REPRÉSENTER LA GRANDE GUERRE : les artistes du front, entre engagement militaire, patriotisme artistique et diplomatie culturelle de guerre

Conférence de Mme Sylvie Le Ray-Burimi, conservateur en chef au musée de l’Armée Musée barrois, le 4 février 2015

Guillaume Apollinaire (1880-1918), Autoportrait en artilleur , 1916 (, musée de l’Armée)

Les Invalides et le musée de l’Armée, lieu de présentation des premières missions de peintres sur le front (novembre 1914-avril 1915)

L’invention d’un territoire, celui du front, et de la renaissance d’un genre, celui du paysage historique ?

Joseph Aubert (1849-1924). Mise au tombeau dans les tranchées, 1916. Tableau mis en place lors des funérailles du général Gallieni, Eglise Saint-Louis des Invalides [1 er juin 1916] : [photographie de presse] / [Agence Meurisse]

Charles Huard, artiste missionné par le musée de l’Armée

Demande du général Niox, directeur du musée de l’Armée, au Général commandant la 6 e armée au bénéfice de Charles Huard, 5 janvier 1915

Charles Huard (1875-1965), Tombes près d’une meule de paille, 1914-1915 (Paris, musée de l’Armée)

Charles Huard (1875-1965), Convoi anglais, Coulommiers, septembre 1914 (Paris, musée de l’Armée)

Émile Charrière, Salon des armées réservé aux artistes du front au profit des œuvres de guerre , 22 décembre 1916- 22 février 1917 (Nanterre, BDIC)

Section photographique de l’Armée, Paris, Salon des armées au jeu de Paume. M. Dalimier sous-secrétaire d’Etat aux Beaux-Arts le jour de l’inauguration, 22 décembre 1916 (Nanterre, BDIC) Lettre de Melchior de Polignac à M. Guy, New-York, 17 janvier 1917. Archives du Ministère des Affaires Etrangères, papiers Berthelot, Etats-Unis à propos des expositions itinérantes organisées par le War Exhibit Committee « Vous savez que nous sommes réunis, les Anglais, les Canadiens et nous- mêmes et qu’à nous trois nous formons une exposition. La est représenté par le ménage Charles Huard que cela amuse et intéresse (…) J’ai demandé à Berthelot [dir. de cabinet du Ministre], par dépêche, l’autorisation de lui passer complètement la main. Ainsi à l’avenir pour tout ce qui concerne les bazars, expositions, matériel de guerre, adressez-vous au Baron Charles Huard, 44 Grammercy Park NY. Ce dernier, du reste, est charmant, connait bien les Etats-Unis (sa femme est américaine) parle admirablement anglais, est artiste et en même temps, plein de bon sens et pratique. (…) Nous nous entendu à merveille au point de vue propagande (il reste entendu que les bazars et expositions constituent une propagande de premier ordre et nous pourrons collaborer utilement ».

Philippe Berthelot, fondateur de la Maison de la presse en 1916, photographie prise en 1920, à Washington avec Jean Jules Jusserand (à gauche) et Aristide Briand (à droite)

La diffusion à l’étranger des œuvres des artistes missionnés sur le front est favorisé par le Ministère des affaires étrangères à partir de 1916

Charles Huard (1875-1975), The War sketches of Charles Huard. New-York : Wood , 1916. Suite de 20 lithographies originales.

Charles Huard (1875-1975), « Refugees on the road between Châteu-Thierry and Montmirail, septembre 14 » from The War sketches of Charles Huard. New- York : Wood , 1916.

Charles Huard (1875-1975), « Types in the British Camp, december 14 » from The War sketches of Charles Huard. New-York : Wood , 1916.

Charles Huard (1875-1975), « Dawn in the trenches near Berry au Bac, january 15 » from The War sketches of Charles Huard. New-York : Wood , 1916.

Deux expositions concurrentes sur le sol américain en 1916 et 1917 : Charity Bazar for the Widow and orphans of German, Austrian, Hungarian and their allied soldiers et National allied New York, 1916 et , 1917 (affiches)

« Die Arbeitsgebiete unserer Künstler im Felde ». Illustrirte Zeitung , n° 3783, 30 décembre 1915 (Nanterre, BDIC)

Ludwig Dettmann (1865-1944). Porträt zweier Soldaten mit Stahlhelm , 1918 (Berlin, Deutsches Historisches Museum Berlin)

Ludwig Dettmann (1865-1944). Verwüstetes Schlachtfeld , 1918 (Berlin, Deutsches Historisches Museum Berlin)

Maurice Denis, Félix Vallotton, Louis Charlot : artistes missionnés par le sous-secrétariat aux Beaux-Arts

Anonyme, Maurice Denis en mission , dans les ruines d’une église de l’Oise , octobre 1917 (Paris, musée de l’Armée)

«Qu’est que je vaux ? Est-ce que je suis prêt à me sacrifier pour Dieu, pour ma patrie, pour le roi ? […] Que les Germains soient anéantis, que périssent, avec le Kantisme, toute les drogues et toute la camelote philosophique, sociale, esthétique des Teutons, et je crois qu’une grande renaissance est possible dans l’ordre français et suivant les idées de l’Action française » Maurice Denis, Journal , 1915

Maurice Denis (1870-1943), Le Cimetière de Benay , 1917 (Paris, musée de l’Armée)

Maurice Denis (1870-1943), Soirée Calme en première ligne, 1917 (Nanterre, BDIC)

Félix Vallotton (1865-1925). Le Cimetière militaire de Châlons , 1917 (Nanterre, BDIC)

Section photographique de l’Armée, Châlons-sur-Marne, Cimetière militaire de Châlons comprenant 4300 tombes au 155 avril 1916 (Nanterre, BDIC)

Félix Vallotton (1865-1925), Le Cratère de Souain , 1917 (Nanterre, BDIC)

Louis Charlot (1854-1951), Sénégalais, 1917 (Nanterre, BDIC, dépôt du CNAP)

Les cas d’Édouard Vuillard et André Devambez

Edouard Vuillard (1868-1940), L’Interrogatoire , février-mars 1917 (Nanterre, BDIC, dépôt du CNAP, achat de l’Etat au salon des peintres aux armées en 1917)

Section photographique de l’Armée, Musée du Luxembourg. Exposition des peintres en mission aux armées. Panneaux de Peirat et Vuillard, mars 1917 (Nanterre, BDIC)

André Devambez, Verdun , 1917 (Paris, musée de l’Armée)

Section photographique de l’Armée, Musée du Luxembourg. Exposition des peintres en mission aux armées. Panneau d’André Devambez , mars 1917 (Nanterre, BDIC)

Expositions et missions sur le front austro-italien

Palazzo Colonna. A beneficio/ della /Croce Rossa/ italiana/Esposizione/ di pitture e disegni di guerra/ al fronte francese/ Roma / maggio 1916/ Il 10 maggio 1916 venne inaugurata nella galleria di palazzo Colonna a Roma, una mostra di pitture (...) di artisti francesi sulla guerra in corso. Roma, Danesi, 1916

Reproduction dans L’Illustration de La Garde du drapeau (1915), huile sur toile de Georges Scott acquis par la reine Marguerite de Savoie à l’issue de l’exposition de la Galleria Colonna à

Georges Scott (1873-1943), Téléphérique transportant un blessé sur la Terza Tofana , 1917 (Paris, musée de l’Armée)

George Scott (1873-1943 ), Monfalcone. Ruines des usines Adria-Werke après les bombardements, 1917 (Paris, musée de l’Armée)

George Scott (1873-1943), Venise. Ruines de santa Maria Formosa après les bombardements autrichiens , 1917 (Paris, musée de l’Armée)

George Scott (1873-1943), Venise. Monument à Bartolomeo Colleoni protégé contre les bombes , 1917 (Paris, musée de l’Armée)

Georges Scott (1873-1943), Venise, cour du Palais des Doges, 1917 (Paris, musée de l’Armée)

George Scott (1873-1943), Venise. Basilique San Marco, escalier des géants protégé contre les bombes , 1917 (Paris, musée de l’Armée)

George Scott (1873-1943), Venise. Intérieur de la basilique San Marco, protégé contre les bombes, 1917 (Paris, musée de l’Armée)

Georges Scott (1873-1942), Basilique d’Aquilée (Frioul) , juillet 1917 (Paris, musée de l’Armée)

« Quant à moi, j’ai perdu tout espoir de voir nos ennemis « prêter l’oreille aux protestations des nations civilisées contre les dommages qu’ils causent aux œuvres d’art ; aussi ne puis-je croire qu’ils consentiront à mettre un terme à leurs agissements iniques. Ils sont entrés brutalement en guerre, non pour faire triompher des droits et des idées, mais pour imposer une avide suprématie d’intérêts matériels, de sorte qu’ils témoignent, cela va de soi, le plus profond mépris pour les droits des autres et pour les idées. En effet, tandis que la cathédrale de – qui n’est déjà plus qu’un squelette - continue à être le point de mire de la férocité teutonne, les bombes autrichiennes, avec une perversité vigilante, cherchent où mieux frapper et incendier la basilique d’Aquilée ». Lettre de Corrado Ricci, directeur directeur général des Antiquités et des Beaux-Arts au président de la Société Léonard de Vinci, Rome le 15 juillet 1917. Reproduit dans La Société Léonard de Vinci et la défense des monuments pendant la guerre , , 1917.

Georges Scott (1873-1943), Le San Michele, vu de la tranchée des morts depuis San Martino del Carso , 1917 (Paris, musée de l’Armée)

Illustrazione Italiana , 29 juillet 1917

Service photographique de l’Aéronautique italienne. Panorama de la vallée de vallée de l’Isonzo et Panorama d’Asiago après le bombardement du 11 juillet 1916 , [1916-1918] (Paris, musée de l’Armée, inv. 1211-2-76 C1)

Albert Reich (1881-1942), La Vallée de l’Isonzo vue depuis Tolmino , 1917 (Ingolsatdt, Bayerische Armeemuseum)

Armin Horovitz (1880-1965), Gebirgsbatterie auf dem Monte Gusella , 1918 (Vienne, Heeresgeschichtlichesmuseum)

Raid sur Vienne. Photographie d'un ensemble de prises de vues réalisées dans les Alpes par le Servizio Fotografico dell'Aeronautica de l'armée Italienne entre 1915 et 1918, 9 août 1918 (Musée de l’Armée, 1211.2.53 C1 ; P323)

Servizio Fotografico dell'Aeronautica de l'armée Italienne, Avion de retour du raid sur Vienne, 1918 (Paris, Musée de l’Armée, inv. 1211.2.51C1 ; P323)

Expositions et missions sur le front des Balkans et des Dardanelles

Henry Valensi (1883-1960), Catalogue de l’exposition documentaires d’œuvres peintes aux Dardanelles, Paris, galerie Druet, 1917

Anonyme, La tranchée dite « des cadavres », juin 1915 (Paris, musée de l’Armée)

Anonyme, Une variante du « Rêve » d’Edouard Detaille, juin 1915 (Paris, musée de l’Armée)

Henry Valensi (1883-1960), Les Dardanelles, Moudros, la rade (FNAC, en dépôt à la BDIC)

Paul Jouve (1880-1973), Troupes coloniale cantonnées dans le monastère de la Trappe de Saint-Sixte, avril 1915 (Paris, musée de l’Armée)

Paul Jouve (1880-1973), Spahi près d’Ypres, 1915 (Ypres, In Flanders Field)

Paul Jouve (1878-1973), Eglise du prophète Elie, lendemain du raid du zeppelin, Salonique, 1 er février 1916 (Paris, musée de l’Armée)

Paul Jouve (1880-1973), Soldat serbe contemplant un soldat bulgare tué , novembre 1916 (Paris, musée de l’Armée)

Heinrich Vogeler (1872-1942), Judengräber in Luck, als russische Schützenstellungen ausgehoben (Blatt 49 der Mappe « Aus dem osten »), 1916 (Berlin, Deutsches Historisches Museum)

Paul Jouve (1878-1973), Soldat dans une église de Monastir, Macédoine, 1916 (Paris, musée de l’Armée)

Paul Jouve (1880-1973), Tombe d’un soldat serbe à Kenali , 1917 (Paris, musée de l’Armée)

Paul Jouve (1878-1973), Exécution d’un traître macédonien , 1917 (Paris, musée de l’Armée)

Paul Jouve (1878-1973), Femmes macédoniennes fuyant les bombardements de Monastir , 1917 (Paris, musée de l’Armée)

Paul Jouve (1880-1973), Canon de 155 enlisée sur la champ de bataille devant Monastir , novembre 1916 (Paris, musée de l’Armée)

Paul Jouve (1878-1973), Sur la route de Nish , 1917 (Paris, musée de l’Armée)

Paul Jouve (1880-1973), Lithographie illustrant la page de titre de la Revue franco-macédonienne publiée par les officiers, sous officiers et soldats d’ Armée d’Orient , 1916

Paul Jouve (1878-1973), Mont Athos, monastère de la Vatopedi, 1917 (Paris, musée de l’Armée)

Paul Jouve (1880-1973), Monastère au mont Athos , 1917 (Paris, musée de l’Armée)

James McBey (1883-1959 ), Nebi Samwil : the First sight of Jerusalem , décembre 1917 (Londres, Imperial War Museum, inv. Art 2600)

Salon des peintres de l’Armée d’Orient, Athènes, palais du Zappeion , 1918 (Ivry- sur-Seine, ECPAD)

Le cas du peintre Charles Duvent entre fronts combattants et fronts domestiques

Charles Duvent peignant dans la cathédrale de Reims sous les bombardements (Langres, musée d’art et d’histoire)

Charles Duvent (1867-1940) chargé de deux missions de propagandes aux Etats-Unis en 1916 et 1917, à propos du manque de soutien des services de propagande français aux Etats-Unis : « Je suis pourtant celui qui a pu rester des heures pieuses devant les blessures cruelles de la Patrie, je suis celui qui a saigné longuement devant les pierres calcinées des cathédrales, pleuré devant l’intimité violée des foyers détruits, j’ai entendu les sanglots de ceux pour quoi tout a été aboli par la fureur allemande, j’ai été celui qui a traduit la beauté tragique de nos ruines sous une voûte de projectiles ennemis, j’ai tout risqué pendant de longs mois, tout enduré, le froid et la solitude pour dire à une foule étrangère les choses tragiques de la guerre, la conquérir plus profondément à notre cause, lui faire passer le frisson de la patrie fraternelle et tout ce long effort vient échouer par la faute de Français qui n’ont pas voulu faire ce qui devait être fait sinon pour l’artiste, du moins pour la cause que je viens plaider» Cité dans Aline Duvent. Charles Duvent, sa vie, son œuvre. Cahier manuscrit, 1941 (Langres , musée d’Art et d’histoire)

Charles Duvent (1867-1940), L’Hôtel de ville d’, du côté de la place de la Vaquerie septembre 1915 (Paris, musée de l’Armée)

“Everybody who went to the Allied Bazar last winter will remember Charles Duvent. His were the ravaged picture of the war-ravaged towns, which with poetic veracity told the tale of what happened to the cathedrale and Hôtel de ville which came within the range of the German . They were prepared by Mr Duvent primarily as a record, secondarily for propaganda in America. All of his sketches were made on the spot, frequently under fire, and usually of historic buildings for the destruction of which there was no discernible military necessity. He was detailed expressly for his work by the Ministry of Foreign Affairs and his visit and his pictures, thus have official sanction. One of them is schown in color on page 20” Article de Town and Country , 10 october 1916, “About people we know : Charles Duvent”

Charles Duvent (1867-1940), Nieuport, septembre 1915 ( Paris, musée de l’Armée)

Nearly a hundred paintings of wartime scenes in France and by Charles Duvent have been on exhibition at the French Museum of Art, 539 Fifth Avenue. This one of the famous statue of before the cathedral of Rheims. Although many shells fell nearby, none touched the statue” “While M. Duvent was making the picture of Soissons shells fired in a German bombardment constantly passed over his head through an opening in the roof. The artiste was commissioned to paint pictures of war scenes for the archives of the French government.” Article du New York Tribune , 21 January 1917, “War Pictures of a French Painter: Charles Duvent”

Charles Duvent (18767-1940), Le Crime. La Cathédrale de Reims, 18 septembre 1914 , vers 1915 (Paris, musée de l’Armée. Inv. 972 T, Eb 851)

Press Illustrating Service ed., Charles Duvent (1867-1940) entouré des infirmières de la Croix Rouge américaine lors d’une exposition à New York , 1916 (Langres, musée d’art et d’Histoire)

Charles Duvent (1867-1940), Eglise Santa Maria Formosa , Venezia, 1917 (Paris, musée de l’Armée)

Gabriel Faure « Les destructions de monuments à Venise et à Reims » dans l’Illustration , 26 août 1916

Charles Duvent (1867-1940), Trévise 28 février 1918 (Paris, musée de l’Armée, inv. 08970 C1; Eb 1211)

Charles Duvent (1867-1940 ), Allégorie de la Victoire conduisant les armées alliées , 1918 (Paris, musée de l’Armée)

Charles Duvent (1867-1940), Canons français à Mayence, 1919-1921 (Paris, musée de l’Armée)

Charles Duvent (1867-1940), commissaire général de l’exposition L’Art français sur le Rhin, Wiesbaden, 1921

Les artistes « pionniers » : Robert Collard et l’usage politique du dessin animé auprès des opinions françaises et américaines

Dessin animé de Robert Collard dit Lortac (1884-1973), Et nos poilus , qu'en pensent-ils? La victoire, d'abord, le luxe, ensuite, 1917

Les artistes et l’essor des services de renseignement : le cas d’Othon Friesz

Othon Friesz (1879-1949), La Guerre , 1915, H. 3 m L. 2,9 m (Musée des Beaux- arts de Grenoble)

Othon Friesz (1879-1949), Annamites sur un camp d’aviation , vers 1917 (Paris, musée de l’Armée)

Othon Friesz (1879-1949), Entrée des français à Strasbourg , 1918 (Nanterre, BDIC)

Des artistes en mission « auto-administrées » et leur diffusion à l’étranger : Tardieu et Hoffbauer

Victor Tardieu (1870-1937), La Duchesse de Sutherland à la l’hôpital de Bourbourg (Londres, Florence Nightingale Museum)

Victor Tardieu (1870-1937), Artillerie lourde sur voie ferrée, vers 1916 (Collection particulière)

Charles Hoffbauer (1875-1957), Le Convoi dans la neige (Paris, Musée d’Orsay)

Artistes missionnés et combattants dans la guerre des fronts, témoins et acteurs complémentaires et subsidiaires ?

Félix Del Marle (1889-1952), Passage d’artillerie, Fismes, 20 septembre 1914 (Collection particulière)

Qu’a fait la Belgique ? Pour sauver sa liberté, elle a tout sacrifié ?, pour sauver l’AVENIR de sa race, elle a sacrifié tout son passé. Elle a agi comme nous futuristes agissons. L’avenir ! Son futur ! Voilà ce qui lui importait, pendant que ses hôtels moyenâgeux flambaient ! Et comme elle avait raison ! (…) Nous ne crions pas « au secours » pour sauver « les dernières dentelles de pierre » de la cartouche de mélinite. (…). Qu’elle démontre enfin, elle, l’admirable nation futuriste, qu’il y a des destructions nécessaires pour un peuple qui est vraiment fort : elle qui, je le répète, a sacrifié tout son passé pour son avenir ! Ce n’est pas vers Bruges la cadavérique, ni vers Malines, ni vers la cléricale Louvain, que nos regards se tournent. » Félix Mac Delmarle, peintre futuriste, Lettre à Marinetti, 5 décembre 1914 (Eymoutiers, Hôpital volontaire)

Fernand Léger (1881-1955), L’Avion brisé , 1916 (Paris, musée national d’art moderne – Centre George Pompidou, inv AM 1985-401)

«A tous ces ballots qui se demandent si je suis ou serai encore cubiste en rentrant, tu peux leur dire que bien plus que jamais. Il n’y a pas plus cubiste qu’une guerre comme celle-là qui te divise plus ou moins proprement un bonhomme en plusieurs morceaux et qui l’envoie aux quatre points cardinaux ». « Cette guerre-là, c’est linéaire et sec comme un problème de géométrie. Tant d’obus en tant de temps sur telle surface, tant d’hommes par mètre et à l’heure fixe en ordre. Tout cela se déclenche mécaniquement. C’est l’abstraction pure, plus pure que la peinture cubiste. » « (…) l’action individuelle est réduite au minimum. Tu pousses la gâchette d’un fusil et tu tires sans voir. Tu agis à peine. En somme on arrive à ceci : des êtres humains agissant dans l’inconscient et faisant agir des machines » Fernand Léger. Lettres à Fernand Poughon (août 1914-juin 1918)

Henri Gaudier-Brzeska (1891-1915), Un de nos obus explosant, février 1915 (Musée national d’art Moderne / Centre Georges Pompidou)

« Imaginez une aube grise, deux lignes de tranchées, et entre les deux, explosion sur explosion, des nuages de fumée noire et jaune, le crépitement incessant des fusils, quelques têtes et jambes volant en l’air et moi au milieu de tout cela – commandant : (…) feu ! (…) jusqu’à ce que les Allemands aient leur compte ! » Henri Gaudier-Brzeska , lettre à Dorothy Shakespear, 9 mai 1915 “German nationalism is less realistic, is more saturated with the mechanical obsession of history, than the nationalism of England or France. (…) This paper wishes to stand rigidly opposed, from start to finish, to every form that the Poetry of a former condition of life, no longer existing, has foisted upon us.” Editorial in Blast, War number, July 1915 “WITH ALL THE DESTRUCTION that works around us NOTHING IS CHANGED, EVEN SUPERFICIALLY.” Vortex Gaudier-Brzeska, in Blast , War number, july 1915

C.R.W. Nevinson (1889-1946), Bursting Shell , 1918 (Nanterre, BDIC)

Pietro Morando (1889-1980), L’Appeso, San Michele , 1916 et Eroe del Carso , 1917 (Rovereto, Museo italiano della Guerra)

Albert Le Play, La Baraque des spectres avant-dernière étape du typhus et de la famine++, Jassy (Roumanie ), 1917 (Paris, musée de l’Armée) et Dr Pierre Beurier, L’Ile de Vido (Grèce). La Barque à Caron , 1916 (Nanterre, BDIC)

Heinrich Ehmsen (188--1964), Im Drahtverhau , 1915. Berlin Deutsches Historisches Museum et Max Pechstein. Somme 1916 , 1917 (Péronne, Historial de Péronne)

André Mantelet-Martel (1876-1953), Le-Bois-le-Prêtre, 1916. Eau forte sur papier gravée à partir d’une douille d’obus étamée

Que reste-t-il des missions d’artistes sur le front ?

« On aura de bons tableaux mais on n’aura pas la guerre » Félix Valooton, 1917

« Vivre la guerre avant de l’exprimer » Henri Valensi, 1917

William Orpen (1878-1931), View from the old british trenches looking toward La Boisselle , 1917 (Londres, Imperial War Museum, inv. ART 2966)

« Des kilomètres et des kilomètres de trous d’obus, de corps, de fusils, de casques, de masques à gaz, toutes sortes de vêtements abimés, allemands et anglais, des obus et des barbelés […] – pas une âme qui vive alentours, une paix vraiment terrible dans ce nouveau désert terriblement moderne. » William Orpen , Lettre à Grace Orpen, 15 avril 1917 « Il y a une belle vallée, sur la gauche, quand on va d’Amiens à Albert : on la voit en contrebas, de la route, mosaïque de touches vertes, brunes, grises et jaunes. Je me souviens de John Masefield disant un jour qu’elle lui apparaissait comme une nappe post-impressionniste. Plus tard, des lignes blanches en zigzag vinrent la couper – les tranchées . » Orpen associe à ce paysage meurtri et parsemé d’ossements blanchis le souvenir de son ami, le peintre français Charles Geoffroy-Dechaume . Lors d’une séance de peinture en plein air dans les anciennes tranchées, ce dernier, amputé de la jambe gauche, lui déclare : « Orpen, je me sens comme un jeune dieu grec ! » avant d’ajouter « Mais juste un fragment, tu sais, juste un fragment ». William Orpen. An Onlooker in France, 1917-1919

Henri Valensi (1883-1960), Expression des Dardanelles , 1917 (Nanterre, BDIC)

« Engagé volontaire au début de la guerre, je fus sur mon instance, affecté comme soldat aux Dardanelles (…) La beauté du site rendait encore plus cruelle la mort qui rodait (…) Plus de quinze fois, […] j’ai « fait » des séances de 2 heures, la tête et souvent tout le corps au-dessus des parapets des tranchées […]. Les Turcs […], pensait que je relevais quelque plan en vue d’une attaque […] Sans leurs cadres, on verrait quelques-unes de mes toiles blessée. » « Les combats de cette guerre n’ont aucun rapport avec la conception qu’en peuvent avoir ceux qui se reportent aux tableaux des guerres précédentes. On ne voit plus rien qui soit « picturable » sur le vif, car les corps-à-corps n’ont pas de témoin-palette en main. Dans l’ensemble, on ne voit plus les troupes . Mais des éclatements d’obus indiquent où l’action se passe et marquent, par leur continuité, les méandres du « front ». Henri Valensi, Catalogue de l’exposition « Aux Dardanelles », Galerie Druet, 1917

Félix Vallotton (1865-1925), Verdun, tableau de guerre interprété , 1917 (Paris, musée de l’Armée)

«La “guerre” est un phénomène strictement intérieur, sensible au-dedans, et dont toutes les manifestations apparentes, quel qu’en puisse être le grandiose ou l’horreur, sont et restent épisodes, pittoresque ou document. […] La guerre n’est pas ce qui éclate, ni cet arbre fauché dont le tronc penche, ni ces toits béants, ni ce malheureux qui traîne son moignon vers l’illusoire abri d’un fossé, ou plutôt elle est cela pour la seconde où l’œil constate mais combien plus vastes sont ses répercussions dans l’espace ! (…) Où est le vrai dans tout cela ? Où est l’image-type ? Où est l’accent pour le peintre ? Le petit chasseur qui soudain s’affaisse dans un coin perdu, une balle entre les deux yeux, constitue-t-il plastiquement une expression plus forte de “la guerre” que ce tas de décombres fumants d’où émergent les pattes raidies d’un cheval, ou ce chêne éclaté, ou ces blessés geignant au fond d’une sape dans la puanteur du sang, du pétrole et de l’iodoforme ? […] Que représenter dans tout cela ? Pas l’objet, bien sûr, ce serait primaire, encore qu’on n’y manquera pas, et cependant un Art ans représentation déterminé d’objets est-il possible ? Qui sait !... Peut-être les théories encore embryonnaires du cubisme s’y pourront-elles appliquer avec fruit ? Dessiner ou peindre des “forces” serait bien plus profondément vrai qu’en reproduire les effets matériels mais ces “forces” n’ont pas de formes et de couleur encore moins. F. Vallotton. « Art et guerre » in Les Ecrits Nouveaux , 1917

Pour en savoir plus : www. musee-armee.fr