CLAVIER Paul-Henri 2006.Pdf
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1 Remerciements C’est à Monsieur le Professeur Cuche, mon directeur de thèse, que je souhaite adresser ces remerciements. Il m’a orienté dans le choix de mon sujet et m’a permis de découvrir un auteur dont j’ignorais tout. Les livres de Monsieur Cuche, et surtout sa thèse portant sur les membres du petit concile, m’ont souvent guidé dans mes conclusions, et je n’ai jamais eu le sentiment d’être en contradiction avec celles de mon directeur de Thèse. Les directions avaient déjà été largement tracées par son travail monumental, le mien, bien plus modeste, n’a de prétention que de corroborer ce qu’il esquissait à propos de notre auteur, Géraud de Cordemoy. 2 3 Veri juris germanaeque justitiae solidam et expressam effigiem nullam tenemus, umbris et imaginibus utimur (Cicéron, De Officiis, III, XVII) À la mémoire de Marcel Scheidhauer, le psychanalyste et l’homme de profonde humanité. Géraud de Cordemoy : historien, politique et pédagogue 4 Introduction Géraud de Cordemoy naquit à Paris le six octobre 1626. Il était d’une famille noble d’Auvergne originaire de Royat. Son père portait le même prénom, il mourut le 10 février 1636, il avait le titre de maître ès arts de l’université de Paris « précepteur et professeur de langues humaines ». Le premier mars 1620 il avait épousé Nicole Bucé dont il eut quatre enfants : Catherine, baptisée le 31 mai 1621, morte le neuf septembre 1622 ; Marie, baptisée le 19 novembre 1622 épouse en 1667 de Gilles Poupardin « conseiller du roi en l’élection de Bourges... et bourgeois de Paris », Géraud ; Nicole, née le 28 juin 1634, épouse de Clément - Gabriel de Combes, procureur au Parlement de Paris depuis 16661. De Géraud on ne sait rien concernant son enfance et son éducation2, en 1645 il épouse Marie de Chezelles fille de Charlotte Danquechin et de Jean de Chezelles, « conseiller du roi en la cour des aides, demeurant à Paris, rue du temple, paroisse Saint-Nicolas - Des – Champs ». Le couple eut un fils, Louis- Gérauld, le sept décembre 1651. Géraud de Cordemoy s’illustre d’abord dans la magistrature comme avocat au Parlement de Paris. Il semble avoir eu, si l’on en croit son fils Louis-Gérauld, une certaine aversion pour les « mauvaises causes »3. C’est comme philosophe et historien qu’il se fera connaître. Très proche des milieux cartésiens dont il est un des représentants reconnus4, il s’intéresse d’abord aux mathématiques pour s’appliquer ensuite à la philosophie. Il est l’auteur d’un ouvrage fondamental de métaphysique qui le fera connaître de tout le milieu cartésien : le Discernement du corps et de l’Ame en six discours, 1 D’après Jean-François Battail, L’avocat philosophe Géraud de Cordemoy, éd. Martinus Nijhoff, La Haye, 1973 et Pierre Clair et François Girbal, Géraud de Cordemoy, œuvres philosophiques, PUF, 1968, op. cit., p.15 2 D’après Pierre Clair et François Girbal, Géraud de Cordemoy, œuvres philosophiques, PUF, 1968, op. cit., p.16 3 Histoire de France, tome II, Paris, Coignard, 1689, Préface, p.III 4 Il est cité comme cartésien notoire ayant assisté, le 24 juin 1667, à la translation des cendres du philosophe, mort à Stockholm en 1650 (d’après Pierre Clair et François Girbal, in Géraud de Cordemoy, œuvres philosophiques, PUF, Paris, 1968, p.26, op. cit.) 5 pour servir à l’éclaircissement de la Physique5, en 16666. Le livre sera bien reçu mais critiqué sur les endroits où l’auteur s’écarte du système de Descartes, surtout le présupposé atomistique de sa conception de la matière étendue, moins l’occasionnalisme7 dont on trouve des prémisses dans la théorie cartésienne de la causalité. Critiqué par certains cartésiens, Cordemoy ne s’attache pas moins à défendre l’héritage du maître. En 1667, peut-être à l’occasion de la translation des cendres de Descartes il écrit : une lettre […] à un savant religieux de la Compagnie de Jésus pour montrer : I. Que le système de Monsieur Descartes et son opinion touchant les bêtes, n’ont rien de dangereux. II. Et que tout ce qu’il en a écrit, semble être tiré du premier chapitre de la Genèse …édité en 1668. Le religieux en question était Gabriel Cossart (1615 – 1674), professeur d’humanités au collège de Clermont de 1642 à 16568. L’œuvre la plus reconnue de Cordemoy Le Discours physique de la parole sera publiée en 1668. Molière la parodiera dans le Bourgeois gentilhomme,« la leçon du maître de philosophie sur les voyelles ». Cordemoy pensait ce Discours comme une suite des premiers sur le discernement du corps et de l’âme. Les éditions posthumes des œuvres de Cordemoy, celle de la veuve de l’auteur, Marie de Chezelles, de 1691, celle du fils Louis – Gérauld de 1704 ajoutent aux œuvres philosophique deux petits traités de Métaphysique. Géraud de Cordemoy fut choisi par Bossuet pour devenir lecteur ordinaire du grand dauphin et assurer l’enseignement de l’histoire. Il entreprit de rédiger une Histoire de France dont il ne parvint pas à bout et que son fils mena à chef. A sa mort en 1684, si l’on en croit Louis - Gérauld, toute la partie qui concerne 5 Le titre variera suivant les éditions, ainsi l’édition posthume de 1704 donne comme titre : six Discours sur la Distinction et l’Union du Corps et de l’Ame, 6 En 1664 paraît Le Monde de Mr Descartes ou le Traité de la lumière et autres principaux objets des sens, avec un Discours de l’Action des corps et un autre des Fièvres, composés selon les principes du même auteur, à Paris, chez Jacques Le Gras. Le Discours de l’action des corps n’est autre que le 2e discours du Discernement (d’après Jean-François Battail, l’avocat philosophe Géraud de Cordemoy, op. cit., 1973, p.254) 7 Nous revenons plus loin sur ce terme pour en expliquer le sens et la portée. 8 D’après Clair et Girbal in op. cit., p.33 6 les Gaulois puis les premières dynasties franques jusqu’à Charlemagne avait été achevée. Requis par le roi sur la sollicitation de Bossuet de terminer l’œuvre du père, Louis – Gérauld publia en 1685 le premier tome de l’Histoire de France qui va de la Gaule à Charlemagne, l’œuvre du père donc. Il poursuivit le travail paternel et publia en 1689 le deuxième volume de l’Histoire de France. Ce passage à l’histoire du philosophe peut paraître accidentel il est en fait essentiel, dans le dessein général de Cordemoy l’histoire va prendre la place des principes de toute connaissance qui était celle, traditionnelle, de la métaphysique. Cordemoy est ainsi philosophe parce qu’il est historien ou historien parce qu’il est philosophe. Le petit concile réunit autour de Bossuet des personnalités qui partagent la même idée du politique, de la société et de la religion, Cordemoy en est avec Fleury, Fénelon et La Bruyère : trois ecclésiastiques, Bossuet, Fénelon et Claude Fleury, deux laïcs : La Bruyère et Cordemoy9. Cette proximité du petit concile marque profondément la partie proprement politique et pédagogique de notre auteur mais aussi sa pensée de l’histoire. Si Cordemoy n’évoque que peu l’histoire sainte et les Ecritures parce qu’il est un laïc et que l’Eglise catholique limite l’accès des laïcs aux textes sacrés, il n’en a pas moins les mêmes présupposée heuristiques que Bossuet et Fleury dans leur considération de l’histoire, ceux de Fénelon dans celle du politique ; c’est-à-dire la continuité de l’histoire du peuple hébreu jusqu’à celle contemporaine des peuples modernes dans une même perspective téléologique10. C’est signaler la troisième grande parties de l’œuvre de Cordemoy, celle qui sera l’objet principal de nos recherches, les opuscules d’histoire et de politique : Divers petits Traités sur l’Histoire et la Politique dans l’édition de 1704, comprenant des textes sur l’histoire et sa « nécessité » ainsi qu’une utopie politique, De la réformation d’un Etat. Ce dernier opuscule est aussi une pédagogie des cadres d’un Etat 9 D’autres y prendront part suivant les époques comme Mabillon, Fléchier ou Huet. 10 Les travaux de François – Xavier Cuche nous ont puissamment aidé à comprendre cet aspect de la pensée de Cordemoy. 7 utopique amenés à incarner le souverain11 sous l’autorité d’un monarque dont la présence s’estompe dans un corps constitutionnel de lois. Cordemoy marque la continuité d’une pensée religieuse de la cité de Dieu à un commencement de laïcisation. Dans l’utopie d’un Etat réformé reposant sur un corps constitué de magistrats la légitimité du pouvoir n’est pas divine mais constitutionnelle, reste un roi qu’on met en marbre à l’entrée des académies où l’on forme les cadres du royaume, sans doute de droit divin, dans ses autres opuscules Cordemoy ne dit pas autre chose mais ce n’est plus là le fondement réel du souverain. La place de Cordemoy dans l’histoire de son temps reste certes minime, ce n’est pas un grand auteur, ni même un grand penseur mais l’intérêt de ses opuscules réside dans cette perspective d’une évolution de la pensée du politique : montrer qu’il n’y a pas d’Etat construit et stable sans une éducation des sujets de cet état c’est une idée nouvelle. Dans la conception platonicienne de la cité seule importe l’éducation des élites. Cordemoy ne s’exprime pas sur les dangers de l’ignorance du peuple mais un autre membre du petit concile, Fénelon, montrera tous les risques qu’elle comporte concernant les femmes pour lesquelles il écrira un traité d’éducation12, encore une fois son œuvre très réduite reste dans l’implicite mais c’est bien le même qu’il partage avec ses amis du petit concile.