FrancophonieFrancophonie && CinémaCinéma africainafricain OnOn estest ensembleensemble !! Sommaire

Éditorial 5 Francophonie et Fespaco 6 Témoignages 11 Alain Gomis 12 Félicité Wouassi 13 Jean-Pierre Bekolo 14 JIhan El-Tahri 15 Les films soutenus par l’OIF au programme du Fespaco 17 Longs-métrages en compétition 18 Documentaires 21 Courts-métrages 30 Longs-métrages en section « Panorama » 32 Bilan du fonds d’aide de l’OIF 35 «Les rois de Ségou» sur un piédestal 39 «Invisibles», un succès historique 41 L’aventure de «L’œil du cyclone» 48 Maki’la, premier film et jeunes talents 49 ÉDITORIAL

De la naissance à la maturité : fierté

Le cinquantième anniversaire du Fespaco est un événement qui ne peut pas laisser la Francopho- nie indifférente. Tout d’abord parce que ce festival et l’organisation commune des pays francophones sont jumeaux. Ils ont beau avoir des dates de nais- sance différentes (comme beaucoup d’Africains de cette génération qui sont « nés vers »…), tous deux ont été conçus en février 1969. Avant de recevoir Le cinéma reflète la vie réelle des peuples mais son nom de baptême définitif, le Fespaco s’est aussi leurs espoirs et leurs rêves. Les cinémas afri- appelé « Semaine du cinéma africain de Ouaga- cains, dans leur diversité, ont su exprimer tout cela dougou ». Quant à la Francophonie, elle est née à naturellement et le Fespaco en a été le témoin, le Niamey d’une conférence des pays francophones, réceptacle, la caisse de résonance. Et c’est pour- avant d’être baptisée Agence de coopération cultu- quoi le sentiment qui domine aujourd’hui n’est pas relle et technique, puis Agence Intergouvernemen- la nostalgie ou l’attendrissement mais plutôt la fier- tale de la Francophonie et, enfin, Organisation in- té. C’est d’ailleurs le mot qui revient le plus souvent ternationale de la Francophonie. Sous ses différents dans les témoignages des cinéastes et des artistes. noms, la Francophonie n’a jamais cessé d’accom- pagner le Fespaco et le cinéma africain. Le cinquan- Mais cette fierté légitime ne doit pas conduire à l’au- tième anniversaire de ce festival nous inspire donc tosatisfaction et à l’immobilisme, elle doit permettre des sentiments fraternels. Mais pas seulement… au contraire au cinéma africain de reconstruire sa relation avec le public après des années de crise Le Fespaco est tellement inséparable de l’histoire que, fort heureusement, la révolution numérique du cinéma africain qu’on a tendance à les identifier permet aujourd’hui de surmonter. La Francophonie l’un à l’autre. Le Fespaco, C’EST le cinéma africain, reste de la partie ! avec ses joies et ses peines, ses triomphes et ses drames. Combien de cinéastes, de techniciens et de Louise Mushikiwabo, comédiens morts dans le dénuement, voire la dé- Secrétaire générale de la Francophonie tresse… Combien de difficultés, de frustrations ou d’échecs… Mais aussi, combien de chefs d’œuvres inoubliables, d’histoires exaltantes, de moments de jubilation !

5 Francophonie-Fespaco, kif-kif !

Quartier latin. Mais en cette pé- riode où l’Afrique avait la gueule de bois, après l’euphorie des indépendances, et où s’instal- laient les pénuries (de libertés, de moyens et de perspectives), « Blancs-Noirs, kif-kif », martelait tôt avait eu lieu à et de la communication à l’ACCT il fallait être aussi fou pour bâtir le tirailleur du film de Sembene la clôture de la « Semaine du ci- (qui deviendra de l’Organisation le cinéma africain que pour rêver Ousmane « Camp de Thiaroye ». néma africain » qui allait donner internationale de la Francopho- d’une coopération francophone On pourrait dire la même chose naissance au Fespaco. nie). Quant à Tahar Cheriaa, pre- étendue aux cinq continents. Et, du Fespaco et de la Francopho- mier directeur de la culture de pourtant, ces deux rêves se sont nie : kif-kif. Même « casting » : Alimata cette même organisation (après réalisés. Salembéré, présidente de cette avoir été le fondateur des Jour- Même âge (à quelques jours « semaine du cinéma africain » nées cinématographiques de Même passion : la Franco- près) : la Francophonie est née de 1969 puis secrétaire générale Carthage), il n’a cessé d’accom- phonie a été inventée par une de la Conférence des pays fran- du Fespaco à partir de 1982, est pagner le Fespaco après lui avoir poignée de visionnaires : Sen- cophones, ouverte à Niamey le devenue, dans les années 90, permis d’atteindre la dimension ghor, Diori, Bourguiba, Sihanouk 17 février 1969. Deux jours plus directrice générale de la culture d’un festival professionnel dès et Malraux. Senghor était poète. Alimata Salembéré © Philippe Loret 1970. Sihanouk et Malraux, cinéastes. Tahar Cheriaa Bourguiba prétendait avoir « net- Hondo, Boughedir, Ouedraogo, On le disait moribond, condamné, Mêmes rêves : en 1969, un toyé [son] pays de toutes les Cissé, Sissoko, Sissako, Dji- marabouté. Dans les années 70, vent de folie venait de traver- tares qui l’enlaidissaient » (une bril Diop, Gaston Kaboré, Jihan un film africain Pousse-Pousse( ser la planète, de Prague à ambition d’artiste !). Diori, pour El Tahri, Fanta Nacro, Haroun, du Camerounais Daniel Kamwa, Mexico, en passant par Paris et sa part, avait été à la fois assez Cheick Fantamady Camara, Dani par exemple) pouvait atteindre même… Dakar. Mais dans le sage et assez fou pour s’oppo- Kouyaté, Pierre Yameogo, Raoul le million d’entrées en salles reste de l’Afrique, ce n’étaient ser à De Gaulle à propos de la Peck, Alain Gomis, Apolline Trao- dans son propre pays. Dans les pas les émeutiers qui menaient guerre du Biafra… Quant au ré. Sans oublier Kwaw Ansah, années 90, Buud Yam, de Gaston la danse : généralisation des Fespaco, il a été inventé, puis Newton Aduaka, Flora Gomes, Kaboré (étalon d’or de Yennenga partis uniques, coups d’État en réinventé, édition après édition, Haile Guérima et tant d’autres. au Fespaco 1997) pouvait encore série (, Congo, Libye, Sou- par des visionnaires aussi sages toucher 500 000 personnes au dan, Somalie). « Soyez réaliste, et aussi fous qu’il faut l’être pour Mêmes épreuves : et dire que . Au début des an- demandez l’impossible », avaient faire du cinéma : Sembene, Med le cinéma africain a frôlé la mort ! nées 2000, il fallait un soutien lancé les soixante-huitards du

7 Touki-Bouki exceptionnel de la Francophonie numérique dans toute l’Afrique a vu ouvrir en décembre 2018 un Flashback : pour que Lumumba de Raoul francophone. À partir de 2016, premier multiplexe de 8 salles à Peck atteigne les 100 000 en- le mouvement s’accélère : 5 ou- Tunis tandis que 6 autres écrans 50 ans de cinéma africain trées sur l’ensemble de l’Afrique vertures de salles cette année-là, sont attendus à Sousse. Et sur- francophone. Au milieu des an- puis 10 en 2017, 22 en 2018. tout, le public redevient friand de Février 1969, Ouagadougou. Sur l’écran de la Se- nées 2000, le film Tasuma de Kol- Début 2019, on compte 48 salles cinéma et en particulier de films maine du cinéma africain, un Nigérien affublé d’une lo Sanou parvenait encore à frô- commerciales sur l’ensemble tunisiens : 250 000 entrées pour panoplie de cow-boy poursuit au triple galop un ler les 50 000 entrées au Burkina de l’Afrique francophone et 32 El Jaïda et plus de 130 000 pour couple de girafes épouvantées. Cette scène hallu- Faso, mais au prix d’aides à la autres à Maurice et Madagas- Regarde-moi (soutenu par l’OIF et cinante* est l’une des plus marquantes de l’histoire du cinéma. On la doit à Moustapha Alassane dont le distribution* équivalant au mon- car. Mais il est encore trop tôt présent en compétition au Fespa- Un homme qui crie tant des recettes obtenues. Après pour crier victoire. Au Maroc, où co 2019). Le mauvais sort semble film Le retour d’un aventurier a dynamité tous les cela, plus rien ou presque… Au le nombre de cinémas a été di- enfin écarté, donnant raison à tabous dès 1966. Depuis ce feu d’artifice, la voie début des années 2010, presque visé par dix en quarante ans, les ceux qui n’avaient jamais perdu est libre pour un cinéma africain bouillonnant d’in- toutes les salles d’Afrique fran- efforts de l’État pour soutenir la espoir. Le féticheur Baba Woulou vention et d’audace. Et, de fait, en cinquante ans cophone avaient fermé et parmi production de films et moderni- avait donc bien raison (dans la de Fespaco et de cinéma africain, ON AURA TOUT celles qui subsistaient, aucune ser le parc de salles n’ont pas série Taxi Brousse, présentée au VU : le bonhomme-charrette de Sembene et la Ma- n’était équipée en numérique. encore permis d’enrayer le déclin Fespaco 2001), lorsque, malgré dame brouette de Moussa Sene Absa, le cheval bai Et puis… en 2011, c’est la ré- de la fréquentation (en 2017, au- les mises en garde d’une bande de Wend kuuni, la Chevrolet de Lumumba, Le vélo ouverture du cinéma « Le Nor- cun film n’a dépassé les 100 000 de défaitistes, il bravait tous rouge du Mec idéal ; La moto à crâne de zébu de mandie » au Tchad. Mais il faudra entrées). Dans ce tableau les dangers en s’écriant, « Dieu Touki-Bouki (copiée en 2018 par Beyoncé et Jay-Z), des années avant que d’autres contrasté, l’espoir vient de Tuni- existe, oui ou non ? » le side-car de Youssouf Djaoro dans Un homme qui suivent. En 2015, on compte 11 sie : ce pays, qui était tombé à 16 crie, la reine Sarraounia et ses archers, le « sar- de l’éléphant » et « La valse des gros derrières », salles commerciales équipées en salles au début des années 2010, zant-sef » du camp de Thiaroye, le « Demi-dieu » de Bal poussière (aux prises avec ses « robeuses » la moue de Bila et le rire espiègle de Nopoko dans et ses « pagneuses »), la petite génisse de Tim- Yaaba, le visage de Sia (statue d’ébène incrustée à buktu appelée « GPS », le frigidaire maudit de Tabu jamais dans nos mémoires), le regard magnétique (l’amoureux de Félicité), l’œuf d’autruche de Yeelen, de Nora dans Viva Riva, la balafre de Saïd Tagh- la dent de diamant de Blackschwam dans L’œil du maoui dans Ali Zaoua, le sourire craquant de Noura cyclone, le lion dressé de Marne-la-Vallée, expédié dans Halfaouine, l’enfant des terrasses, la sublime sur le tournage de Waati par le producteur Toscan jalousie de Kesso dans Il va pleuvoir sur Conakry… du Plantier, l’éléphant de Run sur le parvis de la ca- thédrale… On aura vraiment tout vu : « Les couilles

* Soutien octroyé par le programme Africa cinéma (lancé conjointement par la Francophonie, l’Union européenne et la France). * Elle est encore plus saisissante que la capture du rhinocéros dans Hatari !, film mythique de Howard Hawks, avec John Wayne.

9 TÉMOIGNAGES

11 ALAIN GOMIS Félicité Wouassi* « Une fierté de tendre la main à d’autres. « Marquée à jamais » J’ai découvert que l’information inoubliable » sur le film s’était répandue sur Je découvre le Fespaco en 1987. tout le continent et j’ai décou- Je sors d’un premier film qui Seul réalisateur, avec Souley- vert la fierté que dégageait le a fait beaucoup de bruit, mane Cissé, à avoir remporté Black Fespaco. Le retour au Sénégal , et je suis invitée à cette deux fois l’Étalon d’or de Yennen- Mic-Mac a été incroyable. Moi, je viens manifestation. Je ne connais pas ga, Alain Gomis témoigne : des quartiers populaires. Donc, le Fespaco, je ne connais même arriver à l’aéroport, être accueilli pas le Burkina Faso. J’ai grandi Premier étalon : Tey, 2013. quasiment en bas de l’avion par en Occident, j’ai fait du théâtre Le Fespaco, c’est vraiment par- le ministre, rentrer chez moi pra- mais je ne connais pas le ciné- ticulier. La cérémonie se déroule qu’on n’est pas obligé de rester par un Français, je découvre le pour l’avenir, c’est d’avoir plus de tiquement sous escorte, avoir le ma africain. C’est honteux à dire dans un stade ! En tant que ré- chacun sur ses terres, on peut cinéma de mon continent. J’ai films réalisés ou produits par des quartier entier qui est là dehors mais il faut se rendre compte que alisateur, je ne suis ni acteur, ni collaborer dans une sorte de dia- été marquée à jamais ! Je pense femmes. Je veux un regard diffé- pour faire la fête... Cette fierté nous n’avions pas les supports chanteur, je suis habitué à être logue continental, international… vraiment que le Fespaco a rempli rent dans le cinéma africain, un est une chose inoubliable, c’était numériques qu’on a maintenant. derrière et, tout à coup, je me Le retour au Sénégal a été encore ses missions. Un : faire connaître regard de femme. comme si on avait gagné la coupe Je ne voyais pas de films afri- retrouve sur une scène au milieu plus fou [qu’en 2013] parce qu’il le cinéma africain. J’ai eu accès du monde ! Les gens nous remer- cains. Je ne savais même pas d’un stade ! C’est comme une dé- y avait cette dynamique qui avait à ce cinéma grâce à lui. Deux : ciaient à longueur de temps pour que les Africains faisaient des charge électrique. Je ne pourrai été mise en marche et qui portait remplir les salles. Au Burkina, les ––– avoir porté le nom du Sénégal... films. Et, là, je découvre tout. À jamais oublier cela. Quand on a ses fruits. salles étaient pleines et, en plus, Propos recueillis par Balufu C’est un truc qui a bouleversé l’hôtel Indépendance, on me pré- annoncé le titre du film et qu’il un relais a été fait en France où Bakupa-Kanyinda (entretien ma vie. Là, j’ai vraiment réalisé la sente Sembene Ousmane, Sou- m’a fallu descendre les gradins, les films du Fespaco trouvaient Cinékap) force du Fespaco. leymane Cissé, Claude Prieux** j’ai eu l’impression que ça durait ___ une diffusion dans certaines et les plus jeunes, avec leurs une heure ! C’était la première Propos recueillis par Balufu salles à Paris. Donc, oui, le Fes- Second étalon : Félicité, 2017. premiers films : Idrissa Ouedrao- fois pour le Sénégal. C’était telle- Bakupa-Kanyinda dans le cadre paco a rempli son contrat. Je ne On se disait que, forcément, ils go présente , Cheik ment de fierté pour tous ceux qui de la série « Le Fespaco – un de- Les Écuelles sais pas à quoi pensaient les an- allaient donner la première place Oumar Sissoko, . Il avaient fait le film… Et puis, il y mi-siècle de cinémas d’Afrique » Nyamanton ciens qui ont créé ce festival mais à un autre film. Nous avions déjà y a une effervescence et je dé- a cette espèce de responsabilité : (Production Cinékap) je pense qu’il a dépassé large- été récompensés. Et donc, la sur- couvre que les Africains font des l’intérêt d’un prix comme celui-ci, ment leurs objectifs. Tout ce que prise a été immense. Et puis il y a films. Moi, jeune comédienne ce n’est pas seulement la glorifi- je souhaite, c’est que ce festival * Comédienne franco-camerounaise. eu aussi une autre fierté, plus pa- noire en France, qui rêve de faire cation d’un film, c’est ce qu’on continue, qu’il continue à trans- ** Directeur du Centre culturel français de nafricaine. Ce projet-là veut dire du cinéma, et qui ai fait ce film, Ouagadougou en 1969, il a participé à la en fait après, c’est le rôle qu’il mettre. Maintenant, mon souhait, que l’on peut travailler ensemble, , qui est réalisé création du Fespaco. faut jouer ensuite, en essayant Black Mic-Mac

13 Jean-Pierre Bekolo* JIhan El-Tahri* « Le Fespaco la main et je ne sais pas quoi « Nous les cinéastes penser. Est-ce que j’ai le pouvoir est un lieu de dire quelque chose ici ? C’est de la diaspora… » d’adoption » comme ça, c’est l’Afrique... Tu vis l’Afrique avec ses drames et ses À mon premier Fespaco, il y Sans le Fespaco, je n’aurais ja- conflits et tu finis par l’accepter. avait une espèce de cassure : la mais été panafricaniste, je n’au- Il y aussi un moment où, comme jeunesse avait décidé de créer la rais jamais pu rencontrer les dans toutes les familles, le Fespa- Guilde des cinéastes africains. cinéastes de tous les pays. Le co t’énerve. Tu as une projection C’était très animé. Pour moi, Fespaco est un lieu d’adoption à qui s’est mal passée ou un pro- c’était comme une révolution l’africaine. On t’adopte, on te dit : blème technique ou un document et j’adore les révolutions. Donc, d’être africain. Le Fespaco nous cœur appartient à l’endroit d’où tout, et que ces films-là soient « Tu es l’un de nos fils, l’un de nos qui n’est pas arrivé et tu dis : j’étais tout excitée et je voulais a permis d’être africains avec l’on vient mais celui qui part perd écartés du Fespaco. Il faut que frères et voilà ce qu’il faut faire, « Je ne reviendrai plus jamais au participer ; je lève la main et, beaucoup de dignité et beaucoup sa place. Quand on revient chez l’on soit rigoureux et que l’on n’oublie jamais ceci ni cela… » Fespaco ». L’année où j’ai pen- là, quelqu’un me dit « Non, on de modestie et il ne faut pas l’ou- nous, on nous regarde comme soit à la hauteur de l’importance Même Djibril Diop Mambety, qui sé cela, on m’avait appelé à parle des Africains ». Et je dis : blier. des invités. Donc, ce besoin de ce festival. n’était pas bavard, te glissait une midi pour me dire « Tu voyages « Mais je suis Africaine ». « Non, d’appartenance, on le retrouve petite phrase et ça te restait dans à 15 h ». Et je n’étais pas parti. tu es blanche. » Je proteste : entre nous. Et, donc, Newton et la tête toute ta vie. Et plus tard, j’ai entendu qu’on « Mais ça ne va pas ! ». Et ça a ––– son film « Rage », avec cette dé- ––– Le Fespaco, pour moi, c’est aus- m’avait décerné un prix et qu’on été mon premier clash, à propos Propos recueillis par Balufu chirure chez cet enfant métis qui Propos recueillis par Balufu si… Blaise Compaoré. Je dis m’appelait en vain parce que je de cette cassure entre Nord et Bakupa-Kanyinda (entretien n’arrive pas à trouver sa place, Bakupa-Kanyinda (entretien cela parce que ça a été un choc, n’étais pas là. C’est l’année où Sud. Et maintenant, quasiment Cinékap) ça me touchait personnellement. Cinékap) après tout ce qu’on avait entendu j’ai le plus regretté le Fespaco. tous mes films traitent de cette Je suis consciente qu’au Fespa- quand Sankara a été assassi- Sans même y penser, on a créé question-là. co, il y a tellement de gens, il y né ! À ce moment-là, mon père notre manière de faire un festival C’est aussi au Fespaco que j’ai a tellement de films et c’est un était commissaire de police et et je ne sais pas si quelqu’un a vu le film « Rage » (de Newton festival tellement énorme que il avait l’habitude de se moquer théorisé cela. Il y a une manière Aduaka) qui m’a bouleversé. c’est difficile… Mais l’organi- de tous les révolutionnaires mais d’être africain, il y a une manière C’était un film d’une grande sation doit être un peu plus dis- il a presque pleuré. Donc je me de respecter les anciens, il y a puissance, qui parlait d’une his- ciplinée. Ce n’est pas possible retrouve au Fespaco et comme une manière d’aimer ce que les toire de métissage et en même qu’il y ait des films importants j’avais eu un prix et que Blaise gens font, etc. Mais, au fond, et temps, cela traitait de notre his- pour l’époque, visuellement no- serrait la main à tous ceux qui c’est la force du Fespaco, le Bur- toire à tous, surtout nous, les cinéastes de la diaspora. Notre vateurs et que l’on réclame par- avaient eu des prix, il me serre kina Faso a permis au cinéma * Cinéaste camerounais * Cinéaste égyptienne

15 Les films soutenus par l’OIF programmés au Fespaco

17 Longs-métrages de fiction

La miséricorde tré le génocide dans son pays. Fatwa action contre sa mère Lobna, Dardenne, Belgique) Faustin, jeune recrue, vit sa militante laïque, élue députée Palmarès : Tanit d’Or aux Jour- de la jungle de Mahmoud Ben Mahmoud première guerre et compte bien (Tunisie) après avoir divorcé de Brahim. nées cinématographiques de de Joël Karekezi (Rwanda) venger les siens. Mais lorsque Durée : 91 minutes Les ex-époux se retrouvent sur Carthage, 2018 Durée : 91 minutes les deux soldats perdent leur Avec : Ahmed Hafiane, Ghalia Be- la tombe de leur fils. Brahim va Avec : Marc Zinga, Stéphane Bak, troupe, ils se retrouvent seuls nali, Sarra Hannachi découvrir que la mort de Ma- Ruth Nirere, et sans ressources dans la Scénario : Mahmoud Ben Mah- rouane n’est pas accidentelle Scénario : Joel Karekezi, Casey jungle congolaise, la plus moud et que Lobna est menacée par Schroen et Aurélien Bodinaux grande et la plus dangereuse une fatwa pour avoir publié un du continent africain. Revenu de France pour en- livre dénonçant l’emprise des 1998 : c’est le début de la deu- terrer son fils Marouane, 18 salafistes. xième guerre du Congo, consé- Production : Néon Rouge, Auré- ans, victime d’une chute à quence du génocide rwandais lien Bodinaux (Belgique) et Tact, moto, Brahim apprend que Production : Arts Distribution (Ha- commis quatre ans plus tôt. Le Oualid Baha (France) le jeune homme était devenu bib Bel Hedi, Tunisie) et Les Films Sergent Xavier, héros de guerre un islamiste radical, en ré- du fleuve (Jean-Pierre et Luc rwandais, est envoyé sur le front congolais pour continuer à traquer ceux qui ont perpé-

19 Documentaires

Regarde-moi lorsque son frère l’appelle de regard qui sera le moteur de de Nejib Belkadhi (Tunisie) Tunisie pour l’informer que sa Lotfi dans cette quête qui va le Durée : 96 minutes femme Sarra vient d’être hos- mener à entrer en contact avec Avec : Nidhal Saadi, Idryss Khar- pitalisée à la suite d’un AVC. son fils et l’ouvrir au monde. roubi, Sawssen Maalej Lotfi se voit obligé de reve- Scénario : Nejib Belkhadi nir au pays pour réclamer la Production : Propaganda, Imed Le cimetière tumultueuses vies africaines. Production : Onezik, Mannsomdé garde de son fils Amr, 9 ans, Marzouk (Tunisie) et Mille et Les récits de leur engagement Honoré Yaméogo (Burkina Faso) autiste, à sa tante maternelle Une Productions, Farès Ladjimi des éléphants dans l’évangélisation du conti- et VraiVrai Films, Florent Coulon Lotfi, la quarantaine, immigré d’Eléonore Yameogo Khedija. Commence alors un (France). nent, les récits, leur place dans (France) tunisien en France, mène une (Burkina Faso) voyage initiatique où Lotfi l’histoire de la colonisation vie tranquille dans le quartier Durée : 70 minutes Noailles à Marseille. Son quoti- sera confronté aux angoisses et des indépendances, mais et aux crises d’Amr qui s’obs- aussi leur ressenti sur les ren- dien est partagé entre sa bou- Dans l’univers clos d’une tine à ignorer la présence d’un contres et les partages avec tique d’électroménager, le bar maison de retraite nous par- père qu’il n’a jamais connu, et les peuples des pays traversés du coin et sa copine française tageons le quotidien de fin de refuse de le regarder dans les et sur leurs relations avec les Monique avec qui il attend un vie de quelques anciens mis- bébé. Son passé le rattrape yeux. Et c’est cette absence de autorités coloniales. Une im- sionnaires qui nous entraînent mersion dans un univers sen- dans les souvenirs de leurs sible et passionnant.

21 Le loup d’or faibles ressources qui leur de les voir. Le film propose une permettent de survivre au quo- immersion dans la vie de ces de Balolé tidien... Le salaire journalier milliers d’hommes, de femmes de Chloé Aïcha Boro (Burkina d’un homme est de l’ordre de et d’enfants qui ont reconsti- Faso) 600 Francs CFA (environ un tué une sorte de « ville dans Durée : 80 minutes euro), celui d’une femme ou la ville », un purgatoire où les d’un vieillard est d’environ 300 travailleurs se nourrissent de Au cœur de Ouagadougou, la Francs CFA. Un enfant travaille l’espoir d’en sortir. capitale du Burkina Faso, une pour à peine 200 Francs CFA carrière de granit où près de par jour. Une population d’es- Production : Productions métis- 2 500 personnes, hommes, claves modernes, exploités par sées (Burkina Faso) femmes et enfants, tra- des vendeurs de pierre souvent vaillent dans des conditions peu scrupuleux, et qui vit en dantesques pour trouver les marge d’une société qui refuse

Pas d’or ou « la ruée vers l’or ». La pre- timable de catastrophes so- mière mine d’or d’exploitation ciales et environnementales. pour Kalsaka industrielle à ciel ouvert est Une petite ville de campagne de Michel K. Zongo (Burkina implantée en juin 2006 à Kal- sans infrastructures sociales Faso) saka par la société anglaise de base, une population so- Durée : 70 minutes Kalsaka Mining SA pour ex- cialement désorganisée par le ploiter 18 tonnes en 10 ans. niveau de vie acquis pendant Dans les années 2000, l’État Mais « L’or n’a pas brillé pour le fonctionnement de la mine. burkinabé délivre plusieurs Kalsaka » car en 2013 après 6 permis d’exploitation minière années d’exploitation, la mine Production : Diam Productions à des sociétés multinationales, ferme ses portes et laisse (Burkina Faso) c’est le début du boom minier, dernière elle un héritage ines-

23 Le futur dans le rétro tronisée reine-mère. Le Futur partenance à un groupe, l’exil. de Jean-Marie Teno dans le rétro se compose d’un C’est aussi un conte sur le dé- (Cameroun) enchevêtrement de plusieurs part, la disparition, le trauma, Durée : 80 minutes histoires, plusieurs voyages, sur la tentative de retour et une plusieurs exils, qui sont le re- quête existentielle. En juillet 2010, une profes- flet de la société contempo- seure d’université aux États- raine mondialisée. Le Futur Production : Les Films du Raphia Unis retourne au Ghana, son dans le rétro est un conte sur (France) pays d’origine, pour être in- la maternité, la fraternité, l’ap-

Amal traînée par les cheveux par un tour à l’école, sa découverte de Mohamed Siam (Égypte) policier au milieu de la place de l’amour et de la sexualité Durée : 83 minutes Tahrir. Une vidéo de cette vio- mais aussi sa façon de vivre lence devient virale partout le port du voile, sa dépression, Deux ans après le sursaut dans le monde sans qu’on sa tentative de suicide jusqu’à d’espoir suscité par la révolu- sache qui est la jeune fille dont l’obligation de se conformer à tion égyptienne en 2011, des le visage est caché par les bâ- la société conservatrice. élections libres ont lieu mais tons et les chaussures des sol- sont suivies par une reprise dats. Après que les dernières Production : ArtKhana (Égypte), du pouvoir par les militaires. manifestations aient eu lieu Abbout Productions (Liban), An- L’Égypte retourne à son état et que le cirque médiatique dolfi (France), Barentsfilm As de dictature initial, laissant ait déserté la place Tahrir, le (Norvège), Good Company Pic- grandes ouvertes les plaies réalisateur décide de suivre la tures, Shortcuts Productions (Li- d’une révolution détournée. jeune Amal dans son voyage ban) Amal, jeune fille de 14 ans, est initiatique à travers son re-

25 Un sari sans fin des tisseurs traditionnels est de Harrikrishna Anenden confronté à des enjeux écono- (Maurice) miques impitoyables, les en- Durée : 52 minutes fermant dans un cercle vicieux d’endettement et de pauvre- Depuis des millénaires, le sari té — qui les conduit parfois est le vêtement emblématique jusqu’au suicide. À travers de la péninsule indienne. Il l’histoire de Maya, une jeune est aujourd’hui porté par des fille sur le point de se marier, millions de femmes, tant dans et de Krishen, un tisseur tra- son pays d’origine que parmi ditionnel de la ville de Kanchi- la diaspora indienne à tra- puram, dans le Tamil Nadu, le vers le monde. Connu pour la film racontera cette histoire beauté des tissus et des mo- paradoxale et retracera l’im- tifs, le sari cache cependant portance du sari dans la civi- une histoire tumultueuse et lisation indienne. Fahavalo, tout espoir d’indépendance douloureuse. Derrière ces cinq s’évanouit, le 29 mars 1947, ils mètres de grâce et d’élégance Production : Cine Qua Non Madagascar 1947 prennent la tête d’une insur- de Marie-Clémence se dessine une histoire de pas- (Île Maurice) rection, violemment réprimée Andriamonta-Paes sion et de douleur, où le savoir par les autorités coloniales. (Madagascar) Armés de sagaies et de talis- Durée : 90 minutes mans, ils résistent pendant dix-huit mois dans la brousse. Près de 40 000 soldats mal- Le film propose un éclairage gaches ont été enrôlés dans inédit sur le parcours des Mal- l’armée française en 1939 pour gaches pendant et après la se- défendre la « mère patrie » en conde Guerre mondiale. Europe. Après avoir connu Vi- chy, les Ardennes, la démobi- Production : Laterit Productions lisation, les Frontstalags et le (Madagascar/France), Silvao débarquement en Normandie, Produções Filmes (Cap-Vert) et ils ne rentreront à Madagas- Cobra Films (Belgique) car qu’en août 1946 à bord du paquebot Île-de-France. Quand

27 Au temps ses vierges. La vie est le pro- archives rares, témoignages duit d’une anarchie et cette d’artistes et mise en lumière où les Arabes anarchie est l’œuvre de l’AR- de la haine intégriste envers dansaient TISTE. L’islamiste en veut à les artistes, Au temps où les de Jawad Rhalib (Maroc) l’artiste qui donne vie à la Arabes dansaient retrace le Durée : 84 minutes matière et éloigne les bonnes parcours épineux des artistes âmes du paradis par des idées arabo-musulmans dans ce L’intégriste n’aime pas la vie. malsaines, un dessin diabo- siècle du fascisme islamique. Pour lui, il s’agit d’un éloigne- lique, un chant envoûtant, une ment de Dieu et du paradis danse maléfique… L’artiste est Production : R&R (Belgique) céleste, avec ses fleuves de donc le diable et pour pouvoir lait au goût inaltérable, ses le tuer, l’intégriste le déclare rivières de vin, ses délices et ennemi d’Allah. En mêlant

Kinshasa Makambo nous plonge dans le combat de de Dieudo Hamadi (RDC) ces trois activistes, que ni les Durée : 90 minutes balles, ni la prison, ni l’exil ne semblent pouvoir arrêter... Christian, Ben et Jean-Marie luttent pour l’alternance po- Production : Les Films de l’œil litique et la tenue d’élections sauvage (France), Kiripi Films/ libres dans leur pays, la Ré- Mutotu Productions (République publique Démocratique du démocratique du Congo), Bärbel Congo. Mais le Président s’ac- Mauch Films (Allemagne) croche au pouvoir... Comment changer le cours des événe- ments ? Faut-il s’allier avec l’opposant historique et son puissant parti ? Le dialogue est-il encore possible ou doit- on se résoudre au soulèvement populaire et risquer un bain de sang ? Kinshasa Makambo

29 Courts-métrages Black Mamba d’Amel Guellaty (Tunisie) Durée : 20 minutes Avec : Sarra Hannachi, Saida Hammi, Chedly Taghouti, Char- feddine Taouriti

Sarra, jeune fille de la classe moyenne de Tunis, mène, en apparence, la vie ordinaire que sa mère lui a tracée : elle prend des cours de couture et s’apprête à épouser un gentil garçon. Mais Sarra a d’autres plans inavoués à travers les- quels elle veut échapper à sa vie actuelle.

Production : Atlas Vision, Asma Chiboub (Tunisie)

Razana cendres de son partenaire au de Ratovoarivony Haminiaina père de ce dernier. Un beau- (Madagascar) père malgache traditionaliste Durée : 20 minutes et conservateur qu’il n’a ja- mais rencontré et qui ne sou- Les mains frêles de Solo haite pas sa venue. serrent une urne contre sa poitrine. À la demande de son Production : Amy Productions défunt compagnon, il rentre à (Madagascar) Madagascar pour remettre les

31 Longs-métrages en section "Panorama"

Le bonnet de Modibo À la tête de la direction des de corruption. Alors qu’il se de Boubakar Diallo Examens et Concours de prépare à jouir d’une retraite Durée : 100 minutes Ouagadougou, Modibo est bien méritée qui lui permettra Avec : Ildevert Meda et O’Gust devenu une légende tant il d’aller voir ses filles en Europe, Kutu a été inflexible face aux in- Modibo reçoit la visite surprise terventions et aux tentatives d’une délégation de son vil- lage natal. Le vieux chef vient de décéder, il est urgent de lui trouver un successeur. Modibo est fortement pressenti, car sa candidature apparaît aux yeux des vieux sages comme une solution de compromis pour éviter un affrontement entre deux clans rivaux. Modibo ré- siste, puis finit par se laisser convaincre. Mais lorsque sa candidature est acceptée par Maki’la tion, vol… Les deux finissent Production : Tosala Films, Em- le Conseil des sages, on dé- de Machérie Ekwa Bahango par se marier. Devenue femme manuel Lupia (RDC), Inzo Ya Bi- couvre qu’une condition n’est (RDC) de caïd, Makila engage à son zizi, Rufin Mbou Mikima (Congo), pas remplie : le chef doit être Durée : 78 minutes service des enfants qui volent Orange Studio (France) marié. Or, Modibo est veuf… Avec : Amour Lombi, Fideline pour elle, en échange d’une Kwanza, Serge Kanyinda protection et de quelques Production : Les films du Droma- miettes. Elle arrête ainsi de se daire, Boubakar Diallo (Burkina Makila est une jeune fille de 19 prostituer. Makila et Mbingazor Faso), Avalon, Axel Guyot (France) ans qui vit dans la rue depuis forment le couple le plus res- l’âge de 13 ans. À son arrivée, pecté de la rue, mais très vite, elle a été accueillie par le caïd leur relation basée sur l’ex- Mbingazor, un délinquant al- ploitation et la violence, com- binos, qui l’a initiée à la façon mence à ennuyer la jeune fille de vivre, ou plutôt de survivre, qui se sent prisonnière. Elle dans la rue : drogue, prostitu- décide de quitter Mbingazor…

33 Le fonds d’aide de l’OIF modernisé et ajusté

35 Outil de financement des films et des séries, rienne plutôt qu’Afrique du Nord et documentaires plutôt que fictions. Mais, à partir de 2012, le CIRTEF Ces différentes évolutions (perte d’influence du CIR- le Fonds Image de la Francophonie est devenu trois fois plus a perdu de son influence et a même cessé d’oc- TEF, réforme des commissions et dépôt en ligne) ont sélectif en dix ans. Pour que les pays les moins favorisés cuper pendant l’année 2018, le poste de « membre produit des effets mesurables. Pour que leur analyse permanent » de la commission audiovisuelle qui lui soit pertinente, il faut tenir compte des particularités restent dans la course, l’OIF a prévu des "coups de pouce" revenait. En 2017, le fonds a connu une autre évo- de l’année 2014 où, entre deux cycles de program- ciblés à partir de 2019. lution, la traditionnelle division cinéma/audiovisuel mation budgétaire pluriannuelle, beaucoup d’activi- cédant la place à une nouvelle répartition, par types tés de l’OIF ont été mises en suspens. Résultat : pas Le « Fonds Image de la Francophonie », appelé ini- de programmes. La commission appelée désormais d’aides à la production pour la commission cinéma tialement « Fonds francophone de production audio- « cinéma-fiction » accueille tous les films de fiction et pas de session de fin d’année pour la commission visuelle du Sud » a été créé officiellement en 1988* et d’animation unitaires, qu’il s’agisse de courts ou audiovisuelle, avec, cependant, une opération ponc- et a commencé à opérer de façon régulière (avec longs-métrages de cinéma ou de téléfilms (mais tuelle d’aide au développement des séries d’Afrique des commissions de sélection réunies plusieurs fois ce dernier genre, très peu représenté, a tendance subsaharienne. Les résultats enregistrés pour cette par an) en 1990. Son fonctionnement et son impact à disparaître). Quant à la commission « documen- année atypique ne sont donc pas comparables à pendant les années 2009-2018 ont fait l’objet d’une taires/séries », elle accueille tous les projets de sé- ceux des autres années. analyse approfondie et les résultats de cette étude** ries (qu’il s’agisse de documentaires, de fictions ou ont abouti à une réforme dont la mise en œuvre a d’œuvres d’animation) ainsi que tous les documen- Avant d’étudier l’impact du fonds, il faut également débuté en janvier 2019. taires unitaires (qu’ils soient destinés au cinéma ou tenir compte du fait que son enveloppe a été réduite à la télévision). de 25 % entre le début et la fin de la décennie. Tou- Comment le fonds a-t-il évolué au cours de la dé- tefois, depuis 2015, l’enveloppe disponible est res- cennie étudiée ? D’abord dans sa relation avec le Mais le plus grand bouleversement qu’ait connu CIRTEF (Conseil International des Radio-Télévisions le fonds est plus ancien et il concerne le passage Montant annuel des aides accordées par le fonds (en €) d’Expression française) qui, jusqu’en 2011, était au numérique. Jusqu’en 2011, la soumission d’un associé étroitement au choix des membres de la dossier de demande d’aide nécessitait la duplica- commission audiovisuelle du fonds. Cette commis- tion en une dizaine d’exemplaires d’un document Marguerite Abouet, scénariste et réalisatrice originaire sion avait donc tendance à accorder une priorité aux dépassant parfois la centaine de pages, qui devait de Côte d’Ivoire, préside la commission être envoyé à Paris par courrier express. Ce système pays et aux types de programmes dominants dans «Documentaires/Séries» du Fonds Image était fastidieux, aléatoire (délais d’acheminement le cadre des activités du CIRTEF : Afrique subsaha- de la Francophonie depuis 2017. variables selon les pays), coûteux pour les produc- teurs, inadapté à une vérification rapide et efficace * Cette année-là, Tahar Cheriaa, qui avait été Directeur de la Culture à l’Agence de coopération culturelle et technique, prend sa retraite et des dossiers et peu propice à une transmission ra- retourne en Tunisie. Lorsqu’il était à la tête de la coopération cinématographique francophone, il avait participé à la fondation de la FEPACI et à la consolidation du Fespaco après avoir créé en 1966 les Journées cinématographiques de Carthage. Selon le cinéaste et critique Férid pide aux membres des commissions de sélection. Il Boughedir, « Dès son entrée en fonction à l’ACCT, il avait instauré une tradition : que le soutien aux cinémas francophones se fasse en priorité a été remplacé en 2012 par un dépôt en ligne, via le pour les plus démunis dans ce domaine, les pays francophones du Sud ». site imagesfrancophones.org. ** Réalisée par Pierre Barrot avec le concours d’Aïcha Bahri.

37 tée stable, le fonds ayant même été « sanctuarisé » souci de limiter le nombre de projets retenus pour "Les rois de Ségou" en 2017 à un million d’euros (frais d’organisation relever le niveau des montants attribués. Cette po- des commissions compris). litique a surtout produit ses effets en 2017 et 2018. sur un piédestal Elle a permis notamment de rendre les aides aux L’introduction du dépôt par voie électronique et le longs-métrages beaucoup plus significatives. Alors Le financement le plus important accordé par le passage de trois à quatre sessions par an à partir de que les montants accordés n’avaient plus dépassé fonds de l’OIF au cours des dix dernières années 2017 ont entraîné une forte croissance du nombre 50 000 € depuis 2009, ils ont atteint 70 000 € en est allé à la série malienne Les rois de Ségou. Son des dossiers présentés au fonds. Passé de 111 en 2017 et 65 000 € en 2018. auteur, Boubacar Sidibé, est un habitué du Fespa- 2009 à 303 en 2017, le nombre de demandes a co où il a été récompensé à deux reprises (pour la donc été multiplié par 2,7 sur la période avant que L’introduction du dépôt par voie électronique, en série Les aventures de Séko en 2001, puis pour le l’on n’assiste en 2018 à un léger tassement (245 facilitant le traitement des dossiers, a permis de téléfilmSanoudjè en 2003). Avec Les rois de Ségou, dossiers reçus). Cette « pause » peut s’expliquer par passer de trois à quatre sessions par an. Tandis que il s’attaque en 2010 à l’épopée de Ngolo Diarra, fon- le lancement du Fonds Jeune création francophone la commission cinéma se réunissait une seule fois dateur du puissant royaume bambara que Maryse qui a attiré, cette année-là, 134 dossiers éligibles. dans l’année depuis 2008, chacune des deux com- Condé a immortalisé dans Ségou — les murailles missions a tenu deux sessions par an à partir de de terre*. Avec ses scénarios habilement troussés Au début de la décennie considérée, la baisse de 2017. Cette réforme semble être la principale cause (entre comédie et saga historique) et ses dialogues l’enveloppe globale du fonds s’est traduite par une de l’augmentation du nombre de dossiers reçus à percutants, truffés d’adages savoureux, le projet fait diminution des montants moyens accordés (pas- la fin de la décennie (548 demandes en 2017-2018 mouche et la commission télévision du fonds de sés de 26 000 € en 2009 à 18 000 en 2012). Par contre 450 en 2015-2016, soit une augmentation l’OIF lui accorde 100 000 € en 2010, puis 50 000 € la suite, les commissions de sélection ont eu le de 21 %). de plus en 2011, pour un total de 41 épisodes. Ce financement record (pour l’OIF) reste insuffisant pour procurer à la série les moyens qu’elle aurait time » à raison de trois épisodes par soirée. Enfin, Montant moyen accordé aux projets soutenus (en €) Nombre de projets aidés chaque année mérités : il n’y aura ni chevaux, ni grue, ni rails de en 2012, la chaîne sud-africaine « Africa Magic » travelling sur le tournage. Mais le soutien de l’OIF, achète la série** et la diffuse avec un sous-titrage ajouté aux moyens apportés par la télévision na- anglais. C’est la première fois qu’une série d’Afrique tionale du Mali, va produire un « retour sur inves- francophone s’exporte en zone anglophone. Dans tissement » spectaculaire. La série rencontre un la brèche ainsi ouverte s’engouffreront beaucoup tel succès que la télévision malienne décide de la d’autres séries d’Afrique francophone : C’est la vie, doubler en bambara après la première diffusion en Tundu Wundu, Rêves sans faim, Kiara, Sœurs enne- français. TV5Monde assure aux Rois de Ségou une mies. Toutes ces séries, doublées en anglais avec diffusion exceptionnelle : programmation en « prime l’aide de l’OIF, ont voyagé notamment au Nigeria et en Afrique du Sud.

* Éditions Robert-Laffont, 1984 ; ce roman (suivi de Ségou – La terre en miettes) est l’un de ceux qui ont valu à Maryse Condé le « prix Nobel alternatif » décerné en 2018 par la Nouvelle Académie. ** Cette vente « historique » a été conclue par le distributeur DIFFA, également soutenu par l’OIF.

39 Un fonds plus ouvert La fiction revalorisée "Invisibles" un succès historique et beaucoup plus sélectif Les films (courts et longs-métrages) et les séries de fiction et d’animation, qui représentaient 56 % Le nombre des dossiers reçus, conjugué à la baisse Il faut remonter à 1993 pour trouver une série des montants accordés par le Fonds en 2009-2010 des enveloppes disponibles, a rendu le fonds de d’Afrique francophone avec des épisodes de 52’. Invisibles est une série feuilletonnante mettant en scène (contre 44 % pour les documentaires) grimpent à plus en plus sélectif. Lat Dior était une saga historique tournée par la des "microbes", ces enfants de la rue d’Abidjan 83 % en 2017-2018. Cette évolution spectaculaire télévision sénégalaise sur un scénario d’Alioune qui forment des gangs ultra-violents. semble due à trois facteurs : Badara Beye. Après cette première tentative, il a fal- Ratio dossiers reçus / projets aidés lu attendre dix ans pour retrouver le même format, • le déclin de l’influence du CIRTEF qui avait ten- avec le pilote de la série Inspecteur Sory, tourné au dance à privilégier le genre documentaire Gabon par le Guinéen Mamady Sidibé. Le duo Eriq • l’arrivée à la présidence de la commission « do- Ebouaney-Nadège Beausson-Diagne y faisait mer- cumentaires/séries » d’une auteure de fiction veille mais la série s’est arrêtée à cet épisode pilote (Marguerite Abouet), après des années où la et, pendant les quinze années qui ont suivi, aucun présidence de la commission audiovisuelle reve- épisode de série n’a dépassé les 26 minutes dans nait à des spécialistes du documentaire (Ludovic toute l’Afrique francophone. Bastin, Salomine Messio, Ann Julienne, Rachèle Lorsque l’Ivoirien Alex Ogou achève les dix épisodes Magloire) ; de la série Invisibles, coproduite par Canal+ Afrique, • la montée en puissance des séries de fiction en 2018, il est donc le tout premier en Afrique fran- d’Afrique subsaharienne à partir de 2012 (année cophone à avoir mené à bien une série véritable- marquée par le premier préachat de série afri- ment exportable au format 52’. Le défi est d’autant séries québécoises ainsi qu’une série suisse copro- caine par TV5Monde* et par la première vente plus impressionnant qu’Invisibles est une série duite par la chaîne franco-allemande Arte. Malgré d’une série d’Afrique francophone à un diffuseur d’auteur. Non content d’avoir écrit tous les épisodes cette forte concurrence, Invisibles remporte le prix anglophone**) ; ce mouvement s’est accéléré Malgré l’augmentation spectaculaire de la de- (avec le concours d’Aka Assié), Alex Ogou les a in- de la meilleure série francophone. C’est la première par la suite avec les lancements successifs de mande, le nombre de projets aidés est passé de 48 tégralement réalisés tout en assurant la production fois depuis quinze ans qu’une fiction d’Afrique fran- la chaîne A+ et de RTI-Distribution (branche de en 2009 à 33 en 2018, après avoir connu des pics exécutive (au sein de la société TSK). Une prouesse cophone est récompensée dans un festival euro- la télévision ivoirienne dédiée aux coproductions en 2010 (57 aides) et 2012 (63). Le cumul des deux qui lui a valu plusieurs malaises pendant le tournage péen. En 2003, la série Taxi Brousse, avec des épi- et aux ventes de programmes) ainsi qu’avec les tendances (plus de demandes et moins d’aides ac- ainsi qu’une grave crise de paludisme. sodes signés Pierre Rouamba et Ignace Yechenou, investissements africains du groupe français La- cordées) a radicalement changé la donne. Le fonds Deux mois avant sa diffusion, la série Invisibles est avait remporté le prix de la meilleure série au festi- gardère Studio et la nouvelle politique de « créa- a cessé d’être un guichet semi-automatique pour présentée en septembre 2018 au festival de la fic- val Cinéma tout-écran de Genève en devançant une tions originales » de Canal+ Afrique. devenir un outil de financement hautement sélectif. tion TV de La Rochelle. Principal rendez-vous de la série américaine produite par… Steven Spielberg. Alors que près d’un projet sur deux était soutenu en fiction française, ce festival organise également une Point commun entre Invisibles et Taxi Brousse : une 2009 ; on était à moins d’un projet sur 8 en 2017. * Série « Noces croisées » de Bernard Yameogo (Burkina Faso). compétition francophone. En 2018, on y trouve trois aide à la production accordée par le fonds de la ** Série « Les rois de Ségou » de Boubacar Sidibé (Mali). Francophonie.

41 ci-dessous montre l’évolution sur dix ans des mon- L’Afrique subsaharienne Légende tants accordés aux quatre premiers bénéficiaires du fonds. On constate que le Burkina Faso, en tête en Revenu Revenu intermédiaire Revenu intermédiaire Revenu en retrait élevé de la tranche supérieure de la tranche inférieure faible 2010, puis en 2012 et encore en 2015, a ensuite Entre 2009-2010 et 2017-2018, la part de l’en- été distancé par la Tunisie mais aussi par le Maroc La Tunisie est repassée en 2016 dans la catégorie «revenu intermédiaire de la tranche inférieure» (moins de 3955 $) semble Afrique du Nord/Moyen Orient dans les aides et le Sénégal. Le Sénégal est repassé en 2016 dans la catégorie «revenu faible» (moins de 996 $) accordées par le Fonds Image de la Francophonie est passée de 31,5 à 34,5 %. L’Asie du Sud-Est est Cette évolution reflète le degré d’engagement de passée, sur la même période, de 2 à 4 % et l’océan chacun des États concernés au profit de sa filière Pays RNB/hab 2018 ($) Indien de 0,9 % à 2,4 %. La progression de ces trois audiovisuelle et cinématographique. Le Burkina Seychelles 14180 Cambodge 1230 zones s’est faite au détriment de l’Afrique subsaha- Faso, où l’État intervient depuis longtemps de fa- Maurice 10140 Mauritanie 1100 rienne, passée de 62,1 à 56,1 %. La zone Caraïbe çon très significative mais sans disposer d’un fonds Sainte Lucie 8780 Sénégal 950 (où Haïti est le seul bénéficiaire) est restée stable, d’aide régulier, a été peu à peu distancé par le Ma- Liban 8310 Bénin 800 passant de 3,4 à 3 %. roc (où le système d’avance sur recettes fonctionne depuis le début des années 2000) puis la Tunisie Guinée Equatoriale 7060 Guinée 800 La progression de l’Afrique du Nord et du Moyen- (où la politique d’appui au cinéma a connu un essor Dominique 6990 Mali 770 Orient est particulièrement sensible pour les spectaculaire après la révolution) et le Sénégal (qui Gabon 6610 Comores 760 longs-métrages. Les pays de cette zone, qui ob- a créé son Fonds de promotion de l’industrie ciné- Tunisie 3500 Haïti 760 tenaient 59,7 % des aides aux longs-métrages en matographique — le FOPICA — en 2014). Egypte 3010 Rwanda 720 2009-2010, atteignent 67,9 % en 2017-2018. La Cap Vert 2990 Guinée-Bissau 660 Tunisie, en détrônant le Burkina Faso, est deve- nue le premier bénéficiaire du fonds. Le graphique Le décrochage des pays Vanuatu 2920 Tchad 630 à revenu faible Maroc 2860 Burkina Faso 610 Laos 2270 610 Dans le tableau ci-après, les 37 pays éligibles au Vietnam 2170 RDC 450 Fonds Image de la Francophonie ont été répartis se- Djibouti 1880 Madagascar 400 lon la classification de la Banque mondiale (revenu Sao Tomé 1770 Centrafrique 390 national brut par habitant). Côte d’Ivoire 1540 360 Congo 1360 Burundi 290 Sur les 37 pays ayant accès au fonds de l’OIF, on trouve en 2018 un seul pays à revenu élevé (les Cameroun 1360 Seychelles*), 6 pays à revenu intermédiaire de la

* Ce pays n’a bénéficié d’aucun financement au cours de la décen- nie 2009-2018.

43 tranche supérieure (dont l’île Maurice, le Liban et le est passée de 53,3 % en 2009 à 31,4 % en 2018. sources de financement accessibles aux mêmes Gabon), 14 pays à revenu intermédiaire de la tranche Certes, les variations annuelles peuvent être trom- pays, en particulier les financements des pays fran- inférieure (dont l’Égypte, le Vietnam, le Cameroun peuses et la part de ces pays était encore de 47,9 % cophones du Nord et ceux de l’Union européenne. et la Côte d’Ivoire) et 16 pays à revenu faible. À en 2017, mais sur dix ans, la tendance au déclin La rapide étude faite dans ce sens s’est concentrée noter que le Sénégal, pays à revenu intermédiaire se confirme nettement : 50,55 % en 2009-2010, sur trois dispositifs de financement : le fonds IDFA/ jusqu’en 2016, est repassé, cette année-là, dans la 41,8 % en 2015-2016 et 39,7 % en 2017-2018. Bertha (Pays-Bas), les programmes de l’Union euro- catégorie « revenu faible »**. péenne et du Secrétariat des ACP et le fonds Jeune Si l’on retranche les chiffres du Sénégal, pays le création francophone. Si la part des pays à revenu intermédiaire a aug- plus dynamique du groupe et qui appartenait en- menté globalement, ce n’est pas le cas à l’intérieur core à la catégorie « revenu intermédiaire » en 2016, Le Fonds IDFA/Bertha est ainsi nommé depuis 2013, de la zone Afrique subsaharienne/océan Indien. Les on constate un déclin encore plus marqué. Les 15 année où une dotation de la Fondation Bertha a per- montants obtenus par la Côte d’Ivoire ont progressé pays à revenu faible — hors Sénégal — passent de mis de relancer le fonds d’aide du festival de films sur la période (passant de 89 425 € en 2009-2010 à 44,6 % en 2009 à 19,18 % en 2018. documentaires d’Amsterdam, qui s’appelait aupara- 122 000 en 2017-2018) mais on observe une évolu- vant Fonds Jan Vrijman. En 2017, le fonds IDFA/Ber- tion inverse pour le Cameroun, passé de 221 250 à tha a attribué 312 500 euros à des projets de pays 85 000 €. Sur la même période, le Congo-Brazzaville L’OIF et les autres émergents (dont 10 % à l’Afrique subsaharienne et est à la hausse (il passe de 34 000 € en 2009-2010 sources de financement 14 % à l’Afrique du Nord et au Moyen-Orient). Seuls à 50 000*** en 2017-2018) mais la Mauritanie et 4 projets de pays membres de l’OIF ont été aidés le Gabon n’obtiennent plus aucun financement et Il n’était pas possible d’envisager des évolutions du cette année-là. disparaissent du classement. Au total, on assiste à fonds de l’OIF sans prendre en compte les autres un recul du montant cumulé accordé aux pays à re- venu intermédiaire d’Afrique sub-saharienne et de l’océan Indien, qui passe de 362 275 en 2009-2010 à 257 000 en 2017-2018. Mais leur part du total va- rie peu : elle passe de 14,3 % à 13,6 %.

Plus spectaculaire est le recul des pays à revenu faible (tous situés dans la région Afrique sub-saha- rienne/océan Indien, à l’exception d’Haïti). Leur part

** Source des données du tableau ! https://donnees.banquemon- diale.org/indicateur/NY.GNP.PCAP.CD *** Mais ce résultat est dû à un réalisateur de la diaspora tournant Comparaison de la répartition par types d’œuvres entre Évolution de la part des aides du Fonds captée au Sénégal (Jean-Luc Herbulot, pour la série « Sakho & Mangane Répartition par types d’œuvres des aides accordées le Fonds Jeune création francophone et le fonds par les pays à revenu faible (en %) ») et à une production franco-libanaise tournée en RDC (l’amour à par le Fonds Jeune création francophone de l’OIF. (%) 200 m).

45 Les appels à projets des programmes ACP Film et Dans une logique de complémentarité, l’OIF devrait choix des commissions (qui continuent d’apprécier ACP Cultures+ lancés en 2011 et 2012 ont permis donc maintenir, voire amplifier son effort sur les la qualité des projets indépendamment de leur ori- à l’Union européenne et au secrétariat des ACP de séries et les courts-métrages. Dans une logique de gine). Sur un hippodrome, le système de la course soutenir six longs-métrages d’Afrique francophone, rééquilibrage, on pourrait considérer, au contraire, à handicap consiste à lester les favoris en introdui- un d’Haïti et un de l’Océan indien. 2 626 000 euros qu’il est nécessaire de réévaluer les aides aux docu- sant sous leur selle de petites plaques de fonte ou ont été débloqués pour ces huit films, dont 1 933 000 mentaires et aux longs-métrages. Mais on constate de plomb. Les « outsiders » (notamment les jeunes sont allés à des pays à revenu faible (6 projets dont que les programmes ACP film et ACP Cultures+ ne chevaux, moins expérimentés) ont ainsi la chance deux du Burkina Faso, un du Mali, un du Sénégal, un sont intervenus, au cours des dix dernières années, de rivaliser avec les meilleurs dans une course de- du Tchad et un d’Haïti). Le projet Africadoc Produc- que sur ces deux types de productions. L’accent mis venue plus incertaine. Ce système a l’inconvénient tion a également contribué à la production de docu- par le fonds de l’OIF sur les courts-métrages et les de pénaliser les meilleurs en donnant de meilleures mentaires. Un nouveau programme de financement séries apparaît donc justifié. Il l’est d’autant plus chances aux autres sans vraiment les pousser à se intitulé UE-ACP Culture devrait être mis en place à que l’apparition du fonds Jeune Création Franco- dépasser. partir de 2019 mais ses orientations et son impact phone n’a pas changé la donne. Le fonds de l’OIF a potentiels n’étaient pas encore connus fin 2018. donc toutes les raisons de continuer à investir prio- Plutôt que d’adopter ce système qui consiste à frei- ritairement sur les courts-métrages et les séries. ner les favoris, l’OIF a choisi de donner un coup de Le Fonds Jeune création francophone, a été lancé pouce aux « outsiders ». Cette nouvelle politique se fin 2017 par le Centre national du cinéma et de traduit, dans un premier temps par deux mesures l’image animée (France), la SODEC (Québec), la Fé- Les ajustements nouvelles : à partir de 2019, des aides au déve- Rithy Panh, cinéaste cambodgien, préside dération Wallonie-Bruxelles, le Film Fund du Luxem- la commission «Cinéma-fiction» du Fonds Image du fonds de l’OIF loppement (écriture, repérages) seront accordées bourg, Téléfilm-Canada, TV5MONDE, Orange, France de la Francophonie depuis 2017. régulièrement par le fonds mais seuls les auteurs Télévisions, la SACD-France, la SACD-Belgique et la Le principal inconvénient des évolutions qui ont ren- des pays à revenu faible pourront en bénéficier. Les SACD-Canada. Ce Fonds s’adresse aux pays fran- du le Fonds Image de la Francophonie plus com- projets de ces pays seront aussi les seuls à pouvoir cophones d’Afrique subsaharienne ainsi qu’à Haïti. pétitif (accroissement du nombre de demandes) et cumuler aide à la production et aide à la finition. Il La comparaison des deux fonds indique un apport 487 000 euros d’aides à la production ou au dé- plus sélectif (réduction du nombre de projets aidés) s’agit donc de donner des ailes à ceux qui peinent très significatif du Fonds Jeune création franco- veloppement ont été attribués lors de sa première est la tendance à la mise à l’écart des pays à reve- à décoller plutôt que de plomber ceux qui survolent phone sur les longs-métrages de fiction et les do- session qui s’est tenue en juin 2018. Ces premiers nu faible. Seul le Sénégal semble échapper à cette déjà la compétition. cumentaires (plus de 85 % des montants accordés financements ont bénéficié presque exclusivement « fatalité », à la fois parce qu’il se situe à la limite aux pays à revenu faible, contre 47 % dans le cas à des projets de pays à revenu faible (477 000 € sur supérieure de la catégorie et parce qu’il bénéficie du fonds de l’OIF). En revanche, l’impact du Fonds 487 000). Plus de la moitié des sommes accordées d’une politique nationale favorable à la production, Jeune création sur la production de courts-métrages (254 000 €, soit 52 %) est allée à des projets aidés notamment depuis qu’il a créé son propre fonds et de séries de fiction apparaît très limité tout au la même année ou auparavant par le Fonds Image d’aide, le FOPICA. moins pour la première année (16 % des montants de la Francophonie. En revanche, la répartition par accordés aux pays à revenu faible, contre 55 % en types d’œuvres est très différente de celle observée Il fallait donc corriger la tendance à la marginalisa- 2017 et 53 % en 2018 pour le fonds de l’OIF). en 2018 sur le fonds de l’OIF. tion des pays à revenu faible mais sans biaiser les

47 L’aventure de Maki’la, "L’œil du cyclone" premier film et jeunes talents Aucun film n’illustre mieux que l’Œil du cyclone la variété des aides appor- Née à Kisangani (République démocratique du tées par L’OIF au cinéma africain. Au Congo) il y a 25 ans, Machérie Ekwa Bahango rê- commencement, il y avait une pièce vait de devenir comédienne. Tout en poursuivant des de théâtre, écrite et mise en scène études « sérieuses » (qui lui vaudront de décrocher par Luis Marquès, auteur espagnol une licence en droit), elle fait une incursion dans le Si le scénario est enfin au point, les financements né en France (et qui deviendra bur- mannequinat, mais, parallèlement, sa passion pour obtenus restent insuffisants mais Sékou Traoré, Luis kinabè par la suite, après avoir longtemps résidé le cinéma l’amène à participer à l’aventure du film Marquès et Axel Guyot décident tout de même de en Côte d’Ivoire). En 2007, la pièce accouche d’un Félicité d’Alain Gomis, dont elle traduit les dialogues tourner en 2014. Pour éviter que les difficultés de projet de film destiné à être produit et réalisé par le en lingala. Peu de temps après, elle entame le tour- trésorerie ne se transforment en cauchemar, ils de- Burkinabè Sékou Traoré. La même année, Marquès nage de Maki’la, long-métrage, dont elle a écrit le mandent à leur banquier de faire intervenir le Fonds et lui obtiennent une aide à l’écriture du scénario, scénario et qui met en scène des enfants de la rue de garantie pour les industries culturelles, un dispo- octroyée par le festival d’Amiens, avec le soutien de à Kinshasa. Le film fait appel à des comédiens ama- sitif mis en place par l’OIF depuis les années 2000. l’OIF. La société française Les films d’Avalon s’asso- teurs (dont l’étonnante Amour Lombi, dans le rôle Le tournage est mené à bien et le montage s’achève cie au projet mais il lui faudra attendre 2011 pour principal) et bénéficie d’un budget dérisoire mais juste à temps pour le Fespaco 2015. Épuisés et en- obtenir un premier engagement financier : celui de la réalisatrice et son producteur, Emmanuel Lupia, dettés, les producteurs attendent avec anxiété le TV5Monde, la chaîne francophone. Cette année-là, sont repérés par la société de distribution DIFFA, verdict du public. Le représentant de l’OIF, qui a sui- le programme ACP-Films lance un appel à projets puis par Orange Studio. En 2017, Maki’la bénéficie vi l’aventure depuis 2011, découvre le film au ciné et l’OIF intervient pour aider les producteurs franco- d’une aide à la finition du Fonds Image de la Franco- Neerwaya. Devant lui, un spectateur s’exclame : phones à monter leur dossier. Axel Guyot, des Films phonie et l’OIF invite Machérie Ekwa au Festival de « Ça, c’est du cinéma ! ». Le jury sera du même avis d’Avalon, bénéficie du soutien de Golda Sellam, Cannes. En 2018, Maki’la est présenté dans la sec- et le film va rafler sept prix, dont l’Étalon de bronze consultante mandatée par l’OIF, ce qui lui permet tion « Forum » du festival de Berlin avant d’obtenir de Yennenga et les deux prix d’interprétation, attri- de surmonter tous les obstacles et de décrocher le grand prix du festival Écrans Noirs de Yaoundé. En bués à Maïmouna N’Diaye (qui deviendra l’égérie du un financement de 200 000 €. En 2013, le fonds 2018-2019, Machérie Ekwa participe à la résidence Fespaco 2019) et Fargass Assandé. Cette moisson d’aide de l’OIF apporte un complément de 40 000 €. de la Cinéfondation du Festival de Cannes avec son de prix met le film en lumière et permet à Orange En attendant de boucler le budget, Luis Marquès et nouveau projet de long-métrage Zaïria inspiré de Studio de s’engager en apportant le financement Sékou Traoré ont continué à travailler sur le scéna- ses souvenirs d’enfance pendant la « guerre des six qui manquait encore. En décembre 2015, c’est au rio et, en cette même année 2013, ils participent jours » qui, en 2000, avait ensanglanté la ville de tour des Trophées francophones du cinéma d’ho- aux Ateliers Sud Écriture, organisés par la Tuni- Kisangani, au Nord-Est de la RDC. sienne Dora Bouchoucha avec le soutien de l’OIF. norer Maïmouna N’Diaye pour son interprétation et Luis Marques pour le scénario.

49 Produit par la Direction « Langue française, culture et diversités » Directrice : Youma Fall Spécialiste de programme chargé du cinéma et de l’audiovisuel : Pierre Barrot

Réalisé par la Direction de la communication et des instances de la Francophonie Directrice : Véronique Taveau Chargée des publications : Marie Bellando Mitjans

Images de couvertures : tournage de la série Invisibles d’Alex Ogou (crédit TSK Studio) ORGANISATION INTERNATIONALE DE LA FRANCOPHONIE 19-21, avenue Bosquet, 75007 Paris — France Tél. : +33 (0)1 44 37 33 00 francophonie.org @OIFfrancophonie