Société Savante d' et des Régions de l'Est Série "Recherches et Documents" tome XL

UNE SEIGNEURIE ALSACIENNE AU TOURNANT DU "SIECLE D'OR" LE BAN DE LA ROCHE AU TEMPS DES SEIGNEURS DE RATHSAMHAUSEN ET DE VELDENZ (1489 -1630)

Denis LEYPOLD

Préface de Robert LUTZ

Librairie Oberlin 19 rue des Francs-Bourgeois - Strasbourg 1989 Ce mémoire a été imprimé avec l'aide bienveillante du Cercle généalogique d'Alsace et l'appui financier du Conseil régional d'Alsace, du Centre de recherches régional de l'USHS et de l'Association des ACCS - L'ESSOR de la Vallée de la Bruche. Ce travail a été présenté devant un jury de l'Université des Sciences humaines en vue de l'obtention du Diplôme des Hautes études et de la Pratique sociale. Il a béné- ficié des conseils de MM. Bernard Vogler, directeur de l'Institut d'Histoire d'Alsace ; Michel Hau, maître de conférences d'histoire contemporaine ; Gérard Pigault, secrétaire général du D.H.E.P.S. du Centre de Formation Continue ; Arnold Kientzler, professeur à l'Ecole normale d'Instituteurs ; Pierre Beck du service des Monuments historiques, auxquels j'exprime toute ma gratitude comme à l'ensem- ble de l'équipe du D.H.E.P.S. et aux nombreuses personnes originaires du Ban de la Roche ou des environs qui m'ont fait bénéficier de leur expérience. Mes remerciements vont enfin à M. le Doyen Georges Livet, président de la Société Savante d'Alsace et des Régions de l'Est, et à M. Marcel Thomann, président de la Fédération des Sociétés d'histoire et d'archéologie d'Alsace, pour l'intérêt qu'ils ont bien voulu témoigner à cette publication qui a bénéficié également des encourage- ments amicaux des membres de la Société d'Histoire du Protestantisme du Ban de la Roche et de leur Président M. Robert Lutz.

PREFACE Le Ban de la Roche, petite seigneurie alsacienne aux confins de la Lorraine, est entré dans l'histoire très tard et très discrètement. On n'y signale aucune trace notable de la préhistoire ni de l'époque gallo-romaine. Ce n'est pas avant le XIIIe siècle qu'on a des informations précises à son sujet, même s'il est certain qu'à cette époque existaient déjà le château de la Roche et les églises de et de Belmont, et que diverses mentions concernant des seigneurs "de Rupe" (de la Roche) semblent bien se rapporter au Ban. Sont-ils déjà de la famille des Rathsamhausen ? Il est difficile d'en être sûr. On parle très tôt et on parlera longtemps de contestations relatives aux limites ; puis on peut noter une date historique, la première à notre connaissance, mais qui manque de gloire : le chevalier Henry Mey de Lambsheim, proche parent des seigneurs du Ban de la Roche, était au milieu du XVe siècle le châtelain qui les représentait. Il se livrait au bri- gandage, faute sans doute d'autres ressources, et rançonnait les convois qui passaient à proximité, entre Alsace et Lorraine. En 1469 une expédition fut organisée en commun par l'évêque de Strasbourg et le duc de Lorraine, et le château fut détruit. Gérothée de Rath- samhausen dut promettre de ne pas le rebâtir ; la promesse fut tenue. Au XVIe siècle un homme remarquable, Georges Jean 1er de Veldence, comte palatin, époux de la fille du roi de Suède Gustave Wasa, s'intéressa au Ban de la Roche. Ce grand seigneur entreprenant, très en avance sur son temps, était féru d'économie et plein de grands projets. Ilfonda des espoirs sans doute exagérés sur les mines de fer de et n'eut de cesse que de s'en assurer la maîtrise. Il acheta à cet effet la seigneurie en 1584, après avoir obtenu cinq ans plus tôt l'autorisation d'exploiter les mines et vendit en 1583 au duc de Lorraine, en vue de se procurer les fonds nécessaires, la ville de Phalsbourg qu'il avait fondée en 1569. Son intervention au Ban de la Roche a été de grande impor- tance pour l'évolution future de la seigneurie, car outre diverses modernisations prati- ques, la Réforme y fut introduite. La guerre de Trente Ans fut comme dans toute la région une époque de misère, de des- tructions et d'épidémies. La population fut réduite au moins des quatre cinquièmes. Le rattachement de l'Alsace à la et l'extinction en 1723 de la famille de Veldence per- mettent ensuite au roi de France de concéder le fief à des seigneurs qui s'en soucient peu, mais aussi de l'ériger en comté en 1762. Huit ans plus tard le comté est acquis par Jean de Dietrich, strasbourgeois et protestant, à la satisfaction de la majorité des habitants. Le XVIIIe siècle est aussi une époque de repopulation, avec un développement de la métallurgie qui amène à Rothau une notable immigration catholique. Il est marqué dans sa seconde moitié par deux fortes personnalités, les pasteurs Jean-Georges Stouber et Jean-Frédéric Oberlin, le ministère de ce dernier débordant encore le premier quart du siècle suivant. Désormais la documentation est abondante et la réputation, qui devient internationale, du Ban de la Roche à cette époque a pour effet d'occulter presque complè- tement un passé qu'on déprécie pour mieux louer les novateurs, dont le mérite n'avait pourtant pas besoin d'un repoussoir. La seigneurie comportait outre son territoire, siège de huit villages, divers biens et bénéfi- ces, dont deux maisons à Ottrott et un tiers indivis du château d'Oedenbourg tout proche du Haut-Koenigsbourg et anciennement ruiné. Les deux villages de Saint-Blaise-la- Roche et Blancherupt lui ont été associés de 1371 à 1507, d'abord à titre d'alleu, puis de fief épiscopal de Strasbourg. Par la suite leur cession sera longtemps contestée en justice, mais sans succès, par la famille de Veldence. Pendant la Révolution, le comté fut d'abord intégré au nouveau département du Bas- Rhin. En 1793 Rothau, Neuviller, et furent à la demande des habitants rattachés au département des Vosges. Cette partition peu logique fut annulée en 1871 par l'annexion allemande. Notons encore quelques étapes plus contemporaines : en 1814 la résistance de Nicolas Wolff et de ses partisans qui freina l'avance des armées alliées étrangères ; l'abandon au milieu du XIXe siècle de l'exploitation des mines et des forges ; le grand développement en contrepartie de l'industrie cotonnière, récemment suivi d'un reflux sensible ; les deux annexions de 1871 et de 1940, et au cours de la dernière, le sinistre camp du Struthof (situé d'ailleurs tout près, mais hors du Ban). Comme nous l'avons déjà dit, l'histoire du Ban de la Roche avant 1750 a été négligée jus- qu'à présent. Seul l'ouvrage en allemand de K.E. Boch (Das Steintal im Elsass, 1914) représente une recherche sérieuse et bien documentée. Malheureusement elle est peu accessible, et surtout contestable sur plusieurs points importants. En 1967, à l'occasion du deuxième centenaire de l'arrivée d'Oberlin au Ban de la Roche, on organisa diverses manifestations, dont une exposition historique. On ranima alors le comité du Musée Oberlin, à Waldersbach, musée auquel les pasteurs de la paroisse n'ont pas cessé de consacrer une part notable de leur activité. Mais ils ont besoin d'être aidés et soutenus. De nouvelles salles ont été ouvertes et des projets en vue d'une meilleure pré- sentation des collections et d'une protection plus efficace se réalisent progressivement. C'est alors aussi que l'idée fut lancée de créer une association en vue de poursuivre la collaboration engagée. On fonda donc la Société d'histoire du protestantisme du Ban de la Roche, qui a publié depuis lors plusieurs bulletins et organisé diverses rencontres. Les bulletins sont composés d'études originales qui ne se limitent pas au pasteur Oberlin ou aux thèmes religieux, explorant les divers aspects de la vie du Ban. C'est dans le cadre de ces recherches que Denis Leypold s'est consacré à reprendre toute la documentation concernant les périodes antérieures à celle dont la bibliographie est déjà surabondante. Il éclaire ainsi, en la rendant accessible au lecteur non germaniste, une période obscure mais importante de l'histoire locale. Il contribue à régler les polémiques, encouragées par les annexions et par un certain pangermanisme connexe, sur le langage des habi- tants. Celui-ci était certainement français malgré les apparences (noms des villages, documents d'archives). En -effet l'administration était de langue allemande jusqu'au XVIIIe siècle et au cours des annexions, mais la population parlait un patois roman qui s'est imposé aux immigrants alsaciens ou bernois, et dont témoignent la plupart des noms de lieux-dits. Souhaitons que ce volume ait le succès qu'il mérite et qu'il suscite des recherches nouvel- les sur le Ban de la Roche, encore trop méconnu, malgré l'abondante littérature qui le concerne. Ses particularités sociales, linguistiques et religieuses méritent une étude approfondie. Robert Lutz Président de la Société d'histoire du protestantisme du Ban-de-la-Roche INTRODUCTION L'objectif de ce travail est de faire apparaître les traits et les caractéristiques d'une communauté de villages de la haute vallée de la Bruche au XVIe siècle. De cette période, trois éléments - géographie humaine, démographie et problèmes culturels - en ont constitué les grandes lignes. L'enquête, menée sur le champ de ces différents aspects, a démontré les nombreuses similitudes qui liaient les populations du Ban de la Roche à celles de la moyenne et haute vallée de la Bruche, notamment dans le concept d'un appendice lorrain dans un pays d'institutions germaniques. Mais cette apparente cohésion locale cache en réalité un pays marqué par un ensemble de contraintes internes politiques et sociales faisant de lui une terre de transition à l'in- térieur de la vallée. La mise en relief de ces spécificités a nécessité la recherche et l'isolation des caractères particuliers de la terre, du peuplement et de son identité. Le présent travail couvre une période chronologique importante : 141 années, de 1489 à la veille des grands bouleversements du XVIIe siècle. La date initiale de 1489 correspond à l'ouverture du premier registre connu des cens ; elle permet de saisir les premiers éléments sûrs d'une réalité physique d'ensemble, tout en constituant les bases solides de l'enquête. La date de 1630 conclut l'étude ; elle se trouve dans le prolongement d'une évolution sociale dépressive et marque la fin d'une période de révolutions : celles de l'essor économique et démographique du XVIe siècle. Le développement en 1633 de la guerre de Trente ans dans la vallée de la Bruche entraîna une coupure décisive entre le bel élan du XVIe et le XVIIe siècle. Ce sont les années 1500 qui composent l'ossature de ce travail et qui servent de trait d'union entre deux époques fondamentalement différentes. Car c'est au XVIe siècle que se prépara, au travers de puissants bouleversements et après une irrésistible ascension économique, une société nouvelle, plus ouverte aux libertés individuelles et com- munautaires. Sans doute, l'étude de cette période essentielle aurait-elle été trop isolée sans l'ou- verture vers les territoires limitrophes. Ainsi, il a paru utile dans le cas de l'étude des habitats, d'étendre le champ de l'enquête en y associant les habitats situés en-dehors des limites politiques du Ban de la Roche, en les étudiant sous des angles variés : démographique, institutionnel et culturel. Cet élargissement de l'étude ten- tera également de reconsidérer la situation linguistique du Ban de la Roche et ses affinités culturelles avec la vallée de la Bruche. Réunies à partir de pièces d'archives diverses, les données de l'histoire de la popula- tion concernée peuvent parfois paraître insuffisantes. Le problème de l'interpréta- tion des sources s'est posé, celui de la méthode et de la classification. De ce dernier aspect a prévalu la démarche générale du travail. En tenant compte de cette exigence, il a fallu procéder à des regroupements pour ne pas perdre le bénéfice de quelques renseignements précieux mais rares ; d'autres, trop vagues, ont été éliminés. Il a de même paru raisonnable de ne pas approfondir certains sujets pourtant prometteurs comme l'histoire politique de la seigneurie, non par manque de sources mais par choix délibéré. Cette étude n'entend pas être définitive, elle ne constitue qu'une manière d'appro- cher l'histoire d'un ensemble d'habitats sans particularismes saillants, conforme à l'étendue régionale, mais présentant des originalités. Elle se voudrait située sur le plan général des connaissances historiques de la vallée de la Bruche, en prenant logi- quement place dans la production historique régionale d'Alsace.

LE CADRE HISTORIQUE De la seconde moitié du XIIe siècle à la fin du XVIe siècle, trois lignées familiales se succédèrent : les de Lapide ou de Rupe, famille dont on conserve les traces à partir de 1178 ; les Rathsamhausen zum Stein de la fin du XIIIe siècle à 1584 et les comtes de Veldenz depuis cette date à 1723. Les familles de Lapide (zum Stein) et de Rathsamhausen L'inféodation du territoire impérial du Ban de la Roche à un ministériel de souche obscure répond à une stratégie désormais classique. Elle intervient dans le cadre de la réorganisation politique de l'Empire entreprise par Frédéric de Hohenstaufen. L'établissement de nouvelles bases devait s'assurer de la présence d'un personnel militaire fidèle dans les territoires dépendant de l'Empire. C'est vraisemblablement dans ce contexte que furent investis dans les années 1170 les de Lapide, en remercie- ment des services militaires rendus. C'est en tout cas en qualité de ministériel d'Em- pire qu'apparaissent les frères Theodoricus et Bucardus en 1178, en tant que témoins dans un acte de donation en faveur du couvent de Hohenbourg-Ste-Odi- le (1). La première mention du château apparaît avec Bucardus qui est cité châtelain de la Roche (castellanus de Rupe) en 1180, dans une charte énumérant les biens que l'abbaye d'Etival possédait en Alsace (2). C'est probablement peu avant cette date que fut édifié le château, lequel donna son nom à la nouvelle lignée.

Dominant le chemin médiéval et la cense seigneuriale du Bas Les Champs, le château de la Roche, en ruine depuis 1469, représenté en 1805 (AMS, Fonds Oberlin, Ms 197 - photo D. Leypold). La mise en valeur du territoire par une infrastructure économique et religieuse déjà solidement établie est reconnaissable par divers signes. Ceux-ci sont représentés notamment dans le voisinage du château par un réseau routier assurant les échanges par-delà le Champ du Feu, et par les premiers indices d'une organisation paroissiale attestés par des édifices religieux à Belmont, à Fouday et sans doute aussi à Rothau. L'organisation du territoire résulta d'autre part d'une situation démographique favo- rable au développement de l'économie rurale par l'extension des surfaces agricoles.

1.-2. BOCH K.-E., Das Steintal im Elsass. - Strassburg, 1914, p. 7-8. On ne sait pas quand exactement ni en quelle circonstance le Ban de la Roche entra dans le patrimoine familial des Rathsamhausen. Une étude récente préconise une solution d'alliance entre les deux familles vers la fin du XIIIe siècle, ce qui pourrait bien expliquer le changement de propriétaire (3). Malheureusement, la rareté des indications manuscrites ne nous permet pas de nous éclairer sur cette période fort mal connue de l'Histoire du Ban de la Roche. Les Rathsamhausen zum Stein (de la Roche) apparaissent cependant en 1371, après que Dietrich eut acheté aux nobles d' un alleu contigu à la seigneurie (St-Blaise la Roche et Blancherupt) (4). Ce n'est qu'à partir de la fin du XIVe siècle que la famille est plus régulièrement citée surtout en raison des conflits qui l'oppo- sèrent à la ville décapolitaine d'Obernai. Les litiges étaient généralement d'ordre frontalier et correspondaient aux exploitations et aux usages forestiers. A partir de la seconde moitié du XVe siècle, la famille se trouva confrontée à une situation préju- diciable sur le plan politique à cause des activités de brigandage d'un de ses mem- bres (Gérothée le jeune) depuis le château de la Roche. La prise du château en 1469 fut suivie du retrait de l'inféodation de la seigneurie jusqu'en 1489. L'ultime désaveu apporté par la famille à Gérothée fut, lors de sa mort en 1492, son ensevelissement dans la chapelle de Fouday et non à Baldenheim auprès des siens(5). Ayant sans doute besoin d'argent, la famille vendit en 1507 les droits féodaux qu'elle possédait sur les terres des villages de St-Blaise et Blancherupt à l'évêque de Stras- bourg. En retour, l'évêque leur en accorda l'investiture (6). Après avoir obtenu de l'Empereur en 1580 la permission de vendre le Ban de la Roche, les tuteurs du fils de Jean Frédéric mort en 1582 le cédèrent deux ans plus tard pour la somme de 47 000 florins au comte Georges Jean de Veldenz. Les Veldenz Le nouveau seigneur du Ban de la Roche était un personnage remarquable : homme politique autant que technicien et gestionnaire avisé. Son sens de l'entreprise a été à l'origine de la création de la ville de Phalsbourg en 1570. Un autre grand projet non réalisé était la création d'un canal devant relier la Lorraine à la Belgique. On pourrait dès lors s'étonner de son intérêt pour le Ban de la Roche, en fait, cette acquisition était susceptible de conférer au comte un profit économique qui pouvait être consi- dérable, c'est du moins ce qu'il attendait vraisemblablement. Le sous-sol du Ban de la Roche renfermait en effet d'importantes réserves de riches minerais que Georges- Jean exploitait déjà depuis plus de cinq ans, en même temps que d'autres sites dàns la vallée de la Bruche, dans les Vosges du Nord et dans le Palatinat. L'achat du Ban de la Roche lui laissa les mains libres pour achever l'organisation économique du pays et pour introduire la religion évangélique qui était la sienne. Après une période

1592).Georges Coll. Jean Parc ler, comtenaturel palatin régional du Rhindes etVosges de Sponheim, du Nord. comte de Veldenz et duc de Bavière (1543- ^^

3. FAVE-SCHWARTZ M., "Les Rathsamhausen, une famille de la noblesse rurale alsacienne, 1215-1450". - dans R.A., t. 109 (1983), p. 48, note 10. 4. Registre des archives du Ban de la Roche ; copie achevée en 1899 d'un manuscrit rédigé à la demande du baron de Dietrich. - pièce intitulée : Contrat de vente par Eberhard d'Andlau et ses fils au profit de Die- trich de Rothsenhausen des parts et portions aux villages de Hiltebestgerute et Blenckespach le jour de la Sainte Marguerite 1371. 5. KIENTZLER A., Le château et la seigneurie de Guirbaden, fief des Rathsamhausen de la Roche (1477- 1689). - Mémoire de maîtrise, Université de Strasbourg II. - 1972, p. 49. 6. ABR E 641 ; la dernière inféodation concernant les deux villages fut accordée à Jean Frédéric de R. en 1573. de relative prospérité, les désastres de la guerre de Trente ans, qui jusque là avaient épargné le Ban de la Roche, le touchèrent en été 1633 : toute l'infrastructure écono- mique et les trois quarts des habitants disparurent dans les années suivantes. Faute de fonds suffisants, les Veldenz ne purent relever le Ban de la Roche de la ruine. Le dernier représentant de la famille, chassé de La Petite-Pierre par les Fran- çais, s'éteignit en 1694 à Strasbourg après que le roi de France lui eut contesté les terres. Remises aux filles de Léopold-Louis, les terres du Ban de la Roche furent conservées par elles jusqu'au décès de la dernière, la princesse Dorothée de Vel- denz-Deux-Ponts, survenu en 1723. A cette date, les terres passèrent à d'Angervil- liers, intendant d'Alsace, qui en avait obtenu l'inféodation du roi Louis XV en 1720. L'environnement politique La caractéristique dominante du Ban de la Roche fut d'avoir été un bien d'Empire ; cette situation lui conféra le statut particulier d'un fief impérial. L'Empereur en accordait l'investiture aux familles nobles qui en obtenaient la jouissance. Son imbrication dans la structure politique et territoriale du pays l'assimilait aux sei- gneuries allemandes d'Alsace. Le destin de ce petit territoire ne s'en éloigna d'ail- leurs pas, et c'est à ce titre qu'il bascula au XVIIe siècle avec le reste de la province sous l'autorité du roi de France. Relié par ses attaches aux temps forts de l'histoire rhénane - en dépit de son isole- ment apparent - le Ban de la Roche paraît avoir été très instruit des actions de la diplomatie des souverains, touchant de près ou de loin la stabilité du pays. Les nou- velles en provenance de l'étranger étaient aussi susceptibles d'être introduites dans le cadre des offices liturgiques sous forme de prières publiques, comme ce fut le cas en 1660 à l'occasion de la reprise du pouvoir par Charles II du trône d'Angleterre. En 1673, ce furent des "prières et jours de pénitence" qui, en guise de prologue, annon- çaient l'approche au Ban de la Roche d'une nouvelle guerre entre la France et divers états d'Europe (7). Dans l'immédiat, la préoccupation essentielle était d'assurer localement l'indépen- dance et l'inviolabilité du territoire. L'histoire d'Alsace pullule d'exemples attestant l'étendue et la diversité des conflits touchant les seigneuries. La présence de cinq autorités différentes sur les limites du Ban de la Roche pouvait paraître préoccu- pante dans la mesure où l'une ou l'autre se sentait assez forte pour imposer le règle- ment d'un problème à son avantage. L'intervention de la ville d'Obernai au Ban de la Roche avant 1382 illustre avec vigueur une situation qui n'est pas sans rappeler les usages d'exécution personnelle exposés par BLOCH pour le moyen-âge (8). La ville impose en effet sa volonté dans le règlement d'une affaire forestière en brûlant le hameau de La Haute Goutte et en emmenant six villageois en captivité (9). Des qua- tre puissants voisins des XVIe et XVIIe siècles (évêché de Strasbourg, comté de Salm, bailliage de Barr - territoire de la ville de Strasbourg -, bailliage autrichien de Villé), l'évêché de Strasbourg constitua une menace - en temps de guerre - contre l'identité "protestante" du Ban de la Roche. En 1592, une troupe de cavaliers au ser- vice de l'évêque prend par surprise et brûle le château des Veldenz à Rothau (10). Mal- gré la neutralité notoire de la famille de Veldenz dans cette guerre, il n'en demeurait pas moins qu'elle était protestante et donc soumise, par la proximité des opérations

7. ABR, C 323, 12. 8. BLOCH M., "Les caractères originaux de l'histoire rurale française". - Paris, A. Colin, V. 1, p. 181. 9. ABR, 2J 20 (1382). 10. ABR, C 323, 12 (guerre des évêques). ISBN 2-85369-085-7 PRIX: 140 F

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