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d’un équilibre toujours instable entre logique civique et logique marchande ». Et c’est faute de pro- gramme spécifiquement politique, La politique dépolitisée hors campagne électorale (ou alors tard le soir) et faute d’audiences que les élus se sont tournés vers l’info- tainment, mélangeant informa- Dans un livre de questions-réponses, Gaël Villeneuve expose une histoire du débat tions et distractions, jusqu’à rendre les frontières poreuses entre le talk- télévisé. Et montre comment la parole politique a cédé sous la pression des audiences. show et le rendez-vous politique (« Le Grand Journal »). omment les journalistes Pas de hasard, dans les arrière- politiques de l’audio­visuel cuisines de la télévision, si Gilles ont-ils gagné en autonomie Bornstein est passé, après une expé- C depuis les débuts de la rience sur la Cinq de Berlusconi, du Radiodiffusion-Télévision fran- poste de chef d’orchestre du talk çaise ? Pourquoi certains invi- de Jean-Luc Delarue « Ça se dis- tés font-ils toutes les émissions cute » à celui de rédacteur en chef de débats ? Pourquoi des élus de « Mots croisés ». Pour brasser acceptent-ils les interviews provo- large, Bornstein connaît les règles : catrices des talk-shows ? À quand la présence du « bon débatteur » remonte la première immixtion du retenant le zappeur, la personna- discours politique dans une émis- lité susceptible de briller dans le sion people ? Pourquoi certains story­telling, sachant raconter une débats tournent-ils en bataille histoire, « préférer les exemples d’experts ? concrets aux axiomes, les images En trente-six questions-réponses qui frappent aux démonstrations articulées autour du débat télé- logiques ». Une compétence au ser- visé, Gaël Villeneuve, chercheur vice de l’émission, « qui contribue au laboratoire Communication à faire du débat un produit qui et politique du CNRS, retrace une se vend bien ». C’est ainsi qu’il histoire de la parole politique sur faut regarder un débat politique le petit écran. Ce qu’elle était et ce à la télévision. qu’elle est devenue. Avec son cadre, En creux, c’est la baisse de la qua- ses décors, ses mises en scène. Anne Sinclair Anne Sinclair, Christine Ockrent contours du débat, le formatent, lité du débat politique à la télévi- De fait, on est loin aujourd’hui de et François et François-Henri de Virieu, tous quand bien même l’invité en pla- sion que souligne Gaël Villeneuve, la sobriété solennelle d’une émis- Mitterrand recevant l’invité dans une relation teau tente de contrôler le fil de au profit de la spectacularisation. sion comme « À armes égales ». en 1987. Un d’égal à égal. et David l’émission. Certains numéros de « Des paroles Assurément, le personnel politique temps où la Pujadas en sont les héritiers, parta- Le basculement s’est opéré à et des actes », avec une présenta- a changé. Élevé dans la télévision, case politique geant un même objectif : « Offrir l’avènement des chaînes com- tion de l’invité en images d’ar- fort de sa culture de l’examen, de du week-end un spectacle poli- merciales, avec chives familiales pour évoquer l’audit et de la colle, renforcé par était sacrée. tique à différents Un équilibre instable la privatisation son parcours, en sont un exemple, les exercices de médias training, il bouchon/afp publics » et, tant entre logique civique de TF1 en 1987, renvoyant presque le téléspec- en connaît tous les codes. Mais c’est qu’à faire, au favorisant les tateur au générique de la série surtout la télévision qui a changé, plus large public. et logique marchande. programmes de « Amicalement vôtre ». « Vivement et ses représentants. D’où la volonté divertissement dimanche », de Michel Drucker, en On observe d’abord combien, de rendre ce type d’émission plus aux dépens de l’émission politique. est un autre exemple, où, lorsque entre 1950 et 1980, les journalistes « attractif », plus « digeste ». Avec D’une chaîne à l’autre, « Questions l’invité est un politique, le discours politiques de la petite lucarne sont Les débats des ingrédients : l’utilisation des à domicile », « L’heure de vérité », se dépolitise, dans « une cérémonie passés d’un statut d’agents contrac- télévisés en sondages, le reportage, le micro- « 7 sur 7 » finissent par disparaître, consensuelle où tout conflit parti- tuels du ministère de l’Informa- 36 questions- trottoir, les SMS et maintenant faute d’audience, parce que « les san est désamorcé ». Il fut un temps réponses, Gaël tion à celui de vedettes de la pro- Villeneuve, éd. Twitter, pour légitimer les ques- émissions de débat télévisé sont où le rendez-vous politique de la fin fession. Les années 1980 ont ainsi PUG, 136 p., tions, troubler sans contredire. aussi des marchandises : leurs du week-end était une case sacrée. vu l’ascension des Arlette Chabot, 15 euros. Des ingrédients qui dessinent les organisateurs sont en charge ≥≥Jean-Claude Renard

À vos postes télévision fidèle. En 1998, une autre La Vie amoureuse Breaking Bad En ligne Quand les nazis bobine révélait les conditions de des prêtres Vendredi 6 décembre, à 22 h 20, Fortmcmoney.com filmaient le ghetto tournage, avec les instructions Mardi 3 décembre, à 23 h 35, sur Arte Dans la troisième réserve Mardi 3 décembre, à minuit, des cameramen. Yael Hersonski sur 3 Coup d’envoi de la saison 5 mondiale de pétrole, à Fort sur Arte croise les archives brutes et le Par David André, l’histoire de trois d’une série américaine sur un McMurray, un webdoc de David En 1942, les nazis livraient en témoignage de survivants et de prêtres, une réflexion remarquable professeur de chimie, atteint Dufresne au cœur de l’industrie images le quotidien du ghetto l’un des cameramen alors en sur la solitude et le célibat, sur d’un cancer, mué en baron de la pétrolière, où l’internaute est de Varsovie, qui longtemps ont place. Un travail sur l’apport des les valeurs de l’Église dans une drogue. Une écriture ciselée au appelé à réagir sur le destin d’un laissé penser à une restitution images au travail de mémoire. société de plus en plus érotisée. service d’un suspense amoral. projet énergétique d’importance.

28 Politis 28 novembre 2013