ovaire des Sarre », dans La Vie Wallonne, 16e année, Insectes, la différenciation de l'ovocyte n° 7, mars 1935, p. 204-207. et sa période a" accroissement, qui lui vaut d'être lauréat, en 1912, du Con- cours universitaire pour le groupe des GOVAERTS (Paul-Emile-Marie), Sciences zoologiques. Ce mémoire a clinicien et physiopathologiste, pro- été publié dans Archives de Biologie, fesseur à l'Université libre de Bru- t. XXVIII, 1913, p. 347-445. xelles, né à Gouy-lez-Piéton le 27 no- Après avoir passé quelques mois vembre 1889, décédé à Boitsfort le dans une unité d'infanterie, Govaerts 27 juin 1960. est chargé en 1915, par le professeur Fils d'un pharmacien hennuyer, il Depage, qui vient d'ouvrir à La Panne puise dès sa prime jeunesse dans son un hôpital chirurgical au front, de la milieu familial le goût des sciences ; direction du laboratoire de biologie après de brillantes études secondaires clinique. A côté des examens de rou- à l'Athénée de Mons, il entame en tine, il se livre à une série de travaux 1907 à l'Université libre de Bruxelles personnels sur le choc hémorragique des études de médecine. Il est admis et sur l'infection des plaies et les sep- d'emblée au laboratoire du professeur ticémies qui les compliquent souvent, 375 GOVAERTS 376 problèmes que posent les circonstan­ des thrombis vasculaires et le sang ces à sa sagacité de chercheur. circulant ne tarde pas à être débar­ Il aborde d'emblée l'étude expéri­ rassé des germes pathogènes. mentale des aspects circulatoires du Immédiatement après la guerre, il collapsus hémorragique et montre est nommé assistant à la clinique qu'en étudiant le sang des blessés on médicale du professeur Verhoogen, peut distinguer d'après l'allure de la et son zèle de chercheur ne se ralentit dilution du sang, quels sont les pa­ pas. Paul Govaerts mène de front la tients dont l'état de choc a pour pratique au lit du malade et la re­ cause essentielle l'importance de la cherche fondamentale au laboratoire depletion sanguine. Si l'hémorragie du professeur Zunz. Avec ce maître a été excessive, la mort survient en omniscient et minutieux il réalise général dans les premières 24 heures. une série de travaux remarquables. Il plaide l'utilité majeure de la trans­ Il démontre que l'emplaquettement fusion sanguine en lieu et place des des microbes lors de l'injection expé­ infusions de sérum physiologique que rimentale à des animaux divers s'opère l'on faisait plus couramment à cette tout aussi bien pour des hématies époque qui ignorait encore l'existence d'homme ou de canard ou encore de de groupes sanguins. Il est vrai que poudres inertes et établit la corréla­ la transfusion de sang citrate venait tion existant entre l'accroissement d'être préconisée par le professeur artificiel du nombre des plaquettes Hustin et rendait moins aléatoire dans le sang circulant et l'accéléra­ cette manière de procéder (Biographie tion de la disparition des microbes in­ Nationale, t. 38, col. 323-330). jectés dans le sang. D'autre part, il s'intéresse à la S'intéressant aux conséquences plas- topographie microbienne dans les matiques d'une hémorragie massive, plaies et à l'évolution de la diminu­ il constate la réduction des protéines tion des germes pathogènes suite à qu'elle entraîne. Se référant à d'an­ la méthode du lavage continu et ciennes recherches de Starling et de s'applique à comprendre le mode de Krogh sur l'intervention de la pres­ disparition des microbes injectés dans sion osmotique des protéines dans les le sang et la fonction « antixénique » échanges liquides entre le sang et les des plaquettes sanguines. espaces interstitiels, Govaerts tente Ces premières recherches le dé­ d'appliquer ces notions de physique à signent à la nomination de membre certains faits pathologiques chez de la Conférence interalliée pour l'homme. En 1923, il met en exergue l'étude des plaies de guerre, ce qui les différences de la pression osmotique l'amène à nouer de nombreux con­ chez l'homme normal et chez le tacts avec des personnalités scienti­ malade hypertendu ou œdémateux. fiques étrangères. En 1924, il décrit un petit osmo- Entamant avec Delrez l'étude de mètre à usage clinique grâce auquel la septicémie expérimentale, il dé­ il va pouvoir établir en 1925 une montre que l'injection massive de note sur le rapport albumine/globu­ pneumocoques, de staphylocoques, de line, sur la pression osmotique des streptocoques, dans la veine du lapin protéines sériques. Il ne tarde pas n'entraîne aucune réaction apparente à établir que dans l'œdème il existe des éléments du sang circulant et une nette hypoprotéinémie mais aussi que la mort survient rapidement. Si une modification significative des au contraire cette injection comporte concentrations relatives de la sé- des doses relativement plus faibles, roalbumine et des globulines du sang, une riposte immédiate s'organise par car la pression osmotique y est plus agglutination aux plaquettes san­ abaissée que ne le ferait présager la guines. Ces agglutinais se retrouvent teneur du plasma en protéines totales, bientôt dans maints organes et dans ce qui est dû surtout chez les néphri- 377 GOVAERTS 378 tiques œdémateux, à la carence du il réalise des travaux dont la con­ sang en sérum albumine dont la clusion est que la pathologie rénale pression est à égalité de concentration s'éclaire considérablement si l'on quatre fois plus élevée que celle des admet la réalité d'une filtration globulin es. glomérulaire importante combinée à Cette observation eut depuis des une réabsorption tubulaire. Cette applications étendues et c'est de ce position, hardie à l'époque où elle a moment que date, dans les études été défendue, a été depuis lors préci­ cliniques, la recherche systématique sée et étayée, de sorte qu'elle est du quotient albumine/globuline chez admise aujourd'hui par la grande les malades. majorité des pathologistes. Pour l'as­ Etudiant l'œdème de Quincke et seoir, Govaerts a étudié l'excrétion l'œdème de l'intoxication par l'urée, du glucose, consacrant de nombreuses Govaerts établit la différence fon­ recherches au diabète rénal, au diabète damentale entre les œdèmes tran­ sucré et à l'intoxication par la phlo- sudate (œdèmes mécanique de stase, rizine, le mercure, le bismuth. œdèmes cardiaques, œdèmes néphri- De plus, l'étude de la néphrose tiques) et les œdèmes exsudais (toxi­ lipoïdique lui apprend que l'albumi­ ques, inflammatoires ou angioma- nurie n'est pas due à un processus tiques), ce qui le conduit à une secrétoire ni à la destruction des conception générale de la formation tubuli, mais à une altération des des œdèmes. capillaires glomérulaires et intertu- Quand les circonstances de la bulaires. deuxième guerre mondiale favoriseront Tous ces travaux accumulés abou­ l'apparition des œdèmes de famine, tissent en 1936 à la rédaction d'une Govaerts aura l'occasion de s'in­ monographie Le Fonctionnement du téresser à leur pathogénie et démon­ rein malade (Paris, éd. Masson) dont trera que cette forme particulière Hamburger, l'illustre néphrologue est préparée par une altération quan­ français, a pu dire : « Ce fut pour moi titative et peut-être qualitative des » une lecture presque bouleversante, protéines sanguines déterminant un » l'ouvrage consacrant l'union de la abaissement marqué de la pression » physiologie et de la médecine. » osmotique des protéines et qu'elle La néphrologie moderne était née. est déclenchée par l'orthostatisme et Après cette œuvre maîtresse, Go­ la fatigue chez les patients dont le vaerts essaie de résoudre le problème métabolisme est abaissé et dont la de l'hypertension d'origine rénale tonicité myocardique est altérée. Cette auquel il consacre jusqu'en 1954 insuffisance circulatoire agit en exagé­ quelque 20 travaux dont en gros la rant la transsudation aux points conclusion est que le rôle du système déclives. Dans l'ensemble, les méca­ rénine-angiotonine se limite, pour nismes de l'œdème de famine sont autant qu'il existe, au stade initial de pareils à ceux qui engendrent la l'hypertension. formation des autres variétés de Cette longue suite de travaux transsudate observés en pathologie. s'étageant sur plus de trente années Poursuivant avec opiniâtreté l'en­ et ressortissant à des recherches de semble de ses recherches sur le rein Physiopathologie expérimentale ne malade qu'il avait marquées de ses doit pas faire oublier ceux que leur découvertes dès 1923, Govaerts, avec auteur consacra comme médecin à une série de collaborateurs subjugués des problèmes cliniques et qui consti­ par le prestige qu'exerce sa clair­ tuent à peu près le tiers des 200 titres voyance, s'attelle à l'étude des dés­ que compte l'œuvre entière de Go­ ordres constituant les grands syn­ vaerts. dromes du mal de Bright. Avec Cam- Promu adjoint de la Clinique mé­ bier d'abord, avec Verniory ensuite, dicale en 1926, chef de travaux en 379 GOVAERTS 380

1928, chef de service en 1930, il résultats dans un article retentis­ succédait au professeur Vandervelde sant, paru dans la Revue de V Uni­ à la direction d'un grand service de versité de Bruxelles (31e année, 1925- médecine à l'Hôpital Saint-Jean de 1926, p. 481-517), sur L'organisation Bruxelles qui fut transféré en 1939 à de l'enseignement clinique dans quel­ l'Hôpital Saint-Pierre qui venait d'être ques hôpitaux universitaires des Etats- reconstruit. Govaerts, passionné d'en­ Unis, qui constitua un cri d'alarme seignement, n'a jamais négligé la qui ne pouvait plus ne pas être écouté. recherche clinique. Si l'orientation de La création de professeurs de clini­ son esprit visait depuis toujours de que full-time, de laboratoires de substituer en médecine l'ère physiolo­ recherches jumelés à la Clinique, gique à la période anatomoclinique, s'imposa après bien des combats, à sa curiosité sans cesse en éveil l'inci­ partir de ce moment-là. tait à se pencher aussi sur des questions Cette conception se rattachait à de nosologie. En témoignent, entre celle qu'avait déjà émise dès la fin autres, les publications : Notions de la guerre mondiale le professeur actuelles sur la pathoqénie des syndro­ Pierre Nolf et qui s'était concrétisée mes hémorragiques (Bruxelles, 1922), dans la Fondation médicale Reine Considérations sur la pathogénie et Elisabeth. le traitement du diabète (Bruxelles, A la mort de son créateur, Paul 1936), Pathologie des affections mé­ Govaerts, appelé aux fonctions d'ad­ dicales du corps thyroïde (Le Scalpel, ministrateur et de conseiller scienti­ 1927, p. 291-297), Le Syndrome cli­ fique, réussit avec succès à en stimuler nique de l'obstruction des artères co­ les activités et à les coordonner avec ronaires (ibidem, 1929, p. 253-260), des chercheurs d'autres universités. Sa Classification clinique des anémies préoccupation de grouper les efforts (ibidem, 1931, p. 309-323), Considé­ et de mettre fin au cloisonnement rations cliniques sur les abcès pulmo­ d'antan l'amène de même à créer la naires (Basées sur l'élude de 82 cas) Société belge de Médecine interne. (ibidem, 1940, p. 545-562), etc., qui Sur cette lancée il fut à la base en montrent l'intérêt diversifié que l'au­ 1950 de la création de la Fondation teur attachait à toutes les branches interuniversitaire pour l'étude de la de la médecine interne. poliomyélite et des maladies à virus Mais à côté de cette œuvre scienti­ qui devait donner à la virologie belge fique proprement dite, il ne faudrait le stimulant qui lui manquait. pas négliger l'activité dont Govaerts Tant d'efforts, tant de travaux — fit preuve pour assurer à l'enseigne­ et de quelle qualité! — devaient ment médical en général et en parti­ immanquablement attirer sur Paul culier à l'Université libre de Bruxelles, Govaerts l'attention du monde sa­ la modernisation dont il avait besoin. vant international et plus particu­ Doté d'une bourse de la Fondation lièrement le désigner aux titres et Rockefeller il passe l'année 1925-1926 récompenses dans notre pays. aux Etats-Unis. Il en reviendra Elu en 1927, membre de l'Acadé­ « convaincu de l'urgence des réformes mie royale de Médecine de Belgique » à accomplir chez nous dans une à trente-sept ans, il fut nommé en » organisation devenue tragiquement 1931, membre correspondant de l'Aca­ » désuète ». Celui que le professeur démie de Médecine de New York. Robert Loeb avait accueilli comme L'Académie de Médecine de Paris « un savant belge modeste et dyna- lui confère le même honneur en 1945. » mique armé d'un esprit de recherche En 1952, la Genootschap ter bevor­ » et d'un petit osmomètre » avait mis dering voor Natuur- Genees- en Heel­ à profit son séjour à New York et kunde lui attribue la médaille « Re­ Baltimore pour faire une enquête nier de Graaf ». En 1955 il figure prospective dont il condense les parmi les membres d'honneur de 381 GOVAERTS 382 l'Association of American Physicians. et sourcilleux, il n'admettait dans En 1956, enfin, distinction suprême, le domaine scientifique, de la part nos Académies française et flamande de ses collaborateurs, nulle faille et de Médecine lui décernèrent par un nulle faiblesse. Abusé par un assistant vote unanime le Prix quinquennal qui avait faussé, sciemment, des des Sciences Médicales. résultats d'expérience dans un sens Cette attribution consacrait une des favorable à son hypothèse de travail, œuvres les plus remarquables et les résultats qu'il avait produits dans plus fécondes d'un médecin belge une communication à l'Académie de voué à la clinique aussi bien qu'à la Médecine, on le vit — le falsificateur science expérimentale. ayant été confondu — monter à la L'évocation de la haute figure même tribune et confesser l'erreur qu'était Paul Govaerts serait in­ qu'il avait, par excès de confiance, complète si au rappel de ses travaux couverte. Avec humilité, avec contri­ manquait une allusion à l'honnête tion. On peut imaginer la mortifica­ homme qu'il fut. tion qu'avait dû ressentir ce pur et, Nous avons signalé au début de par là même, la noblesse de son geste. cette notice le sérieux d'un grand Toujours prêt à remettre en ques­ esprit qui dès le début de ses études tion les idées reçues, il apportait manifestait sa volonté d'aller au dans les discussions une pétulance et fond des choses et témoignait d'une une alacrité juvéniles non dépourvues grande indépendance de pensée. d'une narquoiserie amusée. Armé d'une intelligence vive et Avare d'effusions, il savait témoi­ d'un sens critique aiguisé, debater gner à ses amis de toujours une indé­ redoutable qui ne s'inclinait ja­ fectible fidélité. Ennemi de la pompe mais devant l'argument d'autorité, officielle et des mondanités futiles, il Paul Govaerts, dans son discours, avait su ménager dans son foyer heu­ avait la répartie prompte et savait reux, peuplé d'enfants, le respect des être caustique. Que de fois son valeurs morales, intellectuelles et scepticisme toujours en éveil, sur­ artistiques auxquelles il était profon­ tout en matière thérapeutique, a dément attaché. En bref, s'il fut un ralenti des enthousiasmes irraison­ grand maître, le professeur Paul Go­ nés et freiné certains élans! vaerts fut aussi un grand Monsieur! Rétif aux concessions et aux Armand Colard. accommodements, il restait lui-même en toutes circonstances, gardant de Iconographie : buste en bronze par son ascendance provinciale et villa­ Marnix D'Haveloose, dont un exemplaire geoise une simplicité et une modestie appartient à l'Académie royale de Méde­ totales. Le prestige des grands et des cine de Belgique, à Bruxelles. puissants ne l'impressionnait pas. J. Roskam, « Eloge académique du Hostile d'instinct à la cautèle, aux Professeur Paul Govaerts (1889-1960) », dans Mémoires de l'Académie royale de faux-semblants, à l'esbrouffe des hâ­ e Médecine de Belgique, 2 sèrio, t. 4, fasci­ bleurs, il savait manier à leur endroit cule 4, 1961, p. 17-42. — « Proclamation une ironie glacée. solennelle du jugement du Jury du Con­ Habité d'une certaine rugosité, cours pour le Prix quinquennal des Scien­ nous le vîmes — président d'un ces Médicales (période 1951-1955) », dans Bulletin de l'Académie royale de Médecine Congrès de Médecine — interrompre e sèchement l'exposé d'un fâcheux qui de Belgique, VI série, t. XXI, 1956, p. 353-374. — Livre jubilaire publié en — dûment averti une première fois — l'honneur du Professeur Paul Govaerts, continuait à dépasser sans vergogne Bruxelles, 1955 (bibliographie de P. Go­ son temps de parole. Et cela sans vaerts, p. IXT.-LXIH). — Bulletin de l'Aca­ égard pour les titres et les grades du démie royale de Médecine de Belgique, personnage. VIIe série, t. II, p. 402-403 (à propos du Animé d'un scrupule intransigeant buste de P. Govaerts par D'Haveloose). 383 GROSJEAN 384

GROSJEAN (Paul-Marie-Victor-Henri),sants, entre autres Richard Irvine bollandiste, né à Uccle le Best, directeur de la bibliothèque 26 mai 1900, décédé à Etterbeek le nationale, et John Ryan avec lesquels 13 juin 1964. il resta par la suite en correspondance Dès son premier âge scolaire, Paul régulière. Grosjean étudia au Collège Saint- Les années qui suivirent furent Michel d'Etterbeek, situé face à sa surtout consacrées, en Belgique, à maison familiale. Il ne quitta plus la formation religieuse. Paul Gros- guère cette institution avant son jean fut ordonné prêtre en 1932, décès, car c'est là qu'étaient hébergés émit ses vœux de profès en 1935, et depuis 1905 l'atelier bollandien et fut dès lors nommé hagiographe sa bibliothèque, au sein desquels officiel de l'atelier bollandien. mûrit la plus grande partie de son La vie de Paul Grosjean se con- œuvre. fondit ensuite avec son œuvre. Il ne Après de brillantes études secon- quitta plus guère sa table de travail daires couronnées par la médaille au collège Saint-Michel, si ce n'est pour d'or du primus perpetuus, Paul Gros- l'une ou l'autre conférence en Ir- jean entra immédiatement au noviciat lande ou ailleurs, et quand la guerre de la Compagnie de Jésus, d'abord à de 1940 mobilisa cet ardent patriote Alken, puis à 's Heerenelderen et à en l'employant au bureau du chiffre Drongen (Tronchiennes) où il pro- de l'Etat Major général, puis en nonça ses vœux en 1919. qualité d'aumônier du Grand Quartier Immédiatement après, il passa bril- Général, ce qui le mit en relations lamment, avec la « plus grande distinc- directes avec le roi Léopold III. tion », les épreuves de la candidature A la capitulation, il choisit délibéré- en philologie classique devant le ment de suivre ses camarades officiers Jury Central. prisonniers de guerre au camp de Attaché en 1921 à l'atelier bollan- Rotenburg-an-der-Fulda ( Hesse-Nas- dien, il fut envoyé à l'Université sau), où il partagea leur vie pendant d'Oxford afin de s'y spécialiser dans six mois et noua avec nombre d'entre l'hagiographie des pays celtiques. II eux une amitié durable. y rencontra les maîtres les plus Pendant plus de trente ans, les éminents, parmi lesquels le linguiste travaux de Paul Grosjean sur l'his- John Fraser, le diplomatiste Reginald toire religieuse et l'hagiographie cel- Lane Poole, le paléographe Elias tique (surtout insulaire car il ne Alvery Lowe, et surtout Charles toucha guère à la Bretagne armori- Plummer, la plus haute autorité caine) se succédèrent régulièrement. — avec le Français Louis Gougaud — La liste de ses écrits compte près de dans la matière difficile qu'il abordait. deux cents titres, dont presque tous Ce fut à leur contact que Paul Gros- font encore autorité aujourd'hui. La jean acquit ses meilleures qualités, plupart sont des éditions de textes, dans les relations qu'il maintint des études de manuscrits, des notes avec eux qu'il les améliora jusqu'à d'histoire religieuse auxquelles sa devenir plus tard leur successeur charge le vouait avant tout. reconnu. Parmi tous les saints d'Irlande, de En 1924, Paul Grosjean obtint le Galles, d'Ecosse dont il débrouilla titre de Master of Arts de l'université les dossiers, il s'attacha particulière- oxonienne pour une édition du com- ment à la figure de saint Patrice, mentarius praeuius de Saint Bénigne. dont la personnalité et l'histoire Puis, après son service militaire, il soulèvent les plus gros problèmes. A se rendit en Irlande, au Trinity l'opposé d'une école irlandaise qui, Collège de Dublin. Dans ce haut lieu depuis Thomas F. O'Rahilly, défend des études celtiques, en 1926, il fit des thèses audacieuses et suppose la connaissance des grands irlandi- deux, voire trois saints homonymes 385 GROSJEAN 386 confondus par la légende, Paul Gros- rat honoris causa : la National Irish jean s'est fait le tenant d'une école University en juillet 1952, et la « orthodoxe » et monopatricienne. National University of Wales en Excellemment argumentées, ses con­ mai 1963. ceptions n'ont malheureusement ja­ Hors de sa charge, Paul Grosjean mais été synthétisées par un livre. dépouillait volontiers son austérité et Elles s'éparpillent en multiples arti­ ne refusait pas l'occasion de s'évader. cles et notices, pour la plupart dans Longtemps aumônier de la section la revue Analecta Bollandiana, dont brabançonne de l'Union Royale Saint- îl était un éditeur. Raphaël — la ligue catholique des D'autres études retenaient cepen­ cheminots, traminots et postiers —, dant son attention. Vers la fin de sa il allait dans les diverses paroisses de vie, Paul Grosjean s'attacha notam­ la capitale assister aux réunions de ses ment à définir la fiabilité des plus membres et causer avec eux. De anciens historiographes de Grande- vieille famille liégeoise, il gardait Bretagne, Gildas et Bède. Ses conclu­ l'amour de sa langue wallonne et il sions sont très sévères, et ont forte­ publia plusieurs études de dialectolo­ ment réduit la confiance accordée à gie dans Les dialectes belgo-romans, leurs écrits : cf. Remarques sur le Le Courrier du Luxembourg et Hautes- « De Excidio » attribué à Gildas dans Fagnes. Membre de la Ligue des Amis Bulletin Du Cange, t. XXV, 1955, de la Forêt de Soignes, il avait ex­ p. 155-187 ; Notes d'hagiographie cel­ ploré les sous-bois dans leurs moindres tique, dans Analecta Bollandiana, recoins. Sa conversation était nourrie t. LXXV, 1957, p. 185-226. de ses connaissances étendues en de L'approche de l'œuvre de Gildas le nombreux domaines. Il maniait le mit aussi en contact avec la fameuse latin en humaniste de la Renais­ littérature hispérique. Ces poèmes sance, époque dont il cultivait le hermétiques, rédigés dans une langue souvenir : « mon rêve eût été, confes- obscure jusqu'à l'absurde, bâtis de » sait-il, d'être le secrétaire d'Erasme ». néologismes et d'emprunts au grec, « Il ne dédaignait pas non plus, en rebutent souvent les meilleurs lati­ » devisant avec ses amis ou à l'in- nistes. Phénomène typiquement celte, » tention de ses lecteurs, de mêler le seuls des celtistes excellents classi- » plaisant au sévère, l'humour à la cistes peuvent y retrouver leur che­ » science » (M. Coens dans Analecta min. Après quelques-uns, Paul Gros­ Bollandiana t. 82, 1964, p. 289). Son jean s'y attaqua, et son article médecin traitant habitait à proxi­ Confusa Caligo. Remarques sur les mité du Collège Saint-Michel ; ce « Hisperica Famina » dans Celtica, libre-penseur était devenu l'un de t. III, 1956, p. 35-85, reste sans doute ses meilleurs amis et, fréquemment, la meilleure étude sur cet épineux Paul Grosjean venait s'asseoir à la sujet. table familiale dont il préférait l'or­ Si l'œuvre de Paul Grosjean fut dinaire à celui de ses confrères, recou­ longue, ses mérites furent, à juste rant parfois à sa connivence pour titre, rapidement reconnus. De nom­ adoucir la rigueur des règles conven­ breuses distinctions en témoignent : tuelles. en 1938, il fut élu membre de l'Irish Sa marotte intime enfin était la Historical Society; en 1950, membre mesure du temps et de l'espace : correspondant de la British Academy ; horloger ponctuel, il s'était porté en 1953, membre honoraire de la volontaire pour l'entretien de l'hor­ Royal Irish Academy; en 1957, loge au sommet de la tour du Collège correspondant de la Royal Historical Saint-Michel, et il ne dérogea jamais Society of London. Deux universités à sa mission puisque, victime d'une prestigieuses lui accordèrent le docto- affection cardio-vasculaire, la mort

BIOGR. NAT. — t. XLI. 13 387 GUARMUNDUS 388 le surprit en 1964, dans son accomplis- D.A. Binchy, « Patrick and his Biogra- sement même. Ainsi s'éteignit subite- phers. Ancient and Modem », dans Studia ment ce bollandiste éminent que son Hibernica, 2, 1962, p. 25. — M. Coens, « Le R.P. Paul Grosjean (1900-1964) », confrère, le Père Coens, a défini comme dans Analecta Bollandiana, t. 82, 1964, « une forte personnalité qu'on juge- p. 289-318, avec bibliographie complète » rait malaisément avec les mesures des écrite de P. Grosjean et portrait pho- » communes à la plupart des hu- tographique. — M. Deanesly, « Fr. Paul » mains ». Grosjean », dans The Times, 19 juin 1964, Les pays celtes, dont Paul Grosjean p. 17. — J. Herbillon, « Les amis de nos avait si brillamment labouré le passé dialectes », dans Les dialectes belgo-romans, 21, 1964, p. 136-137. — D. Knowles, chrétien, s'associèrent profondément « Père Paul Grosjean », dans The Times, au deuil qui suivit sa disparition, et 20 juin 1964, p. 12. l'ambassadeur d'Irlande tint à re- présenter officiellement son pays lors des funérailles. GUARMUNDUS. Voir GARMUNDE. Claude Sterckx, H

HARSCAMP (Isabelle, comtesse de linguistique, fut créée dans cette d'). Voir BRUNELLE (Isabelle). université, l'explication des textes coptes y fut confiée à Hebbelynck, qui put en même temps perfectionner HEBBELYNCK (Adolphe-Marie-Corneille,sa formation philologique dans le Monseigneur), orientaliste, domaine des langues et des littératures recteur magnifique de l'Université de égyptiennes, à Paris, sous la direction Louvain, né à Merelbeke le 2 octobre de Maspero et de Révillout. En 1897, 1859, décédé à Rome le 11 janvier il devint assesseur du recteur magni- 1939. fique, Mgr Abbeloos, à qui il succéda Il vécut principalement à Gand, à en juillet 1898. Dès lors, il abandonna Louvain et à Rome. Fils d'un notaire ses cours, sauf celui d'hiéroglyphes, de la région gantoise, brillant élève et confia l'enseignement du copte à son suppléant le professeur Lefort. des jésuites au Collège Sainte-Barbe er à Gand, il entra au Petit Séminaire de Le 1 octobre 1909, à l'âge de cin- Saint-Nicolas en 1878 et au Grand quante ans, il renonça à ses fonctions Séminaire de Gand l'année suivante, rectorales. Après une période de fut ordonné prêtre le 23 décembre repos, le recteur honoraire s'établit à 1882 et reçut le titre de docteur en Rome, au Collège des Chapelains de théologie à l'Université de Louvain, Saint-Julien-des-Belges, en 1910, et en juillet 1887, après avoir défendu reprit les études orientales qu'il une dissertation sur l'autorité histo- avait délaissées depuis une douzaine rique du Livre de Daniel et sur l'inter- d'années. Il se mit dès cette époque à prétation de la « Prophétie des soi- fréquenter la Bibliothèque Vaticane xante-dix semaines ». II commença avec assiduité ; il publiait les résultats sa carrière, le 18 août 1887, comme de ses travaux dans plusieurs revues, professeur et bibliothécaire au Grand notamment Le Muséon, la Revue Séminaire de Gand ; mais, il continua biblique et la Revue d'histoire ecclé- à collaborer avec Mgr Charles de siastique ; mais, l'œuvre majeure à Harlez, le professeur de langues laquelle il consacra ses studieuses orientales de l'Université de Louvain. années romaines était l'inventaire Celui-ci tourna l'intérêt de Heb- des manuscrits coptes de la Vaticane, belynck vers les langues égyptiennes dont un volume parut en 1937. A la et plus spécialement vers le copte. fin de l'année 1938, il corrigeait des En 1890-1891, lorsqu'une « Ecole épreuves du second volume quand d'études supérieures libres », avec son travail fut interrompu par des une section de philologie orientale et crises cardiaques, qui allaient l'em- 391 HEBBELYNCK 392

porter le 11 janvier 1939. Pendant période comme une phase d'expan­ vingt-huit ans, son activité scienti­ sion de Y Aima Mater louvaniste. Mais, fique à la Vaticane n'avait été Hebbelynck portait ses préoccupa­ interrompue que par la Première tions au-delà de l'équipement de Guerre mondiale, qu'il avait vécue l'institution à laquelle il était at­ en Belgique, et par un séjour aux taché. A l'occasion du septante- Etats-Unis, où il se fit, immédiate­ cinquième anniversaire de la fonda­ ment après l'armistice de 1918, le tion de l'Université de Louvain, il propagandiste de la restauration de termina son discours jubilaire par l'Université de Louvain ravagée par un appel à la solidarité de la science la guerre. Il était membre de la internationale, qui mérite d'être cité Société Asiatique de Paris et portait ici : « Que de progrès on réaliserait, les titres ecclésiastiques de Prélat de » déclarait-il, que de stériles efforts la Maison de Sa Sainteté et de cha­ » on épargnerait, si, au lieu de dépenser noine honoraire de la cathédrale de » leurs forces en tentatives isolées, Gand. » parfois même en discussions stériles, On possède des portraits du recteur » issues de regrettables malentendus, Hebbelynck, et ceux qui l'ont connu » les savants des diverses écoles ap- ont loué et louent encore son carac­ » prenaient à mieux se connaître, à tère. Il avait légué à l'Université de » se comprendre, à se prêter une aide Louvain, avec sa bibliothèque per­ » fraternelle, en un mot, à appliquer sonnelle, le portrait peint par le » dans une large mesure aux choses de chanoine C. Rosier, qui le représente » l'esprit, les procédés de coopération en pied. Une photographie publiée » et d'échange qui, dans l'ordre ma­ par l'Annuaire de l'Etudiant en 1939 il tériel, ont si merveilleusement trans- le représentait en buste : la chevelure » formé les conditions de la vie blanche souligne la gravité d'un » humaine ». Son rectorat fut marqué, visage distingué et le photographe a dans le domaine des sciences natu­ choisi l'éclairage qui fait ressortir les relles, par des innovations telles que traits tendus, les lèvres minces et la création à Louvain de l'Institut pincées, le regard fixé sur des pers­ Carnoy pour la biologie, d'un Insti­ pectives incertaines. Ses panégyristes tut de bactériologie et d'un Institut mettent en relief sa bonté et sa cour­ de pathologie pour les médecins, toisie. La devise qu'il avait adoptée, d'un Institut de zootechnie pour les selon l'usage, au moment où il devint agronomes, d'Instituts d'électroméca­ recteur, semble résumer sa politique nique, de sciences chimiques, de géo­ rectorale : Ut unum sintl Ses con­ logie et de minéralogie pour les ingé­ temporains ont effectivement gardé nieurs, et d'un laboratoire de physi­ le souvenir d'un homme qui s'effor­ que. Du côté des sciences humaines, çait d'entretenir l'esprit de concorde les initiatives les plus durables de la et de promouvoir la collaboration, même période ont été le développe­ contre vents et marées, au sein de ment des séminaires de philologie et l'institution qu'il avait à diriger. d'histoire, la création de la Revue d'histoire ecclésiastique, la création de Dans le panégyrique prononcé le l'Ecole des sciences coloniales, celle 28 février 1939, son successeur, de l'Institut supérieur de philosophie, Mgr Ladeuze évoque la carrière ainsi que l'ouverture de cours de rectorale de Mgr Hebbelynck (1898- sociologie et d'un laboratoire de psy­ 1909). Il fait état des difficultés chologie expérimentale. financières que l'université avait à surmonter dans les premières années Avec le recul du temps, les activités du XXe siècle, pour s'adapter aux rectorales apparaissent néanmoins progrès rapides de la recherche scien­ comme une parenthèse dans la car­ tifique, et, retraçant l'histoire de rière de l'orientaliste. Les sources ces dix années, il présente cette parlent à demi-mot des circonstances 393 HEBBELYNCK 394 dans lesquelles il prit la décision de et notamment aux manuscrits du renoncer aux fonctions de recteur. « Monastère Blanc » ont marqué l'his­ On devine qu'à l'occasion des mani­ toire des études coptes ; mais, l'oeuvre festations organisées à Louvain, en capitale des années romaines, qui 1909, l'attitude de quelques-uns l'avait furent naturellement les plus fécon­ vivement affecté [cfr J. Coppens, des, est assurément l'imposant cata­ Son Excellence..., p. 21, et 22-23). A logue des manuscrits coptes des divers l'exemple du héros de la république fonds de la Bibliothèque Vaticane, romaine dont les Anciens parlent considéré comme un modèle de ri­ avec éloges, il renonça à ses hautes gueur et de science. Il en avait fonctions et aux honneurs, se retira publié une esquisse en 1924, sous la sur les rives du Tibre et, montrant à forme d'un Inventaire sommaire des tous, selon l'expression de Tite Live, manuscrits coptes du Vatican. Le « où se trouvent la grandeur et le premier volume — 727 pages in- » mérite » (Tite Live, Hist, row,., Ill, quarto —, préparé avec la collabora­ 26, 7), il cultiva, de 1910 à 1939, les tion du chanoine van Lantschoot, quelques arpents qui étaient les siens parut en 1937. Hebbelynck y avait dans le champ des études orientales. consacré un quart de siècle de re­ Premier titulaire de la chaire de cherches désintéressées, travaillant au copte dans son université, il avait profit des autres, comme il l'avait créé du même coup une école et des fait pendant son professorat, quand traditions, qui seront bientôt sécu­ il dépensait son temps à la formation laires et qui ont orienté les recherches de ses élèves « renonçant pour eux louvanistes vers la découverte, l'édi­ » aux joies d'un travail intellectuel tion et l'étude critiques des sources » plus personnel », comme le remarque coptes inédites. Fidèles à son im­ Mgr Paulin Ladeuze, qui fut son pulsion, ses plus illustres successeurs disciple. La personnalité et l'œuvre et collaborateurs, le chanoine van scientifique de l'orientaliste permet­ Lantschoot, Mgr Ladeuze, Mgr Le- tent de situer Hebbelynck dans le fort, le professeur Gérard Garitte, ont mouvement d'ouverture à la philo­ fait de la chaire de langue et de lit­ logie, à l'histoire et plus généralement térature coptes un des secteurs forts aux études positives et critiques des du centre de recherche sur l'Orient sources chrétiennes déclenché à son chrétien, de Louvain. Une revue époque par Léon XIII. Vent de renou­ spécialisée d'étude de l'Orient chré­ veau, qui grâce au recteur Abbeloos, tien, Le Muséon, avait été créée orientaliste lui aussi, et surtout grâce en 1882, au moment où le profes­ à quelques philologues distingués tels seur Hebbelynck commençait sa car­ que Charles de Harlez et Philemon rière ; sous la direction du fonda­ Colinet, a marqué la carrière d'Adolphe teur, Mgr de Harlez, il en assura Hebbelynck et le destin de son Ecole. le secrétariat avec son collègue, le Il avait été un recteur loué pour la philologue Philemon Colinet, jusqu'en manière dont il s'était acquitté de ses 1898. Au moment où il avait abordé hautes fonctions, et ses travaux sur l'enseignement du copte, en 1884, il la langue et la littérature coptes ont avait publié une notice sur l'état des mérité une place particulière dans les études coptes, suivie bientôt par annales de notre histoire nationale, une étude étymologique de quelques mais, pendant toute sa longue car­ particules de cette langue et par rière, Mgr Hebbelynck a aussi in­ l'édition, avec traduction et commen­ carné un style sacerdotal. Ceux qui taire, d'un texte curieux conservé l'ont connu pendant les dernières dans un manuscrit d'Oxford et trai­ années de sa vie ont surtout gardé tant du Mystère des lettres grecques. le souvenir du prêtre studieux plein Les éditions critiques et les études d'attentions pour ses compatriotes consacrées à divers fragments inédits séjournant à Rome pour des raisons 395 HEBBELYNGK 396 d'études. Le professeur Franz De Borgiani, Rossiani recensuerunt A. Heb­ Ruyt note que ceux-ci connais­ belynck et A. van Lantschoot, t. Ier. saient tous « l'atmosphère cordiale Codices coptici Vaticani, Borne, 1Θ37, de Saint-Julien », haut-lieu de la t. II. Codices Barberiani orientales 2 et 17, Borgiani coptici 1-108, Rome, 1947 [Bi- présence belge dans la Ville Eter­ bliothecae aposlolicae Vaticanae codices nelle, où résidait un trio de prélats manu scripti recensiti) ; Bibliographie. (Hebbelynck, Pelzer et Vaes), fami­ Premier Supplément. 1899-1901. Univer­ lièrement appelés « les trois Rois sité Catholique de Louvain, Louvain, 1901, Mages » et dont Mgr Hebbelynck p. 6-7, 34-35, 86. — Idem, Deuxième sup­ était l'aîné, le « Melchior » (De Ruyt, plément. 1901-1903, Louvain, 1904, p. 8, p. 384). Le professeur William La- 13. — Idem, Troisième supplément. 1903- meere souligne, lui aussi, la sollicitude 1905, Louvain, 1906, p. 7. — Bibliogra­ dont le vieux prélat entourait ses phie. Liste des Professeurs. 1834-1908. Travaux du corps académique de 1908. jeunes compatriotes, et il associe Institutions universitaires. Université Ca­ dans un même éloge les vertus de tholique de Louvain ( = Quatrième supplé­ l'homme et les qualités du prêtre : ment), Louvain, 1908, p. 3, 10, 64-65, il le suit quand il se rend à la Cité et portrait en regard de la p. 323. — du Vatican, « reconnaissable de très Bibliographie. Université de Louvain. Cin­ » loin à sa haute taille, à sa démarche quième supplément. 1908-1911, Louvain, » balancée, à ses beaux cheveux 1911, p. 12. — Idem, Sixième supplément. » blancs qui brillent sous son chapeau 1911-1913, Louvain, 1913, p. 9. — Biblio­ » de lustrine » (p. 44). Il le rejoint à graphie académique. Academische biblio­ graphie, VI, 1914-1934, Louvain, 1937, la Bibliothèque Vaticane, où « pres- p. (75). — J. Coppens et C. Vervoort, » qu'au-dessus de la vaste cellule où Bibliographie académique. Academische bi­ » travaille Son Eminence le Cardinal bliographie. 1934-1954, I, Louvain, 1954, » Préfet, Monseigneur occupe un ré- p. 199-243 passim et l'index p. 433 : relevé » duit pauvrement meublé dont les des références à l'Annuaire de l'Université » murs ont été blanchis à la chaux. Catholique de Louvain. — Fiches du Cen­ » Ses dossiers, ses livres s'amoncel- tre de recherche sur la communication » lent sur deux tables d'un bois en histoire, de l'U.C.L. : n° 4643 (portrait » grossier. Il accède au refuge austère exposé aux Halles universitaires de Lou­ vain), n° 5017 (portrait publié dans l'An­ » de son labeur par un escalier de nuaire..., 1910, p. XXVIII), n° 5116 (por­ » fer en spirale, comme s'il gagnait trait dans L'avant-garde. Journal étudiant, » le pigeonnier désaffecté de Son du 9 mai 1909). — Mgr Van Waeyenbergh, » Eminence » (p. 46). Il le surprend, « Monseigneur Adolphe Hebbelynck, Rec­ enfin, dans la cour intérieure de la teur Magnifique honoraire », dans Annuaire Vaticane, bien connue des usagers de de l'Université Catholique de Louvain, la section des manuscrits ; Hebbe­ t. LX33TV, vol. II, 1936-1939, p. cxxv- lynck avait coutume d'y réciter son cxxvii, portrait photographique. — F. De Ruyt, « Mgr Hebbelynck », dans bréviaire, et l'écrivain, qui a été l'un Revue Générale, 72e année, 15 mars 1939, de ses familiers, imagine « les mots de p. 379-386. — W. Lameere, Pages romai­ » tolérance et de charité » qu'il pro­ nes, Paris, 1939, p. 39-51 : l'écrivain nous nonçait dans sa prière :

HEERSTRATEN (Egidius, Aegidius il emploie des caractères finement ou Gielis van der), imprimeur, gravés suivant le style de Venise : décédé à Louvain avant le 23 dé- type 1 : 75 G. Sa deuxième série de cembre 1490. caractères est également de prove- Aucun des petits imprimeurs, établis nance vénitienne : type 2 : 94 G, il à Louvain durant le xve siècle, n'est semble les avoir achetés, en 1477, aussi bien connu par les pièces à Johan Veldener. d'archives que cet Aegidius ou Gielis Son édition de Johannes Beets, (cfr Van Even). Commentum super decem praeceptis Il était le fils de Gisbert van der decalogi, 19 avril 1486, f°, 298 pages, Heerstraten, originaire de Kiesegem, est remarquable. Egidius est de ce fait village situé entre Louvain et Diest, et le premier imprimeur à Louvain qui de Catharina Cokcx. Le 11 janvier édite chez nous un cours de théologie. 1478, il est immatriculé à la Faculté de Johannes Beets est, en effet, un Bra- droit canon de l'Université de Lou- bançon, né à Geetbets près de Tirle- vain : Egidius Heerstrate, Leod. dyoc. mont, devenu carme et régent du cou- in decr[etalibus]. Il épouse, avant le vent des carmes de Louvain. Son Com- 19 avril 1479, Elisabeth Van Scharen- mentaire fut apprécié comme « een broek, fille de Hendrik, un bourgeois » ware summa van de moraaltheologie, aisé de Louvain. En 1481, il est » het wijst op een diepe kennis en een associé, à Anvers, avec Rodulphus » breeddenkende geest... hij schrikt er Loefîs de Driel, et, le 22 mai de cette » niet voor terug enige actuele rechts- même année, ils donnent tous les » kwesties te behandelen » (H. de deux procuration à trois habitants Jongh). Il est étonnant que l'ouvrage d'Anvers pour faire commerce en n'ait jamais été réédité. Cette édition leur nom. L'affaire ne doit pas avoir frappe par la particularité suivante : réussi car, la même année, les deux on peut lire dans le colophon : « Im- imprimeurs quittent Anvers et ils » pressum ... per Egidium vander s'établissent séparément à Louvain. » Heerstraten artis impressorie ma- Il ressort d'une pièce du banc des » gistrum ». Or dans tous les exem- échevins de Louvain qu'Egidius y plaires connus, les mots « artis im- possédait une maison à l'enseigne pressorie magistrum » sont barrés « de Kreeft », sise au Zevenhoek, entre à l'encre. la Jodenstraat et l'habitation de Il est évident que cela a été fait Pieter Van Berthem. Dans un acte dans l'imprimerie même. Pourquoi? du 5 juillet 1488, il se qualifie « libe- Ce titre était exclusivement accordé rarier » et il donne procuration à deux par l'Université et Gielis se le sera, habitants de Haarlem pour faire sans doute, approprié sans droit, et commerce, en son nom, en Brabant, dut être rappelé à l'ordre à ce sujet. Hollande et Zélande. Il meurt à A-t-il encouru une sanction et fut-il Louvain avant le 23 décembre 1490, contraint de biffer ces mots? postérieurement à sa femme, et il Est non moins remarquable son laisse des enfants mineurs. édition de Boccace, De claris mulieri- Le 6 juillet 1485, il édite son premier bus, 1487, f°, 70 pages. Ce livre livre daté, le De arte loquendi et compte 75 bois de 110 x 80 mm. et lacendi d'Albertanus, le dernier ou- un bois de 138 X 117 mm. qui ont vrage daté étant Utriusque juris comme modèles les bois d'une édi- methodus (1488). On lui attribue, au tion allemande imprimée en 1473 total, dix-huit ouvrages imprimés, par Johann Zainer d'Ulm. Cependant tous rédigés en latin et apparemment Egidius ne les a pas copiés servile- destinés aux étudiants de l'Université, ment : dans de nombreux détails, excepté le Pronosticum anni 1486, ils diffèrent et plusieurs figures de écrit en flamand (fragment). second plan ne sont pas reprises. Pour ses quatre premiers ouvrages Bien qu'Egidius n'ait géré qu'un 399 HBMELRIJCK 400

modeste atelier à Louvain, il a produit né à Schaerbeek le 20 avril 1901, un travail très artistique tant par la décédé à Molenbeek-Saint-Jean le typographie que par les remarqua- 8 octobre 1964. bles gravures sur bois. S'il n'était Maurice Van Hemelrijck fit ses pas mort si jeune, il serait, peut-être, humanités gréco-latines à l'Institut devenu en son temps un grand impri- Saint-Pierre à Jette mais, comme il meur. était l'aîné d'une famille de douze enfants — son père Joseph Van Leonide Mees. Hemelrijck était percepteur des postes J. Wils, Matricule de l'Université de à Asse — il ne put entreprendre Louvain, vol. II, 1457-1485, Bruxelles, immédiatement des études univer- 1948, p. 368, n° 71 (Commission royale sitaires. Engagé dans un bureau d'Hisloire, Collection in-4«). — E. Van d'études techniques, successivement Even, « Renseignements inédits sur les comme employé, comme géomètre imprimeurs de Louvain au XVe siècle », re et comme technicien en hydrologie, dans Le Bibliophile Belge, l année, 1866, il acquit sur le terrain une solide p. 47-65 (principalement p. 63-65). — M.F.A.G. Campbell, Annales de la typo- formation spécialisée qui lui permit graphie néerlandaise au XV siècle, avec d'entrer, en 1925, au service techni- 4 suppléments, La Haye, 1874. Supplé- que du Boerenbond. Il y fut notam- ments, 1870-1890. N°s 293, 62, 1367, 260, ment chargé de la lutte contre les inon- 248, 64, 1415, 1380, 250, 145, 294, 1266, dations qui sévissaient périodique- 1243, 1054, Supplément II, n° 1367a. — ment dans la partie flamande du pays. M.E. Kronenberg, Campbell's Annales de e Le 29 juin 1929, il épousa Cécile Huy- la typographie néerlandaise au XV siècle, brechts qui l'encouragea à faire par Contributions to a new Edition, La Haye, lui-même des études universitaires. 1956, n°» 13a, 920a, 1749a — W. et L. Hellinga, The Fifteenth-Century Prin- Le 6 décembre 1936, il conquit au ting Types of the Low Countries, vol. I, Jury Central le diplôme de docteur en Amsterdam, 1966, p. 62, 66, 67. — H. droit. Très vite, il occupa une place De Jongb, L'ancienne Faculté de Théologie en vue comme avocat à la Cour de Louvain au premier siècle de son exis- d'appel de Bruxelles ; il devint prési- tence (1432-1540), Louvain, 1911, p. 97. dent de la Conférence flamande du — L. M[ees], « Aegidius Van der Heer- barreau et secrétaire de la Fédération Btraten », dans Le Cinquième Centenaire de des avocats. l'Imprimerie dans les anciens Pays-Bas, Bruxelles, 1973, p. 411-416, ill. 102. — Dès le début de 1946, il joua un A. Rouzet, Dictionnaire des imprimeurs, rôle actif dans le Parti Social Chrétien libraires et éditeurs des XV et XVI* siè- cles dans les limites géographiques de la (P.S.C.) qui venait d'être créé en Belgique actuelle, Nieuwkoop, 1975, p. 89- remplacement de l'ancien parti catho- 90 (Centre national de l'Archéologie et de lique. Conseiller communal à Molen- l'Histoire du Livre, 3). — W.M. Conway, beek-Saint-Jean depuis 1946, conseiller The Woodcutters of the in the provincial du Brabant de 1946 à 1949, Fifteenth Century, Cambridge, 1884, p. 128- il siégea, en outre, comme membre 130, 287-289, 340. — A.J.J. Delen, His- ou président des commissions du toire de la gravure dans les Anciens Pays- Centre d'Etudes et de Documentation Bas et dans les Provinces belges des origines re et fut souvent rapporteur aux congrès jusqu'à la fin du XVIII' siècle, l partie : Des origines à 1500, Paris-Bruxelles, 1924, de son parti. p. 98-100. Président du comité d'arrondis- sement du P.S.C. de Bruxelles, de 1947 à 1949, Maurice Van Hemelrijck HEMELRIJCK (Maurice VAN), veilla au respect scrupuleux des prénoms déclarés à l'état civil: résultats des poils pré-électoraux, ce Charles-Louis-Maurice, sénateur, mi- qui permit notamment à Paul Vanden nistre de l'Instruction publique, mi- Boeynants d'entrer à la Chambre des nistre du Congo belge et du Ruanda-Urundi,Représentants. président du Boerenbond, Sénateur élu direct de l'arrondis- 401 HEMELRIJGK 402 sèment de Bruxelles depuis 1950, melrijck avait mesuré avec l'exacti­ Maurice Van Hemelrijck fut, à diver­ tude du géomètre le jeu des forces, le ses reprises, rapporteur des budgets but à atteindre et les moyens à em­ de la Justice et de la Santé publique ployer. Il pouvait s'appuyer sur de lar­ ainsi que d'importants projets de ges couches de l'opinion publique — le loi, tels ceux sur l'organisation judi­ comportement de la presse devait le ciaire, les reviseurs d'entreprises, les confirmer — et n'ignorait pas que, baux à loyer et à ferme, les ventes à dans l'ensemble, tous ceux que préoc­ tempérament. Il fit plusieurs voyages cupaient la promotion de l'enseigne­ d'étude au Congo belge et au Ruanda- ment en Belgique et, partant, sa Urundi et ses interventions en matière planification plus ou moins poussée coloniale témoignaient d'une grande désiraient une certaine permanence. lucidité et d'une connaissance appro­ Or celle-ci ne pouvait être atteinte fondie, notamment des problèmes agri­ que par un acte liant les trois partis coles. nationaux, quelle que fût la majorité En 1956, après vingt années d'acti­ au pouvoir. Maurice Van Hemelrijck vité comme avocat à la Cour d'appel, savait qu'un accord de cette impor­ Maurice Van Hemelrijck quitta le tance ne pouvait être traduit d'emblée Barreau de Bruxelles pour assumer la en termes juridiques, sous forme d'un charge de vice-président du Boeren­ projet de loi. Il devait nécessairement bond. Deux ans plus tard, à l'issue des être formulé en termes politiques élections législatives du 1er juin 1958, qui, seuls, adhèrent suffisamment à qui donnèrent au P.S.C, la majorité une réalité complexe et chargée de absolue au Sénat, Maurice Van He­ nuances. Un débat au Parlement melrijck se vit confier le portefeuille aurait, d'ailleurs, obligé les partis à de l'Instruction publique dans le maintenir des positions encore mar­ gouvernement homogène — mino­ quées par les récentes campagnes ritaire à la Chambre des Représen­ électorales. tants — constitué le 25 juin 1958 et Moyennant certains préalables, le dirigé par Gaston Eyskens. parti socialiste et le parti libéral Le gouvernement Eyskens avait le marquèrent leur accord sur la procé­ choix entre deux attitudes. Ou bien, dure proposée. Le 8 août 1958, au il projetait une législation du type cabinet ministériel de Maurice Van 1952-1953, quitte à provoquer de Hemelrijck, fut installée une Commis­ nouvelles élections qui donneraient sion nationale composée de quatre sans doute au P.S.C, une majorité membres de chaque parti : Lefèvre, absolue dans les deux Chambres. Van Hemelrijck, Harmel, Houben C'est ce qu'auraient préféré l'archevê­ pour le P.S.C., Buset, Bracops, Spinoy, ché de Malines et le journal La Libre Collard pour le Parti Socialiste Belge Belgique. Ou bien il profitait de la (P.S.B.), Destenay, Motz, Vanauden- lassitude des protagonistes de la hove, Janssens (qui sera remplacé « guerre scolaire » pour tenter d'éta­ par Mouréaux) pour le Parti Libéral blir la « paix scolaire ». C'est la seconde (P.L.). A ce moment déjà, Maurice Van attitude qui fut choisie, ce qui cor­ Hemelrijck avait élaboré l'esquisse respondait exactement aux vœux de et le schéma d'un pacte ; il espérait Maurice Van Hemelrijck, tolérant par qu'ainsi les interventions des mem­ nature et par volonté. bres de la commission seraient en Dès son installation le nouveau mi­ quelque sorte canalisées par les cha­ nistre de l'Instruction publique songea pitres et les alinéas proposés. Mais à réunir une commission nationale à cette esquisse il manquait les pour l'étude des problèmes de l'ensei­ données chiffrées. Il fut donc décidé de gnement ; il reprenait ainsi une idée faire effectuer un travail prépara­ lancée auparavant par Paul Struye, toire par une commission d'experts président du Sénat. Maurice Van He­ où, fait significatif, se retrouvaient 403 HEMELRIJCK 404

notamment Jan Lindemans, repré­ contenta une grande partie des Belges sentant le Secrétariat National de du Congo, qui s'étaient réjouis de la l'Enseignement Catholique, dirigé par présence, Place Royale, de leur an­ Mgr Daem, et Sylvain De Coster, cien gouverneur général. dirigeant de la Ligue de l'Enseigne­ Le 24 décembre 1958, Maurice ment. Van Hemelrijck reçut officiellement Les travaux de la Commission le rapport du « Groupe de travail pour scolaire nationale reprirent le 18 sep­ l'étude du problème politique au tembre 1958 et se poursuivirent, Congo belge » constitué à l'initiative dès lors, à un rythme accéléré. Ils du ministre Pétillon et qui avait connurent des moments où tout parcouru la colonie du 20 octobre au semblait compromis mais la force 14 novembre 1958. Ce document individuelle de Maurice Van Hemel- fondamental devait servir de base à rijck, son obstination à vouloir abou­ une déclaration gouvernementale qui tir et ses colères simulées permirent — annonça Maurice Van Hemelrijck chaque fois d'enrayer l'action des — serait faite dès le 13 janvier 1959. forces de freinage, à savoir les impa­ En effet, des informations en prove­ tiences du côté catholique, les in­ nance de diverses personnalités éta­ quiétudes du côté des sociétés de blies en Afrique avaient convaincu le Libre Pensée et certaines indiscrétions nouveau ministre de la nécessité, pour calculées. Le 4 novembre 1958, à la Belgique, de faire connaître sans tar­ l'issue d'une réunion de plus de cinq der ses intentions quant à l'avenir de heures, émaillée d'incidents nombreux sa colonie. Mais, pendant que Maurice dus au fait que l'on avait réservé Van Hemelrijck et ses collaborateurs pour la fin toutes les questions pour préparaient les premiers textes, le lesquelles des divergences subsistaient, 4 janvier 1959, des émeutes éclataient c'était l'accord. La tête haute sous à Léopolville ; elles firent, d'après la la toison blanche, le buste cambré, commission parlementaire d'enquête, Maurice Van Hemelrijck rayonnait 44 morts et 290 blessés. Ces événe­ de joie. Deux jours plus tard, en son ments, qui surprirent l'opinion pu­ bureau, le pacte scolaire fut paraphé blique, eurent pour conséquence im­ par les membres de la Commission médiate que le gouvernement imposa nationale, la signature définitive ayant au ministre du Congo belge et du lieu, le 30 novembre 1958, au cabinet Ruanda-Urundi un « comité de ré­ du Premier Ministre. daction » dont deux membres sur trois étaient réservés au sujet de Valable pour douze ans, le pacte l'emploi du terme indépendance dans scolaire coulé en forme de projet la déclaration. Or les avis recueillis de loi fut voté à l'unanimité (sauf par Maurice Van Hemelrijck, notam­ les communistes qui votèrent contre) ment celui contenu dans un télex du à la Chambre, le 6 mai 1959, et au gouverneur général Cornells, daté du Sénat, le 21 mai 1959. La loi fut 9 janvier 1959, n'autorisaient, selon signée par le Roi, le 29 mai 1959. lui, aucun doute : il fallait être aussi Entre-temps, le 6 novembre 1958, clair que possible. La séance de tra­ le Gouvernement P.S.C, homogène vail tenue au ministère des Colonies, avait été remplacé par un nouveau durant la nuit du 11 au 12 janvier gouvernement, toujours dirigé par 1959, fut quasi dramatique. A un mo­ Gaston Eyskens mais auquel partici­ ment donné, devant l'opposition d'Al­ paient les libéraux. A la tête du bert de Vleeschauwer et d'Albert Lilar, département de l'Instruction publique, Maurice Van Hemelrijck quitta même Charles Moureaux avait remplacé la réunion et se fit remplacer par un Maurice Van Hemelrijck à qui avait de ses collaborateurs. Les passions été confié le ministère du Congo belge finirent cependant par s'apaiser et le et du Ruanda-Urundi enlevé à Léon texte définitif fut mis au point, qui A.M. Pétillon. Cette nomination mé­ 405 HEMELRIJCK 406 devait être lu à la Chambre par le l'administration ainsi qu'avec ceux des Premier Ministre et au Sénat par groupes et associations tant euro­ Maurice Van Hemelrijck, le 13 jan­ péens qu'africains. De nombreuses vier 1959. Il y était indiqué : « La motions, résolutions et revendications » Belgique entend organiser au Congo lui furent remises ou transmises à » une démocratie capable d'exercer les cette occasion. Celles émanant des » prérogatives de la souveraineté et colons contenaient des réserves à » de décider de son indépendance ». l'égard de la déclaration gouverne­ Et le texte précisait : « Au terme mentale, voire de l'hostilité comme à » de l'évolution, il est souhaitable, Bukavu ; par contre, la motion de » dans l'intérêt des deux pays, que l'Union des Transformateurs et Pro­ » des liens d'association soient main- ducteurs assurait « le ministre de sa » tenus entre le Congo et la Belgi- » reconnaissance pour l'influence heu- » que, qui en décideront librement » reuse que sa présence apportait à » à ce moment. » » la Colonie, ramenant le calme dans Peu de temps auparavant, un » les esprits et un peu de cette message du roi Baudouin avait été » confiance tellement compromise. » diffusé sur les ondes en Belgique et Quant aux groupements et partis au Congo. Parce qu'il avait été africains, presque tous acceptèrent rédigé avant les amendements in­ de se situer dans la perspective de troduits par le « comité de rédaction » la déclaration gouvernementale ; seuls dans le projet de déclaration gouverne­ les milieux coutumiers du Katanga mentale, le message royal était plus exprimaient de nettes réserves, non clair : « Notre résolution est aujour- pas à la déclaration gouvernementale » d'hui de conduire sans atermoie- mais à l'égard du suffrage universel, » ments funestes, mais sans précipi- ce qui correspondait assez exactement » tation inconsidérée, les populations au point de vue de certains colons » congolaises à l'indépendance dans de cette province. » la prospérité et la paix. » Etant l'objet de poursuites judiciai­ A la Chambre des Représentants, res, l'Alliance des Bakongo (ABAKO) la déclaration gouvernementale ne ne put donner son avis. Aussi bien, fut pas suivie d'une véritable discus­ avant de quitter Léopoldville, Mau­ sion ; au Sénat, son contenu politique rice Van Hemelrijck tint à se rendre reçut l'appui du groupe socialiste. personnellement au camp « Léo II » Moins de quarante-huit heures plus où étaient détenus un certain nombre tard, Maurice Van Hemelrijck prenait d'Africains arrêtés après les émeutes l'avion pour le Congo. Il débarqua à de janvier 1959. Il se fit ouvrir no­ l'aérodrome de la Ndjili, le 16 janvier tamment la cellule où était enfermé 1959, au matin, et commença aussitôt Joseph Kasa-Vubu et eut avec le ses audiences. Constatant la crise de futur président de la république con­ l'autorité et le désarroi des esprits à golaise une conversation d'une demi- Léopoldville mais ne voulant pas gé­ heure, qui lui permit de constater que néraliser hâtivement, il décida de ni le message royal ni la déclaration prendre la température de l'ensemble gouvernementale n'avaient été remis de la colonie et d'y faire connaître la au leader de l'ABAKO. teneur de la déclaration gouvernemen­ A son retour à Bruxelles, Maurice tale. Le 21 janvier, il se rendit à Lu- Van Hemelrijck pouvait croire que si luabourg, le 23 à Elisabethville, le 29 tout serait difficile, rien n'était en­ à Usumbura, le 31 à Bukavu, le 3 fé­ core perdu. Le 26 février, au Sénat, il vrier à Stanleyville, le 6 à Coquilhat- fut longuement applaudi au moment ville d'où il regagna Léopoldville pour où il montait à la tribune pour y y séjourner jusqu'au 13 février. prononcer un discours à l'occasion A chaque étape de ce périple, il de l'examen des budgets ordinaire prit langue avec les responsables de et extraordinaire de son département. 407 HEMELRIJCK 408

Il fit part de ses espoirs, insista sur suite aux revendications fédéralistes l'adhésion des milieux africains à la de ΓΑΒΑΚΟ. Le 9 mars 1959, il politique nouvelle, annonça des sanc­ déclara : « Le Groupe de travail tions contre les responsables d'excès » avait déjà développé les raisons pour commis lors de la répression des » lesquelles l'intérêt supérieur de tous émeutes de janvier et conclut en » les habitants du Congo postule déclarant : « Je suis plein d'optimisme » l'unité du pays. Le Gouvernement » quant à l'avenir du Congo. Mais, » a pris position dans ce sens et il » et je l'ai répété deux fois, pour » maintient, sans restriction aucune, » réussir, il faut une amélioration » cette position. » » notable des relations humaines entre Le 11 mars 1959, Maurice Van » Blancs et Noirs ». Hemelrijck fit un voyage-éclair à Le 1er mars 1959, le Conseil de Léopoldville où il fut l'objet de gouvernement à Léopoldville élit le manifestations hostiles organisées par Conseil consultatif auprès du gouver­ le bourgmestre Van Heck. Il ne s'en neur général. C'était la première inquiéta guère, fit libérer Joseph étape dans la réalisation des pro­ Kasa-Vubu, Daniel Kanza et Simon messes du 13 janvier 1959. Cependant, Nzeza qu'il invita à un séjour à l'opposition à la politique nouvelle Bruxelles, puis il prononça en fran­ de la Belgique et, plus encore, à la çais et en néerlandais une longue personne du ministre qui l'incarnait, allocution à Radio Congo Belge. Il y s'organisait en Belgique et en Afrique. fit le bilan des premières réalisations Entre Maurice Van Hemelrijck et son et tenta de rassurer les Blancs : « Je administration, qu'il avait tendance » donne toute ma confiance et tout à bousculer, les rapports demeuraient » mon appui aux Blancs qui com- tendus. Il régnait un climat de conspi­ » prennent les nécessités du Congo ration dont témoigne, en particulier, » d'aujourd'hui et j'ajoute, pour dis- la réunion secrète tenue à Léopold­ » siper toute équivoque, que je sais ville, le 7 mars 1959, et à laquelle » qu'ils sont, à travers le pays, extrê- assistaient des hauts fonctionnaires » mement nombreux. Quant aux au- de rang égal ou supérieur à celui de » tres, aux quelques-uns qui ne veulent directeur général. » pas comprendre l'enjeu humain de » la partie qui se joue ici, je dois Les circonstances ne favorisaient » évidemment les empêcher de com- pas l'établissement d'une confiance » promettre l'avenir du pays ; tous mutuelle ; en effet, l'action judiciaire » les Blancs de bonne volonté doivent ouverte à charge de ΓΑΒΑΚΟ se » être derrière moi pour cela comme poursuivait. Deux solutions étaient » pour le reste. » possibles mais également désagréables pour le ministre. La première con­ Si la libération des leaders de sistait à laisser s'ouvrir un procès ΓΑΒΑΚΟ ne provoqua guère de qui aurait eu pour conséquence iné­ remous à Léopoldville, il n'en fut vitable de jeter le discrédit sur la pas de même à Bruxelles où elle fit Belgique à l'étranger et à l'O.N.U. l'effet d'une bombe. C'est pourquoi le La seconde consistait à couper court conseil des ministres du 16 mars pria au risque d'un procès politique en Maurice Van Hemelrijck de ne faire libérant les prisonniers, ce qui serait aucune déclaration publique à ce aussitôt exploité comme une preuve sujet, avant la séance à la Chambre de la partialité pro-africaine de des Représentants. Ce même jour, en Maurice Van Hemelrijck. Celui-ci l'hôtel de l'avenue de l'Yser où ils opta pour la seconde solution qu'il étaient logés, Joseph Kasa-Vubu et avait, d'ailleurs, envisagée dès ses ses amis rédigeaient une déclaration premiers contacts à Léopoldville. Il sans portée politique et une note com­ prit toutefois la précaution de faire portant un appel au calme adressé savoir qu'il n'entendait pas donner au « peuple congolais » et, surtout, 409 HEMELRIJCK 410 l'acceptation « de discuter en temps la Couronne. Au Congo même, les mi­ » et lieu la mise en application de lieux africains, conscients du manque » la politique nouvelle ». de cohésion des responsables politiques L'engagement était assez mince et et administratifs belges, manifestaient quelque peu ambigu. Interrogé à ce de plus en plus d'impatience. Chez les sujet par les socialistes, lors d'un nationalistes, la tendance à la suren­ débat à la Chambre des Représen­ chère sautait aux yeux. Au congrès de tants, le 18 mars, le ministre du Congo Luluabourg, qui s'était réuni du belge et du Ruanda-Urundi répondit 7 au 12 avril 1959, les représentants que la discussion ne pouvait évidem­ des partis politiques avaient demandé ment se dérouler que « dans la forme l'installation d'un gouvernement pro­ » légalement admise — ou qui sera visoire en janvier 1961, ce gouver­ » légalement admise au Congo — de nement devant déterminer à quelle » la vie des partis politiques ou par la date le Congo accéderait à l'indépen­ » voie des institutions régulières. » dance. Le 23 avril suivant, ΓΑΒΑΚΟ Et pour compenser l'effet de la libé­ revendiquait des gouvernements pro­ ration des trois membres de ΓΑΒΑΚΟ, vinciaux dès janvier 1960 et un gou­ il invita en Belgique quelques notables vernement central en mars 1960. Le congolais, le bourgmestre Van Heck, 7 mai, Patrice Lumumba, président trois chefs du Parti de l'Unité Con­ du M.N.C., se prononçait en faveur golaise et Patrice Lumumba, prési­ d'un gouvernement congolais en 1959, dent du Mouvement National Congo­ prétendument « pour rendre la con­ lais (M.N.C.). fiance aux investisseurs ». C'était Cette délicate affaire terminée, l'escalade. Maurice Van Hemelrijck se trouva Croyant pouvoir reprendre en mains aux prises avec le problème, plus une situation qui se détériorait chaque délicat encore, de la succession du jour davantage, Maurice Van Hemel­ gouverneur général Henri Cornells rijck estima indispensable de se rendre qui, sous le coup des événements de à nouveau au Congo. Mais, dès qu'il janvier 1959, avait demandé au en formula le projet, Le Soir, La Libre ministre de songer à sa succession. Belgique et L'Agéfi mirent en doute Ce remplacement n'eut pas lieu im­ son opportunité, tandis qu'au Congo, médiatement ni point davantage la l'Association des Fonctionnaires et confirmation des fonctions de Henri Agents de la Colonie (AFAC) annon­ Cornells, ce qui était profondément çait une « campagne de réprobation malsain. Ce ne fut que le 13 avril publique ». 1959, que Raymond Scheyven, an­ Le ministre n'en débarqua pas cien ministre, accepta d'être proposé moins à Léopoldville, le 5 juin 1959. comme gouverneur général. Le conseil Il ne tarda pas à constater la coordina­ des ministres marqua son accord tion des oppositions à sa politique. mais, le 14 avril, le Premier Ministre Il la mesura, une première fois, par se rendit au Palais royal et, dès son l'exploitation immédiate en Belgique retour, convoqua d'urgence les mem­ d'une photo malencontreuse — elle bres du gouvernement qui prirent une le montrait derrière le porteur d'une décision inattendue : Henri Cornells pancarte où l'on pouvait lire « Vive n'ayant pas démissionné, il restait en le roi Kasa », le mot « Baudouin » fonction. Nul ne sortait indemne de ayant été barré — mise en scène et ces incidents. Pour le ministre c'était prise à Thysville, le 7 juin. Il la me­ un échec, presque un désaveu ; pour sura, une seconde fois, à Bukavu le gouverneur général une victoire dont les manifestations d'hostilité de trop tardive pour rétablir pleinement colons blancs, agrémentées du jet son autorité. Sans compter que le de tomates, furent connues à Bru­ déroulement des faits et gestes de xelles avant même d'avoir eu lieu. chacun avait pratiquement découvert A Luluabourg, Maurice Van Hemel- 411 HEMBLRIJCK 412 rijck reçut du gouvernement l'ordre Au cours des conseils des ministres de lancer un appel à la fermeté. des 26 et 28 août, Maurice Van Hemel- Assez impulsif de caractère, il voulut rijck fit rapport sur la situation au démissionner sur-le-champ mais se Congo et sur la teneur des documents rangea finalement à l'avis de ceux Schöller-Stenmans. D'après lui, le d'entre ses collaborateurs qui in­ manque de franchise avec lequel sistaient sur l'ampleur des désordres avait été appliquée la déclaration que cette décision aurait immanqua­ gouvernementale du 13 janvier 1959 blement provoqués. Le 22 juin 1959, avait suscité la méfiance chez les à Léopoldville, au déjeuner de l'Asso­ Congolais et fait perdre un temps ciation de la Presse, le ministre précieux. Une déclaration complé­ prononça donc son « discours de la mentaire devait être faite sans tar­ fermeté » qu'il devait considérer, jus­ der ; il fallait absolument associer les qu'à la fin de sa vie, comme la grande Congolais à son élaboration et éviter erreur de sa carrière ministérielle. ainsi l'erreur commise lors de la forma­ Il y condamna les « improvisations tion du « Groupe de travail » où ne dangereuses », regretta la surenchère figurait aucun Africain. Comme le à laquelle se livraient certains chefs demandaient André Schöller et Alain de parti congolais et mit l'accent Stenmans, on ne pouvait plus garder sur la nécessité du respect de l'autorité le silence sur les assemblées législa­ pour réaliser dans sa totalité la tives et, par surcroît, il fallait en politique nouvelle. préciser la compétence qui devait Ces propos, quasi dictés par le être réelle. On ne pouvait davantage gouvernement de Bruxelles, étaient laisser dans le vague la date de la de nature à calmer quelque peu les formation par le Roi d'un gouverne­ esprits des Européens mais ils de­ ment provisoire. vaient nécessairement mécontenter Maurice Van Hemelrijck ne par­ les Africains engagés dans l'action vint pas à faire l'unanimité sur la politique et peu sensibles aux nuances politique qu'il préconisait. Il se heur­ de langage. Dès lors, leur auteur tait aux mêmes oppositions que lors perdait le seul maître-atout qu'il de la rédaction de la déclaration possédait encore : la confiance des gouvernementale. Aucune décision ne leaders noirs. Il se trouverait donc tomba cependant et un nouveau démuni de tout appui en cas d'affron­ conseil des ministres fut convoqué tement nouveau. pour le 2 septembre. Mais, le 29 août, Celui-ci se produisit, deux mois le comte Harold d'Aspremont Lynden, plus tard, lorsque Maurice Van Hemel- chef de cabinet adjoint du Premier rijck fit siennes les conclusions d'un Ministre, fut envoyé à Léopoldville, rapport que lui avait adressé, le afin d'y contrôler les informations 14 août 1959, André Schöller qui et interprétations données par Mau­ faisait fonction de gouverneur géné­ rice Van Hemelrijck. Celui-ci n'avait ral et croyait urgent de compléter, pas été prévenu de cette mission ; voire de remettre en cause certains quand il l'apprit, il y vit une preuve aspects de la déclaration gouverne­ nouvelle de méfiance à son égard et mentale du 13 janvier 1959. fit immédiatement part à Gaston Dans un rapport daté du 22 août Eyskens de sa décision irrévocable de 1959 et approuvé par André Schöller, lui demander de présenter sa démis­ Alain Stenmans, secrétaire de gouver­ sion au Roi. Il laissa toutefois au nement, affirma que l'acceptation du Premier Ministre le temps de trouver caractère fédéral du futur Etat un successeur avant de rendre pu­ congolais s'imposait comme aussi blique cette démission qui fut finale­ l'adoption d'un calendrier accéléré de ment datée du 2 septembre et faisait mise en place des assemblées et du notamment état de la confirmation gouvernement. du rapport Schöller par le comte 413 HENRY 414

Harold d'Aspremont Lynden, retour P. Vandewalle et J. Brassine, Les rapports de Léopoldville. Le lendemain, Au- secrets de la sûreté congolaise, t. Ier, jan- guste De Schryver était nommé par le vier 1959 à octobre 1959, Bruxelles, 1973. Roi ministre du Congo belge et du Ruanda-Urundi. HENRY (Louis), chimiste, profes- Bien que profondément meurtri par seur à l'Université catholique de les événements, Maurice Van Hemel- Louvain, né à Marche-en-Famenne le rijck vit s'ouvrir d'autres champs 26 décembre 1834, décédé à Louvain d'action, en plus de ses responsabilités le 9 mars 1913. politiques. Le Boerenbond le porta à Louis Henry était le fils d'Albert- sa présidence en 1961. A toutes ses Joseph Henry, receveur des contri- tâches, il se donna tout entier, avec butions, et de dame Marie-Joseph- passion, comme tout ce qu'il faisait et Antoinette Dagneux. en dépit des avertissements de ses mé- Il s'inscrivit en octobre 1851 à decins. « Si, pour continuer à vivre, l'Université de Louvain, en qualité » je dois rester dans un fauteuil, je d'élève universitaire, après avoir ter- » préfère mourir », confiait-il à ses miné de solides études d'humanités amis. C'est en pleine action, quelques au Petit Séminaire de Bonne-Espé- jours après avoir été nommé à la rance (Hainaut). Il réussit avec dis- présidence de la Confédération eu- tinction, le 6 avril 1852, l'épreuve ropéenne de l'Agriculture, qu'une préparatoire et l'année suivante, le crise cardiaque le terrassa le 8 octo- 13 août 1853, il décrochait le grade bre 1964. de candidat en sciences naturelles, Georges-H. Dumont. avec la plus grande distinction en tète d'une promotion de 23 récipien- Archives privées de Maurice Van Hemel- rijck : I. Dossiers relatifs au Pacte sco- daires. Enfin, le 25 août 1855, Henry laire, II. Dossiers relatifs au ministère du se voyait conférer le titre de docteur Congo belge et du Ruanda-Urundi. en sciences naturelles également avec B. Houben et P. Ingham, Le pacte la plus grande distinction. scolaire et son application, 2e éd., Bru- Ces deux examens avaient été xelles, 1962. — J. SIeynaud, J. Ladrière subis, suivant la législation en vigueur, et P. Perin (sous la direction de), La devant le jury combiné Liège-Louvain. décision politique en Belgique, Paris, 1965. Un des membres de ce jury, Laurent — J. Leclercq-Paulissen, « Essai d'inter- prétation du problème scolaire en Belgi- De Koninck, professeur de chimie que », dans Structures et régimes de l'en- organique à l'Université de Liège, seignement dans divers pays, Bruxelles, avait été frappé, écrira-t-il « des 1964 {Bibliothèque de l'Institut belge de » capacités peu ordinaires dont il Science politique). — Annales parlemen- » [Henry] fit preuve dans ces deux taires, 1958-1959, Chambre et Sénat. — » occasions ; la lucidité et la méthode C.R.I.S.P., Congo 1959. Documents belges » avec lesquelles il répondit à toutes et africains, Bruxelles, 1960. — P. Bou- vier, L'accession du Congo belge à l'indé- » les questions lui valurent non seule- pendance, Bruxelles, 1965 (Institut de n ment le plus haut grade qui put Sociologie U.L.B.). — E. Janssens, J'étais » lui être conféré, mais encore une le général Janssens, Bruxelles, 1961. — » recommandation spéciale pour l'ob- J. Marres et P. De Vos, L'équinoxe de » tention de la bourse de voyage. » janvier, Bruxelles, 1959. — P. De Vos De Koninck avait aussi reconnu (publié par), La décolonisation. Les événe- et apprécié la prédilection du jeune ments du Congo de 1959 à 1967, Bruxelles, 1975 (Les grands dossiers de la R.T.B.). docteur pour la chimie. Mais un enseignement, dont les — L. Pétillon, Témoignages et réflexions, Bruxelles, 1967. — J. Stengers, « Notre exercices pratiques étaient inexis- nouvelle politique congolaise », dans Le tants dans nos universités à cette Flambeau, 42e année, septembre-octobre époque, formait des chimistes igno- 1959, p. 452-476. — J. Van Bilsen, L'in- rants des réalités expérimentales de dépendance du Congo, Tournai, 1962. •— leur science ; cette lacune De Koninck 415 HENRY 416 voulait la voir combler ; il invita, donc, » encore qu'à l'entrée de cet immense Henry à faire un séjour dans son » monument chimique, élevé avec laboratoire privé. Lorsqu'il jugea son » l'ensemble de nos radicaux, nous nouvel élève suffisamment entraîné » sommes déjà frappés de la multipli- aux manipulations chimiques, il veilla « cité des faits que nous connais- à le faire accepter dans le célèbre » sons, que sera-ce alors que nous en laboratoire de Liebig à Giessen, où » aurons parcouru tous les étages et le professeur Heinrich Will venait »toutes les allées? La pensée d'une de succéder à cet illustre maître. » telle variété et la vue d'une telle Avant son départ pour l'Allemagne, » richesse de faits effrayeraient l'in- Louis Henry avait envoyé son premier » telligence qui aurait pris pour tâche mémoire à l'Académie Royale de » d'en acquérir la notion, si elle Belgique (5 avril 1857). Intitulé » n'avait à son usage le principe de Considérations sur quelques classes de » l'homologie avec l'idée de la série, composés organiques et sur les radi­ » qui, comme un fil d'Ariane s'étendant caux en général, c'est un travail » dans le labyrinthe sans issue, le d'érudition et de réflexion (Mémoires » lui fera parcourir sans écart et sans couronnés et autres mémoire·*, Col­ » peine. » lection in-8°, t. VIII, 1859, 42 pages, Dans la quatrième et dernière 3 figures, 1 tableau). L'auteur s'y partie, enfin, Henry aborde l'exposé consacre, dans les deux premières de sa théorie de l'emboîtement des parties, à établir les liens de parenté radicaux organiques qu'il formule de qui rattachent mutuellement les aci­ la manière suivante : « Tout radical des organiques, et qui permettent de » peut être regardé comme le résultat les classer en trois séries : aromatique, » successif de l'emboîtement les uns grasse et oléique ; avec comme con­ » dans les autres et autour d'un même clusion que α l'acide formique, qui » noyau, d'une suite de radicaux de » domine la série des acides gras, » plus en plus simples que l'on peut » domine également les séries aro- » faire apparaître en les dépouillant, » matique et oléique qui en dérivent » dans des circonstances variables, » ... et nous apparaît tout au sommet » de leurs enveloppes de complica- » du vaste système dont il est le gé- » tion. » » nérateur premier. » Dans ce premier ouvrage, Henry Dans la troisième partie, Henry avait donc traité, d'une manière bril­ examine les relations existant entre lante, les questions fondamentales les hydrocarbures, à différents degrés de la classification et de la structure de saturation, et il dresse un grand des composés organiques. Ces ques­ tableau renfermant les corps connus tions allaient rester pour lui, tout au et inconnus ; il y ajoute le commentaire long de sa carrière de chercheur, des suivant : « un examen même som- sujets de prédilection. Mais ces idées, » maire du tableau que nous avons exprimées à un moment où la théorie » construit peut nous mettre au cou- générale de la structure des composés » rant de la situation générale dans organiques était encore en gestation, » laquelle se trouve actuellement la ne furent pas du goût de l'Académie. » chimie organique. Nous y voyons, Les commissaires Stas, Martens et » en effet, que tous les composés De Koninck, chargés de l'examen du » connus viennent se grouper autour mémoire, retardèrent pendant près » des deux séries grasse et aromati- d'un an le dépôt de leur rapport. Ils » que, ou des séries contiguës. Les y déclaraient accepter la publication, » explorations n'ont guère porté jus- mais ils exprimaient de nettes ré­ » qu'à présent que sur une portion serves au sujet du contenu ; Stas, en » bien restreinte du vaste domaine particulier, condamnait la théorie » de la chimie du carbone. Si, dès de l'emboîtement des radicaux sur » maintenant que nous ne sommes un ton peremptoire : « Pour tout 417 HENRY 418

» homme qui a mûrement réfléchi à la et Revue Belge et Etrangère (t. XI, » signification des faits acquis, l'im- 1861, p. 261-270) sous le titre général » possibilité de pénétrer l'arrange- La chimie de nos jours. Evoquant un » ment des molécules des corps est jour le sentiment qui transparaît » positivement établie. » dans ces premiers écrits, le géologue Le séjour postdoctoral de Henry de la Vallée-Poussin disait à Henry (avril 1857 - juin 1858) fut particu­ « Vous vous exprimiez parfois à propos lièrement utile et fructueux ; c'est » de la Chimie sur le ton d'un jeune à Giessen, en effet, qu'il reçut sa véri­ » homme parlant de sa fiancée. » table formation pratique, notamment A la mort du professeur Martin par un entraînement intensif dans Martens (1797-1863), qui avait en­ l'analyse des composés organiques seigné la chimie et la botanique par combustion ; c'est là qu'il se depuis 1834, Henry se vit confier la familiarisa avec la méthode scienti­ chaire de chimie générale. Dès 1867, il fique, étant en contact avec un fit paraître son traité de chimie sous maître et ses élèves, collaborant à le titre Précis de Chimie Générale la même recherche chimique. Le élémentaire (Louvain, Ch. Peeters), professeur H. Will s'est exprimé de en trois volumes dont le dernier est façon louangeuse à propos de son consacré à la chimie organique, et disciple belge. est entièrement basé sur la théorie de Après trois semestres, passés dans la structure. le grand-duché de Hesse-Darmstadt, Pour Henry la chimie organique Henry rentrait à Louvain avec le est la chimie du Carbone dont le manuscrit d'une seconde publication but est la découverte de la constitu­ où il décrivait les résultats originaux tion de ces corps ainsi que l'étude des de l'analyse et des propriétés d'une propriétés qui en découlent et de dizaine de sels berbérine, fruit de leurs relations réciproques. L'auteur ses recherches à Giessen. Adressé à du Précis adopte la classification des l'Académie (5 mars 1859), le travail matières en deux grandes séries sur la fut reçu avec faveur par ces mêmes base d'une différence fondamentale commissaires, qui avaient été si de leur structure : corps gras et sévères à l'égard du mémoire précé­ composés aromatiques. Il fait usage dent ; pour marquer leur satisfaction, des formules de structure et notam­ ils en autorisèrent immédiatement la ment de la formule d'Auguste Kekulé publication dans les Bulletins de (1829-1896) ; cette formule était alors- l'Académie (28e année, 2e série, t. VII, toute récente puisque son auteur 1859, p. 579-610). l'avait proposée en 1865. Peu après son retour d'Allemagne, Les premières recherches expéri­ en octobre 1858, Louis Henry fut mentales personnelles datent égale­ attaché à la Faculté des Sciences de ment de cette période. Henry publia, l'Université de Louvain et chargé de notamment dans les Annales de- donner le cours de minéralogie et de Chimie et de Physique à Paris (4* géologie. Il mit à profit ses loisirs série, t. XX, p. 341-350), un article- pour visiter quelques universités hol­ sur l'isomérie des composés glycé- landaises ; il se rendit également riques (1870) ; il y démontre l'identité- plusieurs fois à Paris (1862) pour parfaite existant entre la « tribromhy- suivre les cours de deux chimistes drine glycérique » de Berthelot et le parmi les plus éminents, Adolphe « tribromure d'allyle » de Wurtz, que Wurtz (1817-1884) et Marcellin Ber- ces chimistes considéraient comme thelot (1827-1907), qui devinrent plus différents l'une de l'autre. tard ses correspondants privilégiés. Le programme des études de docto­ De cette époque date aussi une rat en sciences avait été négligé· série de publications, parue dans jusqu'alors. La législation en vigueur La Belgique (t. IX, 1860, p. 400-419) en Belgique ne prévoyait pas de- BlOGR. NAT. — t. XLI. 14 419 HENRY 420 dissertation inaugurale et l'examen ment mises en pratique. Dès lors, final n'était même pas spécialisé : Louis Henry prêchant d'exemple ap­ on ne demandait au récipiendaire que parut comme le champion de la re­ de faire preuve d'érudition, aussi cherche scientifique à l'Université de bien en géologie qu'en chimie, en Louvain. physique qu'en biologie ; en outre, le En juillet 1875, deux assistants programme, tant en candidature qu'en de Henry, l'ingénieur Urbain Waregg- doctorat ne comportait pas de tra­ Massalski et le pharmacien Gustave vaux pratiques. Bruylants (1850-1925), présentaient Cette situation, hautement préjudi­ leur thèse de doctorat devant la ciable au développement de la vie faculté des Sciences. La première scientifique dans notre pays, résultait, était intitulée Recherches sur les d'après Adolphe Quetelet, de ce acides chlorobromo-propioniques, tan­ que « depuis 1830, on n'avait cessé dis que la seconde portait le titre » de retoucher l'édifice de l'enseigne- Recherches sur les hydrocarbures de » ment avec d'excellentes intentions formule générale CnH2n-2 II s'agis­ » sans doute, mais avec des résultats sait de travaux expérimentaux, réa­ » constamment problématiques. » Le lisés dans le laboratoire privé de législateur avait commencé par sup­ Henry, et s'inscrivant dans la ligne primer, dès 1835, l'obligation de la des recherches du maître. C'était un présentation d'une dissertation origi­ événement historique d'importance ; nale, fruit d'un travail personnel de pour la première fois en Belgique, recherche scientifique, pour l'obten­ en effet, deux chimistes obtenaient tion du grade de docteur dans les di­ le grade de docteur ayant soutenu verses disciplines : droit, lettres, méde­ une thèse originale et expérimentale. cine et sciences ; les universités belges Les publications de Henry sont s'étaient ainsi trouvées, contrairement nombreuses (400 environ) et s'éche­ à la plupart de leurs consœurs eu­ lonnent sur une cinquantaine d'années. ropéennes, rétrogradées au rang d'éco­ Elles ont paru dans les périodiques les supérieures de carrières libérales ; belges, français, allemands et hol­ leur rôle ne consistait plus à former landais ; l'une d'entre elles a été que des praticiens ou des érudits et traduite en anglais. non des hommes de sciences. Louis Henry a contribué à enrichir Au temps de ses études, Henry la science de nombreux composés du avait déjà ressenti la gravité des carbone obtenus par synthèse ; il a lacunes de notre enseignement uni­ en effet préparé, seul ou avec ses versitaire et son séjour à Giessen assistants et ses élèves, une foule lui avait inspiré le vif désir d'entre­ d'hydrocarbures, d'alcools, de dérivés prendre une action de réforme. Dans halogènes et nitrés ainsi que des ce but, il suscita une commission au nitriles, appartenant surtout à la sein de son université ; dans le rapport série aliphatique. En 1873 déjà, il qu'il établit au nom de celle-ci (1869), avait envoyé à l'Exposition Univer­ il proposait entre autres l'organisation selle de Vienne une collection de des exercices pratiques dans les di­ produits organiques synthétisés dans verses branches enseignées, ainsi que son laboratoire ; ce qui lui avait valu l'obligation de la dissertation docto­ une médaille d'or. Un des corps les rale, fruit d'une recherche élaborée plus curieux obtenu à Louvain à cette sous la direction d'un maître pour époque, était le dipropargyle, isomère l'obtention d'un grade de docteur en diacétylénique du benzène (C„He), sciences dont Kekulé avait tenu à avoir un Ces propositions, qui devançaient échantillon, et dont Berthelot me­ de plusieurs lustres les obligations sura la chaleur de combustion. Henry, légales, furent approuvées par l'au­ réputé pour ses synthèses nombreuses torité académique et progressive­ et originales, était à l'affût des in- 421 HENRY 422 novations dans ce domaine ; il fut li vant a constaté, en particulier, que ainsi le premier, hors de France, à » l'accumulation de radicaux négatifs, correspondre avec Victor Grignard » en première ligne de l'oxygène, en (1872-1935), dès que celui-ci eut » un endroit de la molécule d'une annoncé la découverte, à Lyon, des » combinaison organique produit une organomagnésiens mixtes, en 1900. » forte augmentation de la fluidité du En fait, on se tromperait en croyant » composé, que cet effet est le plus qu'il ne faisait de la synthèse que » grand lorsque les radicaux négatifs pour la synthèse. Le but poursuivi » substitués sont fixés à un seul et était plutôt d'appeler à l'existence des » même atome de carbone et qu'il est corps inconnus, formant des séries » encore sensible lorsqu'ils sont fixés de substitution, pour lesquelles il » à deux atomes de carbone unis étudiait les propriétés physiques et » directement entre eux. » chimiques ; son esprit généralisateur La loi de volatilité de Henry se saisissait ensuite des résultats pour acquiert sa pleine signification thermo­ dégager des règles et des lois. C'est dynamique grâce à la règle de Trou- ainsi qu'est né le concept de solida­ ton ; celle-ci enseigne que le rapport rité fonctionnelle, qui s'exprime de la de l'énergie libre d'évaporation (ΔΗ» manière suivante : « Les molécules en kcalm ) à la température d'ébu- » carbonées comme d'ailleurs les lition en degrés absolus (Te °K) — » molécules composées en général, c'est-à-dire l'entropie d'évaporation » mais d'une manière plus apparente, ASe — est une constante, égale à » sont de véritables organismes. Les 21 kcalm degré-1. Il s'ensuit qu'il » diverses parties sont solidaires les existe une relation fondamentale entre- » unes des autres au point de vue la structure moléculaire d'un liquide » fonctionnement. Cette relation d'in- et son énergie libre d'évaporation. » fluence constitue un des problèmes Préoccupé de l'influence exercée par » les plus importants de la chimie le chaînon nitrile — et d'une façon » intramoléculaire. » Deux critères ex­ générale par un substituant quel­ périmentaux ont été utilisés systéma­ conque — sur les propriétés chimiques tiquement pour étudier la solidarité de la fonction alcool, ayant réalisé fonctionnelle : la volatilité d'une part, lui-même un grand nombre d'obser­ mesurée par la température d'ébulli- vations à cet égard, Louis Henry tion à laquelle elle est inversement souhaitait vivement établir le con­ proportionnelle, et d'autre part l'apti­ cept de solidarité fonctionnelle au tude réactionnelle déterminée par une point de vue chimique sur des bases ou plusieurs propriétés chimiques. quantitatives. A sa demande, Men- On savait depuis longtemps que la schutkin à Saint-Pétersbourg accepta volatilité diminue en fonction du d'opérer sur une trentaine d'échantil­ poids moléculaire, exception faite lons d'alcools préparés à Louvain. pour les liquides associés, et que par Les résultats cinétiques obtenus en conséquent une substitution d'un déterminant la vitesse d'estéri fica- atome d'hydrogène par un atome ou tion de ces alcools par l'anhydride- un groupe différent provoque une acétique sont consignés dans un élévation de la température d'ébul- remarquable mémoire que le physico­ lition. En fait, cette règle tombe en chimiste russe adressa à l'Académie- défaut dans le cas de la polysubstitu- royale de Belgique en 1891. Il était tion par des atomes ou des groupes acquis, dès lors, grâce à des mesures négatifs. des plus précises pour l'époque, que D'après W. Nernst dans son traité la vitesse d'estérification de l'alcool de chimie générale « on doit à Louis méthylique étant prise comme ré­ » Henry des travaux approfondis et férence « le remplacement dans celui- » précieux sur l'effet de la substitu- » ci de l'hydrogène du méthyle -CH3 » tion de radicaux négatifs ; ce sa­ » par des éléments ou groupements. 423 HENRY 424

» étrangers, radicaux simples, radi­ » cerons maintenant le radical Β par li eaux hydrocarbonés, comme tels, » de l'hydrogène, de sorte que nous » ou eux-mêmes substitués, détermine » aurons CHiAHmHrc Si les valen- » invariablement une dépression dans » ces I et II sont différentes, il doit » l'intensité du caractère alcool et » en être de même des propriétés de » par conséquent, une diminution dans » CAHuHmHïv et de CHiAHmHiv ; » la vitesse d'estérifleation. » » continuant ainsi, on peut étudier L'identité des quatre valences de » les autres valences du carbone. l'atome de carbone, ou des quatre » Henry a de cette façon préparé unités d'action comme on disait alors, » successivement tous les quatre ni- était regardée comme un fait évident, » trométhanes, mais il est toujours et par conséquent comme un des prin­ » arrivé au même corps. » cipes fondamentaux de la chimie Il faut aussi mentionner une syn­ organique. On admettait qu'il en thèse totale de la glycérine, aux dé­ était bien ainsi parce que les dérivés pens du nitrométhane et de l'aldéhyde monosubstitués du méthane, CH3X, formique, d'après une réaction origi­ n'existaient que sous une seule va­ nale. La glycérine étant le constituant riété ; mais ce principe n'avait jamais des graisses et des huiles animales fait l'objet d'une véritable démonstra­ et végétales du type glycérides, sa tion expérimentale. Henry proposa synthèse présentait aux yeux des d'apporter une preuve chimique de chimistes contemporains une grande cette identité. importance philosophique du point « La question du nombre des pro­ de vue de la théorie du vitalisme. li duits monosubstitués, nous dit D'après cette théorie, la force vitale était considérée, jusqu'au milieu du » W. Nernst dans l'ouvrage déjà cité, e » a été attaquée systématiquement xix siècle, comme l'agent respon­ » par L. Henry ; en raison de son sable des réactions au sein du règne » importance exceptionnelle pour la vivant. Réussir une synthèse totale » base de la stéréochimie, nous indi­ au laboratoire c'était donc apporter li querons brièvement la voie suivie une preuve à l'appui des antivitalistes. » par ce chercheur. Admettons que La carrière scientifique de Henry, » les quatre valences du carbone soient et particulièrement ses travaux expé­ » différentes, et que la formule du mé- rimentaux, a souvent été contrariée » thane doive s'écrire CHiHnHniHiv, par des difficultés d'ordre matériel. » où les indices en chiffres romains Il faut donc en jugeant ses mérites » des atomes d'hydrogène expriment tenir compte aussi de ce qu'il a œuvré, » que ces atomes sont liés au carbone dans un climat et à une époque où » de plusieurs façons différentes ; alors le public, du moins chez nous, était » il devrait y avoir quatre produits indifférent à la recherche scientifique. » monosubstitués différents, suivant Louis Henry connut cependant la » l'atome d'hydrogène qui est rem- satisfaction d'être compris et admiré » placé. Faisons agir le radical univa- à la fin de sa carrière. » lent A, qui va prendre la place de Hi, En 1899, il reçut le Prix Décennal de » de sorte que la combinaison résul- Chimie et de Physique ; ce prix, » tante soit CAHnHinHiv Rempla- institué par le Gouvernement belge, » çons maintenant le radical A par était attribué pour la première fois ; » un autre radical B, aussi univalent, il venait couronner une œuvre consi­ » c'est-à-dire préparons la combinai- dérable consacrée en ordre principal » son CBHnHnrHiv et introduisons à la Chimie Organique. La réputation » de nouveau dans celle-ci le radical A, de Henry, reconnue par l'Académie « qui devra prendre la place d'un royale de Belgique dont il était cor­ » autre atome d'hydrogène, soit respondant, depuis le 15 décembre » celle de Hii, ce qui nous donnera 1865, et membre depuis le 15 décem­ » CBAHmHiy Enfin nous rempla- bre 1886, fut confirmée, au plan inter- 425 HENRY 426 national, par son élection à l'Institut En 1909, dans le cadre des mani­ de France et aux Académies du Dane­ festations du 75e anniversaire de mark, du Portugal et de la Roumanie. l'Université catholique, une cérémo­ Au mois de mai 1900, au cours d'une nie intime se déroula à l'occasion du manifestation en son honneur à la­ cinquantenaire professoral de Henry. quelle s'associèrent l'Académie royale Un bref pontifical donné par sa de Belgique, les autorités universi­ sainteté Pie X créait le jubilaire taires, ses collègues belges et étran­ Grand Croix de l'ordre de Saint gers, ses amis ainsi que ses élèves, Sylvestre : distinction prestigieuse qui son buste en bronze lui fut offert, venait s'ajouter aux plaques de grand accompagné de la médaille, œuvres officier de l'ordre de Leopold et de la de Franz Vermeylen, le sculpteur Couronne de Roumanie ainsi qu'à la louvaniste. cravate de commandeur de la Légion Durant les dernières années de son d'honneur. activité Henry a pu voir réaliser son Peu après le savant fut frappé de plan d'étude de 1869. Deux améliora­ paralysie ; la plus jeune de ses filles tions décisives dans l'enseignement devait lui prodiguer jusqu'à la fin, universitaire de la chimie intervinrent, tous les soins de la piété filiale. Dans en effet, à la suite de la loi de 1890. une de ses lettres, Henry écrivait à D'une part, la dissertation origi­ celle-ci au début de sa maladie « Prie, nale, préparée sous la direction d'un » afin que je puisse encore être de quel­ promoteur, était exigée pour l'obten­ li qu'utilité à l'Université dont je suis tion du titre de docteur. »le fils reconnaissant; à qui j'ai D'autre part, la chimie physique » voué toute ma vie et que je voudrais devait faire l'objet d'un enseigne­ » servir jusqu'au bout ; à ma chère ment distinct. » université, et par conséquent à la Désormais, l'enseignement chimique » religion pour la plus grande gloire acquérait son aspect moderne avec » de Dieu ... » ses trois grandes orientations : chi­ C'est dans sa belle demeure de la mie générale — subdivisée en chimie rue du Manège « qu'il rendit le dernier minérale et chimie organique — ; » soupir, le 9 mars 1913, laissant à chimie analytique — qui avait déjà » ceux qui l'ont connu le souvenir été incorporée précédemment — ; et » d'une grande âme et à son pays la chimie physique, alors en plein » le plus bel exemple d'une vie con- développement. » sacrée au culte de la science. » Un Au cours des dix années suivantes, culte de la science que sa foi ne devait dernière période d'activité scienti­ pas affadir. « Fide et Scientia, disait-il, fique de Louis Henry, des candidats » j'ai toujours été frappé de cette docteurs plus nombreux que par le » devise et l'idéal de ma vie a été de passé fréquentaient le laboratoire de » m'y conformer dans la mesure de chimie de l'Université de Louvain. » mes forces. » Paul Henry qui était titulaire du Albert Bruylantâ. cours de chimie physique en doctorat et qui avait repris comme suppléant Iconographie : portrait gravé, mars de son père l'enseignement de la 1866, d'après nature par Louis Tuerlinckx ; chimie générale en candidature, en Simonau et Toovey, imprimeurs à Bru­ xelles. assurait la direction conjointement Buste en bronze et médaille en bronze, avec Louis Henry. L'exécution ma­ œuvres de Franz Vermeylen, Louvain, térielle des recherches reposait en 1900. grande partie sur l'habile et zélé Archives du Laboratoire de chimie préparateur, Auguste De Wael, ainsi générale et organique, dossiers Henry, que sur Philippe Delmot fidèle et à Louvain-la-Neuve. dévoué serviteur de Henry pendant M. Delacre, « Notice sur Louis Henry, quarante ans. membre de l'Académie », dans Annuaire 427 HENRY 42» de l'Académie royale des Sciences, des » s'étendit au-delà des frontières et Lettres et des Beaux-Arts de Belgique, » de nombreux jeunes gens de na- 1914, p. 311-409. — L. Henry, i Organi- » tionalité étrangère vinrent y faire- sation générale des études et des examens en sciences à l'Université catholique de » leurs études. De 1867 à 1892, Louvain ; Rapport présenté à la Faculté » quatorze cents élèves de ce collège des Sciences », dans Revue catholique, nou- » ont obtenu des grades académiques- velle série, t. IV, 1870, p. 489-492. — » devant les différents jurys d'exa- Souvenir de la célébration du cinquantenaire » mens. Plusieurs d'entre eux sont professoral de M. Louis Henry, Louvain, » professeurs aux universités de Lou- éd. Uystpruyst, 1909. — L. Henry, Quel- » vain, de Gand et de Liège. » ques souvenirs personnels de mes relations avec Berthelot, Bruxelles, Hayez, 1907. — En octobre 1885, Paul Henry A. Bruylants, i Coup d'œil sur la chimie s'inscrit en première candidature en à Louvain au XIXe siècle •, dans Scrinium sciences naturelles. Cette année-là,. Lovaniense, Gembloux, Duculot, 1961, Monseigneur Piérarts, recteur ma- p. 500-513 (Mélanges historiques, Etienne gnifique, est à la tête d'une univer- Van Cauwenbergh. Université catholique sité qui compte quelque cent pro- de Louvain. Recueil de Travaux d'Histoire fesseurs et 1.700 étudiants environ. et de Philologie, 4° série, fasc. 24). — On s'apprête à fêter le cinquantième- P. Bruylants, « Notice sur la vie et les anniversaire de l'installation à Lou- travaux du professeur Paul Henry », dans Annuaire de l'Université catholique de vain de l'Université catholique. L'in- Louvain, 1915-1919, p. 426-435. —A. Bruy- stitution est en pleine expansion lants, • Le concept de solidarité fonction- scientifique ; le rapport rectoral a nelle (L. Henry, 1880) et ses apports actuels souligné, entre autres, le fait que sur à la chimie et à la biologie », dans Bulletin les douze bourses de voyage octroyées de l'Académie royale de Belgique, Classe e par le gouvernement, au cours de- des Sciences, 5 série, t. LXII, 1976, l'année académique précédente, sept p. 866-882. — A. Bruylants, « Un quimico ont été attribuées à de jeunes di- organico del siglo XIX : Louis Henry (1834-1913) » et i El concepto de solida- plômés de Louvain. On relève parmi ridad funcional intermolecular, desde el eux Gustave Gilson, docteur en scien- punto de vista de la quimica organica ces naturelles, un des élèves de la flsica », Secretariado de publicaciones - brillante école de biologie de Jean- Universidad de Valladolid, Ed. Colegio Baptiste Carnoy. Universitario de Alava (Vitoria), 1977, VI, 455, 7-31. Au nombre des condisciples de- Paul Henry, en première année de- sciences, mentionnons Charles de la HENRY (Paul-Marie-Joseph-Mi- Vallée Poussin, qui deviendra l'un chel), fils du précédent, physico- des plus illustres mathématiciens de- chimiste, professeur à l'Université son temps. catholique de Louvain, né à Louvain L'année est marquée par un événe- le 29 septembre 1866, décédé à ment peu banal : Eugène-Marie Oxford (Grande-Bretagne) le 1er jan- Chevreul (1786-1889), membre de- vier 1917. l'Institut de France, fête le centenaire Il fit ses humanités gréco-latines de sa naissance ; à cette occasion le dans sa ville natale au Collège de recteur Piérarts, se joignant à l'Eu- la Sainte-Trinité. Cet établissement, rope savante, lui fait parvenir une- comportant en outre une école profes- adresse de félicitations évoquant sa. sionnelle et une section scientifique, brillante carrière de chimiste. était dirigé depuis 1843 comme il En juillet 1886, Paul Henry réussit,, l'est encore aujourd'hui, par les avec la plus grande distinction, la. RR. PP. joséphites, et il était con- première épreuve de candidat en sidéré comme un des plus importants sciences naturelles. Ayant ainsi es- centres d'éducation du pays. D'après sayé ses forces et se jugeant capable,, Van Even, le savant archiviste de la il prend alors la décision d'appro- ville de Louvain, « sa réputation fondir ses connaissances de physique- 429 HENRY 430

et de mathématiques ; il se consacre Entretemps, l'université créait le avec beaucoup de zèle à son projet cours de chimie-physique, pour sa­ pendant les deux années suivantes, et tisfaire aux exigences de la loi du se voit conférer le diplôme de candidat 10 avril 1890. Paul Henry était nommé en sciences physiques et mathéma­ chargé de cours en 1894, comme tiques, avec la plus grande distinction, premier titulaire de cette chaire, et au mois de juillet 1888. devenait professeur extraordinaire en Pourquoi l'étudiant Henry s'est-il 1896. En 1899, il reprit en outre astreint à ces trois années de candi­ l'enseignement de la chimie générale, dature? Probablement parce que, et en 1900 il était promu à l'ordina- conseillé en cela par son père, l'illustre riat. Dans cette chaire illustrée par chimiste, il désirait se spécialiser en son père pendant plus de trente- physico-chimie. On sait qu'à cette cinq ans, il se distingua à son tour époque, sous l'impulsion d'un groupe par la clarté d'un exposé nourri de de savants parmi lesquels figurent physico-chimie, l'habile démonstra­ notamment Arrhenius, de Raoult, tion expérimentale et l'élégance du Gibbs, Van't Hoff, Guldberg et Waage, verbe. les chimistes s'orientent vers cette Un contemporain fait de lui cet nouvelle discipline ; or, la physico­ éloge : « Il parlait avec une correction chimie naissante devait ses succès les » de langue parfaite. Les théories de plus éclatants à une utilisation judi­ » la chimie, si difficiles à saisir et cieuse, dans l'interprétation des ré­ » à suivre par des débutants, étaient sultats expérimentaux, de l'outil ma­ » exposées par lui avec une clarté thématique. » remarquable. Le langage spécial de Paul Henry a donc choisi une » cette science, si étrange pour les orientation d'avant-garde et acquis » non-initiés, devenait intelligible dans la formation de base qui va décider » sa bouche. Il avait non seulement de sa carrière. Il sera parmi les pre­ » l'art d'une exposition précise et miers physico-chimistes dans notre » claire, mais son enseignement était pays. Notons à cet égard, que dans » réellement vivant, car il le docu- le même temps, son contemporain » mentait constamment de démonstra- Frédéric Swartz, futur prix décennal » tions expérimentales qu'il savait de chimie et de physique en 1918, » choisir et réussir avec une habileté mène de front à l'Université de Gand » rare. Ses élèves écoutaient attentifs deux doctorats, l'un en médecine et » et suivaient dociles le dévelop- l'autre en sciences physiques et ma­ » pement de sa pensée, et ils en thématiques. » regardaient captivés la démonstra- Ses années de candidature ter­ » tion matérielle. minées, Paul Henry poursuit la pré­ » Le plus bel hommage que l'on paration d'un doctorat en sciences » puisse faire de la méthode d'en- chimiques. Il en conquiert le diplôme » seignement de Paul Henry, c'est de en 1890, avec la plus grande distinc­ » constater l'attention soutenue et le tion. » respect constant avec lesquels ces Classé premier au concours des » multiples générations d'élèves ont bourses de voyage du Gouvernement, » écouté sa voix. Pour que pas une il peut se rendre en Allemagne l'an­ » fêlure ne se soit produite, pour que, née suivante chez W. Ostwald et » pas une fois, cette jeunesse bruyante préparer une étude cinétique de » ne soit sortie de son calme et de son l'hydrolyse et de la synthèse des » attitude respectueuse, pour qu'au- lactones ; dans ce travail aujourd'hui » cun incident, au cours de cette classique, il apporte des preuves quan­ » longue carrière, ne soit venu la titatives à l'appui de la théorie de la » distraire des considérations sévères dissociation électrolytique, formulée » et arides de la chimie, il faut que en 1886. » Paul Henry, ait joui auprès de ses 431 HENRY 432

» nombreux élèves d'un prestige excep- physiques et de relations que celles-ci » tionnel, qu'il ait su les captiver par pouvaient présenter entre elles, en » la vérité et la hauteur de sa science fonction de leur structure moléculaire. » et par son talent à la développer. Cette voie féconde, ouverte par » Le témoignage de ces milliers d'au- Louis Henry, Paul Henry, professeur » diteurs est la preuve matérielle de et maître à son tour, continua à » son talent. l'explorer avec ses élèves au labora­ » Paul Henry a été un maître toire de recherches dont il assurait » éducateur, un professeur de premier la direction conjointe avec son père. » ordre ». Au moment de la déclaration de Par ailleurs, le chroniqueur estu­ guerre, en août 1914, il quitte avec diantin de L'universitaire catholique en sa famille sa ville natale incendiée trace le portrait suivant : « La et se réfugie en Angleterre, comme de » cigarette toujours à la bouche, nombreux compatriotes. A Oxford, » le sourcil froncé, la rosette à la au milieu des déboires et des chagrins » boutonnière, tel s'avance celui de- de l'exil, il a la consolation de se voir » vant lequel plusieurs générations accueilli par l'illustre chimiste Per- » ont déjà tremblé. kin qui, en hommage à sa réputation » Coiffé le plus souvent d'un melon scientifique, lui ouvre le Chemical » ordinaire, arborant aux grandes Laboratory de l'université. C'est là » occasions une redingote inusitée, que Paul Henry entreprend son » il passe. Du coin de l'œil il observe dernier travail expérimental : les » les alentours. Malheur à Pescholier essais de synthèse du nitrile vinylacé- » qui ne le voit pas ou qui semble tique, qui seront repris plus tard, et » ne point le voir, pour éviter de lui achevés à Louvain par son successeur, » rendre les honneurs dus à son Pierre Bruylants. Suprême consola­ » rang. Il est la crainte des étudiants ; tion I Il est invité à donner cours à » les sourcils du maître les font Montpellier pendant l'année académi­ » trembler. Et pourtant il est bon que 1915-1916 : c'est là qu'il professe » enfant et à l'examen il ne buse le pour la dernière fois. Sa santé déjà » récipiendaire que si celui-ci n'a pu ébranlée, depuis quelques années, » lui exposer que la chaleur de neutra- est définitivement minée. Rentré à » lisation se prouve par : Oxford pour les vacances d'été 1916, il meurt peu après en terre étrangère, » H Cl 200 aq + Κ O H 200 aq = à l'aube du 1er janvier 1917. Heureuse­ » KCl + H O 400 aq + 13,7 cal 2 ment pour sa famille éprouvée, son PM collègue et ami, le professeur Fernand » et que D = Ranwez pourra, en prononçant l'éloge 28,94 traditionnel aux funérailles, faire en­ » Avouez que ce n'est pas bien tendre les voix consolantes de la » difficile pour ceux qui le savent ». patrie lointaine et de l'Université Sur le plan de la recherche scien­ dispersée. tifique, Paul Henry poursuivit, à cette époque, des travaux dans le Dans leur piété filiale, les enfants de domaine de la chimie organique ; Paul Henry ont désiré ardemment que étant encore étudiant, il avait déjà la mémoire de leur père soit honorée publié en 1889 au Bulletin de l'Acadé­ à l'Institut de chimie de l'Université mie Royale des Sciences, des Lettres et de Louvain. C'est en 1951 que le des Beaux-Arts de Belgique (59e année, Révérend Père Henry S.J., au nom de 3e série, t. 18, p. 670-712) une étude ses frères et sœurs — Monsieur le Sur quelques dérivés du filtrile malo- Docteur et Madame Henry, Ma­ nique, de l'éther et de l'amide cyano- dame Bodart, Monsieur et Madame acéliques. Cette étude était consacrée Woitrin — et en son nom, remettait à la synthèse de composés aliphati- une somme de cent mille francs en ques polyfonctionnels, ainsi qu'à la vue d'acquérir une série d'ouvrages détermination de leurs propriétés de chimie-physique, et c'est à cette •433 HONNOREZ — HULLEBROECK 434 occasion que feu le professeur Mund les travaux urgents à faire à l'hôpital formait le projet d'une salle de lecture de Saint-Nicolas à Mons. Entre 1790 Paul Henry, qui serait ornée du buste et 1792, il fut chargé avec Duvivier du maître défunt. De multiples obsta- d'étudier une épidémie qui s'était cles retardèrent, à diverses reprises, déclarée dans un certain nombre de le projet que Monsieur Mund aurait villages du Hainaut. En 1792, avec «u à cœur de réaliser lui-même, si Duvivier, Knapp et Mauroy, il ré- la mort ne l'avait enlevé brusquement, digea un rapport au sujet d'une épidé- et prématurément en août 1956. mie de dysenterie qui sévissait à Finalement, au mois de mars 1961, Mons. Honnorez est l'auteur de deux au cours de l'assemblée générale des ouvrages : De Morbis chronicis, paru Chemici Lovanienses, l'Association des à Louvain en 1764 et Avis sur l'usage docteurs et licenciés en sciences chi- des poêles à houille (à l'hôpital de miques de l'U.CL., en présence de Saint-Nicolas), paru à Mons en 1801. Monseigneur Van Waeyenbergh, rec- Eobert Wellens. teur magnifique, eut lieu une séance d'hommage au professeur Paul Henry. Archives de la Ville de Mons. — A. La- Le buste posthume, sculpté aux croix, Notice chronologique et analytique Etats-Unis par Mrs Lee Bornham, et sur les épidémies et épizooties qui ont régné coulé en bronze à Florence était en Hainaut à diverses époques, de 1006 remis à l'Institut de chimie, et à 1832, Bruxelles, 1844, p. 34-35 (Variétés historiques, n° 4). — A. Mathieu, Biogra- confié au professeur Van Meersche, phie montoise, Mons, 1848, p. 307. — troisième successeur de Paul Henry, Ch. Eousselle, Biographie montoise du pour prendre place dans le labora- XIX" siècle, Mons, 1900, p. 136. — toire de chimie-physique. B. Matthieu, Biographie du Hainaut, t. Ier, Bnghien, 1902-1905, p. 381. — Albert Bruylants. L. Wellens-De Donder et B. Wellens, « L'hôpital de Saint-Nicolas à Mons à la Iconographie : un buste en bronze, œu- fin du XVIIIe siècle », dans Annales du vre de Lee Bornham, est conservé au Bâti- Cercle Archéologique du Canton de Soignies, ment Lavoisier à Louvain-la-Neuve. t. XXII, 1963, p. 123-127. P. Banwez, « Discours prononcé aux funérailles, à Oxford, le 4 janvier 1917 », dans Annuaire de l'Université catholique HULLEBROECK (Emiel-Leopold), de Louvain, 1915-1919, p. 415-426. — compositeur, chanteur et pédagogue, P. Bruylants, « Notice sur la vie et les né à Gentbrugge le 20 février 1878, travaux du professeur Paul Henry », décédé à Liedekerke le 26 mars 1965. ibidem, p. 426-435. De sa douzième à sa vingtième année, Hullebroeck fit ses études au HONNOREZ (Pierre-Lambert), Conservatoire royal de Musique de médecin (1), né a Erquelinnes le Gand : le solfège à la classe d'Oscar 14 février 1738, mort à Mons le 21 mai Roels (le.r prix en 1894), l'harmonie 1809. à celle de Paul Lebrun, le contrepoint Fils de Lambert Honnorez et de et la fugue à celle d'Adolphe Samuel Marguerite Bricourt, il fit ses études (1er prix pour le contrepoint en 1897), à l'Université de Louvain et fut et l'orgue à celle de Joseph Tilborghs reçu en qualité de médecin pension- (1er prix en 1897). naire de la ville de Mons le 3 no- Agé de vingt ans, il chercha à vembre 1772, aux appointements plusieurs reprises, mais en vain, annuels de 150 livres. En juillet 1781, une place d'organiste. Il se vit donc il rédigea avec les médecins Eloy, obligé pour gagner sa vie de donner Duvivier et Griez un mémoire sur des leçons particulières, de diriger des chorales et d'organiser des soi- (1) Cette notice remplace le texte paru rées musicales. Ainsi peut-il se rendre dans la Biographie Nationale, t. IX, Bru- compte de l'état d'esprit et des xelles, 1886-1887, col. 442. besoins culturels du peuple flamand. 435 HULLEBROECK 436

A partir de 1899, il donna avec sa des conférences sur la chanson ar­ société de chant « Vriendenkoor » tistique flamande moderne entre au­ des concerts populaires à Gand au tres celle de Lodewijk Mortelmans, cours desquels furent exécutées des Edgar Tinel, August De Boeck, œuvres de compositeurs flamands, Hendrik Waelput, Karel Mestdagh et entre autres Peter Benoît, Jan Blockx, Peter Benoit. er Edgar Tinel et Oscar Roels. Le 1 fé­ Entretemps, les chansons de Hul­ vrier 1900, il donna au Cercle ar­ lebroeck sont diffusées à des milliers tistique et littéraire de Gand un pre­ d'exemplaires dans tous les pays mier concert consacré exclusivement d'Europe. Après la déclaration de la aux œuvres du terroir, notamment première guerre mondiale, Hulle­ celles de Karel Mestdagh, Paul Le­ broeck, à l'invitation de son im­ brun, Jan Blockx, Hendrik Waelput et presario Max Van Gelder, partit pour Emiel Mathieu. Au mois d'août 1899, les Pays-Bas. Bien des fois, il chanta il fonda à Gand la chorale « A Cappella- au profit des réfugiés belges et se pro­ Koor » qui existera pendant quinze duisit dans les camps néerlandais de ans et, avec laquelle, il obtint une soldats internés. audience considérable tant en Bel­ Le 11 septembre 1915, il partait gique qu'à l'étranger. Ses préférences avec sa femme pour une tournée dans allaient non seulement aux maîtres e les Indes néerlandaises, placée sous le flamands du xix siècle, mais aussi signe du chant populaire et qui aux polyphonistes néerlandais du e fut vraiment triomphale. Hullebroeck XVI siècle. A partir de 1900, appa­ éprouva un très grand intérêt pour les rurent à ses programmes des œuvres mélodies typiquement indiennes que personnelles, telle Ik ben de zanger nous retrouvons dans ses douze Ma­ van 't Dietsche Volk. leise liederen. Le 16 juillet 1916, Le 19 avril 1903 fut donné un Hullebroeck retourna aux Pays-Bas. premier concert Hullebroeck, qui con­ Dans son livre intitulé Insulinde, nut un succès retentissant. A ce il a relaté ses impressions de voyage. moment le compositeur cherchait Pendant les années de guerre, il vainement un éditeur pour son pre­ continua ses récitals en Hollande. mier recueil de chants ; finalement Au début de 1919, il put enfin revenir il l'édita lui-même. Le succès ne se en Flandre pour reprendre sa croisade fit pas attendre. Ce fut le point de en faveur de la chanson populaire départ de la célébrité de ses « lieder­ flamande. Dans l'histoire de la culture avonden ». Il reçut principalement un du mouvement flamand, les soirées puissant encouragement de la part Hullebroeck ont acquis une place des associations estudiantines lou- d'honneur. Cependant Hullebroeck vanistes. Ces chansons sont, à présent, partit de nouveau en voyage : en exécutées partout, même dans les août 1920, il se rendit comme un Pays-Bas. apôtre du chant flamand en Afrique En 1904, il épousa « Marleentie », du Sud. En quatre mois, il donna fille du pianiste gantois, Frans De Vos, soixante-trois récitals. Au début de pour qui il a écrit une chanson bien janvier 1921, il rembarque vers la connue. Entretemps, avec le « A Flandre. Il a publié ses souvenirs de Cappella-Koor », il ne cesse de récolter voyage dans un opuscule Zuid Afrika. des triomphes à des concours et En 1922, Hullebroeck fonda une festivals à Lille (1902), Brest (1905) et revue musicale flamande Muziek- Paris (1906-1912). Lui-même a par­ warande, dont il fut jusqu'à la dernière couru le pays flamand plus de trente année (1931) le directeur, ayant comme ans comme chanteur et interprète secrétaire Lambrecht Lambrechts. afin de répandre la bonne chanson Son intérêt pour l'art populaire flamande. De plus en plus son choix flamand le porta inévitablement vers alla vers la chanson populaire fla­ l'instrument populaire par excellence, mande. Cependant il tient aussi à faire le carillon. Il fonda avec Jef Denijn -437 HULLEBROECK 438 l'association « Onze Beiaarden » et dépit d'une opposition acharnée la écrivit en même temps le livre Beiaar­ NAVEA se développa et compta den. Au début d'avril 1923, il fit un déjà 2.500 membres vingt années plus nouveau voyage d'art, cette fois en tard. En 1934, il est délégué belge et Amérique où les liens d'ordre musical en 1938 secrétaire permanent du et culturel avec les Flamands d'Amé­ Conseil international des Composi­ rique, surtout de Detroit, furent ren­ teurs et président de la NAVEA. En forcés. 1945, la NAVEA prit le nom de Sous le signe de l'idéal flamand se SABAM (Société des Auteurs Belges/ succédèrent, en 1923 et 1924, des Belgische Auteurs - Maatschappij). séries ininterrompues de récitals de La NAVEA a déployé d'immenses chansons populaires en Flandre et aux efforts pour la diffusion de la musique Pays-Bas. flamande à l'étranger. A l'époque de Hullebroeck n'était pas seulement la NAVEA, Hullebroeck habitait dans un chanteur et un compositeur de sa maison de campagne « De Schal­ chansons populaires, il était aussi un mei » aux abords de la Forêt de pédagogue raffiné de la musique. Soignes. En 1962, il se retira dans une Du 29 novembre 1902 jusqu'en 1938, maison de repos à Liedekerke, où il il fut professeur de musique à l'Ecole mourut en 1965. normale de l'Etat à Gand, où il ŒUVRES DE HULLEBROECK : s'appliqua à la formation musicale de 1. CHANSONS POUR UNE VOIX AVEC l'instituteur. Afin de procurer un ACCOMPAGNEMENT DE PIANO : 19 séries enseignement méthodique du chant, comprenant annuellement six chan­ il composa un manuel, De notenleer sons (Amsterdam, G. Alsbach, [1909- door het lied, où la vieille chanson 1927] ; nombreuses rééditions) ; quatre populaire flamande constituait la base volumes comprenant chacun trois de l'enseignement musical, et il ré­ chansons malaises, avec des paroles digea également son Oefeningboek ten en langue malaise et néerlandaise, dienste van het muziekonderwijs (cinq des dizaines d'autres chansons pu­ volumes). bliées chez divers éditeurs ; quelques- A la fin de 1930, il succéda à Paul uns des chants les plus connus : Gilson comme inspecteur général de Moederke alleen, Marleenlje, Kermis- l'enseignement de la musique. Il rem­ lied, Noordzee, Hemel-huis, Tineke plit cette fonction jusqu'à sa mise à van Heule, De Gilde viert, Liedje la retraite par limite d'âge en février van den beiaardier, De Blauwvoet, Het 1943. lied. vanNele, Als 't Zondag is, Hij Il œuvra à la création d'une ter­ die geen liedje zingen kan, De Biete­ minologie flamande propre dans les bauw, Speldewerksterslied, Lapper manuels d'enseignement de la mu­ Krispijn, Klompenliedeke, Lied der sique. Hullebroeck mit aussi ses Vlaamse meisjes, Kerelslied, Aan U talents d'organisateur au service de alleen. l'émancipation culturelle de la Flan­ dre. Le 29 janvier 1922, il fonda la 2. CHŒURS : Zes tweestemmige « Genootschap van Vlaamsche Com­ liederen : Moederke alleen, Op Kerst­ ponisten », et déjà en août de la même dag, Van 't schoone wiedsterke, Vóór année il tint une manifestation pour 't kantkussen, Koninginnelied, Spelde­ la création d'une « Nationale Vereeni- werksterslied, Zonne-slapen gaan (Am­ ging voor Auteursrechten » (NAVEA). sterdam, G. Alsbach, s.d.) ; Welkom, Dans sa brochure Het vraagstuk van lieve Mei (Anvers, Faes, s.d.) ; Uit het auteursrecht in België en in Hol­ vroeger eeuwen; een tuil van Oud- land, il stigmatise l'injustice cuisante Vlaamsche liederen voor gemengd koor : et l'impérialisme culturel français de Het Reuzenlied, Heer Halewijn, Het la Société des Auteurs, Compositeurs looze visschertje, De twee konings­ et Editeurs de Musique (SACEM). En kinderen, Het sneeuwwit vogelken, Zeg 439 HULLEBROECK 440 kwezelken, Wilhelmus van Nassauen mezzo pour orchestre (Bruxelles, Me­ (Amsterdam, G. Alsbach, s.d.) ; Drie lodia, s.d.) ; Melodie, pour cor et liederen bewerkt voor vierstemmig ge­ piano (inédit) ; Symphonische Schets, mengd koor : Slape zacht, Hemelhuis, pour grand orchestre (inédit) ; Luimige Paschen ( Ibidem) ; Drie liederen be­ dans, pour piano (Anvers, De Vlaam­ werkt voor vierstemmig mannenkoor : sche Muziekhandel, s.d.). Noordzee, Vlaamsche kermis, Tineke van Heule ( Ibidem) ; Voor haard en 7. OUVRAGES THÉORIQUES ET AU­ land, pour chœur d'hommes à 4 voix TRES ÉCRITS : De Nolenleer door het lied (Gand, 1910, nombreuses réédi­ (Anvers, Faes, s.d.) ; Licht, poème tions) ; Oefeningboek ten dienste van chanté pour quatre voix, et De Boek­ het muziekonderwijs, 5 volumes (Bru­ weit, quatuor pour quatre voix d'hom­ xelles, Schott, s.d.) ; Beiaarden (Bru­ mes (tous deux inédits) ; In de xelles, De Standaard, [1922]) ; Het Vlaamse Ardennen, pour quatre voix vraagstuk van het auteursrecht in et piano (S.l.n.d.) ; Het Pampulleke, België en Nederland (Brasschaat, A. De canon à trois voix, et Het mierennest, Bièvre, [1923]); Insulinde; reisin- pour deux voix (S.l.n.d.). drukken [Leiden, De Vlaamsche 3. CANTATES : Woudcantate, pour Boekenhalle, 1916] ; Zuid-Afrika (Bru­ voix d'enfant (Amsterdam, G. Als­ ges, Centrale Boekhandel, 1928) ; Zang bach, [1924]); Bijencantate ; Zeecan- en strijd ; levensherinneringen (Anvers- tate, pour 2 voix d'enfant et piano Amsterdam, 1952); Muziekwarande ; (Ibidem) ; Brand los; kleine Gezelle- tijdschrift voor muziekminnende Vla­ cantate voor declamator en tweestem­ mingen. Algemeen leider : Emiel mig koor met klavierbegeleiding (Bru­ Hullebroeck (Bruxelles, 1922-1931), xelles, De Schalmei, s.d.); Te weer ; revue dans laquelle il publia de nom­ kleine Groeninge-cantate voor het breux articles. 11-julifeest voor tweestemmig koor, Bernard Huys. declamator $• klavierbegeleiding (Ibi­ dem). L. Lambrechts, « De liederen van 4. ORATORIO : Kunstvisioen (1913). E. Hullebroeck », dans Jong Dietschland, vol. VIII, 1905-1906, p. 96-101. — L. Lam­ 5. OPÉRETTES ET DRAMES LYRI­ brechta, De liederen van E. Hullebroeck, QUES : Inédits : Aleidis (Drame Gand [1915] (Développement de l'article lyrique, 1912) ; De varende zanger précédent). — L. Lambrechts, « Emiel (jeu musical, 1925) ; De wiegende mijn­ Hullebroeck », dans Onze Symphonie, vol. I, 1923, n°» 7-8, septembre, 3 p. (Arti­ werker (pièce en un acte, 1926) ; cle publié sous le pseudonyme J. Daele- Zoek en gij zult vinden (pièce en un mans). — L. Lambrechts, « Emiel Hulle­ acte) ; Seppel (opérette, 1926) ; Echt­ broeck », dans Ons volk ontwaakt, vol. XIV, breuk (pièce en un acte) ; Ad- Ulter 1928, p. 140-141, 156 (Article publié sous (mimodrame, 1927) ; Cupido-Dictator le pseudonyme J. Van Hees). — P. Nuten, (opérette, 1927) ; Miranda (conte fée­ Hullebroeck en zijn beteekenis, Anvers, rique, 1928) ; Knokkelbeen (opérette, 1939. — E. Hullebroeck, Zang en strijd levensherinneringen, Anvers-Amsterdam, 1930) ; Neger (opérette, 1932) ; Drie 1952. — H. Antcliffe, « Hullebroeck », hartjes verliefd (opérette, 1954). — dans Grove's dictionary of music and musi­ Edité : Het meisje van Zaventhem cians, 5e éd., vol. IV, Londres, 1954, (opéra-comique, Bruxelles, De Schal­ p. 403. — J. ïtobijns, « Hullebroeck », mei, 1934). dans Algemene Muziekencyclopedie, vol. III, Anvers-Amsterdam, 1959, p. 441-442. — 6. ŒUVRES INSTRUMENTALES : Mei- G. Michiels, « Over de samenwerking Hul- symfonie, pour harpe solo (inédit) ; lebroeck-Lambrechts », dans Gamma, Melodie, pour violoncelle et orchestre vol. 27, 1975, p. 51-55. — G. Michiels, (Bruxelles, Melodia, s.d.) ; Legende, « Muziekwarande van Hullebroeck-Lam­ pour violoncelle et piano (Bruxelles, brechts », dans Gamma, vol. 27, 1975, Schott, s.d.) ; Lenlelust, valse-inter­ p. 194-197. I

INNIS (Henri-Marie van), magis- pris ses grades à la Faculté de droit trat et homme politique à une épo- de l'Université impériale de Bru- que où les deux qualités étaient conciliables,xelles en 1813 et présenté, le 16 juin né à Lede (Alost) le 3 novem- de cette année, une dissertation sur bre 1790, décédé à Gand le 27 mai un thème qui intéresse les principes 1864. généraux du droit et qui présente un Henri-M. van Innis était le fils de des aspects de principe que le patri- François-Joseph van Innis, médecin, moine du débiteur constitue le gage et de Marie-Jeanne-Maximilienne Ver- commun des créanciers : in quibus fa rugghen ; il épousa Marie-Louise van causis pignus vel hypotheca tacite Ypersele. Il exerça, depuis le 25 no- conlrahitur. Une thèse annexe, rédi- vembre 1858, les fonctions de premier gée en français, concerne la rescision président de la Cour d'appel de Gand. des partages en droit civil. Un décès inopiné le surprit, à l'âge Il fut nommé juge au Tribunal de de septante-trois ans, en activité de première instance de Gand le 20 mars service : la limite d'âge, imposée par 1825. Au moment où surgit la Révo- la loi du 25 juillet 1867 relative à lution de 1830, van Innis est donc un l'exercice des fonctions judiciaires, magistrat d'une quarantaine d'an- était encore à venir. nées ; il exerce des fonctions effectives Henri-M. van Innis a été membre depuis cinq ans. Il se rallie, sans du Congrès national durant toute la difficulté, au Gouvernement provi- soire. Le 10 octobre 1830, ce dernier session ; il a, de surcroît, siégé à la er Chambre des représentants durant les met en œuvre son arrêté du 1 du années 1831 et 1832. même mois concernant « les réformes Si la carrière de van Innis tient à la et améliorations nécessaires à l'admi- fois à l'ordre judiciaire et à la légis- nistration de la justice » en nommant lature, la dominante de l'homme est à nouveau le juge van Innis aux fonc- cells du juriste. Ainsi, lorsqu'il pren- tions qu'il exerçait naguère. On dra la parole, le 6 février 1831, au n'ignore pas que le processus suivi Congrès en s'insurgeant contre une comportait non seulement certaines proposition du baron Beyts tendant révocations expresses de magistrats à faire insérer, dans la Constitution, et de fonctionnaires mais la préten- tion de certains sur le sort desquels un texte proscrivant la rétroactivité il serait statué plus tard. Les mérites des lois, il le fera en citant un traité de van Innis seront reconnus sans du Digeste. Van Innis est, du reste, réserve et sans retard. un romaniste : ses contemporains sont unanimes à ce propos. Il avait Sa qualification judiciaire ayant été 443 INNIS 444 confirmée, il se trouve en condition Afin de jauger le rôle de van Innis régulière pour être nommé conseiller en qualité de législateur, il convient à la Cour supérieure de Justice de de retenir qu'au Congrès national, Bruxelles : cette promotion intervient dans cette assemblée où, fait observer le 16 octobre, soit six jours plus tard. Louis de Lichtervelde, « les moins de Il se présente dans le courant du même » trente ans formaient près de dix mois aux élections du Congrès natio­ » pour cent de l'assemblée, les moins nal ; il y est élu le cinquième des » de quarante ans un peu moins de douze représentants du district de » la moitié », il n'est sans doute pas Gand, où il recueille 1.179 voix. Le un senior, mais il figure déjà dans 29 août 1831, il fera acte de candidat le groupe des aînés. Il appartient à aux élections pour la session de la la deuxième couche. Sa physionomie nouvelle Chambre des représentants. n'est, en tout cas, pas marquée par Il y milite alors, sur la liste « des le romantisme de l'époque. Il s'affirme intérêts de la patrie », qui se trouve partisan des solutions modérées. en compétition avec la liste oran- Lors du scrutin pour l'élection d'un giste. La première est soutenue par roi, il figure, le 25 janvier 1832, au le Journal des Flandres, la seconde nombre des 51 membres qui présen­ par le Messager de Gand. Un moment, tent le duc de Nemours ; le 3 février, une division s'est introduite dans le il donne sa voix au duc de Leuchten­ premier des deux groupements et le berg. Il joindra bientôt la sienne aux nom de van Innis n'a pas été repris nonante-trois partisans du prince sur une liste projetée. On rapporte Leopold de Saxe-Cobourg-Gotha ; il qu'une intervention de l'autorité reli­ opinera, en son temps, pour l'ordre gieuse aurait mis un terme à ces dis­ du jour conférant priorité à l'élection cussions. En tout cas, les élections d'un roi. Dans l'entretemps, il a voté, ont consacré la victoire de la liste à propos de la régence, pour Félix des patriotes avec Hélias d'Hudde- de Merode. ghem et van Innis, qui remportent respectivement 1.454 et 1.431 voix, C'est, à l'époque, un homme du contre la liste « libérale et orangiste » centre. Certains l'ont classé dans la de Van Crombrugghe et Metdepen- fraction dite « démocratique » du Con­ ningen : cette dernière n'en recueille grès, au moment où cette acception pas la moitié. était générale et où les distinctions de la politique intérieure n'étaient L'année suivante, la loi du 4 août pas marquées. Adversaire du principe 1832 organique de l'ordre judiciaire de l'indemnité parlementaire, de la crée la Cour d'appel de Gand. Van surveillance de l'enseignement par les Innis, membre de la Cour supérieure autorités publiques, il combat, d'au­ de Bruxelles, accède à cette dernière, tre part, celui de la nomination des le 4 octobre ; il y occupe sur la liste membres du Sénat par le roi et vote de rang la première place des conseil­ pour l'abaissement du cens électoral lers. Le 29 juillet 1844, il sera élu dans les campagnes. Il se rallie à président de chambre par ses pairs. l'adoption du traité des XVIII arti­ Le monde du Palais a reconnu dans cles et se manifeste opposé à la ques­ le premier président van Innis non tion préalable à ce propos. seulement la rectitude du caractère, La Chambre des représentants est, une culture spécifique, mais aussi, au cours de la session 1831-1832, comme s'est exprimé le bâtonnier saisie de notre première loi d'orga­ François d'Elhougne, membre d'une nisation judiciaire : van Innis y com­ autre famille spirituelle, l'indépen­ bat, le 6 juin 1832, l'institution au dance d'un homme « qui voulait sin- sein de la future Cour de cassation » cèrement les libertés de nos institu- d'une chambre dite « des requêtes ». » tions » et dont les vertus humaines Le baron Etienne de Gerlache, qui s'imposaient. en deviendra premier président, veut 445 INNIS 446 faire apparaître la nécessité d'un orga­ » praticable en matière constitution- nisme destiné, dans son esprit, à » nelle ... D'après ces scrupules, je ne désencombrer la chambre civile de la » pourrais voter la loi ... ». Van Innis Cour suprême. Van Innis, comme était une conscience. Mathieu Leclercq, futur procureur C'était aussi un lettré ; il présidait général de cette Cour, combat cette la Commission des archives du Con­ création. A l'appui de son opinion, seil des Flandres. La bibliothèque de il ne met pas seulement en évidence l'Université de Gand possède une que, les nullités n'étant pas de plein lettre qu'en cette qualité il a adressée, droit, les cassations ne seront pas le 4 février 1860, au secrétaire de aussi nombreuses que les nullités cette institution, Edmond De Bus- elles-mêmes ; il fait également valoir scher. que l'exemple de la Cour de cassa­ Un portrait, non signé, de van Innis tion de France ne peut être invoqué. figure dans l'ouvrage que Charles Cette dernière juridiction a pour tâ­ du Bus de Warnaffe et Cari Beyaert che de réaliser l'unité de jurispru­ ont publié en 1930. dence parmi une vingtaine de cours d'appel, alors que celles de Belgique Le Premier Président Henri-Marie n'excéderont pas le nombre de trois. van Innis laissait à sa mort une fille L'opinion de Mathieu Leclercq et de et deux fils : Léopoldine, morte en van Innis a prévalu. célibat ; Emile, devenu juge de paix à Asse, qui épousa en premières noces Le 2 juillet 1832, lors de la discus­ Francisca de Viron et en secondes sion du projet gouvernemental sur la Félicie, sa sœur, filles du Chevalier création de l'Ordre de Leopold, l'an­ de Viron, bourgmestre de la commune cien constituant prend la parole pour d'Asse durant soixante ans ; et Fran­ le combattre. Il sera rejoint, ici, çois, qui entra dans la Compagnie par des membres qui se réclament de Jésus et s'y distingua comme pro­ des fractions les plus diverses : Du- moteur, avec ses disciples J. Renkin mortier, Fleussu, Gendebien, Leclercq, et H. Carton de Wiart, du catholi­ Liedts, Vilain XIIII. Le deuxième des cisme social en Belgique. précités dira « Rappelons-nous ce qui » s'est passé au Congrès... ». Chez Hené Warlomont. van Innis, c'est le juriste qui va s'ex­ primer. Il motivera son vote négatif Université de Gand, Bibliothèque, lettre en ces termes : « Dans une section, de H.M. van Innis à Edmond De Bus- » j'avais voté pour un ordre civil, scher. sous le sigle : Hs 2513 (98). — Greffe du Tribunal de première instance » mais après avoir examiné la ques- de Gand, acte de décès de H.M. van Innis. » tion d'inconstitutionnalité, j'ai — H. Balthazar, « Innis, Henri, Marie » changé d'avis ... L'article 76 de la van », dans Nationaal Biografisch Woor­ » Constitution, ne donnant au roi que denboek, vol. II, Bruxelles, 1966, col. 369- » le droit de conférer les ordres mili- 370, bibliographie. — Bulletin dea arrêtés » taires, lui a, par cela même, dénié et des actes du Gouvernement provisoire de » le pouvoir de donner des ordres la Belgique, Bruxelles, 1830, vol. I, nos 9, » civils ... qu'a répondu le ministre : 13, 25. — U. Vermeulen, « Elhougne, » tout ce qui n'est pas défendu est François, Ferdinand, Hommebon d' », dans Nationaal Biografisch Woordenboek, » permis ... Cette maxime n'est pas vol. II, Bruxelles, 1960, col. 194-202. J

JOASSART (Gustave), prénoms contexte favorable et stimulant que déclarés à l'état civil: Jean-Georges-Gustave-Thomas,Gustave Joassart commença sa car- industriel, né à rière. Il la consacra tout entière à la Liège le 19 décembre 1880, décédé à même entreprise. Sarolay (Argenteau) le 4 juin 1953. Très réceptif aux idées de son Orphelin à vingt ans — son père, temps, il assure, dès 1906, le secréta- l'industriel Nicolas Joassart, décéda le riat de la caisse de retraite des ou- 22 septembre 1900, sa mère, José- vriers de la FN. Deux ans plus tard, phine Witmeur, le 15 novembre de il fonde une caisse de pension pour l'année suivante — Gustave Joassart l'ensemble du personnel. En 1912, il fît montre, pour parfaire lui-même est nommé secrétaire général de la son éducation et sa formation, d'une société. Lorsque éclate la Grande Guerre, il s'engage comme simple énergie et d'une détermination qui e devaient, par la suite, constituer les soldat volontaire au 12 de Ligne mais traits dominants de son caractère et le gouvernement belge du Havre le de sa personnalité. Il fait de brillantes rappelle du front pour lui confier d'im- études à l'Université de Liège, où portantes missions d'armement en il conquiert les titres de docteur en Amérique, en Italie et en France. Il droit et de licencié en sciences com- fonde notamment, avec Alexandre merciales et consulaires. Il entre à la Galopin et un groupe d'industriels FN (alors Fabrique Nationale d'Armes français, la Manufacture d'Armes de de Guerre, aujourd'hui Fabrique Na- Paris (M.A.P.), établie à Saint-Denis, tionale Herstaï) en 1906, où Alexandre qui participe à l'effort de guerre des Galopin lui confie le service du con- Alliés. tentieux. L'entreprise, fondée en 1889, De retour en Belgique après l'Ar- est alors une des plus importantes mistice, il reprend ses fonctions de et des plus modernes du genre en secrétaire général à la FN et dirige, Europe ; elle produit des armes et des fin 1918-début 1919, les délicates munitions civiles et militaires ainsi négociations relatives au rachat des que des motos et des automobiles. titres de la société placés sous sé- La FN dépendait alors — et ce jus- questre par les Allemands durant qu'en 1919 — du groupe allemand l'occupation. En mars 1919, il devient Ludwig Loewe und C° et se distin- l'adjoint immédiat du directeur gé- guait, tant sur le plan technique que néral Galopin, puis succède à ce social, par les conceptions avancées dernier dans ses hautes fonctions, qui caractérisaient également la grande le 28 mars 1923. Il devait assumer industrie du Reich. C'est dans ce cette charge pendant vingt-sept ans,

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1979 1980 BIOGRAPHIE NATIONALE BIOGRAPHIE NATIONALE

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1979 1980 LISTE DES MEMBRES de la Commission académique chargée de la publication de la Biographie Nationale au 31 décembre 1980

MM. Fernand Vanlangenhove, délégué de la Classe des Lettres, président. Albert Bruylants, délégué de la Classe des Sciences, vice- président. Orner Jodogne, délégué de la Classe des Lettres, vice-pré­ sident. Mme Germaine Faider-Feytmans, délégué de la Classe des Beaux- Arts, vice-président. MM. François Stockmans, délégué de la Classe des Sciences, secrétaire-trésorier. Jean Pasteels, délégué de la Classe des Sciences. Florent Bureau, délégué de la Classe des Sciences. Robert Debever, délégué de la Classe des Sciences. Paul Harsin, délégué de la Classe des Lettres. Jean Stengers, délégué de la Classe des Lettres. Maurice-Α. Arnould, délégué de la Classe des Lettres. Victor-Gaston Martiny, délégué de la Classe des Beaux-Arts. Philippe Roberts-Jones, délégué de la Classe des Beaux- Arts. René Bernier, délégué de la Classe des Beaux-Arts. Pierre Colman, délégué de la Classe des Beaux-Arts.

Secrétariat : Mmes Christiane Raindorf et Cécile Warmoes, atta­ chées scientifiques. Les opinions exprimées dans les notices n'engagent que leurs auteurs.

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TOME XIII (FASCICULE 2) JOASSART — WINDISCH

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1980 Les opinions exprimées dans les notices n'engagent que leurs auteurs. 449 JOASSART 450 qui constituent sans doute la période affaires à la fin des années trente. la plus difficile de l'histoire de cette Lorsque la guerre éclate, Joassart, grande entreprise liégeoise. Gustave qui vient de joindre, en janvier 1940, Joassart devait se signaler comme un la charge d'administrateur à ses des dirigeants les plus éminents de la fonctions de directeur général, se société. trouve en mission en Angleterre. Il Il eut pour première tâche de res­ se rend d'abord en France, où il taurer l'équipement de la FN mais s'occupe notamment d'installer des aussi les fabrications et les courants ateliers à Paris, pour la défense d'affaires, qu'une longue période d'hos­ nationale, et de transférer à Toulouse, tilités avait dégradés. Il modernisa en un temps record, la cartoucherie l'armurerie militaire et stimula celle évacuée de la FN. Il regagne la Bel­ de chasse en renouant et en intensi­ gique le 13 juillet, après l'armistice, fiant les relations avec l'inventeur et entreprend de négocier les termes de américain John M. Browning, qui la séquestration de la FN, décrétée par avait cédé à Herstal, depuis 1897, une l'occupant. Entre-temps, il avait eu importante série de brevets. Il donna la profonde douleur d'apprendre la au département des véhicules un mort de son fils aîné, Nicolas, officier essor sans précédent, notamment en de réserve tombé à l'ennemi dans le construisant un nouveau complexe nord de la France. Cette perte cruelle d'ateliers dit « Pré-Madame » pour la s'ajoutait à celle qu'il avait éprouvée fabrication et le montage des vélos, cinq ans plus tôt lors du décès acci­ motos et voitures. Plus tard, il devait dentel de son second fils, Gustave. y implanter l'industrie des camions, En septembre 1941, après un pé­ tracteurs et trolleybus. Ce dévelop­ riple clandestin à travers le sud de pement extraordinaire allait être sin­ l'Europe, Joassart arrivait à Londres gulièrement enrayé cependant par les avec quelques-uns de ses adjoints. effets de la grande crise économique, Du 19 février 1942 au 26 septembre de 1929 à 1935. Entre ces deux dates, 1944, il fut investi par le gouverne­ la FN perd plus de 70 % de son per­ ment belge en exil du poste de sous- sonnel (de 9.138 personnes en juin 1929 secrétaire d'Etat au département des à 2.580 en mai 1934) et voit ses produc­ réfugiés et à celui du travail et de la tions civiles dangereusement com­ prévoyance sociale. promises sinon menacées de dispari­ Rentré à la FN après la Libération, tion. Les autres fabricants d'armes il entreprit de reconstituer, pour la de Liège, de moins en moins orientés seconde fois dans sa carrière, le vers les fournitures militaires, sont patrimoine de l'entreprise, plus que plus durement touchés encore, au jamais obéré par les événements. Il point que la FN, dès lors, produira à remit l'usine de Herstal en activité elle seule plus d'armes que tout le en participant à l'effort de guerre des reste de cette corporation. Gustave troupes américaines d'Europe. Les Joassart intervient activement en neuf dernières années de sa vie furent faveur du sauvetage financier du employées à restaurer la société en Banc d'Epreuves des Armes à feu par reconstruisant et en modernisant plu­ l'Etat et de l'obtention d'emprunts sieurs ateliers, tout en cherchant les au bénéfice de cet établissement. Il voies d'une diversification, entre au­ met également ses talents de négo­ tres dans le secteur prometteur de la ciateur au service de la FN, qui construction des turbomoteurs d'avia­ connaît de sérieuses difficultés et tion. En 1950, il renonça à sa charge s'endette lourdement. Aucun divi­ de directeur général en faveur de dende n'est distribué entre 1929 et René Laloux, mais conserva celle 1938. Le réarmement général, an­ d'administrateur délégué, jusqu'à sa nonciateur du second conflit mondial, mort, survenue en 1953, des suites entraine cependant la reprise des d'une crise cardiaque. BIOGR. NAT. — t. XLI. 15 451 JOASSART 452

Gustave Joassart fut appelé à ses décisions avec clarté et concision, faire partie et à diriger de nombreuses il captait l'attention de ses interlocu­ associations professionnelles : il fut teurs par la profonde connaissance un des fondateurs de l'Association des affaires et des dossiers qu'il Patronale des Constructeurs de Cycles traitait et par la sagesse de sa réflexion. et d'Automobiles et en présida la Absorbé par ses tâches profession­ Fédération, siégea au conseil d'admi­ nelles, il lui restait peu de temps à nistration de la Fédération des In­ consacrer aux loisirs. La marche et dustries Belges, présida l'Union des les promenades dans la campagne Fabricants d'Armes de Liège, la proche de sa résidence de Sarolay, Chambre Syndicale des Constructeurs sur le rebord mosan du plateau de de Cycles et d'Automobiles, le Conseil Hervé, constituaient sa détente pré­ Economique Wallon, la Fédération férée. des Entreprises de l'Industrie des En reconnaissance de son action Fabrications Métalliques. Il devait personnelle et des services rendus accéder à la vice-présidence de la dans ses relations avec les plus hautes Société d'Etudes et d'Expansion, instances belges et étrangères, de qu'il avait contribué à créer en 1902. nombreuses distinctions lui furent L'association des Ingénieurs issus de conférées : médaille de volontaire l'Université de Liège lui avait conféré combattant ; médaille commémora­ le titre honorifique d'ingénieur. Mem­ tive et médaille de la Victoire de la bre écouté des commissions paritaires guerre 1914-1918 ; Grand Officier de de la Construction Mécanique, la l'Ordre de Leopold II ; Commandeur rigueur de sa pensée, l'équité de son de l'Ordre de Leopold et de l'Ordre jugement et son ouverture aux ques­ de la Couronne ; Grand Officier de tions sociales lui valurent l'estime l'Ordre d'Orange-Nassau ; Comman­ des organisations syndicales autant deur de l'Ordre du Phénix de Grèce ; que du patronat. Joassart, qui était Officier de l'Ordre de l'Etoile d'Ethio­ de confession catholique et de con­ pie ; Chevalier de l'Ordre de Saint- viction libérale, appartient à cette Sava (Serbie) ; Chevalier de l'Ordre catégorie de grands chefs d'entre­ Royal de Carlos II, etc.. prise belge de la première moitié du xxe siècle, qui alliaient à l'exercice Gustave Joassart avait épousé, le intransigeant de l'autorité personnelle, 27 décembre 1904, Marie-Anne Wit- par la voie d'une structure hiérar­ meur, fille de Joseph Witmeur, in­ chique rigide, un sens aigu des dustriel, et de Jeanne Dessouroux. responsabilités et des problèmes so­ Née le 19 décembre 1881, son épouse ciaux dans le contexte conflictuel des décéda le 8 septembre 1951. Ils idéologies militantes. C'était l'époque eurent quatre enfants : Nicolas, né du paternalisme sans honte, celle des le 16 mars 1905, tué à l'ennemi le vérités claires et des sphères de 24 mai 1940 ; il faisait partie du cadre référence et d'action bien définies. supérieur de la FN. Il avait épousé Dans le cas de Gustave Joassart, Simone Genart, le 18 février 1936. l'expression « dur pour les autres, Berthe, née le 30 novembre 1907. » mais plus dur encore pour lui- Epouse Adolphe François, industriel, » même » n'est pas une figure de le 27 mai 1933. Gustave, né le 13 sep­ style. Réservé et d'un abord sévère tembre 1909. Décédé accidentellement mais en réalité très ouvert aux pré­ le 5 septembre 1935. Marthe, née le occupations d'autrui et du monde en 24 septembre 1911. Moniale Bénédic­ général, son ardeur au travail, son tine. efficacité dans l'action et son dyna­ Claude Gaier. misme ont frappé tous ceux qui l'ont côtoyé. Doté d'une grande intelli­ Iconographie : Buste en bronze par gence, sachant exprimer sa pensée et Louis Dupont (trois exemplaires : chez Madame Nicolas Joassart, chez Monsieur 453 JOORIS 454 et Madame François-Joassart, et & la FN, belges en Grande-Bretagne via Gibral- à Herstal). Médaille commémorative (1953) tar. Découragé par des tentatives qui par Louis Dupont, conservée notamment toutes échouent, il accepte avec quel- dans les collections de la FN. Portraits photographiques : Archives de la FN ques compatriotes, en janvier 1941, de (voir livre mémorial FN ci-dessous, se cacher dans les cales d'un cargo passim). français. Après dix-sept jours d'une Cette notice biographique est en partie croisière mouvementée, ils sont li- fondée sur des renseignements communi- vrés à la police militaire à Dakar. Les qués verbalement par des parents ou pro- jeunes belges sont rapatriés vers ches collaborateurs de G. Joassart, parti- l'Europe, mais ils arrivent à s'échapper culièrement par sa fille, Madame Fran- lors d'une escale à Casablanca et à çois-Joassart, et par son petit-fils, Gustave Joassart. s'installer en Algérie où on les accepte. Fabrique Nationale d'Armes de Guerre Les aventures qu'il a vécues jusqu'à S.A., Herstal, Belgique, 1889-1964, Liège, ce moment — mars 1941 — ont fait 1964, p. 109, 110 et suiv., 136, 143, 157, contracter par Pierre Jooris un typhus 162, 166, 169, 171, 182, 187, 190-191, 288 exanthématique dont il lui restera (histoire de la FN rédigée par A. Fran- de longues séquelles qui n'auront cotte). — C. Gaier, Quatre siècles d'armu- pas disparu lorsque, en mars 1942, il rerie liégeoise, Liège, 1976, p. 213 et suiv. arrivera enfin en Angleterre. — J. Marissal, i Le rôle de M. Gustave Joassart à Londres pendant la guerre », Son obstination a raison des réser- dans la Gazette de Liège, 23 juin 1953, ves de l'autorité belgo-britannique de p. 4. — Gazette de Liège, 6-7 juin 1953, la Sûreté belge. Le 25 août 1942, il est p. 2 et 3. — Le Monde du travail, 6-7 juin parachuté dans la région de Sedan 1953, p. 3. — La Wallonie, 9 juin 1953, avec plusieurs compagnons. Sa mission p. 3. — La Meuse, 9 juin 1953, p. 2 ; est de rejoindre le réseau Zéro France 18 juin 1953, p. 2. — Archives du Banc et de se mettre aux ordres de Gérard d'épreuves de Liège, Comptes rendus des séances de la commission administrative, Kaisin, parachuté pour ce même réseau t. XII (1928-1939). deux mois auparavant. Gérard Kai- sin lui confie le secteur d'Arras qu'il a la charge de créer. Un de ses adjoints JOORIS (Pierre-Marie-Charles-Joseph-Oscar-Ghislain),est arrêté très vite et tout aussitôt avocat, résis- dénonce son patron qu'il ne connaît tant, né à Ixelles le 16 mai 1909, que sous son nom de parachutage de fusillé à la citadelle d'Arras (France, Jacques Luncq, nom d'une famille d'origine alsacienne que Pierre Jooris Nord), sous le nom de JACQUES LUNCQ, le 6 novembre 1943. a rencontrée en Algérie et dont il a Né au sein d'une famille nombreuse décidé de se servir. Arrêté le 7 janvier d'origine brugeoise, Pierre Jooris a 1943, il constate que les Allemands vécu ses premières années dans l'am- savent à peu près tout de lui sauf son biance patriotique qui a suivi la véritable nom et le fait qu'il a été première guerre. Ses oncles, ses cou- parachuté depuis Londres. Il se fait sins ont tous été combattants, un de passer pour un jeune Français d'Algé- ses oncles a été tué au front en 1918. rie (le débarquement en Afrique du Après des études d'humanités au Col- Nord a déjà eu lieu). La police d'oc- lège Saint-Michel à Bruxelles, de cupation le considère comme un philosophie et lettres aux Facultés de opérateur de radio. Les choses n'iront Saint-Louis, de droit à l'Université pas plus loin. Cela est dû avant tout de Louvain, il est, en 1940, inscrit à l'héroïsme du parachuté qui prend au barreau de la capitale. Replié en sur lui la responsabilité entière de France vers les C.R.A.B. (Centres de tout ce qu'il a fait et qui fait croire à Recrutement de l'Armée Belge) sui- ses interrogateurs qu'il a pratiquement vant les instructions gouvernemen- agi seul. Aucun de ses autres adjoints tales, il s'efforce de trouver une ma- ne sera le moins du monde inquiété. nière de rejoindre les premières forces Après dix mois d'interrogatoire à la 455 JOORIS 456 prison de Loos, il est transféré à celle morale, la force qu'il a montrées en d'Arras. Le 6 novembre 1943, il y est acceptant, entre son arrestation et fusillé dans les fossés de la citadelle. sa mort, une solitude absolue derrière Pour être fidèle au choix qu'il a le pseudonyme choisi par lui sont fait de ne jamais se découvrir et de bouleversantes. Il a tout fait pour ne « couvrir » tous ses compagnons, il porter jamais la démoralisation parmi mourra sans avoir revu ni parents ni ceux qui souffraient avec lui. A l'aube amis et sans avoir pu faire signe à du 6 novembre 1943, quand il quitte qui que ce soit. Ce n'est qu'après sa la prison d'Arras, il a encore la force mort qu'il pourra être identifié. Sur sa de lancer en souriant, à travers les tombe, dans les murs de la citadelle judas de ses compagnons d'incarcéra­ d'Arras, où avaient lieu les exécutions, tion qui s'inquiètent, un propos fut porté, à côté du nom sous lequel entièrement détaché :

* KEMLIN (François), maître de ment de Sambre-et-Meuse. Aimé- verrerie-cristallerie, né à RambervilliersGabriel d'Artigues, depuis quatre ans (France, Vosges) le 19 février seulement à Vonêche, y décrocha 1784, décédé à Trévoux (France, une médaille d'argent de première Ain) le 6 juilllet 1855. classe, tandis que le céramiste Wou- François Kemlin, qui réalisa en ters, d'Andenne, client de Vonêche Belgique une remarquable carrière, pour le minium, obtenait une mention était un Vosgien qui dut sa formation honorable. Les Archives de l'Etat à et son orientation à un autre Français, Namur ont conservé le document du Aimé-Gabriel d'Artigues (1778-1848), relevé des pièces envoyées par d'Ar- celui-ci étant sans conteste le plus tigues. En plus du cristal en table grand cristallier européen du xixe siè- pour vitre et de cristal mince, égale- cle. ment en feuille, il y est fait mention D'Artigues, maître en matière tech- du « cristal gobbeletterie », avec un nique, orienta Kemlin vers les études plateau gravé d'arabesques, des gobe- chimiques. Dès 1802-1803, il dut lets dits hollandais, des verres en emmener son tout jeune disciple dans flûte, en trompette, en gondole, en l'actuelle province belge de Namur, tulipe et un vase Médicis à pied carré. à Vonêche, qui fut le siège de la plus Par les mêmes archives, nous connais- importante verrerie (fermée en 1830) sons l'avis de la Chambre consultative de l'Empire français. Kemlin sera des Arts et Manufactures de Namur, nommé sous-directeur à Vonêche, chargée de l'examen des échantillons : puis directeur en 1816. Deux ans avant « Cristaux de la plus grande beauté d'accéder à cette dernière fonction, » tant sous le rapport de la matière Kemlin avait épousé Françoise-Aimée » que celui du travail. La gravure est Sausset (Mâcon, 1789 - Trévoux, 1850), » toujours traitée avec perfection ». une parente de d'Artigues. En 1822, Bel hommage qui dut stimuler Kemlin celui-ci, pour l'administration de tou- dont le souvenir est rappelé par les tes ses affaires, transmettra ses pou- initiales gravées d'un verre en forme voirs à Kemlin. de gobelet exécuté à Vonêche en Le 25 mai 1806, Kemlin étant alors 1820-1825 (Liège, Musée du Verre) le secrétaire de la verrerie de Vonêche, et proche, par le style et le travail une exposition générale et publique de gravure, des pièces bohémiennes des produits de l'industrie française du même temps. présentait à Paris des échantillons de Kemlin fut à la fois un chercheur la production d'artistes, de manufac- éminent et un grand chef d'industrie, turiers et de fabricants du départe- d'un dynamisme exceptionnel. Sur le 459 KEMPENEER 460 plan scientifique, il fera connaître le directeur jusqu'en 1838. Dès juillet un procédé nouveau pour la fabrica- 1826, il implante au Val une petite tion de l'acide sulfurique par l'emploi colonie d'ouvriers anglais. immédiat de la pyrite. Par la fonda- tion de la Société de Vedrin, le 1er jan- Joseph Philippe. vier 1840, en association avec Auguste Archives privées : correspondance échan- Lelièvre et une dame del Marmol, il gée entre François Kemlin et Aimé-Ga- jettera les bases d'une des premières briel d'Artigues (fonds non encore utilisé) ; industries chimiques de Belgique ; la correspondance intime de François Kemlin concession des mines de plomb de (Liège, M. Bernard Regout). cette localité le mettra à même de J. Philippe, Le Val-SairU-Lambert, ses fondre le plomb et d'extraire la pyrite. cristalleries et l'art du verre en Belgique, Concurremment, de 1837 à 1843, liège, éd. Eugène Wahle, 1974, voir Kemlin installera la première glacerie index. belge, à Sainte-Marie d'Oignies, qu'il fera bénéficier d'améliorations techni- KEMPENEER (Hippolyte De), ques notables. Tenait-il sa ténacité inscrit à l'état civil: DEKEMPENEER de ses origines terriennes ? Il devien- (Philippe-Hippolyte), producteur de dra le beau-frère du comte de Saint- films et directeur de laboratoire, né Laurent, marquis de Sainte-Rose. à Anderlecht le 2 janvier 1876, décédé A Vonêche, Kemlin fut le plus à Bruxelles le 20 août 1944. proche collaborateur de d'Artigues. La mère d'Hippolyte était dentel- C'est lui et Auguste Lelièvre (Paris, lière. Son père, Laurent Dekempeneer, 4 août 1796 - Liège, 1879), arrivé à exploitait avec ses deux frères une Vonêche en octobre 1820, à l'âge de sellerie-bourellerie à Anderlecht. vingt-quatre ans, qui deviendront les Hippolyte avait trois ans quand créateurs et les premiers directeurs mourut son père. Sa mère s'étant des célèbres Cristalleries du 'Val- remariée, Hippolyte fut élevé par une Saint-Lambert près Liège où, avec de ses tantes à Malines. Là, il fré- des verriers venus de Vonêche, ils quenta le collège Saint-Rombaut jus- entreprirent la fabrication et le façon- qu'à l'âge de onze ans. Il entra alors nage des premiers cristaux de la ma- à l'Ecole des pupilles militaires et fut nufacture sérésienne, laquelle devien- promu maréchal des logis en 1896. dra vers 1900 la plus importance Il quitta l'armée en 1905 et s'établit cristallerie sur le plan mondial. comme marchand de bière. Il obtint A Aiseau près de Charleroi, la gla- l'exploitation de la buvette de la cerie de Sainte-Marie d'Oignies, dont plaine d'aérostation de Zellik. la fondation avait été décrétée en En 1909, Hippolyte De Kempeneer, 1836, devait ses plans d'aménage- qui s'était lié avec les aéronautes ment à Kemlin qui en devint le direc- Ernest Demuyter, Philippe Quersin teur en 1838. et Léon Coekelenberg, organisa lui- En décembre 1825, François Kem- même un meeting aérien pour lequel lin' et Auguste Lelièvre, dont le pre- il fit appel à Pégoult, un des premiers mier s'occupa comme d'un fils, réali- pilotes acrobatiques de l'aviation. saient l'acquisition de bâtiments abba- Pour filmer l'événement il s'en fut tiaux du Val-Saint-Lambert, tels que quérir un opérateur de cinéma à la fin de l'Ancien Régime les avait Paris. Il y rencontra un compatriote, connus, sauf l'église abbatiale qui Auguste Meuter qui devint son colla- fut démolie. Le 6 juin 1826, Kemlin borateur attitré. apposait sa signature sur l'acte de De Kempeneer avait donc fait son fondation de la « Société anonyme entrée dans la branche cinématogra- des Verreries et Etablissements du phique avant la première guerre Val-Saint-Lambert », comme admi- mondiale en tournant lui-même ou, nistrateur et actionnaire. Il en sera à tout le moins, en produisant diverses 461 KEMPENEER 462 actualités occasionnelles, à partir de laboratoire que furent réalisés d'au­ 1908-1909. tres films de circonstance : La Libre D'autre part, préoccupé de la Belgique et l'héroïque Gabrielle Petit, sauvegarde morale de l'enfance me­ traitant à la fois du fameux journal nacée par des « spectacles malsains », clandestin et de l'infirmière fusillée il avait fondé, en 1913, la Ligue du par les Allemands ; Ame belge, à la Cinéma moral, dont la grande idée gloire du caporal Trézignies, et Jeune était de convaincre les bourgmestres Belgique, évoquant le souvenir de la de n'accorder l'autorisation d'ouver­ petite Yvonne Vieslet, une gamine ture d'une nouvelle salle qu'aux abattue par une sentinelle allemande exploitants ayant souscrit aux prin­ pour avoir offert sa « couque » cipes de la Ligue. (brioche) à un prisonnier français. Sous l'occupation, on retrouve De A Charles Tutelier appelé sous les Kempeneer comme exploitant du drapeaux avait succédé, avec le Cinéma des Familles, rue de la Col­ titre de directeur artistique, Armand line à Bruxelles, et à la tête de la Duplessy (orthographié aussi Duples- Compagnie belge des Films instruc­ sis ou Du Plessy). tifs. On doit à cette dernière de De Kempeneer n'allait pas se borner précieux témoignages visuels sur des aux sujets tricolores. De 1919 à 1921, « temps difficiles » : vente de la fleur il produisit encore Le Conscrit et Le de l'orphelin, distribution de farine, Gentilhomme pauvre, adaptations de distribution du fonds de chômage, romans du fécond écrivain flamand déchargement de graisses et de lard, Henri Conscience. D'autres sujets fabrication de « couques scolaires », la populaires furent également mis en soupe communale à Bruxelles, cure images : La Dentellière de Bruges et d'air pour nourrissons à Boitsfort, La petite chanteuse des rues. Ces consultations maternelles, etc.. De films furent mis en scène par Armand Kempeneer eut le beau geste de faire Duplessy mais celui-ci fit ses adieux à don de ces sujets et d'autres aux De Kempeneer pour tenter fortune Archives cinématographiques de la sur la Côte d'Azur. Ville de Bruxelles. De Kempeneer manda alors de Au Cinéma des Familles, la Com­ Paris le Français Théo Bergerat qui pagnie des Films instructifs donna mit en scène Le Juge, Un drame à la des séances pour la jeunesse mais ferme et Rempart de Brabant, trois celle-ci, « pervertie par Nick Carter », films basés sur des scénarios de ne répondit guère à son appel. Michel Lévy alias Jacques Monteil, Dans les caves de son cinéma, rédacteur au journal bruxellois Midi. De Kempeneer avait installé un Toujours au boulevard Barthélémy, laboratoire de développement et de De Kempeneer organisa une école tirage ainsi qu'un petit studio de d'interprétation cinématographique, prises de vues où il préparait en dont les cours du soir duraient deux secret des films patriotiques destinés mois. à sortir à la Libération. Ses films patriotiques et folkloriques Celle-ci venue le 11 novembre 1918, ayant connu un certain succès, De De Kempeneer ne tarda pas à lancer Kempeneer réussit à trouver de nou­ sur le marché La Belgique martyre, veaux commanditaires et sa Com­ drame patriotique en 5 parties de et pagnie belge de films cinématogra­ avec Charles Tutelier. phiques (au capital d'un million de Pour cause d'expropriation, il dut francs) s'effaça alors devant Belga quitter la rue de la Colline. En 1919, Films avec un capital passant à deux il était installé au 34 du boulevard millions, l'avocat liégeois Dallemand Barthélémy à l'enseigne de la Com­ et l'industriel Pollain devenant ses pagnie belge de films cinématogra­ associés. Le siège social restait fixé au phiques. C'est dans ce petit studio- boulevard Barthélémy mais la nou- 463 KEMPENEER 464 veile société acquérait le domaine de et le négatif du Masque du génie fut Belval à Machelen, non loin de Vil- la proie des flammes. vorde, pour en faire son centre de pro­ De Kempeneer ne se laissa pas duction. C'était un vaste château « en­ abattre par ce désastre. Les dégâts touré de 13 hectares de terres fertiles ». réparés, il mit son studio à la dispo­ Au début de 1922, y fut construit un sition des Français Henri Etiévant premier « théâtre de prise de vues ». et Robert Péguy qui y tournèrent les Attenant à celui-ci on trouvait des intérieurs de Kithnou. Puis vint le ateliers pour la construction des tandem Maurice de Marsan - Mau­ décors et les magasins aux accessoires. rice Gleize pour réaliser successive­ Le château proprement dit servait ment La Nuit rouge et La Main qui d'hôtellerie aux artistes et aux tech­ a tué dont la vedette était Gina Manès. niciens. Un laboratoire de dévelop­ En 1924, De Kempeneer revint à la pement était intégré à l'ensemble. Un production avec L'œuvre immortelle, parc avec ses hautes futaies, sa dont il confia la réalisation à Julien source et son jardin d'hiver environ­ Duvivier. Mais la zizanie régnait au nait le château. L'ensemble était sein de Belga Films. Les actionnaires imposant pour l'époque et un chro­ majoritaires écartèrent De Kempeneer niqueur enclin à l'hyperbole n'hésita de la société qui se borna, dès lors, à pas à le baptiser « Cinémaville ». louer ses installations à des tiers. L'installation n'était pas terminée En août 1926, sonnait le glas : le que le réputé Jacques de Baroncelli studio devenait une scierie mécanique. arrivait à Machelen pour réaliser La Entretemps, De Kempeneer était Tour du silence (bientôt rebaptisée Le retourné au genre documentaire. En Carillon de minuit). Les grandes 1925, il lançait l'Université cinégra- lignes du sujet étaient de De Kem­ phique belge (U.C.B.) avec le concours peneer lui-même, qui chargea Michel d'un eminent journaliste, Georges Lévy d'écrire le scénario... que de Ba­ Landoy, rédacteur en chef du Matin roncelli s'empressa de remanier. Des d'Anvers. extérieurs furent tournés à Bruges et Le plan d'action était le suivant : à Malines mais à Machelen même le d'une part, l'U.C.B. produirait en peintre Arthur Navez et ses staffeurs Belgique des documentaires de pré­ reconstituèrent le décor d'une rue férence subsidies, subventionnés par bordée d'un canal. La presse du temps des firmes industrielles ou des secteurs n'eut qu'éloges pour ce film mélodra­ économiques et les échangerait contre matique et folklorique. Mais d'autre des bandes étrangères de même na­ part le bruit courut que beaucoup ture ; d'autre part, l'U.C.B. réunirait d'argent avait été inutilement dila­ en une association sans but lucratif pidé. rayonnant sur tout le pays des de Baroncelli rentré à Paris, De spectateurs-adhérents en nombre suf­ Kempeneer fit appel à un autre fisant pour que l'entreprise soit ren­ monsieur à particule mais cette fois de table, les programmes étant constitués souche belge : le marquis de Chateleux de six documentaires (belges ou qui, dans La Nation belge, signait étrangers) et d'un dessin animé (gé­ démocratiquement ses papiers du néralement d'origine américaine). pseudonyme Chalux. Dès 1926, l'U.C.B. installée au Chalux œuvra donc à Machelen et boulevard Leopold II prit un essor y tourna successivement Le Mouton prodigieux. Au terme de la première noir, interprété par Marcel Roels et année elle comptait onze groupements Simone Vaudry, et Le Masque du locaux. En 1927, l'U.C.B. totalisait génie dont le protagoniste était égale­ 20.000 membres. En 1928, les adhé­ ment Marcel Roels. rents atteignaient le nombre de 40.000. Hélas I un incendie ravagea par­ Résultat sensationnel quand on con­ tiellement le studio en février 1923 sidère que les adhérents payaient 465 KEMPENEER 466 d'avance leur cotisation pour vingt lors entendu accuser par d'aucuns de séances l'an. Cela leur coûtait traîtrise et de forfaiture. 20 francs. Les soixante programmes Dans la clandestinité, De Kempe- des trois premières années représen­ neer entreprit donc un long métrage taient 1.500.000 mètres de pellicule. documentaire basé sur un scénario L'apport belge y figurait par des établi de concert et dont le commen­ films sur l'Escaut, la Meuse, les taire fut rédigé par le général Van beffrois de Belgique, le lin, le textile, Overstraeten, aide de camp du Roi. le sucre, les hauts-fourneaux, les Le film allait tendre à démontrer que scieries, les chantiers navals, la con­ la capitulation avait été rendue iné­ struction électrique, etc. vitable par la percée du front français L'Université cinégraphique belge à Sedan, la ruée allemande vers était en pleine prospérité et la preuve Abbeville et la suprématie en nombre était faite que le cinéma éducatif ou et en matériel de l'adversaire. culturel peut être rentable lorsque De Kempeneer s'était assuré le Landoy trouva la mort aux Etats- concours des opérateurs Charles Unis en 1929 en observant de trop Lengnich, Hubert Duval et François près un geyser en éruption. La Rents. Les travaux furent exécutés disparition de cet animateur en­ à la petite semaine au studio de thousiaste signifia une perte irrépa­ Publi-Ciné, quai au Bois de Construc­ rable pour l'U.C.B. qui, par la suite, tion. Mais en 1943 les Allemands eut à affronter la discorde interne et eurent vent de la chose et saisirent le la vague du cinéma parlant lequel, négatif. Toutefois, le film put être dans un pays bilingue, multipliait par reconstitué grâce au fait que les deux les frais de sonorisation. L'U.C.B. documents de départ avaient été périclita dans les années 1930. dissimulés en diverses cachettes. Hé-, De Kempeneer se consacra dès lors lasl De Kempeneer ne put jouir du exclusivement à son laboratoire qu'il succès de son opiniâtreté, il s'éteignit avait transféré dans une vaste pro­ le 20 août 1944, quinze jours avant la priété sise chaussée de Mons à An- libération. derlecht. Il lui donna une belle Tel qu'à la diligence des fils du extension sous la dénomination La- disparu le film est sorti dans les salles borciné. On y pratiquait le develop­ dès la mi-septembre 1944, le film me­ ment de négatifs, le tirage de copies sure 1.200 mètres et comporte huit sec­ et le sous-titrage. tions : la fondation de l'Etat belge "Vint l'invasion de 1940. Peu après, en 1830-1831, les fastes belges évo­ Laborciné était mis sous séquestre et qués par les cortèges de l'Ommegang, De Kempeneer réduit à l'inaction. l'inauguration du Musée colonial de Mais cet homme était d'une indompta­ Tervueren par Leopold II en 1908, ble pugnacité. Fervent patriote au les obsèques du souverain l'année demeurant, il se mit en rapport avec suivante, l'avènement d'Albert Ier, le comte Dumonceau de Bergendael, la guerre 1914-1918, le retour du dont le fils avait rejoint les Forces Roi-Chevalier et, enfin, la Campagne belges de Grande-Bretagne, et avec des dix-huit jours de Leopold III. le docteur Frédéric-Joseph van de Sauf pour le premier chapitre, com­ Meulebroeck, bourgmestre de Bru­ posé évidemment à l'aide d'imageries xelles démis de ses fonctions par d'époque et pour le dernier composé l'occupant. essentiellement de graphiques retra­ Le trio s'assigna un but : restituer çant les phases successives de la son honneur à l'armée belge de 1940 progression de l'armée allemande et et réhabiliter son commandant en de la retraite des Alliés, on a fait chef, le roi Leopold III, qui avait usage de « stock-shots » (documents mis bas les armes au terme de dix- filmés) appartenant à la collection huit jours de combat et s'était dès personnelle de De Kempeneer ou 467 KERKHOFS 468 empruntés au Musée de l'Armée et KERKHOFS (Louis-Joseph), évêque aux Archives cinématographiques de de Liège, né à Val-Meer le 15 fé- la Ville de Bruxelles. vrier 1878, décédé à Liège le 31 décem- Le film a connu une succession de bre 1962. titres : d'abord : Nous le jurons tous, Mgr Louis-Joseph Kerkhofs, 88e évê- tu vivras, puis Belgique toujours et, que de Liège, avait renoncé à sa charge enfin Le Roi, la Loi, la Liberté. Il a eu épiscopale le 8 février 1961 et, le la bonne fortune d'une exploitation 8 décembre 1961, il avait été nommé fructueuse. Ensuite, il a été fragmenté archevêque titulaire de Serre. Depuis en divers courts métrages dont le plusieurs années, il résidait à la Cli- plus demandé, certes, a été La Cam- nique Sainte-Rosalie où les soins ré- pagne des dix-huit jours. En 1950, clamés par son état de santé l'avaient quand il s'est agi pour le peuple amené à se retirer, confiant en quel- belge de se prononcer par référendum que sorte la garde de l'évêché à son sur la question de savoir s'il souhaitait collaborateur et ami, Mgr Leroux, ou non le retour de Léopold III sur doyen du chapitre et ancien président le trône, les fils De Kempeneer ont du Grand Séminaire. Il y vécut en- réédité le film en l'enjolivant d'une touré de religieuses qui le vénéraient postface propre à séduire les midi- comme un saint et réconforté par les nettes puisqu'on y voit la princesse visites assidues de nombreux prêtres Joséphine-Charlotte visitant les sites et laïques, qui aimaient reconnaître héroïque de Bastogne, humanitaire en lui un pasteur dont les vertus et de La Panne et folklorique des l'action apostolique avaient réussi à Marolles bruxelloises. conférer au siège épiscopal de la Cité Hippolyte De Kempeneer, nous ardente un imposant prestige. De ce l'avons dit, était un fervent patriote, prestige, les fêtes jubilaires organisées bon Flamand et parfait bilingue. en 1950 à l'occasion des cinquante ans Autodidacte, il avait acquis une cer- de sacerdoce et des vingt-cinq ans taine culture et d'étendues connaissan- d'épiscopat de Mgr Kerkhofs furent le ces techniques. La conviction catholi- témoignage éclatant. que était profondément ancrée en lui. Ses parents, très chrétiens, exploi- Il engendra une nombreuse progéni- taient une ferme située dans la Bo- ture ; la plupart de ses fils devaient demstraat à Val-Meer. Le ménage fut embrasser la même carrière que lui. béni de la naissance de quatre enfants, En affaires, il était roué. C'était un Maria, Louis, Matthieu et Judith. Le personnage balzacien. futur évèque fut baptisé le jour même Francis Bolen. de sa naissance, il fit sa première com- munion à onze ans le 12 mai 1889 et, le 31 mai 1893, il fut reçu comme Souvenirs personnels. — Virelles, « Le congréganiste. De 1888 à 1890, les Cinéma belge des origines à nos jours >, abbés Custers et Arts lui enseignèrent dans Cinèmonde (édition belge unique- ment), n° 974, 3 avril 1953 - n° 999, 25 sep- à Val-Meer la matière des deux pre- tembre 1953. — F. Bolen, « Honderd- mières années des humanités gréco- vijftig jaar Film in BelgiS », dans De Film latines. En 1890 il partit pour le col- in België, Anvers, éd. Vlaams Economisch lège de Peer où il suivit les cours de Verbond, 1955, p. 12-23. — F. Bolen, grammaire et de syntaxe. En 1893- Ciné-dossiers, Bruxelles, éd. L'Action ciné- 1894 il acheva ses études moyennes matographique, n" 4, octobre 1967 ; n° 5, au collège de Hasselt. Qu'il ait été décembre 1967; n° 6, février 1968; n° 8, juin 1968 ; n° 18, février 1970. — F. Bolen, primus perpetuus, ainsi que le gou- Histoire authentique, anecdotique, folklori- verneur Verwilghen le déclara aux que et critique du Cinéma belge depuis ses fêtes jubilaires de 1950, ne peut s'en- plus lointaines origines, Bruxelles, éd. tendre qu'au sens large. Mémo et Codée, 1978. Ayant opté pour une vocation sa- 469 KERKHOFS 470 cerdotale et une affiliation au clergé nombre de ses prêtres dans sa partie du diocèse de Liège, il fut envoyé flamande, il ne pouvait être question par Mgr Doutreloux à l'Université de faire appel à un candidat wallon, grégorienne de Rome pour sa forma­ incapable de manier la langue néer­ tion philosophique et théologique landaise. D'autre part, un candidat (1894-1900). Les anciens camarades flamand trop inféodé aux tendances romains aimèrent rappeler qu'il fonc­ flamingantes risquait d'éveiller et de tionna comme objectant, de conserve blesser la susceptibilité wallonne, avec l'abbé Pacelli, le futur Pie XII, d'autant plus aisément que depuis les à la soutenance de thèses en théolo­ origines de l'activisme flamand durant gie du Dr Carl Sonnenschein. Ordonné la première guerre mondiale divers sous-diacre et diacre à Rome, puis, groupements flamands avaient mani­ le 22 septembre 1900, prêtre à Liège festé des tendances que même Mgr par Mgr Doutreloux, il célébra sa Martin Rutten avait dû flétrir. Dans première messe le 23 septembre au un tel contexte social et national, il sanctuaire de Sainte-Julienne de Cor- ne pouvait y avoir pléthore de can­ nillon et le lendemain ses prémices didats. A nous reporter aux déclara­ solennelles dans son village natal. Le tions de Mgr Leroux, celui-ci s'entre­ mois suivant, son évêque le nomma mit beaucoup pour attirer l'attention professeur de philosophie au Petit sur le président du Grand Séminaire, Séminaire de Saint-Trond, poste qu'il d'autant que jadis, quand plusieurs occupa durant dix-sept ans jusqu'en prêtres liégeois, tels H. Merkelbach septembre 1917 quand Mgr Rutten et Joseph Lottin, avaient cru devoir lui confia au Grand Séminaire la donner suite à une vocation religieuse, succession de H. Merkelbach, profes­ il avait contribué à en détourner son seur de théologie dogmatique, qui ami Kerkhofs, faisant valoir qu'un venait de quitter le clergé diocésain jour le diocèse aurait besoin de lui. pour se faire dominicain à Louvain. Quoi qu'il en soit, le chanoine Kerk­ Le professorat liégeois ne dura guère. hofs, parfait bilingue, originaire de En 1922, Mgr Rutten l'appela à la la frontière linguistique et à ce titre présidence du séminaire, charge con­ appartenant presque aux deux pro­ servée jusqu'en 1927, même après vinces, bien connu aussi bien à Liège que le 14 décembre 1924 il avait été qu'au Limbourg, au surplus foncière­ nommé évêque auxiliaire, succédant ment étranger aux querelles linguisti­ ainsi à Mgr Laminne prématurément ques, était tout désigné pour le siège décédé. Sacré évêque le 11 février de Notger. Il l'était d'autant plus 1925, il assuma la direction du diocèse qu'il se présentait comme susceptible le 18 juillet 1927 au lendemain du d'offrir un nouveau modèle d'évêque, décès de son prédécesseur survenu le celui d'un pasteur avant tout spiri­ 17 juillet. tuel. Que le chanoine Kerkhofs ait été Toute sa carrière, on l'aura remar­ choisi pour régir le diocèse bilingue qué, Mgr Kerkhofs l'avait passée jus­ de Liège, s'explique après coup sans qu'à sa promotion episcopale, dans peine. Durant les vingt-sept années l'enseignement et dans la formation de son épiscopat, Mgr Rutten s'était des futurs prêtres. Si partant le mi­ révélé un prélat attentif au mouve­ nistère paroissial lui était resté étran­ ment flamand visant à améliorer les ger, il était en revanche parfaitement conditions de vie de la population préparé à conduire un clergé que flamande, ouvrière et rurale. Il s'était durant vingt-sept ans il avait aidé à même permis quelques interventions prendre conscience des devoirs de sa jugées à cette époque fracassantes mission. pour l'appuyer. Son décès posait un Nous n'avons pas trouvé de traces difficile problème de succession. Dans écrites de l'enseignement dispensé par un diocèse bilingue recrutant un grand l'abbé Kerkhofs au Petit Séminaire 471 KERKHOFS 472 de Saint-Trond. Par contre, la Revue Les auspices sous lesquels le nou­ Ecclésiastique de Liège, — jadis une vel évêque eut à assumer la direction des revues diocésaines des mieux de son diocèse ne furent pas tous informées, des plus vivantes, des plus favorables. Dans la ville episcopale appréciées de notre pays, revue à la faillite de la Banque Chaudoir laquelle ont collaboré par exemple jeta la consternation dans les milieux Monseigneur Monchamp, historien éru- catholiques, puis, fait plus inquiétant, dit et académicien distingué, le théo­ l'influence grandissante du parti na­ logien Merkelbach et l'exégète Rongy, tional flamand menaça de mettre préoccupés l'un et l'autre de faire fin au Limbourg à l'union politique bénéficier leur enseignement des pro­ des chrétiens. S'inspirant des dernières grès réalisés dans les domaines de directives de son prédécesseur, Mgr leur enseignement respectif, — pu­ Kerkhofs adressa le 27 avril 1929 blia de sa main une série d'articles. une lettre au futur député Gérard Nous en avons pris connaissance pour Romsée pour blâmer sa candidature préparer la laudatio de l'évêque lors aux élections législatives. Foncière­ de sa promotion au doctorat honoris ment homme de paix, l'évêque répu­ causa en théologie le 12 février 1948. gnait toutefois à s'engager dans les Qui parcourt les articles de Mgr Kerk- broussailles de la politique. N'ou­ hofs, disions-nous en cette circon­ blions pas d'ailleurs qu'au lendemain stance, est frappé par l'information de sa nomination, il s'était préoccupé qui les soutient, par l'ampleur et de panser les blessures infligées à parfois la hardiesse des vues qui les quelques prêtres dont l'engagement caractérisent, par l'onction qui ne dans l'action sociale patronnée par manque pas d'y affleurer par endroits Mgr Doutreloux avait été jugé trop et qui déjà présage en quelque sorte progressiste par son immédiat prédé­ un style episcopal. Signalons en par­ cesseur. ticulier l'article qui précise la doctrine Il apparut très tôt que le 88e évê­ de la médiation mariale, ou celui sur que de Liège entendait porter ses la connaissance naturelle de Dieu où efforts de préférence sur le terrain l'auteur n'écarte pas la possibilité strictement religieux. S'adressant à d'un athéisme irresponsable de son ses diocésains le 2 février 1928, il erreur devant Dieu. On retiendra leur annonça qu'il allait se consacrer aussi la nette prise de position du à maintenir et, s'il plut à Dieu, à théologien liégeois à l'endroit de la renforcer le triple amour qui depuis promesse dite de salut final commu­ des siècles était censé caractériser le niquée par le Sacré Cœur à sainte diocèse de Liège, la Sancta Legia Marguerite-Marie et on se gardera de Romanae Ecclesiae fixa : l'amour de perdre de vue ses réflexions fort per­ l'Eglise, celui du Saint-Sacrement et sonnelles sur l'impuissance du libre celui de la Sainte Vierge. Pour y arbitre, où, à plus d'une reprise, il parvenir il s'employa sans relâche à manifeste son indépendance à l'égard promouvoir la croisade eucharistique d'un de ses maîtres les plus presti­ et l'action catholique, puis à multi­ gieux, le cardinal Billot. plier à travers son diocèse des mani­ Mais cette notice doit avant tout festations religieuses de masse sur le être consacrée au portrait du pasteur modèle de celle qui avait accompagné d'un vaste diocèse et à l'évocation du au début de sa carrière, le 28 août ministère de celui appelé par le gou­ 1927 à Liège, le Congrès de la jeu­ verneur Verwilghen l'évêque serviteur nesse catholique. C'est ainsi qu'il par excellence, l'évêque intercesseur organisa la consécration de son diocèse et bienfaiteur, distributeur de ses au Sacré Cœur le 29 juillet 1928 à biens, l'évêque mariai d'un diocèse Hasselt et, le 7 juillet 1929, sur le par tradition fidèle à la piété eucha­ plateau de Cointe à Liège. A cette ristique. première consécration il ajouta celle 473 KERKHOFS 474

à la Vierge le 22 août 1933 à Hasselt imposantes de piété populaire ou à et le 1er octobre à Liège. En 1941, la promotion du culte de la Vierge au cours de la première année de la telle qu'à ses yeux elle était apparue deuxième guerre mondiale, il pere­ à Banneux. Certes beaucoup de ses grina à travers son diocèse pour re­ lettres sont consacrées aux dévotions nouveler dans les paroisses cette der­ qu'il considérait comme capitales nière consécration et réaliser ainsi ce pour la sanctification du peuple qu'il appela une année mariale. La chrétien, autant des prêtres que des dernière grande manifestation reli­ fidèles. Mais il ne cessa d'organiser, gieuse populaire qu'il eut la joie de promouvoir l'action catholique, et d'organiser fut le cortège eucharisti­ il ne manqua pas d'aborder les pro­ que nautique qui en 1946 célébra à blèmes de la vie familiale et sociale. Liège le Septième centenaire de l'in­ La famille chrétienne, en particulier stitution de la fête du Saint-Sacre­ sa vocation, ses devoirs, l'atmosphère ment. morale et religieuse requise à son Dans l'entretemps survinrent à plein et harmonieux développement, Banneux, du 15 janvier au 2 mars ont fait plus d'une fois l'objet de 1933, c'est-à-dire au début de l'année ses instructions. Vers la fin de sa qui allait devenir mariale, huit appa­ carrière, quand il estima l'éducation ritions de la Vierge à une fillette du religieuse menacée par les mesures terroir, Marguerite Béco. L'évêque fut envisagées par le ministre Collard peut-être tenté d'y voir une réponse pour compromettre le développement, du ciel à ses efforts et à ses labeurs voire l'existence de l'école chrétienne, apostoliques. En tout cas, le 19 mars l'évêque de Liège se fit même polé­ 1942 il autorisa le culte de la Vierge miste. Il invita ses diocésains à une des Pauvres, appellation sous laquelle croisade pour la défense d'un ensei­ la Madone était dite s'être fait con­ gnement libre cher à l'Eglise et im­ naître et, le 19 mars 1947, il affirma, planté en notre pays depuis son indé­ en sa qualité d'évêque du lieu, le pendance. Il dénonça en même temps caractère surnaturel des phénomènes les dangers d'une presse non catho­ dont la voyante avait bénéficié. Une lique qui non seulement ne soutenait histoire des faits, des réflexions per­ pas les droits des croyants mais con­ sonnelles de l'évêque, des interven­ tribuait à saper leurs convictions. tions sur lesquelles il s'appuya pour Que Mgr Kerkhofs se soit préoc­ prendre ses décisions, une histoire cupé de la promotion sociale et reli­ répondant aux exigences de la mé­ gieuse de sa province natale est tout thode historique, n'a pas été entre­ naturel. Le Limbourg était d'ailleurs prise. Notons simplement que Mgr sous son épiscopat une région en plein Kerkhofs ne semble pas avoir varié développement. Elle perdait en par­ dans son appréciation des faits, qu'il tie son caractère rural à la suite fut confirmé dans sa manière de voir d'une industrialisation intense qui, par plusieurs pères jésuites dont le selon le gouverneur Verwilghen, était Père Pierre Scheuer et le Père Mau­ appelée à faire du Limbourg par rice Claeys Bouüaert, et qu'il alla à excellence « la province de l'avenir ». rencontre des conclusions de la pre­ Et puis l'immigration de nombreux mière commission episcopale chargée travailleurs étrangers réclamait une d'examiner le problème, commission vigilance pastorale toute spéciale si dont son noble ami et étroit colla­ l'on voulait préserver l'intégrité mo­ borateur, Mgr Leroux, avait assumé rale et religieuse d'une contrée restée la présidence. particulièrement fidèle à la foi et à Ce serait gravement être injuste la pratique de la religion catholique. envers l'évêque de Liège que de pa­ Pour rattraper les retards dans raître restreindre ses préoccupations l'équipement scolaire dont le Lim­ à la mise sur pied de manifestations bourg souffrait, il parut surtout urgent 475 KERKHOFS 476 de multiplier les écoles d'enseigne­ diocèse, partage qui s'est réalisé sous ment technique. L'évêque s'attela son successeur, Mgr van Zuylen, avec d'autant plus de succès à réali­ quand en 1967 le diocèse de Hasselt ser ce dessein qu'il put compter sur fut créé. Lui-même se sentit à l'aise l'aide de Mgr Tillieux, un vicaire aussi bien à Liège, où il résida qua­ général bien familiarisé avec les scien­ rante-quatre ans, qu'à Hasselt. Puis ces et soucieux de donner à leur en­ il considéra et estima le séminaire seignement plus d'importance et d'am­ de Liège comme un lieu de rencontre pleur. idéal où des aspirants au sacerdoce L'évêque de Liège ne fut pas moins d'origine et de culture nettement attentif aux œuvres sociales réclamées différentes trouvaient une occasion par le développement industriel de la unique de se compléter et de s'enri­ province. En ce domaine, il confia la chir mutuellement. Et les exemples propagande et l'organisation de l'apos­ ne manquaient pas d'un tel enrichis­ tolat à Mgr Broeckx dont l'éloquence sement. L'évêque pouvait renvoyer populaire réussit à affilier la majorité non seulement à quelques fortes per­ des ouvriers aux syndicats chrétiens. sonnalités, par exemple à Mgr La- Ajoutons que l'évêque lui-même éla­ minne, Mgr Simenon, Mgr Philips, bora un programme d'aspirations et mais encore à maint représentant de réformes sociales dont à ma con­ des prêtres voués à l'humble minis­ tère paroissial. naissance aucun de ses collègues bel­ ges dans l'épiscopat ne s'est appro­ Nous venons de signaler particu­ ché. Dans sa lettre du 17 février 1949, lièrement en relation avec la province Mgr Kerkhofs plaida en effet pour la de Limbourg les préoccupations et participation des ouvriers non seule­ les initiatives sociales de Mgr Kerk­ ment aux bénéfices des entreprises hofs. Ajoutons qu'elles concernaient mais en outre, bien entendu selon tout autant la partie wallonne de son des modalités à étudier, à leur gestion. diocèse et qu'elles s'étendaient même Enfin sur un troisième plan, celui au-delà des frontières de notre pays. de l'action catholique, l'évêque de C'est un prêtre de son diocèse qui, Liège se montra également plein de encouragé par son évêque, s'employa sollicitude. En l'occurrence, il put à développer la Société des Prêtres compter surtout sur la collaboration auxiliaires des missions fondée en de Mgr Philips, professeur successive­ 1926 par le Père Vincent Lebbe pour ment au séminaire de Liège et à venir en aide aux évêques indigènes l'Université de Louvain, et, de 1953 nouvellement promus. Puis c'est lui à 1968, sénateur coopté. Les laïques, qui fut un des premiers pasteurs bel­ tel était le mot d'ordre le plus sou­ ges à répondre à l'appel Donum fidei vent répété, ont pour mission de (1957) de Pie XII pour envoyer des réaliser sur le plan temporel l'idéal prêtres diocésains dans les pays de la morale chrétienne. A cette fin d'Amérique latine et d'Afrique où le recrutement sacerdotal était insuffi­ leur mission consiste à fonder et à sant. Ainsi prit naissance au Rwanda développer des initiatives et des œu­ le Collège du Christ-roi dont l'abbé vres adaptées aux temps nouveaux. Eugène Ernotte devint le directeur. N'oublions pas de mentionner que C'est toujours lui qui en 1948, au l'intérêt de Mgr Kerkhofs pour sa pro­ lendemain des combats qui opposè­ vince natale se comprend d'autant rent en Palestine Juifs et Arabes, mieux qu'elle était la région par assuma l'initiative d'un « œcumé­ excellence des vocations religieuses et nisme de charité » réalisant un élo­ sacerdotales et qu'elle suppléait ainsi quent témoignage chrétien dans la à leur déclin dans la province de patrie du Sauveur. Enfin, — et c'est Liège. sans doute sur le plan doctrinal l'ap­ Nous ignorons si Mgr Kerkhofs a port le plus marquant de son épisco- envisagé le partage de son grand 477 KERKHOFS 478 pat, — au lendemain des troubles sommant de lui livrer les listes de qui précédèrent l'indépendance du leurs élèves, et il n'hésita pas à leur Congo belge, il publia une lettre écrire que lui-même assumait toute pastorale où il énonça l'attitude que la responsabilité de ce refus. Et voici la population et les instances publi­ un dernier trait aussi pittoresque ques belges avaient à adopter à l'en­ qu'à sa manière éloquent : quand droit de l'ancienne colonie. Il y dressa l'autorité militaire allemande eut ré­ un bilan de l'œuvre belge au Congo, quisitionné un certain nombre d'ota­ en soulignant à la fois les bienfaits ges et les eut enfermés à la citadelle, et les manquements, et il y traça de l'évêque se rendit à leur prison et main de maître tout un programme leur offrit, assorties de cigares et de de décolonisation. quelques bonnes bouteilles, ses paro­ Et voici pour terminer notre aperçu les de réconfort. de la carrière du prélat liégeois l'évo­ Résistant de la première heure, cation du Defensor civitatis. Dès les Mgr Kerkhofs eut l'autorité suffisante premiers jours de la deuxième guerre pour donner un nouveau témoignage mondiale, la province de Liège fut de civisme et de patriotisme en dé­ une nouvelle fois la première à être nonçant, après la victoire des alliés, envahie et occupée par les armées une répression sauvage dictée plus allemandes. Tout de suite l'évêque se par la vengeance que par le souci montra et s'imposa comme le défen­ de la justice. Et quand le pays se seur intrépide de son diocèse et de réveilla surpris et traumatisé par sa ville episcopale. En annonçant à l'insurrection congolaise, ce fut de ses diocésains la capitulation de l'ar­ nouveau lui, comme nous l'avons mée belge, il les pria de garder leur rappelé plus haut, qui exprima le fidélité et leur confiance à la fois au mieux les sentiments qui devaient Roi et au gouvernement, se distan­ inspirer ses concitoyens et leur dicter çant, par cet appel à une double les attitudes qui désormais s'impo­ allégeance, de ceux prêts à abandon­ saient. ner l'une des deux autorités légitimes Rien d'étonnant qu'aux fêtes jubi­ du pays. Puis il traça comme ligne laires de 1950 Paul Tschoffen évoqua, de conduite le devoir de ne pactiser pour magnifier le civisme de son évê- sous aucun prétexte avec l'ennemi. que, le souvenir de Notger et lui Quand après la libération du pays, appliqua le dicton liégeois : le public apprit que l'évêque de Liège « O Liège qui des lois portes le avait soustrait le rabbin de sa ville » joug léger, episcopale à la persécution nazie en » Tu dois Notger au Christ, et le lui offrant une cachette dans sa rési­ » reste à Notger. » dence, ce geste devint l'image la plus Célébrant ensuite l'autorité avec frappante de sa résistance à l'ennemi. laquelle l'évêque avait accompli sa Qu'elle ne nous fasse pas oublier bien mission, parfois en faisant preuve d'autres actes non moins courageux d'une fière et légitime indépendance du prélat. Il refusa de remettre à la d'opinion, il cita un texte de Biaise soldatesque allemande les clefs des Pascal, anticipant de quelque deux tours de sa cathédrale quand elle siècles ceux de Vatican II : « Si un s'apprêta à y voler les cloches. Il » Pape, parlant d'un évêque, l'appe- donna à la réquisition des ouvriers » lait un fils, au lieu de l'appeler son le nom qu'elle méritait, celle d'une » frère, au préjudice de la société qui déportation, et il ne consentit pas, » est entre lui et tous les évêques du même pas devant les menaces alle­ » monde dans Pépiscopat, l'acte où se mandes, à retirer le mot. Il invita » trouve une telle expression serait les directeurs de ses établissements » nul. » d'enseignement à ne pas obéir aux Parmi les traits qui ont frappé le injonctions du pouvoir occupant les plus ceux qui ont connu de près l'évê- 479 KERKHOFS 480 que il y a d'abord la simplicité et la En terminant dans l'ouvrage : Un sincérité inculquées par le Seigneur à siècle de l'Eglise catholique en Belgi­ ses disciples en Matthieu, VI, 22 ; que 1830-1930, Bruxelles, s.d. (1931), Luc, XI, 34 ; Matthieu, X, 16, ainsi t. II, p. 194, sa notice sur le diocèse que sa générosité à s'engager sur les de Liège, Jean Paquay concluait que traces du Maître pour un apostolat le siège de saint Lambert avait été d'universelle charité. Non moins frap­ illustré, pendant le premier siècle de pante était sa piété qui l'amena, une notre indépendance nationale, par des nouvelle fois à l'exemple du Seigneur, prélats qui ont dignement gouverné à persévérer dans la prière jusque l'Eglise locale. Chaque épiscopat, dans la nuit : Luc, VI, 12. Enfin, au ajoutait-il, a porté un cachet spécial. cours de ses dernières années, il lui Celui de Mgr van Bommel (1829- fut donné d'édifier ses prêtres et ses 1852) fut caractérisé par la lutte fidèles par le courage avec lequel il contre un gouvernement cédant au accepta et supporta les souffrances et despotisme et par un intérêt constant les humiliations d'une longue mala­ pour le développement des établisse­ die, heureux, notait-il, de pouvoir ments d'instruction ; celui de Mgr de compléter ainsi mystiquement les Montpellier (1852-1879) par une lutte souffrances du Sauveur et d'unir sa ouverte contre le libéralisme ; celui passion à celles de tant de ses diocé­ de Mgr Doutreloux (1879-1901) par sains malades ou malheureux. Rien l'action catholique sociale ; celui de d'étonnant qu'au lendemain du décès Mgr Rutten (1901-1927) par l'apaise­ du prélat, l'exemple de tant de ver­ ment des conflits entre catholiques tus amena des prêtres et des fidèles et par la préoccupation d'assurer à à envisager jusqu'à la mise en route la population flamande son plein épa­ d'un procès de béatification. nouissement culturel. Pour celui de Si l'on cherche à découvrir quelque Mgr Kerkhofs (1927-1961), Paquay défaut dans le prélat, on se deman­ prédisait qu'il serait marqué dans dera par exemple si sa grande bonté l'histoire du diocèse comme celui de et son exubérante piété n'ont pas l'action catholique. La prédiction ne quelque peu nui à son sens critique. s'est pas mal réalisée. Ajoutons que On lui a par exemple reproché d'avoir cet épiscopat fut aussi celui d'un re­ témoigné trop de crédulité à Léon nouveau spirituel, eucharistique et Degrelle, quand celui-ci, morigéné par mariai. l'autorité ecclésiastique, se déclara Joseph Coppens. prêt à se repentir et à suivre désormais les directives épiscopales. Puis son Le chanoine L. Pluymers a rédigé un ami Mgr Leroux regretta que l'évê- bref inventaire du Fonds Mgr Kerkhofs, que ne se montra pas plus réservé, qui n'est pas encore accessible au public, voire plus sévère, à l'endroit de cer­ mais est conservé aux archives épiscopales. Pour rédiger cette notice nous avons tains partisans trop zélés des faits consulté à Liège la collection des textes de Banneux. Et l'on s'est étonné que imprimés de Mgr Kerkhofs. Voir aussi le pieux évêque estima providentielle Notre Dame de Banneux, t. III : Documents la coïncidence de certaines victoires épiscopaux de son Excellence Mgr Kerkhofs, des armées alliées avec la date de Liège, 195Θ. — < Hommage à Son Excel­ fêtes mariales qui lui étaient chères. lence Mgr Louis-Joseph Kerkhofs, évêque Enfin l'importance accordée à des de Liège. Hulde aan Zijne Hoogwaardige Excellentie Mgr Louis-Joseph Kerkhofs, manifestations religieuses de masse bisschop van Luik 1900-1925-1950 ·, dans n'a-t-elle pas dans une certaine me­ Revue Ecclésiastique de Liège, t. XXXVII, sure empêché l'évêque de discerner 1950, p. 1-116. — Cf. p. 2-11 : les grandes les signes avant-coureurs de la crise dates de la vie de S. Exe. Mgr Kerkhofs, religieuse qui éclata au grand jour au — p. 12-17 : bibliographie de S. Exe. lendemain de Vatican II? Mgr Kerkhofs, — p. 18-113 : les fêtes 481 KWIEBB-KWIEBUS — KWIEBUS 482 jubilaires du 11 mai 1950, — p. 42-56 : physique « intérieure et rigoureuse >. La discours du Cardinal van Eoey, — p. 66- pensée du R.P. Scheuer, S.J. (1872-1957) », 58 : discours de M. Eyskens, premier dans Nouvelle Bévue Théologique, t. 79, ministre, — p. 67-77 : discours de M. Ver- 1957, p. 798-815. — P. Scheuer, « Deux wilghen, gouverneur du Limbourg, — textes inédits : 1. Conscience humaine, p. 83 : discours de Mgr Kerkhofe. II. Dieu », ibidem, p. 816-827. — D. Shine, Four se documenter sur les lignes mal- S.J., An Interior Metaphysics. The Phi- tresses de l'activité pastorale de l'évêque losophical Synthesis of Pierre Scheuer s on fera appel aux lettres adressées à ses cf. la recension de cet ouvrage par diocésains et sans doute davantage aux G. Isaye, dans Nouvelle Revue Théologique, Acta des Congregationes prosynodales. Sou- t. LXXXIX, 1967, p. 556. — « Scheuer, lignons qu'il avait pris l'habitude d'adres- Pieter (1872-1957) », dans Nationaal Bio- ser chaque année une lettre aux religieuses graphisch Woordenboek, t. II, Brussel, de son diocèse. 1966, col. 782-784. — Pierre Scheuer Sur les faits de Banneux voir les docu- enseigna la philosophie au Scolasticat ments publiés par l'évêque ou à son invi- des Jésuites établi à son époque rue des tation : Etudes et Documents, Liège, 1950, Récollets à Louvain. Son enseignement 2° éd., 1954. — Les faits de Banneux déplut à ses supérieurs qui le déchar- Notre-Dame. Eludes, Liège, 1959. — Parmi gèrent de cette mission. Il continua à les ouvrages qui ont contribué à faire résider dans la maison de Louvain et connaître Banneux retenons A. Géradin, donna pas mal de récollections d'un style Notre-Dame de Banneux. La Vierge des très personnel, notamment aux étudiants Pauvres, Bruxelles, 1947. — I. Van Hout- ecclésiastiques et aux professeurs de Lou- ryve, La Vierge des Pauvres, Louvain, vain. Sur le père Claeys Bouuaert voir 1947, 4e éd., 1958. < In Memoriam R.P. Maurice Claeys Ajoutons que Mgr Kerkhofs décida de Bouiiaert (8 avril 1882-8 juin 1956) », publier une nouvelle édition des Etudes dans Ephemerides Theologicae Lovanienses, et Documents quand il se rendit compte t. XXXII, 1956, p. 405-407. qu'un des collaborateurs à ce recueil Une notice sur Mgr Eerkhofs paraîtra n'avait pas rendu exactement la pensée dans l'Annuaire de l'Université Catholique de Mgr Leroux qui s'était distancé des de Louvain. faits de Banneux. L'évêque de Liège ma- nifesta ainsi, une fois de plus, la droiture et la noblesse de son caractère. KWIEBE-KWIEBUS. Voir GHELDERODE Parmi les Jésuites qui contribuèrent & (Michel DE). soutenir la cause de Banneux il 7 eut, à côté de P. Scheuer et M. Claeys Bouuaert, également R. Carpentier et J. Beyer. Sur KWIEBUS (Docteur). Voir GHELDERODE Pierre Scheuer, cf. G. Isaye, « Une méta- (Michel DE).

BlOGR. NAT. — t. XLI. 16 L

LUNCQ (Jacques). Voir JOORIS (Pierre). M

MACAR (Ferdinand-Balthazar, ba- avantage sans en référer à lui (1852). ron de), prénoms déclarés à l'état Propriétaire en Brabant, où il est civil: Marie-Charles-Ferdinand-Balthazar,éligible, il joue sur les deux tableaux juriste, fonctionnaire, sénateur en intervenant auprès de ses fermiers libéral et administrateur, né à Waremmeen faveur des candidats libéraux le 5 novembre 1785, décédé à (1857). Liège le 24 mars 1866. Parlementaire, il siège au Sénat, Il est le fils de Pierre-François- mandaté par Nivelles (1839-1848). Il Balthazar de Macar et de Marie- y exprime des opinions libre-échan- Anne-Scolastique d'Aoust d'Heuleux gistes tout en se montrant favorable et l'époux d'Henriette Meeus. au monopole du tabac. Il s'intéresse Juriste, sous le régime français, il aux chemins de fer et se fait le rap- est auditeur au Conseil d'Etat (1810) porteur de plusieurs projets de lois et auditeur général à Varsovie (1812) ; les concernant : rétablissement du sous le régime hollandais, il est réfé- chemin de fer de Tienen (Tirlemont), rendaire de première classe au Con- extension du matériel des chemins de seil d'Etat (1816) et conseiller à la fer de l'Etat, concession du chemin Cour Suprême de Liège (1823). de fer de l'Entre-Sambre-et-Meuse, Fonctionnaire, sous le régime fran- de Tournai à Jurbise, de Sint-Truiden çais, il est intendant de Silésie (1813) (Saint-Trond) à Hasselt, de Manage et secrétaire général du département à Wavre, exécution du chemin de fer de la Meuse-Inférieure (1815) ; sous du Luxembourg et négociation et cote le régime hollandais, il est gouverneur des actions des chemins de fer con- de la province de Hainaut (1828-1830) cédés (1845-1847). et, sous le régime belge, gouverneur Il est également rapporteur d'au- de la province de Liège (1847-1863). tres projets de lois : police de rou- Il hésite à accepter ce poste, trou- lage (1840), ouverture d'un crédit au vant qu'à son âge, il faut une forte ministère de la Guerre pour primes dose de courage et de dévouement à d'engagement et de réengagement ses principes ; mais, ayant refusé un (1841), diminution des péages sur les portefeuille ministériel dans le cabi- canaux et les rivières (1842), contin- net Rogier, il se doit d'accepter un gent de l'armée (1843), règlement des gouvernement provincial (lettre à de comptes des exercices 1830-1840, Stassart du 30 août 1847). Agent comptabilité de l'Etat, organisation politique actif, il suggère de n'accor- de la Cour des Comptes, primes à la der aux Liégeois, en période électo- construction des navires (1846), droits rale, aucune décoration, ni aucun de douane sur les sabots du bétail 487 MARES 488

et des chevaux, transit (1847), canal Bruxelles, 1857, p. 231. — Livre d'Or de latéral de la Meuse (1847). Il est éga- l'Ordre de Léopold, t. I, Bruxelles, 1858, lement rapporteur de plusieurs pro- p. 307. — A, Scheler, Annuaire statistique et historique belge, 1865, Bruxelles-Leipzig- jets de budgets : justice, dotations Gand, 1865, p. 344. — I. de Stein d'Al- et dette publique (1844), marine tenstein, Annuaire de la noblesse de Bel- (1845-1846) et voies et moyens (1845). gique, 1867, Bruxelles, 1867, p. 387. — Il s'abstient lors du vote de la loi L. Hymans, Histoire parlementaire de la établissant des incompatibilités entre Belgique de 1831 à 1880, t. 2, Bruxelles, toute fonction salariée par l'Etat et 1879, p. 151, 160, 163, 171, 303, 321, un mandat parlementaire parce qu'il 379-380, 382-383, 502-503, 505, 511, 579, 583, 585, 589, 680, 692, 696. — A. d'Hof- trouve que c'est un moyen de para- fschmidt, 1830-1880. La représentation na- lyser les élections (1848). tionale en Belgique, Arlon, 1880, p. 122. Il est aussi membre de diverses — I. de Stein d'Altenstein, Annuaire de commissions : commission de liqui- la noblesse de Belgique, 1884, Bruxelles, dation des dettes et pensions de l'an- 1884, p. 178-179. — A. Smits, « Instruc- cien évêché de Munster (1811), com- ties en rapporten van gouverneurs uit mission des hospices de Liège et du 1830 », dans Bijdragen en Medelingen van het hisiorisch genootschap gevestigd le Conseil général des Prisons du Utrecht, 1949, dl. 76, p. 296. — J. Sten- Royaume (1821). gers e.a., Index des éligibles au Sénat Par ailleurs, il administre plusieurs (1831-1893), Bruxelles, 1975, p. 145 (Com- sociétés anonymes : Banque Foncière mission de la Biographie Nationale). — (1835), Société Anonyme des Hauts- La province hier et aujourd'hui : Liège, Fourneaux, Forges et Usines du Bruxelles, 1976, p. 40 (Crédit Communal Luxembourg (1837), Société des Char- de Belgique). bonnages de Lodelinsart (1836 et 1838), Société Anonyme des Char- bonnages Réunis de Charleroi (1851, MARÈS (Roland DE), prénoms 1857 et 1865), Société Anonyme du déclarés à l'état civil: Rolandus-Maria-Demphena-Edmondus, Charbonnage du Carabinier (1860) et journa- Société Anonyme des Produits du liste, né à Hasselt le 15 avril 1874, Flénu (1862 et 1865). décédé au Vésinet (Les Yvelines, Guillaume Ier le crée baron (1839) France) le 11 juin 1955. et Léopold Ier confirme cette noblesse Né à trois heures du matin, Roland (1844) qui devient héréditaire par De Mares fut présenté par son père, ordre de primogéniture. Guillaume De Mares, le jour même, Il est également président de l'In- à dix heures, à l'échevin de l'état stitut Archéologique de Liège et mem- civil. Le père avait vingt-neuf ans bre de l'Académie d'Archéologie d'Es- et habitait Marché-aux-Grains, à Has- pagne. selt ; sa femme en comptait quarante- Marie-Anne Paridaens. quatre et s'appelait Joanna-Josephina Leuris. La déclaration s'était faite Iconographie : Un portrait représentant devant deux témoins qui avaient de Macar en pied, de trois quarts, dû à signé l'acte avec le père : Henri Olen, Nisen, se trouve au Palais Provincial de quarante-deux ans, et Joannes Gilis, Liège. cinquante-deux ans, Hasseltois tous Archives générales du Royaume, à s les deux. Bruxelles, Papiers Kogier, n° 366 et 370 Roland De Mares fit de brillantes et Papiers de Stassart, n° 1208. humanités à l'athénée de Hasselt. P. Roger, Biographie générale des Belges Son rêve était de gagner Paris pour morts ou vivants, Bruxelles, 1849, p. 141. — I. de Stein d'Altenstein, Annuaire de s'y adonner à la littérature. Son pro- la noblesse de Belgique, 1850, Bruxelles, fesseur de français l'y encouragea au 1850, p. 230-231. — A. Scheler, Statistique point de lui avancer 200 francs pour personnelle des ministères et des corps légis- couvrir ses premiers frais. Il avait latifs constitués en Belgique depuis 1830, alors dix-sept ans. A Paris, il s'inscri- 489 MARES 490

-vit aux cours de la Sorbonne. On le Leopold II avec qui il avait des rap­ voyait surtout parmi les gens de ports suivis. lettres. C'est ainsi qu'il rencontra Mais Roland De Mares gardait la Paul Verlaine, François Coppée, Geor­ nostalgie de ses années de jeunesse ges Rodenbach, Jean Moréas. Il pri­ passées à Paris. Quand la guerre de sait particulièrement le poète des 1914 éclata, il regagna la capitale Stances. Comme il fallait bien vivre, française et s'y fixa définitivement. il dériva dans le journalisme et réussit Au jour le jour parurent dans Le à faire passer des articles dans Le Temps de vivantes chroniques qu'il Temps et dans Le Figaro. Mais l'exis­ avait intitulées La Belgique envahie tence demeurait difficile et les vers et qui émurent profondément les lec­ symbolistes qu'il parvenait à publier teurs du journal de la famille Hébrard. ne lui rapportaient rien. De collaborateur, il fut promu rédac­ Roland De Mares ne résista pas teur et remplaça André Tardieu, longtemps à la vie dure de Paris où futur président du Conseil, qui par­ tant de Belges, qui ne parviennent tait pour le front. Il devint bientôt pas ou ne veulent pas s'installer directeur du service étranger et, à comme journalistes professionnels, partir de ce moment, ne devait plus sont réduits à manger de la vache cesser de rédiger chaque jour un enragée, comme on dit, en s'obstinant Bulletin politique. Il serait décidément à vivre de leur plume. un spécialiste des problèmes interna­ Après quelques années à Paris, où tionaux. il avait pu parfaire sa formation, A ce titre également, il donna tous Roland De Mares rentra à Bruxelles les jours, pendant vingt ans, au Soir en 1896, à l'invitation du dynamique de Bruxelles, un Billet politique, sous Gérard Harry, le directeur franco- l'égide de son grand ami le Niçois britannique du Petit Bleu où se ren­ Auguste Cauvin dit D'Arsac, rédac­ contraient les meilleures plumes de teur en chef. Il avait été un colla­ l'époque. Rapidement remarqué pour borateur de la première heure du son talent de vulgarisateur, il fut Matin de PAnversois Camille de Cau- appelé, en 1896, par Ernest Solvay, wer ; il le resta durant de nombreuses à L'Indépendance belge comme rédac­ années, cependant qu'il publiait régu­ teur en chef, plus spécialement chargé lièrement de longues études dans de la politique internationale. Tout La Revue de Paris et le Mercure de en dirigeant la rédaction de cet im­ France avec lequel il avait noué des portant quotidien, à peu près seul à liens très étroits. Le Journal des être connu de l'étranger, Roland De Finances accueillait également ses Mares collaborait au Temps de Paris, articles. au Matin d'Anvers, au Journal de Roland De Mares avait cinquante Genève et à des périodiques littéraires. ans lorsqu'il succéda à Emile Faguet Il devint même conseiller communal à la rubrique des lettres de la revue d'Ixelles. hebdomadaire Les Annales politiques Comme rédacteur en chef de Vin- et littéraires de Paris. C'était là une dépendance belge, De Mares succédait promotion considérable. Aussi fut- à Maurice Kufferath dont les édito- elle saluée avec ferveur aussi bien riaux étaient fort lus et qui avait été parmi les journalistes que parmi les nommé directeur du Théâtre royal de écrivains. François Olyff, qui serait la Monnaie. Son maître à penser était dans la suite sénateur libéral y alla Ernest Nys, eminent jurisconsulte et d'un éloquent article dans son jour­ professeur de droit international à nal d'Hasselt : le Limbourg recon­ l'Université libre de Bruxelles, dont naissait les siens I il était le disciple préféré. Journaliste, Roland De Mares dont l'activité Roland De Mares défendit avec éner­ était infatigable reprenait pied dans gie et lucidité l'œuvre coloniale de le monde des lettres. Il resta cepen- 491 MARES 492 dant journaliste. Il avait magistrale­ » plus d'un demi-siècle de politique ment évoqué pour Le Temps la Bel­ » internationale. » gique envahie et tracé, à cette occa­ Il était commandeur de la Légion sion, d'émouvants portraits du roi et d'Honneur et de l'Ordre de Leopold, de la reine des Belges qu'il avait eu de l'Ordre de la Couronne, de Polonia l'honneur de voir lorsqu'il était rédac­ Restituta, de Saint-Sava de Serbie, teur en chef de L'Indépendance belge. du Double Dragon de Chine. Il était C'est à ce même journal parisien officier de l'Ordre du Sauveur de qu'il consacrerait le meilleur de son Grèce et du Soleil Levant du Japon. effort. Le roi Albert ne manquait Il était détenteur d'un grand nombre pas de l'inviter à La Panne pour s'y d'autres distinctions honorifiques, entretenir avec lui des problèmes de principalement étrangères, que lui politique étrangère et d'après-guerre. avait valu sa réputation de spécia­ Roland De Mares avait une fille liste des questions internationales. qui épousa, en premières noces, Geor­ Dans sa retraite du Vésinet, Roland ges Detry, lui-même journaliste averti De Mares continua de faire œuvre et collaborateur bruxellois du journal d'écrivain et de journaliste. Son ou­ Le Temps où ses chroniques régulières, vrage Les derniers chants du soir est parfaitement informées, étaient sui­ même resté inachevé. Sa contribution vies de près par les hommes politiques. à un volume de 608 pages, Le deuxième Il laisse un petit-fils, Roland-Georges conflit mondial, fut particulièrement Detry, qui fut rédacteur aux journaux remarquée pour sa valeur de synthèse. La Meuse et la Lanterne, avant de Tandis que les généraux Brégeault, devenir collaborateur d'Auguste Buis- Brosse et Hautcœur, ainsi que M. seret au ministère des Colonies et de Henri Le Masson, prenaient chacun partir pour le Congo en qualité de leur part dans la rédaction de l'ou­ directeur du service de l'information vrage, Roland De Mares écrivait des du Gouvernement Général, travaillant pages pénétrantes sur le renversement ainsi dans la perspective ouverte par de l'équilibre des forces au profit des son grand-père, champion de Leo­ Alliés, les Etats-Unis évoluant de la pold II en Afrique. neutralité à l'intervention armée. La deuxième guerre venue, Roland Peut-être convient-il de rappeler De Mares, la France étant à genoux, que la collaboration de Roland De se replia à Lyon avec la rédaction Mares à des journaux belges et plus du Temps. Il s'y cacha lorsque la spécialement au Soir n'alla point zone libre fut envahie par les nazis sans susciter des critiques non seule­ et ne rentra à Paris qu'en 1945. Le ment de la part des rexistes, mais Temps avait disparu dans la tour­ aussi des catholiques. L'un des plus mente. Roland De Mares abandonna importants journalistes catholiques, son activité de journaliste et se retira M. William Ugeux, dans une lettre dans sa propriété du Vésinet où il au Soir en date du 19 octobre 1939, mourut le 11 juin 1955. Il avait eu écrivait notamment : « J'ai déploré la joie de suivre quotidiennement les » et ne change pas d'avis que le jour- étapes du voyage triomphal du roi » nal belge ayant le plus gros tirage Baudouin au Congo où son petit-fils » confie sa rubrique de politique étran- dirigeait les services de presse. Toute » gère à un étranger résidant à Paris sa famille avait ainsi honoré la pro­ » et attaché au Temps où il expose fession de journaliste. » aux lecteurs français les thèses du Les obsèques eurent lieu dans l'in­ » Quai d'Orsay ». timité, le 15 juin, en l'église du Vési­ On se souvient que, dans ces net. Le lendemain, Le Monde, succes­ années-là, le Roi et son Gouverne­ seur peu ou prou du Temps, écrivit : ment s'efforçaient de mettre en appli­

miste, rejoignait André Thérive dans ninklijh Atheneum Hasseli. Gedenkboek, son appréciation favorable de son 1850-1950, [Hasselt, 1950], p. 238-240. étude du Temps où, rappelons-le, il avait succédé à Souday pour la rédac- tion du célèbre feuilleton littéraire. MARIAN DE SAINT-ANTOI- « Dans la tragique aménité de ses NE, à l'état civil THOMAS (Lambert-Barthélemi), » contes romantiques, écrivait Richard religieux de l'ordre des » Dupierreux, M. Roland De Mares Carmes déchaussés et poète wallon, » a renforcé de beaucoup d'ombre la baptisé à Liège le 11 octobre 1726, » grisaille naturelle d'un paysage nor- y décédé le 26 novembre 1801. » dique. Son œuvre, toute remplie De sa biographie, on ne connaît » de qualités littéraires, grâce à une guère que les étapes qui jalonnent la » phrase simple et mesurée, a la va- carrière du religieux. Lambert Tho- » leur d'un témoignage. Je ne dis pas mas entra en 1745 chez les carmes » qu'elle est de celles qui réconfortent où il prit le nom de Marian de Saint- » toujours. Mais elle prouve que, Antoine. A vingt-deux ans, en 1748, » même sur les chemins sinueux d'une il se vit confier l'enseignement de la » évasion spirituelle dans le rêve et philosophie au couvent de Liège, en » dans la légende, on retrouve les Hors-Château, puis, en 1751, l'ensei- » évidences impitoyables que l'on gnement de la théologie dans la même » doit à la vie quotidienne ». maison. II en devint le socius (délé- Aux milliers d'articles politiques gué) auprès du chapitre provincial, qu'il écrivit au cours de sa longue et de 1778 à 1781, et remplit, durant laborieuse carrière professionnelle, le même triennat, la charge de prieur Roland De Mares sut encore ajouter au noviciat établi à Visé. des œuvres romanesques et des re- Les lois républicaines dispersèrent cueils de poèmes, évidemment fort en janvier 1797 la communauté à dépassés aujourd'hui. La méditation laquelle appartenait le Père Marian. où entraînerait le travail infatigable Celui-ci exerça alors les fonctions d'une telle personnalité n'aboutirait d'aumônier chez les ursulines dont qu'à de la mélancolie. Et pourtant... l'institution avait été maintenue « Dans sa tâche quotidienne de jour- comme établissement d'enseignement » naliste, Roland De Mares a apporté public. » un souci littéraire constant et de En 1766, pendant qu'il était pro- » rares qualités d'écrivain éloquent et fesseur de théologie, le Père Marian » coloré ». avait fait imprimer sur placard un Ainsi parle le critique et essayiste poème de circonstance, Les Regrets Dumont-Wilden, devenu parisien de la Patrie, pour célébrer les deux comme Roland De Mares. Le Monde bourgmestres de la cité, Van den avait loué « ce journaliste probe et Steen et de Hayme, à leur sortie de » pur ». Les deux appréciations se charge. complètent, croyons-nous. Roland De S'il sacrifiait ainsi à la muse civi- Mares aura exercé sa profession de que en français, c'est cependant à son façon exemplaire. •wallon natal qu'il demanda le soutien Désiré Dennit. de la verve pamphlétaire qui se révéla chez lui, lorsque les événements poli- Renseignements biographiques fournis tiques de la fin du siècle vinrent bou- par la famille représentée encore aujour- leverser le cours des choses. d'hui par la fille et le petit-fils de Roland Sur la foi de témoignages contem- De Mares. — Etat civil de Hasselt. — porains sérieux, on attribue au Père Souvenirs personnels. Marian deux longs poèmes anonymes Les journaux, principalement Le Soir, en dialecte, l'un, connu à l'époque Le Temps, Les Nouvelles de Hasselt. par quelques fragments imprimés, sur « Roland De Mares, 1874 >, dans Ko- les calamités de la Révolution lié- 497 MARQUET 498 geoise, l'autre, publié en un petit en dialecte liégeois, le dernier témoin in-12° de 24 pages, sur les prêtres de la littérature d'action et en de- réfractaires au serment républicain. meure, par la fougue du style, le La Pasquèye di Dj'han Sâpîre, meilleur représentant. pwèrteû as sètch [Pasquinade de Jean Maurice Firon. Serpillère, portefaix] est une pièce de 264 octosyllabes à rimes plates, Bibliothèque centrale de la Ville de achevée au plus tard en 1796. Le Liège, Ponds Capitaine, n° 6966. texte n'en a été édité qu'en 1979. M. Piron, « Un poète pamphlétaire à C'est par le truchement d'un mem- l'époque de la Révolution : le Père Marian de Saint-Antoine », dans Annuaire d'His- bre du Métier des Porteurs aux sacs, toire liégeoise, t. II, 1940, p. 360-389. — l'un des Bons Métiers de la Cité de Idem, Anthologie des lettres dialectales de Liège disparus avec l'ancien régime, Wallonie, Liège, 1979, p. 75-83. que le Père Marian dénonce les excès engendrés par le soulèvement du 18 août 1789 qui porta les révolu- MARQUET (Georges), prénoms tionnaires au pouvoir. Derrière le déclarés à l'état civil: Joseph-Hubert-Georges, monologue éloquent que l'auteur met homme d'affaires et person- dans la bouche d'un homme du peu- nalité politique, né à Jemeppe-sur-Meuse ple en colère, se profile la réaction le 19 septembre 1866, décédé du prêtre indigné par l'impiété des à Nice (France) le 29 mars 1947. « patriotes » et le vandalisme des Fils d'un batelier et d'une cabare- destructeurs de la cathédrale Saint- tière, Georges Marquet fit ses débuts Lambert. dans la vie comme apprenti chez un C'est encore le prêtre qui se mani- fondeur de Rocroi. Après avoir sé- feste dans l'Apolodjèye dès priyèsses journé de 1881 à 1885 à Liège, il qu'ont fait V sèrmint, conte lès indjeures gagna Namur où il débuta comme et calomnèyes dès non-djureûs [Apolo- garçon de café au buffet de la gare. gie des prêtres qui ont prêté le ser- Marquet fit rapidement fortune dans ment, contre les injures et calomnies la cité mosane où, après avoir exploité des non-jureurs], satire de 496 octo- un café, il prit vers 1888 la direction syllabes à rimes plates imprimée chez d'un hôtel. Au début de 1891, Mar- J. Desoer en 1800. quet proposa à la ville de Namur Cette pièce prend vigoureusement l'établissement dans la grande salle parti dans la querelle qui divisait le du Kursaal d'un théâtre d'été et clergé liégeois à la suite de la loi du l'organisation à ses frais de comédies, 19 fructidor an v (5 septembre 1797) d'opérettes et d'autres divertisse- prescrivant aux ecclésiastiques de ments. Cette autorisation lui ayant prêter un serment de haine à la été accordée, il obtint de la ville en royauté et de fidélité à la république. août 1891 la location de la salle des L'autorité diocésaine, mue par le concerts dans le but d'y installer une souci des intérêts de la religion, avait salle de jeux, pudiquement appelée conseillé aux prêtres de ne pas en- « cercle des étrangers », les Namurois freindre la loi, et c'est ce point de n'y ayant pas accès. Marquet exploita vue que défend le Père Marian, sou- également à partir de juillet 1892 le mis au pouvoir civil légitime sans buffet-restaurant du Kursaal de Na- être pour autant rallié aux idées mur. nouvelles. Son tempérament de polé- Pour attirer les touristes à Namur, miste le porte à blâmer l'action clan- Marquet organisa de nombreuses fes- destine des réfractaires plutôt qu'à tivités locales et soutint activement exalter les prêtres assermentés. différentes associations culturelles et A la veille d'une époque qui allait musicales. Etant devenu une des engager la poésie wallonne dans des principales personnalités namuroises, voies nouvelles, le Père Marian est, il se vit confier différentes fonctions, 499 MARQUET 500 comme la présidence de l'Association ville et organisa de nombreuses festi­ des Commerçants de Namur-Centre vités de qualité auxquelles partici­ et celle de Namur-Attractions. pèrent les plus grands noms du mo­ Malgré les importantes sommes ment. Citons notamment Eugène apportées par ses activités à la caisse Isaye, Pablo Casals, Camille Saint- communale, Marquet eut de sérieux Saëns, Richard Strauss, Jan Blockx, démêlés avec l'administration locale. Camille Lemonnier, Emile Verhaeren, En 1897 notamment, après la ferme­ Georges Eekhoud, Jules Destrée. Mar­ ture pendant un mois par autorité quet subsidia également largement de justice de la salle de jeux, Marquet, la presse ostendaise et ne tarda pas ayant refusé de payer à la ville le à devenir une des principales person­ montant de la location de la salle nalités locales, sachant se gagner la de concerts, se vit intenter un procès sympathie des commerçants et des par l'administration communale. autorités communales d'Ostende. La En 1904, Marquet quitta Namur cité balnéaire n'oublia pas non plus pour aller s'installer à Merbes-le- le Liégeois. En 1949, Henri Vande- Château près de Binche, avant d'aller putte écrivait dans le Courrier du habiter quelques années plus tard littoral : « Pour beaucoup de vieux avenue de Tervuren à Bruxelles. Il » Ostendais, Georges Marquet per- garda néanmoins de nombreux liens » sonnifie l'Ostende de la montée vers avec la cité mosane et continua par » la royauté des plages au même titre la suite de subsidier différentes ini­ » que Leopold II. On dit l'Ostende tiatives locales, prenant par exemple » de Marquet comme on parlerait de à sa charge en 1913 les frais de res­ » l'âge d'or ». tauration de la salle et de l'entrée Une succession d'ennuis judiciaires du Théâtre d'été de Namur, opération n'allait cependant pas tarder à inciter qui lui coûta plus de douze mille Marquet à se reconvertir dans d'au­ francs. tres domaines que le jeu. Les immen­ Marquet eut l'intelligence de ne ses gains réalisés par lui au Kursaal pas se limiter à la seule ville de Namur d'Ostende scandalisèrent une partie mais exploita également des cercles de l'opinion publique et provoquèrent de jeux à Dînant, Paris, Pau, Aix, sa comparution le 18 mai 1905 devant Nice, Corfou et Saint-Sébastien. Tout le Tribunal de Bruges. Accusé d'avoir ne se passa pas toujours sans problè­ exploité dans des conditions fraudu­ mes : il se fit notamment expulser leuses le jeu du baccara au Kursaal du Caire et fut interdit de séjour en et ne pouvant se justifier, les livres France pendant plusieurs années. comptables de la société concession­ Ce fut essentiellement l'exploita­ naire ayant disparu, Georges Marquet tion du casino d'Ostende qui permit fut condamné par le Tribunal de à Marquet d'augmenter considérable­ Bruges à une forte amende mais fut ment sa fortune. Il en obtint la con­ acquitté par la Cour d'Appel de Gand. cession pour six cent mille francs en Trois ans plus tard, le 19 mars 1908, 1904 et gagna à chaque saison esti­ il comparaissait à nouveau pour les vale, et ceci malgré le déficit des mêmes motifs devant le Tribunal de bains et du théâtre, plusieurs millions Bruges. Cette fois-ci, la forte amende par an. fut accompagnée d'une peine de trois Pour attirer les touristes étrangers mois de prison et de la confiscation à Ostende, l'homme d'affaires déve­ du mobilier de la salle de jeux du loppa également dans la cité balnéaire Kursaal. La Cour d'Appel de Gand une importante activité touristique. ne supprima que la peine d'emprison­ Avec son ami Edmond Picard, il créa nement. En 1909, de nouvelles pour­ en 1907 Ostende Centre d'Art, qui suites furent entreprises, pour les s'attacha à faire connaître à l'étran­ mêmes motifs et avec les mêmes ger les attraits touristiques de la résultats. 501 MARQUET 502

Ces divers ennuis judiciaires inci­ Bruxelles, le Grand Hôtel de Liège, tèrent le millionnaire à limiter large­ les cafés Au Phare et Charlemagne à ment ses frais généraux et à arrêter Liège. Il détenait en outre pour la son programme de festivités. Ils ne Belgique et pour le département du l'empêchèrent cependant pas de sol­ Nord en France le monopole de la liciter et d'obtenir en 1910 non seu­ vente en gros et en détail des bières lement le renouvellement de la con­ « Zum Löwenbrau ». En échange de cession du casino d'Ostende mais ses apports, Becker reçut 4.600 des également l'attribution de celle du 5.000 actions qui constituaient le casino de Blankenberge. capital initial de la société. Au début, Cette fois, Marquet ne put mener Marquet se contenta de verser cent à bien ses projets, la deputation per­ mille francs destinés à un fonds de manente de la province décidant au roulement mais racheta, au cours des cours de la même année de casser les mois qui suivirent, la plus grande décisions des conseils communaux partie des actions de Jules Becker- d'Ostende et de Blankenberge et de Berger. La famille Becker-Berger garda l'empêcher de continuer à exploiter néanmoins une certaine influence au le jeu au littoral belge. sein de la société. En prévision de la Cette décision ne prit pas Marquet construction du « Palace Hôtel » de au dépourvu. Depuis quelques années, Bruxelles, une importante augmenta­ il avait entrepris de se reconvertir, tion de capital eut lieu le 29 juin investissant les sommes immenses, 1908. Elle permit à Marquet de déte­ accumulées grâce au jeu, non seule­ nir désormais plus des deux tiers du ment dans l'immobilier mais aussi capital de la société. En moins d'un dans l'hôtellerie et dans l'industrie an, l'ancien apprenti fondeur avait automobile. investi dans les Grands Hôtels envi­ Vers 1910, la fortune de Marquet ron trois millions et demi de francs, pouvait être évaluée à plus de dix soit l'équivalent de trois cent cin­ millions de francs, soit environ un quante millions de nos francs actuels I milliard de nos francs actuels. L'es­ L'essentiel de cet argent allait être sentiel de cette richesse provenait du consacré à l'édification du Palace jeu. Marquet réalisa également quel­ Hôtel de Bruxelles, qui fut officielle­ ques bons placements immobiliers ment ouvert le 1er septembre 1909. comme le parc Chambrun de Nice, En 1910, Georges Marquet consti­ acheté pour huit cent mille francs tua une deuxième société hôtelière, avant la guerre et revendu en 1925 la Madrid Palace Hôtel. Cette entre­ pour cinq millions de francs. Selon prise, dont le millionnaire était le R. Lanoye, l'homme d'affaires reprit seul actionnaire important, et dans au cours de la première guerre mon­ laquelle il investit deux millions qua­ diale, avec l'aide d'un Roumain, une tre cent vingt mille francs, se fixait fabrique désaffectée de munitions au pour but la construction d'un palace Portugal et réalisa grâce à la vente à Madrid, calle San Jeronimo en face de munitions aux Alliés de plantureux des Cortes. Ce nouvel hôtel, qui comp­ bénéfices. tait cinq cent cinquante chambres, Marquet entama sa reconversion fut officiellement inauguré le 12 octo­ en 1907, après ses premiers ennuis bre 1912. La société Madrid Palace judiciaires brugeois, en constituant Hôtel prit en location en 1913 l'ex­ avec Jules Becker-Berger la société ploitation du Ritz de Madrid de ma­ des Grands Hôtels belges. Comme nière à éliminer toute concurrence. propriétaire ou comme locataire, Jules Au cours de Pentre-deux-guerres- Becker exploitait plusieurs hôtels et elle reprit l'exploitation de trois au' cafés en Belgique. Citons notamment tres grands palaces espagnols : l'Hôtel le Grand Hôtel de l'Empereur à de Paris à Madrid (1920), le Grand Ostende, le Café des Trois Suisses de Hôtel Continental de Saint-Sébastien 503 MARQUET 504

(1921) et l'Alphonse XIII de Seville Négresco où Marquet jouait un rôle (1928). prédominant. En 1913, Marquet et son groupe En Belgique, après la première décidèrent de s'intéresser également guerre mondiale, les Grands Hôtels à l'hôtellerie française et de prendre belges décidèrent de se limiter à l'ex­ le contrôle de la Compagnie Claridge ploitation de palaces. En 1910, la Hôtels, qui exploitait le célèbre hôtel société avait déjà cédé à des condi­ Claridge de Paris, contrôlait le Né- tions satisfaisantes les cafés Au Phare gresco de Nice et possédait des inté­ et Charlemagne à Liège. En 1920, rêts importants dans la Compagnie elle céda également avantageusement immobilière de Vichy, qui groupait le Café des Trois Suisses de Bruxelles, la plupart des grands hôtels de la renonça à l'exploitation du Grand station thermale. Pour permettre Hôtel de Liège et mit en vente publi­ cette prise de contrôle, le groupe que le Grand Hôtel de l'Empereur Marquet décida de faire lancer par d'Ostende. La société prit par contre les Grands Hôtels un emprunt de en location à la même époque l'ex­ plus de deux millions de francs sous ploitation de l'hôtel Astoria de Bru­ la forme d'obligations. La guerre xelles et du célèbre Château d'Ardenne retarda la réalisation de ce projet, de Houyet. en touchant les différents sièges de En 1907 également, Georges Mar­ la société, et conduisit les Grands quet s'intéressa à l'industrie automo­ Hôtels à procéder à la destruction bile et prit avec son futur gendre, des obligations. Max Sauvan, le contrôle de la société Le projet ressurgit en 1922, les Autométallurgique, qui construisait Grands Hôtels décidant de procéder à Marchienne-au-Pont des automo­ à une augmentation de capital de biles. Lors de cette opération, Marquet manière à pouvoir prendre le contrôle investit personnellement quatre cents de la Compagnie Claridge Hôtels. mille francs dans la société automo­ En 1924, les Grands Hôtels déci­ bile. De 1919 à 1926, le groupe Mar­ dèrent de céder leurs actions Claridge quet conserva sans difficultés le con­ à la société Henri Wauters et Cle et trôle d'Autométallurgique, profitant réalisèrent grâce à cette opération de diverses augmentations du capital trois millions de francs de bénéfice. pour renforcer sa position. Un droit de préférence pour le rachat Au début de 1926, Marquet décida des actions Claridge fut néanmoins d'abandonner cette société automo­ accordé aux actionnaires des Grands bile pour s'intéresser à la société Hôtels. Marquet dut user abondam­ anversoire Minerva. Avec les fonds ment de ce droit, car il continua à libérés grâce à la cession des actions assumer pendant plusieurs années Autométallurgique, mais aussi à la encore la direction du Claridge de vente de plusieurs avoirs immobiliers, Paris et celle du Négresco de Nice. dont le parc Chambrun de Nice, le Ce fut lui qui donna au Claridge groupe Marquet put d'emblée acqué­ l'envergure d'un hôtel de cinq cent rir vingt pour cent du capital de cinquante chambres en faisant adjoin­ Minerva et obtenir plusieurs postes dre à celui-ci l'immeuble annexe du d'administrateur au sein du conseil Lido. En 1926, les Grands Hôtels d'administration. En mai 1927, la belges reprirent également l'exploita­ participation du groupe Marquet dans tion du Lugdunum, grand palace de Minerva passa, grâce à une augmen­ Lyon. Le fisc français absorba cepen­ tation du capital, à plus de trente dant les importants bénéfices de cet pour cent du capital de la société hôtel. Cette situation incita les Grands automobile. Le groupe entra dès lors Hôtels belges à céder en 1929 le en conflit ouvert avec les anciens di­ Lugdunum à la Société de l'hôtel rigeants de Minerva. Sylvain de Jong, 505 MARQUET 506 fondateur et administrateur-directeur vieux moteur sans soupape Knight. de la société, refusa d'adresser la Les auteurs du rapport firent égale­ parole à Georges Marquet et n'hésita ment ressortir que le groupe Marquet pas à le traiter de « marchand de avait procédé à la liquidation de la soupe ». Le conflit se termina par la plupart des anciens agents conces­ démission de Sylvain de Jong en sionnaires de la société de manière janvier 1928, son remplacement dans à pouvoir attribuer leurs agences, certaines de ses fonctions par le fils ainsi libérées, à des parents et à des de Georges Marquet et l'attribution amis. Ils mirent en évidence le fait en janvier 1929 de la présidence du que l'administration générale de la conseil d'administration à Georges société était devenue sous les Marquet Marquet père. Le groupe Marquet particulièrement coûteuse et qu'à profita en 1931 d'une nouvelle aug­ l'exception de notes de frais de voyage mentation du capital pour assurer anormalement élevées, la plupart des définitivement sa position au sein de factures, susceptibles de justifier le Minerva. coût prohibitif de la gestion, man­ L'investissement, réalisé par le quaient à l'appel. Pour tous ces mo­ groupe Marquet dans Minerva, fut tifs, la faillite de la société automo­ très important, dépassant certaine­ bile ne tarda pas à apparaître aux ment cinquante millions de francs. yeux de beaucoup d'observateurs L'opération se révéla catastrophique : comme le « scandale Minerva ». l'entreprise fut rapidement placée S'intéressant à l'industrie automo­ sous gestion contrôlée et en avril 1935 bile, Georges Marquet fut amené à le capital de la société automobile s'occuper d'une activité complémen­ dut être considéré comme perdu, taire de celle-ci, la carrosserie. Il se l'excédent du passif sur l'actif dépas­ mit d'accord en 1914 avec les frères sant les cent soixante millions de Vanden Plas pour modifier la société francs. Minerva fut déclarée dissoute en nom collectif, qui portait leur le 23 septembre 1935 et les liquida­ nom, en société anonyme. En échange teurs durent se limiter à indemniser de leurs usines de Woluwe et d'An­ les différents créanciers en procédant vers, spécialisées dans la fabrication à la vente ou à la location des usines et la réparation de carrosseries de et à la liquidation des derniers véhi­ luxe, de leurs brevets et contrats et cules, de l'outillage et du mobilier. d'un portefeuille d'actions, les frères Une enquête officielle attribua essen­ Vanden Plas reçurent des actions tiellement la faillite de Minerva à la représentant la moitié du capital de mauvaise gestion du groupe Marquet. la nouvelle société. Georges Marquet Si les auteurs du rapport admirent apporta l'argent frais, en souscrivant que la crise économique, en provo­ seul près de l'autre moitié du capital, quant la stagnation des ventes, avait investissant dans l'affaire près d'un contribué à la faillite de la société, million de francs. Tandis que Marquet ils firent ressortir également que devenait à ce titre président du con­ celle-ci était essentiellement due au seil d'administration de la société, fait que le groupe Marquet n'avait Willy Vanden Plas continua d'assu­ pas pu s'entendre avec les anciens rer la direction effective de l'entre­ dirigeants et que le manque d'unité prise. de vue au sein de la direction, en Au lendemain de la première guerre période de crise, avait été extrême­ mondiale, Willy Vanden Plas partit ment préjudiciable à la société. Les pour Paris pour y lancer une nou­ enquêteurs reprochèrent également velle société, la Vanden Plas-Salomon au groupe Marquet de n'avoir pas et CX pu mettre sur pied des méthodes plus La Carrosserie Vanden Plas avança rationnelles de production et d'avoir des sommes importantes à la société refusé de remettre en question le française. L'argent prêté n'ayant pu 507 MARQUET 508

être récupéré, la société se retrouva quaire brugeois, Emile Renders, vint en 1923 dans une situation difficile trouver Marquet pour lui proposer et dut se résoudre à réduire le mon­ un siège sénatorial en échange de son tant des actions de cinq cents à cent appui financier au Parti libéral bru­ francs. L'opération se révéla cata­ geois. Les progressistes de cet arron­ strophique pour Georges Marquet, dissement venaient de remporter au principal actionnaire de la carrosse­ mois de mars 1911 une importante rie. victoire en obtenant la démocratisa­ La Carrosserie Vanden Plas survé­ tion de l'organisation interne du parti. cut à ce désastre grâce à l'interven­ Cette victoire avait eu notamment tion de l'Autométallurgique, société pour conséquence l'attribution à tous dirigée à l'époque par le groupe Mar­ les libéraux de l'arrondissement, ou­ quet. En 1926, Minerva reprit le vriers comme représentants de la contrôle de la carrosserie, probable­ haute bourgeoisie, du droit de parti­ ment suite à une initiative de Geor­ ciper à la constitution des listes élec­ ges Marquet. torales et à la définition du pro­ Après la faillite de Minerva, le gramme. Suite à cette démocratisa­ groupe Marquet cessa de s'intéresser tion, une association, destinée aux à l'industrie automobile et céda sa couches inférieures du libéralisme participation dans la carrosserie Van­ brugeois et jusqu'ici limitée à un den Plas. rôle social et culturel, la Van Ghe- luwe's Genootschap, devint une véri­ Georges Marquet investit également table organisation politique et ne vers 1930 d'importantes sommes d'ar­ tarda pas à apparaître comme l'asso­ gent dans d'autres secteurs économi­ ciation libérale la plus puissante de ques. Citons notamment ici les Hauts l'arrondissement. Désormais mise à Fourneaux de Malaga en Espagne, Parrière-plan, la haute bourgeoisie les Usines et Aciéries Léonard Giot, libérale brugeoise, qui alimentait jus­ les Aciéries Sambre et Meuse, les qu'ici à peu près seule la caisse du Ateliers de construction de Familleu- parti, commença à limiter sensible­ reux, l'Orfèvrerie Wiskemann. ment ses efforts financiers. Pour des motifs politiques, il in­ Ce fut dans ce contexte qu'Emile vestit en 1912 plus de deux cent mille Renders, l'un des leaders de l'aile francs dans une entreprise textile de progressiste, eut l'idée d'aller trouver Thourout, La Thouroutoise. Marquet, réputé pour sa générosité, Président d'honneur de la Société pour lui demander de contribuer au des Aviateurs de Belgique, Marquet renforcement de la position électorale constitua en 1913 une société destinée du parti, en permettant notamment, à acquérir, à vendre et à louer des grâce à son argent, le développement aéroplanes et à organiser des fêtes des œuvres libérales locales et la aéronautiques : L'Aviation. création de nouvelles entreprises in­ Il s'intéressa également fort à la dustrielles génératrices d'emplois. En presse et fut notamment le proprié­ échange, Renders assura Marquet taire vers 1910 du Petit Bleu et à d'obtenir le siège sénatorial qui, grâce partir de 1928 de L'Etoile belge. Lors à la représentation proportionnelle, de ses passages à Namur, à Ostende revenait régulièrement au Parti libé­ et à Bruges, Marquet soutint active­ ral de l'arrondissement de Bruges. ment certains organes locaux, comme le 't Vrije Vlaanderen à Bruges et Le projet de Renders l'ayant séduit, Le Carillon à Ostende. Marquet vint proposer au début du mois d'août 1911 d'importants subsi­ Georges Marquet voulut à deux des aux différentes associations poli­ reprises couronner sa réussite sociale tiques, culturelles et sociales libérales par l'acquisition d'un siège de député. de l'arrondissement de Bruges et en­ Au cours du printemps 1911, un anti­ treprit de se faire admettre comme 509 MARQUET 510 membre de chacune de ces associa­ nootschap à Bruges, Marquet finança tions, dans le but de pouvoir présen­ la constitution d'une caisse d'assu­ ter sa candidature au poil prévu pour rance contre la maladie ; il multiplia les élections législatives de 1912. également les subsides à diverses asso­ L'initiative de Renders fut cependant ciations sportives ou culturelles libé­ loin de rencontrer l'approbation de rales de l'arrondissement. Le 28 mars l'ensemble des libéraux de l'arrondis­ 1912, le millionnaire provoqua à sement. A Bruges, non seulement Bruges un scandale en venant distri­ tous les membres de l'aile conserva­ buer dans les quartiers populaires de trice, mais aussi une partie impor­ la ville mille pièces de cinq francs. tante des progressistes et des cadres La distribution manqua de tourner ouvriers de la Van Gheluwe's Genoot­ à l'émeute et Marquet ne dut son schap s'opposèrent violemment à l'idée salut qu'à la fuite. La démagogie de de vendre au plus offrant le siège cette démarche provoqua la colère de sénatorial. Cette opposition ne décou­ plusieurs quotidiens belges, qui, ragea pas cependant les partisans du comme Le Peuple et La Flandre millionnaire. Refusant de renoncer à libérale, demandèrent au Parquet de leur projet, ils entreprirent une im­ Bruges d'entreprendre une enquête... portante campagne de propagande en Alors qu'il semblait assuré de son sa faveur. Le Parti libéral brugeois siège au Sénat, Marquet dut néan­ ne tarda pas dès lors à se partager moins rapidement déchanter. Ses en deux camps violemment opposés : opposants n'hésitèrent pas à s'en l'un « marquetiste », l'autre « anti- prendre violemment à sa personne en marquetiste ». s'attachant à mettre particulièrement Dans un premier temps, les mar- en lumière l'origine de sa fortune, le quetistes remportèrent une série de présentant notamment comme « le succès : Marquet fut admis comme Roi des Tripots ». Us s'efforcèrent de membre dans plusieurs associations soulever autour de sa candidature contrôlées par ses partisans. Dans le l'indignation générale non seulement but de consolider ses chances de réus­ à Bruges, mais dans l'ensemble du site, Georges Marquet vint généreu­ pays. Une certaine unanimité appa­ sement en aide à ses amis politiques rut rapidement au sein de la direc­ et s'attacha à se faire dans l'ensemble tion du libéralisme belge au sujet de de l'arrondissement une solide répu­ Marquet. ' Le bureau de la Gauche tation de bienfaiteur. Il promit no­ libérale du Sénat n'hésita pas à qua­ tamment la construction de quatre lifier sa candidature de « véritable cents maisons ouvrières, organisa de défi à la conscience publique » et nombreuses fêtes, qualifiées de « beu­ déclara « qu'aucun parti ne pouvait veries » par certains. Marquet permit » adopter une telle candidature sans l'organisation de concours agricoles » abdiquer son autorité morale ». Le et soutint financièrement les recher­ bureau de la Gauche libérale de la ches d'un docteur d'Oostkamp, qui Chambre, adoptant une attitude iden­ s'attachait à combattre la stomatite tique, intervint auprès des marque- aphteuse chez les animaux. A Thou- tistes pour leur demander de renon­ rout, il permit la constitution d'une cer à la candidature du millionnaire entreprise textile, qui évita à de nom­ et assurer la réélection du sénateur breux habitants de la région de devoir sortant. Paul Janson et A. Meche- effectuer quotidiennement de longs lijnck prirent personnellement con­ déplacements. A Thourout, également, tact dans le même sens auprès des il permit la création d'une société partisans brugeois de Marquet. Paul d'assistance mutuelle qui fut dénom­ Hymans, quant à lui, contacta la mée en son honneur Marquet's Ge­ direction des quotidiens libéraux bel­ nootschap. ges pour leur demander d'entrepren­ Au sein de la Van Gheluwe's Ge­ dre une violente campagne contre le 511 MARQUET 512

candidat-sénateur. Finalement, l'ac­ xelles, notamment après avoir offert tion des antimarquetistes brugeois en mai 1929 un million de francs au déboucha sur une importante cam­ Fonds national de la Recherche scien­ pagne de presse, dirigée contre tifique. l'homme d'affaires et menée à la fois De plus, comme jadis à Bruges, par des quotidiens libéraux, comme Marquet vint à Ostende avec une La Flandre libérale, et par des jour­ solide réputation de bienfaiteur et naux catholiques et socialistes, comme s'attacha, dès le début de sa campa­ Le Patriote et Le Peuple. gne électorale, à bien entretenir Face aux critiques de plus en plus celle-ci. Sa réputation et sa situation nombreuses qui se déchaînaient con­ faisaient d'ailleurs de lui l'un des tre lui et à la publicité peu élogieuse, hommes les plus sollicités de Belgi­ faite à son personnage et à l'origine que. Cela correspondait chez Marquet de sa fortune, et ceci à un moment à une certaine philosophie : croyant, où il entreprenait sa reconversion, il donna à ses enfants une éducation Georges Marquet décida, sur les con­ catholique mais n'estima pas avoir seils d'amis bruxellois, le 15 avril besoin de pratiquer personnellement 1912, de renoncer à présenter sa can­ sa religion autrement qu'en faisant didature aux élections législatives et le bien autour de lui, quand il en écrivit aux parlementaires libéraux et avait l'occasion. Pendant toute sa aux associations brugeoises pour leur vie, Marquet distribua en effet une notifier la décision qu'il venait de véritable fortune sous forme de dons prendre. et de subsides. Ses motivations furent Georges Marquet ne s'intéressa à des plus diverses, ses objectifs aussi ; nouveau à la politique qu'en 1928, fanfares, caisses de pension, hospices, par l'intermédiaire d'Adolphe Buyl, maisons de retraite, tuberculeux, député de l'arrondissement d'Ostende- Fonds Reine Elisabeth, Fonds des Furnes-Dixmude et directeur du quo­ Veuves et des Orphelins de la Fédé­ tidien L'Etoile belge, dont le million­ ration nationale des anciens Combat­ naire venait d'acquérir la propriété. tants, victimes des inondations de Les temps avaient changé : aux yeux Termonde, etc. de ses contemporains, Marquet n'ap­ A Ostende, au cours de la campagne paraissait plus comme le « Roi des électorale de 1928-1929, l'homme d'af­ Casinos » mais comme un homme faires se surpassa : il subsidia de nom­ d'affaires sérieux, président de plu­ breuses associations politiques et cul­ sieurs entreprises industrielles et re­ turelles libérales, accepta plusieurs présentant de la Fédération nationale présidences d'honneur, fit remettre, des Hôteliers, Cafetiers et Restaura­ au Mont-de-Piété d'Ostende, tous les teurs et de la Fédération du Com­ gages d'une valeur inférieure à cent merce de Belgique. La presse locale francs, fit distribuer gratuitement de le présentait comme un self-made man, la soupe, vint financièrement en aide ayant su conserver une certaine mo­ à des chômeurs, offrit un local aux destie et ne devant sa fortune qu'à libéraux de Fumes, confia d'impor­ un travail acharné. Par ailleurs, le tantes annonces publicitaires en fa­ nom de « Marquet » restait pour beau­ veur de ses hôtels et de Minerva aux coup d'Ostendais synonyme de festi­ journaux locaux, aida financièrement vités prestigieuses et de prospérité un marin dont le navire avait som­ pour le commerce local. L'homme bré, etc. d'affaires apparaissait comme bien Après avoir accepté, au mois de introduit dans les milieux bancaires mars 1928, la première candidature et auprès des grands de ce monde. sénatoriale et la première suppléance Ami intime du roi d'Espagne, à la Chambre, que la Fédération libé­ Alphonse XIII, il avait été reçu plu­ rale de l'arrondissement d'Ostende sieurs fois au Palais royal de Bru­ lui proposait, Marquet prit à sa charge 513 MARQUET 514

une part importante du financement partie de son enseignement en fran­ de la campagne électorale et, ne mé­ çais. nageant pas ses efforts, permit au Venu au Parlement comme indus­ Parti libéral ostendais de remporter, triel et comme représentant de la lors des élections législatives de mai Fédération Horeca, et de celle du 1929, six mille voix supplémentaires. Commerce, Georges Marquet adopta A la surprise générale cependant, dès le début une attitude radicalement seul le député sortant, Adolphe Buyl, indépendante à l'égard du Parti libé­ fut réélu. Pour solutionner le pro­ ral et se signala à la Chambre par blème soulevé par la non-élection de l'obstination qu'il mit à défendre les Marquet, certains libéraux ostendais différentes mesures qu'il préconisait. n'hésitèrent pas à exiger la démission Face à la crise économique, l'homme de Buyl en faveur de son suppléant. d'affaires se fit le défenseur d'une er L'Echo d'Ostende écrivait le 1 juin politique protectionniste, proposant 1929 : « Nous voulons Marquet. C'est notamment de limiter les importa­ » le cri unanime ! Les élections se sont tions étrangères, d'augmenter les » faites autour de son nom et avec droits d'entrée, d'interdire à l'Etat » son appui. N'oublions pas qu'il est d'effectuer certains achats à l'étran­ » le premier suppléant à la Chambre : ger. Face au chômage, le député » un geste s'impose ! ». Après un mois d'Ostende proposa la limitation de la de réflexion, Buyl décida de céder sa main-d'œuvre étrangère, la suppres­ place à l'homme d'affaires. sion du travail féminin, la journée des Au mois d'août 1932, Marquet fut six heures, le lancement d'une politi­ désigné par la Fédération d'arrondis­ que de grands travaux publics et sement comme premier candidat effec­ l'encouragement du petit colonat au tif pour la Chambre et fut réélu sans Congo. Porte-parole des industriels, difficultés lors des élections législa­ Marquet exigea pour ceux-ci de meil­ tives de novembre 1932. Il ne se leures facilités bancaires et la réduc­ présenta plus aux élections législati­ tion des tarifs des chemins de fer. ves de 1936. Il serait simpliste d'at­ Représentant du secteur Horeca et tribuer à la seule démagogie de Mar­ du Commerce, le député d'Ostende quet ses succès électoraux. En tant demanda la révision des baux com­ que président de la Fédération natio­ merciaux, la révision de la loi sur nale Horeca et de celle du Commerce, l'alcool, l'augmentation des crédits il était un représentant idéal pour le accordés à la propagande touristique. littoral. Pour y avoir longtemps sé­ Il se fit également le défenseur de journé, Marquet connaissait d'autre l'exploitation du jeu dans les princi­ part bien la région ostendaise et ses pales stations estivales. sympathies pour les pêcheurs y étaienl Pour donner à l'Etat les moyens depuis longtemps fort connues. Pai nécessaires à la mise en pratique du contre, il ne dut certainement pas son contenu des diverses lois sociales et élection à ses convictions politiques, à la réalisation d'une politique éco­ puisqu'il n'hésita pas à déclarer qu'il nomique énergique, Marquet proposa n'avait pas du tout l'intention de d'augmenter très sensiblement les faire de la politique. Wallon, ignoranl droits perçus sur les successions, de le flamand, Marquet ne dut certaine­ lutter contre les différents abus en ment pas non plus son élection à ses matière d'indemnités d'invalidité et convictions linguistiques. Promettant de chômage et de lancer un emprunt de s'inspirer de l'intérêt de la Belgiqut à lots de cinq milliards de francs. et de se ranger toujours « du côt< belge », il se déclara hostile à la fia Quelle impression faut-il retenir du mandisation complète de l'Universiti personnage? Hors du commun, Mar­ de Gand, réclamant pour la jeunessi quet le fut certainement par l'origine flamande le droit de recueillir uni et l'importance de sa fortune. Peu BIOGR. NAT. — t. XLI. 17 515 MARQUET 516 d'hommes parvinrent à amasser en si Archivée communales de la ville de peu de temps une richesse aussi con­ Seraing. Etat civil. — Archives de l'Etat à sidérable. La réussite de Marquet Namur. Registres de la population, Vo­ montre donc de manière particulière­ lume 31, folio 170 et volume 134, folio 222. — Archives générales du Royaume, Bru­ ment éclatante, combien l'exploita­ xelles, Papiers Paul Hymans, « élections tion du jeu put être au siècle dernier législatives de 1912 ·. une activité lucrative. Sans son pas­ L'Opinion libérale, 1898, passim. — sage dans les divers casinos euro­ Le Réveil de Bruges, 1904, passim. — La péens, le Liégeois, qui se révéla être Pairie, 1911-1912, passim. — Le Journal par la suite un industrie' très moyen, de Bruges, 1908-1912, passim. — L'Echo ne se serait jamais hissé aussi haut d'Ostende, 1928-1932, passim. dans l'ordre social. Fut-il un investis­ Le Recueil financier. Annuaire des va­ seur de génie? Nous estimons pour leurs cotées aux bourses de Belgique, Bru­ notre part que ce ne fut pas le cas. xelles, 1913, p. 351, 705; 1920, p. 553- Grâce au jeu, il fut amené à s'inté­ 554, 1535 ; 1928, t. 1, p. 862, t. 2, p. 1889 ; resser à la Côte d'Azur et se rendit 1930, t. 1, p. 58, 298-299, 851-852, t. 3, p. 854-855; 1931, t. 1, p. 962; 1932, t. 2, compte plus vite que d'autres des p. 403; 1935, t. 1, p. 914, 738; 1939, bons placements immobiliers à y opé­ t. 1, p. 1226, t. 3, p. 953-954. — Annexes rer. Marquet ne joua finalement que au Moniteur belge : 1911, acte 1424, d'une manière très relative avec les p. 1238; 1914, acte 1233, p. 1032-1038; immenses capitaux dont il disposait, 1919, acte 2705, t. 2, p. 747, acte 6486, puisqu'il n'investit en 1908 que dans t. 2, p. 972-974, acte 7233, t. 3, p. 1663, deux secteurs d'activités : l'hôtellerie notice 8843, t. 4, p. 734; 1920, acte 6, p. 10, acte 13059-13060, p. 2634-2636; et l'industrie automobile. Si l'hôtelle­ 1923, acte 1238, t. 1, p. 1186, acte 6915, rie se révéla être finalement un place­ t. 2, p. 3337, acte 7998, t. 3, p. 442 ; 1924, ment heureux, l'aventure automobile acte 1892, t. 1, p. 1696, acte 3829, t. 2, fut par contre particulièrement cata­ p. 266; 1926, acte 10322, t. 3, p. 1797- strophique. 1798; 1927, acte 10996, t. 3, p. 1869, La reconversion de Marquet fut acte 11803, t. 4, p. 1, acte 12556, t. 4, néanmoins réelle et celui-ci prit ses p. 614-615 ; 1928, acte 8518, t. 2, p. 4295, actes 11725-11727, t. 3, p. 1808-1810; nouveaux métiers à cœur. Ce fut 1932, acte 2623, p. 1909, acte 14967, t. 3, essentiellement la nécessité de défen­ p. 1593 ; 1937, acte 12460, t. 3, p. 1346 ; dre le tourisme, le commerce et l'in­ 1939, acte 12643, t. 3, p. 1531, acte 4677, dustrie qui l'incita en 1929 à sollici­ t. 2, p. 586. — Annales parlementaires. ter un mandat au Parlement. Chambre des représentants. Sessions ordi­ La personnalité du personnage reste naires, 1929-1930, 1930-1931, 1931-1932, 1932-1933, 1935-1936. — Bulletin commu­ difficile à saisir. Marquet fut tribu­ nal de la ville de Namur, Archives de taire de sa jeunesse malheureuse et l'Etat à Namur, 1891-1913, passim. de son ascension originale pour beau­ E. Renders, Lettre ouverte adressée à coup de traits de caractère. II ne Frans Retsin, rédacteur en chef du Journal renia pas ses origines modestes. Doté de Bruges, s.l.n.d. — V. Blasco-Ibanez, d'un solide esprit pratique et aimant Alphonse XIII démasqué. La terreur mili­ son franc-parler, il s'attacha d'une tariste en Espagne, Paris, 1925, p. 33-35. certaine façon à venir en aide aux — R. Van Eenoo, Een bijdrage tot de couches sociales les plus défavorisées geschiedenis der arbeidersbeweging te Brugge et s'intéressa réellement au sort des (1864-1914), Louvain, 1959, p. 211-219. personnes âgées et des pêcheurs. Sans — Ν. Vanhove, Torhout, sociaal-econo­ mische structuur en ontwikkelingstendensen, les casinos, Marquet eût été finalement Gand, 1960, p. 75. — P. Van Molle, Het un homme comme beaucoup d'autres. Belgisch Parlement. Le Parlement Beige L'originalité de sa fortune et de son (1894-1972), Ledeberg-Gent, 1972, p. 233. ascension sociale firent de lui un — S.-J. Jespers, Interview d'Emile Ter- « personnage hors du commun ». wagne, réalisé le 3 juillet 1972 dans le cadre de l'émission « Radioscopie de la Patrick Lefèvre. Presse », texte dactylographié, s.l.n.d. — 517 MARTENS — MËLOT 518

J. Moulin, Textes inconnus et peu connus Le corps diplomatique y est peu nom- de Fernand Crommelynck. Etude critique breux et on fréquente surtout les trois et littéraire, Bruxelles, 1974, p. 6-11. — salons que tiennent respectivement Kursaal 100 {1875-1975), s.l.n.d., p. 18-19. — J. Vandenbossche, Het Autobedrijf Madame de Radowitz, Madame Drum- Minerva Motors (1897-1935), mémoire de mond-Wolff et la Marquise de Rever- licence présenté à la Rijksuniversiteit te seaux. Mélot découvre dans cette Gent, année académique 1975-1976, p. 93- petite société que la diplomatie est 94, 149 et 167. — O. Merlin, « On va l'art de la discrétion : une leçon qu'il casser le Claridge 1 », dans Le Monde, n'oubliera pas et qui explique peut- 23 octobre 1976, p. 17. — R. Lanoye, être qu'il ait été, dans l'ombre, d'une • Les difficultés du Palace Hôtel à Bru- xelles. Du passé prestigieux au temps des rare efficacité. subsides », dans Pourquoi Pas?, 25 août C'est à Madrid, aussi, que Mélot 1977, p. 14-16. se lia d'amitié avec Jean-Baptiste Pasteur, fils du célèbre savant, et, surtout, avec l'abbé Hector Hoor- MARTENS (Adolphe). Voir GHELDERODEnaert, qui était venu dans la capitale (Michel DE). espagnole en 1894 pour revendiquer les droits de la Belgique sur la fonda- tion que Carlos de Amberes avait MÉLOT (Joseph-François-Marie-Ignace),instaurée au XVIIe siècle au profit dit SAHEL (Léon), diplomate, des Flamands. Pendant leurs loisirs, né à Namur le 23 mars 1873, décédé et ils sont nombreux, les deux hom- à Bruxelles le 11 mars 1943. mes rédigent les articles qu'ils en- Il était le fils d'Ernest Mélot, voient ensuite au Magazin Littéraire bourgmestre de Namur, député puis de Gand et à La Quinzaine de Paris. sénateur catholique, et de Marie C'est à cette époque que Mélot signe Capelle, la sœur d'un des directeurs Léon Sahel. du ministère des Affaires étrangères. Mais les nécessités de la carrière al- En 1901, il épousa la fille d'Henri laient séparer Hoornaert et Mélot. Orban de Xivry. En décembre 1897, en effet, celui-ci est Candidat en droit, Joseph Mélot, nommé à Lisbonne. Il resta un peu qui était bien appuyé au ministère des moins de deux ans dans ce poste où il reçut sa nomination au rang de Affaires étrangères par la position de re ses parents eut l'occasion, en 1893, secrétaire de I classe (15 juin 1898). de préparer son examen diplomatique Lisbonne, plus encore que Madrid en servant, officieusement, à la léga- était une « petite ville ». Le corps tion de Belgique à Londres. Rentré diplomatique comptait trente per- en Belgique, il satisfait à l'examen et sonnes dont une bonne partie logeait est nommé attaché de légation le sous le même toit ! Pendant plusieurs 19 janvier 1894. mois de 1898, en effet, Rouvier, minis- Après moins de trois mois passés tre de France ; von Tattenbach, mi- au bureau de l'expédition à l'adminis- nistre du Reich ; et les membres de tration centrale, il retourne à Londres la légation belge furent installés dans (28 avril 1894) où il restera jusqu'en le même hôtel. Ceci explique comment août 1895. Pendant ce bref séjour, les Belges furent aussi bien tenus au il fut nommé secrétaire de 2e classe courant de tant de démarches discrètes (25 mars 1895) et c'est avec ce grade dont l'enjeu était les projets de dé- qu'il fut désigné, à sa demande, pour membrement de l'empire colonial por- la légation de Madrid où il arriva en tugais. janvier 1896. Après Londres, où se A la fin de l'année 1898, Mélot fut décidaient alors tant de choses impor- nommé à Berlin où « régnait » le tantes dans une extraordinaire am- baron Greindl. C'est pendant ce séjour biance mondaine, Madrid apparaît de Berlin que, pour la première fois, presque comme une ville provinciale. Mélot eut à assumer de lourdes respon- 519 MÉLOT 520 saiiütés. Le chef de poste était en Peu de temps après la clôture de la congé pour trois mois. La révolte des conférence de la Paix, Mélot retrouva Boxers battait son plein. Le 27 juin Londres où il avait fait ses premières 1900, Guillaume II prononçait à armes. Une nouvelle fois (janvier 1908- Bremerhaven un vigoureux discours avril 1911), il s'intéressa aux ques­ à propos de la nouvelle « croisade » tions relatives à la Paix à une époque que les Européens devaient faire en où les crises internationales se succé­ Chine. On sait que la Belgique inter­ daient à un rythme alarmant. Parmi vint alors pour réclamer le droit de celles-ci les coups de semonce qu'on s'associer à l'expédition des puissances entendait dans les Balkans inquié­ occidentales. C'est Mélot qui fut taient le roi Albert. C'est de cette chargé des contacts avec l'Auswärtiges préoccupation que le souverain entre­ Amt. Il en conçut une extrême méfian­ tint Mélot quand celui-ci fut nommé ce pour la diplomatie allemande : une ministre de Belgique à Athènes (12 mars nouvelle expérience qui devait avoir 1911). Le roi « fit un exposé magistral des conséquences dans Pentre-deux- » des instructions à suivre » et recom­ guerres. manda de s'intéresser plus particu­ Après Berlin : Rome. Mélot y arriva lièrement à l'énigmatique Vnizélos : en février 1901. Il quittera la Ville « un personnage qui faisait l'objet de » toutes les préoccupations », et qui Eternelle en novembre 1903. Pour pendant la première guerre mondiale cet homme profondément catholique, amena la Grèce aux côtés des Alliés. le séjour de Rome fut, sans jeu de mot, Mélot arriva à Athènes le 19 mai 1911. une véritable bénédiction. En outre, II vit se dérouler la guerre italo- il y allait servir sous les ordres d'un turque et les deux guerres balkaniques personnage haut en couleurs : le baron de 1912 et 1913, dérouté par les pré­ Maximilien d'Erp et dans un moment tentions impérialistes des Grecs, fas­ particulièrement important de l'his­ ciné par la forte personnalité de toire de l'Eglise contemporaine. Pen­ Vnizélos avec lequel il était entré en dant ce séjour, enfin, il lia des amitiés amitié. assez sérieuses avec le cardinal Ram­ polla et avec Mgr Della Chiesa, le Vint août 1914. Mélot était en congé. futur Benoît XV. Retrouvant Athènes en octobre, il se Atteint d'une attaque de fièvre mua en propagandiste discret de la typhoïde, Mélot dut rentrer en Bel­ cause belge : publiant une brochure gique à la fin de 1903. En dépit de anonyme qui déclencha l'ire des son désir de retourner à Rome, il lui Allemands, encourageant le secrétaire fut conseillé un climat plus sain et de la légation et le consul de Belgique son père obtint qu'il fût nommé à à Salonique à se multiplier en actions La Haye (18 janvier 1904). « La Hol- ponctuelles de propagande. Cette ma­ » lande jouissait d'une tranquillité nière de faire n'a rien d'extraordinaire » profonde » note le diplomate dans mais confirme une nouvelle fois que ses souvenirs. C'était bien la situation le corps diplomatique belge eut un et ce fut certainement avec joie, qu'à rôle essentiel au début de la guerre deux reprises, il accueillit les diver­ dans la mesure où il était la seule sions qui se présentèrent. La première organisation en place qui fut suscep­ fois, il assura l'intérim de Luxembourg tible de répondre aux attaques de la (juin à septembre 1906) ; la deuxième, propagande des empires centraux. il participa, en technicien, à la deu­ Avec le temps, une action concertée xième conférence de la Paix qui se entre la France, l'Angleterre, la Rus- réunit à La Haye en 1907. A cette sir, la Belgique puis, plus tard, la époque, Mélot était conseiller de léga­ Serbie fut mise en place. Mélot et ses tion (26 septembre 1906) et avait été collègues se réunissaient tous les jours désigné pour Saint-Pétersbourg où il à 17 h. 00 chez le ministre de France ne se rendit jamais, sa femme étant afin d'arrêter des actions communes malade. auprès du gouvernement grec mais 521 MÉLOT 522 aussi dans l'opinion publique. Il y quelle l'assemblée de la SDN rejeta aurait eu près de cinq cents réunions la demande de réégibilité de la Belgi­ quotidiennes entre la fin de 1914 et que au Conseil. Mélot sent bien ce mai 1916! 15 septembre 1927 que quelque chose Le 1er juin 1916, Mélot s'embarqua a changé, « que notre pays cesse d'être au Pirée pour prendre le congé qui » à une place privilégiée qui lui avait lui avait été accordé. Mais celui-ci une » été assurée jusqu'ici par son rôle fois écoulé, le diplomate ne rentra pas » pendant la guerre, par ses malheurs en Grèce. Le 15 septembre 1916, en » et par le talent de ceux qui ont col- effet, il était adjoint à la petite admi­ » labore parmi ses ministres à l'œuvre nistration centrale qui, à Sainte- » de la Paix » (lire Paul Hymans avec Adresse, travaillait avec Beyens. Nous lequel Mélot s'entendait à merveille). ignorons le motif de cette désignation Au plan de la vie quotidienne, la à un poste central : l'expérience des sortie de la Belgique du Conseil de la problèmes balkaniques, son activité en SDN a des conséquences importantes faveur de la propagande? Toujours pour le diplomate puisque désormais est-il que Mélot dirigea d'abord l'Office il ne se rendra à Genève, qu'en tant de la Propagande Belge (OPB) pour que délégué suppléant aux sessions lequel il publia Les Evadés de Belgique annuelles de l'Assemblée générale, et (Paris, Perrin, 1917). Dans les pre­ que le reste du temps il suivra de miers mois de 1917, Mélot abondonna Bruxelles les activités de la Ligue. ΓΟΡΒ pour se consacrer à l'étude des Mais éloignement ne signifie pas tou­ problèmes politiques qui se poseraient jours séparation. Dans le cas de à la fin de la guerre. Mais le 4 août Mélot, l'adage s'applique. Bien plus, 1917, Beyens abandonnait son porte­ le rôle de Mélot se renforce. Ainsi, feuille des Affaires étrangères au profit c'est à lui qu'incombe, en décembre de Charles de Broqueville. Mélot re­ 1931, par exemple, de préparer le tourna à ΓΟΡΒ tout en étant nommé schéma de la déclaration belge à la envoyé extraordinaire et ministre plé­ conférence du désarmement qui s'ou­ nipotentiaire (1er septembre 1917). vrirait le 2 février 1932. Il se consacra désormais à l'étude « du Le rôle caché que le diplomate as­ » mécanisme compliqué d'une Société sumait ne l'empêchait toutefois pas de » des Nations telle que la rêvaient s'exprimer, par personne interposée, » Wilson, Lord Cecil et Léon Bour- dans l'opinion publique. En effet, son » geois ». Ces études, les intérêts frère Auguste, codirecteur de la Revue d'avant-guerre, expliquent qu'au dé­ Générale de 1919 à 1935, donnait cha­ but de septembre 1920, le ministre des que mois à celle-ci une chronique de Affaires étrangères ad interim Dela­ politique intérieure et extérieure dans croix (Paul Hymans avait démission­ laquelle on retrouve, pour la partie né le 28 août suite à l'affaire des muni­ extérieure, la griffe du diplomate. tions pour la Pologne), ait confié à La carrière officielle de Joseph Mélot « le soin d'organiser un bureau Mélot s'arrête à la fin de 1935. Il quit­ » devenu indispensable par suite des tait son poste, dépité par l'échec de la » intérêts belges qui allaient se régler SDN mais aussi par l'attitude de la » à la Ligue de Genève ». Belgique dont il n'avait cessé de dire Mélot allait vivre au rythme de la qu'elle commettait une erreur tragique Société des Nations (SDN) jusqu'en en s'associant à Londres pour per­ 1935. Chef du bureau belge, siégeant suader la France de ne pas appliquer même au Conseil de la Ligue (mars les sanctions prévues à Locamo 1925 par exemple) quand les ministres contre la violation de la zone démili­ belges sont absents, il joue un impor­ tarisée. Et ceci n'est pas une vision tant rôle actif mais discret jusqu'au d'après coup puisqu'on trouve de 15 juillet 1927 au moins; date à la­ nombreux témoignages de cette option 523 MEYER 524 dans les minutes de notes rédigées par à l'Université libre de Bruxelles, né Mélot à l'attention des hauts respon- à Neufchâteau le 8 août 1878, décédé sables. à Bruxelles le 6 juillet 1934. Lucide, Mélot allait le rester dans Jean De Meyer était le fils de Jean- sa retraite qu'il mit à profit pour François De Meyer, agent du trésor, devenir chroniqueur attitré de La Vie et de Marie-Elisabeth Le Mort. Economique et Sociale, inaugurant, Après de brillantes études moyen- entre autres choses, un style nouveau nes à l'Athénée royal d'Arlon, il avec ses articles rétrospectifs L'Année s'inscrivit en 1897 comme étudiant à Politique ; tout en collaborant à l'Université libre de Bruxelles où il d'autres périodiques comme Haute- eut des maîtres aussi éminents que claire et La Revue catholique des Idées Léo Errera, Jean Massart, Auguste et des Faits. Défendant son point de Lameere, Paul Héger, Auguste Slosse, vue (la Belgique doit proclamer bien Emile Spehl et Jean Demoor qui haut que sa cause est celle de la France développèrent chez lui le goût de la et de l'Angleterre) et se démarquant, recherche. par là, d'amis comme Henri Davignon Une belle photographie, publiée qu'il conjurait encore, en avril 1940, dans la notice consacrée à Jean Mas- de regarder les choses en face, Joseph sart {Florilège des Sciences en Bel- Mélot vit arriver le 10 mai 1940 gique pendant le XIXe siècle et le comme une chose à laquelle il était début du XXe, Bruxelles, 1968, face préparé depuis des années et dont il à la p. 719), représente Jean De Meyer avait vigoureusement dénoncé le dan- participant aux activités du labora- ger sans jamais sortir de la réserve toire ambulant de Francorchamps. que son métier lui avait appris à En 1901, il conquit le diplôme de respecter. docteur en sciences naturelles et, en Michel Dumoulin. 1905, celui de docteur en médecine, chirurgie et accouchements, ce qui Archives du ministère des Affaires représente une performance peu com- étrangères de Belgique, à Bruxelles : dossier personnel n° 218. — Papiers Joseph mune si l'on ajoute qu'il fut en outre Mélot. — Témoignage de M. F. Vanlan- lauréat du Concours universitaire en genhove (4 juillet 1977). 1903 pour les sciences botaniques A.-P. Frangulis (dir.), Dictionnaire di- (période 1900-1902) et en 1906 pour plomatique comprenant les biographies des les sciences physiologiques et biolo- diplomates du moyen âge à nos jours, con- giques (période 1903-1905). stituant un traité d'histoire diplomatique En 1907, il fut nommé assistant au sur six siècles, t. V, Genève ... Londres, Laboratoire de Physiologie à l'Uni- s.d., p. 684. — R. Aubert, « Documents versité de Bruxelles. La guerre devait relatifs au Mouvement Catholique italien interrompre son avancement. Ce n'est sous le pontificat de S. Fie X », dans Rivista di Storia délia Chiesa in Italia, qu'en 1919 qu'il fut élevé au grade t. XII, 1958, n° 2, p. 209-213. — Ch. de chef de travaux et en 1924 que De Visscher et F. Vanlangenhove, Docu- la chaire de pathologie générale lui ments diplomatiques belges (1920-1940). fut confiée. Sa santé commençait La politique de sécurité extérieure, t. II : déjà à s'altérer et, en 1932, il dut période 1925-1931, Bruxelles, 1964, p. 468- prématurément renoncer à son ensei- 476 {Commission royale d'Histoire. Docu- gnement. ments relatifs au statut international de la Belgique depuis 1830, I). — G. Braive et Jean De Meyer fit à l'étranger I. Mondovits, « Le corps diplomatique et plusieurs séjours : à Gôttingen, chez consulaire belge en Italie (1830-1914) », F. Dolezalek, expérimentateur rompu dans Risorgimento, t. XIII, 1970, p. 39-41. aux méthodes de la physique et des mesures ; à Berne, chez Kronecker où il fit ses premières recherches MEYER (Jean-Egide-Camille-Philippe-Hubertd'électrographie cardiaque ; à l'Insti- DE), médecin, professeur tut Pasteur à Paris, chez Delezenne 525 MEYER 526 qui l'initia aux méthodes d'étude des En 1920, Jean De Meyer fut lau­ grandes glandes digestives. réat du Prix Alvarenga (période C'est au Laboratoire de Physiologie 1914-1920) décerné par l'Académie de l'Université de Bruxelles qu'il se royale de Médecine de Belgique pour consacra principalement à ses recher­ ses travaux sur l'interprétation de la ches sur la fonction du pancréas et phase Τ de l'électrocardiogramme et sur le glycogène hépatique, recherches sur un genre nouveau d'arythmie qui contribuèrent, à une période où sinusale (l'accélération sinusale inter­ le mécanisme du diabète était encore mittente). fort discuté, à faire mieux connaître Jean De Meyer avait été élu mem­ l'importance et la complexité des bre correspondant de cette même îlots de Langerhaus et de leur sécré­ académie le 18 décembre 1926 et tion, l'insuline que Jean De Meyer c'est dans le Bulletin de cette institu­ fut le premier à désigner par ce nom tion que parurent plusieurs de ses en 1909. Frédéric Bremer fait remar­ travaux. La dernière communication quer que la mise en évidence de l'ac­ qu'il y fit, en collaboration avec Fer­ tion de cette dernière, dont l'impor­ nand de Ruyter, date de 1931. Elle tance doctrinale est très grande, appar­ était consacrée à l'interprétation de tient sans conteste à De Meyer. Ces certains électrocardiogrammes. L'an­ études qui se sont échelonnées de née précédente, aux « Journées Médi­ 1904 à 1910, font l'objet de la thèse cales » organisées à l'occasion du de doctorat spécial en sciences phy­ Centenaire de la Belgique, De Meyer siologiques défendue en 1910 et qui avait présenté un rapport fort com­ a pour titre : Recherches sur la signi­ plet et très remarqué intitulé Obser­ fication et la valeur de la sécrétion vations physio-pathologiques sur la interne du pancréas. circulation périphérique (dans Bru­ L'Académie royale des Sciences, xelles-Médical, 11e année, n° 10, des Lettres et des Beaux-Arts de 4 janvier 1931, p. 259-285). Belgique lui décerna le Prix Théophile e Après qu'il eut renoncé à l'ensei­ Gluge (5 période, 1909-1910) en 1911, gnement, sa santé, loin de s'améliorer, consacrant ainsi l'importance de ses s'altéra de plus en plus et il décéda travaux. brusquement, âgé seulement de cin­ Peut-être doit-on regretter qu'en quante-six ans, laissant le souvenir 1912, il ait abandonné ses intéressan­ d'une brillante intelligence, d'une tes recherches dans ce domaine pour capacité de travail peu commune et se consacrer à l'étude approfondie du d'un caractère loyal et serviable. cœur et de la Physiopathologie, étude qui se traduisit deux ans plus tard Bibliographie de Jean De Meyer par la publication de son excellente (établie d'après la liste communiquée mise au point consacrée aux : Métho­ par les Archives de l'Université libre des modernes d'examen du cœur et des de Bruxelles) : vaisseaux (Paris, Baillière, 1914). Note sur la signification morpholo­ Dès 1908, il s'était intéressé à gique des ganglions cérébroïdes sus- l'électrographie et avait découvert les oesophagiens du « Lumbricus agri­ courants de déformation que l'on cola », dans Annales de la Société nomme à l'étranger le phénomène belge de Microscopie, 26e année, De Meyer. 1900, p. 146-164 ; Note préliminaire Les Universités belges ayant sus­ sur la signification physiologique de pendu leurs activités pendant l'occu­ la sécrétion interne du pancréas, dans pation allemande, Jean De Meyer Instituts Solvay, Travaux du Labora­ prit la direction du service de cardio­ toire de Physiologie, t. VI, fase. 2, logie d'une polyclinique bruxelloise, 1904, p. 137-148; JVofe sur la désal- ce qui était en accord avec sa nou­ buminisation et le dosage du glucose velle orientation. du sang, dans Instituts Solvay, Tra- 527 MEYER 528

vaux du Laboratoire de Physiologie, Archives internationales de Physiolo­ t. VI, fase. 3, 1904, p. 149-171 ; Note gie, vol. Vili, fase. II, 25 septembre à propos des expériences de M. 0. Cohn- 1909, p. 121-180; Nouvelle méthode heim sur le mécanisme de la glycolyse, de circulation artificielle à travers le dans Archives internationales de Phy­ foie, appliquée à l'étude de la glyco- siologie, vol. II, 1904-1905, p. 131- génie hépatique, dans Archives inter­ 137 ; Sur un nouveau moyen de dia­ nationales de Physiologie, vol. VIII, gnostic des maladies du cœur, fase. II, 25 septembre 1909, p. 204- dans Journal médical de Bruxelles, 226 ; Action de la sécrétion interne du 12e année, n° 10, 7 mars 1907, p. 149- pancréas sur différents organes et en 154 ; Sur de nouveaux courants d'ac­ particulier sur la sécrétion rénale, dans tion du cœur et sur les variations de Archivio di Fisiologia, vol. VII, 1909 l'oscillation négative, Communication (dedicato al Prof. Giulio Fano nel préliminaire, dans Archives interna­ 25° anno del suo Insegnamento univer­ tionales de Physiologie, vol. V, fase. I, sitario), p. 96-99 ; Sur les relations 15 juin 1907, p. 76-90 ; Note sur l'ac­ entre la sécrétion interne du pancréas et tion d'un sérum antipancréatique, dans la fonction glycogénique du foie (Recher­ Société royale des Sciences médicales ches sur le diabète pancréatique) (5e mé­ et naturelles de Bruxelles. Bulletin des moire), dans Archives internationales séances, 66e année, séance du 7 avril de Physiologie, vol. IX, fase. I, 1908, p. 73-78 ; Sur un nouvel électro­ 5 mars 1910, p. 1-100 ; Allgemeine cardiogramme et sur la variabilité des Bemerkungen über die glykolytischen courants d'action, dans Archives inter­ Prozesse unter Bezugnahme auf die nationales de Physiologie, vol. VI, Arbeiten der Herren Stoklasa, Oppen­ fase. Ill, 30 mai 1908, p. 257-286; heimer und Rosenberg, dans Zentral­ Etude sur la pathogénie du diabète, blatt für Physiologie. Organ der Deut­ dans Journal médical de Bruxelles, schen Physiologischen Gesellschaft. Li­ 13e année, n° 26, 25 juin 1908, p. 409- teratur 1909, Bd. XXIII, nr. 26, 414 ; Sur la photographie des bruits 19 März 1910, p. 965-974; Etude sur du cœur, dans Journal médical de les altérations du courant d'action du Bruxelles, 13e année, n° 36, 3 septem­ cœur de « Scyllium Canicula » (2e mé­ bre 1908, p. 569-573 ; Glycolyse, moire), dans Archives internationales hyperglycémie, glycosurie et diabète, de Physiologie, vol. X, fase. I, 24 sep­ dans Annales de l'Institut Pasteur tembre 1910, p. 100-134; Remarques (Journal de microbiologie), t. XXII, au sujet de l'action physiologique d'un n° 10, octobre 1908, p. 778(1) - 818 sérum antipancréatique (Réponse au (41) ; Becherches sur le diabète pan­ travail de M. C. Rinderspacher), dans créatique {Inhibition de la sécrétion Archives internationales de Physiologie, interne du pancréas par un sérum) vol. X, fase. Ill, 22 décembre 1910, (3e mémoire), dans Archives interna­ p. 239-252 ; Recherches sur la signifi­ tionales de Physiologie, vol. VII, cation et la valeur de la sécrétion in­ fase. Ill, 28 février 1909, p. 317-378; terne du pancréas (Etude de la patho­ Sur l'action physiologique d'un sérum génie du diabète pancréatique). Thèse antipancréatique et sur les relations présentée à la Faculté de Médecine du pancréas avec le rein, dans Société pour l'obtention du grade de Docteur royale des Sciences médicales et natu­ spécial en Sciences mèdico-chirurgica­ relles de Bruxelles (Bulletin des séances), les, Liège, 1910, 294 p. ; La matière 67e année, séance du 1er mars 1909, vivante (son origine, son évolution), p. 73-75 ; Contribution à l'étude de la 1910-1911 ; Expériences sur la désagré­ pathogénie du diabète pancréatique gation du glucose en milieu alcalin, ( Variations de la perméabilité rénale dans Revue de Médecine. Mémoires pour le glucose - Belations entre le rédigés en l'honneur du Professeur pancréas et le rein) (4e mémoire), dans Raphaël Lépine à l'occasion de sa 529 MEYER 530 retraite par ses élèves et ses amis, 25 décembre 1913, p. 577-580 ; 31e année, octobre 1911, p. 516-523 ; 19e année, n° 2, 8 janvier 1914, p. 20- Observations sur les pancréas d'ani­ 24 ; n° 3, 15 janvier 1914, p. 34-39 ; maux injectés de sérum antipancréati­ n° 4, 22 janvier 1914, p. 44-49 ; n° 6, que et sur les formes de transition 5 février 1914, p. 68-73 ; De l'action acino-insulaires du pancréas de chien, de l'oxygène sur la force électromotrice dans Archives internationales de Phy­ des courants d'action des muscles (troi­ siologie, vol. XI, fase. II, 8 novembre sième mémoire), dans Archives interna­ 1911, p. 131-153 ; Observations et tionales de Physiologie, vol. XIV, expériences relatives à l'action exercée fase. IV, 30 juin 1914, p. 351-359; par les extraits d'œufs et d'autres Les méthodes modernes d'examen du substances sur les spermatozoïdes, dans cœur et des vaisseaux. Méthodes, techni­ Archives de Biologie, t. XXVI, 1911, ques, documents graphiques, Paris, p. 65-101 ; Quelques données récentes 1914, 538 p. (Préface du Dr. Vaquez) ; de l'électrocardiographie relatives à Note d'électrophysiologie musculaire et l'étude du fonctionnement du cœur et cardiaque, dans Société royale des au diagnostic des affections cardiaques, Sciences médicales et naturelles de dans Journal médical de Bruxelles, Bruxelles. Annales et Bulletin des 17e année, n° 38, 19 septembre 1912, séances, 73e année, séance du 3 fé­ p. 409-416, n° 39, 26 septembre 1912, vrier 1919, p. 17-20 ; Sur la significa­ p. 424-432 ; Altitude et cœur droit, tion des diverses phases de l'électrocar­ dans Livre jubilaire du professeur diogramme (communication prélimi­ Charles Richet, Bruxelles, 1912, p. 171- naire), dans Société royale des Sciences 190 (en collaboration avec P. Héger) ; médicales et naturelles de Bruxelles. Etat du cœur et de la circulation pul­ Annales et Bulletin des séances, 73e an­ monaire aux différentes pressions baro­ née, séance du 3 novembre 1919, métriques, dans Société royale des p. 131-135 ; L'origine des phases ven- Sciences médicales et naturelles de triculaires de l'électrocardiogramme (Re­ Bruxelles. Annales et Bulletin des production de ces phases dans le muscle séances, 71e année, séance du 3 mars strié). Note préliminaire, dans Archi­ 1913, p. 56-63 (en collaboration avec ves internationales de Physiologie, P. Héger) ; Aperçu des méthodes mo­ vol. XV, fase. II, novembre 1919, dernes d'examen physiologique de l'ap­ p. 151-163; Etudes sur le phono- pareil cardio-vasculaire chez l'homme, phlebogramme et les divers bruits ven- dans Journal médical de Bruxelles, triculaires. Photographie des bruits 18e année, n° 28, 10 juillet 1913, accompagnant le pouls veineux, dans p. 267-275; n° 29, 17 juillet 1913, Archives des Maladies du cœur, des p. 282-286; n° 30, 24 juillet 1913, vaisseaux et du sang, t. XII, 1919, p. 292-296; n° 31, 31 juillet 1913, p. 395-418 (en collaboration avec p. 302-307 ; n° 33, 14 août 1913, V. Gallemaerts) ; Sur un genre nou­ p. 330-331 ; η» 34, 21 août 1913, veau d'arythmie sinusale (l'accélération p. 344-348; n° 35, 28 août 1913, sinusale intermittente), dans Société p. 354-359 ; n° 37, 11 septembre royale des Sciences médicales et natu­ 1913, p. 383-387; n° 38, 18 septem­ relles de Bruxelles. Annales et Bulletin bre 1913, p. 391-396; n° 39, 25 sep­ des séances, 74e année, séance du tembre 1913, p. 402-404 ; n° 40, 5 janvier 1920, p. 13-16 ; Sur la dualité 2 octobre 1913, p. 414-420 ; n° 41, de la réaction électrique des systèmes 9 octobre 1913, p. 425-428 ; n° 42, musculaires, dans Comptes rendus heb­ 16 octobre 1913, p. 440-443; n° 43, domadaires des séances et mémoires 23 octobre 1913, p. 455-458; n° 44, de la Société de Biologie, 72e année, 30 octobre 1913, p. 467-473; n° 46, t. LXXXIII, séance du 28 février 13 novembre 1913, p. 492-500 ; n° 47, 1920 (Réunion de la Société belge de 20 novembre 1913, p. 508-512 ; n° 48, Biologie), p. 301(25) - 303(27) ; Sur 27 novembre 1913, p. 523-526 ; n° 52, l'interprétation des différentes phases 531 MEYER 532 de l'électrocardiogramme, dans Comp­ gramme, dans Archives internationales tes rendus hebdomadaires des séances de Physiologie, vol. XVII, fase. I, et mémoires de la Société de Biologie, août 1921, p. 1-58; De l'adaptation 72e année, t. LXXXIII, séance du anatomique et fonctionnelle du cœur 28 février 1920 (Réunion de la Société aux conditions pathologiques de la belge de Biologie), p. 308(32) - 311 circulation, dans XVe Congrès Fran­ (35) ; Présentation d'un cas de Stokes- çais de Médecine, Strasbourg, 3-5 octo­ Adams (sans symptômes subjectifs), bre 1921, Rapports, p. 35-128 ; Les dans Société royale des Sciences médi­ adaptations du cœur aux conditions cales et naturelles de Bruxelles. Annales pathologiques de la circulation, dans et Bulletin des séances, 74e année, Annales et Bulletin de la Société royale séance du 7 juin 1920, p. 132-133; des Sciences médicales et naturelles Cas d'hypotrophie carolidienne, dans de Bruxelles, 75e année, n° 6, séance Société royale des Sciences médicales du 7 novembre 1921, p. 154-155 ; et naturelles de Bruxelles. Annales et Chronotropisme cardiaque et force Bulletin des séances, 74e année, séance électromotrice de l'ECG, dans Archi­ du 5 juillet 1920, p. 138-139; Sur ves internationales de Physiologie, un nouveau groupe d'altérations de vol. XVIII, août-décembre 1921, l'électrocardiogramme, dans Comptes p. 509-520 ; Sur l'emploi thérapeutique rendus hebdomadaires des séances et de la physostigmine, dans Archives mémoires de la Société de Biologie, des maladies du cœur, des vaisseaux 72e année, t. LXXXIII, séance du et du sang, t. XV, 1922, p. 749-773 ; 31 juillet 1920 (Réunion de la Société Sur un nouveau concept électrophysio­ belge de Biologie), p. 1217(135) - 1220 logique, dans Archives néerlandaises (138) ; Sur les rapports entre la circu­ de Physiologie de l'homme et des ani­ lation générale et la circulation ocu­ maux, formant la série IIIc des Archi­ laire, dans Bulletin de la Société belge ves néerlandaises des Sciences exactes d'Ophtalmologie, compte rendu analy­ et naturelles publiées par la Société tique de la 42e réunion de la Société, hollandaise des Sciences à Harlem, à Bruxelles, le 28 novembre 1920, t. VII, 1922 (Livre jubilaire H. Zwaar­ n° 42, 1920, p. 63-79 (en collabora­ demaker), p. 292-296 ; Sur de nouvelles tion avec H. Coppez) ; Note sur la formes d'extrasystoles à repos compen­ brachycardie des convalescents, dans sateur allongé, dans Archives des ma­ Archives des maladies du cœur, des ladies du cœur, des vaisseaux et du vaisseaux et du sang, t. XIII, 1920, sang, t. XVI, 1923, p. 321-331 en p. 300-306 ; Des différentes sources de collaboration avec A. Wilmaers) ; courants électriques des systèmes mus­ L'angiospasme orthostatique ou le ré­ culaires, dans Archives internationales flexe vasomoteur orthostatique, dans de Physiologie, vol. XVI, fase. I, Archives internationales de Médecine février 1921, p. 44-57 ; Sur les cou­ expérimentale, vol. V, fase. 2, octobre rants de déformation des muscles, dans 1929, p. 315-344 (en collaboration Archives internationales de Physiolo­ avec A. Van Bogaert) ; L'angiospasme gie, vol. XVI, fase. I, février 1921, orthostatique. Epreuve de mesure de p. 64-99 ; De la dualité d'origine des l'excitabilité sympathique des artères courants électriques produits par les (2e mémoire), dans Archives interna­ muscles striés, dans Archives interna­ tionales de Médecine expérimentale, tionales de Physiologie, vol. XVI, vol. V, fase. 4, juin 1930, p. 613-632 fase. II, mars 1921, p. 172-192 ; De (en collaboration avec A. Van Bo­ la superposition des courants d'action gaert) ; Observations physio-patholo- et de déformation dans les muscles, giques sur la circulation périphérique, dans Archives internationales de Phy­ dans Bruxelles-Médical (Revue hebdo­ siologie, vol. XVI, fase. II, mars 1921, madaire des Sciences médicales et chi­ p. 193-227 ; Sur l'interprétation des rurgicales), 11e année, n° 10, 4 jan­ phases terminales de l'électrocardio­ vier 1931, p. 259-285 ; Des électrocar- 533 MEYNNE 534 diagrammes dits « de prépondérance » ges le 8 novembre 1839, y décédé le et de l'inapplication de la loi d'Eintho- 8 juin 1915. ven en pathologie, dans Bulletin de Fils de l'avocat Charles Meynne, l'Académie royale de Médecine de Bel- l'un des fondateurs de l'Association gique, Ve série, t. XI, n° 4, séance libérale de Bruges, il fit de brillantes du 25 avril 1931, p. 179-218 (en colla- études de droit à l'Université de Gand boration avec F. de Ruyter) ; Obser- et fut couronné en 1861 au Concours vations expérimentales sur le non- universitaire pour un travail sur la parallélisme des débits d'urée et de rétroactivité des lois. Inscrit dès cette phénol-sulfone-phtaléine. - Considéra- année au barreau de Bruges, il se tions sur certains types de néphrites, spécialisa comme avocat d'affaires. dans Archives des maladies des reins Irascible, obstiné et intransigeant, et des organes génito-urinaires, t. VI, Alphonse Meynne fut de 1887 à 1901 n° 2, 1931-1932, p. 113-146 (en colla- le porte-parole de l'aile conservatrice boration avec V. Jourdain) ; Inter- du libéralisme brugeois. Majoritaire prétation nouvelle des électrocardio- au sein de l'Association libérale et de grammes dits « de prépondérance » et la loge La Flandre, celle-ci lui confia de l'inapplication de la loi d'Einthoven en effet d'importantes fonctions : en pathologie, dans La Presse médi- secrétaire (1881), vice-président (1887) cale, XLe année, n° 30, 13 avril 1932, et président (1888-1901) de l'organisa- p. 564-568 (en collaboration avec tion politique d'arrondissement ; véné- F. de Ruyter) ; Etude sur l'oscillomé- rable maître de la loge de 1887 à 1896. trie artérielle, dans Archives des ma- Hostile aux progressistes, effrayé ladies du cœur, des vaisseaux et du par l'extension prévue du droit de sang, t. XXVI, n° 8, août 1933, suffrage et craignant d'assister dans p. 481-518 (en collaboration avec ces circonstances, sous le système F. de Ruyter et R. Yernaux). majoritaire, au déclin du libéralisme dans les Flandres, Meynne, soutenu François Stockmans. par la tendance politique dont il était l'interprète, lutta avec acharnement Archives de l'Université libre de Bru- xelles. — Renseignements aimablement à partir de 1889 pour faire admettre communiqués par Mme A. André-Félix, par les membres de son parti d'abord, attachée au Centre national d'Histoire par le pays ensuite, le principe de la des Sciences, à Bruxelles. — Archives de représentation proportionnelle. Sous la Commission de la Biographie nationale, sa houlette, les membres de la loge à Bruxelles, documents photographiques. La Flandre se répandirent un peu P. Bremer, « Notice sur la vie et les partout pour tâcher de gagner — travaux de Jean De Meyer », dans Rap- par des conférences et des contacts port de V Université libre de Bruxelles sur personnels — conservateurs comme l'année académique 1933-1934, Bruxelles, progressistes à cette réforme. Le dis- 1935, p. 92-97. — E. Goblet d'AlvieUa, cours prononcé par Meynne au Con- L'Université de Bruxelles pendant son troisième quart de siècle, Bruxelles, 1909, grès libéral de 1894 fut particulière- p. 246, 298. — [« Notice sur M. De Meyer »], ment remarqué et entraîna finalement dans Bulletin de l'Académie royale de Méde- l'inscription au programme du libéra- cine de Belgique, Ve série, t. XIV, 1934, lisme belge de la représentation pro- p. 508-509. — Bulletin de l'Académie portionnelle. royale de Médecine de Belgique, IV» série, Au début de sa carrière politique, t. XXX, 1920, p. 655-670. — P. Lefebvre Meynne fut associé à diverses initia- et A. Luyckx, « Actualités 1971 dans le domaine du diabète », dans Revue médi- tives libérales locales : animation du cale de Liège, vol. XXVI, 1971, p. 732. cercle Les Amis du Progrès et de la Ligue de l'Enseignement, constitution d'une section locale du Willems- MEYNNE (Alphonse-Charles), fonds, collaboration à la presse libérale avocat et homme politique, né à Bru- brugeoise. Candidat à diverses élec- 535 MICHEL 536 tions communales et provinciales à giennes dans l'œuvre de Jean d'Outre- partir de 1881, il n'obtint qu'un seul meuse (Bruxelles, Académie de Lan- mandat, celui de conseiller communal gue et de Littérature françaises, 1935, de Bruges de 1899 à 1907. XII-432 pages, in-8°). Les Belges Atteint de paralysie en 1901, Al- peuvent apprécier les difficultés que phonse Meynne, empêché de quitter l'auteur a rencontrées. En effet, si son domicile, se retira progressivement les Français peuvent connaître les de la vie politique. multiples allusions aux épopées per- Patrick Lefèvre. dues, ils ne fréquentent pas Jean d'Outremeuse (1338-1400), ce Liégeois B. Van Eenoo, Partijvorming en poli- à la mémoire fidèle et à l'imagination tieke slrekkingen bij de cijnskiezers te féconde qui s'est forgé une langue à Brugge (1830-1893), thèse de doctorat partir de son dialecte et des normes inédite, Rijksuniversiteit te Gent, s.d., p. 743-829. — Journal de Bruges, 1872- du français central qu'il a pu connaî- 1903. — B. Van Eenoo, De pera te Brugge tre. Pour le lire, il faut savoir au (1792-1914), Louvain-Paria, 1961, p. 91 moins le wallon liégeois d'aujourd'hui ( Univer8itair Cenirum voor hedendaagse et supposer les croisements qui expli- Geschiedenis, Bijdragen, nr 20). — Compte queraient les termes étranges qui rendu du Congres libéral tenu à Bruxelles émaillent sa Chronique. Dès lors, les 8 et 9 avril 1894, p. 106-112. rares sont ses familiers. C'est Georges Doutrepont qui attira l'attention de Louis Michel sur ce mémorialiste que MICHEL (Louis-Prosper), lin- Godefroid Kurth venait de condam- guiste et historien de la littérature ner sévèrement. Des fables, sans française médiévale, né à Bagimont doute, corrompent le récit, mais ne (province de Luxembourg) le 31 juil- sont-elles pas plus précieuses à nos let 1906, décédé à Alost le 19 juillet yeux que les faits historiques rappor- 1944. tés, trop bien connus par ailleurs ? A Bouillon, puis au Collège de Les fables, elles, constituent un écho Bellevue à Dinant, il parcourut bril- sensible des légendes carolingiennes. lamment le cycle des humanités. En- Dans le même domaine, Louis Michel suite il conquit à Louvain les grades localisa les traces en Ardenne des de candidat en philologie classique Quatre Fils Aymon et fit mieux con- (1926), de licencié en philosophie naître « Basin le bon larron ». thomiste (1927), de docteur en philo- sophie et lettres (philologie romane) Bientôt, préoccupé par son ensei- en 1929. Cette même année, il obtint gnement, il s'intéressa davantage à la chaire de rhétorique française à la linguistique. Il lui paraissait insup- l'Athénée royal de Malines. En 1931, portable de se limiter à l'analyse des il fut nommé chargé de cours de lan- faits du langage comme si ceux-ci gue française à l'Institut supérieur étaient extérieurs à l'homme. Il fal- de Commerce de l'État à Anvers. lait, disait-il, les considérer comme En 1941 enfin, il se vit confier par émanant du psychisme humain. Les l'Université de l'Etat à Gand plu- faits ne prendraient leur véritable sieurs cours de philologie romane, physionomie que dans le cadre de la principalement de linguistique fran- psychologie linguistique et, puisque çaise. C'est en rentrant d'une dernière la langue est le fruit d'une activité séance d'examens qu'un bombarde- sociale, dans le cadre de la sociologie. ment le tua à Alost. En somme, c'est la synthèse qui le Il avait à peine trente-huit ans et tentait et c'est vers la synthèse qu'il pourtant il s'était révélé un maître voulait amener ses collègues, quelque dans trois domaines contigus. Tout peu hésitants, avouons-le, à cause de d'abord celui de l'histoire littéraire leur ignorance des expériences psy- médiévale. Sa thèse volumineuse s'in- chologiques modernes et des nouveaux aspects de la linguistique générale. titula Les légendes épiques carolin- 537 MICHIELS 538

Michel, lui, suivait de près le mouve- Revue belge de Philologie et d'Histoire, ment des sciences connexes et, en t. XXV, 1946-1947, p. 477-482. philologie romane ou plutôt en lin- guistique française, il s'avançait comme un pionnier. En août 1939, MICHIELS (Oscar), prénoms dé- se sont tenues à Bruxelles quelques clarés à l'état civil: François-Fidèle-Oscar, séances du Ve Congrès international général, chef de l'état-major de Linguistes : elles furent brutale- général de l'armée en 1940, né à ment interrompues par les approches Bruxelles le 24 juillet 1881, décédé de la guerre : la cheville ouvrière de à Bruxelles le 14 juin 1946, marié ce congrès fut Louis Michel. le 20 janvier 1914, sans enfant. Sa passion pour la linguistique ne Natif du « bas de la ville », le petit fut pas étrangère à son penchant pour « Suske » fréquenta l'école communale le dialecte de son village, en voie de de la rue de Schaerbeek. Il était disparition. Pour préparer l'Atlas lin- bilingue parfait. guistique de la Wallonie, il remplit le Fils d'un ouvrier militaire, il put questionnaire que lui proposa Jean entrer à l'Ecole des Pupilles de l'Ar- Haust et ainsi, grâce à une enquête mée à Alost, à l'âge de onze ans. minutieuse, il put faire connaître le Trois ans plus tard, il suivit les cours parler champenois vivant encore dans de l'Ecole des Cadets à Namur dont il sortit premier en 1897. Caporal, cette enclave de la province de Luxem- er bourg (Bagimont, Sugny et Pusse- puis sergent au I régiment de chas- mange) relevant autrefois du comté seurs à pied à Diest, il passa l'épreuve de Rethel. C'était en 1924 déjà! préparatoire de l'examen de la sous- Comme il habitait Malines, puis Bru- lieutenance et devint moniteur de xelles, il fut orienté par son maître l'Ecole régimentaire. En 1901, il Alphonse Bayot vers la compagnie entre à l'Ecole militaire et en sort quatrième en 1903. Il est nommé des Amis de nos Dialectes, amateurs e et professionnels qui se réunissaient sous-lieutenant au 12 de ligne à chaque mois à Bruxelles. Accueilli Liège. Il se présente à l'Ecole de chaleureusement en 1935, il conver- Guerre et y est admis en août 1909. tit bientôt un modeste projet de A son départ du régiment ses chefs bulletin en une fondation magistrale l'apprécient de la manière suivante : de périodique scientifique. Ce fut lui « Très bon officier, très intelligent et qui fonda la revue Les Dialectes Belgo- » travailleur, d'une grande facilité Romans (1937). » d'assimilation, s'acquittant de ses Dans ces trois domaines, histoire » devoirs avec beaucoup de zèle et de la littérature française médiévale, » de dévouement, promet pour l'ave- linguistique, dialectologie belgo-ro- » nir ; bel officier, robuste et très mane, Louis Michel s'est révélé un » allant, il a beaucoup de dignité et érudit averti des dernières publica- » de tenue, doué d'un très bon carac- tions ; il s'est imposé précocement » tère ; est digne d'un choix hors comme un grand penseur et comme » ligne. » un maître dont les travaux étaient Nommé lieutenant, il sort brillam- clairs et charpentés. Bien plus, dans ment de l'Ecole de Guerre en juin la Revue des Langues Vivantes, il 1911 avec les notes suivantes : « In- rédigea de nombreux comptes rendus » telligence vive et ouverte, raison judicieux à souhait. » posée et réfléchie, compétence très Orner Jodogne. » large, se distingue par son aptitude » à saisir le sens intime des questions O. Jodogne, « Louis Michel », dans Les » relatives aux arts militaires. Carac- Dialectes Belgo-Romans, t. V, 1946, n° 1, » tère très sérieux, posé, très égal, 4 pages, portrait photographique. — » poli, correct dans sa manière d'être, Idem, i Louis Michel (1906-1044) >, dans » réservé dans son attitude. S'il est 539 MICHIELS 540

» un théoricien distingué, c'est dans » commandement, s'est particulière- » la pratique que ses qualités person- » ment distingué dans l'offensive des » nelles trouvent surtout leur vérita- » Flandres, tant par ses connaissances » ble champ d'action. Il est excellent » tactiques et sa capacité de travail » sur le terrain où, avec une grande » que par l'activité dont il a fait » résistance à la fatigue, il montre » preuve dans les missions extérieu- » du coup d'œil et de la décision. » res. » » — Sera un très bon officier d'état- Au début de 1919, il est désigné » major. » Il fait alors un stage au pour le Grand Quartier général en 2e régiment de lanciers et à l'Ecole vue de faire partie du Centre d'In­ d'Equitation d'Ypres, où on lui re­ struction d'Etat-Major qui deviendra connaît d'excellentes qualités de ca­ par la suite l'Ecole de Guerre. En valier. Il est nommé adjoint d'état- mars 1919, il y est nommé professeur major en novembre 1912. du cours d'état-major, et, pendant En septembre 1913, il est attaché près de douze ans, le major, puis à l'état-major de la position fortifiée lieutenant-colonel Michiels va donner de Liège et, le 1er août 1914, à l'état- la pleine mesure de ses qualités de major de la 3e division d'armée char­ professeur. La formation reçue à gée de la défense de cette position. l'Ecole de Guerre, l'expérience acquise C'est à l'état-major de cette valeu­ dans un état-major de grande unité reuse 3D.Α., qu'il sert toute la guerre avant et au cours de la guerre, sa de 1914-1918, sous les ordres du glo­ grande puissance de travail, lui per­ rieux défenseur de Liège, le lieutenant mettront de mettre sur pied un cours général Léman, et du lieutenant géné­ d'état-major de toute première valeur ral Jacques, créé par le Roi baron et de former de nombreuses généra­ de Dixmude pour l'héroïque défense tions d'officiers d'état-major. L'Ecole de cette ville. Pendant quatre ans et de Guerre belge s'est acquis à cette époque une réputation flatteuse dans demi, le lieutenant Michiels sert fidè­ les armées étrangères pour la forma­ lement ce brillant chef, dans les cir­ tion des officiers d'état-major, répu­ constances difficiles et dangereuses tation confirmée par l'envoi de nom­ de la zone de combat. Il est nommé breux officiers étrangers qui viennent capitaine en novembre 1914 après la y suivre les cours. bataille de l'Yser et capitaine-com­ mandant en novembre 1915. En sep­ Le major Michiels est appelé au tembre 1915, désirant prendre part Palais de Bruxelles pour exposer au à la vie et aux dangers du front, il Prince Leopold l'essentiel du cours rejoint les tranchées, mais un acci­ d'état-major qu'il professait. dent l'oblige, après quelques semaines, En 1927, on envisage de lui faire à retourner à l'état-major de la 3D.A. prendre le commandement d'un ba­ Le 20 juillet 1917, il est décoré de taillon, mais le commandant de la Croix de Guerre. En avril 1918, l'Ecole de Guerre demande, par la après la victoire de Merkem, à laquelle note suivante, qu'il soit maintenu la 3D.A. prit une part déterminante, dans ses fonctions : « Le major Mi- le Général Foch décora le comman­ » chiels est un officier supérieur d'élite. dant Michiels de la Légion d'Honneur. » Très au courant du service d'état- A la fin de la guerre, il reçut la » major dont il professe le cours de­ citation suivante à l'ordre du jour de li puis plusieurs années avec distinc- l'Armée : « Officier d'état-major de » tion, il est en même temps très » tout premier ordre, d'une activité » averti de la tactique de son arme, » en éveil, d'une bravoure absolue, » comme je l'ai constaté au cours des » d'un jugement sûr, d'un dévoue- » travaux pratiques. Il jouit d'un » ment continu et modeste, a été en » jugement très sûr, d'une grande » toutes circonstances depuis le début » puissance de travail et d'une con- » de la guerre, un aide précieux du » science au-dessus de tout éloge. 541 MICHIELS 542

» Partout où il servira, le major Mi- » remarquable, il a pu s'occuper avec » chiels se distinguera entre tous. » un zèle constant de l'instruction de » Cet officier supérieur est éloigné de » ses cadres et de l'administration de » la troupe depuis longtemps. Il ne » son régiment, tout en participant » cherche en aucune manière à éluder » et dirigeant des travaux importants » le service dans son arme et, récem- » d'expérience et d'élaboration de » ment encore, a attiré l'attention » règlements qui lui étaient confiés » sur son cas : il est prêt à partir. » par l'autorité supérieure. » » Tout en signalant que c'est une Il a, en effet, été nommé président » erreur, à mon avis, de ne pas lui d'une commission chargée d'organi­ » avoir donné un commandement ser la défense des troupes contre les » plus tôt, je déclare, qu'en ce mo­ attaques des avions volant bas. En li ment, il est impossible qu'il quitte attendant le choix d'une arme spécia­ » l'Ecole de Guerre. Les méthodes lement destinée à cette défense, il » d'enseignement subissent de pro- conçoit et fait adopter un affût per­ » fondes modifications, les applica­ mettant le tir contre avions des mi­ li tions pratiques seront très dévelop- trailleuses existantes. Il préside à » pées, ce qui demande un effort très l'élaboration d'un règlement prescri­ » grand pour le corps professoral et vant les mesures à prendre en cas » particulièrement pour le cours d'état- d'attaque aérienne. » major. Dans l'intérêt supérieur de En septembre 1936, le colonel Mi­ » l'enseignement, je demande instam- chiels suit les cours du Centre des » ment, un délai que j'estime à deux Hautes études militaires (C.H.E.M.) » ans au moins, avant d'enlever le pour la préparation aux fonctions de » major Michiels à l'Ecole de Guerre. général, grade auquel il est nommé en » Je réponds, du reste, sous mon juin 1937. Entretemps, il a été dési­ » entière responsabilité, des aptitudes gné pour diriger le Service du Person­ » de cet officier supérieur aux fonc- nel militaire au Ministère de la Dé­ » tions de son grade et aux fonctions fense nationale, fonctions où il a la » du grade supérieur dans l'infante- responsabilité de l'affectation et de » rie. » l'avancement des cadres de l'armée, En juin 1931, il devient chef d'état- et qui exige une haute impartialité. major du Ier corps d'armée. Nommé Il reçoit également le commandement colonel en mars 1932, il prend le d'une division de réserve. Quand au commandement du Ier régiment de début du mois de septembre 1939, grenadiers le 1er juin 1934. Il main­ la 7 e division d'infanterie est mobili­ tient hautes et fermes ses traditions sée, il en prend le commandement et eut l'honneur de présider en 1937, effectif. Très rapidement, il en fait aux fêtes du centenaire de ce régi­ une excellente unité, égale sinon supé­ ment d'élite. Il sut se faire apprécier rieure aux divisions actives. Pendant de ses officiers et de ses supérieurs, la mobilisation, les travaux sur la dont voici l'opinion : « Le colonel position de la Dyle laissant à désirer, » B.E.M. (breveté d'état-major) Mi- le général Michiels est chargé avec sa » chiels a montré comme chef de division de l'organisation de la dé­ » corps, les mêmes brillantes qualités fense. En quelques semaines la situa­ » dont il a fait preuve dans les hautes tion se transforme et les travaux » fonctions qu'il a remplies. Remar- avancent rapidement. Sa division est » quablement doué, très allant, ayant alors envoyée sur le secteur le plus » beaucoup d'initiative, joignant à une important du Canal Albert, mais une » grande culture générale, les con- nouvelle mission primordiale attend » naissances professionnelles les plus son commandant. » étendues, il a vite acquis dans son Le 27 janvier 1940, le roi Leopold III » régiment le plus grand prestige. décide, suite aux événements de » Ayant une puissance de travail l'alerte du 15 janvier de remplacer 543 MICHIELS 544 le chef de l'état-major général de » vaste ensemble qui opérait en notre l'armée : le ministre de la Défense » pays. L'auteur a laissé parler les nationale propose le général Michiels, » faits, bornant son rôle à préciser les « qui a fait en quelques mois de la » conceptions qui les inspirèrent, et 7D.I. une belle division » (R. Van » le mystère qui planait sur l'action Overstraeten, Dans l'Etau, p. 192). » de notre armée fait ainsi place à la La désignation de cet homme de » vérité et à l'histoire. Au cours des métier ne peut soulever aucune cri­ » dix-huit jours de la campagne de tique et le général Van Overstraeten, » l'armée belge, il eut l'occasion de conseiller militaire du Roi, est sûr de » manifester ses qualités de calme et trouver en lui un exécutant à la hau­ » de méthode, dans la manœuvre d'une teur de sa tâche, qui se tienne à son » énorme armée de plus de 500.000 rang (J. Vanwelkenhuyzen, Neutra­ » hommes, constamment bousculée par lité armée, p. 94). Au sujet du rôle » l'ennemi et les réactions parfois dés- du général Michiels dans ces nou­ » ordonnées de ses alliés. Puisse le velles fonctions, voici ce qu'en dit » lecteur trouver dans cette œuvre les le général de Fraiteur, qui dirigeait » raisons de se faire une opinion juste le Bureau des Opérations de l'état- » et sage sur la part que nous prîmes major général de l'Armée et qui, de­ » dans les responsabilités du dénoue- venu ministre de la Défense nationale » ment de la campagne et sur l'action » de nos braves et valeureux soldats en 1945, préfaça le livre du général » de 1940 » (p. x-xi). Michiels, 18 jours de guerre en Bel­ gique : « Officier général de très grande Voici comment, dans l'avant-pro- » valeur, commandant de division pos de cet ouvrage, le général Michiels » jusqu'en février 1940, il jouissait décrit les problèmes auxquels il eut » d'une haute réputation dans toute à faire face : « L'armée belge a con- » l'armée. Professeur à l'Ecole de » serve pendant toutes ces opérations ι Guerre pendant de longues années, » un front combattif. Malgré des ma- » il avait de nombreux disciples admi- » nceuvres difficiles et rapides, elle » rant son talent d'organisateur et de » est restée cohérente et s'est toujours » tacticien du meilleur bon sens. Il » trouvée réunie dans la main de ses » avait la confiance de l'Armée en- » chefs, là où le commandant de Par­ » tière ; bien mieux, son caractère li mée l'a voulu. L'homme du champ » droit et ferme, sa bonne humeur » de bataille ne réalise que difficile- » inaltérable l'avaient fait réellement » ment l'ordonnance de l'immense » aimer de tous. Nommé chef d'état- » drame dans lequel il se débat et » major général pendant la période » agit pour le mieux. Il ne se rend » de mobilisation, il avait immédiate- » pas compte qu'il fait partie d'un » ment incarné son personnage. Aussi » ensemble. Ce sera un sujet d'éton- » l'avons-nous vu au Grand Quartier » nement pour bien des combattants, » Général, calme, imperturbable au » de constater qu'à aucun moment » les rattachements organiques, ni les » cours des 18 jours tragiques de la » contacts entre grandes unités voisi- » guerre, poursuivre l'exécution de son » nes n'ont été rompus. Affirmons » plan de campagne, manier ses gran­ » bien haut que le commandant en ii des unités avec une sûreté digne du » chef, jusqu'à la fin des hostilités, » grand professeur qu'il avait été, » est demeuré parfaitement et con- » adapter ses manœuvres à celles de » stamment au courant de la situa- » nos Alliés, ordonner avec loyauté » tion générale et qu'il n'a jamais » les mouvements imposés par le » subi la loi de l'ennemi dans l'occu- » haut commandement interallié qui » pation des positions successives qui » coordonnait les opérations des ar- » marquent les étapes principales de » mées française, britannique et belge. » ce début de la guerre » (p. xv). » Dans ce livre, le lecteur verra le » rôle joué par l'Armée belge dans le Le général eut la pénible mission, 545 MICHIELS 546 le 27 mai 1940, de conseiller au Roi » la fidélité au Roi et les services ren- de demander un « cessez-le-feu », » dus par l'Armée pour la défense du quand, les moyens de combat étant » pays. Nous devons rentrer chez épuisés, toute continuation de la » nous la tête haute avec la conscience résistance n'aurait abouti qu'à un » d'avoir accompli notre devoir jus- massacre inutile de nos soldats et des » qu'au bout. milliers de civils se trouvant dans la » Toute l'opinion publique doit zone de l'armée. Le général Van » être ralliée à cette vérité et on ne Overstraeten décrit ces instants tra­ » peut permettre à personne de la giques : « Bien que je tienne le Chef » mettre en doute. » d'état-major pour un soldat droit » L'Armée ne peut être dissociée » et franc, j'ai peine à croire à un » de la Nation. » effondrement immédiat... Nous nous » Vive le Roi. » » rendons dans le Cabinet du Roi : Le général Michiels demanda aux » Moi. - Nous venons éclairer le Roi, officiers du Grand Quartier général » selon son désir, sur l'opportunité de de rester groupés autour de lui pour » l'envoi d'un parlementaire. l'aider dans cette situation confuse. » Michiels. - Je suis d'avis que I'ar- Ironie du sort, avant leur départ » mée est arrivée à la limite de ses en captivité, les Allemands le séparè­ » moyens et que le moment est venu rent d'eux afin de l'interroger sur les » d'envoyer un parlementaire pour points suivants : » arrêter les hostilités, si nous voulons — sur la manière dont la Belgique » éviter une débâcle complète » (R. avait observé la neutralité et sur la Van Overstraeten, Dans l'Etau, répartition de nos forces avant le p. 341). 10 mai ; La manière dont fonctionne le — sur les documents allemands Grand Quartier général, sous les or­ qui étaient tombés aux mains de dres du général Michiels et le moral l'armée belge lors d'un atterrissage dont il fit preuve au cours de la cam­ forcé d'un avion allemand à Mechelen- pagne lui valurent les éloges de l'ami­ sur-Meuse en janvier 1940 et sur le ral Keyes, délégué britannique auprès sort de ces documents. du Commandement belge. Le général Michiels refusa évidem­ Le 30 mai 1940, après la capitula­ ment de répondre à ces questions et tion, le général Michiels adressa aux fut envoyé dans un camp de prison­ commandants des grandes unités bel­ niers en Allemagne. ges la communication suivante : En captivité, il se distingua par « C'est le moment ou jamais d'appli- son attitude digne et sa bonne cama­ » quer notre vieille devise nationale raderie. On lui proposa, en 1943, de » L'union fait la force. rentrer en Belgique en vue de pren­ » Le Roi commande toujours l'Ar- dre la direction de l'Office national » mée. des Anciens Combattants. Il refusa » Il partage le sort commun et est avec dignité d'abandonner ses cama­ » notre meilleure sauvegarde. rades de captivité. » Les ordres sont donnés au nom Après la libération du camp de » du Roi. L'armature de l'Armée, les Prenzlau par l'Armée soviétique, il » Q.G. de CA. et de D.I., le corps fut rapatrié, avec les autres généraux » des officiers, le corps des sous-offi- belges, par le territoire russe. Rentré » ciers sont actuellement les seuls en Belgique, il fut pensionné le » organismes d'ordre existant sur les- 10 octobre 1945 et consacra ses loisirs » quels le pays peut compter. La seule à l'établissement de l'historique des » attitude à adopter dans la situation opérations de l'armée belge en 1940. » trouble où nous vivons est de rester Cet ouvrage parut en 1947 sous le » unis autour de notre Souverain quoi titre : 18 jours de guerre en Belgique, » qu'il arrive, de proclamer hautement aux Editions Berger-Levrault à Paris BIOGR. NAT. — t. XLI. 18 547 MILLY — MINNAERT 548 dans la collection La seconde guerre la Belgique. Vans l'Etau, Paris, Pion, mondiale. Histoire et souvenirs. Cette 1960. — J. Van Welkenhuyzen, Neutra- collection comprend également des lité armée, Bruxelles. La Renaissance du ouvrages des généraux Eisenhower, Livre, 1979. Marshall, Wilson et du maréchal Mont- gomery. Ajoutons que le général Mi- MILLY. Voir SOLVAY (Lucien). chiels consacrait également ses loisirs à la numismatique et qu'il était membre de la société Les Amis de MINNAERT (Marcel-Gilles-Jozef), la Médaille d'Art. physicien et astronome, né à Il décéda le 14 juin 1946 et fut Bruges le 12 février 1893, décédé à conduit avec les honneurs militaires Utrecht le 26 octobre 1970; natura- à sa dernière demeure, par la foule lisé Hollandais en 1933. de ses amis et de ses collaborateurs. Marcel Minnaert grandit dans une Tous ceux qui l'ont connu sont famille comptant plusieurs ensei- unanimes à proclamer ses hautes gnants, dont son père et sa mère. qualités de cœur et de caractère. Il Son oncle Gilles Minnaert, inspecteur est un des nombreux exemples de général des écoles communales de ces officiers, issus des origines les Gand et fervent militant pour l'éman- plus modestes, à qui l'armée a per- cipation de la Flandre, contribua mis, grâce à leur volonté et à leur pour une grande part au vif intérêt travail, de s'élever jusqu'aux postes qu'il portera dès son jeune âge aux les plus élevés et d'y remplir leurs problèmes de la population flamande. fonctions avec honneur. Il reçoit son instruction primaire à Bruges. Après la mort de son père Albert-B. Crahay. en 1902, il va se fixer avec sa mère à Gand. C'est là qu'il fait ses études Iconographie : portrait du colonel B.E.M. er moyennes à l'athénée, suit les cours Michiels, chef de corps du 1 régiment à la Faculté des Sciences de l'Univer- de grenadiers, 1937, Musée royal de l'Ar- mée et d'Histoire militaire, à Bruxelles, sité et se spécialise en biologie. En salle 1940 ; dessin du général Michiels, 1914, il présente une thèse intitulée par Jacques Ochs, couverture du Pourquoi Contributions à la Pholobiologie Quan- Pasi, 9 février 1940; portrait du général titative et obtient le titre de docteur Michiels, 1946, prospectus de la Collection en sciences avec la mention summa La seconde guerre mondiale. Histoire et cum laude. souvenirs, Paris, Berger-Levrault, 1947. Au cours de ses études universitai- Dossier personnel du général Michiels, res il subit la forte influence du pro- Musée royal de l'Année et d'Histoire mi- fesseur J. Mac Leod, fondateur (en litaire, à Bruxelles. 1895) des Vlaamse Natuur- en Genees- kundige Congressen et l'un des pro- Histoire de l'Ecole militaire, Bruxelles, 1936. — « Le général François Michiels », moteurs de la flamandisation de l'Uni- dans Pourquoi Pasi, 30e année, n° 1332, versité de Gand. Minnaert prend fait fl février 1940, p. 275-278. — 0. Michiels, et cause pour l'Université flamande 18 jours de guerre en Belgique, Paris, et participe aux manifestations orga- Berger-Levrault, 1947. — H. de Man, nisées dans ce but. Il est alors mem- Cavalier seul, Genève, les Editions du bre de l'association des étudiants Cheval ailé, 1948 (Bibliothèque du Cheval libéraux « 't Zal wel gaan », ainsi que ailé). — B.. Van Overstraeten, Albert I - Léopold III. Vingt ans de politique mili- de la section estudiantine gantoise taire belge, 1920-1940, Bruges, Desclée du « Algemeen Nederlands Verbond » De Brouwer, 1949. — F. Vandaele, « La dont il sera à un certain moment le Belgique face à l'Allemagne de septembre président. 1939 à mai 1940 », dans L'Armée - La e Il passe l'année académique 1915- Nation, 4 année, n° 8, août 1949, p. 7-18. 1916 à l'Université de Leiden, où il — E. Van Overstraeten, Au service de étudie la physique sous la conduite 549 MINNAERT 550 d'éminents professeurs, notamment En 1919, Minnaert est nommé H.A. Lorentz, P. Ehrenfest et H. Ka- Observator auprès du Laboratoire de merlingh Onnes. Physique et en 1924, suite au décès La période de Leiden constitue une de Julius, la direction des recherches étape importante dans la vie de en physique solaire du laboratoire Minnaert, tant sur le plan humain lui est confiée. L'année suivante il que sur le plan scientifique. Plus tard obtient son deuxième titre de docteur il se plaira à relater de nombreux en sciences, avec la mention cum souvenirs des réunions du cercle laude, sur une thèse intitulée Onregel­ d'amis, la plupart mathématiciens et matige Slraalkromming. physiciens, tenues au domicile des En 1926, il est nommé chargé de Ehrenfest. Ce qui l'attire surtout chez cours de physique solaire à l'Univer­ le professeur Ehrenfest est l'intérêt sité d'Utrecht. Quatre ans après, il que celui-ci porte aux problèmes di­ est en outre chargé de l'enseignement dactiques. Il en fait, lui aussi, un du cours de didactique en physique. leitmotiv qui se traduira par la qua­ Sur ces entrefaites, il avait épousé en lité de ses cours et sa manière de 1929 Maria Coelingh, collaboratrice susciter l'enthousiasme de ses étu­ scientifique au Laboratoire de Phy­ diants. sique, qui passera son doctorat en Suite à la décision de l'occupant 1938 sur un sujet de physique. De allemand d'instituer une université ce mariage naîtront deux fils, Koen- flamande à Gand, il est fait appel à raad (1930) et Boudewijn (1931). A plusieurs jeunes diplômés universi­ cette époque paraît De Natuurkunde taires aptes à enseigner en néerlan­ van de Zon (1928), dont la première dais. Minnaert accepte le poste de partie avait été rédigée par Julius ; chargé de cours de physique et est après le décès de celui-ci, Minnaert nommé le 2 septembre 1916. Il ne complète l'ouvrage en y introduisant remplira sa fonction que durant deux les vues nouvelles acquises en physi­ ans à peine : sa collaboration à la que solaire depuis la mort de son flamandisation de l'Université de Gand ancien maître. étant considérée comme une forme Les premières recherches de Min­ d'activisme, il sera contraint de quit­ naert au Laboratoire de Physique ter son pays natal en 1918 pour d'Utrecht se rapportent en particu­ échapper à l'emprisonnement. C'est lier à la Photometrie absolue du spec­ ainsi qu'à l'âge de vingt-cinq ans il tre de la photosphère solaire. Vers la émigré aux Pays-Bas pour s'y établir fin des années vingt, il participe à définitivement. Il ne considère pas plusieurs expéditions d'éclipsés de ceci comme un exil, car pour lui les Soleil afin d'utiliser la nouvelle techni­ Pays-Bas et la Flandre forment une que sur le spectre de la chromosphère même nation. solaire. Une des plus importantes fut Son intérêt pour la Photometrie le l'expédition en Laponie (1927, avec mène à l'Université d'Utrecht, où des le professeur A. Pannekoek), au cours recherches dans ce domaine étaient de laquelle est réalisée pour la pre­ développées au Laboratoire de Phy­ mière fois la Photometrie du spectre- sique sous la direction du professeur éclair. Ce sera en quelque sorte le W.H. Julius. Celui-ci engage Minnaert début d'une période de rapides pro­ dans la voie de la spectroscopie so­ grès en physique solaire. L'équipe laire, branche totalement nouvelle à d'Utrecht y contribuera dans une cette époque. Avec l'équipement qui large mesure par bon nombre de tra­ venait d'être mis au point à Utrecht, vaux basés sur l'analyse du spectre il était possible d'appliquer les techni­ solaire et principalement dirigés sur ques de la Photometrie spectrale au l'origine et la formation des raies de Soleil en vue d'études variées dans le Fraunhofer. domaine de la physique solaire. L'activité scientifique de Minnaert 551 MINNAERT 552 atteint son apogée au cours des années partagent son sort — le fait d'être trente. Elle aboutit à la publication, privé de sa liberté l'affecte profondé­ en 1940, du célèbre Photometric Atlas ment. Il ne perdra cependant jamais of the Solar Spectrum (en collaboration l'espoir de voir se réaliser un jour avec G. Mulders et J. Houtgast), la fraternité internationale des peu­ cité à ce jour parmi les ouvrages ples dans le cadre d'une réforme so­ fondamentaux en physique solaire. ciale dégagée de toute empreinte mi­ Entretemps, suite à la loi d'am­ litariste. nistie promulguée en Belgique, Min- Dès la fin de la guerre, Minnaert naert en 1932 est gracié de la peine déploie à nouveau une grande capa­ de prison que lui avait infligée la cité de travail. Pendant l'année aca­ justice belge au lendemain de la pre­ démique 1945-1946, il est professeur mière guerre mondiale. En 1933 il se extraordinaire d'astrophysique à l'Uni­ fait naturaliser Hollandais, confirmant versité de Leiden. Durant l'été 1946, ainsi son attachement au pays qui lui il donne une série de cours à l'Uni­ avait donné asile en 1918. versité de Chicago en qualité de pro­ En 1937, après le décès du profes­ fesseur invité. Après avoir repris ses seur A.A. Nijland, il est question de fonctions à Utrecht, il développe les supprimer l'enseignement de l'astro­ recherches à la tête d'une équipe nomie à l'Université d'Utrecht. Le qu'il parviendra à accroître au fil Conseil de l'Université ne donne tou­ des années : à sa mise à la retraite tefois pas suite à cette suggestion et en 1963, le personnel de l'Observa­ confie le département d'astronomie toire d'Utrecht aura décuplé par rap­ à Minnaert. C'est ainsi qu'il devient port à 1937, au décès de Nijland. professeur d'astronomie et directeur Parmi ses publications scientifiques de l'Observatoire d'Utrecht, et qu'il de l'après-guerre il faut citer en par­ refuse la chaire d'astronomie qui lui ticulier les monographies The Photo­ est offerte à cette époque par l'Uni­ sphere et Photometry of the Moon, versité de Chicago. Immédiatement parues dans l'ouvrage en cinq volu­ après sa nomination, en guise d'ap­ mes The Solar System édité par plication à son cours, il organise à G.P. Kuiper. On y décèle la maîtrise l'Observatoire des séances d'astrono­ en la matière et le don de synthèse, mie pratique destinées aux étudiants mis en valeur par un style clair et en mathématiques, physique et astro­ précis. nomie. Le manuel qu'il rédige à cet II fut un membre très actif de effet, fera l'objet de son ouvrage l'Union Astronomique Internationale. Practical Work in Elementary Astro­ On lui doit notamment en grande nomy, publié en 1969 après sa mise partie la création de la Commission à la retraite. pour l'Enseignement de l'Astronomie, La période de la deuxième guerre dont il fut le premier président, de mondiale laissera de profondes traces 1964 à 1967. Il fut également prési­ sur Minnaert. Son attitude antifasciste dent de la Commission de la Spectro- — avec le temps il avait adopté des photométrie, de la Commission de la opinions avancées de gauche — et la Radiation solaire et de la Spectrosco­ violente diatribe qu'il avait pronon­ pie solaire, de la Sous-Commission cée à son cours contre la décision de des Tables d'Intensité, de la Com­ l'occupant d'interdire l'accès de l'uni­ mission pour l'Echange des Astrono­ versité aux enseignants juifs, lui va­ mes. En août 1970, alors qu'il est lent en mai 1942 l'internement comme déjà très malade, la présidence de la otage. Bien que son ardeur au travail Commission de la Lune lui est offerte n'en soit pratiquement pas diminuée en reconnaissance de son importante — il poursuit ses travaux, écrit, orga­ contribution à l'étude de la surface nise des cours de physique, d'astro­ lunaire : propriétés photométriques, nomie, de suédois, ... pour ceux qui albedo, structure du sol, composition. 553 MINNAERT 554

C'étaient surtout sa compétence, sa il traite des liens qui existent entre diplomatie et son profond respect de l'astronomie et l'humanité, et Dich­ la valeur humaine qui lui valaient ters over Sterren (1949), un charmant l'honneur d'être sollicité pour ces recueil de poèmes et de pensées dont fonctions. plusieurs sont traduits de diverses Reconnu par tous pour son équité langues étrangères par Minnaert lui- et sa loyauté, il était souvent fait même. appel à ses conseils ou à son inter­ Il avait le don des langues. Il en vention pour résoudre des problèmes possédait plus d'une demi-douzaine difficiles sur le plan de la coopération et avait de bonnes connaissances scientifique internationale. d'une douzaine d'autres. Lors de Minnaert attachait beaucoup d'in­ réunions scientifiques internationales térêt aux jeunes désireux d'entrepren­ des collègues eurent souvent recours dre une carrière scientifique. Il se à son aide pour une traduction ou faisait un plaisir et un devoir d'infor­ une interprétation d'un texte rédigé mer les non-spécialistes et de venir dans une langue qui ne leur était en aide à ceux qui sentaient le besoin pas familière. Afin de faciliter les de compléter leur formation person­ dialogues au cours de ces réunions, nelle. Il le faisait d'une manière sim­ Minnaert proposa d'introduire comme ple qui lui était propre et qui inspi­ langue usuelle l'Esperanto que lui- rait confiance dès l'abord. même connaissait d'ailleurs très bien. Pendant ses rares loisirs, il aimait Il a toujours regretté que sa proposi­ faire de longues excursions à pied tion soit restée sans suite. qui lui donnaient l'occasion d'obser­ Pendant les deux derniers mois de ver la flore et la faune, d'admirer sa vie, alors qu'il se savait atteint les beautés d'un paysage. A ce sujet par une maladie qui ne pardonne pas il écrivit un admirable ouvrage, De et que ses forces déclinaient, il par­ Natuurkunde van 't Vrije Veld, qui ticipe encore aux travaux de la Com­ parut en trois volumes entre 1937 mission de l'Union Astronomique In­ et 1940. L'ouvrage connut un énorme ternationale pour la nomenclature succès et fut traduit en plusieurs lunaire à partir de documents obtenus langues. La version néerlandaise en par sondes spatiales. Comme de cou­ était à sa cinquième édition à la mort tume, il apporte un soin méticuleux de Minnaert. à accomplir ce travail. Il affectionnait la peinture et l'exer­ Minnaert reçut plusieurs distinc­ çait en amateur averti ; de ses voya­ tions académiques et fut honoré à ges à l'étranger il rapportait maints différentes occasions. En 1947, il ravissants pastels de sa main, souve­ obtient la médaille d'or de la Royal nirs fidèles et durables de sujets qui Astronomical Society de Londres. l'avaient fortement impressionné. Il En 1951 lui est décernée la Catherine aimait également la musique et était Wolf Bruce Medal de I'Astronomical lui-même bon pianiste. Dans sa de­ Society of the Pacific (U.S.A.). Son meure à l'Observatoire, il conservait septantième anniversaire est célébré une belle collection d'instruments de à Utrecht par un important sympo­ musique, dont plusieurs très anciens ; sium international ayant pour thème il les légua à l'Université d'Utrecht « The Solar Spectrum » ; le sommet lorsqu'il prit sa retraite. A noter qu'il de ce symposium est la conférence publia un article intéressant sur la rétrospective de Minnaert sur le sujet mécanique du violon. Forty Years of Solar Spectroscopy. Il La diversité de ses intérêts se re­ est élu membre des académies des flète entre autres dans deux ouvrages Sciences d'Amsterdam, de Boston, qui ont paru au cours des années Washington, Halle, Rome et de la quarante, notamment De Sterrenkunde Koninklijke Vlaamse Academie voor en de Mensheid (1946), dans lequel Wetenschappen, Letteren en Schone 555 MOENS 556

Kunsten van België. Il est aussi élu généralisa dans tous les pays, de nou- membre associé de la Royal Astrono- velles émissions apparurent de toutes mical Society de Londres, de la Kungl. parts et collectionner qui semblait Vetenskapsamhàllet d'Uppsala et de être une futilité au départ devint une l'Instituto de Coïmbra. Les univer- véritable science. sités de Heidelberg, Moscou et Nice Les amateurs, rares encore, se mul- lui confèrent le titre de docteur hono- tiplièrent et le commerce de Jean- ris causa. Baptiste Moens prit de plus en plus Marcel Minnaert laisse le souvenir d'importance grâce aussi à l'appui d'un savant remarquable et désinté- fourni par la clientèle étrangère. ressé, d'un maître probe et de bon Moens fut le premier marchand accueil qui avait le secret de guider de timbres qui rédigea et édita un les jeunes dans leurs recherches sans catalogue de timbres-poste ; celui-ci jamais blesser leur amour-propre ou parut en mars 1862, soit quatre mois altérer leur personnalité. Ceux qui après le catalogue de Potiquet, fonc- ont eu le privilège de le connaître tionnaire à Paris. Le catalogue de de plus près, garderont de lui l'image Jean-Baptiste Moens avait été an- d'un homme de grande culture dont noncé « sous presse » dans L'Etoile la simplicité incitait à la fois à l'estime Belge du 4 janvier 1861 déjà sous et au profond respect. le titre : Manuel du Timbromane. Albert G-. Velghe. Ce titre un peu péjoratif pour cette science à ses débuts fut changé en C. De Jager, « Levensbericht van Mar- Manuel du collectionneur de timbres. cel Gilles Jozef Minnaert », dans Jaarboek Nomenclature générale de tous les 1970 van de Koninklijke Nederlandse Aka- timbres dans les divers pays de V Uni- demie van Wetenschappen, Amsterdam, vers. Il comportait 72 pages et était 1971, p. 234-239, portrait photographique. imprimé chez Poot, chez qui Rimbaud — Idem, « In memoriam Prof. M.G.J. confia son chef-d'œuvre Une saison Minnaert », dans Jaarboek 1970 van de Koninklijke Vlaamse Académie voor We- en Enfer onze ans plus tard. tenschappeii, Leileren en Schone Kunsten Jean-Baptiste Moens qui s'était van België, Brussel, p. 412-4] 6, portrait adjugé comme collaborateur un de photographique. — A. TJnsôld, « In me- ses jeunes clients, Louis Hanciau moriam Marcel Gilles Jozef Minnaert », dans Solar Physics, t. 17, 1971, p. 3-5. (mort en 1925), dirigea de main de — L. Buning, « Minnaert Marcel Gilles maître la fameuse revue Le Timbre- Jozef », dans Nationaal Biographisch Woor- Poste, du 15 février 1863 à décembre denboek, t. 6, Brussel, Koninklijke Aca- 1900 et le Timbre Fiscal de 1874 à demiën van België, 1974, col. 668-681. 1896, premières revues françaises con- sacrées à ces sujets. Ces revues étaient aussi pour la MOENS (Jean-Baptiste-Philippe-Constant),première fois complétées par un prix auteur et éditeur de publi- courant : timbres à vendre ou timbres cations philatéliques, né à Tournai à souscrire. le 27 mai 1833, décédé à Bruxelles En 1864 paraît aussi Les Timbres- le 29 avril 1908. Poste illustrés (667 illustrations). Cet Dès 1848, Jean-Baptiste Moens ouvrage contenait une nomenclature ouvrit une bouquinerie 7 Galerie générale de tous les timbres-poste et Bortier et commença à collectionner la reproduction de tous les types émis les timbres-poste. à cette date dans les divers pays de En 1852, il se décida à faire le l'univers (1840-1864). Cette documen- commerce des vignettes postales qu'il tation eut un succès prodigieux et fut aimait tant, il le fit dans des condi- traduite en anglais. tions modestes, mais il est vrai qu'à La première plaie qui frappe la cette époque il existait peu de timbres. philatélie fut la multiplication des Par après, l'usage des timbres se faux. A peine savait-on que certains 557 MOENS 558 vieux timbres étaient recherchés à Lauenburg et de la ville de Bergedorf, prix d'or, que des faussaires se mirent 1884; 18. Timbres de Prusse, 1887. au travail à l'aide de découpages, Ajoutons à cette liste, en 1891, sa dentelures, produits chimiques de monumentale Histoire des Timbres- toutes sortes. poste et de toutes les marques d'affran­ La philatélie se défendit par une chissement employés en Espagne, abondante production d'études sur 364 pages, 460 illustrations, suivie en les faux et c'est ainsi que Jean-Baptiste 1893 par Les Timbres de Russie. Vint Moens publiait déjà en 1862 l'ouvrage ensuite : Heligoland et ses timbres, intitulé De la falsification des timbres- illustré de 104 reproductions donnant poste ou Nomenclature générale de tou­ l'étude complétée par un catalogue tes les imitations ainsi que les divers général de toutes les émissions posta­ timbres d'essais de tous les pays. Cet les en 1897 ; cet ouvrage est imprimé ouvrage a été traduit en anglais par sur papier vert, rouge et blanc qui E. Doble de Falmouth. sont les couleurs de Γ Heligoland ; Sans aucun doute le plus gros tra­ J.-B. Moens, Timbres d'offices améri­ vail de Jean Baptiste Moens fut la caines avec leurs prix de vente, précédé publication d'une série de 18 ouvrages d'une introduction sur leur origine, spécialisés concernant la philatélie 1868. naissante dans divers pays, ouvrages En plus Jean-Baptiste Moens édita dus à lui-même et à d'autres auteurs. d'autres ouvrages dus à la plume Ces ouvrages font encore autorité d'écrivains belges et étrangers : aujourd'hui, n'ayant été tirés qu'à 100 E. Diena, Les timbres-poste des Ro- ou 150 exemplaires numérotés sur magnes, suivi d'une étude sur leur Hollande seulement, ils sont devenus réimpression par Jean-Baptiste Moens, rarissimes. En voici la liste : 1878 ; Ph. de Bosredon, Bibliographie 1. Timbres de Naples et de Sicile, timbrologique de la France et de la 1877 ; 2. Timbres du Pérou depuis les Belgique, 1878; baron de Rothschild, origines à nos jours, 1878 ; 3. Timbres Histoire de la poste aux lettres depuis des Etats de Parme, Modène, Romagne, les origines les plus anciennes jusqu'à 1878; 4. Timbres de Toscane et de nos jours, 2 volumes, 1876; Almanach Saint-Marin, 1878 ; 5. Timbres de du timbre-poste, 1886; L. Leroy, Maurice depuis les origines jusqu'à Histoire, du timbre-poste français, 1891 ; nos jours, 1878 ; 6. Timbres de Saxe, A. Legrand, Les écritures et la légende 1879 ; 7. Timbres du Grand-Duché de des timbres du Japon, 1878 ; A. Le­ Luxembourg, 1879; 8. Timbres du grand, Alphabets et chiffres orientaux, Mecklembourg, Schwerin et Srelitz, 1893 ; Moens avait déjà publié en 1879; 9. Timbres de l'Office Tour el 1869 les Timbres de Moldavie et de Taxis depuis leur origine jusqu'à leur Roumanie de ce même auteur qui suppression (1847 à 1867), 1880; écrivait alors sous le pseudonyme de 10. Timbres d'Egypte et de la Compa­ docteur Magnus. gnie du Canal de Suez, 1880 ; 11. Tim­ Les albums édités par Moens dans bres de Belgique, 2 volumes, 1880 ; lesquels on « collait », comme on le 12. Timbres de Wurtemberg, 1874- faisait à l'époque, les timbres, étaient 1880; 13. Ch.-H. Coster, La poste très beaux, très soignés comme pré­ privée des Etats- Unis d'Amérique, sentation ; certains étaient somptueu­ 2 volumes, 1882-1885 ; 14. J.-B. Moens, sement reliés en plein maroquin du Les timbres de la République Argen­ Cap, dorés sur tranches, ornés de tine, 2 volumes, 1882; 15. H.-J. Wal­ fermoirs. ker et J.-B. Moens, Les timbres dt Natal, 1883; 16. J.K. Tiffany, Tim­ Non seulement auteur et éditeur bres des Etats- Unis d'Amérique, 3 vo­ de nombreux ouvrages philatéliques, lumes, 1883 ; 17. J.-B. Moens, Timbra Jean-Baptiste Mœns édita aussi des des Duchés de Schleswig Holstein et dt ouvrages généraux de 1851 à 1890 : 559 MOENS 560

Baron Jomini, Vie politique et mili­ diplômes accompagnant ces décora­ taire, Nouvelle édition, en 2 volumes tions, c'est bien comme « timbrolo- et un atlas, [circa I860]; J. Ambert, gue » qu'il les reçut, ainsi que le dit Esquisses historiques des différents R. Poncelet qui l'avait connu dans un corps qui composent l'armée française, important article biographique, pu­ nouvelle édition, revue et corrigée, blié dans Le Philatéliste belge du [circa 1851] ; V. Janlet, De la protec­ 15 février 1925, que voici reproduit tion des œuvres de la pensée, 2 volumes, en partie : 1888. « Naturellement une maison de Il édita aussi des ouvrages pour » l'importance qu'avait acquise celle bibliophiles, des réimpressions d'ou­ » de JBM devait avoir une histoire. vrages anciens, préfacés et annotés » Célèbre dans l'ancien et le nouveau par G. Peignot, Paul Lacroix et » monde, régissant et régularisant le J.-C. Brunet, tous sur beaux papiers. » marche de timbres-poste de par la En 1885, il édita un savoureux cata­ » haute valeur attachée universelle- logue de 40 pages énumérant des » ment à ses ouvrages et catalogues, classiques anciens et modernes cu­ » elle eut la gloire de voir se loger dans rieux d'études de mœurs et facétieux, » ses classeurs les plus grosses raretés d'ouvrages d'Holbach, de Collins et » du monde, tels les premiers Hawaï, des raretés bibliographiques qu'il pos­ » Guyane anglaise, Post-Office de » Maurice. » sédait en stock. Il publia en outre, de 1884 à 1886 une remarquable revue : « Cette réputation de premier plan La Basoche à laquelle collaboraient » attirait à l'Officine de Moens les plus Stanislas de Guaita, Edm. Harau- » gros amateurs de partout et nom- court, Théo Hannon, J.-K. Huys- » breuses furent les heures qu'y pas- mans, G. Leroy, C. Lemonnier, J. Lor­ » sèrent les P. de Ferrari de la Reno- rain, St. Mallarmé, Stuart Merrill, » tière, de Rothschild, comme aussi Em. Michelet, Edm. Picard. Cette » des Princes et Grands-Ducs de Russie revue était ornée de deux eaux-fortes » et d'ailleurs. originales de Jan Toorop et de » Le stock immense accumulé pen- L. Dardenne. » dant 48 années d'une chasse opiniâ- Jean-Baptiste Moens était très » tre aux émissions mondiales réunis- patriote, il fut officier aux chasseurs » sait dans les classeurs de cette mai- éclaireurs, conseiller communal à Ixel- » son des merveilles de nature à dé- les et son mandat fut renouvelé pen­ » courager bien des amateurs s'il leur dant vingt-huit années. En 1907, la » était donné de les revoir au j ουρ­ cession du quartier Solbosch où il ί d'hui. La plupart des émissions des habitait alors, à la ville de Bruxelles, » Etats allemands en feuilles et à mit fin à ce mandat, il ne pouvait être » l'état de neuf, y remplissaient les » tiroirs, les planches mêmes de nom- réélu n'habitant plus Ixelles. » bre d'entr'elles y dormaient d'un Il fut élu président de l'Exposition » sommeil léthargique. Il en était de de Timbres-Poste à Anvers en 1887, » même pour plusieurs états de la membre d'honneur de la Philatelie » vieille Italie. Society of London et de nombreuses sociétés européennes et américaines. » Lorsque, contraint pour des rai- » sons de santé en 1900 d'abandonner Comme auteur et éditeur d'une » son commerce de timbres, Moens bibliothèque d'ouvrages philatéliques, » décida la liquidation de la plus il reçut de divers groupements belges » grande partie de son stock, les ama­ et étrangers des prix d'honneur, li teurs du monde entier firent route 14 médailles d'or, de vermeil et d'ar­ » et voile pour assister à cette opéra- gent. Il fut le premier à se voir con­ » tion et acquérir leur part du gâteau. férer ces distinctions honorifiques au » La valeur relevée d'après le dernier titre philatélique car d'après les » catalogue Moens de 1892 approchait 561 MOENS 562

» de 200.000 livres sterling. Il n'était prédictions faciles de chaque jour soit sur » évidemment pas question de pro­ les timbres, timbrophïles ou marchands, des li longer une liquidation à la manière éphémérides et quelques faits divers se rap­ » des ventes Ferrari mais, désireux portant aux postes et aux timbres, Bruxelles, 1886, p. 38-39. — Almanach philatélique, » d'en finir sans soucis ni fatigues, Bruxelles, W. Baiasse, 1Θ45, p. 28-83, » le gros du stock fut adjugé au plus 104. — R.P. Andras, Les timbres, Paris, » offrant. 1972, p. 31, 135. — E.D. Bacon, A biblio­ » L'heureux acquéreur de ces tré- graphy of the writing general, special and » sors fut le célèbre négociant danois, periodical forming the littérature of phila­ υ Edvard M. Ruben, de Copenhague tely (Duke de Crawford Library), Biblio- » qui paya pour cette part environ theca Lindesiana, vol. 7, Aberdeen, 1911, p. 267-274. — W. Baiasse, Catalogue de » 800.000 francs (de 1892). On le sut Belgique, Bruxelles, 1949, p. 33-34, 54. — » après, il opérait tant en son nom Bibliographie nationale, Dictionnaire des » personnel que pour compte de plu- écrivains belges et catalogue de leurs publi· » sieurs grosses maisons allemandes, cations, 1830-1880, t. II, Bruxelles, 1892, » intéressées dans le partage. D'autre p. 691-692. — E. Blanc, Bibliographie » part, la bibliothèque philatélique de française des postes et de la philatélie, » Moens fut acquise par un collection- Paris, 1949, p. VII, 19, 150, 83, 89, 91, 96, 106-110, 130, 139, 142, 152. — Ph. » neur américain pour la somme de de Bosredon, Bibliographie timbrologique » 251 livres sterling. Cette liquidation de la France et de la Belgique, Bruxelles, » fut, on le conçoit, une des plus im- Bureau du journal Le Timbre-poste, Jean- » portantes opérations de l'espèce qui Baptiste Moens, 1878, p. 61-74 {Biblio­ » fut jamais réalisée. » thèque timbrologique, II). — G. Brunei, A la mort de Jean-Baptiste Moens, Les timbres des villes libres d'Allemagne, Paris, 1912, p. 20, 22-27. — Bungerz, survenue boulevard de la Cambre le Grosse Lexikon der Philatelie, München, 29 avril 1908, la presse philatélique 1933, p. 62-136-265-469-470, 742. — Cata­ entière et même la presse quotidienne, logue du Salon international de Philatélie, célébrèrent le mérite de celui que l'un publié en 1979 par Pro Post pour le Millé­ d'eux appelait « une des gloires, un naire de Bruxelles, p. 146-149. — P. Eu- pontife de la philatélie ». del, Collections et collectionneurs, Paris, Le 15 octobre 1973, à l'occasion du 1885, p. 168-192-194. — W. Grubben, Catalogue dee essais de Belgique et du cinquantenaire de la Chambre syndi­ Congo belge, Bruxelles, 1933, p. 4. — cale des Négociants en Timbres, la U. Hager, Grosse Lexikon der Philatelie, Régie des Postes a émis un timbre t. 2, Gütersloh, 1978, p. 456. — Ο. Hor- spécial reproduisant l'effigie de Jean- nung, The illustrates encyclopedia stamp Baptiste Moens, dessiné par J. Van collectings, London, 1970, p. 284-297. — Noten, le peintre belge bien connu, A. Leclercq et G. Waroquiers, Jean- imprimé en taille douce par J. De Vos Baptiste Moens. La nomenclature générale de son œuvre et critères de rareté. Nombreuses dans l'atelier du timbre à Malines. photographies de documents, la plupart Ce timbre est assorti d'une vignette inédits, Bruxelles, C. Souteman, 1980. — représentant un planisphère sur lequel se profile une carte de Belgique et A. Legrand (Docteur Magnus), Timbres deux inscriptions : 1923-1973. Cham­ de Moldavie et de Roumanie, Bruxelles, bre Syndicale Belge des Négociants 1868, p. 5, 7. — A. Legrand (Docteur Magnus), Manuel de l'amateur de timbres, en Timbres-Poste. Paris, 1894, p. 5, 6, 7, 32, 35, 131, 148, Ce fut alors tant dans la presse 151, 159, 219, 287, 298, 310, 325, 341, belge que dans la presse étrangère, 349, 350. — L. Leroy, Histoire du timbre- l'occasion d'une série d'articles illus­ poste français, Paris-Bruxelles, Jean- trés, très élogieux concernant le pre­ Baptiste Moens, 1891, p. 147-186. — mier philatéliste et marchand de B. Leroy, Bibliographie de la philatélie timbres en Belgique, Jean-Baptiste en Belgique, Ostende, 1973, p. 105-118. Moens. — E. Locard, Manuel du philatéliste, Paris, 1942, p. 250-264. — O. Lorenz, Alex Leclercq. Catalogue général de la librairie française pendant 25 ans (1840-1865), t. 3, Paris. Almanach du timbre-poste contenant de« 563 MONGE 564

P. Lorenz, 1869, p. 456. première biogra- Vos et de J.-P. Mordens) ; Le Philatéliste phie de Jean-Baptiste Moens et liste de belge, fasc. 41, 15 février 1925 ; The Stamps ses premiers ouvrages. — B. Mahé, Mar- Collection Magazine, mai, juin, décembre chanda de timbres d'autrefois, Paris, 1908, 1876, etc... p. 10. — A. Moens, (Mémorial). Notes biographiques manuscrites, copiées par son fils Alexandre Moens, complétées par MONGE (Léon-Charles de), vi- des extraits de presse et des portraits comte de FRANEAU, comte de FENAL, de Jean-Baptiste Moens, 1890 à 1908, inscrit à l'état civil: DEMONGE, pseu- 1 vol., 193 p. — L.-D. Pellaert, La repré- donymes: FORTZ et M. GAGNE, pro- sentation maçonnique dans les collections philatéliques de Belgique, Bruxelles, 1977, fesseur de littérature à l'Université p. 86-87. — The pioneer philatelist and catholique de Louvain, né à Dinant catalogues J.B. Moens also listed of earlier le 2 février 1834, mort à Argenteau issues which the list encomterd as a dealer, (Visé) le 31 octobre 1894. or which be lad beend as post of the Egyp- e Léon de Monge fit ses humanités tian faction of his famous 19 cent, hard- au Collège communal de Dinant, puis look, The interpostal of Egypt, 1864-1892, New York, E.L. Kehr, n° 7, 1962. — A. sa philosophie au Collège de la Paix de Rothschild, La poste à un penny, Bru- à Namur, avant d'entreprendre en xelles, 1872, p. 5-6. — A. de Rothschild, 1852 des études de droit à l'Univer- Histoire de la poste aux lettres, t. II, Bru- sité catholique de Louvain. Dès les xelles, Jean-Baptiste Moens, 1876, p. 4. débuts de son séjour dans la ville — J. Sacré, Les mystères de la bande noire, universitaire, il manifesta un grand Bruxelles, 1866, p. 68-69. — P. Salva et intérêt pour les lettres. Il fut parmi J. Caïti, Le timbre, valeur de placement, Paris, 1976, p. 35. — M. Schurmans, La les fondateurs de la Société d'Emu- philatélie, Anvers, 1933. p. 152. — La lation de Louvain, instituée en 1853 Société philatélique belge. Historique. Hom- sous la direction du professeur Jean mage publié à J.-B. Moens, auteur de tant Moeller. C'est à cette tribune que, le d'ouvrages remarquables intéressant la 5 juillet de la même année, il pré- science iimbrologique, Bruxelles, 1941, senta son premier essai littéraire, p. 5-6. — Y. Taschereau, Collectionner consacré à Topffer. Il poursuivit en les timbres, Montréal, 1978, p. 85, 165. — J.K. Tiffany, The philalical library. A y donnant des études sur le baron catalogue of stamp publications, Cambridge, de Stassart (22 mars 1855) et sur 1874, p. 42, 60-64, 104, 107, 109. — Octave Feuillet et Emile Augier J. K. Tiffany, The stamp collector's library (22 janvier et 5 février 1857). Ses companion. A chronological catalogue of premiers travaux manifestaient déjà ail publications published wholly or chiefly l'ampleur et la hauteur de vues, le in the interest of stamp collection, 2 vol., penchant pour les larges exposés his- Chicago, 1889-1890. toriques, les préoccupations religieu- De très nombreux articles consacrés à ses et morales qui devaient marquer Jean-Baptiste Moens se trouvent dans les toute son œuvre. Devenu docteur en revues suivantes : L'annonce timbrologi- droit, il s'inscrivit d'abord au barreau que ; Balasse Magazine (entre autres, des de Namur, puis à celui de la capitale. articles de G. Waroquiers, très documen- tés, mettant au point certaines erreurs) ; Pendant une année, en 1859-1860, il The Metropolitan philatelist of New York ; collabora comme rédacteur politique Monthly Journal; Nederlandsche Vereeni- et littéraire au Journal de Bruxelles ; ging van postzegelverzamelaars ; The Phi- des raisons d'ordre intime le firent latélie Journal of America ; La revue phi- passer ensuite, comme feuilletoniste, latélique ; Le courrier du timbre-poste de à V Universel. A partir de 1861, il Saint-Etienne ; La Revue postale ; Le Tim- se signala par sa participation aux bre ; L'Union postale et plus précisément dans : II Colleczionista, 27 février 1972 ; activités littéraires de la Société Diaro de Cadix, 1891, Echofil, n° 276, d'Emulation de Bruxelles, dont il 1973 ; La Gazette philatélique de Belgique, occupa souvent la tribune. Entre- 15 janvier 1946; The Philatélie Record, temps, il suivait à Paris les leçons vol. 15, p. 273-276; Philatélie, Paris, de Saint-Marc-Girardin et de Phila- fasc. 39, février 1971 (articles de Louis rète Chasles. En 1865, à la mort du 565 MONGE 566 professeur L.-J. Hallard, l'Université la charité, 1862), historique (L'ancien catholique de Louvain lui confia la régime en Belgique. Une principauté chaire de littérature française et d'his­ ecclésiastique, 1875, L'ancien régime toire des littératures modernes. En en Belgique, 1877), des notices de 1884, l'histoire des littératures com­ personnalités religieuses ou politiques parées devait être adjointe à sa (Frédéric Ozanam, 1870, Monseigneur charge. De 1874 à 1882, il présida Laforêt, 1872, M. Guizot, 1875), des aux destinées de la Société littéraire recensions d'ouvrages d'histoire ou de Louvain, qu'il avait déjà connue de philosophie sociale. En littérature, à l'époque de ses études. Il poursuivit il s'intéresse à toutes les époques, sa carrière professorale jusqu'en 1893, avec une prédilection pour le moyen année où sa santé, qui avait toujours âge, le classicisme et le XIXe siècle; été chancelante, l'obligea à demander il sort à plusieurs reprises du domaine l'éméritat. français (La littérature espagnole, 1871, De nombreux témoignages nous Une traduction nouvelle de l'Avesta, assurent de la haute qualité de son 1875, Pour Cervantes, 1884). enseignement, de son attachement à C'est sans doute dans son Etude la jeunesse dont il savait gagner le sur Sainte-Beuve, parue d'abord sous cœur et marquer l'intelligence d'une la forme de deux articles dans la empreinte profonde. A l'intention de Revue Catholique de Louvain (t. XXX ses étudiants, il réunit des canevas et XXXI, 1870-1871) puis éditée en et des fragments de leçons dans deux un volume (Bruxelles, V. Devaux publications : Sommaire du cours et Cle, 1872), que se révèlent le plus d'histoire de la littérature française nettement ses conceptions en matière au XVIIIe siècle (Louvain, Ch. Pee- littéraire : sa méthode, qu'il appelle ters, 1878, 2e édition, 1882) et Som­ la « méthode morale », « considère maire du cours d'histoire de la littéra­ » l'écrivain comme un être libre, res- ture française au XVIIe siècle (ibidem, » ponsable [...] qu'on juge, non-seu- 1889). » lement au nom du goût, mais au Esprit ouvert, Léon de Monge ma­ » nom du bien et de la vérité » (op. nifestait de multiples intérêts. Très cit., p. 124). Léon de Monge croit à attaché à son université, il en étudia l'identité objective du vrai, du bien les débuts dans son Essai sur les et du beau. D'autre part, en disciple deux premiers siècles de l'Université de Saint-Marc-Girardin, il ne sépare de Louvain (Bruxelles, Société de la pas l'histoire des lettres de celle des Presse conservatrice, 1864). Il déploya mœurs, de la politique et de la reli­ une grande activité dans la collabo­ gion. Animé d'une incessante préoc­ ration à des revues : la Revue des cupation morale et religieuse, ce fin Revues (en 1854 et 1855), La Belgique lettré sait goûter les charmes d'une puis Revue belge et étrangère (de 1859 forme soignée' mais ne les fait pas à 1862), la Revue de l'Economie chré­ prévaloir sur le contenu de l'œuvre ; tienne de Paris (en 1862), la Revue il manifeste une prédilection particu­ catholique de Louvain (de 1862 à 1884), lière pour les questions de doctrine, la Revue Générale (à partir de 1865), qu'il s'agisse de métaphysique, de le Muséon (à partir de 1882). Il par­ philosophie, de morale, d'idées so­ ticipa d'ailleurs à la fondation de ciales. ces trois dernières. Les textes qu'il Son œuvre la plus importante, au fournit à ces périodiques témoignent titre significatif, est consacrée au de l'ampleur et de la diversité de sa moyen âge : Etudes morales et litté­ curiosité intellectuelle : certes les raires. Epopées et romans chevaleres­ sujets littéraires prédominent mais ques (t. Ier, Bruxelles, A. Vanden- on y trouve aussi des écrits d'inspi­ broeck, 1887, t. II, ibidem, 1889). ration sociale (L'abolition de l'escla­ Sous la forme un peu désuète de dia­ vage, 1862, Les colonies agricoles de logues et de conférences, conforme à 567 MORNARD 568 son penchant pour la causerie et à rait qu'il soit né dans les environs son rejet de la spécialisation excessive de Wavre et la date de sa mort, sur- et de tout pédantisme, il y expose venue en 1915 alors qu'il avait une ses idées sur le développement de cinquantaine d'années, nous permet l'épopée dans la littérature euro- de penser qu'il avait dû naître entre péenne, en liaison avec l'évolution 1860 et 1865. de l'esprit chevaleresque et l'histoire Entré au service de l'Administra- des mœurs. L'esprit chevaleresque tion des Finances, Joseph Mornard aurait connu selon lui une période était en 1899 vérificateur des douanes d'ascension avec les vieilles épopées : à Zelzate, lorsqu'il accepta, en même les Nibelungen, le Roland et le Cid, temps que certains de ses collègues qui en marque le sommet, puis une des douanes belges, un contrat pour période de décadence, au cours de la Perse. En effet, depuis 1898, un laquelle a fleuri le roman chevaleres- certain nombre de fonctionnaires que : « dans la chevalerie, comme avaient été « prêtés » par la Belgique » dans la plupart des choses de ce à ce pays désireux de réorganiser, » monde, l'esprit a inspiré la forme ; sur des modèles européens, ses doua- » puis la forme s'est passée de l'es- nes, son service postal et certains » prit : puis un autre esprit, tout services financiers. » contraire au premier, s'est infiltré Le contrat de Joseph Mornard est » dans cette forme vide » [op. cit., signé en 1900 et il part pour Téhéran, t. I, p. 318). où il est affecté à l'Administration Sous les pseudonymes de Fortz et centrale des Douanes de la Perse, de M. Gagne, Léon de Monge est sous les ordres d'un de ses compa- aussi l'auteur d'écrits divers : une triotes, Joseph Naus, devenu ministre pièce de théâtre, des nouvelles, des des Douanes du Chah. portraits satiriques. Sous l'impulsion de Naus, l'équipe En 1889, il fut nommé membre de belge étend ses activités à toutes les l'Académie royale d'Espagne et, le douanes de la Perse, puis à la poste, 6 mai de la même année, membre et enfin aux services de l'impôt. Cette correspondant de la Classe des Lettres mainmise étrangère sur d'importants de l'Académie royale de Belgique ; il départements administratifs suscite devint membre titulaire de cette der- bientôt le mécontentement d'un parti nière le 9 mai 1892. persan nationaliste et révolutionnaire Willy Bal. et Mornard, comme ses compatriotes, va connaître des moments parfois G. Doutrepont, Notice sur la vie et les difficiles. Nommé inspecteur des doua- travaux de Monsieur Léon-Ch. de Monge, vicomte de Franeau, professeur émérite à nes de la province septentrionale de la Faculté de Philosophie et Lettres de l'Azerbaïdjan, il réside à Tauris (Ta- l'Université Catholique de Louvain, Lou- briz), puis est rappelé en 1907 à Téhé- vain, J. Van Linthout, 1895, 38 p. et ran, où il succédera, comme adminis- dans Annuaire de l'Université catholique trateur des douanes à Joseph Naus, de Louvain, 60° année, 1896, p. LXIX- destitué par le Chah, sous la pression CIV. — Ed. Descamps, « Notice sur Léon- du parti révolutionnaire. Charles de Monge, vicomte de Franeau, membre de l'Académie », dans Annuaire Entre 1907 et 1914, Joseph Mor- de l'Académie royale de Belgique, 65 e année, nard sera le chef de ce qu'on a appelé 1899, p. 123-144. « la mission belge en Perse ». De trois qu'ils étaient en 1898, les Belges sont passés au nombre de 35 en 1907 et MORNARD (Joseph-J.), fonction- c'est donc désormais une équipe rela- naire, trésorier général de Perse, les tivement importante qui, sous la di- renseignements concernant la date et rection de Joseph Mornard, dirige le lieu de la naissance de Joseph l'essentiel des services administratifs Mornard nous font défaut. Il se pour- de la Perse. Il s'agit d'une tâche d'au- 569 MORN ART» R-7n tant plus délicate que les difficultés nir les cadres nécessaires à l'organi­ avec certains partis persans se dou­ sation d'une administration moderne blent de tensions constantes avec les de l'impôt foncier. représentants diplomatiques des deux Malgré ces renforts, l'entreprise est puissances tutélaires de la Perse à vouée à l'échec. Mornard, fatigué, l'époque : la Russie et la Grande- désespéré par toutes les difficultés que Bretagne. lui suscitent des adversaires de tous En 1911 le parti nationaliste per­ bords, démissionne en 1914. Il mourra san, très hostile aux Belges qu'il juge à Téhéran, un an plus tard. inféodés à la Russie, obtient la nomi­ Le bilan de son activité est assez nation à la tête de tous les services difficile à faire. En effet, les excellents financiers du pays — y compris les résultats obtenus à la douane et à douanes — d'un trésorier général la poste pendant les sept années où américain : W. Morgan Shuster. il a dirigé ces administrations sont Joseph Mornard, qui depuis 1907 certes dus en partie à sa sage gestion, jouit d'une grande autonomie d'ac­ mais sont imputables également à tion, voit d'un très mauvais œil cette l'impulsion initiale donnée par Naus nomination. Un conflit d'autorité entre 1900 et 1907. Sans tomber dans l'oppose d'emblée à l'Américain. Les certains travers de son prédécesseur puissances étrangères interviennent — goût du luxe, de l'ostentation, dans la querelle : combattu par les appétit de puissance — Mornard a Russes et soutenu avec une très toutefois commis l'erreur d'accumu­ grande mollesse par les Anglais, ler sur ses épaules de trop lourdes Shuster sera finalement destitué, et responsabilités. Gérer certaines admi­ son adversaire Mornard le remplacera, nistrations avec compétence et doigté en juin 1912, comme trésorier géné­ était une chose. S'attaquer aux pri­ ral. vilèges de l'aristocratie foncière, toute En acceptant cette redoutable puissante dans la Perse des Qadjars, charge, Joseph Mornard commet l'er­ en était une autre. Pour avoir osé le reur de ne pas apprécier exactement tenter Joseph Mornard y a perdu la l'ampleur de la tâche qui sera la santé et la vie, mais aussi a entraîné sienne. En effet, si les services de la ses compatriotes dans d'innombrables douane et de la poste fonctionnent difficultés. Les jugements sévères por­ correctement depuis plusieurs années tés trop souvent contre l'action des déjà, tout est encore à faire dans le fonctionnaires belges en Perse s'ap­ domaine des services de l'impôt. Le puient généralement sur le fait qu'ils pays ne dispose d'aucun cadastre et n'ont pas voulu limiter leurs activi­ l'impôt foncier est calculé sur la base tés, qu'ils ont montré une sorte de de données traditionnelles fournies boulimie dans le travail, qui a fini par des « fonctionnaires » persans par effacer les excellents résultats plus ou moins vénaux. obtenus grâce à leur compétence pro­ Réorganiser ce service, c'est s'atta­ fessionnelle et à un dévouement sou­ quer à l'aristocratie foncière, toute vent exemplaire. puissante dans l'entourage du Chah, à la famille royale elle-même, et à Annette Destrée. tous ceux qui profitent depuis des siècles de la situation totalement Papiers André Molitor à Bruxelles. — anarchique des administrations per­ Archives du Ministère des Affaires étran­ sanes. gères, à Bruxelles : Dossiers 2Θ80, I Conscient de ce que son équipe est (Perse : Divers) ; 2981 (Fonctionnaires trop peu nombreuse pour ces tâches, belges en Perse. Douanes. Fonctionnaires Mornard obtient en 1913 l'engage­ belges en Perse. Finances). ment de 82 nouveaux fonctionnaires Robert A. McDaniel, The Shuster Mis­ belges, destinés principalement à four­ sion and the Persian Constitutional Revo- 571 MORREN 572 lulion, Minneapolis, Bibliotheca Islamica, Morren toutefois a réservé l'essentiel 1974. — W.-M. Shuster, The Slrangling de sa production pour la première of Persia, London, 1912. exposition du cercle L'Association pour l'Art qui s'ouvre le 29 mai 1892 MORREN (George), prénoms à au Musée des Beaux-Arts d'Anvers. l'état civil Georgius-Carolus-Ludovicus-Mattheus),L'idée même de créer à Anvers un peintre, sculpteur, groupe d'avant-garde calqué sur le créateur d'objets d'art appliqué, né à Cercle des XX était née chez Max Els- Ekeren-lez-Anvers le 27 juillet 1868, kamp, Van de Velde et Morren, alors décédé à Bruxelles le 21 novembre que ce dernier était encore à Paris. 1941. Mais, selon une abondante correspon- George Morren grandit dans une dance, c'est à Morren qu'incombe le famille de la riche bourgeoisie anver- choix des artistes à inviter et toute soise ; son père Félix Morren, originaire l'organisation de l'exposition. Il inau- de Gand, est dans les affaires, aussi gure ici un rôle d'animateur qu'il notre artiste va-t-il jouir toute sa vie jouera souvent encore dans l'avenir. des avantages que donne une grosse Les œuvres avaient été réparties fortune. Ses parents souhaitaient qu'il dans trois salles : la première réser- mène à bien des études de droit mais vée aux arts appliqués, la seconde s'inclineront devant sa vocation artis- aux peintres luministes, la troisième tique. Emile Claus est un ami de la aux représentants du symbolisme ; famille, il encourage son cadet de dix- Morren fait évidemment partie du neuf ans, cependant il ressort d'une second groupe aux côtés notamment correspondance inédite que les rap- de Claus, Lemmen, Seurat, Signac, ports entre les deux artistes sont plus Van Rysselberghe, Van de Velde ceux de l'amitié que ceux de maître (Le jardin public, Lawn-tennis, etc.). à élève contrairement à ce que l'on a Il continue à figurer parmi les artis- souvent dit, ils accéderont d'ailleurs tes qui procèdent du néo-impression- à la peinture claire en même temps, nisme au salon de L'Association pour Claus après une lente évolution, l'Art de 1893, aux Indépendants de Morren directement. Paris de la même année. La critique Morren suit d'abord les cours de alors a reproché à Morren d'avoir la célèbre académie de sa ville natale, mal assimilé le faire difficile de la il en tolère mal l'enseignement confor- technique néo-impressionniste sans miste, aussi va-t-il résider à Paris de savoir que notre artiste s'était plié 1888 à 1892 ; il travaille dans l'atelier à cette stricte discipline, mais peu de de Roll, de Puvis de Chavannes et temps, qu'il s'en éloigne dès 1892 et chez Eugène Carrière, et achève sa qu'il n'en a conservé que peu de formation en vivant les événements témoins. C'est ainsi que lorsque, en artistiques parisiens. Avant son dé- 1894, Morren expose à Anvers, salle part, et grâce aux salons bruxellois Verlat, avec Georges Hobé et Fernand du Cercle des XX, il n'ignorait ni Dubois, il inscrit à son catalogue une l'impressionnisme, ni le symbolisme, seule toile, datée de 1892, Dimanche ni les artistes étrangers et belges re- après-midi, exécutée en un pointillé présentant l'avant-garde, mais à Paris serré et régulier, en des contrastes il prend un contact direct avec les de tons conformes aux théories de maîtres nouveaux et leurs œuvres. Seurat et de Signac, alors que les Réinstallé à Anvers en février 1892, autres toiles sont d'une technique plus Morren participe dès avril aux salons spontanée ; il décompose encore le ton à Anvers et à Bruxelles du cercle mais sa touche est irrégulière. Il usera Aïs ik kan, où ses toiles, dont La longtemps encore d'un divisionnisme prairie, selon le critique de la revue menu dans ses fonds pour mieux ex- L'Art moderne (8 mai 1892), indiquent primer la vibration et les irisations de de « claires tendances vers le neuf ». la lumière, ainsi Jeune femme à sa 573 MORREN 574 toilette, 1904; Deux jeunes filles, 1907. dans L'Art moderne du 23 mars 1904. A la salle Verlat, notre artiste montre Il y a une évidente parenté entre aussi de la sculpture, de l'art appliqué : Morren et les impressionnistes fran­ bijoux, objets, et un projet de salle çais, entre ses paysages ensoleillés et de bain. Seules des reproductions ceux de Monet ; plus encore entre photographiques parues dans des re­ l'éclat sensuel des très jeunes femmes vues ressuscitent ces ouvrages au­ flânant dans des jardins ou saisies dans jourd'hui dispersés ; ils sont d'inspira­ leur intimité et le monde féminin de tion « Art nouveau », ce qui explique­ Renoir. Mais s'il y a eu influence rait la présence de Morren au Salon directe, Morren l'a rapidement assi­ des Roses + Croix en 1893. Il paraît milée et elle n'a été possible que parce s'être suffisamment distingué dans qu'il y avait parenté de tempérament. le domaine des arts décoratifs pour Morren sait toutefois que l'idéal participer à des manifestations qui luministe auquel il adhère avec tant leur ont été exclusivement réservées d'enthousiasme n'est pas exclusif, à Turin en 1902, à Milan en 1906, à aussi propose-t-il de grouper les des­ Venise en 1907. servants de ce dogme autour des deux Morren mène de front ces multiples aînés, A. J. Heymans et Emile Claus. techniques jusqu'aux environs de Ainsi naît le cercle Vie et Lumière, 1910 et les présentera conjointement Morren reprenant une fois encore son dans beaucoup de ses expositions. rôle d'efficace organisateur. Le groupe Il en est ainsi quand, en 1895, il est qui compte, à ses débuts, notamment invité au salon de La Libre Esthéti­ Anna Boch, Degouve de Nuncques, que qui a succédé au Cercle des XX. Ensor, Lemmen, Jenny Montigny, C'est la première fois que Morren est se manifeste dès 1905, d'abord à la accueilli dans le milieu d'avant-garde salle Forst à Anvers, ensuite, en son bruxellois, tout en y comptant déjà entier, à La Libre Esthétique dans de nombreux amis ; dès lors et jus­ le cadre d'une démonstration intitulée qu'en 1914, il participera aux travaux L'évolution externe de l'impressionnis­ du cercle, tout en demeurant pendant me, représentant l'impressionnisme quelques années encore un des anima­ belge. Année particulièrement labo­ teurs les plus actifs de la vie artistique rieuse pour notre artiste qui est pré­ d'Anvers. Il s'y marie en 1897 avec sent aussi au salon de L'Art contem­ Juliette, Hélène, Jacqueline Melges, porain à Anvers, à l'Exposition uni­ issue elle aussi de l'opulente bourgeoi­ verselle de Liège et enfin au fameux sie de la Métropole. C'est encore dans Salon d'Automne de Paris où s'affirme sa ville natale, place du Meir, chez cette année-là le groupe des Fauves l'imprimeur Thibaut, qu'il choisira, autour de Henri Matisse et où Morren en 1900, de faire sa première exposi­ attire l'attention avec Le mois des tion personnelle, composée de pein­ roses et Jeune femme à sa toilette. tures, de dessins, de sculptures et En 1905 Morren revient à Paris en d'objets. Morren est en 1902, parmi avril au Salon national des Beaux- les fondateurs du cercle Eenigen, et Arts, le principal tableau reçu, La en 1905 de L'Art contemporain aux psyché, sera acquis par l'Etat belge côtés des frères Franck. en juillet au Salon triennal de Gand. En 1904, une exposition à La Libre En 1907, il fait partie d'une rétro­ Esthétique consacrée à la naissance, spective d'art belge organisée par au développement et aux prolonge­ Octave Maus au Salon d'Automne à ments de l'impressionnisme français Paris ; il est parmi la cinquantaine donne l'occasion à Morren d'affirmer d'artistes belges sélectionnés pour la son admiration pour « ces peintres de Biennale de Venise, et, enfin, il est la lumière, de l'air » dont les œuvres choisi par Durand-Ruel parmi les « sont plus que des impressions » mais artistes représentatifs de l'impres­ « sont définitives et assez solides pour sionnisme envoyés à Budapest. » braver l'avenir » comme il l'écrit Morren continuera ainsi, année par 575 MORREN 576 année, et jusqu'aux environs de 1910 pratiquer en France une large hospi­ à s'occuper activement de la vie talité et étendre même les contacts artistique de son pays et à prendre avec d'autres artistes. Il est resté en part régulièrement aux expositions rapport avec la Belgique et acceptera importantes en Belgique et à l'étran­ souvent de prêter des tableaux de sa ger. Certaines œuvres y seront très collection personnelle qui est de choix : remarquées et notamment des compo­ Ensor, Degas, Berthe Morisot, Renoir, sitions à plusieurs figures à la fois Toulouse-Lautrec et bien d'autres ; pleines de lumière et solidement il reparaît lui-même sporadiquement structurées comme l'Eté à La Libre à des expositions, notamment à la Esthétique de 1907, Le Perron bleu Biennale de Venise en 1912 : Les au Salon jubilaire de la Libre Esthé­ faisans, Les harengs fumés ; à La Libre tique de 1908. Présentée à la Commis­ Esthétique de 1913, salon consacré sion directrice des Musées royaux des aux interprétations du midi : Huit Beaux-Arts de Belgique, pour acquisi­ notations de Cannes à Menton à l'huile tion, cette toile est refusée à une voix et le même motif au pastel. de majorité malgré le soutien du La première guerre mondiale éclate, conservateur en chef Fierens-Gevaert que Morren passe en France ; ce grave qui prisait fort la peinture de Morren ; événement a vraisemblablement pro­ c'est une très vive déception d'amour- longé le délai que Morren avait prévu propre pour l'artiste. En cette saison pour son exposition d'ensemble. Ren­ 1908 il fait le placement du salon de tré définitivement 96, rue du Monas­ Vie et Lumière à Anvers et s'entremet tère à Bruxelles, c'est en 1926 seule­ auprès de Durand-Ruel pour que ment, du 20 février au 3 mars, Galerie celui-ci envoie une trentaine d'impres­ Georges Giroux à Bruxelles, que sionnistes français à Bruxelles, tou­ Morren déploie un vaste panorama jours pour le salon de Vie et Lumière. de son œuvre : 141 numéros : huiles, En 1909 Morren quitte sa maison pastels, dessins; il remonte à 1892 et de la chaussée de Malines à Anvers chemine jusqu'à 1925. Une parfaite pour s'installer rue du Monastère à unité d'inspiration se dégage de cette Bruxelles, c'est sa dernière année d'in­ rétrospective ; fidèle à sa nature pro­ tense participation aux événements fonde, Morren ne s'est pas laissé artistiques : Libre Esthétique, salon influencer par les courants nouveaux ; de Vie et Lumière, expositions de le cubisme, l'expressionnisme, l'abs­ L'Art contemporain à Anvers, salon traction ne l'ont pas touché. Son de la Société nationale des Beaux- univers est demeuré celui des artistes Arts à Paris, Salon de Printemps à définis par Octave Maus dans l'intro­ Bruxelles, VIIIe Exposition interna­ duction au catalogue de La Libre tionale de Venise. Esthétique en 1904, ceux qui « à l'ex- L'année 1910 marque un tournant » pression de la réalité objective ont dans la vie de Morren, il s'éloigne de » substitué l'idéal d'un poème optique la vie active qu'il a menée jusqu'alors, » de clarté et d'harmonie ». Il y a décidé à se consacrer uniquement et d'évidence une évolution dans la pendant le temps nécessaire à travail­ façon d'exprimer cet univers de sen­ ler en vue d'une exposition d'ensemble sualité raffinée et heureuse, le rigou­ de son œuvre. Alors qu'il prend cette reux pointillé de 1892 s'est assoupli résolution, il acquiert une vaste pro­ d'abord, pour disparaître ; la couleur priété à Saint-Germain-en-Laye où est devenue plus saturée, la pâte plus il va vivre et peindre ; le parc planté mince, plus mate ; le dessin présent de grands arbres, de fleurs rares est le dès les débuts joue un rôle plus con- décor rêvé pour des compositions structif, plus souligné. Une seconde mythologiques. Est-ce à dire que notre exposition individuelle de 127 tableaux artiste va rompre tous liens avec son et de dessins a lieu au Palais des réseau d'amis ; bien au contraire, il va Beaux-Arts de Bruxelles du 21 février 577 MOSSELMAN 578 au 8 mars 1931, les œuvres s'échelon- Archives de l'Art contemporain, Musées nant cette fois depuis 1902 jusqu'à royaux des Beaux-Arts de Belgique, Bru- 1930 : paysage, natures mortes, inté- xelles : Lettres adressées à Morren par rieurs, figures isolées ou compositions B. Claus, G. Buysse, Max Elskamp, Fie- rens-Gevaert, A.J. Heymans, P. De Mont, de plein air. Jenny Montigny, J. Vanden Eeckboudt, Morren depuis son retour en Bel- etc. gique s'est tenu volontairement en dehors des groupes de combat ; s'il a Ouvrages généraux : C. Lemonnier, L'école belge de peinture encore beaucoup d'amis, les plus 1830-1905, Bruxelles, 1906, p. 200. — chers cependant ont disparu : Octave TJ. Thieme et P. Becker, Allgemeinea Maus, Claus, Heymans, Jefferys, Van Lexïkon der Bildenden Kûnstler, t. XXV, Rysselberghe et tant d'autres. Sa Leipzig, 1931, p. 167. — M.-O. Maus, fortune le dispense de tout souci Trente années de lutte pour l'art (1884- matériel, il voyage, et s'il participe 1914), Bruxelles, 1926, passim. — P. Colin, de temps en temps à des expositions La peinture belge depuis 1830, Bruxelles, 1930, p. 350-351. — L. et P. Haesaerts, — L'Art contemporain à l'Exposition Flandre, Essai sur l'art flamand depuis universelle d'Anvers en 1930, Salon 1880. L'impressionnisme, Paris, 1931, de Printemps de Bruxelles en 1934, p. 291-293, 309-515. — P. Pierens, •> La Biennale de Venise en 1936, Salon peinture au XIXe siècle », dans L'Art en quadriennal de Liège en 1940, par Belgique, Bruxelles, 1939, p. 493. — Fr. exemple — son principal souci sem- Maret, Les peintres luministes, Bruxelles, ble bien avoir été de parfaire son 1944, notices XXVIII et CXXIX et p. 37. — P. Haesaerts, Histoire de la peinture œuvre et de la revoir, et c'est en ces moderne en Flandre, Bruxelles, 1950, p. 69- dernières années qu'il aurait détruit 251. — B.L. Herbert, Neo-impressionism, bien des toiles qu'il jugeait, parfois catalogue de l'exposition au Salomon à tort, indignes de lui. B. Guggenheim Muséum, New York, Quand la mort vient le surprendre 1968, p. 176-177. — Ph. Boberts-Jones, en 1941, il préparait une troisième Du réalisme au surréalisme, Bruxelles, rétrospective pour le Palais des Beaux- 1969, p. 67-183. — P. Haesaerts (sous la Arts ; elle aura lieu du 18 avril au direction de), Huit siècles de peinture, 10 mai suivant les plans établis par trésors des Musées de Belgique, Bruxelles, le peintre lui-même ; les œuvres des 1969, p. 92-112-178-448. — Pr.-Cl. Le- grand, Le Symbolisme en Belgique, Bru- dernières années n'accusaient aucun xelles, 1971,. p. 48-211-227. — P. Fierens fléchissement, notamment le Portrait (préface de), Dictionnaire des peintres, du sculpteur Devillez dans un intérieur, Bruxelles, s.d., p. 447. — Catalogues d'ex- daté de 1939, et, suprême hommage positions : Salle Verlat, Anvers, 1894 à la grâce féminine, Jeune femme à (avec G. Hobé et F. Dubois). — Salle sa toilette de 1941. Thibaut, Anvers, 1900. — Galerie G. Gi- Des documents ont établi qu'en roux, Bruxelles, 1926. — Palais des Beaux- Arts, Bruxelles, 1931. — Palais des Beaux- 1939, Morren avait amorcé des trac- Arts, Bruxelles, 1942 (préface P. Buys- tations avec la Galerie Charpentier sens). — Ch. Bernard, George Morren, à Paris pour y monter une rétro- Bruxelles, 1950 (publié à l'occasion de spective pour novembre 1940. La l'exposition Morren à la Galerie de la seconde guerre mondiale empêcha Sirène, Bruxelles, 1950). la consécration à Paris d'un artiste belge qui s'était senti tant d'affinité avec l'école française, au point qu'il MOSSELMAN (François-Domini- écrivait en 1939, après avoir visité que), propriétaire, négociant et indus- successivement à Genève Les chefs- triel, né à Bruxelles en 1754, décédé d'œuvre du Prado et les impressionnis- à Paris le 29 mars 1840. tes français, qu'il avait été plus pro- Il est issu d'une solide famille fondément touché par ces derniers bruxelloise qui comporte des magis- dont « le charme est plus vraiment trats, des gestionnaires de la chose peintre ». publique et, surtout, des négociants Marie-Jeanne Chnrtrnin-Hebbelinck. comme l'on disait à l'époque. Très tôt, BlOGR. NAT. — t. XLI. 19 579 MOSSELMAN 580 le jeune François-Dominique fut mêlé obtenait brevet pour son procédé de aux affaires de famille aux côtés de fabrication du zinc. ses cousins. La lourdeur des charges pesant sur La spécialité de la famille Mossel­ l'extraction du minerai de la calamine, man étant devenue la fourniture aux à base duquel on fabriquait le zinc, fit armées dès la seconde moitié du que Dony ne sut plus faire face très XVIIIe siècle, les affaires, en cette longtemps à ses obligations. période de guerres presque conti­ Il commença par s'associer avec un nuelles, durent changer d'objet. autre Liégeois, un sieur Chaulet assez Entretemps, le 20 mai 1797, Fran­ aventureux. Cet apport de fonds ayant çois-Dominique Mosselman avait épou­ été englouti par les créanciers, ce fut sé Marie-Louise Tacque, orpheline, à Mosselman que Dony s'adressa, non elle-même née d'une famille impor­ sans qu'un concordat ait été prononcé. tante de Bruxelles. Mosselman place alors un homme En l'an VI, on voit François-Domi­ de confiance dans les mines et à nique et sa famille s'installer à Paris Saint-Léonard où était installée la dans le quartier Saint-Denis. Outre petite usine fabriquant le zinc. sa résidence près de Laeken (Bru­ Rapidement, Mosselman s'aperçut xelles), il avait fait en l'an VI l'acqui­ que Dony agissait de son propre chef sition d'un domaine du Chenoy dans et à son insu. la région de la Thyle. Vint alors un assez long procès Déjà nanti de capitaux importants entre Mosselman et Dony et compa­ à la suite des révolutions brabançonne gnie qui aboutira à la vente, le 21 juin puis française, il va encore accroître 1824, par les syndics de lafailliteDony, sa fortune en fournissant à un rythme du quart de l'entreprise que ne possé­ accru les armées du consulat et sur­ dait pas encore Mosselman. tout celles de l'empire. Dorénavant, François-Dominique On le verra en 1808, acheter, lors de Mosselman est son seul maître. Il ap­ la faillite du banquier Récamier, le porte à la société dont il vient de superbe hôtel de la chaussée d'Antin reprendre toutes les actions, au moins qui devait devenir ultérieurement la trois avantages extrêmement impor­ première ambassade de Belgique en tants. C'est tout d'abord la fortune France. qu'en tant que fournisseur aux ar­ Par acte du 25 août 1813, Jean- mées, il a accumulée depuis longue Jacques-Daniel Dony vendait à Fran­ date. çois-Dominique Mosselman les trois C'est d'autre part ses nombreuses quarts des actions de la Vieille- connaissances et les relations qu'il Montagne. a nouées en France par son établisse­ Dès la fin du XVIIIe siècle, ce cu­ ment dans la capitale. rieux abbé Dony avait entamé des C'est enfin un certain nombre recherches concernant un nouveau d'usines dont nous aurons le recen­ métal, le zinc. En réalité, il reprenait sement lorsque de société privée et les expériences de certains Liégeois qui familiale, la Vieille-Montagne devien­ avaient beaucoup travaillé dans ce dra société anonyme. domaine avant lui. Le 24 mai 1837, la Société anonyme En date du 17 décembre 1805 des Mines et Fonderies de zinc de la (26 frimaire an XIV) Dony s'était Vieille-Montagne se constituait, avec adjugé une mine de calamine dans ce que François-Dominique Mossel­ la région de Welkenraedt, à charge man apportait à sa constitution. pour lui de payer une redevance an­ Outre les mines de Moresnet, les nuelle fixe de 40.500 francs et en usines de Saint-Léonard, on y trouve outre, une autre inversement propor­ cinq actions de la fonderie charbon­ tionnelle à la profondeur d'extraction. nière de la Petite Foxhalle, quatre Le 19 janvier 1810, le même Dony hectares de terrain et la fonderie en 581 MOSSELMAN 582 construction à Angleur (actuel siège de la société et avait mis en chantier social), l'usine de laminage « Aux une nouvelle usine qui sera le centre Houx » dans le département de la du rayonnement de la société dans Manche, les terrains et l'embryon la deuxième partie du XIXe siècle. d'usine de laminage du Hon (Louviers Plus graves sont les difficultés qui dans l'Eure), une commande de opposent Mosselman aux pouvoirs 48.000 francs à des techniciens anglais politiques. pour quatre nouveaux laminoirs. Le traité des Limites du 31 mai 1815 Il fallait y ajouter le laminoir à zinc créait au nord de la France le royaume dit « Usine Mosselman » de Darford des Pays-Bas. ou Dearford (non loin de Douvres Malheureusement, au moment de dans le Kent), des stocks et du maté­ fixer les limites du nouveau royaume riel, etc.. ; moyennant cet important aux alentours de la mine de la Vieille- apport, les Mosselman recevaient Montagne à Moresnet, les Alliés ne 4.200 titres. purent s'entendre. La minière faisait Bien du chemin avait été parcouru l'objet de la convoitise des Prussiens depuis la reprise à l'abbé Dony de mais son aire d'expansion se situe l'usine de Saint-Léonard et de la mine plutôt vers Liège et la fonderie de de Moresnet. Dony. L'important avait été que François- En désaccord complet, les Alliés Dominique ait apporté à l'industrie diviseront Moresnet en trois zones : naissante et mourante en même temps l'une ira aux Pays-Bas, l'autre à la de « l'abbé Dony » une injection de Prusse et un territoire neutre (dont capitaux et de nouveaux marchés. les timbres postaux feront la fortune C'est, en effet, tout autant les capi­ des collectionneurs) sera créé préci­ taux que les relations en France du sément à l'endroit où est située la nouveau chef d'entreprise qui avaient riche minière de La Calamine. insufflé cette nouvelle vie à la déjà On se souviendra à cet égard, de la vieille entreprise liégeoise. vieille redevance fixe de 40.500 francs Allait alors débuter une période annuels et de la proportionnelle due extrêmement difficile, encore que sur- par les exploitants de la mine. montable pour François-Dominique. Cette redevance était exorbitante et D'une part, la vieille usine de la Prusse qui guettait cette proie, fait Saint-Léonard qui se trouvait au dès lors les pires difficultés à François- quartier du Nord, c'est-à-dire en Dominique. plein centre de la ville, se voyait Elle commence par contester son l'objet de maintes critiques de la part droit de propriété sur l'exploitation des habitants. D'incessantes pétitions, du sous-sol de Moresnet. voire un procès, incriminaient l'entre­ Elle continue ensuite en jouant prise d'un lointain reproche écologique habilement de la législation révolu­ de la pollution du quartier du Nord tionnaire et de sa propre législation de Liège. pour dire que la concession n'a pas D'autre part, ladite usine était le régime qui lui a été concédé par actuellement trop exiguë. Napoléon ou ses prédécesseurs. Ce que nous trouverons dans l'acte En raison de ces multiples difficul­ de constitution de la société anonyme tés, François-Dominique s'adresse à de la Vieille-Montagne n'est que la Guillaume d'Orange qui est, comme traduction de ces difficultés. on le sait, enthousiaste des initiatives François-Dominique avait compris industrielles de ses sujets, et entame qu'il fallait quitter le centre de la ville des négociations pour lui remettre en (le quartier du Nord) pour établir ses propriété l'entreprise. fonderies à la périphérie. C'est ainsi que figure aux archives Il avait trouvé des terrains à An­ de la société de la Vieille-Montagne gleur, à l'endroit actuel du siège social une vente par la famille Mosselman 583 MOSSELMAN · 584

au gouvernement des Pays-Bas de Leopold Ier en France après la révo­ l'entreprise (mine et fonderie) dont lution de 1830. elle était propriétaire exclusif depuis L'épouse du comte Le Hon, qui fut le 21 juin 1824. président de la Société de la Vieille- Les procès avec les curateurs et la Montagne de nombreuses années, veuve de Dony, les citoyens du quar­ n'est autre que Fanny Mosselman, tier du Nord et le gouvernement de la fille de François-Dominique, qui eut Prusse en sont les causes. une influence certaine sur les événe­ Survient l'année 1830 qui voit ments qui permirent à Napoléon III l'émancipation de la Belgique, la de prendre le pouvoir par l'intermé­ convention avec le souverain des diaire du comte de Morny. Pays-Bas déchu sur notre territoire, La famille Mosselman, après la ne trouve aucune exécution. constitution en société anonyme de la Il va falloir que François-Domini­ Vieille-Montagne, continua de pré­ que découvre une autre façon d'en sider aux destinées de cette société sortir. de nombreuses années, au point que Le Moniteur belge des 22, 24 et le comte de Morny fit même partie 25 décembre 1835 fait état de ces du conseil d'administration aux côtés tractations. du président, le comte Le Hon. Très libéralement, la Belgique admet Il est permis, en conclusion, de dire de ramener la redevance annuelle due que François-Dominique Mosselman par la Vieille-Montagne pour la mine fait partie de cette génération qui re­ de La Calamine à 7.500 francs. produit un schéma assez classique de D'autre part, la Prusse avait admis l'industrie liégeoise de l'époque. antérieurement et sous le règne de Après les inventeurs (comme Dony) Guillaume d'Orange, de considérer ou les innovateurs (comme Biolley), François-Dominique Mosselman com­ se lève une génération de personnes me propriétaire incommutable de la qui apportent les capitaux à l'indus­ mine dudit Moresnet pour la partie trie liégeoise. Cette génération sera qui intéressait son royaume. relayée par de nouveaux techniciens Un cap important était évidemment généralement ingénieurs qui feront doublé et la société pouvait être à la grandeur du bassin liégeois. même avec son matériau presque mo­ nopolistique d'affronter le marché Marcella Colle-Michel. mondial. Archives de la Société des Mines et Ce sera le rôle de la génération sui­ Fonderies de zinc de la Vieille-Montagne, vante des directeurs de la Vieille- à Angleur. Montagne à savoir les Calley-Saint M. Berge, « Les origines de la fortune Paul de Sincay. de la famille Mosselman à laquelle la François-Dominique Mosselman ne Princesse Paola est apparentée », dans cessera cependant pas d'avoir été revue « Epargner et investir ·, décembre 1959, p. 26-28. — 0. Bronne, L'industrie utile à l'entreprise, puis à la société belge et ses animateurs, Liège, 1942. — qu'il a soutenue pendant plus de 0. Bronne, La Comtesse Le Hon et la pre­ vingt années. mière ambassade de Belgique à Paris, Outre de nombreux fils qui conti­ Bruxelles, 1951. — M. Colle-Michel, Les nueront à présider aux destinées de archives de la Société des Mines et Fonde­ la société en faisant partie du conseil ries de zinc de la Vieille-Montagne, Lou­ d'administration, il aura pour gendre vain-Paris, 1966 (Centre interuniversitaire le comte Le Hon, bourgmestre de d'Histoire contemporaine, cahier n° 46). — A. Dony, « Le procédé liégeois de fabri­ Tournai, homme politique rallié à cation du zinc. Sa genèse et son dévelop­ l'indépendance de la Belgique, bien pement. Les déboires et la faillite de son qu'ayant été appelé en consultation inventeur d'après les documents origi­ par Guillaume d'Orange à diverses naux >, dans Bulletin de l'Académie royale reprises et ministre plénipotentiaire de de Belgique, Classes des Lettres et des Seien- 585 MOSSELMAN 586 ces morales et politiques, 5 e série, t. XXIX, du zinc à Liège et l'abbé Jacques Dony », 1943, p. 167-242. — O. Dony-Hénault, dans le Bulletin de l'Institut archéologique < Le créateur de l'industrie du zinc en liégeois, t. 48, 1923, p. 63 à 83. — Oh. Belgique, J.J.D. Dony ·, dans Bulletin de Lehon, Rapport sur la concession des mines l'Académie royale de Belgique, Classe des de la Vieille-Montagne, Bruxelles, 1853. — Lettres et des Sciences morales et politiques, L'intermédiaire des généalogistes, n° 81, 5« série, t. XXV, 1939, p. 274-305 .— mars 1959, p. 151-152. — L'intermédiaire Th. Gobert, > Les débuts de l'industrie des généalogistes, n° 82, avril 1959. N

NEUMAN (Fernand-Pierre-Hu- abstentionnistes. En 1904, Neuman bert), chirurgien, né à Bruxelles le entre comme assistant dans le service 1er novembre 1879, décédé à Jambes de ce maître et ne tarde pas à par- (Namur) le 19 juin 1958. tager sa foi et sa détermination. Quand Fernand Neuman termine, Quand, en 1907, il termine son en 1903, de brillantes études à l'Uni- mandat d'assistant, c'est un chirur- versité de Bruxelles, la chirurgie gien accompli. La médecine des pau- garde encore les traditions, les métho- vres est l'étape obligatoire indispen- des, les concepts du xixe siècle. L'in- sable à qui veut obtenir une promo- sécurité des narcoses au chloroforme tion de chirurgien adjoint. Neuman impose au chirurgien d'opérer vite. la pratique de 1908 à 1910 puis, en C'est une condition majeure de ses 1911, il exerce sa nouvelle fonction succès comme l'est la virtuosité de dans le service du professeur Antoine l'acte opératoire. Habileté et vitesse Depage à l'Hôpital Saint-Jean. En dans l'exécution étaient des qualités 1912, quand éclate la guerre des que Neuman possédait d'instinct. Il Balkans, Depage l'Aventureux, prend avait l'art inné de se jouer des diffi- la tête d'une mission de la Croix- cultés techniques mais en outre l'éten- Rouge qui le mène à Constantinople due de ses connaissances théoriques, soit à une grande distance du front son souci de respecter la physiologie, des combats. Neuman est son bras sa curiosité toujours en éveil vis-à-vis droit. des nouveautés, venaient étayer d'ex- S'il opère beaucoup, il observe plus ceptionnels dons manuels. encore. Plus tard, au soir de sa vie, L'époque était à peine révolue où il consignera dans des notes restées Pasteur devait lutter pour imposer inédites ses impressions sur les ca- une stricte asepsie dans les opérations ; rences du Service de Santé turc et l'usage des gants de Chaput stérilisés, les besoins de la chirurgie dans la lors des interventions était encore guerre de campagne. Mais en 1912, considéré par certains comme super- il ne soupçonne pas que les enseigne- flu!... ments que lui apporte sa confronta- Nombreux sont aussi ceux qui dis- tion avec les blessés de guerre vont cutent l'opportunité d'intervenir dans lui servir, avec quelle utilité, lors de les appendicites aiguës. A Bruxelles, la conflagration de 1914-1918. De le professeur Van Engelen qui se fait retour à Bruxelles il remplira ses le héraut des partisans de l'opération fonctions jusqu'en 1915 date à la- immédiate, a de la peine à vaincre quelle, à l'appel de Depage, il rejoint l'hostilité des temporisateurs et des à son tour le front de l'Yser. 589 NEUMAN 590

Depage dont les qualités d'organi­ fend — unguibus ac rostro — un des­ sation, de prévision à long terme, ont sein dont il ne sous-estime pas les été remarquées par la reine Elisabeth, périls. Il importe en somme de mon­ a pu gagner la Belgique libre en fran­ ter à quelques centaines de mètres chissant clandestinement la frontière de la lre ligne, un hôpital sous tente, de la Hollande neutre, puis en pas­ protégé uniquement par le prestige sant par l'Angleterre et la France. de la Croix-Rouge, dans lequel pour­ Son coup d'oeil d'aigle lui fait dé­ ront être stoppées les hémorragies, celer rapidement les insuffisances de pratiquées sans retard les infusions notre Service de Santé militaire. Il de sérum physiologique et accomplies impose à celui-ci, fort de l'appui des certaines opérations urgentes. Dès que souverains, son génie réformateur. Il le blessé sera transportable, il sera est l'animateur de l'hôpital Océan déposé sur un radeau parcourant les à La Panne, qui devient rapidement α vaarts » — ces canaux de dériva­ la formation sanitaire pilote du front tion des eaux parsemant les Polders — belge pour ce qui concerne la chirur­ vers La Panne, heu de son hospita­ gie. Il a pu réunir autour de lui une lisation définitive. élite de jeunes assistants mobilisés. La réalisation d'un tel projet com­ Mais il lui faut, pour coiffer cette porte pas mal de risques. Quelle sera équipe, un chirurgien plus âgé pourvu l'attitude de l'ennemi devant cette d'une plus vaste expérience et au fait formation sanitaire insolite en pleine des nécessités que commande la chi­ ligne de feu ? Quels dangers attendent rurgie de guerre. Personne autre que les membres de l'équipe soignante? Neuman n'est plus qualifié. Neuman et son épouse sont prêts Par la préexcellence de son action, à assumer ceux-ci avec courage et par son sens de la mesure, et de la leur exemple stimule le zèle de leurs prudence dans l'accomplissement des aides. Mais il faut apaiser les scru­ tâches techniques, par son

decine de Bruxelles et celui de chirur- avec sa famille ; en 1828, le jeune gien hors cadre dans le service de Félix entreprit les humanités, qu'il Depage de 1920 à 1922. poursuivit jusqu'à la rhétorique, au Nommé en 1922 chef de service, collège universitaire de Lille, où il Neuman exercera ses fonctions à reçut une formation purement litté- l'Hôpital Brugmann et accédera en raire : les programmes comportaient 1930 au professorat. de l'arithmétique, mais ne faisaient C'est comme professeur de clinique aucune place ni à l'algèbre ni à la qu'il donne toute sa mesure. Comme géométrie ni aux sciences naturelles. son aisance opératoire, sa parole expri- Nève fut l'un des premiers étudiants mée en termes simples, sa disponibi- inscrits à l'Université catholique ou- lité autant que son urbanité qui n'ex- verte à Malines, le 4 novembre 1834, cluent pas à l'occasion une certaine et installée à Louvain, l'année sui- fermeté, lui assurent l'affection et vante. Il y fut l'élève du chanoine l'admiration de nombreux élèves. J.-B. David et réussit l'examen de L'heure des honneurs a sonné ; mem- doctorat en philosophie et lettres, bre correspondant de l'Académie de avec grande distinction, le 5 mai Chirurgie de Paris, président des 1838, devant le jury central, le seul Sociétés belges de Chirurgie, d'Ortho- jury existant en Belgique, à cette pédie, de Gastro-entérologie, président époque. La loi de 1835 sur l'enseigne- d'honneur des Congrès belges de chi- ment supérieur avait inscrit au pro- rurgie en 1948 et 1953, Croix de gramme de doctorat un cours facul- guerre avec palmes, officier de l'Ordre tatif d'introduction à l'étude des de Léopold, commandeur de la Légion langues orientales et les professeurs d'Honneur. G.-A. Arendt, venu d'Allemagne, et Ces dignités, Neuman les acceptait J.-Th. Beelen, formé en Hollande, avec simplicité et modestie non sans avaient été chargés de cet enseigne- y mêler quelque humour. ment à la Faculté de Philosophie et Personnalité attachante marquée Lettres de Louvain. Nève put en au coin de l'élégance du geste profes- outre suivre des cours d'hébreu et de sionnel, autant que celle de la pensée syriaque. Il s'était mis, tout seul, au et du comportement moral, Neuman sanscrit. De 1838 à 1841, il compléta fut assurément un des chirurgiens sa formation philologique dans plu- belges les plus notoires de la première sieurs centres européens : à Bonn, il moitié du xxe siècle. suivit les cours d'orientalisme du Armand Colard. professeur Ch. Lassen, à Munich, Souvenirs personnels. ceux du professeur Thiersch, et enfin, à Paris, il fréquenta les cours d'india- Archives de la Commission de la Bio- graphie Nationale, à Bruxelles, documents nisme d'E. Burnouf et s'initia aux photographiques. langues iraniennes. Il revint à Lou- • Notice sur la vie et les travaux de vain, en 1841, comme professeur- Pernand Neuman », dans Université libre agrégé titulaire de la chaire d'histoire de Bruxelles. Rapport sur l'année académi- des littératures grecque et latine. que 1957-1958, Bruxelles, 1959, p. 235-237. Louvain possédait une chaire de lan- gues sémitiques. Le 29 octobre 1844, Nève ouvrit le cours des langues NÈVE (Félix-Jean-Baptiste-Jo- orientales intitulé Introduction à l'his- seph), orientaliste, professeur à l'Uni- toire générale des littératures orientales, versité de Louvain, né à Ath le 13 juin dont il publia le texte à Louvain, 1816, décédé à Louvain le 23 mai en 1844. Il entamait ainsi une car- 1893. rière académique d'orientaliste : pro- Peu de temps après la. naissance fesseur extraordinaire en 1845, ordi- de Félix, son père, qui était commer- naire en 1853, émérite en 1877. Il çant, quitta Ath et se fixa à Lille était membre de la Société asiatique 593 NÉVE 594

de Paris, depuis 1839. Le 26 mai vaux et en fait l'unité, la diversité 1856, son Mémoire historique et litté­ ou l'originalité, on doit parcourir les raire sur le Collège des Trois-Langues nombreux livres et les quelque cent à l'Université de Louvain, avait été vingt articles qu'il a fait paraître. couronné et publié par l'Académie On trouve dans l'Annuaire de l'Aca­ royale des Sciences, des Lettres et démie (60e année, 1894, p. 575 à 584), des Beaux-Arts de Belgique ; lui- une Liste par ordre méthodique des même devint membre correspondant publications de Félix Néve, composée de cette illustre institution le 9 mai par Mgr Lamy ; un relevé analogue 1860, et membre titulaire le 11 mai a été reproduit dans la Bibliographie 1868. Il était aussi membre corres­ académique de l'Université de Lou­ pondant de l'Académie impériale des vain, en 1900. La conception que Sciences de Saint-Pétersbourg, ainsi Néve avait de son rôle d'orientaliste que de l'Académie arménienne de et de ses travaux scientifiques et Venise. littéraires se trouve plus d'une fois Son mariage avec Félicie van Cam- indiquée dans les préfaces de ses penhout, célébré à Louvain, en l'église principaux livres ainsi que dans les Notre-Dame des Fièvres, le 11 avril articles consacrés à des maîtres, à 1849, avait été béni par Mgr de Ram, des collègues ou à des humanistes recteur de l'université. Après la mort considérés comme lointains précur­ du professeur, sa veuve fit don de seurs des études orientales. la « riche bibliothèque » et de la volu­ Si Félix Néve apparaît avant tout mineuse correspondance de son mari, comme un polygraphe d'une surpre­ à la bibliothèque universitaire de nante fécondité, ses activités litté­ Louvain, où tout a disparu dans le raires et scientifiques ont principale­ sinistre de 1914. ment pour objets quatre secteurs Faute des sources directes que con­ privilégiés : l'indianisme, les études stituaient les papiers et la correspon­ arméniennes, l'orient chrétien, l'his­ dance de Néve, le biographe ne dis­ toire des orientalistes et des huma­ pose aujourd'hui que des témoigna­ nistes belges. L'indianisme paraît ges de plusieurs contemporains et avoir été son domaine de prédilec­ spécialement des notices sur la vie tion. Ses contemporains font de lui et les travaux du professeur Néve, le fondateur de l'école orientaliste de publiées en 1894 par le chanoine Louvain ; c'est notamment ce que F. Lefèbvre, dans Y Annuaire de souligne son ancien condisciple d'uni­ l' Université catholique de Louvain, versité et son collègue à l'Académie, et par Mgr T.-J. Lamy, dans l'An­ le chanoine Ch. Loomans, dans le nuaire de l'Académie. On possède discours prononcé aux funérailles de aussi le texte du discours prononcé Néve. Pourtant dans la préface de par le chanoine Ch. Loomans, vice- son Introduction à l'histoire générale directeur de la Classe des Lettres de des littératures orientales. Leçons faites l'Académie royale de Belgique, aux à Γ Université catholique de Louvain funérailles de Félix Néve. (Louvain, 1844), Néve évoque l'œu­ Un portrait gravé imprimé dans vre de ses prédécesseurs G.-A. Arendt l'Annuaire de l'Académie (1894, en et J.-Th. Beelen, en signalant l'orien­ regard de la p. 499), représente le tation littéraire de leurs préoccupa­ visage d'un homme de constitution tions et en soulignant la nouveauté apparemment fragile et reflète une de son propre cours qui sert « d'intro- espèce de modestie et de finesse qui » duction à l'étude des langues elles- cadrent assez bien avec l'image que » mêmes, soit des langues sémitiques, ses panégyristes ont voulu donner de » dont l'enseignement a été confié de- lui. Mais, si l'on veut saisir ce que » puis plusieurs années à Mgr J.-Th. l'œuvre de Néve a apporté de neuf, ce » Beelen, soit d'autres langues asiati- qui caractérise l'ensemble de ses tra­ » ques, telles que le sanscrit, l'armé- 595 NÉVE 596 j> nien, le persan, ... qui figurent juste- tienne. Mgr Lamy écrit de lui qu'il » ment dans le cadre des travaux uni- était persuadé de la nécessité « qu'à » versitaires » (p. vu). Dans le domaine » côté de la science qui découvre et de l'étude critique des sources indien­ » de la science qui déchiffre ou expli- nes, son édition des textes védiques » que les textes, il existe une étude relatifs aux mythes des Ribhava, pu­ » auxiliaire qui généralise les faits bliée à Paris, en 1847, est la première » acquis et en répande la connaissance publication de textes indiens inédits, » sous une forme plus simple et plus élaborée en Belgique. » familière » ... (Notice..., p. 516). Ses études arméniennes sont celles « Notre tâche n'est pas autre ici que d'un précurseur plutôt que celles » l'humble tâche de rapporteur » ..., d'un pionnier. Le Pr. G. Lafontaine note-t-il lui-même dans Revue des le fait remarquer dans un article re­ sources nouvelles pour l'étude de l'an­ traçant l'histoire des études armé­ tiquité chrétienne en Orient (Louvain, niennes à Louvain, récemment publié 1852, p. 2). Cette fonction de vulga­ à Erevan. risateur l'amène à diffuser, dans divers Le chanoine Lefèbvre connaissait périodiques de culture générale et une lettre de Mgr E.-P. Azanian, même dans des journaux, les décou­ patriarche des Arméniens-unis, adres­ vertes récentes faites par des collègues sée de Constantinople à Félix Néve, étrangers, même dans des domaines le 20 janvier 1887, et qu'il cite. Le dont il n'avait qu'une connaissance prélat avait lu L'Arménie chrétienne sommaire, tels que la littérature et sa littérature (Louvain, 1886, vin éthiopienne, la langue copte ou le + 404 p.), il remercie l'auteur et syriaque. On a pu déplorer que ce ajoute : « ... que votre nom aimable prosélytisme scientifique l'ait trop » et honoré soit rappelé avec bénédic- éloigné de l'étude critique et person­ » tion et éloges à jamais dans les nelle des sources ; l'un de ses maîtres, » annales de notre nation, au nom de Ch. Lassen, regrette dans une notice » laquelle nous vous offrons de sin- consacrée à Félix Néve et citée par » cères remerciements, à cause du Mgr Lamy [Notice..., p. 541), que » grand présent par lequel vous l'avez « Néve, par son éloignement de Paris, » glorifiée... » (cité par Lamy, Notice..., » le centre des grandes études, et par p. 565). Comme on l'a noté plus » les exigences d'un enseignement haut, Néve était devenu membre » provincial, se trouve forcément à correspondant de l'Académie armé­ » l'écart des recherches personnelles nienne de Saint-Lazare, à Venise, » et critiques ». En lisant ses ouvra­ en 1864. ges, on croit pourtant deviner qu'un Les publications relatives à l'Orient mobile sérieux et réfléchi inspirait chrétien abordent les domaines les son activité de vulgarisateur. Il s'agis­ plus variés de l'histoire et des scien­ sait d'ouvrir les esprits de ses com­ ces auxiliaires. A cela s'ajoutent les patriotes à un domaine important de nombreuses études consacrées à des la culture universelle. L'éloge qu'il érudits tant contemporains que plus publia de l'un de ses maîtres, le cha­ anciens, depuis les humanistes et noine J.-B. David, vulgarisateur lui orientalistes de l'époque de la Renais­ aussi et propagandiste de la culture sance jusqu'à ses maîtres et collègues, en pays flamand, confirme explicite­ avec une prédilection marquée pour ment les préoccupations patriotiques les maîtres du Collegium trilingue de qui l'inspirèrent. C'est le prix que les Louvain. C'est principalement dans hommes du xixe siècle ont eu à payer ces publications qu'il met lui-même pour faire la Belgique. •en relief deux traits typiques de son Quant au prosélytisme chrétien, il oeuvre et de sa personnalité : son apparaît partout dans ses intentions goût pour la vulgarisation scientifique et parfois dans ses méthodes, et, s'il et son zèle pour l'apologétique chré­ dépare l'œuvre du savant ou de l'éru- 597 NÉVE 598

dit, il est cependant typique de son Néve dans l'incendie de Louvain en milieu et de son époque. La lettre 1914, nous privent des informations d'un étudiant montois, écrite à Lou­ nécessaires pour pénétrer plus à fond vain, le 9 février 1875 et récemment cette figure de précurseur et son œu­ publiée sous le titre Lettres de Paul vre de haute vulgarisation. Quinet et de ses parents. 1874-1879, Justin Mossay. dans Louvain. Revue trimestrielle des Amis de l'Université (octobre 1975, Iconographie : lithographie de Charles n" 3, p. 33), signale la présence du Billoin (Bruxelles, 1858) imprimée par professeur Néve à une réunion orga­ de Simonau et Toovey, représentant nisée au domicile de Ch. Périn, pré­ F. Néve en pied, avec la mention : « A » Mr F. Néve, professeur d'histoire de la senté ici comme un homme d'une » littérature ancienne et de langues orien- fidélité radicale et intraitable aux » taies ... 1857-58 ». L'original est conservé idées de Pie IX et comme un « anti- à la Katholieke Universiteit , à moderniste » intransigeant. Il serait Louvain et une reproduction au Centre intéressant de savoir quelles étaient Général de Documentation de l'Univer­ les idées personnelles de Néve sur les sité Catholique de Louvain, à Louvain- sujets de controverse qui animaient la-Neuve. les milieux intellectuels catholiques T.-J. Lamy, « Notice sur la vie et les et qui secouèrent les milieux univer­ travaux de Félix-Jean-Baptiste-Joseph sitaires louvanistes à cette époque. Néve ·, dans Annuaire de l'Académie Ses positions philosophiques ont sans royale dea Sciences, des Lettres et des Beaux- Arts de Belgique, 60e année, 1894, p. 499- doute orienté ses activités scientifi­ 574, précédée d'un portrait gravé par ques d'une façon décisive. L'avant- Auguste Danse en regard de la p. 499, propos du livre intitulé Des éléments suivie de la < Liste par ordre méthodique étrangers du mythe et du culte indiens des publications de Félix Néve composée de Krichna (Paris, 1876) souligne que par T.-J. Lamy i, p. 575-584. — Ch. Loo- Néve y « expose l'état présent de la mans, « Discours prononcé aux funérailles » littérature indienne, des objections de Félix Néve, le 27 mai 1893 ·, dans Bulletins de l'Académie royale des Sciences, » nouvelles que l'on en tire et en dé- des Lettres et des Beaux-Arts de Belgique, » montre, on peut dire, l'inanité » 3« série, t. 25, 1893, p. 794-796. — J. Cop- (p. 1) et l'épilogue de cette étude pens et 0. Vervoort, Bibliographie acadé­ confirme amplement le caractère apo­ mique. Academische bibliographie. Univer­ logétique de cette publication (p. 34- sité de Louvain. 1934-1954, I, Louvain, 36). Néve lui-même, dans l'opuscule Index, p. 436 et passim, p. 156 à 250, intitulé Frédéric Windischmann et la références à l'Annuaire de l'université : consulter spécialement F. Lefèbvre, · No­ haute philologie en Allemagne (Paris, tice sur la vie et les travaux de M. Félix 1863), loue le maître bavarois de Néve, professeur emèrite à la Faculté de « son intention de servir la science Philosophie et Lettres », dans Annuaire » sans préjudice pour la foi » (p. 10), de l'Université catholique de Louvain, et il fait état de l'utilité « de compa- 58 e année, 1894 : Appendice. — Analectes » rer les dogmes chrétiens avec les pour servir à l'histoire de l'Université de » croyances indiennes, parce qu'on Louvain, p. xrv à xivn. — Bibliographie académique. Université catholique de Lou­ » montrerait aisément dans celles-ci vain, Louvain, 1880, p. 175 à 182. — » en quelque sorte des figures ou des Bibliographie. 1834-1900. Université catho­ » étincelles de la vérité même » (p. 10). lique de Louvain, Louvain, 1900, p. 196. Malheureusement la discrétion des — G. Lafontaine, « L'arménologie à l'Uni­ biographes et panégyristes contempo­ versité catholique de Louvain » (en armé­ rains sur les questions controversées, nien), dans Palma-banasirakan Bandés ainsi que la destruction des lettres et (Kevue de l'Académie des Sciences d'Ere­ van), 1978, n° 2, p. 271-279. des papier? personnels du professeur 0

OLÉANDRE. Voir GHELDERODE l'exploitation de la concession du (Michel de). chemin de fer Lille-Valenciennes. Celle-ci sera ouverte le 20 juin 1870. L'affaire est une réussite. Ses obliga- OTLET (Edouard-Barthélemi-Lucien-Joseph),tions jouissent de la faveur du public, homme d'affaires et les autorités départementales la sou- industriel, né à Bruxelles le 13 juin tiennent, car elles y voient le moyen, 1842, décédé à Blanquefort (Gironde, à condition d'en élargir la surface, France) le 20 octobre 1907. de contrecarrer les plans de la puis- Les débuts de la carrière d'Edouard sante Compagnie des Chemins de fer Otlet sont obscurs car, en dépit de du Nord des Rothschild. En élargir la richesse des archives qu'il a lais- la surface?Dès 1869, Lebon et Otlet sées, force est de constater qu'elles ont demandé et obtenu la concession ne fournissent que très peu d'infor- d'un ensemble de six autres lignes mations sur la période antérieure à ferroviaires dans les départements 1885. du Nord et du Pas-de-Calais. Dans le Fils d'un négociant bruxellois qui même temps, les deux associés obtien- était installé place de la Vieille Halle nent la concession de la ligne Sedan- aux blés, Otlet a-t-il fait des études, Lérouville (sans subvention gouver- a-t-il voyagé, ou a-t-il fait son appren- nementale) qu'ils constitueront en tissage des affaires « sur le tas »? Compagnie des Chemins de fer de la Nous l'ignorons, puisque ce n'est Meuse (siège, Verdun), et l'année sui- qu'en 1869 que, pour la première vante, ils soumissionnent avec succès fois, nous entendons parler de lui. le réseau départemental Nord. Cette année-là, en effet, il s'associe En janvier 1872, le capital de Lille- avec un certain A. Lebon. Celui-ci Valenciennes est porté de 15 à 25 mil- avait été directeur de la Compagnie lions de francs pour permettre la du Chemin de fer du Centre puis reprise de Sedan-Lérouville. Dans le directeur général, au printemps 1867, même temps, les deux associés, agis- de la Société générale d'Exploitation sant cette fois sous le couvert de la de Chemins de fer, créée par le Tour- Banque des Chemins de fer d'Intérêt naisien Simon Philippart. local, décident de créer une Société En 1869, Lebon quitte donc Phi- du Nord Central qu'on « mettrait au lippart et s'associe avec Otlet sous » service de toutes les petites lignes la firme A. Lebon-Otlet. La première » sans matériel, liguées contre la puis- opération des nouveaux associés est » santé Compagnie du Nord » (F. Ca- la constitution d'une société pour ron). 601 OTLET 602

La même année 1872 voit aussi plus lointaine qui ne laisse pas de réapparaître une vieille connaissance surprendre. La société avait émis des de Lebon : Simon Philippart. Celui-ci obligations. Une fois passée sous le cherchait en eilet, depuis 1868, à contrôle de Philippart, et entraînée développer ses activités ferroviaires par lui dans l'aventure qui devait dans le Nord de la France, et pour mal se terminer en 1877, la société ce faire avait engagé des négociations (liquidation en 1879, puis déclaration avec la Compagnie du Nord. Devant de faillite) se vit attaquée par les l'échec de ces dernières, Philippart obligataires. Rien de plus normal en conclut, le 4 novembre 1873, une stricte logique juridique, si finalement convention de fusion entre la société ce n'avait été Edouard Otlet à être Lille-Valenciennes de Lebon et Otlet tenu pour responsable dans cette et sa propre Compagnie du Nord-Est. affaire qui traîna devant les tribu­ Cette convention soulève bien en­ naux français jusqu'au début des tendu des questions : quels avaient années 1890! été les rapports entre Philippart et Il faut donc souligner, en même Lebon-Otlet avant novembre 1873 ; temps que notre ignorance, le fait ceux-ci travaillaient-ils entièrement que nous disposons d'indices ténus pour leur propre compte ou, au con­ qui laissent entrevoir que, dans la traire, furent-ils les « scouts » de coulisse, Philippart et Otlet entrete­ l'homme d'affaires tournaisien ; se naient des relations qu'il serait utile dégagèrent-ils réellement, comme le de connaître d'autant plus que d'au­ pense F. Caron, des lignes qui faisaient tres éléments attirent l'attention : l'objet de la convention ou conservè­ achat par Otlet de l'hôtel bruxellois rent-ils des intérêts dans ces affaires? de Philippart (1880) et de l'Ile du On ne peut répondre et on se perd Levant qui appartenait à ce dernier ; en conjectures en constatant, par association Otlet-Philippart dans la exemple, que bien longtemps après première phase de la Compagnie du la convention de novembre 1873, Gaz de Rio de Janeiro et, plus tard, Otlet éprouve des difficultés à propos entre Otlet et Philippart fils dans de la propriété de terrains constituant une foule d'affaires des années 1895 l'assiette du Sedan-Lérouville qui, et suivantes. rappelons-le, avait été repris par Lille- Mais laissons les hypothèses et re­ Valenciennes. venons aux faits. Nous sommes en En outre, et cela ne fait que com­ 1875. Otlet s'oriente vers une nouvelle pliquer encore les problèmes qui se sphère d'activités, La grande affaire posent, Philippart « acquit » aussi, du dernier quart du xixe siècle : les vers l'époque de la convention, une tramways. troisième société du groupe Lebon- Tout en s'intéressant pendant deux Otlet, dont nous n'avons pas encore ans (1875-1877) aux Filatures de parlé : les Chemins de fer normands. Tamise, Otlet crée, entre 1875 et 1881, Or, ceux-ci sont à l'origine des pires sept sociétés de tramways qui sont, ennuis qu'ait connus Otlet. Le 15 août dans l'ordre chronologique, ceux de 1873, en effet, alors qu'on procédait La Haye (7 octobre 1875), Prague à des essais en vue de la remise du (21 novembre 1875), Düsseldorf tronçon Falaise-Benjou au départe­ (1er juin 1876), Munich (21 novembre ment, le tablier métallique du viaduc 1878), Florence (13 janvier 1879), de Boulaire se rompit. On imagine Odessa (11 mai 1880) et Naples les conséquences immédiates de cet (11 juin 1881). Otlet se retrouvait à accident : perte des subventions pour la tête d'un petit « empire » qui, dans non-respect des délais impartis par ces années 1875-1880, se posait en le contrat, procès contre les entrepre­ concurrent direct de la Société géné­ neurs... rale de Tramways, animée par Il y a cependant une conséquence la Banque de Bruxelles, premier 603 OTLET 604

« groupe » belge dans le domaine des la première grande crise du « groupe » transports publics urbains de l'épo­ Otlet. En 1882, on le sait, la situation que. Mais Otlet avait adopté — à économique de l'Europe est mau­ force de fréquenter Philippart? — vaise. Parmi les victimes de la mau­ une méthode dangereuse qui allait le vaise conjoncture figure l'Union Gé­ perdre en plusieurs occasions. · Ne nérale dont le krach se situe à la fin disposant que de peu de fonds pro­ de janvier 1882. Otlet va tenter un pres, Otlet émet des obligations pour coup de poker. Par contrat du 18 juil­ un montant égal à celui, nominal, let 1882, notre personnage rachète à des actions, remet une partie de ces la société faillie un lot de titres et obligations en nantissement auprès de créances. La manœuvre est simple d'une banque et obtient ainsi un prêt mais audacieuse. Dans le paquet ra­ tandis qu'il écoule le reste dans le cheté figurent surtout des assigna­ public. C'est avec cette masse de tions contre les débiteurs sur actions manœuvre qu'Otlet « tourne » puis­ de l'Anglo-Universal Bank (fondée que, généralement, son capital actions, en juin 1879 par un groupe d'ultra- s'il est souscrit, n'est pas libéré. catholiques) près l'Union Générale. La technique est dangereuse. Si Or, l'Anglo-Universal est elle-même les affaires ne marchent pas, on ima­ déclarée en faillite peu de temps gine les conséquences. après l'Union... Otlet a joué et perdu. La méthode Otlet consistait aussi, Cet épisode auquel M. Bouvier, ce fut le cas à Florence par exemple, dans son étude sur Le krach de V Union à créer une deuxième société destinée Générale, ne fait pas allusion, eut à reprendre l'actif et le passif de la comme conséquence de décider Otlet première en vue de jouer sur les à se replier sur Bruxelles en atten­ actions et obligations des deux socié­ dant des jours meilleurs. Pendant tés, puis à revendre le tout à un trois ans environ, Otlet semble en groupe trop crédule, payant en argent effet adopter une position d'attente. du papier sans grande valeur. Une nouvelle étape de la carrière Si la méthode est bien souvent à d'Edouard Otlet commence en 1885. la limite de la correction, on ne peut S'appuyant sur les bénéfices de socié­ toutefois en faire la cause de tous tés correctement gérées (Munich sur­ les déboires que connut notre person­ tout), jouant habilement des gages nage. En effet, et la chose se véri­ que représentent, utilisés prudem­ fiera plus tard à propos d'autres en­ ment, ses actions de sociétés de tram­ treprises, le problème des distances ways, Otlet se lance dans une série entre le quartier général (Paris ou d'affaires dont le moins qu'on puisse Bruxelles) et le siège d'exploitation dire est qu'elles sont « tous azimuts ». des différentes entreprises constitue Par le biais des tramways d'Odessa, un obstacle certain à la bonne gestion Otlet avait déjà tâté de la Russie. des affaires. Les archives, à cet égard, Dès 1883, il y était revenu en créant ne laissent planer aucun doute. Pra­ les Tramways de Kharkoff (11 avril gue, Odessa, Florence même, sont 1883) puis les Tramways de Moscou gérées en dépit du bon sens bien et de Russie (17 janvier 1885). Dans qu'Otlet y ait souvent placé des le même temps, il continue à exploi­ hommes de confiance ou même, ter la veine de l'Europe méridionale comme à Florence (Fernand Guillon en répétant à Naples (novembre qui avait épousé en 1870 la sœur 1884) l'opération de Florence con­ d'Otlet) et, plus tard en Roumanie sistant à « doubler » la première so­ puis en Espagne (Adolphe Otlet, son ciété par une seconde. En outre, il frère), des membres de sa famille fait apport, par l'entremise de son dont les intérêts se confondaient avec beau-frère Guillon, de la concession les siens. des tramways de Nice au groupe du C'est dans ce contexte qu'approche Crédit Général de Belgique (26 août 605 OTLET 606

1885). Enfin, il met Ie pied en Espa­ ces de fonds que nécessiterait la con­ gne, ce nouvel Eldorado, en créant struction du transpersan (on parlait les Tramways de Madrid et d'Espagne de 300 millions de francs), Otlet sem­ (17 avril 1885). ble maître de la situation au début Mais les tramways ne lui sulïisent de 1887. Mais rien ne se fera d'autant plus. Les chemins de fer par lesquels plus que ses amitiés russes, certaines il a débuté, l'attirent. Ils lui cause­ manœuvres douteuses visant à trom­ ront pourtant, une nouvelle fois, de per le diplomate belge que Bruxelles sérieuses difficultés. fait accréditer à Téhéran et qui est Les trois affaires de chemins de fer très écouté du ministre d'Angleterre, auxquelles s'attèle Otlet sont, dans engagent le Foreign Office à faire de l'ordre chronologique : — la S.A. des l'obstruction et Saint-Pétersbourg à Chemins de fer et Tramways en Perse adopter une politique d'escalade vi­ constituée à Bruxelles le 17 mai 1886 ; sant à neutraliser jusqu'à l'action de — le Chemin de fer de Torralba à ses nationaux plutôt qu'à devoir con­ Soria, en Espagne, dont il obtient la céder quoi que ce soit aux Anglais. concession le 3 novembre 1887 avant Le grand rêve s'évanouissait. En d'en faire apport à la Compagnie du 1896, Otlet abandonnait toute l'af­ Grand Central Espagnol (1889) qui faire aux mains de Poliakoff. L'année la rétrocédera à son tour à une so­ suivante, ce seront des hommes poli­ ciété de droit belge en 1893 ; — la tiques catholiques belges qui cher­ S.A. Chemin de fer Grand Central cheront à relever le défi. Mais ceci Sud Américain, constituée à Bru­ est une autre histoire. xelles le 14 avril 1889. L'entreprise du chemin de fer de Il ne peut être question de traiter Soria, dont M. Vuylsteke n'a pas assez trop longuement l'histoire de chacune envisagé les aspects financiers dans de ces sociétés. Ce qu'elles ont en son mémoire de licence inédit, relève commun, c'est le rêve qui sous-tend aussi, croyons-nous, de l'imaginaire, les efforts consentis en vue de leur si imaginaire il y a en affaires. Le actualisation. Edouard Otlet voit 3 novembre 1887, Otlet qui a été le grand, voit large. Au Moyen-Orient, seul à soumissionner obtient l'adjudi­ son ambition est de créer le transper­ cation d'une ligne de 97 km entre san. Il n'y réussira pas, mais on sait Torralba et Soria sur la ligne Madrid- que d'autres après lui se heurteront à Saragosse. L'Etat espagnol s'engage l'obstacle infranchissable de la lutte à verser à l'entrepreneur une subven­ d'influences que se livrent les Anglais tion de 10 millions de pesetas. Pour et les Russes dans cette partie du Otlet, cette ligne, un peu comme en monde. Perse, ne devait être que le premier L'affaire persane avait pourtant maillon d'une chaîne de réalisations bien commencé. Rachetant à un ingé­ grandioses puisqu'il s'agissait, dans nieur français la concession du che­ son esprit, après une trentaine d'an­ min de fer qui devait relier la capi­ nées de tergiversations, de tracer la tale à la ville sainte de Chah-Abdul- ligne ferroviaire qui aurait permis de Azim, et la concession des tramways relier directement Madrid à Bayonne, de Téhéran, Otlet, c'était l'essentiel, et de là à Paris! posait la première pierre d'un édifice Les partenaires d'Otlet, dans ce qui pouvait devenir impressionnant. grand projet, sont la Compagnie Soutenu par son ami L.S. Poliakoff, royale des Chemins de fer portugais un riche banquier juif de Saint-Pé­ et le marquis de Guadalmina, admi­ tersbourg qui avait l'oreille de son nistrateur de deux importantes socié­ gouvernement, par Zaitchenko, gen­ tés ferroviaires espagnoles. Le prin­ dre de Poliakoff, et du point de vue cipe est simple. On créera une société financier, par un groupe français qui dénommée Grand Central Espagnol à était disposé à faire les énormes avan­ laquelle Otlet fera apport de Torralba- 607 OTLET 608

Soria tandis qu'un prolongement de qu'une opération était prévue qui cette ligne auquel on aura soumis­ visait à échanger des obligations des sionné pourra aussi tomber dans l'es­ Portugais contre un nombre équiva­ carcelle du Grand Central. Au terme lent d'obligations du Grand Central. de cette première opération, le Grand Dans cette perspective, c'était aux Central abandonnera à la Compagnie Portugais qu'incombait le soin d'émet­ des Chemins de fer portugais les deux tre d'abord 70.000 obligations à livrer lignes Soria qui viendraient ainsi com­ à son partenaire qui les réaliserait pléter la « dorsale » que les Portugais afin de mener à bien travaux et au­ constituaient depuis 1885 (reprise de tres engagements. Dans ce jeu com­ Madrid-Caceres-Portugal en 1885 ; re­ pliqué, Otlet allait s'engager trop prise de Astorga-Plasencia en 1888). loin. L'autorisation gouvernementale Pour prix de ses apports, le Grand d'émettre les obligations « Portugais » Central devait recevoir une somme se faisait attendre. Otlet, tenu de de dix millions de francs en dix ans faire face à ses engagements contracta et 70.000 obligations des Portugais auprès de la Banque Liégeoise et de contre remise de 70.000 de ses pro­ la Caisse générale de Reports et de pres obligations. « La superbe ΜΠ­ Dépôts un prêt s'élevant à 5 millions Α vention que je viens de signer pour de francs. Otlet se jetait dans la »mon chemin de fer d'Espagne I », gueule du loup. En novembre 1891, écrivait Otlet à Rodolphe Coumont en effet, il devait à la seule Banque le 18 août 1888! Quel superbe désen­ Liégeoise une somme totale de chantement aussi! 10,8 millions (7,5 millions sur pro­ Le Grand Central Espagnol fut messe de subventions; 2,5 sur pro­ fondé à Madrid le 20 décembre 1890 messe d'obligations Portugais et au capital de 58 millions de francs. 0,8 million destinés aux Persans). Pour Otlet, l'affaire aurait dû bien Mais à cette date, les choses ont tourner, mais cela ne fut pas. En tourné à l'aigre. Depuis le mois de effet, et, en résumant à l'extrême, mai, les actions des Portugais à la le Grand Central n'est qu'une façade. bourse de Paris sont descendues en L'homme qui tente de tirer les fi­ flèche. En outre, les Portugais ne celles du profit a nom Edouard Otlet. livrent pas les obligations qu'ils Or, celui-ci est engagé, d'une part, s'étaient engagés à transférer. Le dans l'affaire du Grand Central Sud- gage s'est envolé. Il ne restait à Otlet Américain au moment où se consti­ qu'à se livrer, « portefeuille lié », à la tue celui d'Espagne et notre financier Banque Liégeoise. C'est bien ce qui a besoin d'argent frais, d'autre part, se passe. La banque considère que la crise des valeurs sud-américaines les titres de sociétés du groupe Otlet ne va pas tarder à se déclarer. Enfin, qui sont déposés dans ses coffres sont Otlet qui était endetté auprès de la devenus des gages. Par ailleurs, le Banque Liégeoise pour 7,5 millions grand rêve espagnol s'effondre comme de francs environ, croit saisir l'occa­ s'effondre le rêve sud-américain. Il sion de se libérer de ce lourd engage­ ne restait plus à Otlet qu'à créer ment en abandonnant à la banque une société de droit belge qui se con­ les subventions restant dues par le tentera de gérer la ligne Soria-Tor- gouvernement espagnol sur Torralba- ralba en attendant des jours meilleurs Soria. En fait, la Banque Liégeoise ou prétendus tels. met alors la main sur l'affaire mais Nous serons beaucoup plus laco­ il restait à Otlet le prix de la con­ nique en ce qui concerne le Grand cession, des fournitures, des travaux Central Sud Américain. En 1889, déjà exécutés sur « sa » ligne, que le Paul Devès, E. Caze, Edouard Em- Grand Central devait lui verser, soit pain et Edouard Otlet fondent la 6 millions de francs. S.A. Chemin de fer Grand Central A ce stade, il faut se souvenir Sud Américain au capital de 5 puis 609 OTLET 610 de 10 millions (18 décembre 1889) 1895) et de L'Entreprise (22 mai en 20.000 actions privilégiées de 1895). 500 francs chacune et 40.000 ordi­ Avec la première de ces sociétés, naires sans désignation de valeur. Otlet, associé à Empain, allait mon­ L'affaire une fois encore est gran­ ter en 1896 la S.A. des Tramways diose d'autant plus qu'Empain ne d'Orel (16 mars) et la S.A. des Tram­ lésine pas sur les moyens visant à ways de Witebsk (25 avril). En outre, placer les actions dans le public ... l'Union prenait une importante par­ français. En juillet 1890, en effet, ticipation dans les Tramways d'Alger Otlet et Empain confirment au Petit et les Chemins de fer sur route en Journal une convention au terme de Algérie, tandis qu'Empain faisait laquelle la feuille parisienne s'engage apport, contre des obligations, des à placer 8.000 actions privilégiées Tramways de Bucarest. contre réception, en pleine propriété, Quant à L'Entreprise, il s'agissait de 500 actions ordinaires. Quant aux de donner aux intérêts de la famille autres privilégiées, elles furent sou­ Otlet une forme légale en créant une scrites par Empain (5.000), Otlet société anonyme qui fut une simple (2.000), Devès (1.000) tandis que les société de portefeuille. Le premier 4.000 restantes étaient souscrites par nom retenu pour désigner cette opé­ des membres du groupe Otlet et par ration était d'ailleurs plus évocateur : quelques amis : Georges de Laveleye Les Entreprises réunies. et Lucien Guinotte notamment. L'af­ Au cours des cinq années qui sui­ faire devait cependant péricliter dans vent, on assiste à la création d'une la fièvre du krach des valeurs sud- impressionnante série de sociétés, de américaines du début des années 1890. prises de participations, dont on doit Le moment était venu, comme l'écri­ souligner qu'elles eurent surtout la vait Otlet à G. Nagelmackers à pro­ France pour théâtre tant du point pos d'une affaire mirobolante à réali­ de vue des réalisations que de celui ser en Asie Mineure (l'affaire du de l'échafaudage de combinaisons Smyrne-Casseba), de « laisser passer financières de plus en plus hardies. la bourrasque» (3 novembre 1891). Une dernière grande affaire allait tou­ Qu'Edouard Otlet ait maintenu la tefois encore se monter en Belgique : barque à flot en ces temps difficiles la fondation de La Westendaise. Il de désillusion en Perse et en Améri­ ne s'agit d'abord que de faire con­ que latine, d'erreur qu'on paie cher struire dans les dunes du littoral en Espagne, constitue une prouesse. quelques villas et d'appeler cet en­ Mais conduire cette barque à bon droit Westende Bains. Quelques années port était chose plus difficile encore. plus tard, le projet est devenu énorme. Nonobstant, Otlet va tenter une der­ Il ne s'agissait pas moins que de con­ nière grande opération et c'est dans struire une ville au bord de la mer cette perspective que nous avons avec sa centrale électrique, son tram­ parlé plus haut de stratégie « tous way, etc. azimuts ». Réalisant certaines valeurs Malgré l'exceptionnel développe­ de son portefeuille, abandonnant ses ment que connaissent les affaires du subventions à la Banque Liégeoise, groupe Otlet à la fin du xixe siècle, Otlet parvient, en 1895, à ramener il n'était pas dit que la vie du finan­ sa dette à 2,4 millions. Dans l'entre- cier se terminerait sans drame. En temps, il a créé plusieurs sociétés 1901-1902, en effet, la Banque Lié­ auxquelles nous ne nous arrêterons geoise chercha à abattre son vieux pas (Société Minière Internationale, complice. Si les dettes d'Otlet vis-à- Maurice Otlet et Cie, Métallurgique vis de la Banque Liégeoise n'étaient d'Odessa, Métallurgique de Verchny plus aussi importantes qu'elles Dnieprovsk) pour dire un mot de l'avaient été, il n'en demeure pas l'Union des Tramways (17 octobre moins qu'une dette reste une dette BlOGR. NAT. t. XLI. 20 611 OTLET 612 et qu'il fallait l'honorer. On était par Charleroi, la collection de tableaux ailleurs dans une nouvelle période de anciens et modernes, la découverte, dépression. Enfin, la Banque avait assez neuve à l'époque, de l'art pré­ tout intérêt à réaliser une partie du colombien, etc. portefeuille Otlet-L'Entreprise dans Mais nous n'avions ici que la mo­ la mesure où cette opération la met­ deste prétention de présenter Edouard trait en position de force dans plu­ Otlet financier. sieurs sociétés où elle possédait déjà Michel Dumoulin. une participation. En juin 1900, la Banque Liégeoise obtient une saisie- exécution. Otlet a une nouvelle fois Renseignements aimablement commu­ niqués par Mme Kurgan-van Hentenryk. trop joué avec le papier et les liqui­ Ville de Bruxelles, service de l'état dités manquent ne fût-ce que pour civil. — Archives générales du Boyaume, faire tourner certaines sociétés. C'est à Bruxelles : archives économiques de la la panique comme il le confie à plu­ famille Otlet. — Mundaneum, à Bru­ sieurs correspondants. Pour L'Entre­ xelles : Papiers Paul Otlet. — Bibliothè­ prise, c'est la catastrophe. Ses actions que royale Albert Ier, Bruxelles, Section ne valent plus rien ou presque, les des Imprimés : L'incident Philippart, créditeurs se pressent aux portes. brochure s.l.n.d. L'exceptionnelle collection d'oeuvres Galerie Nationale. Le Sénat belge en d'art qui faisait la fierté du financier 1894-1898, Bruxelles, 1897, p. 396-397. — Edouard Otlet, Bruxelles, [1907], — P. est vendue en deux temps... Et l'em­ Van Molle, Le Parlement belge - Het bel­ pire de papier s'effondre, pas assez gisch Parlement, 1894-1969, Ledeberg- pourtant pour que Paul Otlet et ses Gent, 1969, p. 259. — P. Oaron, Histoire enfants, à la mort d'Edouard qui de l'exploitation d'un grand réseau : la passa les dernières années de sa vie Compagnie du Chemin de Fer du Nord .· en France, ne puisse gérer une for­ 1846-1937, Paris-La Haye, 1973, p. 168- tune qui était encore assez conforta­ 169, 201, 207-208 et 212 [Industrie et Artisanat, VII). — M. Dumoulin, La car­ ble. rière diplomatique du baron Maximilien En cherchant à présenter Edouard d'Erp (1868-1915), t. I, Louvain, 1975, Otlet dans ses œuvres, nous avons passim, Université catholique de Louvain, délibérément omis de parler de mémoire de licence stencilé. — G. Kur­ l'homme en ses palais. Il eût fallu, gan-van Hentenryk, « Les entreprises du en effet, esquisser le portrait moral groupe Philippart en France (1868-1877) », de ce catholique enraciné dans le dans Les relations franco-belges de 1830 à 1934. Actes du Colloque de Metz 15- terreau de son siècle, habité par le 16 novembre 1974, Metz, 1975, p. 148 ss. souci constant de laisser, malgré ses (Centre de Recherches Relations Interna­ déboires, un patrimoine à ses enfants ; tionales de l'Université de Metz, 7). — sénateur provincial du Luxembourg J. Stengers (dir.), Index des éligibles au de 1894 à 1900 (il fut deux fois l'ad­ Sénat, Bruxelles, 1975, p. 364-365 (Acadé­ versaire malheureux de Th.-J. Finet mie royale des Sciences, des Lettres et des en 1892 et 1894) au nom de la renta­ Beaux-Arts de Belgique. Commission de la Biographie Nationale). — M. Dumoulin, bilité sociale de la fonction. Il eût « Les premières années de la présence fallu parler de ses « signes extérieurs belge en Perse (1887-1895) », dans Revue de richesse » qui révèlent tant de belge d'Histoire contemporaine, t. VIII, détails significatifs : un yacht, une 1977, 1-2, p. 1-52. — Th. Vuylsteke, 8 CV Panhard Levassor achetée en Edouard Otlet, concessionnaire du chemin 1899, les villas d'Ostende et de Nice de fer de Sorta (1887-1913), Louvain, qu'il occupe après avoir vendu l'Ile 1978, Université catholique de Louvain, du Levant, l'hôtel du 60 chaussée de mémoire de licence inédit. p

PERMEKE (Constant), prénoms il met le cap sur Ostende où il finira déclarés à l'état civil: Constantinus-Henricus-Mariasa carrière comm-Josephus,e artiste peintre et artiste restaurateur de tableaux et devint le peintre et sculpteur, né à Anvers le premier conservateur du Musée d'Os- 31 juillet 1886, décédé à Ostende le tende (depuis 1897) qu'il a créé après 4 janvier 1952. avoir restauré les tableaux apparte- Constant Permeke était le fils de nant à la ville. Henricus-Ludovicus, dit Henri, et de Constant va d'abord à l'école com- Stephania Francisca Buytaert. Il se munale puis à l'athénée, mais ce maria à Bruges en 1912 avec Maria- n'est pas un brillant élève. En 1903, Ludovica-Cornelia, dite Marietje De- il suit les cours de l'Académie de laere, qui lui donna six enfants dont Bruges et y obtient quelques men- quatre restèrent en vie : John (1914), tions, mais il passe rapidement à Beatty (1916), qui épousa le peintre Gand où il reste jusqu'en 1906, sous et sculpteur Pierre De Vos, Paul la férule de Jean Delvin. Il y fait la (1918) et Thérèse (1925). Les deux connaissance d'Albert Servaes, de fils devinrent peintres à leur tour. Frits van den Berghe, des frères Le père (Poperinge, 1849 - Ostende, Léon et Gustave De Smet, tous pein- 1912), au caractère aventureux, exerça tres, et de Paul-Gustave van Hecke, différents métiers, entre autres, celui poète, journaliste et comédien et qui de marchand ambulant, tout en deviendra un des codirecteurs de s'adonnant à la peinture. Il a suivi Sélection. En 1906, c'est le service des cours à l'Académie de Bruxelles militaire. Puis c'est le retour à Ostende et s'y est lié avec quelques paysagistes, et l'arrivée dans sa vie de « Marietje ». tels Artan et Verwée, qui resteront De concert avec Gustave De Smet, ses amis. Attiré par les bords pitto- il occupa une mansarde au-dessus resques de l'Escaut, il s'installe à d'un cabaret et c'est la misère, atté- Burght et y épouse la fille du sacris- nuée de temps en temps par un ton- tain. Après un an de mariage, il part nelet de harengs offert par le père. seul pour l'Italie où il reste deux ans. En 1909, c'est le départ pour Laethem- Rentré au bercail, il s'en va tenter Saint-Martin où il va vivre avec ses sa chance à Anvers, comme marchand copains une vie de bohème et qui de bière, et c'est là que naît Constant, durera, pour lui, jusqu'en 1912. En- l'unique rejeton du mariage. Le suc- core que l'on ait parlé souvent d'une cès ne répondant pas à son attente, école de Laethem, il n'y eut jamais il retourne à Burght où il vit avec qu'une cohabitation de deux généra- les siens à bord d'un bateau. En 1892, tions d'artistes, vivant sans contacts 615 PERMEKE 616 réels et dont la plus jeune, à laquelle (Musée royal d'Anvers), œuvres plei­ appartenait Permeke, était plus por­ nes de force et qui dénotent un affran­ tée à la facétie et à la gaudriole qu'au chissement nouveau, celui du dessin. travail. De cette époque datent les Celui-ci devient sommaire, impérieux, premières œuvres connues de Per­ anguleux, et la déformation est pro­ meke : le Portrait d'Eugène Ysaye che. En même temps, la palette s'as­ (1907) ; le Portrait de Marietje (1909 sombrit : La jolie fille (1920, Musée — vue de dos ! —), Les Filardeaux, Le d'Anvers). Tableau au matelas (1911), Fermes Les années suivantes seront mar­ dans la neige et Hiver en Flandres quées par la grande poussée expres­ qui témoignent de dons certains, mais sionniste dont Les Fiancés (1922, demeurent d'une esthétique hésitante, Musée de Bruxelles), Les Deux frères non exempte d'influences. marins (1923, Musée de Bàie) et De retour à Ostende, Permeke va Le Pain noir (1923) forment quelques se nicher avec sa femme, dans une sommets. C'est l'époque des person­ bicoque près du port. Il dessine le nages frustes aux formes massives Portrait de sa mère et le Porteur de poussées parfois jusqu'à la déforma­ fardeau, La Barque échouée, et le tion, traitées dans des couleurs som­ Clair de lune sur la mer, œuvres qui bres : Les Femmes ostendaises, L'homme échappent à l'emprise de l'impression­ au panier (1925, Musée d'Ostende). nisme et annoncent une volonté de Très attaquée, sa toile Over Permeke simplification. En 1914, mobilisé, il (1922) est comme une fière réponse. est grièvement blessé devant Anvers, Incidemment, la mer apparaît pour sera évacué vers l'Angleterre et se devenir bientôt un thème majeur, traînera pendant plusieurs années sur infiniment répété avec des variations des béquilles. Dans une solitude com­ infinies (La Vague, 1924, Musée de plète, avec sa mère et sa femme qui Bruxelles ; La fin d'un beau jour, sont venues le rejoindre, il vivra 1914, Musée de Grenoble; La Mer d'abord à Stanton St. Bernard, puis verte, Musée d'Anvers). à Chardstock (1916) dans le Devon­ En 1926, après la mort de sa mère, shire, un moment à Sidmouth (1917) Permeke quitte Ostende et s'en va et peu après, à Sidford. De ces années habiter Anvers, repris par ce goût de d'exil date son plein épanouissement. la navigation qu'il tenait de son père. C'est à Chardstock qu'il peignit ces Mais il n'y reste que quelques mois, trois œuvres qui firent tant de bruit : et c'est le retour pour Ostende. Il L'Etranger (Musée de Bruxelles), Le ne demeure plus attaché si fanatique­ Buveur de cidre et Le Boucher. Soli­ ment à la mer et au peuple qui vit dement composées, elles signifient, d'elle. Pendant deux ans, il parcourt avant tout, une libération de la cou­ la Flandre maritime, hanté par le leur qui apparaîtra plus clairement paysage, et finit par s'installer à encore dans des toiles comme La Jabbeke, d'abord dans une petite Moisson au Devonshire, Paysage an­ bicoque, puis quand ses moyens le glais, Meules, L'étable rouge ou lui permettent, dans une vaste de­ Paysage au Devonshire. Malgré les meure, baptisée De Vier Winden, titres, on est loin de l'Angleterre, les qu'il s'y fait construire (1929). Dès couleurs chantent en fanfare, le rouge lors, sans que la mer soit négligée, le en tête. paysage s'impose de plus en plus et En 1919, c'est le retour à Ostende. les paysans remplacent les pêcheurs. La bicoque près du phare est presque Ses nouveaux sujets seront traités démolie et Permeke la rafistole tant avec la même force brutale qu'accu­ bien que mal, mais il se retrouve chez sent des déformations frisant parfois lui et les premiers qui l'inspirent ce la caricature. Esprit caustique, Per­ sont les naturels de l'endroit. Il peint meke s'amuse d'un nez poussant de La Foire, La Kermesse, La Friterie travers comme d'une paysanne endi- 617 PHILIPPART 618 manchée (Rose-Marie, Musée de Bâle), couleurs (Le Printemps, Eté en Flan- mais il exprime avec une puissance dre, Hiver en Flandre, Paysage doré). étonnante la vie où tout se confond En 1952, il fait un voyage en Breta- dans un même élan primitif. De gran- gne et en rapporte une série d'oeuvres des œuvres marquent cette période : simples, mais d'une grande sensibilité. Les Epoux (1932, Musée de Liège), Conduit à l'hôpital d'Ostende, il y Le Semeur (1933), Le Paysan grattant meurt après une ultime intervention la terre, Le Buveur de café (Musée chirurgicale. Sur un chevalet, dans d'Amsterdam), L'Etable (Musée d'Art son atelier de Jabbeke, se trouvait moderne, Paris), Le Mangeur de un magnifique Paysage inachevé (Mu- pommes de terre (1935, Musée de sée Permeke). Il était membre, depuis Bruxelles), La Truie (1930) et La sa fondation, de la Koninklijke Aca- Saillie. démie voor Wetenschappen, Letteren Le paysage est réduit à ses formes en Schone Kunsten van België. élémentaires. Il est traité avec la même fougue brutale, mais dans des Roger Avennaete. gammes largement diversifiées. En 1937, Permeke se révèle sculp- Iconographie : tête en bois sculptée par teur. Il montre des œuvres, souvent Permeke, Musée Permeke à Jabbeke ; portrait peint par Frits van den Berghe, réalisées à la diable, mais d'une éton- Musée Permeke à Jabbeke. Permeke est nante puissance. Marie-Lou et Le également représenté sur deux tableaux Semeur sont les réalisations les plus de van den Berghe : Pêcheurs à la ligne marquantes, avec Niobé et La Gi- sur la Lys, et Le pêcheur à la ligne ; buste sante. Dans des œuvres de dimensions en bronze dû à Henri Puvrez, et tête en plus réduites, les formes deviennent bronze exécutée par Pierre de Vos. plus gracieuses, parfois même graci- A. Stubbe, Permeke, Bruxelles, Stan- les (Les Trois grâces). daard Boekhandel, 1930. — A. Stubbe, Constant Permeke, Leuven, TJitgave Da- Durant la deuxième guerre mon- vidsfonds, 1931 (Davidsfonds, Keurboeken, diale, isolé à Jabbeke, privé de maté- nr 6). — P. Pierens, Permeke, Paris, Crès, riaux, il dessine avec passion. S'il a 1930 (Les artistes nouveaux, nouvelle série). toujours dessiné des nus en marge de — W. Koninckx, Portrait de Permeke, sa peinture, le nu se hausse à présent Anvers, « Ça Ira », 1938. — P. Haesaerts, à un genre nouveau, dans lequel le Permeke ou la volonté de grandeur, Anvers- dessin est soutenu par du pastel et Amsterdam, « Het Kompas « - « De Spie- ghel »,' 1938. — P. Haesaerts, Permeke des craies de couleur. sculpteur, Bruxelles, Librairie du Palais Après la guerre, Permeke reprend des Beaux-Arts, 1939. — B. Langui, sa double activité de peintre et de Constant Permeke, Antwerpen, De Sikkel, sculpteur. En 1945, cédant à de vives 1947 {Monographies de l'Art belge). — pressions, il accepte la direction de A. De Ridder, Constant Permeke (1887- l'Institut national supérieur et de [sic]-1952), Brussel, 1953 (Mededelingen l'Académie royale des Beaux-Arts van de Koninklijke Académie voor Weten- schappen, Letteren en Schone Kunsten van à Anvers. A la suite de vexations, België, Klasse der Schone Kunsten, jg XV, il donne sa démission au bout d'un an. nr 1). — R. Avennaete, Permeke, 1886- En 1948 meurt sa femme et il peint 1952, Bruxelles, Elsevier, 1958. — R. Aver- une toile poignante L'Adieu (Musée maete, Permeke, Bruxelles, Arcade, 1970 Permeke). et de nombreux articles, bibliographie La fougue expressionniste s'est complète dans ce dernier ouvrage, p. 332- 324. — R. Avermaete, « Permeke, Con- apaisée. Une sérénité d'allure classi- stantinus », dans Nationaal Biografisch que apparaît, plus accusée encore Woordenboek, 5, Bruxelles, 1972, col. 682- dans les œuvres sculptées. Permeke 686. peint des portraits, des natures mor- tes, mais c'est le paysage qui le retient le plus, paysage de Flandre dans PHILIPPART (Hubert-Victor), toutes les saisons, et dans toutes les archéologue belge, né à Marseille 619 PHILIPPART 620

(France) le 25 mai 1895, décédé à vie. Son autre frère, Paul, atteignit Uccle (Bruxelles) le 1er juin 1937. le grade de colonel dans l'armée fran- Né après une fille (Antoinette), çaise. Hubert Philippart était le premier En 1915, à l'âge de vingt ans, Hu- des trois fils d'Edmond Philippart, bert Philippart devint professeur de brillant causeur et humaniste érudit, français, de latin, de grec et de mo- qui enseignait le français, le latin et rale dans ce foyer de chaleureuse le grec à Marseille, où le jeune garçon amitié intellectuelle qu'était l'Athénée fit ses études primaires et le début communal de Schaerbeek. Il s'y im- de ses études secondaires. Le milieu posa d'emblée à l'admiration et à familial, en dépit d'une éducation l'affection de ses élèves, parfois à assez dure dont il ne gardait pas tou- peine moins âgés que lui, par l'im- jours les meilleurs souvenirs, et les pression de maîtrise qui se dégageait rêveries auxquelles l'invitait l'ancienne de son enthousiasme communicatif colonie phocéenne, où, comme il de- et de son érudition précise. Il y laissa vait l'écrire un jour (Humanitas, t. 5, aussi un souvenir ineffaçable parmi 1930, p. 107), « on se sent déjà en ses collègues. » terre hellénique » éveillèrent en lui En 1917 il épousa Mademoiselle la passion de la langue et de la civi- Nany Coël, cantatrice (elle fut plus lisation grecques. tard cantatrice de la Cour), peintre Rentré, à l'âge de quatorze ans, et sculpteur (on lui doit de beaux avec sa famille en Belgique, où son bustes d'Henri Lafontaine, de Jules père fut professeur à l'Institut Michot- Bordet, de René Marcq, de Désiré Mongenast à Bruxelles, il poursuivit Defauw et de bien d'autres célèbres ses études secondaires au Collège personnalités belges). Elle fut pour Sainte-Marie, mais des incidents d'or- lui une compagne dévouée et atten- dre personnel le conduisirent à se tive, exécutant les croquis et les des- dégager de toute foi religieuse. Il sins dont il avait besoin pour consti- conquit brillamment les grades de tuer ses dossiers et illustrer ses cours. docteur en philologie classique (avec Elle l'aida à approfondir ses connais- une thèse intitulée Essai sur l'Agnition sances en matière de techniques des dans le théâtre d'Euripide) et de can- arts plastiques et l'initia aux joies didat en philologie romane à l'Uni- de la musique, dont il aimait tirer versité libre de Bruxelles, où il devint des comparaisons pour une meilleure l'ami de son condisciple Bernard van appréhension esthétique des œuvres Groningen, l'une des futures illustra- anciennes. tions de l'hellénisme en Hollande. Très tôt après la fin de la première Sous la direction d'Henri Grégoire, guerre mondiale, Hubert Philippart qui l'avait aussitôt remarqué et qui, entreprit la série des voyages qui le en 1937, reconnaissait toujours en lui conduisirent à plusieurs reprises sur « le plus brillant de ses élèves », il les chantiers de fouilles de la Médi- apprit le grec byzantin et le grec terranée gréco-romaine et dans les moderne. Tout au long de sa vie il musées d'Europe et des Etats-Unis fut un chaleureux philhellène. d'Amérique. Durant l'été de 1920, En 1914 il voulut s'engager comme déjà, il visita l'Italie, de Milan à volontaire dans l'armée belge en même Rome. L'année suivante, il eut la temps que son frère cadet Arthur joie d'être envoyé en mission scien- mais son état de santé ne lui permit tifique par la Fondation Universi- pas d'être enrôlé ; il en ressentit de taire, récemment créée, en Italie mé- l'amertume. Son frère, fait prison- ridionale et en Grèce. De juillet à nier, mourut tragiquement en capti- novembre 1927, avec l'appui de la vité. Profondément affecté par ce C.R.B. Educational Foundation, il malheur, Hubert Philippart en porta travailla dans les collections, grandes le deuil presque jusqu'à la fin de sa et petites, d'antiquités classiques aux 621 PHILIPPART 622

Etats-Unis, où, avec l'obstination une lettre au président du conseil qui lui était propre, il se fit ouvrir d'administration, le ministre d'Etat les magasins de réserve et les ateliers Jean Servais, que c'était « le but de de réparation. Mais c'était dans le sa vie ». La loi instituait, en effet, monde hellénique, — Italie méridio­ un nouveau cours obligatoire de No­ nale, Sicile, Grèce propre —, qu'il se tions d'histoire de l'art et d'archéologie sentait pleinement épanoui. dans les candidatures en philosophie La très haute estime dans laquelle et lettres. L'Université de Bruxelles le tenaient ses anciens maîtres et leur divisa ce cours en deux parties : le désir de lui procurer la possibilité de Moyen Age et les Temps modernes, se consacrer aux recherches qu'il avait qui furent confiés à Jules Berchmans ; mises en train dans les domaines de l'Antiquité, qui fut dévolue, en même la littérature et de l'art grecs le firent temps que le cours d'Institutions désigner, le 3 novembre 1923, comme grecques en licence, à Hubert Philip- associé C.R.B. à la Faculté de Philo­ part, nommé professeur ordinaire le sophie et Lettres de l'Université libre 24 juin 1930. de Bruxelles. En cette qualité il sup­ C'est alors qu'il put donner sa pléa pendant quelque temps dans pleine mesure comme professeur d'ar­ l'enseignement de l'archéologie clas­ chéologie classique et qu'il fit instau­ sique Emile Boisacq, retenu par la rer un enseignement complet et spé­ maladie, et il donna un cours libre cifique de l'histoire de l'art et de de grec, avec l'assentiment d'Henri l'archéologie à l'Université de Bru­ Grégoire, qu'il remplaça aussi, à l'oc­ xelles. Afin de prémunir cet enseigne­ casion, pendant certains de ses voya­ ment contre le dilettantisme et le ges à l'étranger. La modicité des émo­ « génie de l'inexactitude », — pour luments d'associé C.R.B. le conduisit, reprendre l'expression de Charles Mi­ cependant, à reprendre en 1925, pour chel —, qui le menacent trop souvent, trois ans, ses fonctions de professeur et de lui conférer la rigueur et l'am­ à l'Athénée communal de Schaerbeek. pleur nécessaires, il fit créer non pas Mais l'Université libre de Bruxelles un institut plus ou moins marginal entendait ne pas se priver du con­ mais une section d'histoire de l'art cours de ce collaborateur d'une valeur et d'archéologie, dont le programme exceptionnelle. Le 10 octobre de cette fut conçu sur le modèle des autres même année 1925, elle le chargea du sections de la Faculté de Philosophie cours libre d'archéologie, qu'il donna et Lettres. Il entreprit, avec infini­ le plus souvent dans les salles des ment de dévouement et de diploma­ Musées royaux d'Art et d'Histoire du tie, les démarches pour donner à Cinquantenaire. cette nouvelle section le rayonnement Le 5 mai 1928, Hubert Philippart et le prestige souhaitables en lui fut nommé, à titre provisoire, secré­ assurant le concours de savants étran­ taire de l'Université libre de Bru­ gers de grande réputation comme xelles, prenant ainsi la succession de Georges Contenau, Paul Vitry, Emile Jean Willems, devenu directeur du Michel, Jean Ebersolt (mort le jour Fonds national de la Recherche scien­ de sa nomination), Germain Bazin. tifique et de la Fondation universi­ Lui-même y assuma un nouveau taire. Il fut confirmé, à titre définitif, cours, celui d'Archéologie classique dans ce poste un an plus tard le en première candidature, qui prit 8 juin 1929. ultérieurement le titre d'Histoire de La loi du 21 mai de la même année l'art antique et, plus récemment, réorganisant l'enseignement supérieur, celui d'Exercices et encyclopédie : donna à Hubert Philippart l'occasion Grèce, Etrurie, Rome. de se consacrer à l'enseignement de Hubert Philippart fut nommé pro­ l'archéologie, dont il disait quelques fesseur à temps plein le 9 juillet 1932, jours auparavant, le 16 mai, dans en même temps qu'il était déchargé 623 PHILIPPART 624

des fonctions de secrétaire de l'Uni­ Fondation Archéologique de l'Uni­ versité, pour lesquelles il avait été versité de Bruxelles, dont il devenait mis en congé le 12 décembre 1931, le directeur et à laquelle il assignait à la suite d'un différend avec l'admi­ pour but de favoriser l'étude de nistrateur de l'époque, Fernand Héger. l'archéologie grecque par l'organisa­ L'expérience qu'il avait eue de l'en­ tion de conférences, l'octroi aux étu­ seignement secondaire et l'autorité diants de l'Université de Bruxelles qu'il s'y était acquise lui valurent de bourses ou de subventions pour d'être également chargé de la direc­ des voyages d'étude dans des musées tion du stage pédagogique pour tou­ d'Europe occidentale et en Grèce, la tes les sections de la faculté ainsi que constitution d'une bibliothèque et des exercices didactiques sur les lan­ d'une collection de clichés, — qui gues anciennes (y compris la métho­ furent son œuvre —, et le rassemble­ dologie spéciale du latin et du grec) ment de moulages qui, libéralement et des exercices didactiques du fran­ offerts, grâce à son intervention, après çais (pour lesquels il fut suppléé par l'Exposition internationale des mou­ Emilie Noulet, qui allait devenir Ma­ lages, par le Gouvernement helléni­ dame Carner). Il s'acquitta de cette que, le Ministère des Beaux-Arts partie de ses tâches avec le soin et d'Italie, The Board of Education la conscience qu'il mettait en toutes d'Angleterre, les Musées nationaux choses et aussi avec l'originalité d'es­ de France, le Ministère des Sciences prit qui le caractérisait. Il insistait et des Arts de Belgique, formèrent, pour que les futurs professeurs sachent à la Villa Capouillet, le Musée Léon non seulement expliquer les textes Leclère, du nom de l'ancien recteur, antiques et en faire comprendre les professeur d'histoire et d'archéologie beautés par leurs élèves mais encore du Moyen Age, qui fut appelé à la les resituer dans le climat intellectuel présidence de l'association. Hubert et sensible de l'époque où ils avaient Philippart fut aidé dans cette entre­ été composés, en recourant aux mo­ prise par des mécènes comme le ban­ numents et aux œuvres d'art pour quier Maurice Philippson, l'avocat illustrer l'élan créateur dont ils pro­ honoraire Théodore-Marie Hégener, cédaient et pour évoquer le genre de le consul général de Grèce Charles vie que menaient les hommes du Grégoire, frère de l'helléniste Henri temps. Grégoire, dont il avait réussi à s'assu­ Le 8 février 1936 lui fut confié le rer le concours par son éloquence per­ cours d'Histoire de l'art et d'archéolo­ suasive. Il put triompher de bien des gie (antiquité) des licences en histoire, obstacles dans la réalisation de ce en philologie classique et en histoire projet grâce à l'appui que lui accorda, de l'art et archéologie, laissé vacant comme dans les étapes antérieures de par la mise à la retraite d'Emile Boi- sa carrière, le président du conseil sacq, qui en avait été le premier titu­ d'administration de PU.L.B., Jean laire. L'attribution de ce nouvel en­ Servais, juriste eminent et humaniste seignement lui permit d'être déchargé éclairé. A la mort d'Hubert Philippart du cours d'Institutions grecques et sa riche bibliothèque vint compléter du stage pédagogique. Hubert Phi­ de la manière la plus heureuse celle lippart était enfin titulaire de l'en­ dont il avait amorcé la constitution semble des cours qu'il aspirait à à la Fondation Archéologique. donner. Ce ne devait être hélas que Tous ceux qui ont suivi l'enseigne­ pour un an 1 ment d'Hubert Philippart gardent un En même temps qu'il faisait instau­ souvenir reconnaissant de ce profes­ rer au sein de la Faculté de Philoso­ seur prestigieux, au mince visage en­ phie et Lettres une section d'histoire touré de l'étroite auréole d'une che­ de l'art et d'archéologie, Hubert Phi­ velure et d'une barbe de couleur lippart créait, le 8 janvier 1930, la brune. Dans des exposés d'une clarté 625 PHILIPPART 626

élégante, il avait l'art de communi­ preuve du temps où il était étudiant. quer un savoir prodigieusement Henri Grégoire aimait à rappeler étendu, d'une voix chaude vibrant comment il avait été ébloui, lors d'un d'une ferveur contenue, où les exi­ examen, par une réponse du jeune gences de la rigueur scientifique et le Philippart, « qui était une leçon, dans sens de la mesure disciplinaient les » tous les sens, sur le Mythe de Pro­ effusions du lyrisme. Il forma ses ti méthée ». élèves en se montrant exigeant à leur Les curiosités du philologue qu'Hu­ égard comme il l'était pour lui-même. bert Philippart était à ses débuts Les dons d'animateur reconnus à pour la tragédie et les préoccupa­ Hubert Philippart et l'autorité scien­ tions de l'archéologue qu'il était de­ tifique qu'il s'était très tôt acquise le venu se conjuguèrent, de la manière firent choisir comme secrétaire de la la plus heureuse pour la connaissance rédaction chargé des comptes rendus des mentalités antiques et des rap­ dans la revue L'Antiquité classique ports entre œuvres littéraires et créa­ lancée en 1931 par des représentants tions artistiques, dans Γ Iconographie des sections de philologie classique de V Iphigénie en Tauride d'Euripide des quatre universités belges de l'épo­ (publiée dans la Revue belge de phi­ que, Bruxelles, Gand, Liège et Lou­ lologie et d'histoire, t. 4, 1925, p. 1-33 vain, sous la direction de J. Bidez, et sous forme de volume à Paris, A. Carnoy, Fr. Cumont, A. Delatte aux Belles Lettres, 1925) et dans et H. Grégoire. Il s'employa à réser­ l'Iconographie des Bacchantes d'Euri­ ver d'emblée dans la revue une large pide (Revue belge de philologie et place à l'archéologie et à l'histoire de d'histoire, t. 9, 1930, p. 5-72, et Paris, l'art, aux côtés de la philologie et de Les Belles Lettres, 1930). l'histoire, ce qui, par l'ampleur du C'est également en historien des champ couvert, assura le prestige du idées et de l'art qu'il a conçu sa nouveau périodique dans les milieux leçon d'ouverture au cours libre d'ar­ scientifiques internationaux. chéologie classique (le 7 novembre La formation de philologue classi­ 1925), sur Les caractères généraux de que qu'Hubert Philippart avait reçue l'art attique au temps de sa maturité et sa collaboration de jeune chercheur (Revue de Γ Université de Bruxelles, avec Henri Grégoire, à qui l'Associa­ t. 31, 1925-1926, p. 190-203). tion Guillaume Budé avait confié Si, au cours des années, ses recher­ l'édition de plusieurs tragédies d'Eu­ ches devaient se concentrer sur la ripide dans la collection des Univer­ céramique grecque, il témoigna aussi sités de France, expliquent qu'il ait dans ses publications son intérêt pour consacré ses premiers articles à des la sculpture (.A Delphes ; la statue problèmes comme la psychologie des d'Agios, dans la Revue belge de phi­ drames d'Euripide à reconnaissance, lologie et d'histoire, t. 3, 1924, p. 1-12 ; dont il avait traité dans sa thèse de Le « Zeus » de l'Artémision, dans Le doctorat (La théorie aristotélicienne Flambeau, t. 15, 1932, p. 129-135), de l'Anagnôrisis et L'esprit des drames pour les résultats des fouilles de Délos d'Euripide à reconnaissance, dans la (Délos. Notes bibliographiques, dans iierrae des études grecques, t. 38, 1925, la Revue belge de philologie et d'his­ p. 171-204 et t. 40, 1927, p. 163-182), toire, t. 1, 1922, p. 784-802), de The­ L'énigme des Bacchantes (Revue de bes (Pausanias à Thèbes et les fouilles l'Université de Bruxelles, t. 30, 1924- d'Ant. Keramopoullos, dans la Revue 1925, p. 551-557), ou Les thèmes mythi­ de V Université de Bruxelles, t. 28, ques des Bacchantes (ibidem, t. 31, 1922-1923, p. 140-157) et de grands 1925-1926, p. 518-534). Il confirma sites de la péninsule italique (L'archéo­ dans ces travaux ses qualités de maî­ logie classique en Italie, dans L'Anti­ trise dans la synthèse et de finesse quité classique, t. 1, 1932, p. 353-373). dans l'analyse dont il avait déjà fait Hubert Philippart s'assigna pour 627 PHILIPPART 628 tâche, à une époque où les catalogues 86). Il y déploya la séduction de étaient encore rares et où le Corpus toutes ses qualités : l'ampleur et la Vasorum Antiquorum démarrait seu­ précision du savoir, la finesse des lement, de faire mieux connaître les analyses, la perception des valeurs collections où il avait travaillé, en esthétiques les plus profondes, la donnant pour chacune d'elles, selon clarté de l'exposé, la délicate sensi­ ses propres termes, l'essentiel de la bilité et l'élégance de l'écriture. bibliographie, une idée générale du Sa mort tragiquement prématurée contenu et un choix des pièces clas­ le 1er juin 1937 n'a pas permis à sées dans l'ordre chronologique [Col­ Hubert Philippart de mener à bien lections d'antiquités classiques aux les ouvrages qu'il préparait amoureu­ Etats- Unis, supplément de la Revue sement sur tous les vases attiques à de V Université de Bruxelles, n° 4, fond blanc autres que les lécythes et mai-juin-juillet 1928 ; Collections de sur le maître-potier Sotadès, à l'ate­ céramique grecque en Italie, I, Bru­ lier duquel on dut, au milieu du xelles, Librairie universitaire Maurice Ve siècle avant notre ère, les plus Lamertin et Paris, Les Belles Lettres, belles créations de cette technique. 1932 ; II, Paris, Les Belles Lettres, Un bref article De Sémélé à la 1933 ; Céramique grecque à Rouen, Madone, publié de façon posthume dans L'Antiquité classique, t. 1, 1932, dans les Mélanges en l'honneur de p. 243-247 ; Collections de céramique Georges Oiconomos ('Αρχαιολογική grecque en Angleterre, ibidem, t. 4, Έφημερίς, 1937 [1938], p. 256- 1935, p. 205-226 ; Deux vases attiques 257), atteste que les questions d'icono­ inédits du Castello Sforzesco à Milan, graphie qui l'avaient occupé au début dans la Revue archéologique, 6e série, de sa carrière continuaient à le rete­ t. 1, 1933, p. 154-162). nir. Ces publications montrent l'atten­ On ne prendrait pas une juste me­ tion particulière qu'Hubert Philippart sure de la personnalité d'Hubert Phi­ accordait à la céramique grecque, qui lippart si l'on négligeait ses nombreux occupait une place prépondérante comptes rendus publiés dans la Revue dans ses recherches personnelles de V Université de Bruxelles, la Revue comme dans ses cours de spécialisa­ belge de philologie et d'histoire, L'An­ tion, y compris son cours d'Institu­ tiquité classique et qu'il groupait le tions grecques, qu'il concevait comme plus souvent en Chroniques. On y un cours d'institutions privées. Il a goûte son immense appétit de savoir, donné un remarquable exemple du sa maîtrise des sujets, sa hauteur de parti qu'il pouvait tirer, à cette fin, vues, l'ampleur de sa culture, la per­ des documents figurés dans son arti­ tinence de ses jugements, le souci de cle, qu'Henri Grégoire considérait mettre l'accent sur l'essentiel au pro­ comme un chef-d'œuvre, L'Athènes fit de ses lecteurs. Relire ces Chroni­ des vases peints (Scènes de la vie pri­ ques donne aujourd'hui une bonne vée), dans L'Acropole, juillet-décem­ idée de l'état des études d'archéolo­ bre 1930, p. 145-165. gie classique à la fin des années 1920 Les coupes attiques à fond blanc et dans les années 1930. l'avaient très tôt séduit. Son article Il s'employa aussi à éveiller l'inté­ Deux coupes attiques à fond blanc du rêt pour l'archéologie classique dans Musée du Cinquantenaire à Bruxelles un large public par de brillantes con­ (dans les Monuments et Mémoires férences et par des articles qu'il pu­ publiés par l'Académie des Inscrip­ blia dans des revues comme Huma- tions et Belles Lettres, Fondation Eu­ nitas, la nouvelle revue des humanités gène Piot, t. 29, 1928, p. 1-38) annonce et comme L'Emulation, revue de la sa magistrale monographie sur Les Société centrale d'architecture de coupes attiques à fond blanc (dans Belgique. L'Antiquité classique, t. 5, 1936, p. 5- Par ses activités et ses publications, 629 PHILIPPART 630

Hubert Philippart imprima un cours versité libre de Bruxelles mais après nouveau aux études d'archéologie l'obtention du grade de candidat, il classique en Belgique. Il créa les abandonne les cours et s'engage à structures qui permirent à l'enseigne- l'Ecole d'Aviation militaire en novem- ment de l'histoire de l'art et de l'ar- bre 1931. Admis à la 67e Promotion, chéologie de prendre son essor à il passe son brevet élémentaire « tou- l'Université de Bruxelles et il fonda risme » à l'Ecole Horta de Saint- F« Ecole de Bruxelles », soucieuse, Hubert puis obtient son brevet mili- comme il le fut, de toujours replacer taire à Wevelgem. les œuvres d'art dans leur contexte En octobre 1933, il passe au 1er régi- historique afin de provoquer des éclai- ment d'aéronautique et se fait con- rages réciproques. naître du grand public par la démons- Ce fut un défenseur ardent et effi- tration qu'il effectue l'année suivante cace de l'humanisme parce que, pour lors d'une réunion de propagande lui, l'antiquité n'était pas l'objet aéronautique à Gossoncourt. d'une érudition livresque et dessé- Sous-lieutenant en juin 1936, il est chante mais une réalité vivante dont désigné pour le IIIe Gr/3 rgt et par- il percevait les vibrations profondes ticipe les 26-27 juillet 1937 au meeting au contact des œuvres littéraires et international de Zurich à bord d'un plastiques sur les lieux mêmes où elles Fairey Fox VI. Philippart fait alors avaient été créées. équipe avec le commandant Van der Charles Delvoye. Heyden. La Belgique décroche à cette occasion une seconde place à l'« inter- nations » dans la « coupe des Alpes », Jules Berchmans, « Notice sur la vie et ce qui relève de l'exploit quand on les travaux de Hubert Philippart, profes- seur ordinaire à la Faculté de philosophie pense que l'Allemagne leur oppose et lettres », dans Rapport de l'Université notamment ses tout nouveaux Messer- libre de Bruxelles sur l'année académique schmitt Bf 109. 1936-1937, Bruxelles, 1938, p. 77-79. — Enfant chéri du public, Jacques Jules Berchmans, « Hubert Philippart », e Philippart accompagne Léopold III dans la Revue archéologique, 6 série, t. 10, au baptême de la Princesse Béatrice 1937, II, p. 107-108, avec une bibliogra- de Hollande mais sa vraie place est phie. — Henri Grégoire, « In memoriam Hubert Philippart », dans L'Antiquité dans nos cieux. Il se distingue au classique, t. 6, 1937, p. 468-472, avec une cours des fêtes nationales belges par photographie d'Hubert Philippart en des exercices acrobatiques exécutés frontispice et une bibliographie presque de nuit au-dessus de la place Poe- complète établie par le chanoine A. Borne, laert et surtout lors du meeting p. 473-475. — Annie Smets, « Hubert international d'aviation d'Evere en Philippart », dans Le Flambeau, t. 20, juillet 1939, par la démonstration 1937, I, p. 717-720. des possibilités que laisse le SV4B à un pilote chevronné. Un mois plus tôt, il était devenu lieutenant d'aéro- PHILIPPART (Jacques-Arthur-Laurent),nautique. aviateur, né à Mont-Saint-GuibertEn octobre et novembre 1939, il le 11 janvier 1909, tué en est envoyé en Angleterre à la Central combat aérien au large de Portland Flying School pour étudier les métho- (Dorsetshire) le 25 août 1940. des anglaises de pilotage. Il obtient Son père occupant d'importantes son brevet de moniteur à Upavon-61 fonctions à la Zingal-Sirketi et à la flying instructor course. Seferbel à Ayançik (Turquie), Jacques A son retour, à l'instigation du Philippart reçoit une éducation en lieutenant général Duvivier, comman- Belgique, loin de sa proche famille. dant la Défense Aérienne du Terri- Il entreprend des études d'ingénieur toire, il est requis pour faire profiter à la Faculté Polytechnique de l'Uni- nos jeunes pilotes de son expérience ; 631 PHILIPPSON 632 il est même pressenti comme comman- En souvenir des services qu'il ren- dant de l'école de Deurne. dit à la nation, la 98e Promotion de Mais la guerre va couper court à la Force Aérienne porte son nom. ces prévisions. Le 10 mai 1940, il sauve son avion Jean-Fierre Gahlde. sous le bombardement du champ d'aviation d'Evere. Il est ensuite Archives privées de Monsieur Guy Des- trebeoq. — Ministère de la Défense Natio- chargé d'organiser des écoles belges nale : dossier militaire du lieutenant avia- de pilotage en territoire français et teur Jacques A.L. Philippart N° matricule de poursuivre un entraînement spé- 36323 sur base de l'extrait de la matri- cial sur bimoteur. Lors de la capitu- cule, de divers documents belges et anglais lation belge, il reste en France en (N0 matricule anglais 81628). — Pilot's qualité de conseiller technique auprès Flying Logbook du lieutenant aviateur du commandement de l'Aviation Jacques Philippart depuis son enrôlement à la VR/RAF. Belge. Après la défection française, il gagne Bayonne puis l'Angleterre où Pierre Piersack, , dans La Gazette du il débarque le 24 juin. e Dès le 25 juillet, il est désigné pour Soldat, 5 année, n° 7, 13 février 1949, p. 4. le 213 Squadron. Il remporte une première victoire contre un Junkers Ju88 mais c'est le 15 août que se PHILIPPSON (Franz-Moses), ban- situe son plus grand exploit ; la 213 quier, homme d'affaires, né à Magdebourg ainsi qu'une autre escadrille s'étant le 12 mars 1851, décédé à Paris portées à l'attaque d'une formation le 6 juillet 1929; il avait obtenu la de 150 avions ennemis, le pilot oflicer grande naturalisation belge dès avant Philippart abat trois Messerschmitt 1914, il épousa le 25 octobre 1875 BfllO et endommage gravement un Mathilde Mayer (Luxembourg, 12 avril quatrième appareil. 1855-Cannes, 9 mars 1926), fille de Le 22, il ajoute un Junkers Ju88 l'industriel Gabriel Mayer et de Sté- à son palmarès. Le 25 août, le 213 phanie Levy. Squadron est engagé dans une mis- Franz Philippson est le troisième sion d'interception au large de Port- fils de Ludwig Philippson et de Ma- land. Le lieutenant Philippart n'en thilde Hirsch, le rabbin Philippson revint pas. Son corps ne sera repêché fut une autorité spirituelle mondiale que deux jours plus tard. dès l'âge de vingt-cinq ans (cf J. Bolle, La R.A.F. perdait avec lui un Philippson...) Ses deux frères aînés, homme d'expérience ayant à son Alfred et Martin, devaient devenir actif plus de 2.500 heures de vol l'un, savant professeur de géographie, sans compter les 80 heures effectuées l'autre, éminent professeur d'histoire au sein de la R.A.F. Ses nombreuses et recteur de l'Université de Bru- missions lui avaient permis de se xelles (Archives Alain Philippson). familiariser avec des appareils aussi La carrière de Franz Philippson variés que le Morane 230, le Bré- débute à quatorze ans quand son guet 19, l'Avro 504 N, le Master, le père lui donne à choisir entre la voie Hawker Hurricane ou le Spitflre. universitaire ou celle des affaires. Il Titulaire notamment de la Croix a choisi les affaires. Fort bien, mais de Chevalier de l'Ordre de la Maison il connaît mal les langues. Et tout d'Orange, de la Croix de Guerre 1940 de même, en dépit de sa précocité avec 6 palmes en bronze à titre post- et de son amour immodéré pour les hume et de la Croix de Chevalier de mathématiques, il lui reste des choses l'Ordre de Léopold avec palme à à apprendre. Il sera donc à l'épreuve titre posthume, le lieutenant aviateur de la vie, tout en recevant dans un Jacques Philippart repose au Higher pensionnat de Bruxelles l'enseigne- Cemetery d'Exeter. ment de l'anglais et du français et 633 PHILIPPSON 634 un perfectionnement dans ses chères même temps, il fait preuve d'une mathématiques. Il travaille dès lors grande habileté dans l'art de recevoir en partie dans son pensionnat, en l'information et de l'interpréter judi­ partie à la banque de Jacques Errera- cieusement. Il réalise à la veille de Oppenheim où on lui confie de mo­ la guerre de soixante-dix un exploit destes besognes de bureau. Lui, qui fameux. La Bourse de Bruxelles se se joue des mathématiques, qui récite tenait le midi et le soir. A midi le par cœur les chants de Γ Odyssée et bruit se répand que le prince Leopold les discours de Cicéron, en est mortifié. de Hohenzollern se désistait de sa Mais au lieu de récriminer, il travaille prétention au trône d'Espagne. Tou­ ardemment le soir, soucieux surtout tes les valeurs montèrent vivement. de perfectionner sa connaissance du Dans l'après-midi Franz Philippson français. Dans ce but, il lit beaucoup expose à Errera qu'en dépit de ces et s'astreint, en outre, à un exercice nouvelles favorables il croit la guerre original. Il prend un livre classique, inéluctable et que dès lors la banque, en traduit une ou deux pages en alle­ dangereusement engagée à son avis, mand. Le lendemain ou le surlende­ devrait se libérer au maximum. Errera main, il transpose son texte allemand semblait d'un autre parti. II demeu­ en français et compare cette traduc­ rait songeur, hésitant et ne décida tion au texte français original. Cette rien. méthode se révèle excellente. Il la A la Bourse du soir, alors que les poursuivit pendant deux ans, au cours étaient au plus haut, Franz rythme de trois traductions et retra­ Philippson prit la résolution hardie ductions par semaine. de vendre, à l'insu de son chef, tout Dans le même temps il joue avec ce que le marché pouvait absorber. les chiffres. Il s'amuse à élaborer à Ces ventes firent sensation. Peu après perte de vue des projets d'emprunts les cours s'effondrèrent comme se à lots avec variations à l'infini. serait effondré Errera, si son jeune Une occasion lui permet de donner fondé de pouvoirs n'avait pas calculé la mesure de ses talents. En 1868, exactement les risques, réussissant à Jacques Errera se rend à Rotterdam transformer une situation douteuse dans l'espoir de négocier l'émission en un succès financier considérable. d'un emprunt de cette ville. Errera Errera. ne dit toujours rien. Ce est sur le point d'échouer quand son chef, que Franz Philippson, dans ses jeune secrétaire Franz Philippson, mémoires, décrit comme remarquable, relégué au rôle de porte-sacoche, sug­ bien que d'une hardiesse parfois gère à son maître un plan d'emprunt excessive, regarde maintenant Phi­ à lots, fruit des calculs auxquels il lippson avec d'autres yeux. Il con­ s'était amusé. Frappé de l'habileté tinue de laisser la bride sur le cou de cette présentation, Jacques Errera au prodige de dix-neuf ans et lui reprend la discussion à partir de ce donne de plus en plus de liberté dans nouveau plan et il réussit à enlever la gestion des affaires. La guerre de l'emprunt municipal. soixante-dix à peine terminée, et la Dès lors Franz Philippson, bien France condamnée à payer son im­ que mineur d'âge — il a dix-sept mense dette de guerre, Errera et ans! — devient l'adjoint personnel Franz Philippson, appelés par Thiers du banquier. Il est promu fondé de à Versailles, se voient chargés de pouvoirs. Il mène d'importantes opé­ l'émission en Belgique d'une partie rations d'arbitrage et devient un du deuxième emprunt, de trois mil­ personnage à la Bourse de Bruxelles. liards, destiné à apurer le solde de Les agents de change le jugent de l'indemnité de guerre, dans le but si bon conseil et d'une intégrité si d'obtenir la fin de l'occupation alle­ exemplaire qu'ils l'appellent souvent mande. pour régler leurs conflits. Dans le Voici que Franz Philippson a vingt 635 PHILIPPSON 636 et un ans. Il veut devenir son propre daient également de cette importante maitre et il le devient. entreprise de caractère multinational. Jacques Errera commandite la Ban­ Ce rôle eminent dans les affaires que F.M. Philippson et Cie que Phi- ne diminue en rien sa passion des lippson fonde le 20 juillet 1871. Com­ finances. En 1886, la Banque Philip­ mandite heureuse pour Errera qui se pson réalise une conversion d'emprunt réserve soixante-quinze pour cent des pour la ville de Bruxelles pour un bénéfices, tout en s'octroyant un in­ montant de 300 millions. L'allége­ térêt de 4 0/o net sur son apport. ment budgétaire qui en résulta pour Ces conditions coûteuses pour Phi­ la ville fut de près d'un million et lippson et son associé Leubsdorf n'em­ des liquidités de vingt millions pour pêchent pas la banque de prospérer. la poursuite des travaux d'urbanisme Cinq ans plus tard le capital est porté qui avaient dangereusement obéré les à deux millions. Un siège est ouvert finances municipales. à Paris. En 1877, Philippson liquide Il paraît que l'opération déplut à la banque et apporte lui-même près certains politiciens qui pensaient tirer d'un tiers du capital d'une nouvelle parti des difficultés qui avaient me­ maison, portant son nom, et dont les nacé le conseil communal et qui se autres commanditaires furent Sulz- trouvaient envolées, comme par en­ bach frères, Jules et Arthur May. chantement. Une campagne de presse Philippson domine entièrement l'en­ attaqua Philippson et les banques semble. Le succès est rapide. Quelques qui s'étaient jointes à l'opération de années plus tard, Philippson en de­ conversion. vient le plus gros actionnaire. Il se La réponse de Philippson fut éton­ fixa en 1888 au 18 rue Guimard nante. Au lieu de répondre au sujet à Bruxelles, dans l'ancien hôtel du de Bruxelles, il négocia une opération comte de Theux, actuellement occupé identique en faveur de la ville d'An­ par la Banque Degroof (anciennement vers. Banque F.M. Philippson et Cie). La partie fut rude, mais se termina Sa banque avait été créée pour par une réussite entière. La vanité réaliser des opérations financières. des accusations fut démontrée grâce Elle devint bientôt une banque d'af­ à la satisfaction des principaux res­ faires, le holding de nombreuses en­ ponsables des intérêts d'Anvers, treprises. comme de Bruxelles. C'est en 1880 que Franz Philippson Finalement, la Banque Philippson fonde en collaboration avec la Société participa à une quarantaine d'émis­ Générale la Société des Chemins de sions d'emprunts de ville. La subtilité fer secondaires — devenue Compa­ du mécanisme des emprunts à lots gnie Belge de Chemins de fer et d'En­ n'avait aucun secret pour Franz Phi­ treprises (aujourd'hui C.F.E.) dont lippson. Il était l'inventeur des for­ il est président du conseil en 1929, mules les plus attrayantes et, mani­ alors que Jules Jadot dirige le co­ festement à cette époque, le maître mité de direction. A cette date, du jeu c'est lui. quand meurt Franz Philippson, la Collaborateur de Leopold II dans compagnie qu'il présidait contrôlait ses entreprises d'Afrique, l'occasion directement ou indirectement onze lui est donnée pendant la guerre de sociétés de chemins de fer, en Belgi­ 1914 d'être au centre d'une négocia­ que, France, Chine, Italie, Congo (il tion pour une paix de compromis fut président et fondateur de la Com­ demandée par les Allemands dès 1915 pagnie du Chemin de fer du Congo, et dont rendent compte des archives fondée en 1889), Syrie et Pologne. de famille inédites, mais intéressantes Quatre sociétés de constructions et à bien des points de vue, tel le projet de travaux, qui allaient devenir l'ac­ de céder l'Iran à la Russie, vieille tivité dominante de la société, dépen­ aspiration des Tsars et de leurs suc- 637 PHILIPPSON 638 cesseurs (Max Gottschalk, dans Kehi- et 37). Une quatrième entrevue eut latenou, lettre à Marguerite Philip- lieu le 29 décembre 1917, après l'ef­ pson, p. 4). fondrement de la Russie et à la veille L'initiative de ces négociations re­ des grandes offensives allemandes du vient au chancelier allemand Beth- printemps 1918. La proposition était mann Holweg qui se servit auprès si irrecevable que Franz Philippson de Philippson de Walter Nernst pria l'ancien collègue de Martin de (1864-1941), professeur à l'Université rompre désormais tout pourparler par de Berlin et savant de réputation son intermédiaire : la Belgique, par mondiale. Il avait notamment obtenu une déclaration publique, aurait dû le prix Nobel de Chimie en 1920. engager l'Angleterre à ne pas faire de Or le frère de Franz, Martin Phi­ la rétrocession de l'Alsace-Lorraine lippson, professait également à l'Uni­ une condition de paix! versité de Berlin. Comme Nernst Parmi les multiples fonctions de savait que le Chancelier désirait ter­ Philippson, signalons qu'il fut entre miner la guerre par une paix de com­ autres président-fondateur de la So­ promis et qu'il recherchait anxieuse­ ciété métallurgique de Prayon (1882), ment pour cela un contact avec le de la Compagnie des Métaux d'Over- Roi Albert, réputé lui aussi partisan pelt-Lommel et de Corphalie (1913), d'une telle paix (Archives Alain Phi­ vice-président, fondateur et membre lippson, dossier inventaire, note de du comité de direction de la Banque décembre 1976, p. 1), le professeur du Congo belge (1909), administra­ lui avait demandé la permission d'en­ teur (1908) puis membre (de 1909 tretenir Franz Philippson de ce pro­ à son décès) du comité permanent jet, de manière à l'inciter à se rendre de la Compagnie du Congo pour le chez le Roi, à qui il aurait transmis Commerce et l'Industrie, membre du le message de vive voix. comité de direction de l'Electrobel. Le choix de Franz Philippson par Philippson fut également président Bethmann Holweg n'était pas mala­ du Consistoire central Israélite de droit car celui-ci avait beaucoup d'en­ Belgique, membre de l'Alliance trées, ne serait-ce qu'en raison de Israelite universelle, de la Jewish son appartenance, avec Emile Franc- Colonisation, de la Palestine Jewish qui, Jean Jadot, Ernest Solvay et Colonisation et de PAmerican Joint autres personnalités de premier plan, Reconstruction Foundation (voir S. au Comité National de Secours et Reinach, In Memoriam Franz Phi­ d'Alimentation qui traitait assez faci­ lippson). lement avec le gouvernement belge Il convient de signaler encore le au Havre, le roi Albert et la reine rôle de mécène de Franz Philippson, Elisabeth étant le plus souvent sur propriétaire du château historique de le sol belge, à La Panne. Seneffe, membre de la Commission Une troisième entrevue entre Phi­ des Musées des Beaux-Arts et prési­ lippson et Nernst eut lieu le 13 no­ dent de la Société des Amis des Mu­ vembre 1916. Celui-ci renouvela ses sées royaux de l'Etat. Paul De Mot propositions antérieures, déclinées par au nom de cette association a rappelé Le Havre, et annonça de sévères me­ que, maintes fois, quand les deniers sures de déportations à l'égard de la de la société ne permettaient pas main-d'œuvre belge. d'assurer aux musées belges la pos­ Franz Philippson, maintenant au session d'objets marquants, c'était courant de la position du gouverne­ souvent grâce à la générosité de Phi­ ment du Havre, refusa de faire une lippson que l'œuvre était achetée démarche auprès de ce dernier, en (S. Reinach, In Memoriam Franz dépit de l'insistance du professeur Philippson). (Archives Alain Philippson, dos­ « Combien de fois, dit Paul De Mot, sier III, cahier 1, documents noa 31 ' » lorsque l'exiguïté de nos ressources 639 PHILIPPSON 640

» empêchait une acquisition désira- nal qu'il sait lu par le tzar, avec les » ble, ne l'avons-nous pas vu nous heureux résultats, au moins momen- » rassurer d'un geste, et sans une tanés, que l'on sait. » parole, verser, à l'insu même de Martin, âgé de seize ans, va en 1862 » nos collègues, le complément du à Bonn où son père avait élu domi- » prix I » cile. Il étudie l'histoire aux universi- Tel est l'homme qui a animé tant tés de Bonn (cours de Heinrich von d'entreprises. A lui aussi, comme à Sybel et de Schaefer) et de Berlin son père l'illustre rabbin, un récit de (cours de Léopold Rapke). Il présente sa vie pouvait recevoir le titre : un travail sur Heinrich den Lôwen, Philippson ou la volonté d'entrepren- ce qui lui vaut le grade de docteur dre. en philosophie de l'Université de Jacques Bolle. Bonn en 1867. Il se rend ensuite à Paris pour des recherches sur le Iconographie : portrait peint par John xviie siècle et, après un an et demi S argent, Collection particulière. de séjour, il publie le travail Hein- Archives Alain Philippson : — entre rich IV. und Philipp III., die Be- autres : Les Mémoires inédits de Franz grûndung des franzôsischen Ueberge- Philippson ainsi que des lettres et divers wichtes in Europa, 1598-1610, 3 volu- documents appartenant aux familles mes, Berlin, 1870-1876. Oppenheim-Errera ont été consultés pour la période de la jeunesse de Philippson Professeur dans une école normale en Belgique. — Salomon Reinach, In me- supérieure à Berlin, il s'engage comme moriam Franz Philippson, hommage rendu volontaire dans l'armée allemande également par Jean Jadot, Lambert, Paul lors du conflit de 1870. Nous le trou- De Mot et d'autres, son portrait figure vons Privatdozent en 1871 pour le dans ce livre et une photographie d'un cours d'histoire à l'Université de tableau. — Max Gottschalk, dans Keliila- tenou, lettre à Marguerite Philippson, Bonn, puis professeur extraordinaire p. 4. — Jacques Bolle, Philippson ou la en 1875 ; le premier volume de l'ou- volonté d'entreprendre, Bruxelles, Editions vrage précité ainsi que la présenta- de l'Université, [1976]. — X. Duquenne, tion d'une dissertation intitulée Hein- Le Château de Seneffe, Bruxelles, 1978, rich IV. beabsichtigter Feldzug nach p. 80-85, 286. — A. Marchai, « Philippson Deutschland lui avaient permis d'être (Franz-Moïse), dans Biographie coloniale habilité comme enseignant, sans pré- belge, t. III, Bruxelles, 1952, col. 688-689. sentation d'une thèse particulière. Présenté par deux facultés comme professeur ordinaire, il ne peut être * PHILIPPSON (Martin-Emma- nommé parce que juif. nuel), historien, professeur à l'Univer- Aussi pense-t-il à rallier Bruxelles sité de Bruxelles, organisateur de la où les portes de la famille Errera lui Communauté juive allemande, né à sont ouvertes et où son frère, Franz, Magdebourg (Allemagne) le 27 juin né à Magdebourg en 1851, préparé 1846, décédé à Berlin le 2 août 1916. aux affaires par le banquier Alfred Martin Philippson est le fils de Errera, a fondé une banque en 1871. Ludwig Philippson et de Mathilde A la suite d'une proposition de la Hirsch. Son père, un rabbin érudit, Faculté de Philosophie et Lettres de écrivain et défenseur des communau- l'Université de Bruxelles, datée du tés juives opprimées, se rend à Bru- 11 octobre 1878, Martin Philippson xelles en mai 1856 pour obtenir, est nommé le 5 novembre suivant grâce à l'intervention d'Alfred Errera professeur ordinaire. Il s'établit à et des frères Adolphe et Joseph Bruxelles le 14 février 1879 pour Oppenheim, qu'un mémoire écrit en commencer ses cours à partir du faveur des Israélites de Pologne et début du mois de mars 1879, cours de Russie soit imprimé dans les co- qui porteront sur l'histoire politique lonnes de L'Indépendance belge; jour- de la Grèce et sur l'histoire politique 641 PHILIPPSON 642 du moyen âge. Le cours d'histoire rejettent la thèse et refusent à l'au­ politique moderne s'y ajoutera à par­ teur de la présenter ; Tiberghien s'ab­ tir de 1880-1881. Un cours de paléo­ stient car il est particulièrement mis géographie lui est aussi attribué pour en cause. les années 1879 et 1880. En 1881- Dwelshauvers faisait cependant ré­ 1882 un cours pratique d'histoire est férence aux Helmholtz, aux Fuhner, institué. Il nous reste de ses cours Wundt, Ribot, Fouillée, Beaunis et un syllabus : Programme du cours autres. Il écrit dans une lettre lue d'histoire politique du moyen âge fait en séance du conseil d'administration à l'Université de Bruxelles, paru en du 19 juillet 1890 : « La métaphysi- une plaquette de 39 pages chez Ma- » que et la philosophie générale n'ont yolez, à Bruxelles en 1880. Philippson » pas à imposer leurs conceptions à y envisage les pays d'Europe à l'excep­ » la psychologie expérimentale, pas tion de la Belgique reprise dans le » plus qu'à la physique p. ex. Les cours d'histoire de Belgique de Léon » sciences doivent étudier les faits Vanderkindere. » qui sont de leur domaine, abstrac- Le discours d'ouverture du cours » tion faite de toute doctrine méta- prononcé le 5 mars 1879 a été publié » physique et ne pas se laisser envahir sous le titre Importance historique du » par des systèmes à priori qui ne moyen âge. » leur ont jamais fait que du mal ». Le 22 juillet 1882, Philippson est Et pourtant le motif invoqué par la délégué par la Faculté de Philosophie Faculté pour refuser cette thèse sera et Lettres auprès du conseil d'admi­ son insuffisance et sa médiocrité et nistration de l'Université pour les non en raison d'opinions philosophi­ années 1882-1883 et 1883-1884. Son que ou scientifique! activité au sein du conseil d'adminis­ Le 10 octobre 1890, Philippson, tration est constructive. Il est notam­ élu recteur par tous les professeurs ment chargé en juin 1882 de la sur­ de l'Université, lit en séance du con­ veillance de la bibliothèque et de seil d'administration le discours rec­ diverses questions concernant sa ges­ toral qu'il doit prononcer lors de la tion. A l'occasion du cinquantième séance de rentrée du 13 octobre. anniversaire de l'Université, il pro­ Celle-ci, qui, depuis l'incendie de la pose d'en faire rédiger une histoire rue des Sols, doit se tenir dans la depuis sa fondation ; il suggère une salle gothique de l'Hôtel de ville modification de l'organisation des sous la présidence du bourgmestre cours de candidature en philosophie. Ch. Buis, président du conseil d'admi­ Président de la Faculté de Philo­ nistration, est l'occasion de réelles sophie et Lettres, il ne pourra pas émeutes estudiantines. Le recteur ne faire face à un incident auquel, histo­ peut prononcer, un mot de son dis­ rien, il est en partie étranger, mais cours et la police faisant irruption qui entraînera cependant son départ dans la salle à la demande du bourg­ de l'Université : la présentation par mestre ou de celle — selon les soup­ Georges Dwelshauvers, docteur en çons des étudiants — du recteur, ne philosophie d'une thèse d'agrégation peut rien empêcher. La séance doit en philosophie intitulée : Psychologie être levée. de l'aperception et recherches expéri­ Ces manifestations résultent d'une mentales sur l'attention, que son maî­ nouvelle idéologie sociale et philoso­ tre Tiberghien considère comme une phique apparue à l'Université qui atteinte à son propre enseignement. met les libéraux doctrinaires en oppo­ Si des membres de la faculté, tels sition avec les libéraux progressistes Hermann Pergameni et Léon Vander­ et les socialistes. Il n'est pas question kindere, soutiennent le point de vue de manifestations antigermaniques, du candidat, d'autres membres — et même si les cris « à Berlin » ont effec­ parmi ceux-ci le président Philippson, tivement été poussés. Ils s'adressent BIOGR. NAT. — t. XLI. 21 643 PHILIPPSON 644

personnellement au recteur qui a recteur et demande de mesures éner­ refusé la thèse de Dwelshauvers et giques à l'égard des étudiants dont dont ils réclament la démission pour la convocation, jugée inopportune, ce seul motif. d'un collège d'assesseurs pour décider Si les Souvenirs d'un Revuiste de des mesures à prendre ; création d'une Georges Garnir offrent l'avantage commission pour entrer en relation d'avoir été publiés par un ancien avec les étudiants (29 novembre) ; étudiant mêlé de près aux événements lettre de démission de Philippson d'octobre 1890, ils ont le défaut comme recteur et professeur ; déci­ d'avoir été écrits trente-six ans après sion du conseil d'administration d'ac­ ceux-ci et d'être fortement imprégnés cepter la démission comme recteur, de sentiments nés de la première mais de prier Philippson de conserver guerre mondiale. son enseignement et de charger l'ad­ L'auteur anonyme d'un article paru ministrateur-inspecteur Graux et le en 1891 (cfr Almanack de l'Université pro-recteur Van der Rest de faire libre de Bruxelles, p. 1-16) ne cite des démarches en ce sens ; séance du que les clameurs : « Vive le libre exa- 27 décembre 1890 où il est annoncé » men ! Vive le corps professoral ! que « renonçant à l'attitude digne »A bas le recteur!». Il n'est pas » qu'il avait conservée jusqu'alors, question de sa nationalité. » Mr Philippson avait adressé à un Depuis tout un temps, le conseil » journal allemand une lettre regret- d'administration de l'Université, en » table et blessante pour le Conseil majorité d'opinion libérale doctrinaire, » d'Administration », ce qui devait doit faire face à un mouvement pro­ clôturer l'incident. Sans doute le gressiste toujours plus marqué. Qua­ conseil d'administration a-t-il agi tre mois plus tôt, le 15 mars de la sous la pression des étudiants tout même année 1890, il avait signifié en gardant une juste pondération. déjà au président des étudiants socia­ La relation des événements dans la listes, Emile Vandervelde, que son presse estudiantine est indubitable­ cercle n'avait pas à utiliser les locaux ment plus vive et plus imagée : « L'on- de l'Université pour organiser des » doyant et divers M. Philippson s'em- conférences publiques avec orateurs » pêtra en des affirmations contradic- étrangers à l'Université sur des sujets » toires » et « M. Buis, l'homme qui non académiques. » avait appelé contre les défenseurs Les faits s'inscrivent dans la suite » de la liberté scientifique les poings des événements qui agitèrent l'Uni­ » des roussins » n'en sont que des versité à la fin du siècle passé : dé­ exemples. Et elle conclut : » Les étu- fense de la thèse de Sarolea pro- » diants remportaient, après trois Tiberghien celle-là, en octobre 1893 » mois de lutte, une complète vic- [cfr Biographie nationale, t. XXXIX, » toire ... mais n'oubliaient point 1968, col. 677). On notera que paral­ » que sans la protestation, superbe lèlement aux événements qui eurent » et courageuse de la séance d'inau- lieu au cours de la séance du 25 octo­ » guration, la question Dwelshauvers bre 1890, les étudiants ont émis le » était enterrée, le principe sacré du vœu d'être représentés au conseil » libre-examen foulé aux pieds. C'est d'administration et, que la présidence » par la jeunesse universitaire que la de ce dernier soit donnée au recteur » recherche indépendante a triomphé ou à l'administrateur-inspecteur, ce » des intransigeances sectaires ». On qui excluait le bourgmestre Buis. recherche en vain la moindre allusion Les événements vont en s'aggra- antigermanique dans ces mots, motif vant : délégation d'étudiants au do­ invoqué cependant dans la plupart micile du professeur Philippson et des encyclopédies pour justifier la interrogatoire du « coupable » ; ob­ démission de Martin Philippson. struction de son cours ; plainte du Martin Philippson quitte Bruxelles 645 PHILIPPSON 646 le 4 avril 1891 pour s'établir en Alle­ rung der Wissenschaft des Judentums, magne. La période bruxelloise avait Philippson dirigera cette société jus­ été féconde. Philippson avait été élu qu'à sa mort. Il dirigera en outre membre associé de l'Académie royale pendant sept ans la Verein für Juden- de Belgique le 10 mai 1886. Il avait Geschichte und Literatur. Il publia dès publié plusieurs grands ouvrages en 1898 des textes dans l'annuaire de librairie. Dans Les origines du catho­ cette association. licisme moderne. La contre-révolution C'est à son activité débordante que religieuse au XVIe siècle (Bruxelles, la communauté doit la création d'asso­ Editions C. Muquardt, 1884, 618 pa­ ciations provinciales aux environs de ges), l'auteur qui, dans l'ensemble de Berlin : fondation de colonies de tra­ ses recherches, s'intéresse spécialement vailleurs de Weissensee, d'une cen­ aux xvie et xvne siècles, évoque dans trale d'aide aux emigrants juifs né­ ce travail d'ensemble, basé sur les cessiteux, de maisons d'éducation à publications de divers auteurs, la Replin et Plotzensee, d'une institu­ résistance opiniâtre et systématique, tion pour enfants juifs arriérés à que l'église a organisée et soutenue Berlitz. On lui doit aussi la création contre les idées réformatrices. Il re­ d'archives générales de Juifs alle­ cherche comment Rome est parvenue mands. Ces occupations d'ordre social à reconquérir une partie considérable ne l'empêchent pas de rédiger de gros du terrain perdu en réorganisant ouvrages. Ce sont en 1895 : Ein l'Eglise sur des bases nouvelles, en Ministerium unter Philipp II. Kardi­ lui donnant des dogmes plus exclu­ nal Granvelle am Spanischen Hofe sifs et une politique plus offensive. (1579-1586) ; en 1897, Der Grosze Une préparation de six années a été Kurfürst Friedrich Wilhelm von Bran­ nécessaire pour publier l'Histoire du denburg (3 volumes) ; en 1898, une règne de Marie Stuart dont le premier biographie de 395 pages du libéral tome a paru à Paris en 1891 chez Max von Forckenbeck décédé six ans E. Bouillon. Il s'agit de l'histoire de plus tôt ; en 1900, Das Leben Kaiser la grande lutte dans laquelle Marie Friedrichs. Stuart a été impliquée : la lutte Il publie en 1901 La Paix d'Amiens entre le catholicisme et le protestan­ et la politique générale de Napoléon Ier tisme en Ecosse et dans toute la (dans Revue historique, Paris, t. 75, Grande-Bretagne, en même temps janvier-avril 1901, p. 286-318; t. 76, que l'union du Nord et du Sud de mai-août 1901, p. 48-78), où il dénonce l'île britannique. L'ouvrage, basé sur la mauvaise foi de Napoléon après des documents originaux, comportera la signature du traité, le désir intense 3 volumes qui présenteront une large de paix de l'Angleterre — au point fresque historique, riche en détails d'en paraître naïve 1 — et la tendance géographiques et pittoresques. vers la monarchie universelle de Le professeur Martin Philippson élit Napoléon. Douze ans plus tard, en domicile à Berlin. II se confinera 1913, en pleine tension internationale, désormais dans des activités pro- il publie en librairie une traduction israélites, sa carrière académique étant allemande à peine complétée de bloquée en raison de son appartenance données nouvelles : Die äussere Politik à la Communauté juive. Napoleons I. Der Friede von Amiens Les encyclopédies juives nous ap­ 1802 (Leipzig, 108 pages). Son ouvra­ prennent que, de 1896 à 1912, il pré­ ge, en trois volumes, Neueste Geschichte side le Deutsch-Israelitisches Gemein­ des Jüdischen Volkes (1907,1910,1911) debund. En 1902 et ce, jusqu'à son paraît à Leipzig sous le patronage du décès, il est président du Verband der Lehranstalt für die Wissenschaft des Deutschen Juden. Judentums qu'il dirige dans les Schrif­ En 1902, le rabbin Lucas-Globan ten, édités par la Gesellschaft zur För• ayant créé la Gesellschaft zur Forde­ derung der Wissenschaft des Juden- 647 PHILIPPSON 648

turns, série Grundriss der Gesamt­ Berlin, 1886, 1887, 1889 ; Entgegnung wissenschaft des Judentums. Le pre­ an Herrn Hans Delbrück, (Berlin, mier (1907) est consacré à l'histoire du 1885). peuple juif d'Europe occidentale et Il y a également lieu de mentionner centrale au XIXe siècle jusqu'aux les nombreux articles que Philippson environs de 1875. L'histoire de l'Eu­ confia à divers périodiques dont rope orientale slave et de l'Orient VHistorische Zeitschrift (Munich), les n'est effleurée que jusqu'à 1830. Le Mitteilungen aus der christlichen Lite­ deuxième volume (achevé en 1909) ratur des Auslands (Elberfeld), Γ Jenaer traite des Israélites d'Europe centrale Literaturzeitung, l'Athenœum belge, et occidentale de 1875 à 1908 et de Journal universel de la littérature, des l'histoire du peuple juif de l'Orient sciences et des arts (Bruxelles), la de 1830 à 1908. Enfin le troisième Revue de Belgique (Bruxelles), la Revue volume (1911) se rapporte aux Juifs historique (Paris), les Bulletins de polonais et russes pour la période qui l'Académie royale des Sciences, des s'étend de 1830 à 1910. Lettres et des Beaux-Arts de Belgique Ses opinions n'ont pas toujours été (Bruxelles), le Jahrbuch für Jüdischen acceptées. Sa publication Geschichte Geschichte und Literatur (Berlin). des Preussischen Staatswesens vom Tode Friedrich des Grossen bis zu den François Stockmans. Freiheitskriegen (Leipzig, 1880-1882), bien accueillie par une partie de la Renseignements aimablement commu­ critique est attaquée violemment par niqués par M. Jean Bloch, président du Consistoire central Israélite de Belgique, Hans Delbrück, historien et politicien. par Mme von Beckerath, conseiller en chef A Bruxelles, en 1885, dans une répli­ de la Bibliothèque de l'Université de que, Philippson reprend une à une les Bonn, par M. Kossack, archiviste de la attaques contenant maintes allusions Humboldt-Universität de Berlin. personnelles. En 1888, c'est au sujet Archives de l'Administration commu­ de Marie Stuart et d'Elisabeth d'An­ nale d'Ixelles, état civil. — Archives du gleterre qu'à la tribune de l'Académie Ministère de la Justice, à Bruxelles, Admi­ royale de Belgique s'amorce un échan­ nistration de la Sûreté publique, Ο nice ge de vues entre Philippson et Kervyn des Etrangers. — Archives de l'Université de Lettenhove. Son histoire des Juiis libre de Bruxelles, minutes des procès- verbaux des séances du Conseil d'admi­ n'aura pas non plus l'assentiment nistration, t. 9, n° 651-733, 1875-1882; général. Philippson se défend, comme t. 10, n°s 734-796, 1883-1890. on le lui a souvent reproché, de Index biographique des membres, corres­ choisir les faits et d'en passer sous pondants et associés de l'Académie royale silence, en faisant valoir qu'il ne s'agit de Belgique de 1769 à 1963, Bruxelles, pas d'un ouvrage pour spécialistes, 1964, p. 202. — Académie royale des Scien­ qui aurait comporté de nombreux ces, des Lettres et des Beaux-Arts de Bel­ volumes. Remarquons toutefois que gique. Notices biographiques et bibliogra­ phiques, 1886, Bruxelles, 1887, p. 394-395. si l'entente ne s'est pas toujours faite — L. Vanderkindere, 1834-1884. L'Uni­ au sujet de ses publications, plusieurs versité de Bruxelles. Notice historique, d'entre elles ont cependant connu au Bruxelles, 1884, p. 185. — Cte Goblet moins une seconde édition. d'Alviella, 1884-1909. L'Université de Philippson est en outre l'auteur de : Bruxelles pendant son troisième quart de Biographies de Philippe II d'Espagne siècle, Bruxelles, 1909, p. 201. — G. Gar­ et de Henry IV de France, dans Neuer nir, Souvenirs d'un revuiste, Bruxelles, [1925], p. 27-32. — « Le conflit universi­ Plutarch, vol. I, Leipzig, 1874 ; vol. II, taire s, dans Almanach de l'Université 1876; Das Zeitalter Ludwigs XIV, libre de Bruxelles, 1891, p. 1-16. — H. Berlin, 1879; Westeuropa im Zeitalter Dieudonné, « La vie universitaire à Bru­ von Philipps II, Elisabeth und Hein­ xelles à la fin du siècle dernier >, dans rich IV, Berlin, 1879 et 1882-1883 ; Les Cahiers du Libre Examen, 3e année, Geschichte der neueren Zeit, 3 volumes, n» 2, novembre 1938, p. 3-7. — P. Stock- 649 PICCARD 650 mans, • Reclus (Jean-Jacques-Elisée) », montagne? Elles seraient inclinées dans Biographie nationale, t. XXXIV, et s'écrouleraient. Sur le sommet? Bruxelles, 1988, col. 671-690. — F. Stock- Il entrerait dans la cave... mans, « Sarolea (Charles-Louis-Camille) », dans Biographie nationale, t. XXXIX, L'un de ces enfants est Auguste Bruxelles, 1976, col. 769-800. — J. Bolle, Piccard, l'autre, son frère jumeau Philippson ou la volonté d'entreprendre, Jean. C'est ainsi qu'Hélène Piccard Bruxelles, 1976, p. 64. — « Philippson, présente son père dans une bibliogra- Martin Emmanuel •, dans S. Wininger et phie raisonnée de ses travaux. autres, Grosse Judische National - Biogra- Avec son frère jumeau Jean, Au- phie, t. V, Leipzig, s.d., p. 24-25. — t [Phi- lippson] Martin >, dans G. Herlitz et B. guste Piccard commence par fréquen- Kirschner, Jiidisches Lexïkon, t. IV/1, ter les écoles de Bâle. L'un et l'autre Berlin, s.d., col. 902-903. — H.A.S., sont des lecteurs passionnés de Jules « [Philippson] Martin », dans Encyclopae- Verne. C'est là que l'on trouve des dia Judaica, vol. 13, Jérusalem, s.d., ballons libres de constructions très col. 397. — B. Kervyn de Lettenhove, particulières, des sous-marins, des « Réponse à l'interpellation de M. Phi- hélicoptères. C'est là qu'on parle de lippson au sujet de sa lecture : Dernière séance du Conseil avant le supplice de vols autour de la lune et que l'on Marie Stuart a, dans Bulletins de l'Acadé- trouve des engins ressemblant à une mie royale des Sciences, des Lettres et des bombe atomique. C'est là que l'on Beaux-Arts de Belgique, 3e série, t. 15, peut lire ce que signifie la vitesse 1888, p. 443-451. — B. Kervyn de Letten- de 11,2 kilomètres par seconde, « la hove, • Réponse aux observations de deuxième vitesse cosmique », celle M. Philippson concernant Elisabeth et le qui est nécessaire pour s'échapper meurtre de Darnley », ibidem, p. 667-684. — H. Delbruck, « Landrath und Regie- vers l'espace, pour quitter la terre ! rung », dans Preussichen Jahrbucher, Ber- L'écolier attentif mais malheureux lin, t. 54, 1884, p. 518-532. — H. Del- devant une page d'Homère rêve : il brûck, « Compte rendu de l'ouvrage Ge- explorera le ciel en ballon libre, il schichte des Preussiacher Sloatswesems vom descendra au fond de la mer. Pour Tode Friedrichs des Grossen bis zu Frei- réaliser ces deux rêves, il lui faudra heitskriegen, ibidem, p. 578-592. des années de travail, de préparation, mais il réussira l'un et l'autre. Après l'école secondaire, Auguste * PICCARD (Auguste), physicien, Piccard étudie pendant deux semestres ingénieur, professeur à l'Université à la Faculté de Philosophie II (Scien- libre de Bruxelles, né à Bâle le 28 jan- ces naturelles) de l'Université de vier 1884; fils de Jules Piccard, pro- Bâle. fesseur de chimie à l'Université de En 1904, il publie son premier tra- Bâle, originaire de Lutry et de Villars-Sainte-Croix;vail scientifique, combien révélateur décédé d'une crise car- de son don d'observation et d'ana- diaque à Lausanne le 25 mars 1962, lyse, de sa capacité d'expérimenta- après une longue vie aussi active que tion : iVeue Versuche ùber die geotro- créative. pische Sensibilitàt der Wurzelspitze, Il y a un peu plus de quatre-vingt- Nouveaux essais sur la sensibilité dix ans, on aurait pu voir à la fenêtre géotropique des extrémités des racines. d'une voiture traversant la Suisse, Il s'oppose à l'opinion de Darwin, deux petites têtes blondes bouclées, généralement admise à l'époque, qui deux petits gamins parfaitement iden- attribue aux pointes des racines une tiques. Ils ont trois ans. Pour la pre- sensibilité particulière à la gravita- mière fois, leurs parents les emmènent tion. Cette sensibilité des pointes y dans les Alpes. Tout petits, ils ont provoquerait une excitation qui se déjà l'esprit logique des construc- transmettrait le long de la racine teurs. Ils discutent avec sérieux : jusqu'à l'endroit de la croissance comment les maisons sont-elles con- maximum et y créerait la courbure struites là-bas? Sur le côté de la nécessaire. Piccard observe diverses 651 PICCARD 652 racines de plantes placées dans une veaux bâtiments au Solbosch. Il centrifugeuse. Il montre que les raci­ s'agit de réorganiser l'enseignement, nes se déforment pendant la crois­ de créer un laboratoire de physique sance en fonction des forces agissant avec des travaux pratiques pour les sur toutes les parties de la racine et étudiants et de promouvoir la recher­ conclut qu'il n'y a pas dans la racine che. de conductibilité longitudinale à la La double formation d'ingénieur perception de la gravitation. et de physicien d'Auguste Piccard le Si j'ai résumé ce travail, c'est qu'il prépare tout particulièrement à occu­ est révélateur de toutes les qualités per la chaire de physique dans une qui vont s'épanouir dans le physicien école d'ingénieurs en phase de muta­ et l'ingénieur. Car en 1903, Piccard tion. Il accepte. Quand il arrive à entre à l'Ecole Polytechnique de Bruxelles, au printemps de 1922, il Zurich, où il obtient en 1910 le di­ n'existe encore que les fondations plôme d'ingénieur, après avoir tra­ des futurs laboratoires et salles de vaillé sous la direction du célèbre cours, ce qui permettra de les adapter professeur Aurei Stodola, grand spé­ parfaitement aux vues du nouveau cialiste des turbines. professeur. Mais les cours commen­ Attiré par la recherche, il devient çant en automne de la même année, assistant du professeur Pierre Weiss, ils sont d'abord improvisés dans un titulaire de la chaire de physique appartement vide et dans des bara­ expérimentale de l'Ecole Polytechni­ quements de l'entreprise de construc­ que, spécialiste du magnétisme au tion. Déjà dans ces cours et travaux point qu'un de ses élèves dit qu'il improvisés, on trouve les expériences faisait un cours sur « la physique à originales qui feront la réputation du » la lumière du magnétisme ». futur laboratoire de physique de la En 1914, Auguste Piccard obtient Faculté des Sciences appliquées de le titre de docteur en sciences natu­ Bruxelles. L'année de l'installation relles après présentation d'une thèse en Belgique, 1922, est aussi celle de sur le coefficient de magnétisation de la naissance de son fils Jacques, qui l'eau et de l'oxygène. Nous revien­ aidera son père dans le domaine du drons sur ce sujet dans l'analyse de bathyscaphe. l'œuvre du physicien. Aidé d'assistants et de collabora­ En 1915, il est nommé chargé de teurs, Auguste Piccard développe son cours (Privatdozent) et en 1917, pro­ activité de professeur et de chercheur fesseur extraordinaire [Titularprofes- en gardant une double orientation : sor) à l'Ecole Polytechnique de Zu­ problèmes scientifiques d'une part, rich. questions techniques d'autre part. La Durant la période de la guerre, il symbiose de l'ingénieur et du physi­ sert dans une unité suisse d'aérosta- cien qu'il réalise parfaitement con­ tion qui vient d'être constituée ; il duit à des solutions originales de acquiert ainsi une expérience prati­ maints problèmes. que de vol en ballon libre, qui lui Il élargit le cadre du laboratoire sera précieuse. et commence des expériences en bal­ Après la fin de la guerre, Pierre lon libre dont il est pilote expérimenté, Weiss retourne à Strasbourg, sa ville depuis son service dans l'unité d'aéro- natale, et Auguste Piccard lui suc­ station de l'armée suisse. cède à la chaire de physique expéri­ En 1926, il répète en ballon libre mentale du Polytechnicum (1920). à haute altitude l'expérience de Mi- L'imprévu arrive bientôt sous la chelson, expérience fondamentale pour forme d'une offre venant de l'Univer­ la confirmation de la théorie de la sité libre de Bruxelles (1922), dont relativité. la Faculté des Sciences appliquées Il prépare ensuite une ascension agrandie va s'installer dans de nou­ stratosphérique en cabine étanche 653 PICCARD 654 dans le but d'étudier l'origine du » ballon dans l'air. Piccard et Beebe rayonnement cosmique. Elle a lieu » se connaissaient, étaient au courant le 27 mai 1931 au départ d'Augsbourg, » de leurs projets respectifs et s'admi- en Bavière. Son assistant est Paul » raient mutuellement malgré la dif- Kipfer. Une seconde ascension est » férence de leurs idées. Pourtant, réalisée le 18 août 1932, au départ » aucun des deux ne se serait risqué de Dübendorf, près de Zurich, avec » en plongée dans l'appareil de l'au- Max Cosyns comme collaborateur. » tre » ... Nous en étudions les résultats scien­ « Le premier essai de plongée sans tifiques d'autre part. » équipage du FNRS II eut lieu au Après le succès des expéditions stra- » large de Dakar et la profondeur tosphériques qui lui ont apporté la » atteinte fut de 1380 m. Malheureu- gloire, Auguste Piccard reporte son » sèment, lors de sa récupération par attention vers un autre projet qu'il » mer agitée, l'enveloppe protectrice nourrit depuis sa jeunesse, l'explora­ » du bathyscaphe fut endommagée tion des fonds marins. » et on dut le ramener à l'abri d'un Mais la guerre survient et inter­ » port pour la réparer. Le public, et rompt brusquement la réalisation de » particulièrement la presse, qui avait ce projet. Auguste Piccard quitte la » passionnément suivi l'exploit, fut Belgique en 1940 et regagne son pays » profondément déçu. Devant cette natal où il travaille dans l'industrie, » faillite apparente, le monde cessa d'abord aux Ateliers de construction » de s'intéresser à l'expérience. mécanique de Vevey (jusqu'en 1941), » Beaucoup estimaient qu'une part puis dans l'industrie de l'aluminium » trop importante des ressources du à Chippis (Valais). » F.N.R.S. était consacrée à ce projet En 1947, il retourne en Belgique » alors que les fonds étaient limités et il reprend son activité d'enseignant » et que de nouvelles orientations sous une forme réduite (cours libre) » scientifiques s'imposaient. C'est cette sans toutefois reprendre la direction » tendance qui l'emporta. du laboratoire de physique, jusqu'en » Piccard se retrouva seul et oublié, 1954. Il rentre en Suisse avec sa fa­ » les ressources financières qui mille et se fixe à Chexbres, près de » l'avaient soutenu jusque-là lui ayant Lausanne. » été coupées. Plus tard, les Français, Après la guerre, il poursuit ses » qui commençaient à s'intéresser aux travaux sur le « ballon libre sous- » plongées expérimentales de Dakar, marin », le bathyscaphe, grâce à l'aide » prirent conscience des énormes pos- du Fonds National de la Recherche » sibilités de la sphère de plongée et Scientifique belge. Un premier bathy­ » reçurent en cadeau le bathyscaphe, scaphe est construit : le FNRS II. » finalement peu endommagé. Avec « Le premier homme à avoir effec- » l'aide de Piccard, ils construisirent » tué des plongées profondes à l'aide » le FNRS III qui fut, lui, une très » d'une sphère résistante aux grandes » grande réussite ». » pressions (bathysphere) avait été « Malgré les déceptions de 1948, » le professeur américain William » les nombreux contretemps et l'in- » Beebe. Son habitacle était relié par » compréhension presque générale dont » un câble d'acier à un bateau qui » il était l'objet, même dans son pays, » le traînait sur le fond de l'océan. » Auguste Piccard alla superviser en » Lorsqu'en 1937, Auguste Piccard » Italie la construction d'un bathy- » décida de perfectionner ses premiers » scaphe entièrement nouveau : le » projets, son but était déjà de con- » Trieste. » struire une sphère de plongée auto- » En 1953, accompagné de son fils » nome, ou bathyscaphe, c'est-à-dire » Jacques, il plongea en Méditerranée » un vaisseau capable de se mouvoir » à la profondeur record de 3.150 m. » aussi aisément sous l'eau que son » Cet exploit souleva l'enthousiasme 655 PICGARD 656

» du monde entier. Redoublant d'éner- 1932 pour commémorer les deux vols » gie, Piccard se mit à améliorer en- historiques des 27 mai 1931 et 18 août » core le Trieste. Ces perfectionne- 1932. » ments conduisirent à la création » d'un nouveau véhicule sous-marin, L'œuvre du physicien. » le mésoscaphe, destiné à l'explora- Les publications d'Auguste Piccard » tion des profondeurs moyennes » sur des questions de physique dépas­ (d'après H. Heberlein, Cfr bibliogra­ sent la centaine. Nous nous bornerons phie). à l'analyse des résultats les plus im­ Jacques Piccard et sa mère avaient portants, en suivant les inventaires été un soutien inestimable pour Au­ des physiciens Georg Busch et Ernest guste Piccard durant la période diffi­ Stahel. cile qui suivit 1948. C'est eux qui La période de Zurich fut la plus lui donnèrent la force et le courage féconde pour le travail de physique de reprendre ses travaux. Une étroite pure, celle de Bruxelles pour l'œuvre collaboration se développa alors entre de physique technique et d'ingénieur le père et le fils. C'est Jacques Piccard réalisateur. qui parvint à obtenir les fonds néces­ Peu après avoir obtenu son diplôme saires à la réalisation du Trieste. Di­ d'ingénieur, Auguste Piccard publie rigé par son père, Jacques prit les un travail sur l'effet de forts champs commandes du bathyscaphe. magnétiques sur la période de désin­ De 1952 à 1960, il effectua soixante- tégration d'un corps radioactif. cinq plongées réussies, travaillant en On pensait à l'époque que la désin­ collaboration avec les Américains tégration d'un atome radioactif était dès 1957. Le Trieste I fut envoyé aux en rapport avec la constellation des Etats-Unis et muni d'une sphère con­ couches électroniques de cet atome. çue pour résister à des pressions plus L'effet Zeeman (subdivision des raies élevées encore : le Trieste II était né. spectrales de l'atome) était connu de­ Il fut utilisé dans un programme de puis longtemps. On savait qu'un plongées dans le Pacifique Ouest en champ magnétique peut agir sur les collaboration avec l'U.S. Navy. Le couches électroniques. Par conséquent, 23 janvier 1960, Jacques Piccard et si la désintégration radioactive était le lieutenant Don Walsh atteignirent déterminée par la configuration de dans la tranchée des Mariannes, la ces couches, on pouvait penser qu'un plus grande profondeur marine con­ champ magnétique pourrait altérer nue au monde, près de 11.000 mètres. la constante radioactive. Quelques années plus tard, après La conception de cette expérience la mort de son père, Jacques Piccard est typique de la méthode de travail réalisa un mésoscaphe, le Ben Fran­ de Piccard. Dès ce premier travail klin, avec lequel, en compagnie d'un de physique, il utilise une méthode équipage de six membres parfaite­ de compensation, une méthode de ment entraînés, techniciens et spécia­ zéro. listes, il explora le Gulf Stream (1969). Il mesure le taux de désintégration Il y parcourut 2.800 km en trente par le rayonnement gamma émis par jours, en dérivant dans le courant. deux préparations identiques dont Auguste et Jacques Piccard ont l'une se trouve dans le champ magné­ reçu les plus hautes distinctions. Ils tique. La mesure est effectuée par furent reçus par le Président des deux chambres d'ionisation. Le cou­ Etats-Unis, furent faits citoyens rant d'ionisation est mesuré par un d'honneur de nombreuses villes et électromètre dans un montage en docteurs honoris causa de plusieurs opposition tel que l'instrument ne universités. Des timbres spéciaux ont dévie pas si les courants sont identi­ commémoré leurs exploits. Les pre­ ques. Une grande sensibilité est donc miers furent émis par la Belgique en possible. Piccard a pu montrer ainsi 657 PICCARD 658 que le taux de désintégration de aimantées que l'on utilisait à l'époque, Ra Bra variait de moins d'un millième pour des champs magnétiques exté­ dans un champ magnétique de rieurs. 45.000 0e. Il a répété l'expérience En plus de la susceptibilité de quelques années plus tard dans un l'eau, Piccard a déterminé celle de champ deux fois plus élevé, avec le l'oxygène, également avec une grande même résultat, prouvant que le précision. champ magnétique n'avait pas d'effet Malheureusement, à partir de cet sur la désintégration radioactive. excellent travail expérimental, ap­ L'idée de faire des mesures, partout prouvé par Pierre Weiss et Albert où c'était possible, par une méthode Einstein, Piccard a tiré la conclusion de zéro constitue un fil conducteur (erronée) que la molécule paramagné- dans les travaux de Piccard. Elle est tique de l'oxygène portait exactement à la base de son travail de doctorat sept magnetons de Weiss. sur Le coefficient d'aimantation de Pierre Weiss, dont les mérites sont Veau et de l'oxygène. éclatants dans l'étude des propriétés L'eau est diamagnétique et, vu magnétiques de la matière, spéciale­ l'excellente reproductibilité de ses ment dans le domaine du ferromagné­ propriétés, sert de substance diama­ tisme, croyait à l'existence d'un mo­ gnétique étalon. ment magnétique unitaire, le magné- D'où l'intérêt de connaître exacte­ ton, tel que le moment magnétique ment la susceptibilité magnétique de de toutes les substances en soit un l'eau. Les valeurs obtenues par Pic­ multiple entier. Cette plus petite card sont les plus sûres et les plus unité du moment magnétique est précises connues avec celles de Auer — nous le savons aujourd'hui — le publiées vingt ans plus tard. L'écart magneton de Bohr, dont la valeur est entre les deux ne dépasse pas cinq cinq fois plus grande que celle du millièmes et il est difficile de trancher magneton de Weiss. En outre, les lesquelles de ces deux séries de va­ moments magnétiques des atomes ou leurs sont les meilleures. Ceux qui des molécules ne sont pas — en gé­ ont mesuré la susceptibilité d'une néral — des multiples entiers du substance diamagnétique savent les magneton de Bohr. difficultés énormes qu'il y a pour Piccard défendait à l'époque avec mesurer des valeurs absolues. ardeur l'opinion de son maître, mais Pour ce travail de doctorat, Piccard ce ne peut être un reproche, l'erreur a construit une balance magnétique étant une des voies du progrès en d'une très grande précision, avec la­ physique. quelle il détermina la force exercée Piccard est également l'inventeur sur un échantillon placé dans un d'une méthode de mesure de gran­ champ magnétique donné. Cette ba­ deurs magnétiques, réalisée en 1917 lance permet de mesurer une force et encore utilisée sous le nom de de 2 IO-5 g et sa sensibilité est telle moving-sample-method, dont il existe qu'un tram passant à 100 mètres maintes variantes de réalisation. Le perturbe les mesures. Aussi Piccard système de mesure consiste en une ne pouvait-il faire ses mesures qu'en­ longue bobine qui produit un champ tre minuit et six heures du matin. magnétique homogène et constant Il est piquant de rappeler qu'à dans le temps. A l'intérieur de cette l'époque le tram ne passait pas comme bobine se trouvent deux bobines aujourd'hui devant l'Institut de Phy­ pick-up coaxiales et identiques, re­ sique de Zurich. liées en opposition à un galvanomètre On l'avait dévié par la rue Mousson balistique. avec un virage en épingle à cheveux L'échantillon dont on désire mesu­ à la rue Volta pour éviter les pertur­ rer la susceptibilité est déplacé par bations des galvanomètres à aiguilles un mécanisme approprié d'une bobine 659 PICCARD 660 pick-up dans l'autre. La variation C'était, dans ses jeunes années, un du flux magnétique ainsi provoquée premier record qui contribua large­ et mesurée par un galvanomètre, ment à la connaissance des tremble­ fournit une mesure de la susceptibi­ ments de terre. lité. A Bruxelles, de nouvelles orienta­ L'année suivante, 1918, est celle tions s'introduisent dans l'activité d'une découverte fondamentale pour scientifique de Piccard. Il répète la thermodynamique des phénomènes l'expérience fondamentale de Michel- magnétiques et pour la physique des son en ballon libre, avec la collabo­ basses températures. Piccard et Weiss ration d'Ernest Stahel. étudient la magnétisation du nickel L'impulsion avait été donnée par en fonction du champ et de la tem­ les expériences de D.C. Miller au pérature. Les températures de l'échan­ Mont Wilson. Miller prétendait avoir tillon sont mesurées par un thermo- trouvé à cette altitude un vent d'éther couple relié à un galvanomètre. A d'environ 10 km/s. Ce résultat a été chaque variation du champ est asso­ infirmé par Piccard et Stahel (presque ciée une variation de température. simultanément avec Kennedy) et Piccard et Weiss viennent de décou­ cela grâce à l'amélioration de l'appa­ vrir l'effet magnétocalorique. Ils en reillage (enregistrement photographi­ donnent immédiatement l'explication que à la place de l'observation vi­ thermodynamique correcte. Ce ne suelle). Dans les publications de fut pendant des années qu'une curio­ Piccard et Stahel on trouve une dis­ sité physique jusqu'en 1926 où Debye cussion détaillée et poussée de leur a attiré l'attention sur son utilisation expérience de Michelson. Les mesures possible pour atteindre de très basses de Piccard et Stahel étaient compa­ températures. tibles avec une vitesse absolue de la La méthode reste utilisée aujour­ terre par rapport à un éther hypo­ d'hui pour l'obtention de tempéra­ thétique d'environ 1,5 km/s au maxi­ tures extrêmement basses, jusque mum. Ils ont indiqué une limite dans le domaine du millième de degré d'erreur de leurs mesures de 4 km/s. Kelvin par la démagnétisation adia- Après avoir refait des expériences batique de sels paramagnétiques. sur le Mont Rigi, ils ont estimé l'er­ L'intérêt d'Auguste Piccard ne se reur de leurs nouvelles expériences limite pas au domaine du magné­ à 2,5 km/s. Il semble que Piccard tisme. Il couvre notamment la radio­ croyait à l'existence du vent d'éther activité, la théorie de la relativité, lorsqu'il avait repris les expériences le rayonnement cosmique... de Michelson. Ses expériences ont en En 1917, il s'occupe de la famille tout cas été une étape dans la solu­ de désintégration radioactive de l'ac- tion d'une question alors controver­ tinium et il avance l'hypothèse que sée. Elle a été définitivement résolue l'origine de cette famille serait un par Georg Joos à Jena, quatre ans isotope de l'uranium encore inconnu. plus tard. Il a pu montrer que si un L'isotope imaginé par Piccard n'est tel vent existait, sa vitesse serait autre que l'Uranium 235, devenu inférieure à 1 km/s et en conséquence fondamental pour l'exploitation indus­ qu'il n'existait probablement pas. Le trielle de l'énergie nucléaire. postulat de la constance de la vitesse Dans le domaine de la physique de la lumière, base de la relativité technique, Piccard réalise en 1920, restreinte, avait ainsi trouvé une avec la collaboration du professeur confirmation expérimentale défini­ de Quervain, un sismographe de tive. 20 tonnes installé et utilisé sans inter­ A Bruxelles, Piccard a pu continuer ruption jusqu'à nos jours dans le ses recherches dans le domaine de la pavillon séismologique de la station radioactivité sur une plus grande suisse de météorologie au Zurichberg. échelle, parce que, à l'époque, la 661 PICCARD 662

Belgique était le producteur principal presque 16.000 m, mesures rendues d'uranium et de radium. Il a installé très difficiles par la condensation de un poste de mesure pour des prépa­ la vapeur d'eau et la formation de rations radioactives médicales, per­ glace à l'intérieur de la nacelle, Pic­ mettant d'étalonner ces préparations card a confirmé cette augmentation rapidement et avec précision. de l'intensité du rayonnement cosmi­ Le problème de la mesure de l'in­ que jusqu'à une altitude non encore tensité du rayonnement dans le voi­ explorée antérieurement. A ce succès sinage immédiat des tubes et aiguilles est mêlé un peu de malchance. Si les de radium à usage médical n'était deux chercheurs étaient montés 1.000 pas résolu ; et c'est pourtant cette ou 2.000 mètres plus haut, ils auraient fraction-là du rayonnement qui est pu être les premiers à constater qu'à particulièrement efficace pour les des altitudes plus élevées l'intensité applications. Piccard a suggéré une du rayonnement secondaire du rayon­ recherche qui a conduit à la construc­ nement cosmique (primaire) commen­ tion d'une microchambre d'ionisation çait à diminuer. Cette constatation à liquide de 1 mm3 de volume seu­ fondamentale pour la physique du lement. On pouvait grâce à cet appa­ rayonnement cosmique n'a été faite reil établir des courbes d'isodoses que plus tard, par des ballons sondes dans le voisinage immédiat de la sans occupants. source. C'était la solution du problème Même si la moisson scientifique du posé. premier vol stratosphérique n'a pas Bien d'autres recherches moins été très abondante, ce vol n'en reste importantes mais significatives ont pas moins une grande performance été faites dans son laboratoire, no­ technique et sportive. tamment sur une unité rationnelle Grâce à lui, la NASA considère d'intensité lumineuse, sur la déter­ officiellement la cabine du FNRS I mination expérimentale des tensions comme la première cabine spatiale. de torsion, sur la détermination très Du côté de l'exploration des mers, précise du rapport des charges élé­ Auguste Piccard est mort sans avoir mentaires positive et négative (re­ pu assister au développement de la cherche suggérée par Einstein), sur recherche qu'a permis la voie qu'il l'effet photoélectrique et l'effet Comp- a ouverte. ton du rayonnement gamma. Toutes ces expériences faites par lui-même Les ascensions stratosphériques : 27 mai ou par ses élèves et collaborateurs 1931 et 18 août 1932. ont toujours été réalisées avec des moyens réduits complétés par une Impossible de mieux décrire les imagination expérimentale extraordi- préparatifs, les difficultés, les résultats nairement fertile. Piccard était plus de la première ascension stratosphé­ un physicien expérimentateur, un rique que ne l'a fait le professeur observateur hors du commun qu'un Georges A. Homes, alors chargé de physicien généraliste ou théoricien. cours à l'Université et assistant au Revenons sur l'objectif scientifique laboratoire du professeur Piccard, des ascensions stratosphériques. Le dans le Bulletin mensuel de l'Union but était de mesurer l'intensité du des Anciens Etudiants de l' Université rayonnement cosmique en fonction libre de Bruxelles de juillet 1931. de l'altitude. Par des essais en sta­ « ... Dans le but d'étudier l'origine tions de montagne à différentes alti­ » du rayonnement cosmique et son tudes et par des ballons sondes, on » absorption par l'air atmosphérique, savait que le degré d'ionisation de » M. Piccard s'était proposé d'effec- l'atmosphère augmentait avec l'alti­ » tuer des mesures jusqu'à 16.000 mè- tude. » tres, altitude pour laquelle les neuf Par des mesures à une altitude de » dixièmes de la masse atmosphérique 663 PICCARD 664

» se trouve sous l'observateur. Profì- » plètement sphérique, elle compor­ » tant de l'ascension, M. Piccard vou- li tait neuf hublots et deux entrées » lait étudier l'ionisation de l'air, le » ou trous d'hommes ; son épaisseur » champ électrique terrestre et le » était de 3 millimètres. Un plancher » rayonnement solaire en fonction de » circulaire était suspendu par huit » l'altitude. » colonnes également en aluminium ; » M. Piccard voulait en outre mon- » ces colonnes se terminaient chacune, » trer au monde la possibilité de se » au-dessus de la nacelle, par un » transporter sans grand risque, en » anneau destiné à la suspension de » cabine hermétique, dans la strato- » la cabine. » sphère. C'est là un problème d'in- » ... » térêt capital pour l'aviation de » La préparation scientifique de » l'avenir. » l'expérience fut exécutée dans les » ... » laboratoires de physique de l'Ecole » Le rêve que caressait M. Piccard » polytechnique, sous la direction de » est devenu une réalité grâce à l'im- » M. Piccard. C'est avec enthousiasme » portante subvention que lui a oc- » que les nombreux collaborateurs de » troyée le Fonds national de la re- » M. Piccard s'attelèrent chacun à la » cherche scientifique. » mise au point de tel ou tel appareil. » Cette subvention servit : 1° à la » La plupart des pièces mécaniques » confection du ballon de 14.000 mè- » et tout le montage furent exécutés » tres cubes ; 2° à la confection de la » dans les ateliers des laboratoires et » cabine d'aluminium ; 3° à l'achat » les techniciens rivalisèrent de zèle, » des instruments et aux frais géné- » en l'occurrence. Certaines pièces mé- » raux de l'expédition. » caniques spéciales — notamment la » Pour élever dans la stratosphère » poulie de commande de la soupape » la cabine avec les observateurs et » et l'appareil servant à lâcher le » les appareils, le ballon devait avoir » lest — furent construites par les » une grande force ascensionnelle, ce » ateliers Destappes à Bruxelles. » qui implique un grand diamètre. » On dit que la prudence est mère » Complètement gonflé, le ballon pré- » de la sagesse : M. Piccard manifesta » sentait un diamètre de 30 mètres. » sa prudence en étalant une méfiance » Au départ, il ne devait contenir que » remarquable à l'égard de tous les » 2.000 mètres cubes, l'hydrogène se » essais auxquels il n'avait pas assisté » dilatant au fur et à mesure de l'ascen- » et de tous les appareils qui n'avaient » sion pendant laquelle la pression » pas été construits sous sa direction. » atmosphérique diminue graduelle- » ... » ment. » Le problème du lest présente » Pour éviter la formation de plis » quelque pittoresque. Les aéronautes » dans l'enveloppe pendant cette di- » devaient emporter, pour s'élever » latation spontanée, et pour diminuer » assez haut, une importante masse » la masse à élever, le ballon était » de lest qui devait pouvoir être lâchée » dépourvu de filet. La nacelle devait » sans créer de fuite dans la nacelle. » être suspendue à un ceinturon fixé » La place étant mesurée, le lest de- » à l'enveloppe. Un ballon aussi spe­ » vait occuper un petit volume, d'où li cial ne pouvait être construit que » le choix du plomb. De grandes mas- » par une très grande firme. M. Pic- » ses de plomb lâchées de 16.000 mè­ » card fixa son choix sur la fabrique li tres n'avaient qu'une faible proba- » Riedinger à Augsbourg dont la si- » bilité de tomber sur des êtres hu- » tuation géographique était des plus » mains ; mais si cependant elles les » favorables au départ. » atteignaient, l'accident était mortel. » La construction de la nacelle » M. Piccard opta pour la grenaille » d'aluminium fut confiée à la Société » de plomb de diamètre suffisamment » belge d'aluminium G. L'Hoir. Com- » petit pour qu'un grain tombant sur 665 PICCARD 666

» la cornée d'un curieux ne le blesse » pouillement de toutes les mesures » pas. En cette circonstance, la haute » enregistrées. » cheminée de l'Université, au Sol- » L'accident de la corde de la sou- » bosch, rendit d'utiles services. Les » pape a contraint les deux physiciens » cobayes du Laboratoire de Physi- » à emballer tous les appareils avant » que, mêlés à la suie du fond de la » de tenter une descente qui risquait » cheminée, éprouvèrent sur leur crâne » d'être périlleuse. Cet accident les a » l'absence totale de danger de la » ensuite contraints d'attendre le bon » pluie de grenaille de plomb que » vouloir de la température pour » M. Piccard répandait du sommet de » descendre lentement et aller enfin » la cheminée. » » atterrir dans d'assez bonnes condi- Nous ne pouvons modifier cette » tions sur le glacier de Gurgl. citation, mais en fait Auguste Piccard » Que dire de l'après-midi d'an- s'était placé lui-même au bas de la » goisse du 27 mai, de la nuit du 27 cheminée pour être assuré de ne faire » au 28, de la journée du 28? Le plus de mal à personne. » éloquent narrateur de ces heures « La température était mesurée au » épouvantables serait sans doute, s'il » dehors et à l'intérieur de la cabine » pouvait parler spontanément, l'ap- » à l'aide de couples thermo-électri- » pareil téléphonique immatriculé sous » ques et d'un thermomètre à mer- » le numéro 48.57.12 à Bruxelles. Ce » cure. Il était à craindre que les » témoin effacé a été le confident de » observateurs enfermés dans la sphère » tous les espoirs et de toutes les » d'aluminium exposée au rayonne- » craintes. Il a réuni autour de lui, » ment solaire particulièrement intense » près de l'atelier d'où étaient sortis » au-dessus des nuages, fussent rôtis » tant d'appareils de l'inquiétante » dans leur étuve. Pour régler la » nacelle, les collaborateurs et les » température, la cabine présentait » amis des deux héros, au cœur serré » extérieurement un hémisphère bril- » à la pensée de ces captifs de l'atmo- » lant et un autre noirci, et le ballon » sphère, à la pensée d'une mère cou- » était orientable à l'aide d'une hélice » rageuse qui attendait là, à deux » commandée de l'intérieur de la ca- » pas, à l'orée du Bois... Il a alerté » bine. De plus, une banderole pou- » le monde entier, ce 48.57.12 et ses » vait porter ombre sur la nacelle. » appels n'ont reçu que des réponses » ... » toujours plus inquiétantes jusqu'à » L'ascension du 27 mai 1931. » la fin de l'après-midi du 28 mai, » ... M. Piccard est monté plus » deux minutes avant qu'arrive à » vite qu'il ne le pensait et le temps » Mme Piccard l'heureux télégramme : » très court de l'ascension a dû être » " Après course longue et difficile, » employé à réparer une fuite. Ce » avons fait bon atterrissage. Pour » contretemps l'a forcé à renoncer à » Kipfer et moi, tout va bien. Avons » une partie de son programme de » atteint hauteur désirée " ». » recherches ; par contre, la longue « ... » » station dans la stratosphère lui a Il est pittoresque — mais un peu » permis de prendre de nombreuses sinistre — de savoir pour la petite » mesures du rayonnement cosmique histoire que certains journaux avaient » à haute altitude, but essentiel de laissé entendre, dès le 27 mai au soir, » l'expédition. que les deux explorateurs avaient » Dans sa conférence du 10 juin, péri asphyxiés dans leur cabine. » à la séance du Palais des Acadé- Le secret de la réussite est le résul­ » mies, M. Piccard a exposé lui-même tat d'une longue et minutieuse pré­ » les résultats partiels qu'il peut déjà paration et la prévision de tout, y » déduire de ses mesures. Les résul- compris les incidents. » tats complets ne pourront être énon- Pendant l'ascension, le baromètre » ces définitivement qu'après le dé- est cassé et le mercure s'écoule au 667 PICCARD 668 fond de la sphère. On sait que le de ses succès et le fondement de sa mercure attaque l'aluminium. Prévu : courageuse confiance. Il faut y join­ le fond de la nacelle était couvert dre son adresse extraordinaire. Sa d'une couche de peinture protectrice. confiance et son adresse maintenaient Pendant l'ascension, une fuite appa­ son calme dans les situations les plus raît dans la nacelle. On peut boucher critiques. la fissure avec de la graisse mais Pour la réalisation d'une cabine celle-ci est chassée. On peut bourrer stratosphérique étanche, Piccard a de coton mais cela n'assure pas l'étan- joint ses qualités de physicien et chéité. Qu'à cela ne tienne, on mé­ d'ingénieur pour trouver une solution lange les deux et on utilise du coton à tous les problèmes : la purification imbibé de graisse. de l'air, la régulation de la tempé­ La première ascension stratosphé- rature, la manipulation depuis la rique s'est effectuée au départ d'Augs- cabine d'appareils se trouvant à l'ex­ bourg en Bavière. L'altitude atteinte térieur. Tout était nouveauté. Les fut de 15.785 mètres, établissant un solutions adoptées sont encore em­ record, le précédent étant de ployées aujourd'hui en aviation 13.146 mètres. Une seconde ascension comme pour les vols spatiaux. a eu lieu le 18 août 1932 ; elle amena Comment se rendre compte de Auguste Piccard et son nouvel assis­ cette nouveauté aujourd'hui où cha­ tant, Max Cosyns, jusqu'à 16.201 mè­ cun peut voler confortablement dans tres. Le départ avait été pris à Dü­ la stratosphère, en parcourant 30 km bendorf près de Zurich ; l'atterrissage à la minute dans l'avion supersonique eut lieu à quelques kilomètres du Concorde? La réalisation du bathy­ Lac de Garde (Italie). scaphe était tout aussi hérissée de La nacelle de la première ascension difficultés. Quel est le principe : une stratosphérique est conservée à l'Uni­ cabine lourde et résistante à la pres­ versité libre de Bruxelles. sion est portée par un ballon, cette La deuxième nacelle est au Science fois non pas rempli de gaz mais d'un Museum de South Kensington (Lon­ liquide plus léger que l'eau. Piccard dres) . a choisi l'essence. Puisque l'essence pèse environ 700 kg par mètre cube, L'œuvre de l'ingénieur. on obtient une force ascensionnelle de 300 kg par mètre cube. Comme L'œuvre d'ingénieur d'Auguste Pic­ en ballon libre, l'agent de remplissage card s'inscrit dans les appareils qu'il est soumis à la pression ambiante, ici a réalisés, dans la réalisation des vols la pression de l'eau. Il est contenu libres stratosphériques et dans celle dans des enveloppes à paroi métalli­ du bathyscaphe. que mince. Une ouverture au bas des Comme ingénieur, Piccard connais­ récipients d'essence permet à l'eau sait les limites imposées par la ma­ d'entrer et de sortir librement à la tière et par les méthodes d'usinage. pression extérieure de la mer. La pro­ Il était obligé, comme tout le monde, fondeur est réglée par du lest (gre­ d'appliquer des « coefficients de sécu­ naille de fer) ou en versant de l'es­ rité », qu'il qualifiait joliment de sence, opérations pour lesquelles Pic­ « coefficients d'ignorance ». card a trouvé des solutions simples Il essayait d'en trouver au moins et sûres. une justification approchée. Sa phi­ Pour la cabine aussi, formée de losophie était la suivante : si une deux hémisphères, Piccard a trouvé installation est bien pensée, si le cal­ d'emblée les solutions les meilleures cul est poussé aussi loin que possible pour tenir ces hémisphères ensemble et si elle est construite avec une marge hors de l'eau, pour les centrer, pour de sécurité, elle doit nécessairement assurer une étanchéité parfaite, pour fonctionner. C'est à la fois la base réaliser les hublots. Piccard a, bien 669 PICCARD 670 entendu, prévu et calculé le flambage. lial la détente nécessaire et une com­ Il a utilisé les lois de similitude préhension affectueuse pour ses en­ pour faire les essais préliminaires sur treprises, même les plus dangereuses. un modèle à l'échelle de un dixième, La maison familiale de l'Avenue vérification indispensable vu que la Ernestine était accueillante et ou­ pureté de la nacelle sphérique est verte. Einstein, Bohr, Rutherford, altérée par les différents orifices : Langevin et sans doute beaucoup trou d'homme, hublots, passage des d'autres hommes de science l'ont fré­ câbles... quentée. La similitude a été utilisée aussi Ernest Stahel, collaborateur du pour étudier le problème des hublots professeur Piccard affirme : « C'est coniques, réalisés en plexiglas, et » là que j'ai reçu pour ma vie des supportant d'énormes forces dues à » impulsions inoubliables et que j'ai la pression extérieure. » pu établir maints contacts person- Tout cela, Piccard l'a conté avec » nels ». un talent didactique hors pair dans Dans ce milieu, apparaissaient des son livre : Au fond des mers en bathy­ aspects du caractère d'Auguste Pic­ scaphe (Paris, Arthaud, 1954) ou dans card, occultés au laboratoire par son le texte allemand différent et précédé esprit de rigueur scientifique : un d'une introduction de Madame A. humour très prononcé, une très grande Piccard, lieber den Wolken, unter den compréhension humaine, un altruisme Wellen (Wiesbaden, D.A. Brockhaus, développé. 1954). Auprès de la famille Piccard, cha­ Des phrases courtes, précises, sans cun qui en avait besoin pouvait comp­ prétention mais avec souvent une ter sur une grande compréhension et trace de poésie font un régal des une aide active. livres de vulgarisation scientifique Auguste Piccard était inflexible et d'Auguste Piccard. Beau talent que sans indulgence sur un point : l'hon­ d'expliquer aux laïques de la science, nêteté scientifique et humaine. Il ses principales curiosités. Dans ce exigeait la rigueur dans les mesures, domaine aussi, il apparaît en nova­ dans la rédaction des comptes rendus teur. Peu d'illustres physiciens ont d'essais, dans les publications, dans fait une œuvre de vulgarisation scien­ la conception de nouvelles réalisa­ tifique d'une telle valeur. tions. Il veillait à ce que toutes les Tous les grands thèmes qui sont causes d'erreurs soient étudiées. Cette à l'avant-garde des préoccupations même rigueur, il la demandait dans actuelles ont été abordés ou suggérés les relations humaines, notamment par lui. Il suffit de consulter sa biblio­ dans celles avec les étudiants. graphie : métrologie nucléaire, éner­ J'ai connu Auguste Piccard en gie solaire, exploration sous-marine, 1939, tout auréolé de sa renommée, écologie, intelligence animale (les dau­ comme étudiant à la Faculté des phins en 1949), radioastronomie, Sciences appliquées de Bruxelles. technologies de pointe et leurs impli­ Je passe sur de brèves rencontres cations sous-jacentes en physique lorsqu'il préparait ses ascensions stra- expérimentale et théorique... tosphériques et venait consulter mon père qui dirigeait l'Institut Royal L'homme, le milieu familial. Météorologique. Auguste Piccard avait épousé la Sa taille élancée, ses bras et ses fille du professeur Denis, historien jambes qui n'en finissaient pas, sa français bien connu. Il eut cinq en­ mobilité physique exceptionnelle en fants (quatre filles et un fils). faisaient une personnalité extraordi­ A côté de ses multiples activités, naire, véritable source d'inspiration Piccard trouvait dans ce cercle fami­ pour les auteurs de la Revue annuelle, 671 PICGARD 672 où les étudiants se moquaient spiri­ » entamer un jour de rentrée I ... tuellement de leurs professeurs. » C'était le temps des dernières redin- Il écrivait au tableau noir, avec la » gotes, en chaire ... ». même adresse, des deux mains ; il Que d'imagination dépensée pour dessinait des deux mains simultané­ nous faire sentir la physique. Quelle ment, même si le croquis n'était pas initiation à l'expérience bien faite, à symétrique. Tout cela ébahissait ses la rigueur des mesures. Il faisait en­ auditeurs, tout autant que ses lunet­ trer de gré ou de force dans le cerveau tes à deux volets dont il montait ou de ses étudiants les notions si utiles descendait l'une des paires de len­ d'ordre de grandeur, de cohérence tilles afin de les adapter à la distance des unités, d'estimation de l'erreur. de vision nécessaire, ou bien les deux La méthode était simple. Dans un montres qu'il portait au poignet gau­ travail, si l'ordre de grandeur du che comme au droit. Au-delà de cette résultat n'était pas exact, la note originalité, il y avait le professeur qui était zéro, tout simplement. De même, préparait minutieusement de magni­ si l'on employait des unités apparte­ fiques expériences, réalisant un cours nant à des systèmes différents. de physique expérimentale au sens A l'examen : des questions d'appa­ propre du terme. rence très simples et très innocentes, Jean Germain, attaché au Rectorat qui sont à coup sûr les plus auda­ de l'Université, raconte une anecdote cieuses pour l'étudiant. Car que faire typique. avec un ingénieur qui se trompe d'un « En 1936-37, lors de mon entrée ordre de grandeur? » à l'U.L.B., l'usage était que la pre- De même, que faire d'un ingénieur » mière journée de cours fut d'offrir qui n'a pas notion d'une marge d'er­ » à tous les étudiants des leçons d'in- reur? » térêt général, accessibles à chacun, Je puis affirmer devoir à Auguste » indépendamment de la Faculté à Piccard, entre autres, trois caracté­ » laquelle il venait de s'inscrire. J'avais ristiques : mesurer, estimer un ordre » choisi la leçon de physique de Pic- de grandeur, apprécier l'erreur. C'est » card. Traitant d'acoustique, et pour un acquis incommensurable. » illustrer la relation entre vitesse de Les traits du caractère de Piccard » propagation (donc : hauteur) du expliquent le succès de ses expédi­ » son et densité des gaz, au milieu tions, dans la stratosphère comme au » d'une démonstration rigoureuse, Pic- fond des mers, expéditions menées » card se saisit soudain d'un tube de avec un grand courage personnel » verre qu'il s'introduisit ... dans le mais sans témérité. L'honnêteté en­ » nez ! De l'autre main, il actionna le vers lui-même et la perception des » détendeur d'une bonbonne d'hydro- exigences du monde physique lui ont » gène et se remplit les sinus d'une permis de prévoir et d'éliminer les » giclée d'H2. Cela fît monter brus­ difficultés majeures. ii quement sa voix vers l'aigu avec Piccard, c'est le triomphe de la » un effet de fausset du plus haut matière grise. Elle fournit la solution » comique. D'autant que, le gaz diffu- de principe qui s'actualise au prix » sant, sa voix (car il n'avait pas d'un long travail, où l'enthousiasme » cessé son cours) redescendait pro­ et la persévérance se relaient, sans li gressivement vers son registre nor- laisser de place à l'a peu près, à la » mal. lassitude, ou au « on verra bien ». La » Stupeurs et rires dans l'auditoire, qualité de concentration et d'imagi­ » tout surpris de voir le grand homme nation de cette intelligence sont hors » aussi peu soucieux d'une image de du commun. Chez elle, la pratique » marque, digne et doctorale, que de l'ingénieur leste l'envol du physi­ » d'aucuns n'auraient pas aimé voir cien. Inversement, le physicien donne 673 PICCARD 674 de l'élan et du sens aux calculs de Mais le problème le plus grave l'ingénieur comme aux essais du subsiste : le rapprochement des peu­ technologiste. ples. Le bon sens sans lourdeur, la pru­ Aujourd'hui, comme en 1931, on dence sans vaine inquiétude, la minu­ peut continuer d'espérer avec Jules tie éveillée, le souci d'être personnelle­ Bordet, Prix Nobel, félicitant Auguste ment responsable de tout en connais­ Piccard, que « les savants qui posent sance de cause marquent sa personna­ » de nouveaux jalons travaillent aussi lité. » pour une meilleure entente entre N'afïirmait-il pas que « l'explora- » les hommes ». » tion est le sport du savant », ce qui Nous avons perdu beaucoup d'illu­ lui permit d'être à la fois grand explo­ sions mais nous conservons un grand rateur et grand savant? espoir. Celui-là même qui animait un Auguste Piccard était persuadé que homme comme Auguste Piccard. la science n'a pas de frontière, qu'elle A la fin de sa vie, bien que la jalou­ doit rapprocher les hommes. C'est ce sie de quelques-uns de ses collègues qu'il dira dans un discours prononcé et l'incompréhension dont il se jugeait en juin 1931, après la première ascen­ l'objet l'eussent rendu parfois mé­ sion du FNRS, exprimant sa recon­ fiant, son intelligence restait merveil­ naissance au Fonds National de la leusement vivace même dans son très Recherche Scientifique : vieil âge et jamais il ne se découragea. « J'espère que la tentative que nous Il avait compris, l'un des premiers, » avons faite aura montré que la les dangers que peut présenter pour » stratosphère ne présente au point l'humanité le progrès technique. » de vue physiologique aucune diffi­ Très tôt, il attira l'attention sur culté spéciale » ... l'exigence de protéger l'environne­ « Je crois que preuve a été faite ment humain. Il lutta pour que la » que si l'on munit un avion d'une mer ne devînt pas une poubelle ato­ » cabine étanche, les voyageurs ne mique. Peu avant sa mort, il colla­ » courent aucun danger spécial. J'es- bora encore avec l'écrivain suisse » père que cette certitude donnera le Emmanuel Stickelberger à la publi­ » courage aux constructeurs. J'espère cation d'un ouvrage sur la conserva­ » que les constructeurs pourront, dans tion de la flore alpine. » un avenir pas trop lointain, monter Pour apprécier son agilité d'esprit, » dans les altitudes où nous avons il faut lire le texte qu'il écrivit pour » été et j'espère que le jour est pro- la réunion annuelle de la Société » che où les avions, sillonnant l'es- suisse des Bibliophiles à Bâle : César, » pace, passeront en quelques heures Cléopâlre et Einstein. Il est révélateur » de continent à continent ». des mille facettes de ce talent, de « Ils diront au monde que c'est le cette intelligence infatigable, de ce » Fonds National belge de la Recher- précurseur. Les prêtres égyptiens au­ » che scientifique qui leur a ouvert raient découvert la théorie de la » le chemin, et ceci contribuera au relativité d'Einstein et construit pour » problème le plus grave de notre Cléopâtre et César une fusée avec » temps, au rapprochement des peu- laquelle ils reviendraient sur terre » pies ». au XXe siècle. Moins de vingt ans après, la pré­ Son ami, le Docteur Hermann diction était accomplie grâce à la ca­ Heberlein, océanologue réputé, relate bine étanche et au turboréacteur ainsi la dernière visite qu'il lui fit d'aviation. Vingt ans après encore, le avant sa mort, en 1962. commun des mortels pouvait passer « Il avait alors 78 ans et comme d'un continent à l'autre à vitesse » il paraissait las, je lui dis que sa supersonique, à une altitude supé­ » fatigue devait être due à l'approche rieure à celle des ascensions d'Auguste » du printemps, il me répondit : le Piccard. printemps ne m'affecte plus ». BIOGR. NAT. — t. XLI. 22 675 PICCARD 676

Il était lucide jusqu'au bout. Arch. sc. ph. η. Archives des sciences Sa première publication traitait du physiques et natu­ géotropisme des plantes ; l'une des relles, Genève. dernières est un appel à la protection Bull. Techn. Bulletin Technique de la flore alpine. C'est un symbole, Vevey des Ateliers de con­ Entre les deux s'était déroulée une structions mécaniques vie d'une rare et intense créativité. de Vevey S.A. CR. Comptes rendus heb­ Bibliographie d'Auguste Piccard. domadaires des séan­ ces de l'Académie des La bibliographie d'Auguste Piccard Sciences, Paris. est difficile à établir. A côté de com­ munications publiées dans des revues 1904. Neue Versuche über die geotro- scientifiques, il y a de nombreux pische Sensibilität der Wurzelspitze, articles dans des journaux ou des dans Jahrbücher für wissenschaftliche revues comme celle du Rotary. Nous Botanik, Leipzig, t. 40, 1904, p. 94- avons la chance de posséder une bi­ 102. bliographie quasi exhaustive couvrant 1908. Phénomènes odorifériques pro­ la période 1904-1954, établie pai duits par le choc, Jules Piccard et Hélène Piccard. A.P., dans Arch. sc. ph. η., 1908, La bibliographie ici reproduite ne pér. 4, t. 25, p. 425-429. reprend que les articles spécialisés 1909. Behälter für flüssigen Wasser­ et quelques articles importants parus stoff, dans Illustrierte aeronautische dans la grande presse. Pour les livres, Mitteilungen, Berlin, 6 octobre 1909, les éditions originales sont signalées p. 898-899. sans indication dans de nombreuses 1911. Une limite supérieure de l'ac­ traductions. tion du champ magnétique sur la De plusieurs articles très semblables radioactivité, Pierre Weiss et A.P., ou identiques, un seul en général a dans Arch. sc. ph. η., 1911, pér. 4, été cité, celui qui paraît le plus im­ t. 31, p. 554-556. portant, soit par son développement, Etat de régime d'une plaque pendant soit par la revue dans laquelle il a sa chute dans l'air, dans Arch. sc. été publié. ph. η., 1911, per. 4, t. 32, p. 155-157. Quand des articles très semblables 1912. Un manomètre de grande sen­ (ou identiques) ont paru dans les sibilité, dans Actes SHSN, 1912, Actes de la Société helvétique des Scien­ partie 2, p. 152-153. ces naturelles et dans les Archives des La susceptibilité magnétique de l'eau, Sciences physiques et naturelles, est dans Arch. sc. ph. η., 1912, pér. 4, cité celui qui a paru dans les Actes t. 33, p. 262-263. à moins que l'autre ne soit plus déve­ Sur l'aimantation de l'eau et de loppé. l'oxygène, Pierre Weiss et A.P., dans Les titres sont classés par ordre CR., t. 155, 1912, p. 1234-1237. chronologique (ceux d'une même La constitution de l'eau et la varia­ année par ordre alphabétique de re­ tion thermique de son aimantation, vues). dans CR., t. 155, 1912, p. 1497-1499. Ce choix bibliographique est l'œu­ 1913. Perfectionnements de la techni­ vre d'Hélène Piccard. que calorimétrique, dans Actes SHSN, 1913, partie 2, p. 141-142. Principales abréviations. Messungen von Temperatur und Qua­ lität des Füllgases bei Freiballonfahr­ A.P. Auguste Piccard. ten, dans Annalen der Schweizerischen Actes SHSN Actes de la Sociéh Meteorol. Zentralanstalt, 1913, Die helvétique des scien­ Schweizerischen Meleorolog. Beobach­ ces naturelles. tungen, Anhang 5, p. 4-14. 677 PICCARD 678

Le coefficient d'aimantation de l'eau niums, dans Actes SHSN, 1917, et de l'oxygène, dans Arch. sc. ph. η., partie 2, p. 143-144. 1913, pér. 4, t. 35, p. 209-231, 340- L'hypothèse de l'existence d'un troi­ 359, 458-482, thèse de doctorat. sième corps simple radioactif dans la Les coefficients d'aimantation de pléiade Uranium, dans Arch. sc. ph. l'oxygène et de l'oxyde azoteux, dans η., 1917, pér. 4, t. 44, p. 161-164. Arch. sc. ph. η., 1913, pér. 4, t. 35, Méthode de mesure pour la détermi­ p. 409. nation de l'aimantation en fonction Sur l'aimantation de l'oxyde azoti­ de la température et du champ, dans que et le magneton, Pierre Weiss et Arch. sc. ph. η., 1917, pér. 4, t. 44, A.P., dans C.R., 1913, t. 157, p. 916- p. 466. 918. Le phénomène magnétocalorique, 1915. Une nouvelle méthode de me­ Pierre Weiss et A.P., Journal de phy­ sure pour l'étude des corps paramagné- sique théorique et appliquée, Paris, tiques en solution très étendue, A.P. série 5, t. 7, 1919, p. 103-109. et E. Cherbuliez, dans Actes SHSN, 1918. Le coefficient d'aimantation 1915, partie 2, p. 131-133. de l'oxygène et de l'oxyde azoteux, Une mesure de la susceptibilité des A.P. et Edm. Bauer, dans Arch. sc. gaz diamagnétiques, A.P. et Bonazzi, ph. η., 1918, pér. 4, t. 46, p. 337-338. dans Arch. sc. ph. η., 1915, per. 4, Sur un nouveau phénomène magné­ t. 39, p. 449-450. tocalorique, Pierre Weiss et A.P., dans a) Calorimètre adiabatique, b) Calo­ CR., t. 166, 1918, p. 352-354. rimetrie des ferromagnétiques, A.P. et 1919. Vorschlag zur Nomenklatur Carrard, dans Arch. sc. ph. η., 1915, der Radioelemente, dans Actes SHSN, per. 4, t. 39, p. 450-451. 1919, partie 2, p. 86. A propos du magneton. Réponse à Elastische Isotherme und adiaba­ M. Jacob Kunz, dans Arch. sc. ph. η., tische Deformation, dans Actes SHSN, 1915, pér. 4, t. 40, p. 278-283. 1919, partie 2, p. 86-87. Remarques concernant l'appareil Ein Dilatometer, A.P. und K. Back- d'induction de C. Chilowski pour repé­ hauss, dans Actes SHSN, 1919, par­ rer la position des projectiles, dans tie 2, p. 87. Arch. sc. ph. η., 1915, pér. 4, t. 40, 1920. Le grain du glacier, dans p. 505-507. Actes SHSN, 1920, partie 2, p. 181. 1916. Die Magnetonzahl von Cupri- Une expérience de cours permettant salzen in wässeriger Lösung, A.P. und de tracer directement une courbe de E. Cherbuliez, dans Actes SHSN, décomposition radioactive, dans Arch, 1916, partie 2, p. 116-118. sc. ph. η., 1920, pér. 5, t. 2, p. 262- Mikrokathetometer in Verbindung 263. mit Mikrothermometer, A.P. und J. Le rapport de V Uranium Y à l' Ura­ Brentano, dans Actes SHSN, 1916, nium X, A.P. et E. Stahel, dans partie 2, p. 122-123. Arch. sc. ph. η., 1920, pér. 5, t. 2, Plan eines Universalseismographen p. 263-264. für die Schweizerische Erdbebenwarte, Démonstration de courants d'induc­ A. de Quervain et A.P., dans Actes tion produits sans électrodes dans un SHSN, 1916, partie 2, p. 129-130. electrolyte, A.P. et Frivold, dans Arch, Le nombre de magnetons des sels sc. ph. η., 1920, pér. 5, t. 2, p. 264- cupriques en solution aqueuse, A.P. 265. et E. Cherbuliez, dans Arch. sc. ph. η., Le coefficient d'aimantation de l'eau, 1916, pér. 4, t. 42, p. 324-326. A.P. et A. Devaud, dans Arch. sc. Etude de la susceptibilité magnéti­ ph. η., 1920, pér. 5, t. 2, p. 410. que de l'ozone, A.P. et O. Bonazzi, Les coefficients d'aimantation des Arch. sc. ph. η., 1916, pér. 4, t. 42, gaz paramagnétiques et la théorie du p. 328. magneton, Edm. Bauer et A.P., dans 1917. Über den Ursprung des Acti­ Journal de physique et le Radium, 679 PICCARD 680

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Stahel, dans Actes SHSN, sc. ph. η., 1921, pér. 5, t. 3, p. 542- 1927, partie 2, p. 95. 543. Un résultat négatif concernant la Invariabilité de la radioactivité dans transformation de l'hydrogène en hé­ les forts champs magnétiques, A.P. et lium, dans Actes SHSN, 1927, partie 2, G. Volkart, dans Arch. sc. ph. η., p. 95. 1921, pér. 5, t. 3, p. 543-544. L'absence du vent d'éther au Rigi, 1922. Appareil pour l'analyse con­ A.P. et E. Stahel, dans C.R., t. 185, tinuelle des gaz, dans Actes SHSN, 1927, p. 1198-1200. 1922, partie 2, p. 180-181. Mode expérimental nouveau relatif Das neue 20-Tonnen-Universalseis- à l'application des surfaces à courbure mometer nach Quervain-Piccard der constante à la solution du problème de Schweizerischen Erdbebenwarte in Zü• la torsion des bases prismatiques, A.P. rich, A. de Quervain und A.P., dans et L. 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Un télescope à mercure, dans A.P. et L. Meylan, dans Journal de Bull. Techn. Vevey, 1943, n° 1, p. 16- physique et le Radium, Paris, série 7, 20. t. 4, 1933, p. 715-718. L'audition d'un concert et d'un vrom­ 1934. Sur la constitution des rayons bissement lointain et le scintillement cosmiques, dans C.R., t. 198, 1934, des étoiles, dans Helvetica Physica p. 1683-1685. Acta, vol. 16, 1943, p. 425-427. Coefficients d'absorption des rayons 1944. La notion de la température, 683 PIGCARD 684 dans Bull. Techn. Vevey, 1944, n° 1, Über den Wolken. Unter den Wellen, p. 12-16. Wiesbaden, F.A. Brockhaus, 1954. 1945. Apparat zur automatischen Professor Piccards Forschungsflug Thermoanalyse, dans Helvetica Phy- in die Stratosphäre, publié à l'initia­ sica Acta, vol. 18, 1945, p. 460-466. tive du quotidien Neue Augsburger 1946. Le mouvement des continents, Zeitung chez l'éditeur Verlag Literar, dans Actes SHSN, 1946, A, p. 83-84. Institut von Haas und Grabherr, 1949. Der Delphin, unser Lehrmei­ Augsburg, 1931. ster, dans Neue Zürcher Zeitung, André Jaumotte. 6 juillet 1949. 1954. Le bathyscaphe « Trieste », Fonds National de la Recherche Scienti­ A.P. et Jacques Piccard, dans Rivista fique : Discoure prononcés au cours de la séance académique solennelle tenue au Pa­ Marelli, Milano, janvier-juin 1954, lais des Académies à Bruxelles le 18 juin p. 3-7. 1931 en l'honneur de M. le Professeur 1955. Absorption des bulles d'air Auguste Piccard et de M. Paul Kipfer, par l'eau, dans Helvetica Physica en présence de LL. MM. le Roi et la Reine, Acta, vol. 28, 1955, p. 307. Bruxelles, 1931, 30 p. — G.-A. Homes, Quelques problèmes de physique sou­ « L'ascension de MM. Picard et Kipfer levés par la construction des bathysca­ dans la stratosphère », dans Bulletin men­ suel de l'Union des Anciens Etudiants de phes, dans Journal de physique et le l'Université libre de Bruxelles, 5e année, Radium, Paris, série 8, t. 16, 1955, n° 50, juillet 1931, p. 7-17. — Ernest p. 134S-135S. Stahel, « Auguste Piccard. 1884-1962 », 1956. « Vevey » et le bathyscaphe dans Verhandlungen der Schweiz. Natur­ Trieste, dans Bull. Techn. Vevey, forschenden Gesellschaft, Scuoi, 1902, p. 223- 1956, p. 15-18. 230. — Cérémonie organisée à Zurich par 1961. N'oublions pas le coefficient le Conseil d'administration de l'Ecole Polytechnique Fédérale de Zurich pour de Poisson, dans Bull. Techn. Vevey, célébrer le cinquantième anniversaire de 1961, p. 31-34. la nomination d'Auguste Piccard comme 1962. Die thermische Leitfähigkeit professeur ordinaire (27 mai 1970) : allo­ und die Viskosität der Gase, dans cutions de Georg Busch, Contribution de Neue Zürcher Zeitung, 18 avril 1962 Piccard à la Physique et de Jacob Ackent, (paru après la mort d'Auguste Pic­ Contribution de Piccard à l'art de l'ingé­ card). nieur. — Hélène Piccard, Bibliographie raisonnée des publications du Professeur Livres Piccard, 1904-1954, travail présenté à l'Ecole de Bibliothécaires pour l'obten­ Au-dessus des nuages, Paris, B. tion du diplôme, Genève, mars 1955. — Grasset, 1933. Hermann Heberlein, « Les Piccard, père Entre terre et ciel. Réalités. Visions et fils », dans International Nickel Revue, d'avenir, Lausanne, Ed. d'Ouchy, 1971, 2, p. 11-15. — Jacques Piccard, 1946. « L'unicité des espaces sous-marins et Au fond des mers en bathyscaphe, extra-terrestres », dans International Nickel Paris-Grenoble, Arthaud, 1954. Revue, 1971, 2, p. 2-7. R

RANSEN (Fritz). Voir RETSIN 71 pages), en attendant qu'elle voie (Frans). les feux de la rampe à Mont-Dison en 1864. Une seconde pièce, égale- ment en 2 actes et en vers, Lès amours REMOUCHAMPS (Edouard-Maurice)da Djèrd, [Les amours de Gérard] est marchand meunier, litté- couronnée en 1875 et publiée dans le rateur wallon, né à Liège le 14 mai Bulletin (t. 16) de la même Société, 1836, décédé à Grivegnée le 1er no- et à part (Liège, Impr. Vaillant- vembre 1900. Carmanne, 1878, 79 pages) ; sa pre- D'origine hesbignonne, fils et petit- mière représentation aura lieu à Aye- fils de meuniers installés à Liège neux en 1880. derrière l'ancien palais des princes- Ces deux pièces reposent sur un évêques, Edouard Remouchamps comique de situation dont elles par- passa la plus grande partie de sa vie tagent la formule et les facilités un dans ce quartier populaire où le peu grosses avec le répertoire dialec- wallon était le parler usuel. Après tal de l'époque. Et la versification des humanités au collège communal relâchée contribue au délayage du de sa ville, il s'inscrivit à l'Académie style. des Beaux-Arts en vue de se consa- Ces défauts ressortent davantage crer à la peinture. Il semble que des par comparaison avec la troisième et raisons de santé le détournèrent des dernière pièce de Remouchamps, qui études. Il décida de continuer l'en- est son chef-d'œuvre : Tâtî l'pèriquî treprise de meunerie dont il devint [Le coiffeur Gautier], comédie-vau- le gestionnaire, tandis que son frère deville en 3 actes et en vers, que la Joseph s'activait au moulin familial. société, déjà citée, récompensa d'une Ses goûts artistiques l'ayant incliné médaille d'or en 1885 et publia dans vers les lettres, il accorda sa préfé- son Bulletin (t. 22) et à part (Liège, rence au dialecte dont la culture litté- Vaillant-Carmanne, 1886, 96 pages; raire à Liège avait pris un nouvel plusieurs éditions dans la suite). essor dans les années qui suivirent Créée à Liège le 11 octobre 1885 l'indépendance nationale. par une troupe d'amateurs, Le Cercle Il débute en 1858 avec une comédie d'Agrément, dont le succès permit la en 2 actes et en vers, Li sav'tî [Le fondation d'un théâtre wallon perma- savetier] que couronne la Société lié- nent, la pièce de Remouchamps con- geoise de Littérature wallonne qui la nut d'emblée le triomphe. Il se pro- publie dans son Bulletin (t. 2) et à longea durant les représentations qui part (Liège, J.-G. Carmanne, 1859, se succédèrent dans la plupart des 687 REMOUCHAMPS 688 villes et des bourgades de Wallonie, ques ou moralisatrices, des bluettes jusqu'à Bruxelles, Ostende et Anvers, de circonstance. Ce bagage, pas bien jusqu'à Paris même. considérable au demeurant, n'ajoute A partir d'une intrigue simple mais rien aux mérites de celui qui marqua riche en péripéties — l'histoire d'un un tournant décisif dans l'histoire petit artisan vaniteux qui, berné par des lettres wallonnes. un voisin, croit qu'il a gagné le gros Maurice Piron. lot —, l'œuvre déroule, dans le cadre O. Pecqeur, O. Colson, J. Haust, Edi- d'un tableau de mœurs, la satire du tion philologique avec étude bio-biblio- richard imaginaire. Tâtî incarne un graphique de Tâtt V pèriquî, Liège, Société travers suffisamment répandu pour de Littérature wallonne, 1911, OVI-188 p. représenter un type d'humanité. De — M. Piron, Les lettres wallonnes contem- e plus, cette étude de caractère se re- poraines, 2 édition, Tournai, Casterman, hausse d'une galerie de comparses 1944, p. 124-125. aux traits bien observés. Si la com- position se ressent de quelques pro- REMOUCHAMPS (Joseph-Mau- cédés de vaudeville qui ont vieilli, rice), prénoms déclarés à l'état civil: le style, en revanche, a gardé sa fraî- Pierre-Joseph-Edouard-Maurice, cheur et sa force. A un siècle de dis- pseudonyme: L'EPLUCHEUR, fils tance, on comprend l'enthousiasme d'Edouard, juriste, homme politique que déchaîna H ci qu'a fait r'flori et walloniste, né à Liège le 24 octo- nosse vî linquèdje, comme disait le bre 1877, y décédé le 26 janvier 1939. poète Henri Simon. Les alexandrins, Reçu brillamment docteur en droit, d'un « parlé » admirable jailli du plus en 1901, à l'Université de Liège, franc génie de la langue, dessinaient Joseph-Maurice Remouchamps s'in- avec rondeur des tirades fameuses, scrivit au barreau de sa ville natale fusaient en répliques nourries de la qu'il abandonna en 1911. sève des proverbes et fixaient en Il avait hérité de son père, Edouard pleine couleur locale des êtres d'une Remouchamps, une fortune, qui lui vérité générale. L'âge d'or du théâtre permettait de vivre à l'aise, et un wallon commençait. exemple qui lui traçait sa voie dans L'influence de Tâtî V pèriquî suscita le mouvement wallon. Aussi, est-ce des vocations d'auteurs dramatiques à ce dernier qu'il allait se consacrer à Liège comme à Tournai, à Mons entièrement dès 1912. comme à Namur. Portée aux nues, Ce fut cette année-là qu'il jeta les l'œuvre de Remouchamps donna plus bases du Musée de la Vie Wallonne, d'assurance et de hardiesse au mou- dont il resta le directeur jusqu'à sa vement dialectal dont l'horizon se mort, en même temps qu'il participait, trouva dès lors élargi (création de aux côtés de Jules Destrée, à la cercles littéraires et dramatiques, fondation de l'Assemblée Wallonne. apparition d'hebdomadaires en dia- D'abord secrétaire de ce groupement lecte, développement de la produc- destiné à défendre la liberté des lan- tion en prose, etc.). Son succès arri- gues et les prérogatives de la culture vait à point nommé pour promouvoir française dans le cadre de l'unité le régionalisme wallon tout entier et belge, il en devint le secrétaire général encourager la prise de conscience des en 1919 pour remplacer Jules Destrée Wallons au moment où les revendi- appelé aux fonctions de ministre des cations flamandes, jugées excessives Sciences et des Arts. L'année suivante, voire agressives, provoquaient les pre- il créait le journal La Défense Wal- mières réactions dans la partie fran- lonne, organe de l'Assemblée. çaise du pays. Sénateur (par suppléance) du parti En marge de son œuvre théâtrale, libéral, de 1921 à 1925, Remouchamps Edouard Remouchamps composa des se préoccupa de la réforme parlemen- contes en vers, des chansons satiri- taire dans la ligne de l'ouvrage qu'il 689 REMOUCHAMPS 690 avait fait paraître au lendemain de la Remouchamps était l'un des membres, première guerre mondiale : Le Vote cette carte, grâce au siglage des loca­ bilatéral et le bilatéralisme. Essai d'or­ lités, est devenue un instrument de ganisation de Γ Unité nationale par travail communément utilisé dans les l'équilibre des partis et l'égalité des recherches de géographie dialectale races (Bruxelles-Liège, 1919, 304 pa­ et folklorique. ges). La ferveur éclairée que Remou­ Le principe de la réforme préconi­ champs vouait tant aux parlera wal­ sée reposait sur l'obligation pour tout lons qu'à la langue de culture se texte législatif de recueillir au Sénat, traduisit par les notes sur Le français outre la majorité ordinaire, une majo­ de chez nous qu'il donna aux deux rité absolue dans chacun des deux premiers tomes de La Vie Wallonne groupes linguistiques. Le but était (1920-1922) sous le pseudonyme de d'empêcher que des lois ou des gou­ α L'Eplucheur », et surtout par la vernements ne soient imposés à l'un collaboration qu'il apporta au Dic­ des groupes — en fait à la Wallonie tionnaire liégeois (1933) de Jean Haust minorisée — lorsque ses mandataires en se chargeant d'établir les 735 figures ont émis un vote hostile. Concrétisé dessinées au trait qui confèrent à par une proposition soumise à la l'illustration de ce trésor lexical une Constituante en 1921, le projet n'abou­ valeur documentaire de premier ordre tit pas, malgré un accueil favorable que la disparition progressive des des socialistes et des libéraux wallons. realia de la vie populaire rend de plus Si cette tentative pour résoudre le en plus précieuse. problème des rapports entre les com­ Cette aide que l'ethnographie ap­ munautés dans l'Etat belge était en portait ainsi à la dialectologie n'eût avance sur les idées du temps, elle pas été possible sans l'expérience que avait du moins permis à Remouchamps s'était acquise Remouchamps pen­ d'étudier en profondeur le régime des dant les années où il rassembla, avec langues et leur répartition dans le pays. un zèle qui ne se ralentit jamais, Deux de ses discours politiques au objets et documents pour les collec­ Sénat réunis sous le titre Pour la tions du Musée de la Vie Wallonne. Wallonie (Ixelles, 1921, 56 pages) Celui-ci fut la grande œuvre qui s'élèvent contre le bilinguisme géné­ passionna Joseph-Maurice Remou­ ralisé et défendent les droits des fonc­ champs'. Il avait conçu l'idée d'une tionnaires francophones. A travers institution capable de refléter la vie les nombreux articles qu'il écrivit pour complète — matérielle, intellectuelle La Défense Wallonne, on peut suivre et sociale — des Wallons d'hier et l'intérêt qu'il porta aux recensements d'aujourd'hui. Plus qu'un musée de linguistiques décennaux. Sur la base folklore, puisque les métiers et les de ceux-ci, après une enquête atten­ techniques y avaient leur place, et tive, il publia La francisation des pas un musée local, puisqu'il s'agissait arrondissements de Bruxelles, Arlon et de donner, de la vie wallonne, une Verviers au cours d'un demi-siècle représentation synthétique par le (1880-1930) (Bruxelles-Liège, 1936, groupement sélectif des pièces repla­ 64 pages). Plus délibérément pratique cées dans une perspective à la fois est sa Carte systématique de la Wallonie historique et comparative : telle était précédée d'une note sur la frontière l'ambition, tel fut le résultat. Pour y linguistique et d'une double nomencla­ parvenir, Remouchamps organisa un ture des communes belges de langue réseau de correspondants travaillant romane d'après le recensement du sur le terrain et créa un Service des 31 décembre 1930 (Bruxelles, 1935, Enquêtes qui devint, à l'intérieur du 66 pages + 1 carte). Publiée sous les Musée, une sorte de laboratoire d'eth­ auspices de la Commission royale de nographie régionale. Le Bulletin des Toponymie et de Dialectologie, dont enquêtes qui en fut l'émanation la plus 691 RETSIN 692

tangible à partir de 1924, acquit, en études moyennes à l'athénée de se développant, la tenue scientifique Bruges, où il se distingua sous la d'une véritable revue des traditions direction de Julius Sabbe en néerlan- populaires de Wallonie. Remouchamps dais, il entreprit en 1877 des études de lui avait donné son orientation par médecine à l'Université de Gand et les notes et contributions diverses échoua. Sans éprouver des difficultés (souvent non signées) dont il alimenta financières apparentes, Frans Retsin les trois premiers tomes. Un dossier fréquenta alors pendant près de dix- de témoignages, publié après sa mort, sept ans les différentes facultés gan- montre en quelle estime le monde toises, sans jamais parvenir à décro- savant, principalement à l'étranger, cher un diplôme universitaire. Par la tenait l'œuvre qu'il avait accomplie. suite, il vécut surtout d'expédients Inauguré en 1930 dans des locaux comme correspondant brugeois de provisoires, le Musée de la Vie Wal- différents journaux (Het Laatste Nieuws lonne dispose, depuis 1970, des beaux et le Vooruit notamment), comme bâtiments de style Renaissance mosa- agent immobilier ou comme arbori- ne qui lui ont été aménagés dans l'an- culteur. Disposant manifestement de cien couvent des Frères Mineurs de beaucoup de temps libre, il fut un des Liège. Par sa richesse et la mise en principaux animateurs du mouvement valeur de ses collections, il est consi- libéral flamand et progressiste à Bru- déré comme un modèle du genre. Son ges. Comme Flamand, il milita active- fondateur n'a malheureusement pu ment à l'Université au sein de l'asso- voir l'aboutissement du grandiose ciation estudiantine « 't Zal wel gaan », projet auquel, en dépit des difficultés, qu'il présida en 1884. Il collabora il s'était dévoué, corps et âme, avec étroitement, sous le pseudonyme de un rare désintéressement. Frits Ransen, à la rédaction de l'alma- nach édité par cette société. Anti- Maurice Piron. clérical convaincu, il était persuadé que le mouvement libéral flamand J.-M. Eemouchamps, L'Assemblée Wal- avait un rôle particulier à jouer. lonne 1912-1937, Bruxelles, 1939, 68 p. — Pendant toute sa vie, Retsin lutta pour J. Haust, « J.-M. Remouchamps (1877- 1939) », dans Bulletin de la Commission faire respecter les lois linguistiques. royale de Toponymie et Dialectologie, Membre des chasseurs-éclaireurs de la t. XIII, 1939, p. 19-22. — M. Piron, Garde civique de Bruges, il refusa en « J.-M. Remouchamps », dans Les Dialec- 1899 de se rendre à une convocation tes belgo-romans, t. III, 1939, p. 179-187. rédigée en français et, traduit devant — » Les méthodes du Musée, Apprécia- un conseil de discipline, provoqua une tions », dans Enquêtes du Musée de la Vie importante campagne de presse en sa Wallonne, t. IV, 1947, p. 11-29. faveur. Partisan convaincu de la flamandisation de l'Université de Gand, il participa à l'organisation et RETSIN (Frans), pseudonyme: à l'animation de plusieurs meetings Frits RANSEN, homme politique et en faveur de cette mesure. Il s'en fit journaliste, né à Bruges le 22 février notamment le défenseur acharné lors 1859 et y décédé le 12 août 1918. de divers congrès libéraux. Fils d'un psychiatre, rendu célèbre Sur le plan politique, Frans Retsin par la publication d'un ouvrage sur le fut surtout le lieutenant du leader système nerveux mais aussi particu- progressiste Charles Depoortere. A ses lièrement actif au sein du parti côtés d'abord, à la tête du mouvement libéral brugeois, Frans Retsin perdit ensuite, il combattit en faveur de son père l'année de sa naissance et fut l'inscription au programme du libé- élevé par sa mère. Doté d'une consti- ralisme du principe du suffrage uni- tution faible, il souffrit dès son plus versel pur et simple, de l'alliance jeune âge de tuberculose. Après des électorale avec les socialistes et d'une 693 ROLIN 694 démocratisation de l'organisation in- mandataire politique (libéral modéré), terne du parti libéral brugeois. et notamment ministre de 1848 à 1850. Avec Charles Depoortere, il fut le Son père, Albéric (1843-1937), fut pro- seul progressiste à faire partie avant fesseur de droit à l'Université de Gand 1911 du comité directeur de l'associa- et termina sa carrière comme directeur tion libérale de Bruges. de la bibliothèque du Palais de la Paix Après s'être opposé avec acharne- à La Haye. Son oncle, Gustave Rolin- ment, contre l'avis de la plupart de Jaequemyns (1835-1902) [Biographie ses amis politiques, à la candidature Nationale, t. 29, Bruxelles, 1957, sénatoriale en 1912 de Georges Mar- col. 803-809], fut avocat, auteur quet, ancien tenancier du casino d'études juridiques et politiques, fon- d Ostende, Frans Retsin se rapprocha dateur de l'Institut de Droit interna- de l'aile conservatrice et se vit confier tional, membre (libéral constitution- à ce titre pendant quelques mois la nel) de la Chambre des représentants direction du Journal de Bruges. Grâce (1878-1886), ministre de l'Intérieur à cet appui, il fut également élu (1878-1884) et alla finalement au Siam conseiller communal en 1911. (1892-1901), où il joua un rôle actif A la libération en 1918, son domicile dans la modernisation des institutions fut pillé et mis à sac. Malgré ses et du droit. convictions flamandes, Retsin n'avait Etudiant en droit à l'Université de cependant jamais caché son aversion Gand, Henri Rolin interrompt ses pour l'activisme. études en 1914 pour s'engager comme Patrick Lefèvre. volontaire à l'armée belge, partageant le sort de ses quatre frères qui font P. Lefèvre, « Démocratisation du libé- également la guerre, soit comme ralisme belge : l'exemple brugeois, 1893- 1940 », dans Revue belge d'Histoire contem- officiers de carrière, soit comme poraine, VIII, 1977, p. 185-205. — P. volontaires. Blessé à la bataille de Lefèvre, i Le mouvement libéral flamand l'Yser, réformé, Henri Rolin s'engage à Bruges (1872-1940) », dans Revue belge à nouveau et termine la guerre lieute- de Philologie et d'Histoire, t. LVIII, 1980, nant d'artillerie. La paix revenue, il p. 382-392. — P. Lefèvre, a Une nouvelle achève ses études de droit et devient orientation du parti libéral brugeois : les avocat à Bruxelles. élections législatives de 1912 », dans Han- delingen van het Getwotschap voor Geschie- Paul Hymans, qui lui est proche denis te Brugge, CXIV, 1977, p. 115-141. par des attaches familiales, le prend — P. Lefèvre, « De Jagera van de Brugse comme secrétaire à la Conférence de burgerwacht. Geschiedenis (1830-1914) », la Paix. Il assiste aux travaux du dans Militaria Belgica, II, 1979, p. 2-8. Comité présidé par le président Wilson — C. Maerten et J. Schepens, Keus uit qui élabore le Pacte de la Société des het journalistiek werk van Dr. J. Pie, Nations (S.D..N.) où il siégera à de Bruges, 1947, p. 21-29. — E. Renders, multiples reprises comme membre Lettre ouverte à Frana Retsin, rédacteur en de la délégation belge. chef du Journal de Bruges, Bruges, s.d. Cette double expérience de la guerre et de la paix (Henri Rolin a été très ROLIN (Henri-Marthe-Sylvie), marqué par la perte de trois de ses avocat, homme politique et professeur frères au combat) nourrit son espoir à l'Université libre de Bruxelles, né à de voir régler les conflits internatio- Gand le 3 mai 1891, mort à Paris naux par des voies pacifiques dans le 20 avril 1973. le respect des grands principes du Il appartenait à une famille où l'on droit international. Il poursuit ses comptait plusieurs juristes. Son grand- vues par diverses voies. Action offi- père, Hippolyte (1804-1888) [Biogra- cielle : il est délégué belge à la S.D.N. ; phie Nationale, t. 19, Bruxelles, 1907, en 1925-1926, il est chef de cabinet col. 825-828], fut plusieurs fois bâton- d'Emile Vandervelde, le ministre des nier au barreau de Gand et avait été Affaires étrangères. 695 ROLIN 696

A ce titre, il participe à la Confé­ en Espagne et les coups de boutoir rence de Locarno où il joue un rôle donnés à l'Europe par Hitler en 1938 important. Par ailleurs, il manifeste et 1939. quelque influence sur son ministre en Henri Rolin, qui avait obtenu d'être s'opposant au retour des cantons de maintenu dans la réserve, participa langue allemande à l'Allemagne en à la campagne des dix-huit jours qu'il échange des marks hérités de la guerre ; estima n'avoir pas été menée avec en 1923, aux côtés d'Hymans, il avait toute l'énergie convenable. préconisé une attitude fermement Rentré à Bruxelles, il se signale conforme aux principes du droit dans immédiatement, malgré les périls d'une l'affaire de Corfou que l'Italie exigeait telle attitude, par l'inflexibilité de ses d'occuper abusivement. Action pri­ points de vue à l'égard de l'occupant. vée : il fonde le journal L'Esprit Prévenu qu'il allait être pris comme civique et préside l'Union des Associa­ otage, il quitta Bruxelles en juillet 1941 tions pour la Société des Nations. et rejoignit Londres après un périple Parallèlement à son activité d'avo­ par la France, l'Espagne et le Portu­ cat qu'il exerce depuis 1919, Henri gal. En février 1942, il y fut nommé Rolin devient professeur de droit sous-secrétaire d'Etat à la Défense public à la Faculté de Droit de l'Uni­ nationale. II occupa ce poste jusqu'en versité libre de Bruxelles où il septembre 1942, époque à laquelle enseignera de 1930 à 1961. ses collègues, lui reprochant ou pré­ S'il était vivement intéressé par textant le malaise qui régnait dans les problèmes politiques, il mit long­ l'armée belge en Grande-Bretagne, temps à se déterminer entre les posi­ l'obligèrent à démissionner. tions libérales et socialistes. Il balança Il passa alors aux Affaires civiles entre le message de liberté proclamé qui préparaient la présence en Belgi­ par les libéraux et les revendications de que des armées alliées et le retour du justice sociale exprimées par les socia­ gouvernement. Revenu en Belgique listes. Il se rallia finalement à ceux-ci dès 1944, il ne reprit son activité en 1928 et fut élu sénateur coopté en politique qu'au début de 1945. 1932. Ce mandat lui fut renouvelé Il s'y distingua par son idéalisme, sans interruption jusqu'en 1968. son indépendance, son intransigeance Au cours des années trente, ses morale qui lui valurent tout à la fois espoirs en la paix assurée par le une haute estime et un certain isole­ désarmement général sont déçus. Mais ment où le tenaient tant ses adver­ alors que beaucoup se résignent à la saires que ses partenaires politiques. montée du fascisme et que, en Bel­ Sauf sa charge du temps de guerre, gique, très nombreux sont ceux qui, qui tourna court, il ne fut ministre même dans son parti, misent sur la qu'une fois, à la tête du département politique de neutralité telle qu'elle a de la Justice dans l'éphémère cabinet été formulée par le roi Leopold III socialiste homogène qui était voué, et activement mise en œuvre par dès sa constitution, à ne pas durer Paul-Henri Spaak, Henri Rolin, de (13 mars-31 mars 1946). plus en plus isolé, préconise la solida­ En politique intérieure, il fut un rité internationale contre les préten­ opposant irréductible au retour du tions croissantes de l'Italie et de l'Alle­ Roi. Il jugeait très sévèrement l'atti­ magne. tude de stricte neutralité qui avait été L'invasion allemande de 1940 lui celle de Leopold III dès avant le apparut comme l'aboutissement logi­ conflit ainsi que son comportement que de la politique qu'il n'avait cessé pendant et après la guerre. de dénoncer depuis le conflit italo- En 1946, il fit tomber le gouverne­ éthiopien, en passant par la réoccu­ ment Van Acker sur le reproche fait pation de la Rhénanie, la guerre civile au ministre de la Justice d'intervenir 697 RUZETTE 698 auprès des parquets pour défendre Papiers Henri Eoliu, appartenant à la les intérêts de collaborateurs écono- famille et au Centre de Recherches et d'Etudes historiques de la Seconde Guerre miques dont il avait été l'avocat. mondiale, à Bruxelles. Au Sénat, qu'il présida du 11 no- vembre 1947 au 6 novembre 1949, il s'intéressa aux questions de droit RUZETTE (Léon-Emmanuel-Marie-Ghislain, pénal belge (régime pénitentiaire, baron), fonctionnaire répression de la collaboration), mais et sénateur catholique, né à Aalst il s'attacha surtout aux problèmes de (Alost) le 20 février 1836, mort à droit international public et à la vie Brugge (Bruges) le 1er janvier 1901. des organisations internationales. Il Fils d'Edouard-Pierre-Joseph Ru- avait été délégué de la Belgique à la zette, lieutenant de cavalerie au ser- Conférence des Nations-Unies à San vice de la France (1795-1853) et d'Eu- Francisco en 1945 où il présida une génie-Justine-Félicie de Ghelcke (1810- commission. De même, il fut membre 1870), il épouse à Saint-Josse-ten- de l'Assemblée consultative de l'Eu- Noode, le 12 décembre 1864, Félicie rope. Mais il n'était pas un partisan d'Anethan (1838-1901), fille de Félix inconditionnel de la supranationalité d'Anethan et de Gudule de Mesnil considérée sous ses aspects purement de Volkrange et nièce du ministre formels. Il fut notamment restrictif Jules d'Anethan. à l'égard de l'action menée par les Il fait des études de droit à Leuven Nations-Unies en Corée, et opposé (Louvain). Cofondateur de la Revue à la Communauté européenne de Générale (1865), il siège au conseil de Défense (C.E.D.). rédaction jusqu'en 1868 lorsque Char- Avocat, il plaida quelques grandes les Woeste prend la direction de ce causes devant la Cour de Justice périodique. Commissaire d'arrondisse- internationale de La Haye (Iran ment à Ieper (1870-1877), il remplace contre Grande-Bretagne aux côtés de le libéral Henri Carton destitué par le Mossadegh, Belgique contre Espagne gouvernement catholique pour n'avoir dans l'affaire Barcelona Traction C°). pas voulu respecter la neutralité en Il fut vice-président à la Cour période électorale. Il se fait remarquer européenne des Droits de l'Homme. comme agent électoral notamment, en A la fin de sa vie, il prit position, transmettant, molu proprio, aux souvent de manière très radicale, sur bourgmestres de son arrondissement quelques grands problèmes nationaux. pour intimider, semble-t-il, les libé- En 1960, à la Table ronde sur l'indé- raux, la circulaire du ministre de l'In- pendance du Congo, il insista pour térieur Delcour prescrivant la neutra- que celle-ci fût accordée au plus tôt. lité la plus absolue au cours de la Il prit également parti contre l'inter- campagne électorale (1872). Il ordonne vention américaine au Viêt-nam et une enquête sur les irrégularités com- contre l'usage de la bombe atomique. mises aux élections communales à Homme rigoureux pour les autres Sint-Jan (Saint-Jean; 1875). Celles-ci comme pour lui-même, il suivit un seront invalidées par la Députation chemin souvent solitaire, à contre- Permanente puis revalidées par le courant, toujours regardé avec consi- ministre de l'Intérieur. Gouverneur de dération, mais partageant rarement la province de Flandre occidentale cette amitié qui, dans la vie politique, (1877-1878 et 1884-1900), il est desti- était, selon lui, trop souvent marquée tué lors du retour des libéraux au des équivoques et des faux semblants pouvoir. Lorsque les catholiques re- qu'il se fit un devoir de combattre viennent au gouvernement, Ruzette, sans restriction. élu député de Brugge (Bruges), a le choix entre ce mandat et un nouveau Robert Devleeshouwer. poste de gouverneur de province. 699 RUZETTE 700

Il est également conseiller commu­ Conseil Provincial en 1895, Brugge nal à Brugge (Bruges) (1878-1884). 1895. Il obtient concession du titre de Marie-Aune Faridaena. chevalier transmissible à tous ses descendants mâles (1877), puis celui Annuaire de la noblesse belge, 1897, de baron transmissible par ordre de 2e partie, p. 2091. — A. de Bidder, La primogeniture (1888). noblesse belge, 1913, 2e partie, Bruxelles, Il est membre de la Noble Confrérie 1913, p. 83. — R. Van Eenoo, « Léon du Saint-Sang, président du comité Ruzette », dans Nationaal Biographisch Woordenboek, t. 1, Brussel, 1964, col. 905- diocésain pour l'enseignement, prési­ 906. — J. de Smet, « Van departement dent d'honneur du Davidsfonds et tot provincie », dans West Vlaanderen, membre de nombreux cercles de cha­ 1958. — L. Schepens, De provincieraad van rité et de sociétés savantes. West-Vlaanderen (1836-1921). Socio-poli- Bibliographie : L. de Monge et lieke studie van een instelling en haar leden L. Ruzette, Causerie littéraire. Les met 501 biografieën van Westvlaamse nota­ pièces théâtrales en vogue, dans Revue belen, Tielt-Amsterdam, 1976, p. 393-305. Générale, avril 1869, p. 396-414; — J. Stengers e.a., Index des éligibles au Sénat (1831-1893), Bruxelles, 1975, p. 397 L. Ruzette, Les signes d'une révolution (Commission de la Biographie Nationale). littéraire, dans Revue Générale, mars — De provincie vroeger en nu : West- 1870, p. 291-302 ; L. Ruzette, Discours Vlaanderen, Brussel, 1976 ( Gemeentekre­ sur les sociétés mutualistes prononcé à diet van België). — Mémorial belge de l'ouverture de la session ordinaire du l'Ordre de Leopold, s.l.n.d., p. 61. dont il assura jusqu'en 1902 la direc- tion effective. Son objectif fut davan- tage de convaincre la bourgeoisie du S bien-fondé des revendications flaman- SABBE (Julius-Ludovicus-Maria), des que d'associer au mouvement les professeur et homme de lettres, né à couches les plus défavorisées de la Gand le 14 février 1846, décédé à population. « Le plus grand — et le Bruges le 3 juillet 1910. » premier devoir — des véritables Fils d'un modeste coiffeur gantois, » « willemsfondsers », écrivait-il en Julius Sabbe fit de bonnes études à 1896, « est d'aider notre bourgeoisie l'athénée de la ville puis suivit les » à se flamandiser. Tant que nous cours de philologie germanique à » n'aurons pas atteint ce but, nous l'Université de Gand. Il milita active- » ne devrons pas espérer avoir le ment au sein du mouvement estudian- » peuple de notre côté ». tin flamand, se liant notamment avec Et en 1894 : « ils doivent compren- Max Rooses et Julius Vuylsteke. En » dre que leur aristocratie linguistique, compagnie de ces deux amis, il parti- » appartenant depuis l'extension du cipa étroitement à l'organisation en » droit de vote au passé, il n'y aura 1867 du IXe Congrès néerlandais. » plus pour eux à Bruges aucun avenir Il s'intéressa rapidement aux activités » politique s'ils ne font pas l'effort de du Willemsfonds gantois et en devint » se rapprocher de la classe populaire un des membres les plus en vue. Il » en apprenant le flamand. Ils doivent collabora à la création de la première » comprendre que s'ils veulent le réveil bibliothèque publique de cette asso- » du libéralisme, celui-ci ne pourra ciation (1865) et à la fondation du » être obligatoirement que flamand journal libéral flamand de combat » et flamingant ». Il estimait que Het Volksbelang. c'était par ignorance que la bourgeoi- En 1869, Julius Sabbe quitta Gand sie manifestait de l'hostilité à l'égard pour Bruges pour enseigner le néer- du mouvement flamand et qu'il fallait landais à l'athénée de cette ville. Par montrer à cette classe sociale que la ses solides convictions, qu'elles fussent langue néerlandaise pouvait également libérales ou flamandes, il sut marquer convenir à des matières scientifiques d'une empreinte indélébile la jeunesse ou littéraires, et partant à l'enseigne- qui fréquenta l'établissement et exer- ment moyen et supérieur, aux pro- ça ainsi une influence directe sur toute fessions libérales, au commerce et aux une lignée d'hommes politiques, dont conversations mondaines. Charles Depoortere, Albert Thooris, Sous son impulsion, des conférences, Frans Retsin ou Julius Boedt furent les plus brillants représentants. En 1872, il fut le véritable créateur de la section locale du Willemsfonds, 703 SABBE 704 traitant de sujets sérieux comme S'il joua un rôle important au sein le darwinisme ou les théories de de la loge « La Flandre », Sabbe se Malthus, des représentations théâ- désintéressa en général des questions trales de qualité, des cours d'extension purement politiques pour se consacrer universitaire furent organisés par la essentiellement à la défense auprès section brugeoise du Willemsfonds. des francs-maçons brugeois de la ques- Cette direction élitaire donnée par tion flamande. Julius Sabbe, qui correspondait d'ail- Patrick LefèvTe. leurs à ses conceptions politiques — il ne cacha pas son hostilité à une P. Lefèvre, • Démocratisation du libé- extension du droit de suffrage —, ralisme belge : l'exemple brugeois (1900- ne manqua pas d'être critiquée et 1940) », dans Revue belge d'Histoire con- combattue par les progressistes. Ces temporaine, VIII, 1977, p. 185-205. — P. Lefèvre, « Le Mouvement libéral fla- derniers parvinrent au début du mand à Bruges (1872-1940) «, dans Revue siècle à faire triompher leur point de belge de Philologie et d'Histoire, t. LVIII, vue et à prendre le contrôle du 1980, p. 382-392. — J. Sabbe, Mijne Willemsfonds brugeois et donnèrent Brugge, Bruges, 1912. — L. Monteyne, dès lors à cette association une orien- De Sabbe's, Anvers, 1933. — J. Schepens tation tout à fait différente. Bourgeois et C. Maerten, « Julius Sabbe », dans S.V. et modéré sous la direction de Sabbe, Leclura, Anvers, 1933, p. 1-80. — J. Sche- pens, Hulde gedenkboek aan Julius Sabbe, le Willemsfonds brugeois ne joua pas Bruges, 1946. — M. Sabbe, Bloemlezing moins un rôle particulièrement impor- uit de verzen van Julius Sabbe, Bruges, tant au sein du mouvement flamand, 1936. — Beknopte geschiedenis van de ne manquant jamais de protester vrijmetselaarsloges in Vlaanderen, Bruges, contre les violations des lois linguis- 1974, p. 86. — R. Van Eenoo, « De Brugse tiques et participant activement à beiaard », dans Encyclopédie van de Vlaamse diverses manifestations. beweging, t. I, Thielt, 1973, p. 238. — R. Van Eenoo, De pers te Brugge (1792- Pour soutenir le combat qu'il menait 1914), Louvain-Paris, 1961, p. 33-34, ardemment, Sabbe sut utiliser effica- 72-73 {Univer8itair Centrum voor heden- cement les moyens offerts par la presse. daagse Geschiedenis, Bijdragen, nr 20). — Après avoir collaboré de 1870 à 1872 J. Pée, Keur uit het journalistiek werk à La Plume, il fonda en juillet 1874 van J. Pée, Bruges, 1947, p. 32-33. — avec Auguste van der Meersch, Karel L. Valcke, « Julius Sabbe », dans Encyclo- de Flou et Léo Van Gheluwe le men- pédie van de Vlaamse Beweging, t. 2, suel De Halletoren. Ce périodique ayant Tielt-TTtrecht, Lannoo, 1975, p. 1378-1379. périclité en 1881, il racheta l'hebdo- madaire De Brugsche Beiaard et en fit, à partir de 1885, un journal de combat SABBE (Maurits), prénoms décla- luttant « pour la renaissance linguis- rés à l'état civil: Maurice-Charles-Marie-Guillaume, » tique, littéraire et artistique de la écrivain, conser- » race flamande à Bruges ». De Brug- vateur du Musée Plantin à Anvers, sche Beiaard se battit aussi pour des professeur ordinaire à l'Université questions particulières qui étaient libre de Bruxelles, né à Bruges le chères à Sabbe : le conservatoire 9 février 1873, décédé à Anvers le flamand d'Anvers et la défense de son 12 février 1938. ami Peter Benoit, Bruges port de mer, Julius Sabbe, professeur d'athénée les Boers d'Afrique du Sud, le soutien progressiste et flamingant, était peu aux Flamands d'Amérique du Nord, soucieux de confier son fils à l'école etc. Dès 1898, l'hebdomadaire réclama moyenne francisée de la ville, aussi la flamandisation de l'Université de envoya-t-il le petit Maurits à la Duy- Gand. Sabbe préconisait le rempla- nenschool, la première école commu- cement systématique des professeurs nale gratuite fondée à Bruges par démissionnaires, pensionnés ou décé- Léon van Gheluwe. C'est là, et aussi dés par des néerlandophones. dans la famille du côté maternel, que 705 SABBB 706 le jeune Sabbe fut initié à la vie et au donner pour raisons de santé au terme langage populaire de sa ville natale et de l'année académique 1936-1937. qu'il conçut un attachement durable C'est avant tout comme écrivain pour celle-ci. Sa formation savante, que Maurits Sabbe atteignit à la il la doit sans doute aux enseignements notoriété. Il ne faudrait pas pour qu'il suivit à l'Athénée de Bruges et autant négliger les autres aspects de à l'Université de Gand, mais il ne son talent multiforme. A côté du faudrait pas mésestimer l'exemple nouvelliste spirituel et du romancier d'une vie consacrée à la culture et à la charmant, il faut saluer l'essayiste science que lui fournissaient son père capable, le critique clairvoyant, l'his­ et les amis de celui-ci, tels Peter Benoit, torien savant. Pas moins de quatorze Julius de Geyter, Paul Fredericq ou ouvrages relevant du domaine de l'éditeur Ad. Hoste. L'influence heu­ l'histoire de la littérature et de la reuse de ce milieu favorable ne se fit culture néerlandaises témoignent d'un guère attendre : Maurits Sabbe n'avait talent généreux et d'un métier sûr. pas tout à fait seize ans, lorsqu'il tint Parmi eux nous relevons une étude une conférence sur Filips van Arte- sur la vie et l'œuvre du poète dunker- velde devant la section brugeoise du quois Michel de Swaen (1903), une Willemsfonds. analyse de l'aspect animalier dans Après avoir suivi ses humanités à l'œuvre de Vondel (Dierkennis en l'athénée de Bruges, il s'inscrivit en Diersage bij Vondel, 1917), un recueil 1891 à l'Université de Gand où il commenté de littérature de combat obtint, le 13 octobre 1896, le grade de antiprotestante née dans les Pays- docteur en philosophie et lettres, Bas méridionaux durant la première groupe : philologie germanique, après moitié du dix-septième siècle (Brabant présentation d'un mémoire sur Jan in 't verweer, 1933). Les volumes qu'il Luyken. Nous le trouvons ensuite a consacrés à Christophe Plantin ( Uit comme professeur de langues germa­ het Plantijnsche Huis, 1924), à ses niques dans diverses institutions d'en­ successeurs, les Moretus (De Moretus- seignement secondaire, ainsi à l'Insti­ sen en hun kring, 1928), aux Maîtres tut Dupuich à Bruxelles, de 1896 à du Compas d'Or (De Meesters van den 1898, et, de 1898 à 1900, à l'école Gulden Passer, 1938) sont autant de moyenne à Rœulx. C'est à cette épo­ contributions importantes à la con­ que, en août 1899, qu'il épousa la naissance de la vie culturelle dans les Gantoise Gabrielle de Smet. Pays-Bas méridionaux aux XVIe et Après un dernier « exil » en terre xvne siècles, envisagée sous ses aspects wallonne, à l'Athénée royal de Huy essentiels, à savoir : l'Humanisme, la où il demeura de 1900 à 1903, Maurits Renaissance, la Réforme et la Contre- Sabbe devint professeur à l'Athénée Réforme. royal de Malines en 1903 et y resta Comme folkloriste, Maurits Sabbe jusqu'en 1919. A partir de 1907, s'intéressa avant tout au chant popu­ il enseigna le néerlandais au Conser­ laire flamand (Wat Oud-Vlaanderen vatoire d'Anvers. En 1919, il fut zong, 1920), et au renouveau de la nommé conservateur du Musée Plan- musique flamande (Peter Benoit, zijn tin à Anvers. Dès lors, son activité leven en zijn werk, 1925 ; De Muziek scientifique allait s'amplifier : à partir in Vlaanderen, 1928). Avec le recul, de 1921, il enseigne la littérature néer­ il semble bien que les ouvrages scienti­ landaise à l'Institut colonial et, dès fiques de Maurits Sabbe pris dans 1923, la littérature comparée à l'Insti­ leur ensemble résistent mieux à l'usure tut supérieur des Beaux-Arts à Anvers. du temps que ses œuvres de fiction. En 1923, il succède à August Vermey- Encore adolescent, Maurits Sabbe len à la chaire d'histoire de la littéra­ débute dans divers journaux et revues ture néerlandaise à l'Université libre par des poèmes descriptifs, frais et de Bruxelles, charge qu'il dut aban- gentils, mais qui ne trahissent nulle- BIOGR. NAT. — t. XLI. 23 707 SABBE 708 ment une personnalité très marquée. 1907). Dans les romans De nood der Même s'il fut l'auteur du texte de bon Bariseele's (La misère de la famille nombre de chants, Maurits Sabbe Bariseele, 1912) et 't Kwartet der Jaco- ne fut jamais un grand lyrique. Il lui bijnen (Le quatuor des Jacobins, 1920), manquait, sans doute, l'intérêt véri­ la perspective historique s'élargit quel­ table pour les mouvements profonds que peu, en couvrant tout le dix- de l'âme, l'obsession des mystères que neuvième siècle et en poussant une recèle le moi. Il préférait diriger son pointe jusqu'au dix-huitième siècle, regard vers les autres, se contentant, tandis que les événements narrés dans la plupart du temps, d'effleurer les 't Pastoorken van Schaerdycke (Le petit méandres cachés de leur cœur, tout en curé de Schaerdycke, 1919) se situent s'attardant à l'évocation fraîche et entièrement à la fin de l'ancien vivante des aspects visibles de leur régime. existence de tous les jours. Lorsque Que l'on ne s'y méprenne pas, August Vermeylen fonde la revue Bruges n'est pour Sabbe ni un sym­ Van Nu en Straks et rompt ce faisant bole, ni un pur décor. C'est une ville avec une tradition littéraire provin­ de province qui vit au ralenti, à l'image ciale et ronronnante, Sabbe qui avait de sa population, ou plutôt, de sa pourtant publié son premier poème petite bourgeoisie dont Sabbe décrit dans Jong Vlaanderen du même Ver­ avec un humour bienveillant les actes meylen, ne suivit pas le mouvement, anodins et la psychologie assez terne. préférant arpenter sagement les sen­ Chez lui, pas de réalisme : ses person­ tiers battus, respecter une tradition nages se conforment aux normes d'une que son père lui avait appris à aimer tendre convention héritée du passé et que son tempérament ne portait littéraire flamand, ils rappellent H. pas à trahir. Conscience, J. van Beers, A. Snieders, Son activité comme enseignant à mais aussi Tony Bergmann, ce qui l'école d'art dramatique rattachée au implique la justesse du trait, la préci­ Conservatoire d'Anvers lui révèle la sion de l'observation, le sens de la pauvreté du répertoire offert à ses nuance, une certaine distinction natu­ élèves. Cela l'incite à traduire quel­ relle aussi et un humour de bon aloi ques pièces, comme le Médée de Grill- qui tranchent agréablement sur la parzer ou le Passant de François platitude et le goût de la grosse farce Coppée, et à écrire quelques piécettes assez répandus dans une certaine lit­ originales ou inspirées de sa propre térature populaire flamande de l'épo­ œuvre romanesque (Bietje, 1913 ; Cari- que ; pas de romantisme non plus, tate, 1914). au sens strict du terme : c'est qu'il Entretemps, c'est Bruges, sa ville manque à Sabbe la profondeur, le natale, que Sabbe fait vivre dans ses goût du mystère, et qu'il serait bien contes, nouvelles et romans. Il évoque vain de chercher dans son œuvre non pas la ville morte, linceul de son la quête de l'absolu. propre passé, ni non plus le Bruges Le sens du réel étant chez cet écri­ contemporain qui se modernise mal­ vain oblitéré par une imagination gré tout lentement, mais il décrit edulcorante, on peut dire qu'il n'a pas le milieu quotidien de son enfance. su dépasser la tradition du réalisme C'est, en effet, dans l'atmosphère des poétique européen du milieu du dix- années 1880 que se déroulent les évé­ neuvième siècle, auquel pourtant nements qui forment la trame des l'Emma Bovary de Flaubert avait, contes recueillis dans Aan 't Minne­ semble-t-il, asséné le coup de grâce water (Au lac d'amour, 1898) et des dès 1857, ce qu'avaient compris pour récits qui ont nom Een mei van leur part et chacun à sa façon Virginie vroomheid (Un printemps de piété, Loveling, Cyriel Buysse ou Stijn 1903) ou De filosoof van 't Sashuis (Le Streuvels. Le nouvelliste et romancier, philosophe de la maison de l'éclusier, le conteur Maurits Sabbe illustre par- 709 SABBE 710 faitement selon l'observation non dé- libéralisme brugeois, en tant que pré- nuée de perfidie faite par Karel van sident de la fédération provinciale dés de Woestijne, ce que la littérature jeunes gardes, membre du comité de flamande serait devenue, ou restée, l'association politique d'arrondisse- sans l'apport de Van Nu en Straks. ment « Van Gheluwe's genootschap » En 1919, Maurits Sabbe avait été et de celui de la section locale du élu membre de la Koninklijke Vlaamse Willemsfonds. Sabbe fut à l'origine, Académie voor Taal- en Letterkunde à la même époque, de diverses réalisa- van België. tions sociales : une société de crédit Louis Gillct. pour l'achat de maisons populaires (« Eigen Bouwen »), une caisse de com- R. Roemans, Analytische bibliographie pensation pour allocations familiales van en bibliographie over prof. Dr. Maurits (« Het Gezin »), etc. En 1932, il obtint Sabbe, Gent, 1933. — L. Monteyne, De Sabbe's, Antwerpen, 1934, p. 131-326. — la septième place sur la liste libérale P. de Smaele, « Notice sur la vie et les pour les élections communales de travaux de Maurits Sabbe », dans Rapport Bruges. S'afflrmant au cours de la de l'Université libre de Bruxelles sur l'an- campagne comme le représentant des née académique 1937-1938, Bruxelles, 1939, jeunes, des flamingants et des progres- p. 88-92. — B.F. Lissens, De Vlaamse sistes, il ne fut pas élu. letterkunde van 1780 tôt heden, Brussel- Amsterdam, 1967, p. 133-134. — J. Sche- Au début des années trente, il s'in- pens, « Maurits Sabbe », dans De Vlaamse téressa de près à l'évolution politique Gids, t. 52, n° 2, février 1968, p. 2-11. de l'arrondissement de Roulers et fut — Idem, « Maurits Sabbe, ernst en hu- frappé par les succès du mouvement mor », dans V.W.S.-Cahiers, t. VI, n° 2/B, « Verdinaso » de Joris Van Severen. 1971, p. 1-4, 14-15. — Dr. H. J. Sabbe, Il considéra ce mouvement comme Maurits Sabbe en zijn Brugse mensen, dangereux pour la paix civile et l'unité Antwerpen-TJtrecht, 1971, passim. nationale mais fut séduit par la théorie du solidarisme social. Cela lui donna l'idée de lancer un mouvement con- SABBE (Victor-Herman-Frans-Maria),current, libéral et axé sur le concept avocat et homme politique, de nationalisme belge. Il critiqua évi- né à Blankenberge le 10 juin 1906, demment l'organisation des milices, décédé à Bruges le 20 février 1958. qu'il estimait devoir conduire à la Petit-fils de Julius Sabbe, il fit de guerre civile et à la dictature, mais bonnes études à l'athénée de Bruges, s'attacha néanmoins à organiser soli- où il milita activement au sein d'une dement la jeunesse libérale. Dans association estudiantine flamande, les toute la province, de nombreuses « Van Maerlant's zonen ». Il termina jeunes gardes furent constituées et brillamment en 1927 des études de à partir de 1936 on organisa à Oost- droit à l'Université de Gand et fit un duinkerke des camps d'été destinés à stage fructueux d'avocat — mais renforcer « l'esprit de corps ». Le mou- aussi d'homme politique — chez le vement solidariste n'hésita même pas député libéral de Bruges Julius Boedt, à utiliser uniformes, tambours et connu pour la solidité de ses convic- fanions! Soutenu par plusieurs pério- tions flamandes, et à l'époque leader diques locaux, créés par Sabbe dans incontesté du libéralisme brugeois. le but de renforcer le mouvement à Très vite, Victor Sabbe constitua Bruges, Ypres, Furnes et Courtrai, avec des amis un noyau de jeunes le solidarisme libéral remporta rapi- libéraux particulièrement actif, qui dement des succès impressionnants. reconstitua la jeune garde, créa une Le programme, défini par Victor troupe scoute et se singularisa par de Sabbe et ses amis, « plantait ses racines nombreuses initiatives au sein du » au sein de la classe ouvrière et de la Willemsfonds local. Dès 1930, il jouit » petite bourgeoisie, se proposait de d'une position de force au sein du » réaliser le solidarisme des bourgeois 711 SAHEL — SAROLEA 712

« et des ouvriers en se fixant pour au renouveau du libéralisme, entrepris » objectif la défense des intérêts de la dans l'entre-deux-guerres et poursuivi » classe moyenne et l'amélioration de à la libération sous le vocable de » la situation de l'ouvrier de manière « néolibéralisme ». » à lui permettre de se hisser au sein Patrick Lefèvre. » de cette classe sociale ». Sabbe s'op- posait aux privilèges de naissance et Archives R. Maerten, J. Schepens, de fortune et, s'inspirant des slogans Bruges, documents divers. du rexisme, promettait de combattre P. Lefèvre, • Démocratisation du libé- pour plus de moralité et de responsa- ralisme belge : l'exemple brugeois (1900- bilité en politique. 1940) », dans Revue belge d'Histoire con- En 1935, Victor Sabbe succéda à la temporaine, VIII, 1977, p. 185-205. — tête du libéralisme brugeois, Boedt B.-S. Chlepner, Cent ans d'histoire sociale en Belgique, Bruxelles, 1972. — Hebdo- s'étant retiré pour motifs de santé. madaires De Strijd (1934-1936), Solidarist Dans les autres arrondissements de la (1937-1938), Nieuw Leven (1930-1937), province, de jeunes avocats, gagnés Bet Volksbelang (1937), Het Nieuwsblad par les idées de Sabbe (Van Glabbeke van Brugge (1935). — H. Corremans, à Ostende, Tahon à Courtrai et Franz • Victor Sabbe », dans Encyclopédie van Sabbe à Ypres, notamment), ne tar- de Vlaamse Beweging, t. 2, Tielt-Utrecht, dèrent pas à apparaître également Lannoo, 1975, p. 1379-1380. comme les véritables leaders du libé- ralisme west flamand. Aux élections législatives de 1936, Victor Sabbe ne SAHEL (Léon). Voir MÉLOT (Jo- fut pas élu à Bruges, mais Van Glab- seph). beke et Tahon le furent dans leurs arrondissements respectifs, assurant SAROLEA (Jean-Charles-Léo- ainsi au solidarisme libéral une repré- nard), ingénieur, né à Hasselt le sentation nationale. 11 novembre 1866, décédé à Rolle Cette réussite valut à Victor Sabbe (canton de Vaud, Suisse) le 8 août une ascension rapide au sein de son 1937. parti : nommé en 1937 secrétaire Jean Sarolea était le quatrième pour la partie flamande de cette forma- des huit enfants du docteur en méde- tion politique, il fut désigné au lende- cine, Jean-Pierre Sarolea, qui exer- main de la guerre comme vice-prési- çait sa profession à Hasselt. Depuis dent du Parti libéral belge, président 1627, la famille dont il était issu rési- du Liberaal Vlaams Verbond, vice- dait aux confins des provinces de président de la Centrale générale des Liège et de Limbourg ; elle comptait Syndicats libéraux de Belgique et nombre de notables de la région et administrateur de la Caisse nationale jouissait de l'estime publique. d'allocations familiales. Ses succès C'est dans une atmosphère de tra- électoraux furent par contre relative- vail et de probité qu'il accomplit, ment limités, puisqu'il ne fut membre comme ses frères, des études d'huma- de la Chambre des représentants que nités brillantes à l'athénée d'Hasselt. pendant quelques mois au lendemain Bien qu'il semblât plus apte à pour- de la guerre et conseiller communal suivre des études littéraires plutôt de Bruges de 1938 à sa mort. Notons que scientifiques, il se rendit à l'Ecole enfin, qu'au cours de la question des Ponts et Chaussées de l'Univer- royale, Victor Sabbe apparut comme sité de Gand, qui jouissait alors d'une une des personnalités libérales les réputation internationale, pour y con- plus hostiles à la personne de Léo- quérir le diplôme d'ingénieur civil des pold III. constructions. Ensuite, il compléta Dynamique pour les uns, oppor- sa formation en suivant les cours tuniste pour les autres, Victor Sabbe conduisant à l'obtention du diplôme contribua d'une manière indubitable d'ingénieur civil électricien à l'Institut 713 SAROLEA 714

Montefiore, à Liège. Après ses études, pompe en 1903. Pendant vingt ans, il passa un an à Edimbourg en Ecosse elle suffit pour alimenter en force auprès de son frère Charles Sarolea électrique l'agglomération de Lyon qui devint titulaire de la chaire de et l'industrie de la région. L'ingénieur littérature française. belge présida à la réalisation de l'im­ Nanti de ses diplômes, Jean Sarolea portant réseau de câbles qui alimen­ partit pour le Chili en 1890 pour tait, à partir de l'usine de Jonage, mettre au point le réseau d'électrifi- l'agglomération de Lyon. cation de l'agglomération de Santiago. La compétence de Jean Sarolea Au cours de son séjour au Chili, on le comme électricien et comme hydrau- chargea également de l'étude de l'as­ licien lui valut d'être nommé ingénieur sainissement de la ville de Valparaiso en chef, puis directeur général de la par la création d'un réseau d'égouts. Société lyonnaise des Forces motrices La réputation des ingénieurs belges du Rhône. Cet eminent technicien était telle qu'on leur demandait des était également un homme de cœur études dans les domaines les plus qui s'ingénia, dans la suite de sa variés. Pendant trois ans, il se con­ carrière, à capter l'énergie des rivières sacra à l'étude et à la réalisation des de montagne pour la transformer en deux projets et dès leur achèvement, énergie électrique, afin d'en faire en 1893, il regagna l'Europe. bénéficier la population des régions Après un court séjour en Belgique, montagneuses. Jean Sarolea fut engagé par la Société Dès qu'un projet était terminé, lyonnaise des Forces motrices du il se lançait dans l'étude d'une nou­ Rhône, dont le directeur, l'ingénieur velle centrale hydraulique, de la Henrard, était également un ancien conception à la réalisation. Sa répu­ élève de l'Institut Montefiore. tation lui valut d'être ingénieur conseil A cette époque, la ville de Lyon de la Compagnie lyonnaise d'Electri­ était alimentée en électricité à partir cité, qui alimentait la ville d'Oyonnax, de centrales thermiques. Dès son de la Société de Lyon et du Dauphiné, arrivée, Jean Sarolea fut chargé de qui appartenait à la famille Grammont l'étude d'une dérivation du Rhône, et qui fabriquait de l'appareillage de la construction d'un barrage et de électrique. l'érection d'une centrale hydraulique ; Lorsqu'il atteignit la limite d'âge, ces nouveaux ouvrages prévus à en 1930,'ses amis et collaborateurs lui Jonage-Cusset, à l'amont immédiat offrirent une plaque en argent massif de Lyon, devaient être conçus de représentant son portrait. façon à assurer la navigation continue Mais l'heure de la retraite ne signi­ sur le Rhône et comportaient donc fiait pas la cessation de toute activité l'écluse de Cusset. C'était la première de cet ingénieur dynamique ; il restait installation hydro-électrique impor­ attaché comme ingénieur conseil à la tante de basse chute réalisée dans le Société lyonnaise des Forces motri­ monde. ces du Rhône. En outre, il était En moins d'un an, les plans furent demandé comme ingénieur conseil et mis au point et le levé topographique collaborateur de diverses centrales du site fut achevé ; dès 1894, on enta­ ou sociétés de distribution d'électri­ ma l'exécution du projet. cité ; citons, notamment, la Compa­ L'eau du Rhône, à douze kilomètres gnie de la Haute Isère, la Compagnie en amont de Lyon, était dirigée vers du Rhône-Jura, la Société de la Valsé- un canal de 8 km de longueur abou­ rine, la Société de l'Ain Inférieur et, tissant à un barrage de 700 m de surtout, la Société pour l'Aménage­ largeur. L'écluse de Cusset livrant ment du Rhône de Génissiat au sud passage aux bateaux fut achevée le de Lyon. C'est à ce dernier titre qu'il 14 avril 1897, tandis que l'inaugura­ doit d'être considéré comme un génial tion de la centrale eut lieu en grande promoteur du barrage et de la cen- 715 SASSERATH 716

traie de Génissiat qui, lors de son de faire carrière dans la capitale et inauguration en 1953, était la centrale s'inscrit au barreau de Bruxelles. la plus puissante de l'Europe. A Bruxelles, le jour de son arrivée, Il faisait également partie du Comité il est absolument inconnu, mais il se technique de la Société de Transport jure de devenir célèbre. Et il le d'Energie des Alpes et il apporta deviendra rapidement. une collaboration épisodique à la Présenté au serment par Me Fernand Revue générale à" Electricité. Cocq, Simon Sasserath eut la chance En fait, Jean Sarolea était devenu de devenir le stagiaire d'un patron le conseiller de toute l'industrie hydro- illustre, Paul Janson, et ensuite son électrique de France. collaborateur. A ce titre, il plaidera, Il mourut en août 1937, à la suite aux côtés de l'un des plus grands d'un accident d'automobile survenu avocats que connut la Belgique, des à Rolle, en Suisse, alors qu'il se rendait affaires importantes, notamment l'af- chez son frère cadet, Henri, aussi faire du naufrage du navire école ingénieur électricien, qui passait ses de Smet de Naeyer. vacances en Suisse. Mais ce qui fit surtout connaître Jean Sarolea n'était pas seulement Sasserath ce furent les affaires d'assises un grand ingénieur ; c'était un homme qu'il plaida avec succès dès le début sensible qui avait été élevé dans un de sa carrière. II obtint plusieurs milieu où les arts étaient autant acquittements dans des affaires dif- honorés que les sciences. Pendant la ficiles, devint rapidement l'un des guerre 1914-1918, il fonda à Lyon un ténors des assises du Brabant et ne Comité de Secours aux Réfugiés Bel- plaida pas moins de soixante-dix ges qui aida de nombreux réfugiés et affaires devant cette juridiction. militaires belges. Simon Sasserath fut avant tout un André Lederer. pénaliste et ne cessa d'approfondir sa connaissance du droit pénal au cours Archives de la famille Sarolea, chez de sa longue carrière. M. Verlinden à (Jointe (Liège). — Archives Dès 1919, il continue et dirige la de la Société lyonnaise des Forces motrices Revue de Droit pénal et de Criminologie du Rhône, à Lyon, — Etat civil de Rolle, qui avait été créée en 1907, par canton de Vaud, Suisse, registre des décès, vol. Vin, p. 32, n° 26. — « Jean Sarolea, Henri Jaspar, sous les auspices du 1866-1937 », dans Koninklijk Atheneum ministère de la Justice. D'une plume Hassett, Gedenkboek, 1850-1950, fHasselt, élégante, il y écrit de multiples articles 1950], p. 227-229. et commentaires jurisprudentiels. En 1925, il constitue avec Henry Carton de Wiart, l'Union belgo-luxem- SASSERATH (Simon), avocat et bourgeoise de Droit pénal, dont il fut professeur, né à Verviers le 16 août le secrétaire général dévoué pendant 1880, décédé à Bruxelles le 24 octobre de nombreuses années pour en assumer 1955. ensuite la présidence. Il fit ses études moyennes à l'athé- Il fut aussi, quelques années plus née de Verviers s'occupant dès lors de tard, appelé a la vice-présidence de constituer des associations culturelles l'Association internationale de Droit de jeunes. pénal et du Bureau international pour Ayant achevé brillamment ses hu- l'Unification du Droit pénal. Le Gou- manités, c'est à l'Université de Liège vernement belge lui demanda de le que Simon Sasserath va conquérir en représenter, de 1925 à 1940, à tous 1904 son diplôme de docteur en droit. les congrès et à toutes les conférences Ses études terminées et malgré de criminologie. En 1937, en qualité l'amour qu'il porte à sa cité natale, de délégué plénipotentiaire de la Bel- Simon Sasserath décide de vivre et gique à la Conférence internationale 717 SASSERATH 718 de Genève, convoquée par la Société sieurs chapitres importants dont celui des Nations, il apposa sa signature consacré à la Cour d'Assises. sous le Traité international contre le N'oublions pas un opuscule qui Terrorisme. prouve les multiples facettes de ses Il fut l'organisateur et souvent le préoccupations juridiques : Mariage, président de plusieurs congrès ou contrat de mariage, divorce, séparation conférences de droit pénal, tant en de corps et de biens, mariage et divorce Belgique que dans divers pays d'Eu­ des étrangers (Bruxelles, Office de rope. Publicité, 1929, 88 pages.) Mais ses activités juridiques ne se L'activité de Simon Sasserath au bornaient pas au droit pénal. Il fut barreau fut aussi considérable que également un excellent civiliste et, féconde. à ce titre, il enseigna le droit des Au début de sa carrière, il plaida donations et des testaments à l'Uni­ surtout aux assises et devant les tri­ versité Nouvelle à Bruxelles ainsi qu'à bunaux correctionnels. Plus tard, l'Institut des Hautes Etudes de Gand, c'est devant les juridictions civiles, de 1905 à 1914. notamment devant les Cours d'appel, Pendant une dizaine d'années, de qu'il plaida le plus souvent, tout en 1930 à 1940, il professa à l'Institut poursuivant ses études approfondies de Criminologie et de Droit comparé de droit pénal. à Paris et la Faculté de Droit de cette Tant au civil qu'au pénal, la rigueur ville lui décerna la médaille réservée de son argumentation, la conviction aux plus éminents représentants de la de ses plaidoiries, son talent de répar­ science juridique. tie, le soin apporté à l'étude des dos­ Docteur honoris causa de l'Univer­ siers à lui confiés lui valurent de sité de Rennes, il donna divers cours nombreux succès et de grandes joies. à ladite université, ainsi qu'aux Il forma une cohorte de stagiaires, Universités de Strasbourg, de Tou­ dont le soussigné eut l'honneur de louse et de Bordeaux. faire partie et qui lui gardèrent une Il fut aussi appelé en consultation profonde reconnaissance pour la for­ à l'étranger et plusieurs gouverne­ mation éclairée qu'il leur donna avec ments prirent son avis au sujet de toute la patience et tout le dévoue­ réformes pénales. ment souhaitables. S'intéressant avant tout au droit S'occupant surtout de plaider, d'étu­ pénal, mais également civiliste distin­ dier le droit et de l'enseigner, Simon gué, il fut l'un des premiers juristes à Sasserath se livra aussi à d'autres s'intéresser activement au droit du activités intéressantes. travail, publiant notamment et succes­ C'est qu'il avait décidé de consacrer sivement divers ouvrages sur le Con­ une fois pour toutes le temps qui lui trat d'Emploi. resterait disponible après l'accom­ Mais ses publications les plus im­ plissement impeccable de ses activités portantes concernent évidemment le professionnelles et juridiques, à la droit pénal. défense de la langue et de la culture Son Traité pratique de la Cour d'As­ françaises, menacées et auxquelles il sises, publié à Bruxelles en 1919, fait était profondément attaché. autorité et sera le bréviaire de tout L'année 1910 voit naître à Bruxelles avocat belge plaidant aux assises. la Ligue nationale pour la Défense de Les trois tomes consacrés par les la Langue française, cette naissance Novelles à la Procédure pénale furent étant due à l'initiative de Simon écrits et publiés entre 1941 et 1949 Sasserath, de Raoul Engel (qui sera sous son contrôle et sa haute direction assassiné en 1943 par les tueurs à la avec le concours de plusieurs de ses solde de l'occupant), de Fernand collaborateurs, lui-même rédigeant plu­ Pavard et de Frédéric Hamaide. 719 SCEPTICUS 720

Après avoir assumé tout d'abord aux Amitiés françaises — au total la présidence de cette ligue et en pendant un demi-siècle, de 1929 à avoir assuré le succès, Simon Sasse- 1979. Madame Sasserath-Caspary ap- rath céda ses fonctions au docteur porta à l'accomplissement de cette Albert Brachet, ancien recteur de charge les mêmes soins, le même dé- l'Université libre de Bruxelles et en- vouement, la même énergie que feu suite au professeur Maurice Ansiaux, son époux, et elle le fit jusqu'à sa lui aussi ancien recteur de la même mort survenue en juin 1979. université ; Simon Sasserath accepta La guerre fut particulièrement cruel- en 1925 de reprendre la présidence le à Monsieur et Madame Sasserath. et donna à la ligue une nouvelle im- Ils eurent la grande douleur de perdre pulsion. leur fils cadet, Jacques, disparu en C'est à son initiative que la ligue mer, en tentant de rejoindre les forces fusionnera en 1929 avec les Amitiés libres à bord d'un frêle esquif après françaises créées dès 1904 et, dès lors, l'armistice française. c'est une association de première Par ailleurs, leur fils aîné, Paul importance, dénommée Amitiés fran- Sasserath, poursuit une brillante car- çaises et Ligue pour la Défense de la rière de magistrat, occupant actuel- langue française, qui, sous la houlette lement les fonctions d'avocat général de Simon Sasserath, va appeler à sa à la Cour d'appel de Bruxelles ; il se tribune les conférenciers les plus distingua récemment, lors de la rentrée célèbres de France, attirant un public judiciaire de septembre 1979, en si nombreux que chaque conférence prononçant une mercuriale du plus dut être dédoublée. haut intérêt sous le titre VInforma- L'association décida aussi d'orga- tique Judiciaire - Considérations et niser des cours de français à Bruxelles, Perspectives. mais surtout dans la banlieue bruxel- Et c'est ainsi que, se conformant à loise d'expression flamande. la tradition paternelle, Paul Sasserath Les activités des Amitiés françaises poursuit le « bon combat ». et de la ligue durent être suspendues En terminant, rappelons que Simon sous l'occupation mais, dès la libéra- Sasserath fut justement comblé d'hon- tion, Simon Sasserath ranima la flam- neurs, bien mérités, par divers gouver- me et les plus éblouissants orateurs nements belge et étrangers en récom- de France et parfois de Belgique — pense des services exceptionnels qu'il hommes politiques de premier plan, leur rendit spécialement du point savants et généraux illustres, artistes de vue juridique. et littérateurs en vogue — se succédè- Arthur Fontigny. rent à la tribune des Amitiés fran- çaises et de la ligue ressuscitées. A. Pontigny, « Me Simon Sasserath », Pendant toute sa vie culturelle, dans Journal des Tribunaux, 70e année, Simon Sasserath avait été assisté dans n° 4081, 6 novembre 1955, p. 628. — P.C., « Simon Sasserath », dans Revue de l'organisation de ses associations, e ligues et conférences par une épouse Droit pénal et de Criminologie, 36 année, attentive qui lui apporta toujours une 1955-1956, p. 139-142. — « Journées franco-belgo-luxembourgeoises de science collaboration efficace et dévouée. Aus- pénale », dans Bévue de Droit pénal et de si, avant de quitter cette terre, Simon Criminologie, 36e année, 1955-1956, p. 410. Sasserath avait-il exprimé le souhait — « Union belge et luxembourgeoise de que sa femme lui succédât en assu- droit pénal, 17 décembre 1955 », dans Revue de Droit pénal et de Criminologie, mant la présidence des Amitiés fran- e çaises. 36 année, 1955-1956, p. 516. Le comité accéda à ce vœu et c'est ainsi que le nom de Sasserath continua encore pendant de nom- SCEPTICUS. Voir GHELDERODE breuses années à servir de pavillon (Michel de). 721 SCHIERVEL 722

SCHIERVEL (Louis, baron de), Congrès National et élu comme sup- prénoms déclarés à l'état civil: Pierre-Léonard-pléant Louis-par HasseltMarie, . Il y vote pour fonctionnaire l'exclusion des Nassau de toute fonc- et sénateur catholique, né à Fouron-le-Comtetion en Belgique, pour le duc de Ne- le 10 février 1785, mort à mours, pour le futur Léopold Ier, pour Rotem le 4 novembre 1866. l'abolition de toute distinction d'ordres Fils de Pierre-Léonard-Joseph de et contre les XVIII Articles. Il siège Schiervel, chevalier du Saint-Empire au Sénat pour Roermond (Ruremonde) Romain, et de Marie-Claire de Fassin (1831-1843) et pour Hasselt (1843- et petit-fils de Léonard de Schiervel, 1848). II opte pour les fonctions de échevin de Henri-Chapelle, il épouse, gouverneur de province lorsqu'en le 14 juin 1813, Maiie-Anne-Adélaïde 1848, la loi crée des incompatibilités de Smeets d'Ommerstein (morte en entre toute fonction salariée par 1847). l'Etat et un mandat parlementaire. Il fait ses études auprès de son père Il préside cette assemblée de 1838 chez qui, dès l'âge de quinze ans, à 1848. Il revient au Sénat en 1863, il travaille comme chef de bureau. en remplacement du comte de Renesse- Fonctionnaire, sous le régime fran- Breidbach, sénateur de Tongeren (Ton- çais, il est inspecteur des chemins gres)-Maaseik, mais il ne se présente vicinaux du canton de Dalhem. Après plus aux élections. Il est membre de son installation au château d'Ommer- la commission de rédaction de l'Adres- stein où il s'occupe de l'exploitation se au Roi, après l'affront fait à la Bel- agricole attenante, il est chargé de gique en la personne de Philippe Han- diverses fonctions administratives agri- no, commissaire d'arrondissement à coles et forestières. Sous le régime Luxembourg (1834). Il est le rappor- hollandais, il est commissaire du teur des projets de loi d'organisation gouvernement à la direction des che- communale (1835) et provinciale mins vicinaux du canton de Dalhem ; (1836) et des budgets des dotations il demande et obtient les fonctions de (1834) et des travaux publics (1837). commissaire de milice à Roermond Il s'abstient lors du vote de la loi sur (Ruremonde) et Maastricht. Il refuse les incompatibilités (1848). la place de bourgmestre d'Opoeteren, Il obtient reconnaissance de no- mais accepte d'être nommé bourg- blesse et concession du titre de baron mestre et secrétaire de Rotem et transmissible par ordre de primogé- Dilsen (1825). Sous le régime belge, niture (1842). il est gouverneur de la province de Marie-Ami© Flandre orientale (1837-1843), puis de celle de Limbourg (1843-1857). A Iconographie : un portrait peint par Gand, il appuie les conservateurs et A. Chauvin se trouve au Sénat. tente de se concilier les orangistes. Au Archives générales du Royaume, à début des années quarante, il a voulu Bruxelles, Papiers Nothomb, n° 74 ; Pa- démissionner. Une première fois piers de Theux, n° C78. (21 mars 1840), parce qu'il n'a pas P. Roger, Biographie générale des Bel- confiance dans le cabinet libéral Le- ges morts ou vivants, Bruxelles, 1849, beau-Rogier et, deux ans plus tard p. 241. — A. Scheler, Statistique person- (1842), parce qu'il estime que ses nelle des ministères et des corps législatifs fonctions lui coûtent trop cher : il a constitués en Belgique depuis 1830, Bru- dépensé 40.000 francs de l'époque, en xelles, 1857, p. 50. — A. Scheler, Annuaire cinq ans, sur sa cassette personnelle. statistique et historique belge, 1857, Bru- xelles-Leipzig-Bonn, 1857, p. 248. — Il s'intéresse essentiellement aux Livre d'Or de l'Ordre de Léopold, t. 1, moyens de communication routière. Bruxelles, 1858, p. 318-319. — A. Scheler, Parlementaire, il est membre de la Annuaire statistique et historique belge, Seconde Chambre des Etats Généraux, 1865, Bruxelles-Leipzig-Gand, 1866, p. 351. député de Roermond (Ruremonde) au — L. Hymans, Histoire parlementaire de 723 SELYS LONGCHAMPS 724 la Belgique de 1831 à 1880, t. 1, Bruxelles, Jean de Selys ne laisse guère le sou- 1878, p. 275, 277 et 369 ; t. 2, Bruxelles, venir d'un élément brillant que ce soit 1879, p. 693. — A. d'Hoffschmidt, 1830- à Maredsous ou au collège Cardinal 1880, La représentation nationale en Bel- Mercier. Nanti néanmoins d'un di- gique, Arlon, 1880, p. 124. — La noblesse belge, 1897, 2e partie, p. 2134. — C. du Bus plôme d'humanités scientifiques, il de Warnaffe et O. Beyaert, Le Congrès poursuit, durant deux ans, des études National. Biographie des membres du Con- en sciences commerciales et financières grès National et du Gouvernement Provi- à Louvain. soire (1830-1831), Bruxelles, 1930, p. 62. Lancé dans l'existence, il exerce — L. Roppe, « De Schiervel », dans Na- diverses fonctions notamment à la tionaal Biographisch Woordenboek, t. 3, Banque du Crédit anversois. Brussel, 1968, col. 769-771. — B. Lamberts, En juillet 1933, il entre au 1er régi- Kerk en libéralisme in hel bisdom Gent (1821-1857). Bijdrage tôt de sludie van het ment des guides et s'y distingue par liberaal-katolicisme en het ultramontanisme, son esprit d'initiative, son excellente Leuven, 1972, p. 202. — J. Stengers, éducation et ses qualités équestres. e.a., Index des éligibles au Sénat (1831- Rendu à la vie civile après quatorze 1893), Bruxelles, 1975, p. 189 (Commission mois de service actif, il effectue les de la Biographie Nationale). — De provin- rappels afférents à sa nomination dans de vroeger en nu : Oost-Vlaanderen, Brussel, le cadre de réserve en qualité de sous- 1976, p. 42 (Gemeentekrediet van België). lieutenant de cavalerie. — De provinde vroeger en nu : Limburg, Brussel, 1976, p. 38 ( Gemeentekrediet van Mobilisé, il rejoint son régiment. Du 10 mai au 28 mai 1940, il est adjoint België). — W. Roelants, « De gouverneurs e van Limburg sinds 1830 », in Limburg, à l'E.M. du Gr. Cy. 17 D.I. et exerce 6de jaargang, p. 121-129. en outre la fonction de chef de peloton. Le 28 mai, il est à Saint-Julien dans les Flandres ; le 29 à La Panne SELYS LONGCHAMPS (Jean-Michel-Paul-Marie-Ghislain,où il s'embarque pour Margate (An- baron gleterre). de), aviateur, né à Bruxelles le 31 mai Le 31 mai, il rejoint une première 1912 de l'union de Raymond-Charles-Michel-Ghislainfois les Forces belges en Grande- de Selys Longchamps Bretagne, séjourne quelques jours à et d'Emilie-Caroline de Theux de Tenby puis apprenant que la France Meylandt et Montjardin; décédé acci- continue la lutte contre l'envahisseur dentellement à Manston le 16 août nazi, gagne Brest le 6 juin. Mais là 1943. aussi, c'est la débâcle. Commence Issu d'une lignée de politiciens et alors pour Jean de Selys un périple d'humanistes où se côtoyaient les qui le mènera de Gibraltar à Oran, Michel-Laurent de Selys Longchamps ensuite à Marseille, Casablanca, Tan- — attaché à la personne du prince- ger, Gibraltar et enfin à Glasgow où évêque de Liège en cette fin du xvme 11 débarque le 15 décembre 1940. siècle —, les Michel-Edmond de Selys Le lendemain, il est à Londres. Il Longchamps — président du Sénat repasse aux Forces belges mais il bout de 1880 à 1884, animateur du parti de reprendre le combat. En janvier libéral mais également entomologiste 1941, il s'engage à la R.A.F.-V.R.- renommé —, ou encore les Marc- section belge. Après les cours de Aurèle-Gracchus de Selys Longchamps l'Elementary Flying Training School — zoologiste, professeur et secrétaire d'Odiham, ceux de la Service Flying perpétuel de l'Académie royale de Training School de Ternhill et ceux Belgique —, le jeune baron Jean de de l'Operational Training Unit de Selys Longchamps se devait d'égaler Heston, il est affecté en octobre 1941 ses illustres parents. au 609 Sqn à Biggin Hill. A partir Eblouissant, il ne l'est certes pas du 26 de ce mois, il effectue avec son dans ses études. Intelligent, sensible escadrille les missions opérationnelles mais indépendant et peu appliqué, qui lui sont assignées. Excellent pilote 725 SERESIA 726 de chasse, courageux jusqu'à en être attribution du Lion de bronze et de téméraire, il attaque l'ennemi partout la Croix de guerre 1940 avec palme, où il le trouve et ce, au mépris de la chevalier de l'Ordre de Léopold avec riposte de l'adversaire. palme à titre posthume et distinguish- Durant la période qui s'étale du ed flying Cross. 19 novembre 1941 au 18 septembre Jean-Pierre Gahidc. 1942, il suit son squadron dans ses nouvelles bases (Digby - Duxford - Ministère de la Défense nationale, à Biggin Hill). Après sa nomination en Bruxelles, dossier militaire du capitaine qualité de Flight Commander, il pour- aviateur baron Jean de Selys Longchamps, n° matricule 38160, sur base de l'extrait suit son entraînement à la Central de la Matricule — 1er Régiment des Gui- Gunnery School de Sutton Bridge des —, et de divers documents belges et d'octobre à décembre 1942. Entre- anglais, n° matricule anglais 61313. — temps, la 609e escadrille s'est établie Centre de Documentation historique de à Manston ; Jean de Selys l'y rejoint l'Armée, à Bruxelles, RAÏ Opérations et son retour coïncide approximative- record book 609 Squadron 1941-1943, ment avec le fait d'armes qui va l'im- Aé IV 33-35. — Renseignements fournis fort aimablement par Monsieur le Comte mortaliser : l'attaque du Quartier François de Selys Longchamps, frère aîné Général de la Gestapo à Bruxelles au du baron Jean de Selys Longchamps. matin du 20 janvier 1943. Ce n'est pas tant l'importance mili- O. Coomans de Brachène et G. de Hemp- taire de l'objectif que la portée morale tinne, Etal présent de la noblesse du royaume de Belgique, t. XVII, Bruxelles, 1968, de ce mitraillage qu'il nous faut consi- p. 72. dérer. La population belge avait vainement espéré l'intervention de la R.A.F. lors SERESIA (Raymond-Amand-Sylvain-Marie), du meeting de Degrelle au Palais des avocat et homme poli- Sports. Un moment déçue, elle va tique, né à Bruges le 3 mai 1851 et y retrouver toute sa confiance dans décédé le 24 mai 1903. l'aviation alliée après cette action Issu d'une famille aisée et libérale spectaculaire. de Bruges, il fit ses études moyennes En mars 1943, Jean de Selys passe à l'athénée de sa ville natale avant au 3 Sqn à Hunsdon, séjourne à West de suivre les cours de la Faculté de Mailing avant de revenir à Manston Droit de l'Université de Gand. Inscrit avec sa nouvelle escadrille. comme avocat au barreau de Bruges Le 16 août 1943, Jean de Selys à partir de 1875, Raymond Seresia Longchamps décolle pour une mission se distingua particulièrement lors de de patrouille de nuit au-dessus de la procès civils, y remportant des succès Belgique. Au retour, la queue de son retentissants. Il fut également pen- Typhoon s'étant détachée, le pilote dant plusieurs années juge suppléant belge s'écrase avec son appareil sur au Tribunal de première instance et le terrain de Manston. Tué sur le fut élu en 1902 bâtonnier de l'ordre. coup, Jean de Selys est enterré le Seresia, qui plaidait fréquemment 19 août au cimetière de Minster dans gratuitement pour des ouvriers, était le Kent. préoccupé par les problèmes sociaux, Il avait à son actif deux victoires mais était davantage un conservateur aériennes — 1 F.W. 190 endommagé paternaliste qu'un réel progressiste. le 16 décembre 1942 et 1 F.W. 190 Etant néanmoins un des seuls membres abattu le 14 février 1943 — ainsi que de la haute bourgeoisie à accepter de de multiples objectifs ennemis détruits. faire partie des comités des associa- Il totalisait 702 heures de vol dont tions libérales destinées à la classe 188 sur Typhoon et était titulaire de moyenne (« Libérale Vlaamse Bond ») citations à l'Ordre du Jour de l'Armée ou ouvrière (« Van Gheluwe's genoot- et de l'aéronautique militaire avec schap »), il contribua largement à 727 SERRURIER-BOVY 728 maintenir ces diverses sociétés dans près de Hervé, Gustave Serrurier l'orbite de l'aile conservatrice. Membre s'inscrit à l'Académie des Beaux-Arts du Comité directeur de l'Association de Liège en 1874, tout en poursuivant libérale de Bruges et candidat à diver- ses études générales à l'athénée. Dé- ses élections à partir de 1881, Ray- goûté assez tôt de la formation aca- mond Seresia fut conseiller communal démique, il s'enthousiasme pour les de 1899 à 1903. Il joua également un idées de Ruskin et de Morris, mais rôle important au sein de la loge se passionne surtout pour les écrits brugeoise « La Flandre » qu'il repré- de Viollet-le-Duc. Il donne à ses com- senta pendant plusieurs années auprès pagnons de cours, le 25 novembre du Grand Orient de Belgique. Avec 1879, une conférence : Entretiens sur Julius Sabbe, il fut un des plus ardents l'architecture du XIXe siècle (repro- promoteurs du mouvement flamand duite dans J.-G. Watelet, Mémoire, à Bruges. A l'Université de Gand, Annexe I), où il s'inspire de l'ouvrage il avait milité activement au sein de de Viollet-le-Duc Entretiens sur l'ar- l'association estudiantine « 't Zal wel chitecture (1863-1872) et le cite même gaan » et avait contribué en 1885 nommément. En 1833, il pratique à la constitution d'une société de l'architecture ; un papier à lettres à soutien aux jeunes étudiants flamin- en-tête en fait foi. C'est alors que gants. Il avait participé à la direction Serrurier noue avec Armand Rassen- du Willemsfonds brugeois de 1876 à fosse une amitié profonde qui ne se 1881, représentant notamment cette démentira jamais. Il est aussi très lié organisation au sein de la commission avec Auguste Donnay, Oscar et Emile « Breydel en de Coninc » et du « Comi- Berchmans. Musicien amateur, il joue teit ter bevordering van de Neder- du violon dans l'Orchestre des Ama- landse zang ». Toujours pour soutenir teurs et ne manque aucun concert le mouvement flamand, il avait lancé du Conservatoire. en 1887 l'hebdomadaire Help U zelf, Sa carrière architecturale débute zo helpt U God, qui ne connut qu'une en collaboration avec son père, archi- existence éphémère. tecte-entrepreneur. Il restaure le châ- Patrick Lefèyre. teau de My et réalise son premier projet en construisant la chapelle du P. Lefèvre, « Démocratisation du libé- château de Chaityfontaine (Pépin- ralisme belge : l'exemple brugeois (1900- 1940) », dans Revue belge d'Histoire con- ster) ; le style néogothique laisse déjà temporaine, VIII, 1977, p. 185-205. — percer quelques nouveautés dans l'as- P. Lefèvre, « Le mouvement libéral fla- semblage de la brique et de la pierre mand à Bruges (1872-1940) «, dans Revue blanche. Mais son intérêt se porte belge de Philologie et d'Histoire, t. LVIII, assez tôt sur l'ameublement. Con- 1980, p. 382-392. — lt. Van Benoo, De vaincu de l'importance du renouveau Pets te Brugge (1792-1914), Louvain- anglais dans ce domaine, il se rend Paris, 1961, p. 74 (Universitair Centrum voor hedendaagse Geschiedenis, Bijdragen, à Londres en 1884 pour visiter les nr 20). — Bulletin du Grand Orient de « Schools of Handicrafts » et y prend Belgique, 5903, Bruxelles, [1903], p. 103. ses premiers contacts avec la firme — Journal de Bruges, 1881-1903. — Liberty. Help U Zelf, zo helpt U God, 1887-1888. Le 27 mars 1884, il épouse Maria Bovy, collaboratrice des parents Ras- senfosse dans leur magasin d'objets SERRURIER-BOVY (Gustave-Nicolas-Joseph),de cadeaux. Tout de suite, les époux architecte et décora- prennent la décision d'ouvrir un ma- teur, né à Liège le 27 juillet 1858 et gasin d'ameublement contemporain, décédé dans la même ville le 19 no- où le nom de Bovy est joint à celui vembre 1910. de Serrurier, tant la part de l'épouse Originaire d'une famille d'ébénistes- dans cette activité sera grande. Ainsi entrepreneurs provenant de Charneux, s'ouvre, en 1884 encore, rue de l'Uni- 729 SERRURIER-BOVY 730 versité 38, à Liège, la maison Serru- » à l'ordre de choses actuel ... il faut rier-Bovy. » travailler et mettre en œuvre toutes L'activité de l'architecte va céder » nos facultés créatrices ... pour un progressivement le pas à celle du » monde nouveau dont on peut pré- décorateur. Cependant, Serrurier éla­ » voir l'avènement et à qui nous pour- bore, en 1887, Un projet d'hôpital » rons laisser les prémices d'un art universitaire dressé suivant les indica­ » vraiment jeune et fort ... Préjuger tions d'une Commission nommée par » de ce que sera cette expression, la Faculté de Médecine de Liège. Tel » serait assez malaisé et du reste inu- est le titre de l'article qu'il consacre » tile. Ce n'est pas du point d'arrivée à ce projet dans Le Mouvement hygié­ » que nous devons nous occuper main- nique de mai-juin 1887. Il s'agit d'un » tenant, mais plutôt du point de des premiers projets d'hôpital pavil­ » départ » (H. Nocq, Tendances nou­ lonnaire. velles, Enquête sur l'évolution des in­ La maison Serrurier-Bovy offre à dustries d'art, Paris, 1896, p. 32 et 33). sa clientèle des objets du Japon et En 1896, 1897, 1900 et 1903, Serru­ de l'Extrême-Orient, mais bientôt rier exposera à la Libre Esthétique aussi des tissus et papiers peints de des stands de meubles ou d'objets. la firme londonienne Liberty. Pa­ A Liège, il crée, à l'image de cette rallèlement commence, timidement même association bruxelloise, l'Œu­ d'abord, la fabrication de petits meu­ vre artistique dont il est le secrétaire bles volants. et la cheville ouvrière. Quelques amis C'est à la première exposition de la se groupent autour de lui. En avril Libre Esthétique en 1894 que Serru­ 1895, il monte, au casino Grétry, rier va créer son premier ensemble une exposition d'art appliqué ; le complet. Invité par Octave Maus, catalogue comporte 606 numéros. sans doute sur le conseil de Van de Outre quelques objets repris à l'ex­ Velde, il expose à l'intérieur du Palais position de la Libre Esthétique, il des Beaux-Arts (actuellement Musée faut mentionner les envois nombreux d'Art ancien), un « cabinet de tra­ et très remarqués de l'Ecole de Glas­ vail ». On peut y déceler le désir de gow (avec les premières œuvres gra­ créer un tout cohérent, la rupture phiques de Mackintosh) et les pre­ avec les styles précédents et le retour miers projets de l'architecte parisien à un mobilier d'inspiration rurale, Hector Guimard. Cette exposition se robuste mais allégé par des parois en double de manifestations diverses : la lattes verticales parallèles. Les murs plus importante est la représentation s'ornent d'une frise à décor floral au casino Grétry de la pièce de Henrik naturel. L'ensemble est neuf et joyeux. Ibsen Solness le Constructeur, par le L'année suivante, dans le cadre de la Théâtre de l'Œuvre de Lugné-Poe. même exposition, il présentera une La même année, Serrurier est pré­ « Chambre d'artisan ». La brochure sent à l'Exposition triennale de Gand. d'introduction explique : « Le goût En 1896, au Salon du Champ-de-Mars » a plus à craindre du luxe que de à Paris, il expose un « Cabinet de » la modestie et les exigences de la travail » proche de celui de Bruxelles. » simplicité lui sont moins dangereu- En octobre, il participe à l'exposition » ses que les facilités de l'opulence » des « Arts and Crafts » à Londres. (inédit — Archives Serrurier). Ces De plus, il ouvre à la même époque deux ensembles témoignent déjà d'un une première succursale à Bruxelles, désir de rationalité, de service social rue de la Blanchisserie, n° 21. dans la simplicité. Dans sa lettre-ré­ L'Exposition coloniale de Tervu- ponse à l'enquête lancée en 1896 par ren, section de l'Exposition univer­ Henri Nocq, il écrit : « Une évolution selle de 1897 à Bruxelles, lui donnera » se prépare qui amènera vraisembla- l'occasion de réaliser une œuvre plus » blement des modifications profondes importante encore. Sollicité, avec 731 SERRURIER-BOVY 732

Hankar, Höbe et Van de Velde, pour tisme très éclectique. En 1901-1902, l'aménagement du palais récemment un riche Lillois, M. Verstraete, lui reconstruit, il crée, dans la salle des confie l'aménagement de son château Importations, un ensemble où le bois de La Chapelle-en-Serval, près de est particulièrement mis à l'honneur : Compiègne. Pour le Salon du Champ- de grands arcs outrepassés forment de-Mars de 1901, il crée un mobilier le centre de la salle et se terminent complet de chambre à coucher, situé par des banquettes ; une petite salle dans un stand qui précise son échelle annexe comprend du mobilier domes­ et sa décoration. tique. En 1898, il aménage la salle La même année, Serrurier et Du­ d'accueil de l'hôtel Chatham, rue de long se rendent à l'inauguration de Ponthieu, à Paris : « Il veut débarras- l'exposition de la Colonie des artistes » ser la maison de tout luxe inutile, de Darmstadt. Serrurier confiera ses » et ses désirs prennent une portée impressions dans deux articles de la » sociale, en ce qu'il cherche à rap- revue Art Moderne de 1902 (p. 35-36 » procher la maison du riche de celle et 52-53). Son admiration est nuancée : » de l'artisan, et à faire entrer chez il regrette les couleurs souvent som­ » tous la simplicité et la modestie », bres des intérieurs et la peur d'aflir- écrit de lui G. Soulier (Art et décora­ mer les matériaux — le fer par exem­ tion, t. III, janvier-juin 1898, p. 107). ple — dans leur vérité nue. Mais, Serrurier est désormais introduit en pour Hans Christiansen, peintre et France. En 1899, il expose à la Société créateur d'objets, il n'a que des élo­ d'Art moderne à Bordeaux une cham­ ges : « C'est une joie de voir la vie bre à coucher en acajou à appliques » couler à pleins bords dans les ceu- de cuivre, enchâssant des éléments » vres de Christiansen ». Cette expo­ d'émail, qui sera acquise par le musi­ sition de Darmstadt marque d'ailleurs cien Gustave Samazeuilh. A Paris, un retour à plus de sobriété dans une salle à manger créée pour la l'Art Nouveau ; l'influence de Mackin­ Société des Artistes français se signale tosh à travers Vienne, et de Vienne par ses courbes et son élégance. Avec à travers Darmstadt, va rationaliser René Dulong, architecte et collabo­ les formes du mobilier. Serrurier suit rateur de la revue Art et décoration, la même évolution. Au même moment, il décide de fonder, dans la même Henry Van de Velde présente et com­ ville, une succursale de sa maison mente largement une rétrospective de liégeoise : en 1899, rue de Tocque­ son œuvre dans la revue Innendekora­ ville 54, s'ouvre « L'art dans l'habi­ tion de février 1902. tation ». Pendant ce temps, à Liège, Deux grandes réalisations vont pour répondre à la demande croissante marquer la nouvelle veine de Serru­ et alimenter ses succursales, Serrurier rier : l'aménagement de La Cheyrelle loue d'anciens entrepôts de chemin de dans le Cantal et sa propre villa de fer, rue Hemricourt, 39 et 41, afin Cointe. L'aménagement de La Chey­ d'y établir des ateliers où travaille­ relle, vaste demeure de M. Feigeres, ront jusqu'à une centaine d'ouvriers. beau-frère de René Dulong, se rap­ La clientèle se trouve être cette bour­ proche davantage des premiers tra­ geoisie progressiste de l'industrie et vaux du Liégeois ; les courbes s'assa­ des affaires qui voit luire une nouvelle gissent. L'ensemble, intact, reste une ère d'économie et de socialisation. grande réussite. A l'Exposition de Paris 1900, il Les travaux de la villa de Cointe crée, avec René Dulong pour la partie débutent en 1902. Les nombreuses plus proprement architecturale, le pièces se rassemblent autour d'un « Pavillon bleu », restaurant de luxe hall central et d'une galerie à l'étage. au pied de la tour Eiffel : ce sera une La construction est vraie dans le des deux ou trois œuvres « Art Nou­ traitement des divers matériaux : veau » dans cet ensemble d'un exo­ briques simples ou vernissées, pou- 733 SERRURIER-BOVY 734 trelles de fer apparentes. L'intérieur bre 1902, p. 1, col. 1 à 4, passim). Il est largement ouvert sur la nature défend ces mêmes idées dans le cercle qui y pénètre par une loggia aména­ L'Avant-Garde qui remplace l'éphé­ gée en jardin d'hiver ; une grande mère bien que féconde Œuvre artisti­ volière anime et égayé la salle à man­ que. Les membres du nouveau cercle ger. Serrurier donne à sa villa le comptent des littérateurs autant que nom de « L'Aube », marquant par là des artistes : Charles Deichevalerie, ses espoirs dans la société qui se crée. Charles Bronne et Olympe Gilbart. Une mosaïque d'Auguste Donnay Serrurier est le premier président et affirme en façade les lueurs naissantes c'est à ce titre qu'il reçoit le 28 mars de ce matin. Jules Destrée chantera 1903 Camille Lemonnier, dont on le charme de cette demeure dans fête la parution du cinquantième vo­ Le Peuple (23 février 1904). Serrurier lume : « Je dois à ma seule qualité continue à s'interroger sur la rationa­ » de président de L'Avant-Garde le lité des formes. Une visite à l'Expo­ » grand privilège de vous adresser la sition industrielle de Düsseldorf en » parole de bienvenue ... vous avez, 1901 l'avait confirmé dans ses per­ » Maître, dans plus d'une de vos œu- spectives : au lieu d'y admirer les » vres, touché par trop les particula- produits d'art, il avait été frappé par » rites qui caractérisent l'âme wal- une proue de navire exposée dans le » lonne pour que vos livres n'aient stand de Krupp : « Quelles lignes! » pas suscité parmi nous un enthou- » Douces, flexibles et majestueuses, » siasme et une admiration tout natu- » ayant la beauté du marbre antique », » reis ... Vous possédez ... cette rare confle-t-il à Jules Destrée (article du » et précieuse jouissance de vous sa- Peuple cité). Et il note : « Certaine- » voir estimé, aimé et admiré par « ment l'ingénieur qui traça cette » tous ceux qui représentent la pensée » proue n'était point un artiste... » humaine libre, généreuse, tolé- » L'ingénieur moderne est plus près » rante... » (J.-G. Watelet, Mémoire, » de la formule esthétique nouvelle Annexe III). Serrurier a tout fait » que l'architecte et cela uniquement pour que soit représentée au Théâtre » parce qu'il procède scientifique- du Gymnase la pièce contestée de » ment » (inédit — Archives Serru­ Lemonnier Un mâle. A la tribune de rier). Cette conviction lui fait pren­ L'Avant-Garde, se succèdent, outre dre la plume et polémiquer avec le Lemonnier, le professeur Chauvin, directeur de la Classe des Beaux-Arts Jules Destrée, Olympe Gilbart et de l'Académie royale de Belgique, l'ar­ d'autres... La pensée de Serrurier chitecte du Roi Henri Maquet, lors s'affirme encore ; des notes sur les du discours de ce dernier consacré à arts appliqués reprennent les idées la formation de l'architecte. Egrati- fonctionnelles ; d'autres sur L'Art et gnant au passage l'Art Nouveau, l'industrie insistent sur la logique et l'orateur prônait un retour aux mo­ l'abolition du luxe (inédits — Archi­ dèles classiques qui seuls, selon lui, ves Serrurier) ; d'autres encore recon­ pouvaient rendre à l'architecture le naissent dans l'architecture le reflet sens de l'harmonie. Serrurier juge ce de la société en mutation (J.-G. Wa­ remède « pour le moins bizarre et, en telet, Mémoire, Annexe IV). » tout cas, bien académique ». ... Entretemps, Serrurier a montré « C'est le jour où l'architecte, débar- aux Salons de Paris le mobilier de » rassé de l'obsession archéologique et la salle de musique de La Chapelle- » éclairé par les enseignements du en-Serval en 1902 et, en 1903, un » passé, aura définitivement reconquis ensemble d'autel et de vitrail destiné » sa liberté ce jour-là seulement, on à l'oratoire de l'Abbé Thiéry à Lou­ η pourra espérer voir se dissiper les vain : autel en fer et cuivre, vitrail » ténèbres et apparaître l'aube d'une où se mêlent les souvenirs néogothi­ » ère nouvelle » (La Meuse, 8-9 novem­ ques et préraphaélites. On retrouve 735 SBRRURIER-BOVY 736 ces mêmes œuvres au Salon triennal » goût de la classe ouvrière, écrit-il des Beaux-Arts à Bruxelles. Il est à » encore, a été étrangement faussé noter qu'un autre oratoire avait été » par le clinquant et l'artificiel, par aménagé, très tôt après le premier » l'imitation du luxe bourgeois... Je Salon de la Libre Esthétique, dans » crains bien qu'on mette quelque l'hôtel bruxellois du ministre Braun. » temps à saisir tout ce que M. Serru- Cependant, la marche de la maison » rier apporte de sain et de neuf » continue : à Paris, les locaux de la (Le Peuple, 10 octobre 1905). Ce rue de Tocqueville sont devenus trop mobilier séduit aussi un médecin petits ; ils sont transférés boulevard français, poète et sociologue, Jean Haussmann, 37. De même, se fonde Lahor, fondateur d'une Société inter­ à ce moment une société Serrurier nationale d'Art et d'Hygiène, qui et Cie qui fait appel à des capitaux compte évidemment Serrurier parmi d'amis ; elle durera de 1903 à 1907. ses membres ; il avait écrit quelques Après avoir participé à l'Exposition années auparavant : « Serrurier a de Saint-Louis en Amérique en 1904 » construit, le premier certainement, — ce qui lui vaut deux médailles » la maison de l'artisan » (Jean Lahor, d'or —, Serrurier s'occupe activement W. Morris et le mouvement nouveau de l'Exposition universelle de Liège dans l'art décoratif, Genève, 1897). On 1905. On le trouve dans beaucoup de retrouve la même simplicité, mais secteurs : papiers peints, appareils avec plus de moyens, dans les cham­ de chauffage et d'éclairage, ouvrages bres à coucher que Serrurier propose en métal. Il a, de plus, son propre pour le Concours de l'Automobile stand d'ameublement, en forme Club de France en 1904. Les chambres d'hexagone allongé, où il présente des de catégorie A, B, C sont étudiées mobiliers aux lignes sobres ; le mé­ dans un esprit rationnel, une harmo­ lange des bois et la décoration stylisée nie de lignes et de couleurs raffinée y jouent subtilement. Le plus inté­ (voir L'Art décoratif, 7 e année, 1er se­ ressant sera pourtant son apport à mestre 1905, p. 78-90). Dans les l'ameublement d'une des maisons ou­ mêmes Salons de l'Automobile à vrières formant la nouvelle rue Mon- Paris, il crée des stands pour Hotch- teflore à Cointe. Dans cette maison, kiss (1905 et 1906), pour Santa Maria, construite par la Caisse d'Epargne, Bergougnan, Usines de Puteaux, où le décorateur liégeois atteint à la l'utilisation du bois et du fer s'ap­ quintessence de ses recherches : fonc­ plique intelligemment à mettre en tionnalisme, simplicité, technique in­ valeur les voitures présentées. Au génieuse, modicité du prix et partici­ même moment, il aménage à Paris pation des habitants à l'aménage­ les façades de magasins pour Hotch- ment. Il présente son ensemble dans kiss, Fiat et un marchand d'accessoi­ une brochure : Un intérieur ouvrier res automobiles, chaussée d'Antin, 6. (Liège, 1905). Les bois employés sont L'année 1907 amène soucis et chan­ ordinaires : orme, sapin, peuplier ; le gements. L'immeuble de la rue Hem- montage des meubles laisse voir des ricourt à Liège est exproprié pour la vis apparentes ; la décoration par création de la nouvelle rue de Selys. pochoir sur les meubles et sur les Serrurier achète l'ancienne chocola­ murs peut être exécutée facilement terie Peters, au coin de la rue de Joie par l'ouvrier lui-même, tandis que la et de la rue Ambiorix, et y aménage femme de celui-ci peut facilement de nouveaux Ateliers. Mais, au même confectionner les rideaux d'andrino- moment, son principal associé, ple à appliques dont le modèle est M. Verstraete, qui vient d'acheter proposé. Jules Destrée décrit Γ« im- l'immeuble Roger, construit avenue » pression de fraîcheur, de santé, de Louise par V. Horta, réclame sa part » joie et d'énergie » qui s'en dégage dans la société. Serrurier est contraint (Le Peuple, 4 octobre 1905). « Le à des ventes de biens et des hypothè- 737 SERRURIER-BOVY 738 ques, sans compter le désappointe­ liers essayeront bien de continuer sur ment. La première succursale bruxel­ la lancée des modèles. Mais le cerveau loise qui avait quitté la rue de la en a disparu. Les difficultés de la Blanchisserie pour s'établir 2, boule­ première guerre mondiale accélèrent vard du Régent, s'installe, en 1906, la dissolution des ateliers qui sera rue Sainte-Gudule ; expropriée pour effective en 1918. L'oubli va tomber les travaux de la jonction Nord-Midi sur l'homme et son œuvre. Lui qui, en 1909, elle sera remplacée par la le premier en Belgique, a opéré la maison du Treurenberg, 30. percée de l'Art Nouveau dans le Le polémiste demeure vigilant en domaine de l'ameublement, lui, le Serrurier ; sa réaction très vive à un lutteur infatigable, le créateur sans article de La Meuse qui faisait l'apo­ cesse en recherche, lui, le lecteur logie d'une reconstitution liégeoise perspicace de son époque si flottante du xvme siècle, la maison Capelle- pourtant, demeure inconnu durant Tiriard au boulevard de la Sauvenière, les années d'euphorie de l'après- nous vaut une violente réponse, non guerre. Tourné résolument vers l'ère publiée, semble-t-il ; on y lit un appel nouvelle, il reste cependant un des ironique aux jeunes architectes : principaux artisans du passage de « Reconstituez, jeunes gens, recon- l'imitation à la création, du modèle » stituez avec ardeur et surtout soyez de style à un mobilier fonctionnel » wallons et liégeois, vieux liégeois selon un sain rationalisme qui n'exclut » surtout... La sainte ardeur de la pas le sentiment. Il est un des chaî­ » reconstitution vous aura bientôt nons entre l'Art Nouveau et l'art des » initiés à l'art savant d'accommoder années 1925, un des passages obligés » les restes. Il faut tout le chaos artis- entre la fin du xixe siècle et notre » tique de notre temps pour expliquer époque. » de telles erreurs » (J.-G. Watelet, Jacques-Grégoire "Watelet. Mémoire, Annexe V). En 1909, Serrurier se propose de Jean Lahor, W. Morris et le mouvement se construire une villa sur les hauteurs nouveau dans l'art décoratif, Genève, 1897. de Spa : « Tu verras, écrit-il à sa — Gustave Soulier, « L'art dans l'habita­ » femme, en séjour à Paris, ce que tion », dans Art et Décoration, t. VII, 1900, p. 106-107. — Jean Lahor, L'Art » je vais faire n'aura aucun rapport Nouveau., Son histoire. L'art nouveau à » avec la maison de Cointe ». Cette l'étranger. A l'Exposition. L'art nouveau maison ne verra jamais le jour. au point de vue social, Paris, 1901. — A l'Exposition universelle de Bru­ B.D. (René Dulong?), α Le métal dans le xelles de 1910, Gustave Serrurier mobilier et la décoration », dans Art et construit, à l'orée du Bois près de la Décoration, t. XI, 1902, p. 75-84. — Henry grande vasque, un pavillon conçu Van de Velde, « Gustave Serrurier-Bovy. Lüttich », dans Innendekoration, vol. XIII, comme une habitation. Cela lui évite 1902, p. 41-68 (traduction française : « Un d'être anéanti, comme toute la sec­ ingénieur décorateur, M. G. Serrurier- tion belge, par l'incendie du 14 août. Bovy », dans Wallonia, n° 12, 1902, L'aspect sévère des meubles est cor­ p. 285-298). — Gustave Soulier, « Une rigé par des incrustations de marque­ installation de château », dans L'Art dé­ e terie florale stylisée et par l'harmonie coratif, 4 année, 1902, p. 74-84. — Jules des couleurs. Destrée, « Art Nouveau », dans Le Peuple, 23 février 1904, p. 1. — « Salons de l'au­ Le 16 novembre 1910, un accident tomobile. Chambres d'hôtel », dans L'Art brutal vient interrompre la carrière décoratif, 7e année, 1905, p. 81-90. — de Gustave Serrurier-Bovy. Les sou­ Jules Destrée, « Un intérieur ouvrier », cis et le travail acharné ont eu raison dans Le Peuple, 4 octobre 1905, p. 1. — de sa santé ; une crise cardiaque le Jules Destrée, « Intérieurs ouvriers », dans frappe et il succombe le 19, à 5 heures Le Peuple, 10 octobre 1905, p. 1. — Ma­ du matin. Carrière brusquement ter­ deleine Octave Maus, Trente années de lutte pour l'art (188Ì-1914), Bruxelles, minée, entreprise décapitée 1 Les ate- BlOGR. NAT. — t. XLI. 24 739 SOLVAY 740

1926. — Charles Delchevalerie, « Un pré- téralement, le tint à l'écart du « monde curseur dans l'art de la décoration mo- e turbulent des enfants », exacerba sa derne », dans Clarté, 3 année, 1930, sensibilité d'écorché. Ce fut un o en- p. 18-20. — Henry-F. Lenning, The Art Nouveau, The Hague, 1951. — Stephan fant gâté », l'enfant unique d'une TBchudi Madsen, The Sources of Art Nou- famille bourgeoise raffinée. Car le veau, Oslo, 1956. — Eoger-H. Guerrand, père, Théodore-Jean-Baptiste, était L'art nouveau en Europe, Paris, 1965. — un pianiste virtuose. A ce titre, il M. Bruneel-Hye de Orom, « L'Exposition fut invité par Léopold Ier à donner de Tervueren et l'Art Nouveau «, dans des leçons à l'héritier du trône, mais Tervueren 1897 (Catalogue), Tervueren, « jamais le royal gamin ne put se 1967. — A. Delvoye-Serrurier et R. et J. Soyeur, « L'architecte-décorateur lié- » résoudre à prendre une seconde geois Gustave Serrurier-Bovy (1858-1910) », » leçon » ; pour lui, la musique était dans La Vie Wallonne, t. XLIII, 1969, un bruit qui coûte cher... p. 161-191. — Jacques-G. Watelet, « Le Ses humanités terminées, Lucien décorateur liégeois Gustave Serrurier- Solvay s'inscrivit à la Faculté de Bovy (1858-1910) », dans Cahiers Henry Médecine de l'Université libre de Van de Velde, n° 11, 1970, p. 5-29. — Bruxelles qu'il délaissa rapidement P. Borsi et H. Wieser, Bruxelles, capitale de l'Art Nouveau, Bruxelles, 1971, p. 89-98 pour faire son droit, ce qui lui per- et 319-334. — J.-G. Watelet et S. Henrion- mettait de s'adonner à sa passion : Giele, « Art Nouveau Furniture », dans la peinture, le dessin. Tout en suivant Discovering Antiques, n° 75, 1971, p. 1782- des cours à l'Académie des Beaux- 1786. — Jacques-G. Watelet, « Gustave Arts, il pourrait assister plus ou moins Serrurier et l'architecture. Contribution à régulièrement aux leçons des juristes l'histoire des théories sur l'architecture au de la rue des Sols où se trouvait début du xx« siècle », dans La Vie Wal- lonne, t. XLVI, 1972, p. 271-292. — alors l'Université de Bruxelles. Il ne Jacques-G. Watelet, Gustave Serrurier- devint ni peintre ni avocat, bien qu'il Bovy, architecte et décorateur (1858-1910), eût une formation solide, servi qu'il Bruxelles, 1975 (Académie royale de Bel- était par une intelligence très vive gique, Mémoires de la Classe des Beaux- et une forte mémoire. Au lieu de Arts, t. XIV, fascicule 3). — Jacques-G. s'inscrire au Barreau, il préféra fré- Watelet, « L'évolution de l'architecture quenter les salles de spectacles en vers 1900 », dans La Wallonie. Le pays et les hommes. Lettres - Arts - Culture, compagnie de son grand-père mater- t. II, Bruxelles, La Renaissance du Livre, nel, Pierre Van Helmont, professeur 1978, p. 586-595. d'alto au Conservatoire de Bruxelles et altiste dans l'orchestre de la Mon- naie. Les soirées musicales organisées par son père le retenaient aussi, car il SOLVAY (Lucien-Pierre-Auguste-Constant),aimait la musique autant que la pein- pseudonyme MILLY, jour- ture et le théâtre, et bien plus que naliste, homme de lettres, né à Saint-Josse-ten-Noodele droit. Comme tout jeune homme (Bruxelles) le 7 octo- sensible et cultivé, il se mit bientôt bre 1851, mort à Ixelles (Bruxelles) à composer des poèmes, cependant le 15 août 1950. que le journalisme l'attirait en même Dans Une vie de journaliste, qui temps que la littérature en général. parut en 1934 à l'Office de Publicité, Il ne serait pas avocat ; il serait à Bruxelles, Lucien Solvay évoque, homme de lettres, écrivain. Ses pre- miers vers, il les publia dans La en une prose alerte et souvent causti- er que, son enfance et sa jeunesse de Chronique du 1 mai 1871. Poète « convalescent toujours chétif », qui ambitieux, il versifia une comédie ne l'empêchera pas de mourir presque de Plaute et son professeur, Max centenaire. Sa mère, Fanny Van Hel- Veydt, l'apprécia tellement qu'il la mont, était la dernière descendante fit paraître, en partie, dans La Revue du célèbre médecin et chimiste bru- de Belgique (15 avril 1872), qui accueil- xellois (1577-1644) ; elle le couva lit- lit également son essai consacré à un 741 SOLVAY 742 auteur galant : Etienne Pavillon. Et tion d'Edmond Cattier, un ingénieur ce fut même une manière de scandale, qui prit La Gazette en mains, après ce qui ne devait pas déplaire au grin­ Vautier et Renson. C'est sans doute galet Lucien Solvay. Le conseil d'ad­ ce qui incita Camille Lemonnier à ministration de la revue conserva­ l'appeler auprès de lui, à L'Art uni­ trice était composé de Charles Pot- versel, un hebdomadaire qui militait vin, directeur, de Charles Buis, Van- en faveur du modernisme et qui derkindere et Goblet d'Alviella, » pas avait son siège dans un petit entre­ précisément des types gais », affirme sol de la Galerie du Commerce. Solvay dont la plume était déjà sar- Esprit très cultivé, maniant aisé­ castique et volontiers voltairienne et ment la plume, aimant la fantaisie même rabelaisienne. Etienne Pavillon et la polémique, Lucien Solvay, il avait énervé Potvin qui en voulut convient de le souligner, est aussi un à Max Veydt de lui avoir amené grand travailleur. Il collaborera à le jeune Solvay. Celui-ci ne manqua maintes publications, en dehors de pas de tirer les leçons de cet incident son point d'attache : La Gazette. de parcours. Puisqu'il possédait des Notamment à l'Office de Publicité talents d'écriture capables d'émouvoir du « père Lebègue », comme on disait les « vieux », il se ferait journaliste familièrement ; chaque dimanche, il tout en poursuivant une carrière litté­ y donnait un article et voisinait avec raire. Grâce à son ami Ernest Van Louis Hymans, Vautier et Eugène Elewijck, il put entrer à La Gazette, Landoy, parent de Sido, la mère de de Vautier et de Renson, sise alors rue Colette. Critique d'art réputé, il fut de la Montagne, dans un bâtiment qui au centre de toutes les batailles à faisait suite à une droguerie. Ce jour­ l'occasion des expositions. C'est ainsi nal avait été fondé en 1871 par des que le Salon de 1875 provoqua une transfuges de La Chronique dont le sorte de « bataille d'Hernani » entre succès était dû aux comptes rendus les « vieux » qui campaient au Café satiriques des séances du Parlement de l'Observatoire, et les « jeunes » du que suivait Achille Renson, dit « Pe­ Cercle artistique qui obéissaient au trus ». La Gazette chercherait aussi à mot d'ordre de Lemonnier : « La exploiter cette veine avec Lucien Sol­ réalité doit nous inspirer ». Le dernier vay précisément. Engagé au traite­ quart du siècle fut d'ailleurs aussi ment de 125 francs par mois, ce der­ belliqueux en politique que dans les nier entendit la leçon : « Il vous faudra arts et les lettres. On combattait » du temps pour attraper la note du contre l'art conventionnel ; Max Wal­ » journal ; c'est un métier qu'on doit ler était « Jeune Belgique » ; les libé­ » apprendre ». Ce ne serait pas long. raux et les catholiques alternaient au Après son premier article : Gaîlés pouvoir ; la guerre scolaire battait champêtres, qui fut apprécié, il eut à son plein et les manifestations dégé­ s'occuper de la vie parlementaire. Il néraient en bagarres de rues, comme devait rester à La Gazette de 1874 ce fut le cas de celle dite du « Palais à 1885 : « ces années furent les plus du Midi », qui était surtout dirigée » agréables de ma carrière de journa- contre les ministres Victor Jacobs et » liste », écrivit-il plus tard. Charles Woeste, auxquels Leopold II A La Gazette, Lucien Solvay n'avait devait le lendemain même reprendre pas fait uniquement les comptes ren­ leur portefeuille. dus des séances de la Chambre, il Lucien Solvay participait à toutes avait été chargé aussi — il était un ces campagnes, qu'elles fussent poli­ journaliste tout terrain, comme on tiques ou artistiques. Ce journaliste dit — de suivre la vie des théâtres « engagé », comme on dirait de nos et d'assumer la critique artistique, jours, devint même conseiller libéral deux domaines où il devait en quel­ de Saint-Josse-ten-Noode et il le res­ que sorte se spécialiser, sous la direc­ tera pendant vingt-cinq ans, ce qui 743 SOLVAY 744 ne lui « valut aucune gloire, écrit-il, sa captivité dans L'Etoile belge, d'où » mais d'excellents amis ». il partit pour regagner La Gazette Il quitta La Gazette, « fâcheuse de son ami Cattier. C'était un « vieux idée », dira-t-il, pour fonder en octo­ soldat » dans une équipe jeune. On bre de 1885, La Nation, avec son ami fêterait son cinquantenaire profession­ Georges Verdavaine comme rédacteur nel et il présiderait pendant plusieurs en chef, lui s'employant surtout à années l'Union de la Presse théâtrale réunir les capitaux grâce à son « illus­ avant d'en devenir le président d'hon­ tre et cher cousin Ernest », qui fai­ neur et ayant comme successeur sait fortune dans la soude. Malgré « l'aimable et verbeux » Richard Du- une équipe fort brillante, ce journal pierreux dont il dira, en 1942, la trépassa au bout de deux ans et demi plume toujours acerbe : « Maintenant, par suite d'une insuffisance de publi­ » il est absent. Où est-il ? Je l'ignore. cité. » Ce n'est pas que son absence soit « A ce moment-là, raconte Lucien » fort à regretter. Mais personnelle- » Solvay, Roels et Corbelin, installés » ment, j'y perds. Quand je mourrai, » au rez-de-chaussée d'une bicoque de » il ne sera point là pour m'apporter, » la rue Isabelle », créaient une petite » avec quelques paroles émues, une feuille d'annonces : Le Soir, qui fut » couronne, à laquelle j'ai droit ». bientôt, après un procès en bonne Quand il mourra, Dupierreux sera et due forme, l'organe exclusif d'Emile en Belgique, mais il ne lui apportera Rössel. A la demande de ce dernier, pas de couronne ; Solvay s'en ira en Solvay assuma les fonctions de rédac­ silence ; mais ceci est une autre his­ teur en chef du Soir à partir de la toire que nous évoquerons plus loin. fin de décembre 1887 et jusqu'en 1906. Parlant de Lucien Solvay, Clovis Il groupa autour de lui une équipe Piérard, qui fut sénateur libéral, dira : pareille à celle de La Nation et parmi « Dans la notice académique consa- laquelle devait prendre place son pro­ » crée à Maurice Sulzberger, son con- pre successeur : Auguste Cauvin dit » frère en journalisme et son collègue D'Arsac. » à l'Académie, il écrit : « Le journa- Au Soir, où il avait exigé que toute » lisme est un métier admirable parce la copie lui soit soumise, Solvay s'oc­ » qu'il est la bataille et que la bataille, cupa, d'abord seul, puis avec Fernand » c'est la vie. Pour celui qui possède Wicheier, de la critique artistique, » une âme fière et libre, il n'en est littéraire, musicale et théâtrale. » pas de plus enviable. Oui, il aimait D'octobre 1906 à février 1924, on »passionnément son métier!... Pen- retrouvera Lucien Solvay à L'Etoile » dant plus de septante ans, il s'adonna belge. Il avait quitté Le Soir, « nou­ » à la critique avec une rare probité, velle sottise », écrira-t-il, explicable » un talent inégalé. On peut dire par le surmenage que provoquaient » qu'il est le dernier brillant chroni- o un travail très compliqué » et « quel- » queur de la presse belge ». » ques froissements d'ordre financier Telle est l'opinion, à peine exces­ » avec le père Rössel ». Celui-ci en sive, de notre regretté confrère Clovis fut navré. « Il me reprocha, dit Sol- Piérard. Lucien Solvay aura été un » vay, de ne pas l'avoir averti de mes journaliste très répandu, sachant » intentions avant de me décider... trousser une chronique fantaisiste » Je l'avais fait exprès, ne voulant aussi bien qu'un compte rendu parle­ » pas qu'il me soupçonnât d'une sorte mentaire ou artistique. Il collabora à » de chantage, indigne de lui et de des publications parisiennes, telles que » moi ». Le Ménestrel et L'Art et les Artistes, Alfred Madoux l'avait engagé ainsi qu'au Guide musical, à L'Artiste comme critique dramatique. Durant et à L'Eventail, de Bruxelles, de même la guerre, les Allemands l'emprison­ qu'à La Revue artistique d'Anvers. nèrent. Il publia en 1920 le récit de Et puis, en 1927, à septante-six ans, 745 SOLVAY 746 il devint le conservateur du Musée » collaboration qu'il a apportée, d'une Chartier à Saint-Josse-ten-Noode. » façon suivie, à la presse asservie et Dans quelles circonstances? Il le » de la solidarité qu'il a marquée au rappelle lui-même : Henri van Cut- » Comité de rédaction de l'hebdoma- sem, qui avait fait fortune dans l'hô­ » daire Cassandre ». Cette exclusion tellerie, voulait jouer au mécène et fut approuvée par un arrêté du Ré­ posséder une grande collection de gent du 24 juillet 1945 paru au Moni­ tableaux. Il vendit Γ« Hôtel de Suède » teur belge du 27 septembre suivant. et s'installa avenue des Arts dans Chose curieuse, dans un de ses un immeuble qu'il fit aménager par livres, Lucien Solvay écrit que Paul le jeune Victor Horta, qui n'était Gilson fut exclu de la même Acadé­ pas encore baron, mais déjà archi­ mie pour avoir, durant l'autre guerre, tecte promis à la célébrité. Cet immeu­ accepté avec l'approbation des Alle­ ble abrita ses collections. Henri van mands de diriger le Conservatoire Cutsem légua ses biens au sculpteur d'Anvers. « Ce fut excessif et injuste », Guillaume Chartier qui, à son tour, affirme-t-il... les offrit à la commune de Saint- On peut différer d'avis sur ce point, Josse-ten-Noode, à la condition que mais il est sans doute charitable de son Monument aux Morts soit placé dire que sa collaboration avec les devant le jardin de l'ancien Observa­ pro-nazis fut plutôt la conséquence toire où se dressait un « monument de son grand âge ... : en 1940, il avait » commémoratif de l'Intercommunale quatre-vingt-neuf ans! » des Eaux du Bocq, œuvre de l'Alle- Après la libération, Lucien Solvay » mand Kemmerich », dont Chartier surmonta encore les séquelles d'une ne pouvait supporter la vue. Mais le grave chute qui lui avait fracturé les conseil communal, pour sa part, n'ai­ deux jambes. « A la fin de ma vie, mait pas le Monument aux Morts » écrit-il dans ses Mémoires d'un soli- et il commença par refuser le legs. ri taire, qui furent édités en 1942 par Il fallut un second vote pour qu'il » Paul Colin précisément, la solitude revînt sur sa décision : à une voix » m'entoure et me protège. Tous les de majorité, il accepterait l'héritage. » êtres que j'aimais et qui m'aimaient, C'était sage. Saint-Josse-ten-Noode » je crois, ont disparu. Les autres me eut ainsi un Monument aux morts, » sont indifférents et je suis indiffé- peut-être peu enviable, mais aussi » rent 'aux autres, n'étant plus en un musée que le peintre Emile Wau- » mesure de leur être utile. Mes der- ters enrichit encore et que Lucien » niers, mes vrais amis, ce sont mes Solvay organisa à merveille, tout en » livres, qui sont sincères et ne me y créant des concerts artistiques fort » trahiront pas ». courus. « Les autres me sont indifférents » Les dernières années de Lucien ... Ce n'était pas très aimable pour Solvay furent assez pitoyables. Après Paul Colin et sa Nouvelle Société avoir, durant la guerre, collaboré à d'Editions 1 Mais c'était dans sa ma­ Cassandre, l'hebdomadaire hitlérien nière, piquante, caustique et amère. de Paul Colin, il fut l'objet d'une La notice biographique de Lucien sanction, qui dut lui faire mal. Le Solvay ne serait pas complète si nous 25 mai 1945, la Classe des Beaux- ne soulignions pas la diversité de ses Arts de l'Académie royale de Belgique activités. Journaliste d'abord, certes, l'expulsa de son sein. On lit dans mais également auteur de nombreux son Bulletin (tome XXVII, 1945, ouvrages. Poète, il publia La fanfare p. 67), les lignes suivantes : « L'Assem- du cœur (Paris, 1877) et Du cœur aux » blée générale, sur la proposition de lèvres (Bruxelles, 1921). Homme de » la Commission d'enquête, vote, à théâtre, il écrivit plusieurs livrets » une forte majorité, l'exclusion de d'opéra qui ne recueillirent pas beau­ » M. Lucien Solvay, en raison de la coup de succès : c'était la faute des 747 SPILLIAERT 748 musiciens, dit-il plaisamment, et il Bruxelles, Lamertin, [1914]. — Masques. ajoute que, fort heureusement, il n'a Notes et souvenirs, Bruxelles, Office de jamais peint de tableaux... Publicité, 1932, ce volume complète Une vie de journaliste. — P. Lauters, Lucien On retient de lui, notamment : La Solvay, doyen des lettres belges, sa vie et Bernoise, un acte sentimental de 1880 ; son œuvre, Bruxelles, P. Van Buggenhoudt, Son Excellence ma femme (1884), mu- 1941 ; Francis Lauters, ami de Solvay, sique de Léon Du Bois ; un scénario a laissé un capital dont les intérêts ser- sur Thyl Ulenspiegel, représenté à La vent à décerner le Prix Francis Lauters, Monnaie en 1900, musique de Jan à l'intention des journalistes. Blockx, partition remaniée par Au- guste De Boeck, après la guerre. « Les deux versions ont eu mauvaise SPILLIAERT (Léon), prénoms dé- » fortune », écrit Lucien Solvay. Parmi clarés à l'état civil: Leontius-Petrus-Ludovicus, les autres ouvrages, il en est plusieurs peintre, né à Ostende le sur l'art et le théâtre : Petites chroni- 28 juillet 1881, décédé à Bruxelles ques du temps présent. Les Carnets de le 23 novembre 1946. Milly, son pseudonyme (Bruxelles, Léon Spilliaert naît à Ostende, 1938) ; L'Art et la liberté (Bruxelles, coincé par sa date de naissance entre 1881) ; Le Paysage et les paysagistes. deux autres grands Ostendais : James Théodore Verstraete (Bruxelles, 1897) ; Ensor, né en 1860, et Constant Per- L'Evolution théâtrale (deux volumes, meke, né en 1886. Son père, homme Bruxelles, 1922). On compte encore de goût et de culture, tient une par- deux romans : Belle-Maman (Bru- fumerie, connue sous le nom de La xelles, 1884) et Le Golgotha (Bruxelles, brise d'Ostende. Précoce et indépen- 1923). Nous avons déjà cité les Mé- dant, Spilliaert retire peu d'enseigne- moires d'un solitaire (Bruxelles, 1942) ment d'un court passage à l'Acadé- et Une vie de journaliste (Bruxelles, mie de Bruges, en 1899. Vers 1900, 1934). Il faut y ajouter La mare aux il baigne dans un climat littéraire : grenouilles. Trente ans d'avant-guerre Nietzsche qu'il admirera toute sa (Bruxelles, 1924) et Au pays des oran- vie durant, Lautréamont, Maeter- gers (Bruxelles, 1882), des notes, des linck surtout se reflètent dans de souvenirs, des récits de voyages, etc. nombreux lavis à peine rehaussés Evoquant ces nombreux séjours à d'aquarelle, dont les noirs sont aussi l'étranger, Clovis Piérard écrira fort riches et variés que ceux de Redon. justement et ceci nous servira de Mélancolie et solitude s'y expriment conclusion : « En plus des notes et intensément. De février 1903 à jan- » de la documentation qui devaient vier 1904, employé par l'éditeur » lui servir de matériaux pour des Edmond Deman, à Bruxelles, Spil- » articles futurs, il en rapportait tou- liaert apprend à connaître les familiers » jours des dessins, des croquis et de la maison : Verhaeren, Maeterlinck, » surtout des aquarelles, dénotant un Van Rysselberghe, Lemmen ; il dé- » réel talent et une fine sensibilité ». couvre Minne, Khnopff et Redon. En Désiré Denuit. janvier 1904, il part pour Paris, muni d'une lettre d'introduction de Deman Les collections de journaux. — Les pour Verhaeren. Il y peint un de ses autobiographies de Lucien Solvay et prin- rares sujets à résonance sociale : cipalement : La mare aux grenouilles. Haine et drame, 1904 (Cabinet des Trente ans d'avant-guerre, Bruxelles, Office Estampes). C'est là sans doute qu'il de Publicité, 1924 ; Une vie de journaliste, se familiarise avec l'œuvre de Munch, Bruxelles, Office de Publicité, 1934 ; Mé- moires d'un solitaire, Bruxelles, Nouvelle dont il s'approche parfois sans en Société d'Editions, 1942. — Une partie partager la morbidité, et avec celle de ses souvenirs a paru sous forme de de Toulouse-Lautrec, un artiste dont roman dans La mare aux grenouilles, dont il reconnaît l'influence. En novembre, le titre initial fut Le calvaire du bonheur, il est rentré à Ostende, mais il ira 749 SPILLIAERT 750 pendant plus de vingt ans presque enfermées dans leur châle, et solide­ chaque hiver à Paris et sera toujours ment plantées sur leurs grands pieds, au fait de ce qui s'y passe. Femme de pêcheur, 1912 (Musée d'Os­ Un ulcère à l'estomac le rend in­ tende). L'humour, profondément in­ somniaque et fait de lui un prome­ scrit dans la nature de Spilliaert, neur nocturne. L'étrange beauté d'Os- colore son expressionnisme. Il com­ tende la nuit est dévoilée par d'in­ mande aux déformations des massives nombrables peintures mariant aqua­ silhouettes de pêcheurs et de femmes relles, pastels, crayon de couleurs et du peuple qui annoncent Permeke. encre de Chine en une alchimie sans Les deux artistes se connaissent d'ail­ égale. Le travail du crayon enrichit leurs et se fréquentent. Schématisa­ les aplats colorés, diversifiant la cou­ tion, économie des moyens, concen­ leur de l'intérieur. 1907 à 1913 sont tration sur l'essentiel, esprit de syn­ de grandes années. Spilliaert s'aban­ thèse prêtent à ces œuvres une auto­ donne à la diversité de sa vision et à rité et une monumentante défiant celle de son style. Souvent il déve­ leurs formats réduits. Ces qualités loppe des motifs Art nouveau, il cul­ aboutissent au chef-d'œuvre qui est tive les formes en arabesques sinueu­ Vertige, 1907 (Musée d'Ostende), loué ses qui s'imbriquent dans Pietà, 1910 dès 1909 par le Français, Jolivet- (Musée d'Ixelles). Souvent aussi il Castelot, qui reconnaît à Spilliaert compense les courbes par des geome­ un génie égal à celui d'Ensor. tries rectilignes dont les obliques En 1912, 1913, 1914, Spilliaert est filent vers l'horizon. loué par le jeune critique Franz Hel­ Parfois ces « geometries abstraites » lene, sensible comme lui à l'insolite qui impressionnent Verhaeren, régnent au cœur du quotidien. A cette époque, seules et magistralement, comme dans il est déjà lié avec Fernand Cromme- La digue, 1909, parfois elles insèrent lynck et avec Stefan Zweig. Spilliaert étrangement un personnage : Femme sera accompagné tout au long de sa sur la digue, 1908 (Musées royaux des vie par des écrivains et des poètes. Beaux-Arts de Belgique, Bruxelles). Verhaeren fut l'un de ses premiers Un sens aigu du mystère imprègne la clients et lui amènera son neveu Dame dans le train, 1908, tandis que Paul Desmeth. Une amitié durable Digue et kursaal, de la même année, l'unira à Henri Vandeputte qui fut anticipe sur les places désertes de Chi­ un moment donné le fantasque direc­ rico. D'autres œuvres ressortissent teur du Kursaal d'Ostende. d'un expressionnisme très personnel, Le 23 décembre 1916, Spilliaert notamment la série des autoportraits épouse Rachel Vergison, fraîche jeune de 1907 et 1908 qui trahissent l'an­ fille, de loin sa cadette. Faute de goisse de se vouloir connaître à tra­ parvenir à quitter le pays pour fuir vers le double insaisissable et parfois la guerre, il se fixe à Bruxelles où multiplié qu'offre le jeu des miroirs. naît, en novembre 1917, Madeleine, L'autoportrait au miroir, 1908 (Musée son enfant unique et chérie. En plon­ d'Ostende) semble hanté par l'idée de gée dans son bonheur, Spilliaert se la destruction physique. La buveuse détourne des événements. La création d'absinthe, 1907, est l'image de la d'une cellule familiale déclenche une déchéance. Par ailleurs, la confron­ veine intimiste qui l'incite à peindre tation de la figure solitaire avec l'es­ des scènes d'intérieur reflétant une pace de la mer et du ciel compte observation tendre et moqueuse de parmi les grands thèmes d'inspiration. la réalité, Le bain, 1917. De beaux Tantôt ce sont des baigneuses fasci­ dessins retiennent les contours de la nées par les eaux frémissantes, Bai­ mère et du nouveau-né. Une basse- gneuse, 1910 (Musées royaux des cour, sous ses pinceaux, évoque la Beaux-Arts de Belgique, Bruxelles) comédie humaine : Coqs et poules, et tantôt des femmes de pêcheurs, 1917. 751 SPILLIAERT 752

La fin de la guerre ramène Spilliaert trop lourde et charnelle pour obéir et sa famille à la côte. Les retrou­ à son besoin de sobriété. La mer et vailles avec la transparence de l'air la plage seront jusqu'en 1935 sa source marin provoquent une ivresse qui d'inspiration la plus sûre, dominant nimbe d'opales la petite Baigneuse, de très haut les paysages peuplés de 1918, au pastel. Dans ses aquarelles, fermettes à toits rouges, d'une décon­ Spilliaert opte pour la légèreté. Entre certante banalité I les taches de couleurs dansantes, le En 1927, Van Hecke, à présent blanc du papier se joue et fleurit. prophète du surréalisme, édite la Des scènes lestement croquées, mar­ revue Variétés. Spilliaert l'accompa­ quées à la fois de fantaisie et d'obser­ gne de quelques culs-de-lampe. Mais, vations narquoises, s'égrènent au fil alors que son goût pour le fantastique d'une inspiration heureuse. En 1920, aurait pu l'inciter à se poser en pré­ année de ces grâces capricieuses, Spil­ curseur du surréalisme, comme tou­ liaert révèle une facette inattendue jours il se garde de tout embrigade­ dans le double portrait de P. G. Van ment. Introduit par le bienveillant Hecke et de son épouse Norine. Sélec­ et perspicace Hippolyte Daeye, il tion est né, revue et galerie, dirigées expose à Anvers, aux Contemporains, par Van Hecke et De Ridder, vouées à car aucun programme ne lie les par­ la défense de l'expressionnisme fla­ ticipants. De même, il sera membre mand et surtout du trio propulsé au des Compagnons de l'Art, mouvement premier plan, Permeke, De Smet, et très indépendant, créé en 1937 par Van den Berghe, au détriment d'au­ les frères Haesaerts, réunissant des tres artistes de grand talent. L'ironie personnalités aussi différentes que mordante du double portrait, souli­ Delvaux et Brusselmans, Magritte et gnée par un coloris strident, ouvre Tytgat. une parenthèse proche de la Neue En 1935, la famille Spilliaert revient Sachlichkeit. Spilliaert livre des œu­ à Bruxelles pour faciliter les études vres à Sélection, il expose dans la de Madeleine au seuil d'une carrière galerie amie, Le Centaure, mais sa de pianiste. L'absence des grands position marginale s'affirme. Jamais espaces pèse sans doute à l'artiste, il n'appartiendra foncièrement à une mais les arbres, qu'il a toujours aimés école ni même à un groupe. Jamais et peints, lui viennent en aide. Il il ne se pliera à un mot d'ordre sty­ s'attache à fixer les troncs déliés des listique. arbustes, la résille des branches en­ Les années 1922, 1923, 1924 sont serrant le ciel. Des amis l'entraînent ponctuées par des marines de grand dans les Fagnes lui permettant de format pour Spilliaert. Largement renouer sa longue et tendre liaison traitées, dépouillées d'accessoires pit­ avec des horizons lointains. Une nou­ toresques, elles sont d'une incroyable velle technique le séduit. Avec une variété de couleurs, mariant audacieu- patience d'enlumineur, Spilliaert mul­ sement le jaune au violet — Marine tiplie de petits traits à la plume, for­ jaune et mauve, 1923 (Musées royaux mant une texture qui donne à la des Beaux-Arts de Belgique, Bru­ forêt sa profondeur, aux troncs leur xelles) —, l'orange et une gamme mor­ monumentante de colonnes. Une nou­ dorée au noir qui dramatise, insérant velle ascèse s'opère. Les troncs de des stries vertes et rouges dans le hêtres (Musées royaux des Beaux- tumulte gris des flots. Toutes les Arts de Belgique, Bruxelles) peints humeurs de la mer sous les heures en 1945, alors que l'angine de poitrine changeantes sont portées à leur plus tenaille l'artiste, rayonnent de ma­ grande intensité. jesté. Au terme de sa vie, Spilliaert En 1923 et 1924, Spilliaert exécute est rompu à tous les jeux du pinceau, quelques peintures à l'huile mais il du crayon et de la plume. Mais au se détourne bientôt de cette matière lieu de s'abandonner à la virtuosité, 753 STEVENS 754 de laisser fuser le bouquet de son feu sition Hommage à Léon Spilliaert, Bru- d'artifice, voici qu'il se domine, qu'il xelles, Musées royaux des Beaux-Arts de maîtrise ses nerfs, qu'il rejette toute Belgique, avril-juin 1972. — 1972. - Albert vanité de savoir-faire pour aller vers Dasnoy, « Léon Spilliaert. L'artiste que j'ai connu », dans Clés pour les Arts, Bru- la rigueur d'une œuvre méditative et xelles, 1972, p. 11-14. — 1979. - Bertrande sereine. De Moreau, « Léon Spilliaert », dans Le Il meurt le 23 novembre 1946, lais- Symbolisme dans le dessin belge, Bruxelles, sant une œuvre exceptionnellement Laconti, 1979, publié avec la coopération fournie et d'une incroyable diversité. de l'LB.M. — 1980. - Frank Edebau, La pluralité de Spilliaert n'est point « Léon Spilliaert » ; Pat Farmer, « The Master of the solitary figures » et Fran- versatilité mais fidélité à lui-même, cine-Claire Legrand, < Léon Spilliaert, The à ses humeurs modelées par les expé- freest man I ever knew », dans Léon Spil- riences d'une vie calme mais vécue liaert, Symbol and Expression, in 20th cen- avec intensité et d'une grande richesse tury Belgian Art, catalogue d'exposition spirituelle. Ses yeux, instruments par- en cours d'impression ; Washington, The faits, n'ont jamais cessé de lui appor- Phillips Collection, 19 avril-8 juin 1980; ter une provende que son imagination New York, The Metropolitan Muséum, enrichissait. Sa main habile n'a subi juin-septembre 1980, Hamilton (Canada), que la loi de son indépendance. Albert octobre-novembre 1980. Dasnoy a dépeint Spilliaert : « L'homme le plus libre que j'ai » connu ». STEVENS (Charles-Clément-Jean), Francine-Claire Legrand. officier et géologue, né à Bru- xelles le 22 juillet 1875 et y décédé Sélection bibliographique : 1912. - Fran- çois Jolivet-Castelot, « Léon Spilliaert », le 18 novembre 1962. dans Croquis scientifiques et philosophiques, Fils du paléontologiste Jean-Daniel Paris, Durville, 1912, p. 327-334. — Stevens, Charles Stevens sort de 1922. - Henri Vandeputte, « Lampes sur l'Ecole militaire, section Infanterie le rail, Léon Spilliaert », dans Le Disque et Cavalerie, en 1898. Affecté au vert, août 1922,] n° 4, p. 104-105. — 2e chasseurs à pied à Mons, il con- 1941. - Paul Haesaerts, « Léon Spilliaert », quiert, à l'Ecole des Mines, son diplô- dans Apollo, 1er décembre 1941, p. 1-7. — 1947. - Henri Vandeputte, « Un artiste me d'ingénieur géologue en 1912 avec disparait : Léon Spilliaert », dans Arles, la plus grande distinction. Il est Anvers, février 1947, n° 6/6, p. 12-14. — l'élève,- l'ami intime et le futur colla- 1950. - Frank Edebau, Léon Spilliaert, borateur du maître incomparable qui Anvers, De Sikkel, 1950 (Collection : a nom Jules Cornet. En 1913, il est Monographies de l'Art belge), existe aussi nommé professeur à l'Ecole de Guerre. en néerlandais. — 1961. - Francine Le- Blessé en octobre 1914, le comman- grand, « Introduction à l'exposition Léon Spilliaert », Bruxelles, Musées des Beaux- dant Stevens, inapte au service actif, Arts d'Ixelles, mars 1961. — 1963. - Albert est bientôt affecté au grand quartier Dasnoy, « Introduction à l'exposition général britannique de Montreuil-sur- Léon Spilliaert », Stuttgart, Wttrtt. Kunst- Mer et y travaille au service géolo- verein, octobre/novembre 1963. — 1964. - gique que dirige l'illustre savant Albert Dasnoy, « Léon Spilliaert. Les Edgeworth David. Sa connaissance grands arbres », dans Cullura, Peinture des terrains flandriens est particulière- vivante, 1964-1965, n° 13. — 1971. - Fran- cine-Claire Legrand, « Oh 1 Homme tu n'es ment appréciée par nos alliés qui y qu'un songe », dans le Symbolisme en combattent. Au début de 1917, David Belgique, Bruxelles, Laconti, 1971, p. 136- et Stevens préparent un plan gigantes- 139. — 1971. - Daan Inghelram, « Léon que : la construction de galeries dans Spilliaert », dans Dr. Albert Smeets, Van les argiles yprésienne et panisélienne Bnsor tôt Permeke, Tielt-TJtrecht, Lannoo, du secteur d'Ypres, qui aboutiront à 1971, p. 233-239. — 1972. - Francine- 19 chambres de mines, creusées sous Claire Legrand, « Notes pour une biogra- la position allemande, où 500 tonnes phie ». Introduction au catalogue d'expo- d'explosifs seront enfournées. 755 STEVENS 756

Les unités du génie britannique, Esprit non conformiste, ennemi des composées de mineurs professionnels « schémas paralysants », démontrant gallois et australiens, effectueront ce inlassablement que « la déformation travail titanesque, au prix de diffi­ » du sol est un phénomène permanent cultés inouïes, les hommes contractant » et toujours actuel », développant de douloureuses dermatites causées donc une version « mobiliste », oppo­ par les sulfures de fer d'une extrême sée au « fixisme » de nombreux géo­ finesse disséminés dans les argiles. logues, Stevens place sans cesse les Le 7 juin 1917, au matin de la bataille faits et l'observation constante du de Wijtschate-Messines, les 500 tonnes terrain au-dessus des théories les sont mises à feu, trois divisions alle­ mieux établies. Le prix Rahir (1937), mandes sont volatilisées, 20.000 le prix Wetrems (1938), le prix Jules hommes se rendent, hébétés. Cornet (1951), le titre de membre Le résultat stratégique n'est cepen­ d'honneur de la Société royale néer­ dant pas à la mesure des efforts scien­ landaise de Géographie (1954), sont tifiques et humains employés. La la juste consécration d'une œuvre progression ne dépasse pas 10 kilo­ impérissable. mètres, les réserves allemandes ac­ Travailleur acharné, Stevens, ayant courues parviennent à refermer la largement dépassé soixante-quinze ans, brèche tandis que l'avance britannique publie encore : La géomorphologie tec­ est freinée par les énormes entonnoirs tonique de la vallée de la Haine (dans dus à l'explosion et qui forment au­ Annales de la Société géologique de jourd'hui des étangs. Belgique, t. 74, 1950-1951, Mémoires, Après la bataille de Wijtschate- fascicule 1) ; Une carte géomorpholo­ Messines, le Field-Marshal Douglas gique de la basse et de la moyenne Haig remet à Charles Stevens le Dis­ Belgique (dans Mémoires de la Société tinguished Service Order (DSO) pour belge de Géologie, de Paléontologie et mérites exceptionnels. d'Hydrologie, nouvelle série in-4°, De 1919 à 1939, le major en retraite n° 4, 1952) ; Une esquisse géomorpholo­ Stevens, affecté au Service géologique gique de la haute Belgique (1953) et de l'Etat, exerce les fonctions de Principes de géomorphologie tectonique chargé de cours de géologie à l'Ecole (dans Bulletin trimestriel de l'Associa­ militaire. Il accomplit plusieurs mis­ tion des Ingénieurs issus de l'Ecole sions et études minières à l'étranger, d'Application, t. XXXIII, 1955, η» 1, notamment en Amérique centrale, p. 1-12). devient le conseiller de nombreux Le 15 octobre 1956, à l'initiative charbonnages et est nommé président du comte de Launoit et de Victor de la Société belge de Géologie, Paléon­ Van Straelen, une séance académique tologie et Hydrologie en 1936. Son solennelle eut lieu à l'Ecole royale œuvre scientifique se répartit sur militaire, en l'honneur de Charles 170 publications ou mémoires. Ayant Stevens, octogénaire. De nombreux établi avec Jules Cornet, la carte du savants belges et étrangers étaient relief du socle paléozoïque du bassin présents. Le représentant du Roi remit de la Haine en 1921-1923, il développe au jubilaire la Commanderie de l'Ordre ensuite une œuvre originale portant de Leopold. sur la stratigraphie du terrain houiller, Grand savant, d'une modestie, d'une la tectonique du bassin de Mons et bonté et d'une affabilité exquises, surtout la géomorphologie, domaine homme de valeur morale sans faille, dans lequel il devient un précurseur. Charles Stevens a vraiment fait sienne En 1938, il condense ses recherches la phrase que Pasteur prononça peu en un monumental ouvrage Le Relief avant sa mort à l'Académie des de la Belgique (dans Mémoires de Sciences : « Heureux celui qui a un Γ Institut géologique de l'Université de » idéal et qui, toute sa vie, sans dis- Louvain, t. XII). » continuité, lui obéit : idéal de la 757 STIEVENART 758

» Science, idéal de l'art, idéal de la L'adolescent lui cède donc, autrement » Patrie, idéal de la famille, idéal des dit, quitte l'athénée pour entrer à » vertus de l'Evangile ». l'Académie de Mons (1891). Là, sa Henri Bernard. « passion des recherches coordonnées » ou, si vous voulez, son goût pour la Ch. Stevens, Opéra omnia. — P. de Bé- pensée se heurte à un enseignement thune, Le jubilé de Ch. Stevens, R.T.B., défini presque exclusivement par un octobre 1956. — V. Van Straelen et H. apprentissage manuel, et s'irrite ; mais Bernard, « Hommage au professeur Charles là aussi l'attend un maître dont la per- Stevens », dans Bulletin trimestriel de l'Association des Ingénieurs issus de sonnalité anticonformiste et libertaire l'Ecole d'Application, t. XXXV, 1957, le marque fortement, avant de l'en- p. 15-21. — P.B., « In memoriam Charles gager dans le sens de son destin : Stevens : 1875-1962 », dans Annales de j'ai nommé Antoine Bourlard. Revenu la Société géologique de Belgique, t. 86, après vingt-cinq années d'Italie dans 1962-1963, Bulletin, n° 2-3, p. B 145. — sa ville de Mons et tombé dans la J.-P. Bakker, « Charles Stevens », dans torpeur satisfaite de ce chef-lieu de Tijdschrift van het Koninkiijk Nederlandsch Aardrijkskundig Genootschap (Den Haag), province « comme un aérolithe au 2de reeks, d. LXXX, nr 1, januari 1963, » milieu d'un champ de navets » (dixit p. 2-4, choix bibliographique. — Jules le prince de Rocroy), ce bohème, Cornet et ses disciples, Mons, Faculté Poly- « semeur d'ivraie », aux allures de technique, 1965. grand seigneur, va fournir à son élève l'exemple exaltant d'une désinvolture où puiser l'audace de s'affranchir d'un STIEVENART (Pol-Philippe-Jules), reste de sujétion envers les traditions artiste peintre et écrivain, né à bourgeoises de la famille. Le jeune Mons le 23 avril 1877, décédé à RochefortStiévenart, qui a lu Murger, ne rêve le 8 juin 1960. que de la vie de rapin à Paris ; son Descendant d'une lignée d'imagiers, pusillanime de père, alarmé, cherche d'orfèvres, de boiseurs, de décora- à prévenir pareille fantaisie en in- teurs qui, depuis le xviie siècle, scrivant son fils à l'Académie d'Anvers avaient exercé leurs talents en pays (1896-1897), où lui-même était passé borain, il lui eût été plus difficile de autrefois. Mais toutes les prévenances rester indifférent aux choses de l'art du père ne pourront rien faire pour que d'en faire son univers. S'il a sans remédier aux embarras linguistiques doute hérité de cette tradition ances- propres à ce milieu anversois, ni non trale son penchant pour la création, plus à l'ignorance, où il semble se il doit surtout de s'être approprié les complaire, de tout ce qui s'accomplit moyens de le satisfaire à l'initiation à Paris et à travers la France en fait naturelle que lui procurent quotidien- de révolution artistique : dégrisé, le nement l'activité et les curiosités de fils passe à l'Académie de Bruxelles son père, Clément Stiévenart, ancien (1897-1898). logiste du prix de Rome, collection- Autre atmosphère, autres fréquen- neur, restaurateur de tableaux et, tations. Le cercle des connaissances à partir de 1881, professeur à l'Aca- s'élargit, se diversifie. C'est ainsi que démie des Beaux-Arts de sa ville Pol Stiévenart est amené à fréquenter natale. Les humanités qu'il entame un cénacle littéraire aux tendances à l'athénée ne font que le durcir dans plus qu'éclectiques et à participer, sa résolution de devenir artiste pein- le 1er mai 1899, à la fondation de la tre ; non qu'il répugne à se former revue Le Thyrse, avec Emile Lejeune, l'esprit et à le meubler (au contraire, Julien Roman, Léopold Rosy, Charles il est « curieux par nature et harcelé Viane, rejoints ensuite par Maurice par l'inquiétude d'ignorer »), mais Boue, Gaston-Denys Périer et André le propre de la vocation, c'est préci- Bâillon. Sa collaboration à la revue sément qu'on ne puisse lui résister. (on lui a confié la chronique des 759 STIEVENART 760

salons) ne doit rien à la présomption ; nart revient avec une moisson de au contraire, elle est le prix qu'il faut renseignements, la clef de l'énigme payer pour participer aux travaux et deux ou trois vérités qui l'illumi­ du cénacle et décider éventuellement nent définitivement. Il se proposait l'un de ses amis littérateurs à mettre de décrire « le geste d'un beau héros en œuvre son talent pour « élever une » du romantisme », et ce qui s'impose » stèle votive au souvenir d'Antoine à lui maintenant, c'est l'histoire d'un » Bourlard ». Car le Maître vient de déracinement et d'une impossible mourir. Le disciple a toute la ferveur réacclimatation dans le milieu d'ori­ qu'il faut, et des souvenirs, et des gine. Il a compris que la cause du documents, pour écrire la biographie désarroi du maestro, rentré au pays souhaitée, mais sa capacité, à lui, pour être regardé comme un intrus, c'est de manier le pinceau, non la rejeté même par ses compatriotes, plume. D'autres, plus qualifiés... Par­ tenait à F« extranéité » de sa façon lons-en : Thomas Vinçotte, qui s'était de peindre. Alors que cette façon proposé au nom de l'Académie, se n'avait cessé de s'italianiser de plus récuse ; quant au Secrétaire perpétuel, en plus, la Belgique picturale de ce le chevalier Marchai, pour que la dernier quart du xixe siècle s'était tradition académique soit sauve, il engagée dans la voie d'une soi-disant s'escrime en une bonne trentaine de renaissance affranchie des « élégances pages, et à coups de citations de » maniérées des peuples latins » et re­ Chateaubriand sur Rome, à magnifier trempée « à la large source germani- un artiste qu'il avoue n'avoir pas » que » (Camille Lemonnier). En inti­ connu, dont par ailleurs l'activité tulant très objectivement son livre s'est surtout déroulée en Italie où il Il Fiammingo, surnom dont Bourlard n'a jamais été. Au Thyrse, plus per­ fut affublé en Italie, Stiévenart étale sonne ne répond à l'appel : Julien la signification de sa biographie sur Roman est mort ; Périer, parti pour le fil de la plus fine ironie. Et du l'Allemagne ; Bâillon, en Campine, même coup, lui, si français d'esprit refuse, comme d'ailleurs Cécile et non moins wallon de sensibilité, Douard, l'élève chérie du Maître. s'explique, à travers l'expérience de Stiévenart, en qui la vie de bohème son personnage ses propres difficultés n'a fait qu'exacerber un besoin pro­ d'adaptation dans la capitale belge. fond d'appartenance, ne sent peut- Par ailleurs, d'être remonté dans être pas qu'il est mûr pour assumer sa chasse aux souvenirs jusqu'au cette tâche ; mais ses réserves, la foyer même de cette civilisation dont circonspection même de son ambition les accents chantent en lui, d'avoir finissent par s'évanouir. Le biographe assisté, lors de son séjour à Anticoli de Bourlard, c'est lui, c'a toujours été Corrado (le petit village de la Sabine lui, il s'en rend compte maintenant : où il a retrouvé les traces de Bourlard), tout son passé, tout son présent con­ à ce que sont là les accordailles de la vergent dans une sorte de mobilisation terre et du soleil, de l'homme dénué et d'énergie au service de cette pieuse de la nature opulente, voilà qui le résolution. Et comme il a fait sienne persuade que « la supériorité de la vie la conception déterministe de Taine, » au Latium n'[est] pas qu'une suite le voilà prêt à remonter le cours du » de spondées et de dactyles », alors temps en empruntant l'itinéraire suivi que la fascination de nos sociétés de par le maître Bourlard et à faire ce qu'il consommation relève du miroir aux faut pour percer le mystère de son alouettes... long séjour romain. Un pèlerinage Son intérêt pour la destinée indivi­ réussi, qui dure un peu plus de quatre duelle débouchant sur une véritable mois (du 12 mars au 24 juillet 1906) curiosité ethnologique, il va se sentir et qui va orienter toute une existence... gagné par une fièvre de nomadisme De cette enquête obstinée, Stiéve­ qui le poussera à « explorer » — à 761 STIEVENART 762 partir d'Anticoli Corrado, port d'at­ sions de voyageur, de la vérité « anti- tache rêvé — le monde méditerranéen, colane » à lui révélée. Quant aux en particulier celui de l'Islam, africain récits de voyages, ils se présentent et oriental. Et ce sera pour revenir comme autant de films d'une réalité après chaque expédition à ce balcon qui s'efface à tout bout de champ der­ des Monts Sabins, où il connaît la rière le commentaire d'une pensée jubilation de sentir s'élever chaque prompte, sans cesse à l'affût, c'est- fois, comme en une apothéose, l'offran­ à-dire derrière l'expression du moi, de de beauté et de tendresse de ce dissolvant d'apparences et révélateur Latium, « magasin de nos rêves, entre- de significations profondes. » pôt de notre soleil ». Tout cela, Au service de cette unité de prise somme toute, parce que l'artiste d'angle, il y a l'unité de la forme peintre qu'il est avant tout a ressenti narrative, arrêtée dès II Fiammingo comme une mission le devoir de rendre et reprise dans les ouvrages suivants. un hommage posthume à son maître ; Pas de chapitres, mais une série de que cet hommage, offrant à l'écrivain moments saisis pour l'anecdote qui l'occasion de supplanter le peintre, s'y inscrit, pour l'observation qu'on l'a entraîné dans une démarche intel­ peut y faire, pour le tableau qui y est lectuelle cohérente, dépassant les li­ éclairé, pour la vérité qui s'en dégage. mites de la simple biographie ; que Ainsi, loin de s'organiser et de se cette démarche ne s'en est pas tenue développer sur un plan de stricte à une prise de conscience ethnique, chronologie, le récit ne représente plus mais s'est étendue à sa vérification ; qu'une suite de morceaux plus ou autrement dit, que la reconnaissance moins brefs, jouissant chacun d'une de la patrie latine et de l'art d'y vivre autonomie qui n'exclut pas des rap­ s'est élargie dans la reconnaissance ports avec certains autres. Tout se de ses composantes méditerranéennes passe comme si le temps, éclaté dans et dans sa confrontation avec la civi­ la mémoire, servait d'écrin au sou­ lisation américaine. Voilà qui a occupé venir d'épisodes vécus, choisis pour toute une vie et tient en quelques leur valeur significative. Il n'est pas ouvrages, sept publiés, dix en quête sans intérêt de rappeler qu'à partir d'éditeur. de décembre 1908, avec la fondation D'ordinaire, on distingue dans la à Florence de la revue La Voce, va production de Stiévenart une bio­ fleurir le « fragment lyrique », nouveau graphie (Il Fiammingo, 1919), une genre résolument biographique par autobiographie (Cœur de Poire, 1932- volonté d'authenticité et qui dépasse 1934) et des récits de voyage (Le Nil, parfois la poésie pour accueillir la 1934 ; Le voyage à Bagdad, 1934 ; Au réflexion et servir la pensée. Stiévenart pays d'Horace, 1948 ; Afrique du Nord. qui, depuis 1904, se trouve aux prises Sahara Niger, 1955; Mirages, 1956). avec les problèmes, nouveaux pour En fait, tous ces livres procèdent d'une lui, de la composition littéraire (l'éla­ seule et même obsession, celle de boration de son Fiammingo durera définir une identité et de rendre dix ans) était donc à la mode italienne compte par elle d'une existence (ou avant même que celle-ci ne s'installât. de celle-là par celle-ci). Même lorsqu'il Au reste, cet art du croquis, de la s'agit de saisir la courbe de la destinée pochade, du morceau « enlevé » — de l'autre, du « Fiammingo », ce qui un art de dessinateur, d'aquarelliste, est mis en oeuvre dans cet ouvrage notons-le —, il ne l'a pas inventé, imposant, en dehors de son apparat s'il faut l'en croire ; il le tenait de son documentaire livresque, ce sont les père et surtout de Bourlard, et l'avait souvenirs de Pol Stiévenart, souvenirs appris à travers les innombrables démarqués, bien entendu, mais issus histoires que l'un comme l'autre tout droit de son expérience d'artiste, se plaisaient à raconter. S'il s'est de son passé de Montois, de ses impres­ emparé de cette technique, c'est par 763 STIEVENART 764 la logique d'une infirmité, parce qu'il les intéressés eux-mêmes n'a existé se sentait incapable de polir des phra­ le moindre sentiment d'une dette ses à la Flaubert. D'un pis-aller, il fait littéraire, ni d'un côté, ni de l'autre, donc une originalité, et il faut dire il faut tenir compte de deux faits que son esprit alerte, primesautier, complémentaires : que Bâillon s'est toujours prêt à se délecter d'imprévu affirmé dans la République des lettres ou à surprendre lui-même par l'in­ de chez nous avec une belle qualité attendu de ses formulations, s'y trouve de romancier, tandis que Stiévenart à l'aise et s'y ébroue sans retenue. On s'est complètement désintéressé de devait cependant lui en contester la son œuvre écrite, dont, par ailleurs, paternité d'exécution... le genre trop personnel, trop intellec­ A la parution de Cœur de Poire, en tuel — l'essai autobiographique ca­ 1932, le chroniqueur littéraire du mouflé en mémoires ou en récit de Pourquoi Pas ? ne soulignait si bien voyage — n'a pas réussi jusqu'ici à la prestesse, le brio de ces tableaux se faire reconnaître par les historiens « enlevés d'une chiquenaude » que de la littérature. On ne prête qu'aux pour déplorer qu'ils fussent inspirés riches, c'est bien connu, et il n'y a du Neveu de Mademoiselle Autorité de pas de ménagements à avoir envers Bâillon, paru deux ans auparavant. ceux qui, retirés dans leur coquille Stiévenart n'a aucune peine à mettre ou dans leur tour d'ivoire, ne jouent les choses au point, en produisant ses pas le jeu et se satisfont de la délecta­ preuves : d'abord, le texte de Cœur tion de la sagesse. La vérité nous de Poire était connu de Bâillon depuis impose pourtant de préciser ici que, douze ans, lorsque parut le Neveu, loin d'avoir imité la manière de Bâil­ ensuite, le manuscrit de Cœur de lon, c'est lui, Stiévenart, qui a arraché Poire, entre les mains de Bâillon qui Bâillon à son esthétique flaubertienne tente de le faire publier à Paris par pour le « convertir » à une sorte de Rieder, est renvoyé à son auteur, naturisme pittoresque et humoristi­ avec l'avis du refus de cet éditeur, que, lors de ses séjours à Westmalle le 27 septembre 1929, soit huit mois de 1904, de 1905 et surtout de 1908, avant que le même Rieder ne publie alors qu'il lisait à son ami ses proses le Neveu ; enfin, pour qui sait lire, sur Anticoli. En tout cas, de recon­ Il Fiammingo, premier ouvrage de naître cette vérité ne diminue en rien Stiévenart, tirait déjà parti des pro­ la valeur de celui dont on faisait cédés de style et de composition abusivement une victime ; comme épingles par le critique. Treize ans cela n'ajoute rien à la stature de celui plus tard, un biographe de Bâillon, que l'on dénonçait injustement comme Roger De Lannay, faisant preuve coupable et à qui l'on rend son bien. d'une légèreté assez surprenante, ex­ Mais la vérité est la vérité, et la recon­ primait à propos de Cœur de Poire naître, c'est la saluer. une véritable accusation de plagiat, La production picturale de Pol alors que la dédicace du livre rappelle Stiévenart est assurément moins con­ clairement que « ces pages furent lues nue encore que son œuvre littéraire, » en 1918 » aux amis Bâillon, Périer, pour la raison bien simple qu'elle n'a Viane, Lénaerts et Vingtergnier. Un jamais été révélée, si ce n'est — et jury d'honneur constitué au sein de encore ! — aux hôtes privilégiés de l'Association des Ecrivains belges « la maison grise au toit d'ardoise » devait prononcer, le 7 février 1946, de la place Lafayette à Rochefort. une sentence concluant, « à l'unani- Et pourtant, la peinture, c'est sa » mité, que la probité littéraire de première vocation, et sa vocation pre­ » M. Pol Stiévenart est à l'abri de tout mière. Tout l'y prépare ; lui-même » reproche ». Pour expliquer cette ne néglige rien pour se donner la navrante aventure, d'autant plus formation la plus complète. Aussi, navrante d'ailleurs que jamais entre doué comme il l'est, peignant par 765 STIEVENART 766 nécessité intérieure, et non matérielle, d'hommes oseraient se flatter d'avoir il ne tombera jamais dans le dilettan­ pu, comme lui, dégagé de toute tisme. Si profondément vécue que nécessité matérielle, se forger la chaîne soit sa religion de l'art, parce que très qui leur plaisait? Mais aussi, il faut profondément vécue, précisément, il le reconnaître, bien peu dans sa situa­ ne peut s'empêcher de lui être infidèle. tion auraient eu le courage d'oeuvrer Consommée assez vite (en 1907, c'est comme il l'a fait, solitairement, sans fait), cette infidélité, dont il ressent au moins les compensations dues à la les élancements douloureux, ne l'em­ vanité, par fidélité à ce goût de lui- pêche pas de connaître de grands même qui le situe, pour l'esprit, dans moments de repentance, et c'est dans la lignée de Montaigne et, pour la ces moments-là que le peintre, ressus­ passion, dans celle de Stendhal. cité, domine son angoisse devant le Stiévenart était membre correspon­ chevalet pour prendre sa revanche... dant de la Commission royale des Admirable révolte du talent délais­ Monuments et des Sites. sé! Aquarelliste avant tout, Stiéve- Albert Maquet. nart, qui est la vivacité même (mais une vivacité qui se veut toujours contrôlée), cherche dans cet art dif­ Iconographie : reproduction d'un auto­ ficile et si rare à libérer le propos d'une portrait à l'huile (Anticoli, 1Θ25), dans sensibilité toujours prompte à réagir, La Vie Wallonne, t. XXXI, n° 278, p. 79 ; non sans charger l'intelligence du reproduction d'un portrait photographique soin d'en sublimer l'accent en l'ame­ plus récent dans le Catalogue illustré des œuvres du peintre, exposées à Bochefort, nant à répondre aux réquisitions de puis à Mons, en 1974. la technique et à trouver son point d'équilibre dans sa soumission aux E. De Seyn, Dictionnaire dee écrivains belges, t. II, Bruxelles, Editions Excelsior, impératifs du goût et de la mesure. p. 1681. — M. Gauchez, Histoire des lettres Si, en dehors de quelques nus et de françaises de Belgique des origines à nos quelques portraits, le motif dominant jours, 4e, édition, Bruxelles, La Renais­ de cet œuvre aquarelle est le paysage, sance d'Occident, 1922, p. 283. — 25 ans il faut bien reconnaître que l'attitude de littérature et d'art en Belgique. 1899- esthétique de Stiévenart dépasse, et 1924, Bruxelles, 1924, p. 116-118 (Collec­ de loin, celle du paysagiste conven­ tion de la revue Le Thyrse). — Bibliothè­ que royale de Belgique, Les lettres belges tionnel : c'est que sa vision, à lui, d'expression française. 1830-1930, Bru­ décantée dans un travail subtil de xelles, 1930, p. 33. — L. Rosy, Petit por­ schématisation, se trouve toujours à trait en taille douce. Pol Stiévenart, dans Le la base d'une recréation où entrent Thyrse, 34° année, n° 1, 1er janvier 1932, en jeu des valeurs plastiques à la fois p. 15-16. — C. Hanlet, Les écrivains belges très libres et très sûres. A la limite, contemporains . de langue française, Liège, certaines de ces représentations inspi­ Dessain, t. II, 1946, p. 977. — J. Houziaux, Pol Stiévenart, peintre et écrivain montais, rées par nos Ardennes, par l'Italie, Ardennais d'adoption, dans Le Thyrse, la Grèce, l'Espagne, l'Afrique, etc., 51e année, n° 1, 1er janvier 1949, p. 12-14. tendent à force de synthèse linéaire et — G. Charlier et J. Hanse, Histoire illustrée colorée à une forme d'abstraction qui, des lettres françaises de Belgique, Bruxelles, pour ne rien leur faire perdre de leur La Renaissance du Livre, 1958. — A. Ma­ structure figurative, n'en dégage pas quet, Pol Stiévenart. Portrait d'un artiste moins ce qu'il y a en elles de trans­ wallon, dans La Vie Wallonne, t. XXXI, n» 278, 2e trimestre 1957, p. 77-109 cendental. Audacieux mais réfléchi, (le t. à p. porte comme titre Pol Stiéve­ aventureux mais expérimenté, libre nart. Artiste Montois). — A. Marchai, mais discipliné, Pol Stiévenart a créé Pol Stiévenart aquarelliste et A. Maquet, un langage qui répugne à la définition Pol Stiévenart écrivain, respectivement comme à la formule. Il s'offre à nous p. 7-20 et 21-35 du catalogue illustré, comme la plus belle expression de publié à l'occasion de l'exposition des cette liberté qui a fait de son existence œuvres du peintre sous le titre Pol Stié­ une existence d'exception. Combien venart, Rochefort-Mons, 1974. quinze de ses jeunes paroissiens vers T le sacerdoce et d'accomplir d'impor- THOMAS (Lambert-Barthélemi). tants travaux dans sa paroisse, tels Voir MARIAN DE SAINT-ANTOINE. la restauration et l'agrandissement TOUSSAINT (François-Joseph), de l'église de Waimes (1927-1928), chanoine, botaniste, dialectologue, his- la reconstruction de la chapelle de torien, généalogiste et toponymiste, Walk (1951-1952), la construction de né à Ovifat (Prusse rhénane) le 4 mai celle de Bruyères (1951-1952), l'agran- 1882, décédé à Waimes le 13 mars dissement de celle de Champagne en 1964. 1957-1958. Après les études primaires effec- Soucieux du contact permanent tuées à Ovifat, il entame ses humani- avec les jeunes, il accepta encore en tés à l'Institut Saint-Remacle à Sta- 1954 la charge de professeur de reli- velot en octobre 1893. C'est au cours gion à l'Ecole ménagère de l'Etat à de ces études, en septembre 1898, Waimes; il fonda également en 1931 qu'il demande la radiation de sa na- Pa.s.b.l. Œuvres d'action catholique tionalité allemande. En octobre 1900, du doyenné de Malmédy. il entre en rhétorique et effectue deux Ayant négligé de demander sa na- années de philosophie au Séminaire tionalité belge depuis 1898, il fut de Saint-Trond. Il entre ensuite au déclaré administrativement apatride Grand Séminaire de Liège ; il est en janvier 1931 ; ce ne fut qu'en jan- diacre en 1906, année pendant la- vier 1937 qu'il fut judiciairement quelle il enseigne comme professeur reconnu comme étant de nationalité de langues et de sciences à l'Institut belge, après bien des péripéties. Saint-Joseph à Dolhain. Il est ordonné Il fut membre correspondant de la prêtre par l'évêque de Liège le 2 avril Commission royale des Monuments 1907. et des Sites de 1920 à 1946 et membre De 1909 à 1914, il dessert, le di- de la Société liégeoise de Langue et manche, la chapelle de Waimes et de Littérature wallonne. Comme le de 1914 à 1918 exerce le ministère soulignent J. de Walque et R. Houart supplétoire dans le ressort de Wai- (1964), l'œuvre du chanoine Toussaint, mes; en août 1919, il est nommé fragmentée en d'innombrables articles recteur à Odenval ; en juin 1922 et notices, est d'accès malaisé et de enfin, curé à Waimes, où il exercera consultation difficile ; ceci a nui à sa jusqu'à sa mort. Pasteur infatigable diffusion, spécialement pour la partie et apprécié de tous pendant quarante- publiée avant la seconde guerre mon- deux ans, il eut la joie de conduire diale. R. Arimont (1964) a réussi à 769 TOUSSAINT 770 reconstituer de manière aussi com­ et d'hépatiques comprenant quelque plète que possible, et référenciée, 700 échantillons; en plus de ces récol­ la bibliographie des textes, publiés ou tes personnelles, il disposait égale­ non, de François Toussaint. ment de très nombreux échantillons Son œuvre comprend plus de cinq de référence reçus en échange, de cents articles de toutes dimensions, divers botanistes belges et allemands ; dont sept relatifs aux sciences natu­ il entretenait notamment des relations relles, trois consacrés à la toponymie, d'échange avec le Jardin botanique cinq à l'archéologie, une dizaine au de l'Etat à Bruxelles dirigé à l'époque folklore local, la partie la plus impor­ par E. De Wildeman. tante de son œuvre étant consacrée L'herbier cryptogamique de Fran­ d'une part à la généalogie des familles çois Toussaint, d'abord légué au Cer­ de la région de Malmédy-Waimes- cle culturel M.-A. Libert de Malmedy Butgenbach et d'autre part à l'histoire avec la partie relative aux sciences régionale sous tous ses aspects, no­ naturelles de sa bibliothèque, fait tamment un important lot de notices aujourd'hui partie des collections sur l'histoire ecclésiastique. scientifiques de la Station scientifique Dans tous ses chapitres, l'œuvre du des Hautes Fagnes de l'Université de chanoine Toussaint est caractérisée Liège par les soins de laquelle il a par l'attachement aux richesses natu­ été restauré et révisé ; son inventaire relles et au patrimoine culturel du critique est en voie de publication terroir. De même, la plupart de ses (R. Schumacker et Ph. De Zuttere, œuvres ont été publiées dans la presse 1978, 1979). régionale, dans les journaux malmé- Ses principales observations sur la diens La Semaine, La Warchenne, flore de la région ont été publiées La Warche, Le Journal de Malmedy, dans deux articles : Quelques notes Le Courrier de Malmedy et Les Nou­ sur la géologie et la flore de Malmedy, velles de Malmedy. dans La Terre Wallonne, t. II, 1920, Il laissera encore un monumental n° 6, p. 384-400 et Cryptogames rares Dictionnaire du wallon d'Ovifat com­ ou nouvelles pour la Flore de Belgique, prenant l'explication de quelque Parcs nationaux, vol. 6, 1951, p. 49- 20.000 mots du parler de ce terroir, 53. œuvre qui ne sera malheureusement Œuvre . de jeunesse, œuvre certes pas publiée, mais qui est déposée à imparfaite, mais combien précieuse Malmedy (Bibliothèque de Documen­ en tant que riche témoin d'une florule tation régionale, Maison Cavens) où régionale bien mieux conservée alors elle peut être consultée. qu'aujourd'hui. Nombreux sont en Dans le domaine des sciences natu­ effet les sites explorés par François relles, François Toussaint s'est prin­ Toussaint qui ont aujourd'hui disparu cipalement intéressé à la flore de la et, avec eux, nombre d'espèces remar­ région malmédienne avec une prédi­ quables ou nouvelles pour la flore de lection particulière pour la vallée de Belgique. Elle témoigne en outre du la Warche aux environs des ruines sens aigu de l'observation de son de Rénastène et pour le massif du auteur et d'une remarquable facilité Wolfsbuch au sud d'Odenval. Voca­ d'adaptation à une discipline difficile. tion de la première heure puisque dès Mais c'est peu après le début de ses études moyennes à Stavelot il son activité pastorale à Odenval que constitue un herbier. Néanmoins, la vocation scientifique principale de c'est pendant la période de professo­ François Toussaint va se développer rat à Dolhain qu'il va se consacrer au fil des recherches qui le conduisent à la botanique et en particulier à la à étudier la formation de ce hameau, bryologie : entre 1911 et 1930 prin­ le nom des maisons, l'origine des cipalement, il réunira une importante familles, les traces d'un passé ancien collection de mousses, de sphaignes dans le Wolfsbuch tout proche, etc. BIOGR. NAT. — t. XLI. 25 771 TRAVAILLEUR 772

L'étude des anciennes souches fami- celui des généalogies anciennes des liales du pays de Malmédy est la personnages mêlés à son histoire. partie la plus originale de l'œuvre de En marge de l'histoire, les légendes François Toussaint, tant il y a apporté locales retinrent également l'attention détails précieux et rigueur. Plus de du chercheur; il écrivit même deux 200 notices y sont consacrées. contes. Ayant amassé une impressionnante Il s'intéressa enfin systématique- documentation sur l'histoire juridi- ment à la toponymie locale ; notant que, économique et politique des ter- au passage tout ce qu'il apprenait ritoires qui l'intéressaient, ce sont les dans les archives ou par les témoigna- études d'histoire régionale qui animè- ges oraux, il avait constitué une col- rent avec le plus de prédilection ses lection de plusieurs milliers de fiches investigations. II s'est attaché à re- toponymiques en majeure partie iné- constituer l'histoire d'établissements dites. mineurs, parfois disparus, mais qui René Schumacker. jouèrent un rôle important dans le lointain passé du pays. Après d'in- R. Arimont, < Bibliographie du cha- nombrables notes éparses, il publie noine François Toussaint », dans Folklore Stavelot-Malmedy-Saint-Vith, t. 28, 1964, en 1932 Sourbrodt. Histoire d'une p. 53-72. — M. Belleflamme, « lie chanoine fagne et d'un hameau, dans La Se- François-Joseph Toussaint », dans Revue maine (12 mars 1932-15 octobre 1932), du Cercle naturaliste Marie-Anne Libert puis en 1937, une Histoire de Xhojfraix, de la région de Malmedy, bulletin trimestriel, dans La Semaine (n° 9 à 38). Les 1964, p. 2-4, photographie. — Anonyme, fastes de la Seigneurie de Butgenbach • Quelques notes pour servir à une biogra- ont également retenu longuement son phie de l'abbé François Toussaint », ibi- dem, p. 4-5. — Anonyme, « Essai d'une attention. bibliographie des travaux de l'abbé Fran- En 1939, il publie La Via Mansue- çois Toussaint relatifs à des sujets qui risca et la Villa royale de Waismes, font partie de l'activité de notre cercle », dans Folklore Malmedy-Saint- Vith, ibidem, p. 5-6. — J. de Walque et R. t. 9, p. 9-46, remarquable étude sur Houart, « Le chanoine François Toussaint, l'identification de la célèbre voie ro- sa vie et son œuvre », dans Folklore Sta- maine redécouverte en 1934 par velot-Malmedy-Saint-Vith, t. 28, 1964, p. 7-52, photographie-portrait et un ex- l'abbé J. Bastin ; dans cette étude, libris de F. Toussaint. — R. Schumacker contrairement à toutes les explica- et Ph. De Zuttere, « Inventaire et révision tions proposées jusqu'alors, il identifie critique de l'herbier bryologique du cha- cette voie à l'ancienne route de Saint- noine F. Toussaint, 1. Les hépatiques », Vith qui, par Ovifat et la Warche, dans Cercle culturel M.-A. Libert de la traverse la Warchenne au Tchestè de région de Malmédy, 1978, p. 101-113; Waimes et poursuit en direction du « 2. Les sphaignes », ibidem, 1979, p. 6-10. sud vers Saint-Vith. A quelques dé- tails près, l'hypothèse de François Toussaint est entièrement admise TRAVAILLEUR (Maurice), ingé- aujourd'hui et cette recherche doit nieur, fondateur et président de être considérée comme le jalon de l'Agence Belga, né à Bruxelles le base des études de géographie histo- 8 février 1871 et y décédé le 3 mai rique de la haute Ardenne orientale. 1950; époux de Henriette Van Gend Mais c'est sans aucun doute sa (1866-1953). grande monographie Rénastène, dans Fondateur et, pendant vingt-sept Journal de Malmedy (17 mars 1952- ans, président de l'agence nationale 23 janvier 1954), qui émerge de toute de presse Belga, Maurice Travailleur cette partie de son œuvre. Cet ouvrage fut le promoteur de la télégraphie fait autorité tant sur le plan de l'ori- sans fil en Belgique. gine de la petite seigneurie que sur Ingénieur féru des techniques nou- 773 TRAVAILLEUR 774 velles, esprit tourné vers l'avenir, il ment pour les communications avec joua un rôle important dans notre les navires en mer. pays pendant la première moitié de En 1900, il crée à Londres avec ce siècle. Il resta cependant inconnu Frans Thys la Marconi Wireless Inter­ du grand public ; son nom même est national Marine Communication Co., ignoré. la deuxième des sociétés de radio du Maurice Travailleur était le fils monde. unique d'Henri Travailleur et d'Eu­ En même temps, il fonde la Com­ génie-Marie-Hélène Magenhann. Sa pagnie de Télégraphie sans Fils, so­ famille était d'origine lorraine et il ciété anonyme devenue, en 1913, la avait peu de parents, du côté belge Société internationale de T.S.F., la comme du côté lorrain. Elève de S.A.I.T., qui équipe les navires de l'Athénée de Bruxelles, il fit ensuite tout l'appareillage de radio et d'in­ ses études à l'Université libre de struments de détection dans le do­ Bruxelles, où il obtint le titre d'ingé­ maine des ultra-sons. Il en sera admi­ nieur des constructions civiles le nistrateur délégué, puis président 3 juillet 1893 avec grande distinction. jusqu'en 1947. Fondateur de l'Association générale Maurice Travailleur a la satisfac­ des Etudiants au cours de ses études, tion d'envoyer le premier radio-télé­ il administra le Journal des Etudiants. gramme depuis une malle belge en Il deviendra secrétaire de l'Associa­ mer ; c'est en se rendant d'Ostende tion des ingénieurs sortis de l'Univer­ à Douvres à bord du Princesse Elisa­ sité libre de Bruxelles en 1893-1894 beth en 1900 qu'il adressa à sa femme et président de 1904 à 1906, président un message qui fut capté par la sta­ de l'Union des Anciens Etudiants de tion Marconi au Pavillon de La Panne. 1934 à 1937 et membre du Conseil Le document est conservé dans la d'administration de cette université bibliothèque de l'Association de la de 1937 à 1944. Presse à Bruxelles. Il porte la date En septembre 1893, Travailleur du 4 novembre 1900, à 14.51 h. entre au service de la India Rubber Au lendemain de la Première Guerre, Cutapercha and Telegraph Works Co. il présida aux négociations menées de Silverton, et s'occupe de la con­ par des personnalités qui songeaient struction pour cette société de la à mettre sur pied une agence de presse Centrale électrique de la Ville de nationale destinée à fournir de façon Bruxelles. continue aux journaux et au monde Attaché en 1896 à la Liste Civile, des affaires les informations du monde il devient en décembre 1899 ingénieur entier en employant les techniques électricien de la Maison du Roi et nouvelles. Le Roi Albert avait été est déchargé de cette fonction en mis au courant des idées de Maurice 1913, à sa demande, avec le titre Travailleur et les avait approuvées. d'ingénieur honoraire de la Liste Ci­ Très préoccupé d'assurer l'indépen­ vile. dance et la pleine autonomie de la Préparant la réalisation d'un projet Belgique en tout domaine, il avait cher à Leopold II, il s'efforce de réali­ noté que, dans la plupart des pays ser la liaison par radio entre la Bel­ d'Europe, une agence de presse natio­ gique (exactement le Parc de Laeken) nale avait été créée et il souhaitait et le Congo. C'est que Maurice Tra­ voir cet exemple suivi dans son pays. vailleur suit avec science et passion Il chargea son secrétaire, Max-Léo les expériences de Marconi. Il assiste, Gérard, de suivre les négociations et en 1900 au Palais de Bruxelles, à des de pousser rapidement à la constitu­ démonstrations de radio faites par tion d'un capital suffisant. Marconi devant le Roi et il est un La Société anonyme Agence Télé­ des premiers à prévoir toutes les pos­ graphique Belge, en abrégé Belga, sibilités de cette invention, notam­ fut constituée le 20 août 1920 et 775 TRAVAILLEUR 776

commença à fonctionner le 1er jan­ velles, mises au service de l'activité vier 1921. Maurice Travailleur fut le industrielle. Cet Aedes Scientiae, président du conseil d'administration, appelé officiellement Alberteum S.A., assurant lui-même la direction de était complété par un Planetarium l'administration et de la gestion de qui suscita un vif intérêt dans un l'entreprise, de même que de la tech­ public étendu. Ce fut un des pôles nique des transmissions. d'attraction de l'Exposition. Le festi­ Foncièrement convaincu que les val international de cinéma organisé informations doivent être diffusées à l'Alberteum fut un tel succès que par radio, il fonda en 1923 la société Mussolini intervint auprès du gouver­ Radio-Belgique, qui émit des bulle­ nement craignant pour la biennale de tins de nouvelles et de la publicité. Venise. Il en fut également président. Pour L'attitude de Maurice Travailleur que Belga puisse fournir les informa­ pendant la Seconde Guerre fut d'une tions à cette station d'émission, il fermeté sans faille. A l'étranger le fallut vaincre l'hostilité des journaux, 10 mai 1940, il remonta le flot des qui ne voulaient pas que l'agence réfugiés qui fuyaient le pays, pour favorise un concurrent aussi redou­ y être au contraire présent. Pleine­ table. Un Institut national de Radio­ ment conscient de ses responsabilités, diffusion (I.N.R.) prit en 1930 la il protesta par écrit lorsque l'autorité place de Radio-Belgique et les mêmes allemande prétendit dès l'occupation difficultés surgirent ; mais cette fois de Bruxelles remettre en marche les ce fut au gouvernement qu'il appar­ services de Belga. Il opposa un refus tint de négocier une formule de com­ net et catégorique aux démarches promis. faites auprès de lui début juin 1940 Radio-Belgique survécut, mais en pour qu'il assure lui-même la remise léthargie. Maurice Travailleur était en marche. Cet exemple eut une heu­ persuadé qu'elle aurait quelque jour reuse influence dans divers milieux. une nouvelle raison d'être. Et, en Les Allemands passèrent outre en effet, son nom ressurgit pendant la confiant la tâche à des hommes à guerre de 1940, lorsque fut créé à eux. Maurice Travailleur protesta par Londres un service de nouvelles par écrit contre l'usage d'un nom dont il radio destiné aux Belges qui subis­ affirmait être seul à pouvoir disposer. saient l'occupation ennemie. Un des L'autorité allemande changea alors dirigeants de Radio-Belgique, Aug. le nom et, au lieu de « Agence Belga », Hubert, fidèle collaborateur de M. Tra­ elle recourut à la forme Belga-Press ; vailleur, qui était à Londres, autorisa et elle ne tint pas compte d'une troi­ l'emploi pour cette émission du nom sième lettre de protestation. En février de Radio-Belgique. Maurice Travail­ 1941, elle recourut à une tentative leur, resté au pays, présidait pendant d'intimidation spectaculaire en arrê­ ce temps à la remise en état de l'an­ tant les membres du conseil présents cien poste de radio, ce qui permit à Bruxelles (dont M. Travailleur) et aux autorités belges d'émettre depuis des chefs de la rédaction. Mais elle Bruxelles dès le jour de la libération dut bientôt constater qu'elle n'obtien­ et jusqu'au 30 décembre 1944. drait rien et relâcha tout le monde. II prit part à la constitution de la Cette même fermeté intransigeante S.B.R. (Société belge Radio-Electri­ caractérisa également Maurice Tra­ que) dont il fut administrateur, ainsi vailleur comme membre du conseil que de l'Electrobel. d'administration de l'U.L.B. L'auto­ L'Exposition de Bruxelles en 1935 rité allemande prétendait introduire lui permit de réaliser un projet ca­ à l'université des professeurs de son ressé depuis longtemps : un musée choix. Lorsque le conflit se précisa, de la science et des techniques nou­ il fut à la pointe de la résistance et 777 T'SERCLAES DE WOMMERSOM 778 fut écouté par ses collègues. Il lui Université libre de Bruxelles. Rapport sur en coûta une amende personnelle de Vannée académique 1949-1950, Bruxelles, 120.000 francs belges. 1953, p. 158-160. Cet élan n'était pas ralenti en 1944 et on vit dès la libération de Bru- T'SERCLAES de WOMMER- xelles le président Travailleur, flan- SOM (Théodore-Emile-Dominique-Charles-Ghislain, qué par Antoine Seyl et par quelques comte de), fonction- anciens du personnel, s'emparer des naire et député catholique, né à Bru- locaux (43 avenue des Arts) et du xelles le 28 août 1809, mort à Gent matériel de Belga-Press et diriger (Gand) le 25 mai 1880. lui-même, le 5 septembre, la remise Fils de Jean-François-Ghislain de en train des services Belga. C'est lui t'Serclaes de Wommersom et de qui assuma pendant les premières Marie-Catherine van der Gote de semaines la charge de la réorganisa- Metz Blanc Bois. Il épouse, à Ver- tion, du recrutement, de la formation viers, le 2 juillet 1840, Anne-Marie des éléments nouveaux et de l'adap- de Biolley. tation à des conditions nouvelles de Il fait ses études auprès de son travail. père et se présente à l'examen final Il resta à son poste pendant trois de rhétorique au Gymnase de Leuven ans encore et ne démissionna le 31 dé- (Louvain) où il est reçu a summa cum cembre 1947 que lorsque l'âge et la laude » (1825). Il poursuit des études maladie le lui imposèrent. Très atta- de droit à Louvain et Gand où il ché à tout ce qu'il avait entrepris termine son doctorat (1834). dans sa vie, il voyait bien qu'aucune Officier de la garde bourgeoise et de ces constructions n'était parfaite. commandant d'un corps de volon- Il préférait en contempler et en rete- taires, au cours de la révolution de nir les éléments positifs, mais toujours 1830, il participe à l'occupation de la avec la volonté de poursuivre l'œuvre caserne de Leuven (Louvain) (2, 3 et commencée. 23 septembre) et aux escarmouches Il n'a jamais cherché les louanges aux portes de Mechelen (Malines), où et les honneurs. Il ne les appréciait il est blessé, et à Tienen (Tirlemont). que lorsqu'ils reflétaient très exacte- Au cours de la campagne des Dix- ment les faits auxquels ils se rappor- Jours, il commande des sections de taient. Il n'était pas dans son carac- garde bourgeoise en Brabant et à tère de solliciter l'amitié et les sou- Namur. rires. Esprit scientifique, avec une Fonctionnaire, il est commissaire pointe de rigorisme, tourné vers la d'arrondissement à Leuven (Louvain), technique et vers l'avenir, homme d'abord ad intérim (1830-1831), puis précis, jonglant avec les chiffres, il définitivement (1831-1835), à Bru- était riche et calculateur, mais en xelles (1835-1837), gouverneur de la même temps généreux, avec simplicité province de Limbourg (1857-1871) et et discrétion. de la province de Flandre orientale Il fallait avoir pénétré dans son (1871-1879) et secrétaire général du intimité pour découvrir qu'il avait ministère des Affaires étrangères beaucoup de cœur et quoique n'ayant (1837-1847). Il se fait décharger de lui-même pas d'enfants, qu'il savait cette dernière fonction, sa santé ne les aimer et se faire aimer d'eux. lui permettant pas de la cumuler Daniel Ryclanâf. avec son mandat parlementaire. A sa demande, il est nommé envoyé extra- Bibliothèque de l'Association générale ordinaire et ministre plénipotentiaire de la Presse belge, à Bruxelles. — Archi- en reconnaissance des services qu'il ves de l'Université libre de Bruxelles. a rendus au corps diplomatique en 0h. Frérichs, i Notice sur la vie et les acceptant des missions à Vienne et travaux de Maurice Travailleur », dans auprès de divers souverains allemands. 779 T'SERCLAES DE WOMMERSOM 780

Lors de la campagne électorale de ticipants aux secours publics dans le 1841, il parcourt les campagnes pour Limbourg belge. Discours prononcé à inciter les bourgmestres à faire voter l'ouverture du Conseil Provincial le leurs administrés pour les candidats 4 juillet 1865, Hasselt, 1865; Eloge du ministère Nothomb. L'année sui­ de feu le Roi des Belges Leopold Ier, vante, la démission du prince de Hasselt, 1866; L'instruction primaire Chimay, gouverneur de la province dans le Limbourg [1842-1867), Has­ du Luxembourg, lui donne l'occasion selt, 1868 ; Aperçu des voies de com­ de poser sa candidature à ce gouver­ munication publiques dans la province nement provincial, à la demande des de Limbourg depuis 1830, lre partie : Luxembourgeois qui désirent un ad­ Les chemins de fer. Discours prononcé ministrateur paternel. Modéré et in­ à l'ouverture du Conseil Provincial du tègre, il pense y être utile au roi et 5 juillet 1870, Hasselt, 1870; 2e par­ au gouvernement. Gouverneur de tie : Rivières navigables et canaux. provinces, il s'intéresse aux travaux Discours prononcé à la séance du Con­ publics, à l'agriculture, à l'enseigne­ seil Provincial du Limbourg le 4 juil­ ment artistique, à l'assistance publi­ let 1871, Hasselt, 1871. que, aux moyens de transports et aux finances communales. Marie-Anne Paridaeng. Il fut également bourgmestre de Wommerson (1856-1858). Iconographie : portrait par Guffens chez Mandataire, il est membre du Con­ le comte de t'Serclaes (avenue de Fré, 11, à Uccle-Bruxelles ; photo de ce portrait seil Provincial du Brabant, représen­ à la Bibliothèque provinciale à Hasselt. tant le canton de Sint-Maartens- Lennik (Lennik-Saint-Martin) (1836- Archives du Ministère des Affaires 1846), membre de la Chambre des Etrangères, à Bruxelles, Personnel n° 320. représentants, député de l'arrondisse­ — Archives générales du Royaume, & ment de Sint-Niklaas (Saint-Nicolas) Bruxelles, Papiers Frère-Orban, n° 343. — Archives du Palais Royal, à Bruxelles, (1847-1857). Il y est le rapporteur de Fonds Leopold Ι", n° 97/21. deux projets de lois, l'un relatif à la séparation des communes de Doel P. Roger, Biographie générale des Belges et de Kieldrecht (1853), l'autre aux morts ou vivants, Bruxelles, 1849, p. 194- contestations surgies lors du paie­ 195. — A. Scheler, Annuaire statistique et historique belge, 1856, Bruxelles-Leipzig, ment de la prime à la construction 1858, p. 204. — A. Scheler, Statistique du navire « Président Schimmelpen- personnelle des ministères et des corps légis­ ninck » (1854) et du budget des Tra­ latifs constitués en Belgique depuis 1830, vaux Publics (1857). Lors de la dis­ Bruxelles, 1857, p. 182. — Livre d'Or de cussion de la loi sur l'enseignement l'Ordre de Leopold, t. 1, Bruxelles, 1858, supérieur (1849), il prend la défense p. 326. — L. Hymans, Histoire parlemen­ de la langue flamande en tant qu'ins­ taire de la Belgique de 1831 à 1880, t. 3, Bruxelles, 1879, p. 203, 273. — A. d'Hoff- trument de culture. schmidt, 1830-1880. La représentation na­ Il est fait comte en 1856. tionale en Belgique, Arlon, 1880, p. 125. Il est membre d'honneur de la — L. Roppe, « De t'Serclaes de Wom­ société théâtrale « De Wijngaerd » à mersom », dans Nationaal Biographisch Bruxelles (1849) et membre du Con­ Woordenboek, t. 3, Brussel, 1968, col. 872- seil héraldique (1852). 875. — J. Stengers, e.a., Index des éligi- bles au Sénat (1831-1893), Bruxelles, 1975, Bibliographie : Théodore de t'Ser- p. 207 (Commission de la Biographie Na­ claes de Wommersom est l'auteur de : tionale). — M. Dieu, Louvain pendant la Révolution de 1830 et la campagne du mois Discours sur la culture des arts dans d'août 1831. Chronique pour servir à son le Limbourg belge prononcé à l'ouver­ histoire, Louvain, s.d., p. xn. — W. Roe- ture du Conseil Provincial le 5 juillet lants, « De gouverneurs van Limburg 1864, Hasselt, 1864 ; Considérations sinds 1830 », in Limburg, 6de jaargang, sur l'accroissement progressif des par­ p. 125-126. V

VARRET (Jean-Baptiste-Joseph), Archives générales du Royaume, à imprimeur, né le 11 décembre 1715, Bruxelles, Conseil privé autrichien, car- mort à Mons le 7 septembre 1791. ton n° 1055a. — Ville de Mons, Table des Mariages, t. 4, p. 507. — Ville de Mons, Fils de Jean-Nicolas Varret et de Table des Décès, t. 5, p. 698. Jeanne-Victoire Wadin, Jean-Baptiste H. Bousselle, Annales de l'imprimerie Varret resta d'abord associé à son à Mons depuis 1580 jusqu'à nos jours, frère Michel après le décès de leur Mons, Bruxelles, 1858, p. 424, 432-444. — mère, le 26 juin 1733. Ils exploitèrent L. Devillers, « Supplément à la bibliogra- ensemble l'établissement typographi- phie montoise », dans Mémoires et Publi- cations de la Société des Sciences, des Arts que dans l'intérêt de leurs frères et e sœurs en bas âge. Des lettres patentes et des Lettres du Hainaut, 3 série, t. III, 1867-1868, p. 407, 409-410. — E. Pon- d'imprimeur leur furent accordées celet et E. Matthieu, Les imprimeurs mon- en 1733. En 1734, Jean-Baptiste iois, Mons, 1913, p. 96-99 {Société des Varret rompit l'association avec son Bibliophiles belges séant à Mons, n° 35). frère qui décéda le 26 février 1743, et créa, au moment de son mariage avec Marie-Thérèse Dauvillez, célébré VARRET (Jean-Nicolas), impri- le 6 avril 1739, une nouvelle impri- meur, né à Rouen le 26 octobre 1681, merie. D'abord installée chez la belle- baptisé le lendemain en la paroisse mère de Jean-Baptiste Varret, rue de Saint-Gérard, mort à Mons le de Nimy, l'imprimerie fut transférée 19 juillet 1731. rue des Clercs en 1741, rue d'Havre Compositeur, puis chef d'atelier de en 1748, Grand-Rue en 1753 et rue l'imprimerie de Laurent Preudhomme, de la Clef en 1755. Parmi les ouvrages Jean-Nicolas Varret obtint des lettres sortis de ses presses figurent de cu- patentes d'imprimeur le 29 juillet rieux livrets de confréries. Jean- 1718. Fils de Jean Varret et de Marie Baptiste Varret imprima aussi cer- Lonhays, il épousa à Mons, le 4 fé- taines œuvres de Gilles-Joseph de vrier 1715, Jeanne-Victoire Wadin, Boussu : en 1748, son Histoire de dont il eut six enfants. Le 24 décem- V'institution de l'école dominicale dans bre 1717, il fut admis à la bourgeoisie la ville de Mons en l'an 1585 et, de cette ville. Pendant de nombreuses en 1750, son Histoire de la ville d'Ath. années, il s'était exercé à l'imprimerie Après la mort de son frère Michel, et avait même dirigé pendant quelque Jean-Baptiste Varret ajouta à sa temps celle de la veuve Preudhomme. firme la mention : l'aîné. On ne trouve Il ne fonda pas d'établissement typo- plus aucune production de son impri- graphique, mais en 1718 s'associa merie après 1772. avec la veuve de son patron. Ce fut Robert Wellens. durant l'association de la veuve 783 VARRET — VERNIMMEN 784

Preudhomme avec Jean-Nicolas Var- survenue le 26 février 1743. Le 4 avril ret que sortit de leurs presses en 1718, de cette année, l'impératrice Marie- l'Histoire générale du Hainau par le Thérèse lui octroya des lettres paten- R.P. Michel Delewarde, prévôt de tes d'imprimeur en même temps l'Oratoire. Les quatre premiers volu- qu'une dispense d'âge, car il n'avait mes de cette œuvre furent publiés que dix-sept ans. Les Etats de Hai- par les deux associés, les deux der- naut et le magistrat de Mons lui con- niers par Jean-Nicolas Varret. Deux fièrent l'impression de leurs actes ans plus tard, au décès de la veuve administratifs. Les ouvrages sortis des Preudhomme, il continua seul l'ex- presses de Léopold-Joseph Varret se ploitation de la maison. Jean-Nicolas signalèrent par leur bon goût, la Varret fut l'imprimeur du magistrat beauté des caractères et la netteté de Mons et des Etats de Hainaut. Il du tirage. Il mettait au titre des publia aussi certains ouvrages scien- publications officielles des vignettes tifiques et historiques, tels les Ré- représentant les armes de la province flexions sur la guérison des fièvres de Hainaut ou de la ville de Mons. intermitentes par le quinquina du mé- Léopold-Joseph Varret exerça aussi decin Jean-François Du Broeucquez la profession de relieur et mourut en 1725 et la même année l'Histoire célibataire. de la ville de Mons, ancienne et nou- Robert Wellens. velle de Gilles-Joseph de Boussu. L'atelier typographique de Jean- Archives générales du Royaume, à Bruxelles, Conseil privé autrichien, car- Nicolas Varret était situé rue de la ton n° 1056a. — Ville de Mons, Table des Clef. En 1729, il le transféra rue Baptêmes, t. 9, p. 59. — Ville de Mons, d'Havre. Après la mort de son mari, Table des Décès, t. 5, p. 698. sa veuve continua les affaires avec H. Rousselle, Annales de l'imprimerie l'aide de ses deux fils aînés : Jean- à Mons depuis 1580 jusqu'à nos jours, Baptiste et Michel-Joseph. Elle mou- Mons-Bruxelles, 1858, p. 445-454. — rut le 26 juin 1733. L. Devillers, « Supplément à la bibliogra- Robert Wellens. phie montoise », dans Mémoires et Publi- cations de la Société des Sciences, des Arts et des Lettres du Hainaut, 3 e série, t. III, H. Rousselle, Annales de l'imprimerie 1867-1808, p. 407-418. — E. Poncelet et à Mons depuis 1580 jusqu'à nos jours, E. Matthieu, Les imprimeurs montois, Mons-Bruxelles, 1858, p. 398-407. — Mons, 1913, p. 99 (Société des Bibliophiles L. Devillers, « Supplément à la bibliogra- belges séant à Mons, n° 35). phie montoise », dans Mémoires de la Société des Sciences, des Arts et des Lettres du Hainaut, 3* série, t. III, 1807-1868, p. 400-404. — E. Poncelet et E. Matthieu, VERNIMMEN (Jean), oratorien, Les imprimeurs montais, Mons, 1913, écrivain ecclésiastique, baptisé le p. 04-96 (Société des Bibliophiles belges 6 mars 1611 à Bergues-Saint-Winoc séant à Mons, n° 35). (Bergues, près de Dunkerque), décédé à Bruxelles le 31 juillet 1677; il était le fils de Gilles et de Maria Van der VARRET (Léopold-Joseph), impri- Beke, qui s'étaient mariés en cette meur, né à Mons le 16 avril 1726, ville en 1609. baptisé le lendemain, y décédé le Son père, né à Termonde, était 20 mars 1785. docteur en droit ; il fut échevin de Fils cadet de Jean-Nicolas Varret Bergues de 1610 à 1634, et mourut et de Jeanne-Victoire Wadin, Léopold- à Bruxelles (où il avait été envoyé Joseph Varret entra en 1740 dans en députation) le 19 juillet 1634. Tant l'atelier de son frère Michel et l'aida Gilles Vernimmen que le père de ce dans ses travaux d'imprimerie. Il le dernier, Balthazar Vernimmen, étaient remplaça dans la gestion de l'établis- seigneurs de Saint-Gilles (près de Ter- sement typographique après sa mort monde). 785 VERNIMMEN 786

Jean Vernimmen fît des études de filles trouvées et qui, en 1646, devint droit à l'Université de Louvain et y le Petit Béguinage, où l'on éduquait obtint le titre de licencié es lois, sans des jeunes filles pauvres ; il y exerça cependant négliger sa formation théo­ dès lors l'office de directeur spirituel. logique. En 1632, il entra dans la Il fut aussi à l'origine d'une œuvre Congrégation de l'Oratoire ; certains de bienfaisance créée pour le soula­ ont même prétendu qu'en sa première gement des malades dépourvus de jeunesse, il aurait connu le cardinal ressources. Enfin, il usa de son in­ de Bérulle et le Père de Condren. fluence et de ses deniers pour faciliter En tout état de cause, cette congré­ les activités des oratoriens qui aidè­ gation était fort estimée dans sa rent le clergé de Sainte-Gudule. famille, car deux de ses demi-frères Malgré ses occupations, il réservait y entrèrent également : Charles, en une part de son temps à des travaux 1636 (après des études de droit accom­ intellectuels. On lui doit la traduction plies à Louvain ; il mourut prématu­ en néerlandais de plusieurs livres pu­ rément, au couvent de Bruxelles, en bliés en français, principalement de 1640), et Philippe, en 1648 (licencié ceux du Père Jean-Hugues Quarré, en théologie de l'Université de Lou­ premier provincial de l'Oratoire belge vain ; premier supérieur de l'Oratoire et l'un des approbateurs de Γ Augusti­ d'Ostende, fondé en 1662, et curé en nus de Jansénius (voir sa notice dans cette ville, où il mourut en 1666, la Biographie nationale, t. XVIII, avec plusieurs de ses confrères, vic­ Bruxelles, 1905, col. 403-405). Citons : times de leur dévouement au service Gheeslelijken Schat... (Bruxelles, G. des pestiférés) ; il en fut de même Schoevaerdts, 1642, d'après le Trésor pour deux de ses neveux, fils de sa spirituel du Père Quarré) ; Het Rijck demi-sœur Marie, qui avait épousé Christi... ; Het leven ende mirakelen un notable de Bergues, Philippe De van den H. Philippus Nerius... (Bru­ Hondt. xelles, G. Schoevaerdts, 1644) ; His- Attaché très tôt au couvent de toria van O.L.V. van Lorette...; peut- l'Oratoire de Bruxelles (fondé en 1632 être les Inwendighe oeffeningen om in et fort démuni à cette époque), Jean den gheest te sterven... (Bruxelles, Vernimmen lui vint en aide à la fois G. Scheybels, 1657). Il est en outre par sa fortune personnelle et par ses l'auteur de plusieurs ouvrages de capacités de juriste. Son rôle d'éco­ spiritualité, sur lesquels nous sommes nome de cette maison et la charge parfois mal renseignés : Weegh-Schaele d'assistant du prévôt, qu'il assuma ofte proefsteen van de zielen (Bruxelles, plusieurs fois, furent loin de l'absor­ 1642) ; Corte verclaeringhe van de ber entièrement, car il se dévoua au hooftwaerheden van 't gheloove (avant salut des âmes et occupa bientôt une 1658) ; Christelijcke Oefeningen voor place importante dans le clergé bru­ ende naer de alderheylighste communie xellois. Nommé chanoine (de la se­ (Cologne, 1672) ; Oeffeningen der conde fondation) en la collégiale des Deughden voor die in de wereldt leven Saints Michel-et-GuduIe, il s'adonna (la cinquième édition est de Louvain, avec succès à la prédication, en diver­ M. Hullegarde, 1676) ; Heylige ende ses églises, et à la direction de con­ schoone Onderwijsingen getrocken uyt science, soit en la collégiale (depuis het leven van den H. Philippus Ne- 1636), soit dans certains couvents de raeus (édité à Bruxelles). religieuses (particulièrement chez les Malgré son zèle (ou à cause de brigittines et les lorrainoises). En celui-ci), Jean Vernimmen se trouva 1643, soutenu par le magistrat de mêlé à la querelle janséniste. Il sem­ Bruxelles ainsi que par l'archevêque ble bien avoir participé à la diffusion Jacques Boonen et son collaborateur des Provinciales de Biaise Pascal dans Henri Calénus, il fonda en cette ville les Pays-Bas espagnols. S'il bénéficia une institution qui accueillait les de la faveur de Jacques Boonen, en 787 VINÇOTTB 788 revanche, il fut persécuté par l'arche- VINÇOTTE (Thomas-Jules-Franciscus, vêque suivant, l'antijanséniste André baron), sculpteur, né à Creusen. Irrité de sa résistance, celui-ci Borgerhout le 8 janvier 1850, décédé le fit même emprisonner, le 24 juillet à Schaerbeek (Bruxelles) le 24 mars 1659, au palais épiscopal de Bru- 1925; fils d'un professeur de mathéma- xelles, sans s'arrêter à une interven- tiques, qui deviendra inspecteur de tion du général de l'Oratoire, le Père l'enseignement. Bourgoing. Mais le Père Vernimmen Rien ne destinait Thomas Vinçotte avait fait appel au Conseil de Bra- apparemment à la carrière de sculpteur bant. Ce dernier, soutenu par l'opi- sinon une vocation tenace qui apparut nion publique, fit libérer le suspect. dès l'adolescence. Il dut pourtant L'affaire alla jusqu'à Madrid. Finale- poursuivre ses études classiques jus- ment, l'oratorien recouvra ses droits, qu'à la rhétorique. Lorsqu'il eut quin- peu après le décès du prélat, grâce ze ans il obtint cependant de suivre à une décision du vicaire général des leçons de dessin, d'abord chez le Aimé Coriache. sculpteur Alexandre Geefs, ensuite Le Père Vernimmen mourut à chez le membre le plus célèbre de la Bruxelles le 31 juillet 1677. Sa pierre famille Geefs, Guillaume, sculpteur de tombale, ornée d'une épitaphe élo- Léopold Ier. Il ne semble pas qu'il ait gieuse, se trouvait dans la chapelle été influencé par son maître, mais, du Petit Béguinage, mais disparut parmi les plâtres conservés dans avec cet édifice. Il avait légué sa l'atelier, il découvrit une reproduction bibliothèque à son neveu, l'oratorien de la tête de l'Hermès de Praxitèle qui Jean-Martin De Hondt (Bergues, 1641- l'enthousiasma. Cette introduction à Bruxelles, 1707), qui devint supérieur l'art grec fut pour lui déterminante. du couvent de Bruxelles et provincial Lorsqu'il eut atteint l'âge de dix-huit de l'Oratoire flamand ; cet ecclésiasti- ans et terminé ses études secondaires, que se montra fidèle aux opinions de ses parents l'autorisèrent à s'inscrire son oncle, et de ce fait, eut des démê- à l'Académie des Beaux-Arts de lés avec l'archevêque antijanséniste Bruxelles, après avoir pris conseil de H.-G. de Précipiano. l'oncle du jeune homme, Louis Alvin, Emile Jacques. conservateur en chef de la Bibliothè- que Royale. Outre la classe de mode- Archives de la ville de Bergues. lage d'après l'antique d'Eugène Simo- nis, Thomas Vinçotte fréquenta l'ate- Foppens, Supplementum Bibliothecae bel- lier de Joseph Jaquet. Au bout d'un gicae, Bibliothèque Royale, à Bruxelles : an, il remportait un second prix à ms 17610. — P. De Swert, Chronicon Congregalionis Oratorii Domini Jesu..., l'Académie. Lille, 174:0, passim. — A. Henné et A. Brillant élève d'Eugène Simonis, il Wauters, Histoire de la ville de Bruxelles, fut déçu lorsqu'en 1872, il présenta Bruxelles, 1845, t. III, p. 295-296. — l'épreuve du prix de Rome sans rem- Bulletin du Comité flamand de France, porter la moindre mention. Qu'à cela Dunkerque, t. I, 1860, p. 66-67. — P. ne tienne, il s'en va à Paris pour Denis du Péage, Mélanges généalogiques, achever sa formation. Il y fréquente 4e série, Lille, 1925, p. 217-218. — L. Ceys- sens, La fin de la première période du l'atelier de Cavelier mais passe le plus jansénisme. Sources des années 1654-1660, clair de son temps à travailler seul t. II, Bruxelles-Rome, 1965, passim, et à sa première œuvre personnelle, une Sources relatives à l'histoire du jansénisme effigie d'adolescent en marbre, le et de Vantijansénisme des années 1661- Giotto des Musées royaux des Beaux- 1672, Louvain, 1968, passim. — E. Jac- Arts de Bruxelles. La statue obtint ques, Les années d'exil d'Antoine Arnauld une médaille au Salon de Paris de (1679-1694), Louvain, 1976, p. 89-90 et passim. 1874. Le succès fut confirmé à Bru- xelles en 1875. Ce séjour à Paris per- 789 VINÇOTTE 790 mit au jeune sculpteur de rencontrer mouvement qui tient peu compte de divers artistes, comme Carpeaux et lois purement esthétiques. Par la Eugène Stevens. Il se lia d'amitié suite, il étudiera toujours l'équilibre avec Jules Dubois ; enfin, il fréquenta des formes de ses portraits, de manière assidûment Le Louvre, ce qui le con­ à trouver un parfait équilibre et une firma dans son goût pour l'antiquité grande économie dans le jeu des grecque et lui révéla sans doute déjà masses en présence ; cela ne l'empê­ l'art florentin. chera pas de rechercher, par une De retour à Bruxelles en 1874, il longue étude de ses modèles, leur se marie. Dès cette époque, il obtient caractère, leurs attitudes, leur vie des commandes particulièrement flat­ intérieure. Ainsi a-t-il fixé, dans le teuses ; c'est ainsi qu'il exécute deux marbre et le bronze, les traits les plus bas-reliefs pour la salle de bal du individuels de la plupart des notables Palais royal de Bruxelles. de la Belgique de ce temps. Cette En 1877, Thomas Vinçotte part à étonnante galerie de portraits consti­ Florence où il séjournera deux ans. tue une part majeure de l'œuvre de C'est là que, notamment en visitant Vinçotte. La comparaison entre les les Offices, il étudia les dessins et les portraits royaux de 1881 et les bustes sculptures des maîtres italiens de la en marbre du Roi et de la Reine en Renaissance. A son retour d'Italie, 1905, montre le chemin parcouru. on peut juger des qualités de son style Les formes sont plus simples et plus par deux œuvres importantes, le puissantes, mais surtout le caractère monument de Godecharle au Parc de impérieux et volontaire du roi se Bruxelles et surtout le bas-relief manifeste avec une force singulière. célébrant la Musique à la façade de La figure de la Reine porte les stigma­ l'ancien Palais des Beaux-Arts de tes de l'âge et de la maladie, sans que Bruxelles, aujourd'hui Musées royaux le sculpteur ait cru devoir insister sur des Beaux-Arts, rue de la Régence. aucun élément accidentel. Ce visage, Cette dernière œuvre annonce déjà personnel et émouvant, est unique les qualités essentielles du style monu­ parmi les effigies féminines du maître. mental de Vinçotte, une grande élé­ La plupart de ses figures de femmes gance dans le modelé, à la fois souple sont composées suivant le goût du et synthétique et un mouvement temps, sans aucune nuance psycholo­ rythmique harmonieux et vivant. gique. Il cherche simplement à évo­ Les leçons du quattrocento sont tra­ quer un certain charme, sans s'attar­ duites dans un esprit original. der à ce qui ferait le caractère de la C'est à cette époque aussi que s'af­ personne. Quelques-unes de ces œu­ firment les qualités remarquables de vres ne manquent pas de grâce, com­ portraitiste du sculpteur. De nom­ me, par exemple, le charmant buste breuses commandes dans ce domaine en ivoire de M™ Errera. firent qu'il poursuivit une carrière Tout naturellement, à la galerie de sculpteur de bustes, parallèlement des bustes et des médaillons, il faut à l'exécution d'un grand nombre d'oeu­ ajouter d'assez nombreux monuments vres monumentales. Les premières œu­ commémoratifs qui ont jalonné la vres de ce genre sont quelque peu carrière du sculpteur. Citons notam­ timides et froides. Ainsi les premiers ment en 1889 la statue d'Agneessens, bustes qu'il fit de Leopold II et de dans laquelle le sculpteur a cherché à Marie-Henriette, en 1881, sont des effi­ allier une force populaire, violente, gies assez impersonnelles. On ne peut avec la noblesse de l'attitude et l'am­ plus lui faire ce reproche lorsqu'en pleur simple des formes. Le souci de 1883, il sculpte le buste de Chandelon. vérité du sculpteur l'incita à choisir Il y a dans cette œuvre en bronze, très comme modèle de cette incarnation largement traitée, une verve presque de la résistance du peuple de Bruxel­ truculente et un sens réaliste du les, un marchand ambulant qu'il fit 791 VINÇOTTE 792 poser dans son atelier. Ailleurs, le jeu de les soumettre à un rythme harmo­ des allégories permet au sculpteur, nieux et de conserver toujours une comme pour le monument à Zénobe élégance parfaite des proportions et Gramme de Liège, de créer une com­ du modelé. On peut s'étonner de position complexe, pleine de mouve­ trouver ce constant attachement aux ment, dont l'effigie est le centre. traditions à une époque de grand Cependant, le style de Thomas bouleversement culturel et social. Vinçotte convenait particulièrement Thomas Vinçotte ne fut pas influencé à la décoration architecturale. Il ne par le réalisme de Constantin Meunier, faut donc pas s'étonner de le voir qui, à partir de 1886, inspira nombre exécuter de nombreuses figures déco­ de ses contemporains. Ce réalisme ratives, notamment pour les gares s'opposait d'ailleurs fortement à son monumentales qu'on érige à cette tempérament et à ses goûts, mais il époque, ainsi composa-t-il deux grou­ est plus étonnant qu'il ait ignoré l'Art pes allégoriques pour la gare de Lou­ Nouveau. A la fin de sa vie, cependant, vain et des figures décoratives pour par une courbe naturelle de son art, la gare d'Anvers et pour celle de il rejoindra les formes simplifiées mais Tournai. amples qui apparaissent alors en Il faut reconnaître que le sculpteur Europe, sous l'influence conjointe de se sent plus à l'aise lorsqu'il compose Maillol et de Brancusi ; sa dernière ses formes librement, en les déployant œuvre, la statue équestre de Leo­ dans un espace largement ouvert. pold II, sera, comme nous le verrons, C'est ce qui explique sans doute que le témoignage de cette évolution. ses plus belles œuvres monumentales On retrouve, avec plus de bonheur furent d'une part le Dompteur de che­ encore, l'inspiration du Dompteur de vaux de l'avenue Louise à Bruxelles, chevaux en 1893, dans les groupes du et d'autre part les groupes équestres Château Royal d'Ardenne. Les compo­ décorant une vasque au Château sitions plus ambitieuses, destinées, Royal d'Ardenne. Le Dompteur de l'une à l'Arcade du Cinquantenaire, chevaux est peut-être inspiré des l'autre aux Musées royaux des Beaux- célèbres Chevaux de Marly de Guil­ Arts, à Anvers, ont certainement quel­ laume Coustou que Vinçotte avait que chose de plus froid, cela est sur­ sans doute admirés place de la Con­ tout vrai pour Le Bige du Musée corde lors de son séjour à Paris, mais d'Anvers (1905). Le Quadrige de le rythme est très différent. La com­ l'arcade du Cinquantenaire à Bruxelles position du Dompteur de chevaux se a été exécuté en collaboration avec déploie selon plusieurs axes avec une Jules Lagae et ne manque pas de fougue remarquable. La violence des panache. mouvements des chevaux et la force En 1910, le sculpteur exécute une déployée par l'homme qui les dompte de ses plus importantes commandes, est vigoureusement exprimée, mais le fronton du Palais du Roi à Bruxelles. la maîtrise du sculpteur apparaît dans Le sujet imposé était quelque peu l'équilibre général du monument et scolaire : La Belgique entre le Commer­ dans l'idéalisation des formes de ce et d'Industrie. Cependant, le sculp­ l'homme et de ses coursiers. Alliant teur en tira une œuvre pleine de la fougue, la passion de la vie, au culte rythme. De part et d'autre de l'allé­ d'une tradition humaniste remontant gorie de la Belgique, tenant un médail­ à la Grèce et à l'Italie du quattrocento, lon à l'effigie du roi Leopold II, se le style du sculpteur a atteint dès déroule un jeu enchanté de mouve­ cette époque, c'est-à-dire en 1885, ments de jeunes nymphes et de putti sa pleine maturité. A l'acuité psycho­ tirant après eux, les uns des guir­ logique des portraits répond un souci landes de blés mûrs, les autres des extrême de perfection formelle, à la outils et des produits industriels ; violence des mouvements, la volonté dans les angles, suivant la tradition 793 VINÇOTTE 794

antique, se trouvent étendus deux beaucoup de temps, le sculpteur fleuves, l'Escaut figuré par un vieil­ hésitait à la déclarer achevée pour lard, et la Meuse sous les traits d'une l'envoyer au fondeur. Il se décida en jeune fille. mars 1925, deux jours avant sa mort, A cette époque, Vinçotte reçoit qui eut lieu le 24. encore une commande importante, La carrière de Thomas Vinçotte celle du monument dédié aux Belges tient tout entière dans son œuvre de tombés au Congo. L'œuvre fut érigée sculpteur mais son succès lui valut dans le parc du Cinquantenaire. Elle d'autres charges et d'autres honneurs. comporte quatre groupes sculptés et En 1881, il est nommé membre agrégé un ample bas-relief qui se dressent du corps académique de l'Académie derrière une vasque arrondie. Le Royale des Beaux-Arts d'Anvers, monument élevé Aux premiers pion­ il fut également membre du comité niers belges fut achevé en 1921. d'Art Monumental des Musées royaux Vinçotte travaillait alors à ce qui des Arts Décoratifs et Industriels, sera sa dernière œuvre, et l'une des membre de la Commission royale plus significatives : la statue équestre des Monuments, membre du Conseil de Leopold II. La commande trouvait de Perfectionnement de l'Enseigne­ son origine dans une souscription ment des Arts du Dessin. Le 12 mai nationale, ouverte cinq ans après la 1886, il fut élu membre titulaire de mort du roi, en mai 1914. Après de l'Académie royale de Belgique et nombreuses discussions, l'emplace­ devint directeur de la Classe des ment proposé par le sculpteur, la place Beaux-Arts en 1897. Il fut également du Trône, à Bruxelles, fut choisi. élu membre correspondant de l'Insti­ Cette statue montre l'aboutissement tut de France. Après la guerre de de toute la vie de Thomas Vinçotte. 1914-1918, le roi Albert lui conféra Son souci de vérité apparaît dans la le titre de baron. méthode de travail. Il fit, en effet, L'œuvre sculptée : nous indiquons ici, poser non seulement un homme, mais par ordre alphabétique, les noms des aussi un cheval qui lui servit de personnalités dont Vinçotte a fait le modèle, il comparait les formes, portrait, soit en buste, soit en médail­ créées dans la terre, à l'animal qu'un lon : E. Acker, le roi Albert, L. Alvin, soldat amenait dans son atelier. Le le duc et la duchesse d'Arenberg, résultat est, une fois de plus, une le prince Antoine d'Arenberg, A. Ba- œuvre d'un parfait équilibre formel. lat, le prince Baudouin, M. Bauduin, La puissance de l'animal est comme Biart, le baron et la baronne de retenue dans l'immobilité et l'ensem­ Bonhomme, Mme Borei, Mme A. Buys- ble est d'une sobriété monumentale se, Chandelon, Mme Chaudoir, le que Thomas Vinçotte a rarement prince de Chimay, la princesse E. de atteinte. L'accord des grands volumes Croy, MUe De Bruyn, Degive, Mme Del- simples, et l'autorité donnée au visage zaert, le bourgmestre E. De Mot, du roi, en font une œuvre plus moder­ de Denterghem, Docks, la reine Eli­ ne qu'aucune autre de l'auteur. Tout sabeth, le baron Empain, le comte se passe comme si les changements qui d'Estampe, Mme P. Errera, Mme Fish, s'opéraient dans la sculpture inter­ le comte et la comtesse de Flandre, nationale des années 20, avaient frappé le ministre Francotte, le général le vieux sculpteur, qui, sans rien baron Goethals, le général baron renier de ses recherches passées, trou­ Goffinet, J. Guillery, Mm<> Halot, vait, en ses derniers jours, un style Hardy, Heuzen, Lagasse de Locht, différent pour donner du souverain la comtesse de Lalaing, la baronne qui l'avait choisi, cette « image tran- Lambert, Lambert des Hamandes, » quille, impérieuse, véridique et pour- le professeur G. Lambert, A. Lam- » tant dégagée de l'accidentel » comme botte, E. de Laveleye, le roi Leo­ l'a décrite Paul Fierens. L'œuvre prit pold II, le ministre Liebaert, le prince 795 VINÇOTTB 796

Cl. de Ligne, la princesse E. de Ligne, Beaux-Arts à Bruxelles, sculptures le baron de Macar, M. Maquet, la pour le fronton du Palais Royal de reine Marie-Henriette, la comtesse Bruxelles, Le Bige, du Musée Royal L. de Mérode, Mertens, G. Monte- des Beaux-Arts d'Anvers, Le Quadrige flore, Moreel de Stadene, Mme Orban, de l'Arcade du Cinquantenaire, le A. Orts, Philippson, le baron Prisse, Monument aux premiers pionniers Mme Raeymaeckers, la comtesse S. belges. de Robiano, le président du Sénat Discours académiques de Thomas Y. Simonis, le comte de Smet de Vinçotte : Discours prononcé aux funé­ Naeyer, E. Solvay père, A. Solvay, railles de Félix Laureys, membre de E. Solvay, la comtesse van der Strae- la Classe, dans Bulletins de l'Acadé­ ten-Ponthoz, le ministre d'Etat Tack, mie royale des Sciences, des Lettres de Trooz, M. Timmermans, le pré­ et des Beaux-Arts de Belgique, 3e série, sident du Sénat duc d'Ursel, M. de t. 33, 1897, p. 260-261; «[Discours Vergnies, E. Verlant, la comtesse de prononcé à la séance publique de la Villeneuve, Mme A. Vinçotte, Mlle de Classe des Beaux-Arts du 31 octobre Vrière, la baronne Weber de Treuen- 1897] », ibidem, 3e série, t. 34, 1897, fels. On peut y ajouter un buste de p. 802-809. Catilina et un autre de Sainte Cécile, Eugénie De Keyser. également une tête de Méduse. Parmi les monuments dédiés à des P. Lambotte et A. Goffln, Thomas Vin­ personnalités, il faut citer à Bruxelles çotte, Bruxelles, 1912. — M. Devigne, ceux d'Agneessens, de Godecharle, de Thomas Vinçotte, Turnhout, 1919. — Δ. Goffin, « Notice sur Thomas Vinçotte », Solvay, de Jean Stas, et la statue dans Annuaire de l'Académie royale des équestre de Leopold II ; à Liège, le Sciences, des Lettres et des Beaux-Arts de monument à Zénobe Gramme ; à Cour- Belgique, 97e année, Bruxelles, 1931, trai celui de Palfyn, à Willebroek, p. 239-268, portrait photographique, bi­ celui de Louis de Naeyer ; il faut citer bliographie. — Leopold II, les monuments aussi une statue de Thonissen. de Bruxelles et de Léopoldville, Bruxelles, Parmi les figures imaginaires : s.d., ce dernier ouvrage est consacré exclu­ sivement à la statue équestre de la place Giotto, aux Musées royaux des Beaux- du Trône et à sa réplique, fondue pour Arts à Bruxelles, Le Dompteur de être érigée à Léopoldville. — M. Devigne, chevaux, érigé avenue Louise, se trouve La sculpture belge, 1830-1930, Bruxelles, actuellement avenue De Mot à l'entrée 1930. — A. Goffin, « La sculpture », dans de l'avenue Roosevelt, Le Chevreau, Histoire de la sculpture et de la peinture Musée royal des Β eaux-Arts d'Anvers, en Belgique, 1830-1930, Paris-Bruxelles, Groupes équestres du Château Royal 1930. — S. Pierron, La sculpture en Bel- gigue, 1830-1930, Bruxelles, 1932. — d'Ardenne. P. Fierens, t L'architecture et la sculp­ Les grandes œuvres monumentales : ture au xixe siècle », dans L'art en Belgi­ décorations pour les gares de Tournai, que, Bruxelles, 1939, p. 413-434. — O. Con- de Louvain et d'Anvers, Lions pour rardy, La sculpture belge au XIX" siècle, le Musée royal des Beaux-Arts d'An­ Bruxelles, 1947. — M. Devigne, « La sculp­ vers, décoration pour la salle de bal ture », dans La Grande encyclopédie de la du Palais Royal de Bruxelles, relief Belgique et du Congo, vol. II, Bruxelles, 1952, p. 177-220. pour la façade des Musées royaux des w

WARMUNDUS. Voir GARMUNDE. ments de l'avenue Franklin D. Roose- velt. Le 1er octobre 1927, le roi Albert, WIEPART (Theunis ou Antoine). assistant à la célébration du CXe anni- Voir WYPART (Theunis ou Antoine). versaire de la Société John Cockerill à Seraing, prononça un discours WILLEMS (Jean), président du dénonçant la crise de nos hautes Fonds national de la Recherche institutions scientifiques ; sensibilisées scientifique et de la Fondation Univer- par cet appel, les Universités de Bru- sitaire, né à Gand le 15 avril 1895, xelles et de Louvain organisèrent le décédé à Bruxelles le 31 juillet 1970. 26 novembre 1927, au Palais des Après avoir suivi les cours donnés Académies, une séance solennelle afin à l'Athénée royal, Jean Willems s'in- d'éclairer l'opinion publique sur une scrivit à la Faculté de Philosophie et situation à laquelle il importait de Lettres de l'Université de l'Etat à porter remède : notre Souverain put Gand ; la fermeture des hautes écoles annoncer la création d'un Fonds durant la guerre 1914-1918 devait national de la Recherche scientifique. contrarier sa carrière estudiantine et Nommé secrétaire général du Comi- lui ouvrir de nouveaux horizons. té de Propagande, Jean Willems exer- Nommé en 1919 secrétaire de l'Uni- ça les mêmes fonctions auprès de la versité libre de Bruxelles, il exerça Commission spéciale de constitution ses fonctions avec une remarquable du Fonds. Le 27 avril 1928, le Fonds lucidité en s'inspirant des avis et des national de la Recherche scientifique conseils que lui donnèrent deux maî- avait ses assises ; il accepta d'en assu- tres éminents : les professeurs Paul rer la direction ainsi que celle de la Héger et Paul Errera. Fondation Universitaire, créée elle Il affirma rapidement sa forte per- en 1920 ; il abandonna sa charge à sonnalité lorsque, délégué, en 1921, l'Université de Bruxelles qui lui donna aux Etats-Unis, en compagnie de le titre de secrétaire honoraire. Maurice Bourquin, il obtint de la En 1932, il assuma la direction de Commission for Relief in Belgium un la Fondation Francqui, instituée à la premier don de quinze millions de suite de négociations qu'il avait francs pour la reconstruction de l'uni- menées, une nouvelle fois, avec la versité. C.R.B. Educational Foundation (New C'est en sa présence, en 1924, que York) et dotée par elle d'une contri- fut posée la première pierre des bâti- bution financière importante ; cette 799 WILLEMS 800 troisième institution a pour objet le scientifique dans les grandes écoles développement de l'enseignement su­ de France. En 1930, il fut élu membre périeur et de la recherche scientifique, du conseil d'administration et vice- en complétant notamment à cet égard président de cette institution ; il de­ l'action des deux premières ; parmi vint administrateur de la Fondation ses activités, elle décerne périodique­ nationale de la Cité universitaire de ment le Prix Francqui qui contribue Paris (1950-1965). C'est ainsi que, sans nul doute à rehausser à l'étranger, grâce à son influence, il associa la dans le domaine scientifique, le renom Fondation Universitaire à l'œuvre international de la Belgique ; adminis­ entreprise à Paris en faveur de nos trateur-directeur en 1932, il fut appelé nationaux. à la présider en 1965. Il mit aussi ses qualités d'adminis­ La Fondation Universitaire le dé­ trateur au service d'institutions créées signa successivement comme vice- au profit de notre ancienne colonie : président en 1954, premier vice-pré­ il fut membre du conseil du Fonds sident en 1960 et président en 1965, Reine Elisabeth pour l'Assistance cependant que le Fonds national de la médicale aux Indigènes du Congo Recherche scientifique procéda aux belge (1930). Ses mérites dans la mêmes nominations : vice-président gestion de cette œuvre sont attestés en 1955, premier vice-président en par S.M. la Reine Elisabeth : « A » l'occasion de la célébration du 1960 et président en 1965. e Voici ce que l'hebdomadaire Pour­ » XXV anniversaire de la naissance quoi Pas? écrivait notamment à son » du Fonds Reine Elisabeth pour sujet, le 16 décembre 1932 : « Esprit » l'Assistance Médicale aux Indigènes » d'organisation, méthode, patience, » du Congo Belge, il me plaît de don- » curiosité, volonté de travail — et » ner à Monsieur Jean Willems un » art de faire travailler les autres —, » témoignage de mon estime pour les » par dessus tout la foi dans les œuvres » éminents services qu'il a rendus à » qui lui sont confiées, la foi et le sou- » cette œuvre. — (s) Elisabeth. — » rire »... Entré en fonction depuis Château de Stuyvenberg, le 15 juin moins de deux ans, Jean Willems 1956 ». Il fut également membre du conseil d'administration et du bureau s'est rapidement identifié avec l'insti­ de l'Institut de Médecine tropicale tution qu'il dirige, il a compris l'inté­ Prince Leopold à Anvers (1931-1965), rêt, pour le Fonds national de la membre de la commission de l'Insti­ Recherche scientifique et pour le tut national pour l'Etude agronomi­ rayonnement de notre pays, du projet que du Congo belge (1934), membre dont l'entretint le professeur Auguste du conseil d'administration de la Fon­ Piccard. Le 27 mai 1931, un ballon dation pour favoriser l'Etude scienti­ stratosphérique, baptisé F.N.R.S., pi­ fique des Parcs nationaux du Congo loté par cet eminent savant en com­ belge (1934), membre du Comité de pagnie de Paul Kipfer s'éleva dans la direction du Parc National Albert stratosphère ; à l'initiative de Jean (1934), membre du conseil d'adminis­ Willems, l'émission spéciale d'un tim­ tration de l'Institut pour la Recherche bre poste, portant l'effigie du ballon scientifique en Afrique centrale (1947). et marqué F.N.R.S.-N.F.W.O. com­ En 1930, il fut appelé à siéger au mémora cet événement. conseil d'administration de l'Institut Sur un autre plan, Jean Willems belge de Recherche Radio scientifique s'intéressa à l'œuvre créée à Paris par et, en 1931, dans celui de la station Jean-Hubert Biermans : la Fonda­ scientifique internationale du Jung- tion Biermans-Lapôtre, née en 1924, fraujoch, créée avec la participation s'est donnée pour mission d'accueillir du F.N.R.S. par priorité les Belges et les Luxem­ bourgeois désireux de poursuivre leurs En 1934, il mit sur les fonts bap­ études et de compléter leur formation tismaux la Fondation nationale du 80ί WILLEMS 802

Cancer, créée à l'initiative de la Fon­ les institutions dont il avait la direc­ dation Universitaire avec la coopé­ tion ; sous son impulsion toutes les ration de l'Union Minière du Haut- dispositions furent prises en temps Katanga et dont il fut l'administra- utile par leur conseil d'administration teur-directeur. Cette fondation favo­ respectif en vue d'assurer leur gestion risa au sein des universités des recher­ et protéger leurs avoirs dans l'éven­ ches de science pure et de science tualité d'une occupation de notre appliquée moyennant l'emploi du territoire national par une armée radium et contribua à faire bénéficier, ennemie. Durant la campagne des à peu de frais, les malades des hôpi­ dix-huit jours, il assura la charge de taux de nouvelles méthodes théra­ chef du service des recherches scienti­ peutiques ; en 1950, la fusion de la fiques de l'armée avec rang d'officier Fondation nationale du Cancer avec général. De retour en Belgique, il par­ la Ligue nationale du Cancer donna vint par son savoir-faire, sa volonté naissance à l'Œuvre nationale de opiniâtre et ses qualités de diplomate Lutte contre le Cancer dont il fut à écarter les menaces répétées du membre du conseil jusqu'en 1963. pouvoir occupant qui tenta à plusieurs Le Fonds Bibliothèque Albert Ier reprises, de s'emparer, non seulement constitué en 1935 fit appel à son con­ des locaux du 11 de la rue d'Egmont, cours pour siéger dans son conseil mais aussi de l'importante documen­ d'administration et pour prendre une tation constituée par son bureau de part active dans sa gestion : il devint statistiques universitaires ; c'est avec membre du comité exécutif de cette hauteur qu'il opposa catégoriquement institution. un refus à la remise de la liste de tous L'année suivante il fut appelé à les étudiants belges dont le pouvoir siéger dans le conseil général de l'Office occupant voulait se saisir par voie de international pour la Protection de la réquisition impérative ; toutes les Nature et dans celui de l'Institut informations qu'il possédait avaient maritime d'Ostende. été mises préalablement en sûreté La Fondation Universitaire est dans les caves du Musée royal d'His­ statutairement liée à la Belgian Ame­ toire naturelle sous la garde vigilante rican Educational Foundation (an­ de Victor Van Straelen. C'est d'ailleurs ciennement C.R.B. Educational Foun­ aussi à son initiative qu'un des im­ dation) ; c'est d'ailleurs de cette insti­ meubles de la Fondation Universitaire tution qu'il détient son mandat d'ad­ fut mis gracieusement à la disposition ministrateur ; en 1936 il fut nommé de la Croix-Rouge de Belgique, sous member of the board et en 1945, hono­ la protection de son drapeau, pour rary vice-president. assurer le fonctionnement d'un de ses Il devint membre de la Commission services de guerre. belge de Coopération intellectuelle C'est aussi grâce à lui, que les uni­ (1938), membre du comité de surveil­ versités et hautes écoles trouvèrent lance des Musées royaux d'Art et à la Fondation Universitaire un haut d'Histoire (1939-1957), cependant lieu de résistance et que, sous le toit qu'en 1939, il entra au conseil d'admi­ de celle-ci, les recteurs se sont mis nistration de l'Academia Belgica à d'accord pour mener la lutte et rédiger Rome dont il fut le vice-président en les lettres collectives dans lesquelles 1954 et président de 1956 à 1970. ils affirmeront leur opposition aux Il entra au conseil d'administration injonctions allemandes, notamment de la Fondation Père Damien contre dans le conflit de la mise au travail des la Lèpre (1939-1962) et fit partie du étudiants. comité régional de Bruxelles pour la Son esprit de résistance retint l'at­ restauration de la Bibliothèque de tention des autorités allemandes : il l'Université de Louvain (1940). fut désigné comme otage dont la vie La guerre ne prit pas au dépourvu garantissait à leurs yeux les convois BIOGR. NAT. — t. XLI. 26 803 WILLEMS 804

de chemin de fer en Belgique occupée. national de la Recherche scientifique La libération de notre territoire consacra une partie de ses ressources national, en 1944, va permettre à son pour le soutien financier en faveur dynamisme de se manifester dans la des recherches poursuivies dans le liberté retrouvée et de promouvoir des secteur industriel : ce fut l'œuvre de activités nouvelles dans l'orbite des son Bureau des Relations Science- institutions qu'il dirige. Industrie. Les activités de ce bureau Il resserre les liens qui unissent la furent reprises et développées par Fondation Universitaire avec sa con­ l'Institut pour l'Encouragement de la sœur américaine et devint membre Recherche scientifique dans l'Indus­ du Comité belge pour la Hoover War trie et l'Agriculture dont Jean Willems Library ; il obtint de la Belgian rédigea la charte : il fut membre de American Educational Foundation son conseil d'administration de 1945 qu'elle accepte de couvrir les frais à 1962. d'édition sous le titre Actualités médi­ Promouvoir, créer, susciter des co-chirurgicales d'une série de pla­ activités nouvelles en laissant à quettes sur des sujets d'importance d'autres institutions arborant leur primordiale pour les membres du corps propre pavillon le soin de les dévelop­ médical isolés pendant la guerre. per, sans pourtant s'en désintéresser, Il eut aussi la satisfaction, le 7 juil­ telle était sa ligne de conduite. let 1945, d'organiser et d'assister à la Nombreuses sont les institutions célébration du XXVe anniversaire de qui firent appel à son concours pour la Fondation Universitaire, dans la bénéficier de son expérience et de son grande salle du Palais des Beaux-Arts, savoir-faire ; c'est ainsi qu'il devint en présence de la reine Elisabeth, du membre du comité de consultation corps diplomatique et devant un économique et social de l'Institut parterre de personnalités les plus emi­ universitaire d'Information sociale et nentes de notre pays ; la reconnais­ économique (1946), du conseil d'admi­ sance de la nation envers l'œuvre ac­ nistration de la Fondation médicale complie par la Fondation et ses asso­ Reine Elisabeth (1946-1966), de la ciés, en majeure partie sous sa direc­ Fondation Hoover pour le Dévelop­ tion, se matérialisa l'année suivante pement de l'Université de Bruxelles par une importante donation de (1946-1968), de la Fondation Hoover l'Etat en sa faveur. pour le Développement de l'Université C'est au cours de la même année de Louvain (1946-1968) et du Comité qu'il fut appelé à siéger de droit au permanent chargé de l'Etude et de la conseil d'administration de la Jeu­ Réforme de l'Enseignement supé­ nesse Intellectuelle, institution créée rieur (1946). par le baron Louis Empain, unie par Il appartenait au grand patron des des liens contractuels à la Fondation fondations scientifiques de prendre Universitaire et dont le principal des initiatives en vue de favoriser objectif est l'attribution de prix en­ l'exploration d'un domaine qui jus­ courageant les étudiants diplômés à qu'ici n'avait pas retenu l'attention poursuivre leurs travaux : il fut appelé des pouvoirs publics : celui des scien­ à la présidence en 1958. ces nucléaires. En 1947, il élargit Il devint aussi président du conseil l'éventail des préoccupations du F.N. d'administration de la Jeunesse belge R.S. en provoquant la création de à l'Etranger, dont le but est de pro­ l'Institut interuniversitaire des Scien­ mouvoir la connaissance des langues ces nucléaires, dont il présida le con­ et des peuples qui les parlent, institu­ seil d'administration. tion créée en 1945 sous l'égide de la En 1952, il prit une part active dans Fondation Universitaire. la constitution du Centre d'Etudes Peu après sa création, le Fonds pour l'Energie nucléaire dont les 805 WILLEMS 806 laboratoires furent installés à Mol ; Comité d'Etude et d'Exploitation des il siégea dans son conseil d'administra­ calculateurs électroniques (CE.CE., tion jusqu'en 1963. Sur sa lancée, il 1955, démission de membre du conseil joua dans notre pays un rôle particu­ en 1961). lièrement actif pour la promotion En 1957, un fait nouveau fut appelé d'un laboratoire européen : c'est ainsi à influencer la vie scientifique et uni­ que la Belgique fut avec la France et versitaire de notre pays : un arrêté l'Italie, à la source des premières sub­ royal pris le 17 janvier institua une ventions qui permirent de fonder un Commission nationale pour l'étude des bureau d'étude des plans initiaux de problèmes que posent à la Belgique ce laboratoire. et aux territoires d'Outre-Mer le En 1952, il fut chargé, avec Julien Progrès des sciences et leurs réper­ Verhaeghe, professeur de l'Université cussions économiques et sociales ; de Gand, de représenter le gouverne­ cette commission présidée par le roi ment belge à la conférence que tinrent Leopold compta Jean Willems parmi à Paris des représentants d'états euro­ ses membres ; elle déposa son rapport péens pour l'étude des plans d'un en mai 1959. Tenant compte de la laboratoire international et l'organi­ teneur du celui-ci, le Roi et le Gouver­ sation d'autres formes de coopération nement, au cours d'une séance aca­ dans la recherche nucléaire. démique, demandèrent un nouvel Le 1er juillet 1953, dans les salons effort à la nation en faveur de la de l'horloge du Quai d'Orsay, à Paris, science. Le résultat en fut la création il signa pour la Belgique la conven­ du Conseil national de la Politique tion établissant l'organisation du scientifique dont Jean Willems assuma G.E.R.N. ; membre de son conseil la vice-présidence de 1959 à 1964. d'administration depuis 1954, il pré­ Il devint membre du comité d'hon­ sida le comité des finances jusqu'en neur du Centre de Recherche et 1957, fut vice-président du conseil d'Etudes océanographiques (1957) et de 1957 à 1960 et président en 1961. fut appelé, la même année, à assumer Il assista également à la Conférence la vice-présidence du Fonds de la internationale pour l'utilisation de Recherche scientifique médicale dont l'énergie atomique à des fins pacifi­ le fonctionnement est activement ques qui eut lieu à Genève, du 8 au assuré par le Fonds national de la 20 août 1955. Recherche scientifique. Reconnaissant son autorité et son En 1957 encore, il fut membre du savoir-faire, nombreuses sont les insti­ groupe de travail restreint chargé de tutions qui firent appel à son concours préparer et d'étudier l'organisation dans leur organe de décision : c'est éventuelle de la Conférence de l'Orga­ ainsi qu'il fut membre de la Commis­ nisation du Traité Atlantique Nord sion interministérielle pour la Re­ sur la coopération scientifique et cherche scientifique (1948), de la technique (Taskforce) ; il fut également United States Educational Founda­ administrateur du Centre de Docu­ tion in Belgium (1948), du Conseil mentation économique et sociale afri­ national du Mouvement européen caine (1957-1961). L'année suivante, (1949), président du conseil d'admi­ il siégea au Conseil supérieur de la nistration du Centre national d'Etudes Recherche scientifique en Agriculture et de Recherches aéronautiques (1950), avec mandat renouvelé en 1963 ; il membre de la Commission nationale fut membre du conseil d'administra­ belge de l'UNESCO (1951-1961) et tion de la Fondation Princesse Marie- représentant de la Belgique à sa sep­ José (1958), membre de la Fondation tième conférence internationale tenue belge de la Vocation (1959-1966), en 1952, vice-président du Collège observateur, puis membre du groupe d'Europe (1954-1965), président du d'études sur les moyens propres à 807 WILLEMS 808 assurer l'efficacité du potentiel scien­ » rière, une maîtrise qui unit, si l'on tifique occidental (FORD-OTAN, » ose dire, les facilités du virtuose et Commission , 1959). » les dons de l'artiste. Vos réflexes En 1960, il fut appelé à la présidence » sont aussi sûrs que rapides, ou plutôt de la Fondation Fernand Lazard, in­ » ce qui chez vous peut paraître un stitution dont il avait suscité la créa­ » réflexe est toujours en réalité un tion quelques années auparavant. » jugement motivé, marqué à nos Enfin il fut cofondateur de l'Institut » yeux d'une sorte de garantie de belge pour l'Encouragement de la » sécurité. Votre parfaite connaissance Recherche scientifique Outre-Mer » des hommes et des institutions, vous (IBERSOM) et devint membre du » la mettez journellement à notre conseil d'administration de cette in­ » disposition, avec une exquise servia- stitution en tant que représentant du » bilité. Et l'on ose à peine évoquer — Fonds national de la Recherche scien­ » tant on est certain de ne pouvoir le tifique (février-juin 1961). En 1965, » faire dignement — la part que vous il devint vice-président du Comité de » prenez vous aussi à l'animation de gestion du Fonds de la Recherche » ce foyer d'amitié qu'est la Maison fondamentale collective, fonds admi­ » de la rue d'Egmont... ». nistré par le F.N.R.S. Cinq ans plus tard, la Fondation Dans un tout autre ordre de pré­ Universitaire célébra son cinquantième occupation, il accepta en 1945 de anniversaire au cours d'une séance qui siéger au conseil d'administration de eut lieu à la Bibliothèque Albert Ier ; l'Agence Belga dont il devint président à cette occasion, Gaston Eyskens, dix ans plus tard ; homme de dialogue, premier ministre, rendit hommage à conscient de la valeur des contacts Jean Willems : « Très tôt déjà vous humains, il entretint toujours des » fûtes appelé à servir par vos dons relations cordiales avec la presse quels » d'organisateur et par un dévouement que soient les horizons philosophiques » jamais pris en défaut la science belge. et politiques ; c'était pour lui une » Le meilleur hommage que je puisse manière de servir les institutions dont » vous rendre est de rappeler ici les il avait la direction. » paroles que Félicien Cattier vous a Lorsque, en 1965, Jean Willems fut » adressées le 14 octobre 1937, en appelé à la présidence du Fonds » présence de S.M. le Roi Leopold III : national de la Recherche scientifique, » II est un de ces hommes en qui s'in- prenant la parole au nom des recteurs, » carne l'œuvre qu'ils servent, qui lui Mgr Descamps s'adressa notamment » donnent le meilleur de leur pensée à lui en ces termes : « Votre accession » et dont le regard, au-delà des tâches » à la présidence est une précieuse » immédiates, est toujours levé vers » garantie de continuité et de fidélité. » l'horizon et vers l'avenir du Fonds » Nous n'avons qu'une crainte : celle » National... ». » de ne pouvoir vous témoigner comme Tel est le bilan d'une vie entière­ » il conviendrait la reconnaissance que ment consacrée au service de la Science » les Universités vous doivent depuis et de l'Université. » tant d'années ; déjà insolvables pour Jean Masure. » le passé, voici que — un peu comme » des gens qui signent des chèques Archives de la Fondation Universitaire, » sans provision — nous contractons, à Bruxelles. — Souvenirs personnels. » pour l'avenir, une nouvelle dette à » votre égard... Recueils de souvenirs dédiés à Jean Wil­ » ... Qu'il me soit au moins permis lems, Bruxelles, Imprimerie Lielens, [1970], 36 pages. — La Fondation Universitaire, » de rappeler le brillant ensemble de 1920-1970. Mémorial, Bruxelles, Imprime­ » qualités que nous admirons en vous, rie Hayez, [1970], 155 pages. — « Jean » Directeur du F.N.R.S. et de la F.U. Willems ·, dans Pouripioi Pas?, 22e année, Β depuis le 27 avril 1928, vous avez n° 959, vendredi 16 décembre 1932, » acquis, au cours d'une pareille car- p. 3187-3190. 809 WINDISCH 810

* WINDISCH (Christophe), pré- Christophe Windisch eut pour mère noms déclarés à l'état civil: Charles-Christophe,Marie-Françoise Kilber (alias Kilbern céramiste et maître porcelainier,ou encore Kilberin), originaire de né à Niderviller (duché de Schneckenburg, où son père a exercé Lorraine) le 15 septembre 1781, dé- la profession de « régent d'escale » cédé à Ixelles le 14 décembre 1842. (Metz, Arch. dép. de Schneckenburg, Etymologiquement, le patronyme réf. 5 E, 15.467-15.506, de 1765 à Wendisch tire sa racine de « Wende ». 1792). Comme on trouve un Kilber, Les « Wenden » sont une ancienne modeleur à la manufacture de por- peuplade slave, originaire de Slovénie celaine de Hôchst vers 1770 et s'il (Nord-Ouest de la Yougoslavie). Au existe des rapports familiaux entre début du moyen âge, une émigration ce dernier et Marie-Françoise, ceux-ci eut lieu vers l'Allemagne où l'on expliqueraient sa particulière compé- trouve, en Lusace, la ville de Win- tence dans l'art de fabriquer des disch. A remarquer que le patronyme fleurs en biscuit de porcelaine. Au s'orthographiait parfois « Vendisch » Musée Napoléon, elle participa comme à Paris, dans la raison sociale de la sculpteur aux Salons de Paris de fabrique du père de l'intéressé au 1800, 1801 et 1808. Elle y fut en rela- début du xixe siècle. La famille Win- tion avec Louis David, Corneil Van disch peut être originaire de la Saxe Spaendonck, Gérard, Gros, Lemire et s'être infiltrée vers la Lorraine, père et fils, Victoire Jaquotot (Sèvres), puis Paris et ensuite Bruxelles, appor- et surtout Alexandre-Théodore Bron- tant avec elle ses connaissances dans gnard, architecte, auteur de dessins l'art de la porcelaine. pour Sèvres et frère du directeur de Christophe Windisch, issu d'une la Manufacture Impériale. Il est pos- famille de porcelainiers, eut pour sible que le bouquet de fleurs de père Jean-Baptiste Windisch, qui, biscuit, offert à Delphine de Sabran, après avoir travaillé comme sculp- lors de son mariage avec le fils de teur-modeleur à Hb'chst de 1771 Custine, soit de ses mains ; de même — au moins — à 1781 sous la direc- plus certainement, la pièce accompa- tion de Melchior, qui y remplaçait gnant, en 1807, la requête d'une de- Laurent Russinger venu à Paris à mande de prêt formulée par Honoré l'usine Locré, dut collaborer avec à l'Administration Impériale et con- Paul-Louis Cyfflé à Lunéville, puis stituée • du chiffre de LL.MM. Impé- avec Lanfrey, directeur de la manu- riales et Royales, exécutée de fleurs facture du Marquis de Custine à en biscuit de porcelaine. Niderviller, avant d'émigrer à Paris, Ces antécédents suffiraient à expli- sans doute parmi ce groupe de cin- quer la source de l'autorité profes- quante familles, qui à la suite de sionnelle de Christophe Windisch la saisie des biens des de Custine et comme porcelainier, Cependant, il de leur vente le 25 germinal, An x, convient en outre de relever que son vinrent chercher de l'emploi chez Dihl. parrain fut Christofel Loth, un émi- Par après, Jean-Baptiste Windisch nent décorateur fleuriste de Nider- s'établit Petite rue Saint-Gilles, n° 5, viller venu de Strasbourg en 1762. sous la raison sociale « Vendisch et A Niderviller, il travailla sous les C° ». A la même adresse, il eut une ordres de François Lanfrey, venu de association sous seing privé avec Sarrebourg ; de même, connut-il le François-Maurice Honoré, entre 1806 sculpteur Charles-Gabriel Sauvage, et 1812, avant de s'établir rue de la dit Lemire, lequel s'occupa de l'ex- Roquette, n° 102, dans les locaux ploitation des modèles et moules de contigus de la faïencerie et porcelai- figurines cédés par Paul-Louis Cyfflé. nerie Robillard, après un séjour chez Il y rencontra aussi Claude Michel, Pouyat à l'ancienne fabrique Locré, dit Claudion (ou Clodion). Nous n'ou- où il semble, à son tour, avoir rem- blierons pas d'épingler encore les rap- placé Russinger. ports avec la famille Deutsch, dont 811 WINDISCH 812

témoignent les registres paroissiaux disch-Willandt et le séjour de Chris­ de Buhl-Niderviller. Tout ce monde tophe à Ratisbonne confortèrent en­ se retrouva à Paris, entre 1793 et core celui-ci dans ses aptitudes pro­ 1809. fessionnelles porcelainières. Son frère aîné, Paul-Joseph, partit Il revint à Paris, probablement au en 1803 de Paris pour travailler à la moment de la séparation de son père Manufacture de Ludwigsbourg. Il y d'avec Honoré, lorsque Jean-Baptiste fut membre de la direction, mais mou­ Windisch et son épouse Marie-Fran­ rut prématurément en 1805, après y çoise Kilber établirent leur fabrique avoir construit un grand four d'un 102 rue de la Roquette, à côté de modèle nouveau. De son côté, Char­ celle de Robillard ou peut-être déjà les-Christophe partit de Paris pour lors du séjour à la fabrique Locré. aller à Ratisbonne, à la fabrique des D'après le recueil des dessins de Kochsen, où le 7 juin 1809, à l'âge formes de Jean-Baptiste et de son de vingt-sept ans, il trouva épouse fils, il apparaît qu'ils fabriquaient en la personne de Barbe-Walburg pour les chambrelans (peintres en Willandt (patronyme orthographié chambre) et les marchands-peintres. parfois Wielandt ou Willaudt), âgée En effet, certains vases, ainsi que des de vingt-quatre ans, fille de Mathias tasses, dessinés sur le recueil des des­ Wieland, peintre sur porcelaine et sins de ces porcelainiers ont été retrou­ « assistant » de la fabrique entre 1781 vés décorés et marqués Feuillet, aussi et 1790. Les Willandt formaient à Schoelcher ; Nast, également, a décoré Ratisbonne une famille de peintres des cafetières à filtre avec veilleuses, dont le portraitiste Jean ou Johan dessinées et fabriquées chez Windisch. Willand qui doit être le parrain de Dagoty, successeur d'Honoré, dont ce Jean Wielandt, originaire de Ra­ le magasin de cadeaux fut, en son tisbonne, ayant épousé en 1809, à temps, très couru à Paris, vendit Paris, Marie-Françoise Windisch. aussi de ces « machines propres à Il existe peu d'informations con­ » faire du café sans ébulition mais cernant la manufacture de porcelaine » tellement perfectionnées par les pro- « Am Singrün » à Ratisbonne (1804- » cédés chimiques, physiques et pneu- 1869), sinon qu'en partaient vers le » matiques ... que l'on peut espérer monde entier de la vaisselle et sur­ » avoir à neuf heures et demie du soir tout des tasses à café turc (sortes » une demi-tasse de café pour peu de gobelets sans anse), des têtes de » qu'on ait eu soin de s'y prendre à pipe et des ustensiles pharmaceuti­ » trois heures d'avance » ... raille ques. Elle fut fondée par Johan- Etienne de Jouy dans ses plaisants Heindrich Koch, originaire de Speyer, opuscules intitulés L'Hermite de la où il naquit en 1738. Il arriva à Ra­ chaussée d'Antin (1815-1816, 5 volu­ tisbonne comme commerçant en 1760, mes, in-12°). Cette digression a son puis devint banquier et acquit la importance, car elle signifie que la société de peinture sur porcelaine des cafetière à filtre dut voir le jour père et fils Willandt précités. La chez les Windisch, qui en seraient, grosse affaire de la fabrique était dès lors, les inventeurs. Ceux-ci tra­ l'exportation en grande quantité des vaillèrent aussi pour Bonneval de tasses à café turc, via Trieste ou Coussac. Vienne, vers le Proche-Orient où elles Ils ont été les fournisseurs des étaient brisées après un unique usage décorateurs parisiens et, si on n'avait rituel ; une bénédiction pour les fabri­ pas eu l'heureuse fortune de conserver cants de porcelaine d'alors... Dans le recueil de leurs dessins de formes, le recueil des dessins de Windisch se il serait impossible de reconnaître trouvent plusieurs tasses à café turc aujourd'hui les pièces de services ou et un double folio des têtes de pipes. les vases et objets provenant « en Sans aucun doute, l'alliance Win- blanc » de leur conception. En effet, 813 WINDISCH 814 les décorateurs demandaient qu'ils à grand feu à Ixelles à l'emplacement ne marquent pas les pièces qu'ils actuel de l'Ecole Charles Janssens. achetaient mais, par contre ils y Une entrée de la fabrique donnait apposaient leurs griffes ou signatures sur la chaussée de Wavre. Les décors après décoration. se faisaient et cuisaient à petit feu Pendant ce temps, à Bruxelles, la dans l'atelier de Faber, rue de la fabrication de la porcelaine et sa Madeleine. Comme seul F. Faber décoration provoquaient un intérêt signait les pièces lorsqu'elles sortaient certain. de décoration, jusqu'à récemment, la D'abord, sous la période autri­ participation de Windisch à leur réali­ chienne, dès 1767, notre gouverneur sation passa sous silence. De là, na­ général Charles-Alexandre de Lor­ quit une légitime jalousie du porce- raine, parmi ses « fabriques » de son lainier — refoulé dans l'anonymat — château de Tervueren, en consacra à l'égard du peintre auquel toutes les une à la fabrication de la porcelaine. louanges s'adressaient. Ce climat joint Bien que le fait ait prêté à suspicion à la conjoncture politique et aux con­ de la part d'historiens d'art qui ne victions réciproques trouva matière semblent pas avoir été assez curieux à exacerbation. pour étudier complètement les archi­ Si bien, qu'avec les événements de ves consultées, il ne peut être mis en 1830, Windisch s'étant rapproché de doute. Les manufactures de Mon- l'éditeur Jean-Jacques Coché-Mom- plaisir et d'Etterbeek et celle de mens, propriétaire du Courrier des L. Cretté à Bruxelles connurent en­ Pays-Bas, principal journal de l'op­ suite de beaux succès, malheureuse­ position au régime hollandais, il ment éphémères. Les deux manufac­ trouva en ce dernier un commandi­ tures d'Ixelles leur succédèrent avec taire qui lui permit de se séparer une plus grande longévité. de Faber et de s'établir à son pro­ De façon concomitante, des pein­ pre compte de l'autre côté de la tres sur porcelaine, travaillant en chaussée de Wavre, dans d'anciens chambre, d'où leur nom de « cham- bâtiments, alors à louer où se trou­ brelans », se firent des réputations vait précédemment une sorte de relais élogieuses. L'un d'eux, Frédéric Faber dénommé « Au Mayeur ». La famille attira l'attention du roi Guillaume de Coché avait des branches françaises, Hollande qui le persuada d'étendre puis Coché-Mommens, ancien prison­ son artisanat d'art à la fabrication nier politique à plusieurs reprises sous de la porcelaine elle-même, c'est-à- la domination hollandaise n'était pas dire du « blanc ». Le roi commandita fâché de faire pièce au Roi Guillaume Faber. Celui-ci eut recours à Christo­ en commanditant, à son tour, Chris­ phe Windisch dont la réputation, à tophe Windisch... Paris, était favorablement établie et En 1843, après la mort de Windisch, il s'associa avec lui en le prenant le porcelainier parisien Michel-Antoine pour diriger une fabrique que, suivant Caillet-Pouchelin, parent par alliance la tradition, avaient tenté de monter de Coché-Mommens, reprit l'affaire, à Ixelles Louis Cretté, Paul-Louis laquelle, en 1852, passa entre les mains Cyfflé et Mortelèque au soir de leurs de leur nièce et son époux Monsieur vies. En 1827, l'association débuta. et Madame Emile-Théodore Verme- Par l'heureuse conjugaison des deux ren-Coché ; à son tour Madame Chan­ talents extraordinaires de porcelai- tai Vermeren-Coché, veuve depuis nier et de peintre-miniaturiste, Win- 1869, céda, en 1901, l'affaire à sa disch et Faber confirmèrent et déve­ nièce Marthe Coché et à son époux loppèrent la réputation, déjà acquise Louis Demeuldre. sous l'Ancien Régime, par la porce­ On conserve un volumineux recueil laine de Bruxelles. des dessins des porcelaines créées par Le « blanc » était façonné et cuit Jean-Baptiste et Christophe Windisch. 815 WINDISCH 816

Ce document extraordinaire constitue qu'il est en son pouvoir à procurer une véritable grammaire de l'art de cette source de prospérité à la Belgi­ la porcelaine au début du xixe siècle, que. Le Jury, frappé par la teneur à travers toute l'évolution du style de la lettre de Windisch, n'hésita pas Empire. Après une publication d'ap­ à insérer une longue digression à son proche et d'identification, un inven­ sujet dans son rapport. taire et une étude complète ont été Ce fait montre l'esprit de recherche réalisés et vont être édités. Cette pu­ de Christophe Windisch, esprit que blication montrera l'interdépendance des contacts avec le célèbre directeur de la porcelaine de Bruxelles et de de Sèvres, Alexandre Brongniart, con­ celle de Paris et le sceau des influen­ tribuèrent à développer. ces lorraine et de Sèvres qui les mar­ Windisch laisse le souvenir d'un quent toutes deux. Ce recueil classe maître porcelainier d'une compétence Christophe Windisch parmi les plus de premier plan par ses qualités artisti­ prolifiques porcelainiers de son temps. ques et techniques et son sens de la En ce qui concerne sa qualification recherche, mais il fut sans doute des­ technique, la qualité des œuvres par­ servi, comme son père — tant à venues jusqu'à nous témoigne de Paris qu'à Bruxelles —, par sa trop sa compétence qui le classe parmi les grande modestie. meilleurs porcelainiers de son époque, Henry Demenldre Coché. à l'instar de son confrère parisien et ami, Jean Pouyat. L'éloge que lui Rapporte des Salons de 1800, 1801 et témoigne le Jury de l'Exposition In­ 1808, au Musée Napoléon, à Paris. — dustrielle de Bruxelles en 1835 con­ Paure, Gressui-Demoulin et Valerius, La firme cet avis en mentionnant que Belgique Industrielle, compte rendu de l'Exposition des produits de l'Industrie « la porcelaine de M. Windisch est en 1835, Bruxelles, L. Hauman et Cie, » comparable aux plus beaux fabricate 1836. — A. Demmin, Guide de l'amateur » qui arrivent de France et qu'elle de faïences et porcelaines, t. 3, Paris, Ke- » est plus blanche que les porcelaines nouard, 1873. — A. Jacquemart, Histoire » exposées ». Le rapport signale par de la céramique, Paris, Hachette, 1884. — contre que la qualité du blanc des Ch. de Grollier, Manuel de l'amateur objets, présentés par Faber, n'est de porcelaine (Manufactures européennes, France exceptée), Paris, Picard, 1914. — plus ce qu'elle avait été (au temps Lowet de Wotrenge, « Essai sur la porce­ de son association avec Windisch). laine dite de Bruxelles », dans Annales de Il joua un rôle important pour les la Société royale d'Archéologie de Bruxelles, décorateurs (en chambre) sur porce­ t. XXXVI, 1931 et édition spéciale. — laine, en leur livrant du blanc dont J. Helbig, La céramique du bon vieux temps, auparavant ils devaient s'approvision­ Bruxelles, Editions du Cercle d'Art, 1948. ner à grande peine et grands frais — S. Ducret, Porcelaine de Saxe et autres manufactures allemandes, Fribourg, Office et que F. Faber leur refusait. du Livre, 1982. — E. Palm-de Spot, De Toujours grâce au Rapport du Faber aux Vermeren-Coclié, mémoire en Jury de l'Exposition industrielle de Archéologie et Histoire de l'Art présente 1835, on a conservé le contenu d'une à l'Université catholique de Louvain, intéressante lettre adressée par Win- 1967. — CS. de Guillebon de Pliuval, Por­ disch au Jury, demandant que le celaine de Paris, 1770-1860, Fribourg, gouvernement autorise le Conseil des Office du Livre, 1972. — Tardy, Les por­ celaines françaises, Paris, Tardy, 1975. — Mines à effectuer des recherches en H. Demeuldre Coché, « Christophe Win- vue de découvrir en Belgique des disch, maître porcelainier auquel la por­ matières propres à la composition des celaine de Bruxelles doit son efflorescence pâtes à porcelaine et à faïence et qui au xixe siècle », dans Le Folklore braban­ permettraient de diminuer le prix de çon, n° 211, septembre 1978, p. 277-360 revient. Il proposait même dans cette et édition spéciale. — H. Demeuldre lettre de faire dans sa fabrique tous Coché, Inventaire analytique de l'œuvre de J.-B. et C.C. Windisch, manuscrit original, les essais nécessaires, sans aucune 1980. rétribution, afin de contribuer autant LISTE DES COLLABORATEURS

DU QUARANTE ET UNIÈME VOLUME

DE LA BIOGRAPHIE NATIONALE

(SUPPLÉMENT, VOL. XIII).

Abs (Robert), bibliothécaire de l'Institut Emile Vandervelde, à Bruxelles. Allard (Alphonse), instituteur, membre de la Chambre des représentants. — Coenen (Louis), conseiller communal, échevin et bourgmestre de Saint-Gilles-lez-Bru­ xelles. — Deloye (Salomon), conseiller communal, bourgmestre d'Ougrée. — Finet (Paul), syndicaliste, secrétaire général de la F.G.T.B., fondateur et premier président de la C.I.S.L., président de la Haute Autorité de la Communauté euro­ péenne du Charbon et de l'Acier.

Avermaete (Roger), membre de la Koninklijke Academie van België. Permeke (Constant), peintre et sculpteur. — Wouters (Bik), peintre.

Bal (Willy), membre de l'Académie royale de Langue et de Littérature fran­ çaises. Monge (Léon de), vicomte de Franeau, comte de Penal, pseudonymes : Fortz et M. Gagne, professeur de littérature à l'Université catholique de Louvain.

Bernard (Henri), professeur emèrite de l'Ecole royale militaire, à Bruxelles. Stevens (Charles), officier et géologue.

Beyen (Roland), professeur à la Katholieke Universiteit Leuven. Ghelderode (Michel de), ou Martens (Adolphe), pseudonymes occasionnels : Le Ci­ toyen Clavière, Scepticus, Philostène Costenoble, Babylas, A. De Bassevelde, Docteur Kwiebus, J. Damhouder, Kwiebe-Kwiebus, Joé Flanders, Frère Jehan des Entonnoires, Oléandre, dramaturge et conteur.

Bolen (Francis N.), critique de cinéma. Kempeneer (Hippolyte De), producteur de films et directeur de laboratoire.

•f Bolle (Jacques), ancien administrateur-directeur du Centre d'Etudes Afri­ caines. Philippson (Franz), banquier, homme d'affaires.

Bevesse (Jean), membre de la Commission royale d'Histoire. Brunelle (Isabelle), comtesse d'Harscamp, fondatrice d'institutions de bienfaisance. t Breuer (Jacques), conservateur honoraire des Musées royaux d'Art et d'Histoire, à Bruxelles. Bartholemy (Jean-Joseph), prêtre, précepteur et aumônier militaire. II —

Bruylants (Albert), vice-président de la Commission de la Biographie na­ tionale. Delacre (Maurice), chimiste, professeur à l'Université de Gand. — Henry (Louis), chimiste, professeur à l'Université catholique de Louvain. — Henry (Paul), physico-chimiste, professeur à l'Université catholique de Louvain.

Cambier (Guy), professeur à l'Université libre de Bruxelles. Bulteel (Gielain), poète néo-latin, homme politique.

Caulier -Mathy (Nicole), chargé de travaux à l'Université de Liège. Braconier (Frédéric), industriel, parlementaire.

Chartrain-Hebbelinck (Marie-Jeanne), collaborateur scientifique aux Mu­ sées royaux des Beaux-Arts de Belgique, à Bruxelles. Morren (George), peintre, sculpteur, créateur d'objets d'art appliqué.

Colard (Armand), médecin honoraire de la Maison du Roi. Govaerts (Paul), clinicien, physiopathologiste, professeur à l'Université libre de Bruxelles. — Neuman (Fernand), chirurgien.

Colle-Michel (Marcella), licenciée en philosophie et lettres (Histoire). Mosselman (François-Dominique), propriétaire, négociant et industriel.

Coppens (Joseph), membre de la Koninklijke Academie van België. Bussche (Henri Van den), exégète, professeur au Grand Séminaire de Gand et à l'Université catholique de Louvain. — Calewaert (Charles-Justin), évêque de Gand. — Cerfaux (Lucien), helléniste, exégète, professeur au Séminaire de Tour­ nai et à l'Université catholique de Louvain. — Kerkhofs (Louis-Joseph), évêque de Liège. f Cox (Jacques-F.), membre de la Commission de la Biographie nationale. Dermul (Amédée), directeur de la Bibliothèque communale d'Anvers et astronome amateur.

Crahay (Albert-E.), lieutenant général en retraite. Michiels (Oscar), général, chef de l'état-major général de l'armée en 1940.

Delvoye (Charles), membre de l'Académie royale de Belgique. Philippart (Hubert), archéologue.

Demeuldre Coché (Henry), maître porcelainier, à Bruxelles. Windisch (Christophe), céramiste et maître porcelainier.

Denuit (Désiré), ancien rédacteur en chef du journal Le Soir. Mares (Roland De), journaliste. — Solvay (Lucien), pseudonyme : Milly, journa­ liste, homme de lettres.

Destrée (Annette), chargé de cours à l'Université libre de Bruxelles. Mornard (Joseph-J.), fonctionnaire, trésorier général de Perse.

Devleeshouwer (Robert), professeur à l'Université libre de Bruxelles. Rolin (Henri), avocat, homme politique et professeur à l'Université libre de Bru­ xelles. — Ill —

Dumont (Georges-H.), professeur à l'Institut catholique des Hautes Etudes commerciales, à Bruxelles. Hemelrijck (Maurice Van), sénateur, ministre de l'Instruction publique, ministre du Congo belge et du Ruanda-TJrundi, président du Boerenbond.

Dumoulin (Michel), aspirant du Fonds national de la Recherche scienti­ fique. Mélot (Joseph), dit Sahel (Léon), diplomate. — Otlet (Edouard), homme d'affaires et industriel. Duquenne (Xavier), conseiller à la Banque nationale de Belgique. Depestre (Julien), comte de Seneffe et de Turnhout, homme d'affaires.

Fayt (René), bibliothécaire à l'Université libre de Bruxelles. Gérardy (Paul), pseudonymes : Loup, Ultor, Justin Wallon, poète, journaliste et pamphlétaire. Fontigny (Arthur), avocat près la Cour d'appel de Bruxelles. Sasserath (Simon), avocat, professeur.

Gahide (Jean-Pierre), assistant à l'Institut supérieur de Traducteurs et d'Interprètes, à Bruxelles. Philippart (Jacques), aviateur. — Selys Longchamps (Jean, baron de), aviateur.

Gaier (Claude), directeur du Musée d'Armes de Liège. Joassart (Gustave), industriel.

Genicot (Leopold), membre de l'Académie royale de Belgique. Coens (Maurice), bollandïste.

Gérin (Paul), chargé de cours à l'Université de Liège. Eylenbosch (Gustave), ouvrier typographe, syndicaliste et homme politique.

Gillet (Louis), professeur à l'Université de Liège. Sabbe (Maurits), écrivain, conservateur du Musée Plantin.

Helbig (Jean), conservateur honoraire des Musées royaux d'Art et d'His­ toire, à Bruxelles. Wypart (Theunis ou Antoine), ou Wiepart, dit Le Jeune, peintre-verrier.

Huyghebaert (R.P. Nicolas-Norbert), O.S.B., chargé de cours à l'Univer­ sité catholique de Louvain. Arberg et de Vallengin (Charles-Alexandre, comte d'), évêque suffragant de Liège, ensuite dernier évêque d'Ypres.

Huys (Bernard), chef de la section de Musique à la Bibliothèque Albert Ier, à Bruxelles. Dupuis (Albert), chef d'orchestre et compositeur. — Hullebroeck (Emiel), compo­ siteur, chanteur et pédagogue. — Vries (Alex De), pianiste et pédagogue.

Jacques (Emile), inspecteur général honoraire du Ministère des Finances. Vernimmen (Jean), Oratorien, écrivain ecclésiastique.

Jaumotte (André), membre de l'Académie royale de Belgique. Piccard (Auguste), physicien, ingénieur, professeur à l'Université libre de Bruxelles. — IV —

Jodogne (Orner), membre de l'Académie royale de Belgique. Michel (Louis), linguiste, historien de la littérature française médiévale. Ketels (Elia), archiviste-conservateur de l'Hôtel Charlier, à Bruxelles. Chartier (Guillaume), sculpteur. Kempeneer (Joseph de). Devos (Jérôme), hispaniste. Keyser (Eugénie De), professeur à l'Université catholique de Louvain. Vinçotte (Thomas, baron), sculpteur. Kruyfhooft (Cécile), de la Société royale de Zoologie d'Anvers Bugatti (Rembrandt), sculpteur animalier. Lawalrée (André), chef de département au Jardin Botanique National, à Bruxelles. Durand (Hélène), dessinatrice botaniste. — Goossens (Alphonse), aquarelliste, illus­ trateur scientifique et peintre de fleurs. Leclercq (Alex), expert en livres anciens et modernes, à Bruxelles. Moens (Jean-Baptiste), auteur et éditeur de publications philatéliques. Lederer (André), membre de l'Académie royale des Sciences d'Outre-Mer. Sarolea (Jean), ingénieur. Lefèvre (Patrick), aspirant du Fonds national de la Recherche scientifique. Marquet (Georges), homme d'affaires et personnalité politique. — Meynne (Alphonse), avocat et homme politique. — Betsin (Frane), pseudonyme : Frits Bansen, homme politique et journaliste. — Sabbe (Julius), professeur et homme de lettres. — Sabbe (Victor), avocat, homme politique. — Seresia (Baymond), avocat et homme politique. Legrand (Francine-Claire), chef du Département d'Art moderne aux Mu­ sées royaux des Beaux-Arts de Belgique, à Bruxelles. SpiUiaert (Léon), peintre. •f- Lejeun e (Jean), professeur à l'Université de Liège. Buisseret (Auguste), avocat, homme politique. Léon (Paul), ancien secrétaire de la Société verviétoise d'Archéologie et d'His­ toire. Biolley (Baymond, vicomte de), industriel. — David (Pierre), industriel, homme politique. — Deheselle (Victor), industriel. — Gouvy (Florent), industriel. Lovegnée (Albert), vice-président de la Société des Amis de l'Art de Wal­ lonie. Fay (Guillaume Du), ou Dufay, compositeur. Mairel (Jacques), critique musical au journal Le Soir. Clokers (Hector), violoniste et chef d'orchestre, professeur et directeur du Conser­ vatoire de Verviers.

Maquet (Albert), professeur à l'Université de Liège. Stiévenart (Pol), artiste peintre et écrivain. — ν —

Masure (Jean), secrétaire général honoraire de la Fondation Universitaire. Willems (Jean), président du Fonds national de la Recherche scientifique et de la Fondation Universitaire. Mees (Leonide), O.F.M., Instituut voor franciskaanse Geschiedenis, à Saint- Trond. Braem (Conrard, Conrardus ou Coenraert), ou Brame, imprimeur. — Heerstraten (Egidius, Aegidius ou Gielis van den), imprimeur. Mossay (Justin), professeur à l'Université catholique de Louvain. Abbeloos (Jean-Baptiste), prêtre du diocèse de Malines, orientaliste, recteur de l'Université catholique de Louvain. — Hebbelynck (Adolphe, Monseigneur), orientaliste, recteur magnifique de l'Université de Louvain. — Néve (Félix), orientaliste, professeur à l'Université de Louvain. Paridaens (Marie-Anne), chercheur scientifique au Musée royal de l'Armée et d'Histoire militaire, à Bruxelles. Macar (Ferdinand-Balthazar, baron de), juriste, fonctionnaire, sénateur libéral et administrateur. — Ruzette (Léon, baron), fonctionnaire et sénateur catholique. — Schiervel (Louis, baron de), fonctionnaire et sénateur catholique. — T'Serclaes de Wommersom (Théodore, comte de), fonctionnaire et député catholique. Paumen (Jean), professeur à l'Université libre de Bruxelles. Dupréel (Eugène), philosophe, sociologue, historien, professeur à l'Université libre de Bruxelles. Philippe (Joseph), conservateur-directeur des Musées d'Archéologie et d'Arts décoratifs de Liège. Kemlin (François), maître de verrerie-cristallerie. Pion (Léonce), conservateur du Musée des Beaux-Arts de Tournai. Cutsem (Henri Van), mécène et collectionneur. Piron (Maurice), membre de l'Académie royale de Langue et de Littérature françaises. Marian de Saint-Antoine, à l'état civil Thomas (Lambert-Barthélemi), religieux de l'ordre des Carmes déchaussés, poète wallon. — Remouchamps (Edouard), mar­ chand meunier, littérateur wallon. — Remouchamps (Joseph-Maurice), pseudo­ nyme : L'Eplucheur, juriste, homme politique et walloniste. Puissant (Jean), chargé de cours à l'Université libre de Bruxelles. Bouilly (Joseph), pseudonyme : Duhot (Jean), journaliste, député de l'arrondisse­ ment de Mone, homme d'oeuvres socialistes. — Brenez (Alphonse), ouvrier mi­ neur, syndicaliste, homme politique socialiste, député de l'arrondissement de Mons. — Dauby (Joseph), typographe, publiciste, directeur du Moniteur belge. Pycke (Jacques), secrétaire de l'Institut d'Etudes Médiévales de l'Université catholique de Louvain. Fulrad, abbé de Saint-Quentin en Vermandois et de Lobbes. — Garmunde, ou Guarmundus, Warmundus, écolâtre de la cathédrale de Tournai. Ransy (Jean), membre de l'Académie royale de Belgique. Buisseret (Louis), peintre, dessinateur et graveur. Rutten (Mathieu), professeur emèrite de l'Université de Liège. Olosset (François), philologue germaniste, professeur à l'Université de Liège. — vi —

Ryelandt (Daniel), ancien directeur général-administrateur délégué de l'Agence Belga. Travailleur (Maurice), ingénieur, fondateur et préaident de l'Agence Belga.

Schumacker (René), chargé de cours associé à l'Université de Liège. Toussaint (François), chanoine, botaniste, dialectologue, historien, généalogiste, toponymiste.

Sterckx (Claude), chargé de cours à l'Institut des Hautes Etudes de Bel­ gique. Grosjean (Paul), bollandiste.

Stockmans (Francois), secrétaire de la Commission de la Biographie na­ tionale. Demanet (Félix), paléontologiste, stratigraphe, conservateur au Musée royal d'His­ toire naturelle de Belgique, professeur à l'Université catholique de Louvain. — Meyer (Jean De), médecin, professeur à l'Université libre de Bruxelles. — Phi- lippson (Martin), historien, professeur à l'Université libre de Bruxelles, organi­ sateur de la Communauté juive allemande.

Ugeux (William), professeur emèrite de l'Université catholique de Louvain. Jooris (Pierre), pseudonyme : Luncq (Jacques), avocat, résistant.

Vanlangenhove (Fernand), président de la Commission de la Biographie nationale. Goblet d'Alviella (Eugène, comte), homme d'Etat, professeur, pionnier de la science des religions, archéologue, orientaliste, géographe.

Velghe (Albert G.), directeur de l'Observatoire royal de Belgique, à Bru­ xelles. Minnaert (Marcel), physicien et astronome. f Warlomont (René), magistrat honoraire. Innis (Henri-Marie van), magistrat et homme politique.

Watelet (Jacques-Grégoire). Serrurier-Bovy (Gustave), architecte et décorateur.

Wellens (Robert), chef de section aux Archives générales du Royaume, à Bruxelles. Bray (Nicolas de), médecin. — Broeucquez (Antoine-François Du), médecin. — Cospeau (Adrien), médecin. — Duvivier (Joseph-Maximilien), médecin. — Honno- rez (Pierre-Lambert), médecin. •— Varret (Jean-Baptiste), imprimeur. — Varret (Jean-Nicolas), imprimeur. — Varret (Léopold-Joseph), imprimeur.

Yakemtchouk (Romain), professeur à l'Université catholique de Louvain. Descamps (Edouard, baron), professeur à l'Université catholique de Louvain, avo­ cat, sénateur, ministre d'Etat de l'Etat Indépendant du Congo, écrivain. TABLE ALPHABÉTIQUE DES NOTICES

CONTENUES DANS LES XXXVIIe, XXXVHI«, XXXIX», XL« ET XLI« VOLUMES

DE LA BIOGRAPHIE NATIONALE

(Les noms précédés d'un astérisque sont ceux des personnages étrangers. — Le signe ° indique une notice remplaçant ou complétant une notice parue antérieurement.)

A AIMÉFLOR (Jules). Voir ABRASSART (Jules). ABBELOOS (Jean-Baptiste), prêtre du ALARDIN (Félix), mathématicien diocèse de Malines et orientaliste, (1915-1969), XL, 1977-1978, 1-3, recteur de l'Université catholique L. Godeaux. de Louvain (1836-1906), XLI, 1979-1980, 1-6, J. Mossay. * ALBERGATI (Antonio), évêque de Bisceglia, nonce apostolique (1566- ABRASSART (Jules), pseudonyme : 1634), XXXIX, 1976, 24-31, L. Van AIMÉFLOR (Jules), poète, traduc­ Meerbeeck. teur, professeur (1826-1893), XXXVIII, 1973-1974,1-2, F. Dony. 0 ALEXANDRE II, évêque de Liège (?-1167), XXXIX, 1976, 31-36, AD AN (Henri), directeur général au J.-L. Küpper. ministère des Finances (1802-1891), XXXIX, 1976, 1-2, J. Pricken. ALLARD (Alphonse), instituteur, mem­ bre de la Chambre des représen­ ADAN (Henri), juriste, assureur (1830- tants (1857-1923), XLI, 1979-1980, 1901), XXXVIII, 1973-1974, 2-3, 6-9, R. Abs. F. Dony. ALSTEIN (Pierre VAN), capitaine AGNELLO (Le Père), nom séculier : négrier (1733-1793), XXXVII, VAN DEN BOSCH (Charles), fran­ 1971-1972, 1-8, F. Stockmans. ciscain, prêtre, aveugle de guerre 1914-1918, fondateur de l'Œuvre ANCHEMANT (Pierre), diplomate, secré­ nationale des Aveugles, résistant taire ordinaire de Maximilien d'Au­ 1940-1945 (1883-1945), XXXIX, triche et de Philippe le Beau (se­ 1976, 2-6, N. Jadot. conde moitié du XVe siècle-1506), XXXIX, 1976, 36-40, R. Wellens. * AHRENS (Heinrich ou Henri), phi­ losophe et juriste allemand (1808- ANSEMBOURG et DE MARCHANT 1874), XXXIX, 1976, 7-24, J. Pau- (Amaury d'), diplomate (1849-1926), men. XL, 1977-1978, 3-4, J. Willequet. 2 TABLE ALPHABÉTIQUE DES NOTICES

ANSIAUX (Jules), médecin (1810-1869), (1834-1910), XXXIX, 1976, 48-60, XL, 1977-1978, 5-6, Α.-Μ. Dalcq. J.-P. Hendrickx. * ANSPACH (Isaac-Salomon), pasteur et homme politique (1746-1825), Β XL, 1977-1978, 6-12, H.-R. Bou­ BABYLAS. Voir GHELDERODE (Mi­ din. chel DE). ANTO-CARTE, pseudonyme de CARTE BAC (Godefroid). Voir BACK (Goo- (Antoine), artiste peintre (1886- vaert). 1954), XXXVIII, 1973-1974, 4-8, H. Lavachery. 0 BACK (Goovaert), ou BAC (Gode- froid), imprimeur, libraire, relieur ANVERSA (Giovanni d'). Voir MOMPER (Jean de). (?-1517), XL, 1977-1978, 13-17, A. Rouzet. ARBERG ET DE VALLENGIN (Charles- Alexandre, comte D'), évêque suf- BAES (Isidore DE). Voir ISIDORE DE fragant de Liège, ensuite dernier SAINT-JOSEPH. évêque d'Ypres (1734-1809), XLI, BAES (Louis), ingénieur, professeur à 1979-1980, 9-22, N.-N. Huyghe- l'Université libre de Bruxelles et à baert. l'Académie royale des Beaux-Arts ARENDT (Guillaume-Amédée), pseu­ de la Ville de Bruxelles (1883-1961), donyme occasionnel : BERNOUILLY, XXXIX, 1976, 61-70, A. Paduart. licencié en théologie, professeur à BALAT (Alphonse), architecte (1818- l'Université catholique de Louvain 1895), XXXVII, 1971-1972, 15-18, (1808-1865), XXXIX, 1976, 40-48, V.-G. Martiny. J. Ruwet. BALISAUX (Emile), homme politique, ASCLÉPIADE. Voir BOULENGER 'Maxi- banquier, industriel (1827-1891), milien). XXXIX, 1976, 70-80, J.-P. Hen­ Asou (Albert), homme politique, avo­ drickx. cat (1857-1940), XXXVII, 1971- BALTIA (Herman, baron), officier et 1972, 8-11, H. Lavachery. administrateur belge (1863-1938), XL, 1977-1978, 17-21, J. Wille- AUBERT (David), calligraphe, tra­ quet. ducteur et compilateur des ducs de Bourgogne, Philippe le Bon et BARBANSON (Gaston), maître de for­ Charles le Téméraire, et de la ges (1876-1946), XXXVIII, 1973- 1974, 9-11. J. Willequet. duchesse Marguerite d'York (XV« siècle), XXXVII, 1971-1972, * BARBIN (Paul), pasteur wallon d'ori­ 11-12, P. Cockshaw. gine française (1680-1764), XL, 1977-1978, 21-25, H.-R. Boudin. AUBERT I (Jean), fonctionnaire des finances ducales sous les ducs de BARTHOLEMY (Jean-Joseph), prêtre, Bourgogne, Philippe le Hardi, Jean précepteur et aumônier militaire sans Peur et Philippe le Bon (1750-1805), XLI, 1979-1980, 23-24, (vers 1360-1444), XXXVII, 1971- J. Breuer. 1972, 12-13, P. Cockshaw. BASSEVELDE (A. DE). Voir GHELDE­ AUBERT II (Jean), fonctionnaire des RODE (Michel DE). ducs de Bourgogne, Philippe le BAST (Orner DE), ingénieur électri­ Bon et Charles le Téméraire, et cien, professeur ordinaire à la Fa­ de la duchesse Marie de Bourgogne culté Technique de l'Université de (-après 1481), XXXVII, 1971-1972, Liège, directeur de l'Institut élec­ 14, P. Cockshaw. trotechnique Monteflore (1865- AUDENT (Jules), avocat, bourgmestre 1937), XL, 1977-1978, 25-31, P. de la ville de Charleroi, sénateur Louon et J. Listray. TABLE ALPHABÉTIQUE DES NOTICES 3

BAUDOUIN, prince de Belgique, duc BERGERAC, ingénieur civil, indus­ de Saxe, prince de Saxe-Cobourg- triel, officier, publiciste, homme Gotha (1869-1891), XL, 1977-1978, d'œuvres (1882-1966), XXXIX, 31-35, Ch. Terlinden. 1976, 113-118, M. Brabant. BAUER (Raphaël, chevalier de), ban­ BERGERAC. Voir BERGER (Maurice). quier, consul général d'Autriche- BERGHEN (Adriaen VAN), imprimeur, Hongrie à Bruxelles (1843-1916), libraire, éditeur, relieur [ ?] ( ?-1542), XXXIX, 1976, 80-94, J.-H. Pi- XL, 1977-1978, 50-55, A. Rouzet. renne. BAUSSART (Elie), pseudonyme occa­ BERNOUILLY. Voir ARENDT (Guil- sionnel : V. DUCHXTEAU, profes­ laume-Amédée). seur, écrivain et militant chrétien, * BERTHOD (Claude), en religion dom wallon, démocrate et pacifiste (1887- Anselme, bénédictin de la Congré­ 1965), XXXIX, 1976, 94-103, W. gation de Saint-Vanne, membre Bal. de l'Académie impériale et royale BEAUDUIN (Lucien), rafflneur et fabri­ des Sciences et Belles-Lettres de cant de sucre (1869-1946), XXXIX, Bruxelles, associé aux bollandistes 1976, 103 105, Y. Stinglhamber. (1733-1788), XXXVII, 1971-1972, 34-39, M. Coens. BEAUDUIN (Victor), raffineur et fabri­ cant de sucre (1845-1904), XXXIX, BERTRAND (Louis), ouvrier marbrier, 1976, 105-107, Y. Stinglhamber. journaliste, historien, membre de la Chambre des représentants, BEELI (Maurice), mycologue, négo­ ministre d'État, un des fondateurs ciant (1879-1957), XXXVII, 1971- du Parti Ouvrier Belge et du 1972, 19-22, P. Heinemann. journal Le Peuple (1856-1943), BELEN (Michel VAN DER), magistrat, XXXVII, 1971-1972, 39-55, R. Abs. membre du Congrès National et de la Chambre des représentants (1770- * BEST (John-Pickard), armateur 1844), XXXVIII, 1973-1974, 11-13, (1832-1898), XXXVII, 1971-1972, J. Willequet. 55-56, L.-H. Jansen. BELGA. Voir PEETERS (Paul). BETHUNE (Jean-Baptiste, baron de), architecte, décorateur, protagoniste BENOÎT (Jean-Charles), dit SERGENT BENOÎT, auteur de chansons en du style néo-gothique en Belgique dialecte namurois (1707-1784), (1821-1894), XXXVII, 1971-1972, XXXIX, 1976, 107-110, W. Bal. 56-60, J. Lavalleye. * BERCHET (Giovanni), écrivain, BIEKE. Voir MIEL (Jean). homme politique (1783-1851), 0 BIOLLEY (Raymond, vicomte DE), XXXVII, 1971-1972, 22-28, industriel (1789-1846), XLI, 1979- R.-O.-J. Van Nuffel. 1980, 24-30, P. Léon. BERCHMANS (Jules), sculpteur, archéo­ BLAFFART (Nicolas), professeur de logue (1883-1951), XXXVII, 1971- mathématiques (1900-1957), 1972, 29-34, Ch. Delvoye. XXXVIII, 1973-1974, 13-14, L. Godeaux. ° BERCKEL (Théodore VAN), graveur BLAISE (Gaston), officier, industriel, de coins (1739-1808), XL, 1977- gouverneur de la Société générale 1978, 35-50, X. Duquenne. de Belgique (1880-1964), XL, 1977- BERGE (Julien), raffineur et fabricant 1978, 55-62, M. Nokin. de sucre (1876-1933), XXXIX, BLANCQUAERT (Edgard), philologue, 1976, 110-113, Y. Stinglhamber. professeur à l'Université de Gand BERGER (Maurice), pseudonyme recou­ (1894-1964), XL, 1977-1978, 62-66, vrant également Fernand Servais : C. Tavernier. BIOGR. NAT. — t. XLI. 27 4 TABLE ALPHABÉTIQUE DES NOTICES

BOCH (Michel DE OU [LE]). Voir BOCQ BORDET (Jules), microbiologiste et (Michel DE ou [LE]). immunologiste, prix Nobel de Mé­ decine (1870-1961), XXXVIII, BOCK (Michel DE OU [LE]). Voir BOCQ 1973-1974, 26-36, J. Beumer. (Michel DE ou [LE]). 0 Bos (Cornells), graveur (début B06KHORST. Voir BoECKHORST (Jan, XVI» siècle-1556), XXXVII, 1971- Jean ou Johannes). 1972, 82-86, N. Dacos. BOCQ (Michel DE OU [LE]), ou BOCK, BOSCART (Guy). Voir PANSAERS (Clé­ BOCH, BOEK, BOUCQ, organiste à la ment). chapelle royale de la Cour d'Espa­ BOSCH (Charles VAN DEN). Voir gne (c. 1525/1530-1602?), XL, 1977- AGNELLO (Le Père). 1978, 67-72, P. Becquart. BOSSCHERE (Charles DE), professeur, BOCQUET (Nicolas-Joseph), imprimeur, publiciste et conférencier horticole libraire (1753-1805), XL, 1977- (1850-1935), XXXIX, 1976, 133- 1978, 72-73, R. Wellens. 136, W. Robyns. BOECKEL (Lodewijk VAN), forgeron BoTTiN (Henri), imprimeur (1717- d'art (1857-1944), XXXVIII, 1973- 1783), XL, 1977-1978, 75-77, R. 1974, 15-17, A. Lens. Wellens. » * BoECKHORST (Jan, Jean ou Johan­ BOUCQ (Michel DE ou [LE]). Voir nes), ou VAN BOECKHORST, [VAN] BOCQ (Michel DE OU [LE]). BRONCKHORST, BOCKHORST (forme allemande) ; dit LANGE JAN OU o BOUILLE (Théodose), en religion LANGUEAN, peintre d'histoire (vers frère THÉODOSE DE LA MÈRE DE DIEU, carme chaussé, historien lié­ 1603/1605-1668), XXXVII, 1971- geois, théologien ( -1743), 1972, 60-75, M.-L. Hairs. XXXVIII, 1973-1974, 36-37, J. BOEK (Michel DE OU [LE]). Voir BOCQ Thielens. (Michel DE OU [LE]). BOUILLY (Joseph), pseudonyme : Du- HOT (Jean), journaliste, député de BŒUF (Henry LE). Voir LE BŒUF l'arrondissement de Mons et homme (Henry). d'œuvres socialistes (1884-1970), BOHET (Victor), professeur de langue XLI, 1979-1980, 31-34, J. Puissant. et de littérature anglaises à l'Univer­ sité de Liège (1887-1948), XXXIX, BOULENGER (George-Albert), zoologue, 1976, 118-124, R. Vanderveiken. conservateur au British Museum (1858-1937), XXXVIII, 1973-1974, Bois (Albert, comte du), poète, dra­ 37-42, M. Poll. maturge et écrivain politique (1872- BOULENGER (Maximilien), pseudo­ 1940), XXXIX, 1976, 124-132, nyme occasionnel : ASCLÉPIADE, Ph. Muret. médecin (1873-1930), XL, 1977- BOM (Emmanuel DE), pseudonyme : 1978, 77-80, M. Alexander. MENDEL, écrivain et critique d'art (1868-1953), XXXVIII, 1973-1974, BOULMONT (Gustave), historien (1848- 17-26, J. Turfkruijer. 1930), XL, 1977-1978, 80-82, J. Breuer. BONISSART (Thomas). Voir BRAUN (Thomas). * BOURRON-PARME (Sixte, prince de), Boos (Carolus DE), tisserand, militant officier (1886-1934), XL, 1977-1978, de la Première Internationale 82-85, J. Willequet. (1842-1897), XXXVII, 1971-1972, BOURIEZ (Pierre), industriel et résis­ 75-82, D.-E. Devreese. tant (1906-1964), XL, 1977-1978, BORCHGRAVE (Emile, baron de), histo­ 85-87, H. Bernard. rien et diplomate (1837-1917), XL, BouRQUiN (Maurice), juriste, diplo­ 1977-1978, 73-75, J. Willequet. mate, professeur d'Université (1884- TABLE ALPHABÉTIQUE DES NOTICES 5

1961), XXXVII, 1971-1972, 86-91, BRISMÉE (Désiré), typographe, jour­ F. Vanlangenhove. naliste, fondateur de sociétés de 0 Boussu (Gilles de), littérateur, his­ Libre Pensée, un des fondateurs torien (1681-1755), XXXIX, 1976, de la Section belge de l'Association 136-142, R. Wellens. internationale des Travailleurs (1822-1888), XXXVII, 1971-1972, BRACONIER (Frédéric), industriel et 95-100, R. Abs. parlementaire (1826-1912), XLI, 1979-1980, 35-40, N. Caulier-Mathy. BRISTOM (Pierre VAN), architecte (1820-1909), XXXVII, 1971-1972, BRAEKELEER (Henri DE), artiste pein­ 100-101, J.-P. Devos. tre, graveur (1840-1888), XXXIX, 1976, 142-153, G. Fernandez. 0 BROEUCQUEZ (Antoine-François Du), BRAEM (Conrard, Conrardus ou Coen- médecin (1723-1765), XLI, 1979- raert), ou BRAME, imprimeur établi 1980, 51-53, R. Wellens. e à Louvain au XV siècle, XLI, BRON (Philibert), peintre, dessinateur, 1979-1980, 40-44, L. Mees. lithographe (1791-1870), XXXVII, BRAGARD (Henri), pseudonymes occa­ 1971-1972, 101-103, M.-A. Arnould. sionnels : FRÉ MATI, E. BURON, BRONCKHORST (Jan, Jean ou Johan­ LE GUETTEUR; poète, folkloriste nes [VAN]). Voir BOECKHORST (Jan, (1877-1944), XL, 1977-1978, 87-90, Jean ou Johannes). A. Freyens. BROODCOORENS (Pierre), journaliste, BRAME (Conrard, Conrardus ou Coen- écrivain (1885-1924), XXXIX, raert). Voir BRAEM (Conrard, Con­ 1976, 153-173, C. Verhaegen. rardus ou Coenraert). BRAUN (Thomas), pseudonymes : TOM, * BRUNELLE (Isabelle), comtesse D'HARSCAMP, fondatrice d'institu­ Thomas BONISSART, BRUNISSART, RANHISSART, avocat, poète (1876- tions de bienfaisance (1724-1805), 1961), XL, 1977-1978, 90-95, R. XLI, 1979-1980, 53-57, J. Bovesse. Pouilliart BRUNET (Emile), docteur en droit, BRAY (Dominique de). Voir SARTON avocat, bâtonnier du Barreau de (George). Bruxelles, député de Charleroi, pré­ sident' de la Chambre des repré­ BRAY (Nicolas DE), médecin (milieu sentants, ministre d'État (1863- XIVe siècle-1414), XLI, 1979-1980, 1945), XXXVIII, 1973-1974, 42-50, 44-45, R. Wellens. R. Abs. BREISDORFF (Charles), journaliste, an­ BRUNISSART (Thomas). Voir BRAUN cien rédacteur en chef du Soir, (Thomas). professeur extraordinaire à l'Uni­ BRUWIER (Laurent), mathématicien versité de Bruxelles (1891-1968), (1893-1961), XXXVIII, 1973-1974, XL, 1977-1978, 95-104, D. Denuit. 50-51, W. BARHENSON. BRENEZ (Alphonse), ouvrier mineur, BRUYLANTS (Gustave), pharmacien, syndicaliste, homme politique so­ professeur à l'Université de Lou­ cialiste, député de l'arrondissement vain (1850-1925), XXXIX, 1976, de Mons (1862-1933), XLI, 1979- 173-176, P. Putzeys. 1980, 45-51, J. Puissant. BRYBERGH. Voir MONT (Gilles du). BREUX (Félix de). Voir HAULLEVILLE (Prosper, baron de). BÛCHEZ (Philippe), écrivain, homme BRIEN (Victor), géologue, industriel, politique (1796-1865), XXXVII, professeur à l'Université libre de 1971-1972, 103-109, A. Cuvillier. Bruxelles (1876-1959), XXXVII. BUEREN (Vincent de). Voir BUREN 1971-1972, 92-95, F. Stockmans, (Vincent de). 6 TABLE ALPHABÉTIQUE DES NOTICES

* BUGATTI (Rembrandt), sculpteur CABEL (Georges), pseudonyme de animalier (1885-1916), XLI, 1979- CABU (Jean), artiste lyrique, pro­ 1980, 57-62, C. Kruyfhooft. fesseur de chant, directeur de l'In­ BUISSERET (Auguste), avocat, con­ stitut néerlandais de Bruxelles seiller communal, puis échevin de (1822-1881), XL, 1977-1978, 107- Liège, ministre de l'Instruction pu­ 108, E. Montellier. blique, de l'Intérieur, des Travaux CABEL (Louis), pseudonyme de CABU publics, des Colonies, bourgmestre (Louis), artiste lyrique, professeur de Liège (1888-1965), XLI, 1979- au Conservatoire royal de Gand 1980, 62-68, J. Lejeune. (1819-1884), XL, 1977-1978, 108- 109, E. Montellier. BUISSERET (Louis), peintre, dessina­ teur et graveur (1888-1956), XLI, CABEL (Marie), pseudonyme de 1979-1980, 68-71, J. Ransy. DREULLETTE (Marie), ou CABU, 0 artiste lyrique, professeur de chant BULTEEL (Gislain), poète néo-latin (1827-1885), XL, 1977-1978, 109- et homme politique (1555-1611), 110, E. Montellier. XLI, 1979-1980, 71-81, G. Cambier. CABU (Alfred). Voir CABEL (Alfred). * BUONAROTTI (Filippo), pseudo­ nyme : Jean-Jacques RAYMOND, CABU (Antoine). Voir CABEL (Ed­ révolutionnaire italien (1761-1837), mond). XXXVIII, 1973-1974, 51-60, CABU (Jean). Voir CABEL (Georges). R.-O.-J. Van Nuffel. CABU (Louis). Voir CABEL (Louis). BUREN (Vincent de), ou BUEREN, chef populaire (1440?-1505), XXXVIII, CABU (Marie). Voir CABEL (Marie). 1973-1974, 60-66, M. Josse-Hof- mann. CAÏN (Samuel). Voir LAMBERT (Sa­ muel). BURGERS (Jean), fondateur et chef CALEWAERT (Charles-Justin), évêque du Mouvement de Résistance de Gand (1893-1963), XLI, 1979- Groupe G (1917-1944), XXXVII, 1980, 87-95, J. Coppens. 1971-1972 109-112, H. Bernard. CALUWAERS (Joseph), inscrit à l'état BURON (E ). Voir BRAGARD (Henri). civil CALUWAERTS, architecte (1863- BUSET (Max), député, ministre d'Etat, 1948), XXXVII, 1971-1972, président du Parti Socialiste Belge 113-117, V.-G. Martiny. (1896-1959), XXXIX, 1976, 176- CALUWAERTS (Joseph). Voir CALU­ 180, R. Abs. WAERS (Joseph). BUSSCHE (Henri VAN DEN), exégète, CANIVEZ (Ovide), en religion dom professeur au Grand Séminaire de Joseph-Marie, historien de l'Ordre Gand et à l'Université catholique de Cîteaux (1878-1952), XXXVII, de Louvain (1920-1965), XLI, 1979- 1971-1972, 117-120, É. Brouette. 1980, 81-86, J. Coppens. * CANZIUS - ONDERDEWIJNGAART (Jacob), créateur du Musée de C l'Industrie à Bruxelles (1771-1838), CABEL (Alfred), pseudonyme de CABU XXXVII, 1971-1972, 120-123, (Alfred), artiste lyrique, professeur H. Michel. de chant (1834-?), XL, 1977-1978, 0 CAPELLO (Marius-Ambroise), domi­ 105-106, E. Montellier. nicain, évêque d'Anvers (1597- CABEL (Edmond), pseudonyme de 1676), XXXVII, 1971-1972, 123- CABU (Antoine), artiste lyrique 129, L. Ceyssens. (1832-1888), XL, 1977-1978, 106- CARAMAN CHIMAY (Ghislaine DE RI- 107, E. Montellier. QUET, princesse de), dame d'hon- TABLE ALPHABÉTIQUE DES NOTICES 7

neur de la Reine Elisabeth (1865- CEYSSENS (Jean), historien (1857- 1955), XL, 1977-1978, 111-112, 1933), XXXVIII, 1973-1974, 80-81, C. Bronne. É. Brouette. CARTE (Antoine). Voir ANTO-CARTE. CHALON (Jean), botaniste, littérateur (1846-1921), XXXIX, 1976, 181- * CASSINA (François-Bernardin), mar­ 185, W. Robyns. chand, financier (1535-1584), XXXVII, 1971-1972, 129-131, CHAPELIÉ (Jean), général (1792-1864), P. Hanquet. XXXVII, 1971-1972, 141-147, A. Duchesne. CASSEL, famille de banquiers, XL, CHARLIER (Gustave), historien de la 1977-1978, 112-122 : * CASSEL (Ger­ littérature, comparatiste et critique main), fondateur de la branche (1885-1959), XXXIX, 1976, 185- belge des banquiers Cassel (1807- 188, A. Henry. 1869), 114-115; CASSEL (Jacques), banquier (1847-1930), 115-117 ; CAS­ CHARLIER (Guillaume), sculpteur SEL (Léon), banquier, consul géné­ (1854-1925), XLI, 1979-1980, 110- ral honoraire de Serbie (1853-1930), 114, E. Ketels. 117-120; CASSEL (Jean, baron), * CHAUVIÈRE (Emmanuel), fondateur banquier (1882-1952), 120-121, J.-H. des « Cercles Réunis » et du journal Pirenne. Le Droit du Peuple, conseiller muni­ * CASSINA (François - Bernardin), cipal et député de Paris (1850-1910), baron de Boulers, beer de Flandre, XXXVII, 1971-1972, 147-155, gentilhomme de bouche des archi­ R. Abs. ducs Albert et Isabelle (1583-1653), CHAUVIN (Herman), savant, résistant XXXVII, 1971-1972, 131-136, belge des deux guerres (1876-1952), P. Hanquet. XXXVII, 1971-1972, 155-158, * CASSINA (Jérôme), marchand, finan­ H. Bernard. cier (1554-1596), XXXVII, 1971- CHENOT (Adam), médecin, conseiller 1972, 136-139, P. Hanquet. sanitaire, professeur à l'Université CAUCHIE (Alfred), professeur d'his­ de Vienne (1722-1789), XL, 1977- toire à l'Université catholique de 1978, 125-130, H. Jacob. Louvain (1860-1922), XXXVIII, CHESTRET DE HANEFFE (Léonie de). 1973-1974, 67-68, J. Lavalleye. Voir WAHA (Léonie de). CAUFRIEZ (Henri), directeur général CHOT (Joseph), inspecteur d'Enseigne­ de la Société nationale des Chemins ment moyen, romancier, critique, de fer vicinaux (1868-1938) dramaturge, historien régionaliste XXXVII, 1971-1972, 139-141, (1871-1952), XXXVII, 1971-1972, A. Valcke. 158-161, Ë. Brouette. CELIS (Gabriel), folkloriste (1880- CITOYEN CLAVIÈRE (LE). Voir GHEL- 1959), XXXVIII, 1973-1974, 78-80, DERODE (Michel DE). E. Boonen. CLARET (Charles - Joseph), officier CERFAUX (Lucien), helléniste, exégète, (1789-1867), XXXVIII, 1973-1974, professeur au Séminaire de Tournai 81-85, A. Duchesne. et à l'Université catholique de Lou­ CLARET de VIESCOURT (Edmond), vain (1883-1968), XLI, 1979-1980, officier (1828 - 1876), XXXVIII, 95-110, J. Coppens. 1973-1974, 85-87, A. Duchesne. CERFONTAINE (Paul), zoologiste, pro­ CLASER (Charles), officier, pionnier fesseur à l'Université de Liège (1864- de la Résistance (1901-1944), 1917), XL, 1977-1978, 122-125, XXXVII, 1971-1972, 161-163, J. Godeaux. H. Bernard. 8 TABLE ALPHABÉTIQUE DES NOTICES

* CLAYTON (Philip, dit Tubby), père- COMPÈRE (Camille), professeur de fondateur de « Toc H » (1885-1972), mathématiques (1874-1958), XL, 1977-1978,130-138, J. Durham. XXXVIII, 1973-1974, 92-93, L. Go- deaux. CLÉMENCE, comtesse de Flandre (vers 1065 - vers 1133), XXXVII, 1971- COPPEZ (Henri), ophtalmologiste, pro­ 1972, 163-168, H. Sproemberg et fesseur à l'Université libre de J.-M. Duvosquel. Bruxelles (1869-1946), XXXVII, 1971-1972, 191-196, L. De Walsche. CLÉMENTINE, princesse de Belgique, duchesse de Saxe, princesse de CORNIL (Georges), juriste, professeur Saxe-Cobourg-Gotha (1872-1956), à l'Université libre de Bruxelles (1863-1944), XXXVIII, 1973-1974, XL, 1977-1978, 138-140, Ch. Ter­ 93-98, R. Dekkers. linden. CORTE (Jean DE). Voir CURTIUS CLOKERS (Hector), violoniste et chef (Jean). d'orchestre, professeur et directeur du Conservatoire de Verviers (1901- COSPEAU (Adrien), médecin (1618- 1965), XLI, 1979-1980, 114-119, 1684), XLI, 1979-1980, 140, R. Wel­ J. Mairel. lens. CLOSSET (François), philologue ger­ COSTENOBLE (Philostène). Voir GHEL- maniste, professeur à l'Université DERODE (Michel DE). de Liège (1900-1964), XLI, 1979- 0 COTER (Colyn ou Collin De), peintre 1980, 119-133, M. Rutten. (deuxième moitié du XVe siècle- e COCK (Alfons DE), folkloriste (1850- première moitié du XVI siècle), 1921), XL, 1977-1978, 140-149, XXXIX, 1976, 200-211, C. Périer- J. Van Haver. D'Ieteren. COENEN (Louis), conseiller communal, COUROUBLE (Leopold), romancier, échevin et bourgmestre de Saint- essayiste, journaliste (1861-1937), Gilles-lez-Bruxelles (1881-1965), XXXVIII, 1973-1974, 98-108, G. Van welken huy zen. XLI, 1979-1980, 133-138, R. Abs. CROITIER (Guillaume). Voir REUTER COENS (Maurice), bollandiste (1893- (Guillaume). 1972), XLI, 1979-1980, 138-140, L. Genicot. CUMONT (Franz), historien des reli­ gions de l'Antiquité, philologue, COGNIAUX (Alfred), botaniste systé- archéologue, épigraphiste (1868- maticien, professeur d'école nor­ 1947), XXXIX, 1976, 211-222, male et moyenne (1841-1916), F. De Ruyt. XXXIX, 1976, 188-194, W. Ro- 0 byns. CURTIUS (Jean), ou DE CORTE, munitionnaire des armées espa­ COLARD (Jean-Nicolas), philanthrope gnoles (1551-1628), XL, 1977-1978, démocrate, zélateur du mouvement 149-164, J. Lejeune. ouvrier naissant en Belgique aux environs de 1848 (1814-1868), CUTSEM (Henri VAN), mécène et col­ XXXIX, 1976, 194-200, A. Colard. lectionneur (1839-1904), XLI, 1979- 1980, 140-146, L. Pion. COLINS DE HAM (Jean-Guillaume), philosophe socialiste (1783-1859), D XXXVII, 1971-1972, 168-191, I. Rens. DAMAS (Désiré), docteur en sciences • COLSON (Guillaume ou William), naturelles, zoologiste, océanographe, maître d'école et auteur de manuels professeur à l'Université de Liège ( ± 1550- ), XXXVIII, 1973- (1877-1959), XXXVIII, 1973-1974, 974, 87-92, R. Hoven. 121-133, P. Brien. TABLE ALPHABÉTIQUE DES NOTICES 9

DAMAS (Hubert), zoologiste, limnolo- XXXVIII, 1973-1974, 144, L. Go- giste et hydrobiologiste, professeur deaux. à l'Université de Liège (1910-1964), XXXVIII, 1973-1974, 109-120, DEHESELLE (Victor), industriel (1816- P. Brien. 1886), XLI, 1979-1980, 164-169, P. Léon. DAMHOUDER (J.). Voir GHELDERODE (Michel DE). DEJARDIN (Lucie), ouvrière, employée, conseiller communal, député de DANCO (Emile), officier, physicien Liège (1875-1945), XXXVIII, 1973- (1869-1898), XXXIX, 1976, 223- 1974, 145-150, R. Abs. 224, J. Pelseneer. DEJONGH (Charles), docteur en droit, DANHAIVE (Fernand), inspecteur avocat, bâtonnier du Barreau de d'Enseignement moyen, historien Bruxelles, professeur à l'Université libre de Bruxelles, président de régionaliste (1888-1935), XXXVII, l'Institut des Hautes Etudes (1854- 1971-1972, 197-200, E. Brouette. 1932), XXXVIII, 1973-1974, 150- * DARRIGADE (Pierre), chirurgien 158, R. Abs. (1768-1836), XXXVIII, 1973-1974, DEKEMPENEER (Philippe-Hippolyte). 133-134, A. Dulière. Voir KEMPENEER (Hippolyte DE). DAUBY (Joseph), typographe, publi­ ciste, directeur du Moniteur belge DELACRE (Maurice), chimiste, pro­ (1824-1899), XLI, 1979-1980, 147- fesseur à l'Université de Gand 154, J. Puissant. (1862-1938), XLI, 1979-1980, 169- 182, A. Bruylants. 0 DAVID (Pierre), industriel, homme politique (1771-1839), XLI, 1979- DELCHEVALERIE (Charles), écrivain, 1980, 154-164, P. Léon. journaliste, publiciste (1872-1950), XXXIX, 1976, 248-257, J. Servais. DAVIGNON (Jacques, vicomte), diplo­ mate (1887-1965), XXXIX, 1976, DELFOSSE (Charles), dessinateur, jour­ 224-236, F. Vanlangenhove. naliste, socialiste révolutionnaire (1856-1898), XXXVII, 1971-1972, DAVIGNON (Julien, vicomte), homme 200-203, J. Puissant. politique (1854-1916), XL, 1977- 1978, 165-167, J. Willequet. DELNEUFCOUR (Pierre), avocat au Conseil Souverain de Hainaut, DEAUVILLE (Max), pseudonyme de homme politique, industriel, magis­ DUWEZ (Maurice), médecin, homme trat (1756-1827), XXXVIII, 1973- de lettres (1881-1966), XL, 1977- 1974, 158-165, R. Darquenne. 1978, 167-175, A. Colard. DELNEUFCOUR (Pierre-Joseph), ingé­ nieur des mines, industriel (1788- DECLERCQ (François-Joseph), céra­ 1855), XXXVIII, 1973-1974, 165- miste (1806-1898), XXXIX, 1976, 168, R. Darquenne. 236-239, K. Petit. DELOYE (Salomon), conseiller com­ DECROLY (Ovide), médecin, profes­ seur à l'Université libre de Bru­ munal, bourgmestre d'Ougrée (1908- xelles (1871-1932), XXXVIII, 1973- 1965), XLI, 1979-1980, 182-184, 1974, 134-144, S. De Coster. R. Abs. DEGÉE (Olivier). Voir TOUSSEUL DELPORTE (Antoine), ouvrier typo­ (Jean). graphe, journaliste, syndicaliste, * DEGOUVE DE NUNCQUES (William), dirigeant du Parti Ouvrier Belge inscrit à l'état civil : DEGOUVE (1855-1919), XXXVII, 1971-1972, DENUNCQUES, artiste peintre (1867- 203-204, J. Puissant. 1935), XXXIX, 1976, 239-248, DELPORTE (Eugène), astronome, direc­ B. Spinewine-Denuit. teur de l'Observatoire royal de DEGUELDRE (Jean), professeur de Belgique (1882-1955), XXXVII, mathématiques (1877-1936), 1971-1972, 205-211, S. Arend. 10 TABLE ALPHABÉTIQUE DES NOTICES

DELSTANCHE (Charles), médecin et astronome amateur (1887-1967), (1840-1900), XXXVIII, 1973-1974, XLI, 1979-1980, 197-198, J.-F. Cox. 168-172, R. Hennebert. DEROOVER (Raymond). Voir ROOVER DEMAEGT (Jan-Baptist). Voir MAEGT (Raymond DE). (Johan de). DEROUSSEAU (Jules), professeur de DEMAN (Henri). Voir MAN (Henri de). mathématiques (1855-1903), DEMANET (Félix), paléontologiste, XXXVIII, 1973-1974, 178-179, stratigraphe, conservateur au Mu­ L. Godeaux. sée royal d'Histoire naturelle de DERSCHEID (Jean-Marie), docteur en Belgique, professeur à l'Université sciences naturelles, zoologiste et catholique de Louvain, chanoine ornithologiste, premier directeur et de la cathédrale de Namur (1882- secrétaire général du Parc National 1968), XLI, 1979-1980, 184-190, Albert, premier directeur de l'Office Fr. Stockmans. international de documentation et de corrélation pour la protection DEMONGE (Léon). Voir MONGE (Léon de la nature, professeur de biologie DE). à l'Université coloniale d'Anvers, DEMOOR (Jean), ou DE MOOR, méde­ prisonnier politique (1901-1944), cin, pédagogue, professeur à l'Uni­ XXXVII, 1971-1972, 211-235, versité de Bruxelles (1867-1941), P. Brien. XL, 1977-1978, 175-193, S. De DESCAMPS (Edouard, baron), profes­ Coster et P. Rijlont. seur à l'Université catholique de DEMOULIN (Hubert), philologue, Louvain, avocat, sénateur, ministre archéologue (1876-1962), XXXIX, d'Etat de l'Etat Indépendant du 1976, 257-258, A. Severyns. Congo (1847-1933), XLI, 1979- DEMOUSTIER (Fernand), pseudonyme : 1980, 198-247, R. Yakemtchouk. Fernand DUMONT, docteur en droit, DESGUIN (Louis), journaliste (1832- poète surréaliste (1906-1945), XL, 1897), XXXVIII, 1973-1974, 179- 1977-1978, 193-195, Cl. Piérard. 183, J.-P. Hendrickx. DENEFFE (Victor), chirurgien, ophtal­ DESOMBIAUX (Maurice). Voir OMBIAUX mologue, historien, écrivain, profes­ (Maurice des). seur à l'Université de Gand (1835- DETROOZ (Charles). Voir TROOZ (Char­ 1908), XXXVIII, 1973-1974, 172- les DE). 178, J. Quintyn. DEUREN (Pierre VAN), officier du DENIS (Henri), lieutenant général, génie, mathématicien (1878-1956), ministre de la Défense nationale XXXVIII, 1973-1974, 183-185, (1877-1957), XXXIX, 1976, 258- L. Godeaux. 261, E. Wanty. DEVOS (André), ou DE VOS, botaniste, DEPAIRE (Jean-Baptiste), pharmacien, professeur agrégé de l'enseignement professeur à l'Université de Bru­ moyen (1834-?), XL, 1977-1978, xelles (1824-1910), XXXIX, 1976, 195-203, Fr. Stockmans. 261-264, L. Maricq. DEVOS (Jérôme), hispaniste (1899- DEPESTRE (Julien), comte de Senefîe 1974), XLI, 1979-1980, 247-250, J. de Kempeneer. et de Turnhout, homme d'affaires (1725-1774), XLI, 1979-1980, 190- DEWÉ (Walthère), ingénieur en chef- 196, X. Duquenne. directeur régional de lre classe à la Circonscription téléphonique DEPOELE (Charles VAN). Voir POÊLE (réseau de Liège), le plus grand (Charles VAN DE). résistant belge des deux guerres DERMUL (Amédée), directeur de la (1880-1944), XXXVII, 1971-1972, Bibliothèque communale d'Anvers 235-240, H. Bernard. TABLE ALPHABÉTIQUE DES NOTICES 11

DHONT (Joost). Voir HONDIUS (Jodo- des Etats-Généraux des Pays-Bas cus ou Judocus). (1760-1821), XXXIX, 1976, 278- DIOGENE. Voir HINS (Eugène). 284, J. Puraye. DUMONCEAU DE BERGENDAL (Fran­ DOCTEUR KWIEBUS. Voir GHELDE- çois, comte), chef d'escadron au RODE (Michel DE). service de la France, lieutenant DONDER (Théophile DE), physicien- général et inspecteur de la cava­ mathématicien, professeur à l'Uni­ lerie, en Hollande, aide de camp du versité libre de Bruxelles (1872- roi Guillaume II, chef de la maison 1957), XXXVII, 1971-1972, 240- militaire du roi Guillaume III de 245, J. Géhéniau. Hollande (1790-1884), XXXIX, DREULLETTE (Marie). Voir CABEL 1976, 284-290, J. Puraye. (Marie). DUMONT (Albert), architecte (1853- 1920), XXXVIII, 1973-1974, 197- DROU (Pierre-Lambert LE). Voir 202, V.-G. Martiny. LEDROU (Pierre-Lambert). DUMONT (Fernand). Voir DEMOUSTIER DUBOIS (Ernest), professeur d'Univer­ (Fernand). sité et membre du Conseil Colonial (1868-1935), XXXIX, 1976, 264- DUMORTIER (Valére), architecte (1848- 268, Ch. Roger. 1903), XL, 1977-1978, 203-207, V.-G. Martiny. DUCHÂTEAU (V.). Voir BAUSSART (Elie). DUPONT (Edouard), géologue, paléon­ tologiste, préhistorien (1841-1911), DUDLAY (Adeline), pseudonyme de XXXVII, 1971-1972, 255-261, DULAIT (Adeline), tragédienne socié­ F. Stockmans. taire de la Comédie-Française (1858- 1934), XXXVII, 1971-1972, 245- DUPRÉEL (Eugène), philosophe, socio­ 253, F. Stockmans. logue et historien, professeur à l'Université libre de Bruxelles (1879- DUFAY (Guillaume). Voir FAY (Guil­ 1967), XLI, 1979-1980, 250-278, laume DU). J. Paumen. DUHOT (Jean). Voir BOUILLY (Joseph). DUPUIS (Albert), chef d'orchestre et DUJARDIN (Benoît), dermatologue et compositeur (1877-1967), XLI, syphiligraphe, professeur à l'Uni­ 1979-1980, 278-287, B. Huys. versité libre de Bruxelles, chef * DUPUY (Benoît-Marie), fonction­ de Service des Hôpitaux univer- naire, économiste (1713-1765), taires de Bruxelles (1884-1953), XXXVIII, 1973-1974, 185-197, XXXVII, 1971-1972, 261-266, M. Craps. Ph. Moureaux. DULAIT (Adeline). Voir DUDLAY (Ade­ DURAND (Hélène), dessinatrice bota­ line). niste (1883-1934), XLI, 1979-1980, DULAIT (Julien), industriel (1855- 288-291, A. Lawalrée. 1926), XXXIX, 1976, 268-278, DUVIVIER (Joseph-Maximilien), mé­ J. Rooze-Looze. decin (1728-1796), XLI, 1979-1980, 291-292, R. Wellens. DUMESNIL (Frédéric), peintre de sujets religieux (vers 1710-1791), DUWEZ (Maurice). Voir DEAUVILLE XXXVII, 1971-1972, 253-255, (Max). D. Coekelberghs. DUYSE (Daniel VAN), anatomo-patho- 0 DUMONCEAU (Jean-Baptiste), comte logiste, ophtalmologiste, professeur de Bergendal, maréchal de Hollande, à l'Université de Gand (1852-1924), général de division au service de la XL, 1977-1978, 207-211, L. De France, membre de la 2e Chambre Walsche. 12 TABLE ALPHABÉTIQUE DES NOTICES

DUYSE (Marnix VAN), ophtalmolo­ 0 ETIENNE de LIÈGE, évêque de giste, médecin hygiéniste, profes­ Liège (c. 850-920), XL, 1977-1978, seur à la Rijksuniversiteit te Gent 244-252, A. Lovegnée. (1885-1940), XL, 1977-1978, 211- EUSTACHE (Jean), dit JEAN de MONS, 214, L. De Walsche. réformateur cistercien (vers 1400- E 1481), XXXVII, 1971-1972, 271- 272, Ê. Brouette. EECHAUTE (Prosper VAN), composi­ teur, pédagogue (1904-1964), XL, EVENEPOEL (Henri), peintre, graveur 1977-1978, 215-219, B. Huys. (1872-1899), XXXIX, 1976, 337- 348, M.-J. Chartrain-Hebbelinck. EECKE (Paul VER), ingénieur, hellé­ niste, historien des sciences (1867- EYLENBOSCH (Gustave), ouvrier typo­ 1959), XXXVII, 267-269, L. Go- graphe, syndicaliste et homme poli­ deaux. tique (1856-1939), XLI, 1979-1980, EGHELS OU EGHLS (Jacques, baron 293-300, P. Gérin. von), homme de guerre au service de l'Autriche (1733-1772), XL 1977- F 1978, 219-220, J. Breuer. EGHLS (Jacques, baron von). Voir FAGNART (Leopold), homme politique EGHELS (Jacques, baron von). (1849-1899), XXXIX, 1976, 349- 361, J.-P. Hendrickx. ËLOIN (Félix), sous-ingénieur des mines, conseiller de l'empereur FAIDER (Paul), philologue, professeur, Maximilien du Mexique, philan­ conservateur du Musée de Marie- thrope (1819-1888), XXXVIII, mont (1886-1940), XXXVII, 273- 1973-1974, 203-212, A. Duchesne. 288, M. Hélin. ELOY (Nicolas), écolâtre du chapitre FAVEREAU (Paul, baron de), homme de Saint-Germain (1753-1816), XL, politique (1856-1922), XL, 1977- 1977-1978, 221-223, R. Wellens. 1978, 253-254, J. Willequet. ENGLER (Jacques), manufacturier, 0 banquier, sénateur (1769-1846), XL, FAY (Guillaume Du), ou DUFAY, 1977-1978, 223-228, H.-R. Boudin. compositeur (1398-1474), XLI, 1979-1980, 301-311, A. Lovegnée. ENSOR (James, baron), artiste pein­ tre (1860-1949), XL, 1977-1978, FERNELMONT (Leopold de), juriste, 228-240, Fr.-Cl. Legrand. magistrat (1796-1875), XXXVII, EPLUCHEUR (L'). Voir REMOUCHAMPS 1971-1972, 288-290, R. Warlomont. (Joseph-Maurice). FERRARI (Pietro). Voir GAGGIA (Pie­ ERASME DE ROTTERDAM, ou ERASMUS tro). ROTTERDAMUS, ROTERODAMUS, FEYDER (Jacques), pseudonyme de ROTTERDAMENSIS (Didier ou Désiré, FREDERIX (Jacques), auteur et Desiderius), humaniste, théologien metteur en scène de cinéma (1885- (1467-1536), XXXIX, 1976, 291- 1948), XXXIX, 1976, 361-372, 337, J.-G. Margolin. V. Β achy. ERASMUS ROTTERDAMUS, ROTERODA­ FINET (Paul), syndicaliste, secrétaire MUS, ROTTERDAMENSIS (Didier ou général de la Fédération générale Désiré ou Desiderius). Voir ERASME du Travail de Belgique, fondateur DE ROTTERDAM. et premier président de la Confé­ ERP (Maximilien, baron d'), diplo­ dération Internationale des Syn­ mate (1847-1936), XL, 1977-1978, dicats libres, président de la Haute 240-244, M. Dumoulin. Autorité de la Communauté euro­ ERRERA (Alfred), mathématicien péenne du Charbon et de l'Acier (1886-1960), XXXVII, 1971-1972, (1897-1965), XLI, 1979-1980, 311- 269-271, L. Godeaux. 314, R. Abs. TABLE ALPHABÉTIQUE DES NOTICES 13

° FINSON (Louis), dit FlNSONIUS FRENNET (Lucien), artiste pein­ (Ludovicus), peintre (avant 1580- tre, entomologiste (1888-1949), 1617), XXXVII, 1971-1972, 290- XXXVII, 1971-1972, 310-312, 299, D. Bodart. Cl. Piérard. FINSONIUS (Ludovicus). Voir FINSON FRÈRE (Maurice), fonctionnaire et (Louis). financier (1890-1970), XL, 1977- FLANDERS (Joé). Voir GHELDERODE 1978, 261-300, F. Vanlangenhove. (Michel DE). FRÈRE JEHAN DES ENTONNOIRES. Voir GHELDERODE (Michel DE). FLORENTIN (Paul). Voir LERBERGHE (Charles VAN). FRÉRON (Guillaume-Joseph de), pro­ FONTAINE (Henri LA), pseudonyme cureur général de la Principauté occasionnel : MOI, docteur en droit, de Liège (1751-1824), XXXVIII, avocat, vice-président du Sénat, 1973-1974, 224-229, M. Yans. Prix Nobel de la Paix (1854-1943), FULRAD, abbé de Saint-Quentin en XXXVIII, 1973-1974, 213-221, Vermandois et de Lobbes (?-826), R. Abs. XLI, 1979-1980, 315-318, J. Pycke. FONTAINES (Godefroid de). Voir FUNCK (Ghislain), avocat, homme GODEFROID de FONTAINES (ou de politique (1822-1877), XXXVIII, LIÈGE). 1973-197 229-24,34, S. De Coster. FORTZ. Voir MONGE (Léon de). Fuss (Henri), secrétaire général du FRAIPONT (Julien), zoologue, paléon­ ministère du Travail (1882-1964), tologue, anthropologue, professeur XL, 1977-1978, 300-304, S. De à l'Université de Liège (1857-1910), Coster. XXXVIII, 1973-1974, 221-224, Fuss (Lucien), avocat, directeur du G. Ubaghs. journal Le Soir (1888-1946), XL, FRAIPONT (Max ou Maximilien). Voir 1977-1978, 304-322, D. Denuit. GOEMANS (Camille). FRANCK (François), industriel, ama­ G teur d'art, mécène (1872-1932), XXXVII, 1971-1972, 299-301, G (Marie de). Voir GATTI de R. Avermaete. GAMOND (Zoé). FRANÇOIS (Albert), administrateur de * GAGGIA (Pietro), pseudonyme : sociétés, sénateur, philanthrope et FERRARI (Pietro), éducateur (1791- patriote (1879-1946), XL, 1977- 1845), XXXVII, 1971-1972, 313- 1978, 254-259, R. Abs. 320, R.-O.-J. Van Nuffel. FRANÇOIS (Charles), professeur de GAGNE (M.). Voir MONGE (Léon de). mathématiques (1888-1963), XL, GALET (Emile), lieutenant général 1977-1978, 259-261, L. Godeaux. (1870-1940), XL, 1977-1978, 323- FRANK (Louis), docteur en droit, avo­ 327, E. Wanty. cat à la Cour d'appel de Bruxelles, GALLAIT (Louis), peintre d'histoire, publiciste, l'un des fondateurs du de portraits et de genre, aquarelliste mouvement féministe belge (1864- et graveur (1810-1887), XL, 1977- 1917), XXXIX, 1976, 372-378, 1978, 327-339, S. Le Bailly de F. de Bueger-Van Lierde. Tilleghem. FREDERICQ (Léon, baron), physio­ GAMOND (Zoé de). Voir GATTI de logiste, naturaliste, professeur à GAMOND (Zoé). l'Université de Liège (1851-1935), GARMUNDE, OU GUARMUNDUS, WAR- XXXVII, 1971-1972, 301-310, MUNDUS, écolâtre de la cathédrale M. Florkin. de Tournai de 1101 à 1107 (?-1107), FREDERIX (Jacques). Voir FEYDER XLI, 1979-1980, 319-321, J. Pycke. (Jacques). * GASPARINI (Francesco), banquier FRÉ MATI. Voir BRAGARD (Henri). et commerçant (± 1655-1745), 14 TABLE ALPHABÉTIQUE DES NOTICES

XXXVIII, 1973-1974, 235-241, DOCTEUR KWIEBUS, J. DAMHOU- R. Wellens. DER, KWIEBE-KWIEBUS, JOÉ FLAN­ GATTI de GAMOND (Zoé), née de DERS, FRÈRE JEHAN DES ENTON- GAMOND, pseudonyme : MARIE de NOIRES, OLÉANDRE ; dramaturge et G , écrivain et pédagogue (1806- conteur (1898-1962), XLI, 1979- 1854), XXXVIII, 1973-1974, 241- 1980, 330-359, R. Beyen. 250, R.-O.-J. Van Nuffel. GHESQUIERE (Remi), compositeur GENGOU (Octave), médecin, micro­ (1866-1964), XL, 1977-1978, 347- biologiste et hygiéniste, sous-direc­ 354, B. Huys. teur de l'Institut Pasteur du Bra­ bant (1875-1957), XXXIX, 1976, GHEUDE (Charles), avocat, littéra­ 379-390, M. Millet. teur, député permanent du Bra­ bant (1871-1956), XXXVII, 1971- GERARD (Eric), ingénieur honoraire 1972, 323-327, J.-L. Delattre. des mines, chargé de cours aux GHEYN (Joseph VAN DEN), jésuite, Ecoles spéciales annexées à la Fa­ bollandiste, conservateur en chef culté des Sciences, puis professeur de la Bibliothèque royale de Bel­ à la Faculté Technique de l'Univer­ gique (1854-1913), XXXVII, 1971- sité de Liège et directeur de l'In­ 1972, 327-333, M. Coens. stitut électrotechnique Monteflore (1856-1916), XL, 1977-1978, 339- * GIBSON (Hugh), diplomate (1883- 346, J. Listray. 1954), XL, 1977-1978, 354-356, F. Vanlangenhove. GERARDY (Paul), pseudonymes : LOUP, * GILBERT (Philippe), mathématicien, ULTOR, JUSTIN WALLON, poète, professeur à l'Université de Lou­ journaliste et pamphlétaire (1870- vain (1832-1892), XXXVIII, 1973- 1933), XLI, 1979-1980, 321-330, 1974, 250-252, L. Godeaux. R. Fayt. GILLET (Joseph), mathématicien, ento­ GERDEN (François-Christian de), haut mologiste (1865-1937), XXXVII, magistrat (?-1788), XL, 1977-1978, 1971-1972, 333-335, A. Collart. 346-347, J. Lefèvre. GILTAY (Louis), zoologiste, conserva­ GERLACHE DE GOMERY (Adrien, baron teur au Musée royal d'Histoire de), illustre explorateur des régions naturelle de Belgique, professeur à polaires (1866-1934), XXXIX, 1976, l'Université de Bruxelles (1903- 390-429, J. Pelseneer. 1937), XXXIX, 1976, 434-438, P. Brien. GERTRUDE DE SAXE, comtesse de Flandre (-c. 1033-1113), XXXIX, GIMNÉE (Robert DE). Voir ROBERT 1976, 429-432, Nicolas-N. Huyghe- (François). baert. GLESENER (Edmond), haut fonction­ naire, homme de lettres (1874-1951), GESVES (Jean de), réformateur cis­ XXXIX, 1976, 438-442, A. Soreil. tercien ( - avant le 29 - 7 - 1420), XXXVII, 1971-1972, 320-323, GLUGE (Gottlieb), physiologiste, ana­ Ë. Brouette. tomiste, professeur à l'Université libre de Bruxelles (1812-1898), XL, GEVAERT (Omer), industriel (1850- 1977-1978, 356-366, S. Zylberszac. 1908), XXXIX, 1976, 432-434, GOB (Antoine), professeur de mathé­ R. Gottigny. matiques (1868-1919), XXXVIII, GHELDERODE (Michel DE), pseudo­ 1973-1974, 252-253, L. Godeaux. nyme et à partir du 12 juillet 1930 GOBLET D'ALVIELLA (Eugène, comte), nom patronymique officiel de MAR­ homme d'Etat, professeur, pionnier TENS (Adolphe) ; pseudonymes occa­ de la science des religions, archéo­ sionnels : LE CITOYEN CLAVIÈRE, logue, orientaliste, géographe (1846- SCEPTICUS, PHILOSTÈNE COSTENO- 1925), XLI, 1979-1980, 359-362, BLE, BABYLAS, A. DE BASSEVELDE, F. Vanlangenhove. TABLE ALPHABÉTIQUE DES NOTICES 15

GODEFROID DE BATH, évêque en GOVAERTS (Paul), clinicien et physio- Angleterre (seconde moitié du pathologiste, professeur à l'Univer­ XIe siècle-1135), XXXIX, 1976, sité libre de Bruxelles (1889-1960), 442-444, N.-N. Huyghebaert. XLI, 1979-1980, 373-382, A. Colard. GODEFROID de FONTAINES (OU de GRAFÉ (Marcel), avocat, homme de LIÈGE), prêtre séculier, théologien, lettres, homme politique (1884- philosophe, maître régent en théo­ 1936), XXXVII, 1971-1972, 351- logie à Paris, membre du Collège 358, H. Lavachery. de Sorbonne (avant 1250 - après 1306), XXXVII, 1971-1972, 335- GRATIA (André), microbiologiste, pro­ 343, P. Tihon. fesseur à l'Université de Liège (1893-1950), XXXIX, 1976, 444- GODEFROID de LIÈGE. Voir GODE­ 451, P. Bordet. FROID de FONTAINES. GREEF (Arthur DE), pianiste-concer­ GOEMANS (Camille), pseudonyme : tiste, compositeur, pédagogue du FRAIPONT (Max ou Maximilien) et piano (1862-1940), XXXVIII, 1973- pseudonyme collectif recouvrant 1974, 280-287, R. Bernier. Goemans, Robert Guiette et André Souris : ROCAN, poète, critique et GREEF (Guillaume DE), sociologue, courtier d'art, un des fondateurs professeur d'Université (1842-1924), du groupe surréaliste en Belgique XXXVII, 1971-1972 358-373, (1900-1960), XXXVIII, 1973-1974, L. Viré. 253-269, A. Blavier. GREINDL (Jules, comte), diplomate GOES (Mathias VAN DER), imprimeur (1835-1917), XXXVII, 1971-1972, (?-1492), XL, 1977-1978, 366-370, 373-376, J. Willequet. A. Rouzet. GREUZE (Louis), artiste graveur, pro­ GoETGHEBUER (Maurice), médecin et entomologiste (1876-1962), fesseur à l'Académie des Beaux- XXXVIII, 1973-1974, 269-273, Arts de Mons (1863 - 1950), A. Collart. XXXVII, 1971-1972, 376-380, CI. Piérard. GOOSSENS (Alphonse), aquarelliste, illustrateur scientifique et peintre GRONCKEL (François de), pseudonyme de fleurs (1866-1944), XLI, 1979- occasionnel : TWYFELLOOS (Fran- ciscus), juriste et politicien (1816- 1980, 363-365, A. Lawalrée. 1871K XXXVIII, 1973-1974, 287- GORRISSEN (Frédéric), professeur, his­ 289, J. Vercruysse. torien (1812-1871), XXXVII, 1971- GRONDAL (Guillaume), comptable, 1972, 343-347, A. Joris. archéologue (1879-1960), XXXIX, GOSSART (François), pharmacien, chi­ 1976, 451-453, G. Poswick. miste (1769-1846), XXXVII, 1971- GROSJEAN (Paul), bollandiste (1900- 1972, 347-351, M.-A. Arnould. 1964), XLI, 1979-1980, 383-388, * GOURNAC (François), artiste drama­ Cl. Sterckx. tique, professeur au Conservatoire GUARMUNDUS. Voir GARMUNDE. royal de Bruxelles, directeur du Théâtre royal du Parc (1874-1932), GUETTEUR (LE). Voir BRAGARD XXXVIII, 1973-1974, 273-276, (Henri). A. Bernier. GUILLAUME (Gustave, baron), officier, GOUVY (Florent), industriel (1806- ministre de la Guerre et écrivain 1869), XLI, 1979-1980, 365-373, (1812-1877), XXXVIII, 1973-1974, P. Léon. 289-300, A. Duchesne. GOUZÉE (Henri), médecin militaire * GUNHILDE, OU GUNILDE, fille du (1796-1894), XXXVIII, 1973-1974, comte Godwin et de Githa, sœur 276-280, J.-R. Leconte. de Knut ou Canut, roi de Danemark 16 TABLE ALPHABÉTIQUE DES NOTICES

(?-1087), XXXIX, 1976, 453-456, XXXVIII, 1973-1974, 304-312, N.-N. Huyghebaert. R. Warlomont. GUNILDE. Voir GUNHILDE. HAVART (Gilles-Albert), imprimeur (1671-1725), XL, 1977-1978, 374- H 376, R. Wellens. HACHEZ (Fernand), ingénieur, pro­ HAVART (Gilles-Ursmer), imprimeur fesseur à l'Université catholique (1635-1704), XL, 1977-1978, 376- de Louvain (1865-1947), XXXVII, 377, R. Wellens. 1971-1972, 381-394, A. Lederer. HAVART (Jean), libraire, imprimeur HAERNE (Désiré DE), prêtre, éduca­ (1599-1652), XL, 1977-1978, 377- teur, homme politique (1804-1890), 379, R. Wellens. XXXVII, 1971-1972, 395-403, HAYOT (Évariste), historiographe de B. Janssens de Bisthoven. la région de Dînant (1881-1952), HALLEUX (Jean de), philosophe, pro­ XXXVII, 1971-1972, 420-423, fesseur à l'Université de Gand É. Brouette. (1868-1936), XXXVII, 1971-1972, HEHBELINCK (Georges), journaliste, 403-405, R. Warlomont. romancier (1916-1964), XL, 1977- HAMED. Voir HINS (Eugène). 1978, 379-382, R. Abs. HAMOIR (Joseph), docteur en méde­ HEBBELYNCK (Adolphe), orientaliste, cine vétérinaire, chargé de cours recteur magnifique de l'Université à l'École de Médecine vétérinaire de catholique de Louvain (1859-1939), Cureghem (1872-1924), XXXVIII, 1973-1974, 301-304, J. Derivaux. XLI, 1979-1980, 389-396, J. Mos- say. HANNECART (Georges), industriel (1887-1950), XL, 1977-1978, 371- HECKE (Albert VAN), ingénieur, dé­ 374, J. Willequet. puté, professeur d'Université (1881- 1959), XXXIX, 1976, 463-467, HANNON-ROUSSEAU (Mariette), bota­ A. Lederer. niste, mycologue (1850-1926), XXXVII, 1971-1972, 405-410, HEERSTRATEN (Egidius, Aegidius ou M. Wodon. Gielis VAN DER), imprimeur ( ? - avant le 23 décembre 1490), XLI, HANOCQ (Charles), ingénieur, pro­ 1979-1980, 397-399, L. Mees. fesseur à l'Université de Liège (1881-1961), XXXVII, 1971-1972, HÉGER (Paul), médecin, physiolo­ 410-413, A. Schlag. giste, professeur à l'Université libre de Bruxelles (1846-1925), XXXVII, HARSCAMP (Isabelle, comtesse d'). 1971-1972, 423-429, A. Colard. Voir BRUNELLE (Isabelle). * HEINEMAN (Dannie-N.), ingénieur, HAUCHAMPS (Camille), notaire, pro­ homme d'affaires, philanthrope fesseur de droit notarial et de droit (1872-1962), XL, 1977-1978, 382- fiscal à l'Université libre de Bru­ 420, F. Vanlangenhove. xelles (1873-1958), XXXIX, 1976, 457-463, J. Baugniet. HELBIG (Jules), artiste peintre, archéo­ logue (1821-1906), XXXVII, 1971- HAULLEVILLE (Prosper, baron de), 1972, 429-431, J. Lavalleye. dit BREUX (Félix de), journaliste, écrivain catholique (1830-1898), HEMELRIJCK (Maurice VAN), sénateur, XXXVII, 1971-1972, 413-420, ministre de l'Instruction publique, N. Piepers. ministre du Congo belge et du HAUS (Jacques-Joseph), pénaliste, Ruanda-Urundi, président du Boe­ professeur de droit criminel à l'Uni­ renbond (1901-1964), XLI, 1979- versité de Gand (1796-1881), 1980, 399-414, G.-H. Dumont. TABLE ALPHABÉTIQUE DES NOTICES 17

HENDRIKSSONE (G.). Voir HIEL (Ema­ HIRSCH (Arthur), avocat (1873-1933), nuel). XL, 1977-1978, 434-437, Fr. Noël. HÉNON (Claude), libraire, imprimeur HOFFSCHMIDT de RESTEIGNE (début XVIIe s. - 1671), XL, 1977- (Edmond, baron d'), officier des 1978, 420-421, R. Wellens. armées impériales, philanthrope * HENRIOT (Emile), physicien, pro­ (1777-1861), XXXVII, 1971-1972, fesseur à l'Université libre de Bru­ 449-451, Cl. Piérard. xelles (1885-1961), XL, 1977-1978, HOLLENFELTZ (Jean), médecin, ar­ 421-423, J. Timmermans. chéologue, folkloriste, numismate, HENRY (Louis), chimiste, professeur sigillographe (1898-1944), XL, 1977- à l'Université catholique de Lou­ 1978, 437-443, H. Jacob. vain (1834-1913), XLI, 1979-1980, ° HONDIUS (Jodocus ou Judocus), 414-427, A. Bruylants. ou Joost DE HONT, DE HONDT HENRY (Paul), physico-chimiste, pro­ ou DHONT, humaniste, mathéma­ fesseur à l'Université catholique de ticien, constructeur de poinçons ou Louvain (1866-1917), XLI, 1979- matrices pour les caractères d'im­ 1980, 427-433, A. Bruylants. primerie, dessinateur, calligraphe, graveur, cartographe, constructeur HERHO (Léon), peintre (1850-1907), de globes et éditeur (1563-1612), XXXVII, 1971-1972, 432-433, XL, 1977-1978, 443-467, A. De S. Le Bailly de Tilleghem. Smet. HERMAN (Martin), médecin biolo­ HONDT (Joost DE). Voir HONDIUS giste, hygiéniste (1864-1938), (Jodocus ou Judocus). XXXVII, 1971-1972, 433-437, 0 Th. Verschraegen. HONNOREZ (Pierre-Lambert), méde­ cin (1738-1809), XLI, 1979-1980, HERNAN[I] DE CASTILLE. Voir SEVE- 433-434, R. Wellens. RIN (Fernand). HONT (Joost DE). Voir HONDIUS HERSENT (Camille). Voir LERBERGHE (Jodocus ou Judocus). (Charles VAN). 0 HOOP (Félix D'), archiviste et histo­ HEUREUX (Gaspard L'), dessina­ rien (1827-1897), XXXVIII, 1973- teur, lithographe (1783-1846), 1974, 312-314, C. Wyffels. XXXVII, 1971-1972, 437-438, M.-A. Arnould. HOORICKX (Frédéric), diplomate (1836-1911), XXXVIII, 1973-1974, HEYMANS (Corneel), professeur de 314-319, A. Duchesne. pharmacologie à l'Université de * HOOVER (Herbert Clark), trente et Gand, Prix Nobel de Physiologie unième président des États-Unis et de Médecine en 1938 (1892- d'Amérique, homme d'affaires 1968), XL, 1977-1978, 423-434, et philanthrope (1874-1964), G.R. De Vleeschhouwer et A.F. De XXXVIII, 1973-1974, 319-323, Schaepdryver. J. Willequet. HEYNS (Gilles). Voir SOMMERS (Gilles). HOUZEAU de LEHAIE (Jean), natura­ liste et ethnologue (1867-1959), HIEL (Emanuel), pseudonyme occa­ XL, 1977-1978, 468-471, R. Mar- sionnel : G. HENDRIKSSONE, lit­ lière. térateur flamand (1834-1899), XXXVII, 1971-1972, 438-442, HOYAU (David), héraut d'armes de la G. Toebosch. principauté de Liège et du comté de Hainaut (1520-1589), XXXIX, HINS (Eugène), pseudonymes : DIO- 1976, 467-470, R. Wellens. GÈNE, HAMED, professeur, homme de lettres, homme politique, publi­ HUBINONT (Georges), médecin (1890- ciste (1839-1923), XXXVII, 1971- 1964), XL, 1977-1978, 471-472, 1972, 442-449, R. Mortier. A. Colard. 18 TABLE ALPHABÉTIQUE DES NOTICES

HUBLARD (Emile), docteur en sciences JAMAR (Armand), artiste peintre naturelles (1863-1927), XXXVII, (1870-1946), XXXVIII, 1973-1974, 1971-1972, 451-454, R. Wellens. 340-344, L. Rolin. HULLEBROECK (Emiel), compositeur, JAMINÉ (Joseph), avocat, homme chanteur et pédagogue (1878-1965), politique (1797-1883), XXXVII, XLI, 1979-1980, 434-440, B. Huys. 1971-1972, 461-466, R. Warlomont. HUSTIN (Albert), chirurgien et phy­ JANSON (Jacques). Voir JANSONIUS siologiste, professeur à l'Université (Jacques). libre de Bruxelles (1882-1967), JANSON (Paul), avocat, tribun et XXXVIII, 1973-1974, 323-330, M. van der Ghinst. homme politique, ministre d'Etat (1840-1913), XL, 1977-1978, 476- 531, J.-L. De Paepe. I JANSONIUS (Jacques), ou JANSSO- INNIS (Henri-Marie VAN), magistrat NIUS, JANSON, JANSZOON, théolo­ gien, professeur à l'Université de et homme politique (1790-1864), Louvain (1547-1625), XXXVII, XLI, 1979-1980, 441-446, R. War- 1971-1972, 467-474, L. Ceyssens. lomont. JANSSEN (Albert-Edouard), professeur ISIDORE DE SAINT-JOSEPH, nom de à l'Université catholique de Lou­ famille : DE BAES, carme déchaux vain, banquier, ministre d'Etat (fin XVIe siècle-1666), XXXVII, (1883-1966), XXXIX, 1976, 499- 1971-1972, 455-458, L. Ceyssens. 505, Baron de Voghel. JANSSENS (André), entomologiste J (1906-1954), XXXVII, 1971-1972, « JACOBS (Jean), orfèvre (1574 ?-1650), 474-478, A. Collart. XXXVIII, 1973-1974, 331-338, JANSSENS (Frans), cytologiste, pro­ R.-O.-J. Van Nuffel. fesseur à l'Université catholique de JACOBS (Louis), avocat, magistrat, Louvain, chanoine honoraire de la membre du Congrès National (1803- cathédrale Saint-Bavon à Gand 1847), XXXVIII, 1973-1974, 338- (1863-1924), XXXVIII, 1973-1974, 340, J. Willequet. 344-353, P. Martens. JANSSENS (Henri), en religion DOM JACQUART (Camille), secrétaire géné­ LAURENT, moine bénédictin, abbé ral du ministère de l'Intérieur, pro­ titulaire du Mont-Blandin à Gand, fesseur à l'Ecole supérieure consu­ évêque titulaire de Bethsaïde, théo­ laire et commerciale de Mons (1867- logien, écrivain (1855-1925), 1931), XXXIX, 1976, 471-478, XXXVIII, 1973-1974, 353-358, A. Dufrasne. G. Ghysens. JACQUEMIN (Camille), prêtre, musicien JANSSENS (Dom Laurent). Voir JANS­ (1899-1947), XXXVII, 1971-1972, SENS (Henri). 459-461, P. Tinel. JANSSONIUS (Jacques). Voir JANSO­ JACQUEMOTTE (Joseph), pseudonyme NIUS (Jacques). occasionnel : LEPIC, syndicaliste, JANSZOON (Jacques). Voir JANSONIUS fondateur et dirigeant du Parti (Jacques). communiste de Belgique, membre JAUMOTTE (Jules), directeur de l'In­ de la Chambre des représentants stitut royal météorologique de Bel­ (1883-1936), XXXIX, 1976, 478- gique (1887-1940), XXXVIII, 1973- 499, M. Steinberg. 1974, 358-370, J. Van Mieghem. JAER (Camille DE), avocat et homme JEAN FLANEUR. Voir LOISEAU (Louis). politique (1847-1907), XL, 1977- JEAN de GESVES. Voir GESVES 1978, 473-476, R. Warlomont. (Jean de). TABLE ALPHABÉTIQUE DES NOTICES 19

JEAN de MONS. Voir EUSTACHE KEESEN (Eugène), prêtre, homme (Jean). d'œuvres, journaliste et homme JESPERS (Floris), artiste peintre (1889- politique (1841-1923), XL, 1977- 1965), XXXIX, 1976, 505-510, 1978, 553-557, R. Warlomont. R. Avermaete. * KEMLIN (François), maître de ver­ JEVENOIS (Antoine), imprimeur (1759- rerie-cristallerie (1784-1855), XLI, 1836), XL, 1977-1978, 531-533, 1979-1980, 457-460, J. Philippe. R. Wellens. KEMPENEER (Hippolyte DE), ou DE- JOASSART (Gustave), industriel (1880- KEMPENEER, producteur de films 1953), XLI, 1979-1980, 447-453, et directeur de laboratoire (1876- Cl. Gaier. 1944), XLI, 1979-1980, 460-467, JONES (John). Voir ROBERTS-JONES Fr. Bolen. (John). KERCHOVE de DENTERGHEM (André, 0 JONGHELINCK (Jacques), sculpteur, comte de), diplomate, homme poli­ médailleur et graveur de sceaux tique (1885-1945), XXXIX, 1976, (1530-1606), XXXVIII, 1973-1974, 511-521, F. Vanlangenhove. 370-388, L. Smolderen. JONGHELINCK (Nicolas), homme d'af­ KERCHOVE de DENTERGHEM (Oswald, faires et amateur d'art (1517-1570), comte de), juriste, homme politique, XXXVIII, 1973-1974, 389-391, écrivain horticole (1844-1906), L. Smolderen. XXXVII, 1971-1972, 483-489, JOORIS (Pierre), pseudonyme : LUNCQ W. Robyns. (Jacques), avocat, résistant (1909- KERCHOVE d'ExAERDE (Alfred de), 1943), XLI, 1979-1980, 453-456, en religion DOM ROBERT, premier W. Ugeux. abbé du Mont César à Louvain JOOSTENS (Paul), pseudonyme occa­ (1846-1942), XL, 1977-1978, 557- sionnel : JEAN YOSTMAN, artiste 559, R. Van Doren. peintre, écrivain (1889-1960), KERKHOFS (Fernand), un des précur­ XXXVII, 1971-1972, 478-482, seurs de la Résistance (1890-1947), R. Avermaete. XXXVII, 1971-1972, 489-490, JOURDAIN (Louis), ingénieur des mi­ H. Bernard. nes, un des principaux inventeurs du bassin houiller de la Campine, KERKHOFS (Louis-Joseph), évêque de fondateur et directeur du journal Liège (1878-1962), XLI, 1979-1980, Le Patriote (1847-1918), XXXVIII, 468-482, J. Coppens. 1973-1974, 391-401, J. Vander Vorst. KERVYN DE LETTENHOVE (Henri), archéologue, historien de l'art, pu­ JOURDAIN (Victor), fondateur et direc­ bliciste (1856-1928), XXXIX, 1976, teur du journal catholique Le Patriote, fondateur du journal clan­ 521-531, N.-N. Huyghebaert. destin La Libre Belgique (1841- KERVYN de MARCKE ten DRIESSCHE 1918), XXXVIII, 1973-1974, 402- (Roger), docteur en droit, écrivain 414, J. Vander Vorst. (1896-1965), XL, 1977-1978, 559- JULIN (Charles), zoologiste, professeur 566, M. Mousenne. à l'Université de Liège (1857-1930), KINDER (Constant de), littérateur XL, 1977-1978, 533-542, P. Brien. (1863-1943), XXXIX, 1976, 531- 532, R. Avermaete. Κ KISTEMAECKERS (Henry), éditeur (1851-1935), XXXVIII, 1973-1974, KAECKENBEECK (Georges), juriste et 415-425, C. De Cruyenaere-Baudet. diplomate (1892-1973), XL, 1977- KLAUWAERDINNE (Nele). Voir MAEGT 1978, 543-553, F. Vanlangenhove. (Johan de). BIOGR. NAT. — t. XLI. 28 20 TABLE ALPHABÉTIQUE DES NOTICES

KREPS (Joseph), organiste, musico­ LAMALLE (Ulysse), ingénieur, direc­ logue (1886-1965), XL, 1977-1978, teur général adjoint au chemin de 566-570, R. Van Doren. fer belge et professeur à l'Univer­ sité catholique de Louvain (1877- * KRIDL (Manfred), historien et théo­ 1964), XL, 1977-1978, 573-577, ricien de la littérature, professeur agrégé de l'Université libre de A. Lederer. Bruxelles (1882-1957), XXXVIII, LAMARCHE (Gilles-Antoine), industriel, 1973-1974, 425-434, C. Backvis. fondateur de la Société anonyme de KRINKELS (Lodewijk), journaliste, cri­ la Fabrique de Fer, à Ougrée, et tique dramatique (1863-1921), de la Société anonyme de Zinc et XXXIX, 1976, 532-533, R. Aver- Charbonnage de Colladios, à Mons- maete. lez-Liège (1785-1865), XXXIX, 1976, 584-590, J. Puraye. KUYPERS (Julien), ministre plénipo­ tentiaire, secrétaire général du mi­ * LAMBERMONT (Abel de), pasteur nistère de l'Instruction publique (1639-1732), XL, 1977-1978, 577- (1892-1967), XXXIX, 1976, 533- 580, H.-R. Boudin. 540, M. Coulon. * LAMBERT (Samuel), ou CAÏN (Sa­ KWIEBE-KWIEBUS. Voir GHELDERODE muel), banquier (1806-1875), XL, (Michel DE). 1977-1978, 580-597, Y. Delannoy. LAMBOT (Emile), en religion DOM KWIEBUS (Docteur). Voir GHELDE­ CYRILLE, moine bénédictin, érudit RODE (Michel DE). ecclésiastique (1900-1968), XL, 1977-1978, 597-600, P.-P. Verbra­ L ken. 0 LAMPSON (Dominique), ou LAMPSO- LADEUZE (Paulin), orientaliste et exé- NIUS, peintre, poète, historien de gète du Nouveau Testament, rec­ l'art, secrétaire privé de trois prin- teur magnifique de l'Université de ces-évêques de Liège (1532-1599), Louvain, évêque titulaire de Tibé- XXXIX, 1976, 590-597, J. Puraye. riade (1870-1940), XXXIX, 1976, 0 541-563, A.-L. Descamps. LAMPSON (Nicolas), ou LAMPSO- NIUS, poète, humaniste, chanoine LAFOSSE (Victor), médecin, professeur, et doyen du chapitre collégial de propagandiste du système philoso­ Seint-Denis, à Liège (1550-1635), phique et social de Colins (1863- XXXIX, 1976, 597-599, J. Puraye. 1942), XXXIX, 1976, 563-569, I. Rens. LAMPSONIUS. Voir LAMPSON. LAMY (Charles). Voir MARTENS (Char­ LAHAUT (Julien), président du Parti les). communiste de Belgique, membre LAMY (Thomas), orientaliste et de la Chambre des représentants bibliste, professeur à l'Université (1884-1950), XXXIX, 1976, 569- catholique de Louvain (1827-1907), 584, M. Steinberg. XXXVIII, 1973-1974, 435-437, G. Ryckmans. LAHAYE (Léon), archiviste, historien, bibliophile, philanthrope (1857- LANGE JAN. Voir BOECKHORST (Jan, 1943), XL, 1977-1978, 571-573, Jean ou Johannes). M. Yans. 0 LANGHE (Olivier de), alias LONGUS ou LONGI (Oliverius ou Oliverus), LALOO (Alonso, chevalier de), secré­ prieur de l'abbaye bénédictine de taire du Conseil suprême de Flandre Saint-Bavon à Gand (fin XIVe siè­ et de Bourgogne ( -1608), XXXVII, cle- ± 1461), XXXVIII, 1973-1974, 1971-1972, 491-495, J. Lefèvre. 438-452, C. Hap. TABLE ALPHABÉTIQUE DES NOTICES 21

LANGIUS (Niverius). Voir LANCHE LEKEU (Guillaume), compositeur (Olivier de). (1870-1894), XXXVII, 1971-1972, LANGUEAN. Voir BOECKHORST (Jan, 522-526, J. Robijns. Jean ou Johannes). LELIÈVRE (Xavier), juriste et homme politique (1805-1876), XXXVIII, LE BŒUF (Henry), pseudonyme : 1973-1974, 452, A. Dulière. Henri LESBROUSSART, homme d'af­ faires, mécène (1874-1935), XL, LELONG (Auguste-Joseph), imprimeur 1977-1978, 600-605, P. Janlet. et libraire (1761-1800), XL, 1977- 1978, 618-619, R. Wellens. LEBON (Joseph), patrologue, pro­ LEMAÎTRE (Georges, Mgr), astronome, fesseur à l'Université de Louvain cosmologiste, professeur à l'Univer­ (1879-1957), XXXVII, 1971-1972, sité catholique de Louvain (1894- 495-499, Ph. Delhaye. 1966), XXXVIII, 1973-1974, 453- 466, Ch. Manneback. LECOMTE (Alphonse), curé d'Havre, directeur de l'Ecole normale de LEMAÎTRE (Henri), avocat et homme politique (1822-1904), XXXVIII, l'Etat à Mons, inspecteur des Col­ 1973-1974, 466-467, A. Dulière. lèges ecclésiastiques du diocèse de Tournai, chanoine honoraire de la LÉMAN (Henri, comte), lieutenant cathédrale (1824-1881), XXXIX, général - médecin (1882 - 1952), 1976, 599-604, A.-M. Evrard. XXXVII, 1971-1972, 526-528, H. Bernard. LECRENIER (Adolphe), chimiste, direc­ LEMBRECHTS (Alfons), mathématicien, teur technique des Cristalleries du professeur à l'Université de Gand Val-Saint-Lambert (1865-1939), XL, (1891-1967), XXXVIII, 1973-1974, 1977-1978, 605-607, J. Philippe. 467-468, F. Backes. 0 LEDROU (Pierre-Lambert), ou LE LEMMENS (Jaak), compositeur, orga­ DROU, religieux de l'ordre des niste et pédagogue (1823-1881), Ermites de Saint-Augustin, théolo­ XXXIX, 1976, 616-621, B. Huys. gien, évêque de Porphyre et sacriste LENTZ (Robert), général-major, pion­ du Pape, puis vicaire général de nier de la Résistance (1885-1949), l'évêque de Liège Joseph-Clément XXXVII, 1971-1972, 528-531, de Bavière (1641-1721), XXXVII, H. Bernard. 1971-1972, 499-522, G. Moisse. * LEOPOLD - GUILLAUME, archiduc * LEFEBVRE (Pierre), en religion DOM d'Autriche, gouverneur général des GASPAR, moine bénédictin, litur- Pays-Bas (1614-1662), XXXVII, giste (1880-1966), XL, 1977-1978, 1971-1972, 531-538, J. Lefèvre. 607-615, N.-N. Huyghebaert. LEPIC. Voir JACQUEMOTTE (Joseph). LEFÈVRE (Marcel), compositeur de 0 LERBERGHE (Charles VAN), pseudo­ musique, chansonnier (1863-1941), nymes occasionnels : Paul FLOREN­ XXXIX, 1976, 604-610, M. Mou- TIN et Camille HERSENT, écrivain senne. (1861-1907), XXXVIII, 1973-1974, 468-492, R.-O.-J. Van Nuffel. LEFORT (Louis-Théophile), helléniste et orientaliste, professeur à l'Uni­ LERUTH (Robert), entomologiste versité catholique de Louvain (1879- (1912-1940), XXXVII, 1971-1972, 1959), XL, 1977-1978, 615-618, 538-543, A. Collart. G. Garitte. LESBROUSSART (Henri). Voir LE BŒUF * LEJEAS (François-Antoine, baron), (Henri). moine cistercien, vicaire général de LETROYE (Armand), géodésien, géo­ l'Archevêque de Paris, « évêque graphe, professeur à l'Université nommé de Liège » (1744-1827), libre de Bruxelles (1885-1963), XL, XXXIX, 1976, 610-616, J. Puraye. 1977-1978, 619-621, J, Loodts. 22 TABLE ALPHABÉTIQUE DES NOTICES

LEURS (Auguste), lieutenant général LOUWERS (Octave), spécialiste belge (1812-1877), XXXVIII, 1973-1974, des questions africaines (1878-1959), 492-494, J.-R. Leconte. XL, 1977-1978, 624-626, J. Wille- LEVI (Georges). Voir MONTEFIORE quet. LEVI (Georges). LUCIEN (Clément). Voir REMI DE LEY (Auguste), docteur en médecine, BEAUVAIS. psychologue, psychiatre, professeur à l'Université libre de Bruxelles LUNCQ (Jacques). Voir JOORIS (Pierre). (1873-1956), XXXIX, 1976, 622- LURQUIN (Constant), mathématicien, 645, S. De Coster. pédagogue, professeur d'Université LIBEAU (Gustave), pseudonyme de (1888-1958), XXXVII, 1971-1972, LIBION (Gustave), comédien et au­ 543-558, A. Gardedieu. teur dramatique (1877-1957), XL, LUSY (Antoine de), bourgeois de 1977-1978, 621-624, A. Bernier. Mons, auteur d'un journal manu­ LIBION (Gustave). Voir LIBEAU (Gus­ scrit [1505-1536] (1478-1536), tave). XXXVII, 1971-1972, 558-564, LIÈGE (Godefroid de). Voir GODE- A. Louant. FROID de FONTAINES (OU de LIÈGE). M LINDEN (Pierre VAN DER, dit Pedro), médecin militaire et chef du ser­ MACAR (Ferdinand-Balthazar, baron vice de santé de l'armée mexicaine do), juriste, fonctionnaire, sénateur (1804-1860), XXXVIII, 1973-1974, libéral et administrateur (1785- 494-500, A. Duchesne. 1866), XLI, 1979-1980, 485-488, LOISEAU (Constant), ophtalmologue M.-A. Paridaens. militaire, professeur à l'Institut ophtalmique militaire de Louvain MAEGT (Johan de), inscrit à l'état (1838-1890), XXXVIII, 1973-1974, civil Demaegt (Jan-Baptist), pseu­ 500-505, J. Mathieu. donymes : Nele Klauwaerdinne, A. Rannah, Pallieterke, Huib Uten- LOISEAU (Constant), ophtalmologue, broecke, Pekkavia, journaliste officier de santé militaire, médecin- et poète flamand (1876 - 1938), directeur de l'Institut ophtalmique de la province de Namur (1809- XXXVIII, 1973-1974, 515-519, 1854), XXXVIII, 1973-1974, 505- G. Toebosch. 508, J. Mathieu. MAERE D'AERTRIJCKE (Auguste, baron LOISEAU (Louis), pseudonymes : JEAN de), ingénieur, député (1826-1900), FLANEUR et MYOSOTIS, poète dia­ XXXIX, 1976, 655-661, A. Lederer. lectal (1858-1923), XXXVIII, 1973- MAES, famille de verriers (XVIIe- 1974, 508-510, A. Dulière. XlXe siècle), XXXVII, 1971-1972, LOISEAU (Modeste), général, écrivain 565-566, D. Bodart. militaire (1832-1900), XXXIX, 1976, 646-654, L. Leconte. ° MAES (Engelbert), magistrat, haut fonctionnaire (1545-1630), LONGI (Oliverius ou Oliverus). Voir LANCHE (Olivier de). XXXVII, 1971-1972, 566-569, J. Lefèvre. LONGUS (Oliverius ou Oliverus.) Voir LANGHE (Olivier de). MAES (Georges), ouvrier typographe, LORRAIN (Jennv), sculpteur et médail- secrétaire permanent du Conseil leur (1867-19"43), XXXVIII, 1973- général du Parti Ouvrier Belge 1974, 510-511, J. Lippens. (1865-1915), XXXVII, 1971-1972, LOUISE, princesse de Belgique, du­ 569-570, J. Puissant. chesse de Saxe, princesse de Saxe- MAGE (Jean), neurologue, général- Cobourg-Gotha (1858-1924), médecin, inspecteur général du XXXVIII, 1973-1974, 511-514, Service de Santé (1901 - 1962), Ch. Terlinden. XXXVIII, 1973-1974, 519-526, LOUP. Voir GÉRARDY (Paul). J. Mathieu. TABLE ALPHABÉTIQUE DES NOTICES 23

MAGE (Joseph), officier, professeur à MASSART (Jean), biologiste, profes­ l'École royale militaire et à l'École seur à l'Université libre de Bru­ de Guerre (1872-1950), XXXVIII, xelles (1865-1925), XXXVIII, 1973- 1973-1974, 526-530, F. Stockmans. 1974, 561-569, F. Stockmans. MAINGIE (Louis), actuaire, professeur MASSON (Arthur), professeur et écri­ et homme d'affaires (1867-1939), vain (1896-1970), XL, 1977-1978, XXXVIII, 1973-1974, 530-534, 627-632, A. Dulière. L. Van Meerbeeck. MASSON (Fulgence), avocat, homme MAISTRIAU (Victor), avocat, homme d'État (1854-1942), XXXVIII, politique (1870-1962), XXXVII, 1973-1974, 569-576, Cl. Piérard. 1971-1972, 570-573, Cl. Piérard. MATHIEU (Emile), compositeur, direc­ MAN (Henri de), inscrit à l'état civil teur du Conservatoire de Gand DEMAN, homme politique et publi­ (1844-1932), XL, 1977-1978, 633- ciste socialiste, professeur de psy­ 639, N. Eemans et R. Platel. chologie sociale (1885-1953), XXXVIII, 1973-1974, 535-554, MATHYS (François), artiste peintre M. Brélaz et I. Rens. (1885-1956), XXXVIII, 1973-1974, 576-579, A. Maebe. MANDART (Horace), professeur de mathématiques (1866- 1953), MAUS (Henri), ingénieur (1808-1893), XXXVIII, 1973-1974, 554-555, XXXIX, 1976, 668-677, A. Lederer. L. Godeaux. MAYENCE (Fernand), archéologue, MARCQ (Léon), médecin (1833-1869), professeur emèrite de l'Université XXXVII, 1971-1972, 573-575, catholique de Louvain, conserva­ A. Collard. teur-délégué honoraire des Musées MARES (Roland DE), journaliste (1874- royaux d'Art et d'Histoire de Bru­ 1955), XLI, 1979-1980, 488-496, xelles (1879-1959), XXXIX, 1976, D. Denuit. 677-683, V. Verhoogen. MARIAN DE SAINT-ANTOINE, à l'état MEELE (Jean). Voir MIEL (Jean). civil THOMAS (Lambert-Barthélemi), MEERE (Auguste van der), comte de carme et poète wallon (1726-1801), Cruyshautem, général, conspirateur XLI, 1979-1980, 496-498, M. Piron. (1797-1880), XXXIX, 1976, 683- MARIE-HENRIETTE DE HABSBOURG- 697, L. Leconte. LORRAINE, archiduchesse d'Autri­ MEHR ' (Polleke VAN). Voir TIMMER­ che, reine des Belges (1836-1902), MANS (Felix). XXXVII, 1971-1972, 575-579, MELEN (Eugène), industriel, filateur, Ch. Terlinden. constructeur (1815-1880), XXXIX, MARQUET (Georges), homme d'affaires 1976, 697-705, P. Léon. et personnalité politique (1866- MELLINET (Anne-François), adjudant- 1947), XLI, 1979-1980, 498-517, général de l'armée française, général P. Lefèvre. de l'armée belge, démocrate dont MARTENS (Adolphe). Voir GHELDE- l'activité se déroula principalement • RODE (Michel DE). en Belgique, porte-drapeau de l'op­ position démocratique et socialiste MARTENS (Charles), pseudonyme : LAMY (Charles), musicologue, com­ en 1848 (1768-1852), XXXVII, positeur, avocat, littérateur, philo­ 1971-1972, 580-585, F. Sartorius. logue, esthète (1866-1921), MÉLOT (Joseph), dit SAHEL (Léon), XXXVIII, 1973-1974, 555-561, diplomate (1873-1943), XLI, 1979- P. Tinel. 1980, 517-523, M. Dumoulin. MARTIN (Célestin), industriel, fllateur, MÉLOTTE, famille d'industriels des constructeur (1826-1876), XXXIX, XIXe et XXe siècles, XXXVIII, 1976, 661-668, P. Léon. 1973-1974, 579-590 : MÉLOTTE 24 TABLE ALPHABÉTIQUE DES NOTICES

(Joseph), constructeur de moulins ques (1833-1908), XLI, 1979-1980, à vent (1792-1828), 579; MÉLOTTE 555-564, A. Leclercq. (Guillaume), inventeur et construc­ teur de machines agricoles (1826- MOL (Robert de), peintre (après 1878), 579-580; MÉLOTTE (Jules), 1640-vers 1680), XXXVII, 1971- inventeur, industriel, philanthrope 1972, 594, D. Bodart. (1858-1919), 580-588; MÉLOTTE MOLITOR (Lambert), fonctionnaire au (Alfred), inventeur, industriel (1855- (1943), 588-589, A. Leunen. ministère belge des Finances, admi­ nistrateur général des Douanes de MENDEL. Voir BOM (Emmanuel DE). la Perse (1875-1959), XL, 1977- MEYER (Albert DE), professeur d'his­ 1978, 642-646, A. Destrée. toire à l'Université catholique de Louvain (1887-1952), XXXVIII, MOMBAERS (Corneille), faïencier 1973-1974, 590-592, J. Lavalleye. (?- ± 1729-1730), XXXVIII, 1973- 1974, 592-594, A.-M. Mariën-Dugar- MEYER (Jean DE), médecin, profes­ din. seur à l'Université libre de Bru­ MOMBAERS (Philippe), faïencier (1693- xelles (1878-1934), XLI, 1979-1980, 1754), XXXVIII, 1973-1974, 594- 523-533, Fr. Stockmans. 596, A.-M. Mariën-Dugardin. MEYNNE (Alphonse), avocat, homme MOMPER (Jean de), alias MONSÙ X, politique (1839-1915), XLI, 1979- Giovanni d'ANVERSA, peintre 1980, 533-535, P. Lefèvre. de paysages (1614-après 1688), XXXVII, 1971-1972, 594-596, MICAULT (Jean, chevalier), conseiller, D. Bodart. trésorier de l'Ordre de la Toison d'Or, receveur général des Pays- ° MONAVILLE (François), ou MONNA- Bas ( -1539), XXXVII, 1971- VILLE, surnommé DE JEUGD, pein­ 1972, 585-587, G. Preud'homme. tre (1646-1715), XXXVII, 1971- 0 MICHEL (Charles), libraire, relieur 1972, 596-598, D. Bodart. et imprimeur (c. 1550-entre 1635 * MONDRAGON (Christoval, cheva­ et 1638), XL, 1977-1978, 639-642, lier de), homme de guerre espagnol R. Wellens. (1504-1596), XXXVII, 1971-1972, MICHEL (Louis), linguiste, historien 598-601, J. Lefèvre. de la littérature française médié­ ° MONE (Jean), ou MONET, sculpteur vale (1906-1944), XLI, 1979-1980, (c. 1485/1490 ?-1549?), XL, 1977- 535-538, O. Jodogne. 1978, 646-652, L. Hadermann-Mis- MICHIELS (Jean-François), sculpteur guich. sur bois, photographe (1823-1887), MONET (Jean). Voir MONE (Jean). XXXIX, 1976, 705-708, A. Jacops. MONGE (Léon DE), inscrit à l'état MICHIELS (Oscar), général, chef de civil DEMONGE, pseudonymes : Pétat-major général de l'armée en FORTZ et M. GAGNE, professeur de 1940 (1881-1946), XLI, 1979-1980, littérature à l'Université catholi­ 538-548, A.-E. Crahay. que de Louvain (1834-1894), XLI, ° MIEL (Jean), ou MEELE, aiiasBiEKE, 1979-1980, 564-567, W. Bal. Giovanni delle VITE, peintre-gra­ MONNAVILLE (François). Voir MONA- veur (1599-1663), XXXVII, 1971- VILLE (François). 1972, 587-594, D. Bodart. MONS (Jean de). Voir EUSTACHE MILLY. Voir SOLVAY (Lucien). (Jean). MINNAERT (Marcel), physicien, astro­ MONS (Louis de). Voir PRESIÈRES nome (1893-1970), XLI, 1979-1980, (Louis de). 548-555, A. G. Velghe. MONSÙ STILLANTE. Voir STIELANDT. MOENS (Jean-Baptiste), auteur et (Frédéric VAN). éditeur de publications philatéli- MONSÙ X. Voir MOMPER (Jean de). TABLE ALPHABÉTIQUE DES NOTICES 25

0 MONT (Gilles du), alias MONTE des Douanes et des Postes de Perse (Egidio de), surnommé BRY- (1849-1920), XL, 1977-1978, 653- BERGH, peintre ( -1697), 657, A. Destrée. XXXVII, 1971-1972, 601-602, NEUMAN (Fernand), chirurgien (1879- D. Bodart. 1958), XLI, 1979-1980, 587-591, MONTE (Egidio del). Voir MONT A. Colard. (Gilles du). NEVE (Félix), orientaliste, professeur MONTEFIORE (Georges). Voir MONTE- à l'Université catholique de Lou­ FIORE LEVI (Georges). vain (1816-1893), XLI, 1979-1980, MONTEFIORE LEVI OU MONTEFIORE 591-598, J. Mossay. (Georges LEVI, dit), industriel, homme politique et philanthrope NICAISE (Henri), candidat en philo­ (1832-1906), XXXVIII, 1973-1974, sophie et lettres, docteur en droit 596-618, F. Stockmans. et docteur en histoire de l'art et archéologie (1906-1939), XXXVIII, MOOR (Jean DE). Voir DEMOOR (Jean). 1973-1974, 626-630, A.-M. Mariën- MORETUS PLANTIN (Henri), jésuite, Dugardin. bibliophile (1878-1957), XXXVII, NOBILI (Nicolas de), conseiller-maître 1971-1972, 602-605, J. Van Oote- de la Chambre des Comptes, con­ ghem. seiller d'Etat (1706-1784), XL, 1977- MORNARD (Joseph-J.), fonctionnaire, 1978, 657-661, J.-J. Heirwegh. trésorier général de Perse (?-1915), NOËL (Léon, Mgr), philosophe, pro­ XLI, 1979-1980, 567-571, A. Des- fesseur à l'Université catholique de trée. Louvain (1878-1953), XL, 1977- MORREN (George), artiste peintre, 1978, 661-669, G. Van Riet. sculpteur, créateur d'objets d'art appliqué (1868-1941), XLI, 1979- NOTHOMB (Alphonse), magistrat, 1980, 571-578, M.-J. Chartrain- homme politique (1817-1898), Hebbelinck. XXXVII, 1971-1972, 609-618, J.-P. Hendrickx. MORSA (Roger), résistant (1909-1950), XXXVIII, 1973-1974, 618-622, NUFFEL (Jules VAN), compositeur, N. Huyghebaert. promoteur de la musique religieuse MORVAN (Abel). Voir SEVERIN (Fer­ catholique en Belgique, professeur nand). à l'Université catholique de Lou­ vain (1883-1953), XL, 1977-1978, MOSSELMAN (François-Dominique), 669-674, J. Robijns. propriétaire, négociant, industriel (1754-1840), XLI, 1979-1980, 578- 586, M. Colle-Michel. Ο

MOT (Jean DE), archéologue (1876- * OEST (Gérard VAN), libraire-éditeur 1918), XXXVII, 1971-1972, 605- (1875-1935), XXXVIII, 1973-1974, 608, J.-E. Plainevaux. 631-640, F. Stockmans. MYOSOTIS. Voir LOISEAU (Louis). * OETKER (Friedrich), avocat, poli­ ticien et journaliste, un des promo­ Ν teurs du flamingantisme politique en Belgique (1809-1881), XXXIX, NAGELMACKERS (Georges), industriel, 1976, 709-714, E. Gubin-Grosjean. banquier, fondateur de la Compa­ gnie internationale des Wagons- OLBRECHTS (Raymond), professeur et Lits (1845-1905), XXXVIII, 1973- statisticien (1888-1959), XXXIX, 1974, 623-626, N. Caulier-Mathy. 1976, 714-718, F. Vanlangenhove. NAUS (Joseph), fonctionnaire au mi­ OLÉANDRE. Voir GHELDERODE (Mi­ nistère belge des Finances, ministre chel DE). 26 TABLE ALPHABÉTIQUE DES NOTICES

OMBIAULX (Maurice Des). Voir OM- PEKKAVIA. Voir MAEGT (Johan de). BIAUX (Maurice des). PELLERING (Jan), bottier, publiciste OMBIAUX (Maurice des), pseudonyme et orateur politique (1817-1877), officialisé par le tribunal de Dinant XXXVIII, 1973-1974, 667-672, de Desombiaux (Maurice), roman­ J. Kuypers. cier, conteur (1868-1943), PELZER (Auguste, Mgr), historien XXXVIII, 1973-1974, 640-651, J.-M. Horemans. de la philosophie (1876-1958), XXXVII, 1971-1972, 638-645, * OBOZCO MUSOZ (Francisco), diplo­ F. Van Steenberghen. mate, poète, critique d'art (1884- 1950), XXXVII, 1971-1972, 619- PERMEKE (Constant), artiste peintre 625, H Lavachery. et sculpteur (1886-1952), XLI, 1979-1980, 613-618, R. Avermaete. Os (Antoine VAN), peintre (\'ers 1578-1647), XXXVII, 1971-1972, PHILIPPART (Hubert), archéologue 625-626, D. Bodart. (1895-1937), XLI, 1979-1980, 618- 629, Ch. Delvoye. OSTAIJEN (Paul VAN), poète lyrique, essayiste, prosateur (1896-1928), PHILIPPART (Jacques), aviateur (1909- XXXVII, 1971-1972, 626-630, 1940), XLI, 1979-1980, 629-632, H. Uyttersprot. J.-P. Gahide. OTLET (Edouard), homme d'affaires, PHILIPPSON (Franz), banquier, homme industriel (1842-1907), XLI, 1979- d'affaires (1851-1929), XLI, 1979- 1980, 599-612, M. Dumoulin. 1980, 632-639, J. Bolle. OULTREMONT DE WÉGIMONT (Charles- * PHILIPPSON (Martin), historien, pro­ Ignace, comte d'), financier et fesseur à l'Université de Bruxelles, homme politique (1753-1802), organisateur de la Communauté XXXVIII, 1973-1974, 651-656, juive allemande (1846-1916), XLI, M. Yans. 1979-1980, 639-649, Fr. Stockmans. OULTBEMONT DE WÉGIMONT DE WAR- FUSÉE (Emile, comte d'), homme * PICCARD (Auguste), physicien, ingé­ politique, diplomate (1787-1851), nieur, professeur à l'Université libre XXXVIII, 1973-1974, 656-666, de Bruxelles (1884-1962), XLI, M. Yans. 1979-1980, 649-684, A. Jaumotte. PICQUÉ (Camille), numismate, histo­ Ρ rien de la littérature (1834-1909), XXXVII, 1971-1972, 645-647, PAERELS (Willem), peintre (1878- J. Lallemand. 1962), XXXVII, 1971-1972, 631- PIERLOT (Hubert, comte), avocat, 634, I. Carton de Tournai. sénateur, premier ministre, minis­ PALLIETERKE. Voir MAEGT (Johan de). tre de l'Intérieur, de l'Agriculture, des Affaires étrangères, de la Dé­ PANSAERS (Clément), graveur sous fense nationale (1883-1963), XL, le pseudonyme de BOSCART (Guy), 1977-1978, 704-715, W. Ugeux. homme de lettres, peintre (1885- 1922), XXXVII, 1971-1972, 634- PIERBE D'ALSACE, prévôt des cha­ 638, R. Sauwen. pitres de Saint-Donatien de Bruges PASTIELS (André), paléontologiste et de Notre-Dame de Saint-Omer, (1919-1970), XL, 1977-1978, 675- élu de Cambrai, comte de Nevers 681, Fr. Stockmans. (c. 1145-1176), XL, 1977-1978, 715- 718, Th. de Hemptinne. PEETERS (Paul), pseudonyme occa­ ΡEBRON (Sander), homme de lettres sionnel : BELGA, bollandiste orien­ et critique d'art (1872 - 1945), taliste (1870-1950), XL, 1977-1978, XXXVIII, 1973-1974, 672-675, 681-704, P. Devos. R. Abs. TABLE ALPHABÉTIQUE DES NOTICES 27

PIETERCELIE (Alfred), peintre (1879- PURVES (John-Clay), géologue (1825- 1955), XXXVII, 1971-1972, 647- 1903), XXXVII, 1971-1972, 659- 650, F. Stockmans. 666, F. Stockmans. PIETKIN (Nicolas), prêtre, philologue PYGMALION. Voir PIRE (Jules). dialectique (1849-1921), XXXVII, 1971-1972, 650-654, J. Janssens. Q PINEUR (Oscar), ingénieur, admini­ strateur de banque (1863-1900), QUANJEL (Jean), professeur de mathé­ XXXVII, 1971-1972, 654-655, matiques (1866-1920), XXXVII, R. Campus. 1971-1972, 667-668, L. Godeaux. PIRE (Jules), nom de guerre : PYGMA­ LION, lieutenant général, comman­ R dant en chef de l'Armée secrète (1878-1953), XXXVII, 1971-1972, RAET (Louis DE, OU Lodewijk de), 655-659, H. Bernard. ingénieur, économiste, fonction­ naire, promoteur du Mouvement PLATEAU (Félix), zoologiste, profes­ flamand (1870-1914), XXXIX, seur à l'Université de Gand (1841- 1976, 743-753, M. Lamberty. 1911), XXXIX, 1976, 719-725, M. Poil. RANHISSART. Voir BRAUN (Thomas). 0 PLÖN (Jacques-Joseph), géomètre- RANNAH (Α.). Voir MAEGT (Johan de). arpenteur (1683-1755), XL, 1977- 1978, 718-720, R. Wellens. RANSEN (Fritz). Voir RETSIN (Frans). POÊLE (Charles Van De), ou VAN RAYMOND (Jean-Jacques). Voir Buo- DEPOELE, inventeur (1846-1878), NAROTTi (Filippo). 0 XXXIX, 1976, 725-733, F. Stock­ REMI DE BEAUVAIS, nom séculier : mans. Clément LUCIEN (LUCIANUS), capu­ POPELIN (Marie), docteur en droit, cin, poète (1568-1622), XXXVII, l'une des fondatrices du mouvement 1971-1972, 669-673, R. P. Hilde- féministe en Belgique (1846-1913), brand. XXXIX, 1976, 733-742, F. de REMOUCHAMPS (Edouard), marchand Bueger-Van Lierde. meunier, littérateur wallon (1836- POTELO (Jacques VAN), POTTELO OU 1900), XLI, 1979-1980, 685-688, POTTERLO, peintre (vers 1587-1619), M. Piron. XXXVII, 1971-1972, 659, D. Bo- REMOUCHAMPS (Joseph-Maurice), dart. pseudonyme : L'EPLUCHEUR, ju­ POTTELO (Jacques VAN). Voir POTELO riste, homme politique et wallo- (Jacques VAN). niste (1877-1939), XLI, 1979-1980, POTTERLO (Jacques VAN). Voir 688-691, M. Piron. POTELO (Jacques VAN). RENIEU (Lionel). Voir WIENER (Lio­ POUILLE (Louis de). Voir PRESIÈRES nel). (Louis de). RETSIN (Frans), pseudonyme : Frits PRESIÈRES (Louis DE), dit de MONS RANSEN, homme politique, journa­ ou de POUILLE, fondateur d'un liste (1859-1918), XLI, 1979-1980, asile hospitalier à Mons ( ?-avant 691-693, P. Lefèvre. 1295), XXXVIII, 1973-1974, 675- 677, R. Wellens. REUTER (Guillaume), ou RUYTER, PRUS PIOLUNOWSKI (Charles), indus­ parfois appelé Guillaume CROITIER, triel, consul de Pologne à Mons peintre de genre (vers 1642-1681), (1884-1963), XXXVIII, 1973-1974, XXXVII, 1971-1972, 674-675, 677-680, R. Wellens. D. Bodart. 28 TABLE ALPHABÉTIQUE DES NOTICES

RICHARD (Raoul, baron), ingénieur (1837-1903), XXXVII, 1971-1972, électricien, vice-président de la 695-697, R. Campus. Sofina (1885-1962), XL, 1977-1978, 721-730, P. De Boeck et F. Van- ROUILLÉ (Angélique de), épistolière, langenhove. châtelaine d'Òrmeignies (1756- 1840), XXXVII, 1971-1972, 697- RICHTENBERGER (Lazare), banquier 702, A. Louant. (1792-1853), XXXVII, 1971-1972, 675-688, Y. Delannoy. ROUSSEAU (Mariette). Voir HANNON- ROUSSEAU (Mariette). ROBERT (François), dit ROBERT DE PARIS, ROBERT DE GIMNÉE, RO­ ROUSSEL (Ernest), ingénieur, indus­ BERT-RHUM, conventionnel (1763- triel (1851-1907), XXXVII, 1971- 1826), XL, 1977-1978, 730-736, 1972, 702-703, R. Campus. R. Van Santbergen. RUFFAULT (Jean, chevalier), maître ROBERT DE GIMNÉE. Voir ROBERT de la Chambre des comptes à (François). Lille, trésorier général des finances des Pays - Bas (1471 - 1546), ROBERT DE PARIS. Voir ROBERT XXXVII, 1971-1972, 703-705, (François). G. Preud'homme. ROBERT-RHUM. Voir ROBERT (Fran­ RUYTER (Guillaume). Voir REUTER çois). (Guillaume). ROBERTS-JONES (John), dit John JONES, avocat (1866-1929), RUZETTE (Léon, baron), fonctionnaire XXXIX, 1976, 753-756, R. War- et sénateur catholique (1836-1901), lomont. XLI, 1979-1980, 698-700, M.-A. Pa- ridaens. ROCAN. Voir GOEMANS (Camille). 0 RODENBACH (Georges), écrivain (1855- RYCKMAN (Lambert de), licencié 1898), XXXVIII, 1973-1974, 681- es lois, industriel, membre du 705, R.-O.-J. Van Nufîel. Conseil Ordinaire, poète wallon (1664-1731), XXXVII, 1971-1972, 0 RODOAN (Charles de), IV» évoque de Bruges (1552-1616), XXXVIII, 705-709, M. Yans et M. Piron. 1973-1974, 706-712, M. Cloet. RYCKMAN de BETZ (Jean de), mili­ ROEY (Joseph-Ernest VAN), dix-sep­ taire, considéré erronément comme tième archevêque de Malines, car­ poète (1657-1743), XXXVII, 1971- dinal au titre de Sainte-Marie de 1972, 709-714, M. Yans. l'Aracoeli (1874-1961), XXXIX, 1976, 756-768, W.-S. Plavsic. S ROLIN (Henri), avocat, homme poli­ tique, professeur à l'Université libre SABBE (Julius), professeur, homme de Bruxelles (1891-1973), XLI, de lettres (1846-1910), XLI, 1979- 1979-1980, 693-698, R. Devleeschou- 1980, 701-704, P. Lefèvre. wer. ROMMELAERE (Willem), médecin, pro­ SABBE (Maurits), écrivain, conserva­ fesseur à l'Université libre de teur du Musée Plantin à Anvers, Bruxelles (1836-1916), XXXVII, professeur à l'Université de Bru­ 1971-1972, 688-695, A. Colard. xelles (1873-1938), XLI, 1979-1980, 704-709, L. Gillet. ROOVER (Raymond DE), OU DEROO- VER, historien (1904-1972), XL, SABBE (Victor), avocat, homme poli­ 1977-1978, 736-740, Ch. Verlinden. tique (1906-1958), XLI, 1979-1980, 709-712, P. Lefèvre. ROTE (Léon DE), ingénieur, directeur général des ponts et chaussées SAHEL (Léon). Voir MÉLOT (Joseph). TABLE ALPHABÉTIQUE DES NOTICES 29

0 SAINT - VINCENT (Grégoire de), SEVERIN (Fernand), pseudonymes mathématicien (1584 - 1667), occasionnels : ABEL MORVAN, HER- XXXVII, 1971-1972, 715-727, NAN[I] DE CASTILLE, poète et cri­ Ë. Sauvenier-Goffin. tique littéraire (1867-1931), XL, 1977-1978, 741-777, R.O.J. Van SANDERS (Gilles). Voir SOMMERS Nuffel. (Gilles). SIMONART (Fernand), mathématicien, SAROLEA (Charles), publiciste, profes­ professeur à l'Université catholique seur à l'Université d'Edimbourg, de Louvain (1888-1966), XXXVIII, consul de l'Etat indépendant du 1973-1974, 733-735, L. Godeaux. Congo, puis de Belgique (1870- SNEYERS (Pierre), religieux de l'ab­ 1953), XXXIX, 1976, 769-800, baye d'Averbode (1744-1807), F. Stockmans. XXXVII, 1971-1972, 736-737, PL Lefèvre. SAROLEA (Jean), ingénieur (1866- 1937), XLI, 1979-1980, 712-715, SOLVAY (Lucien), pseudonyme : A. Lederer. MILLY, journaliste, homme de let­ tres (1851-1950), XLI, 1979-1980, SARTON (George), pseudonyme : Domi­ 739-748, D. Denuit. nique de BRAY, humaniste et histo­ rien de la science (1884-1956), SOMMERS (Gilles), alias SANDERS ou XXXVIII, 1973-1974, 713-733, HEYNS, abbé d'Averbode de 1566 à A. André-Félix et H. Elkhadem. 1574 (1531-1574), XXXVII, 1971- 1972, 737-740, PI. Lefèvre. SASSERATH (Simon), avocat, profes­ seur à l'Université de Bruxelles SOUDAN (Eugène), avocat, professeur (1880-1955), XLI, 1979-1980, 715- à l'Université libre de Bruxelles, 720, A. Fontigny. homme politique (1880-1960), XXXVII, 1971-1972, 740-744, SCEPTICUS. Voir GHELDERODE (Mi­ Μ.-Α. Pierson. chel DE). SPAAK (Paul), pseudonyme occasion­ SCHEUNIS (Matthieu). Voir VOLDERS nel : VALCKE (J.), avocat, poète, (Matthieu S'). dramaturge, directeur du Théâtre royal de la Monnaie (1871-1936), SCHIERVEL (Louis, baron de), fonc­ XXXVIII, 1973-1974, 735-744, tionnaire, sénateur catholique (1785- A. Rousseau. 1866), XLI, 1979-1980, 721-723, SPAAK (Paul-Henri), homme d'Etat M.-A. Paridaens. belge (1899-1972), XXXIX, 1976, 800-806, J. Willequet. SELYS LONGCHAMPS (Jean, baron de), aviateur (1912-1943), XLI, 1979- SPIERINGH (Charles-Philippe), ou SPI- 1980, 723-726, J.-P. Gahide. RINCK, peintre (vers 1600-1639), XXXVII, 1971-1972, 744-746, SELYS LONGCHAMPS (Marc, baron de), D. Bodart. zoologiste, professeur à l'Université SPILLIAERT (Léon), peintre (1881- libre de Bruxelles, secrétaire perpé­ 1946), XLI, 1979-1980, 748-754, tuel de l'Académie royale de Bel­ Fr.-Cl. Legrand. gique (1875-1963), XXXVII, 1971- 1972, 727-736, P. Brien. SPIRINCK (Charles-Philippe). Voir SPIERINGH (Charles-Philippe). SERESIA (Raymond), avocat, homme * STADLER (Ernst), écrivain, critique politique (1851-1903), XLI, 1979- littéraire, professeur à l'Université 1980, 726-727, P. Lefèvre. de Bruxelles (1883-1914), XL, 1977- SERRURIER-BOVY (Gustave), archi­ 1978, 777-783, Fr. Stockmans. tecte, décorateur (1858-1910), XLI, STEENLANDT (Frédéric VAN). Voir 1979-1980, 727-739, J.-G. Watelet. STIELANDT (Frédéric VAN). 30 TABLE ALPHABÉTIQUE DES NOTICES

STÉPHANIE, princesse de Belgique, [J. O. C] (1894-1945), XXXVII, duchesse de Saxe, princesse de 1971-1972, 768-772, G. Hoyois. Saxe - Cobourg - Gotha (1864-1945), XXXVIII, 1973-1974, 744-748, TOUSSAINT (François), chanoine, bo­ Ch. Terlinden. taniste, dialectologue, historien, gé­ néalogiste, toponymiste (1882-1964), STEVENS (Charles), officier, géologue XLI, 1979-1980, 767-772, R. Schu­ (1875-1962), XLI, 1979-1980, 754- macher. 757, H. Bernard. TOUSSEUL (Jean), pseudonyme de STIELANDT (Frédéric VAN), ou STEEN- DEGÉE (Olivier), littérateur (1890- LANDT, alias MONSÛ STILLANTE, 1944), XXXVII, 1971-1972, 772- peintre (vers 1626- ), XXXVII, 784, D. Denuit. 1971-1972, 746-748, D. Bodart. TRAVAILLEUR (Maurice), ingénieur, STIÉVENART (Pol), artiste peintre et fondateur et président de l'Agence écrivain (1877-1960), XLI, 1979- Belga (1871-1950), XLI, 1979-1980, 1980, 757-766, A. Maquet. 772-778, D. Ryelandt. STRATEN (Henri VAN), graveur sur TROOZ (Charles DE), essayiste, pro­ bois (1892-1944), XXXVIII, 1973- 1974, 748-754, G. Dewanckel. fesseur à l'Université catholique de Louvain (1905-1958), XL, 1977- SWOLFS (Laurent), chanteur et artiste 1978, 793-796, R. Pouilliart. , lyrique (1876-1954), XL, 1977-1978, 783-790, N. Eemans. T'SERCLAES DE WOMMERSOM (Théo­ dore, comte de), fonctionnaire et député catholique (1809-1880), XLI, Τ 1979-1980, 778-780, M.-A. Pari- daens. TACQUENIER (César), négociant (1771- 1845), XXXVII, 1971-1972, 749, TUBBY. Voir CLAYTON (Philip). Ch. Piérard. TWYFELLOOS (Franciscus). Voir TEMPELS (Pierre), magistrat civil, GRONCKEL (François de). puis magistrat militaire, pédagogue (1825-1923), XXXVII, 1971-1972, 749-760, S. De Coster et J. Gilissen. U THÉODOSE DE LA MÈRE DE DIEU. ULTOR. Voir GÉRARDY (Paul). Voir BOUILLE (Théodose). UTENBROECKE (Huib). Voir MAEGT THOMAS (Lambert-Barthélemi). Voir (Johan de). MARIAN DE SAINT-ANTOINE. TIBERGHIEN (Albert), conservateur de V la Bibliothèque royale de Belgique VAES (Maurice), prélat, recteur de (1872-1940), XL, 1977-1978, 791- Saint-Julien-des-Belges à Rome, his­ 793, A. De Smet. torien de l'art (1875-1962), TIMMERMANS (Felix), pseudonyme : XXXVIII, 1973-1974, 759-764, J. Lavalleye. Polleke VAN MEHR (pour le volume Door de Dagen seulement), VALCKE (J.). Voir SPAAK (Paul). littérateur, dessinateur (1886-1947), VALLE (Jean della), verrier (1601- XXXVII, 1971-1972, 760-768, 1655), XXXVII, 1971-1972, 785, G Toebosch. D. Bodart. TOM. Voir BRAUN (Thomas). VALLE (Winoc della), verrier (vers TONNET (Fernand), cofondateur de 1615-1663), XXXVII, 1971-1972, la Jeunesse ouvrière chrétienne 785-786, D. Bodart. TABLE ALPHABÉTIQUE DES NOTICES 31

VALLÉE POUSSIN (Charles-Jean, baron VELPEN (Renier ou Reynier VAN), de la), mathématicien, professeur à ou VELPIUS, imprimeur (première l'Université catholique de Louvain moitié du XVIe s. ? - c. 1573), XL, (1866-1962), XXXVII, 1971-1972, 1977-1978, 797-799, R. Wellens. 786-791, L. Godeaux. VELPEN (Rutger ou Roger VAN), ou VANDENDORPE (Désiré), ouvrier typo­ VELPIUS, imprimeur et libraire graphe, cofondateur et dirigeant (c. 1540-1614 ou 1615), XL, 1977- du Parti Ouvrier Belge, journaliste 1978, 799-807, R. Wellens. (1856-1910), XXXVII, 1971-1972, 791-793, J. Puissant. VELPIUS (Renier ou Reynier). Voir VELPEN (Renier ou Reynier VAN). VANDENHOUTEN (Alphonse), peintre décorateur, correspondant belge de VELPIUS (Rutger ou Roger). Voir l'Association internationale des Tra­ VELPEN (Rutger ou Roger VAN). vailleurs (1842-1894), XXXIX, VENDÔME (Henriette, duchesse de), 1976, 807-810, J. Kuypers. princesse de Belgique, duchesse de VANZYPE (Gustave), à l'état civil : Saxe (1870-1948), XL, 1977-1978, VAN ZYPE, homme de lettres, 807-814, E. Vandewoude. critique d'art (1869 - 1955), VERBURGH (Médard), peintre, dessi­ XXXVII, 1971-1972, 793-801, nateur, aquarelliste et graveur G. Vanwelkenhuyzen. (1886-1957), XL, 1977-1978, 814- VARIER (Jean). Voir VITRIER (Jean). 820, S. Goyens de Heusch. VARRET (Jean-Baptiste), imprimeur VERHEGGEN (Henri), naturaliste (1715-1791), XLI, 1979-1980, 783- (1845-1900), XXXVIII, 1973-1974, 784, R. Wellens. 802-803, W. Robyns. VARRET (Jean-Nicolas), imprimeur VERHEYEN (René), zoologiste, chargé (1681-1731), XLI, 1979-1980, 784- de cours et directeur du Laboratoire 785, R. Wellens. de Systématique (Vertébrés) à l'Uni­ versité de l'Etat à Gand (1907- VARRET (Léopold-Joseph), imprimeur 1961), XXXIX, 1976, 810-813, (1726-1785), XLI, 1979-1980, 785- L. Van Meel et R. Van Tassel. 786, R. Wellens. VAUME (Jean-Sébastien), docteur VERMEERSCH (Arthur), jésuite, mora­ en médecine, homme d'affaires liste, canoniste, sociologue, auteur (XVIIle siècle), XXXVIII, 1973- spirituel (1858-1936), XXXVIII, 1974, 764-766, A.-M. Mariën-Dugar- 1973-1974, 803-807, Ë. Bergh. din. VERNIMMEN (Jean), oratorien, écri­ VEERIER (Jean). Voir VITRIER (Jean). vain ecclésiastique (1611-1677), VELDE (Albert VAN DE), biochimiste, XLI, 1979-1980, 786-789, E. Jac­ biologiste, bromatologue, historien ques. des sciences, professeur à l'Uni­ VERNY DE VILLARS (Pierre). Voir versité de Gand (1871-1956), VAUME (Jean-Sébastien). XXXVIII, 1973-1974, 766-792, R. Ruyssen. VER(R)IER (Jean). Voir VITRIER (Jean). VELDE (Henry VAN DE), architecte, fondateur et directeur de l'Institut VERVOORT (Désiré), avocat et homme supérieur des Arts décorai ifs sis à politique (1810-1886), XXXVIII, l'abbaye de la Cambre à Bruxelles, 1973-1974, 807-809, F. Remy. professeur d'histoire de l'architec­ ture à l'Université de Gand (1863- VESTEL (Franz DE), architecte (1857- 1957), XXXVIII, 1973-1974, 792- 1932), XXXVII, 1971-1972, 801- 802, A.-M. Hammacher. 804, V.-G. Martiny. 32 TABLE ALPHABÉTIQUE DES NOTICES

VILVOORDEN (Jean VAN), peintre WAHA (Léonie de), née CHESTRET DE (vers 1606-1659), XXXVII, 1971- HANEFFE, pédagogue, philanthrope 1972, 804-805, D. Bodart. (1836-1926), XXXIX, 1976, 825- VINÇOTTE (Thomas, baron), sculpteur 836, R. Van Santbergen. (1850-1925), XLI, 1979-1980, 790- WALLON (Justin). Voir GÉRARDY 798, E. De Keyser. (Paul). VITE (Giovanni delle). Voir MIEL WARLAND (Odon), industriel (1890- (Jean). 1954), XXXVIII, 1973-1974, 819- 821, P. Cattelain. VITRARIUS (Jean). Voir VITRIER (Jean). WARMUNDUS. Voir GARMUNDE. WAUQUIER. Voir WAUQUIÈRE. VITRIER (Jean), ou VITRARIUS, 0 VITRIUS, VOIR(R)IER, VER(R)IER, WAUQUIÈRE (Alexandre), parfois VEERIER, VARIER, religieux fran­ orthographié WAUQUIER, litho­ ciscain de l'Observance, prédi­ graphe, journaliste (1812-1856), cateur et réformateur, maître XXXVII, 1971-1972, 821-822, d'Érasme ( + 1456-1519), XXXVIII, M.-A. Arnould. 1973-1974, 809-816, A. Derville. WAUQUIÈRE (Etienne), peintre, sculp­ VITRIUS (Jean). Voir VITRIER (Jean). teur, lithographe (1808-1869), VOECHT (Gilles Die), camérier et XXXVII, 1971-1972, 822-827, archiviste de l'abbaye d'Averbode M.-A. Arnould. (1579-1653), XXXVII, 1971-1972, WAUQUIÈRE (Omer-Êdouard), litho­ 805-809, PL Lefèvre. graphe (vers 1786-1863), XXXVII, VOIR(R)IER (Jean). Voir VITRIER 1971-1972, 827, M.-A. Arnould. (Jean). WAVRANS (Henri-Jacques de), ma­ VOLDERS (Matthieu S'), ou SCHEUNIS, gistrat, conseiller d'État (1717- abbé d'Averbode (1501-1565), 1776), XXXVII, 1971-1972, 827- XXXVII, 1971-1972, 809-813, 829, J. Lefèvre. PL Lefèvre. WIENER (Lionel), alias RENIEU (Lio­ VOOGHT (Pierre-Charles, vicomte de), nel), ingénieur, professeur à l'Uni­ magistrat, agent d'administration versité de Bruxelles, écrivain et ( -1734), XXXVII, 1971-1972, musicien (1879-1940), XL, 1977- 813-815, J. Lefèvre. 1978, 821-824, A. Despy-Meyer. VOORT (Michel VAN DER), publiciste WIENER (Sam), avocat, sénateur, et promoteur du mouvement fla­ membre du Conseil supérieur de mand à Bruxelles (1812-1867), l'État indépendant du Congo, admi­ XXXIX, 1976, 813-824, E. Gubin- nistrateur de sociétés (1851-1914), Grosjean. XXXVIII, 1973-1974, 821-837, D. Denuit. Vos (André DE). Voir DEVOS (André). WIEPART (Theunis ou Antoine). Voir VRIES (Alex DE), pianiste, pédagogue WYPART (Theunis ou Antoine). (1919-1964), XLI, 1979-1980, 798- WILDEMAN (Emile DE), botaniste, 802, B. Huys. directeur du Jardin Botanique de VRYDAGH (Jean-Marie), ingénieur l'État, professeur à l'Université de agronome, entomologiste (1905- Gand et à l'Université Coloniale 1962), XXXVII, 1971-1972, 815- d'Anvers (1866-1947), XXXVII, 820, A. Collart. 1971-1972, 829-843, W. Robijns. WILLEMS (Jacques), officier, biblio­ W phile (1870-1957), XXXVII, 1971- WAELBROECK (Pierre), juriste, socio­ 1972, 843-847, F. Vanlangenhove. logue et fonctionnaire international WILLEMS (Jan-Frans), littérateur fla­ (1891-1944), XXXVIII, 1973-1974, mand (1793-1846), XXXVIII, 1973- 817-819, H. Rolin. 1974, 837-842, G. Toebosch. TABLE ALPHABÉTIQUE DES NOTICES 33

WILLEMS (Jean), président du Fonds WYTS (Guillaume), magistrat national de la Recherche scienti­ ( ? -1641), XXXVII, 1971 1972, fique et de la Fondation Universi­ 854-855, J. Lefèvre. taire (1895-1970), XLI, 1979-1980, 803-815, J. Masure. WYVEKENS (Edouard-Hubert), pre­ mier consul belge à Sydney (1817- WINDISCH (Christophe), céramiste, 1851), XXXV11, 1971-1972, 855- maître porcelainier (1781-1842), 858, L. Wellens-De Donder. XLI, 1979-1980, 815-823, H. De- meuldre Coché. Y WINGHE (Antoine de), abbé de Liessies [Hainaut français] (1562-1637), YOSTMAN (Jean). Voir JOOSTENS XXXVII, 1971-1972, 847-854, N.-N. Huyghebaert. (Paul). WOUTERS (Rik), artiste peintre (1882- Ζ 1916), XLI, 1979-1980, 823-827, R. Avermaete. ZONE (Jules), ingénieur et directeur général de la Société anonyme du WYPART (Theunis ou Antoine), ou Canal et des Installations mariti­ WIEPART, dit LE JEUNE, peintre- mes de Bruxelles (1860-1942), verrier (2e quart du XVIe siècle), XXXVITT, 1973-1974, 843-848. XLI, 1979-1980, 827-828, J. Helbig. A. Lederer. ETABLIS3BHBNTS EuiLB BRUYLANT, société anonyme, Bruxelles Un dir. gén. : Angele Van Sprengel, av. V. Rousseau, 25β, 1190 Bruxelles