A NOUS, ! Aux Presses de la Cité en complément à ce livre :

Gilles LÉVY GUIDE DES MAQUIS ET HAUTS LIEUX DE LA RÉSISTANCE EN AUVERGNE 16 circuits illustrés de cartes et de photographies, sur les pas de ceux qui sont tombés au combat GILLES LÉVY FRANCIS CORDET

A NOUS, AUVERGNE La loi du 11 mars 1957 n'autorisant, aux termes des alinéas 2 et 3 de l'article 41, d'une part, que les « copies ou reproductions strictement réservées à l'usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective » et, d'autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d'exemple et d'illustrations, « toute repré- sentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite » (alinéa premier de l'article 40). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles 425 et suivants du Code pénal. © Presses de la Cité, 1981 Presses de la Cité 1990, nouvelle édition ISBN 2-258-03251 -2 « Le courage, c'est de chercher la vérité et de la dire. » Jean Jaurès.

LE GENERAL DE GAULLE

C'est bien à regret que je me vois dans l'impossi - bilité de faire exception, même lorsqu'il s'agit des vaillants combattants de Paulhac, du Mont-Mouchet et de Chaudes-Aigues. à la règle que je me suis fixée de ne pas écrire de préface. Mais j'ai lu avec intérêt les pages où vous évoquez ces durs combats. Elles témoignent de la foi, du courage et de la volonté du vaincre qui animaient le Maquis d'Auvergne

AVIS AUX LECTEURS

Cet ouvrage est le résultat de longues et difficiles recherches que POursuit Gilles Lévy depuis trente ans afin d'établir la vérité sur les combats du mont Mouchet. L'importance et la qualité des docu- ments et des témoignages recueillis l'ont progressivement conduit à se fixer un but plus ambitieux : préciser la participation de l'Auver- gne à l'ensemble de la Résistance française durant les années sombres de 1940 à 1944. Vouloir retrouver le fil conducteur d'une action clandestine, alors que les souvenirs s'estompent, que les principaux acteurs ont disparu et que les archives sont presque inexistantes, peut en effet paraître une gageure. Cette région, formée par les quatre départements de l', du , de la Haute-Loire et du Puy-de-Dôme, hébergeait la majeure partie des administrations gouvernementales de l'Etat français issues de la convention d'armistice ; elle connut de ce fait une interprétation constante des responsabilités à l'échelon national et régional souvent délicates à démêler. Proclamer l'ambition de ce livre c'est aussi en avouer les limites. Nous ne prétendons pas avoir fait œuvre définitive et nous avons parfaitement conscience de ne pas apporter de réponse à toutes les questions posées. La réglementation en matière de consultation d'archi- ves ne permet pas encore de disposer de l'ensemble de la documen- tation. Nous aimerions susciter, par le rappel d'événements parfois oubliés de cette période, la réaction des lecteurs, leur permettant ainsi de contribuer à l'établissement de la vérité. C'est là l'unique objectif de ces lignes : décrire ce que fut cette action, la situer dans le temps et l'espace et en préciser les acteurs. La quête de la vérité plus que la détermination des responsabilités reste notre seul but. Souhaitant être parvenus à la sérénité dans cette recherche, nous tenons à remercier ici tout particulièrement les nombreux résistants qui, très fraternellement, n'ont ménagé ni leur temps ni leur peine, pour évoquer leurs souvenirs et nous permettre de réunir la documentation nécessaire. Que ceux d'entre eux qui n'ont pu être cités veuillent bien ne pas nous en tenir rigueur. Le cadre nécessairement limité d'un tel ouvrage nous a, hélas ! contraints à laisser de côté un certain nombre de noms ; que ces acteurs, anonymes ou non, qui ont œuvré pour préserver à notre pays sa dignité soient cependant assurés de notre reconnaissance la plus profonde. C'est à eux et à tous ceux qui se dressèrent contre le joug de la servitude que nous dédions ce livre. La vie ardente et douloureuse, faite de sang et de larmes des patrio- tes venus de tous les horizons, agissant pour la libération de leur pays. méritait cet effort. Peut-on parler de l'Auvergne au XX siècle et du rôle qu'elle a joué pendant la Seconde Guerre mondiale sans songer à l'histoire de cette région ? « Premier haut lieu de la Résistance nationale » 1 l'Auvergne s'est illustrée dès le 1 siècle avant J.-C. par son acharnement à combat- tre l'avancée romaine en Gaule. Groupés autour de cette figure à demi- légendaire qu'est Vercingétorix, les Arvernes symbolisent alors le refus de se laisser dominer par une nation conquérante. Cinq siècles plus tard. l'Auvergne se dresse à nouveau comme l'ultime môle défensif de la Gaule face à l'envahiseur germain. Cette vocation défensive, l'orgueil d'une population profondément attachée à son sol, lui ont donné une importance stratégique jamais démentie. Se prolongeant au nord par le Morvan et à l'est par les massifs alpin et jurassien, le Massif Central occupe le septième de la superficie de notre territoire et constitue un ensemble de terres hautes entre le bassin Parisien, le bassin Aquitain et le couloir Rhodanien. Il offre des aspects divers ; à l'est et au centre, un chaos de blocs rehaussés en montagnes ou effondrés en bassins, compose la région des volcans et des dépressions. Au sud, il s'incline d'est en ouest en de hauts plateaux calcaires et cristallins. A l'ouest, arrondi en un large dôme de hauts plateaux granitiques, il descend vers les pays de la Loire et de l'Aquitaine. Il constitue une zone d'obstacles et d'isolement, où les communications sont particulièrement difficiles, car ces montagnes sont coupées de gorges, ensevelies sous la neige durant de longs mois d'hiver. Ainsi, sa situation géographique, sa topographie offrant à la guérilla un milieu naturel favorable, prédisposent cet ensemble de moyennes montagnes à devenir un des plus importants bastions de la Résistance française, lorsque, à la fin du printemps de 1940, après plus d'un siècle de paix, l'Auvergne connaît à nouveau les envahisseurs. 1. L'expression est du professeur A. G. Manry dans la Revue historique de l'Armée, n° 3, 1968. Au milieu d'une France en pleine débâcle, dans une confusion quasi générale, les armées allemandes progressent vers le centre du pays, peu gênées par les rares noyaux de défense isolés. De l'atelier de Gravanches, trois camions Citroën, sous la direction du lieutenant Dupuis avec Dumas de Menet (Cantal), Paillol de Mur-de- Barrez, Ducroc de Sornac (Corrèze) et Lacroix de Pierrefitte-sur-Seine, évacuent de , le 18 juin, sur Bordeaux, le matériel et l'uranium du laboratoire Curie, alors installé à la villa Clair Logis où devaient se rendre directement les Allemands, lors de leur arrivée à Clermont- Ferrand. La destruction des ponts de Chazeuil et Paluet ne retarde pas sen- siblement l'avance allemande et Saint-Pourçain-sur-Sioule est atteint le 19 juin à 8 heures. Gannat est ensuite occupé ainsi que Vichy, la reine des villes d'eaux. A 11 h 25, un bombardement de Montluçon cause 78 morts parmi la population et les très nombreux réfugiés. A Marmi- gnolles le troisième bataillon du 92 R.I. détruit une automitrailleuse allemande dans une embuscade. Mais l'unité, formée de jeunes recrues du régiment auvergnat, doit se replier devant l'hostilité manifestée par les habitants qui ne veulent pas subir les conséquences de combats retar- dateurs. A Clermont-Ferrand arrive l'écho de la bataille avec la nouvelle de l'occupation de Vichy ; la cité est alors proclamée « ville ouverte », mais un violent tir de D.C.A. accueille un avion ennemi qui survole la banlieue Est. Les unités de la Wehrmacht entrent à Riom défendu par une poignée d'hommes, le 20 juin, au moment où les détenus de la Maison centrale, désarmant les gardiens, proclament leur sympathie à l'adversaire. Les aviateurs abandonnent la base d'Aulnat et ses séries d'avions neufs. Le général d'Humières, commandant la XIII région militaire, consigne les casernes occupées par des soldats sans armement, et, le 21 juin au matin, les Allemands font leur entrée à Montluçon et à Cler- mont-Ferrand, où la garnison tout entière est prise au piège. Le lende- main les officiers, convoqués, sont prisonniers sur parole et un poste de garde allemand double le poste français. Du jardin des Plantes où elles stationnent, les troupes allemandes multiplient les patrouilles en ville, impressionnant grandement la popu- lation. Le couvre-feu est établi, la circulation des marks imposée, mais le 28 juin, les Allemands se replient ; il ne reste plus, au Grand Hôtel de la place de Jaude, que la commission d'armistice. L'humiliation de l'occupation allemande constitue pour tous les habi- tants du Massif Central un brutal réveil. L'Auvergne va progressive- ment recouvrer la conscience et la force collectives qui ont fait l'origi- nalité de son histoire.

1. Armée de terre allemande. CHAPITRE PREMIER DU REFUS DE LA DEFAITE A L'AUVERGNE COMBATTANTE (Juillet 1940 - novembre 1942)

La confusion règne dans les esprits ainsi que dans les sphères gouver- nementales après le repli le 29 juin de tous les organismes nationaux à Clermont-Ferrand, puis le 2 juillet à Vichy. Des parlementaires arrivent dans cette ville d'eaux promue au rang de capitale. Au milieu de ce désordre se développent cependant des réactions. Dès le 18 juin, Char- les de Gaulle, de Londres, refuse la défaite et lance cette phrase : « Quoi qu'il arrive, la flamme de la Résistance française ne doit pas s'éteindre et ne s'éteindra pas. » ÈRE DES INITIATIVES INDIVIDUELLES Le mois de juin n'est pas écoulé que déjà dans le Puy-de-Dôme un syndicaliste, Claudius Jeantet, de l'usine Michelin, soustrait du matériel à la base d'Aulnat. En Haute-Loire, la station du Puy-Chadrac est, par une belle nuit d'été, le témoin d'un de ces actes isolés. Alfred Salvatelli, de service alors qu'une escadrille anglaise survole la région, transmet en morse avec son projecteur « Ici Le Puy-en-Velay », jusqu'au moment où lui parvient la réponse « O.K. ». Dans le Cantal, sur le chantier de construction du barrage de l'Aigle (vallée de la Dordogne), l'ingénieur en chef des Ponts et Chaussées André Decelle suscite autour de lui un noyau de résistance et camoufle du matériel et du carburant de l'armée. Plusieurs habitants du canton de Maurs sont traduits en justice en octobre 1941 pour délit d'écoute de radio étrangère. Au préfet du Cantal qui lui demandait de rester en poste, le maire de Maurs répond : « Vous m'avez proposé de rester à mon poste mais vous m'avez dit : votre conseil doit disparaître ; chef et troupes sont et demeureront inséparables. Je vous prie donc d'accepter ma démission. » Le 1 mai 1941, à Montluçon, la citation du Maréchal : « Je compte sur chaque légionnaire pour m'aider à restaurer la France » peinte en lettres immenses sur le mur de clôture du château d'eau est modifiée et devient : « Je compte sur chaque Français pour m'aider à restaurer la République » signé de Gaulle. Les manifestations de ce genre se reproduisent le 14 Juillet et dans toute l'Auvergne les papillons tricolores : « 14 Juillet — Liberté — Egalité — Fraternité — Vive la République » fleurissent les murs. Ces actes sporadiques accomplis dès les lendemains de l'armistice et témoignant du refus de la défaite ne sont pas le fait des seuls civils. Certains chefs militaires cherchent à soustraire le maximum de matériel aux vainqueurs. Dans la Haute-Loire, le général Cochet, ancien comman- dant des Forces aériennes de la V armée, lance dès le 6 septembre 1940 son premier appel à la résistance. Certains n'ont d'ailleurs pas attendu cette date pour s'engager dans le combat. Ainsi, André Colin, sous-officier à la base aérienne de Vichy, décide de gagner l'Angleterre avec deux amis : Foucaud et Robert Huguet. L'occasion se présente le 1 juin 1941, mais ses deux amis ne peuvent le rejoindre. Ce jour-là, le sergent Colin, tapi dans un coin de l'aérodrome de Vichy, se précipite sur l'appareil Caudron-Goélan affecté au transport de la commission d'armistice, que ses passagers viennent juste de quitter. Rapidement installé aux commandes, le sergent-pilote décolle aussitôt. L'alerte sur la base est immédiate et un chasseur Messer- schmitt ne tarde pas à partir à sa poursuite, mais en vain. André Colin, réussit à se poser dans un champ anglais, non sans avoir été salué par la Londres.D.C.A. britannique. Encadré de six Home Guards en armes il rejoint Cet acte audacieux accompli quelque huit mois seulement après la signature de l'armistice a valeur de symbole. A un moment où bon nom- bre de Français se sont résignés à accepter la défaite, ce jeune ser- gent, refusant la servitude par ce geste exemplaire, préserve à l'homme toute sa dignité. Citons encore l'attitude courageuse d'un civil, Henri Tricot (Charles), d'Aurillac, qui proteste publiquement contre le régime, ce qui lui vaut l'honneur d'être vilipendé par une presse servile. Tous ces sursauts n'en demeurent pas moins des actes profondé- ment isolés. Force nous est de reconnaître qu'en cette fin 1941, la plu- part des Français de la zone Sud restent à l'écart de telles manifestations. Leur confiance va sans réserve au Maréchal. Au-delà de leur signification symbolique, quelle est la portée réelle de ces initiatives individuelles ? Bien vite, la limite de tels actes appa- raît. Isolés les uns des autres, très souvent insuffisamment préparés, ils n'endement sont de que leurs plus auteurs. vulnérables, et les maisons d'arrêt se peuplent rapi- La nécessité de se regrouper, de mieux s'organiser est une des exi- gences de la clandestinité. Les partis politiques d'opposition au gouver- nement de l'Etat français sont prédestinés par leur nature à favoriser ces actes spontanés pleins de générosité. ACTION DES PARTIS POLITIQUES Lors du vote de l'Assemblée nationale accordant les pleins pou- voirs au maréchal Pétain, le 10 juillet 1940, les représentants élus du Massif Central se distinguent : Maurice Montel, député du Cantal, Eugène Jardon et Isidore Thivrier, députés de l'Allier, Marx Dormoy, sénateur-maire de Montluçon, se rangent dans le groupe dit des « Quatre- vingts », qui refusent cette approbation et se place ainsi, d'emblée pra- tiquement hors la loi. Dès le 12 août, Marx Dormoy envoie Henri Ribière à Clermont- Ferrand qui rendra visite à un ancien responsable de la fédération socia- liste du Puy-de-Dôme, l'ingénieur Robert Mercier, et étudiera avec lui le rassemblement des éléments hostiles à la politique de Vichy. De cette rencontre naîtra un plan d'action tant au niveau de la Résistance qu'au niveau politique. Les trois grands partis d'opposition, obligés dès lors d'épouser les formes de l'action clandestine, ne tardent pas à se manifester dans les quatre départements auvergnats. Les démocrates-chrétiens. Le 25 novembre 1940 paraît à Clermont-Ferrand le premier numéro d'une feuille clandestine d'inspiration démocrate-chrétienne : Liberté préparée par François de Menthon et soutenue par Pierre-Henri Teitgen, René Courtin, René Capitant, Marcel Prelot, Alfred et Paul Coste-Floret, André Fradin, Jacques Renouvin. De son côté, Alfred Coste-Floret obtient des renseignements dans les ministères de Vichy et les transmet à un réseau polonais qui les adresse aux Anglais depuis Port-Vendres. En novembre 1941, le premier numéro de Témoignage Chrétien est diffusé en Auvergne par Germaine Auroux, responsable régionale, nalEugène ». Laudouze de « Combat », et Alphonse Rozier du « Front-Natio- Les socialistes. La présence, dans le Centre, de membres des derniers gouverne- ments de la III République attire sur place un certain nombre de mili- tants socialistes, parmi lesquels Samuel Spanien et André Le Troquer, avocats de Léon Blum. Avec eux trouvent refuge dans le Puy-de-Dôme, Colette et Emile Kahn, secrétaire général de la Ligue des Droits de l'Homme, Amédée Dunois et Paul-Emile Dizard, rédacteur en chef du Populaire. Tous se rassemblent dans les locaux du journal la Montagne : Maurice Felut rédacteur en chef, Mme Gabrielle Moyse (Moysette) sténo de presse, et d'autres journalistes tels que Jean Rochon et Jean-Gabriel Aufauvre ; Daniel Mayer se joint à eux en janvier 1941. Jean Rochon, dans un texte du 8 juillet 1940, traduit son cheminement vers la résis- tance : Vercingétorix ... Là-haut, se détachant sur un ciel chargé de nuées, le vieux cava- lier dont la silhouette est pour nous familière demeure figé dans son galop de bronze. Que nous dit-il, le vieux compagnon ? Que cherche son regard perdu vers les horizons brumeux de la montagne ? Un message, peut-être, d'espoir et de salut. Le goût de l'effort et de la lutte, le sens d'une certaine grandeur, d'une certaine fierté. En mars 1941, l'ancienne fédération départementale S.F.I.O. de l'Allier prend le nom de « Front de la liberté ». Les socialistes du Puy- de-Dôme se regroupent autour de Jean Butez (Albert, Ambroise), Jean- Gabriel Aufauvre et Georges Giraud (Camille, Barbet). Raymond Perrier, secrétaire de l'Union départementale des Syndi- cats, assure la liaison avec les syndicalistes qui se regrouperont au sein du Mouvement Ouvrier Français (M.O.F.). Son boycottage de la visite du maréchal Pétain le 22 mars 1942 lui vaut une mesure d'internement, mais, avisé par un ami policier, il réussira à quitter la région. Les instances régionales siègent chez le docteur Jean Billaud à Mont- luçon. La première réunion du Comité d'action socialiste de la région se tient vers la fin de l'année 1942 dans l'arrière-salle du café Duranton à Clermont-Ferrand. Elle groupe environ 80 personnes en présence des leaders du parti : Augustin Laurent et Eugène Thomas alors réfugiés à Lyon. Les responsables cantonaux y sont désignés, assurant les liaisons avec les mouvements de résistance. A la fin de l'année 1942, Suzanne Buisson et Robert Mercier se ren- contrent chez Jean Butez et les responsables du Puy-de-Dôme se réunis- sent avec Daniel Mayer à Montferrand, chez Henri Chauny. Le département de l'Allier est privé le 2 octobre 1942 de René Ribière et Georges Rougeron, responsables du parti socialiste, ainsi que des Chicoix, père et fils ; tous sont internés à Saint-Paul-d'Eyjeaux. Les communistes. Les militants communistes, passés dans la clandestinité depuis les derniers gouvernements de la III République, bénéficient de cette expé- rience de plusieurs mois et se montrent d'emblée mieux organisés, mieux préparés à ce genre d'action que requiert la Résistance. Obligé de recons- truire son armature après les arrestations de la « drôle de guerre », le parti s'appuie sur des hommes originaires d'autres régions ou issus d'autres familles politiques. Dans les usines Michelin le parti est ainsi remis sur pied par Raoul Calas avec l'aide d'un ouvrier socialiste Bon- geat (Lenoir). L'organisation est si cloisonnée que les militants ne connaissent ni le nom ni le domicile du camarade le plus proche. Jusqu'au 21 juin 1941 l'action du parti communiste est en fait essentiellement politique et dirigée contre les agissements du gouverne- ment de Vichy : l'occupant est en effet lié à l'U.R.S.S. par le pacte ger- mano-soviétique qui oblige les communistes français à une action pru- dente sur le plan de la résistance contre l'ennemi. Dès le 23 août 1940, Robert Delmas (Lucien) est arrêté par la police alors qu'il transporte des tracts timbrés au crayon bleu de la faucille et du marteau et ainsi libellés : « A bas la comédie de Riom, jeunes de France vous ne serez pas les laboureurs de l'armée hitlérienne — Les traîtres au poteau ! A bas Pétain ! Vive la République ! » Georges Catalhifaud et Jean Chalus (Leduc) sont appréhendés pour le même mobile. Les habitants du Puy-de-Dôme peuvent lire sur une affiche placardée par le parti communiste peu après l'entrevue de Montoire : « A bas Pétain-Laval ; le gouvernement des forbans aux côtés de l'Allemagne. Il est aux ordres d'Hitler ! Soutenez le parti du peuple français contre le gouvernement de l'étranger. Ni de Gaulle, agent de l'impérialisme anglais, ni Hitler, bourreau de l'Europe, mais une France socialiste libre ! A bas la guerre impérialiste ! » Dans l'édition tricolore de l'Humanité se lisent ces slogans présentés en grosses lettres : « Ni soldats de l'Angleterre avec de Gaulle Ni soldats de l'Allemagne avec Pétain Vive l'union de la nation française ! » En réponse à cette propagande intensive du parti communiste clan- destin, le gouvernement de Vichy réagit en multipliant les arrestations et les emprisonnements. Le docteur Jacques Guillaumin, alors interne des hôpitaux de Clermont- Ferrand, constitue en septembre 1940 avec un certain nombre de camarades étudiants une organisation clandestine, en unissant « Des étudiants patriotes » dirigés avant-guerre par Yves Moreau et « L'union fédérale des étudiants » que dirigeait Guillaumin. Cette organisation rassemblait dans les facultés et au lycée Blaise-Pascal un certain nombre d'étudiants et d'étu- diantes. Son activité consistait à la distribution de tracts, de journaux clan- destins et à la lutte contre le régime de Vichy et les collaborateurs. En décembre 1940, janvier-février 1941, un certain nombre d'entre eux furent appréhendés à la suite de dénonciations, en particulier au lycée Blaise-Pascal et jugés par le tribunal militaire de Clermont-Ferrand les 15- 16-17 et 18 mai 1941. Furent condamnés à de lourdes peines de prison comme « agents communistes de l'Angleterre » : Jean Dechambre, André Martin, Michel Bloch et cinq étudiants et étudiantes : Colette Sellier, Nicole Joubert, Marcel Lefort, Jean Egal et Jean Druaud Michel Bloch, fils de l'écrivain Jean-Richard Bloch, professeur d'histoire au lycée de Thiers, écope de la plus forte peine : cinq ans de prison, cinq mille francs d'amende et vingt ans de privation de ses droits civils. Un certain nombre d'entre eux furent par la suite déportés et ne revinrent pas des camps de la mort. Entre le'20 septembre et le 1 octobre 1940, Jean Bac, Rémy Jam- met, Charles Beaulaton distribuent le premier tract clandestin imprimé, diffusé à 1 000 exemplaires, dans lequel on peut lire : « Le pays des droits de l'homme ne s'inclinera pas devant la force de l'arbitraire... » ; l'auteur dénonce avec indignation les traîtres et les lâches de chez nous protégés par l'armée d'occupation qui affament nos enfants, et conclut : « Trois fois envahi par les boches en soixante-dix ans, le peuple de France s'organisera, luttera et les chassera du sol de la Patrie. » Le 20 octobre 1940, le tribunal correctionnel de Clermont-Ferrand condamne dix-huit militants communistes pour tentative de reconstitu- tion de parti dissous. En octobre 1940, la rafle des militants communistes

1. L'avenir du Plateau central, des 17-18 mai 1941. les plus en vue, acheminés d'abord sur le camp de Mons (Puy-de-Dôme) puis sur celui de Nexon (Haute-Vienne), enfin pour certains sur Bos- suet (Oranie), marque le départ de la presse clandestine du parti com- muniste, et le premier numéro de l'Humanité de l'Allier est daté du 1 octobre 1940. Le 25 novembre, le premier numéro de la nouvelle série de la Voix du Peuple, organe communiste du Puy-de-Dôme, sort des presses. Une cabane sans feu, isolée, sur les coteaux de Chanturgues, tient lieu d'ate- lier à Louis Cuoq qui y prépare les stencils. Les diffuseurs sont pour- suivis ; Jean Bac (Lenoir) sera condamné à quatre ans de prison. En décembre 1940 paraît la Vie ouvrière, organe de défense des tra- vailleurs du Puy-de-Dôme. Le 24 décembre, Alphonse Rozier (Denise) est arrêté, puis relâché. Quelques jours plus tard, le 31 décembre, le groupe « Chezeau » est démantelé. Jean Pascuito est arrêté le 15 janvier 1941, Etienne Néron, ancien rédacteur à l'Humanité, plâtrier-peintre à Thiers, le 18. Deux camarades l'accompagnent et sont emprisonnés jusqu'au 12 juin où le tribunal mili- taire condamne Néron aux travaux forcés à perpétuité, Paul Arnola à un an et Jean Ferrière à six mois de prison. Un autre militant André Graux est condamné à cinq ans de prison. Le 28 février 1941, la police arrête Charles Jouan, Pierre Marion et Jean-Marie Mayet en flagrant délit de distribution de tracts. Malgré toutes ces réactions auxquelles les communistes doivent continuellement faire face, l'organisation du parti est telle que les jour- naux clandestins sortent régulièrement. Mais le 21 juin 1941, un coup de tonnerre éclate sur la scène inter- nationale : les Allemands envahissent la Russie. Cet événement libère le parti communiste de l'hypothèque du pacte germano-soviétique. Désor- mais, il entre sans restriction dans la Résistance. Malgré l'arrestation en juillet de deux responsables de l'Allier : Planeix et Benoît, il dispose d'un véritable centre de documentation et du meilleur appareil clandes- tin d'action et de propagande. En juillet 1941, après l'attaque allemande contre la Russie, un tract ronéotypé est diffusé. Le 30 août, le gouvernement de Vichy fait pren- dre des mesures sévères contre d'éventuels attentats communistes, en par- ticulier à la S.N.C.F. Le 11 septembre, Robert Marchadier est condamné par le tribunal militaire de Clermont-Ferrand à la peine de mort pour menées communistes. Quelques jours plus tard la peine sera commuée en travaux forcés à perpétuité par le maréchal Pétain. La police, toute à son action répressive, déclenche du 8 au 11 jan- vier 1942 des opérations contre les militants communistes de l'Allier, puis à Treignat le 16 janvier : 52 arrestations s'ensuivent. Robert Bou- dignon, diffuseur de la presse clandestine à l'usine de la Sagem de Mont- luçon, est arrêté et condamné le 26 février à un an de prison. Ainsi articulés et forts de cette organisation, les communistes appel- lent les Clermontois à une manifestation antigouvernementale le 14 juil- let 1942. Il n'y a que 150 manifestants dans les rues avoisinant la place de Jaude bouclée par la police et la garde mobile. La déception commu- niste est grande de constater le peu d'empressement des Clermontois à répondre à leur appel. Bref, la levée de l'ambiguïté du pacte germano-soviétique permit aux communistes français de donner un essor décisif à leurs actions terroristes contre l'occupant. Cependant, la seule réorganisation clandes- tine du parti avait été un acte de résistance. L'Organisation spéciale (O.S.) est l'amorce du regroupement des patriotes que sera le Front National ; son bilan de lutte dès avant juin 1941 est très honorable, qu'il s'agisse d'actions contre le pillage des ressources nationales, contre l'occupant ou les traîtres.

GERMES DE LA RÉSISTANCE Résistance militaire. Après les actes isolés de la première heure, certains militaires vont profiter des places qu'ils occupent dans les différentes administrations du gouvernement de Vichy pour donner à leur action clandestine une plus large envergure. C'est ainsi que le général L. Colson manifeste sa volonté de repren- dre le combat dans ses messages des 18, 19 et 21 juin 1940 où il pres- crit notamment depuis Bordeaux : « d'arrêter l'exode et de poursuivre la lutte, d'embarquer les matériels pour l'Angleterre et l'Afrique du Nord, de résister encore. » Le ministère de la Guerre s'installe à Royat, entraînant à sa suite les organes centraux habituels. Dès le mois de juillet 1940, certains offi- ciers, à la vérité peu nombreux, dans la masse de ceux qui orbitent autour des divers états-majors, ressentent la nécessité de mettre le maté- riel de l'armée française à l'abri des investigations des commissions d'armistice. Ainsi naît et prend corps le service de camouflage du maté- riel (C.D.M.), dirigé par le colonel Emile Mollard (Maurice Dubourg) ; celui-ci, dès mars 1941, perfectionne le système par la création de la société Maurice Dubourg et Cie, machines agricoles, mécanique géné- rale, grâce à laquelle Clermont-Ferrand reçoit de bien curieux ingé- nieurs agronomes. Le contre-espionnage clandestin installe dans la ville de Clermont- Ferrand le poste T.R. 113 dirigé par le capitaine Paul Johannes (Jan- sen), poste dont l'importance ira croissant. Dès le 1 juillet 1940, le capitaine Paul Paillole (Perrier) camoufle le contre-espionnage clandes- tin sous l'appellation de Société de transports ruraux (T.R.). De la même façon, en août 1941, le commandant d'Alès crée le Bureau des menées antinationales qui assure les liaisons entre les ser- vices de renseignements et la police, protégeant ainsi les organes clandes- tins. Enfin, le 24 août 1942, le capitaine Paillole coiffe les deux services de la sécurité militaire et du contre-espionnage. Dans la nuit du 6 au 7 septembre 1940, l'armurier André Honoré enlève, avec cinq sous-officiers, le contenu de deux wagons d'armes de la gare de Clermont-Ferrand. Un volume important d'armes et de maté- riel sera ainsi soustrait aux prélèvements allemands. Le 8e Dragons d'Issoire participe activement aux opérations de stockage, confiées à des sous-officiers responsables de la surveillance et de l'entretien à Clermont- Ferrand, Perrier (Puy-de-Dôme), Laboué (Haute-Loire) et Neussargues (Cantal). A Allagnat (Puy-de-Dôme) se constitue un dépôt automobile. Les dépôts sont fractionnés géographiquement selon les besoins d'une mobilisation décentralisée. 21 dépôts existent au 11 novembre 1942 : 14 dans le Puy-de-Dôme, 4 dans le Cantal, 3 en Haute-Loire, suffisant à équiper 41 formations, du pistolet automatique au canon de 75 mm. Détenteurs d'informations, les militaires vont essayer d'en tirer parti et de les transmettre à Londres. Pour cela ils vont avoir recours à des réseaux dont le but sera précisément d'obtenir des renseignements sur l'armée allemande. Les réseaux. La création d'un réseau obéit à un processus déterminé. Le chef de mission, envoyé par Londres, recrute sur place ses proches collabora- teurs, lesquels s'entourent également de personnes sûres. L'inscription à plusieurs réseaux est donc possible, de même que la double appartenance à un mouvement de résistance et à un réseau de renseignements. On aboutit finalement à une étroite imbrication des uns et des autres, au plus grand mépris parfois des règles impératives du cloisonnement. Le colonel Herbinger (Bressac) crée dès août 1940 le réseau « Mithridate » et recrute l'Alsacien André Aalberg (Jean-Louis) que vient de condamner avec sursis le tribunal militaire de Clermont-Ferrand, pour avoir essayé, lors d'une escale à Dakar, de rejoindre à pied la Gambie britannique. D'abord simple agent, il se fait vite remarquer par son cou- rage et son intelligence ; il sera secrétaire du réseau jusqu'en mai 1942, puis deviendra adjoint au chef de réseau, tandis que Paul Gaubin (Paul) du Crest sera chef de secteur. De 1942 à 1944 la centrale du réseau restera à Thiers. Dès octobre 1940, le lieutenant de vaisseau d'Estienne d'Orves crée depuis Londres le réseau « Nemrod ». Arrivé à Vichy après un débar- quement à l'île de Sein, Yan Doornick, Hollandais né à Paris, organise rapidement la propagande auprès de l'armée d'armistice, puis met sur pied un réseau avec Daniel Dohet et José Germain, un familier de l'hôtel Majestic. L'arrestation de Yan Doornick le 4 janvier 1941 à Paris mettra fin aux activités de ce sous-réseau. Le colonel Rivet (Faurax) crée le réseau « Kléber » qui dès jan- vier 1941 reçoit l'aide du commissaire principal Jean Aizier, chargé de fournir les faux papiers nécessaires à la couverture des agents de ren- seignements et d'assurer la sécurité des stations radio clandestines autour de Clermont-Ferrand. Le réseau recrute ses informateurs parmi les civils, comme le docteur Briault à Vichy ou le transporteur clermontois Robert Huguet. Des militaires se joignent à eux. En octobre 1941, une journaliste américaine qui partage son temps entre Vichy et Lyon, Miss Virgina Hall (Miss Marie) entre en relations au Puy avec Jean Joulian et sa femme Marie-Louise. Elle leur demande alors de créer un groupe de résistance au profit des services de rensei- gnements anglais du colonel Buckmaster, circuit « Privet ». Jean Jou- lian, devenu Jérôme, s'en ouvre à un transporteur du Puy, Eugène Labourier (Marius), et devient chef interdépartemental de ce réseau. Mme Joulian (Eminence grise) assure les liaisons avec Lyon et l'héberge- ment des aviateurs alliés. En avril un officier radio anglais, Grégoire, reste six semaines chez Jean Joulian où passe le commandant Philippe de Vomécourt (Gauthier, Saint-Paul) qui dirige en France le service Buckmaster. En mai 1942 l'importance de ce réseau impose la création de deux groupes de réception de parachutage mixtes, l'un anglais avec E.-M. Wil- kinson (Alexandre) et Valérien, l'autre français avec Jean Joulian et Eugène Labourier; ces groupes sont renforcés en juillet 1942 par deux dan- seurs de claquettes : les frères Henri (Hubert) et Alfred (Arthur) New- ton, qui créent leur propre réseau en Haute-Loire : « Greenheart ». L'ensemble s'étoffe avec Mme Caravillot (Ariane), agent de liaison au Puy, Pierre Pestre (Philippe), chef de groupe du Puy, et Nuel (Pégase, Lapin) de Brives-Charensac, qui devient un excellent chef d'équipe de parachutage grâce à sa connaissance du pays. La domestique des Joulian, Mme Juliette Chausse, pourvoit à tous les besoins ; le chauffeur Maurice Laurent transporte en toute discré- tion officiers anglais ou armes. Un médecin réfugié au Puy, Georges Schwartz (Sicard), soigne les officiers anglais de passage. Georges Charaudeau (Chevallier, Chambon, Guy, Chobières) met sur pied, dans le même temps, le réseau « Alibi » spécialisé dans les transmissions de renseignements militaires aux Anglais. Le professeur Louis Godard ne tarde pas à en faire partie aux côtés d'Henri Thiodat, d'Ernest Cousseran et de Florian Radescot. Le réseau installe sa cen- trale en mai 1942 à Clermont-Ferrand, où il demeurera jusqu'en 1944. De son côté, Maurice Andlauer (Antoine) met sur pied le réseau « Ali » spécialisé dans les contacts politiques et administratifs ; Alexan- dre Varenne est l'un de ses principaux informateurs. Les rapports offi- ciels de Vichy sont transmis au B.C.R.A. par le canal de ce réseau. Le contre-espionnage relève d'Achille Peretti (Vandeuil) qui créera en jan- vier 1943 le réseau « Ajax », dont le 6 secteur est installé à Clermont- Ferrand. Le 15 octobre 1941, le commandant Georges Loustanau-Lacau (Navarre), fondateur du réseau « Alliance », est condamné par le tribu- nal militaire de Clermont-Ferrand à la détention pour dissidence. Le 28 avril 1942, Christian Pineau (Francis) organise à Vichy et Clermont-Ferrand le réseau « Phalanx », auquel appartiennent son beau- frère Bonamour (Barnaud), le directeur du journal la Montagne, Novel, et Mottuel qui code les messages. Après la disparition, en mai, du réseau « Etoile » (F2) de François Michel (Fabrice) et Michel Brault (Jérôme), le sous-réseau « Goélette » du réseau « Phrarie » créé par Serge Morizot (Diane, Berthe) prend plus d'ampleur. Enfin les réseaux « Gallia » « Marco Polo » et « Antoine » sont également représentés dans le Puy-de- Dôme. Ainsi, outre les réseaux issus des services français, se développent de nombreuses chaînes de renseignements dont les informations se recou- pent et se complètent.

1. Bureau central de Renseignements et d'Action, Londres. Les prises de contact entre militaires et membres des réseaux se multi- plient donc, et, au début de l'année 1941, Gilbert Renault (Raymond, Rémy) et Pierre Fourcaud (Barbès, Lucas) rencontrent à Clermont-Fer- rand le colonel André Borgnis-Desbordes, sous-chef d'état-major de la XIII région militaire. Leur mot de passe est le suivant : « Je viens de la part de Nicolas Mystère. » Le 1" octobre 1942 se crée à Vichy un réseau particulier de noyau- tage des ministères : le Supernap 2 animé par Maurice Nègre (Delcourt, Olivier). Mais ce type de réseau relève déjà des mouvements de la Résis- tance intérieure.

MOUVEMENTS DE RÉSISTANCE Les initiatives individuelles ont permis de prendre conscience d'une force nouvelle et les hommes d'action ont éprouvé la nécessité de nouer des contacts. C'est le cas du docteur Guy Fric (Monnet) qui s'évade le 6 juin 1941 de l'hôpital du camp des prisonniers de Coblence et anime dès son retour à Clermont-Ferrand l'opposition contre la Légion des Combattants. Deux autres prisonniers évadés, Emile Coulaudon (Gas- pard) et Jean Mazuel (Judex), rassemblent autour d'eux, l'un à Cler- mont-Ferrand, l'autre à Brioude, un premier groupe de résistants. Cet engagement dans la Résistance de la part d'hommes isolés se trouve favorisé par les prises de positions variées à propos de la Révo- lution nationale, par le ralliement à Vichy ou à Londres qui font éclater les cadres des anciens partis politiques et aboutissent à la création de ce qui est appelé dès lors Mouvements de Résistance. « Les Ardents. » En janvier 1941 à Chamalières où il s'est fixé, le général Cochet reçoit la visite d'un personnage « à la physionomie de Gaulois, à la fois décidé et rêveur » : Roger Lazard. Ce dernier, surveillé par Vichy, adhère avec enthousiasme aux idées répandues par le Général : « Un seul ennemi, le boche et, avec lui, tous ceux qui l'aident ou l'appellent. » Quelque temps plus tard, Roger Lazard rédige un manifeste : La délivrance par l'insurrection, et l'envoie en mai 1941 aux 80 députés et sénateurs ayant voté contre les pleins pouvoirs de Pétain. Voyant en ces parlementaires les seuls hommes capables de restaurer la confiance des Français dans les institutions républicaines, Lazard les invite à l'action. Roger Lazard sera vite connu sous le nom de général François et son mouvement prend pour nom « Les Ardents », Jeanne d'Arc en devient le symbole, la flamme du bûcher manifestant sa foi ardente dans les des- tinées de la patrie. Chanier (La Barque) finance pour la plus grande part l'achat d'une exploitation isolée dans les bois du col de Ceyssat où les Ardents s'ini- tient à la doctrine du Manifeste et au rôle qu'ils auront à jouer. Charles Rauzier (Tranchet) devient vice-président du mouvement et chef régio- nal pour l'Auvergne. 2. Noyautage des Administrations centrales. Une réunion de « l'Europe nouvelle » organisée par le doriotiste Jean-Marcel Renault et la Jeunesse de France et d'Outre-Mer (J.F.O.M.) est l'occasion pour les Ardents de chanter Vous n'aurez pas l'Alsace et la Lorraine. A Clermont-Ferrand, Roger Lazard s'appuie sur le chef du personnel des tramways. Les P.T.T., le Gaz et l'Electricité, la S.N.C.F. fournissent au mouvement de nombreux sympathisants. L'arrestation du général Cochet en septembre 1942 entraîne le rallie- ment de ses troupes aux « Ardents ». L'idéalisme original de Roger Lazard gardera au mouvement son individualité propre. Le groupe de Gergovie. Le repli à Clermont-Ferrand de l'université de Strasbourg a pour conséquence inattendue de faciliter les rencontres entre professeurs et étudiants, aboutissant ainsi à la mise sur pied d'un foyer de résistance. Le vice-recteur Danjon cherche à maintenir jusqu'au bout une université française de Strasbourg face à l'université allemande ouverte en Alsace. Un professeur d'histoire, Gaston Zeller, ouvre alors à Gergovie un centre de fouilles, maison de vacances pour les étudiants alsaciens, afin de les occuper et de leur éviter de rentrer en Alsace. Le général de Lattre de Tassigny fait achever la maison par ses soldats. A l'automne 1940, les étudiants s'y installent et se recueillent devant le drapeau français au chant Vous n'aurez pas l'Alsace et la Lorraine. Noël 1940 est marqué par la visite de Paul Valéry, et le menu porte cette phrase : « Le même menu sera servi l'année prochaine à Strasbourg. » Fouilles archéologiques et réunions amicales ont peu à peu structuré professeurs et étudiants de la faculté de Strasbourg en un groupe arti- culé autour de l'archéologue Jean Lassus. Au printemps 1942, une réunion de propagande de la J.F.O.M., dans laquelle Cauchy s'est infiltré, est boycotté par les Gergoviottes grâce à des ampoules lacrymogènes. Koeger, Cabannes, Teddy Piat, Marie- France et Stéphanie Kuder participent à ce joyeux chahut. L'aide apportée à Gergovie par le général de Lattre s'accroît des subventions du vice-recteur Danjon et de l'équipement fourni par le ser- vice de l'aide aux réfugiés de M. Tramond. Les étudiants évadés d'Alsace sont accueillis par Mlle Weber et munis de faux papiers par Stéphanie Kuder. Le ravitaillement obtenu grâce à la reconnaissance du chantier comme « soupe populaire », permet de faire vivre la communauté. Si le besoin d'action des étudiants n'y est pas satisfait, leur esprit de résistance s'y trouve affermi et le groupe va rapidement militer au sein des divers mouvements et réseaux. Libération.

C'est également en 1941 que naît « Libération », autre mouvement de la Résistance, qui puise ses origines dans l'action de Jean Cavaillès (Marty), maître de conférences à la faculté des lettres de Strasbourg ; celui-ci avait repris son poste à la rentrée universitaire de novem- bre 1940, mais refuse d'accepter la défaite. Grâce à l'un de ses collè- gues, il entre en relation avec Samuel Spanien ; Bertrande d'Astier le met face à face en décembre 1940 avec son oncle, Emmanuel d'Astier de La Vigerie, officier de marine devenu journaliste, qui, tenté par l'action, crée la Dernière Colonne. Puis c'est Jean Rochon, secrétaire de rédaction à la Montagne, qui prend contact avec Jean Cavaillès. Enfin, ce dernier, avec l'aide de son collègue et ami Georges Canguilhem (Laf- font), rédige le premier manifeste. Le mouvement se concrétise véritable- ment avec l'apparition du numéro 1 du journal clandestin Libération, en juillet 1941. Tiré chez un petit imprimeur de La Bourboule un article y précise le but des auteurs : « Sortir de notre état sordide de vaincus par l'action et dans l'action. » La diffusion de Libération est assurée par Raymond Perrier qui anime toute une chaîne de syndicalistes. Les transports sont à la charge d'André Roubille ; Georges Giraud (Camille, César) recrute des adhé- rents dans le Puy-de-Dôme. Le mouvement présente donc la structure suivante : Chef régional : Jean Rochon (Berger, Chevrier). Agent de liaison : Fred Beaudin (Bob). Secrétaire régional : Jean-Gabriel Aufauvre (Colin, Vautrin, Raphaël). Agent de liaison : Fred Laboureur (Alain). Propagande. — Usines et administrations : Gabriel Montpied (Gaël), Raymond Perrier (Brioude), Camille Mourgues (Valentré). — Université : Henri Rochon, Jacques Alcalay, mort déporté. Service des renseignements. Jean-Michel Flandin (Gyn), André Paquot, mort déporté. La liaison avec Londres est rapidement assurée par un syndicaliste C.F.T.C., Yvon Morandat (Yvon) parachuté en France, et par Jean Rochon. Fin 1941, ce dernier recrute sur place un ouvrier typographe de la Montagne, Maurice Bayle (Philippe), autoritaire et énergique, qui organisera la réception et le transport des armes demandées à Londres. Un étudiant de Clermont-Ferrand, Etienne Bauer (Patrick, Neyrac), prend à sa charge les liaisons extérieures. A Clermont-Ferrand le mouvement s'infiltre chez les Compagnons de France, dans la police, l'administration préfectorale et les entreprises. Mais le 15 janvier 1942, la police française arrête vingt de ses mem- bres. Cependant, depuis la fin de 1941 et tout au long de l'année 1942, « Libération » ne cesse de s'étendre à l'ensemble de l'Auvergne. L'épi- sode de l'implantation du mouvement en Haute-Loire reste significatif de l'état d'esprit qui existait à l'époque. Le docteur Georges Schwartz du Puy, toujours désireux de rejoin- dre le général de Gaulle, rencontre Jean Moulin à Marseille. Un dialo- gue étrange s'établit entre eux, dialogue ainsi rapporté par le docteur Schwartz : Jean MOULIN : « Que voulez-vous faire ? Georges SCHWARTZ : Partir en Angleterre pour continuer la guerre. Jean MOULIN : Je vous parle au nom de De Gaulle. Nous n'avons pas besoin de Français en Angleterre, nous en avons besoin en France. Georges SCHWARTZ : Pour faire de la résistance ? Jean MOULIN : Bien sûr. Georges SCHWARTZ : Où ? Jean MOULIN : Là où vous êtes. Sur place. Sur le sol national. Georges SCHWARTZ : Là où je suis, je ne connais pas de résistance, je ne connais que des agents anglais. Jean MOULIN : Vous n'avez qu'à en fonder une, française. Georges SCHWARTZ : Avec quoi ? Tout seul ? Jean MOULIN en tendant ses deux mains qui paraissent à Georges Schwartz énormes et blanches : — Avec ça. Vous avez quelques amis ? Alors avec deux ou trois, ça suffit pour démarrer. » La conversation est terminée. Le docteur Schwartz entre en Haute- Loire, et peu après, « Libération » s'y implante grâce à l'impulsion que lui donne Robert Mercier (Carrier, Pascal). En cette année 1942, la Haute-Loire est sous la direction d'un Comité de quatre membres : — Robert Mercier, chef départemental. — Docteur Schwartz, adjoint. — Docteur Yves de Botton qui rejoindra par la suite Lyon où, chef du 2 Bureau des M.U.R. il sera assassiné par les Allemands peu avant la Libération. — Robert Bernard, chimiste-biologiste, futur chef du service social des M.U.R. de Haute-Loire. Dans le Cantal, le mouvement en est à la phase de prospection. Le docteur Schwartz rencontre en effet à Aurillac ses amis Casimir et Fanny Heyman. Aussitôt après, Casimir Heyman entre en relation avec Léon Matarasso (Sorel) et sa femme. Matarasso prend rapidement la responsa- bilité du mouvement dont Mme Heyman assure le service social, et « Libération » compte alors quelques dizaines de membres dans le Can- tal. Dans l'Allier, le mouvement est animé par Georges Rougeron. Le numéro de Libération du 18 mai 1942 publie le premier mani- feste du Mouvement Ouvrier Français (M.O.F.) formé de syndicalistes récusant la Charte du Travail (C.G.T. confédérée, C.F.T.C.). La liaison avec le Comité d'action socialiste est en place depuis le début de l'année. L'équipe du journal la Montagne et en particulier les articles de Jean Rochon constituent le pôle d'attraction de tous les horizons de la Résis- tance. Un document adressé à Londres en octobre 1942 fait le point sur ce mouvement et précise entre autres l'établissement du Comité exécutif à Lyon. La région d'Auvergne est partagée entre la Région n° 3, Soie (Lyon) où se trouve le secteur du Puy, et la Région n° 4, Noire avec l'Allier, le Puy-de-Dôme, le Cantal et le reste de la Haute-Loire. Le P.C. 1. Mouvements unis de la Résistance. de cette région passe de Clermont-Ferrand à Montluçon où ont déjà lieu des opérations spéciales, attentats et sabotages. Les contacts avec les militants syndicalistes sont assurés par un chef de district, dirigeant de la C.G.T., Raymond Perrier. Mais les dirigeants du mouvement ne veulent pas rester isolés et en août 1942, l'ancien secrétaire de Marx Dormoy, René Ribière, assure les premiers contacts entre « Libération » et « Combat ». Combat. Le capitaine Henri Frenay ressent dès l'été 1940 la nécessité de trans- former la mentalité « zone Sud » pour amener les Français à reprendre le combat contre les Allemands. Nommé au 2 Bureau à Vichy en décem- bre 1940, Henri Frenay adresse sa démission fin janvier 1941 et crée le journal des Petites ailes, puis il gagne l'Auvergne, où il rencontre le général Cochet ainsi qu'Alfred Coste-Floret qui est en contact avec des professeurs de droit rédacteurs au journal Liberté. Combat naît de la fusion de Liberté et de l'ex-journal de Frenay, devenu Vérités depuis l'été 1941, et s'intitule Mouvement de Libération française. Le premier numéro du journal portant le même nom paraît en décembre 1941, et sera tiré à 25 000 exemplaires. Dans le Cantal, ce mouvement s'implante à Murat avec Jean Del- pirou (Roupy) et surtout à Saint-Flour avec le docteur Louis Mallet. Tous les deux ont été amenés à « Combat » dès novembre 1941 par Maurice Felut, rédacteur en chef de la Montagne. Dans l'Allier, Robert Fleury (Montigny) entre en relation avec « Combat » par l'intermédiaire de René Queuille qui appartient au réseau « Copernic ». La responsa- bilité départementale du mouvement incombe à Joseph Nebout. Dans le Puy-de-Dôme Antoine Llorca s'occupe de la récupération du matériel et de l'armement parachutés. Le mouvement « Combat » s'organise aussi en Haute-Loire ; Alfred Salvatelli (Emler) en prend la direction. Le noyautage des administra- tions publiques (N.A.P.) et le recrutement-organisation-propagande (R.O.P.) dépendent de Marcel Pecq (Battesti), les Groupes Francs du capitaine Claude Billon (Moreau). Sur place Salvatelli trouve des adjoints : André Vincent (Harris), déjà condamné pour écoutes des émissions anglaises, s'occupe des questions de personnel et d'opérations ; le capi- taine de réserve Paul Becker (Benoît) est chef du service des renseigne- ments ; le lieutenant de réserve Meyer (Lamotte) gère ravitaillement et transports. Lhomenède et Jean Mazuel militent dans ce département où l'ensemble des effectifs groupés au sein de « Combat » s'élève à plusieurs centaines de personnes. Le Comité directeur de « Combat » désigne en novembre 1942 comme chef régional de la Région 6 (Cantal-Puy-de-Dôme-Allier) Ingrand, recherché par la Gestapo en zone Nord. Arrêté en juin 1942 à Paris par la police allemande, Henry Ingrand réussit à s'évader le 30 juil- let 1942 et à gagner Lyon. « Combat » s'appuie sur une organisation paramilitaire dont le schéma a été brossé dès l'été 1940 par Henri Frenay. On y distingue trois secteurs : 1) Recrutement — Organisation — Propagande : R.O.P. 2) Renseignement. 3) Choc. Un état-major départemental coiffe le tout et reconnaît les terrains de parachutage et d'atterrissage. A cet échelon s'effectue la collecte de fonds. C'est ainsi que plus de 60 000 francs sont recueillis auprès des sympathisants de « Combat » au Puy et en partie versés au service social de Lyon. La propagande est également active avec tracts, jour- naux, affiches, photos et inscriptions murales. La direction politique se double donc d'une organisation directement tournée vers l'action : les Groupes Francs. Jean Renouvin (Carlier, Joseph) pour la zone Sud et Pierre Thiébaut (Théret) pour l'Auvergne en font une arme efficace. Ainsi le 26 mars 1942 « Combat » se mani- feste à Clermont-Ferrand par la destruction des glaces d'un magasin de la place de Jaude où est exposé le Moniteur. Teddy Piat, étudiant en histoire, lance la première bombe artisanale sortie des laboratoires du professeur Emmanuel Dubois, doyen de la faculté des sciences de Clermont-Ferrand. Les Groupes Francs agissent à nouveau le 3 juin 1942 en s'atta- quant au domicile du docteur Raymond Grasset, nouveau ministre de la Santé publique. Mais le 16 juin la police arrête deux détenteurs d'explosifs : Pouzat et Gibert, assistants de chimie à la faculté de Stras- bourg. Le 14 Juillet est l'occasion de manifester à Montaigut-en-Combrailles où soixante personnes chantent la Marseillaise devant le monument aux morts. Il en est de même place de Jaude à Clermont-Ferrand, où, pour y avoir participé, le professeur Emmanuel Dubois sera interné à Ussel. A Ambert des incidents ont lieu lors de la conférence de l'amiral Abrial le 28 juillet. Les Groupes Francs s'engagent dans des opérations spectaculaires baptisées kermesses, et le 29 juillet retentissent à Cler- mont-Ferrand des explosions qui ravagent le bureau de recrutement de la main-d'œuvre française pour l'Allemagne, le domicile du docteur Raymond Grasset, le siège de la Légion des Volontaires Français (L.V.F.), la librairie du « Progrès », la droguerie Bornot. La réorganisation de R. 6 s'achève, à la fin de novembre, avec la rencontre de Pierre Thiébaut, chef régional des Groupes Francs, et d'Henry Ingrand responsable régional du mouvement « Combat » ; les missions y sont définies et les expéditions punitives réparties. La récep- tion des parachutages fait l'objet d'une réglementation et diverses actions sont envisagées. Nestor Perret (Gérard, Serge) a pour tâche de mettre sur pied le noyautage des administrations publiques. André Delon, de Brive, pré- sente Henry Ingrand et Nestor Perret à Emile Coulaudon. Ce dernier est nommé chef départemental du mouvement pour le Puy-de-Dôme. « Combat », qui dispose donc des « Corps francs » particulière- ment adaptés aux actes de terrorisme, s'appuie encore sur un autre orga- nisme, militaire celui-là : l'armée secrète qui a surtout pour mission de répondre aux besoins nouveaux que créerait une mobilisation générale lors d'un débarquement allié. L'armée secrète se compose de séden- taires qui continuent généralement à mener une vie normale. Une faible partie d'entre eux seulement est armée. Le responsable régional de l'A.S. est Pierre-Marie Dejussieu (Féli- cien, Bourguignon), officier interné en Suisse qui rejoint la France en mars 1941 et garde un contact permanent avec Henry Ingrand. Dans les départements auvergnats les responsabilités se répartissent comme suit : Jean Chappat (Didier, Christophe) responsable de l'A.S. pour le Puy-de-Dôme, Jean Meunier (Desaix) responsable pour l'Allier et André Vincent pour la Haute-Loire. Le mouvement « Combat », avec ses Corps francs et son armée secrète, repose sur une organisation très cloisonnée et hiérarchisée. Il se différencie ainsi profondément d'un mouvement comme « Libération ». Cependant, les contacts entre « Combat » et les autres formations sont fréquents et il arrive même que des militants de « Combat » soient amenés à rejoindre d'autres mouvements. Ainsi à Saint-Flour René Amar- ger (Germa), Bretez, Louis Pignol (Pavin), Albert et Gilles Lévy, Jean Boisserie, Jean Calmels, Louis Blanc, Ramspacher, Georgette Loussert, Jean Baudart, Joseph Imbert, Pierre Pons adhèrent alors à « Franc- Tireur » et ceci afin de ne pas disperser les efforts.

Créé à Lyon le 20 novembre 1940 par Antoine Avinin, Noël Cla- vier, Elie Peju, Gayet et Jean Soudeille, le mouvement « France- Liberté » prend peu après le nom de « Franc-Tireur » et s'organise rapidement sur une base départementale. En décembre 1941 paraît le premier numéro de Franc-Tireur, « mensuel dans la mesure du pos- sible et par la grâce de la police du Maréchal », que diffusent Louise Thuilliez et Marc Gerschel. Dès 1941 le mouvement s'implante en Auvergne, dans le Puy-de- Dôme à Clermont-Ferrand, grâce à l'action du lieutenant de l'armée de l'air Maurice Mazieras Marc Gerschel, après avoir animé le mou- vement dans les milieux étudiants clermontois, en devient au début de l'année 1942 le responsable régional. Toujours dans le Puy-de-Dôme, Claudius Jeantet (Jean) de l'action ouvrière des usines Michelin et Mau- rice Jouanneau prennent contact en avril avec les responsables. Une entrevue avec Jean-Pierre Lévy fin mai 1942 les intègre à « Franc- Tireur ». Robert Waitz (Prudent) de la faculté de médecine de Stras- bourg, Paul Balleroy (Perrault, Fabien), Alice et Gaston Strohl (Fran- klin) animent aussi le mouvement de ce département. Dans le Puy-de- Dôme les effectifs passent au printemps 1942 de 350 membres, essen- tiellement de l'usine Michelin, à 500. L'influence de « Franc-Tireur » s'étend à d'autres départements. En Haute-Loire, un instituteur, Jean Bonnissol (Borel, Soumy, Dubois), ardent propagandiste de la Résistance et en rapport avec le groupe anglais du Puy, devient en février 1941 responsable local du mouve- ment. Dans le Cantal, Antoine Avinin (Albert), sortant en août 1942 1. Mazieras et sa femme Jeanne sont arrêtés à Clermont-Ferrand à l'au- tomne 1941, mais leur mutisme vaut au mari d'être remis en liberté et de rejoin- dre Londres, tandis que Jeanne Mazieras passe, quoique enceinte, quelques mois en prison. des prisons de l'Etat français, se repose à Massiac. Jean Lépine lui rend visite ; ils préparent l'essort de la formation avec Louis Jean, Pierre Durif et Léopold Chastang (Létang), garagiste à Saint-Flour. La tâche est facilitée par l'action individuelle menée depuis 1941 par le docteur Louis Mallet (Faust) encore membre du mouvement « Combat ». Démis- sionné d'office par le sous-préfet Bauer qu'il a refusé de recevoir dans sa mairie d'Alleuze, le docteur a l'occasion d'évoquer en présence de René Amarger ses démêlés avec les pouvoirs publics, tandis qu'Augustin Delrieux (Jacques) affirme dans toutes les foires ses sentiments gaul- listes. Jean Lépine prend la responsabilité départementale du mouve- ment ; Henri Tricot, Maurice Gaillard et Pierre Mittanchez à Aurillac, le docteur Mallet et René Amarger à Saint-Flour, Jean Delpirou et Augus- tin Bapt à Murat donnent un essor déterminant à « Franc-Tireur ». Une organisation régionale coiffe l'Auvergne. Marc Gerschel en est le chef, il est assisté par un Comité directeur composé de Claudius Jeantet, chargé des usines Michelin et de la ville de Montferrand ; Pierre Cerveau, responsable de Royat ; Gaston Chevalier (Gaétan), chargé des liaisons avec Lyon, Limoges et Périgueux ; Julien Hanau et Henri Clauzin, responsables de Vichy et de l'université de Clermont- Ferrand. Les réunions départementales et régionales se tiennent au domicile de Gaston Strohl à Clermont-Ferrand. « Franc-Tireur » s'appuie pour ses coups de main sur ses Groupes Francs ; Claudius Jeantet devient responsable du recrutement et de l'or- ganisation de ces groupes directement tournées vers l'action. Ainsi le 14 juillet 1942 à Clermont-Ferrand, place de Jaude, « Franc- Tireur » réunit plusieurs milliers de personnes qui débordent rapide- ment le service d'ordre. Roux (Bois), chef national des Groupes Francs de « Franc-Tireur », décide une campagne d'attentats dans la nuit du 2 au 3 novembre 1942 : Gannat, Limoges, Brive, Vichy, Périgueux, Le Puy et Thiers figurent parmi les objectifs. Mais les Groupes Francs subissent des échecs succes- sifs. Les seuls sabotages réussis sont ceux du siège de la Légion tricolore à Clermont-Ferrand et du local du P.P.F. à Vichy. Les femmes de « Franc-Tireur », conduites par Mme Claudius Jeantet, n'en manifestent pas moins avec succès le 11 novembre 1942 au monument aux morts. Le mouvement subit de graves revers un peu plus tard avec l'arres- tation des membres du Comité directeur régional ; seul Jeantet échappe à l'opération ; pourtant le journal Franc-Tireur est diffusé à cette époque dans la région à 2 500 exemplaires, et le nombre des adhérents croît. Le Front National. Le parti communiste, dans son appel du 15 mai 1941, élabore sur tout le territoire un vaste mouvement : « le Front National », qui se fixe comme objectifs « la libération, la renaissance et l'indépendance de la France ». Ce mouvement recrute dans les milieux les plus variés et regroupe des hommes de toutes conditions. Les premiers contacts s'établissent en Auvergne entre Serge Fischer (Raoul, Maurice), bibliothécaire de l'université de Strasbourg, Alphonse Rozier et Mme Yvonne Canque (Marguerite) professeur de philosophie. Raoul Calas (Hervé), un des dirigeants, confie le Puy-de-Dôme et la Haute- Loire à Serge Fischer. Henri Martin, Marcel Dichamp, le docteur Jacques Chassaing, le père Derville S.J., Yvonne Laurent, Etienne Asso, M. et Mme Edouard Lecadre animent le mouvement; Jean Perus (Vidal) s'occupe de la presse et de l'information. La première manifestation du Front National est en novembre 1941 la constitution de comités de femmes particulièrement actifs dans le monde ouvrier et les milieux universitaires. Cependant, l'exemple de la Haute-Loire est révélateur des difficultés que rencontre l'implantation de ce mouvement en Auvergne. Alors qu'Henri Saby (Philippe) commence son recrutement dans ce département et qu'Antoine Rey (Bertrand, Platon) devient en mars 1942 responsable du Front National pour les départements de la Loire et de la Haute-Loire, un élément douteux s'infiltre dans le mouvement et renseigne la police vichyssoise. Le 18 juin, Antoine Rey est arrêté à Saint-Etienne puis condamné à vingt ans de travaux forcés par le tri- bunal militaire de Clermont-Ferrand. Déjà en mai, la majorité des mem- bres du Comité directeur du Front National était tombée aux mains de la police. Toutefois, à la fin du mois de juillet 1942, le Front National renaît en Haute-Loire sous l'impulsion de Claudius Brisse. A La Chaise-Dieu, Jean Chantelauze assure les liaisons avec la zone Nord. Ayant repris l'organisation du parti communiste, le Front National a cependant gardé davantage de souplesse pour conserver sa liberté d'accueil. A la même époque, le Front National universitaire s'organise de la même manière, mais conserve une relative indépendance. Les évadés. Au Stalag XI B, Michel Cailliau (Charette) crée le Mouvement de Résistance des Prisonniers de guerre et Déportés (M.R.P.G.D.) en jan- vier 1942. A la même époque, le docteur Guy Fric met sur pied une amicale clandestine des évadés qui apparaît lors des manifestations de fin d'été 1942 en boycottant aux cinémas Lux et Capitole les films rela- tant la vie des prisonniers. Cette amicale oriente son travail clandestin vers la fabrication de faux papiers destinées à favoriser les évasions organisées avec l'aide d'officiers du 2 Bureau, le capitaine Marcel Mer- cier et le lieutenant Gonsot. Le service de fabrication de faux papiers pour les prisonniers évadés est décapité en fin d'été par l'arrestation, suivie de déportation, de Julhes, le principal imprimeur. Après un essai de vie politique malheureux, l'amicale clandestine des évadés prend un nouveau départ en plaçant ses membres au sein des centres d'entraide jusqu'à ce qu'ils soient inscrits au M.R.P.G.D. Les évadés, auxquels se joignent des réfugiés de l'Est et quelques Alsaciens ne voulantdans l'action. pas rejoindre leur pays annexé, sont amenés à s'engager directement

1. Cf. Michel Cailliau (Charette), Histoire du M.R.P.G.D. ou d'un vrai mouve- ment de résistance (1941-1945), Les Presses Bretonnes, 1987. SOUTIEN EXTÉRIEUR ET RATTACHEMENT A LA FRANCE LIBRE La nécessité pour les résistants d'être reliés à l'extérieur et, pour la France libre, de tirer parti de cet état d'esprit, apparaît dès les premiers jours et se traduit par la formation de réseaux, déjà évoquée. Soucieux de prendre contact avec les bonnes volontés éparses, Londres a déjà envoyé le 17 juillet 1940 la première mission en France occupée, dirigée par Jacques Mansion. Dès juillet 1941, des parachutages de matériel se déroulent dans l'Allier et en Haute-Loire. Une nuit de février 1942, par — 20°, a lieu le premier parachutage près du Puy-de-Dôme à Saint-Genès-Cham- panelle. De la grande ombre vrombissante se détachent des cylindres métalliques : des containers se balancent bientôt au bout de parachutes. Un attelage de bœufs transporte le matériel qui est enfoui sous le foin après répartition des explosifs et des armes. Pour la première fois à Clermont-Ferrand, un groupe de résistants de Libération est armé. Dans la nuit du 4 au 5 mai 1942, les régions de Saint-Dier et de sont couvertes de tracts lancés par avion et reproduisant un discours du président Roosevelt. Dans la nuit du 23 au 24 juin 1942, Michel Gries, instructeur de sabotage et d'armement, est parachuté d'un bombardier Halifax d'où sont largués six containers avec des armes, des explosifs et le courrier de Londres. L'écoute des émissions radio anglaises clandestines s'accroît et les consignes données sont appliquées. La prise de liaisons radio avec Lon- dres est effective depuis le 1 juillet 1942. Albert Meckies (Basque, Fabien) dirige le réseau de transmission de R.6. Les liaisons sont plus difficiles avec l'Allier, coupé par la ligne de démarcation, ce qui rend ingrate la tâche de René Privat. A Moulins, Maurice Tinland (Dupuis) crée le groupe « Jean-Pierre ». Le 18 septembre, le groupe du Puy reçoit des armes et du ravitaillement. Ce même département reçoit un nouveau parachutage dans la nuit du 20 octobre. A l'écoute du message personnel : « La neige couvrira bientôt la montagne », Alfred Salvatelli, Joseph Valette, le lieutenant Lavergne (Beaugé) et Alexandre Gimbert se rendent sur le plateau de Doué à quelques kilomètres du Puy pour recevoir et répartir le contenu de six containers chargés d'armes, de munitions et d'explosifs. Dans le Puy-de-Dôme, la mission « Headmaster » parachutée le 24 septembre 1942 prend un mauvais départ. Son chef le capitaine C. S. Hudson est arrêté le 26 septembre avec Roger Werther. L'opéra- teur radio, Georges Donovan Jones (Isidore), perd un œil à la suite d'une chute de bicyclette, il n'en continue pas moins d'assurer ses liaisons. Seul Brian Rafferty (Dominique) est indemne et prend la res- ponsabilité de la mission. Sous les ordres de Victor, Julien Hanau, Henri Clauzin, Antoine Gelma, rejoints par Marc Gerschel et Pierre Cerveau, assurent au puy Saint-Romain près de la réception d'une tonne de matériel d'im- primerie en huit containers. André Guillon et deux paysans se chargent du transport, mais la diffusion tardive du message ne permet pas d'as- surer correctement l'enlèvement du matériel. Seuls deux containers sont récupérés. La Résistance s'unifie lentement et le 13 octobre 1942 paraît le pre- mier tract commun aux mouvements et au parti communiste ; son thème est la désobéissance aux réquisitions. A Clermont-Ferrand le Comité du « Front National » met en circulation des carnets de bons polycopiés sur lesquels se lit cette invitation : « Aidez-nous à chasser l'envahisseur. » L'entente entre « Combat » (Henri Frenay), « Libération » (Emma- nuel d'Astier) et « Franc-Tireur » (J.-P. Levy) passe dans les faits, et les Mouvements unis de la Résistance (M.U.R.) sont créés lors d'une réunion des responsables à Mâcon. Le général de Gaulle peut alors écrire le 22 octobre 1942 à Jean Moulin (Max) : « La présence simultanée à Londres de Bernard (d'Astier), et de Charvet (Frenay) a permis d'établir l'entente entre les deux mouvements de résistance et de fixer les conditions de leur activité sous l'autorité du Comité national... Vous aurez à assurer la présidence du Comité de coor- dination au sein duquel seront représentés les trois principaux mouve- ments de résistance : « Combat », « Franc-Tireur », « Libération ». Toutes les organisations de résistance quel que soit leur caractère, autres que les trois grands mouvements groupés par le Comité de coordination, doivent être invitées à affilier leurs adhérents à l'un de ces mouvements et à verser leurs groupes d'action dans les unités de l'armée secrète en cours de constitution. » L'histoire de la Résistance d'Auvergne montre qu'un temps bien long s'écoule entre cette invitation et sa réalisation. Les M.U.R., les F.T.P., et l'O.R.A. ne coordonneront véritablement leur action qu'en juillet 1944. L'idée de constituer des réduits militaires dans certaines régions favorables est envisagée en ce mois d'octobre 1942 par Henri Frenay et le 3 Bureau du général de Gaulle. A la suite d'une généralisation diffuse, elle aboutira à la concentration des maquis d'Auvergne, deux ans plus tard, au mont Mouchet, haut lieu de la Résistance.

VICHY ET L'OPINION PUBLIQUE Dès le 30 juin 1940, le gouvernement de Vichy a mis le général de Gaulle en accusation. La procédure ainsi amorcée a suivi son cours et, le 2 août, le tribunal militaire permanent de la XIII région ouvre l'audience à 10 heures au palais de justice de Clermont-Ferrand. La séance s'achève par la condamnation, à la majorité des voix, du « colo- nel d'infanterie, breveté d'état-major, en retraite, de Gaulle Charles... à la peine de mort, à la dégradation militaire... et à la confiscation des biens meubles et immeubles ». Le 27 octobre 1940, le gouvernement de Vichy crée la cour mar- tiale de Gannat où sont jugées les affaires gaullistes de tout l'Empire colonial. Des mesures de ségrégation sont prises : interdits aux réfugiés dès octobre 1941, les départements de l'Allier et du Puv-de-Dôme le sont également en mai 1942 aux juifs français et étrangers. Des rafles sont effectuées dans l'Allier, en septembre 1942. Les révocations de maires commencent à se pratiquer. En fin d'année, Pierre Greze, maire de Saint-Georges (Cantal), est mis à pied. Déjà apparaissent les premières inculpations de « complicité d'enrô- lement par une puissance étrangère », accusation qui cache le départ des volontaires pour l'Angleterre. Deux étudiants sont arrêtés sous ce prétexte en octobre 1940 ainsi que le 27 mars 1941 un diffuseur de tracts et de papillons gaullistes à Montluçon. Depuis sa mise en place, le régime de Vichy cherche aussi à asseoir sa popularité ; le chef de l'Etat multiplie les contacts et en juillet 1940, à Clermont-Ferrand, il reçoit un accueil particulièrement respectueux lors d'un court séjour. La Légion Française des Combattants, créée le 29 août 1940, assure à ces voyages un soutien inconditionnel. Le 15 octobre, le docteur Ray- mond Grasset en accepte la direction dans lé Puy-de-Dôme, départe- ment où le Maréchal se rend souvent « en voisin ». Les visites officielles suscitent une nombreuse et fervente participa- tion populaire ; le 14 octobre 1940 à Ambert, le 11 novembre 1940 à la cathédrale de Clermont-Ferrand, le 2 mars 1942 au Puy où la pres- tation de serment des légionnaires se déroule dans l'enthousiasme avant la traditionnelle visite à la cathédrale. Le 1 mai 1941, à Montluçon, le Maréchal reçoit des bouquets de muguet, visite l'usine Dunlop, puis se rend à Commentry. L'année suivante, le 22 mars, le maréchal Pétain préside à Clermont-Ferrand une réunion d'une dizaine de milliers de paysans appartenant à la corporation agricole d'Auvergne. Cependant, sous ses apparences bonhommes et familiales, le régime fourbit les armes de répression et n'hésite pas à recourir à toutes les ressources de l'arsenal policier classique. L'action menée contre les activités résistantes, timide au début, s'intensifie au cours de l'année 1941. Déjà étaient mises en place des procédures et juridictions parti- culières lorsqu'en janvier 1942 Joseph Darnand installe à l'hôtel de Lisbonne à Vichy le service de sécurité et le 2 service (renseignements) du Service d'Ordre Légionnaire (S.O.L.) créé en décembre 1941. Ins- pecteur général du S.O.L., Darnand s'oppose rapidement au président de la Légion des Combattants, François Valentin, que remplacera en juin 1942 le président de la région d'Ambert : Raymond Lachal. Le 2 service est confié à Jean Degans qui voit arriver à Vichy un renfort inattendu au cours du mois de février 1942 : la délégation de la police allemande auprès du gouvernement. Elle est placée sous le commandement du capitaine S.S. Hugo Geissler membre du service de sécurité S.S. (Sicherheitsdienst ou S.D.), service secret du parti national-socialiste qui opère dans les pays occupés. Les Français le connaissent plus communément sous le nom de Gestapo, contraction du nom de ce même service opérant sur le propre territoire du III Reich. Après un court passage à Paris, cet ancien commissaire de police cri- minelle de Kolin (Bohême) a rejoint Vichy en novembre 1940 et assure la liaison entre la police allemande et le ministère de l'Intérieur. Les trois ou quatre fonctionnaires allemands, Detering adjoint, Robert Roth. cousin de Geissler, et Kroenke ont pour activité essentielle de délivrer les laissez-passer pour la zone occupée. En septembre 1942, Francis Bout de l'An, directeur de la propa- gande orale de la Légion, fait tirer à l'imprimerie du Moniteur mille faux tracts gaullistes portant, avec la photo du général de Gaulle, la mention : « Ne va pas en Allemagne. » La provocation est une arme habituelle en de telles circonstances. Le 25 septembre 1942, le ministère de l'Intérieur délivre à des fonctionnaires allemands deux cent quatre-vingts cartes de police fran- çaise. Lorsque, le 2 octobre, est décidé le recensement général des Fran- çais de dix-huit à cinquante ans et des Françaises de vingt et un à trente-cinq ans, les policiers et membres des services secrets allemands opèrent déjà en zone Sud. Les cartes de policiers français, qui masquent leur identité, leur permettent non seulement la détection et la neutra- lisation de postes émetteurs, mais encore des reconnaissances détaillées d'itinéraires, cantonnements, casernements et terrains d'exercice de l'ar- mée d'armistice. Cette dernière envisage pour sa part une mobilisation, par doublement des effectifs, dans des zones difficiles d'accès comme le Massif Central. Devant la carence totale du gouvernement de Vichy, la partie clandestine du service de sécurité militaire, nouvellement créée, s'efforce de contrecarrer l'activité allemande. En octobre 1942, il s'établit une coupure entre les services spé- ciaux de l'armée et la hiérarchie officielle. Il est temps, car les Alle- mands ont déjà capturé neuf émetteurs clandestins et le colonel Ronin du service de renseignements air a dû déménager en catastrophe son émetteur d'un château vichyssois. Mais la population française prend peu à peu conscience des réalités cachées soigneusement et se rend compte, à travers les difficultés de plus en plus grandes de la vie quotidienne, que la guerre sera longue. D'autant que le 23 juin 1942 la presse officielle a apporté des éclair- cissements sur cette politique, en publiant le texte du message adressé au pays le jour même par le président Laval. Traitant en effet des graves problèmes de l'heure : ravitaillement, prisonniers, main-d'œuvre française en Allemagne, Laval affirme que seule une politique de colla- boration avec l'Allemagne peut assurer le salut de la France et garantir son développement dans la paix future ; il prononce alors ces paroles demeurées célèbres : Je souhaite la victoire de l'Allemagne, parce que, sans elle, le bol- chevisme, demain, s'installerait partout... Maréchal vous dirait que la France n'a jamais laissé l'Histoire se faire sans elle et qu'on ne remonte des abîmes du malheur que par les sentiers du courage. L'accueil différent fait à ces paroles entraînera, pour les uns et pour les autres, l'adoption d'attitudes opposées. Les réactions des ouvriers des usines Michelin sont, elles, extrêmement vives. C'est la confirmation des termes d'un rapport du commandant Paul Paillole en date du 10 juillet : « L'essentiel de l'évolution (de l'état d'esprit) est... une désaffection profonde du chef de l'Etat : les mêmes populations qui lui avaient voué un véritable culte, fait de confiance dans son action et de vénération pour son passé, ont renoncé à l'un et à l'autre de ces sentiments. » Ainsi, les mouvements de Résistance continuent leur œuvre de sabo- tage et organisent des manifestations au cours desquelles Laval est cons- pué et de Gaulle acclamé ; la Marseillaise et l'Internationale sont chan- tées. Inquiet de ce travail de sape que mène la Résistance, le gouverne- ment de Vichy multiplie les contacts ; le 20 juillet 1942 le maréchal Pétain remet un drapeau aux Compagnons de France, à l'issue d'une cérémonie qui se déroule au château de Randan. Le 30 août se tient le rassemblement de Gergovie : des délégations apportent un peu de terre de leur département, que mêle le Maréchal pour symboliser l'unité française. A la fin de l'année 1942, le tableau de la France est donc celui d'un pays où règne l'incertitude. Incertitude quant à la durée de la guerre, mais incertitude aussi quant à l'attitude à avoir envers le gou- vernement de Vichy. Cependant, il semble qu'après une longue hésita- tion la population commence à manifester quelque méfiance à son endroit. Une hostilité sourde se déclare à tout ce qui est Révolution nationale ; la relève est un échec ; la propagande anglaise radiodiffusée exerce une influence considérable et les faveurs de tous vont aux Américains. CHAPITRE II INVASION DE LA ZONE LIBRE ET NAISSANCE DES MAQUIS (Novembre 1942 - mars 1943)

Le camouflage du matériel et la recherche du renseignement, déjà évoqués, ne sont pas les seuls domaines où se soit exercée la volonté de certains militaires décidés à poursuivre ou à reprendre le combat. L'armée, que la convention d'armistice du 22 juin 1940 laisse à la France, est mise sur pied en novembre. Et c'est en 1941 que son arti- culation est arrêtée : deux groupes de divisions sont créés. Celui de Royat englobe quatre divisions parmi lesquelles figure la 13 division militaire. La seule mission assignée à cette armée est le maintien de l'ordre. Cependant, un noyau d'officiers considèrent cette force comme un ins- trument de reprise de combat dès que les circonstances le permettront. PLANS DE L'ARMÉE D'ARMISTICE Dès le début de l'année 1941, le général Picquendar s'entend avec M. Rivalland, secrétaire général du ministère de l'Intérieur, pour reclas- ser dans les Groupes Mobiles de Réserve (G.M.R.) le plus grand nom- bre possible de cadres démobilisés. Le but à atteindre est de constituer une force paramilitaire, susceptible de renforcer l'armée d'armistice dans le cas d'une reprise des hostilités. Parallèlement, un service de statis- tiques, dirigé par le contrôleur général René Carmille, prend en charge le personnel des réserves que le colonel Emile Mollard s'ingénie à pour- voir en matériels et en véhicules de toutes sortes. Pour ce faire, il a recours à de nombreuses sociétés de transport, et surtout à des dépôts clandestins constitués dès les lendemains de l'armistice. D'autre part l'ingénieur général Lamothe crée un centre d'études d'armement, et des techniciens poursuivent clandestinement leurs recher- ches sur l'artillerie automotrice (Somua), la modernisation de l'arme- ment des automitrailleuses Panhard et des chars H 39, l'automaticité des canons de chars, etc. Enfin, une minorité agissante opère auprès des cadres, réfugiés dans une prudente neutralité, soit par opportunisme, soit par crainte. Alors que le général Charles Delestraint, le commandant Georges Loustanau- Lacau et le capitaine Henri Frenay œuvrent hors du cadre officiel, le général Requin puis le général Frère, au sein même du 2 groupe de divisions, étudient une opération offensive d'ensemble ; celle-ci visant à dégager les ports du littoral atlantique, en particulier La Pallice, est soumise aux états-majors alliés 1 Quoi qu'il en soit, une mobilisation secrète est mise sur pied au cours de l'été 1942. La documentation relative à cette mobilisation est inexistante ; on peut cependant à travers le témoignage du colonel Henry Masson essayer de reconstituer le partage des responsabilités dans cet état-major, placé sous l'autorité des généraux Jean Verneau, Olleris et Gransard. Ces responsabilités se répartissent comme suit : Au 1" Bureau : le lieutenant-colonel Pfister ; au 4 Bureau : le lieu- tenant-colonel Secher et le commandant Masson (jusqu'en juin 1942), puis le commandant Versini ; au 3 Bureau : le commandant Mesnay jusqu'en 1942, puis le commandant Henry Masson lui-même. Ce 3 Bureau, pilote de l'opération en quelque sorte, a un corres- pondant dans chaque division et un officier dans chaque corps. La mobilisation secrète doit porter les effectifs à 175 000 hommes, dont 75 000 réservistes, répartis entre 22 groupements mobiles et 2 bri- gades de cavalerie. Réunis en octobre 1942, les officiers des états-majors des divisions militaires estiment ce plan susceptible d'entrer en action dès février 1943, grâce à trois rappels échelonnés sur un mois. Les colo- nels Paul Ely, Albert Laurent, Jean Touzet du Vigier, le commandant René Cogny, le capitaine Michel de La Blanchardière poursuivent la mise au point de cette opération qui permet au colonel Henri Zeller d'écrire : « Tout était fait pour tromper l'Allemand. » La 13 division militaire de Clermont-Ferrand est ainsi appelée à mettre sur pied d'une part, une colonne rapide, composée d'un état- major et de deux escadrons, soit 289 sous-officiers et 1 621 hommes ; d'autre part, deux colonnes légères avec 389 sous-officiers et 1 518 hommes. L'emploi des forces mobiles ainsi constituées est envisagé selon l'hy- pothèse d'une action de forces étrangères puissantes, c'est-à-dire une intervention des forces allemandes qui disposent de « bases en terri- toire français ou voisines de ce territoire ». Dans ce cas, les forces mobiles sont chargées de mener « la seule action qui leur soit permise... une manœuvre retardatrice, donnant éventuellement à des alliés du moment le temps et l'espace nécessaires pour intervenir ». Si ces forces mobiles françaises sont bousculées, il faudra envisager 1. Amiral W.O. Leahy, J'étais là. Librairie Plon. 1950. 2. Elle fut enterrée un moment dans le jardin du commandant Fernand Gambiez, à Cusset, puis détruite en 1943, lors du départ de cet officier pour l'Afrique du Nord. 3. Le lieutenant-colonel Bonotaux de juin à novembre 1942 est le correspon- dant pour la division implantée à Clermont-Ferrand. la constitution d'un réduit dans une zone d'opérations montagneuse et boisée peu facile à encercler, dont l'ennemi ne puisse s'emparer rapi- dement par une action de force à base d'unités mécaniques et d'avia- tion. Les forces mobiles doivent s'efforcer de tenir dans cette zone et de harceler l'ennemi par des raids sur ses arrières ou sur ses détache- ments isolés. Le réduit doit donc être équipé à l'avance pour qu'on y rassemble les approvisionnements nécessaires et qu'on assure sa mise en état de défense. Ainsi coïncident, en 1942, les idées émises en Angleterre par le capitaine Henri Frenay et les modalités d'emploi de l'armée d'armistice. Nombre de ces thèmes resurgiront plus tard sous forme de directives du B.C.R.A. ou d'aide aéroportée à un débarquement par le plan « C » 1 L'armée d'armistice, à la veille du débarquement allié en Afrique du Nord, va-t-elle mettre ses projets à exécution ? OPÉRATION « ATTILA » ET FIN DE L'ARMÉE D'ARMISTICE C'est le 10 décembre 1940 qu'Hitler envisage pour la première fois 2 l'éventualité d'une occupation de toute la France. Le Führer précise ultérieurement cette intention 3 dont les modalités d'exécution sont mises au point par le haut commandement de l'armée et des réserves. Le 21 septembre 1942 se constitue le 66 corps d'armée de réserve dont l'existence commence le 27 septembre avec la mise en place, à Nancy, d'un état-major de quatre-vingt-six membres. Au 1 octobre, le 66 corps comprend trois divisions. Chacune de ces divisions, ainsi que le 64 corps d'armée station- nant à Dijon, met sur pied un groupement d'intervention capable de faire mouvement dans les quarante-huit heures. Le haut commandement allemand est donc prêt : ses troupes pour- ront pénétrer dans la zone dite « libre » dès que le Führer en prendra la décision. Or, dans la nuit du 7 au 8 novembre 1942, les premiers éléments américains débarquent en Afrique du Nord ; le colonel Rivet, chef des services français de renseignements, en est averti à son P.C. de l'hôtel Saint-Marc à Royat, et se voit confirmer, heure par heure, la fébrile activité allemande qui s'ensuit. En effet, le 8 novembre à 8 h 40, l'officier chargé des opérations au 66 corps d'armée de réserve reçoit le message suivant : Alerte immédiate des groupes d'intervention. Préparation mise en route. Aucun changement ne doit paraître sur ligne de démarcation. Postes téléphoniques à occuper par officiers. Dans la journée, les généraux Jean Verneau et Olleris confient au commandant Paul Paillole les responsabilités de la sécurité de l'état- major de l'armée qui envisage un repli sur Alès. Cet officier s'entend 1. Plan Caïman. 2. Instruction n° 19, du 10-12-1940. 3. Instruction n° 42, du 29-5-1942. préciser que l'armée française ne se laissera pas capturer dans ses garnisons. Accompagné de son personnel, il quitte Clermont-Ferrand à la nuit avec quatre voitures, des archives réduites et un poste émetteur- récepteur. Pour leur part, les commandants Bègue et Auber de Peyre- longue jettent les bases d'un réseau de renseignements sur Vichy. Dans la soirée, les commandants des groupes de divisions reçoivent l'ordre du général Verneau de se préparer à dégager les grands axes de pénétration de la zone Sud, puis de se retirer avec leur troupe dans les régions de leur territoire les plus difficilement accssibles, en vue de résister aux troupes ennemies et d'attendre les secours alliés. Diverse- ment interprété, cet ordre se révèle pour beaucoup assez vague. Au soir du 9 novembre, le général Jean Verneau s'installe avec une partie de l'état-major de l'armée dans l'ancienne ferme modèle de Rapine, entre Lezoux et Thiers, à une trentaine de kilomètres de Vichy. En France, la journée du 9 novembre s'achève après de nombreux ater- moiements, alors qu'en Afrique du Nord, les troupes françaises met- tent en œuvre les plans prévus par le débarquement de « forces étran- gères limitées ». Le 10 novembre à 6 heures du matin, le général Bridoux, secré- taire d'Etat à la Défense nationale, exige l'évacuation de la ferme de Rapine et ordonne à l'état-major de l'armée de réintégrer ses bureaux de Vichy. Le général Lenclud intime au 8 régiment de dragons l'ordre de regagner Issoire. Les 8, 9 et 10 novembre ont donc été des journées chaotiques : ordres et contrordres témoignent de cette confusion. L'annonce du débar- quement allié aurait dû desiller les yeux des Français qui s'obstinent encore à croire au double jeu de Vichy. Non seulement cette annonce n'a pas les effets escomptés, mais l'espoir même du débarquement est remis en cause. Nombreuses sont les personnes qui pensent à cet égard que les huit divisions d'infanterie ne semblent pas en mesure de sup- porter le choc allemand. La fin de l'armée d'armistice. Pendant ces heures pénibles pour les consciences, les groupements d'intervention allemands du 66 C.A.R.1 se mettent en route, sous les ordres du général Haeckel, vers la ligne de démarcation qu'ils franchis- sent le 11 novembre 1942 « sans rencontrer de résistance ». Pour parer au plus vite à cette menace directe et brutale, les mili- taires français prennent leurs positions. Le colonel Rivet s'envole de Marignane vers l'Afrique du Nord après avoir laissé au poste T.R. 113 du capitaine Johannès et d'Antoine Hermann le soin de camoufler les archives. De Vichy, le capitaine Michel de La Blanchardière est envoyé en

1. Il s'agit des groupements appelés : « Lindner » (148 division), « Welzcl » (158 division), « Farber » (159 division) et « Meuther » (189 division). Ils se voient respectivement attribuer comme axes de marche : Orléans, Moulins, Bourbon-Lancy et Montceau-les-Mines. liaison auprès des états-majors divisionnaires pour leur communiquer les directives suivantes : « Détruire les documents relatifs à la mobilisation ; constituer des détachements mobiles avec les unités d'armistice renforcées ; camoufler le maximum d'armes et de matériel ; prévoir uniquement des opérations de guérilla par détachements isolés. » Dans cette optique, la section des affaires musulmanes, dirigée par le lieutenant-colonel Terrier, camoufle ses archives à Biozat (Allier) chez Mme Varlet ; le colonel Louis Gentil, directeur de l'établissement de matériel de Clermont-Ferrand, alimente au maximum ses dépôts clan- destins. De son côté, le commandant Paul Paillole décide, avec les com- mandants Verneuil et André Bonnefous, de continuer la lutte. Recherché par la police criminelle allemande, il gagne l'Algérie dans le but d'orga- niser la sécurité militaire. Désormais l'Auvergne possède des réseaux clandestins, comme celui de Vichy qui voit sa mission confirmée par le capitaine Marcel Mercier (Charpentier) et le commandant Berthier : organiser un S.R. interministériel pour Alger, obtenir tous renseignements sur l'Allemagne, préparer les passages vers l'Afrique du Nord. Pendant ce temps, les troupes allemandes continuent d'affluer. Des éléments de gendarmerie de Campagne (Feldgendarmerie) arrivent à Vichy le 11 novembre, suivis des généraux von Neubronn et von Rund- stedt. Le même jour, l'aviation allemande diffuse au-dessus des villes de garnison des tracts signés Adolf Hitler : c'est un appel destiné « aux officiers et soldats de l'armée française ». Les Allemands pénètrent également à Montluçon. Dans cette der- nière cité stationne le 152 R.I., signalé sur les documents allemands pour ses attaches alsaciennes, qui restera passif. Afin d'éviter des inci- dents, le maire de cette ville décide qu'à compter du 17 novembre, les jours pairs seront réservés aux sorties des soldats allemands, les jours impairs à celles des soldats français. Le 12 novembre, le général Weygand est arrêté en forêt de Mar- cenat près de Saint-Didier-en-Rollat, alors qu'il cherche à se mettre à l'abri. Il est immédiatement escorté vers Moulins. A cette première phase d'occupation succède une seconde phase opérationnelle, car Hitler entend bien profiter de son avantage. Il donne alors des directives pour désarmer l'armée française, mais exclut de cette mesure la police et la gendarmerie. Le commandement allemand Ouest précise 1 : « L'action de désarmement peut ne pas être une pro- menade. Les troupes doivent se préparer au combat. Plus leur inter- vention sera énergique, plus on épargnera de victimes. » Le 25 novembre, l'état-major du 66 C.A.R. est à peu près au complet : le général de division Kniess en a pris le commandement depuis le 11 novembre. Des formations commandées par son adjoint 1. Message chiffré n° 17 du 24 novembre 1942. 2. Le groupement d'intervention « Lindner », un groupement composé d'un régiment d'infanterie et d'un groupe d'artillerie de la 182 division de réserve, le 1 régiment de sécurité, un escadron de 15 chars de la 100 brigade blindée, le groupe d'intervention « Schubert » de la 157 division de réserve. le général Ottenbacher, sont chargées d'investir Lyon ainsi qu'un trian- gle de résistance éventuelle : Châteauroux, Clermont-Ferrand, Limoges. Un ordre 1 du groupe d'armées « Felber » précise : « Là où se manifeste une résistance et si la troupe française fait preuve d'hostilité la première, il y a lieu d'intervenir sans hésitation. Toutes les conventions d'armistice seront caduques dès le début de l'engagement. » Le mot de code devant déclencher les opérations est : « Lila ». Le 25 novembre, dans la soirée, ce mot de code est transmis par le commandement allemand de l'Ouest pour le 27 novembre à 4 heures. Dans la nuit du 26 au 27 novembre, les unités allemandes se mettent en place. On peut résumer le déroulement des opérations en reprenant ces termes, extraits d'un compte rendu allemand : « Départ foudroyant des unités — action se déroule normalement — pas de résistance. » Dans la matinée, le préfet régional et le sous-préfet de Clermont- Ferrand, convoqués au 66 C.A.R., se voient exposer les raisons de ce désarmement et préciser qu'ils demeurent responsables du maintien de l'ordre. Les deux hauts fonctionnaires, fidèles au président Laval, assu- rent que la bonne entente a toujours régné entre eux et la commission allemande de contrôle d'armistice du commandant Beminghaus, et pro- mettent de faire l'impossible pour assurer l'ordre public. Le récit de la démobilisation du 92 R.I. illustre parfaitement les événements de ce mois de novembre, la manière dont procède le haut commandement allemand, mais aussi l'apathie générale de l'armée d'ar- mistice. Démobilisation du 92 R.I. A l'aube du 27 novembre 1942 retentissent des bruits insolites à la caserne d'Assas à Clermont-Ferrand. Les sous-officiers n'y accordent pas d'attention particulière et, à 7 heures, le clairon sonne le réveil. C'est alors que, brutalement, des soldats allemands ouvrent toutes les portes des chambrées, braquant leurs armes sur les hommes à peine éveillés. Dans les cris et les bourrades, les hommes de troupe évacuent en cinq minutes les locaux ; puis, chaussés de sabots, à peine vêtus d'un caleçon long sur lequel ils ont jeté leur capote, ils se rassemblent en colonne par trois dans la cour. Ils sont rejoints ensuite par leurs sous- officiers, que les Allemands ont tirés de leur lit ; sur chaque palier un soldat allemand accélère le mouvement. Au poste de police, un char de trente tonnes interdit l'entrée. Le commandement allemand s'atten- dait en effet à une résistance, au moins symbolique... La liste des cadres qui logent en ville étant affichée au poste de police, les occupants peuvent procéder à des arrestations à domicile qui sèment la panique. Quelques officiers et sous-officiers se mettent en civil. Les deux lieutenants de permanence au quartier envoient cher- 1. Ordre chiffré n° 59 en date du 26 novembre 1942. 2. Pour l'Auvergne, ces opérations portent sur la 13 division militaire et l'état-major du 2 groupe de divisions du général Etcheberigaray. cher le colonel Emile Feuillat, commandant le régiment, et son adjoint. A son arrivée, le colonel se voit consigné à la caserne par son rempla- çant, le colonel allemand, et reçoit copie des ordres de celui-ci, rédigés en langue allemande. Tous les hommes sont rassemblés dans le bâtiment « C ». Vers 11 heures, ils peuvent regagner leurs chambres rapidement et constater qu'un pillage en règle a déjà eu lieu : bureaux et meubles sont éventrés. Le général Pierre Codechèvre, réussissant à faire prévenir certains officiers, leur demande de ne pas se rendre à la caserne ; mais, dès le lendemain, revenant sur sa décision, il leur conseille de regagner le quartier afin d'y établir le bilan des pertes et de participer à la démo- bilisation de leurs hommes ! Les réactions sont faibles et très égoïstes. L'un se plaint de ne retrouver ni son étui à pistolet, ni sa sacoche, ni la machine à écrire de sa compagnie. Un autre réclame ses bottes en peau de phoque !... Un commandant pleure sur son unité : « Il est très triste d'avoir vu se dilapider l'actif d'un beau bataillon ! » Un commandant de compagnie constate que « les choses allèrent beaucoup mieux lorsqu'un sous-officier allemand fut affecté à chaque compagnie » ; un autre montre un peu plus de dignité dans son rap- port : « Le dommage matériel est important. Le dommage moral est cependant autrement grave. La stupeur, le dégoût, une amertume qui n'est pas près de disparaître, voilà la conséquence d'une démobilisation opérée dans de semblables conditions, alors qu'il était si facile de la réaliser correctement, tristement mais dignement. » Au centre d'instruction de la 13 division, au Mont-Dore, les opéra- tions se déroulent de façon identique. Au 3e bataillon du 92 R.I., qui occupe à Riom la caserne d'Anterroche, les cadres sont tenus au cou- rant de ce qui s'est passé le matin à Clermont-Ferrand. Le commandant Allemane réunit ses officiers et sous-officiers, et leur donne l'ordre de rester sur place. Les troupes allemandes arrivent en camion dans la matinée, reçues par le commandant du 3 bataillon à la grille du quar- tier. Considéré comme prisonnier, celui-ci règle cependant les questions de démobilisation et, peu après, les munitions et l'armement sont « pas- sés en consigne aux Allemands ». L'armée française métropolitaine cesse d'exister ; les adjoints admi- nistratifs poursuivent l'inventaire des pertes : chevaux, voitures, auto- mobiles, motos, etc. ont disparu. A Montluçon, une explosion retentit le matin du 27 novembre à la caserne Richemond : trouvant fermé un bâtiment inoccupé, et persuadés qu'il s'agit d'un acte de résistance de soldats français, les Allemands font sauter la porte. Ils investissent ensuite la poste centrale et leur état-major s'installe à l'hôtel Terminus. Avant même que commence le désarmement de l'armée d'armistice, Hitler décide d'implanter en zone dite « libre » l'ensemble des divisions de réserve. Les villes, considérées comme « foyer de danger », recevront les troupes allemandes dans les casernements et les camps de leurs environs. C'est ainsi que les échelons précurseurs des 159 et 189 divi- sions de réserve arrivent respectivement au Puy-en-Velay et à Châtel- guyon, précédant leurs grandes unités. L'aviation allemande prend pos- session de la base aériennne d'Aulnat et de ses ateliers. Les mois qui suivent la démobilisation voient l'état-major allemand installer des unités opérationnelles dans toute l'Auvergne. Le général Egon von Neindorf prend le commandement de régiments d'interven- tion, spécialement créés à cette époque. En février 1943, la division « Brunhilde » est mise sur pied. Ces troupes d'occupation doivent en particulier assurer la sécurité des ouvrages d'art, lignes téléphoniques, etc. Parallèlement, le commandement allemand met en place des orga- nismes territoriaux, assez semblables à ceux de la zone occupée. Placé aux côtés de la préfecture régionale, à Clermont-Ferrand, se trouve un état-major principal de liaisons 1 sous les ordres du général Niehoff. Par ailleurs, chaque préfecture est elle-même flanquée d'un état-major de liaisons 2 Enfin, la ville de Moulins qui est en zone dite « occupée » garde un poste de commandement de cercle Cette structure, adaptée à l'administration française et dirigée par le colonel O. von Stetten, dispose d'organismes territoriaux divers : régi- ments de sécurité, de sapeurs-pompiers, de territoriaux, unités de garde, unités antiaériennes 4 enfin brigades de prévôté (Feldgendarmerie) entiè- rement ou partiellement motorisées. Désarmée, démobilisée en sa quasi-totalité le 1" décembre 1942 (sauf les militaires malgaches et indochinois que les Allemands désirent garder comme palefreniers !), l'armée française de métropole a-t-elle définitivement disparu ? En tout cas, eu égard à l'apathie de la plupart des militaires, l'avenir semble bien sombre. Toutefois deux officiers, les lieutenants-colonels Jacques Boutet et Jean Garcie poursuivent la lutte, regroupent les bonnes volontés et réussissent à soustraire du matériel aux investigations du commandant Berninghaus. Enfin, réunissant les officiers de l'état-major de l'armée à sa dissolution, le général Verneau leur déclare : « Je reste votre chef en toutes circonstances et la France... est le pays de l'invincible espérance. » Mais une chape de plomb des- cend sur la zone Sud. NAISSANCE DE L'O.M.A. OU O.R.A. 5 Après un tel choc, seule demeure possible l'action clandestine pour ceux qui ne veulent pas abandonner le combat. Certains officiers n'hési- tent pas : c'est ainsi que le colonel Teyssier charge le capitaine Emile Burcez (Armand), bloqué à Marseille le 7 novembre 1942 au moment où il allait s'embarquer pour l'Afrique du Nord, de recruter des volon- taires et de les diriger sur les Pyrénées, afin de rejoindre les forces françaises combattantes. En poste au 4 Bureau de l'état-major de 1. Hauptverbindungstab, n° 588. 2. Verbindungstab, n° 785 à Clermont-Ferrand, 786 à Montluçon, 494 à Aurillac, 995 au Puy. 3. Kreiskommandantur, n° 1555. 4. Le 102 détachement, à Aurillac, est chargé de la protection des princi- paux barrages hydrauliques. 5. Organisation Militaire d'Action, puis Organisation de Résistance de l'Armée. l'armée, le capitaine Burcez adhère alors au réseau « Albert » du com- mandant Auber, de Peyrelongue, centré sur les organismes gouverne- mentaux de Vichy. Ce réseau qui correspond directement avec Alger fournit des renseignements de toutes sortes. Le colonel Teyssier assure les liaisons directes avec Madrid et Alger. Le général Frère tente alors de regrouper ces volontés de lutte qui apparaissent et, le 28 décembre 1942, à Clermont-Ferrand, prend forme l'Organisation de Résistance de l'Armée (O.R.A.). S'adressant au lieute- nant-colonel Bonotaux, qui doit rejoindre Alger en sous-marin, le géné- ral Frère explique : « Vous tâcherez de convaincre l'état-major inter- allié que nous sommes en mesure de réaliser le vieux projet de l'armée d'armistice, ce réduit national d'Auvergne d'où nous sortirons un jour pour couper toutes les communications allemandes en France. » Sur le plan régional, le commandant de l'O.R.A. est assuré par le lieutenant-colonel Jacques Boutet, assisté du commandant Henri Made- line. Le Puy-de-Dôme relève du lieutenant-colonel Jean Garcie. Celui-ci réalise rapidement un accord avec le responsable départemental du mouvement « Combat », Emile Coulaudon. Ce premier contact fait naître l'espoir d'une collaboration entre ceux qui détiennent cadres et armes et celui qui fournit les effectifs. Afin de parfaire son organisation, l'O.R.A. multiplie les contacts avec différents mouvements, organismes et personnalités. En accord avec le lieutenant-colonel Jacques Boutet, le docteur Guy Fric assume la responsabilité de l'organisation militaire du « Mouvement de Résis- tance des Prisonniers de guerre et Déportés (M.R.P.G.D.). Le recrute- ment se fait uniquement parmi les prisonniers évadés ; sélectionnés parmi les cadres et les spécialistes, les hommes appartiennent tous à des armes de combat et sont répartis en dix sections, dont les chefs seuls connaissent le point de ralliement extra-urbain et la zone rurale d'opé- ration. En outre, les services spéciaux de l'armée poursuivent la mise en place du réseau centré sur les services gouvernementaux de Vichy. Ils trouvent un correspondant efficace au ministère de l'Information, en la personne du capitaine Georges Buchalet. De ce poste d'observation remarquable, cet officier peut constituer un fichier de résistants, faire de la propagande parmi les élèves de l'Ecole des Cadres dont il est le directeur, organiser le ravitaillement d'un maquis local, jusqu'au jour d'octobre 1943 où, recherché par la Gestapo, il part pour l'Afrique du Nord. Au ministère de l'Intérieur, le directeur du service des renseigne- ments généraux (R.G.), Germain Vidal, permet au poste vichyssois du réseau d'obtenir de faux papiers, de prévenir des personnes dont le mandat d'arrêt est signé ou d'alerter celles qui sont surveillées par la Gestapo. Le lieutenant Fourneray, de la garde, sert de courrier et le

1. Ce mouvement est animé par Michel Cailliau, Albert Bannes, François Mit- terrand, Jacques Fayet de Montjoye, Etienne Gagnaire (Labasse), Antoine Mauduit, Marcel Barrois, Marcel Haedrich (Manuel), Louis Augis, Julien Dufaud, Alex Morin (Ménard), Pierre Leluc (Lumière), Jacques Benet, etc. lieutenant-colonel Rémi Robelin assure la liaison avec les groupes préfi- gurant les maquis, les mettant au courant des opérations envisagées contre eux. Au ministère des Affaires étrangères des contacts sont pris avec le ministre plénipotentiaire Jean Chauvel ; Mlle Suzanne Borel, devenue par la suite Mme Georges Bidault, est la cheville ouvrière du dispositif. A la Légion des Volontaires Français contre le bolchevisme (L.V.F.), M. Dumontier fournit les bulletins de renseignements, le fichier des officiers et sous-officiers, celui des agents du P.P.F., les mouvements d'effectifs, etc. Au ministère de la Guerre enfin, le capitaine Cougourdan, du cabinet du ministre, fournit de nombreux renseignements à l'O.R.A. En place à l'état-major de l'armée, le capitaine Emile Burcez a pour mission de reclasser les militaires désignés par le 1 Bureau de l'O.R.A. et de main- tenir la solde de ceux qui œuvrent pour la Résistance. Les courriers à destination de Madrid sont acheminés par M. Pillerault jusqu'en avril 1944. Les liaisons de l'O.R.A. avec l'extérieur se renforcent également. Le 19 janvier 1943, Michel Thoraval (Michel) atterrit dans un champ pro- che de Parentignat. Il prend contact dans la matinée avec le capitaine Kerherve commandant la gendarmerie d'Issoire 1 qui lui fait remarquer que le brin de paille sur son manteau est un bien curieux attribut pour un voyageur censé arriver de Paris par le train du matin. Puis il ren- contre le lieutenant Mayeur (Maréchal) à Clermont-Ferrand. Dès le len- demain parvient à Londres le premier message. A cet aspect à la fois technique et classique de l'établissement des communications s'en ajoute un autre beaucoup plus original : les colombiers sont utilisés et entrent désormais dans l'histoire de la Résis- tance d'Auvergne, l'enrichissant de drames, d'exploits et d'anecdotes comme celle qui prend place en ce mois de janvier 1943. Le lieutenant-colonel Boutet convoque Jean Meya, secrétaire du Ramier des Dômes, et lui apprend que la gendarmerie est obligée de remettre aux autorités allemandes un pigeon anglais parachuté. Il lui pro- pose de le substituer à l'un des pigeons voyageurs d'Aigueperse. Le secrétaire accepte et procède à la substitution. Passant le lendemain au colombier clandestin, il y trouve son messager avec un tube porte-dépê- che vert contenant un message établi par l'occupant dans le but de ten- dre un piège aux agents anglais ! Cependant, la répression allemande, qui dispose de moyens très au point, connaît certains succès. Un communiqué de l'agence Inter-France, daté du 4 février 1943, met en cause le général Weygand et révèle « l'étendue du complot fomenté par l'armée d'armistice ». Le 16 février, la même agence insiste sur le fait que les paysans viennent livrer camions, chars, automitrailleuses et lance-grenades. Certains, en effet, s'ingénient à faciliter la tâche de recherche et de réquisition à laquelle se livrent les Allemands. Car. si la disparition de toute force militaire organisée a permis à certains de tirer les armes de leur cachette et d'en 1. Arrêté à Issoire le 15 juin 1943. Décédé au camp de Gussen le 10 janvier 1945. doter les maquis naissants, elle est, pour de nombreux autres, cause de panique. Au début de l'année 1943, le capitaine Eich, chef du service de presse et de censure du commandement militaire allemand en France, déclare, au cours d'une réception au Club de la Presse, que la police allemande, « après en avoir référé aux préfets, a mis la mains sur de véritables arsenaux » et découvert des terrains d'atterrissage secrets. « Nous sommes en présence d'une entreprise de trahison » conclut-il... Les services spéciaux français, qui avaient réussi à ne pas livrer Pietro Nenni à l'O.V.R.A. italienne, malgré ses pressions, sont dès lors impuissants à empêcher à Saint-Flour son arrestation par les Allemands. De son côté, le général Bridoux, en vue de faciliter un recensement allemand, interdit en janvier 1943 tout « détournement » de matériel militaire : 82 avions et 5 000 camions sont ainsi livrés. Les enquêtes de la police allemande progressent rapidement, causant de nombreuses arrestations. Si le capitaine Hugo Geissler échoue à la souricière qu'il tend au colonel Albert Laurent, sous-chef du 2 Bureau, il arrête cependant le 8 janvier le général d'Harcourt, le commandant Proust de la section du chiffre, le lieutenant-colonel Terrier et tout le personnel de la section des affaires musulmanes. Peu après, c'est au tour du colonel Rea, chef du 2 Bureau, d'être appréhendé. Le même mois, les services de renseignements de l'armée sont dure- ment frappés. Sans directives d'Alger, le général Frère, commandant l'O.R.A., réussit à obtenir la liaison avec les Alliés. Le 18 février, Michel Thoraval rencontre au restaurant « L'escargot de Bourgogne », à Cler- mont-Ferrand, le commandant Verneuil, en présence du capitaine Marcel Mercier ; ce dernier le présente aux généraux Frère et Olleris, qui lui demandent alors de retourner à Londres et lui remettent à Vichy le pre- mier courrier de l'O.R.A. Michel Thoraval repart par pick-up 1 dans la nuit du 18 au 19 février. Cette mission aura pour effet de rétablir les liaisons avec Alger et Londres. Les contacts entre services de rensei- gnements demeurent difficiles, et une sourde lutte d'influence se pour- suit pendant des semaines. Mais, et c'est ce qui importe, le courrier est de nouveau acheminé par l'intermédiaire de Mercier Après un court répit, les arrestations reprennent. Le 12 mars est appréhendé le commandant Pélissier. Le 13 mars, le lieutenant-colonel Dumont est arrêté pour détournement de matériel. La Feldgendarmerie a en effet découvert des caisses de matériel d'optique au château de Sarliève.

1. Enlèvement par un « Lysander », appareil léger britannique, équipage de deux hommes, vitesse 340 km/h, peut décoller en 225 m et atterrir en 280 m. Armé de deux mitrailleuses de 7 mm dans le carénage des roues et d'une mitrailleuse à l'arrière du cockpit. Peut transporter deux passagers ou deux containers. 2. Le 8 décembre 1943, l'agent de liaison du capitaine Mercier est arrêté à Paris. Craignant d'être fusillé, il vient faire le « mouton » en gare de Roanne le 11 décembre et fait arrêter son chef. Mercier déporté au camp de Dachau, en reviendra. Le docteur Jean Coste, d'Arfeuilles, qui s'est mis à la disposition de l'O.R.A., assure l'hébergement de nombreux isolés dans des fermes des monts de la Madeleine. Son cabinet de consultations est le cœur d'une vaste zone de résistance où l'on trouve refuge et contact. Emanation de l'armée d'armistice après sa démobilisation, l'O.R.A. ne rassemble en fait que quelques officiers dont le but est de recher- cher les renseignements. A ce titre, elle se différencie nettement de cer- tains groupes plus franchement portés vers l'action, tels que les Francs- Tireurs et Partisans.

FRANCS-TIREURS ET PARTISANS FRANÇAIS (F.T.P.F.) Emanation paramilitaire du « Front National », les F.T.P.F. appa- raissent dès le mois de décembre 1942, quand Pierre Bigot et Robert Delmas se préoccupent d'encadrer les réfractaires au S.T.O. 1 . Le 15 jan- vier 1943, Augustin Ollier (Lacour, Lafleur, Ravel), qui a été remis en liberté après son arrestation à Saint-Etienne, le lieutenant Hutinet du 5 régiment d'infanterie, et cinq autres patriotes installent la première base du camp Woldi dans la région d'Alleyras Monistrol-d'Allier (Haute-Loire). Leur armement comprend un fusil mitrailleur et quel- ques fusils détournés du 5 R.I. En ce début d'année se groupent éga- lement les cinq premiers membres de ce qui deviendra plus tard la 1 compagnie F.T.P. de Clermont-Ferrand. Des tracts appellent les jeunes à s'enrôler dans leurs rangs et à refuser le S.T.O. L'anniversaire de la mort de Pierre Sémard est l'occa- sion d'un tract intitulé : « Français, honorons nos morts, vengeons-les. » Les F.T.P. ne s'insèrent pas dans le cadre de la région définie pour les autres mouvements de résistance. La région F.T.P. est en général constituée par un, parfois deux départements. A cet échelon se trouve la traditionnelle structure triangulaire, la troïka, comprenant trois com- missaires, conjointement responsables devant l'échelon supérieur : le commissaire aux effectifs (C.E.R.), le commissaire aux opérations (C.O.R.) et le commissaire technique (C.T.R.). Le Comité militaire régional (C.M.R.), ainsi formé par la réunion de ces trois responsables, est présidé par le commissaire aux effectifs. Il commande toutes les unités de la région. Plusieurs régions forment l'inter-région, sous l'autorité du Comité militaire inter-régional (C.M.I.R.). L'unité de base est le groupe, constitué de deux équipes de trois à quatre hommes. La composition et l'armement de ces unités de combat correspond, en plus légers, à ceux de l'armée. Quatre groupes for- ment un détachement, dont le chef assure seul la liaison avec l'éche- lon supérieur, assisté d'un responsable aux effectifs et d'un adjoint technique. Dans l'Allier, Victor Brigand (Parquet, Javel) assume rapidement des fonctions inter-régionales. Dans le Puy-de-Dôme, militent Raoul

1. Service du Travail Obligatoire. 2. Patriote alsacien pendu par les nazis.