CODE D’ÉTHIQUE ET DE DÉONTOLOGIE DES MEMBRES DE L’ASSEMBLÉE NATIONALE 1

DOSSIER : DE-02-2017

RAPPORT D’ENQUÊTE DU COMMISSAIRE AD HOC À L’ÉTHIQUE ET À LA DÉONTOLOGIE AU PRÉSIDENT DE L’ASSEMBLÉE NATIONALE

au sujet de monsieur Claude Surprenant, député de Groulx

30 novembre 2017

1 RLRQ, c. C-23.1. DE-02-2017 Page : 2

Table des matières

RÉSUMÉ DU RAPPORT D’ENQUÊTE 1. PRÉAMBULE 2. COMPÉTENCE DU COMMISSAIRE AD HOC 3. DEMANDES D’ENQUÊTE

4. EXPOSÉ DES FAITS 4.1. TÉMOIGNAGE ET OBSERVATIONS DE M. SURPRENANT 4.2. TÉMOIGNAGES DES ATTACHÉS POLITIQUES 4.2.1. Monsieur Yann Gobeil-Nadon 4.2.2. Madame Julie Nadeau 4.2.3. Monsieur Paulo Gervais 4.3. OBSERVATIONS DE MME POIRIER 4.4. OBSERVATIONS DE M. BILLETTE

5. ANALYSE 5.1. CADRE DÉONTOLOGIQUE 5.2. TRAVAIL PARTISAN 5.2.1. Activités liées à l’exercice de la charge 5.2.2. Volet partisan 5.2.2.1. Monsieur Gobeil-Nadon, président de la CRCAQ 5.2.3. Activités purement partisanes à l’extérieur de la charge 5.2.4. Rémunération et remboursement des dépenses 5.2.5. Autres éléments de preuve 5.2.5.1. Utilisation du bureau de circonscription 5.2.5.2. Fausses réunions 5.2.5.3. Compte rendu des réunions du Comité d’action local 5.2.5.4. Circonscription orpheline - Déplacement à Baie-Comeau 5.3. SITUATION DE CONFLIT D’INTÉRÊTS 5.3.1. Embauche de la conjointe du député 5.4. PROGRAMME DE SOUTIEN À L’ACTION BÉNÉVOLE 5.5. MANDAT CONFIÉ À MONSIEUR PAULO GERVAIS 5.6. GESTION FINANCIÈRE DU BUREAU DE CIRCONSCRIPTION

6. CONCLUSION

7. RECOMMANDATION AU SUJET D’UNE SANCTION

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RÉSUMÉ DU RAPPORT D’ENQUÊTE Le 17 janvier 2017, la whip en chef de l’opposition officielle et députée d’Hochelaga- Maisonneuve, madame Carole Poirier (Mme Poirier), demande au commissaire «de faire enquête sur les manquements que pourrait avoir commis le député de Groulx, monsieur Claude Surprenant (M. Surprenant) en embauchant monsieur Yann Gobeil-Nadon et madame Julie Nadeau comme attachés politiques fantômes». Mme Poirier précise qu’elle a des motifs raisonnables de croire que le député de Groulx a commis des manquements aux articles 15, 16 et 36 du Code. Mme Poirier «demande aussi de faire enquête sur les manquements que pourrait avoir commis le député de Nicolet-Bécancour et whip en chef du 2 e groupe d’opposition, monsieur Donald Martel (M. Martel), en donnant des directives afin qu’une telle pratique soit mise en place.». Le 26 janvier 2017, le whip en chef du gouvernement à cette date et député d’Huntingdon, monsieur Stéphane Billette (M. Billette), demande aussi au commissaire de faire une enquête sur M. Surprenant et M. Martel. Mme Poirier et M. Billette indiquent que les employés payés par l’Assemblée nationale auraient travaillé pour la Coalition avenir Québec (CAQ) à faire des téléphones avec le cellulaire payé par l’Assemblée nationale et se déplacer au moins une fois par semaine pour faire du porte-à-porte avec les candidats, conformément à la directive provenant directement du bureau de M. Martel. Aussi, ils allèguent que de fausses réunions étaient organisées, pour le remboursement des frais de déplacement. Ils soumettent que ces employés ne peuvent pas être payés par l’Assemblée nationale pour effectuer ces activités partisanes. Il s’agirait d’un manquement à l’article 36 du Code. Par ailleurs, d’autres situations révélées au cours de l’enquête sont analysées par le commissaire. Le travail des attachés politiques comporte parfois un volet partisan et, à d’autres occasions, ces activités ne sont pas assimilables à l’exercice de la charge, il s’agit d’un travail purement partisan. Volet partisan Les activités liées à l’exercice de la charge de tous les conseillers politiques comportent un côté partisan inhérent à la fonction. Pour madame Nadeau et monsieur Gervais, la preuve au dossier ne comporte pas d’éléments factuels, d’indices ou de contextes laissant croire que le volet partisan, de l’une ou l’autre des activités liées à l’exercice de leur charge, pourrait avoir pris une tournure à tel point politique que je devrais constater un manquement au Code. Au contraire, le travail effectué en circonscription par monsieur Gobeil-Nadon me semble substantiellement de nature partisane, alors qu’il assumait simultanément la présidence de la Commission de la relève de la Coalition avenir Québec (CRCAQ). Permettre ou tolérer que ces activités, qui ne sont pas liées à l’exercice de la charge, soient effectuées par un membre du personnel politique rémunéré par l’Assemblée nationale, constitue un manquement à l’article 36 du Code.

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Activités purement partisanes Le travail purement partisan du député ou de l’attaché politique n’est pas assimilable à l’exercice de la charge. Parmi les éléments factuels, les indices ou les contextes qui pourraient être rassemblés pour vérifier a posteriori le travail réellement effectué par un attaché politique et à quel moment, il n’existe pas de registres, de relevés ou de notes qui pourraient être consultés. En l’absence de données précises sur l’emploi du temps de madame Nadeau et de monsieur Gervais, dans l’exercice de leur charge, la preuve que les biens ou les services fournis par l’État furent réellement utilisés lorsque ces activités purement partisanes ont été effectuées n’est pas faite. Il est impossible d’en tirer une conclusion certaine. Par contre, dans le cas de monsieur Gobeil-Nadon, j’ai déjà conclu que M. Surprenant a commis un manquement à l’article 36 du Code. Fausses réunions Une demande adressée à l’Assemblée nationale pour le remboursement de frais de déplacement justifiée par une soi-disant présence à une réunion inexistante, alors que l’objet réel du déplacement est purement partisan, professionnel ou personnel, par exemple, dans le cadre d’une campagne électorale, est inacceptable et contraire à la loi. Les whips de toutes les formations politiques ont un rôle important à exercer pour renseigner tous les députés et les membres du personnel sur les risques de manquement à l’article 36 du Code. De plus, grâce aux renseignements dont ils disposent dans l’exercice de leur charge, les whips sont les mieux placés pour surveiller et exercer le suivi nécessaire afin de déjouer cette ruse, sachant qu’ils peuvent compter sur la collaboration des personnes en autorité, en toutes circonstances. Circonscription orpheline – Déplacement à Baie-Comeau Le travail dans une autre circonscription me semble généralement de nature partisane, il importe de connaître la volonté du législateur pour le financement par l’État du travail d’un élu et de son personnel, dans une circonscription orpheline, qui n’est pas représentée par sa formation politique. Est-ce que ce travail peut constituer une activité liée à l’exercice de sa charge? Le cas échéant, quelles sommes peuvent être versées aux partis politiques pour assurer la présence de leurs représentants dans les différentes circonscriptions du Québec et à quelles conditions? Embauche de la conjointe du député Je constate que l’interdiction prescrite par l’article 16 du Code concernant les membres de la famille immédiate du député et les enfants non à charge n’est pas bien comprise. Un député ne peut pas utiliser les fonds publics pour confier un mandat à un membre de sa famille immédiate, si avantageux et à bas prix puisse-t-il être pour le gouvernement. Cela me convainc de la nécessité de rendre obligatoire la formation des députés en matière d’éthique et de déontologie. L’article 16 du Code est entré en vigueur le 1 er janvier 2012. Un député qui, à même les biens et les services qui lui sont fournis par l’État, confie un mandat à un membre de sa famille immédiate est placé dans une situation de conflit d’intérêts et donc en manquement au Code. DE-02-2017 Page : 5

Programme de soutien à l’action bénévole Les circonstances alléguées au cours de l’enquête concernant l’application du programme de soutien à l’action bénévole méritent, selon moi, une attention immédiate. En fait, une aide financière de l’État, en application de ce programme, pourrait être monnayée, notamment au profit d’une contribution politique pour le député ou sa formation politique. Dans sa forme actuelle, ce programme pourrait permettre ce genre de marché, à l’insu des autorités. L’État doit, à tout le moins, permettre aux organismes sans but lucratif qui ne disposent d’aucun recours de lancer un appel à l’aide, avec la garantie d’une discrétion absolue, pour éviter qu’ils ne soient privés d’un financement futur. Mandat confié à monsieur Paulo Gervais Monsieur Gervais a reçu son salaire d’attaché politique auprès de M. Surprenant et son salaire de formateur auprès de M. Martel. M. Surprenant a permis ou toléré que les biens et les services fournis par l’État, dont le salaire de monsieur Gervais, soient utilisés pour des activités qui ne peuvent pas être liées à l’exercice de sa charge dans la circonscription de Groulx, ce qui constitue un manquement à l’article 36 du Code. Les biens et les services fournis par l’État ont servi à payer deux salaires à une même personne pour une même période de travail. Conclusion et recommandation au sujet d’une sanction M. Surprenant a commis des manquements au Code en permettant ou en tolérant que les biens et les services fournis par l’État, soient utilisés pour des activités qui ne sont pas liées à l’exercice de sa charge, concernant les activités en circonscription de monsieur Gobeil-Nadon, alors président de la CRCAQ, les activités du comité d’action local (CAL) en circonscription et le maintien de la rémunération de monsieur Gervais pour la journée pour laquelle il était payé par le bureau du whip. En omettant de communiquer les explications de son propre expert, pourtant essentielles à la compréhension des documents qu’il a produits en preuve, M. Surprenant a tenté d’induire le commissaire en erreur. La crédibilité de l’ensemble de son témoignage en est inévitablement affectée. M. Surprenant a imprudemment manqué à ses obligations déontologiques et à son devoir de contribuer au maintien de la confiance de la population envers les députés et l’Assemblée nationale. Je recommande qu’une réprimande soit imposée au député de Groulx, monsieur Claude Surprenant.

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1. PRÉAMBULE [1] Le Code d’éthique et de déontologie des membres de l’Assemblée nationale (Code) a pour objet d’affirmer les principales valeurs de l’Assemblée nationale auxquelles adhèrent les députés, d’édicter les règles déontologiques qu’ils doivent respecter et de prévoir les mécanismes d’application et de contrôle de ces règles 2. [2] Le Code édicte les règles déontologiques applicables à tout député 3 ainsi que les règles déontologiques particulières applicables aux membres du Conseil exécutif 4. [3] Le commissaire à l’éthique et à la déontologie est responsable de l’application du Code et relève de l’Assemblée nationale 5, qui le nomme. Le commissaire exerce ses fonctions dans un souci d’information, de prévention, de confidentialité, d’objectivité et d’impartialité 6. [4] Le député qui a des motifs raisonnables de croire qu’un autre député a commis un manquement aux articles 10 à 40 ou 42 à 61 du Code peut demander au commissaire de faire une enquête 7. La demande d’enquête est présentée par écrit et énonce les motifs pour lesquels il est raisonnable de croire qu’un manquement a été commis. Le commissaire peut faire une enquête de sa propre initiative 8.

2. COMPÉTENCE DU COMMISSAIRE AD HOC

[5] Depuis le 6 juin 2017, j’exerce la fonction de commissaire à l’éthique et à la déontologie ad hoc, dans le cadre d’un mandat qui m’a été confié par Me Ariane Mignolet, commissaire à l’éthique et à la déontologie à compter du 29 mai 2017. En fait, au moment de me confier ce mandat, la commissaire m’informe qu’ayant occupé la fonction de directrice générale des affaires juridiques et parlementaires et ayant été membre du comité de gestion de l’Assemblée nationale, elle a joué un rôle relativement à certains dossiers d’enquête qui ne sont pas terminés, pour lesquels elle considère qu’il est préférable d’éviter toute apparence d’une situation de conflit d’intérêts, puisqu’elle devrait maintenant agir dans la poursuite de ces mêmes enquêtes à titre de nouvelle commissaire.

2 Article 1 du Code. 3 Titre II du Code. 4 Titre III du Code. 5 Article 3 du Code. 6 Article 65 du Code. 7 Article 91 du Code. 8 Article 92 du Code. DE-02-2017 Page : 7

[6] Dans ces circonstances, l’article 72 du Code permet à la commissaire de confier une enquête à un commissaire ad hoc. « 72. Si, dans un cas particulier, le commissaire constate qu'il ne peut agir, notamment parce qu'il se trouve en situation de conflit d'intérêts ou que son impartialité peut être mise en cause, il confie alors, après consultation auprès des chefs des partis autorisés représentés à l'Assemblée nationale, l'étude du cas à un commissaire ad hoc. Les dispositions applicables au commissaire s'appliquent, compte tenu des adaptations nécessaires, au commissaire ad hoc et tout avis ou rapport de ce dernier a le même effet que s'il avait été produit par le commissaire. » [7] Après avoir écrit aux chefs des partis autorisés représentés à l’Assemblée nationale pour les consulter à ce sujet, la commissaire m’a donné le mandat de poursuivre l’enquête qui a débuté dans les circonstances suivantes.

3. DEMANDES D’ENQUÊTE [8] Le 17 janvier 2017, la whip en chef de l’opposition officielle et députée d’Hochelaga-Maisonneuve, madame Carole Poirier (Mme Poirier), demande au commissaire « de faire enquête sur les manquements que pourrait avoir commis le député de Groulx, monsieur Claude Surprenant (M. Surprenant) en embauchant monsieur Yann Gobeil-Nadon et madame Julie Nadeau comme attachés politiques fantômes ». Mme Poirier « demande aussi de faire enquête sur les manquements que pourrait avoir commis le député de Nicolet- Bécancour et whip en chef du 2 e groupe d’opposition, monsieur Donald Martel (M. Martel), en donnant des directives afin qu’une telle pratique soit mise en place. ». [9] Mme Poirier soumet qu’elle a des motifs raisonnables de croire que M. Surprenant a commis des manquements aux articles 15, 16 et 36 du Code. « 15. Un député ne peut se placer dans une situation où son intérêt personnel peut influencer son indépendance de jugement dans l’exercice de sa charge. 16. Dans l’exercice de sa charge, un député ne peut : 1° agir, tenter d’agir ou omettre d’agir de façon à favoriser ses intérêts personnels, ceux d’un membre de sa famille immédiate ou ceux d’un de ses enfants non à charge ou, d’une manière abusive, ceux de toute autre personne; 2° se prévaloir de sa charge pour influencer ou tenter d’influencer la décision d’une autre personne de façon à favoriser ses intérêts personnels, DE-02-2017 Page : 8

ceux d’un membre de sa famille immédiate ou ceux d’un de ses enfants non à charge ou, d’une manière abusive, ceux de toute autre personne. 36. Le député utilise les biens de l’État, y compris les biens loués par l’État, ainsi que les services mis à sa disposition par l’État et en permet l’usage pour des activités liées à l’exercice de sa charge. » [10] Référant aux informations communiquées aux médias par madame Julie Nadeau et monsieur Yann Gobeil-Nadon, Mme Poirier précise ses motifs raisonnables de croire que des manquements au Code ont été commis en s’interrogeant sur une possible utilisation des « biens de l’État, y compris les biens loués par l’État, ainsi que les services mis à sa disposition par l’État » (biens et services fournis par l’État) à des fins partisanes. Elle attire l’attention du commissaire sur le fait que monsieur Yann Gobeil-Nadon aurait déclaré qu’il fut embauché « à titre d’attaché politique fantôme du député de Groulx ». Selon Mme Poirier, monsieur Gobeil-Nadon et madame Julie Nadeau ont fait des téléphones de pointage avec les téléphones cellulaires de l’Assemblée nationale. En effet, madame Nadeau précise avoir travaillé lors des élections partielles dans Lévis, Richelieu, Chauveau et Jean-Talon alors que son salaire était versé par l’Assemblée nationale. Il s’agissait, selon cette dernière, de faire des téléphones de pointage et du porte-à-porte avec les candidats. « Selon elle, la directive provenait directement de la responsable du bureau du whip, madame Nicole Savard. ». [11] Ces ex-attachés politiques auraient ajouté que pour le remboursement des frais de déplacement par l’Assemblée nationale, « Certains députés créaient de fausses réunions à Québec, ». En outre, Mme Poirier résume leurs propos en indiquant que « Lors des élections partielles de Chauveau et Jean-Talon, en 2015, le bureau du whip aurait demandé à ce que les employés de la Coalition avenir Québec (CAQ) consacrent une journée par semaine pour du travail dans les deux circonscriptions. ». [12] Le 17 janvier 2017, le commissaire informe M. Surprenant de la demande d’enquête de Mme Poirier et lui en fait parvenir une copie. Le même jour, un accusé de réception est transmis à Mme Poirier. [13] Le 26 janvier 2017, le whip en chef du gouvernement à cette date et député d’Huntingdon, monsieur Stéphane Billette (M. Billette), demande au commissaire « de faire une enquête sur Messieurs Claude Surprenant, député de Groulx, et Donald Martel, député de Nicolet-Bécancour et whip du deuxième groupe d’opposition. ». [14] S’appuyant sur les mêmes informations communiquées aux médias et après avoir référé aux élections partielles dans Lévis, Richelieu, Chauveau et Jean-Talon, M. Billette indique que les employés payés par l’Assemblée DE-02-2017 Page : 9

nationale auraient travaillé pour la CAQ à faire des téléphones et se déplacer au moins une fois par semaine pour faire du porte-à-porte avec les candidats, conformément à la directive provenant directement du bureau de M. Martel. M. Billette reprend aussi les allégations relatives à de fausses réunions pour le remboursement des frais de déplacement et l’utilisation du « téléphone cellulaire payé par l’Assemblée nationale pour faire du pointage, à un point tel que la direction des ressources financières aurait dû négocier de nouveaux forfaits, ». Il soumet qu’il s’agirait d’un manquement à l’article 36 du Code précité. [15] Les demandes d’enquête sont présentées au commissaire en vertu de l’article 91 du Code. « 91. Le député qui a des motifs raisonnables de croire qu’un autre député a commis un manquement aux dispositions des chapitres I à VII du titre II ou à celles du titre III du présent code peut demander au commissaire à l’éthique et à la déontologie de faire une enquête. La demande d’enquête est présentée par écrit et énonce les motifs pour lesquels il est raisonnable de croire que le présent code n’a pas été respecté. Le commissaire transmet une copie de cette demande au député qui en fait l’objet. » [16] Le 27 janvier 2017, le commissaire informe M. Surprenant de la demande d’enquête de M. Billette et lui en fait parvenir une copie. Le même jour, un accusé de réception est transmis à M. Billette. [17] Nous avons rencontré M. Surprenant le 31 janvier 2017. Nous avons obtenu plusieurs renseignements des services administratifs de l’Assemblée nationale, de M. Surprenant et du bureau de M. Martel, notamment au sujet de l’agenda électronique, les relevés de l’appareil cellulaire et les rapports de frais présentés par les attachés politiques, y compris leur description de tâches. Outre M. Surprenant, nous avons subséquemment rencontré Mme Poirier et M. Billette ainsi que trois attachés politiques de M. Surprenant. La liste des personnes rencontrées apparaît en annexe. [18] De plus, M. Surprenant, Mme Poirier et M. Billette ont été invités à fournir leurs observations, comme le prévoit l’article 96 du Code. « 96. Le commissaire enquête à huis clos et avec toute la diligence voulue. Il permet au député qui fait l’objet de l’enquête de présenter une défense pleine et entière. Il lui donne notamment l’occasion de lui fournir ses observations et, s’il le demande, d’être entendu : 1° d’abord sur la question de déterminer si le député a commis un manquement au présent code; DE-02-2017 Page : 10

2° puis, après lui avoir fait part de sa conclusion et de ses motifs à cet égard, sur la sanction qui pourrait lui être imposée. Le commissaire ne peut commenter publiquement une vérification ou une enquête, mais il peut confirmer qu’une demande a été reçue à cet effet ou encore qu’une vérification ou une enquête a commencé ou a pris fin. Il peut également indiquer pourquoi, après vérification, il a décidé de ne pas tenir d’enquête. » [19] En application de l’article 96 précité, M. Surprenant a eu l’occasion de commenter la première partie du présent rapport relative aux faits et aux observations, à l’occasion d’une rencontre du 31 octobre 2017, à laquelle participait M. Surprenant et son avocat, Me François-M. Verret, en ma présence et celle de monsieur Alain David 9. [20] De plus, M. Surprenant fut rencontré, le 24 novembre 2017, sur la sanction qui pourrait lui être imposée. Les mêmes personnes participaient à cette rencontre. Toujours en application de l’article 96 du Code, je lui avais préalablement fait part de ma conclusion et des motifs à cet égard, en lui remettant une version préliminaire du présent rapport. [21] Je tiens à remercier toutes les personnes que nous avons rencontrées dans le cadre de l’enquête. Mes remerciements s’adressent aussi au bureau du whip du deuxième groupe d’opposition, au bureau du secrétaire général de l’Assemblée nationale et aux équipes des différentes directions qui ont été sollicitées. Toutes ces personnes se sont rendues disponibles et nous ont communiqué, sans délai, les renseignements et les documents sollicités. Ce fut sincèrement apprécié. [22] De la même façon, j’ai constaté la générosité, l’ouverture et la disponibilité du personnel et des gestionnaires de l’Assemblée nationale qui n’ont ménagé aucun effort pour répondre aux attentes de M. Surprenant depuis le 7 avril 2014. Ce travail soutenu mérite d’être souligné avec reconnaissance.

4. EXPOSÉ DES FAITS

[23] Dans l’exercice de ses fonctions, le député engage les personnes nécessaires pour l’assister. Il a droit à une masse salariale pour la rémunération de son personnel régulier et de son personnel occasionnel. Le personnel se compose de conseillers, d’attachés politiques ou d’employés de soutien. Le conseiller ou l’attaché politique peut notamment exercer des fonctions d’attaché de presse, de recherchiste ou d’agent de liaison.

9 Monsieur Alain David est vice-président de la firme BDO Canada à qui un mandat a été confié en cours d’enquête. DE-02-2017 Page : 11

[24] La rémunération versée à ce personnel par l’Assemblée nationale et le remboursement des dépenses de fonctionnement du bureau de circonscription, incluant les déplacements, font partie des biens et services fournis par l’État auxquels réfère l’article 36 du Code. Dans la mesure où on ne peut en permettre l’usage que pour des activités liées à l’exercice de sa charge, qu’en est-il des activités des membres du personnel de M. Surprenant? [25] Pour débuter l’analyse de cette demande d’enquête et l’examen des circonstances relatives à un éventuel manquement au Code, je rencontre, le 31 janvier 2017, M. Surprenant afin de l’informer du déroulement de l’enquête. Ce dernier est seul. Pour ma part, je suis assisté par madame Vicky Poirier (juricomptable) 10 . [26] Cette rencontre est, non seulement le moment d’informer M. Surprenant du déroulement de l’enquête qui débute, mais également une occasion pour ce dernier de soumettre au commissaire ses premières observations en lien avec les questionnements soulevés par les demandes d’enquête.

4.1. Témoignage et observations de M. Surprenant

4.1.1. Embauche [27] À la suite de son élection du 7 avril 2014, M. Surprenant explique qu’il a engagé monsieur Paulo Gervais à titre de directeur du bureau de circonscription, à cause de son expérience politique de plus de 20 ans. Nous apprendrons, plus tard, que monsieur Gervais était alors l’époux de madame Thaïs Dubé que M. Surprenant avait rencontrée pour la CAQ au moment de poser sa candidature en mars 2014 et à qui il a subséquemment confié des contrats de services professionnels. Il a aussi fait l’embauche de madame Julie Nadeau qui a travaillé bénévolement au cours de sa campagne électorale. Madame Nadeau lui avait été référée par une attachée politique de l’ex-députée de la circonscription de Groulx. [28] M. Surprenant a aussi embauché monsieur Cédric Rémy-Quevedo. Il fut subséquemment remplacé par monsieur Yann Gobeil-Nadon. Ce dernier l’assistait dans ses activités en circonscription et était appelé à le représenter, ponctuellement. [29] Concernant l’embauche des membres de son personnel, M. Surprenant précise qu’il n’embauche pas de personnel pour effectuer des activités partisanes. Il embauche uniquement le personnel nécessaire à l’exercice de sa charge, notamment dans son bureau de circonscription. Ces personnes sont

10 Madame Vicky Poirier est présidente de la firme Quantum à qui un mandat a été confié au début de l’enquête. DE-02-2017 Page : 12

payées par l’Assemblée nationale, à même le budget qui lui est alloué à cette fin. 4.1.2. Administration du bureau de circonscription [30] M. Surprenant explique que les membres du personnel font généralement de longues heures de travail, en plus de devoir participer à certaines activités le soir ou la fin de semaine. Il n’y a pas de mécanisme formel pour exercer un suivi de la prestation de travail fourni à titre de membre du personnel du député de la circonscription. Il n’y a pas de mécanisme permettant de noter l’heure d’entrée ou de sortie du personnel et il n’y a pas davantage d’obligation pour le personnel de noter, d’une façon ou d’une autre, le temps travaillé au bureau de circonscription. [31] M. Surprenant déclare qu’aucune dépense partisane n’est effectuée à partir des sommes qui lui sont rendues disponibles par l’Assemblée nationale, pour son bureau de circonscription et l’exercice de sa charge. [32] Pour ce qui est de l’augmentation des frais de téléphonie, M. Surprenant explique que cela n’a rien à voir avec l’utilisation proprement dite des téléphones cellulaires. Il s’agirait plutôt d’une modification des règles relatives à la facturation provenant du fournisseur, applicables à l’ensemble des députés. Des correctifs ont été subséquemment apportés. 4.1.3. Implication politique [33] M. Surprenant reconnaît que madame Nadeau, au même titre que plusieurs autres employés des bureaux de députés, a effectivement travaillé de son propre choix à des campagnes électorales dans d’autres circonscriptions, notamment Beauce-Sud. [34] Il précise qu’à titre d’attachée politique, madame Nadeau était tenue d’être très disponible. En pratique, elle devait généralement assumer ses fonctions à l’intérieur de la période normale de travail au cours de la semaine. Elle avait donc du temps pour faire d’autres activités pour les périodes pendant lesquelles elle n’était pas payée par l’Assemblée nationale.

[35] Selon lui, il est effectivement possible que madame Julie Nadeau ait eu des activités partisanes pendant les heures normales de travail. Il explique qu’au même titre que tous les autres membres du personnel politique, madame Nadeau peut avoir à faire du travail parlementaire le soir ou la fin de semaine. En pratique, cela lui donnerait la possibilité de consacrer du temps aux activités partisanes à différentes périodes de la journée dans la semaine pourvu que les heures qu’elle doit consacrer à son travail parlementaire aient été réellement effectuées. DE-02-2017 Page : 13

[36] De la même façon, il mentionne que le travail de monsieur Gobeil-Nadon n’était pas fictif du tout. Même à trois jours par semaine, il devait faire beaucoup d’interventions, préparer des documents et assister à des événements. [37] M. Surprenant souligne de nouveau que le travail partisan de ses employés est effectué de façon volontaire, personne n’est obligé de le faire. Le cas échéant, c’est en dehors des heures de travail. Il mentionne que c’est en dehors des heures « calculées » de travail. [38] Pour ce qui est des dépenses partisanes, M. Surprenant explique que c’est le Comité d’action local (CAL) de la circonscription qui s’en charge. Ces dépenses sont financées par les frais d’adhésion à la formation politique et par les contributions politiques d’un maximum de 100 $ par année. Les sommes ainsi recueillies servent effectivement à des fins partisanes. [39] M. Surprenant ne nie pas que son personnel ait été sollicité pour du travail partisan. Il ne s’agirait pas, selon lui, de directives. Il rappelle que les membres du personnel demeurent toujours libres de faire ce travail en dehors de leurs heures normales de travail au bureau de circonscription. [40] Pour ce qui est d’une éventuelle manœuvre pour le remboursement des frais, M. Surprenant explique qu’il n’est pas concerné par cela. Malgré ce qui fut mentionné dans les médias, il nie avoir organisé de fausses réunions pour permettre à son personnel de participer à des activités partisanes. Il mentionne qu’il y a eu une réunion des membres de son personnel à Québec, à la fin de l’année, au moment des travaux intensifs à l’Assemblée nationale. Cette réunion devait notamment permettre de favoriser une meilleure communication entre les membres du personnel. 4.1.4. Collaboration de l’épouse de M. Surprenant [41] Monsieur Surprenant a lui-même porté à notre connaissance le fait qu’il a confié des contrats de services professionnels à son épouse, madame Martine Duguet. Ces contrats lui étaient confiés à titre personnel. Il ne s’agissait pas de contrats entre M. Surprenant et l’entreprise dans laquelle la conjointe de M. Surprenant détient des intérêts. Dans le cas d’un contrat entre un député et un membre de sa famille immédiate, dont la conjointe, l’interdiction de l’article 16 du Code s’applique de façon automatique. La justification entourant la conclusion du contrat ou son importance n’a pas à être considérée pour déterminer s’il s’agit d’une situation de conflit d’intérêts impliquant M. Surprenant et son épouse. [42] À l’occasion du déménagement de son bureau de circonscription, M. Surprenant a fait appel à sa conjointe, qui est architecte, pour l’assister dans les négociations avec le locateur et pour l’aménagement des lieux. Une facture DE-02-2017 Page : 14

de 715 $ a été soumise le 14 juillet 2014, puis remboursée par l’Assemblée nationale. [43] Dans le deuxième cas, M. Surprenant a signé un contrat le 13 mars 2015 pour l’achat d’une « Peinture d’un tableau de l’Assemblée nationale pour décorer le bureau du Député ». La facture correspondante de 835 $ porte la date du 5 mars 2015. Dans un document du 30 mai 2016, M. Surprenant indique « Comme Martine [Duguet] fait de la peinture, l’Assemblée nationale a accepté de défrayer ses coûts [de madame Duguet] et non de la rémunérer et les instructions ont été rigoureusement suivies. » À l’occasion de notre rencontre du 31 octobre 2017, M. Surprenant déclare « les ressources financières [de l’Assemblée nationale] m’ont conseillé de ne pas réclamer, il n’y a donc pas eu de suite ». Il conclut que la peinture en question lui a donc été donnée par son épouse. [44] M. Surprenant explique qu’ a posteriori, il comprend qu’il aurait dû s’abstenir de confier un contrat à son épouse, « en considération des perceptions que cela peut engendrer », selon ce qu’il écrit. [45] En plus des faits relatifs aux questions soulevées par les demandes d’enquête de Mme Poirier et de M. Billette, M. Surprenant nous a renseignés sur les circonstances entourant la gestion du personnel et des ressources financières au bureau de circonscription de Groulx. Plusieurs renseignements, en particulier ceux qui concernent un différend entre M. Surprenant et madame Nadeau, ne sont pas directement en lien avec l’enquête en cours. Pour le rapport d’enquête que je dois préparer, il n’est pas pertinent de faire mention de tous les autres éléments qui ont été évoqués par M. Surprenant et par les autres témoins.

4.2. Témoignages des attachés politiques

[46] Pour poursuivre l’analyse et l’examen des circonstances relatives à l’application du Code, je rencontre les attachés politiques de M. Surprenant, avec monsieur Alain David, afin de recueillir leurs témoignages et leurs observations, en lien avec les questionnements soulevés par les demandes d’enquête. [47] Dans l’examen des circonstances relatives à un éventuel manquement au Code, il fallait connaître plus exactement la nature des activités exercées par ces attachés politiques et les circonstances dans lesquelles ils peuvent être appelés à réaliser des activités politiques ou partisanes. [48] Ainsi, je renseigne les attachés politiques sur le contexte de la demande d’enquête, leur explique le mandat exercé par le commissaire ad hoc, dans les DE-02-2017 Page : 15

circonstances, ainsi que la procédure prescrite par les articles 91 et suivants du Code et les informe que la rencontre a pour objectif de renseigner le commissaire sur leur travail dans la circonscription. Voici un résumé des témoignages et observations recueillis.

4.2.1. Monsieur Yann Gobeil-Nadon

[49] Le 13 juillet 2017, monsieur Alain David et moi avons rencontré monsieur Yann Gobeil-Nadon, qui fut attaché politique au bureau de circonscription de Groulx. Monsieur Gobeil-Nadon nous a communiqué des renseignements pertinents et utiles à la compréhension de ses activités. Ils sont résumés dans les paragraphes qui suivent.

4.2.1.1. Embauche

[50] Monsieur Gobeil-Nadon précise qu’il s’implique auprès de la CAQ depuis un certain temps. D’ailleurs, à l’élection générale du 7 avril 2014, il fut candidat dans la circonscription de Matane-Matapédia. Après sa défaite, il occupe la fonction de secrétaire de la Commission de la relève de la CAQ (CRCAQ). En juin 2014, il est nommé responsable des finances de cette commission jeunesse. En 2015, il aurait été approché par le Parti conservateur du Canada pour être candidat dans une circonscription. Alors, il a communiqué avec M. Surprenant, lui aussi candidat à l’élection générale du 7 avril 2014, élu dans la circonscription de Groulx, afin d’obtenir une « référence » pour son éventuelle candidature pour le Parti conservateur. À ce moment-là, monsieur Cédric Rémi- Quevedo avait quitté le bureau de circonscription de M. Surprenant. Ainsi, ce dernier a proposé à monsieur Gobeil-Nadon de se joindre à l’équipe en devenant membre du personnel du bureau de circonscription. À partir du 1 er juin 2015, il fut rémunéré par l’Assemblée nationale à titre de stagiaire, avec un traitement annuel de 16 656 $, comme l’indique son acte de nomination signé par M. Surprenant le 27 mai 2015.

[51] À la fin juillet 2015, pendant son stage au bureau de circonscription, monsieur Gobeil-Nadon décide de poser sa candidature à la présidence de la CRCAQ. Son emploi en circonscription devait se terminer en août 2015. Selon M. Surprenant, il s’agissait d’un contrat de 3 mois renouvelable. Toutefois, M. Surprenant a prolongé son contrat jusqu’au 11 septembre 2015, pour qu’il demeure membre du personnel du bureau de circonscription, jusqu’à ce que l’élection à la présidence ait lieu. Le 13 septembre 2015, monsieur Gobeil- Nadon est élu président de la CRCAQ. Le même jour, il démissionne de ses fonctions de membre du personnel du bureau de circonscription de Groulx. DE-02-2017 Page : 16

[52] La fonction de président de la CRCAQ n’est pas rémunérée. Monsieur Gobeil-Nadon fait tout de même une vérification auprès de la permanence du parti puisqu’il avait entendu dire qu’une rémunération aurait été versée dans le passé. On lui a répondu qu’en assumant la fonction de président de la CRCAQ, il ne peut recevoir une rémunération du parti ou encore de l’Assemblée nationale, comme le prévoit l’article 10.2 du règlement interne de cette instance du parti. Selon monsieur Gobeil-Nadon, il fut décidé de proposer une modification du règlement. Ainsi, la résolution qui modifie le règlement interne a été adoptée le 26 novembre 2015. L’article a été modifié en ajoutant le troisième alinéa, ci-dessous.

« 10.2 Un membre élu du Conseil exécutif ne peut être : a) Un employé de l’Assemblée nationale; b) Un membre du caucus de la CAQ; c) Un employé de la permanence de la CAQ.

Aux fins de l’application de la présente section, le terme « employé » comprend les personnes agissant sur une base contractuelle, sauf en période électorale partielle ou générale.

Par contre, un jeune occupant un poste sur le Conseil exécutif ou un poste en tant que responsable régional peut, et ce sans démission, accepter un stage étudiant, un contrat ou un emploi d’été à l’Assemblée nationale, au caucus, aux permanences ou aux bureaux de circonscription. »

[53] M. Surprenant souligne que monsieur Gobeil-Nadon a lui-même fait changer le règlement interne à ce sujet. Cette modification étant « validée par la CAQ », M. Surprenant explique qu’il a « suivi la philosophie de la CAQ ». Il prétend que d’autres députés ont à leur emploi des membres de l’exécutif.

[54] Le règlement interne étant modifié, M. Surprenant propose à monsieur Gobeil-Nadon, le 30 novembre 2015, de travailler à temps partiel au bureau de circonscription. Monsieur Gobeil-Nadon s’inquiète du temps requis pour faire ce travail en circonscription, parce qu’il a d’autres obligations à la présidence de la CRCAQ. M. Surprenant lui garantit qu’il disposera d’une flexibilité pour l’horaire de travail. Il lui demande de venir l’aider au bureau. Plus tard, monsieur Gobeil- Nadon passe au bureau de circonscription pour signer le contrat pour un traitement annuel de 36 000 $, à raison de trois jours par semaine, à compter du 26 novembre 2015. Il travaillera les lundi, mercredi et vendredi de chaque semaine.

[55] Monsieur Gobeil-Nadon explique qu’il disposait d’une grande latitude dans la gestion de son horaire. Ainsi, il pouvait s’absenter lorsqu’il avait des DE-02-2017 Page : 17

activités pour la présidence de la CRCAQ. Son travail au bureau de circonscription se continue jusqu’en mars 2016.

4.2.1.2. Responsabilités

[56] Au bureau, monsieur Gobeil-Nadon devait, pendant son stage, remplacer les personnes en vacances, répondre au téléphone et faire de la représentation. Il s’occupait aussi des lettres de félicitations et de l’accompagnement de citoyens.

[57] Pour le second mandat débutant à la fin novembre 2015, son travail consistait à répondre au téléphone, faire de l’accompagnement de citoyens, de la représentation pour M. Surprenant et à titre de président de la CRCAQ, il devait aussi faire des liens avec les jeunes de la circonscription, mais il ne traitait pas des « cas de comté ». M. Surprenant prétend qu’il n’avait pas le mandat d’agir à titre de représentant de la CRCAQ. S’il l’a fait, c’était de son propre gré.

[58] Monsieur Gobeil-Nadon précise qu’on lui a expliqué que les dossiers relatifs aux demandes de soutien à l’action bénévole étaient traités par monsieur Gervais qui était aussi responsable des liens avec le parti politique. Les « cas de comté » et les demandes de remboursement à l’Assemblée nationale étaient sous la responsabilité de madame Julie Nadeau.

4.2.1.3. Implication politique

[59] Son implication politique consistait, notamment, à représenter les jeunes auprès du CAL dont il était membre.

[60] Pour les périodes pendant lesquelles il a été au bureau de circonscription, monsieur Gobeil-Nadon explique qu’il s’est présenté dans un bureau de scrutin pour l’élection partielle dans Chauveau en juin 2015. Il a aussi fait des téléphones, tout en précisant que ces téléphones ont été effectués à l’extérieur des heures de travail au bureau de circonscription. De plus, ces téléphones ont été principalement faits à titre de président de la CRCAQ du parti et non pas à titre de membre du personnel du bureau de la circonscription de Groulx.

[61] Monsieur Gobeil-Nadon précise que ses activités à titre de président de la CRCAQ sont évidemment des activités partisanes. En exerçant ce mandat, il ne devait pas être rémunéré par l’Assemblée nationale et ses dépenses étaient remboursées par le parti. Son travail consistait à assister à la plus grande partie DE-02-2017 Page : 18

des activités politiques du parti. Il a aussi été amené à se déplacer pendant les campagnes pour certaines élections partielles, notamment il s’est rendu à Baie- Comeau, Beauce-Sud, Saint-Henri-Sainte-Anne et Fabre.

[62] Une vérification auprès des services administratifs de l’Assemblée nationale, pour la période se terminant le 31 mars 2016, en particulier pour la présence au travail de monsieur Gobeil-Nadon dans la circonscription de Groulx, la journée d’un vote, indique qu’aucune fiche historique d’absence n’est disponible pour cet attaché politique, même s’il faisait alors du travail purement partisan dans une autre circonscription. M. Surprenant précise qu’il ne remplissait pas de fiches d’absences.

[63] En réponse au commentaire que j’ai sollicité, Monsieur Gobeil-Nadon suggère d’interdire le cumul d’une fonction partisane et d’une fonction parlementaire impliquant une rémunération par l’Assemblée nationale. Il explique qu’une même personne ne devrait pas porter plusieurs chapeaux. Il ajoute que si dans une même pièce une personne doit ôter et remettre plusieurs fois l’un ou l’autre de ses chapeaux, il y a un problème.

4.2.2. Madame Julie Nadeau

[64] Le 18 juillet 2017, monsieur Alain David et moi avons rencontré madame Julie Nadeau, attachée politique au bureau de circonscription de M. Surprenant. Elle était assistée par Me Audrey Boissonneault. Madame Nadeau nous a communiqué des renseignements pertinents et utiles à la compréhension de ses activités au bureau de circonscription. Ils sont résumés dans les paragraphes qui suivent.

4.2.2.1. Embauche

[65] Madame Nadeau a fait des études en droit à l’Université Laval. Avec une enfant handicapée à la maison, elle choisit, après son stage, d’ouvrir un centre de la petite enfance spécialisé. Au fil des années, elle en exploitera plus d’un. Elle s’intéressera aussi au développement d’organismes de soutien aux personnes ayant des besoins particuliers pour leur enfant handicapé, notamment pour leur donner une voix auprès des autorités.

[66] Pour s’occuper de ses quatre filles et plus spécialement de l’éducation de celle qui est handicapée, madame Nadeau ne conserve que ses activités bénévoles dans les organismes communautaires. DE-02-2017 Page : 19

[67] La participation de madame Nadeau à ces activités d’aide à la population lui fait connaître plusieurs personnes, dont madame Ginette Hurtubise, attachée politique au bureau de circonscription de l’ex-députée de Groulx. Pendant un certain temps, madame Nadeau et madame Hurtubise collaborent pour porter assistance aux citoyens dans la résolution de certaines difficultés qu’ils rencontrent.

[68] Lorsque M. Surprenant devient candidat à l’élection générale d’avril 2014, madame Hurtubise aurait demandé à madame Nadeau de l’aider à faire connaître M. Surprenant auprès des organismes communautaires. Madame Nadeau explique qu’elle était contente de vivre cette expérience et éventuellement d’avoir le soutien d’un député en réponse aux demandes des organismes communautaires. En pratique, elle précise qu’elle s’est occupée de la campagne du candidat Claude Surprenant.

[69] À la suite de son élection, M. Surprenant propose à madame Nadeau d’exercer la fonction d’attachée politique à son bureau de circonscription. Elle demande à M. Surprenant un temps de réflexion pour lui revenir avec certaines conditions, en lien avec ses obligations familiales et son intérêt pour les organismes communautaires. Madame Nadeau précise que M. Surprenant accepte ses conditions. Ce dernier déclare plutôt qu’il n’a pas souvenance qu’elle lui ait soumis des conditions. L’acte de nomination de madame Nadeau confirme son embauche, à compter du 14 avril 2014, à raison de 40 heures par semaine, moyennant un salaire annuel de 55 000 $. Madame Nadeau apprend que monsieur Gervais a aussi été engagé par M. Surprenant à titre d’attaché politique responsable du bureau de circonscription. Il sera le supérieur de madame Nadeau.

[70] Cette dernière est contente de pouvoir compter sur la présence au bureau de circonscription d’une personne qui a plusieurs années d’expérience en politique. De son côté, outre le support qu’elle avait apporté au candidat de l’Action démocratique du Québec, monsieur Janvier Grondin, à Sainte-Marie de Beauce, elle n’a pas d’expérience politique et ne connaît pas le travail dans un bureau de circonscription.

4.2.2.2. Responsabilités

[71] Les tâches furent réparties par M. Surprenant entre elle et monsieur Gervais. Pour sa part, elle devait principalement s’occuper de l’accueil et des «cas de comté». Madame Nadeau ajoute que monsieur Gervais a proposé à M. Surprenant d’engager une personne pour l’assister dans ses communications. Ainsi, les services professionnels de madame Thaïs Dubé ont été retenus sur DE-02-2017 Page : 20

une base contractuelle pour rédiger les communications publiques de M. Surprenant, notamment les communiqués de presse.

[72] En pratique, madame Nadeau a été appelée à assumer une partie importante des fonctions administratives du bureau de circonscription, en collaboration avec M. Gervais. Pour le traitement des dossiers, M. Surprenant a donné à madame Nadeau les autorisations et les délégations nécessaires pour qu’elle puisse faire le travail avec le personnel administratif de l’Assemblée nationale. Madame Nadeau s’est alors chargée de faire un suivi des différents dossiers. De son côté, monsieur Gervais s’occupait des liens avec la CAQ, des publicités et du CAL du parti. M. Surprenant ajoute que monsieur Gervais traitait beaucoup de dossiers dont madame Nadeau était informée à l’occasion des réunions hebdomadaires du bureau.

[73] Sauf une collaboration pour les organismes Panda et Mira, madame Nadeau n’est pas intervenue dans le traitement des demandes de soutien en application du programme de soutien à l’action bénévole. Ces dossiers étaient sous la responsabilité du député avec la collaboration du responsable du bureau de circonscription, monsieur Gervais. M. Surprenant précise que madame Nadeau pouvait donner son opinion sur ces demandes d’aide. Il ajoute qu’elle avait aussi un intérêt pour le Service d’entraide Le Relais.

[74] Madame Nadeau avait aussi la responsabilité de soumettre à l’Assemblée nationale les rapports de frais pour les déplacements de M. Surprenant. Elle explique que M. Surprenant lui transmettait par texto ou par téléphone les informations, les dates et les montants permettant de faire la saisie des renseignements pertinents dans Sagir. Une fois l’inscription complétée, elle transmettait à M. Surprenant le rapport de frais par courriel. M. Surprenant indique qu’il imprimait le rapport de frais à Québec, le signait et joignait les factures que madame Nadeau n’avait pas vues. Parfois, madame Nadeau recevait des appels de la Direction des ressources financières, de la vérification et de l’approvisionnement de l’Assemblée nationale lui indiquant que certaines sommes ne pouvaient pas être réclamées par le député. N’ayant pas vu les factures à l’appui du rapport de frais, madame Nadeau ignorait ce dont il s’agissait.

[75] Dans l’exercice de ses fonctions au bureau de M. Surprenant, madame Nadeau était chargée de préparer le compte rendu des réunions du CAL de la circonscription de Groulx.

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4.2.2.3. Implication politique

[76] À partir d’un croisement des informations obtenues concernant, pour une même date, les activités inscrites à l’agenda de l’attachée politique de la circonscription, l’endroit où elle se trouvait selon ce qui est indiqué au relevé de l’utilisation de son téléphone cellulaire et les rapports de frais correspondant à certains déplacements, nous avons identifié, pour la période du 1 er juillet 2014 au 31 décembre 2015, des activités pour lesquelles nous avons demandé à madame Nadeau de préciser ce dont il s’agit. À partir du peu de renseignements disponibles, il s’agissait, a posteriori , de tenter d’identifier dans quels cas et, le cas échéant, dans quelle mesure, l’attachée politique en circonscription a consacré son temps à des activités politiques ou partisanes. L’interrogatoire a permis d’identifier certains exemples d’activités partisanes, dont les suivants.

[77] Madame Nadeau confirme qu’elle a participé aux travaux partisans pour la campagne électorale à l’occasion de l’élection partielle dans Lévis. Son travail consistait à faire des appels téléphoniques tous les soirs. M. Surprenant tient à préciser que c’était fréquent, mais ce n’était pas tous les soirs. Madame Nadeau attire notre attention sur le fait qu’un soir, ce blitz d’appels téléphoniques s’est fait à partir du bureau de circonscription de Groulx, avec des téléphones fournis par le parti. Le jour du vote, le 20 octobre 2014, elle aurait été contrainte de se rendre dans la circonscription de Lévis pour faire du porte-à-porte avec M. Surprenant et pour faire des téléphones. M. Surprenant nie qu’elle ait été contrainte. Elle était intéressée, mais « jamais contrainte », dit-il. Elle a voyagé avec un attaché politique du député de la circonscription de Deux-Montagnes pour se rendre à Lévis. Pour cette journée de travail, elle a été rémunérée, comme à l’habitude, par l’Assemblée nationale puisqu’aucune fiche d’absence n’a été complétée pour cette journée.

[78] En novembre 2014, madame Nadeau a participé à deux activités partisanes. Elle s’est d’abord rendue au Congrès de la CAQ à Trois-Rivières les 1er et 2 novembre. Par la suite, elle a participé à une rencontre du CAL, le 30 novembre 2014.

[79] Une réunion du CAL de la circonscription de Groulx a été tenue, le 12 janvier 2015, au bureau de circonscription du député, boulevard Curé-Labelle à Sainte-Thérèse.

[80] Selon madame Nadeau, monsieur Gervais multipliait les démarches pour obtenir des contributions financières pour sa formation politique. Non seulement fallait-il avoir contribué au parti pour pouvoir participer aux réunions DE-02-2017 Page : 22

du CAL, mais également, les organismes à but non lucratif étaient fortement incités à contribuer, surtout s’ils espéraient recevoir un soutien financier du député en application du programme de soutien à l’action bénévole. M. Surprenant et monsieur Gervais nient en bloc ces commentaires. Il prétendent qu’on pouvait participer à une réunion du CAL sans avoir contribué. Aussi, on pouvait recevoir une contribution financière du programme de soutien à l’action bénévole sans avoir contribué, expliquent-ils.

[81] Outre sa participation régulière aux réunions du CAL de Groulx du dimanche matin, madame Nadeau explique qu’elle a fait du travail partisan pour l’élection partielle dans Richelieu. Il s’agit notamment de téléphones, tous les soirs et les week-ends, à partir de listes transmises par madame Nicole Savard, en utilisant le téléphone fourni par le parti. Encore une fois, M. Surprenant soumet qu’en parlant de téléphones de pointage à tous les soirs, madame Nadeau exagère. Elle a aussi fait du porte-à-porte dans la circonscription de Richelieu le dimanche 8 mars 2015. Dans le cas de l’élection partielle dans les circonscriptions de Jean-Talon et de Chauveau, le 8 juin 2015, madame Nadeau a fait régulièrement des appels téléphoniques, mais elle ne s’est pas rendue sur place.

[82] Madame Nadeau a été appelée à participer à la campagne électorale dans la circonscription de Beauce-Sud. D’ailleurs, elle s’est déplacée, les 2, 3 et 4 novembre 2015, à Saint-Georges de Beauce pour faire des téléphones. Madame Nadeau s’est également présentée le jour du scrutin, le 9 novembre suivant. Selon M. Surprenant, cela donnait l’occasion à madame Nadeau de voir sa famille puisqu’elle est originaire de cette circonscription.

[83] Une vérification auprès des services administratifs de l’Assemblée nationale indique que, sauf pour des raisons de santé, aucune fiche historique d’absence n’est disponible pour madame Nadeau. M. Surprenant explique qu’il s’agit du choix fait par madame Nadeau, mais qu’elle n’aurait pas dû.

[84] Madame Nadeau déclare aussi qu’elle avait la responsabilité de faire le secrétariat pour le CAL de la circonscription de Groulx. Elle prétend qu’elle le faisait pendant ses heures de travail.

[85] Interrogée sur les mesures qui pourraient être prises pour améliorer la situation, madame Nadeau attire notre attention sur le fait que la distinction entre les activités parlementaires et partisanes est effectivement difficile à établir. DE-02-2017 Page : 23

[86] Elle explique que toutes les directives provenaient du bureau du whip, que ce soit pour les aspects parlementaires ou pour les activités partisanes, par exemple le bénévolat à effectuer au cours d’une élection partielle.

4.2.3. Monsieur Paulo Gervais

[87] Le 18 juillet 2017, monsieur Alain David et moi avons rencontré monsieur Gervais, attaché politique et responsable du bureau de circonscription de M. Surprenant. Monsieur Gervais nous a communiqué des renseignements pertinents et utiles à la compréhension des activités d’un attaché politique en circonscription. Ils sont résumés dans les paragraphes qui suivent.

4.2.3.1. Embauche

[88] Monsieur Gervais nous explique que la politique n’est pas un travail pour lui. C’est plutôt une passion qui l’amène à s’impliquer activement et à faire beaucoup de bénévolat. Jusqu’à maintenant, il a œuvré au sein de trois formations politiques. Au départ, il a été attaché politique au bureau de circonscription du député fédéral du Bloc québécois, monsieur Gilles Perron. Par la suite, il fut attaché politique pour le Parti québécois dans la circonscription de Blainville. Cela l’a conduit à collaborer successivement avec la députée Céline Signori, puis avec le député Richard Legendre qui fut aussi ministre. Lorsque monsieur Legendre est redevenu député, il a poursuivi son travail au bureau de circonscription, jusqu’à ce qu’il décide de joindre l’organisation de la CAQ, à titre de directeur adjoint, pour le nord-ouest du Québec. Parmi ses expériences professionnelles, monsieur Gervais fut administrateur (DGA) de la Fondation du Collège Lionel-Groulx.

[89] Plus tard, après l’élection générale du 7 avril 2014, il deviendra attaché politique du député de Groulx, M. Surprenant. L’acte de nomination de monsieur Gervais à titre de membre du personnel régulier du député à raison de 40 heures par semaine, moyennant un salaire annuel de 65 000 $, porte la date du 28 avril 2014. Pendant cette campagne de 2014, monsieur Gervais n’était pas impliqué dans la circonscription de Groulx que M. Surprenant tentait de représenter. Il effectuait plutôt un travail au niveau régional pour les régions de Laval, , Lanaudière, Outaouais et Abitibi. Il s’agissait de faire un lien avec tous les candidats et l’organisation ainsi que d’apporter un support aux différents candidats. Pour se rapprocher de sa famille, monsieur Gervais a choisi de démissionner de ses fonctions au niveau régional. Il a par la suite accepté un mandat auprès de M. Surprenant, à titre d’attaché politique rémunéré par l’Assemblée nationale. DE-02-2017 Page : 24

[90] Monsieur Gervais reconnaît que son expérience politique antérieure lui permettait de guider les autres membres du personnel du bureau de circonscription. Il avait déjà eu à appliquer les règles de l’Assemblée nationale et à collaborer avec le personnel de l’administration.

4.2.3.2. Responsabilités

[91] Monsieur Gervais a le mandat de diriger le bureau au meilleur de sa connaissance. Il répartit le travail entre les membres du personnel, voit à leur formation, collabore avec M. Surprenant à la détermination des enjeux pour la circonscription, participe à la réflexion concernant les aspects régionaux et nationaux, s’assure que M. Surprenant dispose du temps nécessaire pour faire son travail à l’Assemblée nationale. En plus de traiter les dossiers à teneur économique, il a la responsabilité de faire en sorte, avec le personnel du bureau de circonscription, que les « cas de comté », les interventions au niveau communautaire et les aspects administratifs soient exécutés efficacement. Monsieur Gervais attire notre attention sur la gestion du calendrier pour les députés, non seulement pour les activités dans la circonscription, mais également pour le calendrier parlementaire qu’il doit coordonner avec le caucus.

[92] Monsieur Gervais explique que madame Nadeau s’occupait des finances du bureau de circonscription. Il ne faut pas confondre ces fonctions administratives avec celles relatives à l’application du programme de soutien à l’action bénévole dont monsieur Gervais est responsable. Il explique que cette responsabilité relative au programme de soutien à l’action bénévole était étroitement en lien avec la gestion du calendrier puisque, dans plusieurs cas, M. Surprenant était invité à des événements organisés par les organismes sans but lucratif recevant une aide financière. En outre, monsieur Gervais explique qu’il était responsable de gérer les courriels publics reçus par M. Surprenant. Comme pour plusieurs autres activités dont il était responsable, ce suivi des courriels exigeait une vigilance de sa part pour que M. Surprenant soit, le cas échéant, en mesure d’intervenir au moment opportun.

[93] Il avait à faire de la représentation pour M. Surprenant, notamment pour les activités auxquelles ce dernier ne pouvait pas participer. En fait, tous les membres du personnel du bureau de circonscription avaient à faire de la représentation, selon les circonstances. Il explique qu’il s’agit alors d’être présent sur le terrain, d’être les yeux et les oreilles de M. Surprenant, de bien le représenter, d’aller chercher l’information, d’écouter ce qui se dit sur le terrain et de rapporter à M. Surprenant ce qu’ils entendent. DE-02-2017 Page : 25

[94] En mars 2015, monsieur Gervais s’est vu confier un mandat particulier par le bureau du whip concernant la formation dans les bureaux de circonscription. En plus de la gestion quotidienne d’un bureau de circonscription, sa description de tâches comprend certains éléments dont les suivants :

i) « Sensibiliser et soutenir le bureau de circonscription à se doter d’une organisation électorale solide pour 2018.

ii) Offrir des outils pour consolider et développer le comité d’action local et d’accroître le membership.

iii) Proposer des idées pour obtenir un financement adéquat en vue de la prochaine campagne électorale. »

[95] Ce deuxième acte de nomination de monsieur Gervais, à titre d’attaché politique à raison de 7 heures et demie par semaine au taux de 35,90 $ l’heure, est signé le 26 mars 2015 par M. Martel.

[96] Interrogé sur le cumul de deux rémunérations reçues de l’Assemblée nationale, d’abord pour son travail en circonscription pour une semaine complète de travail, puis pour son mandat auprès du bureau du whip pour une journée par semaine, M. Surprenant précise qu’il n’a pas « coupé sa rémunération » pour tenir compte du salaire provenant du bureau du whip. Il prétend qu’on lui a demandé s’il était d’accord pour prêter l’employé, mais il n’aurait pas été question de réduire son salaire de façon correspondante. Il ajoute que de toute façon, monsieur Gervais faisait beaucoup plus que 40 heures par semaine, de sorte que cette rémunération pour une sixième journée dans la semaine était justifiée.

[97] Dans un courriel subséquent, monsieur Gervais confirme son horaire, en avril 2015, pour les visites des bureaux de circonscription de Chambly, , Saint-Hyacinthe et Montarville. M. Surprenant nous remet un exemple de l’ordre du jour de ces rencontres pour la circonscription de Borduas.

[98] Dans le cadre de l’enquête qui concerne M. Martel (dossier DE-03- 2017), celui-ci a eu l’occasion de commenter, de la façon suivante, le cumul de deux fonctions par monsieur Gervais. Ses instructions à ce sujet étaient sans ambiguïté :

« La rémunération versée à monsieur Gervais par le bureau de M. Martel devait être prise en compte par M. Surprenant, pour réduire son salaire en circonscription dans la même proportion. M. Martel ajoute que si M. Surprenant DE-02-2017 Page : 26

ne l’a pas fait, « ça ne m’appartient pas ». On devait réduire la rémunération en circonscription d’une journée par semaine. »

4.2.3.3. Administration du bureau de circonscription

[99] Pour les dépenses effectuées par monsieur Gervais à l’occasion d’un déplacement dans l’exercice de ses fonctions, un rapport de frais était préparé par madame Nadeau à partir des pièces justificatives qu’il lui remettait. Il était subséquemment remboursé par un dépôt direct.

[100] Monsieur Gervais a aussi effectué certaines dépenses relatives à des frais de fonctionnement pour le bureau de circonscription. Il donne l’exemple de l’achat d’un rouleau de timbres pour cent dollars, en ajoutant « il faut aller l’acheter, nous on n’avait pas de caisse ». Il poursuit en indiquant, « moi j’achète, exemple, ça coûte cent dollars, je remets la facture à la personne qui fait le lien avec l’Assemblée nationale. Il y a un programme informatique relié à ça, il y a un rapport de dépenses qui doit se faire et eux remboursent seulement sur présentation de factures ». Ainsi, la facture part de monsieur Gervais, passe par madame Nadeau et se rend à l’Assemblée nationale. Après ça, l’Assemblée nationale dépose, par virement bancaire, le remboursement dans le compte de M. Surprenant pour la circonscription. C’est seulement à ce moment-là qu’un chèque est tiré du compte de banque de M. Surprenant pour rembourser monsieur Gervais pour la dépense qu’il a effectuée.

[101] Madame Nadeau préparait des chèques pour payer les fournisseurs au moment de la réception de leur facture, en même temps que le rapport de frais. Elle attendait d’avoir reçu le remboursement de l’Assemblée nationale avant de leur transmettre. Lorsqu’il s’agissait de dépenses effectuées par les membres du personnel avec leur propre carte de crédit, les chèques étaient préparés seulement lorsque l’Assemblée nationale avait remboursé la dépense.

[102] Monsieur Gervais explique que M. Surprenant était le seul signataire des chèques. Au début, il avait proposé qu’il y ait deux signatures, mais cela n’a pas été retenu. Même si aucune question ne lui a été posée à ce sujet, il ajoute qu’il y avait des chèques signés à l’avance par M. Surprenant, des chèques en blanc. Il explique qu’il aurait suffi d’inscrire son nom à titre de bénéficiaire, la date et le montant pour qu’il soit encaissé.

4.2.3.4. Responsable des communications

[103] Monsieur Gervais fait référence à quelques occasions à la responsable des communications au bureau de circonscription. Cette responsable ne fait DE-02-2017 Page : 27

pas partie des membres du personnel régulier du bureau. Il s’agit de madame Thaïs Dubé qui a été engagée par M. Surprenant sur la base d’un contrat de services professionnels. À cette époque, madame Dubé était la conjointe de monsieur Paulo Gervais. Elle avait été engagée pour un premier mandat d’un an moyennant des honoraires de 7 000 $, comme le prévoit le contrat de services professionnels du 9 juillet 2014. Un deuxième mandat de la part de M. Surprenant fut signé le 27 mars 2015. Initialement prévu pour la même somme annuelle de 7 000 $, ce contrat devait se terminer le 31 mars 2016. Finalement, des honoraires de 2 340 $ ont été payés par l’Assemblée nationale.

4.2.3.5. Implication politique

[104] Concernant les interventions du personnel dans un contexte partisan, monsieur Gervais explique qu’à 95 %, les activités partisanes s’effectuent à l’extérieur des heures de travail du bureau de circonscription. Il n’y a pas de frontière parfaitement étanche entre la représentation du député dans un contexte parlementaire et la représentation du député dans un contexte partisan. Il explique que l’on ne peut pas faire abstraction complètement de l’aspect politique qui est intrinsèque au travail auprès d’un député. Par exemple, monsieur Gervais a contribué au travail politique à l’occasion des différentes élections partielles qui ont eu lieu depuis avril 2014. Il ajoute que sa contribution s’est effectuée à l’extérieur des heures normales de travail. Il a fait du porte-à-porte, des téléphones de pointage et il a été présent dans la circonscription concernée le jour du scrutin. À tout moment, il recevait sa rémunération normale de l’Assemblée nationale à titre d’attaché politique.

[105] Une vérification auprès des services administratifs de l’Assemblée nationale indique que depuis avril 2014, aucune fiche historique d’absence pour des vacances ou pour des raisons de santé n’est disponible pour monsieur Gervais.

[106] À partir d’un croisement des informations obtenues concernant, pour une même date, les activités inscrites à l’agenda de l’attaché politique de la circonscription, l’endroit où il se trouvait selon ce qui est indiqué au relevé de l’utilisation de son téléphone cellulaire et les rapports de frais correspondant à certains déplacements, nous avons identifié, pour la période du 1 er juillet 2014 au 31 décembre 2015, des activités pour lesquelles nous avons demandé à l’attaché politique de préciser ce dont il s’agit. À partir des renseignements disponibles, il s’agissait, a posteriori , de tenter d’identifier dans quels cas et, le cas échéant, dans quelle mesure, l’attaché politique en circonscription a consacré son temps à des activités politiques ou partisanes. L’interrogatoire a permis d’identifier certains exemples d’activités partisanes, dont les suivants. DE-02-2017 Page : 28

[107] Outre son travail à l’occasion de l’élection partielle dans Lévis en octobre 2014, monsieur Gervais a également participé à la campagne électorale pour l’élection partielle dans Richelieu, le 9 mars 2015. Il a non seulement fait du pointage par le biais d’appels téléphoniques, mais également du porte-à-porte. Il était présent dans la circonscription de Richelieu le jour du vote. Monsieur Gervais a aussi participé à la campagne électorale pour l’élection partielle dans Fabre, le 9 novembre 2015 et dans Saint-Jérôme le 5 décembre 2016.

[108] Monsieur Gervais explique que M. Surprenant était aussi responsable de certaines régions pour sa formation politique. C’était notamment le cas pour les régions de la Côte-Nord et de Laval. Dans l’exercice de ses fonctions d’attaché politique au bureau de circonscription de Groulx, monsieur Gervais nous informe qu’il a été appelé à se déplacer à Baie-Comeau. Il prétend qu’il s’agissait d’une activité parlementaire et non pas partisane. Pour sa part, monsieur Gobeil-Nadon, qui était du voyage, affirme que ce déplacement avait pour objet la rencontre de candidats potentiels pour l’élection partielle dans René-Lévesque. M. Surprenant précise que ce n’était pas le seul objectif. Il produit divers documents montrant des activités qu’il considère en lien avec son travail parlementaire. Par exemple, des rencontres avec les médias, une table ronde avec des gens d’affaires, des discussions sur l’exode des jeunes en région, la situation économique de la Côte-Nord et les priorités de la Côte-Nord.

[109] En fait, le transport vers Baie-Comeau eut lieu les 24 et 25 septembre 2015. Monsieur Gervais présente un rapport de frais pour son hébergement à Baie-Comeau et son kilométrage entre Sainte-Thérèse et Québec. Selon monsieur Gobeil-Nadon, le transport aérien entre Québec et Baie-Comeau aurait été défrayé par le parti, ce que confirme M. Surprenant.

[110] Monsieur Gervais insiste sur l’importance de faire la distinction entre les sommes versées en application du programme de soutien à l’action bénévole et le budget de fonctionnement du bureau de circonscription. Ainsi, les sommes versées aux organismes sans but lucratif en application du programme de soutien à l’action bénévole conduisent parfois à des activités associées qui ne pourraient pas être financées à même le budget de fonctionnement du bureau de circonscription.

[111] Monsieur Gervais confirme qu’il y avait un objectif de financement politique de 5 000 $. Il ne s’agissait pas nécessairement d’un objectif de recrutement de nouveaux membres puisque le financement pouvait s’effectuer à l’occasion de cocktails ou d’autres activités de même nature. Pour sa part, il effectuait des démarches de sollicitation pour le recrutement de nouveaux DE-02-2017 Page : 29

membres. Il affirme qu’il n’y avait aucune sollicitation auprès des organismes sans but lucratif bénéficiant d’une aide financière en application du programme de soutien à l’action bénévole. Selon monsieur Gervais, ces organismes et leurs membres avaient toute la liberté de contribuer au parti ou de devenir membre, à leur entière discrétion.

[112] Parlant de monsieur Yann Gobeil-Nadon, monsieur Gervais explique qu’il avait un travail de comté, comme les autres attachés politiques. Il s’occupait plus spécialement des jeunes, en remplacement de Cédric Rémi- Quevedo. Il traitait des « cas de comté », répondait au téléphone et faisait de la représentation. Monsieur Gervais précise que monsieur Gobeil-Nadon était à l’emploi de M. Surprenant pour trois jours par semaine. Il ajoute que le reste du temps « il faisait ce qu’il voulait ». Monsieur Gervais ne parle pas du tout du rôle politique de monsieur Gobeil-Nadon qui était aussi, au cours de la même période, président de la CRCAQ.

[113] En réponse à l’affirmation relative à un « attaché politique fantôme », monsieur Gervais réfère à la description de tâches de monsieur Gobeil-Nadon et réitère le fait qu’il avait son travail à faire, notamment à l’accueil, contrairement à ce qui a été rapporté par les médias. Son calendrier démontrerait qu’il avait ses activités en circonscription. Monsieur Gervais savait que monsieur Gobeil-Nadon était, en même temps, président de la CRCAQ. Toutefois, il explique que monsieur Gobeil-Nadon pouvait faire ce qu’il voulait pendant les quatre jours de la semaine, pour lesquels il ne travaillait pas au bureau de circonscription, et le soir.

[114] Monsieur Gervais a effectivement souvenir des communications provenant du bureau du whip concernant le travail partisan par les membres du personnel du bureau de circonscription. Il nous réfère au bulletin d’information de sa formation politique, pour des communications d’ordre général et à partir des documents obtenus à la suite de nos recherches, à certains courriels provenant de la directrice du cabinet de M. Martel.

[115] En conclusion, monsieur Gervais insiste sur la difficulté de faire un partage clair entre les activités parlementaires et les activités partisanes. Il souligne que ce n’est pas tout le temps clair. Tout en agissant de bonne foi, le risque de se placer dans une situation problématique demeure.

[116] Au début de l’après-midi du mercredi 19 juillet 2017, monsieur Gervais me téléphone et m’explique alors qu’il a omis de nous renseigner sur une personne qui a aussi travaillé au bureau de circonscription de Groulx. Il s’agit de madame Andrée Godin, qui travaillait à la réception et faisait aussi des « cas DE-02-2017 Page : 30

de comté ». Il ajoute qu’elle faisait également de la représentation puisque tout le monde en faisait.

4.3. Observations de Mme Poirier

[117] Le 18 octobre 2017, monsieur Alain David et moi avons rencontré Mme Poirier concernant la demande d’enquête qu’elle a présentée le 17 janvier précédent au sujet des attachés politiques à l’emploi de M. Surprenant, dossier DE-02-2017 et au sujet des manquements que pourrait avoir commis M. Martel, dossier DE-03-2017. Notre rencontre concerne également la demande d’enquête présentée par M. Billette, le 26 janvier 2017, au sujet des mêmes personnes. Mme Poirier est assistée par son directeur de cabinet, monsieur Carl Pilotte et par un conseiller politique, monsieur Simon Therrien-Denis. [118] À l’occasion de cette rencontre, j’informe Mme Poirier des démarches effectuées depuis le dépôt de la demande d’enquête, notamment les rencontres avec M. Surprenant le 31 janvier 2017, les démarches qui ont été effectuées auprès des services administratifs de l’Assemblée nationale pour obtenir des renseignements et des documents relatifs à l’exercice des fonctions des attachés politiques que nous avons rencontrés, par la suite.

[119] Mme Poirier explique qu’elle exerce la fonction de whip en chef de l’opposition officielle depuis quelques mois seulement, à compter du 14 octobre 2016. Elle précise que son travail principal concerne la coordination des activités des députés en lien avec leur horaire au Parlement. C’est aussi la coordination de toutes les équipes, y compris l’équipe du bureau du chef et les équipes dans les circonscriptions. Mme Poirier assure le lien entre tous au niveau des activités parlementaires et aussi le lien avec le parti politique.

[120] Mme Poirier précise qu’il arrive souvent que des attachés politiques en circonscription fassent aussi du travail partisan/du militantisme, tout parti confondu. Par exemple et concernant la CAQ, monsieur Therrien-Denis nous remet des publicités relatives à des activités partisanes référant à madame Pascale Fréchette, attachée politique auprès du député de Lévis, monsieur François Paradis. Son adresse électronique de l’Assemblée nationale apparaît dans certains documents. Aussi, M. Therrien-Denis nous remet des documents relatifs à l’élection partielle dans Louis-Hébert. Par exemple, on y voit madame Sonia Lebel qui exerce la fonction de directrice-adjointe du cabinet du chef du deuxième groupe d’opposition. Tout en recevant sa rémunération de l’Assemblée nationale, elle est mise en vedette dans une publicité partisane, explique-t-il. DE-02-2017 Page : 31

[121] On attire l’attention du commissaire sur la situation de monsieur Jean- Bernard Émond, attaché politique au bureau de circonscription de la députée de Montarville, madame Nathalie Roy. En même temps, il est candidat officiel pour la CAQ dans la circonscription de Richelieu pour la prochaine élection générale du 1 er octobre 2018, comme en témoigne l’annonce officielle faite par le chef, monsieur François Legault, le 18 août 2017. Monsieur Therrien-Denis nous remet des exemples de reportages faisant état des interventions de monsieur Émond, cette fois, à titre de porte-parole de la CAQ dans la circonscription de Richelieu, toujours en recevant sa rémunération de l’Assemblée nationale comme attaché politique dans la circonscription de Montarville. En pleine semaine, il est au Parlement pour intervenir concernant la circonscription de Richelieu dans un contexte partisan alors qu’il doit être payé pour son travail concernant la circonscription de Montarville.

[122] Mon mandat est circonscrit par les demandes qui ont donné lieu aux enquêtes en cours, concernant M. Surprenant et M. Martel. Les faits invoqués aux paragraphes précédents, notamment au sujet de monsieur Jean-Bernard Émond, ne sont pas mentionnés dans la demande d’enquête de Mme Poirier du 17 janvier 2017, ni dans la demande subséquente de M. Billette. Pour pouvoir me prononcer sur ces faits, il serait nécessaire de préalablement faire parvenir un préavis raisonnable de mon intention de faire enquête en application de l’article 92 du Code, ce qui n’entre pas dans mon mandat actuel.

« 92. Le commissaire peut, de sa propre initiative et après avoir donné par écrit au député un préavis raisonnable, faire une enquête pour déterminer si celui-ci a commis un manquement au présent code. »

[123] Avant de faire enquête à l’initiative du commissaire ou à la demande d’un député, les renseignements qui précèdent doivent être complétés par la collecte et la vérification de l’ensemble des faits pertinents. Il faut ensuite procéder à leur analyse en fonction des règles déontologiques du Code. Seulement si les circonstances le justifient, le processus d’enquête pourrait être entrepris. Je laisse donc à la commissaire le soin de déterminer la pertinence de poursuivre l’analyse des faits invoqués ci-dessus au regard des règles déontologiques prescrites par le Code.

[124] En somme, Mme Poirier déclare que le nom de la fonction exercée peut être différent d’une formation politique à l’autre (agent de liaison, attaché politique, conseiller politique ou autre), mais en pratique, le travail est le même. Dans le cas du Parti québécois, ce sont des agents de liaison et dans le cas du deuxième groupe d’opposition, ce sont des attachés politiques en circonscription. On ne remet pas en question la gestion des autres. La ligne DE-02-2017 Page : 32

entre les activités partisanes et les activités parlementaires ne sera jamais claire. Pour Mme Poirier, on est le député de tout le monde, mais on se fait élire sous une bannière. De plus, Mme Poirier exprime son désir que les partis politiques conservent la liberté de gérer à leur guise le budget salarial attribué à chaque parti par l’Assemblée nationale.

4.4. Observations de M. Billette [125] Le 1 er novembre 2017, j’ai rencontré M. Billette concernant la demande d’enquête qu’il a présentée le 26 janvier précédent au sujet des manquements que pourraient avoir commis M. Surprenant, dossier DE-02-2017, et M. Martel, dossier DE-03-2017. [126] Dans sa demande d’enquête du 26 janvier 2017, M. Billette explique que, selon sa lecture, M. Surprenant aurait « utilisé ou permis que le soit des fonds ou des biens de l’Assemblée nationale et ce, pour des activités partisanes et donc ne découlant pas » de l’exercice sa charge parlementaire. [127] M. Billette attire l’attention du commissaire sur les renseignements qui auraient été recueillis au cours de l’enquête et qui pourraient confirmer la présence des attachés politiques dans l’une ou l’autre des circonscriptions faisant l’objet d’une élection partielle. [128] Lorsque des fonds publics qui sont destinés aux activités à l’Assemblée nationale, à gérer un caucus ou à organiser les travaux parlementaires, servent exclusivement à des fins politiques ce n’est pas acceptable, ni conforme au Code, dit-il. [129] Selon M. Billette, il y a place à des activités partisanes, mais il faut savoir comment les faire et ne surtout pas utiliser les fonds publics à cette fin. Il y a des sommes qui proviennent du Directeur général des élections du Québec (DGEQ), auxquelles s’ajoutent des cocktails de financement et autres dons reçus des militants, qui servent à faire de la politique, mais on ne peut pas se servir des fonds publics. Ils ne doivent pas être utilisés pour faire de « l’activité politique ». [130] Selon M. Billette, les fonds attribués aux formations politiques par l’Assemblée nationale doivent servir pour les travaux parlementaires, les services de recherche de l’aile parlementaire, le soutien aux députés de l’aile parlementaire, les communications parlementaires, le travail au Salon bleu et en commission parlementaire, mais pas pour être transférés à une formation politique. [131] M. Billette insiste sur l’importance de faire une distinction entre les sommes qui proviennent du DGEQ et celles qui sont attribuées par l’Assemblée DE-02-2017 Page : 33

nationale. C’est très important d’avoir une barrière entre les deux, explique-t-il. Cela lui semble très clair et il croyait que c’était clair pour tous. Ce qu’il a appris en janvier 2017 semble démontrer que ce n’était pas clair pour tout le monde. [132] Pour les activités politiques pendant les élections partielles, si l’attaché politique décide de s’impliquer pendant ses heures de travail, il doit être sans solde, d’une façon ou d’une autre. [133] M. Billette s’interroge sur le risque de porter atteinte à l’intégrité de l’institution que constitue l’Assemblée nationale. Face à ce risque, il a demandé au commissaire à l’éthique et à la déontologie de faire enquête, parce qu’il considère qu’il appartient à ce dernier d’intervenir pour protéger l’institution. [134] M. Billette invite le commissaire à ne pas se limiter aux titres des fonctions, il faut savoir quelles sont les activités réelles des personnes concernées et les conditions dans lesquelles ces activés sont exercées, en particulier quels sont les outils de travail à leur disposition. [135] Il explique que le bureau du whip maintient naturellement des communications avec la permanence du parti. Il s’agit de faire la correspondance entre les deux. Le parti informe et le bureau du whip diffuse l’information auprès de l’aile parlementaire, par exemple, un appel à tous pour faire des téléphones le soir, à l’occasion d’une élection partielle.

5. ANALYSE

[136] Il est allégué que M. Surprenant aurait commis des manquements aux articles 15, 16 et 36 du Code dont j’ai fait mention plus haut. À ce stade, je me permets de rappeler l’objet de ces règles déontologiques. 5.1. Cadre déontologique [137] L’article 15 du Code prévoit qu’un député doit, dans l’exercice de sa charge, mettre de côté son intérêt personnel pour préserver son indépendance de jugement. La charge publique qu’il exerce implique que ses actions et ses décisions doivent être guidées par l’intérêt public, le bien commun. S’il est guidé par un intérêt personnel dans le choix d’un fournisseur de services ou dans l’exercice d’un autre pouvoir discrétionnaire, il pourrait commettre un manquement au Code. [138] L’article 16 du Code est fondamental. Il est interdit à un député, en toutes circonstances, d’agir de façon à favoriser ses intérêts personnels, ceux d’un membre de sa famille immédiate ou ceux d’un de ses enfants non à charge. Par exemple, il serait contraire à cette règle déontologique d’accorder une aide financière ou de confier un contrat public, dans l’exercice de sa DE-02-2017 Page : 34

charge, à l’une ou l’autre de ces personnes ou à soi-même. Malgré la justesse des motifs et même l’équité qui pourraient être invoquées, le fait de confier un contrat professionnel ou autre à son conjoint ou à ses enfants constitue un manquement déontologique, tout comme le fait d’accorder une aide financière à ces personnes. [139] Évidemment, l’article 16 du Code prévoit une mesure différente lorsque le député risque de favoriser les intérêts de toute autre personne excluant les membres de la famille dont je viens de discuter. La règle déontologique est différente puisque le Code lui-même rappelle que tous les députés doivent porter assistance aux personnes ou aux groupes qui demandent leur aide dans leurs rapports avec l’État. Il n’y aura manquement déontologique que si le député agit ou se prévaut de sa charge pour influencer ou tenter d’influencer la décision d’une autre personne de façon à favoriser, « d’une manière abusive », les intérêts de cette autre personne. [140] Autrement dit, il n’y a aucun manquement déontologique pour un député lorsqu’il favorise, dans l’exercice de sa charge, les intérêts de toute autre personne, sauf s’il le fait, « d’une manière abusive ». Par exemple, si le député agit ou tente d’influencer la décision d’une autre personne pour confier un contrat ou accorder une subvention à une entreprise plutôt qu’à une autre, pour des raisons politiques ou pour contourner la loi, pour ne citer que ces deux exemples, il favoriserait « d’une manière abusive » les intérêts de cette entreprise. [141] Enfin, l’article 36 du Code interdit d’utiliser les biens et les services fournis par l’Assemblée nationale pour des activités qui ne sont pas liées à l’exercice de sa charge. Par exemple, il est interdit à un député de faire appel à un membre de son personnel payé par l’Assemblée nationale, pour faire du travail au bénéfice personnel du député ou de l’entreprise du député, ou de se livrer à des activités purement partisanes. Un parlementaire ne peut pas utiliser les outils informatiques et le matériel administratif qui lui sont fournis, par exemple, pour l’administration de son entreprise. Son bureau de circonscription ne peut pas servir pour des activités partisanes, notamment pour réunir les militants ou pour un travail électoral. [142] Je vais d’abord procéder à l’analyse d’un éventuel manquement à l’article 36 du Code, en lien avec l’utilisation des biens et des services fournis par l’État. Je reviendrai par la suite sur l’application des articles 15 et 16 du Code, concernant d’éventuelles situations de conflits d’intérêts. 5.2. Travail partisan [143] Les demandes d’enquête de Mme Poirier et de M. Billette allèguent que les membres du personnel du bureau de circonscription auraient, à la demande DE-02-2017 Page : 35

de M. Surprenant et du bureau du whip du deuxième groupe d’opposition, travaillé lors des élections partielles dans les circonscriptions de Lévis, Richelieu, Chauveau et Jean-Talon. Les trois membres du personnel du bureau de circonscription de Groulx nous ont confirmé avoir contribué à l’effort politique pour la CAQ à l’occasion des élections partielles. Dans certains cas, ils ont fait des téléphones de pointage, du porte-à-porte et, dans d’autres cas, ils se sont rendus en circonscription le jour du scrutin ou la semaine précédente, pour le vote par anticipation. [144] J’ai constaté que les membres du personnel du bureau de circonscription de Groulx ont reçu leur rémunération complète pour les différentes périodes pendant lesquelles ils étaient à l’emploi de M. Surprenant, y compris pendant les campagnes électorales pour les élections partielles et le jour du scrutin. M. Surprenant prétend que ces activités partisanes ont été effectuées en marge du travail au bureau de circonscription, au moment où ils ne recevaient pas de rémunération de l’Assemblée nationale. Il n’y aurait, selon lui, aucun manquement déontologique. [145] En application de l’article 36 du Code précité, le député a l’obligation de s’assurer, dans l’exercice de sa charge ou de la charge des membres de son personnel, que les biens et les services fournis par l’État sont utilisés uniquement pour des activités liées à l’exercice de sa charge. [146] La même règle déontologique existe pour les membres du personnel du député, comme le prévoit l‘article 16 des Règles déontologiques applicables aux membres du personnel des députés et des cabinets de l’Assemblée nationale 11 (Règles) . « 16. Le membre du personnel utilise les biens de l’État, y compris les biens loués par l’État ainsi que les services mis à sa disposition par l’État, et en permet l’usage pour des activités liées à l’exercice de ses fonctions. » [147] Je ne peux pas ignorer la présence de liens étroits entre les activités liées à l’exercice de la charge et les activités partisanes qui s’y mêlent. Selon plusieurs, on doit inévitablement considérer que ces activités parlementaires et partisanes sont liées à l’exercice de la charge au sens de l’article 36 du Code ou de l’article 16 des Règles. Toujours selon ces derniers, toute tentative d’interdire ou d’exclure l’aspect partisan de leur charge risquerait de porter atteinte au plein exercice de la fonction.

11 Bureau de l’Assemblée nationale, décision n o 1690 du 21 mars 2013.

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[148] Toutefois, les faits révélés par la preuve ne permettent pas d’arriver à la même conclusion pour toutes les situations. J’ai noté un certain nombre d’activités partisanes qui ne sont pas assimilables à l’exercice de la charge parlementaire. Il y a, selon moi, des limites à respecter et un contrôle à exercer en application de l’article 36 du Code. [149] D’abord, le Code permet-il d’identifier ce qui correspond à une activité liée à l’exercice de la charge?

5.2.1. Activités liées à l’exercice de la charge

[150] Le Code ne définit pas ce qui constitue « une activité liée à l’exercice de sa charge » au sens de l’article 36. Par contre, le premier attendu du Code énonce certains éléments faisant partie du mandat des députés dans l’exercice de leur charge. « ATTENDU qu'à titre de représentant de la population du Québec, le député contribue à l'adoption de lois et règlements, participe au pouvoir de surveillance de l'Assemblée nationale sur tout acte du gouvernement, de ses ministères et de ses organismes, porte assistance aux personnes et aux groupes qui demandent son aide dans leurs rapports avec l'État et participe aux débats publics; » [151] Ainsi, lorsqu’un membre de l’Assemblée nationale ou un membre de son personnel est appelé à contribuer à l’adoption des lois et règlements, à participer aux pouvoirs de surveillance de l’Assemblée nationale sur tout acte du gouvernement, à porter assistance aux personnes et aux groupes qui demandent son aide et à participer aux débats publics, je crois qu’il se consacre alors à des activités liées à l’exercice de sa charge au sens du Code. [152] En outre, pour les membres du personnel d’un député, le Règlement sur la rémunération et les conditions de travail du personnel d’un député (Règlement) 12 prévoit ce qui suit aux articles 3 et 4 : « 3. Le personnel d’un député se compose de conseillers, d’attachés politiques ou d’employés de soutien. Le député détermine leurs attributions et responsabilités. Le conseiller ou l’attaché politique s’acquitte des tâches à caractère professionnel qui lui sont confiées et qui sont notamment des fonctions d’attaché de presse, de recherchiste ou d’agent de liaison. L’employé de soutien est chargé de remplir les tâches de soutien administratif.

12 Bureau de l’Assemblée nationale, décision n o 1283 du 8 décembre 2005. DE-02-2017 Page : 37

4. La nomination d’un membre du personnel d’un député doit être faite par écrit et mentionner son port d’attache, soit l’un des édifices occupés ou loués par l’Assemblée nationale, soit le bureau de la circonscription électorale du député. » [153] M. Surprenant et ses attachés politiques nous ont renseignés sur leurs activités. Ils exercent les responsabilités résumées ci-dessus. À partir de ce qui a été rapporté par les médias concernant madame Nadeau et monsieur Gobeil- Nadon, notre attention a été portée sur leurs activités partisanes et celles de monsieur Gervais, en particulier pendant les élections partielles. En prenant connaissance de leur témoignage, on ne peut pas dire que l’ensemble de ces activités sont liées à l’exercice de leur charge au sens de l’article 36 du Code ou de l’article 16 des Règles. [154] Dans certains cas, les activités des attachés politiques ne sont pas assimilables à l’exercice de leur charge, elles peuvent être purement partisanes, professionnelles ou personnelles. Je reviendrai plus loin au sujet des activités purement partisanes. 5.2.2. Volet partisan [155] Comment appliquer la règle déontologique prescrite par l’article 36 du Code et l’article 16 des Règles, si une activité liée à l’exercice de la charge de l’attaché politique auprès de M. Surprenant comporte un volet partisan? [156] Dans certains cas, il peut être possible de faire une distinction, à partir des faits, entre une activité dans un bureau de circonscription et la pratique d’un sport, d’un artisanat, d’une profession ou d’une activité commerciale, y compris des fonctions bénévoles. Toutefois, il en est tout autrement lorsque l’on essaie de séparer une activité faisant partie de l’action parlementaire, dans un bureau de circonscription, du volet politique ou partisan de cette activité. [157] Pour une activité liée à l’exercice de sa charge, le travail d’un attaché politique peut-il avoir pour effet de favoriser positivement l’opinion du public à l’égard du député de Groulx? Le cas échéant, serions-nous portés à penser qu’il en bénéficie, d’où un éventuel volet partisan? Est-ce que cela aurait pour effet que toutes les activités de l’attaché politique, dans la mesure où elles sont liées à l’exercice de la charge du député, doivent être perçues comme des activités partisanes? Je ne le crois pas. [158] On peut imaginer différents exemples d’activités liées à l’exercice de la charge qui semblent comporter un volet partisan. Un mandat d’assurer le suivi des dossiers de la circonscription ainsi que celui de représenter M. Surprenant lors d’événements ou de rencontres en circonscription peuvent, par exemple, donner l’occasion de souligner l’excellent travail de ce député ou de faire valoir DE-02-2017 Page : 38

la qualité de son intervention. Certains pourraient alors y voir un volet partisan en faisant un lien spontané avec l’aspect politique. [159] Plusieurs autres situations concernant des activités liées à l’exercice de la charge pourraient nous porter à croire qu’elles comportent un volet partisan. Un parlementaire est en droit de souhaiter que son action ou sa décision soit plébiscitée par les électeurs. À mon avis, la présence de ce volet partisan, dans le cadre d’un travail lié à l’exercice de la charge de M. Surprenant, ne conduira à l’application de l’article 36 du Code, qu’en présence d’un contexte qui s’y oppose. [160] En effet, le volet partisan d’une activité d’un député pourrait conduire à l’application de l’article 36 du Code en présence de la preuve démontrant que ce dernier ne peut pas être lié à l’exercice de sa charge. Par exemple, une activité d’un élu ou d’un membre du personnel peut prendre une tournure partisane lorsque l’on profite de l’occasion pour recruter de nouveaux membres pour une formation politique ou pour solliciter des dons politiques, pour ne citer que ces deux situations. [161] À mon avis, lorsqu’il s’agit effectivement d’une activité liée à l’exercice de la charge des attachés politiques ou du député, le volet partisan de cette activité ne contrevient pas au Code, sauf en présence d’un contexte qui s’y oppose. Par exemple, si ces activités prennent des proportions politiques telles qu’elles ne peuvent plus être liées à l’exercice de leur charge. [162] Le cas échéant, de tels abus pourraient, non seulement donner ouverture à l’application de l’article 36 du Code et de l’article 16 des Règles, mais également, il pourrait s’agir de situations de conflits d’intérêts. [163] La preuve au dossier ne comporte pas d’éléments factuels, d’indices ou de contextes qui pourraient me conduire à penser que le volet partisan, de l’une ou l’autre des activités de certains attachés politiques, si elles sont liées à l’exercice de leur charge, pourrait avoir pris une tournure à tel point politique que je devrais constater un manquement au Code. [164] Pour ce qui est du volet partisan de certaines activités liées à l’exercice de la charge de madame Nadeau et monsieur Gervais, je ne puis conclure, à partir des renseignements faisant partie du dossier, que le Code n’est pas respecté. [165] Par contre, le dossier comporte des éléments de preuve voulant que, dans l’exercice de sa fonction d’attaché politique, monsieur Gobeil-Nadon s’est consacré principalement à ses activités partisanes, particulièrement à titre de président de la CRCAQ.

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5.2.2.1. Monsieur Gobeil-Nadon, président de la CRCAQ [166] À la fin du mois de novembre 2015, monsieur Gobeil-Nadon a été engagé de nouveau au bureau de M. Surprenant après : i) avoir été élu président de la CRCAQ depuis septembre 2015; ii) avoir demandé s’il pouvait recevoir une rémunération pendant l’exercice de ce mandat à la présidence; iii) avoir obtenu une modification du règlement interne de la CRCAQ de façon à permettre le cumul de cette présidence et d’un travail rémunéré à titre de membre du personnel du parti ou de l’Assemblée nationale. [167] Immédiatement après cette modification du règlement, M. Surprenant propose à monsieur Gobeil-Nadon de l’engager à raison de trois jours par semaine en l’assurant qu’il pourra pleinement exercer ses activités liées à sa présidence de la CRCAQ. [168] En janvier 2017, monsieur Gobeil-Nadon déclare aux médias qu’il était, à toutes fins pratiques, un attaché politique fantôme, laissant entendre qu’on ne lui confiait pas de travail au bureau de circonscription, pour lui permettre de se consacrer pleinement à son mandat de président de la CRCAQ. Lorsque nous l’avons rencontré, il nuance ses propos et énonce certains travaux qui lui étaient confiés, en ajoutant qu’il disposait d’une très grande latitude dans la gestion de son horaire de travail.

[169] Monsieur Gobeil-Nadon précise que ses activités à titre de président de la CRCAQ sont évidemment des activités partisanes. En exerçant ce mandat, il n’est pas rémunéré par l’Assemblée nationale et ses dépenses sont remboursées par le parti. Son travail consiste à assister à la plus grande partie des activités politiques du parti. Il est aussi amené à se déplacer pendant les campagnes pour certaines élections partielles, notamment il s’est rendu à Baie- Comeau, ainsi que dans les circonscriptions de Beauce-Sud, Saint-Henri- Sainte-Anne et Fabre.

[170] M. Surprenant nie catégoriquement en soulignant qu’il n’embauche que le personnel qui est nécessaire à l’exercice de sa charge. Monsieur Gervais était le supérieur immédiat de monsieur Gobeil-Nadon, à titre de responsable du bureau. Il mentionne que monsieur Gobeil-Nadon avait un travail de comté, comme tous les autres attachés politiques, notamment en ce qui a trait aux jeunes. Il faisait aussi de la représentation et s’occupait de l’accueil. Au-delà des trois jours semaine, il faisait « ce qu’il voulait ». DE-02-2017 Page : 40

[171] Voici ce que je mentionnais dans le rapport d’enquête concernant le ministre Laurent Lessard 13 au sujet de l’imputabilité d’un ministre ou d’un député dans la gestion de son personnel. « [252] Les sommes requises pour le paiement du salaire des membres du personnel d’un député ou d’un membre du Conseil exécutif font partie des biens de l’État mis à la disposition des élus. Ils ont la responsabilité de s’assurer que ces sommes sont utilisées pour l’exercice de la charge des personnes concernées. En pratique, cette responsabilité peut être lourde de conséquences si le député ou le membre du Conseil exécutif n’exerce pas un suivi approprié. »

[172] La preuve établit que monsieur Gobeil-Nadon a effectué certaines activités au bureau de circonscription. Lorsqu’il faisait de la représentation, par exemple, monsieur Gobeil-Nadon intervenait, comme on peut très bien l’imaginer, comme représentant de M. Surprenant et comme président de la CRCAQ. Monsieur Gobeil-Nadon nous raconte que monsieur Gervais lui a d’ailleurs fait le reproche de ne pas s’être identifié comme président de la CRCAQ, pour donner encore plus de retentissement à sa présence.

[173] Ici, je constate qu’il ne s’agit pas, pour monsieur Gobeil-Nadon, du volet partisan d’une activité se rapportant à l’exercice de sa charge. Le travail partisan me paraît substantiel. Il se déplace en circonscription, participe à des tournées, assiste aux congrès et à différentes autres rencontres ou réunions. Ce travail n’est pas lié à l’exercice de sa charge en circonscription. [174] Le travail décrit par monsieur Gobeil-Nadon et les renseignements que nous avons recueillis concernant l’agenda, les relevés d’utilisation du téléphone cellulaire et les rapports de frais me semblent démontrer des activités de nature substantiellement partisane. [175] Dans ces circonstances, je conclus qu’en permettant ou en tolérant que les activités de monsieur Gobeil-Nadon, qui ne sont pas liées à l’exercice de sa charge, soient rémunérées par l’Assemblée nationale, M. Surprenant a commis un manquement à l’article 36 du Code. En somme, ce n’est pas, en soi, l’embauche de cet attaché politique qui contrevient au Code, mais plutôt le fait que ses activités au bureau de circonscription ne sont pas liées à l’exerce de sa charge.

13 Rapport du Commissaire à l’éthique et à la déontologie du 6 décembre 2016, au sujet de monsieur Laurent Lessard, ministre des Transports, de la Mobilité durable et de l’Électrification des transports et député de Lotbinière-Frontenac, DE-05-2016.

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[176] Le choix de monsieur Gobeil-Nadon qui a initialement accepté de recevoir cette rémunération de l’Assemblée nationale me semble tout à fait regrettable. Il a d’abord participé à la manœuvre, pour ensuite la dénoncer. 5.2.3. Activités purement partisanes à l’extérieur de la charge [177] Lorsque nous sommes en présence d’activités purement partisanes, les règles déontologiques prescrites par le Code doivent s’appliquer. [178] La preuve révèle les interventions suivantes de la part des attachés politiques : i. des efforts déployés à l’occasion de certaines élections partielles dans les circonscriptions de Lévis, Richelieu, Chauveau, Jean- Talon et Beauce-Sud, en particulier les téléphones de pointage, le porte-à-porte et les activités le jour du scrutin; ii. la présence aux congrès, à des réunions de la CRCAQ, du CAL ou d’autres réunions du parti, y compris des 5 à 7; iii. la participation à des activités de financement du parti. [179] À mon avis, il s’agit d’activités purement partisanes qui ne sont pas liées à l’exercice de la charge d’un attaché politique ou, plus généralement, d’un membre du personnel d’un cabinet ministériel, d’un cabinet de l’Assemblée nationale ou d’un député. [180] Il s’ensuit qu’en effectuant ces activités purement partisanes, un élu ou un membre de son personnel ne peut pas faire usage des biens et des services fournis par l’État. Les articles 36 du Code et 16 des Règles sont très clairs à ce sujet. [181] Même si les attachés politiques ont reçu leur salaire et ont été remboursés de leurs dépenses dans l’exercice de leurs fonctions, M. Surprenant invoque qu’aucun manquement à l’article 36 du Code n’a été commis, parce qu’ils se livraient à leurs activités partisanes en marge des activités reliées à l’exercice de leur charge. [182] Monsieur Gervais, madame Nadeau et monsieur Gobeil-Nadon ont tous contribué aux efforts partisans pendant les élections partielles. Ils ont fait des téléphones de pointage, parfois du porte-à-porte en se déplaçant dans la circonscription et, dans certains autres cas, ils étaient présents le jour du scrutin et pour madame Nadeau et monsieur Gervais, le jour du vote par anticipation. [183] M. Surprenant confirme ces faits en précisant, toutefois, que le travail partisan de ses employés est effectué de façon volontaire, en dehors des heures de travail. Monsieur Gervais va dans le même sens en déclarant que sa DE-02-2017 Page : 42

contribution partisane est effectuée à l’extérieur des heures régulières de travail au bureau de circonscription. [184] Les articles 20, 21 et 32.1 du Règlement prévoient ce qui suit au sujet de l’horaire de travail. « 20 . La semaine régulière de travail et la journée régulière de travail d’un membre du personnel d’un député comportent les heures que le député juge nécessaires pour qu’il s’acquitte des devoirs de sa charge. La semaine de travail est une période de sept jours consécutifs débutant le lundi à 0 h 1 et se terminant le dimanche à 24 h. 21. Le conseiller ou l’attaché politique n’ont droit à aucune rémunération pour le travail effectué en surplus de leurs heures régulières de travail. 32.1. Le membre du personnel d’un député doit faire autoriser toute absence par le député, et ce, à l’aide du formulaire prévu à cette fin. Ce formulaire doit être transmis à la Direction des ressources humaines de l’Assemblée nationale dans les meilleurs délais. » [185] Je comprends que la rémunération d’un attaché politique est une rémunération forfaitaire pour sa semaine de travail. Peu importe le nombre d’heures travaillées et à quel moment. [186] Les activités professionnelles et partisanes de l’attaché politique s’entrecroisent à l’intérieur de sa semaine de travail, le jour, le soir ou la fin de semaine. Pour l’application de l’article 36 du Code, il faut tenter de vérifier si les biens et les services fournis par l’État ont été utilisés uniquement pour une activité liée à l’exercice de sa charge, en excluant une activité purement partisane. 5.2.4. Rémunération et remboursement des dépenses [187] Si l’attaché politique exerçait ses fonctions dans le cadre d’une semaine régulière de travail, par exemple entre 8 h et 18 h, du lundi au vendredi, il s’agirait de s’assurer qu’à l’intérieur de cet horaire, il se consacre uniquement aux activités qui sont liées à l’exercice de sa charge auprès de M. Surprenant. [188] Comment avoir l’assurance qu’aucune rémunération n’est versée ou qu’aucune dépense n’est remboursée par l’État à un attaché politique pour des activités qui ne sont pas liées à l’exercice de sa charge, spécialement des activités purement partisanes? [189] L’horaire de travail d’un attaché politique ou, généralement, de tout conseiller politique dans un cabinet de l’Assemblée nationale ou en circonscription, ne permet pas d’isoler précisément ou d’atteindre un degré raisonnable de certitude à l’égard des périodes pour lesquelles il ne devrait pas DE-02-2017 Page : 43

être rémunéré par l’État. Par exemple, on considère que grâce à la rémunération forfaitaire qu’il reçoit, un attaché politique à qui l’on demande de travailler le soir ou la fin de semaine, lorsque les circonstances le nécessitent, est rémunéré par l’État, même à ces heures. [190] Si un attaché politique a consacré toute sa journée du dimanche à son travail professionnel, pourrait-il être justifié de s’absenter le mardi matin pour des raisons politiques ou partisanes, considérant qu’il n’est théoriquement pas rémunéré par l’État, puisque ce congé sert à compenser le travail du dimanche précédent? [191] En principe, une telle situation peut actuellement se produire sans qu’il en résulte un manquement à l’article 36 du Code ou 16 des Règles. [192] Malgré cette apparente marge de manœuvre, il demeure impératif de prendre en considération ce qui pourrait être perçu par une personne raisonnablement bien informée. À mon avis, il faut tenir compte des apparences et des valeurs de l’Assemblée nationale. [193] Ainsi, dans l’objectif de maintenir la confiance de la population envers les membres de l’Assemblée nationale et leur personnel, un élu doit imposer des limites à ce qui peut être fait durant la semaine régulière de travail, par exemple entre 8 h et 18 h, du lundi au vendredi. [194] À quelques reprises, les attachés politiques, en particulier madame Nadeau et monsieur Gervais, se sont déplacés en circonscription le jour du scrutin. Tous les deux mentionnent qu’ils ont reçu normalement leur rémunération de l’Assemblée nationale pour ces journées. Nous avons vérifié auprès des services administratifs de l’Assemblée nationale pour apprendre qu’aucune absence n’a été déclarée pour ces dates, même s’ils s’adonnaient à des activités purement partisanes. [195] Monsieur Gervais et M. Surprenant insistent pour dire que les attachés politiques n’ont utilisé aucun bien ou service fourni par l’État au moment de leur participation aux activités partisanes décrites ci-dessus, pendant ou après les périodes normalement réservées à l’exercice de leur charge. Ils affirment qu’ils disposaient de toute la latitude pour s’adonner à des activités partisanes bénévoles pendant qu’ils ne sont pas au travail, parce que leur travail auprès de M. Surprenant était pleinement réalisé. [196] À l’inverse, pour la période pendant laquelle ces attachés politiques ont reçu une rémunération de l’Assemblée nationale, la preuve qu’ils se sont consacrés uniquement à des activités liées à l’exercice de leur charge, n’est pas davantage disponible. DE-02-2017 Page : 44

[197] Un attaché politique peut exercer en même temps des activités liées à l’exercice de sa charge qui comportent un volet partisan et des activités purement partisanes. Il est laissé à lui-même dans l’exercice de ses multiples activités, à la condition de ne pas profiter du financement de l’État pour des activités purement partisanes. À moins de suivre l’attaché politique à la trace, on ne peut pas contrôler dans quelle mesure ses activités rémunérées par l’État ne servent qu’à l’exercice de sa charge. [198] Parmi tous les éléments factuels, les indices ou les contextes qui pourraient être rassemblés pour vérifier a posteriori le travail réellement effectué par un attaché politique et à quel moment, il n’existe pas de registres, de relevés, de notes ou de feuilles de temps qui pourraient être consultés. En l’absence de données précises sur son emploi du temps dans l’exercice de sa charge, la preuve que les biens ou les services fournis par l’État furent réellement utilisés lorsque ses activités purement partisanes ont été effectuées n’est pas faite. [199] Dans le cas de madame Nadeau et de monsieur Gervais, pour les raisons que je viens d’exposer, il m’est impossible de tirer une conclusion certaine, vu l’absence de données précises sur leur emploi du temps. [200] Dans le cas de monsieur Gobeil-Nadon, mon analyse est différente. Pour les motifs mentionnés plus haut, j’ai estimé que la rémunération qui lui a été payée par l’Assemblée nationale n’était pas uniquement pour des activités liées à l’exercice de sa charge en circonscription, au contraire. Pour cette raison, M. Surprenant a, selon moi, commis un manquement à l’article 36 du Code. 5.2.5. Autres éléments de preuve [201] Les renseignements recueillis au cours de l’enquête exigent une analyse particulière pour certains événements, dont je traite dans les paragraphes qui suivent. 5.2.5.1. Utilisation du bureau de circonscription [202] Le bureau de circonscription de Groulx a été utilisé pour faire du travail partisan, dont des appels de pointage pendant une élection partielle. M. Surprenant et madame Nadeau confirment que le personnel s’est réuni au bureau en soirée, à cette fin. [203] Pour se conformer à l’article 36 du Code, un membre de l’Assemblée nationale ne peut pas utiliser son bureau de circonscription, dont le loyer est payé par l’Assemblée nationale, pour ses activités purement partisanes, en particulier au moment d’une élection. M. Surprenant déclare qu’après cet DE-02-2017 Page : 45

événement, il a demandé à son directeur de bureau de circonscription de mettre fin à cette façon de procéder. [204] Il affirme qu’il s’agit d’une erreur pour laquelle une leçon a été tirée. D’ailleurs, on a mis fin à cette façon de procéder, explique-t-il. [205] Le député est responsable de la gestion des biens de l’État qui sont mis à sa disposition dans l’exercice de sa charge. En permettant l’usage des biens et des services fournis par l’État pour effectuer une activité partisane dans le cadre d’un processus électoral, contrairement au cadre établi par l’article 36 du Code, M. Surprenant commet un manquement au Code. Il lui est interdit d’utiliser ces biens et ces services pour des activités qui ne sont pas liées à l’exercice de sa charge. 5.2.5.2. Fausses réunions [206] Pendant son témoignage, monsieur Gobeil-Nadon a aussi fourni certaines précisions au sujet de sa déclaration aux médias concernant de soi- disant « fausses réunions ». En fait, il précise qu’il y a effectivement eu une réunion, mais il l’a considérée sans objet, sans importance et très courte. [207] M. Surprenant ne partage pas cette appréciation et explique que la réunion a bel et bien eu lieu, avec un objectif défini, dans le contexte des travaux intensifs à la fin de la session d’automne à l’Assemblée nationale. [208] Une vérification auprès des services administratifs de l’Assemblée nationale nous a permis de prendre connaissance des rapports de frais de monsieur Gervais, de madame Nadeau et de madame Andrée Godin pour le 3 décembre 2015. [209] Monsieur Gobeil-Nadon ne nous a pas présenté d’autres exemples de « fausses réunions » pour lesquelles nous pourrions examiner la pertinence et la suffisance de la preuve par rapport aux règles déontologiques. [210] Avec les éléments décrits par monsieur Gobeil-Nadon, sans autres renseignements, je ne peux pas conclure au sujet d’un éventuel manquement. Par contre, je dois rappeler le cadre déontologique applicable dans les circonstances. [211] En théorie, des attachés politiques seraient convoqués à de « fausses réunions », afin de pouvoir présenter un rapport de frais à l’Assemblée nationale, alors que le motif réel du déplacement est purement partisan ou personnel. [212] Par exemple, les frais d’un déplacement effectué pour se rendre en circonscription pour participer à une campagne électorale pourraient être DE-02-2017 Page : 46

remboursés par l’Assemblée nationale, sur la foi d’une soi-disant présence à une réunion qui n’a jamais eu lieu. [213] Une demande adressée à l’Assemblée nationale pour le remboursement de frais de déplacement justifiée par une soi-disant présence à une réunion inexistante, alors que l’objet réel du déplacement est purement partisan, par exemple, dans le cadre d’une campagne électorale, est inacceptable et contraire à la loi. [214] Les whips de toutes les formations politiques ont un rôle important à exercer pour renseigner tous les députés et les membres du personnel sur les risques d’un manquement à l’article 36 du Code. De plus, grâce aux renseignements dont ils disposent dans l’exercice de leur charge, les whips sont les mieux placés pour surveiller et exercer le suivi nécessaire afin de déjouer cette ruse, sachant qu’ils peuvent compter sur la collaboration des personnes en autorité, en toutes circonstances. 5.2.5.3. Compte rendu des réunions du Comité d’action local [215] S’il ne fait pas de doute que les membres du personnel d’un député peuvent, en toute légitimité, s’adonner à des activités politiques, notamment en participant aux réunions du comité regroupant les militants de la formation politique de la circonscription, les mêmes limites déontologiques doivent être respectées en ce qui a trait à la rémunération et aux remboursements des dépenses par l’Assemblée nationale. [216] Dans l’exercice de ses fonctions au bureau du député, madame Nadeau était chargée de préparer le compte rendu des réunions du CAL de la circonscription de Groulx. Ce comité est une instance du parti qui n’a rien à voir avec l’exercice de la charge du député. [217] La déclaration de madame Nadeau au sujet du travail qu’elle effectuait pour le CAL est confirmée par les courriels échangés avec monsieur Gervais. À mon avis, ces communications confirment l’exécution d’un travail purement partisan au bureau de circonscription de M. Surprenant. [218] Ce dernier déclare que cela était effectué en marge des heures régulières de travail. Toutefois, après avoir pris connaissance de certains courriels échangés à ce sujet, je crois plutôt que M. Surprenant a permis ou toléré que les biens et les services fournis par l’État, dont le salaire de madame Nadeau, soient utilisés pour des activités qui ne sont pas liées à l’exercice de sa charge. [219] Pour cette raison, je conclus que M. Surprenant a commis un manquement à l’article 36 du Code. DE-02-2017 Page : 47

5.2.5.4. Circonscription orpheline – Déplacement à Baie-Comeau [220] Interrogé au sujet d’un déplacement vers Baie-Comeau, monsieur Gervais explique qu’il a accompagné M. Surprenant. L’ex-député de Vanier- Les-Rivières, monsieur Sylvain Lévesque et monsieur Gobeil-Nadon ont aussi pris part à ce déplacement. À cette époque, M. Surprenant était porte-parole de cette région pour la CAQ. Il prétend que cette activité à Baie-Comeau s’inscrivait dans l’exercice de sa charge de député. Monsieur Gobeil-Nadon déclare que le voyage devait servir à recruter un candidat dans la circonscription de René-Lévesque, à la suite du départ de l’ex-député, monsieur Marjolain Dufour. [221] Le déplacement de M. Surprenant et de ses collaborateurs s’effectuait dans une région dont les circonscriptions ne sont pas représentées par un ou une député(e) de la CAQ. Pour cette formation politique, ce sont des circonscriptions dites orphelines. [222] Ce qui attire mon attention, c’est que monsieur Gervais et monsieur Gobeil-Nadon ont été remboursés par l’Assemblée nationale de leurs dépenses pour ce déplacement et ont reçu leur rémunération. À partir des rapports de frais que j’ai consultés, il appert que certaines sommes ont effectivement été remboursées par l’Assemblée nationale, alors que d’autres l’ont été par le parti, en particulier le transport aérien à partir de Québec. [223] Le travail dans une circonscription orpheline me semble substantiellement de nature partisane, à moins d’être lié à l’exercice de la charge du député. Par exemple, lorsqu’il s’agit de participer aux travaux d’une commission de l’Assemblée nationale qui se déplace. Cet exemple ou les autres, que l’on peut imaginer, ne s’appliquent pas dans les circonstances actuelles. En effet, M. Surprenant nous a remis divers documents qui expliquent l’objet du déplacement vers Baie-Comeau, par exemple, des rencontres avec les médias, une table ronde avec des gens d’affaires, des discussions sur l’exode des jeunes en région, la situation économique de la Côte-Nord et les priorités de la Côte-Nord. Je ne remets pas en question la pertinence de ce déplacement, ce n’est pas mon rôle. Toutefois, je perçois un travail substantiellement partisan. [224] Comme je le mentionnais dans le rapport d’enquête du 8 novembre 2017 concernant la whip en chef de l’opposition officielle 14 , même si je perçois un travail substantiellement partisan, il importe de connaître la volonté du

14 Rapport du Commissaire ad hoc à l’éthique et à la déontologie du 8 novembre 2017, au sujet de madame Carole Poirier, whip en chef de l’opposition officielle et députée d’Hochelaga- Maisonneuve, DE-01-2017.

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législateur pour le financement, par l’État, du travail d’un élu et de son personnel, dans une circonscription qui n’est pas représentée par sa formation politique. Est-ce que ce travail peut constituer une activité liée à l’exercice de sa charge? Le cas échéant, quelles sommes peuvent être versées aux partis politiques pour assurer la présence de leurs représentants dans les différentes circonscriptions du Québec et à quelles conditions? [225] À titre de commissaire, je n’ai pas le mandat de me substituer à l’Assemblée nationale pour déterminer dans quelle mesure ou à quelles conditions l’activité d’un membre de l’Assemblée nationale et de son personnel, dans une circonscription orpheline, peut être liée à l’exercice de leur charge, pour l’application de l’article 36 du Code et de l’article 16 des Règles. [226] À ce stade, je ne peux conclure à un manquement au Code. 5.3. Situation de conflit d’intérêts [227] Les demandes d’enquête soumises par Mme Poirier et par M. Billette ainsi que les commentaires formulés par ceux-ci, par M. Surprenant et par les membres du personnel au cours de l’enquête vont au-delà de l’application de l’article 36 du Code. Les faits suivants me conduisent à certaines conclusions concernant l’application des articles 15 ou 16 du Code. 5.3.1. Embauche de la conjointe du député [228] L’article 16 du Code interdit à tout député de favoriser son intérêt personnel et celui des membres de sa famille immédiate, notamment son conjoint ou sa conjointe. Si l’intérêt personnel d’un membre de la famille immédiate du député est favorisé, il s’agit d’une situation de conflit d’intérêts. En décembre 2014, j’écrivais notamment ce qui suit, dans le rapport d’enquête concernant le député de St-Jérôme 15 . « [69] En outre, il importe de préciser que l’application de l’article 16 du Code se rapporte, actuellement, à un intérêt personnel du député de Saint- Jérôme. C’est pour cette raison qu’il n’est pas nécessaire de déterminer si l’intérêt personnel est favorisé « d’une manière abusive ». Cette analyse s’effectue seulement lorsque l’intérêt personnel en jeu est celui de « toute autre personne ». Ce qui n’est pas le cas pour le présent dossier. » [229] Dans le Rapport sur la mise en œuvre du Code, publié en février 2015, je mentionnais ce qui suit au sujet de l’embauche d’un membre de la famille du député.

15 Rapport du Commissaire à l’éthique et à la déontologie du 5 décembre 2014, au sujet de monsieur Pierre Karl Péladeau, député de Saint-Jérôme, DE-03-2014. DE-02-2017 Page : 49

« L’article 5 du Code précise que la famille immédiate du député comprend son conjoint, ses enfants à charge et ceux de son conjoint. Ainsi, en application de l’article 16 du Code, le commissaire a déterminé que l’embauche, dans son personnel politique, d’un membre de sa famille immédiate ou d’un enfant non à charge, favorise les intérêts personnels du député et de la personne qu’il embauche. Un membre de l’Assemblée nationale ne peut pas embaucher un membre de sa famille immédiate ou un de ses enfants non à charge. » [230] M. Surprenant prétend qu’il ne savait pas qu’il ne pouvait pas confier un mandat à son épouse. Il affirme qu’il y a un ou une autre député(e) qui le faisait et il se serait fié à cela, sans consulter le commissaire ou le jurisconsulte. Il déclare que ce n’est qu’après la publication du rapport sur la mise en œuvre du Code, en février 2015, qu’il pouvait en être informé, grâce aux commentaires qui y apparaissent à ce sujet. [231] Je constate que l’interdiction prescrite par l’article 16 du Code concernant les membres de la famille immédiate du député et les enfants non à charge n’est pas bien comprise. Un député ne peut pas utiliser les fonds publics pour confier un mandat à un membre de sa famille immédiate, si avantageux et à bas prix puisse-t-il être pour le gouvernement. [232] Cela me convainc de la nécessité de rendre obligatoire la formation des députés en matière d’éthique et de déontologie. L’article 16 du Code est entré en vigueur le 1 er janvier 2012. Un député qui, à même les fonds publics dont il assume la gestion, confie un mandat à un membre de sa famille immédiate est placé dans une situation de conflit d’intérêts et donc en manquement au Code. 5.4. Programme de soutien à l’action bénévole [233] Le programme de soutien à l’action bénévole permet à chaque membre de l’Assemblée nationale de favoriser l’action bénévole locale en soutenant financièrement les organismes sans but lucratif et les municipalités dans leurs efforts pour combler les besoins en matière d’activités communautaires, de loisir et de sport, ainsi que d’équipements légers. [234] À chaque année, les fonds proviennent du ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport (le ministère), après l’approbation du programme et des crédits budgétaires par le Conseil du trésor. À partir de l’enveloppe globale de 10 400 000 $ allouée au programme, les députés disposent chacun d’une somme. Pour la circonscription de Groulx, il s’agit de 84 130 $, pour l’exercice 2014-2015, de 84 360 $, pour l’exercice 2015-2016 et de 86 720 $ pour l’exercice 2016-2017. Les députés distribuent ces argents à leur entière discrétion, à la condition que le bénéficiaire soit un organisme sans but lucratif dûment immatriculé au Registraire des entreprises. DE-02-2017 Page : 50

[235] À la demande d’un député, le ministère prépare le chèque au montant et à l’ordre de l’organisme indiqué par celui-ci. Ce chèque est transmis au député qui le remet à l’organisme bénéficiaire. Sur réception d’une contribution financière, quelques organismes délivrent automatiquement ou sur demande, un reçu pour des fins fiscales. [236] Les circonstances alléguées au cours de l’enquête soulèvent des interrogations. En échange d’une contribution financière de l’État, en application du programme de soutien à l’action bénévole, un organisme sans but lucratif ou les membres de cet organisme accepteraient de verser une contribution politique au bénéfice du député ou de sa formation politique. Monsieur Gervais nie que ces échanges se soient produits. [237] Ce programme d’aide financière pourrait permettre ce genre de marché, à l’insu des autorités. À moins que le bénéficiaire de l’aide financière ne soit pas un organisme sans but lucratif dûment immatriculé, le ministère délivre un chèque en fonction des instructions du député, qui a la responsabilité de procéder à l’analyse de l’admissibilité. [238] Outre l’incitation à faire une contribution politique, il peut arriver que la somme accordée par le député corresponde exactement au prix des billets pour assister à un spectacle ou à un événement, y compris, dans certains cas, à un achat de publicité ou au paiement des frais d’adhésion à un groupe ou une association. Autrement dit, le député paie le ou les billets nécessaires à sa participation à un événement, les frais d’adhésion à une association ou de la publicité, avec le budget du programme de soutien à l’action bénévole. En outre, l’organisme sans but lucratif pourrait, dans certains cas, croire que l’aide financière est accordée en contrepartie d’un support politique de la part de ses membres, sous une forme ou une autre. [239] Le choix des organismes sans but lucratif qui reçoivent l’aide du député peut aussi soulever des interrogations. Par exemple, dans la circonscription de Groulx, pour les exercices 2014-2015 et 2016-2017, deux organisations, un collège d’enseignement général et professionnel et une chambre de commerce, qui représentent environ 2 % de la centaine d’organismes sans but lucratif soutenus par M. Surprenant, ont reçu, pour chaque exercice, 15 % de la somme totale allouée pour cette circonscription. [240] La simple possibilité que de telles situations se produisent, justifie d’apporter un support aux organismes sans but lucratif qui pourraient en être victimes. Par exemple, il s’agirait de mettre en place, comme cela a été fait dans d’autres domaines récemment, un lien de communication confidentiel afin que les organismes et leurs membres soient en mesure d’informer les autorités ou de lancer un appel à l’aide, avec l’assurance de ne pas mettre en péril le DE-02-2017 Page : 51

soutien financier qui, parfois, assure la survie des organisations bénévoles concernées. [241] Ce programme apporte un réel soutien à plusieurs organisations. Mais puisque l’éventualité de comportements contraires à la loi a été évoquée, il n’y a pas de chances à prendre pour assurer la pérennité de ce programme. Il est nécessaire de prévenir ces risques afin d’éviter de nuire aux organismes sans but lucratif qui ne disposent d’aucun recours. La saine gestion des fonds publics est en jeu. [242] Même s’il n’y avait qu’un seul cas, l’État doit, à mon avis, permettre aux organismes sans but lucratif et à leurs membres d’informer les autorités ou de lancer un appel à l’aide, avec la garantie d’une discrétion absolue, pour qu’ils ne risquent pas d’être privés d’un financement futur. 5.5. Mandat confié à monsieur Paulo Gervais

[243] Comme je l’ai mentionné dans l’exposé des faits, j’ai constaté, au cours de l’enquête, que le whip du deuxième groupe d’opposition, M. Martel, a confié un mandat particulier à monsieur Gervais, attaché politique de la circonscription de Groulx, représentée par M. Surprenant. Ce mandat portait sur la formation du personnel dans les bureaux de circonscription. L’objectif recherché par cette formation concernait principalement le travail en circonscription, en y ajoutant un volet partisan.

[244] En avril 2014, M. Surprenant avait engagé monsieur Gervais à titre de membre du personnel régulier en circonscription, à raison de 40 heures par semaine, moyennant un salaire annuel de 65 000 $. Cette rémunération est toujours versée par l’Assemblée nationale.

[245] Pour le mandat plus récent, confié par M. Martel, l’acte de nomination de monsieur Gervais précise qu’il effectuera ce travail à raison de 7 heures et demie par semaine, au taux de 35,90 $ l’heure. Le document est signé par M. Martel, le 26 mars 2015. Cette rémunération fut aussi versée par l’Assemblée nationale.

[246] À l’occasion de notre rencontre du 24 octobre 2017, M. Martel a tenu à rassurer le commissaire en lui indiquant qu’il avait été explicitement convenu avec M. Surprenant que monsieur Gervais était prêté à raison d’une journée par semaine. Pour cette journée, son salaire ne devait pas être payé par le bureau de circonscription de Groulx, mais par le bureau du whip. Selon M. Martel, il n’était pas question que les rémunérations s’ajoutent l’une à l’autre. Le DE-02-2017 Page : 52

bureau de M. Surprenant avait la responsabilité de réduire de façon correspondante la rémunération de monsieur Gervais. [247] Lors d’une rencontre que M. Alain David et moi avons eue avec M. Surprenant, le 31 octobre 2017, ce dernier nie qu’il ait été convenu de réduire la rémunération de son attaché politique et déclare que le salaire de monsieur Gervais n’a pas été réduit pendant qu’il recevait une deuxième rémunération de l’Assemblée nationale. Même si monsieur Gervais devait exécuter son mandat pour M. Martel le mercredi ou un autre jour de la semaine, c’est-à-dire pendant qu’il recevait une autre rémunération pour son travail d’attaché politique, à raison de 40 heures par semaine, M. Surprenant explique que monsieur Gervais était, en pratique, payé pour six jours par semaine, en ajoutant qu’il travaillait beaucoup, un « bourreau de travail », écrit-il. [248] Le 24 novembre suivant, M. Surprenant ajoute que selon monsieur Gervais, les discussions à ce sujet étaient claires. Ce dernier ne prenait cette surcharge de travail qu’à la seule condition que la rémunération provenant du whip soit en excédent de ce qu’il recevait à titre d’attaché politique au bureau de circonscription. [249] Les explications de M. Martel et de M. Surprenant, concernant les conditions applicables au double mandat de monsieur Gervais, se contredisent. En pratique, ce dernier a reçu son salaire d’attaché politique et son salaire de formateur. Les biens et les services fournis par l’État ont servi à payer deux salaires à une même personne pour une même période de travail. [250] Malgré l’irrégularité de la situation, M. Surprenant et monsieur Gervais n’ont rien fait pour normaliser cette double rémunération. [251] Si monsieur Gervais voulait être mieux payé ou si M. Surprenant voulait majorer le salaire de son attaché politique, les articles 14 et 15 du Règlement prévoient qu’il pouvait lui accorder un montant forfaitaire à titre de prime pour mérite, en respectant les conditions prescrites. « 14. Le député détermine le traitement de son personnel selon les masses salariales dont il dispose. Il peut en tout temps consentir à un membre de son personnel régulier le versement d’un montant forfaitaire à titre de prime au mérite. Dans ce cas, la période de référence du montant forfaitaire ne doit pas être supérieure à douze mois. 15. Le traitement annuel d’un conseiller ou d’un attaché politique, incluant un montant forfaitaire, ne peut être supérieur au maximum de l’échelle de traitement qui peut être accordé à un actuaire conformément aux règles qui s’appliquent aux professionnels non syndiqués de la fonction publique. » DE-02-2017 Page : 53

[252] À défaut de se conformer au Règlement, M. Surprenant avait la responsabilité de réduire de façon correspondante la rémunération de son attaché politique. De toute évidence, le salaire de monsieur Gervais en circonscription n’a pas été réduit. [253] En prenant connaissance de ces faits, je me suis interrogé sur l’objet du mandat d’enquête qui m’est confié. Il est circonscrit par les demandes qui ont donné lieu aux enquêtes, concernant M. Surprenant et M. Martel. Les activités de formation dont il est question ici, concernent l’apprentissage du travail des attachés politiques en circonscription, en y ajoutant un volet partisan. [254] Pour M. Martel, les demandes d’enquête ont fait l’objet de mon rapport d’enquête du 16 novembre 2017. Dans ce cas, je devais me prononcer sur des directives qui auraient été données par le whip et par son personnel au cabinet. Ils auraient demandé aux attachés politiques de s’adonner à des activités purement partisanes pendant des élections partielles. Mon mandat étant circonscrit par les demandes d’enquête concernant ces directives du cabinet du whip, j’en suis donc venu à la conclusion que je ne pouvais pas faire enquête sur la rémunération versée par M. Martel, à monsieur Gervais pour son mandat de formateur. [255] Dans le cas de M. Surprenant, les demandes d’enquête se rapportent à l’application des articles 15, 16 et 36 du Code. En particulier pour l’article 36, il s’agit d’examiner si M. Surprenant a permis l’utilisation des biens et des services fournis par l’État pour des activités liées à l’exercice de la charge de l’attaché politique ou non. Les activités pédagogiques de monsieur Gervais concernent la formation du personnel des députés de la CAQ pour plusieurs circonscriptions. [256] Il me semble pertinent de considérer ces faits dans le cadre de la présente enquête. Pour l’application de l’article 36 du Code, ils se rapportent aux circonstances entourant l’utilisation permise ou tolérée par M. Surprenant, des biens et des services fournis par l’État, dont le salaire de monsieur Gervais, pour des activités à l’extérieur de la circonscription de Groulx. [257] M. Surprenant a été informé de mon intention de disposer de cette situation dans le cadre de l’étude des demandes d’enquête qui le concernent. Les 31 octobre et 24 novembre 2017, il a eu l’occasion, avec l’appui de son avocat, de fournir ses observations et d’être entendu comme le prévoit l’article 96 du Code. Ses commentaires sont résumés dans les paragraphes qui précèdent. [258] Après avoir entendu les témoignages et pris connaissance des actes successifs de nomination de monsieur Gervais, je crois que M. Surprenant a permis ou toléré que les biens et les services fournis par l’État, dont la portion DE-02-2017 Page : 54

du salaire de monsieur Gervaisreçu en circonscription, pendant qu’il travaillait et était rémunéré par le bureau du whip, soient utilisés pour des activités qui ne peuvent pas être liées à l’exercice de sa charge dans la circonscription de Groulx. [259] Pour cette raison, je conclus que M. Surprenant a commis un manquement à l’article 36 du Code. 5.6. Gestion financière du bureau de circonscription [260] Les témoignages de M. Surprenant, monsieur Gervais, madame Nadeau et monsieur Gobeil-Nadon donnent un portrait confus de la gestion financière du bureau de conscription de Groulx. [261] Outre les dépenses qui sont payées directement par l’Assemblée nationale, en particulier les salaires et le loyer, chaque député reçoit, au début de l’exercice de sa charge, une avance de 5 000 $ qui sert à payer les frais engagés pour l’administration du bureau de circonscription, en attendant leur remboursement par l’Assemblée nationale. En principe, au fur et à mesure que les dépenses sont remboursées, l’avance de 5 000 $ redevient entièrement disponible, pour d’autres dépenses du bureau de circonscription de Groulx. [262] Pour les achats de matériel, par exemple, le papier, les crayons, parfois même le mobilier, le personnel du bureau de circonscription faisait, à certaines occasions, l’achat avec une carte de crédit ou de débit personnelle. Par la suite, madame Nadeau présentait une demande de remboursement à l’Assemblée nationale. Dans certains cas, la dépense était immédiatement remboursée à l’employé. Dans d’autres cas, on attendait d’avoir reçu le remboursement de l’Assemblée nationale pour rembourser l’employé par la suite. [263] M. Surprenant est l’ultime responsable de la gestion de l’avance de 5 000 $ qui lui est consentie par l’Assemblée nationale. Il doit en rendre compte même lorsqu’il fait appel à un membre de son personnel pour l’assister dans cette tâche. L’Assemblée nationale n’intervient pas dans la gestion de cette somme. M. Surprenant pourrait s’en servir à d’autres fins, sans que cela ne présente quelques difficultés que ce soient dans l’administration des dépenses du bureau. Les seules dépenses que l’Assemblée nationale contrôle sont celles pour lesquelles le député demande un remboursement suivant la procédure prescrite. [264] Dans la gestion financière du bureau de circonscription, certains fournisseurs ont été confrontés à des délais de remboursement inhabituels. Le 11 novembre 2015, l’un d’eux a demandé d’être payé d’avance pour les publicités radiophoniques. Semblant ignorer la somme de 5 000 $ dont il dispose à cette fin, M. Surprenant s’est offusqué de la demande du fournisseur DE-02-2017 Page : 55

en expliquant, dans un courriel, qu’il n’était pas de son intention de financer le gouvernement. Il écrit : « Êtes-vous en train de me dire que (xxxx) veut être payé d’avance et qu’il faudrait donc que je finance le gouvernement?... » Ce commentaire a attiré mon attention puisqu’il n’est pas alors question de financer le gouvernement, mais plutôt d’utiliser l’avance consentie par l’Assemblée nationale pour payer les fournisseurs en temps opportun. [265] Ce commentaire m’a d’autant plus surpris parce que les attachés politiques paient différents achats du bureau de circonscription avec leur propre carte de crédit ou leur carte de débit. Alors, ils financent M. Surprenant qui dispose pourtant d’une avance de fonds pour payer ces achats, sans avoir besoin de financer le gouvernement ou de demander à quelqu’un d’autre de le faire. [266] Dans certains cas, l’attaché politique devait attendre le remboursement de l’Assemblée nationale avant qu’il soit lui-même remboursé de la dépense effectuée avec son argent personnel. En plus, parmi les chèques remis aux employés pour les rembourser, certains ont été retournés par l’institution financière, vu l’absence de fonds au compte. Ce fut notamment le cas pour le chèque numéro 143 du 10 décembre 2015 fait à l’ordre de madame Andrée Godin, attachée politique au bureau de circonscription de M. Surprenant, au montant de 400,64 $. Je n’en croyais pas mes yeux lorsque j’ai constaté que le chèque numéro 149 du 29 décembre 2015, devant servir à remplacer le chèque précédent, fait à l’ordre de madame Godin, a aussi été refusé par l’institution financière. [267] M. Surprenant affirme qu’il n’a rien demandé à ses attachés politiques, qui faisaient ces dépenses à leur initiative et qu’il n’est pas responsable des chèques sans provision puisque c’est madame Nadeau qui s’occupait de cela. [268] Le 24 novembre 2014, M. Surprenant a présenté d’autres commentaires, verbalement et par écrit, en insistant sur le mauvais travail qui aurait conduit au retour des chèques sans provision. Il a aussi insisté sur le fait que lorsque le personnel choisissait de payer un achat, « c’est de leur plein gré qu’ils choisissaient bien librement de le faire ». En outre, M. Surprenant aurait fait la majorité des achats avec son argent. Il écrit : « Généralement, c’est moi qui déboursait de mes propres sous pour ces achats. ». Pour appuyer ses dires, il nous remet « les relevés des remboursements de dépenses de bureau pour les 2 années où Mme Nadeau a travaillé au bureau de comté de Groulx ». [269] Au sujet de ces relevés, il déclare : « Vous allez voir sur ces rapports- là, les remboursements qui ont été effectués ont presque tous remis l’argent à Claude Surprenant. C’est moi qui déboursais tout. J’ai pas calculé le nombre de cas que tout ça représente dans les deux ans qu’elle a travaillé pour moi. DE-02-2017 Page : 56

Une seule fois son nom [madame Nadeau] va apparaître comme quoi elle a demandé un remboursement de dépenses ». Alors, M. David demande à M. Surprenant : « Cela provient de l’Assemblée nationale? » et M. Surprenant répond : « Oui, monsieur. ». [270] Le document remis par M. Surprenant comprend 8 feuilles 8½ x 14 en format paysage qui semblent avoir été extraites de d’autres documents. Les trois premières feuilles indiquent en bas de page qu’il s’agit des pages 14, 15 et 16 d’un document imprimé le 22 février 2016. Les cinq autres feuilles indiquent en bas de page qu’il s’agit des pages 5 à 9 d’un document imprimé le 18 janvier 2016. Toutes les inscriptions indiquent que M. Surprenant est le bénéficiaire, sauf à la dernière ligne de la dernière feuille où l’on voit le nom de madame Julie Nadeau, au sujet d’une somme de 146,60 $. À la troisième feuille, le nom des bénéficiaires n’apparaît pas pour deux inscriptions. Ces photocopies ne portent aucune indication de leur provenance, ni du nom de la personne qui en est responsable. [271] Le témoignage de monsieur Gervais a été très précis au sujet des remboursements provenant de l’Assemblée nationale. Au paragraphe 101, ci- dessus, on peut lire que le remboursement des dépenses, dans cet exemple, assumées par monsieur Gervais, est effectué par l’Assemblée nationale au compte du député. Le cas échéant, ce dernier rembourse son employé. Ce qu’a déclaré monsieur Gervais explique le remboursement fait à madame Godin pour l’achat de timbres. Il provient du compte bancaire de M. Surprenant et non pas directement de l’Assemblée nationale. Madame Nadeau et monsieur Gobeil-Nadon nous ont donné des exemples de dépenses qu’ils ont effectuées avec leur argent personnel et pour lesquelles ils ont été remboursés par M. Surprenant, non pas par l’Assemblée nationale. [272] Par le dépôt de ces documents, M. Surprenant tente de convaincre le commissaire que c’est lui qui « déboursait tout » et que si la dépense était effectuée par un membre du personnel, l’Assemblée nationale remboursait l’attaché politique directement. Parmi les feuilles qu’il a produites, l’inscription relative à madame Nadeau au montant de 146,60 $ semble appuyer ses prétentions. Toutefois, dans son rapport du 30 novembre 2016, « Analyse des déboursés encourus au compte bancaire du comté de Groulx », madame Manon Roy, juricomptable mandatée par M. Surprenant apporte des précisions importantes. [273] Elle écrit à la page 45 de son rapport : « Toutefois, suite à une vérification complémentaire, M. Duchaine [membre du personnel administratif de l’Assemblée nationale] a de nouveau communiqué avec nous pour nous indiquer que le rapport de frais n’a pas été remboursé à DE-02-2017 Page : 57

Julie Nadeau, mais plutôt directement au compte bancaire du comté de Groulx. Voici les explications de Jimmy Duchaine à cet égard : « L’Inscription de la dépense s’est effectivement fait via notre module LSCD au nom de Julie Nadeau. Cependant, nous ne remboursons aucun frais de fonctionnement aux employés. Ainsi, dans notre module compte à payer, nous avons corrigé le fournisseur pour le compte de M. Surprenant [] Je vous confirme que le paiement a été fait à M. Surprenant malgré ce qui est indiqué sur [le document intitulé « Rapport de frais 2014 » extrait du système informatique]. » Ce débours a donc été remboursé par l’Assemblée nationale au compte bancaire du comté de Groulx lors du 4 novembre 2014, par le biais d’un virement (#5454106). Cette information est confirmée par le relevé bancaire du comté de Groulx, sur lequel figure le remboursement en question. Voici par ailleurs une inscription du rapport de frais portant le numéro 0370- 3469735 (qui, il est à rappeler, n’a finalement pas été remboursé par l’Assemblée nationale à Julie Nadeau, mais plutôt directement au bureau de comté) : « Impression personnalisée – Externe – laminage [photo Jimmy] Duchaine ». ». [274] C’est exactement cette inscription qui apparaît sur la dernière feuille que nous a remis M. Surprenant le 24 novembre 2017. Il est clair que ces commentaires de la juricomptable concernent ce sur quoi M. Surprenant a attiré notre attention le 24 novembre dernier [275] À la page 46 de son rapport, madame Roy ajoute ce qui suit, en conclusion : « Malgré ce que pourraient laisser croire certains documents, il s’avère dans les faits, après vérification, que l’Assemblée nationale n’a émis à Julie Nadeau aucun remboursement en lien avec la dépense de 146,60$ auprès de MP Reproductions. Le montant a plutôt été remboursé directement au compte bancaire du bureau de comté de Groulx, et le fournisseur a été payé comme il se doit. Au final, donc, nous n’avons pas relevé d’irrégularité financière en lien avec le chèque 181, et le débours de 146,59 $ n’a pas été assumé par Claude Surprenant. Il a été remboursé par l’Assemblée nationale, de manière conforme et légitime. » [276] Le 24 novembre dernier, M. Surprenant ne nous a pas communiqué ces précisions, qu’il connaît bien, puisqu’il s’appuie constamment sur ce rapport de madame Roy pour expliquer ses actions. Malheureusement, sans ces explications, je risquais d’arriver à une conclusion erronée. DE-02-2017 Page : 58

[277] En plus, contrairement à l’objectif recherché par M. Surprenant, le dépôt de ces feuilles ne prouve pas qu’il « déboursait tout », ni que l’Assemblée nationale pouvait rembourser directement un attaché politique pour une dépense payée avec son argent personnel. Je comprends que c’est tout le contraire. [278] Le dépôt de ces feuilles, en omettant de communiquer les explications de son propre expert, pourtant essentielles à la compréhension des documents, démontre plutôt que M. Surprenant a tenté d’induire le commissaire en erreur. La crédibilité de l’ensemble de son témoignage en est inévitablement affectée. [279] Je ne peux pas souscrire aux propos de M. Surprenant qui semble oublier la responsabilité première qu’il assume dans l’exercice de sa charge de député, plus spécialement dans la gestion des biens et des services qui lui sont fournis par l’État. Est-il besoin de rappeler que l’avance de 5 000 $ consentie à chaque membre de l’Assemblée nationale vise justement à éviter qu’un député soit éventuellement obligé de « financer le gouvernement ». Or, si une avance a été consentie au député, elle doit, de la même façon, servir à empêcher que les membres du personnel du député soient à leur tour obligés de « financer le gouvernement ». [280] Au regard des principes éthiques et des règles déontologiques du Code, une telle conduite de la part d’un député me paraît contrevenir aux valeurs de bienveillance, de convenance et de sagesse de l’Assemblée nationale, énoncées à l’article 6 du Code. Nous sommes alors en présence d’un élu qui fait appel à ses attachés politiques sans sembler se soucier de leurs moyens financiers et sans se soucier davantage du fait qu’il dispose d’une avance de 5 000 $ pour payer les dépenses de son bureau de circonscription. Il a la responsabilité de mettre en place les mesures de gestion financière élémentaires, inhérentes à l’exercice de sa charge et au maintien de la confiance de la population, conformément aux articles 8 et 9 du Code.

6. CONCLUSION [281] Pour madame Nadeau et monsieur Gervais, la preuve au dossier ne comporte pas d’éléments factuels, d’indices ou de contextes laissant croire que le volet partisan, de l’une ou l’autre des activités liées à l’exercice de la charge de ces attachés politiques, pourrait avoir pris une tournure à tel point politique que je devrais constater un manquement au Code. [282] Par contre, après avoir considéré la preuve, le travail effectué par monsieur Gobeil-Nadon en circonscription pour M. Surprenant me semble substantiellement de nature partisane. Il se confond avec l’exercice de son mandat de président de la CRCAQ. M. Surprenant a commis un manquement à DE-02-2017 Page : 59

l’article 36 du Code en permettant ou en tolérant que ces activités, qui ne sont pas liées à l’exercice de sa charge, soient effectuées par un membre du personnel politique rémunéré par l’Assemblée nationale. [283] Pour les activités purement partisanes identifiées au cours de l’enquête, l’absence de données précises sur l’emploi du temps de madame Nadeau et de monsieur Gervais, dans l’exercice de leur charge, ne permet pas d’avoir la preuve que les biens ou les services fournis par l’État furent réellement utilisés lorsque leurs activités purement partisanes ont été effectuées. Il est impossible d’en tirer une conclusion certaine. Par contre, dans le cas de monsieur Gobeil- Nadon, j’ai déjà conclu à la présence d’activités principalement partisanes plaçant M. Surprenant en situation de manquement à l’article 36 du Code. [284] Pendant l’exercice de ses fonctions au bureau de M. Surprenant, madame Nadeau déclare qu’elle devait préparer le compte rendu des réunions du CAL, comme le confirment les courriels échangés avec monsieur Gervais. Après analyse, je conclus que M. Surprenant a permis ou toléré que madame Nadeau se consacre à certaines activités purement partisanes dans l’exercice de sa charge, ce qui constitue un manquement à l’article 36 du Code. [285] Enfin, M. Surprenant a commis un manquement à l’article 36 du Code en permettant ou en tolérant que les biens et les services fournis par l’État, dont le salaire de monsieur Gervais, soient utilisés pour des activités qui ne peuvent pas être liées à l’exercice de sa charge dans la circonscription de Groulx. 7. RECOMMANDATION AU SUJET D’UNE SANCTION [286] Après avoir été informé de mes conclusions et des motifs à cet égard, M. Surprenant a eu l’occasion, le 24 novembre 2017, de fournir ses observations et d’être entendu sur la sanction qui pourrait lui être imposée. [287] Un manquement au Code n’implique pas une sanction dans tous les cas. Les circonstances doivent être prises en considération. Par exemple, s’il s’agit d’une erreur faite de bonne foi, sans autre conséquence, j’ai recommandé, dans certains rapports d’enquête, qu’aucune sanction ne soit imposée, malgré le manquement aux obligations déontologiques 16 . [288] Les circonstances de l’embauche du président de la CRCAQ, monsieur Gobeil-Nadon par M. Surprenant, et le maintien de la rémunération de

16 Rapport du Commissaire à l’éthique et à la déontologie du 1er décembre 2014, au sujet de madame Sylvie D’Amours, députée de Mirabel, DE-04-2014 et rapport du Commissaire à l’éthique et à la déontologie du 5 décembre 2014, au sujet de monsieur Pierre Karl Péladeau, député de Saint-Jérôme, DE-03-2014.

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monsieur Gervais pour la journée pour laquelle il était payé par le bureau du whip, ne peuvent pas, à mon avis, être associées à une erreur de bonne foi. [289] Si j’avais des doutes à ce sujet, les plus récentes interventions de M. Surprenant me forcent à douter de sa franchise. [290] M. Surprenant n’a pas préalablement consulté le commissaire ou le jurisconsulte. Il mentionne qu’il observait ce qui se faisait par ailleurs. Sur la base de ses observations, il s’est senti autorisé de faire ce qu’il avait observé. [291] Il a engagé un attaché politique possédant 20 ans d’expérience, à titre de responsable de son bureau. Malheureusement, M. Surprenant ne mentionne pas ce que son gestionnaire a fait dans les situations problématiques révélées par l’enquête. Il demeure silencieux, comme si ce responsable du bureau n’avait jamais existé. M. Surprenant a eu plusieurs occasions de faire connaître les actions prises par son bras droit pour assurer la bonne gestion de son bureau de circonscription. Ce silence me force à m’interroger sur le comportement de monsieur Gervais, dans les circonstances. [292] À titre de gestionnaire des fonds publics, mandaté par les citoyens de sa circonscription, il aurait raisonnablement dû vérifier et agir sans attendre, avec l’appui de son gestionnaire. Le faits qui ont été portés à notre connaissance soulèvent des interrogations légales et déontologiques sérieuses, non seulement pour l’embauche, mais également pour l’administration des biens et des services fournis par l’État. [293] L’exercice de la charge de député implique des responsabilités importantes qui exigent une conduite prudente et exemplaire, que l’on doit pouvoir soumettre à l’examen du public. Dans le contexte de l’enquête concernant M. Surprenant, les manquements que j’ai constatés ne peuvent pas, à mon avis, être excusés par l’inadvertance ou l’erreur de jugement faite de bonne foi. [294] M. Surprenant prétend que certaines difficultés résultent du mauvais travail de son personnel en circonscription, sans exprimer quelque reproche que ce soit à l’égard du responsable de son bureau de circonscription, monsieur Gervais. Il affirme que le rapport juricomptable de madame Manon Roy fait la démonstration de « l’arnaque » dont il aurait été victime. Toutefois, même si ces difficultés administratives étaient démontrées, elles n’ont aucun lien avec les manquements que j’ai constatés, en particulier, au sujet de la nature du travail confié à monsieur Gobeil-Nadon, des activités du CAL en circonscription, et de la double rémunération versée à monsieur Gervais. [295] Dans son administration du bureau de circonscription, le député est évidemment le premier responsable. Il lui incombe d’être attentif et d’agir avec DE-02-2017 Page : 61

diligence. Grâce aux services administratifs offerts à tous les députés par l’Assemblée nationale, il bénéficie du support d’un groupe d’experts pour l’accompagner dans les situations les plus délicates, c’est sa responsabilité de s’en servir au moment opportun, avec l’appui de sa formation politique. [296] Parlant des facteurs atténuants qui devraient être considérés dans la détermination de la sanction recommandée, l’avocat de M. Surprenant demande au commissaire de prendre en considération la très courte expérience du député, dont il aurait été victime. [297] En outre, M. Surprenant et son avocat soulignent que le député a déjà été lourdement pénalisé par les commentaires négatifs dont il a fait l’objet dans les médias, en plus d’être exclu de son parti. [298] Étant donné ma conclusion au sujet des manquements au Code commis par M. Surprenant et après avoir considéré attentivement les arguments qui précèdent, il ne serait pas suffisant de recommander qu’aucune sanction ne soit imposée. Avec la prudence inhérente à la fonction de député ainsi que le respect et la protection de l’Assemblée nationale et de ses institutions démocratiques, ces manquements auraient dû être évités. [299] La clémence sollicitée doit aussi être écartée à cause de la tentative de M. Surprenant de tromper le commissaire. [300] Ce comportement n’est pas digne d’un député. Avec ce genre de ruse à l’égard de l’institution chargée de l’application du Code d’éthique et de déontologie des membres de l’Assemblée nationale, les fondements du processus démocratique sont attaqués. [301] M. Surprenant a imprudemment manqué à ses obligations déontologiques et à son devoir de contribuer au maintien de la confiance de la population envers les députés et l’Assemblée nationale. Son subterfuge pour se soustraire aux conséquences de ses manquements a échoué. [302] Pour ces motifs, je recommande qu’une réprimande soit imposée au député de Groulx, monsieur Claude Surprenant.

(s) Jacques Saint-Laurent JACQUES SAINT-LAURENT Commissaire ad hoc 30 novembre 2017

ANNEXE : PERSONNES RENCONTRÉES

Toutes les personnes interviewées sont énumérées ci-dessous, avec leur titre au moment des événements visés par l’enquête.

1. Monsieur Stéphane Billette, whip en chef du gouvernement et député d’Huntingdon

2. Monsieur Paulo Gervais, attaché politique et responsable au bureau de circonscription du député de Groulx

3. Monsieur Yann Gobeil-Nadon, attaché politique au bureau de circonscription du député de Groulx

4. Madame Julie Nadeau, attachée politique au bureau de circonscription du député de Groulx

5. Madame Carole Poirier, whip en chef de l’opposition officielle et députée d’Hochelaga-Maisonneuve

6. Monsieur Claude Surprenant, député de Groulx