Le Pasteur Oberlin Au Ban De La Roche (1740-1826) : Un Homme Des Lumières Pionnier De L’Économie De Montagne
Total Page:16
File Type:pdf, Size:1020Kb
Jean Duma (dir.) Des ressources et des hommes en montagne Éditions du Comité des travaux historiques et scientifiques Le pasteur Oberlin au Ban de la Roche (1740-1826) : un homme des Lumières pionnier de l’économie de montagne Marie-Noële Denis DOI : 10.4000/books.cths.5718 Éditeur : Éditions du Comité des travaux historiques et scientifiques Lieu d'édition : Éditions du Comité des travaux historiques et scientifiques Année d'édition : 2019 Date de mise en ligne : 18 juin 2019 Collection : Actes des congrès nationaux des sociétés historiques et scientifiques ISBN électronique : 9782735508884 http://books.openedition.org Référence électronique DENIS, Marie-Noële. Le pasteur Oberlin au Ban de la Roche (1740-1826) : un homme des Lumières pionnier de l’économie de montagne In : Des ressources et des hommes en montagne [en ligne]. Paris : Éditions du Comité des travaux historiques et scientifiques, 2019 (généré le 20 novembre 2020). Disponible sur Internet : <http://books.openedition.org/cths/5718>. ISBN : 9782735508884. DOI : https://doi.org/ 10.4000/books.cths.5718. Ce document a été généré automatiquement le 20 novembre 2020. Le pasteur Oberlin au Ban de la Roche (1740-1826) : un homme des Lum... 1 Le pasteur Oberlin au Ban de la Roche (1740-1826) : un homme des Lumières pionnier de l’économie de montagne Marie-Noële Denis 1 Le pasteur Oberlin (fig. 1) a exercé son ministère pendant 60 ans dans les huit paroisses du fief du Ban de la Roche, l’une des régions les plus déshéritées des Vosges décrite ainsi : « Le pays présente un aspect sévère et sauvage… Pendant de longs mois d’hiver des vents violents balayent la contrée ensevelie sous la neige ; en été, des trombes d’eau et des orages terribles déchirent les gorges des montagnes, dévastent les vallées ; en toute saison, des brouillards persistants… Point de cultures, point d’industrie, point de commerce. Une centaine de familles éparses dans l’isolement et l’abandon le plus complet… »1 Des ressources et des hommes en montagne Le pasteur Oberlin au Ban de la Roche (1740-1826) : un homme des Lum... 2 Fig. 1. - Portrait d’Oberlin. Ce portrait rappelle l’austérité du personnage en même temps, par le costume, ses fonctions ecclésiastiques. Ce profil est à rapprocher des nombreuses silhouettes physiognomoniques réalisées au presbytère. Gravure de J. Gottfried Gehrardt. © Musée Oberlin, crédit photographie : Élisabeth Manouvrier. 2 C’est dans ce cadre austère que Jean Frédéric Oberlin s’emploiera à expérimenter et développer une économie de montagne fondée à la fois sur le développement d’une agriculture spécifique, de l’industrie et de l’instruction, pour améliorer les conditions de vie de ses paroissiens. Le Ban de la Roche 3 Lorsqu’en 1767 Voyer d’Argenson, seigneur du Ban de la Roche, confie à Jean Frédéric Oberlin la charge de la paroisse de Waldersbach (Bas-Rhin) celle-ci se compose de cinq villages : Fouday, Solbach, Bellefosse, Belmont, Walddersbach et de trois hameaux : Trouchy, Penbois et La Hutte. La population présente la double particularité d’être de confession luthérienne et de langue romane dans un environnement catholique et de langue germanique. Les conditions naturelles 4 Le Ban de la Roche est un pays de moyenne montagne dont les altitudes s’élèvent de 340 à 1 100 mètres. Le relief se compose de croupes en gradins qui s’étagent de la vallée de la Bruche à la ligne des crêtes. Dans les zones les plus plates, les sols sont peu fertiles et lessivés par les pluies et les surfaces cultivables très réduites. Les pentes les plus abruptes sont couvertes de forêts. Le climat montagnard est rude, exposé aux vents Des ressources et des hommes en montagne Le pasteur Oberlin au Ban de la Roche (1740-1826) : un homme des Lum... 3 d’ouest, les pluies abondantes (1 200 à 1 500 mm d’eau par an), de même que l’enneigement, variable selon les années. Les récoltes sont à la merci du moindre incident climatique (fig. 2). Fig. 2. - Le paysage du Ban de la Roche au XIXe siècle. Paysage de moyenne montagne, de prairies et de forêts. Le presbytère se trouve à l’extrême gauche et le temple au centre du village. On remarque au premier plan les maisons couvertes en chaume. © Musée Oberlin, Lithographie de Th. Muller. 1837. Crédit photographie : Élisabeth Manouvrier. La situation économique « L’agriculture du Ban de la Roche est une agriculture marginale… Elle est incapable de nourrir à elle seule la population. C’est uniquement un complément de ressources s’ajoutant à d’autres activités »2 5 Cette autre activité est essentiellement constituée par la métallurgie du fer qui s’est développée à Rothau (Bas-Rhin). Les mines sont nombreuses au XVIIe siècle. Waldersbach possède son propre haut-fourneau. Après la guerre de Trente Ans (1618-1648) les forges de Rothau, associées à celles de Framont, ne furent remises en fonction qu’en 1724. Pendant la période révolutionnaire leur propriétaire, Louis Champy, y installa deux forges avec hauts fourneaux, martinets, et des « casernes » pour loger les ouvriers. La population augmenta rapidement ; 391 habitants en 1720, 802 en 1730, 2175 en 1777, 2490 en 1789. Mais il y a peu de relations et d’échanges entre ces nouvelles populations industrielles venues d’ailleurs, pour moitié catholiques, et les autochtones, que la production agricole locale ne suffit pas à nourrir. Néanmoins, une nouvelle ressource agricole, mieux adaptée aux conditions climatiques, va permettre en partie de faire face. Il s’agit de la pomme de terre, culture des terres pauvres, qui s’est répandue dans les pays germaniques, dont l’Alsace, dès le milieu du XVIIe siècle. Des ressources et des hommes en montagne Le pasteur Oberlin au Ban de la Roche (1740-1826) : un homme des Lum... 4 Le pasteur Oberlin et son univers 6 Le pasteur Oberlin, qui s’installe à Waldersbach en 1767, succède au pasteur Stuber, déjà engagé dans le développement du Ban de la Roche. Il a été l’élève du Gymnase à Strasbourg, puis de la faculté de théologie. Son père, professeur de langues anciennes à ce même gymnase, était le premier intellectuel d’une lignée de boulangers, entré par son mariage dans une famille de pasteurs et de professeurs d’université. Jean Frédéric Oberlin, doué pour les langues, parlera l’allemand avec ses parents et le français avec ses enfants. Après quelques années de préceptorat, il choisit de s’installer au Ban de la Roche (fig. 3, 4). Fig. 3. - Vue générale du temple depuis une des fenêtres du presbytère. Au loin on aperçoit la montagne brumeuse et couverte de forêts. © Musée Oberlin, crédit photographie : Élisabeth Manouvrier. Des ressources et des hommes en montagne Le pasteur Oberlin au Ban de la Roche (1740-1826) : un homme des Lum... 5 Fig. 4. - Le temple la nuit. © Musée Oberlin, crédit photographie : Élisabeth Manouvrier. 7 Cet isolement géographique, où il vécut pendant 59 ans, n’en fait pas pour autant un homme seul. Il lit beaucoup et correspond avec ses pairs dans toute l’Europe. Il est en relation épistolaire avec le mouvement piétiste des Frères Moraves, et la baronne de Krudener sera plusieurs fois l’hôte du presbytère de Waldersbach. L’un de ses gendres ira prendre un poste de pasteur en Russie et son fils Henri Gottfried sera précepteur à Riga. De ce fait, Oberlin échange des messages avec le tsar et, lors de l’invasion de 1814, le presbytère sera placé sous la sauvegarde de ce souverain. Il est aussi en correspondance avec Lavater, dont il apprécie les élucubrations scientifiques, de même que le phrénologue Gall (fig. 5). Des ressources et des hommes en montagne Le pasteur Oberlin au Ban de la Roche (1740-1826) : un homme des Lum... 6 Fig. 5. - Le presbytère de Waldersbach. Construit par le baron de Dietrich pour loger le pasteur et sa famille, c’est une construction typique des logements d’hommes d’Église au XVIIIe siècle. On en remarque la sobriété, la symétrie des ouvertures, mais aussi la richesse des encadrements de la porte et des fenêtres en grès rose, à linteaux arrondis. Ce bâtiment abrite aujourd’hui le Musée Oberlin. © Musée Oberlin, crédit photographie : Élisabeth Manouvrier. 8 Paradoxalement, et parallèlement à ses relations avec les courants mystiques, il adhère aux idées de l’Europe des Lumières. Il est en parfait accord avec l’abbé Grégoire sur l’esprit républicain et les droits de l’homme. Il le rencontrera et les deux personnages entretiendront une correspondance suivie. Grâce à l’abbé Grégoire et à François de Neufchâteau, l’activité économique et sociale du pasteur sera reconnue par deux distinctions honorifiques : la médaille d’or de la société royale d’agriculture en 1818 et la légion d’honneur en 1819. Il adhère aux théories des physiocrates et possède dans sa bibliothèque plusieurs manuels d’agriculture. Il connaît les « Éléments d’agriculture » de Duhamel de Monceau (1762), le « Socrate rustique » du Suisse Hirzel3. Ces deux auteurs se rattachent au mouvement physiocratique pour lequel seule l’agriculture est productrice de richesse et sa primauté absolue doit être posée comme programme politique. Duhamel de Monceau prône, outre la culture du blé, celle des fourrages artificiels et des nouveaux tubercules et racines telles que les pommes de terre, les raves et les navets. Hirzel dans son livre, traduit en français en 1764, envisage avant tout un projet de société rurale dans le cadre d’un idéal social moralisateur. 9 Il sera aussi en relation, dans la lignée de l’Émile de J.-J. Rousseau qu’il a lu et annoté, avec les pédagogues novateurs de son temps. Il possède le Manuel élémentaire ou recueil méthodique des connaissances nécessaires à l’instruction de la jeunesse de Basedow de Dessau.