Éditorial BONNE ANNÉE ¤ TOUS ! Ce début dÊannée voit comme à son habitude, lors du janvier en fin de journée : une soirée entre les jeunes (et dernier week-end de janvier, le retour du Festival moins jeunes) professionnels : scénaristes, artistes, édi- dÊAngoulême, dont nous sommes partenaires. Si vous teurs, en vue de faciliter les rencontres, les échanges, et avez la chance dÊarpenter les rues et les ÿ bulles Ÿ (cha- la naissance de projets concrets. (Pour davantage dÊin- piteaux) du festival, venez nous dire sur notre stand ce formations : www.zoolemag.com ou www.zoopportu- que vous pensez de ZOO. nites.com). Nous espérons ainsi être le catalyseur de la Nous organisons par ailleurs, en association avec le création dÊfluvres et de séries à succès futures. Faire Festival et avec lÊaimable concours de Polyakov et de la découvrir aux lecteurs la BD, les guider dans leurs choix, Cité Internationale de la BD et de lÊImage, lÊévénement mais aussi aider à lÊémergence des talents, telle est la © Turc & de Groot / LE LOMBARD © Turc Les Zoopportunités de la BD, à Angoulême, le vendredi 29 profession de foi de ZOO. OLIVIER THIERRY ZOOmmaire P.6

EN COUVERTURE ZOO est édité par Arcadia Media P.6 - LE BANNI La nouvelle saga fantasy du Lombard. 45 rue Saint-Denis 75001 Paris

Régie publicitaire : [email protected] ÉVÉNEMENT P.16 Envoyez vos contributions à : P.8 - SÉLECTION P.16 - LES TUNIQUES BLEUES [email protected] Notre regard sur la Sélection officielle Hommage à une série indémodable Directeur de la publication & rédacteur P.14 - LÉONARD P.18 - CENT POUR CENT en chef : Le Génie a 35 ans Les modernes honorent les anciens Olivier Thierry

Rédacteur en chef adjoint, secrétaire de rédaction & maquettiste : P.40 Olivier Pisella ACTU BD [email protected] P.26 P.37 Rédaction de ce numéro : Hélène Beney, SÉRIES-CONCEPT et hyper-séries SOULCIÉ : la banque pour les nuls Olivier Pisella, Louisa Amara, Julien P.28 P.38 Foussereau, Boris Jeanne, Jérôme Briot, Jean- LE MONTESPAN : d’après Jean Teulé VALÉRIAN fait ses adieux Marc Lainé, Christian Marmonnier, Kamil Plejwaltzsky, Vladimir Lecointre, Thierry P.30 (Laureline reste) Lemaire, Julie Bee, Stéphane Urth, Olivier TANK GIRL : retour de la punkette P.39 Thierry, Jean-Philippe Renoux, Egon Dragon, P.32 DIABOLIK is back Michel Dartay, Jacky Bénevent, Didier SANDOVAL s’associe à Pierre Paquet P.40 Pasamonik, Yannick Lejeune, Julie Bordenave, P.34 LA MAIN DU SINGE : Monkey Wayne, Josephe Ghenzer, Philippe Cordier, LIBERTY : John Young, Camilla Patruno, Rocket Queen de Warnauts et Raives Business P.36 P.42 Couverture : © Tarumbana / LE LOMBARD SEQUANA : un grand « crue » GAINBOURG : bulles et volutes

Strips et dessins : Fabcaro, Rodrigue & Erroc, Marc Chalvin, Stéphane Bouzon RUBRIQUES Publicité : [email protected] P.4 - AGENDA NEWS P.48 - REDÉCOUVERTE Geneviève Mechali-Guiot, 06.08.75.34.23 ACBD 2009, Sandawe... Raoul Fulgurex [email protected] P.20 - STRIPS & PLANCHES P.50 - BD ASIATIQUE Marion Girard, 06.34.16.23.58 [email protected] L’Épouvantail, Fabcaro, Bouzon... Pluto, Lost+Brain, Zobo P.43 - CINÉ & BD P.54 - BD US Correspondants : Gainsbourg, The Princess and the Frog 100 Bullets, Hellblazer Yannick Bonnant, Audrey Retou P.45 - BD JEUNESSE P.56 - SEXE & BD Supernain, Samson et Néon Sam Bot Dépôt légal à parution. P.46 - ART & BD P.58 - JEUX VIDÉO Imprimé en par ROTO AISNE SN. Les documents reçus ne pourront être retournés. P.20 BD Music Muramasa Tous droits de reproduction réservés.

www.zoolemag.com ZOO EST PARTENAIRE DE LA CITÉ INTERNATIONALE DE LA BANDE DESSINÉE ET DE LÊIMAGE.

3 S EW A-N AGEND E.P. Jacobs intime Les auteurs de Rapport ACBD 2009 bande dessinée sont souvent très e traditionnel rapport annuel saurons quÊen 2010 si cette stratégie, pudiques et le père de lÊACBD (Association des qui prend le risque dÊun grand caram- de Blake & Critiques et journalistes de bolage dans les rayons des librairies, Mortimer l’était tout BandeL Dessinée) rédigé par son secré- aura été fructueuse. particulièrement. Cette biographie taire général Gilles Ratier, établit pour 2009 aura été une année très semblable écrite par sa petite- 2009 un bilan assez contrasté. Le pre- à 2008 dans ses tendances : valorisa- © DR / OT ST DENIS ST © DR / OT fille lève un sacré mier constat est celui dÊune décéléra- tion du fonds éditorial, exploitation de coin de voile sur sa vie et son œuvre. tion : au terme dÊune spectaculaire licences existantes, importation massi- Viviane Quittelier a en effet passé de période de 14 ans de course à la pro- ve dÊfluvres non-francophones (1891 longues heures dans l’atelier d’un duction, 2009 paraît presque calme, nouveautés sont des traductions), grand-père qu’elle appelait affectueu- avec des chiffres proches de ceux de attrait croissant pour les adaptations en sement Pompon et qui lui expliquait, 2008⁄ cÊest-à-dire au plus haut BD dÊfluvres littéraires (179 titres, soit par le menu, tous les secrets conte- niveau. 4863 titres ont été publiés en 5% de la production). Pour déceler nus dans ses albums. Des secrets 2009, dont 3599 nouveautés, 892 réé- quelque chose dÊun peu spécifique dans bien souvent liés à ses proches et aux ditions, 297 art books et 75 essais. Cela lÊannée écoulée, il faut lorgner du côté événements qui ont ponctué son exis- ne représente ÿ que Ÿ 2,4% de titres de de la BD érotique, qui fait son grand Comment croire alors, à la pertinence tence. Un livre de souvenirs indispen- plus quÊen 2008, et lÊaugmentation est retour chez les éditeurs non spécialisés. dÊun modèle économique fondé sur la sable, à lire avec sa collection de surtout liée au nombre de rééditions, Mais le phénomène le plus singulier de lecture payante sur un support minuscu- Blake & Mortimer sur les genoux. segment dont la croissance avoisine les 2009, cÊest la course à la technologie le dÊfluvres qui nÊont pas été créées spé- E.P. Jacobs, Témoignages inédits, de 9%. Le nombre de nouveautés est resté que les éditeurs se livrent, en cherchant cifiquement pour lui ? Tablet PC et Viviane Quittelier, Mosquito, 25 € stable cette année, les gros éditeurs ont à se positionner sur un hypothétique eBooks du futur changeront peut-être la THIERRY LEMAIRE même légèrement resserré leur produc- marché de la BD sur téléphone por- donne. Pour lÊheure, rien ne prouve tion, proposant 4% de titres de créa- table. La lecture sur écran est devenue que le virage numérique annoncé ne tion en moins par rapport à 2008. 140 usuelle, les statistiques de visite des soit pas un ÿ mirage Ÿ. Et les enjeux ne Hugo Pratt titres (dont 40 mangas, issus de 12 blogs BD le prouvent. Mais ces sites, sont pas uniquement techniques. Si ou le sens de la fable séries seulement) ont bénéficié dÊun apparus depuis 2003, nÊont pour lÊheu- cette industrie potentielle ne se montre Le talent de premier tirage de plus de 50 000 exem- re pas prouvé quÊils puissent donner pas plus capable dÊassurer un revenu conteur du Maestro plaires. Sur ce nombre, la moitié a été naissance à un modèle économique décent aux auteurs que lÊédition clas- n’est plus à démon- publiée au 4e trimestre, la fin de lÊannée alternatif. Tout au plus ont-ils permis à sique, on ne peut pas lui prédire un trer. On sait moins étant considérée plus propice aux quelques auteurs dÊaccéder plus facile- grand avenir⁄ qu’il cultiva ce don achats de bandes dessinées. Nous ne ment aux filières classiques de lÊédition. JÉRłME BRIOT pour propager chez ses biographes une vie quelque peu fantasmée. Florian Sandawe : Rubis, qui a côtoyé l’édition participative FIBDA 2009 le maestro pendant les six dernières années de sa vie, andawe est un éditeur dÊun nouveau genre. Lancé e Festival international de la s’applique à remettre les pendules à récemment sur Internet, il propose aux lecteurs bande dessinée dÊAlger a célé- l’heure. Avec un grand respect, mais des projets de bandes dessinées, du même type bré sa deuxième édition du 14 sans concession, il souligne, preuves L à l’appui, toutes les inventions et Sque ceux que recevrait nÊimporte quelle maison dÊédition, au 18 octobre 2009. Parmi les thèmes sur lesquels ils sont invités à ÿ investir Ÿ financièrement abordés : la BD au féminin, un regard donne un portrait plus juste et pas (montant minimum : 10 euros). Si un projet recueille la sur la Palestine à travers le 9e art, la moins fascinant du père de Corto somme fixée (entre 39 000 et 58 000 euros selon le coût caricature aux États-Unis, mais aussi, Maltese. Dans une seconde partie, il estimé des différents ouvrages), alors le livre pourra être bien sûr, des expositions, notamment revient sur ses inspirations, décortique édité. Si cette démarche est inédite dans la BD, elle ne celle sur ÿ lÊAlgérie vue par Laurent Galandon Ÿ, scénaris- son style et détaille ses méthodes de lÊest pas dans la musique ou le cinéma, te émergeant dont la série Tahia el Djazaïr a pour théâtre travail en déroulant une impression- nante liste de références. où des artistes ont pu (ou espèrent lÊAlgérie lors de la colonisation françai- se (album récompensé du ÿ Prix du Passionnant. encore) émerger par la grâce du crowd- Hugo Pratt ou le sens de la fable, de meilleur album en langue française Ÿ funding : nom donné à ce système com- Florian Rubis, Belin, 23 € munautaire de financement. lors de ce festival), avec le concours de THIERRY LEMAIRE www.sandawe.com Alexandre Daniel et Jacques Ferrandez. OLIVIER PISELLA ZOO était présent à cette manifesta- tion. JACKY BÉNEVENT Tibet Le dessinateur Tibet nous a « Collection » : nouvelle revue quittés le 3 jan- vier dernier, à l'age de 78 ans. dédiée au dessin contemporain Il avait rejoint le epuis la fin de lÊaventure physique dÊEn Marge (librairie du XIe arrondissement pari- journal Tintin en sien), Jean-Pierre Soarès poursuit son action dans le monde de lÊédition, ponctuée 1950, où il publia les séries Chick

dÊévénements itinérants. Le mois de février voit lÊéclosion dÊune nouvelle revue, © 2002 / LE LOMBARD D Bill (un western Collection, consacrée au dessin contemporain. Composée de cinq dessinateurs (Sammy Stein, burlesque où les Marine Le Saout, Julien Kedryna, Jean-Philippe Bretin, Vanessa Dziuba), lÊéquipe rédaction- deux personnages secondaires, un nelle y propose une série dÊentretiens réalisés avec des artistes, des collectionneurs, des édi- semi-demeuré sympa et un shérif teurs et des galeristes, pour mettre en avant la transversalité du dessin (art contemporain, irascible, ont vite pris le dessus sur le bande dessinée, illustration, art brut, graphisme⁄). Proposée en version bilingue, la revue se cow-boy intrépide du titre) et Ric destine à un lectorat international, et donne la parole tant aux artistes émergents que Hochet (suspense policier sur scénario confirmés. Au sommaire de cette première livraison : Charles Burns, Ruppert & Mulot, de Duchâteau). Ces deux séries rem- Kerozen / Stéphane Prigent, Christian Aubrun, Christian Berst, Ludovic Boulard Le Fur, portaient de grands succès populaires, Corentin Grossmann, Gerard Herman, Fanny Michaëlis, Pimp My Life / Lieuxcommuns... même si la presse n’en parlait que LÊactivité de Collection sÊétend à la programmation des expositions du Kiosque/Images à Paris rarement jusqu’ici. ZOO lui avait pour lÊannée 2010. JULIE BEE consacré un article en 2008 et le Lombard prévoyait un coup de projec- teur sur Ric Hochet en 2010. 4 J-P RENOUX

E UR RT VE EN COU Le Banni : saga épique La traditionnelle maison du Lombard inaugure l’année 2010 avec une nouvelle série de médiéval-fantastique qui risque de faire parler d’elle, même si ses auteurs sont pour l’instant méconnus.

i ce numéro de ZOO présente en cou- vailles des anciens compagnons dÊarmes seront verture une peinture de Tarumbana, brèves⁄ cÊest notamment quÊil nous a semblé importantS de donner un petit coup de projec- Le Banni nÊest pas le coup dÊessai dans la BD du teur à de jeunes auteurs. Avec Le Banni (qui nÊa scénariste Henscher : il a auparavant écrit Le rien à voir avec le barbare de Coucho, disons- Seigneur des couteaux chez Casterman, où il met en le une fois pour toutes), nous avons un nouveau scène la secte des Assassins pour le dessinateur genre pour lÊéditeur, une nouvelle série, et des Fabien Riondet. Henscher connaît bien ce type auteurs peu connus, mais aussi un album fort dÊunivers, car il a travaillé auparavant dans le jeu prometteur, peut-être lÊune des découvertes de vidéo. Il déclare que ÿ le médiéval-fantastique nÊest lÊannée ! pas lÊadolescent attardé de la famille littérature Ÿ, de même que dÊautres genres à mauvaise réputation Le Banni est prévu en trois tomes, le deuxième (super-héros, science-fiction) peuvent égale- devant paraître peu de temps après le premier. ment être passionnants lorsquÊils sont traités Le nombre de personnages mis en scène et la avec talent (pour résumer, le subtil mélange de richesse des événements rend nécessaire un créativité et de respect, de sérieux et dÊenthou- rythme de parution rapproché. LÊhistoire se siasme). Dans Le Banni, il cherche à sÊéloigner de situe dans un Moyen-˜ge imaginaire, où le fan- lÊambiance trop lisse du Seigneur des Anneaux, quÊil tastique est présent sous la forme de la magie. juge presque ÿ disneyenne Ÿ. Le lecteur se Le monde mis en scène est de type médiéval- retrouve donc transporté dans un monde tour- fantastique, il est à rapprocher des séries roma- menté, aux combats épiques. Le poids des nesques de George R. R. Martin (Le Trône de fer) années a transformé les anciens compagnons de et de David Gemmel (Renégats). Ces deux séries la Compagnie des Loups en vieillards affaiblis se distinguent par une profusion de person- et égoïstes ; certains convoitent même la suc- nages aux caractères non manichéens, mais cession royale, prêts à lÊaccélérer. Le personna- aussi par de nombreuses intrigues politiques (en ge du Banni est une représentation intéressante clair, le désir dÊaccession au pouvoir) et de mul- de lÊhéroïsme, du don de soi et du sacrifice, et tiples retournements de situation. Henscher rappelle dÊailleurs quÊil a beaucoup apprécié la prestation de Clint Eastwood dans Alester, dit ÿ le Vaillant Ÿ a fédéré une petite son film Impitoyable, où lÊexcellent tireur qui a troupe de mercenaires, la ÿ Compagnie des vieilli nÊarrive plus à atteindre sa cible. Loups Ÿ. Grâce à lÊapport essentiel de Hector Tous ces paysages, personnages et combats sont Wiestal, dit ÿ la Muraille Ÿ (sans doute parce mis en image par Tarumbana, dessinateur belge quÊil ne laisse jamais passer personne), excep- qui signe ici avec éclat son premier album. ˜gé tionnellement doué au combat à lÊépée, il a su de 34 ans, cÊest presque un autodidacte. Il a renverser le pouvoir tyrannique en place qui suivi des cours de dessin pendant un an, puis asservissait le peuple. Il est devenu le roi sÊest rendu une fois par semaine pendant neuf dÊArchaon, et il mène un règne paisible dans la ans à un atelier BD de Binche, une ville de magnifique ville de Myrmirrine. Il reproche Belgique. JusquÊici salarié dans le fret, domaine toutefois à son ami Hector Wiestal dÊavoir peu artistique, il possède une bonne culture du séduit la femme quÊil aimait. Eu égard à ses comics, mais sÊintéresse aussi à la technique des exceptionnels états de service, il lui laisse la vie grands peintres classiques (Rembrandt notam- sauve, mais le condamne à lÊexil, et voilà com- ment la Muraille devient le Banni. En compa- gnie dÊune jeune fille dévouée, il survit dans une sorte de chaumière perdue dans les neiges, à lÊé- cart de la civilisation quÊil a contribué à forger à coups dÊépée. Trente ans après, il reçoit un courrier dÊAlester qui le prie de revenir à la Cour, car il a un besoin urgent de son aide. LÊinfatigable guerrier a subi les assauts des années sur cette période, ses cheveux ont blan- chi et il a pris goût à lÊalcool, mais il accède à la demande de son ancien ami. Il est capturé au et Henscher / LE LOMBARD © Tarumbana

© Tarumbana et Henscher / LE LOMBARD © Tarumbana cours dÊun voyage éprouvant, mais les retrou- inconvénient par le contraste, lÊexagération des poses, et le choix de lÊangle de vue quÊil impose- ra au lecteur. Résultat : un peu plus de dynamis- me dans les cases. Le jeu sur les lumières et lÊé- clairage permet également dÊaffiner les ambiances. Le dessinateur travaille uniquement à lÊordinateur ce qui lui permet de corriger rapi- dement un coup de pinceau malvenu. Tarumbana remercie Denis Bajram pour ses conseils avisés. ÿ Pouvoir être critiqué par un profes- © Tarumbana et Henscher / LE LOMBARD © Tarumbana sionnel reste la plus dure mais la meilleure des écoles Ÿ, reconnaît-il. ÿ ¤ la condition dÊavoir un certain talent dés le départ Ÿ, faudrait il ajouter pour ne pas don- ner trop de faux espoirs à tous ceux qui rêvent de voir leur travail publié en album ! Son Banni a une sacrée gueule, cÊest un homme âgé, mus- clé et énergique, un peu comme dans certains films récents avec Clint Eastwood ou Sean Connery, où les acteurs compensent le poids des ans par une exceptionnelle volonté de vivre ou lÊénergie du désespoir.

MICHEL DARTAY

LE BANNI, T.1 ment, pour le clair-obscur). La rencontre des Segrelles ou de lÊAméricain Alex Ross. deux auteurs sÊest faite sur le forum de commu- Toutefois, Tarumbana ne recherche pas un nauté graphique ÿ Café Salé Ÿ, Henscher sÊest simple réalisme photographique : la peinture est de Tarumbana et Henscher, vite enthousiasmé pour la qualité de son travail pour lui un moyen de donner de la profondeur Le Lombard, et les deux hommes décidèrent de travailler et du relief aux images mises en scène. Une trop 56 p. coul., ensemble sur ce projet. Le travail de Tarumbana grande méticulosité peut donner une impres- 13,50 euros devrait plaire aux amateurs de lÊEspagnol sion figée, aussi Tarumbana compense cet

7 T EN EM ÉVÉN Angoulême 2010 œillades sur la sélection Comme chaque année, « ZOO » vous apporte son regard sur les choix de la sélection d’Angoulême. Aucune sélection ne pouvant être consensuelle, nous nous sommes permis également de mentionner, dans une seconde partie, quelques ouvrages qui auraient pu y figurer.

LÊAFFAIRE DES AFFAIRES, DE DENIS ROBERT, La sélection en question LAURENT ASTIER ET YAN LINDINGRE, DARGAUD LÊAffaire des affaires de Denis Robert, Yan CHAQUE ANNÉE, le festival dÊAngoulême déchaîne les passions – en tous cas, au Lindingre et Laurent Astier a ce mérite : il sein de lÊindustrie – à travers sa sélection dÊalbums. Invariablement, devant les com- débrouille un peu les deux affaires mentaires des uns et des autres, le festival avance le même argument selon lequel la Clearstream vis-à-vis desquelles le quidam subjectivité du jury fera toujours des déçus. En réalité, lÊintention de la sélection semble être de représenter un maximum dÊéditeurs afin de générer un instantané ne comprend que pouic : un président en [Benoit Mouchart, lors de la conférence de presse du 5 décembre 2009, NDLR] de la exercice, un ancien premier ministre, des production annuelle. Ceci permet ainsi dÊoffrir un éclairage salvateur pour quelques barbouzards, des banques dont les sièges petites maisons dÊéditions. Mais avec 86 albums sélectionnés toutes catégories confon- sociaux se situent dans des pays exotiques dues, cela fait une très longue liste, et tous ne seront pas sous les feux de la rampe. et des milliards de milliards qui circulent La sélection de cette année est marquée par une forte présence dÊéditeurs indépen- dans tous les sens, alors que la crise met dants, et donc dÊalbums pas forcément très grand public, mais cÊest le but avoué du fes- en relief les dérives de la finance interna- tival que de faire découvrir des fluvres qui sortent des sentiers battus. Certains sont tionale. Comment ne pas tourner chèvre dans tout ce mic-mac ? injustement absents (lÊéditeur Mosquito, par exemple). DÊautres sont sous-représentés. Autre avantage de ce thriller, cÊest que le héros est Denis Robert, Enfin, on notera quelques incohérences, provenant peut-être de cette volonté de un brave journaliste dÊinvestigation de province un peu plouc, une représentation (la sélection de La Guerre dÊAlan, par exemple, un ouvrage réédité et de surcroît déjà récompensé plusieurs fois dans le passé). Il y aurait eu mieux à faire, sorte de Tintin des temps modernes qui travaille à lÊancienne, trai- comme de sÊassurer de la présence de comics ou de récits érotiques, ce dernier genre tant des informateurs comme un flic ses indics. Sa conviction : souffrant du refus de certains libraires de les rayonner. Notons également un ovni nous avons au cflur de lÊEurope, au Luxembourg, une machine à ÿ très grand public Ÿ : Jérôme K Jérôme Bloche, dont on se demande sÊil ne figure pas dans blanchir lÊargent du crime en complicité, sinon en sympathie, la sélection que comme prétexte pour affirmer que ÿ celle-ci inclut quelques albums avec les plus grandes instances de la finance internationale. Rien grand public, si si Ÿ. à voir, bien sûr, avec les forgeries minables de la seconde affaire Saluons au passage la redéfinition des ÿ prix Ÿ, désormais plus clairs. (Meilleur album, Clearstream qui met aux prises deux individus assoiffés de pou- meilleure série, révélation, etc.). En revanche, on regrette lÊabsence dÊun prix fanzine voir dont lÊun est aujourdÊhui président de la République [magazine amateur, fait par des fans, NDLR] qui serait au niveau des autres catégories. Française. Denis Robert, avec la naïveté dÊune vérité première, Le festival semble ignorer cette catégorie dÊéditeurs en herbe, amateurs, qui tirent certes à petit tirage mais qui présentent les grands artistes de demain. Bien des stars raconte sa croisade un peu folle contre ces magnats de la finance ont commencé dans, ou par, des fanzines (Jacques Glénat en tête). CÊest dÊautant plus et comment il sÊy est cassé les dents, notamment en raison du peu dommage que le festival fait montre dÊintérêt et de soutien par ailleurs envers les de preuves ÿ tangibles Ÿ susceptibles de soutenir une thèse fragile jeunes auteurs, en sÊassociant à ZOO pour organiser les ÿ Zoopportunités de la BD Ÿ, rendue illisible par un règlement de compte montée en affaire dÊé- un événement qui se tiendra lors du Festival et qui aura pour but de mettre en relation tat. scénaristes, artistes et éditeurs. KAMIL PLEJWALTZSKY ET OLIVIER THIERRY DIDIER PASAMONIK

JOLIES TÉN˚BRES, DE KERASCOU˙T ET VEHLMANN, DUPUIS Sur un lit de verdure, gît paisiblement une fillette. Son corps inerte est devenu lÊhôte dÊune myriade de créa- tures sylvestres. ¤ mesure que son corps assassiné se putréfie, lÊharmonie entre ses divers habitants se lézarde. LÊinnocence fait place à la mesquinerie. Tour à tour, les petits êtres succombent. Seuls les plus forts demeurent. Rares sont les fluvres qui, à lÊinstar de Jolies Ténèbres,

poussent le lecteur à confronter son rapport personnel à / DUPUIS © Kerascouët et Vehlmann lÊenfance. Grâce à une maîtrise évidente du conte à la Perrault, les auteurs ont su élaborer un récit qui exprime habilement la perte de lÊinnocence et la révélation de la condition humaine. Ce cadavre abandonné sur lequel se repaît cette faune singulière est en vérité un aperçu de notre devenir. Un devenir qui consiste à nourrir une génération future, ignorante du drame qui sÊest joué sous ses pieds. La bande dessinée exhume ainsi, sans ménagement, les tabous les plus lointainement enfouis et laisse une impression de malaise que le temps ne parvient pas à dissoudre totalement. Une telle empreinte dénote une fluvre dÊenvergure. Elle est aussi la marque dÊun certain génie.

KAMIL PLEJWALTZSKY

8 EIGHTBALL, DE DANIEL CLOWES, CORNÉLIUS Ce volume regroupe de nombreuses histoires courtes (et très courtes) jusquÊici iné- dites en France. Au fil dÊexpérimentations diverses se dévoile un jeune Daniel Clowes plus potache que lÊimposant auteur des monuments que sont ses récits longs (Comme un gant de velours... David Boring). En noir et blanc ou en couleurs, dans la syn- thèse lapidaire ou le décryptage de micro-événements, dans lÊhommage bédéïque ou la satire sociale, ces nouvelles sont toutes marquées par un pessimisme féroce et une misanthropie frontale. Dans ce jeu de massacre, lÊauteur nÊoublie ni de se moquer de lui-même, ni de stigmatiser les limites de son système créatif... Au-delà de la salutai- re expectoration que représentent ces pages et leur négativité narquoise, on sent dans chaque recoin de case une profonde empathie pour la bande dessinée, son his- toire et ses codes. En effet, pour Clowes comme pour ses compatriotes Charles Burns ou Chris Ware, ce nÊest pas parce quÊon plaisante quÊil ne faut pas sÊappliquer ! Le plaisir quÊil éprou- ve à tester ses outils est communicatif. Ici, la jubilation de découvrir une caméra subjective qui semble se mouvoir en toute liberté ; là, le plaisir de voir se former un brouillon du futur Ghost World... Car si aucune © Clowes / CORNÉLIUS des histoires ici réunies ne peut briguer le rang de chef-dÊfluvre, cÊest leur accumulation même qui pro- voque lÊivresse de voir un univers se constituer, un auteur majeur émerger. VLADIMIR LECOINTRE

RÉBÉTIKO, DE DAVID PRUDHOMME, FUTUROPOLIS LÊÉPERVIER, T.7, LA MISSION, On connaissait le blues américain, le fado por- DE PATRICE PELLERIN, SOLEIL tugais, il faudra désormais compter avec le ZOO avait attiré votre attention sur cette série, rébétiko grec, musique populaire jouée dans les grâce à une jolie couverture et un entretien avec bouges hellènes de lÊentre-deux-guerres. Avec son auteur breton, Patrice Pellerin. En dépit du ce splendide album, David Prudhomme res- retour de Bourgeon aux affaires, LÊÉpervier reste suscite ces joueurs de luth, de violons et de remarquable dans le domaine historique, puisque bouzouki pendant une journée et une nuit. 24 Juillard sÊintéresse désormais au contemporain. heures durant lesquelles la vie dÊun petit grou- Trois ans ont été nécessaires à Pellerin pour pe de cinq amis rébètes va basculer. ¤ la fin des accoucher de cet album : scénario dense, années 30 à Athènes, il nÊest pas facile pour construit et subtil, précision méticuleuse de la ces musiciens de pratiquer leur art. Le subver- documentation, splendeur du dessin. ¤ la limite, sif rébétiko, joué dans les fumeries dÊopium, nÊa jamais eu bonne pres- et si lÊon nÊest pas féru dÊauthenticité historique, se auprès de la bourgeoisie. Avec lÊarrivée au pouvoir du Général on pourrait regretter que lÊauteur nÊaille pas plus vite à lÊessentiel, abat- Metaxas, la situation des rébètes semble de plus en plus précaire. tant son album par an. Mais la rigueur et lÊexigence de cet auteur Mais que faire face à la dictature ? Trahir la cause en fuyant le pays (élève de Pierre Joubert) suscitent le respect. Et son transfert de pour jouer libre ou résister dans la clandestinité pour une vie de Dupuis vers Soleil en fait immédiatement un auteur phare de cet édi- misère ? Avec ces portraits de losers magnifiques, David Prud- teur, plutôt connu pour ses nombreuses séries de trolls (parfois homme flâne dans agréables à lire pour les amateurs du genre). Un seul problème, il fau- les ruelles dra attendre des années pour connaître la suite ! dÊAthènes la MICHEL DARTAY blanche entre épopée et tragédie BLAST, T.1, GRASSE CARCASSE, grecque. Les DE MANU LARCENET, DARGAUD amoureux de Le grand retour de Larcenet aux commandes du premier lÊfluvre dÊHugo pavé dÊun futur grand édifice. Ce savant mélange entre Pratt ne seront pas huis-clos et balade, entre oisiveté et torture mentale, au déçus. graphisme percutant est un des meilleurs albums de lÊannée. THIERRY LEMAIRE WAYNE © Prudhomme / FUTUROPOLIS

LÊETERNAUTE, DE OESTERHELD ET SOLANO-LOPEZ, VERTIGE GRAPHIC IKIGAMI, T.1 ¤ 4, DE MOTORł MASE, ASUKA Grâce à cette édition française à lÊinitiative de Vertige Prolongeant Battle Royale et autres anticipa- Graphic, nous pouvons découvrir avec curiosité lÊart tions dÊune jeunesse à la dérive dans un futur du feuilleton BD latino-américain, à travers ce récit de proche, Ikigami pose le pitch simple quÊun jeune SF de lÊArgentin Fransisco Solano Lopez datant de sur mille sera sacrifié pour que tout le monde 1956-57, où aventure fantastique, histoire de guerre et retrouve goût à lÊéthique : nous suivons donc analyse socio-politique se côtoient. Un classique à découvrir. celui qui est chargé de remettre lÊikigami pour WAYNE prévenir ceux qui vont mourir – il ne leur LE SIGNE DE LA LUNE, DE MUNUERA ET BONET, reste plus que 24 heures à vivre. Ce jeune DARGAUD fonctionnaire est très critique vis-à-vis de Les Espagnols Bonet et Munuera nous offrent ici un très cette solution extrême, et pourtant la BD joli conte. ¤ la fois très dur et violent, et empreint de semble parfois défendre le principe du sacrifi- poésie, on se laissera glisser avec facilité dans ce récit ce : outre un graphisme épuré très lisible, doux-amer à lÊunivers intemporel, toutefois à connotation Ikigami pose beaucoup de questions non résolues à son lecteur pris médiévale. Sans mièvrerie, la BD nous emporte dans sa dans la fièvre de ces 24 dernières heures des condamnés. mélancolie, caractéristique des contes initiatiques. BORIS JEANNE WAYNE

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BLESSURE DÊAMOUR-PROPRE, DE MARTIN VEYRON, DARGAUD Bien que Martin Veyron ait une fluvre plus quÊhonorable derrière lui (Bernard Lermite, Edmond le Cochon, Cru Bourgeois⁄), ce quÊon lui associe spontanément demeure LÊAmour propre (ne le reste jamais très longtemps), une fameuse BD érotique de 1983 où le porno- graphe autoproclamé découvrait ses talents de révélateur de point G. Plus de 25 ans après, constate-t-il dans Blessure dÊamour-propre, on ne lui parle toujours que de ça. Pourquoi nÊa-t-il jamais fait LÊAmour propre 2, succès commercial évident ? Cet album constitue tout à la fois une délectable réponse ainsi quÊune suite qui nÊen est pas une. Fauché, poissard, limite acariâtre, Veyron se représente en vieil aigri poursuivi par une jeune journaliste de la presse féminine, désireuse de découvrir son point G afin dÊapporter du vécu à son article. Initialement rétif, Veyron consent finalement à replonger lorsque se présente à lui la perspective dÊéponger ses dettes. En parallèle, un persistant problème prostatique le conduit à faire un choix drastique : impuissance ou incontinence ? LÊoption retenue étant la première, ce nÊest pas sans ironie que lÊauteur voit défiler chez lui un nombre croissant de femmes qui, par lÊorgasme ultime alléchées, ne cessent de le solliciter, lui qui se résout désor- mais à dispenser mécaniquement ses bons soins à lÊaide unique de ses doigts trifouilleurs. Autofiction habi- lement stratifiée, ouvrage savoureux et tour de force scénaristique, Blessure dÊamour-propre explore la vieillesse, la création, le succès et son déclin, lÊérotisme et son revers, jusquÊaux tréfonds. OLIVIER PISELLA © Veyron / DARGAUD © Veyron

SIEGFRIED, T.2, LA WALKYRIE, DE ALEX UNE HISTOIRE POPULAIRE DE LÊEMPIRE AMÉRICAIN, PAR ALICE, DARGAUD HOWARD ZINN, PAUL BUHLE, MIKE KONOPACKI, VERTIGE Relecture de lÊopéra de Richard Wagner au sein GRAPHIC de la tétralogie de LÊanneau de Nibelung, Siegfried Et si lÊAmérique nÊétait en réalité que lÊincarnation du est lÊadaptation dÊun grand classique de lÊHeroic mal ? Cette interpellation que lÊon pourrait imaginer Fantasy dont même Tolkien sÊétait inspiré pour venir de lÊIran ou dÊAl Qaida, ou de tout autre ennemi son Seigneur des Anneaux. Ce qui fait de cet album séculaire des États-Unis, vient dÊun historien, Howard un objet à part est lÊambition de lÊauteur. Car Alex Zinn, issu de la gauche américaine, qui revisita lÊhis- Alice sÊest véritablement emparé de ce mythe toire de son pays de façon un peu moins merveilleuse nordique, quête initiatique amenant un héros que celle dÊHollywood. Une histoire vue du point de choisi par les Dieux, élevé par Mime le Nibelung et les loups, à trou- vue des victimes, selon lui, dÊune politique impérialis- ver sa destinée. En parcourant ce 2e album, on voit bien quÊil construit te et bourgeoise asservie au capital. LÊHistoire populaire de derrière son fluvre un univers complet. Les cadrages, le mélange dÊac- lÊempire américain est la transposition, sous la forme tion, dÊaventure et de comédie, tout rappelle les grands classiques du dÊune BD, de cette ÿ histoire Ÿ racontée par Zinn, adaptée par Paul dessin animé. Cela tombe bien, cÊest justement le projet mené en Buhle et mise en images par Mike Konopacki. parallèle de la publication de la série et qui devrait, un jour, paraître Tous les ÿ méfaits Ÿ de lÊOncle Sam y passent : Wounded Knee et le sur grand écran. On est impatients. massacre des Indiens, la Guerre hispano-américaine, lÊinvasion des YANNICK LEJEUNE Philippines, les répressions ouvrières sanglantes des années 1920, la mise sous tutelle de Cuba, leur engagement apparemment hypocrite dans les Première et Deuxième Guerres mondiale, la bombe atomique, la Guerre du Viêt-Nam, les coups tordus en Amérique du Sud et centra- le⁄ Passons sur la naïveté du propos qui relève dÊune vulgate marxiste que lÊon croyait, à tort semble-t-il, passée de mode. Passons sur un dessin médiocre qui conjugue lÊévidence de la naïveté à un usage des docu- ments plus que tendancieux. Mais ne passons pas sur le mensonge qui consiste à qualifier dÊ ÿ histoire Ÿ un ramassis dÊanecdotes à charge confinées au slogan, sans perspective ni, soulignons-le, de travail histo- © Bernard / DELCOURT rique. Le jour où la conviction et les croyances remplaceront le savoir, où lÊexamen critique aura complètement cédé à la militance, il en sera fait de la civilisation. DIDIER PASAMONIK

LÊHOMME BONSA˛, DE FRED BERNARD, DELCOURT Renommé pour ses fluvres qui font la part belle TEA PARTY, DE NANCY PEÑA, LA BOITE ¤ BULLES au rêve et au surnaturel, Fred Bernard adapte en Il était grand temps que lÊon reconnaisse de manière solo LÊhomme bonsaï, un conte jeunesse initiale- plus large le talent de Nancy Peña. Depuis son for- ment illustré par Roca chez Albin Michel midable Cabinet chinois paru aux éditions La Boîte à Jeunesse. Ce passage au neuvième art le transfor- bulles, la jeune dessinatrice nÊa cessé de construire et me en une incroyable aventure de piraterie pour de faire croître un univers singulier fait dÊonirisme et adultes, dans laquelle on suit lÊétonnante des- dÊélégance. Chaque histoire de lÊauteur semble mar- tinée dÊAmédée le potier. Embarqué de force sur quée par la grâce : on y trouve énormément de subti- un navire pirate, il sent un jour une graine pous- lité, de poésie, dÊhumour, avec une pointe so british, ser au sommet de son crâne, le changeant pro- que Lewis Carroll nÊaurait pas reniée. Si vous voulez gressivement en un géant à la prodigieuse force. Une fable poétique goûter à des récits délicieusement érudits et rêveurs, iodée au dessin ciselé, qui nous transporte vers des horizons loin- si vous voulez voir par vous-même un dessin proche de lÊillustration, tains et fantastiques. Un one-shot onirique quÊon prend plaisir à parfois même de la gravure, qui sait faire preuve de mouvement, alors feuilleter régulièrement. jetez-vous sur les livres de Nancy Peña. HÉL˚NE BENEY YANNICK LEJEUNE

10 LA SAISON DES FL˚CHES, DE TROUILLARD ET STENTO, ÉDITIONS DE LA CERISE Au début du XXe siècle, le photographe et eth- nologue Edward S. Curtis, constatant que les peuples amérindiens étaient en train de dispa- raître ou de sÊacculturer, conserva leur mémoire en prenant plus de 40 000 clichés photogra- phiques. Irving Mc Mulligan fit beaucoup mieux : dès 1879, ayant lÊintuition de la raré- faction à venir du peuple indien (pourtant encore nombreux à lÊépoque), cet industriel de génie mit au point un procédé exclusif permet- tant de conserver en boîte des Indiens vivants. Magie, lyophilisation, origami ou menace ? Nul ne le sait, et Mc Mulligan a emporté son secret dans la tombe. Mais lÊentreprise quÊil fonda, MulliganÊs tradition, est aujourdÊhui connue de tous. ÿ Le Far- West à la maison, pour 19 euros seulement ! Ÿ. La publicité nÊest pas men- songère. Elle serait même un rien trop littérale, comme va le décou- vrir un couple de retraités français en ouvrant une boite MulliganÊs

Tradition. Ce nÊest pas seulement une famille indienne au grand © Harder / ACTES SUD - L’AN 2 complet qui en sort et plante son tipi dans le salon. Bientôt, tout lÊOuest sauvage sÊinvite dans lÊappartement. Il y a une mine dÊor dans ALPHA⁄ DIRECTIONS, DE JENS HARDER, lÊévier, le couloir devient un canyon et une flèche, plantée au pied du ACTES SUD – LÊAN 2 lit, donne naissance à une sorte de séquoia géant. Guillaume Peut-être le plus beau livre de ces dix dernières Trouillard, fondateur des éditions de la Cerise, avait déjà accueilli années, en tout cas le plus ambitieux : 14 milliards Samuel Stento dans les pages de la splendide revue Clafoutis. Les dÊannées sont racontées en 350 pages, dans une voilà réunis autour dÊune histoire farfelue autant que poétique, poli- débauche de citations graphiques. Du Big Bang à tique à bien des égards et exécutée avec une virtuosité endiablée. lÊapparition du premier hominidé sur Terre, avec JÉRłME BRIOT Alpha⁄ directions, le dessinateur allemand Jens Harder livre le premier tome dÊune trilogie qui marquera lÊhistoire de la bande dessinée, tant par la démesure du projet, que par la qualité de lÊexé- cution. Il sÊagit en effet de répondre aux trois ques- tions existentielles qui obsèdent lÊhumanité depuis toujours : dÊoù venons-nous, qui sommes-nous, où allons-nous ? LÊauteur définit son projet comme ÿ une sorte de Bible en images comme on les éditait jadis pour les analphabètes, mais qui sÊadresse à des gens qui savent lire, sans aucune contrainte confessionnelle, sur une base scientifique Ÿ. Le livre, dans une narration chronologique, se compose de planches en bichromie, qui rappellent les pages dÊillustration des encyclopédies. Un commentaire © Trouillard et Stento / LA CERISE et Stento / LA © Trouillard discret sert de fil conducteur, à la manière dÊune voix off dans un reportage animalier. La surprise, et cÊest la véritable clé de voûte du livre, vient de ce que lÊauteur juxtapose aux vignettes qui illustrent les théories scientifiques contemporaines sur la création de lÊunivers ou lÊhistoire de la vie sur Terre, dÊautres images issues de la culture humaine : représentations cosmogoniques selon les mythologies, JOHAN ET PIRLOUIT - LÊINTÉGRALE, T.4, fluvres dÊartistes divers et une myriade de clins dÊflil. Au croisement LES ANNÉES SCHTROUMPFS, PEYO, DUPUIS du scientifique, de lÊartistique et de lÊinsolite, Alpha⁄ Directions prend Avant de créer les adorables petits Schtroumpfs le meilleur des trois mondes, et tient à la fois du récit didactique, du bleutés, Peyo animait avec enthousiasme les beau livre et du cabinet de curiosités. Merveilleux, instructif et drôle : aventures de Johan et Pirlouit. Les turbulences génial. JÉRłME BRIOT de lÊépoque actuelle ont peut-être incité lÊédi- teur de Charleroi à reprendre ces albums sous forme de véritable intégrale, histoire de favori- COMMANDANT ACHAB, T.1, ser le retour aux valeurs sûres dans le cadre du NÉ POUR MOURIR, DE PIATZSZEK ET DOUAY, SOLEIL cocooning, solution de refuge devant la crise Achab, flic ronchon et unijambiste, végète dans un financière venue dÊoutre-Atlantique. Mais cela placard du 36 qui pue la zigoune et le vieux chat. est fait intelligemment. Donc en plus des La raison ? Le décès suspect de son partenaire Fath, albums dÊorigine, on nous propose un rédac- mort par sa faute. Malgré sa misanthropie et son tionnel passionnant bourré dÊanecdotes sur la réalisation de ces aven- caractère de poil à gratter, ses qualités dÊenquêteur tures. Plus évidemment les courts récits réalisés ici ou là et jamais lui valent une relative tranquillité. JusquÊaux repris en album jusquÊà présent. Faut-il le préciser ? Les derniers Johan meurtres dÊun libraire et dÊun député, sur lesquels il et Pirlouit sont bien plus aboutis que les premiers qui semblaient se doit faire équipe avec un jeune fraîchement débar- passer non loin du pays des Soviets dÊun point de vue graphique, et qué dans la maison : Karim⁄ fils de Fath. LÊombre ils constituent un régal au niveau lecture. Fluidité du dessin, humour de ce dernier pourrit lÊambiance et crée entre eux une relation des personnages bien caractérisés, les séquences dÊaction sont remar- mâtinée dÊestime et de suspicion. Référence au célèbre commandant quablement menées, mais le lecteur ne sÊennuie pas dans les pages qui de Moby Dick, lÊatypique Achab a lui aussi sa baleine. La série, dont précèdent, car il y a aussi de la profondeur et de la gravité. Un chef chaque album dénouera une affaire, harponne justement cette quête dÊfluvre dÊinventivité, de charme et dÊhumour, véritablement à même comme toile de fond. Scénar, dialogues et découpage millimétrés, de séduire tous les publics. marquent le début dÊun polar noir qui se détache clairement du lot. JEAN-PHILIPPE RENOUX HÉL˚NE BENEY

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MAGASIN GÉNÉRAL, T.5, MONTRÉAL, DE LOISEL ET TRIPP, CASTERMAN Ah ben ça par exemple ! Marie, la gentille Marie, qui avait vaillamment surmonté son veuvage, tenu lÊépicerie et lancé un restaurant avec lÊaide de Serge, cette Marie que tout le village de Notre-Dame-des-lacs adore, a fauté. Avec le Marceau Allaire. LÊaffaire est grave. Bien plus grave que les précédents soupçons de liaison avec le même Serge, cet étranger qui aime les hommes. En une traînée de poudre, tout ce que le hameau compte de femmes se sent aussitôt solidaire de Clara, la fiancée de Marceau, et le fait bien sentir à Marie. LÊair devient rapide- ment irrespirable pour lÊépicière au grand cflur. Sur les conseils

de Serge, la voilà qui décide de partir quelques temps pour la / CASTERMAN © Loisel et Tripp grande ville, pour Montréal⁄ La saga québécoise initiée par Régis Loisel poursuit son petit bonhomme de chemin, à son rythme, lent, paisible et tendre. Certes, cette vision de la vie dans la Belle Province pendant lÊentre-deux-guerres fleure bon le cliché et le fantasme, mais après tout, qui nÊa pas envie de rêvasser avec la délicieuse parlure joual en tête ? THIERRY LEMAIRE

DUNGEON QUEST, T.1, AU RALLYE, DE PIERRE PLACE, WARUM DE JOE DALY, LÊASSOCIATION Depuis 2004, les jeunes éditions Warum se sont imposées comme un repère de Comment talents avec lequel il faut compter. Ceux qui ont révélé Aude Picault avec Moi Je, transformer en qui ont dévoilé les crayons de couleur de Bastien Vivès dans La Boucherie ou ont créativité des osé Ultimex, ont encore une fois débusqué un artiste étonnant avec Pierre Place. années passées Au Rallye, cÊest le nom dÊun bar dans lequel lÊauteur va dresser le portrait dÊun à glandouiller quartier populaire. Pendant 176 pages, au lavis noir et blanc, de petites chro- ? Un jeune niques du quotidien qui sonnent juste nous emportent dans la vie des person- auteur sud- nages, souvent à la dérive mais toujours attachants. Avec cet album, le dessina- africain né en teur que lÊon avait également pu croiser dans le collectif Paroles sans Papier chez Angleterre a Delcourt se propulse immédiatement parmi les grands auteurs réalistes, ceux qui trouvé sa savent parler des petites gens avec émotion et talent. réponse : un YANNICK LEJEUNE cocktail qui puise aussi bien dans Hergé que dans les frères Coen, dans les jeux de rôles LINCOLN, T.6, FRENCH LOVER, DE JÉRłME JOUVRAY ET OLIVIER JOUVRAY, PAQUET et les jeux vidéo et qui sent forte- Les frères Jouvray (et Madame à la couleur) nous régalent avec une régularité de ment la marijuana : hilarant. métronome (six tomes en sept ans), des ÿ aventures Ÿ de leur anti-héros maison, Millenium Boy en a marre de faire pseudo cow-boy malgré lui. Mais qui est Lincoln ? Vite résumé le bonhomme : ses devoirs et décide de partir à pas voulu, pas aimé, pas content⁄pas mort ! Il est en effet pris, encore à son lÊaventure. Il lui faut trouver une corps défendant, sous lÊaile soi-disant protectrice dÊun personnage joueur dÊappa- quête et des acolytes, combattre des rence banale, et qui lui refuse toute mortalité : Dieu ! Souvent grossier mais jamais ennemis pour prendre leurs posses- vulgaire, Lincoln est une série très drôle, au scénario jouissif (les dialogues fleuris sions, gagner des points dÊexpérience respirent le naturel), et cÊest un bonheur pour les yeux. Jérôme Jouvray garde tou- et monter de niveau. La réalité va jours un cap narratif clair, une ligne simple, tout en expérimentant régulièrement dÊune certaine manière se plier à sa (le tome 4, par exemple, nÊétait pas encré). Chaque album se tient, mais fait avan- volonté⁄ Ce qui séduit au premier cer une intrigue globale. Le plaisir est donc à deux niveaux. Affublé de Dieu, sou- chef dans le style de Joe Daly, cÊest vent, et du diable, par moment, il traîne cette fois sa carcasse et sa mauvaise humeur aux alentours du son sens des dialogues et du décala- Mexique, subissant plus quÊil nÊagit, sur fond de révolution. Une crainte sÊempare du lecteur qui finit le ge. Par inflexions insidieuses, nous tome 5 et attaque le 6 : Lincoln aurait-il trouvé⁄ lÊAmour ? Allons, allons⁄ pas de gros mot. voilà impliqués dans la logique absur- PHILIPPE CORDIER de dÊun récit qui commençait comme une farce: un univers quotidien se mue progressivement en une terre UNE SACRÉE MAMIE, T.1 ET 2, DE YOUSCHICHI dÊheroic fantasy à mesure que les héros SHIMADA ET SABURO ISHIKAWA, DELCOURT sÊéloignent de la ville. Sans rien reti- Les Japonais aiment bien se souvenir des rer à lÊoriginalité de cette fluvre de joies simples de leur enfance campagnarde Joe Daly annoncée en trois tomes, (Totoro !), même quand ce sont des stars de on peut sÊétonner quÊelle ait été la télé, ce qui est le cas de Yoshichi préférée à son précédent album en Shimada, incité par le cinéaste Kitano lui- couleurs, le magnifique The Red même à livrer ses souvenirs de sa mamie Monkey, sorti début 2009, qui permet dÊenfer. Elle récupère tout, et lui apprend © Shimada et Ishikawa / DELCOURT par sa complétude même dÊapprécier tous les trucs de la vie à la campagne. tous les talents de lÊartiste. Voilà qui Roman à succès, adapté en BD par le trait laisse la désagréable impression que sûr du vétéran Saburo Ishikawa (Interdiction les membres du comité de sélection de feuilleter les ouvrages, Aya conseillère culinaire), dÊAngoulême retiennent davantage ce manga est aussi une évocation des conditions de vie très les derniers livres qui leur sont dures du Japon rural dÊaprès-guerre, et lÊhistoire dÊune rencontre envoyés... émouvante entre un petit garçon et sa grand-mère. VLADIMIR LECOINTRE BORIS JEANNE

12 Autres albums méritants 2009

AU TEMPS DE LÊAMOUR, ONE-SHOT, DE MADEMOISELLE ELSE, DE MANUELE FIOR, DELCOURT YAMAJI EBINE, ASUKA Curieusement, cet album réalisé par Manuele Fior est passé assez Les mangas qui touchent tout de inaperçu dans la production de lÊannée dernière. Difficile pourtant de suite sur le plan émotionnel sont ne pas être frappé en le feuilletant par sa qualité graphique. Le jeune rares, et durs : il est question ici dessinateur italien, publié habituellement chez lÊexcellent éditeur suis- de viol et de difficultés à retrou- se Atrabile, surprend en adoptant fort justement un style très daté ver la confiance en les autres. pour adapter le roman éponyme dÊArthur Schnitzler écrit en 1924. LÊhistoire se passe dans une faculté Fior convoque ici le trait et la palette de couleurs des peintres dÊarts plastiques avec quelques Toulouse Lautrec, Gustav Klimt ou Alphons Mucha, pour les trans- personnages à la vision du monde cender et créer une ambiance fin de siècle subtile. Mais la vraie réus- très esthétique et poétique, mais site de Mademoiselle Else tient dans le contraste entre un rendu fin XIXe qui vont mettre du temps à sÊac- et lÊutilisation des codes modernes de la bande dessinée. Ellipse, cepter les uns les autres, à faire la part de leurs res- travellings, champ contre champ, contre-plongées, déformation du ponsabilités. Graphiquement très abouti, Au Temps de dessin, force du dialogue intérieur, tous ces procédés parfaitement lÊamour fait partie de ces bandes dessinées qui souli- intégrés dans le récit donnent à cet album une cohérence et une gnent une tranche de vie difficile, et on sÊy plonge épaisseur fascinante. Du grand 9e art et un auteur à suivre absolu- comme dans une eau de rivière un peu froide pour ment. THIERRY LEMAIRE vivre un beau moment de transition vers des jours © Fior / DELCOURT meilleurs. Un manga à mettre en évidence chez les libraires. BORIS JEANNE HAPPY SEX, DE ZEP, DELCOURT LÊancien président du FIBD dÊAngoulême (2005) sÊétait déjà essayé à la BD ÿ pour les grands Ÿ avec le personnel Découpé en Tranches. Ici, il fait lÊunanimité avec ce recueil de gags au sujet sans équivoque ! Happy Sex décomplexe la sexua- lité et rencontre un succès public énorme. Les grands enfants sÊen échangent les blagues comme les petits celles de Titeuf. Un des albums les plus drôles de lÊannée qui nÊaurait pas fait une honteuse ÿ carte de France Ÿ dans la Sélection Officielle. WAYNE ¤ BORD DE LÊÉTOILE MATUTINE, DE RIFF REBÊS, SOLEIL Les frères de la côte sont sou- vent dépeints comme de téné- breux aventuriers ou comme des ogres aussi larges que niais. Le récit de Pierre Mac Orlan qui a inspiré Riff RebÊs est déjà en lui- même une perle puisquÊil bous- cule ces stéréotypes pour déga- ger une humanité sans fard. Les personnages y sont misérables, hauts en couleurs et désabusés. Leurs exploits sont quant à eux, aussi laborieux que tragiques. La technique de Riff RebÊs accompagne parfaitement le verbe de Mac Orlan. Le dessinateur excelle dans lÊart de lÊexpressivité sans jamais succom- ber à la facétie gratuite. Sa palette forte dÊun encrage remarquable sÊest enrichie dÊune mise en couleur très habile, que certains photoshopistes patentés feraient bien dÊétudier. Le lecteur traverse les différentes étapes du récit au gré des ambiances colorées qui deviennent ainsi de véritables éléments narratifs. Il passe de lÊeffroi à lÊamusement, visite ensuite le sordi- de puis navigue dans le pathétique et accoste enfin vers la tragédie. Quant au dessin, sa maturité impres- sionne. Avoir oublié ce très bel album dans la sélec- tion est une faute. KAMIL PLEJWALTZSKY

13 T EN EM ÉVÉN Léonard, 35 bougies pour le Génie Pour fêter les 35 ans de sa création, la série de Turk et de Groot se démultiplie. Recueil, dessin animé, exposition à Angoulême et nouvel album couronnent un tiers de siècle d’inventions.

eunes auteurs, ne perdez pas espoir (éditeurs, prenez-en de la graine⁄). Le premier album de Léonard paru en 1977 Jne sÊest vendu quÊà⁄ 800 exemplaires. Il aura fallu toute la sagacité et la ténacité du scénaris- te Greg, alors directeur littéraire chez Dargaud, pour convaincre lÊéditeur de continuer lÊaventu- re. AujourdÊhui, après 39 albums, la série a été

vendue à six millions dÊexemplaires et traduite & de Groot / LE LOMBARD © Turk en quinze langues ! Salut posthume au flair du papa dÊAchille Talon.

Et pourtant, tout avait commencé par hasard en 1974, avec un second rôle imaginé pour la série Robin Dubois, réalisée par Philippe Liégeois, alias Turk, et Bob de Groot dans le journal Tintin. Un vieillard à la longue barbe blanche prénommé Léonard, clin dÊflil au peintre-ingénieur-archi- tecte-sculpteur-etc.-etc. de la Renaissance. Le personnage séduit Greg, alors rédacteur en chef EXTRAIT DE « LA PETITE ENCYCLOPÉDIE DES INVENTIONS DE MAÎTRE » du ÿ journal des jeunes de 7 à 77 ans Ÿ. Et voilà que celui-ci conseille aux deux Belges dÊutiliser le remonte à 1966, inventent sans relâche les gags génial inventeur comme héros principal dÊune qui vont mettre aux prises Léonard et Basile, son série pour son nouveau projet, Achille Talon maga- cobaye de disciple. 1800 planches selon les zine. Ces derniers acceptent bien volontiers la comptes du Lombard, éditeur qui reprend la proposition, Léonard devient Mathusalem du série à partir du tome 29. Une telle persévéran- côté de la forêt de Sherwood et lÊhistoire est ce dans lÊinvention valait bien une salve de nou- lancée. 35 ans que ça dure. 35 années pendant veautés. lesquelles Turk et de Groot, dont lÊamitié Le florilège commence en fin dÊannée dernière avec la parution de La Petite ency-

clopédie des inventions de maître. & de Groot / LE LOMBARD © Ellipsanime / Turk Cet album hors-série de 128 pages reprend par ordre alphabétique cer- taines trouvailles de Léonard. Anecdotique en CAPTURE D’ÉCRAN DU DESSIN ANIMÉ EN 3D SUR LÉONARD comparaison du dessin présentes dans le hors série cité plus haut) mon- animé qui sÊinvente, euh⁄ qui sÊinvite sur les trant quelques inventions qui auraient eu un écrans de la chaîne Canal J pour les fêtes de succès fou au sommet de Copenhague. Cerise Noël 2009. 78 épisodes de huit minutes réalisés sur le gâteau dÊanniversaire, les visiteurs ont par Ellipsanime (déjà adaptateur de Tintin, Blake lÊoccasion, outre la chambre de Basile et lÊatelier & Mortimer, Corto Maltese, Valérian et Garfield !) qui de Léonard, de découvrir ces engins bénéfiques ont la particularité dÊêtre conçus en trois dimen- en grandeur nature. Ne reste plus alors quÊà ter- sions. Allez, on vous livre un petit secret : pour miner cette énumération en annonçant la sortie donner vie aux personnages, les animateurs en mars prochain du tome 40 intitulé Un trésor de dÊEllipsanime se sont inspirés de Louis de Funès Génie. Se pose toutefois la question des tradi- et Pierre Richard. Mmh, oui cÊest vrai quÊil y a tionnels vflux dÊanniversaire. Après ces comme un petit air de ressemblance. quelques mois dÊactualité débordante, que peut- on souhaiter à Turk et de Groot pour les pro- LÊexposition organisée pendant le Festival chaines années ? Et bien peut-être de nous dÊAngoulême complète avantageusement le divertir au moins jusquÊen 2019. CÊest à cette

© Turk & de Groot / LE LOMBARD © Turk tableau. Avec comme titre Y a-t-il un génie pour date en effet que seront fêtés les 500 ans de la sauver la planète ?, pas besoin de sÊappeler Léonard mort de Léonard de Vinci, le vrai cette fois. pour en comprendre le thème. Les auteurs y QUAND LÉONARD AVOIR UNE IDÉE, LUI TOUJOURS FAIRE AINSI dévoilent cinq planches originales (dÊailleurs THIERRY LEMAIRE

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du cadre massifiant de lÊarmée pour les placer dans une situation originale où leurs singularités pourront sÊexprimer. Ce déplacement sÊaccom- pagne bien souvent dÊune altération de leurs uni- formes, que ceux-ci soient changés (déguise- ment⁄) ou dégradés. © Lambil, Cauvin / DUPUIS Cette mécanique narrative alliée au souci du scé- nariste de tirer profit de la moindre anecdote historique, forment le socle sur lequel se tissent des intrigues entre farce et aventure. En effet, on nÊouvre pas un Tuniques Bleues seulement pour rire, mais aussi pour sentir le souffle de véritables rebondissements, pour frémir au son des canons et chevaucher dans le lit des torrents. Le dessin de Lambil est à lÊunisson, avec son incomparable mélange de comique et de réalisme, son souci du détail et de la lisibilité.

VLADIMIR LECOINTRE

EXPOSITION TUNIQUES BLEUES QuaranteQuarante annéesannées ¤ ANGOUL¯ME Dans le cadre du festival, du 28 au 31 janvier 2010, les façades de la place de l’Hôtel de ville seront agrémentées de 36 grands panneaux. Érudit mais soussous lala tuniqtuniqueue accessible, le parcours en plein air, organisé en par- tenariat avec l’Unicef, fait la part belle à la pédago- gie, fait honneur au travail de documentation des 53 épisodes parus, plus de 20 millions d’albums vendus, plus de 40 ans de auteurs et insiste sur les valeurs humanistes de la série. longévité... et cette année une expo à Angoulême et un album hommage : « Les Tuniques Bleues » continuent de séduire le public. LÊHOMMAGE AUX TUNIQUES BLEUES u départ en 1968, les Tuniques Bleues temps à se chamailler avec une violence qui va sont cinq. Avec la mort du dessinateur croissante... LÊun est orphelin tandis que lÊautre a Un entretien permet aux auteurs de détailler leurs A Salvérius (1972) et son remplacement des parents aimants. LÊun a été contraint dÊen- processus créatifs. Il est précédé par les hommages par Willy Lambil, la série se recentrera sur le dosser lÊuniforme tandis que lÊautre rêvait de sincères de différents confrères sous forme d’illus- célèbre duo Blutch-Chesterfield qui est son plus gloire militaire. Pourtant Blutch et Chesterfield trations ou de BD, souvent publiées dans Spirou. grand atout. Il a souvent été écrit que tout oppo- semblent dotés dÊun tempérament similaire : Un beau complément à la monographie consacrée à sait le malingre caporal réfractaire à lÊautorité et ronchonneur, colérique et moqueur. Que sur- Lambil par les éditions Toth en 2003. lÊenveloppé sergent patriote. Certes, obligés par vienne un adversaire commun et on les voit alors leurs créateurs de faire équipe, ils passent leur faire front comme un seul homme. Leur gestuel- le, leurs attitudes sont parfaitement semblables, quÊil sÊagisse de donner un coup de pied rageur dans un caillou, de regarder ses ongles avec une indifférence feinte ou de remonter ses manches avant de donner un uppercut... Autant de formes répétées, qui au fil des années nous ont rendus © Lambil, Cauvin / DUPUIS ces deux-là si familiers. Ainsi, ce qui les dis- tingue réellement est de nature philosophique, voire politique : lÊun est idéaliste et optimiste, lÊautre est individualiste et pessimiste. Le person- nage de Blutch est sans doute le plus grand apport de la série à la bande dessinée mondiale. Pour des milliers dÊenfants, un nouveau modèle sÊest dessiné avec lui : un héros atypique qui tournait en dérision les figures traditionnelles de lÊhéroïsme incarnées par le sergent. LÊHOMMAGE AUX CÊest sur le petit théâtre de leurs disputes que © Lambil, Cauvin / DUPUIS Blutch et Chesterfield peuvent éprouver les TUNIQUES BLEUES contours de leur individualité, réconfort certain quand on est sous les drapeaux depuis si long- Collectif, temps car qui dit armée dit discipline et efface- Dupuis, ment de soi. Aussi sont-ils indispensables lÊun à 80 p. coul., lÊautre. LÊun des défis que Raoul Cauvin rempor- 25 euros te régulièrement pour que la série se perpétue consiste à chaque épisode à sortir ses deux héros

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T EN EM ÉVÉN Gasoline Alley, Sunday page © Frank O King Gasoline Alley, Le Messie discret, planche 19 © David B. © Lewis Trondheim

TRONDHEIM RÉINTERPRÈTE DAVID B.

vec un fonds de 8000 disposant pas dÊun choix important planches originales prove- de mangas, les auteurs asiatiques nant du monde entier, le invités ont pioché dans les planches MuséeA de la BD dÊAngoulême possè- des dessinateurs français connus de de une collection de tout premier lÊautre côté du globe : Moebius par ordre des maîtres du 9e art. Mais Kazuichi Hanawa, Nicolas de Crécy comment exploiter au mieux ce gise- par Lai tat Tat Wing ou Albert ment aurifère sans pour autant être Uderzo par Doha Kang. Côté déconnecté de la création contempo- français, certains habitués (ou ex- raine ? LÊinstitution angoumoisine a habitués) de LÊAssociation ont quant résolu la quadrature de la bulle avec à eux fait le choix de lÊautocélébra- Les modernes Cent pour cent, une exposition qui tion : David B. par Lewis Trondheim, ménage autant dÊespace aux mo- Killofer par Ruppert & Mulot, Lewis dernes quÊaux anciens. Ici, pas de Trondheim par Etienne Lécroart. honorent les anciens bataille dÊHernani, mais plutôt une Mais quÊimporte la force de lÊhabitu- symbiose entre les générations. de, la facilité ou le manque de curio- Pour sa première exposition temporaire de Depuis deux ans, 100 auteurs de sité des auteurs, le plaisir est réel de l’année 2010, le Musée de la BD d’Angoulême bande dessinée dÊEurope, dÊAmérique découvrir ou redécouvrir quelques frappe un grand coup avec « Cent pour cent », et dÊAsie ont ainsi été contactés pour monuments du patrimoine mondial choisir une planche dans la collection de la BD et leurs pendants revisités. une expo originale et prestigieuse, 50 % patrimoi- du musée et lÊinterpréter à leur façon. En sÊamusant de voir comment ces ne, 50 % création. Tout ce que la planète BD compte de derniers se sont appropriés les créateurs influents (au sens artistique fluvres originelles. Fidélité ou trans- du terme) a eu carte blanche pour gression ? Divagation ou copie ? réaliser sa version dÊune page qui lui Hommage ou clin dÊflil ? En vérité, tenait à cflur. Le résultat est passion- on en apprend beaucoup sur lÊétat nant à bien des égards. Il permet dÊesprit des 100 auteurs invités. Et on © Luis Henriques dÊabord de découvrir avec émotion en profite pour faire un tour dÊhori- les hommages de certains dessina- zon des forces vives de la BD de ce teurs à leur maître. On peut citer par début de XXIe siècle. En définitive, ce exemple Hugo Pratt par José Muñoz, sont donc presque deux expositions Alberto Breccia par Lorenzo Mattotti en une que le musée propose au ou Dino Battaglia par Sergio Toppi. Il public à partir du premier jour du fes- confirme ensuite le goût de certains tival dÊAngoulême. Une programma- auteurs pour lÊexpérience graphique : tion astucieuse qui attirera les foules Paul Cuvelier par François Schuiten et donnera une fameuse impulsion au ou Jeff Jones par André Juillard. musée, inauguré depuis le 20 juin Mais au-delà de ces considérations dernier. Un événement de cette qua- graphiques, lÊexposition montre éga- lité ne pouvait toutefois pas se lement que la bande dessinée est contenter de deux petits mois de pré- finalement très compartimentée et sence sur les bords de la Charente. que les auteurs ne trouvent leur inspi- Que les Espagnols et les Parisiens se ration que dans une proximité géo- réjouissent, Cent pour graphique ou amicale. CÊest le cas cent se déplacera à pour les dessinateurs nord-américains Bilbao au printemps qui ont porté leur choix sur le travail et à la bibliothèque de compatriotes : Chester Gould par Forney à lÊautomne. Charles Burns, Ernie Bushmiller par Scott McCloud ou Milton Caniff par Jessica Abel. Le Musée de la BD ne THIERRY LEMAIRE

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SS WHE NNEC DPAL-A SATRGIEPSN& Envoyez-nous vos strips ou planches à : ZOO, 45 rue Saint-Denis, 75001 Paris ou à [email protected]

zoom bd Les Princes d’Ambre, T.1, L’Ombre L’épouvantail Terre, de Nicolas Jarry et Benoît Dellac, d’après Roger Zelazny Carl Corey est amnésique. Refusant les soins, il part en quête de cette sœur qui assu- re les frais de son internement, et qu’il ne connaît pas. Il découvre sa fratrie déchirée, les Princes d’Ambre, royau- me situé au-delà du monde connu. Alliances, mésalliances, charges équestres et fusillades en voiture, cette adaptation de Roger Zélazny démarre sur les chapeaux de roue. Jarry, avec quelques ellipses astu- cieuses, procède à une adaptation fidèle. Dellac pèche parfois sur les décors, trop grands par rapport aux personnages, mais il accorde un grand soin aux personnages. Encore un effort sur les couleurs (qui distin- guent bien les scènes, ceci dit) et le lettrage, et ce sera un blockbuster. Soleil, 48 p. couleurs, 12,90 € JEAN-MARC LAINÉ

Les Primates nous font marcher, de Jean-Luc et Philippe Coudray L’auteur de L’Empereur nous fait marcher et des strips Béret et Casquette emboî- te cette fois-ci le pas de nos ancêtres les primates, et en profite, bien sûr, pour épingler nos contemporains. L’album est composé de diptyques mettant en scène à chaque fois deux grandes vignettes légendées avec beaucoup d’esprit. On est admiratif devant le nombre de comparaisons pertinentes, de parallèles saugrenus et d’observa- tions astucieuses que les Coudray ont trouvé. Le choix attentif des mots et l’admirable dessin tout en souples- se entrent en résonance dans une grande mélopée darwinienne, absur- de et inspirée. La Boîte à bulles, 48 p. couleurs, 15 € OLIVIER PISELLA

Le Chineur, T.1, Tu es poussière, de Bétaucourt et Pagot Gabin Kashenko est antiquaire, un chineur comme on dit dans le métier. Armé de son légendaire flair, il se rend dans un village de Charente à la veille de la grande braderie pour y dénicher les bonnes affaires. C’est aussi ce moment qu’a choisi un fantôme pour ressurgir du passé, et faire émerger de sombres affaires familiales… Ce premier tome campe une intrigue plutôt alléchante, en restituant la vie quotidienne d’une ville de province, entre querelles larvées et nonchalance, avec les JOHAN TRO˛ANOWSKI : né en 1985 à Lyon, il a fait ses études aux figures incontournables (le médecin, Beaux-arts de Toulon. Pendant ses années étudiantes, il a créé la revue de bandes le fermier, le journaliste…). dessinées Brouillon, et a illustré plusieurs recueils de poésies pour enfants. En 2009, Bamboo éditions, Grand Angle, 46 p. couleurs, 12,90 € sa première BD pour enfants et adultes, Rouge, a été publiée chez Makaka. ROCKET QUEEN http://johantroianowski.canalblog.com

20 zoom bd On dirait le Sud, T.1, Une Piscine pour l’été, de Cédric Rassat et Raphaël Gauthey Ce qui frappe au premier abord, c’est qu’on est vite séduit par le dessin feutré et coloré de Gauthey. L’ambiance esti- vale du Sud est immédiatement plantée avec ce graphisme semi-réa- liste aux allures de Lempicka pop. Le récit qui se situe dans les années 70 mélange histoires familiales, intrigue policière (disparition d’enfants), chro- nique sociale (les licenciements) et allusion écologique (la canicule). Des thèmes qui le rendent très actuel. Malgré une multiplication des pistes qui pourra dérouter, on a envie d’en lire plus. Delcourt, 64 p. couleurs, 14,95 € WAYNE

La Maison Close, collectif Imaginée par Ruppert et Mulot pour une exposi- tion au Festival d’Angoulême en 2009, La Maison Close représente un virevoltant exercice de style. Comme à leur habitude, les deux auteurs mettent sur pieds une grinçante et troublante mise en abyme : représentés sous les traits des tenanciers, ils voient défiler tous les auteurs invités à se mettre en scène dans ce lupanar virtuel – Lewis Trondheim, Killofer, Florence Cestac, Boulet, Morgane Navarro, Aude Picault… Un happening bédéphile réjouissant, sur le modèle du Championnat de bras de fer (www.succursale.org/championnat). Delcourt, Coll. Shampooing, 192 p. n&b, 35 € JULIE BORDENAVE

Les Contes macabres, de Benjamin Lacombe Nouvelle produc- tion de la collection Métamorphose, en lien avec le bicen- tenaire de la nais- sance d’Edgar Allan Poe, Les Contes macabres proposent la lectu- re de sept nou- velles de l’écrivain américain (dont La chute de la maison Usher). Triple intérêt pour cet épais recueil : la bio- graphie de Poe écrite par Charles Baudelaire (bon point également aux notices), la très belle qualité de l’ob- jet, mais surtout, bien sûr, les superbes illustrations de Benjamin Les deux planches ci-dessus sont tirées du site 30joursdebd.com Lacombe qui parsèment les textes du Chaque jour, découvrez sur ce site une nouvelle BD inédite. père (entre autres) du roman policier. Un ouvrage à posséder dans sa bibliothèque. Tout simplement. Voir aussi notre concours page 37 qui vous permettra de gagner Soleil, 192 p. couleurs, 27,50 € des albums de Johan Troïanowski. THIERRY LEMAIRE

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22 Roméo & Juliette zoom bd Mouarf, de Davy Mourier Geek dépressif autoproclamé, fan de comics et gamer invétéré, scénariste, acteur et présenta- teur télé sur la chaî- ne Nolife, Davy Mourier est un hyperactif dont le blog Internet – Badstrip – est quotidiennement suivi par une cohorte d’inconditionnels. Les éditions Adalie lui ont permis cette année de publier ses deux premiers albums (qui existaient déjà plus ou moins en notes disparates sur son blog). Mouarf,la 2e BD parue, est un récit autobiographique qui raconte comment l’auteur a vécu plusieurs années avec un traitement pour le cœur, alors que son cœur n’en avait pas besoin. Et comment il l’a décou- vert. Le tout entrecoupé d’histoires de cœur (encore) et de séances chez le psy. Le graphisme joue avec les métaphores et le lecteur est séduit par la malice (ne dit-on pas d’ailleurs Davy la malice ?) qui sous-tend les réflexions auto-analytiques de l’auteur. Adalie, 56 p. couleurs, 14 € OLIVIER PISELLA

Fœtus & Fœtus, de Wayne BD à succès de notre col- laborateur Wayne publiée onli- ne sur la pla- teforme Webcomics de mars 2008 à sep- tembre 2009, Fœtus & Fœtus se retrouve éditée en recueil. À travers 160 comic strips entrecoupés d’inter- ludes illustrés, retrouvez un concept simple : deux fœtus jumeaux papo- tent en attendant la naissance : le monde extérieur, la famille, la religion, la découverte des sens… Tour à tour trash, amer, absurde, philosophique ou mignon, les deux frères au caractère opposé (l’un est ingénu, l’autre est cynique) raviront certes les futures mamans, mais pas que. Le Stylo Bulle, 100 p. couleurs, 12 € ÉRIC F.

Conversations avec le Photographe, de Guibert, Lefèvre et Lemercier Reprenant un entretien entre Guibert et Lefèvre autour du photo- journalisme, ce livre (illustré de photos prises entre 1986 et 2006) revient sur le parcours du repor- ter prématurément disparu. Entre éthique professionnelle et choix per- sonnels, on découvre ses motivations comme sa vision du Monde de ces 20 dernières années. Une immersion fascinante dans l’envers du décor de LES AMOURS COMPLIQUÉES DE ROMÉO & JULIETTE : Bien que la trilogie dessinée, Le Photographe, leurs balcons ne soient séparés que de dix mètres, les deux tourtereaux éprouvent les pires qui renforce l’admiration du lecteur difficultés à se réunir. envers ce regretté humaniste. Dupuis, Aire Libre, 264 p. n&b, 35 € Les Amours compliquées de Roméo & Juliette T.1 © Bamboo Édition 2010 - Rodrigue et Erroc HÉLÈNE BENEY

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zoom bd FABCARO mériterait quÊon change sa phrase de présentation pour introduire ses strips à chaque numéro de ZOO. Patti et les fourmis, de Anouk Ricard Découverte dans la revue Ferraille Illustré, Anouk Ricard nous ravit par son trait enfantin capable de ser- vir les pires horreurs, entre non sens et humour trash. Sa galerie de person- nages minimalistes, tout en rondeurs et couleurs flashy – une espèce de Maison de Toutou sous acide – est depuis lors mise en scène dans des albums pour enfants, mais la candeur apparente laisse poindre une malice enchanteresse, entre second degré et détournement de clichés. Lointain hommage à Lewis Carroll, Patti et les fourmis propose une drôle d’incursion dans le monde souterrain des four- mis, entre secte et web 2.0. Gallimard, 48 p. couleurs, 9,90 € JULIE BEE

Swallow Me Whole, de Nate Powel Récompensé par l’Eisner Award 2009 du meilleur roman graphique, Swallow Me Whole est un récit psy- chologique com- plexe et téné- breux, celui de deux adolescents en proie à des troubles obsession- nels compulsifs à la limite de la schi- STÉPHANE BOUZON est le créateur de Trip & Trash, deux héros fumistes et allumés qui sÊagitent (ou zophrénie. Ruth collectionne insectes plutôt restent inertes) depuis une douzaine d'année dans une série de strips loufoques. et batraciens dans des bocaux, à qui www.tripettrash.com elle voue une sorte de culte. Son frère Perry, passionné de dessin, voit et entend un sorcier au bout de son crayon, qui lui donne des ordres. Tous deux, sur le fil du rasoir, jouent les équilibristes entre imagination débordante et folie dévorante. Basculera, basculera pas ? Casterman, 216 p. n&b, 15 € JÉRÔME BRIOT

Nestor et Polux, de Fred Neidhardt, Fabrice Tarrin et O’Groj Dans une sorte de jardin d’Eden, Dieu installa deux créatures, Nestor et Polux, et leur offrit chaque jour un yaourt quoti- dien. À la fram- boise, d’un goût divin ; ou au pru- neau, carrément dégueulasse, « pour que vous puis- siez apprécier encore plus celui à la framboise », précisa l’Éternel (qui était Sadique, ou peut-être seulement Très Con). Partant de cette situation, les auteurs se lancent dans des diva- gations métaphysico-délirantes qui, tout en évoquant celles du Concombre Masqué, firent les beaux jours de feu Pif Gadget mensuel, où elles étaient prépubliées. Onapratut, 96 p. couleurs, 12,50 € JÉRÔME BRIOT

24 BD coréenne, Manhwa Exposition de manhwa présentant des planches originales réalisées par sept dessinateurs parmi les meilleurs de Corée, ayant remporté en 2009 des prix de BD nationaux. du 1er au 20 février 2010 de 9h30 à 18h (le jeudi jusquÊà 20h)

Rencontre exceptionnelle avec les sept dessinateurs invités (+ dédicaces et cosplay) Lundi 1er février 2010 à 18h

Dessinateurs présents : SHIM Seung-hyun (lauréat du Prix du Président de la République de Corée pour ÿ LÊarc-en-ciel de Nono et Mimi Ÿ), KI Sun (ÿPlease, please meŸ), HA Il-kwon (ÿLe robot Kim Chang-namŸ), PARK So-hee (ÿPalaisŸ), LEE Bin (ÿSalut, JaduŸ), JUNG Hye-na (ÿJÊenvie⁄Ÿ), CHO Seok (ÿLe son du cflurŸ).

*Événement organisé par la Korea Culture & Content Agency et le Centre Culturel Coréen.

Centre Culturel Coréen 2 avenue dÊIéna 75016 MÀ Iéna, Trocadéro / Tel. 01 47 20 83 86

25 BD ACTU Hyper-séries et séries-concept Contredisant l’idée du dessinateur isolé dans son atelier, certaines séries font appel à différents créateurs. Pourquoi, comment ? à l’occasion de la sortie des séries « Destins » chez Glénat et « Le Casse » chez Delcourt, c’est ce que nous allons examiner.

e phénomène des reprises lÊa prouvé depuis très longtemps, les bons person- nages de bande dessinée peuvent sur- Lvivre à leur créateur, que la reprise ait lieu après le décès de lÊauteur comme pour Les Pieds Nickelés, suite au décès de Forton en 1934, ou quÊelle soit organisée par un éditeur propriétaire des droits, par exemple pour Spirou, créé par Rob-Vel et acquis par les éditions Dupuis, qui confièrent ce personnage à Jijé avant que celui-ci ne désigne Franquin pour lui succéder.

De la reprise à lÊhyper-série Quand un scénariste, grâce au succès dÊune série, décide de lui donner une extension, en racontant une suite ou une ÿ préquelle Ÿ, ou encore avec une ÿ spin-off Ÿ en centrant une nouvelle série autour dÊun personnage secondaire de la série- mère, lÊfluvre acquiert le statut dÊhyper-série. Par exemple, LÊIncal de Jodorowsky et Moebius connaît différentes extensions directes, Bec, Araldi, Basset / DELCOURT © Teague, comme Après lÊIncal (dessiné par Moebius), Avant EXTRAIT DE « LE CASSE » T.1, NOUVELLE SÉRIE-CONCEPT DE DAVID CHAUVEL lÊIncal (par Janjetov) ou Final Incal (par Ladrönn), Conquérants, Cixi ou encore Tikko des Sables. teurs, permet de publier lÊensemble en deux ans ou indirectes, comme La caste des Méta-Barons (des- On trouve un phénomène comparable dans les seulement. Exploit réussi, la série ÿ buzze Ÿ, fidé- siné par Gimenez), série dérivée qui connaît à comics. Au gré des multiples cross-over qui ont lise les lecteurs et, par sa diversité, fait preuve son tour différentes ramifications : Dayal de permis la rencontre de différents super-héros, dÊune richesse inédite. Castaka (Das Pastoras) et Les Armes du Méta-Baron soit pour les faire collaborer, soit pour les faire Pour Didier Convard, le fait de se tourner vers (Charest). Dans le même registre, on peut citer sÊaffronter, lÊunivers Marvel (tout comme celui de une équipe dÊartistes procède dÊune autre lÊunivers de Troy avec Lanfeust, les Trolls, les DC) a fini par constituer une forme particulière- démarche. Le scénariste du Triangle Secret avait ment tentaculaire et cohérente dÊhyper-séries prévu pour ce récit dÊattiser le suspense en mêlant liées dans lesquelles Spiderman, Iron Man et plusieurs histoires se déroulant dans des espace- Wolverine (lui-même membre des X-Men) se temps distincts. Mais comment ne pas perdre le côtoient au sein des Avengers. lecteur en route avec tous les croisements dÊin- Bien quÊon trouve quelques cas dÊhyper-séries liée trigues ? Tout simplement par le recours à des à un seul auteur (Leiji Matsumoto, auteur de styles visuels différents, dans une narration qui Galaxy Express 999, Albator, etc. emploie les emploie beaucoup le flashback, sans recourir mêmes personnages dans ses différents mangas), systématiquement à une colorisation sépia, ou à la plupart des hyper-séries se développent à lÊini- des récitatifs de contexte (ÿ Rome, de nos tiative dÊun scénariste qui désire explorer un uni- jours Ÿ). vers fictif de la façon la plus vaste possible. Le La genèse de Donjon, série fantasy de Joann Sfar recours à plusieurs dessinateurs va lui permettre et Lewis Trondheim est encore différente. Créée de mettre en chantier plusieurs récits, de façon pour la seule envie de faire un projet ensemble, il © Giroud, Christin, Lécossois et Brahy / GLÉNAT parallèle. Un des précurseurs en la matière est est convenu que le scénario sera rédigé Patrick Cothias, créateur avec André Juillard des ensemble, et le dessin exécuté par Trondheim. 7 vies de lÊépervier, une saga historique qui ne cesse Mais au bout de quelques tomes, Sfar souhaite de se développer. sÊapproprier lÊunivers, et imagine Crépuscule, cÊest- à-dire Donjon quelques dizaines dÊannées plus De lÊhyper-série à la série-concept tard. Par symétrie, le duo de scénaristes planche Au début de la décennie 2000, certains scéna- aussitôt sur une troisième série qui raconte Donjon ristes imaginent donc des histoires qui nécessi- avant Donjon⁄ Et tout cela se poursuit avec tent dès leur conception, plusieurs dessinateurs. Donjon Monsters, qui donne le premier rôle à un Frank Giroud, pour Le Décalogue, élabore dix récits personnage secondaire, le temps dÊun album. indépendants, qui rassemblés, forment lÊhistoire de la transmission à travers les âges dÊun manus- Concepts dÊauteurs et dÊéditeurs crit sulfureux, Nahik, objet de toutes les convoi- Initiée par Jean-Bernard Pouy, la série policière Le EXTRAIT DE « DESTINS » T.3, SÉRIE-CONCEPT DE GIROUD tises. Le fait de confier ces récits à dix dessina- Poulpe met en scène les aventures dÊun enquêteur

26 atypique, Gabriel Lecouvreur, dont tion, ce qui se faisait déjà sous un chaque aventure est imaginée par format plus réduit, dans les nom- un nouvel écrivain. La série connaît breux ouvrages collectifs théma- un prolongement en BD, aux édi- tiques. LÊidée est de voir comment tions 6 pieds sous terre, en repre- scénaristes et dessinateurs sÊen sor- nant le même principe, soit dans le tent, dans ce qui est avant tout un cadre dÊadaptation par des dessina- exercice de style. Le succès faisant, teurs, soit avec des histoires inédites une nouvelle salve de 7 albums est en roman (Pieuvre à la Pouy, par en cours et Delcourt renouvelle Cestac et Montellier). lÊexpérience avec de nouveaux En 2005, le décidément très créatif concepts. Tout dÊabord, Le Casse Frank Giroud lançait Secrets chez série dÊalbums coordonnée par le Dupuis, une série reposant sur un même Chauvel et tournant autour concept déclinable à lÊinfini, la révé- de ÿ casses du siècle Ÿ, et puis ÿ Jour lation de secrets de famille. DÊune J Ÿ série qui propose des uchronies façon assez similaire, les éditions réalistes, plausibles du point de vue Delcourt sÊintéressent aux séries- historique, la première étant ÿ Que concept. La collection ÿ Sept Ÿ, se serait-il passé si les Russes avaient dirigée par David Chauvel, propo- mis le pied sur la Lune avant les sait à différents auteurs dÊimaginer Américains ? Ÿ. Quant à lÊinfatigable un récit faisant intervenir sept per- Giroud, il propose Destins chez sonnages (7 voleurs, 7 mission- Glénat, ou les multiples existences naires, 7 psychopathes, etc.). Les dÊune héroïne, confiées à 13 équipes one-shots ainsi créés nÊont aucun de scénaristes et dessinateurs. rapport entre eux, sinon quÊils répondent chacun au thème JÉRłME BRIOT imposé. Il sÊagit finalement de AVEC LA COLLABORATION DE reprendre, à lÊéchelle dÊune collec- YANNICK LEJEUNE Drôles de trames Imaginée et coordonnée par Frank Giroud, « Destins » est la nouvelle série-concept des éditions Glénat : pas moins de 14 albums sont à paraître, entre janvier 2010 et 2012. ans sa jeunesse, Ellen a histoires, apportant une cohérence fait une grosse erreur de à lÊensemble, chaque tome de parcours. Amoureuse dÊun Destins est écrit et dessiné par des apprenti-D révolutionnaire, elle lÊac- auteurs différents, à lÊexception du compagne dans un braquage qui tome dÊouverture et de lÊunique vire au drame. Une autre femme album de conclusion, tous deux est suspectée à sa place et risque la exécutés par Frank Giroud et chaise électrique⁄ mais celle-ci Michel Durand (dessinateur de est innocentée par un faux-témoi- Cuervos ; ÿ Durandur Ÿ pour les gnage. Ellen quitte les USA pour la intimes). Le projet sÊapparente Grande-Bretagne, épouse un avo- donc à une sorte de course de relais cat talentueux, a des enfants⁄ narratif ou de cadavre exquis Bref, elle refait sa vie et rachète sa concerté. La trame dÊensemble a faute en sÊinvestissant dans une été mise au point en réunissant organisation caritative. JusquÊau tous les scénaristes, mais il était moment où son passé se rappelle à conseillé à chacun dÊeux de conser- elle de façon brutale, la conduisant ver son style personnel. DÊoù une à un choix déchirant. Quelle voie variété de tons qui ajoutera à adopter ? Toutes. lÊintérêt du projet. Voilà qui prou- LÊidée est en effet de suivre toutes ve, si besoin en était, que la bande les existences possibles de lÊhéroï- dessinée ÿ classique Ÿ sait égale- ne, qui découlent de ses décisions. ment être expérimentale. Le tome 1, intitulé Le Hold-up, se poursuit par Le Fils ou par Le Piège JÉRłME BRIOT africain. Chacune de ces histoires se conclut sur un nouveau dilemme, et nous voilà en présence de quatre DESTINS destins parallèles. Après cette T. 3 phase dÊexpansion, les intrigues se resserrent et convergent vers un de Giroud, Christin, album final unique. Au total, Ellen Lécossois et Brahy, mènera cinq existences différentes. Glénat, 48 p. coul., Contrairement au Décalogue, où 13 euros Giroud scénarisait la totalité des

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cÊest un chef-dÊfluvre, et je suis bien content que ce soit tombé sur un livre de moi !

Vous vous êtes occupé du découpage ? Je ne me suis occupé dÊabsolument rien du tout ! Je dis à tous ceux qui adaptent mes romans au cinéma, au théâtre, bientôt à lÊopéra : ÿ Faites ce que vous voulez ! Ÿ. Il était mignon parce quÊil mÊenvoyait au fur et à mesure quatre ou cinq pages par mail et jÊétais à chaque fois émerveillé.

DÊautant que, vous qui avez fait de la bande dessinée, vous savez que le roman et la bande dessinée sont des choses totalement diffé- DR rentes. Absolument, cÊest pour cela que je ne voulais pas du tout coincer Philippe. Je pars du princi- pe quÊà partir du moment où les gens prennent les droits dÊun livre, ils font ce quÊils veulent.

A-t-il fait des choix surprenants dans les coupes ? Dans le roman, le perruquier propriétaire de lÊappartement des Montespan avait trois com- mis qui faisaient des conneries, et lui a préféré ne pas les mettre dans la BD. Le roman fait au moins 400 pages et la bande dessinée 110 Jean Teulé : pages. Il faut choisir, et choisir cÊest éliminer. Le Montespan, cÊest un peu la face cachée du grand siècle. Oui, quand je voyais des films avec Louis XIV e entouré de femmes qui ont lÊair de sentir bon, « Le XVII Siècle était un jÊétais sûr que cela nÊétait pas comme cela. Quand je me suis documenté pour Le Montespan, jÊai découvert que le XVIIe Siècle était dÊune siècle cradingue ! » crasse totale, pire quÊau Moyen-˜ge, surtout dans les classes sociales aisées. Les médecins Le mari de la maîtresse du roi - Mme de Montespan - se promenait en carrosse pensaient que la peau étant poreuse, quand on noir orné de ramures de cerf. Cela avait fait scandale. Sa biographie, devenue un se lavait, les maladies qui se trouvaient dans best-seller sous la plume de Jean Teulé a été adapté en BD par Philippe Bertrand. lÊeau entraient dans le corps. La seule solution était de ne pas se laver. Louis XIV a pris un seul Jean Teulé est ravi. Rencontre. bain dans toute sa vie, en 1865. Pour lÊentretien des dents, il y avait la méthode hollandaise où uÊest-ce qui vous a amené à faire une Bertrand. JÊai trouvé que cÊétait une putain de lÊon bouchait les trous des caries avec du beurre BD de ce roman ? bonne idée et je me suis aussitôt dit : ÿ Mais et il fallait toujours avoir la bouche ouverte pour Q Cela ne vient pas de moi, cÊest une idée comment jÊai pu ne pas y penser, alors quÊon est copain ne pas que le beurre fonde ; la méthode espa- de Marya Smirnoff qui, à lÊépoque, sÊoccupait de depuis une trentaine dÊannées. Ÿ La raison est quÊil gnole consistait à se nettoyer les dents avec son bandes dessinées chez Robert Laffont. Elle vou- illustrait principalement des histoires contem- urine. CÊétait une bande de cradingues ! On lait adapter ce livre-là. JÊai tout de suite été dÊac- poraines, très modernes. Il avait une forte envie compensait cela avec des parfums très forts. cord. Mais qui en serait le dessinateur ? Elle mÊa de faire des choses historiques, à la manière de CÊest comme la nourriture qui était toujours un un jour appelé pour me proposer Philippe la gravure du XVIIe Siècle. peu pourrie : on compensait le mauvais goût avec des épices. Je voulais raconter le XVIIe CÊest la grosse révélation de cet album : CÊest siècle tel quÊil était, pas comme dans les romans un Philippe Bertrand comme on ne lÊa jamais dÊamour. vu. CÊest ce qui est bien chez Philippe, cÊest raffiné, PROPOS RECUEILLIS PAR DIDIER PASAMONIK élégant. CÊest la classe ! On est allé ensemble à la Bibliothèque historique de Paris pour avoir des documents sur les vues parisiennes de lÊé- 1 Technique de gravure qui consiste à tailler un support poque. Il a voulu faire un album très documenté. métallique avec un outil approprié. Quand il dessine un pont, le pont est vraiment comme il le dessine, pour quÊon y soit impecca- LE MONTESPAN blement. de Philippe Bertrand, © Philippe Bertrand / DELCOURT 1 Il a une technique proche de la pointe sèche . dÊaprès Jean Teulé, CÊest ce quÊil avait envie de faire ! Je ne savais pas quÊil avait envie de changer de dessin. Du Delcourt, 112 p. couleurs, coup, cÊest tout à fait cohérent. Je suis absolu- 14,95 euros ment enchanté de son travail. Son Montespan,

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zoom bd Les Fables de la poubelle, T.1, de Krassinsky Punk is not dead Grand bol d’air frelaté avec Les Fables de Krassinsky. Faire Ils sont fous ces Anglais, cesser le mas- dit-on couramment. sacre rituel des Tank Girl, réédité par grands standards de la chanson Ankama, en est une preuve française au irréfutable. karaoké, faire taire un marmot qui braille dans le TGV, railler l’angélisme des néo hip- n 1986, le Premier mi- pies ou le narcissisme exacerbé des nistre britannique Marga- artistes... L’auteur s’attaque allègre- ret Thatcher, surnommée ment aux micro-tabous dans des laE ÿ dame de fer Ÿ, pose pour une fables corrosives au ton irrévéren- cieux. Servi par un trait à la fois photographie officielle sur un char tendre et nerveux, Krassinsky dit tout armé. Deux ans plus tard, haut ce que tout le monde pense tout lÊAngleterre connaît une autre fille bas, et ça fait plutôt du bien. sur un tank, Rebecca Buck. Maquée Dargaud, Poisson Pilote, au kangourou transgénique Booga, 48 p. couleurs, 11,50 € coiffure punk, langage lâché, vio- JULIE BORDENAVE lence joyeusement déchaînée, L’Espion de Staline, d’Isabel Kreitz sexualité débridée... elle finira sur Porté sur l’alcool et des pancartes et des T-shirts lors de les femmes, et peu manifÊ lesbiennes, en tant quÊicône enclin à taire son de la libération sexuelle, pour pro- hostilité au régime tester contre lÊhomophobie de ladi- nazi, le journaliste Richard Sorge fut, te Miss Thatcher. En même temps, dans les années elle charmera tout le monde : de 1930 et 40, agent Vivienne Westwood (une styliste de renseignements anglaise) jusquÊaux commerciaux de l’URSS, installé des jeans Wrangler, en passant par à Tokyo. La légende prétend qu’il Hollywood – elle a inspiré un film Girl and related characters Publishing Group Ltd. Tank Books a division of Titan Titan © Original publisher, © 2008 Alan Martin and Jamie Hewlett. All rights reserved. Ankama Editions pour l’édition française. fournit à Staline la date exacte du déclenchement de l’opération interprété par Lori Perry et Naomi Barbarossa, par laquelle Hitler violait Watts (1995). le pacte de non-agression signé entre l’Allemagne et l’URSS… et que Avec des synopsis légers, un décou- Staline n’y prêta pas foi. Cette histoi- page anarchique, une composition Monkey Journey to the West... (ainsi mini-série The Royal Escape chez re, qui méritait d’être racontée, l’est surchargée et plein de références à que le designer des sex-toys distribués IDW, art-book définitif, The Cream of de fort belle façon par Isabel Kreitz. La dessinatrice allemande profite de la culture pop des années 1980, Tank par Jimmy Lane, mais ça cÊest une T.G., chez Titan Books, et même des l’occasion pour brosser un portrait Girl évolue dans les pages du maga- autre histoire). CÊest son nom que le spéciaux chez Image Comics. sans concession des milieux consu- zine Deadline. En toile de fond, un public retient pour Tank Girl, bien Rebecca revient enfin en France : laires, superficiels et déphasés, au désert australien post-apocalyp- que différents illustrateurs aient cÊest Ankama qui lÊaccueille au sein cœur de la Seconde guerre mondiale. tique, une mission – le transport façonné à un moment ou à un autre de son label 619. LÂintégralité des Casterman, 256 p. n&b, 16 € dÊun chargement de poches pour cette adolescente rebelle, notam- trois volumes ainsi que le art-book JÉRÔME BRIOT anus artificiels –, la mafia aux ment Ashley Wood, Mike seront désormais accessibles au 10 Petits insectes, trousses et la marijuana ou lÊalcool McMahon et Rufus Dayglo. public français. de Davide Cali et Vincent Pianina comme fidèles compagnons de CAMILLA PATRUNO Une intrigue ins- route. Le scénariste Alan Martin et Rebecca pointe pour la pre- pirée par Agatha son dessinateur se sont connus sur mière fois le bout de son tank Christie, un mini- les bancs de lÊécole et sÊen donnent dans lÊHexagone en 1996, à malisme gra- phique à la José à cflur joie ! Ensuite, ledit dessina- lÊoccasion dÊun premier recueil Parrondo et un teur, un certain Jamie Hewlett, par- chez Vents dÊOuest, couron- goût pour le tage un appartement avec Damon nement dÊapparitions un peu retournement de Albarn du groupe pop Blur, devient chaotiques dans le magazine situations à la le créateur graphique du premier Gotham. Depuis, chez nous, manière de groupe virtuel au monde, Gorillaz, rien. Dernièrement, lÊactualité Lewis Tron- dheim, telles sont les qualités de 10 et le responsable des décors de anglophone a battu son plein : Petits insectes, où onze (!) protago- nistes se retrouvent réunis dans un manoir, sur l’île de la Tortue, pour un week-end qui va rapidement devenir TANK GIRL, T.1 sanglant. Décapitations, empoisonne- ments, électrocutions et autres de Allan Martin « accidents » apportent du piment à ce qui aurait pu virer à la réunion et Jamie Hewlett, Tupperware. Ouf, le pire nous a été Ankama, épargné ! Label 619, 132 p. n&b, Sarbacane, 80 p. couleurs, 12,50 € 12,90 euros JÉRÔME BRIOT

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zoom bd Scarce et On a marché sur la Bulle Pour ceux qui sou- Emmuré dans l’onirisme haiteraient approfon- dir leurs connais- L’éditeur Pierre Paquet se lance dans le scénario en s’adjoignant les services d’un dessi- sances, deux revues de très bonne facture nateur maison très talentueux, le Mexicain Tony Sandoval, pour un superbe album oni- faites par des pas- rique aux accents « carrolliens ». sionnés : Scarce est depuis plus de 25 ans la référence en matière de magazine sur les comics. Le n°73 présente un dossier sur les artistes français ayant réussi aux États-Unis, ainsi que

de nombreuses ru- © Sandoval et Paquet / PAQUET briques. 68 p. n&b. Disponible par correspondance (7 € port compris) ou par abonnement (25 € pour 4 numé- ros) ou chez les libraires spécialisés. Association SAGA / SCARCE. 10 rue Bugeaud. 69006 LYON. La revue On a marché sur la Bulle, quant à elle, présente dans son nouveau numéro des interviews de Chabouté, Ana Miralles, Jung… 5 € plus 2 € de port, avec deux ex-libris offerts et signés. OAMB, la chênaie longue, 35500 St- Aubin des Landes. Scarce et OAMB sont également disponibles sur leur stand à Angoulême.

Kogaratsu, T.12, Le Protocole du mal, de Bosse et Michetz Kogaratsu, samouraï en errance, est engagé pour sup- primer une jeune femme folle et malé- fique qui a été exilée par son père sur une île. Cet album est un huis-clos, sorte de jeu de chat et de souris entre le jeune samouraï et la belle jeune femme, incarnation du mal, et que rien ne viendra pardon- i lÊexercice est courant chez voyage fantasmagorique fait de leurs. Il est impossible de ne pas ner. Entre répulsion et attirance, les directeurs de collection, poésie mais aussi de tristesse, de penser à Dave McKean, à Des loups Kogaratsu s’acquittera de sa tâche. il est rare quÊun éditeur violence et dÊangoisse. dans les murs ou à MirrorMask, son On s’interroge tout de même sur la nÊayantS pas lui-même commencé en Dans ses toutes premières planches, film, qui livrait également une varia- finalité de cet album et son propos. tant quÊauteur se lance dans la réali- la narration présente quelques petits tion sur le thème dÊAlice aux pays des Installé au Japon depuis des années, Michetz est l’un des meilleurs auteurs sation de BD. CÊest pourtant le cas défauts, notamment dans la manière merveilles. On suit les aventures du du genre. Il semble avoir accru la de Pierre Paquet qui sÊadjoint lÊun de dÊécrire ce qui est dessiné et donc de jeune garçon comme celles de lÊhé- fréquence de ses albums récemment, ses meilleurs dessinateurs, le le redire. Mais lÊintrigue trouve vite roïne de Lewis Carroll, comme dans ce qui est heureux. Mexicain Tony Sandoval, pour sÊim- son ton et son allure pour faire un rêve ou peut-être plutôt un cau- Dupuis, 56 p. couleurs, 10,95 € miscer dans la collection Blandice oublier ce détail : la course pro- chemar dans son grand esthétisme. qui avait notamment révélé Renaud posée est aussi cauchemardesque Sans dévoiler la fin, Pierre Paquet Jeremiah, T.29, Le Petit Chat est mort, de Hermann Dillies. que subjuguante. Bien sûr, le referme son récit avec subtilité. On Cet album de Jeremiah est peut-être Dans Un Regard par-dessus lÊépaule, un concept même de cet univers oni- repense à ce que lÊon vient de lire et le moins bon de la série (avant le petit garçon rentre chez lui après rique rend certaines scènes difficiles les choses se révèlent. Une bonne prochain, probablement). Hermann avoir acheté quelques fusées- à suivre mais la gamme de ren- manière dÊinviter à la revisite mul- resasse les mêmes intrigues (popula- pétards. Pour fuir la surveillance de contres, dÊémotions vives et de tiple de cet album qui se contemple tion opprimée par des capitalistes sa mère, lÊenfant passe furtivement visuels magnifiques emportent le autant quÊil se lit. stupides et sans vergogne, Jérémiah et Kurdy en redresseurs de torts mal- près dÊun mur dans la maison, et⁄ lecteur au-delà de lÊenvie de com- YANNICK LEJEUNE gré eux...). On a l’impression d’avoir se retrouve coincé derrière, plus prendre, dans lÊintuitif, le ressenti, lu cet album 20 fois. Et comme d’ha- précisément à lÊintérieur. Puisque lÊambiant. On sent que le tandem UN REGARD bitude, la place réservée aux femmes personne nÊentend ses cris, le jeune sÊest fait plaisir à collaborer, Paquet n’est pas la meilleure : elles sont Pepeto se résout à parcourir cette scénariste créant son histoire pour PAR-DESSUS LÊÉPAULE soient putes, mégères ou emmer- dimension étrange et inquiétante exploiter au mieux le talent de son deuses. Un co-scénariste serait le de Paquet bienvenu (mais pas Yves H., SVP !), qui le sépare des siens. Il y croisera dessinateur. Car Sandoval, comme et Sandoval, pour cette série en perte de vitesse un homme quÊil aura bien du mal à dÊhabitude, est magistral. Peut-être Paquet, malgré des dessins toujours splen- retrouver et à rejoindre ainsi que plus encore dans cet album de gran- dides. toute une galerie de personnages de taille qui sublime ses planches, 90 p. couleurs, Dupuis, 48 p. coul., 10,95 € tout droit issus de lÊimaginaire des donne de la place à ses personnages 15 euros EGON DRAGON auteurs qui livrent dans ce récit un et met en avant la force de ses cou-

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zoom bd Aaarg… Je meurs, Collectif Dans la lignée des collectifs du type Onapratut, mais avec plus de noir- ceur, les éditions Même Pas Mal lancent leur recueil d’auteurs. © Warnauts et Raives / CASTERMAN © Warnauts Au menu, de nom- breux débutants mais aussi des confirmés comme Mo/CDM ou Cha, bref une belle diversité. C’est inégal, mais il y en a pour tous les goûts : au milieu de tous, les « Mé Faits » d’Olivier Texier et le « Feedback » d’Alph obtiennent notre coup de cœur. À noter également, les quelques pages dessinées par Slo sur un scé- nario issu des jeunes du centre péni- tentiaire du Pontet. L’album concourt cette année au prix de la BD alternati- ve 2010 au Festival d’Angoulême, souhaitons-lui bonne chance ! Même pas mal, 10 € YANNICK LEJEUNE

Petite Histoire des colonies françaises, T.3, La Décolonisation, de Grégory Jarry et Otto T. « Rôle positif J’écris ton nom... Liberty de la colonisa- tion », « iden- Que de chemin parcouru jusqu’à l’élection d’Obama à la Maison Blanche. Avec tité nationa- le »… Pour « Liberty », Warnauts et Raives décrivent 40 années de la société américaine sous l’angle comprendre ce de la condition des Noirs et du métissage. qui se cache derrière ces termes qui ont envahi l’espace politique, il n’est pas saugrenu de chercher à se docu- l aura suffi dÊune nuit pour que ainsi la fin de la guerre du Vietnam, menter. Pour nous instruire sur la sa vie bascule. Tshilanda a 16 le Black Power, le mouvement des décolonisation, Grégory Jarry et Otto ans en 1974 et vit à Kinshasa Black Panthers, puis lÊentrée dans la T. font intervenir un conférencier dansI le grand hôtel international bourgeoisie des années 80 avec idéal : le général de Gaulle himself, dont son père est chef de la sécurité. style. Les têtes des chapitres repren- plus débonnaire (!), rondouillard (?) et La capitale du Zaïre bouillonne en nent par exemple fort à propos les barbu (!?) que jamais. Textes iro- niques (mais scrupuleux) et illustra- attendant le combat du siècle entre titres de chansons de James Brown, tions caustiques, dans un esprit très Mohammed Ali et George Fo- Bob Marley, Carlos Santana (erreur Shadok, pour une leçon d’Histoire reman, le premier championnat du de casting ?), Michael Jackson, franchement salutaire. monde organisé sur le sol africain. Billie Holiday, Bobby McFerrin et FLBLB, 128 p. bichromie, 13 € Dans lÊhôtel, James Brown et ses Marvin Gaye, représentants émé- JÉRÔME BRIOT musiciens préparent le concert rites de la longue liste des talen- Championzé, quÊils donneront avant le match. tueux musiciens noirs. et Raives / CASTERMAN © Warnauts de Ducoudray et Vaccaro CÊest dans cette ambiance survoltée Quel destin que que la jeune Zaïroise accepte de Toutefois, bien quÊil en ait un peu le celui de Battling suivre ce jeune manager blanc dans parfum, Liberty est très éloigné des Sikki, premier sa chambre. Grave erreur. Tshilanda films estampillés Blaxploitation, Africain champion du monde de tombe enceinte. Dans lÊurgence de tournés par et pour des Noirs dans boxe ! De son la situation, un des musiciens noirs les années 70. Si la reconstitution enfance au du Godfather of Soul la prend sous son historique est très soignée, les situa- Sénégal à ses pre- aile et lÊemmène à New York pour tions et les réactions des person- miers matchs, ses accoucher. nages expriment assurément une KO le mèneront au vision de Blanc européen sur le sommet. Dans ces années 20 mar- quées par le colonialisme, Sikki, sur- La naissance de cette petite fille métissage. Vision très rose de nommé championzé (mix de chim- prénommée Liberty est le point de lÊangélique destin de lÊAfro-améri- panzé et champion et …) sera aussi départ dÊune histoire qui passe en caine Liberty qui franchit une à une adulé qu’haït. Réputé pour ses revue quatre décennies de la condi- les épreuves de la vie. Mais après frasques, le boxeur alcoolo, belli- tion des Noirs aux États-Unis. tout, pourquoi ne pas se laisser LIBERTY queux et amateur de femmes LÊoriginalité de Warnauts et Raives entraîner par ce conte de fée blanches, connaîtra une fin américai- ne à la hauteur de sa courte vie : est de ne pas sÊêtre focalisés sur moderne qui aborde des thèmes en de Warnauts trash. Ce one-shot retrace son histoi- cette sorte de passage obligé quÊest résonance avec lÊactualité ? Sur les et Raives, re, et donne une bande dessinée cap- le combat pour les droits civiques. gratte-ciels de New York, sur la Casterman, 56 p. coul., tivante et abordable, qu’on soit fan de Ce qui est fondamental pour caisse claire du batteur, sur la peau boxe ou non. lÊHistoire ne lÊest pas pour la fiction. du fils du diplomate français, jÊécris 13,90 euros Futuropolis, 128 p. n&b, 20 € Prenant comme prétexte la vie de ton nom. HÉLÈNE BENEY Liberty, les deux auteurs traversent THIERRY LEMAIRE

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zoom bd Arzak, T.1, destination Tassili, Sequana : un « grand crue » de Moebius 35 ans après son apparition dans les Dans la religion gallo-romaine, Sequana était une déesse de la Seine. C’est aujourd’hui pages de la revue Métal Hurlant, c’est également une très belle trilogie écrite par Léo Henry, jeune écrivain, et dessinée par un le retour du guerrier surdoué de la couleur directe, Stephane Perger. taciturne avec un grand bonnet qui chevauche un gros oiseau. Il s’agit cette fois d’une his- toire à suivre qui va s’étaler sur trois albums. Si Moebius est toujours un auteur très brillant, on peut s’étonner des modalités de la présente édition. Les pages de droite sont illustrées et sans paroles, alors que les pages de gauche comportent le commentaire et le dialogue. Pire, les pages conçues pour la couleur ont été imprimées en noir et blanc, ce qui donne finalement des grisés peu esthétiques. Il faudra PROUST © Henry et Perger / EMMANUEL attendre l’édition intégrale en 2011 pour découvrir les couleurs magni- fiques de cette histoire. Moebius Production / Stardom, 128 p. n&b, 20 € JEAN-PHILIPPE RENOUX

Melo Bielo, de Besseron et Felder Pépère routier fan de tennis féminin – slave, pour être précis –, André Kosmalsky doit charrier à Minsk (via Bruxelles, c’est important) un colis un peu spécial : un béluga, animal farouche réputé pour ses capacités télékinésiques. La rela- tion intense qu’ils nouent va les emmener au cœur d’un abominable trafic de cigarettes. Inutile de vous en dire plus, tout est dans le deuxième degré ! Dessin ad hoc aux détails hilarants et scénar déjanté servi de rois tomes donc, aux édi- sans que cela ne choque, ni ne le pas sur lÊaspect ÿ docu fiction Ÿ dialogues surréalistes, ce mélodrame tions Emmanuel Proust, et gêne le récit. dès le 2e tome, mais sans jamais biélorusse (d’où le titre) est simple- à la réalisation étalée entre quitter un réalisme nécessaire. ment jubilatoire. marsT 2008 et janvier 2010. Un Si la Seine est un fil conducteur, Desinge / Hugo & cie, 68 p. couleurs, 15 € rythme imposé par lÊHistoire (et narratif même, ce nÊest quÊune base, Le lecteur suit avec plaisir un bon HÉLÈNE BENEY non lÊhistoire) car cÊest en janvier certes essentielle. LÊhistoire se feuilleton, greffé sur une trame his- Balade Balade, de Kokor que nous ÿ fêtons Ÿ le centenaire superpose à celle de la crue, elle en torique intéressante, mais Sequana La Terre est à de la crue de 1910, ayant fait ÿ profite Ÿ, sans en dépendre inté- est, par-dessus tout, une merveille vendre. Sullivan essentiellement des dégâts maté- gralement. Les protagonistes sont de dessins : lÊinfluence dÊun Vilette est chargé de riels (mais considérables), et dont bien dépeints, même les seconds Guillaume Sorel est apparente, la faire visiter à un beaucoup prédisent (ou prédi- rôles, et on sÊattache à eux sans dif- dans le trait de Stephane Perger, au acquéreur potentiel : un petit extraterrestre saient) un remake en 2010. ficulté. Le fantastique prend un peu début, sur les personnages et une enthousiaste. Ce certaine atmosphère, puis il sÊen dernier choisit de Un jeune éditeur sans ligne édito- détache. La virtuosité graphique faire une « balade riale majeure, un événement – la est étonnante. Il est à lÊaise avec les balade » à cheval en guise de tour du crue – mis en avant plus que de rai- séquences dÊintérieur, et la mise en propriétaire. Quotidiennement, la son dans la promotion des livres, et scène, mais cÊest sur les décors quÊil radio RVR diffuse la progression de SEQUANA cette excursion. Même si la plupart un troisième tome qui coïncide se révèle : Paris sous les eaux nous des auditeurs savent pertinemment avec une commémoration, il nÊen T. 3 laisse sans voix. Les doubles (ou qu’il s’agit là d’un simple feuilleton fallait pas plus pour craindre le pleines) pages peintes ne sont radiophonique, certains ont de pétard mouillé. Et bien cÊest un jamais gratuites, elles servent à bonnes raisons de s’interroger. Kokor tort, car il sÊagit là dÊune fluvre plus nous immerger (cÊest de circons- a conçu avec Balade Balade un bel quÊhonnête. Le scénario ne boule- La Cathédrale engloutie, tance) dans un décor grandiose. hommage à Orson Welles. L’histoire verse pas les codes du genre, mais est originale, bien écrite et maîtrisée de Léo Henry (scénario) – comme le dessin d’ailleurs. joue habilement avec les intrigues et Stéphane Perger (dessins), Notre Dame et ses reflets dans les Espérons que cette réédition ren- à différents niveaux. Les person- eaux ne vous laisseront pas indiffé- contre le succès qu’elle mérite. nages fictifs croisent ceux qui ont Emannuel Proust, Trilogies, rents. Une BD dÊambiance⁄ et de Vent d’Ouest, 118 p. n&b, 12 € bien existé (lÊassassin de Jaurès, le 56 p. couleurs, 13,90 euros fond. KAMIL PLEJWALTZSKY cerveau de la bande à Bonnot⁄) PHILIPPE CORDIER

36 Monsieur Plichon et les Winners

Avec son mauvais esprit désormais légendaire, Thibault Soulcié revi- site le fonctionnement des banques. Un véritable précis d’économie pour les nuls, comme Monsieur Plichon, héros naïf face aux requins.

clos dans les pages de Ferraille Illustré en Martine de notre enfance. CÊest 2005, Thibault Soulcié a depuis affirmé armé dÊun mordant tout acéré quÊil un trait et un esprit vifs, qui le posent nous revient en ce début dÊannée, commeÉ lÊun des dessinateurs de presse les plus pour poser son regard affuté sur les pertinents du moment (Onapratut, Siné Hebdo, Le obscurs mécanismes qui régissent le

Plan B⁄). On se souvient de son Marine à monde des finances. © Soulcié / 12BIS Babylone, qui faisait subir les pires outrages à cette lointaine cousine consanguine de la Que le lecteur se rassure, sÊil est dépourvu de bulles spéculatives en tsunamis financiers. Entre toute connaissance économique, lÊauteur a soin le manichéisme outrancier – donc forcément de le prendre par la main : lÊon suit les pas de jubilatoire – et lÊinfo précise et documentée, Monsieur Plichon, qui passe du statut de lÊauteur ne tranche pas, et saupoudre son propos BANQUE DE PUTES modeste épargnant à celui de multimillionnaire, de saillies dÊhumour en portant attention à tous par la grâce dÊun ticket de loto gagnant. les détails – ah, la fameuse ascension sociale des Savoureux dès ses premières pages – tous les cartes de visite⁄ ¤ lÊheure où lÊon apprend que de Thibault Soulcié, petits comptes en banque se reconnaîtront dans certains établissements nÊhésitent pas à pénali- 12Bis, le traitement qui leur est réservé par des ser leurs clients pour lÊabsence de mouvements 66 p. couleurs, conseillers financiers peu scrupuleux –, lÊhistoi- sur leurs comptes, cet ouvrage sÊavère revigo- 13 euros re évolue ensuite vers une incursion rant à souhait. imagée dans les mirages de lÊéconomie, de JULIE BORDENAVE

CONCOURS ZOO numéro 23 ¤ gagner : Gagnez 300 € ÿ Rouge Livre 2 : Le Carnaval Aquatique Ÿ de parts dÊinvestissement sur de Johan Troïanowski

Répondez aux questions suivantes avant le 1er mars : Sandawe.com Le magazine ÿ ZOO Ÿ offre à ses chers lecteurs 300 € de 1- Quel est le nom de la première parts dÊinvestissement sur des BD en devenir. planche diffusée par Johan Troïanowski sur le site 30joursdeBD ? Sandawe est un éditeur communautaire. 2- Qui est l'auteur de la planche diffusée ¤ lÊoccasion de son lancement, nous vous offrons le 24 décembre 2009 sur 30joursdeBD ? 6 lots de chacun 50 € pour les premières bonnes réponses 3- Quelle rubrique de 30joursdeBD pro- aux questions que vous trouverez sur : pose chaque semaine 4 planches d'au- teurs amateurs ? www.zoolemag.com

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Toutes les réponses aux questions se trouvent sur le site www.30joursdeBD.com. (Sans trop chercher. Alors n'hésitez pas.) 8 personnes seront tirées au sort parmi les bonnes réponses. Réponses à envoyer à [email protected] avant le 1er mars en indiquant votre nom et adresse dans le mail.

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zoom bd Edward, le héros super, T.1, Abigaïl, Valérian et Laureline de Aseyn Deux ans après la remise du premier prix de la tirent leur révérence Révélation Blog à Angoulême, voici Après plus de 40 ans de bons et loyaux services, les deux héros raccrochent les gants. Une l’album du lauréat 2008, Aseyn. Il banalité dans la vraie vie, mais un événement dans le monde de la BD pour cette série faut reconnaitre créée par Christin et Mézières en 1967. que le jury avait plutôt bien fait son travail car cette aventure d’Edward le super-héros est très réussie. Avec cette histoire farfelue dans laquelle un jeune garçon ayant remporté le concours de dessin de superboy se voit remettre des super-pouvoirs, on se demande si l’auteur n’offre pas une mise en abime humoristique de sa propre victoire à Angoulême, dans tous les cas, il signe avec brio son © Mézières et Christin / DARGAUD arrivée chez les pros. Si vous voulez profiter d’un talent neuf et vous offrir un beau livre, n’hésitez pas. Warum, Vraoum, 80 p. couleurs, 16 € JOHN YOUNG

Les Objets du Désir au Japon, de Agnès Giard Réputé coincés, les Japonais sont pour- tant ultra- inventifs en matière de production érotique. Après L’imaginaire Erotique au Japon et Le Dictionnaire de l’Amour et du Plaisir au Japon, Agnès Giard reprend son bâton de pèlerin pour nous dévoiler 108 objets insolites, allant du faux vagin aux gâteaux fétichistes. Mais au delà du gadget sexuel qui fait glousser ou plisser le sourcil, la jour- naliste de Libé déflore intelligemment quoi reconnaît-on la miner en beauté une saga qui a boucle de la recherche de la Terre et en profondeur la culture japonaise. popularité dÊune série de enchanté tant de lecteurs. Et à la manière dÊun vrai Space Opera C’est hard, instructif… et bande dessinée ? ¤ ses comme avant tout bon baisser de (on sait tout ce que Star Wars doit à passionnant ! chiffresÀ des ventes ? ¤ ses traces rideau, il y a des rappels. Les deux Valérian – voir ZOO numéro 19). Beaux Livres Drugstore, 328 p., 35 € HÉLÈNE BENEY dans lÊinconscient collectif ? Pas auteurs ont choisi de convoquer Mais cÊest lÊépilogue, et son ultime seulement. On peut aussi éplucher pour cet ultime rendez-vous les pirouette, qui rafle la mise en lais- Perdus sur l’île déserte, les statistiques de lÊINSEE. Et à ce principaux personnages croisés au sant le lecteur sur un sentiment de Martin Vidberg petit jeu, les deux agents spatio- fil des albums. Une délectable bienvenu de tendresse et de nostal- Le plus sûr temporels battent des records. En galerie de portraits qui fait remon- gie. De celui qui fait se dire, les moyen de examinant les pyramides des pré- ter à la surface bien des souvenirs : yeux dans le vague, une fois la BD transport ? noms, on découvre en effet que les les shingouz évidemment, la planè- refermée : ÿ Ah⁄quÊest-ce que cÊétait L’avion, si le pilote reste 948 Laureline et les 750 Valérian te Simlane des Héros de lÊéquinoxe, bien ! Ÿ en vie et que nés en France, apparaissent à partir Elmir le président de la guilde de THIERRY LEMAIRE son copilote du milieu des années 80, avec un LÊEmpire des mille planètes, Ralph le n’est pas un imposteur. Sinon, c’est pic au début des années 90. GlapumÊtien des Spectres dÊInverloch, le drame… Naufragés sur une île – Demandez donc à leurs parents Monsieur Albert, le transmutteur VALÉRIAN ET presque – déserte, ces rescapés du quelle est lÊorigine du choix dÊun grognon de Bluxte, et même le dimanche nous rejouent Koh-Lanta LAURELINE, T.21 alors qu’ils sont en réalité échoués des ces deux prénoms pour leur professeur Schroeder et Sunrae de sur une plage corse, à deux pas de la enfant. LÊimmense majorité vous La Cité des eaux mouvantes. Il serait civilisation ! Vidberg lache l’école répondra, la gorge serrée, que leur bien agréable, mais trop long ici pour plonger ses patates dans un adolescence a été sensiblement dÊen faire la liste entière. LÊOuvre temps, Lost burlesque, prétexte à tous les marquée par la lecture de la série. LÊOuvre temps est donc le dernier délires. Prépublié en partie sur son de Christin et Voila une sacrée consécration. album de cette série démarrée dans Mézières, blog Everland depuis août 2008, cet QuÊy a-t-il en effet de plus affectif les pages du journal Pilote à la fin album à l’italienne fait bêtement rica- Dargaud, que le choix du prénom de son des années 60. Le scénario en est ner. Même les allergiques aux fécu- 64 p. coul., lents. enfant ? finalement presque anecdotique, Diantre! éditions, 64 p. couleurs, 13 € Pierre Christin et Jean-Claude avec la conclusion du combat 11,50 euros HÉLÈNE BENEY Mézières se devaient donc de ter- contre les Wolochs qui boucle la

38 Diabolik is back C’est le plus grand des voleurs, mais ce n’est pas un gentleman. Figure de proue de la BD populaire italienne, « Diabolik » revient en librairies. Le cow-boy Tex est le pionnier de la collection que offrent une relecture de ses origines. Un peu super- Clair de Lune consacre aux fumetti, BD italiennes vilain, un peu Fantomas, Diabolik est de ces génies noir & blanc petit format. Avant Martin Mystère et du mal desquels on sÊéprend. Nick Raider, Diabolik fait son retour en France. Clair de Lune propose une édition de qualité, © Castelli, Faraci et Palumbo / CLAIR DE LUNE Créé en 1962 par Angela et Luciana Giussani, papier épais et reliure à rabats. Quelques coquilles catholiques pratiquantes, ce voleur masqué, as du dans la traduction ou les textes dÊaccompagnement déguisement et grand comploteur, initie la tradi- gâchent la lecture, mais la périodicité assure la fré- tion des fumetti neri, où lÊaction le disputent à la vio- quence à laquelle tout récit populaire aspire. lence. Si certains de ses continuateurs (on citera Ne loupez pas ce héros infréquentable : ses Kriminal ou Satanik, de Magnus et Bunker) lorgnent machiavéliques aventures sont servies par des scé- vers le fantastique, Diabolik demeure un thriller, narios implacables et des dessins dynamiques et quelque part entre le récit dÊespionnage et le roman séduisants. Un blockbuster en puissance, pour toutes noir. les bourses. JEAN-MARC LAINÉ Publié depuis 1962, souvent réédité, le personnage a bénéficié dÊune modernisation au début des années 2000. Des dessinateurs comme Emanuele Barison (connu pour De Silence et de sang ou Yakuza) LE GRAND DIABOLIK ou Giuseppe Palumbo sont sollicités. Le noir & T. 1 blanc sÊenrichit de trames, sous lÊinfluence des man- gas. Bref, Diabolik est dépoussiéré. de Castelli, Faraci CÊest dans le cadre de la série Il Grande Diabolik que et Palumbo, sÊinscrit lÊédition de Clair de Lune : des récits du Clair de Lune, passé du héros réinterprétés dans un style contem- 360 p. n&b, porain. Les deux histoires du premier volume pré- 15,90 euros sentent le roi de la cambriole dans ses méfaits, et

39 BD ACTU

zoom bd Mega Krav Maka, de Sapin et Frantico Monkey Business Lorsque deux auteurs de renom, en l’occurrence Mathieu Sapin et Féru de sciences et de narration éclatée, Alexis Laumaillé nous livre le Frantico (auteur fictif derrière lequel se cache Lewis Trondheim) décident deuxième tome de sa « Main du Singe ». Au menu : tatouages indiens, de faire une œuvre à quatre mains, points de suture et Troisième Reich. les lecteurs se les frottent (les mains), tant le résultat devrait être e premier tome de La Main bon. Ce n’est pas tout-à-fait le cas, du singe, paru en 2008, met- cependant. Les aventures humoris- tiques de ces deux auteurs pseudo- L tait en place une intrigue fictifs lors d’un festival au Portugal, savoureuse à souhait. Abel puis autour du monde, sont un peu Appleton, présentateur télé à la

lancinantes, et on a quelque peu du gueule dÊange, voit sa vie basculer © Laumaillé / BAMBOO mal à venir à bout des 192 pages du sur un accident. Miraculé, il ne doit premier tome. Les auteurs aussi, sa survie quÊà des organes prélevés semblent-il, car le graphisme, à la longue, n’est pas des plus enga- sur le corps dÊun colosse – de ces geant. greffes qui ne passent pas Delcourt,192 p. n&b, 8,95 € inaperçues : une mâchoire inférieu- re et un avant-bras. Sur les pièces de Les Passagers du vent : La Petite fille peau rapportées, de mystérieux Bois-Caïman, T.2, de Bourgeon tatouages indiens entraînent malgré Cette suite et fin du dyptique faisant lui le héros déchu dans un engrena- suite à la série origi- ge infernal, par la grâce de deux nelle sort peu de jolies donzelles – Elizabeth Sue, temps après le pétillante infirmière au double jeu précédent album et et Ozalee, gérante de casino, des- c’est tant mieux. cendante des Indiens Choctaw. Graphiquement, c’est splendide. Étant amené à pister la trace de son Mais le choix du flashback pour la donneur décédé, Abel plonge dans narration, et le fait que le récit s’éten- un mystérieux complot mêlant tribu de sur de nombreuses années, font indienne et dignitaires nazis. qu’on a l’impression de lire une histoi- re en accéléré. Pas vraiment le Issu dÊun parcours scientifique, temps pour le lecteur de s’attacher aux personnages secondaires. Pas Alexis Laumaillé nourrit un vrai vraiment le temps non plus de tisser intérêt pour les personnalités limites des intrigues fortes. Le tout donne un (Melissa, sa première série, suivait les petit goût de documentaire historique. pas dÊune serial killeuse sadique) et On ne peut s’empêcher d’avoir la les ambiances sombres, parfois cho- nostalgie de la maestria des cinq pre- quantes. La finesse de son trait – miers tomes. 12Bis, 74 p. couleurs, 15 € croquant avec autant de réalisme les sutures dÊAbel comme les visages Jacques, le petit Lézard géant, T.3, burinés des vieux Amérindiens – Relativement discret, de Libon sert à merveille la psychologie de On ne se lasse ses personnages. Comme les pas de Libon, qui enfants dÊAbel, le lecteur reste est également l’auteur de l’indis- stupéfait devant la vision effrayante pensable Hector de sa gueule cassée, et le suivi de sa deuxième tome sÊembarque dans lection Grand Angle des éditions Kanon chez lente reconstruction sÊeffectue avec une intrigue faisant appel aux éter- Bamboo, dédiée aux ÿ scénarios dignes Fluide Glacial. empathie. Une astucieuse narration nels complots nazis. Mais lÊhistoire des meilleurs thrillers hollywoodiens, avec Malgré le fait que non linéaire permet à lÊauteur de se double en sous-texte dÊune cri- un soupçon de fantastique. Ÿ Dupuis classe privilégier la psyché de ses person- tique historique, par le biais dÊincur- JULIE BEE cette série dans la catégorie « Tout public » (ce qui veut nages à lÊaction, en les ÿ libérant de sions dans les archives secrètes de dire généralement : plutôt pour les leur obligation à faire avancer lÊhistoire Ÿ1, lÊarmée américaine : ÿ je suis fasciné jeunes et les vieux qui sont restés et lÊon regretterait presque que ce par ces archives que les états conservent et LA MAIN DU SINGE, T.2 jeunes), cet album ravira aussi les qui apportent souvent la preuve de autres. Jacques est un énorme lézard barbaries passées. Je ne sais pas intelligent (quoique très con) doté de comment on peut oser garder lÊim- de Alexis Laumaillé, la parole et hébergé secrètement Bamboo, Grand Angle, chez une famille normale. Sauf que moral Ÿ, explique Alexis quand Jacques devient somnambule Laumaillé2. Par ricochet, 48 p. couleurs, et sort la nuit, dévorant au passage émerge la critique dÊune 12,90 euros les chapeaux des petites vieilles, la persistance coloniale : ÿ il me psychose s’installe dans la ville, qui semble que porter un tatouage tri-

se lance dans une « chasse au © Laumaillé / BAMBOO bal a quelque chose de très colo- monstre ». Ajoutez à cela une galerie de personnages tous plus nigauds et nial. Je lÊassimile à un vol de cul- 1 Propos tirés dÊun entretien mené par Brieg loufoques les uns que les autres. ture, une tricherie. On cherche à F. Haslé en mai 2008, publié sur le site Succulent comme un chapeau de appartenir à un club dont on nÊa www.auracan.com, et initialement publié, petite vieille ! pas la carte. Ÿ2 Prévue en trois sous une forme différente, dans [dBD] Dupuis, 48 p. couleurs, 9,95 € numéro 24. tomes, la série trouve à mer- 2 EGON DRAGON Propos tirés dÊun entretien sur le site de la veille sa place dans la col- collection Grand Angle, www.angle.fr

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l et sur les principaux festivals de BD

SUR INTERNET l www.zoolemag.com – avec des bonus l www.relay.com l Facebook BD ACTU Gainsbourg multip À l’occasion de la sortie en salles le 20 janvier de « Gainsbourg (Vie héroïque) », film réalisé par Joann Sfar, les hommages se multiplient ou ressor- tent en cases et en bulles. Viens, petite fille, dans mon !

SFAR RIME AVEC GAINSBARRE⁄

e dessinateur ne sÊest pas contenté de réaliser le film biographique du compo- siteur (voir page de droite), il publie Lsimultanément un diptyque. Le livret Gainsbourg

(Images) nous présente un portrait à plusieurs © Sfar / DARGAUD facettes du musicien. A travers 24 images déta- chables au trait aérien, agrémentées de citations, Sfar dessine une vision feutrée et sensitive du personnage, entre fumée, femmes, et musique. Quant au pavé Gainsbourg (Hors Champ), il contient lÊensemble de son travail lors de la pré- paration du film, issu dÊune quarantaine de car- nets, mélangeant BD, dessins et textes. On y comprend son intention de faire une biographie qui nÊen soit pas réellement une, plus onirique que didactique... Sur le tournage, son comparse Mathieu Sapin a (Armand au dessin), qui était au départ un script joué lÊincruste. En ressort un ouvrage original, de film avorté. Cette BD faute de mieux, qui ne Feuille de Chou (journal dÊun tournage), dans laquelle marquera pas les annales, et dont le héros porte son trait volontairement ÿ brouillon Ÿ fait des ses traits, sera son unique incursion en tant merveilles. Loin de Supermurgeman, le dessinateur quÊauteur de BD, à une époque où il sÊen était offre un récit du quotidien pris sur le vif, un car- plus ou moins détourné après lÊavoir défendue. net de croquis ingénu et frais, qui donne un EXTRAIT DE « IMAGES », DE SFAR Gainsbourg nÊétait pas un ardent bédéphile mais témoignage passionnant et détaillé sur les cou- le deuxième tome de sa série collective Chansons en curieux amateur de tous les arts, il sÊy est inté- lisses du cinéma, mais aussi un regard décalé sur en BD en 1999 (juste après Boris Vian !) à Le Petit ressé sur une période donnée (années 60-70). Il lÊfluvre de Gainsbourg. Et lÊexercice ne semble Gainsbourg Illustré, biographie potache de Gaudin en disait : ÿ On peut faire des étoiles de douleur, des pas avoir effrayé Sapin qui prévoit déjà un jour- et Saint-Paul ou Beauté Cachée, recueil de paroles bulles, on peut prendre un pain dans la gueule, et la case nal de lÊaprès-tournage ! illustrées par Yves Got, sortis lors des dix ans de dÊaprès on nÊa plus rien⁄ Ÿ LÊintérêt du 9e art pour Gainsbourg nÊest pas nou- la disparition du compositeur. WAYNE veau. Pour rafraîchir nos mémoires, les éditions Décédé en 1991, au début du renouveau de la Soleil rééditent dÊailleurs Les Chansons de BD, Serge Gainsbourg se serait sûrement inté- Gainsbourg, en trois ÿ volutes Ÿ, dans lesquelles ressé aux lectures actuelles. Amateur du genre plusieurs bédéistes revisitent les chansons du étant enfant, il nÊy reviendra quÊavec lÊavènement plus célèbre fumeur de gitanes. Disponible en du Pop Art. En 1965, il écrit et interprète les intégrale ou en coffret, la trilogie coordonnée chansons de Marie-Mathématique, animation par Arleston, présente de multiples graphismes signée Jean-Claude Forest. Dès lors, il multiplie- pour de multiples partitions. Une indispensable ra les allusions à la BD dans ses chansons jus- bible pour les mélomanes. quÊau fameux Comic Strip, où Brigitte Bardot aux Hormis Où es-tu, Melody ? de Iusse, en 1987, qui allures de Barbarella déclame des onomatopées. reprenait des textes empreints dÊérotisme et dÊé- Poète, amateur de cinéma et de littérature, vasion, les diverses mises en cases de mixeur touche-à-tout de génie, Gainsbourg a Gainsbourg ont été faites après sa disparition. dÊailleurs officié en qualité de scénariste avec De lÊéditeur Petit à Petit qui lÊavait consacré dès Black Out, paru dans Metal Hurlant en 1983

GAINSBOURGRAPHIE

Gainsbourg (Images) – Dargaud – Sfar Gainsbourg (Hors-Champ) – Dargaud – Sfar Feuille de Chou (journal d’un tournage) – Shampooing – Sapin Les Chansons de Gainsbourg – Volutes 1 à 3 – Soleil – Collectif Chansons de Gainsbourg en BD – Petit à petit – Collectif Le petit Gainsbourg illustré – La sirène – Gaudin/St-Paul Beauté cachée – Albin Michel – paroles illustrées par Got Où es-tu Mélody ? – Vents d’Ouest – Iusse Black Out - Les Humanoïdes Associés – Armand/Gainsbourg

42 CI NÉ & BD

zoom ciné plie les volutes Fantastic Mr Fox, de Wes Anderson © Twentieth Century Fox France © Twentieth La littérature pour enfants de Roald Dahl a été de nombreuses fois portée à l’écran. Mais seul le cinéma d’ani- mation a su vraiment en tirer toute sa substantifique moelle : après James et la pêche géante par Henry Selick, c’est au tour de Wes Anderson de s’y © Universal Pictures International France coller pour un résultat fantastique. Par le biais du stop motion, le réalisa- teur texan réussit le pari de combiner fidélité au roman et à lui-même. L’approche résolument adulte de l’en- fance selon Dahl se mélange magnifi- quement au regard enfantin d’Anderson sur le monde adulte. Le tout produit des sommets burlesques et doux-amers pour un futur clas- sique. Le 17 février

è en salles le 20 janvier The Lovely Bones, de Peter Jackson En une décennie, Peter Jackson est passé du statut de La vie héroïque de Gainsbarre trublion trash au roi du divertissement gigantesque et Des auteurs de BD passant au cinéma, Joann Sfar est certainement le plus ambitieux en épique. L’histoire se frottant au mythe de l’homme à la tête de chou. Le film laisse circonspect. Pour deux terrible de cette adolescente assas- raisons différentes. sinée par un psychopathe, contem- plant depuis l’au-delà le travail de POUR : OUI MAIS⁄ une occasion en or de sortir des le double en carton pâte choisi par deuil de sa famille et l’évolution de sentiers battus. le réalisateur. CÊest peut-être trop son enquête, laissait présager le retour du Jackson intime et cruel de erge Gainsbourg sÊaffichait Hélas, dès que La Gueule sÊabsente, original, cÊest même hors de pro- Créatures Célestes. Hélas, il choisit grande gueule mais son Sfar perd son orientation hallu- pos. de creuser son sillon de l’esthétique image destroy et éthylique cinée. Il se contente par la suite Le film est sauvé par son casting : Panzer, chargée en infographie deS ÿ Gainsbarre Ÿ nÊétait quÊun dÊexhiber ses sosies de Greco, B.B. Laetitia Casta campe une Bardot écœurante et en symbolisme lour- écran de fumée dissimulant une ou Birkin et reproduit sans brio des parfaite, copiant à merveille sa dingue alors que le sujet ne s’y prête grande pudeur, celle de Lucien moments forts ancrés dans lÊimagi- moue boudeuse et son érotisme vraiment pas. Embarrassant puis ennuyeux, il s’agit là de son premier Ginsburg, fils dÊimmigrés juifs naire. Pour redevenir ce quÊil cher- légendaire. La jeune Lucy Gordon gros ratage. russes. Ce cache-cache avec soi- chait à fuir. joue avec émotion et justesse la Le 10 février même et le reste du monde ne pou- frêle et douce Jane Birkin. Eric vait que fasciner Joann Sfar. Surtout CONTRE : NON MAIS⁄ Elmosnino est parfois bon mais A Perfect Getaway, de David Twohy lorsque lÊenfance méconnue de souvent dans la caricature. Et ce Même si ce n’est Gainsbourg révèle un ardent désir Alors que nous sommes en plein travail de funambule qui consiste à pas un grand maître, on a tou- dÊexpression artistique par le visuel débat sur lÊidentité nationale, les jouer un être qui a existé sans le tra- jours éprouvé une alors que ses aptitudes naturelles producteurs français ont depuis hir est très difficile, cÊest pourquoi il grande sympathie à pour la musique sont claires et ne plusieurs années décidé de piocher a valu un Oscar à Jamie Foxx pour l’égard de David demandent quÊà être développées. dans les grandes figures françaises Ray. Twohy et ses séries Pendant un bon moment, Sfar sur- du XXe siècle pour faire rêver le Restent quelques moments dÊan- B parfaitement prend agréablement en délaissant public. Après Edith Piaf, Mesrine, thologie, quand Joann Sfar choisit troussées. Et celle- ci est vraiment un les écueils illustratifs de la biogra- Coluche, Coco Chanel, Serge de respecter la réalité des faits, déjà bon cru. De jeunes mariés en lune de phie pour un angle ÿ psychanalyti- Gainsbourg ! Génie ô combien pro- si forte, quÊelle nÊavait pas besoin miel à Hawaï s’adonnent aux joies du co-poétique Ÿ. En effet, tel Janus, le vocateur, ayant traversé les décen- dÊajouts superflus. Ainsi la mise en trekking en milieu tropical alors que jeune cinéaste offre un deuxième nies, rencontré les plus grands lumière de lÊenfance de Lucien des meurtres sauvages sont perpé- visage au petit garçon, La Gueule. artistes et goûté aux plus belles Ginsburg, dans la France occupée, trés par un couple de tueurs en série. ¤ mi-chemin entre la caricature femmes. Il y avait donc matière à entre terreur et rires étouffés, est Rien de révolutionnaire ici. Juste un pur plaisir de faux-semblants et de offensante du Juif et celle de nous en mettre plein les mirettes, et très réussie. Un résultat mi figue mi brouillages de pistes. Twohy fait gran- Gainsbourg version dandy, ce dieu sait quÊil était attendu ce film. raisin qui ne satisfera personne, ni dir la tension et fouette notre sang double fait basculer Gainsbourg (vie On aurait voulu vibrer, être ému les fans de Sfar, ni ceux bien plus avec maestria grâce à une mise en héroïque) dans le conte bizarre. Aidé aux larmes comme on lÊavait été nombreux du grand Serge. scène très comic book de par son en outre par une direction artis- pour Ray devant la performance dynamisme et son inventivité. Le 27 janvier tique irréprochable, Sfar tient là des acteurs. Ici, on est dérangé par L.A. ET J.F. JULIEN FOUSSEREAU

43 S EDW A&-NB AGCEINNDÉ

zoom ciné Anvil! The Story of Anvil La Princesse et la grenouille entre tradition et modernité Studios est enfin revenu à ce qu’il sait faire de mieux : de l’animation traditionnelle comme au bon vieux temps. Miracle et réjouissances ? Et tellement plus encore… © Zootrope films / Photo by Brent J. Craig On connaissait l’hyper culte Spinal Tap, documentaire hilarant sur un groupe de heavy metal sur le retour. Anvil vous raconte l’histoire de la for- mation speed metal éponyme qui, elle, n’a jamais réellement percé. Sauf que tout est authentique ici. Et il faut se pincer pour y croire avec ses amplis réglés à 11 et le nom du bat- teur Robb Reiner. Pourtant, une fois

acclimaté, on est touché par l’huma- Disney Studios Motion Pictures France © Walt nité de l’ensemble, par la passion, l’obstination de ces hommes face à l’adversité. Pas besoin d’aimer leur musique pour être bouleversé. C’est la force d’Anvil, un des meilleurs docus sur le rock de ces dernières années. Respect. Le 3 février

Là-haut Repartez à l’aventure avec Carl et Russell tant Là-haut représente une Êannée 2009 fut un cru nécessité de fusionner tradition et le Dr Facilier, le diabolique sorcier certaine idée du bonheur exceptionnel pour le ciné- modernité afin de réinventer le fée- cousin de Jafar, témoignent de cinématographique à tout âge. Même si la sensa- L ma dÊanimation, entre la rique (voir encadré). En effet, plan- lÊamour que Musker et Clements tion d’immersion 3D n’a beauté numérique de Là-Haut, le ter le décor dans une pas fait le chemin jusqu’à domicile, le stop-motion (animation image par Louisiane se révèle judi- WALT DISNEY ANIMATION STUDIO : dernier-né de l’excellente maison image) de Coraline ou la pureté cieux à plus dÊun titre. Car DE LA DÉCHÉANCEÀ LA RENAISSANCE Pixar n’en demeure pas moins un vieille école de Ponyo. 2010 démar- La Princesse et la grenouille par- immense film. Et le Blu-ray a de quoi re sous les meilleurs auspices avec vient à greffer le passif de Retour cinq ans en arrière. Les patrons de vous donner envie de faire décoller Mickey annoncent le démantèlement de sa votre maison avec une présentation la renaissance du plus inestimable Disney dans le conte uni- mythique structure pour se consacrer à l’anima- parfaite et deux courts : le sublime- des Phénix : le studio dÊanimation versel et abstrait avec les tion 3D. Les jours de gloire sont derrière elle ment poétique Passages nuageux et traditionnelle Walt Disney. mythes concrets de cette avec des grosses machines flemmardes et l’hilarant Dug en mission spéciale. terre de brassages cultu- déconnectées du public (La Planète au trésor, Les fans seront ravis d’apprendre Dans un présent cinématogra- rels⁄ et ethniques. Frère des ours), et un chef d’œuvre incompris que l’équipe s’est déplacée au phique de plus en plus embouteillé (Kuzco, l’empereur mégalo). Le mal est bien Vénézuela pour rendre compte de sa réel, les mesures appliquées stupides : le pro- richesse végétale. par les images infographiques, le LÊannonce de Tiana en pre- blème n’est pas tant dans la forme que dans le Un Blu-ray Walt Disney Studios Home retour aux sources de Disney sÊavè- mière princesse (de cflur) fond. Preuve s’il en est avec les productions 3D Entertainment re jubilatoire. Dès les premières noire était attendue au du cru, à des années lumières du studio à la minutes, on se rend compte à quel tournant, vu le conservatis- lampe à coulisse. Il faudra patienter jusqu’au Ponyo sur la falaise point le studio était synonyme de me notoire de Disney. rachat de Pixar et le transfert de John Lasseter Po-nyo Po-nyo Ponyo perfection formelle. De cette réali- LÊessai est transformé avec vers la direction artistique de Disney (dont il fut sakana no ko… Telles l’ancien chef de l’animation et débarqué sont les paroles origi- sation bicéphale de John Musker et une direction artistique quelques années plus tôt), pour que ce constat nales de la chanson Ron Clements, on retrouve ce trait pleine de respect pour le de bon sens soit enfin pris en compte. En effet, concluant le dernier unique dans lequel chaleur et préci- character design (création sa première décision à ce poste fut de réinscri- Miyazaki. Une tendre sion nÊont dÊégales que la fluidité graphique de personnage) re la production de films d’animation tradition- comptine, à la fois obsé- exceptionnelle des mouvements ; et lÊintégration du folklore nelle aux cahiers des charges. dante et entêtante, qui donne envie un caractère organique et vibrant local dans lÊécriture. Tout de mettre en sourdine le cynisme au profit de notre innocence endormie. ayant fait les grandes heures du stu- dans le film respire le sud de portent à leurs personnages. Ils Ce morceau est un des nombreux dio avec Aladdin. Tout cela nous Tennessee Williams, la moiteur du sont bien plus que des moteurs de suppléments évoqués. Notre préféré rappelle que cette beauté formelle bayou et la magie vaudou, cette gags hilarants ou des interprètes de est incontestablement le reportage est encore hors de portée des cal- dernière étant la source des ennuis chansons redoutables dÊefficacité : relatant la production du film ainsi culs informatiques. de Tiana la bosseuse obstinée et ils sont des êtres entiers au service que l’interview du maître. On regrette- Naveen, son (futur) prince char- dÊune belle histoire, quoique atten- ra juste que ces passionnants bonus soient présents uniquement sur le Ce plaisir visuel se voit décuplé par meur, sans-le-sou et cossard. due. Mais on ne se lasse pas de la Blu-ray. Les acheteurs du DVD la transposition futée du conte des revoir lorsquÊelle est aussi bien devront se contenter du film. frères Grimm dans la Nouvelle- Et que ces deux là vont bien racontée. CÊest ça aussi, la magie de Un Blu-ray Walt Disney Studios Home Orléans des années 1920. Comme ensemble. ¤ leur image, les aco- Disney. Entertainment si les déconvenues récentes de lytes tels que Louis lÊalligator trom- JULIEN FOUSSEREAU JULIEN FOUSSEREAU Disney avaient débouché sur la pettiste au swing digne de Baloo ou è en salles le 27 janvier

44 BD JE UN ESSE

zoom bd jeunesse Super-héros passe-partout Docteur Poche, Intégrale 1, période 1976-1979, de Wasterlain Madeleine Auteur de nombreuses séries chez l’éditeur Emmanel Proust, Tarek nous gratifie d’un pour toute une génération de nouveau héros loufoque : un nain, capable en cas de nécessité de devenir... Supernain ! lecteurs de Spirou, la l est en apparence un sympa- magie du thique voisin de banlieue, Docteur Poche doté dÊune ÿ petite Ÿ particu- revient I enchanter larité physique. Mais derrière ce l’imaginaire de look de gars bien se cache nos enfants. Supernain, un super-héros prêt à Derrière ce rouler (en chappy) au secours de la médecin de famille de quartier, au veuve, du chat et de lÊorphelin. nez incroyablement long et au man- teau rouge (volant) se cache un prati- Pourtant, ce justicier de poche a un cien secrètement magicien, qui met problème de taille : une fâcheuse de la poésie dans toutes ses aven- tendance à débarquer après Roger tures. Une bienveillance amicale Super, autre vengeur que la ville PROUST et Bouss / EMMANUEL © Tarek qu’on retrouve dans ces intégrales, porte aux nues. Dans ces condi- Après Les Sept Nains et demi, Les 3 Petits réussite puisquÊun coup dÊflil à dont ce premier opus reprend les tions, difficile de faire son trou Cochons ou Le Petit Mamadou Poucet, le cette BD donne la superbanane aux trois premiers albums de la série ainsi que des récits inédits. Un déli- dans le métier comme à la une des prolifique Tarek revient avec une grands, comme à leurs nains. cieux classique à redécouvrir en tabloïds. En quête de reconnais- nouvelle fantaisie, conte décalé HÉL˚NE BENEY famille. sance, le mini surhomme tient sa politiquement incorrect qui joue Dupuis, 240 p. couleurs, 24 € revanche le jour où le parfait Roger avec le lancé de nain, les codes des HÉLÈNE BENEY (fraîchement licencié) prend en comics et les tous pourris syndica- SUPERNAIN otage les enfants de lÊécole. Ha-ha ! listes du crime. Cette rigolarde Hatshepsout Princesse d’Égypte, de Tarek et Bouss, de Cédric Tchao et Marc Depeyrot SÊensuit un gloubiboulga géant parodie bénéficie de lÊexpressif Emmanuel Proust, Hatshepsout dans lequel Supernain va devoir dessin – joyeux, coloré et entière- 32 p. couleurs, n’a pas qu’un combattre le plan diabolique éla- ment réalisé sur ordi – dÊun nou- nom rigolo ! En boré par les supervilains associés⁄ veau venu dans la BD : Bouss. Une 9,90 euros assurant la régence pour son neveu Thoutmosis III, cette Reine- Réjouissantes régressions Pharaon mar- qua la destinée de l’Égypte de ses 20 années Diffusées sur France 3 et Canal J, les péripéties parfois scatologiques de Samson et Néon de règne. Brillante, elle ramena la – un petit garçon blond et son pote extraterrestre – font l’objet d’un septième tome chez paix dans le royaume et tentera d’as- Glénat. Gaz de dispersion massive largués ! seoir sa légitimité. Une gloire lui valant la haine de l’héritier, qui élimi- nera jalousement sa trace à sa mort. ipi, caca, prout. Telle JÊimagine déjà nos lecteurs, en non-conventionnelles. Il nÊen Ce premier manga français historique pourrait être la devise ins- parents émérites, se jurer de pré- demeure pas moins vrai que les raconte la vie d’une femme hors crite sous les armoiries de server leur têtes blondes de ce gags concoctés par lÊauteur sont norme et assouvit la curiosité grâce à P un mini-dossier pédagogique en fin Tébo. ÿ Pipi Ÿ, parce que lÊauteur a genre de lecture. Pourtant, Samson efficaces ; il faut ajouter que le des- de tome. illustré un album aussi amusant & Néon est une série moins bête quÊil sin contribue grandement à leurs Milan, 208 p. n&b, 11.50 € quÊinstructif sur ce sujet1 qui sortira nÊy paraît. Son créateur, à lÊinstar effets. Pour sÊen convaincre, on HÉLÈNE BENEY au mois de mars. ÿ Caca Ÿ, parce de Zep avec Titeuf, sÊappuie sur la peut désormais regarder sur France quÊen novembre 2008 avait été réalité des enfants. Même si cer- 3 ou Canal J les épisodes animés de Studio Danse, T.4, Crip & Béka taines histoires se déroulent sur Samson & Néon ou se procurer le sep- Studio Danse rappellera des dÊimprobables planètes, toutes gar- tième tome de leurs aventures. souvenirs à SAMSON ET NÉON dent leur attache avec le monde toutes les T. 7 réel, le but de Tébo étant de dédra- KAMIL PLEJWALTZSKY petites filles qui ont un jour matiser les petits tracas des cours 1 In pipi véritas en collaboration avec chaussé les de récréation par la farce, quitte à Richman et Sheth, ed. Glénat, 2010 Cosmik Comiks, pointes et lissé faire usage dÊarmes scatologiques 2 Ibid, ed. Glénat, 2008 de Tebo, Glénat, leur chignon 48 p. couleurs, 9,40 euros pour effectuer le grand plié à la barre. Dans publié In caca véritas2, un traité du ce nouveau tome, Julie, Luce et Alia même acabit qui analysait les diffé- continuent de s’adonner à leur pas- rents type dÊétrons. Enfin sion, tout en déjouant les mesquine- ries de leur rivale Carla, plus peste ÿ prout Ÿ, parce que cÊest lÊarme que jamais à l’approche de l’audition. mortelle, celle quÊaffectionnent Des gags en une planche croquant le Samson et son copain extrater- quotidien de la vie d’une ballerine, restre Néon pour terrasser les entre exercices rigoureux et jeux différentes menaces, qu Âelles amoureux… soient intergalactiques ou issues de Bamboo éditions, Coll. Humour Sport, 48 p. couleurs, 9,95 € ce bas monde. / GLÉNAT © Tebo ROCKET QUEEN

45 S EDW A&-NB AGAENRTD

zoom art La Face cachée des fesses, de Caroline Pochon et Allan Rothschild « Comment BD Music trouves-tu mes fesses ? – Très facilement. » Voici des albums à écouter et à lire l’une des innom- brables citations 2 CD + 1 BD = 20 euros. Dans une industrie musicale en pleine crise de mutation, un label (celle-ci est de Frédéric Dard) qui parsèment cette a trouvé l’équation qui permet de réconcilier mélomanes et bédéphiles. monographie consacrée à une pièce bouchère de choix du corps humain, objet de culte, forcément. Des extraits ées dÊune double passion de Gainsbourg, Vian, Agnès Giard, pour la musique et la Anaïs Nin, Pierre Louÿs, Balzac, bande dessinée, les édi- Sade ou encore Alina Reyes, accom- tionsN BD music, riches dÊun cata- pagnent des photographies, des logue de près de 150 titres, portent

tableaux ou des sculptures, tous © Corréa / BD MUSIC ayant trait bien sûr à la représenta- depuis 2004 lÊambition de faire tion dans l’histoire de ces « émi- découvrir les compositeurs ou nences charnues » dont le mystère interprètes qui ont marqué leur est loin d’être percé. Entre sociologie, genre musical. LÊensemble compose érotisme et sémiologie, ce parcours une sorte dÊencyclopédie, dont est également décliné en un DVD du même nom, conjointement édité par chaque ÿ article Ÿ se présente sous Arte et la RMN. la forme dÊun livret longbox, conte- Arte éditions / Democratic Books, 264 p., nant deux CD dÊenregistrements 200 illustrations, 29,90 € choisis (autrement dit, un best-of, OLIVIER PISELLA souvent généreux car lÊéditeur rem- plit la galette aux limites de sa capa- Les auteurs « Métamorphose » chez Arludik cité), agrémentés dÊun récit en Nous vous avions bande dessinée de 22 pages, et de parlé de cette col- notices biographiques soignées. lection hors norme Si certains albums ont su attirer des dans le précédent dessinateurs de renom (on pourra numéro de ZOO, citer Cabu, Loustal, Berberian, voici la possibilité d’en voir les œuvres Denis, Igort, Crumb, Hausman, de plus près. La Goetzinger, Ferrandez ou Pinelli), ILLUSTRATION DU LIVRET DE « MOZART » PAR PABLO CORRÉA galerie Arludik organise en effet en ce la collection se veut également un début d’année une exposition qui réu- tremplin pour de jeunes artistes qui du musicien, sous forme de bande dessinée ne chante certes pas, mais dont les nit le travail de J. Almanza, M. y font leur première publication, ou de grandes planches dÊillustration Ÿ. B.O.F révèlent un mélomane Arenas, G. Bianco, B. Canepa, B. comme Yannick Corboz, Frederik Après sÊêtre consacré aux seuls authentique. Rock, reggae et mu- Lacombe et A. Merli, à travers une scénographie où des rideaux en taffe- Salsedo, Claire Braud, Kerascoët, artistes de jazz (dont Django sique classique sont également au tas, un fauteuil victorien, un tapis de Gregory Elbaz, Aude Samama et Reinhardt, Billie Holiday ou Ella programme, avec pour cette derniè- feuilles mortes et une poupée sus- bien dÊautres... Une diversité gra- Fitzgerald, les titres phare à ce re, des ÿ interprétations légen- pendue accueillent le visiteur pour le phique voulue par le fondateur du jour), BD Music sÊest ouvert à des daires Ÿ. Le mot nÊest pas usurpé : préparer à l’atmosphère délicieuse- label Bruno Théol, qui insiste aussi genres différents : le blues (B.B. lÊalbum consacré à Chopin (et dont ment décadente qui entoure ces sur lÊabsence de cahier des charges : King, Muddy Waters, John Lee le livret dÊinspiration dada est réa- superbes dessins. À découvrir. « Métamorphose », jusqu’au 27 février, ÿ Ce qui mÊimporte est que lÊartiste sÊexpri- Hookers⁄), la chanson française lisé par le dessinateur de presse Galerie Arludik, Paris IVe me librement et mette toutes ses tripes dans (Brassens, Fernandel, Brel⁄) ou dÊorigine polonaise Wozniak) don- THIERRY LEMAIRE son dessin Ÿ. Les consignes laissées internationale (Dean Martin, James ne une large place à Arthur aux dessinateurs sont donc très Brown, The Platters⁄), et même la Rubinstein, tout en incluant des José Muñoz à la galerie Martel ouvertes : ÿ Vous pouvez illustrer la bio- musique de cinéma, avec Marylin enregistrements par Sergueï Rach- Le dessinateur graphie, choisir une anecdote dans la vie du Monroe, Judy Garland, Rita maninoff de 1929. Plus mythique, argentin José Muñoz, Grand Prix musicien ou créer un récit à partir de la vie Hayworth ou Woody Allen – qui on ne fait pas. de la ville JÉRłME BRIOT d’Angoulême 2007, est passionnant à écouter (voir ZOO n°11). À l’occasion de la sortie de la seconde partie de Carlos Gardel, la voix de l’Argentine, la galerie Martel ouvre ses portes au disciple d’Alberto Breccia et d’Hugo Pratt pour une exposition passion- nante à regarder. Des planches de Carlos Gardel et beaucoup de por- traits (la plupart bien sûr en noir et blanc mais pas seulement) pour découvrir d’autres facettes du dessi- nateur d’Alack Sinner, la série phare qui l’a fait connaître en . «José Muñoz », jusqu’au 24 février, Galerie Martel, Paris Xe THIERRY LEMAIRE

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E RT VE OU REDÉC Raoul Fulgurex : dans les coulisses de l’imaginaire Dans quelle bande dessinée aurez-vous l’occasion de croiser Tintin, Clark Kent, King Kong, les révoltés du Bounty et Valérian ? Mais dans « Raoul Fulgurex », bien sûr !

aoul Fulgurex est contrôleur dÊintrigues de troisième échelon pour une série B. Son boulot consiste à vérifier que tout Rse déroule selon le script prévu et que les person- nages des univers de fiction ne se lancent pas dans une improvisation fâcheuse. Et tant pis si Wang-Ho le sanguinaire se sent lÊâme dÊun poète : ce nÊest pas dans le script ! La mort de la pulpeuse Balmine Fuso, perle des caraïbes, en

revanche, est écrite, décidée par un rond-de-cuir et Gelli / GLÉNAT © Tronchet du cinquième bureau. Pris dÊune étrange impul- sion, Fulgurex commet lÊirréparable : il intervient dans la série et sauve la malheureuse. Ce qui lui vaut un inoubliable baiser, mais aussi une affecta- tion disciplinaire dans la brigade de fiction. PuisquÊil aime tant intervenir dans les séries, Fulgurex devra désormais éviter que le personna- ge principal dÊune série très populaire ne soit vic- time dÊun attentat. Le héros en question est un preux reporter à houppette, accompagné dÊun fox-terrier, en pleine enquête sur un trafic inter- national de drogue dissimulée dans des boites de crabe⁄ Ça vous rappelle quelque chose ? CÊest exprès.

QUE NUL NÊENTRE ICI SÊIL NÊEST TINTINOPHILE

Les expressions ÿ Karaboudjan Ÿ, ÿ caisse de sar- dines Ÿ, ÿ sale chink Ÿ et ÿ fils du dragon Ÿ ne vous évoquent rien ? Aïe ! Ne pas avoir lu Tintin nÊempêche certes pas de lire Raoul Fulgurex, mais ce serait passer à côté de tout ce qui fait le sel de la saga, tant les références à lÊfluvre dÊHergé y un trait mêlant des décors réalistes et des person- mule. Avec un tel parcours, Tronchet fait figure sont nombreuses et savoureuses. Le Tintin quÊon nages semi-caricaturaux, avec une profusion de de candidat idéal pour le Grand Prix dÊAngou- croise ici est moins angélique que lÊoriginal et détails comiques en arrière-plan. lême ! nettement plus porté sur les plaisirs de lÊexisten- La série est créée en 1989 dans le numéro 129 de Après Raoul Fulgurex, distingué par un AlphÊArt ce. Du moins, il le serait sÊil nÊavait pas tout le Circus, magazine des éditions Glénat qui vivait catégorie humour, Tronchet et Gelli poursuivent temps des contrôleurs dÊintrigues à ses basques, ses dernières heures. Tronchet est à cette époque leur collaboration avec Patacrèpe et Couillalère, série pour lÊempêcher de donner libre cours à ses bas en pleine explosion créative. Son personnage animalière de gags en une planche. Curieu- instincts. Le scénario nécessitant, par effet de Raymond Calbuth est déjà bien installé, avec trois sement, Gelli abandonne le style semi-caricatural contraste, de représenter Tintin dans un style réa- tomes parus. Le premier volume des Les damnés de dans lequel il excellait, pour un dessin ÿ jeté Ÿ liste le plus éloigné possible de la ligne claire, la Terre associés, prépublié dans Fluide Glacial et finalement moins personnel. Preuve en est que Tronchet, conscient de ses limites techniques, édité aux éditions Delcourt, a été récompensé Tronchet reprendra cette série seul, en réhuma- confie le dessin à Dominique Gelli. Secondé par par le Prix de la Critique, et Jean-Claude Tergal nisant les personnages, sous le titre Deux cons. la coloriste Marie Roubenne, ce dernier adopte vient dÊêtre créé, toujours dans Fluide Glacial. JÉRłME BRIOT TRONCHET, LE POLYMORPHE

Par la suite viendront les années de diversifica- tion artistique. Tronchet écrit, en plus des bandes RAOUL FULGUREX, dessinées, des romans, un spectacle de one-man- INTÉGRALE show (quÊil interprète lui-même), et même un film, Le Nouveau Jean-Claude. Il multiplie les colla- borations et passe du seul humour à un registre de Tronchet et Gelli, plus ouvert. Journaliste de formation, il sÊautorise Glénat, Les Intégrales,

© Tronchet et Gelli / GLÉNAT © Tronchet également un retour à son premier métier, en 176 p. couleurs, devenant le rédacteur en chef de lÊEcho des 15 euros Savanes, le temps dÊen lancer une nouvelle for-

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ES WU NIQE IAT- ABGDEANSD

zoom bd Asie Special A, T.5, de Minami Maki Hikari Hanazono Humains après tout est obsédée depuis l’âge de 6 ans par la compétition avec On n’en a pas fini avec Tezuka, « le Dieu du manga », puisqu’après toutes les ressorties Kei Takishima. Au d’un nombre impressionnant de séries du Maître chez divers éditeurs, c’est au tour de delà du prévisible béguin développé à Naoki Urasawa, l’auteur de « Monster » et « 20th Century Boys », de donner sa propre un moment par Kei vision d’un épisode d’« Astro Boy » – une série de Tezuka. envers son challen- ger de toujours, il est intéressant de lire cette série sous un angle social. Hikari provient e robot le plus fort du monde est d’une famille assez modeste mais, une suite de chapitres grâce à sa volonté farouche et à son dÊAstro Boy où le petit acharnement au travail, elle parvient robot,L qui fait partie des sept à intégrer une école d’élite, le lycée androïdes les plus forts du monde, privé Hakusenkan, où la crème de la crème est dans la section « Special doit combattre Pluto, celui qui a A » qui donne le titre au manga. On déjà battu tous les autres. Naoki retrouve donc dans l’enceinte clas- Urasawa reprend cette trame avec sique des shôjos, l’école, une version son propre style et surtout sa miniature de l’hyper compétitivité typi- propre vision du monde. La quement japonaise. confrontation avec lÊunivers de Tonkam, 224 p. n&b, 6,25 € CAMILLA PATRUNO Tezuka est passionnante : cÊétait un optimiste fondamental, qui cher- Blessures nocturnes, T.4, de Osamu chait à tirer le bien des hommes Mizutani et Deiki Tsuchida, quels que soient les malheurs qui « Je dis toujours leur arrivent – et ces malheurs sont de faire quelque souvent des transformations phy- chose pour les autres, c’est une siques (Princesse Saphir, Kirihito⁄). recette vraiment Alors que les gens ne changent pas efficace. » Pas à chez Urasawa, cÊest même un pro- rechigner, ce blème puisque les jeux dÊenfants manga devrait être deviennent une réalité catastro- remboursé par la phique dans 20th Century Boys, et Sécu tellement ses propos sont bourrés de saines évi- que le tueur en série de Monster ne dences. Le scénariste, Mizutani, varie jamais sa trajectoire funeste : narre par bribes son expérience réel- il y a une part de mal au fond de le d’enseignant dévoué et, surtout, de chacun dans les mangas dÊUrasawa, « guetteur », c’est-à-dire d’homme à dans le cadre dÊun combat contre l’écoute des jeunes en détresse. De soi-même. jour comme de nuit, Mizutani tente de sauver les désespérés qu’il croise au lycée ou ailleurs. Sans arrière-pensée Ensuite, Urasawa est fasciné par religieuse et moralisante. Juste une lÊAllemagne (comme pas mal mission sans gloire qui nourrit l’espoir dÊautres auteurs de mangas, en l’être humain. Et c’est assez rare dÊailleurs) et plonge tout de suite pour être souligné. sur le versant allemand de lÊhistoire Productions ,Tezuka NAGASAKI / Studio Nuts,Takashi © 2004 Naoki URASAWA PLUTO Casterman, Sakka, 202 p. n&b, 6,95 € EXTRAIT DE PLUTO T.1 CHRISTIAN MARMONNIER de Pluto contre Astro : le protago- niste principal est Gesicht, un ins- finissaient par faire sÊinterroger celui des gros nez ronds et des Ekeko, T.1, Cérémonie, pecteur-robot à lÊaspect humain Pluto sur les volontés de son créa- grands yeux de Tezuka : il redessi- de Jason Dilukeba très avancé (Gesicht veut dire visage teur despotique. La version ne chacun des robots les plus forts Jason Dilukeba en allemand) qui enquête sur dÊUrasawa est plus noire, puis- du monde avec beaucoup dÊhuma- connaît ses clas- lÊÿ assassinat Ÿ des robots les plus quÊaprès sÊêtre demandé comment nité, et la rencontre avec Astro siques, de One Piece à Dofus. forts du monde, dans un futur se loge le Mal dans lÊesprit humain dans la dernière planche du tome 1 Pour sa première proche où les robots sont parvenus avec Monster et 20th Century Boys, il est une excellente motivation pour série, il choisit à un niveau de développement tel avance dans la même enquête chez se précipiter sur le tome 2 ! d’agrémenter la tra- quÊils vivent en couple, se fondent les robots. Après tout, sÊil doit y ditionnelle quête dans la masse dÊune société pacifiée avoir un jour une révolte des BORIS JEANNE initiatique d’élé- à lÊissue dÊune grande guerre. robots comme le fantasment les ments tribaux, ins- pirés tant de l’Afrique que de Américains (voir la franchise l’Amérique du Sud. Sur une île du Tezuka avait développé Le robot le Terminator), il sÊagirait de savoir si Pacifique régie par les quatre grands plus fort du monde comme une illus- cette idée leur est venue dÊeux- PLUTO éléments, les tribus s’organisent en tration de la vacuité de vouloir être mêmes, ou si on lÊa implantée en T. 1 castes. À la fois rusé et tire au flanc, absolument le plus fort : Astro en eux. petit mais vaillant, le jeune Keta veut sortait vainqueur non pas parce Le robot le plus fort s’émanciper de sa condition de dan- du monde, de Naoki seur pour rejoindre la caste des guer- quÊil était doté de la plus grande Urasawa recentre le récit non sur riers. Avec Ekeko, Jason Dilukeba a puissance, et cela malgré une opé- les combats comme Tezuka, mais Urasawa, dÊaprès été le lauréat 2009 du concours BD ration qui lui avait fait atteindre le sur lÊenquête : Gesicht cherche à Osamu Tezuka, manga SFR Jeunes Talents million de chevaux-vapeurs, mais comprendre Pluto pour lÊarrêter. Kana, 202 p. n&b., 3TPF, 112 p. n&b, 9,90 € parce quÊil était investi de valeurs DÊoù lÊutilisation dÊun style gra- 7,35 euros ROCKET QUEEN comme lÊamitié et la fidélité, qui phique beaucoup plus réaliste que

50 zoom bd Asie La Promesse, de Shohei Kusunoki Lost+Brain : Les éditions Cornélius continuent d’exhumer des tré- l’hypnose pour changer le monde sors cachés. Ici, il s’agit d’entraperce- La courte série « Lost+Brain » (trois volumes), éditée en France par Kurokawa, est sou- voir l’œuvre d’un des auteurs phare du vent comparée avec « Death Note », grand succès paru chez Kana. Ce parallèle a-t-il lieu magazine pour d’être ? Forces et faiblesses de ce thriller sur le contrôle mental. adultes Garo, qui tint une place prédominante dans les mouvements contestataires des en Hiyama, brillant lycéen années 1960. Kusunoki (1944-1974) dégoûté par tout ce qui est à mettre sur la même marche que lÊentoure, décide, comme Shin’ichi Abe et Yoshiharu Tsuge. La LightR Yagami, le héros de Death dizaine de récits qui composent ce Note, de changer radicalement le livre, publiés entre 66 et 73, décrivent le quotidien du peuple, dans sa bana- monde, le façonnant sur ses valeurs lité, et donne à voir les transforma- morales. Par contre, il nÊa a pas la tions brutales de la société japonaise, finesse de joueur dÊéchec du prota- du traditionalisme à l’industrialisation goniste de Death Note, et affiche forcée, qui ont opéré à la fin du siècle dÊentrée une mégalomanie trop dernier. dérangeante et un mépris trop Cornélius, coll. Pierre, 300 p. n&b, 24 € ouvertement appuyé pour quÊon CHRISTIAN MARMONNIER puisse adhérer à ses ÿ bonnes inten- Letter Bee, T.4, de Hiroyuki Asada tions Ÿ... LÊadversaire de Ren – lÊex- Les larmes conti- © 2008 Tsuzuku YABUNO, Akira OTANI / Shogakukan Inc. Akira OTANI YABUNO, © 2008 Tsuzuku / Shogakukan Inc. Akira OTANI YABUNO, © 2008 Tsuzuku pert en hypnose Itsuki Kuonji, avec nuent de couler dans lequel il engage une confrontation à ce nouveau tome distance et une course contre la des aventures des Bee, les facteurs montre – nÊest pas, lui non plus, à la spéciaux du monde hauteur de son homologue dans metteurs, notamment les petites steampunk Death Note, malgré ses efforts de graines dÊune critique sociale. Par d’Amberground, look ! exemple, le mot-clé faiblesse – cette plongé dans les Dommage que Lost+Brain souffre ÿ honte Ÿ que Ren veut effacer de ténèbres. La récep- autant la comparaison : son idée de lÊâme humaine : facile dÊimaginer sa tion de certains messages est en effet assez émouvante… L’auteur départ, une réflexion autour de la portée dans une société comme continue de creuser son univers très manipulation et du libre arbitre, fas- celle du Japon, toute en pressions riche – la capitale Akatsuki, les cine par le moyen adopté par Ren constantes, subordonnée aux insectes, les dingo. Le succès de la pour parvenir à ses fins : lÊhypnose. mythes dÊexcellence au travail et série au Japon a donné naissance en Dans le premier tome, on entre- aux attentes énormes dès le plus 2009 à un anime. Le protagoniste, le prend même de nous expliquer tendre âge. Le premier acte concret petit Lag, qui était un « colis » au début, est aujourd’hui un « livreur » quelques fondamentaux de cette de Ren, lÊexplosion dÊun immeuble et, suivant l’exemple de son modèle science, ce qui ancre le contrôle gouvernemental, titille les esprits qu’il essaye de retrouver, Gauche, il mental dans un contexte plutôt avec des promesses de pétage de met sa vie constamment en danger concret, réfutant la comparaison plombs : un hymne à lÊanarchie au pour amener à leurs destinataires des avec Code Geass, suggérée par plu- Japon, ça serait vraiment osé ! lettres et des messages importants. sieurs critiques. En France, il existe Malheureusement, le soufflé retom- Que les postes françaises jettent un œil à ce manga ! bel et bien une Académie dÊhypno- be vite de ce côté-là. Kana, 182 p. n&b, 6,25 € se ericksonienne, ainsi quÊune Il restait un certain potentiel psy- CAMILLA PATRUNO Association pour lÊétude de lÊhypno- chologique, recélé par la figure se médicale, celle-là même prati- secondaire de Sonoyama : sa vie Le Samouraï Bambou, T.2, quée par Kuonji... quoiquÊavec des ayant radicalement changé grâce à de Taiyou Matsumoto et Issei Eifuki résultats sûrement moins mirobo- lÊhypnose de Ren, elle développe creusée. Il y a 200 ans, un rônin au passé lants ! une attitude dÊilluminée, typique Le projet des auteurs de Lost+Brain mystérieux arrive à On trouve dans le premier tome de des néo-adeptes des sectes, qui est hélas comme celui de ses prota- Edo et y troque son Lost+Brain des éléments assez pro- aurait pu être plus amplement gonistes : potentiellement brillant, sabre contre une mais finalement pas tout à fait à la réplique de bambou. hauteur des attentes suscitées... Lunaire et fantasque, absorbé par la CAMILLA PATRUNO contemplation de la nature et parlant aux chats, il parvient cependant à se faire apprécier des habitants du quartier jusqu’à devenir LOST+BRAIN maître d’école. Les enfants l’adorent. Mais tout autour les ombres de la vio- T. 3 lence s’amoncèlent... Le bretteur repenti peut-il échapper à ses de Yabuno Tsuzuku fantômes? Une écriture elliptique et un dessin du créateur d’Amer Béton et Otani Akira, plus dansant qu’à l’accoutumée instal- Kurokawa, 192 p. n&b., lent un récit exigeant mais envoûtant. 6,50 euros Kana, n&b, 224 p. n&b, 15 € VLADIMIR LECOINTRE © 2008 Tsuzuku YABUNO, Akira OTANI / Shogakukan Inc. Akira OTANI YABUNO, © 2008 Tsuzuku

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zoom bd Asie Kenshin le vagabond Perfect Edition T.2, de Nobuhiro Watsuki Le golem amoureux La célèbre série en 30 volumes du sabreur- vagabond à la lame Le label BAO des éditions Paquet publie le premier tome de la série « Zobo et les fleurs de inversée, qui avait vie ». Ce récit délicat est superbement illustré par Nie Jun, un dessinateur chinois au commencé de paraître en France en 1998, talent impressionnant. ressort dans une Perfect Edition compa- rable au travail mené par Glénat pour Dragon Ball : qualité du papier et de la reliure, quelques pages couleurs, du brillant dans la couverture… et surtout le plaisir renouvelé de retrou- ver le vagabond rouquin au milieu d’un contexte politique bien expliqué par le manga – celui de l’ère Meiji où les sabres sont interdits. Comme quoi, même le shônen peut être un bel objet… Glénat, 240 p. n&b + couleurs, 10,55 € BORIS JEANNE

Sayonara Monsieur Désespoir, T.5, de Kohji Kumeta Au fil des tentatives de suicide du profes- seur Itoshiki Nozomu, l’homme le plus © Nie Jun / PAQUET-BAO déprimé de la planète, ses élèves au caractère bien trempé essayent de lui redon- ner une lueur d’espoir. Si le système scolaire au Soleil Levant est comme le nôtre, ceci Êauteur relate lÊhistoire dÊun liée à lÊamour et représente aussi fleurs de vie, je fais appel aussi à expliquerait cela… Extrêmement sui- pantin abandonné qui sÊani- certaines étapes de notre existence. dÊautres éléments comme les vie au Japon, où elle est encore en cours, cette série est structurée L me dès lors quÊune fleur est méduses par exemple. JÊai pour ma autour de nombreuses histoires placée à lÊendroit de son cflur. CÊest une sorte de compromis part une approche plutôt taoïste de courtes : quelques-unes sont de com- Ryoko, jeune lycéenne japonaise, entre le mythe du golem et lÊexistence. CÊest pour cette raison préhension difficile à cause de réfé- victime de la jalousie de ses cama- Pinocchio, en somme. que je me passe de lÊoutil informa- rences japonaises pointues, et cer- rades de classe et délaissée par celui On peut le voir comme cela, en tique quand je conçois une bande tains gags ne peuvent être compris quÊelle affectionne, décide dÊy effet. Zobo ne fait que cultiver ce dessinée : jÊai besoin dÊentretenir qu’à l’aide du lexique. Dommage parce qu’on sent un énorme poten- déposer une branche de cerisier en que lÊon sème en lui. Dans ce sens une relation sensuelle avec ma créa- tiel : avec son humour noir et son ton fleurs. Ce geste ranime lÊêtre de cÊest un révélateur ; je dirais même tion. Le pinceau sert de médiateur assez original, ce manga pointe le bois qui consacre sa nouvelle exis- que cÊest une créature empathique. ou de lien avec elle. doigt sur des défauts de la société tence à combler dÊamour, le vide En fait, il guide Ryoko vers lÊâge contemporaine. que ressent la jeune fille. adulte en la déchargeant du poids Quels sont vos liens avec le Japon Pika, 176 p. n&b, 6,95 € CAMILLA PATRUNO Malheureusement, le dévouement que représente le manque de recon- et le manga ? de Zobo ne suffit pas⁄ naissance pour une adolescente⁄ JÊai vécu un an à Kyoto, cÊest pour Ma Voie de père, one-shot, Lors dÊune après-midi de sep- cette raison que lÊhistoire de Zobo de Hiroshi Hirata tembre, nous nous sommes entrete- Ces thématiques ont souvent trait se situe là-bas. JÊaime cette ville et On commence à bien nus avec Nie Jun⁄ au chamanisme. DÊailleurs, vous la culture japonaise en général. Le connaître Hiroshi développez aussi un symbole manga mÊa donné envie de dessiner. Hirata en France, Votre récit semble contenir plu- important qui est ÿ lÊarbre de JÊai dÊailleurs commencé mon par- notamment grâce à ZOO qui l’avait ren- sieurs degrés de lecture. Selon vie Ÿ. cours de dessinateur en illustrant contré l’année der- lÊâge du lecteur, chacun peut y LÊarbre de vie est présent dans de des histoires de Kung-fu en mÊins- nière à Angoulême extraire une réflexion différente⁄ nombreuses cultures, jÊaime utiliser pirant de Dragon Ball, que jÊadorais. (cf. n°18) : c’est un JÊai voulu construire une histoire ce type de mythes. Dans Zobo et les Peu à peu, je me suis libéré de cette des maîtres du autour des difficultés que vivent les fascination en réalisant des mangas manga historique, si possible avec adolescents. Notamment lÊisole- qui me ressemblaient un peu plus. des sabres. Dans Ma Voie de père, il ZOBO ne dessine plus pour les adultes mais ment, la désillusion et la difficulté à ET LES FLEURS DE VIE Puis, jÊai fini par mÊorienter vers un pour les ados qui lisent Akira ou se trouver. Ces problématiques, une style plus fouillé et aborder aussi la Initial D. Le magazine Young lui avait fois posées, ne nous quittent plus à couleur. Je me suis rapproché de lÊé- laissé carte blanche pour raconter sa lÊâge adulte. Pour moi, lÊaventure de tat dÊesprit européen que je vie de mangaka au milieu de sa Zobo peut sÊadresser à un public T.1 Sakura, considère moins entravé par des famille, et l’auteur bourru se transfor- assez vaste. JÊaimerais inventer de problématiques commerciales. Je me en pater familias confronté aux de Nie Jun, complexités de ses enfants ados et à nombreuses variations autour de Paquet, Bao, serai au festival dÊAngoulême cette la sagesse de sa femme – car lui se Zobo, avec des paysages des quatre 48 p. couleurs, année, jÊavoue que jÊai un peu le représente volontiers dans toute la coins du monde. Dans chaque 12,90 euros trac. démesure de son personnage ! album, le pantin serait tributaire de Delcourt, 208 p. n&b + couleurs, 15 € ce quÊon dépose en lui. Au Japon la PROPOS RECUEILLIS PAR BORIS JEANNE fleur de cerisier à une symbolique KAMIL PLEJWALTZSKY

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S BD U 100 Bullets font mouche S’il vous était donné la possibilité de vous venger impunément, le feriez-vous ? Brian Azzarello et Eduardo Risso explo- rent la noirceur de l’âme avec brio à travers cette série de 100 épisodes où l’action ne faiblit jamais.

n inconnu sÊapproche de vous et vous remet un attaché-case. Celui-ci con- tient un revolver, 100 cartouches, la photoU dÊune personne qui vous a causé un tort immense, ainsi que les preuves de la culpabilité de cette personne. LÊinconnu, lÊAgent Graves, vous dit que le revolver et les cartouches sont intraçables. Mieux, elles confèrent impunité à

celui qui sÊen sert. Puis il sÊen va, sans expliquer COMICS © DR / Azzarello PANINI ni ses motifs, ni ce quÊil avance. QuÊallez-vous faire ? Se venger en toute impunité. Tel est le thème initial de 100 Bullets, série fétiche de Brian Azzarello (au scénario) et Eduardo Risso (au dessin). Lorsque les premiers épisodes sortent en 1999 chez le label Vertigo, il sÊagit dÊun sacré pari tant le thème et les dessins sont différents de ce à quoi sont habitués les lecteurs. Et cela fait longtemps que les comics policiers ou dÊes- pionnage sont passés de mode. Le succès cri- tique et commercial est pourtant immédiat. La série séduit par son concept hors norme, ses dia- logues truculents et ses dessins ingénieux. Les premiers épisodes1 sÊattachent donc à suivre divers personnages qui recevront le fameux atta- ché-case des mains de lÊAgent Graves. Comment À GAUCHE : L'AGENT GRAVES FACE À L'UN DES DESTINATAIRES DE L'ATTACHÉ-CASE ; À DROITE : DIZZY réagiront-ils, prendront-ils leur revanche, pour- quoi, comment ? personnages secondaires devenant primordiaux, étant celle de quelquÊun recevant lÊattaché-case plusieurs niveaux de lecture⁄ la série nÊen finit et ayant donc le pouvoir de commettre un Surprises et rebondissements abondent. Con- pas de surprendre et de passionner. Elle vient de meurtre en sÊen tirant à bon compte. Mais jÊai trairement à bien dÊautres séries, il est quasiment sÊachever aux États-Unis, à son numéro 100, par réalisé assez tôt que les lecteurs de comics ont impossible de deviner à lÊavance les intentions une fin inattendue, comme il se doit. Un vrai besoin dÊun fil conducteur et dÊéléments dÊin- du scénariste, ni celles des personnages. Petit-à- régal⁄ qui nécessitera un peu dÊattention de la trigues qui reviennent, et cÊest donc pour cela petit, un deuxième niveau dÊintrigue voit le jour. part du lecteur tant elle est riche et tortueuse. que jÊai développé cette intrigue secondaire, qui LÊAgent Graves est le chef dÊun petit groupe de rapidement devient lÊintrigue principale. mercenaires appelé les Minutemen, qui tra- TROIS QUESTIONS ¤ vaillent pour une clique de 12 familles hyper- BRIAN AZZARELLO La fin est très attendue, et pour lÊavoir déjà puissantes, le Trust, qui depuis la Renaissance, lue, je dirais quÊelle est surprenante. LÊaviez- Comment avez-vous démarré dans les comics ? vous déjà décidée il y a longtemps ? Je suis tombé dedans par hasard, à 30 ans. Juste Oui, je savais très précisément comment lÊhistoi- avant cela, jÊétais restaurateur dÊantiquités. Et re se terminerait, avant même de démarrer le avant cela, jÊétais démolisseur, nettoyeur de premier épisode. latrines, peintre en bâtiment⁄ JÊavais un ami qui OLIVIER THIERRY était directeur de collection chez Vertigo (DC Comics). On se connaissait depuis longtemps, il était auparavant éditeur de magazines ÿ alterna- tifs Ÿ. Et jÊétais un lecteur de comics, on discutait dÊidées. Il mÊa dit : ÿ Tu devrais me proposer quelque 100 BULLETS chose Ÿ. JÊai commencé par quelques courtes his- T. 9 toires, puis Hellblazer [voir ci-contre, NDLR] et

© DR / Azzarello / PANINI COMICS © DR / Azzarello PANINI ensuite 100 Bullets. de Brian Azzarello et Eduardo Risso, Panini Comics, coll. 100 % Vertigo, contrôlent le monde. Mais le Trust a congédié Comment vous est venue lÊidée de 100 180 p. couleurs, 11 euros les Minutemen et les a laissés pour morts. Bullets ? LÊAgent Graves, en sus de ses activités perverses JÊétais dans ma voiture un jour et quelquÊun mÊa de redresseur de tort, va rassembler les fait une queue de poisson. JÊétais furieux et je me 1 Aux États-Unis, la série est publiée sous forme dÊépisodes Minutemen survivants et monter sa propre disais : ÿ JÊaimerais bien tuer ce type⁄ Si seulement je mensuels de 22 pages, alors quÊen France ils sont directe- revanche contre les familles du Trust. ¤ moins pouvais le faire sans quÊil y ait de conséquence pour ment repris en volumes de 6 à 8 épisodes. quÊil ne travaille en réalité pour lÊune des familles moi ! Ÿ. Et voilà comment 100 Bullets est né. Au Pour lire une version plus longue de cet article, et lÊintégralité de lÊinter- désireuse de se débarrasser des autres ? début, je voulais que les épisodes soient assez view de Brian Azzarello, rendez-vous sur le site de ZOO : Manipulations, stratagèmes, intrigues à tiroir, dissociés les uns des autres : chaque histoire www.zoolemag.com

54 zoom bd US Identity Crisis, de Brad Meltzer et Rags Morales Hellblazer : Brad Meltzer est un auteur de thrillers à succès, mais c’est également un grand fan de comics de miroirs et fumées super-héros. Après avoir signé un récit consacré à Green Loin de l’image d’Épinal du prestidigitateur à chapeau claque, « Hellblazer » écume les Lantern, il propose à comics depuis plus de 200 numéros. Avec une douzaine d’albums, son éternel imper l’éditeur DC un sujet qui attire l’attention : un assassinat séduit aujourd’hui les lecteurs français amateurs de récits noirs. dans la communauté des super- héros. Sous couvert d’un récit à énig- me type « whodunnit » (en gros, é dans Swamp Thing n°37 à Agatha Christie chez les super-héros), la fin des années 80 sous Meltzer rédige un épisode qui s’inter- la plume dÊAlan Moore, roge sur la responsabilité des héros et N le danger d’abuser de son pouvoir. John Constantine est un spécialiste Récit fondateur de certains des gros du surnaturel, cynique, manipula- événements récents chez DC, Identity teur, visiblement égoïste, mais du Crisis (dont on déplorera au passage côté du ÿ bien Ÿ. le titre anglais) demeure un bon sus- pense, qui tire sur le pathos parfois,

© DR / Carey / PANINI COMICS © DR / Carey PANINI mais qui est magnifiquement servi par Bien vite, DC consacre une série le dessin sensible et puissant de dÊhorreur moderne à Constantine : Ralph « Rags » Morales. Un must ! Hellblazer sÊimpose par son écriture Panini Comics, 240 p. couleurs, 30 € moderne et ÿ adulte Ÿ, dans un sens Chroniques de Marvel : de 1939 à plus ambitieux que ce que lÊon aujourd’hui, de Tom DeFalco, Peter entendait en Europe pour Métal Sanderson et Tom Brevoort Hurlant, à savoir des nichons et de la Pour les fêtes, les étrennes, la nouvelle violence. Si Hellblazer comporte année, Pâques, votre gros mots et connotations anniversaire, offrez- sexuelles, on a droit à une narration vous ce magnifique à la première personne, des sujets objet, un livre riche- ment illustré couvrant plus ambitieux et une utilisation la grande saga de dÊune horreur plus parlante. l’un des éditeurs marquants de la BD américaine : Marvel. Foyer des Puis, DC fonde le label Vertigo, sa Quatre Fantastiques, de Spider-man, branche adulte exigeante. Les prin- des X-Men, des Vengeurs, Marvel existe depuis plus de 70 ans. cipaux scénaristes, britanniques, Retrouvez les grands dessinateurs importent un ton nouveau, dans la (Joe Maneely, John Buscema, Jim lignée de la production des Warrior Lee…), les héros les plus populaires ou 2000 A.D. Fer de lance de la col- (Captain America, Spider-man, Hulk…), les séries les plus mar- lection, Hellblazer a survécu aux quantes (de Marvel Comics à la col- autres titres. lection Ultimate). Pour les archivistes, les amateurs de beaux livres et les Dans les années 2000, les éditions fans de BD populaire. Toth entament la traduction des Carabas-Semic Archives, 350 p. coul., 50 € épisodes de Hellblazer par Richard Savage Dragon, T.1, Baptême du feu, Corben, leur auteur fétiche. Dans d’Erik Larsen ÿ Hard Times Ÿ, Constantine est en Erik Larsen, électron libre de l’univers des prison, dans une ambiance proche comics, ancien dessi- du feuilleton Oz. La situation sera nateur de Spider-Man, expliquée dans les deux albums sui- ancien patron d’Image, vants, qui poursuivent lÊadaptation tient les rênes du des épisodes écrits par Brian Savage Dragon depuis plus de 150 numéros. Azzarello : ÿ Good Intentions Ÿ et ÿ Amnésique, Dragon Freezes over Ÿ. Lors du passage du intègre la police de Chicago et fait catalogue Vertigo chez Panini, lÊé- mise. De même, si certains scéna- récits sont édités dans les albums régner la justice dans un style qui diteur préfère se consacrer aux épi- ristes ont laissé planer le doute sur Vertigo Cult. Si vous loupez cette ferait pâmer de jalousie Dirty Harry. Bourrée de jeux de mots et de réfé- sodes de Mike Carey. Constantine (est-il un sorcier ou série passionnante, ce serait bien le rences, la série est jubilatoire pour les un profiler surdoué ?), Carey renoue diable ! amateurs du genre. Pour les autres, Hellblazer a longtemps été la chasse avec ses origines fantastiques. Dans JEAN-MARC LAINÉ c’est l’occasion d’une relecture acide gardée de scénaristes britanniques : ÿ Toutes ses machines Ÿ, il met en scène et drôle des super-héros. Cette édition 1 Le scénariste de Preacher oppose a le bon goût de publier les origines, Jamie Delano, Neil Gaiman, Garth un démon. Plus tard, il fait revenir Constantine à son plus grand ennemi : le rédigées tardivement par rapport aux Ennis1⁄ Brian Azzarello a été le la silhouette de Swamp Thing. cancer du fumeur. Son premier épisode, le débuts de la série, et de commanditer premier Américain2 à présider aux n°47, a été publié dans lÊédition collector une traduction experte qui donne aventures de Constantine. Avec Panini capitalise sur le personnage. du DVD Constantine. toutes ses chances à cette série atta- 2 Signalons les n° 148 et 149, écrits par le chante. Mike Carey, cÊest le retour à un ton Les épisodes les plus récents sont yougoslave Darko Macan, qui proposent Delcourt, Contrebande, 320 p. coul., 27,50 € dur où la clope, lÊalcool et une traduits dans la collection 100% une intéressante vision de la magie ances- vision sombre de la vie sont de Vertigo, alors que les premiers trale et traditionnelle. JEAN-MARC LAINÉ

55 D & B SEXE Cachez ces bandes que nous ne saurions voir Le très beau diptyque consacré à la bande dessinée érotique – « La B.D. érotique - histoire en images » – publié par les éditions Tabou, est l’occasion de mesurer l’importante contribution du récit grivois à l’évolution des mœurs. © Wallace Wood © Wallace © Giovanna Casotto

LE JOYEUX MONDE DE DISNEY VU PAR WALLACE WOOD ontrairement au cinéma pornogra- sement. Après des années de pudibonde- phique de plus en plus banalisé, la ries, ces derniers avaient bien droit à un bande dessinée de charme subit un peu de relâchement⁄ Costracisme émanant de certains groupes de dif- Bien avant lÊheure, la bande dessinée éro- fusion ou de magasins. De nombreuses tique a su créer une femme émancipée. contraintes sont imposées sous des prétextes fal- Outre-atlantique, les coups de fouets de lacieux – dont le sempiternel couplet sur la pro- Wicked Wanda égratignèrent sans distinc- tection de lÊenfance –, pour que les bandes des- tion Kennedy, Nixon, Mao, De Gaulle sinées érotiques puisent être mises en rayon. Les ou Marlon Brando. En France, il y eut albums estampillés dÊun avertissement moral Barbarella. DESSIN DE GIOVANNA CASOTTO sont souvent couverts dÊun film pelliculé et CÊest aussi pendant les périodes de crise écono- train de forniquer nÊest plus possible. Préférence placés hors de portée ou de vue. mique ou de guerre que les productions de gri- est faite aux médiocres turpitudes autobiogra- Curieuse époque que la nôtre qui célèbre à tout voiseries ont vue leur tirage le plus progresser. phiques plutôt quÊaux inquiétants bondages des- bout de champ les sex toys ou les biographies Les fameuses Bibles de Tijuana et leurs parodies sinés par Pichard. Tout doit être lisse, moyen et obscènes, mais qui considère la fiction des pornographiques circulèrent clandestinement hygiénique. bandes dessinées pornographiques comme une dans toute lÊAmérique de la grande dépression. LÊouvrage de Tim Pilcher dégage ces enjeux à menace. Ce fut toujours dans ce type de contexte que les travers une démarche à la fois encyclopédique et créations les plus marquantes virent le jour. Les historique. Les tenants et les aboutissants y sont Pour trouver un début dÊexplication à ce para- illustrations coquines qui circulaient dans les limpides. Le lecteur peut aisément dégager les doxe, il est utile de se plonger dans la lecture de tranchées ou les célèbres pin-up des soldats grands courants et comprendre la démarche des La B.D. érotique - Histoire en images rédigée par Tim américains nÊeurent pas à subir de censure. Pour artistes qui ont fait la richesse du genre. La qua- Pilcher. On y constate que depuis ses débuts, la les autorités militaires, leur rôle de soupape ne lité de lÊiconographie et la pertinence des textes satire va de pair avec lÊérotisme : William fut jamais sérieusement contesté. en font un instrument précieux. Même si lÊaccent Hogarth à partir de 1730, Aubrey Beardsley vers Après les années 60, beaucoup de dessinateurs est davantage mis sur les créateurs américains et 1890 et Donald McGill vers 1904 en sont des comme Roberto Baldazzini, Giovanna Casotto quÊil néglige un peu les productions françaises et exemples remarquables. Les dessins érotiques ou Xavier Duvet ont mis en images un érotisme italiennes, lÊouvrage demeure tout de même de ont mis en exergue les dérives de la période vic- issu de leurs propres fantasmes. Même si lÊhu- grande qualité. torienne, mais ont participé également à lÊeffon- mour reste présent, leur narration se veut essen- KAMIL PLEJWALTZSKY drement du maccartisme. Certains grands tiellement pornographique : leurs démarches artistes de lÊancien éditeur EC Comics comme visent avant tout à dépasser les limites de leur LA B.D. ÉROTIQUE Will Elder inventèrent plusieurs séries particuliè- imagination, bousculer certains tabous et abor- rement effrontées où les symboles de la société der ainsi quelques questions de fond. HISTOIRE EN IMAGES se trouvaient malmenés, pour la plus grande joie La société actuelle préfère le pragmatisme hédo- Vol. 2 : des années 70 à nos jours, dÊun public excédé par les abus moralistes des niste aux farces pornographiques : lÊun sÊappuie de Tim Pilcher, années 50. ¤ la mort de Walt Disney, Wallace sur la consommation, lÊautre sur le fantasme et la Wood dessina une fresque où, de Mickey à dérision. Représenter nos politiques en pleine Tabou, 192 p. couleurs, Dumbo, tous les personnages copulaient joyeu- séance sadomasochiste ou des ÿ Minimoys Ÿ en 35 euros

56 Tombeur malgré lui Producteur de livres de poche pour adultes, Elvifrance fut l’éditeur le plus censuré du XXe siècle. Sous la houlette de Georges Bielec, EVF publia « Jungla », « Jacula », « Isabella », « Maghella », « Zara »… et aussi, et sur- tout, « Sam Bot ».

n Italie, on lÊappelait Peter Paper, en UN MÉLANGE DE BURLESQUE, DE France, Sam Bot. Il connut une GRIVOISERIE ET DE CALEMBOURS soixantaine dÊépisodes dans son pays dÊorigineE et une dizaine de plus en France (72 Ce croisement improbable entre Charlot et numéros, pour être précis, de janvier 1973 à Rocco Siffredi est par ailleurs entouré dÊune juin 1979) parce que le succès hexagonal galerie de personnages tout aussi étonnante, avait motivé les éditions Elvifrance à pousser et digne du film Affreux, sales et méchants plus loin les mésaventures de ce jeune Anglais dÊEttore Scola. Autour du maigrichon bino- au physique filiforme et à lÊair ahuri. Succès ? clard se bousculent lÊoncle Archibald, un Oui. Car le titre exploité chez nous se vendit maniaque et collectionneur dÊobjets ayant à plus de 50 000 exemplaires à parution dans appartenu aux pires criminels de lÊhistoire, la ses meilleures années, cÊest dire ! Et lorsquÊil tante Zanie, une pyromane tout aussi fut interdit dÊexposition, en juillet 1973, cÊest déjantée, Orchidée, fiancée officielle et même monsieur Delfeil de Ton qui prit sa dévoreuse de plaisir, ou encore le commissai- plume pour le défendre dans les pages de re Cornard, dont la femme est attirée plus que Charlie Hebdo. ÿ Quand je lis Sam Bot, écrivait le de mesure par les charmes débordants de chroniqueur, jÊy retrouve des échos de la bonne saine Sam. grossièreté, du bon gros jeu de mots, de la superbe incon- Ajoutons à cela un univers qui confine au bur- gruité que je trouvais, quand jÊétais petit, à la lecture des lesque où le protagoniste déambule dans un Pieds-Nickelés⁄ Ÿ Londres méconnaissable, des situations Que de compliments ! Et quel résumé ! cocasses qui frôlent la grivoiserie et un PuisquÊen effet la série se distingue des autres humour exceptionnel dans sa version françai- productions dÊElvifrance par ces différents se. Cet humour, très certainement à la source éléments. Archétype du anti-héros, Sam Bot de son succès dÊalors, est dû à lÊéditeur est lÊalter ego au masculin des filles qui sont Georges Bielec. Séduit par cette série, il sÊim- mises en scènes à lÊépoque dans la littérature pliqua à fond en insufflant un style Sam Bot : érotique et à qui il nÊarrive que des turpitudes. un poil dÊargot, une surdose de jeux de mots, Sam Bot est myope, malingre, toujours bons ou mauvais. De cette façon, les textes affamé, chômeur en puissance, sinon à la limi- prenaient une consistance toute spéciale, col- te de la clochardisation, et ses malheurs sont lant un moment à lÊactualité politique et à la fois liés à la poisse qui caractérise les sociale, et à dÊautres moments devenant sub- pauvres gens en général et à la taille dispro- versifs, en particulier lorsque les dialogues portionnée de son membre viril qui lui vaut visaient directement la commission de sur- malgré lui bien des coucheries épuisantes. veillance – de la loi de 1949. Sam Bot est donc un monument de la culture populaire. Que lÊon redécouvre aujourdÊhui avec ses défauts et ses qualités dans une col- lection dédiée, à raison de trois épisodes par volume. QuÊil faut également situer dans une époque où lÊérotisme se limitait encore à des seins nus et un pénis suggéré mais jamais vu. Un érotisme qui suintait salement et seule- ment dans des échanges verbaux. © Buzzelli et Franco / DELCOURT Orchidée : - Maintenant, je vois que tout ton amour mÊest revenu avec de belles propor- tions et combien puissante est la vigueur de ton esprit bien droit ! Sam Bot : - Ça ne te semble pas un peu trop ? CHRISTIAN MARMONNIER

SAM BOT T. 1

de Raoul Buzzelli et Pippo Franco, Delcourt, Erotix, 360 p. n&b, 14,95 euros

57 S EÉWO AV-IND AJGEEUNXD zoom Jeux Vidéo Muramasa, le bonbon qui coupe © Sega Au XVIe siècle, Muramasa forgeait des armes d’une finesse et d’une robustesse telles que ceux qui les portaient semblaient habités d’une force surnaturelle. Le développeur Vanillaware s`empare de cette légende pour créer un jeu d’action enchanteur en 2D. Bayonetta - Sega Bayonetta est une sorcière sexy, armée de pistolets aux mains et aux lÊheure de la 3D toute puis- panneaux illustrant les pieds, qui peut marcher sur les murs sante, dite supra immersi- paysages fantasmés lors d’un combat, ralentir le temps au ve, la proposition de dÊun Japon mythique. moment d’une esquive ou se servir VanillawareÀ peut sembler complète- Avant dÊatteindre le de sa chevelure afin d’invoquer démons et instruments de torture ment rétro et destinée aux joueurs boss clôturant une pour vaincre ses ennemis. Ce jeu se perdus en 1990. On retrouve un région, on taillade des démarque par son délire visuel, son concentré typique aux productions ribambelles de samou- scénario imprévisible à l’humour dÊalors : déplacements dynamiques raïs ou monstres infé- déjanté, sa mise en scène stylisée en plan, effets de lumières sidérants, rieurs. Parfois, quelque avec de superbes effets de lumière, combats frénétiques et mortels, gibier se faufile, utile son incroyable fluidité, son extrême boss gigantesques, décors en aplats pour cuisiner des plats © Rising Star Games / Vanillaware maniabilité, son impressionnant bes- RETOUR AUX JOIES DE LA BONNE VIEILLE 2D tiaire de monstres ainsi que l’élégan- à la profondeur inaccessible et ciné- revigorants. En fonc- ce de ses combos dévastateurs. tique. Toute la surface du jeu est tion du style de lÊescrimeur, chaque diaires, protections, etc. Connaître Le 8 janvier sur PS3, X360 requise pour irradier lÊécran. combat remporté délivre des points les atouts de ses katana et jongler dÊexpérience nécessaires à la stratégiquement de lÊun à lÊautre BioShock 2 - 2K Games Muramasa retrace les parcours com- confection de nouveaux sabres pour exécuter des combos à plus de Cette fois, BioShock 2 com- plémentaires de deux combattants forgés par Muramasa. Obtenir de 200 coups sÊavère alors vital pour porte deux modes. porteurs de sabres maudits. QuÊon nouveaux katana constitue le nerf poursuivre lÊaventure. Dans le mode solo choisisse le scénario de Momo- du jeu, ouvrant par leur pouvoir de l’intrigue se déroule hime, princesse habitée par une nouvelles zones. Il en existe plus Exaltation, voltige aérienne, fureur 10 ans après celle âme guerrière en quête de son dÊune centaine, et le ninja nÊen peut des combats tantôt brefs de er du 1 volet et le corps, ou Kisuke, ninja errant, il porter que trois. Le choix dÊune quelques secondes, ou découpés en joueur incarne le 1er Big Daddy jamais créé qui est plus sÊagira de traverser des chaînes de combinaison dÊarmes adéquate plusieurs tableaux, ce jeu aux bases rapide, plus agile et plus puissant que sÊavèrera donc des plus importants antiques brille dÊun éclatant renou- ceux qu’on connaît déjà mais aussi selon les ennemis rencontrés. Si la veau suscitant plaisir jovial et addic- capable d’utiliser d’autres armes que lame se brise en plein combat, on ne tion. Enlevé par une bande son la foreuse et les Plasmides. Le but de peut plus parer les coups : il faut vite riche mixant folklore et accents sa quête est de retrouver la Little changer dÊarme en attendant sa techno, des décors fins et colorés Sister originelle. Quant au mode mul- tijoueur, son action frénétique se régénérescence. Cette dimension comme des bonbons, une vivacité déroule un an après celle du 1er volet tactique relève aussi du pouvoir inouïe, Muramasa se découvre pendant une guerre civile. Les gra- propre à chaque sabre. ¤ comme un grand livre dÊimages phismes sont superbes et les effets mesure que lÊarsenal sÊétof- auquel on revient pour revivre tel d’eau plus impressionnants qu’aupa- fe, des effets plus dévasta- combat, trouver tous les sabres ou ravant. teurs sont disponibles : traverser ses décors chatoyants en Le 9 février sur X360, PS3 et PC vitesses tranchantes, sifflant ses airs les plus entraînants. Mass Effect 2 - Electronic Arts attaques tournoyantes Alors qu’on le croyait ou dédoublées, fou- mort, Shepard © Rising Star Games / Vanillaware droyantes ou incen- STÉPHANE URTH revient en force pour effectuer une autre opération de sauve- tage de l’Humanité. Secondé par cer- tains de ses anciens coéquipiers et aidé par de nouveaux alliés, il dispose désormais d’un arsenal bien plus MURAMASA - THE DEMON BLADE conséquent. En plus d’avoir une modélisation des personnages plus réalistes qu’auparavant, ce 2e volet possède un nouveau système de dia- BeatÊem all, logues qui s’intègre en temps réel Rising Star Games / dans l’action. Le scénario est riche en rebondissements, la mise en scène VanillaWare, plus dynamique, l’interface plus claire Nintendo Wii, et les combats gagnent en fluidité. Le 28 janvier sur PC, X360 40 euros

JOSEPHE GHENZER

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