Le SIPO-SD de Clermont-Ferrand

La Sicherheitspolizei est la Police de Sécurité allemande créée en 1936 par Heinrich Himmler en accord avec Hitler qui regroupe deux organes :

 la "Gestapo" (GEheime STAats POlizei) qui regroupe l'ensemble des services de police politique du Reich  la "Kripo" ("KRI"minal "PO"lizei)la police criminelle qui lutte contre la criminalité.

La Sicherheitspolizei (« Police de sûreté ») est appelée communément Sipo

A partir de 1939, le " Sicherheitsdienst " (service de sécurité de la SS) est associé au sein du R.S.H.A. à la "Sicherheitspolizei" (Police de sécurité de l'Etat) et la nouvelle structure sera appelée communément Sipo-SD

Le SIPO-SD de Clermont-Ferrand

 Paul Blumenkamp, Responsable du SD Chef du Sonderkommando du poste SIPO-SD de Clermont-Ferrand jusqu'en mai 1944, date de son départ pour Lyon.

 Ursula Brandt (dite "La Panthère) Etudiante allemande à la Faculté de Strasbourg repliée à Clermont-Ferrand. Secrétaire et traductrice du SIPO-SD de Clermont. Connue sous le sobriquet de '"La Panthère" en raison du manteau de fourrure qu'elle portait le 24 novembre 1943 lors de la rafle des étudiants de la faculté. Elle quitte Clermont pour Cologne, fin avril 1944.

Le Sonderkommando français du SD de Clermont-Ferrand

Georges Victor Mathieu Né à Clermont-Ferrand en 1920 - Fusillé le 12 décembre 1944 est un étudiant en lettres français, transfuge de la Résistance française et fondateur du Sonderkommando de Clermont Ferrand. le 12 décembre 1944.

Résistance Georges Mathieu s'engage dans la Résistance française. En janvier 1943, Jean-Paul Cauchi, fondateur du groupe de résistants Combat Étudiant lié au réseau Combat, perd l'un de ses deux adjoints, Sturdze, arrêté et déporté alors qu'il tentait de rejoindre l'Angleterre en passant par l'Espagne. Cauchi le remplace par Mathieu. Collaboration Le 23 octobre 1943, Mathieu est arrêté sur la place de Rochefort-Montagne à Clermont, par la Gestapo. Le jeudi 25 novembre 1943 a lieu la grande rafle de Clermont-Ferrand, à laquelle Mathieu participe activement, en guidant les membres de la Gestapo, dénonçant ses anciens camarades et participant aux interrogatoires. Mathieu s'installe ensuite à l'hôtel Majestic avec sa fiancée. Celle-ci étant enceinte, il obtient de Hugo Geissler une autorisation de mariage. Celui-ci a lieu le 19 décembre 1943. Les témoins sont les responsables locaux du Sipo-SD, Paul Blumenkampf et Ursula Brandt. En mars 1944, Mathieu constitue un Sonderkommando, formé de lui-même, de Jean Vernières, de Louis Bresson et de Paul Sautarel. La Gestapo l'installe au 8 avenue de à Chamalières, près de son siège, au 2 bis de la même rue. Le Sonderkommando participe activement à la lutte contre les maquis et à la traque des résistants. En particulier, Mathieu joue un rôle important dans les arrestations et interrogatoires de Jacques Bingen et de Antoine Courson de Villeneuve. Fuite Mathieu tente dans le même temps de reprendre contact avec le capitaine Émile Burcez, résistant en poste au 4e bureau de l'État Major de Vichy, membre du réseau Albert-Armand du commandant Auber de Peyrelongue. Lors d'une arrestation, Mathieu ignorera par ailleurs la présence du commandant, le laissant libre. Le 13 août 1944, deux semaines avant la libération de Clermont-Ferrand par les Alliés, Mathieu, avec Bresson et leurs épouses, quitte la Gestapo pour rejoindre le capitaine Burcez à Vichy. Il transmet à Burcez des informations, notamment sur les mouvements de la Wehrmacht, mais celui- ci ne peut le garder auprès de lui, et Mathieu est contraint de reprendre la route. Arrêtés par la Résistance, les deux couples sont reconnus et ramenés à Clermont-Ferrand, où ils sont emprisonnés le 13 septembre 1944. Procès Le procès de Georges Mathieu commence le 17 novembre 1944. Il est condamné à mort et fusillé le 12 décembre 1944. Les autres membres du Sonderkommando seront également exécutés suite à des procès ultérieurs, et la condamnation à mort des épouses de Mathieu et de Bresson sera commuée en travaux forcés à perpétuité.

Jean Joseph Félix Vernières le 19 décembre 1944. Né le1er mai 1921 à Clermont-Ferrand - Fusillé 19 décembre 1944 à Clermont-Ferrand) est un agent du Sipo-SD de Clermont-Ferrand, fondé par Georges Mathieu, pendant la Seconde Guerre mondiale

En Allemagne

Vernières part le 5 mars 1943 pour le service du travail obligatoire, et est affecté à Auschwitz en tant que manœuvre, puis magasinier. Sur recommandation d'un capitaine allemand ami de son frère, il entre au service de la Werkschutzpolizei, pour laquelle il doit secrètement identifier les actes de sabotages tout en continuant ses activités. Identifié par ses coéquipiers en novembre 1943, il est fait interprète-contrôleur grâce à ses progrès en allemand à la suite d'un changement d'interprète. Il est renvoyé en France fin février 1944, après avoir fait arrêter une soixantaine d'ouvriers coupables d'actes de sabotage. Il déclarera avoir agi « uniquement par idéal car la majorité des saboteurs n'étaient que des révolutionnaires communistes pour la plupart ».

Collaboration

Vernières arrive à Clermont-Ferrand le 1er mars 1944. Suivant l'exemple de son frère, il adhère à la Milice. Puis il se présente le 4 mars à Ursula Brandt (à la Gestapo), où il explique qu'il travaillait déjà pour la Gestapo en Allemagne et apporte des renseignements sur une organisation de résistants dont fait partie son ami Louis Bresson, et qui déboucheront sur l'arrestation de membres du réseau Jade-Fitzroy, puis du réseau Alibi. Brandt lui conseille de s'infiltrer en se faisant passer pour permissionnaire ne souhaitant pas rentrer en Allemagne, puis se renseigne sur lui auprès de Georges Mathieu, qui lui indique que Vernières est un fervent collaborateur.

Vernières entre officiellement à la Gestapo de Clermont-Ferrand le 9 mars 1944, et fait partie du Sonderkommando créé par Georges Mathieu. Pendant cinq mois, il prend part aux opérations contre les maquisards et aux arrestations de résistants, et commet également huit ou neuf meurtres avec torture et quatre viols. Il arrête lui-même le lieutenant-colonel André Friess, chef régional de l'Organisation de résistance de l'armée.

Fuite

Le 23 août 1944, Vernières quitte Clermont-Ferrand avec la Gestapo, après avoir brûlé les archives du Sipo-SD de Clermont-Ferrand. Il rejoint Nancy, où il attend la Libération avec l'espoir d'émigrer aux États-Unis. Lorsque Nancy est libérée, Vernières se fait passer pour un rescapé d'Auschwitz, qu'il n'a aucun mal à décrire puisqu'il y a effectué son STO, et obtient des papiers au nom de Jean Voyer. Il monte à Paris afin de se faire engager comme parachutiste et se faire transporter au Canada.

Alors qu'il tente de se faire embaucher sous le nom de Jean Voyer au centre des déportés politiques à Paris, le 9 octobre 1944, il est reconnu. Il est arrêté à 19 h, et transféré le 11 octobre à Clermont-Ferrand.

Procès

Lors de son procès, les témoins s'accordent à dénoncer le « sadisme » de Vernières, qualifié de « plus cruel des quatre [membres du Sonderkommando] ». Vernières répond ne rien regretter, et avoir agi, contrairement à ses camarades Georges Mathieu et Louis Bresson dont il moque la peur et la trahison, par idéal, conduit par l'anticommunisme et le sentiment que « seul le national- socialisme pouvait refaire la France ».

Vernières est condamné à mort, et fusillé le 19 décembre 1944 au Puy de Crouel.

MARS 1944 - 13 AOUT 1944 TRAHISON - LES 192 JOURS DU SONDERKOMMANDO FRANCAIS DU MATHIEU

Après la Grande Rafle, Mathieu et sa fiancée s'installèrent à l'hôtel Majestic. En raison de l'état de grossesse de la jeune femme, le chef du K.D.S. de Vichy, Hugo Geissler, leur accorda une autorisation de mariage. Celui-ci eut lieu le 19 décembre 1943 à Clermont-Ferrand avec comme témoins Paul Blumenkampf et Ursula Brandt. La mariée était en blanc. Ce même mois de décembre Mathieu accompagna Blumenkampf assisté d'un détachement de la Luftwaffe dans une expédition dans la région de Vic le Comte, Saint-Maurice, qui se termina par de nombreuses arrestations de résistants et des maisons brûlées. Mathieu s'y distingua particulièrement et Blumemkampf séduit l'engagea comme fonctionnaire appointé de son service, chargé de créer et de diriger un Sonderkommando français travaillant pour la Gestapo.

Voici comment, suivant le procès-verbal des déclarations de Mathieu, furent recrutés les autres membres français du Sonderkommando.

"Aux environs du 4 mars, le nommé Vernières Jean, se présenta à la Gestapo et alla voir Melle Brandt. II lui expliqua qu'il était en permission comme travailleur en Allemagne et qu'il travaillait déjà dans ce pays pour le compte de la Gestapo. Il lui expliqua qu'il ne demandait pas mieux d'en faire à Clermont et qu'il avait déjà découvert une affaire intéressante. Il s'agissait en l'occurrence d'une organisation de renseignements s'étendant sur toute la région. Un des membres de cette organisation n'était autre que son camarade de lycée Bresson Louis. C'est d'ailleurs en exploitant la confiance de celui-ci qu'il connaissait certains renseignements. Brandt lui dit qu'avant d'arrêter Bresson il fallait qu'il se procure le nom d'autres membres. Elle lui donna le conseil, à cet effet, de se faire passer pour permissionnaire ne voulant pas retourner en Allemagne et désireux de se faire faire de faux papiers. Elle lui dit de revenir la voir dès qu'il aurait quelque chose. Brandt vint me voir dans ma chambre car j'étais malade et me demanda ce que je savais de Vernières et de Bresson, dont elle me montra une photo. Je lui répondis qu'en ce qui concernait Vernières, il était un fervent collaborateur, mais que l'activité de Bresson ne m'était pas connue, bien que le connaissant de vue. Vernières revint quelques jours après faire connaitre qu'un message annonçant un parachutage allait passer à la radio et que le texte en était "il n'y a pas loin de la coupe aux lèvres". D'autre part, Vernières était en possession du nom de deux camarades de Bresson, Maxime Alliot et Guitet. Il affirma que Bresson était leur chef. Melle Brandt me demanda d'écouter les messages. Lorsque celui que nous attendions passa, j'allai en informer Melle Brandt et c'est à ce moment, qu'elle m'informa que la Milice avait arrêté Bresson, ce qui rendit Blumenkampf furieux, car il craignait que l'affaire échoua. Il supposait que le frère de Vernières, Gérard, été allé donner le renseignement à la Milice que pour se faire un succès personnel. Quoiqu'il en soit Blumenkampf téléphona à Achon et Bresson fut remis en liberté. Deux jours après, aux environs du 8 au 9 mars, Blumenkampf décida de déclencher l'action contre l'organisation signalée par Vernières. La famille Bresson au grand complet fut arrêtée, ainsi que Guitet et Alliot ; son frère Marcel, Louisette Lecher, maîtresse de Guitet. Plus tard furent appréhendés Paul Sautarel, beau-frère de Bresson et son amie Alice Murat.

Les personnes appréhendées faisaient partie du réseau Jade Fitzroy spécialisé dans la transmission de renseignements militaires. La suite du procès-verbal mentionne comment après des interrogatoires, des membres d'une autre organisation le réseau Alibi, avec lequel il y avait eu des contacts, furent arrêtés à leur tour.

Mathieu conclut de la sorte cette partie de sa déposition :

"Toutes les personnes des deux organisations partirent au camp de concentration à l'exception de Louisette Lecher, maîtresse de Guitet, et de Alliot que j'avais interrogé et qui n'avait pas eu grande activité, et qui fut relâchée ainsi que les parents de Bresson, puis son frère, sa femme, et son beau-frère Sautarel.

Pour Bresson, Melle Brandt pensa d'abord l'envoyer en camp de concentration. Pour des raisons qui m'échappent, Bresson fut employé comme chauffeur et la voiture de ses parents fut saisie. Il ne fut pas cependant remis en liberté. Il logea une quinzaine de jours avec sa femme 2 bis avenue de Royat, puis finalement alla habiter chez ses beaux-parents.

Par la suite. Sautarel entra à notre service, je ne sais en quelles circonstances et si c'est sur la pression de Bresson. Quant à Vernières Jean il toucha 5 000 F. pour cette affaire, puis Melle Brandt lui proposa d'entrer à la Gestapo. II accepta mais en dehors de ses fonctions d'interprète, il continua à être indicateur. A partir de ce moment le S.D. comprit, outre ceux que je connaissais déjà, Bresson, Sautarel et Vernières."

C'est ainsi, qu'au mois de mars 1944 Mathieu constitua son Sonderkommando français. ils étaient 4 en tout : Mathieu, qui dirigeait Vernières, Bresson, Sautarel. Ils avaient tous environ 23 ans. Bienveillante la Gestapo l'avait installé dans une villa située au 8 avenue de Royat à Chamalières, tout près du lieu de travail, qui était au 2 bis de la même avenue. Très vite Jeanne la femme de Bresson obtint un poste de sténodactylo au siège de la Gestapo et tout le monde vécut en famille ; leur nouvel ami Kaltseiss, qui s'était illustré au cours de la Grande Rafle en tuant le Professeur Collomp et en blessant le Professeur Eppel se joignait parfois à leurs agapes.

Pour bien se faire remarquer les 4 membres du Sonderkommando français sillonnaient Clermont- Ferrand dans la voiture du père de Bresson en menant grand tapage. Ils participaient activement à toutes les opérations menées par la Gestapo. Ils enquêtaient, perquisitionnaient en pillant au passage, arrêtaient et procédaient à des interrogatoires les plus féroces au 2 bis avenue de Royat. Mathieu, tout particulièrement, participa à la traque et ensuite l'arrestation et l'interrogatoire de Résistants d'importance nationale, envoyés par Londres en mission en France. Tel fut le cas de Jacques Bingen (Cléante), Délégué Général pour le sud, arrêté en gare de Clermont-Ferrand le 13 mai 1944 et celui d'Antoine Courson de Villeneuve (Pyramide) délégué militaire de la Région, appréhendé à son domicile, rue du Lycée a Clermont-Ferrand le 2 juillet 1944. Mathieu et son Sonderkommando prirent part également avec beaucoup de pugnacité à côté de la Gestapo et de la Wehrmacht à des actions contre des maquis. Leur conduite dans l'opération de Champeix parut tellement exemplaire à Blumenkampf, que celui- ci les fit participer à toutes les expéditions contre les maquis en demandant à leur voiture de suivre la sienne. II en fut ainsi pour les maquis de Gerzat, Lempdes, , Besse-en-Chandesse. Au cours de ces actions, de nombreux résistants furent arrêtés, des maquisards abattus à coup de mitraillettes et des maisons brûlées.

En déployant tout ce zèle, Mathieu tenait certainement à être apprécié de ses supérieurs, mais on peut penser que son statut de fonctionnaire de la Gestapo devait de surcroit lui apporter des satisfactions personnelles. A la Gestapo, Mathieu pouvait faire tous les jours bombance, ce qui devait le changer agréablement de l'ordinaire que nous servait en ces temps de disette, Jourde, le tenancier chauve à la moustache de phoque, de la cantine des Etudiants, place Gaillard, en nous prenant tous nos tickets de ravitaillement contre des menus vraiment menus. Mais surtout Mathieu aimait à dominer les autres d'une manière très autoritaire, il l'avait démontré à maintes reprises et notamment en tant qu'instructeur militaire des jeunes du maquis de Gelles Prondine. On peut penser, qu'il avait plaisir à donner libre cours à ses instincts lors des arrestations et des interrogatoires avec le pouvoir absolu qu'il détenait en tant que membre de la Gestapo.

Mathieu, était également froid et calculateur et il avait prévu presque simultanément une porte de sortie au cas ou l'Allemagne perdrait la guerre, et pour cela il pensa à l'ancien employeur de sa femme le Capitaine Emile Burcez. Lorsque Mathieu avait connu Christiane Cuirot, elle était la secrétaire du Capitaine Burcez en poste au 4ème bureau de l'Etat Major de Vichy. Le Capitaine Burcez était membre du réseau "Albert- Armand" du Commandant Auber de Peyrelongue, centré sur les organismes gouvemementaux de Vichy et qui correspondait directement avec Alger en fournissant divers renseignements. Mathieu était parfaitement au courant, mais il n'inquiéta jamais le Capitaine Burcez et en juin 1944, au cours d'une série d'arrestations à l'Hôpital Saint-Gabriel, étant tombé sur le Commandant de Peyrelongue, il l'ignora et le laissa repartir. Mathieu désirait avant tout prendre contact et fournir quelques renseignements pour pourvoir dire éventuellement, qu'il était un agent double. Au mois de mars 1944, au moment même, où il constituait son Sonderkommando, Mathieu envoya plusieurs lettres au Capitaine Burcez, pour lui demander comment reprendre leurs relations ; ensuite, il lui adressa des livres par le truchement de sa femme, dans lesquels il avait inséré des notes.

Finalement Madame Mathieu obtint deux rendez-vous avec Burcez, au cours desquels elle lui fournit quelques renseignements et tenta de négocier le sort de son mari. L'avance alliée l'inquiétant de plus en plus, Mathieu décida de quitter la Gestapo avec armes et bagages pour rejoindre le Capitaine Burcez, auquel il écrivit pour lui donner rendez-vous le 13 août 1944 à 16 heures devant le bassin des cygnes à Vichy. Mathieu avait également mis dans la confidence Bresson, qui devait partir avec lui au volant de la voiture de son père. Le 13 août Mathieu et Bresson accompagnèrent Kaltseiss pour des investigations au Rustic Bar, rue Ramon. A midi, ils prirent congé de l'ami Kaltseiss en lui disant "on va déjeuner chez la belle- mère Mme Sautarel". Mais ils ne revinrent pas. Après un crochet à la Gestapo pour récupérer documents et valises préparées à l'avance Mathieu et Bresson avec leurs épouses avaient pris la route de Vichy. Ils étaient munis à la fois d'Ausweiss à leurs noms et de fausses cartes d'identité. A Vichy Mme Mathieu fut envoyée en éclaireur pour tenter d'obtenir que le Capitaine Burcez rencontra son mari, ce qui eut lieu après différents atermoiements. Mathieu donna au Capitaine Burcez des renseignements sur les futurs mouvements de troupes de la Wehrmacht et l'avertit des menaces, qui pesaient sur la région de Mauriac, à la suite des derniers interrogatoires de la Gestapo. II remis aussi entre ses mains avec divers documents, le fanion de la Résistance du Puy de Dôme saisi lors de l'expédition de Saint-Maurice avec Blumenkampf, qui lui avait valu sa promotion d'agent appointé de la Gestapo. En échange Mathieu insista pour que Burcez le garda auprès de lui, car disait-il, il pourrait l'aider très efficacement en raison de ses connaissances. Burcez lui répondit, qu'il allait faire connaitre à Alger son départ de la Gestapo, mais qu'il lui était impossible de le garder auprès de lui et qu'il lui suggérait de gagner Lyon pour s'engager dans l'armée française à l'arrivée des troupes alliées dans le secteur. Ainsi, malgré une très longue discussion Mathieu n'avait pas réussi à convaincre Burcez et il dut se résigner à prendre la route avec ses compagnons. Après quelques péripéties, ils furent arrêtés et emmenés au maquis du Pilon, près de Tarare. Mathieu interrogé par le lieutenant Brouillard, se présenta sous le nom de Malval et déclara : "Nous sommes des officiers de l'Etat Major de l'Armée. Nous travaillons depuis deux ans pour Londres. Prenez contact avec le Capitaine Burcez de l'Etat Major de Vichy, il vous le confirmera". Au bout d'une quinzaine de jours, ils furent transférés pour de nouveaux interrogatoires au commandement du secteur III du Rhône, celui de Louis Challeat (commandant Berthier), membre de Combat. C'est là que Mathieu fut reconnu et les deux couples ramenés à Clermont-Ferrand, pour y être emprisonnés le 13 septembre 1944, un mois après leur départ précipité de la Gestapo.

17 NOVEMBRE 1944 - 12 DECEMBRE 1944 LE PROCES MATHIEU - JUGEMENT - EXECUTION

J'avais passé les derniers mois de guerre en contact avec un petit maquis du Montet aux confins du Cher et de la Creuse. Je suis retournée à Clermont-Ferrand en septembre 1944. Je n'ai retrouvé personne. J'ai appris, que Cauchi avait été arrêté en avril 1944 à Paris et déporté à Buchenwald et que Feuerstein avait été arrêté à Lyon et déporté à Auschwitz. Le vendredi 17 novembre 1944, à quelques jours près un an après la Grande Rafle, commença devant la Cour de Justice le procès de Georges Mathieu, auquel j'assistais. Ceux de nos camarades, qu'il avait fait arrêter le jour de la Grande Rafle étaient toujours dans des camps de concentration, et les survivants ne devaient revenir qu'en mai 1945. Une foule nombreuse, composée en grande partie d'étudiants et de familles de déportés se pressait dans la 1ère chambre du Palais de Justice de Clermont-Ferrand, lorsque Mathieu apparut, les menottes aux poignées, le teint gris, l'œil vitreux. Plus rien n'évoquait l'attitude qui était autrefois la sienne ; celle d'un chef militaire, un peu hautain, qui nous rencontrait brièvement Feuerstein et moi-même pour demander d'un ton laconique, qu'on lui fournisse le plus rapidement possible des cartes d'identité et de ravitaillement.

Dès son entrée, la foule se mit à hurler et voulut l'écharper ; des gendarmes durent protéger Mathieu, dont les lèvres se mirent à trembler d'un mouvement saccadé, qui ne le quitta plus durant tout le procès. L'interrogatoire fut très long, Les chefs d'accusation étant d'importance, nombreux, détaillés et permettaient pour l'essentiel de reconstituer tout l'itinéraire de Mathieu, depuis le 23 octobre 1943, date de son arrestation par les Allemands à Rochefort Montagne, un mois avant la Grande Rafle. Mathieu bredouillait des réponses inaudibles, ponctuées par les cris de fureur de la salle et le Président Vialatte, non sans mal, finissait par rétablir l'ordre.

Les seules paroles de Mathieu, que l'on arriva à entendre d'une façon distincte furent celles-ci : "j'ai accepté de travailler pour les allemands par peur de représailles contre ma fiancée, qui était enceinte et qui avait été arrêtée un jour avant moi, mais j'ai toujours fait le moins de mal possible".

Ces dernières allégations furent réduites à néant, lors du défilé des témoins, qui furent tous plus accablants, les uns que les autres. Lors de la Grande Rafle, Mathieu avait dénoncé des camarades, qui avaient échappé au contrôle de la Gestapo, grâce à de faux papiers d'identité. Tel fut notamment le témoignage de Madame Dumas, qui déclara, que son fils ayant reçu une fausse carte d'identité de Mathieu. Celui-ci le fit arrêter en disant devant les Allemands, qui ne se doutaient de rien "tu sais bien qu'elle est fausse, c'est moi qui l'ai faite". D'autres témoins rapportèrent les exactions et les pillages commis par Mathieu et ses acolytes du Sonderkommando français lors des perquisitions et des arrestations et insistèrent sur la violence et le sadisme avec lequel Mathieu s'acharnait contre ses victimes, lors des interrogatoires. C'est ainsi que Charles Caudron (commandant Bengali) du réseau Mithridate rapporta que Geissler, chef de la Gestapo de Vichy avait été lui même stupéfait de la violence et de la cruauté de l'interrogatoire que Mathieu avait fait subir au Lieutenant-colonel Jacques Boutet de l'O.R.A. et avait dit "J'ai rarement vu un homme, qui se dit officier s'acharner autant contre un officier français". Le réquisitoire fut prononcé par le Commissaire Chaudoye, qui conclut à la peine de mort, en déclarant que ce châtiment était trop faible pour Mathieu. Des bravos et des applaudissements nourris soulignèrent cette conclusion.

Ce fut maître Planche, qui assuma la lourde tâche de défendre Mathieu. C'était le bâtonnier de Clermont-Ferrand et il s'était lui-même commis d'office, car aucun avocat n'avait voulu se charger du dossier Mathieu. Maître Planche était un avocat d'expérience, d'une bonne cinquantaine d'années ; il arborait une épaisse moustache grise et gardait encore l'usage de porter sur la tête une toque.

Maître Planche plaida la déficience mentale. Mathieu selon lui était un déséquilibré psychologique, qui aurait du faire l'objet d'une expertise mentale et il termina en réclamant pour Mathieu "le bagne rédemptoire plus terrible, que la mort". Le jury se retira pour délibérer et revint en ayant répondu oui aux 99 questions : Mathieu était condamné à mort.

Le verdict fut accueilli par les applaudissements et les cris de joie de la salle. Mathieu fut fusillé le 12 décembre 1944.

L'affaire de Saint-Maurice

Voila ce que dit, dans la notice consacrée à l'affaire de Saint-Maurice" :

" À la recherche du PC des MUR du Puy-de-Dôme, le 11 décembre 1943, le SD lance une opération à Saint Maurice, Emile Coulaudon « Gaspard », Antoine Llorca « Laurent », et les principaux responsables s'échappent de justesse, mais le SD, trouve le lendemain, une mallette contenant des documents importants, qui n'a pu être détruite.

Le lendemain, à Billom, Gaspard et ses amis (« Laurent », Robert Huguet « Prince », Max Menut « Bénévol », Camille Leclanché « Buron »), échappent de peu à une expédition dirigée par Hugo Geissler, comprenant 2 000 soldats du 66e corps d'armée de réserve. Dans les jours qui suivent, des stocks de munitions, d'essence, des responsables locaux sont capturés. Certains résistants, comme Louis Cornuejouls, sont fusillés, soit immédiatement, soit après plusieurs jours de torture. "

" Une réunion devait se tenir dans l'arrière salle d'un café de Saint-Maurice, une soirée de l'hiver 43. On ignore, a ce jour comment le SD a pu être informe de ce meeting, peut-être est-ce simplement le fruit du hasard. Quoiqu'il en soit Emile Coulaudon s'y rendit avec en sa possession une serviette contenant une ou des liste(s) nominatives de membres des MUR "en clair" et non sous leurs "pseudonymes".

On ignore comment avait été logée cette réunion. En tout état de cause, le SD devait en ignorer l'importance puisque les participants ont pu fuir faute, sans doute, d'effectifs suffisants pour pouvoir procéder à des arrestations.

Suivant les informations parvenues par la suite , Gaspard (Coulaudon) aurait confié a Max Menut (Bénévol) le soin de la faire disparaître. Celui-ci, hors du café, l'aurait jetée dans une bouche d'égout, à proximité.

Aubaine pour le SD, catastrophe pour les MUR, l'histoire veut qu'un boulanger, pétainiste, assista a la scène et indiqua au Kommando son existence. Les conséquences furent dramatiques.

"Archives nationales, centre historique de paris 2001, cote72/AJ/522, Affaires Mathieu et autres, Clermont-Ferrand, 16 septembre 1944"

“Expédition dans le région de Riom :

D'une part, les interrogatoires du commandant Madeline et de l'adjudant (de gendarmerie) Dodinet, d'autre part, les archives de Saint-Maurice (il s'agit de la fameuse serviette de Coulaudon, trouvée le 11 décembre 1943, au château de Saint-Maurice, près de Billom, comportant la liste des camps et dirigeants des MUR du Puy-de-Dôme, avec leurs vrais noms et leurs pseudonymes, et bien d'autres choses encore) nous donnèrent les renseignements nécessaires.

Dodinet qui était originaire de Riom, donna les noms de Perol, Virlogeux, Passemard, Robin. Les archives de Saint-Maurice avaient fourni les noms de Laborier, Marconnet et Labrousse, le capitaine de gendarmerie (Berger), et de Raynaud. Enfin, un renseignement du SB (Sonderkommando Blumenkampf, du nom de son chef, arrivé à Clermont en octobre 1943) avait signalé Chouvy.

On devait aller non seulement à Riom mais à Ennezat où les dirigeants du M.U.R. devaient être arrêtés. Le 8 février, le SD au complet partit pour Riom. Immédiatement fut arrêté le nommé Chouvy (il s'agit de l'instituteur). A 5 heures les opérations commencèrent. Dodinet guida la Gestapo. On arrêta Virlogeux avec toute sa famille, Laborier, Perol, qui nous avait été montré par Dodinet alors qu"il se trouvait sur la place de la Fédération. A la maison centrale, le gardien Passemard nous échappa. Ensuite furent arrêtés Marconnet, Labrousse et le capitaine de gendarmerie. Ensuite, on se rendit chez Robin qui était en fuite. Raynaud avait été oublié et les perquisitions ne donnèrent aucun résultat.

A 5 heures on interrogea les prisonniers. J'allai voir si le nommé Menut, alias Benevol (Max Menut était déjà dans le ), n'était pas chez lui mais il était en fuite. Nous arrêtâmes l'abbé Anneser

Au cours d'un interrogatoire, Perol et Laborier, après avoir été battus, déclarèrent qu'ils étaient en relation avec Michon, Goudier et Pachet. mais ces personnes étaient en fuite. Perol et Laborier avaient parlé qu'il devait exister chez Virlogeux un dépôt d'armes. La Gestapo alla chercher celui-ci dans sa cellule; on le trouva pendu, il s'était ouvert les veines avec ses verres de lunettes. Je sais qu'il a été inhumé au 92 à Riom mais j'ignore l'endroit."

(De nombreuses arrestations ont ensuite été opérées sur les indications de Perol et Laborier).

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