L'exil De L'université De Strasbourg À Clermont-Ferrand
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LE PATRIOTE RÉSISTANT 10 mémoire N° 908 - mai 2016 Du 20 au 22 mai, la FNDIRP tiendra à Clermont-Ferrand son Assemblée générale, qui sera accueillie par l’ADIRP du Puy-de-Dôme et ses sections. Dans cette attente, des membres de l’association ont décrit pour le PR quelques-uns des événements glorieux et douloureux qui ont marqué cette terre de résistance entre 1939 et 1944. Nous les en remercions et proposons une synthèse de leurs travaux dans les pages suivantes. Clermont-Ferrand, capitale de la France L’exil de l’Université de Les premières colonnes de la Wehrmacht apparaissent aux faubourgs de Clermont- Strasbourg à Clermont-Ferrand Ferrand et plus particulièrement à Aulnat le 20 juin 1940. Le lendemain, la Panzer- doit signer une allégeance politique. La est d’accueillir à Gergovie les étudiants Division SS Adolf Hitler, dirigée par Josef Clermont-Ferrand a accueilli de Reichsuniversität Straßburg est inaugurée le alsaciens- lorrains séparés de leurs familles Dietrich, forte de 300 hommes environ, septembre 1939 à juin 1945 l’Université 23 novembre 1941, le Reichsminister Rust et plus ou moins menacés par les nazis : entre à Clermont-Ferrand proclamée « ville de Strasbourg qui exprima par ce repli insistant lourdement sur « l’antique souche on les surnom mera les Gergoviotes. Des ouverte ». Ils vont occuper la préfecture et la son refus de la défaite et de l’annexion e allemande des Alamans d’ Alsace ». Cette fouilles archéo logiques gallo-romaines mairie. Le Grand Hôtel de la place de Jaude de l’Alsace-Moselle au III Reich. Aux Universität nazie sera dissoute en 1945. sur le site servent de prétexte à l’opération. est réquisitionné. Un couvre-feu est instau- côtés des Auvergnats, l’Université devint En juillet 1940, le recteur et les doyens, Dès la fin de 1941, les étudiants diffusent ré de 21 heures à 7 heures. Les journaux un foyer de résistance. soutenus par les étudiants, décident du les journaux clandestins des mouvements suspendent leur parution. près la déclaration de guerre à maintien de l’Université de Strasbourg de la Résistance puis militent au sein de La présence allemande en juin 1940 sera de l’Allemagne le 3 septembre 1939, à Clermont-Ferrand, exprimant un Combat, Libération ou Franc-Tireur. On courte durée. Les troupes se replient vers le gouvernement français fait éva- triple refus : de la défaite, de la perte de y chante volontiers « Vous n’aurez pas Saint-Etienne le 28 juin, en s’emparant de Acuer les zones frontalières. Quelque 520 000 l’Alsace-Moselle et de l’ordre nouveau. En l’Alsace et la Lorraine ». stocks de pneus aux usines Michelin. Le Français, dont beaucoup d’Alsaciens et août 1940, Robert Wagner, Gauleiter (chef A partir de 1941 à Clermont-Ferrand, soir, vers 18 h 30, on chante La Marseillaise Lorrains, fuient en direction du sud. Les de l’administration civile) d’Alsace, lance des manifestations d’opposition se cristal- place de Jaude et on hisse le drapeau trico- habitants du Bas-Rhin partent notam- son « Opération Alsace » pour faire rentrer lisent sur la collaboration : attentats contre lore en présence d’une foule nombreuse. ment vers la Dordogne et Périgueux ou le les Alsaciens chez eux, jusqu’en avril 1941. des magasins, jets de billes d’acier sur les C’est alors que Clermont-Ferrand devient la Puy-de-Dôme et Clermont-Ferrand avec Le recteur et les doyens réussissent à vitrines de collaborateurs notoires. En capitale du pays… pour un jour, le 29 juin voitures, bagages, archives, etc. convaincre le gouvernement de Vichy 1942, un rapport des Renseignements géné- 1940 ! Le gouvernement français qui a Le 23 novembre, l’ensemble des sept de conserver l’Université de Strasbourg raux du Puy-de-Dôme note que l’hosti lité quitté Bordeaux (désormais dans la zone facultés de l’Université de Strasbourg quitte à Clermont-Ferrand. Quelques étudiants à l’égard de la collaboration est mani- d’occupation prévue par l’armistice) s’éta- l’Alsace et se replie à Clermont-Ferrand. rentrent, essentiellement sous l’effet des feste chez presque tous les étudiants de blit à Clermont-Ferrand pour 24 heures La ville qui possède seulement une pressions exercées par l’occupant sur eux l’ Université de Strasbourg. avant de rallier Vichy. faculté de Lettres, une de Sciences, une et surtout leurs familles. A Strasbourg, Témoignage de l’Alsacien Jean Salomon, Albert Lebrun, encore président de la de Droit et une de Médecine et Pharmacie, les nazis sont furieux : l’affaire devient réfugié à Clermont-Ferrand en 1939 : « Un République, emménage à l’Hôtel Majestic accueille donc plus de 1 200 étudiants d’intérêt national pour le IIIe Reich. de mes grands souvenirs fut le 14 juillet et le maréchal Pétain à la villa Michelin (dont Claude Wolff, âgé de 15 ans, qui En 1940 et 1941, les Allemands exigent 1942 : Radio Londres avait demandé à située sur le cours Sablon. Pour loger le restera en Auvergne où il deviendra dé- de façon répétée le retour à Strasbourg se regrouper place de Jaude [place cen- gouvernement et ses fonctionnaires, la puté-maire de Chamalières), de 150 à 175 de la Bibliothèque nationale universi- trale de Clermont-Ferrand où sont éri- Sûreté nationale fait évacuer, en quelques enseignants, les membres du corps admi- taire. Cédant à la pression du SS Dr Kraft, gées les statues de deux gloires régionales, heures, les bâtiments publics et les hôtels nistratif et 200 wagons de matériel divers Vichy ordonne de s’exécuter : ce sera un Vercingétorix, vainqueur de Gergovie et le nécessaires. La préfecture devient la pré- de l’université strasbourgeoise ! rapatriement partiel et réticent… général Desaix]. On y vit 1 500 Clermontois sidence du Conseil. Avec plus ou moins de commodité, mais En octobre 1940, les lois antijuives de et étudiants de Strasbourg et même deux Le ministère de la Guerre s’installe à une bonne volonté partagée, l’Universi- Vichy soulèvent des protestations : plu- Alsaciennes déposer une couronne aux Chamalières, celui de la Marine prend ses té transfuge s’installe dans des locaux de sieurs éminents universitaires sont desti- pieds de Vercingétorix ! Tout le monde quartiers à l’Institut Monange, l’Aviation à l’avenue Carnot tout neufs, ce qui explique tués, un numerus clausus de 3 % de juifs entonna La Marseillaise. » (1) l’école Fénelon, l’Intérieur à la préfecture, sans doute le choix de la ville de Clermont- maximum parmi les étudiants est appliqué. la Justice au Palais de justice, les Colonies à Ferrand. Outre les problèmes pratiques, La rentrée universitaire de l’automne Novembre 1942, l’école hôtelière, les Affaires étrangères au il ne faut pas sous-estimer les problèmes 1940 voit un fort afflux d’étudiants démo- l’occupation de la Zone sud lycée Blaise-Pascal et le commissariat à l’In- juridiques, financiers et organisation- bilisés, de réfugiés, de prisonniers de La situation change du tout au tout après formation au siège du journal La Montagne. nels : le recteur strasbourgeois Terracher guerre évadés et de jeunes Alsaciens- le 11 novembre 1942, avec l’envahissement La foule se presse pour voir les personnalités : s’y attèle sans faiblir. Lorrains qui quittent les zones annexées de la zone « libre » : Clermont-Ferrand de- Pétain, Laval, Alibert, Prouvost, Pomaret… Après l’armistice de juin 1940 et l’an- en franchissant la ligne de démarcation. vient garnison allemande. Le SIPO-SD Le gouvernement part dès le lundi 1er juillet nexion de l’Alsace-Moselle à l’Allemagne, (Police de sûreté – Service de sécurité) a pour Vichy, à 60 kilomètres de Clermont- les Allemands rouvrent l’Université à L’Université son siège à Vichy mais une antenne cler- Ferrand et alors capitale des villes thermales, Strasbourg et enjoignent aux professeurs entre en résistance montoise s’installe dans une villa située qui offre une meilleure capacité hôtelière, exilés de rentrer immédiatement en Alsace. En juillet 1940, le professeur d’histoire au 2 bis avenue de Royat à Chamalières. donc d’hébergement. Il ne s’agit pas d’une germanisation, mais moderne Gaston Zeller de Strasbourg crée De nombreuses personnes arrêtées vont d’une nazification : le corps professoral un centre à Gergovie, qui deviendra le y être déférées, torturées, et mourir, sans « Groupe de Gergovie ». avoir parlé. e La caserne du 92 Régiment d’infanterie Il a le soutien du général Face à la Résistance des milieux univer- de Clermont-Ferrand fut transformée de Lattre de Tassigny, sitaires strasbourgeois exilés, l’occupant en prison militaire allemande du adjoint au comman- recourt à l’infiltration et la subornation, 11 novembre 1942 à fin août 1944. dant de la 13e division voire à la force. Beaucoup d’Alsaciens Une grande partie des résistants et militaire à Clermont- prennent le maquis. des personnes raflées dans la région y Ferrand et comman- Engagée dans la contestation aux côtés furent détenues avant leur déportation. dant militaire du de sa consœur auvergnate, l’Université de Les photos publiées dans ces pages (à l’exception de Puy-de-Dôme. Le gé- Strasbourg est l’un des plus importants la page 12) proviennent du Musée de la Résistance, néral organise au châ- foyers de résistance en Auvergne et les de l’Internement et de la Déportation de Clermont teau d’Opme voisin une Allemands projettent en fin d’année l’ar- Communauté, qui possède un fond de 300 pièces et Ecole des cadres mili- restation de 500 personnes qui constituent documents, de nombreuses photographies, une biblio- taires destinée à for- « l’élite intellectuelle du corps enseignant thèque et une vidéothèque. Il est ouvert du lundi au mer les officiers de la et des étudiants de souche allemande ».