Traduction Du Général Gaston Renondeau
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Notes du mont Royal www.notesdumontroyal.com 쐰 Cette œuvre est hébergée sur « No- tes du mont Royal » dans le cadre d’un exposé gratuit sur la littérature. SOURCE DES IMAGES Persée CHOIX DE PIÈCES DU THÉÂTRE LYRIQUE JAPONAIS transcrites, traduites et annotées par le Lieutenant-Colonel RENONDEAU, Attaché militaire à l’Ambassade de France au Japon. AVERTISSEMENT. Les lecteurs du Bulletin de l’École Française d’Exlrême-Orienl n’ont pas oublié les remarquables Études sur le drame lyrique japonais que notre regretté colla- borateur Noël Péri y publia entre [909 et I920. Un sait que ces études font au-- jourd’hui autorité jusque dans le monde des érudits japonais et que, parmi ces der- niers, de l’avis même d’un bon juge, M. Furuichi Kôi Ê ïfî a) fifi, collaborateur de la revue spéciale Nôgaku: «aucun n’a poussé ses recherches aussi loin que M. Péri». «Ces études, écrivait Claude Maître, ont renouvelé entièrement nos con- naissances sur le drame lyrique japonais et pendant longtemps les japonologues européens qui s’occuperont après Péri de cette forme d’art re5teront tributaires de ses recherches » Noël Péri, en oll’et, a surtout voulu exposer des observations générales sur le nô, sa mise en scène, les formes littéraires, plastiques ou musicales qu’il emploie, sa structure et son histoire. Il a illustré ces études en donnant la traduction de dix pièces, dont les cinq premières suivent l’ordre même danslesquelles elles figureraient sur les programmes des représentations, chacune étant un exemple d’une classe de nô et l’ensemble permettant de se rendre un compte exact du genre et de ses variétés d’exécution. Mais ces dix pièces de nô ne représentent qu’une très faible partie du répertoire habituel du théâtre dramatique japonais. La riche bibliographie donnée par Peri dans son Introduclion signale près de cinq cents pièces diverses, dont le texte existe encore et parmi lesquelles plus de la moitié constitue depuis deux siècles les répertoires des différentes écoles. Le genre nô a donc donné naissance à une littérature considérable et on comprend l’intérêt qui s’attache à une connaissance plus complète de ses principaux chefs- d’œuvre. Mais il reste beaucoup à faire pour défricher complètement le champ d’études du drame lyrique japonais. Par ses beaux travaux, Peri l’a soigneusement délimité et y a tracé des voies qui permettent d’accéder facilement aux parties les plus fertiles. Il a ainsi proposé aux japonologues de continuer son œuvre et de s’ef- forcer de mettre en valeur ces richesses encore délaissées. Cet appel a été entendu par un japonologue averti, fervent amateur de nô, le Lieutenant-Colonel Renondeau, qui a extrait des répertoires traditionnels un choix de pièces qu’il a traduites et annotées. Nous sommes heureux de pouvoir commencer aujourd’hui la publication de cette nouvelle série de drames lyriques japonais. L. A. I. - KURAMA TENGU. Ce a nô de démon» (oui-nô SE 8.2) est attribué à Miyamasu Ë; ifi qui en a pris le sujet dans des relations historiques plus ou moins déformées par des légendes, en particulier dans le Heiji monogatari. En l 160, les Mintmoto venaient d’être vaincus par Kiyomori, le plus grand des Taira. Minamoto Yoshitomo avait été massacré. Sa concubine, Tokiwa Gozen, devenue d’abord concubine de Kiyomori, fut bientôt prise pour femme par Naganari Ason Ë m’a fil] E. Or, elle avait eu de Yoshitomo trois enfants, dont le dernier, Ushiwaka, n’avait que quelques mois à la mort de son père. Kiyo- mori décida que les enfants de Yoshitomo seraient exilés ou deviendraient bonzes. mais il laissa provisoirement à sa mère le jeune Ushiwaka, en raison de son âge. Asept ans, toutefois, Ushiwaka-maru fut envoyé au temple de Kurama, dans les montagnes voisines de Kyoto, où son éducation fut confiée au savant Zenrimbô Ajari Kakujitsujîifl 1* ijj lift] æ à! Ë B . Le maître, ajoute le Gikeiki â Æ âfi, eut pour son élève plus que de l’amitié et pour cette raison fit ajourner sa prise d’habit de moine. ll fut convenu que cette cérémonie ne serait célébrée que lorsque Ushiwaka atteindrait l’âge de seize ans. Mais le jeune homme devait bientôt quitter le temple pour les brillantes destinées que l’on connaît et dont le théâtre et les nô ont perpétué le souvenir. C’est pendant le séjour d’Ushiwaka à Kurama que se passe l’action de Kurama Tengu. Le jeune Ushiwaka, élevé parmi les fils du vainqueur de son clan, rêvait de venger son père et de rétablir la suprématie des Minamoto. Un jour de printemps, les bonzes de Kurama se disposent à fêter dans leurs jardins l’épanouissement des fleurs de cerisiers, lorsqu’un vieux moine se mêle à eux sans y être invité. C’est un yamabusâi, c’est-à-dire un anachorète, un être peu raffiné, un peu sorcier (l). Son intrusion parmi des gens de distinction suffit pour faire remettre la fête au lendemain et le vide se fait autour de lui. Seul, Ushiwaka l’accueille avec courtoisie et l’invite à com- templer les fleurs. Le bonze inconnu lui exprime sa reconnaissance et même lui tient quelques insttnts un langage ambigu dont les termes dépassent ceux d’une amitié platonique: allusion probable à la passion que le maître Kakujitsu aurait éprouvée pour son élève. Le bonze reprend un ton plus sérieux et révèle au jeune homme qu’il n’est autre que le grand lengu des environs (i). Puisque Ushiwaka s’est montré bon (l) Cf. infra, p. 26:. n. l. (à) On consultera avec intérêt une étude très approfondie sur les lengu. publiée par M. de Visser dans Transactions ojlhc Asiatic Sociely of .Iapan, vol. XXXVI, par! Il. -. 260 -- pour le vieillard repoussé par les bonzes de Kurama, le grand lengu lui saura gré de ses sentiments. Déjà il l’emmène dans les airs et le promène dans tous les endroits célèbres par leurs cerisiers en fleurs. Puis, en le quittant, il lui promet de lui transmettre le lendemain les principes secrets de l’art des com- bats, ce qui lui permettra de vaincre plus tard les Taira. Fidèle à sa promesse, le grand tengu revient à l’heure dite, non déguisé cette fois. Il propose au jeune homme de lui présenter tous les tcngu d’ordre mineur, si l’on peut les appeler ainsi, qui sont de sa suite (car il existe une hiérarchie parmi les tcngu), puis ilraconte comment un certain ministre de Chine appelé Tchang Leang reçut les fameux secrets que lui-même fait enfin con- naître au futur Yoshitsune, au cours d’une danse animée, en l’assurant de sa protection dans les combats futurs. On voit que tout l’intérêt est concentré sur les personnages d’Ushiwaka et du tcngu. L’idée est simple: puisque Ushiwaka rêve de venger son clan, l’heureuse intervention d’un génie lui en donnera les moyens. C’est le tengu quiest le shile; Ushiwaka a ce rôle de kogata, d’une importan- ce très marquée dans les nô en général et qui est ici de premier plan. Les autres personnages sont secondaires: le waki disparaît très tôt et le kyôgen n’a qu’un rôle épisodique que supprime l’école de Hôshô. Les autres bonzes et les enfants neCe sontnô est formé que naturellement des figurants.de deux parties. cette -division étant néces- saire pour permettre au tcngu de reprendre sa vraie personnalité. Le change- ment de costume, qui s’effectue dans la «chambre du miroir» ou foyer, dans lequel s’habillent les acteurs, est long ; la scène est occupée pendant ce temps par un intermède (katuri-ail) monotone, que bien peu de spectateurs prennent la peine d’écouter et dont nous n’avons pas jugé utile de donner la traduction. La succession des différentes formes de chants et de passages parlés s’écarte de l’ordonnance classique, surtout au milieu de la pièce. Nombreuses sont les réminiscences, ou même les insertions intégrales, de poésies connues ; on trouvera à ce sujet cinq notes détaillées. - Ainsi que nous l’avons dit plus haut, la tradition attribue ce nô à Miyamasu. Il semble en tout cas certain que l’œuvre soit antérieure 51.1464. puisque, d’après le Tadasu-gawara-kwanjin sarugaku nikki jà] [à sa 3’115; fit: 2,513 B ËE, On- ami à [fi] ça la joua le [0 du se mois de la se année kwanshô (i464) et d’après le Chikamoto nikki Ë if, B ÊE, il la rejoua le 9 du 30 mois de l’année suivante. Toutes les écoles comprennent ce nô dans leur répertoire ; nous avons suivi le texte de l’école de Kwanze en signalant les variantes que présentent les textes des autres écoles. KURAMA TENGU sa 3E ait). PERSONNAGES. 1°" partie. Shite : un yamabushi (I). Kyôgen: un serviteur de temple. Waki z un bonze de Kurama (9). Kogala : Ushiwaka-maru (il). 2 on”’ partie. Kogala: comme dans la 1"" partie. Shitc : un grand icngu. L’action se passe dans la province de Yamashiro, au se mois. (l) Quand, au début de la pièce. le shilc se nommera, il se dira un kyakusô. Dans la distribution des rôles on le définit: un yamabushi. Les yamabushi t il] ou Lll El , hommes qui couchent dans les montagnes) étaient des anachorètes qui menaient dans les montagnes une existence rude. Avant de former une secte définie, les yamabushi avaient compté des ermites de renom; tel fut au Vilc siècle En no Gyôja fi Ë, encore appelé En no Ubasoku fifi ou Otsunu Ils Ë, qui paSSait pour posséder des pouvoirs occultes.