8 mai 1971 Saint-Étienne-Bordeaux : 2-3 Ils ont connu les deux clubs Albert Tricon (Marseille, 1934-1936 ; Saint-Étienne, 1945-1946) Roger Rolhion (Saint-Étienne 1935-1943 ; Marseille, 1954-1956, entraîneur) L’Architecte (Saint-Étienne, 1951-1952 ; Fils de Geoffroy, fondateur de Casino en 1898, Pierre Guichard crée l’Association Sportive Marseille, 1970-1972, entraîneur) de Saint-Étienne et en prend la présidence. Un club de légende vient de naître. Bernard Lefèvre (Saint-Étienne, 1956-1958 ; Marseille, 1960-1962) a roulé sa Bobosse Henri Braizat (Saint-Étienne, 1957-1959 ; Bernard Bosquier dispute, sans le savoir, son dernier match. Car, deux jours avant, Marseille, 1959-1960) l’affaire Bosquier-Carnus a éclaté. Elle conduit à leur licenciement, le 13 mai. Raoul Noguès (Marseille, 1974-1977 ; Saint-Étienne, 1981-1982) es footballeurs français n’arrêtent plus de fantasmer une fois l’année érotique passée. Jusqu’en Olivier Roussey (Saint-Étienne, 1977-1978 ; 1969, ils appartenaient à leur club jusqu’à trente-cinq ans. Mais voilà que le rapport de forces Marseille, 1985-1986) s’est définitivement inversé. Désormais, leur contrat de travail est à durée déterminée. Cela tombe (Saint-Étienne, 1982-1983 ; Lbien pour Bernard Bosquier. Le sien expire dans deux mois et il se trouve au sommet de son art. Marseille, 1986-1988) « C’était un défenseur central extraordinaire, se souvient André Guy. Il avait tout : la vista, la technique, (Marseille, 1985-1987 et un jeu de tête phénoménal, il était bon sur l’homme… Il ne lui manquait que la vivacité. C’est d’ailleurs 1995-1998, entraîneur adjoint ; Saint-Étienne, pour ça qu’il s’est reconverti défenseur après avoir été avant-centre à Sochaux (1961-1962). » depuis 2009) Le come-back Joseph-Antoine Bell (Marseille, 1985-1988 ; Conscient de cette lacune, il l’a beaucoup travaillée. « Je m’entraînais avec des pointes et je courais Saint-Étienne, 1991-1994) sur des copeaux en effectuant des petits pas car je me trouvais lourd et qu’il me fallait améliorer ma « Bosquier nous emmerde » Bernard Pardo (Saint-Étienne, 1985-1986 ; rapidité. » Bernard Bosquier y est parvenu. Au point d’être sacré deux années de suite meilleur joueur Marseille, 1990-1991) Dix-huit ans après son départ fracassant, Bernard Bosquier est de retour à Saint-Étienne. Là encore, français du Championnat par Football (1967 et 1968). Ses performances l’année d’avant lors (Marseille, 1986-1987 ; l’histoire se termine mal. Il raconte : « Je suis devenu directeur sportif en février 1989 à la demande de la Coupe du monde 1966, en Angleterre, avaient conduit Saint-Étienne à casser sa tirelire pour lui. Saint-Étienne, 1990-1991) de la famille Guichard. Elle savait que je travaillais auprès des jeunes. Je suis allé chercher Grégory Bernard BOSQUIER Bernard Bosquier se sait toujours très convoité. Mais le président Rocher s’en fiche. C’est lui qui François Lemasson (Saint-Étienne, 1986- Coupet (gardien de 1993 à 1997) à seize ans au Puy-en-Velay, (attaquant de 1990 à Né le 19 juin 1942, à Thonon-les-Bains (74) décide. Autant dire qu’il n’a pas encore bien pris la mesure du changement d’époque, de la révolution 1987 ; Marseille, 1997-1999) Poste : Libero que vient de vivre le football français. Surtout, il mésestime le caractère entier de son joueur. « On a 1995)… Un jour, on m’a proposé de l’argent pour engager un joueur. Je ne l’ai pas pris. Ma Titi Camara (Saint-Étienne, 1990-1995 ; Statistiques : 213 matchs et 22 buts de 1966 à toujours dit que j’avais une grande gueule, mais c’est faux, se défend l’intéressé, issu d’une famille notoriété a plus de valeur que tout ce qu’on pouvait me donner. Moi, ce que je voulais, c’est que Marseille, 1997-1999) 1971 de footballeurs (son père a joué au Servette Genève en 1940-1941 et son oncle Henri a été directeur les joueurs respectent le club et les sponsors. Par exemple, Puma était notre équipementier. Les Jean-Pierre Cyprien (Saint-Étienne, 1990- Palmarès : Quatre titres de champion (1967, de Nîmes pendant trente ans). Je ne me laissais pas faire. Ce n’est pas pareil. Parce que quand tu allais joueurs devaient mettre ses tenues et ses chaussures. Pareil quand une télévision venait. La 1994 ; Marseille, 1999-2000) 1968, 1969, 1970) et deux Coupes de France voir ton président, tu y allais seul, sans agent. » moindre des choses, c’était qu’ils enfilent un maillot avec la marque Casino, notre principal Jean-Christophe Thomas (Marseille, 1992- (1968, 1970) sponsor. Les joueurs ont alors dit : “Bosquier nous emmerde.” Pareil quand j’ai mis des amendes 1994 ; Saint-Étienne, 1996-1998) Alors qu’il travaillait à l’usine Peugeot, tout en continuant ses études de dessinateur industriel à l’un d’eux, toujours en retard. “C’est un camp de concentration ici.” Il part à l’étranger et, dans (Saint-Étienne, 1993-1995 ; d’architecture à Sochaux, il avait ainsi refusé à vingt ans de jouer la finale de la Coupe Drago contre son premier article, il déclare : “C’est bien ici. Il y a de la discipline.” Je voulais que les joueurs Marseille, 1997-1999) LE CHIFFRE : 400 000 Sedan, en 1963 (5-2). Il raconte : « Monsieur Deur, mon président, me fait venir dans son bureau le marchent droit. Malheureusement, dans le football, si tu as la baguette facile pour taper sur les Piotr Swierczewski (Saint-Étienne, 1993- Soit le montant en francs, très élevé pour matin du match, à 10 heures. doigts, tu ne restes pas. Tu te montres intransigeant ? T’es mort. J’ai donc été obligé de prendre 1995 ; Marseille, 2001-2003) un défenseur à l’époque, de l’indemnité de – Tu es à l’armée et je te propose 5 000 francs à la signature et 1 500 francs par mois. le large en novembre 1991, comme tout directeur sportif qui se respecte. André Laurent m’a Sébastien Pérez (Saint-Étienne, 1993-1996 ; transfert payée à Sochaux, en 1966. – Quoi ? lâché. J’ai revendu mon appartement et je suis parti comme ça. Je n’avais pas de contrat car je Marseille, 2002-2004) – Tu le prends comme ça ? Des joueurs comme toi, il y en a plein. voulais garder ma liberté. Et je l’ai reprise. Elle n’a pas de prix. » Commentaire du président Élie Baup (Saint-Étienne, 1994-1996 et 2004- – D’accord. Vous prenez le “y’ en a plein” et vous le faites jouer ce soir. Moi, je repars au Laurent : « Bernard Bosquier est un homme bien. Il a fait du bon travail. Mais ça n’a pas marché. 2006, entraîneur ; Marseille, 2012-2014) Bataillon de Joinville. Dans un milieu de rigueur comme l’ASSE, son tempérament méditerranéen ne convenait pas très Zoumana Camara (Saint-Étienne, 1996-1998 Né le 13 août 1942, à Gignac-la-Nerthe (13) bien. Il était devenu perturbant pour les joueurs. » et 2004-2007 ; Marseille, 2000-2002) Poste : Gardien Deux mois après, le colonel me dit : “Vous avez une permission pour aller à Sochaux.” J’y vais et j’ai (Marseille 2003-2006 ; Statistiques : 172 matchs de 1967 à 1971 signé pro pour dix fois plus à la signature. » Saint-Étienne, 2010-2012) Palmarès : Trois titres de champion (1968, (Saint-Étienne, 2007-2011 ; 1969, 1970) et deux Coupes de France (1968, Roger Rocher aurait dès lors dû se méfier quand il lui a demandé la permission de discuter avec Marseille, 2013-2015) 1970) d’autres clubs. La lui donner plutôt que le prolonger de quatre ans, en 1970, laisse toutefois supposer « En plus d’avoir évolué à mon poste de libero, qu’il n’était pas foncièrement disposé à garder à tout prix un joueur bientôt trentenaire, au moment Les 11 Verts à l’OM où plaçait sur orbite la génération 70, victorieuse de la Coupe Gambardella. Sauf c’est un personnage. Il aime le football technique, Paul El Hadidji (en 1945) Hervé Revelli, Georges Carnus, Rachid Mekloufi qu’au lieu de s’engager avec , Bernard Bosquier a commis le crime de lèse-majesté, aux yeux bien préparé et construit. Jean-Claude Baulu (1964) de Roger Rocher, de signer à Marseille, l’ennemi héréditaire. Son président le prend comme une Bernard Bosquier (1971) trahison et le passe aussitôt au peloton d’exécution. Il est licencié quatre jours après une surprenante C’est un régal d’échanger avec lui. » Georges Carnus (1971) défaite devant Bordeaux (2-3). Un grand joueur s’en est allé. Un cinquième titre de champion de Laurent Blanc Salif Keita (1972) France d’affilée aussi.n Gérard Migeon (1974) Georges Bereta (janvier 1975) Jean-Louis Zanon (1984) (1989) Leur dernier match (1990) Matt Moussilou (2007) Le drame de Carnus Saint-Étienne-Bordeaux : 2-3 Gardien des Verts et des Bleus, Georges Carnus est le compagnon (31e journée de D1) Le 8 mai 1971 à Saint-Étienne, au stade Geoffroy-Guichard Dans le sens inverse d’infortune de Bernard Bosquier. Comme lui, il paye au prix fort la défaite 12 028 spectateurs Max Charbit (1935) devant Bordeaux (2-3) et sa signature à l’OM. Le destin le frappe durement Arbitre : M. Vigliani Didier Gilles (1984) le 28 juin 1974, quand il est victime d’un grave accident de voiture entre Buts : Saint-Étienne : Keita (30e), Bereta (37e) ; Bordeaux : Ruiter (42e, 81e), Jensen (73e) Jérôme Alonzo (1997) Laval et Vitré. Son épouse, Christiane, et ses trois filles, Nathalie, Marie- Saint-Étienne : Carnus – Durkovic, Camerini, Bosquier, Farison – Broissart, Herbin – Samardzic, Tchiressoua Guel (1999) Laure et Géraldine, périssent. Il est lui-même très grièvement blessé. Il ne Hervé Revelli, Keita, Bereta. Entraîneur : . Cyrille Pouget (2001) rejouera plus jamais au football. Bordeaux : Rigoni – Papin, Dubouil, Desremeaux, Rostagni – Jensen, Grabowski – Giresse, Lamine Sakho (2005) Ruiter – Burdino, Petyt. Entraîneur : André Gérard. Brandao (2012) 66 • Chapitre 3 1971-1982 67 8 mai 1971 Saint-Étienne-Bordeaux : 2-3 17 mai 1972 Saint-Étienne-Red Star : 5-1 « Jamais je ne pensais partir »Bernard Bosquier Les quatre vies de Roby a fait le mort, comme si nous étions des merdes. Et ça, je le leur reproche. Robert Herbin s’assoit pour la première fois sur le banc comme entraîneur. Bernard Bosquier, doté d’un caractère bien trempé, Il a déjà vécu une vie de joueur bien remplie et il en vivra encore deux autres ne s’attendait pas que le président Rocher le licencie. Et les supporters ? comme entraîneur. Les gens m’accusaient dans la rue d’avoir Il rêvait même de terminer sa carrière chez les Verts. truqué les matchs alors que, par rapport à notre 29 septembre 1957-27 mai 1972 : « Le Rouquin » mentalité, on ne pouvait pas nous acheter avec « Il est arrivé du Midi tout bronzé, dans son petit short blanc, avec des muscles partout et des abdos Vous attendiez-vous que cette histoire Roger Rocher ne s’entendait pas avec Marcel Georges (Carnus). La maîtresse a attrapé ma fille : de folie », se souvient Georges Bereta, qui doit toutefois attendre pour jouer avec lui. Coupable devienne une affaire d’État ? Leclerc. Le président de l’OM le prenait pour un « Alors ça y est, vous avez trouvé un appartement d’avoir surenchéri aux offres de et, surtout, du Racing Club de , au-delà des 5 000 francs Que notre tête apparaisse à la Une de tous les con et il le chambrait tout le temps. Ils s’envoyaient à Marseille ? ». J’ai dû la retirer de l’école et quitter autorisés, le club écope d’une suspension de deux mois pour son joueur. Robert Herbin revêt enfin journaux comme si nous étions des bandits de des piques chaque semaine. Rocher avait donc Saint-Étienne. le maillot vert le 29 septembre 1957 devant… Nice (1-1), puis au… RC Paris (1-1). « On ne peut grand chemin ? Évidemment non. Yves Mourousi les boules que l’on parte à Marseille, avec Georges pas dire qu’il était un grand technicien, juge Yves Triantafilos. Il a alors compris qu’il lui fallait être au a même ouvert pendant trois jours son journal Carnus. Si ça avait été à Reims, ça n’aurait pas été Cette affaire vous a-t-elle également empêché point physiquement pour réussir. Il jouait au milieu avec Mémé Jacquet et il donnait le ballon à télévisé avec cette affaire. Aujourd’hui, elle ne pareil. C’est pour ça qu’il nous a jetés comme des de devenir architecte ? Rachid Mekloufi. Ça l’a inspiré pour devenir entraîneur. » Très fort de la tête et devant le but, il peut ferait même pas la Une de Spirou. Elle a remué malpropres. Oui. À l’époque, il ne te suffisait pas de jouer aussi jouer attaquant. « Il a été un joueur de haut niveau et il comprenait bien les choses », résume la ville de Saint-Étienne. Ça, c’est vrai. au football trois ans pour te retrouver à l’abri Patrick Revelli. Salif Keita confirme : « Joueur, il avait déjà cette capacité à gérer un match. Il savait Avez-vous, même inconsciemment, levé le pendant quarante. Comme ma reconversion me quand nous devions avoir des temps faibles ou forts. » Il lui arrive même de dire à , son Vouliez-vous vraiment quitter Saint-Étienne, pied face à Bordeaux (2-3, le 8 mai 1971) ? faisait peur, je n’allais pas me promener ni au entraîneur : « On est vulnérables derrière. Les milieux ne sont pas convaincants. Placez-moi au en 1971 ? Bien sûr que non ! Je voulais vraiment décrocher restaurant après l’entraînement. J’étudiais. Étant milieu ou derrière en fonction de l’adversaire. » Non. Jamais je ne pensais partir. J’allais sur mes un cinquième titre de champion de France donné que je jouais pour les Verts, j’ai eu des International (1960-1968), il participe à l’Euro 1960 et à la Coupe du monde 1966. Albert Batteux, trente ans, j’arrivais en fin de contrat et je voulais d’affilée. J’avais d’ailleurs mis un but de quarante facilités pour rentrer à l’école super cotée des avec qui le contact passe, au début moins bien qu’avec Snella, le nomme capitaine en 1967, avant Robert HERBIN prolonger. J’étais pourtant demandé par trente- mètres devant Metz (6-0, le 10 mars). C’était Beaux-Arts de Saint-Étienne. Je suivais les cours de l’associer en charnière centrale avec Bernard Bosquier deux ans après. Il se met alors à préparer Né le 30 mars 1939, à Paris (75) sept clubs, dont le Hertha Berlin en Allemagne et aussi mon intérêt d’un point de vue financier, avec du soir trois fois par semaine, de 18 à 21 heures, sa reconversion en effectuant des stages d’entraîneur. « La dernière année, il n’en branlait plus une, Poste : Milieu puis défenseur central l’Atletico Madrid en Espagne. Je regrette d’ailleurs la prime. Ça aurait également été plus simple depuis deux ans. Il me restait un an pour confie . Il n’y avait qu’à voir son échauffement : il posait ses affaires sur le radiateur. Il Statistiques : 509 matchs et 101 buts de 1957 que monsieur Jean Sadoul (le président de la pour nous de débarquer sur la Canebière sans décrocher mon diplôme de maître d’œuvre. Et les enfilait et c’était ok. » à 1972 Ligue), qui m’a vu naître à Alès, ne m’ait pas que l’OM soit champion. Simplement, en mon Roger Rocher n’a pas été correct avec moi. Palmarès : Un titre de champion de D2 (1963), donné ma lettre de sortie après la Coupe du absence, Saint-Étienne a perdu à Nîmes, où Comme il faisait la pluie et le beau temps en ville, 27 mai 1972-9 janvier 1983 : « Le Sphinx » six titres de champion de D1 (1964, 1967, monde 1966 pour aller au Barça ou à l’Atletico Francis Camerini est coupable sur deux buts. Si il m’a fait expulser de l’école un mois avant la fin Albert Batteux partant, le président Rocher lui demande de raccrocher les crampons plus tôt que 1968, 1969, 1970, 1975) et trois Coupes de Madrid entraîné par , un Français moi je joue comme ça, on me tue (1-5, le 18 mai de mes études. S’il m’avait puni pour m’avoir prévu. Il finit par accepter et devient entraîneur à trente-trois ans. « Il était seul, il devait tout faire et France (1962, 1968, 1970) que connaissait bien un de mes oncles. J’avais un 1971). surpris en boîte de nuit, je veux bien. Mais là… gérer dix-huit joueurs », se souvient Ivan Curkovic. Joueur, il a cerné le problème du football Entraîneur : 663 matchs de 1972 à 1983, jeu et le niveau technique pour la Liga. En 1970, Rocher a pété un plomb et le directeur de l’école français. « Il a alors été le premier à mettre l’accent sur l’aspect physique, poursuit Curkovic. On 1987 à 1990 et 1997 à 1998 à mon retour d’une tournée en Amérique du Sud Le début de vos ennuis, c’est votre a été un salaud. Par la suite, Georges Bereta a faisait de la musculation dans une petite salle. » Herbin instaure les étirements et fait installer une Palmarès entraîneur : Quatre titres de où j’avais été le meilleur français, le président élimination par Lyon en 8e de finale retour aussi été embêté. Quant à Salif Keita, n’en parlons montée sur le terrain annexe. « Pour nous faire travailler les abdos et tout le corps, souffle Patrick champion de France (1974, 1975, 1976, 1981) Rocher me propose deux ans de plus. J’en voulais de la Coupe de France (0-3 a.p., le 9 avril même pas. Battiston. Quand tu peux supporter le travail, tu ne te dis pas que c’est trop dur. » et trois Coupes de France (1974, 1975, 1977), quatre. Je lui ai alors dit que si j’étais moins bon, 1971, aller : 2-0) ? Enfin si, un peu pour : « C’était si dur de courir entre des piquets sur quatre-vingt-dix finaliste de la Coupe d’Europe des clubs j’effectuerais ma dernière année en amateur. Une Sans doute. Cela faisait cinq ans que nous Propos recueillis en juin 2015, depuis Marseille mètres que je n’en dormais pas la nuit précédente. Comme Roby avait été un très grand joueur de champions en 1976 fois mon diplôme d’ingénieur en poche, il était étions en tête du Championnat et l’OL nous sort la tête et qu’il aimait ça, on ne jouait que de la tête sur un petit terrain à quatre contre quatre. On se également prévu que j’aille travailler à la SACMA, en prolongation sur un triplé de Fleury Di Nallo. La chronologie de rentrait tellement dedans qu’une dizaine de joueurs se sont cassé le nez. Même Ivan Curkovic. Il a la société de Roland Romeyer. Mais Roger Rocher Pour l’attraper ce jour-là, il m’aurait fallu un « l’affaire Bosquier-Carnus » dû jouer avec une protection qui l’empêchait de respirer. Grâce à Roby, le docteur Berger de la m’a répondu : « Je ne veux pas faire de toi un lasso. Je n’ai jamais pu. J’ai d’ailleurs toujours 9 avril 1971 : L’ASSE est éliminée par Lyon en polyclinique a refait le nez de tout le monde. » fonctionnaire qui pointe au club. » Je l’ai alors galéré face à ce phénomène. Il m’a fait du mal. 8e de finale de la Coupe de France « Après avoir apporté la rigueur physique, ça a été au tour de la rigueur tactique », poursuit prévenu : « Un des deux va pleurer et ce ne sera Et pas seulement sur un terrain. C’était la guerre (2-0, 0-3 a.p.). Repellini. Marqué par Stefan Kovacs, le sélectionneur de la France, il rationalise le jeu et apprend « Ça fait quarante ans pas moi puisque je m’en vais à la fin de mon avec lui. Nous étions ensemble au Bataillon de 6 mai 1971 : Après une probante victoire sur aux joueurs à réfléchir plutôt que de se contenter de jouer à l’instinct. « Quand je suis arrivé, Saint- contrat. » Marcel Leclerc, le président de Joinville. On a notamment disputé la Coupe du Metz (6-0), le quotidien Le Progrès titre Étienne était déjà la meilleure équipe de France, rappelle Curkovic. Mais la tactique n’existait pas. que je me coupe les cheveux Marseille, s’est manifesté, et je suis parti. monde militaire, en 1963, en Grèce, avec Roger « Razzia spectaculaire sur l’AS Saint-Étienne », Avec Batteux, c’était : “Jouez, faites-vous plaisir.” Herbin a été le premier à poser des choses. tout seul. Ça se voit, non ? » Lemerre. Je me suis engagé pour dix-huit mois officialisant le transfert de Carnus et Bosquier à Chaque joueur est devenu responsable de la tactique sur sa partie de terrain. » Gérard Farison Êtes-vous allé à Marseille pour l’argent ? à l’armée comme sergent. Il n’y en avait que l’OM. Les joueurs jurent n’avoir rien signé, développe : « Les premiers latéraux qui sont montés, ce sont ceux de l’Ajax. Il les a pris en modèle Non. Je touchais 1 000 francs par mois à Saint- deux pour tout le BJ. Le colonel m’empêchait de mais le doute commence à s’installer. avec Gérard Janvion à droite et moi à gauche. Il y avait alors un système de compensation. » Étienne et l’OM m’a donné 500 francs de plus sortir de la caserne alors que le stade se trouvait 8 mai 1971 : Alors qu’ils mènent 2-0 à la Question management, « il ne faisait pas de mise au vert, sauf en Coupe d’Europe, et on arrivait à alors que Reims m’offrait trois fois le salaire de à huit cents mètres et que je jouais le week-end 42e minute, les Verts s’inclinent devant 17 heures au stade », dit Battiston. Janvion ajoute : « Il était assez dur. Mais il avait été joueur, et Le chiffre : 5 Marseille. Mais j’avais donné ma parole à avec Sochaux. Du coup, je m’entraînais tout seul Bordeaux (2-3). donc il connaissait nos difficultés. Il procédait à une critique générale dans le vestiaire, puis en tête- Il est le dernier stéphanois à avoir réalisé monsieur Leclerc à mon retour d’un match en dans la cour et, le soir, je montais la garde en 10 mai 1971 : Les présidents stéphanois et à-tête dans son bureau quand il n’était pas content. Il était assez réglo. Il n’a dérapé qu’une fois, en un quintuplé, le seul à l’avoir réussi en Hongrie avec l’équipe de France (1-1, le 24 avril dormant avec les joueurs dans le dortoir. Fleury marseillais ont une explication musclée en critiquant Jean-Michel Larqué devant les autres. » Autre révélation de Christian Lopez : « Roby avait Championnat de D1, le 10 septembre 1965, 1971). Le président Henri Germain me téléphone ne voulait jamais faire le ménage. Je me suis direct sur Europe 1. Roger Rocher se dit victime instauré un système de primes. Il pouvait la doubler à l’extérieur et sur 50 % à domicile en fonction à Cannes (8-2). Le club des cinq (Herbin et me dit : « Venez au . » Et si on chopé deux ou trois fois avec lui comme il faut… d’une machination. Il croit savoir que ses de cinq critères comme la semaine d’entraînement, le comportement, la performance en match… compris) : les hongrois Janos Szeman vous fait le même coup, vous donner sa parole et joueurs ont déjà signé à l’OM, qui fond sur les Chaque critère comptait pour 20 %. Capitaine, j’allais chercher les feuilles dans son bureau le (devant le Stade Sainte-Barbe la Grande- ne pas la respecter ensuite ? Je suis allé à l’OM et Avez-vous reçu le soutien de vos équipiers Verts en Championnat. lendemain des matchs. Puis je les glissais dans le casier des joueurs. Certains, en la découvrant, Combe, 11-0, au 2e tour de la Coupe de monsieur Germain m’a ensuite envoyé une caisse quand l’affaire a éclaté ? 12 mai 1971 : Bernard Bosquier et Georges disaient : “Quel con !”. Roby ne répondait pas. C’était la glace et le feu. » Il s’employait à la casser France, le 8 octobre 1933) et Ferenc Odry de champagne pendant quatre ou cinq ans. Dans la semaine qui a suivi, Roger Rocher a Carnus confirment à la télévision leur départ à ou à l’éteindre « en s’entraînant avec nous » (Christian Sarramagna). (au CO Roubaix-Tourcoing, 5-2, en D2, le organisé une réunion pour expliquer pourquoi Marseille la saison prochaine. Il imprime également son style en économisant ses mots. « C’était vraiment le Sphinx, confirme 24 mars 1935), Yvan Beck (devant Avez-vous compris la décision radicale du il nous écartait. Il a demandé qui n’était pas 13 mai 1971 : Le conseil d’administration les . Sauf avec Ivan Curkovic, avec qui il échangeait beaucoup. Il m’appelait dans Bordeaux, 7-2, D2, le 19 septembre 1937) président Rocher de vous licencier ? content. Pas un joueur n’a bougé une oreille. licencie pour faute grave. Saint-Étienne perd sa son bureau, pour parler de musique plus que de foot. Lui, c’était musique classique ; moi, celle de et René Alpsteg (face au SC Gannatois, 9-2, J’avais une cote d’enfer avec lui. Chaque année, Encore moins Albert Batteux, mon entraîneur. place de leader au soir de la 32e journée. mon temps. Mais il me recadrait aussi. » Justification de Repellini : « Les causeries à n’en plus finir au 4e tour de la Coupe de France, il me faisait porter le muguet pour le 1er mai. Mais Il habitait pourtant en bas de chez moi. Mais il 26 juin 1971 : Défaite à Nantes (1-2). de Batteux l’avaient gonflé. Il a donc fait le contraire. La sienne ne dépassait pas dix minutes. » le 21 novembre 1948). L’OM est champion. 68 • Chapitre 3 1971-1982 69 Robert Herbin, Roger Rocher « Jean Snella était un grand Monsieur du football et un formateur. Albert Batteux était plus entraîneur et Robert Herbin a su donner une dimension européenne au club. » Hervé Revelli 1972-1973 2 mai 1972 : Robert Herbin assiste à la Il s’entoure aussi du peu de moyens techniques dont il dispose. « Saint-Étienne allait superviser Commission Sportive de l’ASSE. l’adversaire alors qu’à l’époque on ne voyait que deux ou trois images à la télévision. Et encore », 17 mai 1972 : Premier match sur le banc pour sourit Battiston. Robert Herbin, qui joue aussi face au Red Star Élu entraîneur français de l’année en 1973 et 1976, son coaching est plébiscité. Mais il commence à (5-1). s’effriter après 1976. Lui est pour relancer un cycle de formation ; Rocher pour faire venir des stars, 27 mai 1972 : Robert Herbin prend la tête de avec lesquelles Roby a « des relations très moyennes, pour ne pas dire plus, selon Bernard Genghini. l’équipe première face à Nîmes (4-0). Je débute à domicile par un nul (0-0, devant Brest, le 17 août 1982). Le lendemain, il nous dit : “Toi, 18 juin 1972 : Ivan Curkovic arrive. C’est aussi tu as la prime, toi tu l’as… et pas toi.” J’étais le seul à ne pas l’avoir ! La veille de la venue du Paris- la naissance de la première de ses deux filles. SG (1-1, le 27 août 1982), il me dit : “Tu joues en lever de rideau ou tu veux être remplaçant ?” 1er juillet 1972 : Premier match d’Ivan J’arrivais de la Coupe du monde, quand même ! ». Curkovic, Dominique Rocheteau et Gérard En tant qu’opposant déclaré au président Rocher, sa villa est fouillée et ses chiens drogués huit jours er Janvion à Atvitabergs, en Suède, en Coupe après le début de la caisse noire (le 1 avril 1982). Il est limogé le 9 janvier 1983, moins de huit d’Été (3-2). mois après la démission de Roger Rocher. Tout le monde a perdu. À commencer par le club. 11 août 1972 : Sortie du premier numéro du 1987-25 mai 1990 : « Le Nettoyeur » journal ASSE Actualités. Casino obtient son retour. Il garde ses bonnes vieilles méthodes et elles fonctionnent toujours. Le 29 septembre 1972 : Débuts de Dominique club finit quatrième. Jean-Philippe Primard : « Tout était cadré : mardi, travail physique le matin et Rocheteau en D1 devant Nancy (1-0). jeux l’après-midi. Mercredi, opposition et tirs au but. Jeudi, jeu de tête. Vendredi, opposition et 17 décembre 1972 : Inauguration des mise en place tactique. Match le samedi et décrassage le dimanche. » Son erreur, c’est d’accepter nouvelles installations avant-gardistes à que Pierre Garonnaire se lance dans un grand nettoyage du vestiaire. La dynamique de groupe, celui Geoffroy-Guichard (bâtiment administratif, de la remontée en 1986, se casse. Il subit la fronde de ses cadres (Pascal Françoise, Patrice vestiaires, piscine, salle de musculation, etc.). Garande, John Sivebaek, Philippe Tibeuf) en déboulonnant Jean Casteneda. 14e, puis 15e, le er 1 février 1973 : Premier contrat de président Laurent le limoge à un an de la fin de son contrat, le lendemain de la demi-finale de Le prix : 25 000 francs sponsoring avec Manufrance. Coupe de France devant Montpellier (0-1, le 24 mai 1990) et après avoir gagné le… Challenge du Le prix pour obtenir l’accord de ses parents, 4 février 1973 : Premier match de l’ASSE face fair-play. Réquisitoire de maître Gilles Peycelon, viré dès 1988 : « C’est sa faute si Saint-Étienne s’est le 6 juillet 1957, alors que le RC Paris à Sedan (2-0) avec la marque Manufrance remis à jouer la descente et a fini par descendre(en 1996). Herbin a fait comme d’habitude : le proposait 30 000 francs. comme sponsor. ménage. Toute la génération de la montée s’était unie dans la galère et elle a été virée. Il a voulu 2 novembre 1973 : L’ASSE dispose d’une refaire ce qu’il avait réussi en 1972 en jouant avec ses jeunes. Mais il a oublié que les Revelli et les pelouse synthétique de 25 mètres sur 12. Bathenay ne se trouvent pas sous un sabot tous les jours. » 24 novembre 1973 : Victoire 4-1 en amical face au Real Madrid à Geoffroy-Guichard 1997-1998 : « La statue du Commandeur » (doublé d’Hervé Revelli et buts de Larqué et Il revient à cinquante-huit ans, et avec Repellini. « Là, ça a été plus dur car il est tombé dans une mauvaise période, le dédouane son binôme. Il n’était pas devenu un has-been. Mais il était moins Piazza). Robert Herbin, 18 décembre 1973 : Installation du premier intransigeant et assidu. Et plus cool. La mentalité et la qualité des joueurs avaient changé aussi. Mais André Laurent panneau publicitaire de Manufrance sur un il avait toujours son œil et ses analyses. » Et ses méthodes, que Lionel Potillon juge dépassées : « Il panneau mural en tribune Henri-Point. arrivait en fin de cycle. Il proposait les mêmes séances que dans les années 70. Le gros problème, c’est que tu savais ton programme dès le 15 août. À ce rythme, un joueur perd vite de la fraîcheur mentale et de sa fougue. Or, à partir de ces années-là, un joueur était en recherche permanente de nouveauté. Cela a instauré un décalage de générations. » Le club s’est sauvé sur le fil au soir de la dernière journée (17e place). Conclusion de Repellini : « Ça a mal tourné avec Gérard Soler et je suis parti avec Roby. » Pour toujours. n

Pierre Repellini, Robert Herbin

Le saviez-vous ? Le 3 juin 1975, face à Troyes (5-1, 38e et dernière journée), Robert Herbin est redevenu entraîneur-joueur l’espace d’un match. Il en a même profité pour inscrire le dernier but sur penalty (78e). « Ils m’ont obligé à le tirer. L’enjeu était nul. Le score était de 4-1 et on était déjà champions. Mais il y avait mon honneur en jeu. Et je l’ai mis au fond. »

70 • Chapitre 3 71 8 juin 1974 « Sans posséder le même talent que Mekloufi, Georges n’était pas loin de Rachid du fait qu’il était plus complet car plus bagarreur. » Le dernier Salif Keita coup de fusil

Georges Bereta, vainqueur de Monaco en finale (2-1), brandit la Coupe de France en tant que capitaine. Six mois plus tard, il part à Marseille. C’est encore toute une affaire.

ette fois, François n’a pas eu besoin de monter sur le toit de son usine avec ses collègues de travail pour voir jouer le fiston. Il se trouve confortablement installé en tribunes au côté de Jeannot, son aîné, quand Georges, le cinquième de ses sept enfants (cinq filles), soulève la CCoupe de France dans le ciel de Paris. Hervé Revelli blessé, il a laissé son flanc gauche à Christian Synaeghel pour jouer dans l’axe de l’attaque. C’est dire la confiance que lui témoigne Robert Herbin, son vieil équipier et jeune entraîneur depuis deux ans. Il lui a même confié le capitanat. Georges Bereta le lui rend bien. En septembre, il sera éblouissant face au Sporting Portugal (2-0, le 18 septembre 1974, en 16e de finale aller de la Coupe d’Europe des clubs Champions ; retour : 1-1). Auteur du second but à la 58e minute, il a sans doute réalisé ce soir-là son plus grand match sous le maillot stéphanois. Musculeux, puissant, « gaucher du pied et droitier de la main, comme le sont les plus forts », il est devenu la vedette des Verts. Christian Sarramagna confirme : « Georges était indétrônable. Alerte à Saint-Genest-Malifaux Au-delà du joueur, il était l’âme de l’équipe et du club. » À peine arrivé, Salif Keita se montre un gamin respectueux. Quand Albert Batteux, son nouvel entraîneur, a ordonné à ses joueurs d’aller se laver dans le lac de Saint-Genest-Malifaux à la fin Ce statut, il s’est battu pour l’obtenir. Fils d’immigrés polonais « partis de Cracovie en laissant les skis de l’entraînement de veille de match, le malien de vingt ans s’est exécuté. Georges Bereta Georges BERETA sur le quai de la gare car ils ne rentraient pas dans le train, d’où mon nom Bereta, et non Beretowski », 6 novembre 1974, Saint-Étienne-Hadjuk Split. raconte la suite : « Comme il n’y avait pas de douches à côté de notre terrain ni de point d’eau, Né le 11 mai 1946, à Saint-Étienne plaisante-t-il, sa famille s’est exilée à Saint-Étienne en quête d’une vie meilleure dans les mines. Georges Bereta on est allés dans le barrage. En ressortant de l’eau, je ne voyais pas Salif dans l’obscurité. Et Poste : Ailier gauche Mais, au bout de quinze jours, son père a préféré devenir pontonnier dans les aciéries situées juste comme je ne le trouvais toujours pas, j’ai replongé dans le lac, à sa recherche. Je l’ai enfin Statistiques : 363 matchs et 71 buts de 1966 à à côté de Geoffroy-Guichard. Cette proximité se révèle bien pratique. « Le père Bereta », comme trouvé, je l’ai pris par la taille et je l’ai sorti de l’eau. » Intimidé, Salif Keita n’avait pas osé avouer janvier 1975 l’appelle son fils, n’avait qu’à monter sur le toit de son usine pour le regarder effectuer ses débuts voulu. Ce qui m’a fait le plus mal, c’est que à son entraîneur qu’il ne savait pas nager. Quelques semaines plus tard, son sauveur inscrivait Palmarès : Six titres de champion de D1 (1967, en D3. « Il était fier, confie Georges. Encore plus le jour où je l’ai invité au stade. » Car après être Roger Rocher a fait croire que c’est moi qui le but de la victoire devant le Benfica Lisbonne d’Eusebio (1-0, le 30 novembre 1967, en e8 de 1968, 1969, 1970, 1974, 1975) et trois Coupes descendu de sa colline de Montreynaud, un quartier ouvrier juché sur les hauteurs du Chaudron, voulais partir. » finale retour de la Coupe d’Europe des clubs champions ; aller : 0-2). Quant à Salif Keita, il voue de France (1968, 1970, 1974) pour rejoindre l’ASSE à douze ans, Georges Bereta a gravi un à un tous les échelons menant à la depuis une reconnaissance éternelle à son ami « Mitch Buchannon », alias Georges Bereta. Première Division. « J’allais à l’école à deux pas du stade, au Marais, et chercher le lait à la ferme. Plutôt qu’à Marseille, Georges Bereta se retrouve Car, à l’époque, il n’y avait pas d’autoroute, mais des vaches dans le pré. » Cette vie de citadin dans un premier temps en direct dans le journal Le saviez-vous ? campagnard, désormais footballeur à plein temps, se trouve rythmée entre travail, famille et patrie télévisé de 20 heures. Car son transfert a pris la Les joueurs étaient tenus d’entraîner les perdue. Stéphanois de cœur, il reste Polonais dans l’âme. « J’ai fait ma communion en polonais et tournure d’une affaire d’État. Après celles de « Bosquier-Carnus » et « Keita », voici « l’affaire Bereta ». enfants du club tous les jeudis. « Ça, c’était je prenais des cours de polonais tous les jeudis. J’allais aussi à la messe des Polonais le matin et je Résumé : au départ, tout le monde est d’accord et content. L’ASSE fait une juteuse opération « Tintin, tu vas frapper ! » toujours fait, rappelle Georges Bereta. C’était jouais l’après-midi. Je mettais tous les atouts de mon côté pour me sentir bien. J’étais un faux cul. financière en vendant son capitaine bientôt trentenaire au meilleur moment et à six mois de la fin « Jean-Michel (Larqué) s’approche de même sympa car, avec Rachid Mekloufi, on Je me souviens d’un France-Pologne amical au Parc des Princes. Les Bleus ouvrent le score. On est de son contrat. Le joueur aussi, puisqu’il multiplie son salaire par deux en signant pour quatre ans. moi et me dit : “Berette, je n’en peux regardait plus les mamans sur le bord de la tous déçus. La Pologne égalise. On se lève. Elle inscrit deux nouveaux buts et on a cassé le banc Quant à Marseille, il est assuré d’une belle recette (800 000 francs) en le faisant débuter devant plus.” Moi non plus je n’en pouvais plus. touche que leurs enfants. » (1-3, le 11 avril 1962). J’ai beau être Français, on garde les souches. » Nice, à trois jours de Noël. Georges Bereta dispute son dernier match sous le maillot stéphanois le Je commençais à avoir des crampes 8 décembre 1974 à Monaco (1-3) et part à Marseille. Tout va donc pour le mieux dans le meilleur depuis le début de la prolongation. J’ai C’est pourtant avec la France qu’il devient international cinq ans plus tard, avec Bernard Bosquier des mondes jusqu’à ce que Roger Loeuillet, président d’un OGCN décimé par les blessures et alors dit à Yves Triantafilos, qui était frais Le stéphanois le plus capé comme capitaine (devant le Luxembourg, 3-1, le 23 décembre 1967). Côtoyer et membre influent du Groupement (l’ancêtre de la LFP), affirme posséder une option d’achat pour car il venait de rentrer : “Tintin, tu vas (Entre parenthèses, le nombre total de sélections) lui permet de prendre une nouvelle dimension. « Ça tenait du domaine du rêve. Ils Georges Bereta. Ce qui se révélera mensonger. Maître Jean-Jacques Bertrand, l’avocat de l’UNFP frapper !”. Je lui glisse le ballon sur ma Georges Bereta, 41 sélections avaient une tenue et la classe. Je me suis toujours imprégné d’eux. J’ai réussi un de mes plus beaux (le syndicat des joueurs), s’empare du dossier. Le Groupement décide alors de surseoir à la décision droite, il tire et il marque. » Et c’est ainsi (44, dont douze fois capitaine) exploits en marquant le but de la victoire face à l’URSS lors de l’inauguration du Parc (1-0, le de la Commission d’homologation et de reporter Marseille-Nice à une date ultérieure. Le 22 décembre que Saint-Étienne a réussi l’un de ses Gérard Janvion, 40 13 octobre 1972). Moi, le petit Polonais, j’avais battu la grande Union soviétique. C’était quelque 1974, à 15 heures, date initialement prévue pour la tenue du match, trois mille supporters voient plus formidables exploits en éliminant Christian Lopez, 34 (39) chose pour ma communauté. » Devenu son porte-drapeau, il est donc également celui de l’AS onze marseillais vêtus de blanc et Georges Bereta, en survêtement, pénétrer sur la pelouse. À la dans le Chaudron Hadjuk Split, alors Bernard Bosquier, 26 (42) Saint-Étienne. Il vient de fêter ses vingt-huit ans en étant élu joueur français de l’année deux fois demande de Fernand Méric, le président de l’OM, maître Bourgarel, huissier de justice, constate entraîné par Tomislav Ivic, après s’être René Ferrier, 24 de suite par (1973 et 1974). Mais les années ont passé et elles ne jouent plus en le forfait de Nice. lourdement incliné au match aller, en Robert Herbin, 23 sa faveur. La génération 70 s’installe dans l’équipe. Robert Herbin décide de le repositionner au Yougoslavie (0-4, 5-1 a.p., les 23 octobre Antoine Cuissard, 20 (27) milieu de terrain pour donner sa place d’ailier gauche à Christian Sarramagna. « L’affaire Bereta » prend fin avec son transfert officiel à Marseille, le 6 janvier 1975. « Je suis ainsi et 6 novembre 1974, en 8e de finale de la Georges Carnus (36) et Hervé Revelli (30), 18 devenu le premier joueur transféré au mercato d’hiver », se plaît-il à répéter, non sans un pincement Coupe d’Europe des clubs champions). Jean-François Larios, 17 Quelque chose se trame dans son dos. Et « l’affaire Bereta » éclate. Il raconte : « Le président Rocher au cœur. Car son départ de Saint-Étienne reste une déchirure pour lui. « Je suis parti fâché et je n’ai Dominique Rocheteau, 16 (49) m’a obligé à partir à Marseille. C’était étonnant de sa part. Comme le silence de Roby. Pourquoi ni reparlé ni resserré la main de Roger Rocher. Et puis, si passer trois ans à Marseille m’a fait piger Laurent Blanc, 15 (97) n’a-t-il rien dit ? Je ne le saurai jamais. Il avait Christian Sarramagna pour me remplacer. C’était qu’il y avait autre chose que le football dans la vie, je n’étais pas fait pour vivre dans le Midi. J’étais Jean-Michel Larqué et (72), 14 peut-être ça. La décision de Roger Rocher a été entourée de suspicion car son entreprise de travaux pourtant avec ma famille, mais je me suis retrouvé à la limite de la déprime. La nuit, je saignais des René Alpsteg, Dominique Bathenay (20), publics construisait beaucoup de choses à Marseille. Mais je n’y crois pas. C’était déjà difficile dents. Au point que le docteur m’avait mis un protège-dents de rugbyman pour m’aider à dormir. Guy Huguet et (56), 12 d’obtenir des contrats là-bas à l’époque. Il avait besoin d’argent, je venais de réussir des matchs J’ai fait de la spasmophilie (maladie liée à l’anxiété), alors que j’avais été bien accueilli par les extraordinaires en Coupe d’Europe et il en a profité pour faire de la monnaie. Il y a aussi le fait que Marseillais. Jacquet, qui venait de reprendre Lyon, m’a alors dit : “viens jouer un an”. J’ai refusé. » Jacques Zimako, 11 (13) nous avions fait grève en décembre 1972 (les footballeurs s’étaient opposés à la volonté de leurs Sitôt la fin de son contrat à Marseille, Georges Bereta est revenu vivre chez lui, dans une ville et un Le chiffre : 500 000 Claude Abbes, José Broissart (10), dirigeants de revenir sur le contrat à durée librement déterminée obtenu en 1969 et ils avaient club qu’il n’aurait jamais dû quitter. Car Kiev, Eindhoven et Glasgow se sont joués sans lui. « Mais C’est le montant, en francs, de son Jean Castaneda et Bernard Genghini (27), 9 gagné). J’étais capitaine et Jean-Michel Larqué délégué UNFP. J’avais contrarié le boss et il m’en a on ne va pas refaire l’histoire, évacue-t-il. On a déjà les poteaux carrés. Ça suffit comme ça. »n indemnité de transfert payée par Marseille. 72 • Chapitre 3 1971-1982 73 grandS témoinS « On a vécu de bons moments »Georges Bereta et Robert Herbin monter la garde. L’un d’eux était magnifique. J’ai Georges Bereta et Robert Herbin ont gagné six titres demandé s’il était méchant. On m’a répondu : « Il de champion et trois Coupes de France ensemble, a déjà bouffé dix fellaga. » Bereta : Nous n’avons pas été les seuls de 1967 à 1974. Ils feuillettent leur album de souvenirs stéphanois à partir en Algérie. René Ferrier a été avec humour. libéré quand je suis arrivé au Bataillon de Joinville. Roland Mitoraj y est allé aussi. Comme André Bereta : On en a vécu des bons moments, hein geste. Il était tellement beau ! Fefeu. On allait se changer dans le bar Céline, situé Roby ? Herbin : Ce qui ne l’a pas été, en revanche, à juste en face du Bataillon de Joinville, et on filait à Herbin : C’est vrai. Mon plus beau souvenir, l’aller, c’est quand Robert Gadocha a chopé Paris en civil. c’est quand on en a collé trois au Bayern après en (Spasoje) Samardzic (remplacé par Jean-Michel Herbin : On en a quand même bavé. Notre avoir pris deux à Munich à l’aller (3-0, le Larqué dès la 26e minute). Roger Rocher était statut de footballeur ne nous donnait pas droit à 1er octobre 1969, en 16e de finale de la Coupe tellement furieux qu’il est entré sur le terrain en un traitement de faveur. Quand je suis retourné d’Europe des clubs champions ; aller : 0-2). J’avais levant le genou pour montrer la faute à l’arbitre. en Algérie pour les quatre derniers mois, je suis parié une bouteille de champagne avec Robert Samardzic a attrapé un microbe et il n’a plus joué tombé sur le bateau sur un mec qui avait fait Vergne, un journaliste qui condamnait tout le pendant trois mois. l’école des officiers de réserve. J’ai appris quinze temps le football français, qu’on éliminerait le Bereta : Pas grave, il ne faisait que des saucisses jours après qu’il avait été flingué. Je me suis dit : Bayern. On l’a fait et ce match a changé ma vie. devant (six buts en trente-quatre matchs de 1969 « Je vais me planquer. » Mais, un jour, j’ai été Ma femme se faisait chier à Saint-Étienne. J’étais à 1972). Albert Batteux me disait : « Centre ! ». surpris en train de lire le journal plutôt que de sollicité par Marseille, Monaco et Nice. Je lui ai Mais il n’y avait personne pour récupérer le ballon. monter la garde. J’ai passé une journée à tourner dit : « Si on est éliminés, on migre sur la Côte Herbin : Cette élimination ne nous a pas autour du drapeau avec un paquetage de trente d’Azur. Si on se qualifie, on reste. » empêchés de réussir le doublé derrière. kilos sur le dos. J’ai été libéré en 1962 et mes Bereta : Avoue que tu n’avais pas envie de Bereta : Oui, notamment grâce à notre victoire vingt-huit mois d’armée ont marqué un creux partir ! Tu avais des copines partout. Je plaisante. devant Nantes en finale de la Coupe de France dans ma carrière. Mais reconnais qu’on était forts. Quatre jours (5-0, buts de Bereta à la 40e et de Herbin à la 51e, Bereta : Heureusement qu’après, on gagnait après le Bayern, on est allés gagner 7-1 à Lyon. le 31 mai 1970). Le président Pompidou nous avec les Verts. Parce qu’en équipe de France, ce Herbin : C’est vrai. Mais je serais retourné vivre avait ensuite invités à l’Élysée. n’était pas ça… dans le sud de la France. Herbin : T’es sûr ? Je ne m’en souviens plus. En Herbin : Non. À la Coupe du monde 1966, on Bereta : Tu n’es pourtant pas né là-bas. revanche, je me rappelle que Michel Drucker, qui avait un trio d’entraîneurs et c’était la merde Herbin : Non. Je ne suis arrivé à Nice qu’à l’âge commentait le foot à la télé à l’époque, m’avait (Henri Guérin, Lucien Jasseron et Robert 6 novembre 1974, Saint-Étienne-Hadjuk Split. Georges Bereta de huit ans, en 1947. Je suis né à Paris, où j’ai demandé : « Ça fait quoi d’être le capitaine d’une Domergue). Ils ne parlaient pas le même langage. vécu la guerre au 18, quai de la Loire. équipe qui réussit le doublé ? ». « Rien, car il y a L’un voulait jouer la ligne, l’autre le béton. Il n’y Bereta : C’était déjà un signe. onze capitaines sur le terrain. » C’était notre avait aucune cohésion. C’est pour cette raison que Herbin : Quand on nous annonçait les deuxième Coupe gagnée ensemble, non ? ça n’a pas marché et qu’on s’est fait massacrer bombardements, on partait s’abriter dans une Bereta : Oui, après celle contre Bordeaux (2-1, par les anglais lors de notre troisième et dernier station de métro avec mes deux sœurs et mon le 12 mai 1968). C’est ce soir-là où j’ai envoyé le match. Nobby Stiles m’a blessé au genou droit au frère aîné de treize mois. Paul était d’ailleurs doué ballon dans les bras de De Gaulle. Crois-moi, il bout de vingt minutes. Comme on n’avait pas pour le football. Lorsque le Cavigal de Nice est fallait être adroit. droit aux remplaçants, nous avons fini à onze, venu voir mes parents pour le faire signer, mon Herbin : Mes respects, mon Général ! mais avec trois blessés (0-2, le 20 juillet 1966). père a dit : « Vous pouvez prendre les deux. » Bereta : Toi, tu avais déjà également gagné la On m’a rapporté que, après mon opération, le J’étais le deuxième. Mais comme mon frère était première de l’histoire du club (1-0 devant Nancy, chirurgien s’est tourné vers une dizaine d’étudiants plus doué que moi pour les études, il est devenu le 13 mai 1962). en médecine et leur a dit : « S’il remarche instituteur. À l’époque, on repérait davantage les Herbin : Oui, après avoir perdu la première correctement, ce sera bien. » Trois mois après, je attaquants. finale des Verts deux ans plus tôt face à l’AS reprenais la compétition. Je me suis démerdé tout Bereta : Ça a été pareil pour mon frère aîné de Monaco de Michel Hidalgo. seul, sans kiné. Tu te mets dans ta baignoire, tu deux ans. Il rentrait le matin pour dormir quand Bereta : Je m’en souviens encore. Je me trouvais vas à la piscine et tu essaies de plier la jambe. Si moi je me levais pour aller m’entraîner. Il travaillait à Valfleury, un petit village dans la Loire qui je n’étais pas resté diminué, j’aurais réussi une à SAM Outillage et il était réputé pour bien accueille chaque année une procession de plus belle carrière. Cette Coupe du monde reste s’amuser. Ma mère me disait : « Tu ne peux pas Polonais. J’avais quatorze ans et j’étais allé tout un mauvais souvenir. Depuis, j’ai été opéré quatre aller avec ton frère. Tu n’as pas encore fait ta seul dans un café pour voir le match. On menait fois de la hanche. communion. » Le bon Dieu m’a sauvé. 2-1 à deux minutes de la fin, Henri Biancheri a Bereta : Moi non plus, je ne garde pas un bon Herbin : Moi aussi, puisqu’il n’a pas voulu que égalisé et on perd 4-2 en prolongation (le 15 mai souvenir de l’Angleterre. On avait pris un 5-0 en je redescende dans le Midi. Les joueurs ne 1960). J’en ai pleuré. C’était quand même une amical à Wembley avec Georges Carnus et bénéficiaient pas de la liberté d’aujourd’hui. Je drôle d’époque. Bernard Bosquier (le 12 mars 1969). Il pleuvait, me répète, mais ce match contre le Bayern a Herbin : Oui. Celle de la guerre d’Algérie (1954- le ballon était toujours en l’air et on n’a rien vu du constitué le tournant de ma vie. Surtout que le 1962). J’ai effectué vingt-huit mois d’armée, dont match. destin a voulu que l’on se fasse éliminer dès le quinze là-bas. À mon retour d’un premier séjour, Herbin : Heureusement qu’on avait des cuisses tour suivant par le Legia Varsovie. L’arbitre refuse on nous a promis que si on remportait le Challenge solides. Pour compenser, on a pris des muscles, un but à Salif (Keita). (Kazimierz) Deyna fait Kentish face aux Anglais et aux belges, on ne des tendons… semblant de frapper fort et il lobe (Georges) repartirait pas. On l’a gagné et trois jours après, Bereta : a été opéré à Lyon par Carnus à la 85e minute (0-1, le 26 novembre je me suis retrouvé à garder une fabrique le même professeur que toi et il n’a jamais 1969 ; aller : 1-2). d’explosifs à vingt kilomètres d’Alger. Il y avait des vraiment récupéré. Bereta : Georges ne pouvait rien faire sur ce bergers allemands tout le long de notre camp pour Herbin : C’est vrai que si ce pépin m’a handicapé

75 1973 Allons z’enfants Bereta : Et je suis parti… Herbin : Il n’y avait pas que ça. Il suffisait de Herbin : J’estimais que ton salaire était correct. sauter haut et au bon moment. C’est toi qui as voulu aller à Marseille. Ce n’est de la fratrie… Bereta : Le plus fort, c’était Larqué. Il sautait pas vrai, ça ? bien et il avait le coup de rein. Il était bon en Bereta : Dans tous les choix, c’est l’entraîneur Hervé et Patrick Revelli sont enfin associés en attaque. En famille, ils vont réussir démonstration, moins en match, où il n’a pas qui décide. Tu n’as même pas pleuré quand je le triplé en Championnat et soulever deux Coupes de France. beaucoup marqué de la tête. Toi, tu étais vraiment suis parti à l’OM. La première fois que je t’ai vu un entraîneur à nous choper physiquement. une larme à l’œil, c’est quand tu as perdu ton l a suffi d’une poignée de mains avec le président Rocher sur un bateau dans le sud de la France Herbin : Oui, mais tout en restant sur la chien. Mais bon, au final, tu es l’entraîneur pour qu’Hervé Revelli reprenne le cours de son histoire avec les Verts. C’est que l’homme n’était technique. Comme je voulais qu’on joue à une français le plus titré. Il faut les avoir quand même pas parti fâché trois ans auparavant. Il avait juste eu envie de changer d’air et de partir monnayer touche de balle, le contrôle devait être parfait. tous ces titres. Ison immense talent de buteur à Nice. Son frère Patrick a amélioré le sien en son absence. Tous deux Bereta : Georges Lech nous disait en équipe Herbin : Malgré mes vingt-huit mois d’armée sont donc enfin prêts à jouer durablement ensemble. de France qu’on s’entraînait comme des bourrins et le fait que je n’ai été plus qu’une seule fois à Saint-Étienne. Il est venu avec le Stade de Reims champion de France après 1976 (en 1981). Parce Le football a d’ailleurs toujours été une histoire de famille chez les Revelli (cinq frères et Arlette, née et on lui en a mis neuf (9-1, le 5 août 1971). que l’équipe avec Michel Platini n’était pas bâtie en 1935). Mathieu, le patriarche, a joué milieu de terrain et a été arbitre en amateur. Roland (1933), Herbin : J’ai compris l’importance du physique pour l’Europe. Elle avait moins de cohésion. Il libero, a éliminé Toulouse, tenant de la Coupe de France, en 32e avec Gardanne (PHB), en 1958, avec bien avant de devenir entraîneur. Nous, français, aurait fallu reconstruire au lieu de faire venir des Isidore Pardo, le père de Bernard (1985-1986). Alain (1939) a joué milieu de terrain et Daniel (1940) étions dépassés à ce niveau. Prends mon stars. Et, après la crise (de la caisse noire, en arrière gauche en professionnel à Aix-en-Provence. « Je l’ai affronté deux fois et là, il n’y avait pas de exemple : je pesais 72 kg en arrivant. Malgré ma 1982), c’est devenu très délicat. On s’est déchirés frère en face, mais un matraqueur », sourit Hervé (3-1, 1-0, le 30 septembre 1967 et le 17 février 1968, générosité sur le terrain, il fallait les traîner. Je suis avec Roger Rocher. C’est dommage parce qu’on buteur à chaque fois). donc resté à 62, 65 kg pendant toute ma carrière. s’entendait bien, au début. Je me souviens qu’un Pour parvenir à garder mon poids de forme, j’ai jour il m’a offert un gros manteau de vison pour Toute la tribu se retrouvait en revanche dans le même camp pour négocier l’avenir de l’un des leurs. carburé au thé. Être devenu un poids léger m’a mon anniversaire. C’est une pièce qui n’a pas de Hervé (né en 1946) se souvient : « Roland s’occupait des affaires. Jeanine, la belle-sœur, directrice aidé. Cela me permettait d’être doté d’une bonne prix. Il est tellement lourd que je ne le porte plus. des impôts, du contrat. “Les contrats, c’est les contrats”, » disait-elle. Pierre Garonnaire l’a appris à détente. Sauf quand il fait froid, pour sortir les chiens, à ses dépens. Il est reparti avec le sien. « Le Racing m’offrait un argent fou (30 000 francs à la signature, Bereta : Je me souviens que Stefan Kovács poil dessous. On fumait la pipe ensemble. On ne puis 1 500 francs par mois contre 4 000 francs et 750 francs mensuels pour Saint-Étienne). Je n’ai pendant les six dernières années de ma carrière, Bereta : Tu étais hors norme. Tu n’avais pas (entraîneur roumain du grand Ajax Amsterdam, nous critiquait pas pour ça à l’époque. Et les soirs pas signé de suite après mon essai à Paris. Je suis rentré en train et Garonnaire est revenu à la charge. j’étais dur au mal. Et comme j’ai reculé au poste reçu la même éducation. 1971-1973, puis de l’équipe de France jusqu’en de matchs de Coupe d’Europe, on s’allumait des Il nous a dit : “Allez au Racing et, dans six mois, c’est fini pour vous, le football. Venez à Saint-Étienne, de libero, j’aurais pu jouer jusqu’à quarante ans. Herbin : Peut-être. Il y a toujours eu un mot 1975) nous disait : « Les hollandais s’entraînent gros barreaux de chaise sur le banc de touche, et vous l’apprendrez. Parce que tout le monde sait y jouer chez nous.” Ses paroles ont fait la différence. Bereta : Et tu envoyais Bereta au casse-pipe ! qui me fait hérisser les cheveux sur la comme des bœufs, sur des montées. » assis côte à côte. La femme de Roland a rédigé le contrat et on l’a signé. Comme quoi, ça dépend de qui on envoie. » Herbin : Ça t’a permis d’inscrire le but de tête : « agressivité ». C’est péjoratif. De la Herbin : C’est pour ça que j’en ai fait installer Bereta : Vous ne vous êtes jamais réconciliés ? l’espoir contre le Benfica Lisbonne (1-0, le détermination, ça oui. Mais de l’agressivité… une sur le terrain annexe. Je me suis également Herbin : Un souvenir très agréable me revient. Personne n’a eu à le regretter. Hervé enchaîne les buts. Ce qui lui vaut d’être directement appelé en 30 novembre 1967, en 8e de finale retour de la Tous ceux qui disent ça, il faut les mettre sous inspiré de mes chiens. Quand ils se réveillent, ils Et il m’a profondément marqué. Un soir, un peu équipe de France A, où il fête sa première sélection en Hongrie par un but (2-4, le 28 septembre Coupe d’Europe des clubs champions, aller : 0-2). surveillance. Mieux, en prison ! Ça me tape sur s’étirent. C’est devenu pareil avec les joueurs. après qu’il a fait de la taule, je vais assister à un 1966). Roger Rocher lui verse alors la prime de 20 000 francs prévue dans le contrat. Il ajoute même Bereta : Oui, et j’aurais même pu en inscrire le système. Pour revenir à ce que tu disais, notre Bereta : Tu nous a pris pour des chiens !? match. Je gare ma voiture dans la nuit et je le 10 000 francs, ce qui équivaut à une première cape en équipe B. De cinq ans son cadet, Patrick l’imite un autre sur un coup franc aux dix-huit mètres. différence ne nous a pas empêchés de bien nous Herbin : Attends, parfois, je remplaçais les vois. On s’est regardés, on s’est approchés l’un plus tard (le 21 novembre 1973, 3-0 face au Danemark). Puis, il aide son frère à atteindre la barre des Mais, en reculant, Eusebio m’a mis un doigt au entendre sur le terrain. Parce qu’on avait appris séances physiques par une sortie en ski de fond. vers l’autre pour se prendre dans les bras et se deux cents buts en D1 (1-0, le 9 février 1975, contre Sochaux). « Je suis fier de tous les buts que nous cul. Je n’ai rien pu faire ou dire. Si je le frappe, je avec Batteux et Snella à donner le ballon au bon De toute façon, à part du rugby, qu’est-ce qu’on donner l’accolade. On a oublié cette période avons marqués ensemble, confie le cadet des Revelli. La seule chose que je regrette, c’est de ne pas suis expulsé. Et j’ai mis mon coup franc à côté. moment et dans les pieds. pouvait faire l’hiver ? Je convoquais un car et on désastreuse. posséder les statistiques exactes de tous mes buts. » Mais chez les Revelli, quand on aime, on ne Herbin : Tu n’as jamais fait ça, toi ? Bereta : À propos de Batteux, je ne suis pas partait faire un circuit de vingt-cinq, trente Bereta : Tu ne regrettes pas d’être parti compte pas tout le temps. n Bereta : Arrête avec ta grande musique ! d’accord avec lui quand il disait que la meilleure kilomètres. Le meneur, c’était Ivan (Curkovic). entraîner Lyon, en 1983 ? Herbin : Classique ? équipe de Saint-Étienne, c’est celle de 1968- Une bête. Herbin : C’était rock and roll. D’autant qu’il Bereta : J’oubliais que tu es fils d’un chef 1970. Techniquement, peut-être. Mais phy- Bereta : Normal, il ne courait pas sur le terrain. s’agissait de la période folklorique de l’OL. d’orchestre et moi d’un immigré polonais. siquement, ce sont celles d’après. Parce que, Note, ces sorties nous faisaient du bien du point Charles Mighirian, vendeur de fruits et légumes Herbin : Mon père était trombone solo à comme les tacles par derrière étaient encore de vue pulmonaire. À l’arrivée, on se plongeait et président de Lyon, m’a contacté juste après l’opéra de Nice et professeur au conservatoire. autorisés, il fallait éviter les coups. Surtout quand dans de l’eau chaude et froide. Mais on ne mon licenciement de Saint-Étienne. J’ai accepté Et c’est vrai que j’ai deux amours : le football et tu tombais sur un . Avec lui, pouvait pas se baigner avec toi. L’eau était et c’est une expérience à laquelle je reste assez la musique classique. Mon fils m’a offert un billet le ballon et la « poupée » (le joueur) volaient. toujours trop chaude. Ça m’a aidé à maigrir. Mais attaché. Je jouais notamment au tennis entre pour aller voir La Flûte enchantée à l’opéra pour Herbin : À l’image de Christian Sarramagna. bon, après, je n’avais plus de forces. C’est à croire deux matchs avec Nestor Combin (son ancien mon anniversaire. C’était un peu un rêveur et il manquait de niaque. que ça te plaisait d’être devenu notre entraîneur. équipier en équipe de France de 1964 à 1968). Bereta : J’ai un cor de chasse chez moi. J’en Bereta : C’est pour ça que tu as été l’inventeur Herbin : Je préférais jouer. Et de loin. Le rôle Jean-François Larios et Félix Lacuesta m’ont joue un peu. Sinon, je vais voir Johnny Hallyday du saut à la corde à l’entraînement ! d’entraîneur est plus compliqué. Tu deviens rejoint la saison d’après. Mais ils arrivaient en fin au zénith de Saint-Étienne pour l’entendre nous Herbin : Plutôt à sautiller sur place. Je tapais tributaire des joueurs. Ce sont eux qui ont ton de parcours. Paraît-il qu’ils passaient leur temps dire : « Bonsoir Clermont-Ferrand ! ». dans les mains et il fallait exploser en l’air. Les destin entre leurs pieds. Mais la transition n’a en boîte de nuit. Avec ces deux lascars, Saint- Herbin : Quand j’allais observer les adversaires, joueurs étaient ravis d’avoir des matchs de Coupe pas été difficile car j’avais joué avec la plupart Étienne est venu nous battre 5-1 en D2 dans un je demandais toujours : « Qu’est-ce qu’on glande d’Europe en milieu de semaine… Surtout quand des joueurs de l’équipe que je reprenais. Avant stade Gerland comble (le 24 février 1985). Quel ce soir ? Y a rien à l’opéra ? » Curko s’était j’ai repris l’entraînement. Comme ça, ils n’avaient le début de la saison 1972, Rocher me demande : triste souvenir pour moi. démerdé et on avait vu La Traviata à Split. Mais pas à se farcir mes séances physiques redoutables. « On va démarrer la saison avec qui ? j’ai connu une grosse déception en équipe de Bereta : Il y avait aussi cette potence que tu – Avec les jeunes du centre de formation. Propos recueillis en mars 2015, à L’Étrat France. Il fallait également occuper une soirée à plaçais assez haut. C’était dur d’attraper le ballon – Tu vas démarrer avec toutes ces Marie- Paris. On est allés voir Le Lac des cygnes. Mais de la tête pour des petits comme moi. Louise ? comme la plupart des joueurs s’ennuyaient, on Herbin : Il suffisait de prendre son élan. – Oui. Il me faudrait aussi un gardien et un est partis au milieu de l’opéra. Et je n’ai pas pu Bereta : C’était facile pour toi. Tu as toujours défenseur central. » Et puis, Curko et Osvaldo voir la fin. été supérieur à tout le monde dans le jeu de tête. (Piazza) sont arrivés. 76 • Chapitre 3 1971-1982 77 LES AUTRES FRATRIES grands témoins Roger (1935-1941, 1946-1947) et René (1937-1938) Le saviez-vous ? PASQUINI ; Bien que Stéphanois d’adoption, Hervé a « Ce n’était pas un inconvénient Jean (1941-1942 et 1950-1952) et Pierre (1941-1942) ouvert un restaurant au 44, rue Ferrandière TAMINI ; à… Lyon, dans les années 90. Son nom ? Michel (1953-1959) et Richard (1953-1966) TYLINSKI. « C’est Dominique, mon beau-père, qui l’a d’être frères » Hervé et patrick Revelli Commentaire d’Hervé Revelli : « Deux frères défenseurs trouvé. Il a dit : “On a eu le Grand Vert, on On était maîtres en France, mais pas en Europe. centraux à ce niveau, ce n’était pas courant non plus. aura Le P’tit Vert”. » C’était deux mecs sympas. Richard était un très bon L’époque où Rachid Mekloufi me demandait de Hervé et Patrick Revelli n’ont pas souffert de posséder joueur, doté d’une belle frappe de balle. Michel, je l’ai lui casser ses chaussures était révolue. Je lui les mêmes gènes familiaux. Au contraire. Ils racontent moins connu car il s’est cassé la jambe et il n’a plus répondais : « Avec plaisir. Si tu peux me donner guère joué ensuite. » ; pourquoi cela a constitué une force. tes pieds aussi… » Nello (1957-1967) et Pierre (1957-1960) SBAIZ ; Patrick : Ça faisait mal. Je le sais parce que je Laurent (1976-1983) et Olivier (1977-1978) ROUSSEY ; Patrick Revelli : Tu te rends compte, si papa les grèves de 1959. Il a dû trouver des petits les ai cassées pour toi. Éric (1983-1990) et Guy (1987-1991) CLAVELLOUX ; n’avait pas refusé qu’on descende dans la mine boulots et le président Rocher l’a embauché Hervé : C’était aussi le temps où les stagiaires Saïd (1986-1987) et Farid (1988-1989) BOUOUDEN ; de Gardanne… pour creuser le parking des Ursules. J’ai débuté se changeaient dans un autre vestiaire que celui Étienne (1988-1994) et Bernard (1989-1991) MENDY. Hervé Revelli : « Tu veux faire ce qu’on a fait en cadets à l’ASSE. Toi, tu t’es marié et, comme des pros. avec tes trois aînés ? Tu feras de la menuiserie. » il manquait de soleil, on est redescendus un an Patrick : J’étais plus privilégié car tu étais Et j’ai effectué un seul aller-retour dans la mine après. C’est là que papa a participé à la avec eux. Je me souviens que, quand je suis à quatorze ans, quand je ne voulais plus aller à construction de la grande cheminée de revenu au club comme entraîneur adjoint, l’école. Gardanne. Garonnaire m’a ensuite pris un an avait restauré cette pratique Patrick : Moi, il m’a trouvé un boulot de à l’essai, en 1968. Pendant les fameuses grèves le jour où un stagiaire lui a dit : « Je ne suis pas garagiste automobile, du lundi au samedi inclus, de mai, mes potes les faisaient à la mine et payé pour porter les plots. » Il avait renvoyé Le top 50 des meilleurs de 8 heures à 19 heures. Le samedi, je disais au pas moi, car j’étais chez Peugeot Boniface. Alassane N’Dour (milieu de 2001 à 2003) et buteurs stéphanois 1) Hervé Revelli, 222 buts patron : « Monsieur, c’est fini-parti ? » « Oui. » Hervé : T’en as cassé des voitures… compagnie au centre de formation. 2) Rachid Mekloufi, 153 Une fois que le moteur tournait, je sautais la Patrick : J’avais dix-sept ans. J’habitais par Hervé : Ce n’était pas un inconvénient d’être 3) Salif Keita, 141 barrière au fond du garage et je me retrouvais intermittence avec Jean-Michel Larqué car il était frères. Au contraire. Les choses se passent sans 4) Athanasio Rodriguez, 118 au stade. Un entraînement par semaine et match en terminale C à Lyon, où il préparait ses études qu’on ait besoin de se parler. Tu te souviens des 5) René Alpsteg, 112 le dimanche. Quand tu es parti à Saint-Étienne, de professeur d’éducation physique. À partir de un-contre-un sur ma terrasse ? On cassait des 6) Ignace Tax, 111 7) Jean-Michel Larqué, 105 ça m’a soulagé. décembre 1968, j’ai habité avec Christian vitres parfois. 8) Robert Herbin, 101 Hervé : Parce que tu es devenu le patron. Tu Sarramagna et Pierre Repellini, rue Ternier. Patrick : Et des pots de fleurs. On jouait plutôt 9) Yvan Beck, 96 conduisais sans permis la Simca 1000. Pas celle C’est là où Pierre est devenu mon ami. C’était à l’instinct. 10) Eugène N’Jo Léa, 91 des Chevaliers du fiel. Celle du père. Les le plus marrant d’entre nous. Pas à cause de son Hervé : Quand je partais à droite, tu savais où 11) Patrick Revelli, 88 12) Michel Platini, 82 gendarmes tournaient la tête en nous croisant humour, mais de sa carrière. Il a été international j’étais. Il y en a qui travailleront des années et 13) Georges Bereta, 71 car ils nous connaissaient. Mais moi, ce que je Juniors comme latéral gauche et A comme latéral qui ne le sauront jamais. 14) Jacques Foix et Roger Pasquini, 69 voulais faire, c’est du vélo. À treize ans, j’avais droit. Belle diagonale, non ? Il a aussi joué avant- Patrick : Mon meilleur souvenir, c’est l’action 16) André Guy, 65 demandé à papa de m’en acheter un pour faire centre et milieu de terrain pour marquer Serge du but à la 15e minute contre le Sporting 17) Johnny Rep, 60 des courses. « Fais-moi plaisir, fais du foot, Chiesa lors des derbys. Il disait : « Je suis sûr de Lisbonne à Geoffroy-Guichard. Je pars sur mon 18) Jean Lauer, 59 19) Ginès Liron, 58 comme tes frères. » Et je me suis retrouvé à jouer deux matchs dans la saison : les derbys. » côté droit, je centre sans déborder et je sais où 20) Kees Rijvers 57 Saint-Étienne. C’était l’aventure. Il n’y avait pas 21) Antoine Cuissard et Dominique Rocheteau, 56 encore d’autoroute. Quand je suis arrivé par le 23) René Ferrier, 51 col du Grand-Bois, la seule route en provenance 24) Jacques Santini, 50 de Valence, et que j’ai vu une ville toute noire, 25) Jean-François Larios et , 49 27) Émile Cabannes et Bafétimbi Gomis, 48 je suis devenu tout blanc, avec ma valise en 29) René Domingo, 44 carton. Roland (l’aîné) m’a alors dit : « On fait 30) Pierre-Emerick Aubameyang et Étienne Mendy, 41 demi-tour si tu veux. » La seule fois où j’avais 32) Philippe Tibeuf et Jacques Zimako, 39 entendu parler de professionnalisme, c’est 34) Roger Milla et Joseph Rich, 38 quand Daniel (leur troisième frère aîné) a signé 36) Alex, et Ferenc Odry, 37 39) Lubomir Moravcik, 36 à Aix-en-Provence, à treize kilomètres de la 40) Koczur Ferry et Didier Thimothée, 35 maison. Au début, c’était dur, mais avec le 42) Dominique Bathenay et Georges Peyroche, 33 temps, j’ai appris à aimer les gens de ce coin de 44) Ferenc Nyers et Christian Synaeghel, 32 France et à me sentir stéphanois avant tout. 46) et Max-Alain Gradel 31 48) Christian Sarramagna, 30 Patrick : C’est Pierre Garonnaire qui est venu 49) Lilian Compan, Yvon Goujon, Jean Oleksiak te chercher, puis moi. et Jean-Louis Zanon, 29 Hervé : Il était venu trois fois me voir jouer en amateur à Gardanne alors que moi, je ne l’avais jamais vu. La quatrième fois, il est rentré dans le vestiaire. Roland demande : « C’est qui, ce Le précédent « Kiki et Zizi » Alpsteg mec ? » Notre entraîneur lui répond : « Le Les Revelli ne constituent pas la première fratrie à avoir brillé chez les Verts. Alors qu’il se destinait Au milieu, René Alpsteg recruteur de Saint-Étienne. Il veut vous parler. » à devenir un ébéniste d’art, le Savoyard René Alpsteg (1944-1953) a finalement formé un Une semaine après mon essai, il me téléphone redoutable duo d’attaquants avec Antoine Rodriguez. Buteur dès la 17e minute de la première et me dit : « On est champions. On a un match de ses douze sélections (quatre buts, 1947-1952) face aux Pays-Bas sur une passe d’Antoine de gala à Montélimar. Tu viens. » Les joueurs Tu pouvais toujours compter sur lui et il ne se la mettre pour que tu sois là pour la reprendre. Cuissard (4-0, le 26 mai 1947), il est rejoint par son frère Léon l’année d’après. Comme Patrick avaient fait la fête toute la nuit. Tout le monde plaignait jamais. C’est mon ami. On prenait le Ça ne s’explique pas. Je le sens. Revelli, le cadet des Alpsteg joue ailier droit tandis que son aîné de huit ans évolue dans l’axe. La a été mauvais. Mais je marque sous un de ces tramway ensemble pour aller à l’entraînement. Hervé : J’arrive, je mets la tête et lunette (2-0, saison 1951-1952 marque l’apothéose pour René, auteur d’un quadruplé lors de l’historique vents. J’ai joué mon premier match en remplaçant le 18 septembre 1974, en 16e de finale aller de victoire à Marseille (10-3, soit le plus large succès jamais remporté à l’extérieur, le 16 septembre Patrick : Très peu savent que je suis venu Aimé Jacquet à la mi-temps du Challenge des la Coupe d’Europe des clubs Champions ; 1951), et presque la fin de la carrière de Léon à l’ASSE. Auteur du seul but du premier derby habiter un an à Saint-Étienne avec nos parents champions au Parc des Princes (3-2 devant retour : 1-1). Pareil quand tu vas t’arracher disputé dans le Chaudron, il se blesse gravement dans les dernières minutes (1-0, le 23 mars e quand tu as commencé à jouer en pro, en 1965. Marseille, le 23 juillet 1969). contre Kiev à la 113 minute. Tout le monde 1952). C’en est fini de la première fratrie de buteurs des Verts, qui aurait mérité d’être Pierre Garonnaire ne voulait pas que tu partes Hervé : Pour moi, l’équipe de 1968-1969 est pensait que le ballon était perdu après ton récompensée d’un titre. en biberine. Le père avait quitté la mine après la plus belle. On régalait et les gens se régalaient. dribble long sur Vladimir Trochkine. Il n’y a que 78 • Chapitre 3 1971-1982 79 Le meilleur buteur par saison 1933-1934 : Lucien Hartmann, 15 buts (6 en D2) 1934-1935 : Ferenc Odry, 21 (18 en D2) 1935-1936 : Yvan Beck, 27 (18 en D2) 1936-1937 : Yvan Beck, 29 (18 en D2) 1937-1938 : Yvan Beck, 35 (31 en D2) 1938-1939 : Ignace Tax, 20 (16 en D1) 1939-1940 : Ignace Tax, 11 (5 en D1) nous qui savions que tu allais l’avoir à quelques Hervé : Quand l’occasion passe, et souvent 1940-1941 : Jules Bigot, 19 (3 en D1) centimètre de sa sortie. Je me positionne au une seule fois, il faut lui sauter dessus et la saisir. L’homonyme 1941-1942 : Jules Bigot, 9 premier poteau. Je sais que je ne peux pas le Les gens l’ont oublié, mais tu avais cette capacité S’il porte le même nom, Romain Revelli, 1942-1943 : Athanasio Rodriguez, 21 (16 en D1) 1943-1944 : Ignace Tax, 17 (10 en D1) reprendre et que je vais le laisser dans mon dos à réveiller tout le bloc. On ronronnait, tu pétais l’adjoint de Christophe Galtier de 2011 à à Dominique Rocheteau (3-0 a.p., le 17 mars un plomb et tout le monde avec toi. Moi, je me 1944-1945 : Antoine Cuissard, 14 (12 en D1) 2015, n’a aucun lien de parenté. « Mais 1945-1946 : Athanasio Rodriguez, 21 1976, en quarts de finale retour ; aller : 0-2). On retrouvais coincé dans l’axe. Sarramagna n’avait son grand-père est originaire du même 1946-1947 : Athanasio Rodriguez, 22 (17 en D1) ne travaillait rien du tout. On se connaissait et pas la hargne pour le faire sur son côté gauche. village dans le Piémont que notre père », 1947-1948 : Athanasio Rodriguez, 16 (15 en D1) on sentait le football. Tu as d’ailleurs glissé à droite quand je suis 1948-1949 : René Alpsteg, 20 (15 en D1) tempère Patrick. Patrick : Tiens, à propos de Kiev, j’ai su des revenu (en 1973) car il aurait été gêné à droite. 1949-1950 : Karel Michlovsky, 16 (en D1) années plus tard ce qu’il s’était passé la veille Patrick : C’est vrai. Et après avoir débuté 1950-1951 : Jean Tamini, 17 (11 en D1) 1951-1952 : Kees Rijvers, 13 (12 en D1) quand Roby était arrivé en retard et qu’il n’a pas avant-centre, je suis passé à gauche quand 1952-1953 : Raymond Haond, 10 (8 en D1) donné l’équipe tout de suite. Pierre Garonnaire Rocheteau a éclaté. Et puis, notre histoire avec 1953-1954 : Jacques Foix, 11 (10 en D1) avait exigé qu’il mette Christian Sarramagna à ma les Verts s’est arrêtée la même année, en 1978. 1954-1955 : Jacques Foix, 25 (17 en D1) place. Je m’appuie sur la barrière pendant Hervé : Oui, j’évoluais avec la réserve de Guy Les meilleurs buteurs de D1/L1 1955-1956 : Jacques Foix, 21 (20 en D1) l’entraînement et Roby me dit : « Si tu n’es pas Briet car j’avais encore envie de jouer. Mais Roby (entre parenthèses, le nombre de buts avec 1956-1957 : Eugène N’Jo Léa, 35 (30 en D1) 1957-1958 : Eugène N’Jo Léa, 17 (15 en D1) content, tu retournes au vestiaire. » Et je rentre. À m’a demandé de revenir en équipe première en l’ASSE) 1958-1959 : Eugène N’Jo Léa, 24 (20 en D1) la mi-temps, il me dit : « Va t’échauffer. “Sarra” Hervé REVELLI Patrick REVELLI décembre. Merchadier avait joué avant-centre 2e , 255 (14) 1959-1960 : Ginès Liron, 31 (23 en D1) ressent une petite douleur. » Je n’y suis pas allé Né le 5 mai 1946, à Verdun (55) Né le 22 juin 1951, à Mimet (13) et il avait été affreux. Je jouais un peu en pro, 3e Hervé Revelli, 216 (175) 1960-1961 : Ginès Liron, 11 (10 en D1) que j’avais déjà tout cassé. Poste : Avant-centre Poste : Ailier droit ou avant-centre j’étais un peu éducateur au centre de formation. 15e André Guy, 159 (45) 1961-1962 : Ginès Liron, 17 (16 en D1) 1962-1963 : Robert Herbin, 17 (15 en D2) Hervé : La seule fois où j’ai eu vraiment les Statistiques : 423 matchs et 222 buts de 1966 à Statistiques : 310 matchs et 88 buts de 1968 à Tout le monde s’en fichait. Pourvu que l’on joue e 21 Dominique Rocheteau, 145 (51) 1963-1964 : André Guy, 28 boules, c’est après la finale de Glasgow. Ça reste 1971 et de 1973 à 1978 1978 au foot. Ce ne serait plus possible aujourd’hui. e 22 Rachid Mekloufi (FRA/ALG) : 143 (123) 1964-1965 : André Guy, 27 (17 en D1) à la fois un bon et un mauvais souvenir. Ce soir- Palmarès : Sept titres de champion de D1 (1967, Palmarès : Quatre titres de champion de D1 Patrick : J’avais signé six ans en 1972. 25e Michel Platini, 139 (58) 1965-1966 : Robert Herbin, 26 là, ce ne sont pas les poteaux qui étaient carrés 1968, 1969, 1970, 1974, 1975, 1976) et quatre (1970, 1974, 1975, 1976) et trois Coupes de J’arrivais sur mes vingt-sept ans et je devais 28e Salif Keita (MAL), 135 (125) 1966-1967 : Hervé Revelli, 33 (31 en D1) ou ovales. C’était nos têtes et nos pieds. Coupes de France (1968, 1970, 1975, 1977), France (1974, 1975, 1977), finaliste de la Coupe prolonger de deux ans en juin 1978. On avait 1967-1968 : Hervé Revelli, 27 (23 en D1) 31e Jacques Foix, 132 (54) Patrick : Sur la frappe de Bathenay, le ballon finaliste de la Coupe d’Europe des clubs d’Europe des clubs champions (1976) entamé les négociations en décembre, quand je 1968-1969 : Hervé Revelli, 29 (22 en D1) 34e Gérard Soler, 129 s’écrase contre les montants et le ballon te champions (1976) pars en vacances. Et puis, plus rien. C’est pour 1969-1970 : Hervé Revelli, 36 (28 en D1) 48e Bernard Genghini, 117 (8) 1970-1971 : Salif Keita, 44 (42 en D1) revient dessus alors que l’on se retrouve tous les ça que je suis allé à Sochaux (1978-1982). Parce La phrase D’Hervé sur Patrick La phrase D’Patrick sur Hervé 53e Ginès Liron, 116 (48) 1971-1972 : Salif Keita, 29 deux à sa réception. « Patrick, c’était un déclencheur. Il a souvent donné le tempo à « Hervé, c’était LA solution. En tant que pivot, il était toujours là que dans la famille Revelli, quand on a un genou 1972-1973 : Patrick Revelli, 19 (16 en D1) Hervé : Je m’en souviens comme si c’était l’équipe. Quand on dormait sur le terrain, Osvaldo Piazza pétait pour nous marquer un but. C’était l’avant-centre type. à terre, on ne met pas le second. On se relève. 1973-1974 : Hervé Revelli, 22 (20 en D1) hier. Pensant être hors-jeu, je reprends de la tête un plomb de derrière en criant et en remontant le ballon et Patrick Le talent, l’inné, le joueur le plus fort avec lequel j’ai joué. » 1974-1975 : Hervé Revelli, 25 (14 en D1) cherchait des solutions et la folie qu’il fallait avoir devant. C’était 1975-1976 : Dominique Rocheteau, 14 (11 en D1) sans contrôler pour les bras de Sepp Maier. Si formidable. Un “loco” (fou). » 1976-1977 : Patrick Revelli, 14 (11 en D1) je prends le temps et qu’on marque, le Bayern 1977-1978 : Patrick Revelli, 9 (8 en D1) ne revient pas. Psychologiquement, on était trop 1978-1979 : Dominique Rocheteau, 21 forts. supplémentaire. Je n’ai jamais ressenti de ici. » Et Sarramagna récurait aussitôt toute la 1979-1980 : Michel Platini, 26 (16 en D1) Patrick : Je ne vais pas t’en vouloir pour ça. jalousie entre nous. chambre à notre place. Et quand on revenait en 1980-1981 : Michel Platini, 29 (20 en D1) Les allemands ont une demi-occasion et un peu Hervé : Tout le monde y trouvait son compte. train à Saint-Étienne, Merchadier sortait ses 1981-1982 : Michel Platini, 27 (22 en D1) 1982-1983 : Bernard Genghini et Laurent plus d’expérience pour la mettre au fond. C’est On leur donnait le beefsteak et ils le mangeaient. chaussettes de fauve et tout le monde partait. Roussey, 10 (8 en D1) dommage parce que nous avions un truc en Patrick : Et puis, on ne jouait pas tout à fait Comme ça, on avait le wagon pour nous. 1983-1984 : Pascal Carrot, 8 plus : la niaque. Il y a eu un avant et un après au même poste. Comme tu étais en 9, j’ai Hervé : C’est à ce moment-là que tu as repris 1984-1985 : Roger Milla, 26 (22 en D2) 1976. Les gens nous en parlent encore. toujours été plus un baroudeur, un attaquant ma place. 1985-1986 : Tony Kurbos, 16 (10 en D2) Hervé : Ce n’était pas prévu qu’on descende plus qu’un avant-centre. Patrick : Oui, j’ai rencontré monsieur Rocher 1986-1987 : Merry Krimau, 10 (9 en D1) les Champs-Élysées le lendemain. On n’était pas Hervé : J’ai joué deux matchs libero pour aider en tête à tête dans une petite salle et je lui ai 1987-1988 : , 17 1988-1989 : Philippe Tibeuf, 10 (en D1) au courant. Si encore on avait gagné, mais là… Roby. Christian Lopez et Osvaldo Piazza étaient dit : « Il y a une place à prendre. Je vais la prendre 1989-1990 : Rob Witschge, 11 (8 en D1) On avait presque honte. Mais bon, le nom des blessés. Et je m’étais régalé ! et personne ne me la reprendra. » Je suis rentré 1990-1991 : Lubomir Moravcik, 8 (7 en D1) Revelli n’est pas devenu lourd à porter pour Patrick : Roby n’était pas fou. C’est plus facile dans l’équipe après une défaite à l’entame du 1991-1992 : Étienne Mendy, 13 (6 en D1) autant. de jouer derrière. Surtout quand tu as joué Championnat (1-3 devant Nîmes, le 11 août) et 1992-1993 : Étienne Mendy, 7 Patrick : Plus pour moi que pour toi. Se faire devant. j’ai bouffé la pelouse, le poteau de corner, tout. 1993-1994 : Roland Wohlfarth, 16 (12 en D1) 1994-1995 : Laurent Blanc, 13 un nom dans le football, c’est difficile. Alors se Hervé : C’est vrai. J’ai vu de grands attaquants J’étais carbonisé à la mi-temps, mais j’ai marqué 1995-1996 : Didier Timothée, 10 (7 en D1) faire un prénom, c’est encore plus compliqué. devenir de bons défenseurs. J’ai même été à Nantes et je ne suis plus sorti de l’équipe (3-4, 1996-1997 : Samba N’Diaye, 19 Des bières, j’en ai gagnées plus d’une grâce à défenseur par la force des choses à Eindhoven. le 18 août). Merci Salif (Keita) ! C’est lui qui est 1997-1998 : Didier Timothée, 20 (19 en D2) toi. Les frères Revelli sont restés dans l’imaginaire J’ai passé mon match à côté de Lopez et de allé demandé à Albert Batteux : « Pourquoi 1998-1999 : Patrick Revelles, 15 (13 en D2) des gens. Piazza car on sentait qu’il fallait qu’on tienne. Patrick ne joue pas ? ». 1999-2000 : Alex Dias, 17 (15 en D1) 2000-2001 : Alex Dias, 14 (13 en D1) Hervé : Après, on disait Hervé ou Patrick ? On ne pouvait pas faire mieux que défendre. Je Le chiffre : 7 2001-2002 : Alex Di Rocco, 10 (8 en D2) Patrick : Attention : l’un a une moustache, m’en fichais de porter le numéro 9 dans le dos L’anecdote : Hervé a été champion à sept reprises, un 2002-2003 : Lilian Compan, 10 (8 en L2) l’autre pas. Mais il y en a encore qui m’appellent (0-0, le 14 avril 1976, en demi-finale retour de Patrick, socio de… Fluminense record codétenu avec Jean-Michel Larqué et 2003-2004 : Lilian Compan, 16 (11 en L2) 2004-2005 : Frédéric Piquionne, 15 (11 en L1) Hervé. Comme Richard Astre, l’ancien la Coupe d’Europe des clubs champions ; aller : En avril 2013, Patrick a profité de son les lyonnais Sidney Govou, Grégory Coupet international de rugby, quand je suis rentré à 1-0). et Juninho. Élu joueur français de l’année 2005-2006 : Frédéric Piquionne, 7 (6 en L1) séjour au Brésil, où il était allé visiter sa fille 2006-2007 : Bafétimbi Gomis, 13 (10 en L1) Adidas après ma carrière. Un jour, je lui ai dit : Patrick : On s’est quittés trois ans, quand je par France Football en 1969, il est et son gendre, pour devenir le 2007-2008 : Bafétimbi Gomis, 16 « La prochaine fois, je t’appelle Jacques suis sorti de l’armée et quand tu es parti à Nice également le seul stéphanois à avoir été 230 079e membre de… Fluminense, le 2008-2009 : Bafétimbi Gomis, 15 (9 en L1) Fouroux. » Il ne pouvait pas le voir. Et ça été fini. (en 1971). Je partageais ma chambre au BJ avec sacré meilleur buteur de D1, et à deux club de la classe sociale aisée de Rio de 2009-2010 : Emmanuel Rivière, 10 (8 en L1) Il m’a appelé Patrick. Mais bon, je n’ai jamais Alain Merchadier, Sarramagna, Bernard Gardon reprises : en 1967 (31 buts) et 1970 (28). 2010-2011 : Dimitri Payet, 13 Janeiro. Depuis, il conserve soigneusement souffert d’être ton frère. Ça n’a pas été un frein. et Christian Dalger. On se couchait sur le lit avec En 1967, il avait reçu une Simca 1000 en 2011-2012 : Pierre-Emerick Aubameyang, 18 (16 en L1) sa carte de socio dans son portefeuille. 2012-2013 : Pierre-Emerick Aubameyang, 21 (19 en L1) Au contraire. Même si je ne possédais pas tes Merchadier et on disait : « On ne nettoie pas la récompense 2013-2014 : Mevlüt Erding, 12 (11 en L1) qualités, loin de là, ça m’a donné une motivation piaule. Tant pis si on ne part pas. On est bien 2014-2015 : Max-Alain Gradel, 17 en L1 80 • Chapitre 3 1971-1982 81