AA 1941 Fonds Joseph Jamar
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AA 1941 Fonds Joseph Jamar Introduction Le fonds concerne essentiellement Joseph Jamar, même s’il contient aussi quelques documents produits par son exécuteur testamentaire, l’archiviste général du Royaume Camille Tihon, et quelques autres en provenance de membres de la famille Jamar. L’homme Jean-François-Joseph Jamar naît à Stavelot le 19 janvier 1870 dans une vieille famille de robe liégeoise 1. Son père, François Jamar, terminera sa carrière de magistrat comme conseiller à la cour d'appel de Liège. Quant à sa mère, Clémence Sancy, elle compte dans sa lignée plusieurs magistrats et militaires de haut rang. Fils unique, Joseph Jamar – c'est ainsi qu'on l'appelle communément – accomplit ses études secondaires à l'athénée royal de Verviers, ville où son père officie alors comme président du tribunal de première instance. Sorti de l'enseignement secondaire en 1886, il est promu docteur en droit de l'université de Liège en 1891. Commence dès lors une carrière d'avocat, qu'il débute comme stagiaire auprès d'un des plus célèbres noms du barreau liégeois, maître Xavier Neujean. Très marqué par le décès en 1897 de sa mère, il souffre pendant des années d'un désarroi moral, encore aggravé par la mort en 1905 de son père. Mais si Jamar est fragile sur le plan psychologique, il est aussi un homme de loi brillant et travailleur. Après avoir pendant quinze ans pratiqué le barreau au palais de justice de Liège avec ardeur et talent, il entre en avril 1906 dans la magistrature comme juge au tribunal de première instance de Verviers, avant de devenir dès décembre 1907 substitut du procureur du Roi à Liège. Il s'y fait remarquer par des avis particulièrement autorisés en matière civile et des réquisitoires éloquents en matière correctionnelle. 1 Ont été utiles pour réaliser cette notice biographique, outre les renseignements trouvés dans les dossiers n° 1, 2, 5, 15, 16, 352 et 365 des archives, les brochures suivantes publiées par la Cour de cassation : Installation de M. le Président Jamar. Audience solennelle du 22 janvier 1935, Bxl, s.d. ; Installation de M. le Premier Président Jamar et de M. le Président Rolin. Audience solennelle du 1er février 1939, Bxl, s.d. ; Installation de MM. les conseillers Connart, Leperre, Fettweis et Smetrijns. Adieux de M. le Premier Président Jamar. Audience solennelle du 24 mai 1945, Bxl, s.d. ; Première chambre. Audience du 25 novembre 1954. Décès de M. J. Jamar, premier président émérite, Bruxelles, s.d. 1 Sous-lieutenant au bataillon des chasseurs à pied de la garde civique de Liège, il prend part à la défense du fort d'Embourg lors des combats d'août 1914. Les archives le révèlent en outre comme un fervent défenseur de la grève des tribunaux décrétée par la magistrature en février 1918. A partir de la fin de la Première Guerre mondiale, son ascension est fulgurante. En mars 1919, il est nommé conseiller à la cour d'appel de Liège grâce au soutien des conseillers provinciaux socialistes et libéraux. Issu d'une famille libérale, Jamar est en effet considéré à l'époque comme un libéral progressiste. Appelé à présider la Cour d'assises dans le cadre des causes passionnantes qui suivent la guerre, il s'y fait remarquer par son autorité et son impartialité scrupuleuse. Sa notoriété grandissante le mène dès mars 1923 à la Cour de cassation. Dans son nouvel environnement bruxellois, il acquiert petit à petit une sérénité qui lui manquait à Liège. Reconnu par ses pairs comme un jurisconsulte instruit et scrupuleux, d'une grande indépendance de caractère, il est choisi en fonction des règles de l'ancienneté comme président de la seconde chambre en janvier 1935, puis comme premier président de la Cour en janvier 1939. Mais ce qui aurait dû être une consécration, se transforme le 10 mai 1940 en un fardeau bien lourd à porter pour un célibataire de nature assez inquiète et de santé délicate. C'est que située au sommet de l'appareil judiciaire, la Cour de cassation constitue un des principaux interlocuteurs de l'occupant. Et face aux pressions de plus en plus fortes de ce dernier, la Cour est confrontée à un douloureux dilemme : soit protester violemment au risque de voir la justice nationale supprimée et les habitants du pays abandonnés totalement aux juridictions ennemies, soit faire des concessions au droit belge et international en espérant tout de même sauvegarder l'essentiel. Dans la pratique, Jamar et son principal collaborateur, le procureur général de la Cour, à savoir jusqu'à l'automne 1942 Adolphe Gesché, puis ensuite Raoul Hayoit de Termicourt qui en fait fonction jusqu'à la Libération, optent généralement pour la conciliation. En effet, si protestations il y a, elles restent le plus souvent discrètes et ne débouchent jamais sur des refus de coopérer, malgré plusieurs menaces de grèves. Relativement docile face aux exigences de l'occupant, le premier président est par contre un ardent défenseur des magistrats et avocats arrêtés ou menacés de l'être pour des actes juridiques posés dans l'exercice dans leurs fonctions. Admis à l'éméritat le 8 juin 1945, Joseph Jamar a la grande satisfaction de voir sa politique de moindre mal pratiquée sous l'Occupation approuvée par l'Etat via l'attribution de la croix civique de première classe. Cependant, sensible aux critiques qui lui parviennent, il consacre une grande partie des dernières années de sa vie à rédiger des mémoires de guerre qui justifient, pièces à l'appui, son attitude et celle de la Cour de cassation en 1940-1944 2. Coupé depuis sa retraite de pratiquement de tout lien avec la vie publique, il ne se manifeste plus officiellement que pour défendre les magistrats honoraires dans le conflit qui les oppose au gouvernement à propos de la façon de traiter leur éméritat sur le plan financier. 2 JOSEPH JAMAR, Mémoires de guerre, 1940-1944, doc. dact. s.d. [1950], 130 p. Ce document est conservé au CEGES sous la cote AB 778. 2 Miné par la solitude et la maladie mais réconforté par une foi profonde qui semble l'avoir soutenu pendant la majeure partie de son existence, cet homme sensible, modeste et (trop?) prudent, mais en même temps rigoureux et d'une grande énergie morale, s'éteint le 15 novembre 1954. Les archives En l'absence de descendance, Joseph Jamar décide de confier ses archives à son ami et exécuteur testamentaire, l'archiviste général du Royaume Camille Tihon. Au décès de ce dernier en 1972, elles passent entre les mains de son fils, l'historien et professeur aux Facultés universitaires Saint-Louis à Bruxelles André Tihon. Celui-ci les lègue au CEGES le 20 octobre 2004. Quelques dossiers, liés à la succession de Joseph Jamar, ont encore été remis par André Tihon au CEGES le 3 février 2016. D'un volume relativement moyen – à peine trois, quatre mètres courants – le fonds Jamar se décompose, comme évoqué au début de cette introduction, en trois parties inégales. La plus importante sur le plan quantitatif, mais aussi à n'en pas douter qualitatif, est celle dont Joseph Jamar a été le producteur. Les deux autres, reflets de la production de la famille Jamar et de Camille Tihon, sont en effet de faible ampleur et d'un intérêt essentiellement familial. Le fonds Joseph Jamar contient lui-même une part non négligeable de documents (archives et documentation) liés à la famille de l'intéressé prise dans un sens large, puisque Joseph Jamar était féru de généalogie. L'essentiel pour l'historien du XXe siècle se trouve évidemment dans les trois quarts restants du fonds consacrés presque exclusivement à la vie professionnelle de Jamar. Et dans ces documents en rapport avec sa carrière de magistrat – aucun document n'a été retrouvé traitant de son travail d'avocat – l'immense majorité des dossiers concerne la période de la seconde occupation, même si quelques pièces intéressantes traitent aussi des périodes 1918-1919, janvier 1939-avril 1940, septembre 1944-juin 1945 et surtout de l'époque de son éméritat, pour laquelle le fonds rassemble quelques copieux dossiers en rapport avec la question du traitement des magistrats honoraires. On ajoutera en outre que fonds contenait de nombreuses brochures biographiques, aujourd'hui versées dans la bibliothèque, très précieuses pour réaliser une prosopographie des plus hauts magistrats du pays vers les années 1930-1950. Le cœur du fonds a donc trait à l'activité de Joseph Jamar comme président de la Cour de cassation entre mai 1940 et septembre 1944. Il convient cependant de préciser qu'un certain nombre de pièces, destinées à servir de documentation aux questions traitées, datent de périodes antérieures, en particulier de la première occupation du pays. Fidèle à la façon dont les dossiers avaient été constitués par Jamar, cette partie centrale du fonds se présente par grands thèmes : après une série de dossiers relatifs à l'attitude de la Cour de cassation, de la magistrature et plus largement du pouvoir judiciaire sous l'Occupation, sont abordés les principaux sujets ayant fait l'objet de débats et de tensions au sein des autorités administratives et judiciaires belges, et surtout entre ces autorités et les pouvoirs allemands. Sont ainsi abondamment développées la question des délégations des pouvoirs en temps de guerre, celle concomitante du pouvoir des secrétaires généraux, la question royale, celle des juridictions administratives, des abandons de poste en mai 1940, des corporations, du travail obligatoire et des grandes agglomérations. Une part importante du 3 fonds a aussi trait à des problèmes de personnes que ce soit pour les défendre (les avocats ou magistrats sanctionnés par l'occupant ou attaqués par les collaborateurs, l'auditeur général Walter Ganshof van der Mersch) ou pour les mettre en cause (le secrétaire général à la Justice Gaston Schuind, le procureur général Charles Collard, le premier président F.