La Guerre De Pierre Gascar : Un Témoignage Littéraire De La Deuxième Guerre Mondiale
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Faculteit Letteren & Wijsbegeerte Academiejaar 2011-2012 La guerre de Pierre Gascar : Un témoignage littéraire de la Deuxième Guerre mondiale Verhandeling voorgedragen aan de Faculteit Letteren en Wijsbegeerte voor het verkrijgen van de graad van Master in de taal- en letterkunde: Frans-Duits door Gladys Vercammen-Grandjean Promotor : Prof. Dr. Pierre Schoentjes Vakgroep Letterkunde Frans Remerciements Après quatre années intensives passées au Blandin, il est indispensable de remercier ceux qui m’ont accompagnée jusqu’à ce point semi-angoissant qui est sensé symboliser le début de mon âge adulte. Premièrement, je tiens à remercier Professeur Schoentjes, dont les cours fascinants sur la littérature française contemporaine ont contribué au choix du sujet de ce mémoire et dont les remarques et les bons conseils m’ont aidé à rédiger ce travail de maîtrise. Ensuite, je voudrais chaleureusement remercier Mlle Vicky Colin, Mlle Irina De Herdt et Mlle Griet Theeten pour leur aide et leur enthousiasme très appréciés pendant ces deux dernières années d’études. Finalement, il me reste à remercier mes parents, Alain Vercammen-Grandjean et Ann De Bodt, pour leurs supports inconditionnels, ainsi que mes proches, Solène Dia en particulier, pour leurs idées rafraîchissantes et leurs amitiés sincères. 3 Introduction Pierre Gascar, pseudonyme gascon de Pierre Fournier, est compté parmi ces écrivains de plus en plus rares qui échappent aux catégories1. Journaliste, romancier, nouvelliste, il a publié « une cinquantaine de titres […] dont la diversité, exclusive de la dispersion, s’attache, d’évidence ou secrètement, à ne pas trahir les couleurs du réel » 2. « La guerre et la captivité, la cruauté des hommes et celle, épouvantée, des animaux, l’application de quelques lois du règne végétal à une allégorie de la condition humaine3 » : ainsi se résument les thèmes principaux dans l’œuvre de Gascar. François Nourissier avance une remarque valide lorsqu’il déclare que les thématiques de Gascar ne sont « pas de ceux qui électrisent le lecteur» 4. De plus, la modestie de l’auteur qui s’éloignait le plus possible du monde bourgeois des literati parisiens5, a contribué à une aliénation entre l’écrivain et ses lecteurs. Ceci explique pour une grande partie la tombée en oubliettes d’un auteur qui s’est pourtant vu comblé de prix littéraires au long de sa carrière. De 1953 à 1991, Gascar fut sept fois couronné par des jurys estimables, avec l’attribution du prestigieux Prix Goncourt en 1953 pour Les bêtes suivi de Le temps des morts à retenir particulièrement. Le temps des morts l’inscrit définitivement dans le domaine de la littérature concentrationnaire. Le livre nous offre une version plutôt littéraire de ses expériences comme prisonnier français dans le stalag 325 à Rawa-Ruska, un petit hameau dans la Galicie orientale. Ensemble avec ses compatriotes incarcérés, il était un témoin direct de la solution finale nazie : le génocide juif par balle et par déportation. Dans ce mémoire, nous étudierons de plus près ce dont l’expérience de guerre de Pierre Gascar est constitué, afin d’y découvrir un fil conducteur, à la fois au niveau thématique et stylistique. L’œuvre de Gascar en est une qui –à tort– n’a pas été fortement incorporée dans l’histoire littéraire. La littérature dite secondaire se réduit pour la plupart du temps à des critiques brèves suivant les publications de ses livres. Or, Lawrence Langer consacre dans The Holocaust and the Literary Imagination quelques chapitres aux Bêtes et au Temps des morts, où il considère les deux livres joints comme symbolisant parfaitement « l’univers concentrationnaire de Pierre Gascar » 6. Un propos repris de Chester W. Obuchowski, qui a publié en 1961 un article intitulé The 1Jacques Chancel, Pierre Gascar, écrivain, entretien radiophonique, Radioscopie, 17 septembre 1974, disponible sur <http://www.ina.fr/media/entretiens/audio/PHD86009786/pierre-gascar-ecrivain.fr.html>. 2 Guy Rohou, « Solitaire et fraternel », La Nouvelle Revue française, n°539, décembre 1997, p. 35. 3 François Nourissier, « Quel est le prix de la probité ? », La Nouvelle Revue française, n°539, décembre 1997, p. 32. 4 Ibid, p. 32. 5 Claudia Hoffer-Gosselin, « Pierre Gascar », in : S. Lilian Kremer, Holocaust Literature : Agosín to Lentin, London/New York, Routledge, 2003, p. 404. 6 Lawrence L. Langer, The Holocaust and the Literary Imagination, Londres, Yale University Press, 1975, p. 63. 4 Concentrationary World of Pierre Gascar, où il décrit cet univers comme un monde sombre et mystérieux qui menace éternellement l’humanité7. Bien qu’il ne suscite aucun doute que la thématique dans Le temps des Morts et encore plus dans Les bêtes met en avant une atmosphère macabre, l’articulation des expériences de l’auteur à celles du concentrationnaire à proprement parler, pose problème. Certes, le témoignage de Gascar est primordial dans « le développement des lettres au lendemain de la Seconde Guerre mondiale » 8, mais le choix du terme « univers concentrationnaire » semble mal choisi. Ainsi, cette formulation nous rappelle le livre de David Rousset, publié au seuil de l’après-guerre. L’univers décrit par Rousset, qui « fut le premier déporté à décrire les mécanismes et la logique des camps de concentration que le nazisme a portés au paroxysme de l’horreur » 9, se distingue clairement des objectifs de Gascar. Wieviorka relève à juste titre la question sur la définition du concentrationnaire: [David Rousset] introduit auprès du grand public la notion de ‘camp de concentration’ […] Il permet ainsi de commencer à penser globalement le système concentrationnaire. […] En utilisant l’adjectif ‘concentrationnaire’, David Rousset indiquait qu’il pouvait y avoir des camps non concentrationnaires, des camps où l’on internait, mais qui ne faisaient pas système10. L’expérience de Gascar comme prisonnier de guerre dans un camp de travail soviétique n’adhère donc pas à l’atmosphère d’un univers concentrationnaire à proprement parler. Ceci ne rend toutefois pas son témoignage sur la Shoah « superflu » comme il semble le formuler dans l’avant-propos du Temps des morts : Le rêve russe : « Mon témoignage n’ajouterait rien à ceux qui se sont accumulés depuis la dernière guerre11 ». Le rêve russe est une publication posthume qui narre à nouveau l’expérience de l’auteur dans le stalag de Rawa-Ruska. Gascar précise dans son avant-propos qu’il regrette sincèrement « d’avoir donné une tournure littéraire, au sens péjoratif du terme, à ce livre dont le thème tient une place majeure dans [ses] souvenirs » 12. En retournant aux sources de ses souvenirs, l’écrivain s’écarte de son « style souvent trop recherché » 13 qui domine la première version du Temps des morts. La crainte que son livre célèbre « perdait ainsi, aux yeux des 7 Chester Obuchowski, « The Concentrationary World of Pierre Gascar », The French Review, t. XXXIV, n°4, février 1961, disponible sur <http://www.jstor.org/stable/383 837>, p. 327. 8 Pierre Schoentjes, « Pierre Gascar : retour sur Le Temps des morts », texte inédit, 2012, p. 1. 9 David Rousset, L’univers concentrationnaire, Paris, Fayard/Pluriel, 1998, quatrième de couverture. 10 Annette Wieviorka, « Camp de concentration au 20ème siècle », Vingtième siècle. Revue d’histoire, n° 54, avril-juin 1997, disponible sur : <http://www.jstor.org/stable/3771405>, p. 10. 11 Pierre Gascar, Le temps des morts. Le rêve russe. Texte définitif, Paris, Gallimard, 1998, p. 10. 12 Ibid., p. 10. 13 Ibid., p. 9. 5 lecteurs, sa valeur de témoignage » 14, fait preuve d’une obsession de véracité historique. De ce point de vue, Gascar semble partager la même opinion que Chalamov, l’écrivain soviétique qui suppose que « l’enrichissement de la langue, c’est l’appauvrissement de l’aspect factuel, véridique du récit »15. En outre, nous repérons dans Le rêve russe une forte volonté de mettre au premier plan la souffrance des Juifs, dépouillée de descriptions métaphoriques : « Aborder en littérature une réalité aussi violente que la guerre, et certainement le génocide juif, lui apparaît devoir se faire sans les embellissements du beau langage16 ». En effet, la version publiée en 1953 se caractérise par une forte présence symbolique, où la symbiose de l’onirique et du réel peut laisser le lecteur dans l’incertitude par rapport à la réalité du vécu personnel de l’auteur. Dans un entretien avec Hubert Nyssen en 1969, Gascar avoue que son « besoin d’exprimer l’inexprimable, d’atteindre cette sorte d’au-delà, [lui] a donné une écriture qu’on peut considérer comme baroque, […] [avec une] langue tordue, qui coule mal »17. Dans son compte rendu de Gascar, Claudia Hoffer-Gosselin souligne que son œuvre antérieure reste néanmoins un témoignage crucial de l’insensibilité et la terreur de la Deuxième Guerre mondiale, ainsi que de la capacité effrayante de l’homme pour l’autodestruction18. Deux aspects s’avèrent intéressants dans la comparaison des deux versions du temps vécu à Rawa-Ruska. Premièrement, elle nous présente une évolution stylistique de Gascar, qui montre à la fois ses qualités comme romancier et celles comme essayiste. En second lieu, la différence de style interroge la problématique d’une écriture concentrationnaire « correcte ». La question se pose à nouveau de savoir si les productions fictionnelles et les faits historiques sont conciliables ou si une prédilection du romanesque emporte une certaine négligence de la véracité historique. Dans The distinction of fiction, Dorrit Cohn propose une formule qui traite l’écriture historique et romanesque comme deux champs primordialement différents. La volonté de changement de la part de Gascar présume que l’auteur est également à la recherche de règles fondamentales pour une écriture appropriée et respectueuse de l’horreur de la Shoah. L’histoire de la captivité des Français en Allemagne, publié en 1967, semble être une première tentative d’une écriture plus véridique. La première personne dans Le temps des 14 Ibid., p. 9. 15 Varlam Chalamov, Récits de la Kolyma, Paris, Editions Verdier, citation disponible sur : < http://www.editions-verdier.fr/v3/oeuvre-recitskolyma-2.html>, consulté le 29/07/2012.