Le Cas De La Musique Dans Le Métro
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Université Paris-Sorbonne UFR de Géographie et Aménagement Mémoire de Master 2 Culture, Politique et Patrimoine Le métro entre espace fonctionnel et espace sensible : Le cas de la musique dans le métro Boris DESBERTRAND Sous la direction de Louis DUPONT Juin 2015 1 Page de garde : Le saxophoniste Jef dans les couloirs de la station Montparnasse-Bienvenüe (Cliché : Boris Desbertrand, 2015) 2 Remerciements Je tiens à remercier avant tout mon directeur de recherche Louis Dupont pour ses conseils avisés et son soutien durant l’élaboration de mon mémoire. Je remercie aussi Jérôme Cler, professeur d’ethnomusicologie, dont l’enseignement et le dialogue m’ont ouvert de nouvelles portes de réflexion, et Arnaud Delamarre, étudiant en thèse de géographie, qui a pu prendre du temps pour nous donner, à moi et aux autres étudiants de géographie, des conseils méthodologiques pour la réalisation du mémoire. Ensuite, l’aide des personnes rencontrées sur le terrain m’a été très précieuse pour pouvoir penser et mettre en place mon sujet d’étude, en particulier celle des divers musiciens que j’y ai rencontrés et qui ont pu m’accorder du temps afin de répondre à mes interrogations. Je remercie ainsi le musicien Soleil Man qui m’a permis de mettre un premier pas dans l’univers des musiciens du métro, mais aussi Gérald, Christophe, Ion, les musiciens du groupe MIAM et du groupe des Mutants de l’Espace, ainsi que tous les autres. J’adresse de même une pensée à Antoine Naso, directeur artistique de la RATP au sein de la structure EMA (Espace Musique Accords) et aux divers autres acteurs et voyageurs que j’ai rencontrés, observés ou pris en photo dans le métro. Enfin, je remercie mon cercle proche, ma famille et mes amis, d’avoir pu me soutenir lors de ces derniers mois pour pouvoir mener ce projet à bon terme. 3 TABLE DES MATIERES INTRODUCTION GENERALE 6 PARTIE 1 : CONTEXTUALISATION DE L’ETUDE 10 I) REFLEXIONS PERSONNELLES ET METHODOLOGIQUES 10 1) MON CHEMINEMENT PERSONNEL 11 2) MON RAPPORT AU METRO 13 3) EVOLUTION DES PROBLEMATIQUES 15 4) METHODOLOGIES ENTREPRISES SUR LE TERRAIN 18 II) INSCRIPTION DANS LA CONNAISSANCE SCIENTIFIQUE 21 1) LE POSTMODERNISME 22 2) LE TOURNANT CULTUREL 25 3) LES CONCEPTS GEOGRAPHIQUES UTILISES 28 4) LA MUSIQUE ET L’APPROCHE SENSIBLE 31 5) LE SONORE ET LE MUSICAL EN GEOGRAPHIE 33 PARTIE 2 : LE METRO COMME UN ESPACE DE TRANSPORT 37 I) LE METRO, UN ESPACE FONCTIONNEL 37 1) GENERALITES 37 2) LES CARACTERISTIQUES DE L’ESPACE TRANSPORT 39 3) LES MARQUEURS DU TRANSPORT 46 4) CONTEXTUALISATION 48 5) LES ESPACES CORRELES A LA DIMENSION FONCTIONNELLE 52 5.1) L’espace technicien 52 5.2) L’espace de confort 55 5.3) L’espace sécuritaire 57 6) LA CONSIDERATION DU SENSIBLE DANS LE METRO 60 II) LA PLACE DE L’HOMME DANS LE METRO 65 1) LE VOYAGEUR DANS L’ESPACE FONCTIONNEL DU METRO 65 2) LA CONSIDERATION DU FLUX DE TRANSIT 67 3) LE METRO : UN ESPACE DESHUMANISE ? 70 3.1) Un non-lieu 70 3.2) Réflexion sur l’espace transport 75 4) L’ESPACE VECU DU METRO 78 4.1) Les pratiques « vécues » des usagers 78 4.2) La considération du métro comme un espace public 81 PARTIE 3 : LE FAIT MUSICAL DANS LE METRO 84 4 I) LE PHENOMENE DES MUSICIENS DANS LE METRO 85 1) PREAMBULE 85 2) L’USAGE DU METRO PAR LES MUSICIENS 87 3) LES ESPACES UTILISES DANS LE METRO 90 3.1) Le cas des stations 91 3.2) Le cas des rames 95 3.3) Les « pôles » de l’activité musicale 99 4) RAPPORTS ENTRE MUSICIENS 103 5) RAPPORT AVEC LA RATP 105 II) LA CREATION D’UN ESPACE MUSICAL 109 1) LES QUALITES SENSIBLES DU MUSICIEN 110 2) L’ARTICULATION ENTRE ESPACE MUSICAL ET ESPACE DE PASSAGE 115 2.1) L’étude par l’écoute sonore 115 2.2) Les comportements des voyageurs face à la musique 117 2.3) La qualité de place de l’espace musical 121 3) ETUDES DE CAS 123 3.1) Etude de cas n°1 123 3.2) Etude de cas n°2 128 4) LES SPECIFICITES DE LA PRESTATION DANS LES RAMES 134 5) QUELLE PLACE A LA MUSIQUE DANS LE METRO ? 138 CONCLUSION GENERALE 144 BIBLIOGRAPHIE 148 TABLE DES ILLUSTRATIONS 153 TABLE SONORE 155 ANNEXES 155 5 INTRODUCTION GENERALE J’aimerais pour introduire ce mémoire relater une expérience que j’ai vécue dans le métro : durant un de mes trajets, j’ai rencontré à la station Montparnasse- Bienvenüe, dans le couloir menant à la sortie de la porte Océane, un saxophoniste adossé au mur du couloir en train de jouer un air de musique (voir la photo de page de garde). Je me suis alors installé au niveau du mur en face de lui pour l’écouter, en essayant de faire au plus possible abstraction de ce qu’il y avait autour de moi pour me concentrer sur sa musique : j’ai alors fermé les yeux pour essayer d’oublier quelque temps l’environnement du métro, son éclairage, et les gens qui passaient entre le musicien et moi. Peu à peu par ce procédé, le son de son saxophone n’était plus simplement un élément du paysage sonore du métro mais une voix qui s’élevait sur les autres sons perçus. Le morceau du saxophoniste a duré alors un temps qui m’a paru très long, environ quinze minutes, durant lequel j’ai eu l’impression de m’extraire du métro, et d’arriver au cœur d’une histoire que me racontait le musicien. A la fin du morceau, lorsque j’ai rouvert les yeux, j’ai eu le sentiment de prendre conscience avec un regard neuf de ce qui m’entourait : la lumière crue du métro, ses couleurs et ses formes, mais aussi l’intensité du passage humain qui se déroulait devant moi. Lorsque j’ai repris ma marche, je ne portais plus seulement attention, comme d’habitude, aux divers marqueurs qui allaient me permettre de rejoindre de la façon la plus rapide ma sortie, mais j’observais alors la démarche des gens, leurs visages, comme pourrait le faire un étranger à l’univers du métro, avec cette sensation que la musique m’avait permis d’accéder à un autre monde de perceptions. J’en viens ainsi à l’hypothèse qui m’a servie d’axe et de problématique pour l’évolution de ma réflexion. Il existerait dans le métro plusieurs espaces de valeurs différents, imbriqués au sein d’une même localisation physique. L’espace dominant, car perçu de la sorte par la majorité de ses usagers, correspond à l’utilité fonctionnelle que représente l’usage d’un transport public pour se déplacer en ville, majoritairement entre chez soi et son lieu de travail, mais aussi 6 vers des lieux de loisirs. Le métro, diminutif de « Chemin de fer Métropolitain », pensé puis créé pour la ville de Paris à partir de la fin du XIXe siècle, est ainsi un lieu qui fut élaboré dans un but précis, celui d’offrir aux citadins un moyen simple, économique et efficace pour pouvoir assurer leur déplacement, en permettant par ce biais de décongestionner la surface de Paris, encombrée par les embouteillages de son trafic. Pour cela, celui-ci s’articule comme un grand réseau de voies ferrées empruntées par des équipements mécaniques – les rames -, interconnectées et accessibles depuis des lieux fixes – les stations. Le métro devient ainsi un univers uni-fonctionnel où de par l’architecture des stations, les marqueurs spatiaux, et les dispositifs techniques mis en place, tout va être réalisé pour substituer au plus possible au voyageur le souci de devoir prendre en charge par soi-même son voyage : l’usager du métro est en face d’un espace qui va tout au long de son trajet le guider pour ainsi mener à bien son déplacement. Le métro est un endroit de passage, que l’on utilise de façon systématique dans le cas des usagers habitués, sans y chercher en général une quelconque qualité émotionnelle qui nous permettrait de s’y attarder et de profiter d’un instant : en quelque sorte, nous entrons dans le métro dans l’objectif d’en ressortir, par souci de rentabilité de notre temps. A côté de cela apparaît toutefois dans le métro un espace que l’on peut qualifier de sensible. Le sensible est par définition compris comme une entité que l’on va entreprendre de percevoir, d’appréhender avec nos sens, et qui va par ce biais nous toucher dans notre qualité d’humain. Chaque personne entretient à son échelle ainsi un rapport sensible avec certains lieux précis : nous pouvons citer par exemple l’émotion que peut procurer un paysage de coucher de soleil, ou les souvenirs associés à un endroit qui nous rappelle des moments de notre enfance. Dans le métro, il y a l’idée qu’il existerait une dimension qui soit parallèle au souci unique de réaliser son déplacement, et qui témoignerait donc d’un rapport sensible que le voyageur entretiendrait avec l’environnement : l’espace du métro qui paraît en général vide de sens, entrepris à but purement fonctionnel, peut dans certaines configurations devenir porteur d’émotions et de sensations pour ses usagers. Le phénomène musical dans le métro, créé par l’ensemble des musiciens qui s’y produisent, autant dans les couloirs que dans les rames, devient ainsi intéressant à étudier afin de comprendre la dimension parallèle et sensible qu’il peut y exister. Tout d’abord, les musiciens, de par leur activité – jouer de la musique pour les 7 voyageurs, à but lucratif – utilisent le métro d’une manière bien spécifique, en cherchant non pas à s’y déplacer mais à y mettre en place de par leur prestation un espace musical.