Numéro 25 ­ Janvier 2013 ASTRONotes

Les pionniers

1ère partie

Il y a 10 ans Europe Columbia L'heure des décisions 2 ASTRONotes 25 Janvier 2013 SOMMAIRE ASTRONotes 25 (Janvier 2013)

L'AstroNotes est une revue trimestrielle qui sort le 01/01, 01/04, 01/07 et 01/10 en complément d'informations au site Destination Orbite. Elle est téléchargeable au format PDF. A L A U N E 4 Destination Orbite, le site de l’exploration de l’espace. Vous pouvez le visiter à Il y a 10 ans, Columbia 4 l'adresse www.destination­orbite.net

Retrouvez également A C T U A L I T E 8 Destination Orbite sur www.facebook.com/pages/DestinationOrbite/ Les news 8 L'espace au jour le jour 12 Rédaction Philippe VOLVERT E V E N E M E N T 1 8 Couverture Robert Goddard et sa première fusée – Europe ­ L'heure des décisions 18 Photos Nasa, ESA D O S S I E R 2 0 Du carburant solire au liquide 22 Les Française de la première heure 26 A la mode allemande 28 A G E N D A 3 0 Ou découvrir l'espace 30

Janvier 2013 ASTRONotes 25 3 I L Y A 1 0 A N S C O L U M B I A Premier février 2003. Au terme d'une mission réussie de 15 jours, la navette Columbia et ses 7 passagers s'apprêtent à rentrer sur Terre. Alors qu'il ne reste qu'un quart d'heure avant l'atterrissage, la navette se désintègre, plongeant la Nasa dans une nouvelle crise.

EQUIPAGE De gauche à droite: David M. Brown (Spécialiste de Mission), Rick D. Husband (Commandant), Laurel B. Clark (SM), Kalpana Chawla (SM), Michael P. Anderson (SM), William C. McCool (Pilote) et Ilan Ramon (Spécialiste charge utile ­ Israël) ­ Photo Nasa

4 ASTRONotes 25 Janvier 2013 16/01/2003 La mission STS­107 n'avait aucun lien avec la station spatiale internationale. Par conséquent, elle n'était pas jugée prioritaire, ce qui explique les nombreux glissements de la date de lancement dans le manifeste de la Nasa. A la date du 10/11/1999, on parlait d'un lancement pour le 11/01/2001. En 2002, la date du 27 juin est officialisée mais ne peut­être tenue en raison d'un problème technique sur les moteurs affectant tous les orbiters. Le calendrier a du être remanié, repoussant au 16/01/2003 la date de lancement ­ Photo Nasa

Janvier 2013 ASTRONotes 25 5 01/02/2003 ­ 08:10 LOCALE Après une mission de 16 jours pleinement réussie, les astronautes de Columbia s'apprêtent à revenir sur Terre. Les astronautes filment leur rentrée. L'enregistrement s'arrête quelques minutes avant le début des ennuis. La vidéo sera trouvée quelques jours après l'accident ­ Photo Nasa

01/02/2003 ­ 08:54 LOCALE Alors que la phase la plus chaude de la rentrée a débuté quelques minutes plus tôt, un astronome amateur saisit le survol du Nouveau­Mexique par la navette alors qu'elle est en train de perdre des morceaux de son aile gauche ­ Photo Gene Blevins/Los Angeles Daily News

01/02/2003 ­ 08:59:32 LOCALE Plus les minutes passent et plus la situation s'empire. Les capteurs lachent les uns après les autres. Le centre de contrôle tente d'entrer en contact avec l'équipage de Columbia. Rick Husband a tout juste le temps de lancer un "Roger, uh, bu" lorsque les communications sont coupées. Quelques secondes plus tard, Columbia se désintègrait au­dessus du ciel du Texas. Il ne restait que 16 minutes avant l'atterrissage en Floride ­ Photo Gene Blevins

6 ASTRONotes 25 Janvier 2013 16/01/2003 L'enquête s'oriente rapidement vers un incident qui s'est produit à la 81ème seconde de vol le jour du lancement. Un morceau d'isolant s'est détaché du réservoir et est venu percuter l'aile gauche de la navette ­ Photos Nasa

26/08/2003 La commission d'enquête chargée d'élucider la cause de l'accident de Columbia rend son rapport. C'est maintenant officiel. Un morceau d'isolant est venu percuter le bord d'attaque de l'aile gauche, créant un trou béant par où s'est engouffré l'air chaud qui a détruit la structure d'aluminium.

Après l'accident, il a fallu rechercher sur une zone de plusieurs milliers de km² étendue sur 3 états les débris de la navette. Seul un tiers Columbia sera récupéré.

Quelques jours après l'accident, la nation rend hommage à ses astronautes. Le Président Bush confirme que le voyage dans l'espace continuera ­ Photos Nasa

Janvier 2013 ASTRONotes 25 7 LES NEWS L E S B R E V E S

Explosion spatiale B I L A N 2 0 1 2 Le 06 août dernier l’étage Briz M n’avait pu placer correctement sur orbite les sa­ tellites Express MD2 et Telkom 3 suite à une panne moteur. Cette panne n’est pas restée sans conséquence puisque les réservoirs remplis en N2O4 et UDMH ont fini par exploser rependant des centaines de débris sur orbite. Plus de 500 d’entres eux sont suivis par les radars du Joint Functional Component Command for Space afin de prévenir tous risques de collision.

Une soprano dans l'espace La soprano anglaise Sarah Brightman va pouvoir réaliser l’un de ces rêves, celui d’aller dans l’espace. Elle a trouvé un accord avec la société Space Adventure pour son affection à un équipage à desti­ Photo Nasa/JPL­Caltech/MSSS nation de l’ISS et devrait y séjourner une dizaine de jours. Elle a été invitée par L’année 2013 commence avec un rapide coup dans le rétroviseur sur l’an­ l’agence spatiale russe Roskosmos pour née qui vient de s’achever. Contrairement à ce que l’on aurait pu penser, suivre l’entraînement nécessaire à ce vol l’actualité spatiale s’est révélée toute aussi riche malgré la fin du pro­ programmé pour 2013. gramme de la navette spatiale. Quelle fin pour Herschel? Le compteur affiche 78 lancements dont 72 parfaitement réussis, permet­ Une équipe internationale de plus de 30 tant la mise sur orbite de 132 satellites. A noter que 3 lancements n’ont scientifiques souhaiterait que l’on utilise le été que des succès partiels avec la perte totale ou en partie de la charge télescope européen Herschel comme im­ utile. Deux des trois lancements concerne la fusée Proton et l’autre la fu­ pacteur lunaire. L’objectif affiché est sée Falcon (voir L’Actualité au jour le jour). Le record est détenu par la d’observer le nuage de poussière soulevé Russie avec 29 lancements si l’on prend en compte ceux des fusées Soyuz par l’impact et déterminer la présence ou depuis la Guyane. Loin derrière mais en seconde position, on retrouve la non de glace d’eau sous la couche de ré­ Chine avec 19 lancements, tous couronnés de succès. On notera égale­ golite. L’ESA étudie l’intérêt d’une telle ment la mise en service de VEGA par l’Europe et la mise sur orbite réussie manœuvre et comment la réaliser sa­ du premier satellite nord­coréen. chant que Herschel circule sur une orbite au point Lagrange L2 à 1,5 millions de Dans le domaine des vols habités, on retiendra très certainement le pre­ km de la Terre contre 400 000 km pour la mier vol longue durée pour la Chine à bord d’un laboratoire orbital. Le Lune. vaisseau est resté amarré à Tiangong durant 1 mois avec un équipage composé entre autre de la première femme taïkonaute. Du côté Successeur à GRACE de l’ISS, la ronde des équipes s’est poursuivie avec quatre relèves grâce La Nasa vient de passer commande au­ aux vaisseaux Soyuz TMA M. près d’EADS Astrium de deux satellites. L’exploration du système solaire n’est pas en reste. Dans la matinée du 06 Ils remplaceront le duo GRACE (Gravity août 2012, le rover Curiosity se posait en douceur sur la Planète Rouge Recovery and Climate Experiment), mis­ pour une mission d’exploration d’une année martienne minimum, soit 687 sion menée conjointement avec jours terrestres. Le site d’atterrissage choisi est le cratère de Gale qui au­ l’Allemagne pour la cartographie du rait été, selon les scientifiques, propice à l’apparition de la vie à un mo­ champ gravitationnel de la Terre. Les sa­ tellites GRACE Follow­On, d’une masse ment ou un autre. unitaire de 590 kg, devraient être lancés Le 05 septembre dernier, la sonde Dawn quittait l’orbite de l’astéroïde en 2017. Vesta qu’elle a étudié en détail pendant près d’un an. Elle s’en va re­ joindre son second objectif, la planète naine Cérès qu’elle atteindra en fé­ Passages de l'ISS vrier 2015. La Chine a clôturé l’année avec le survol par la sonde Chang’e Vous désirez connaître les heures du 2 de l’astéroïde Toutatis à 3 km de distance alors que le petit corps ro­ survol de la ville la plus proche de chez cheux passait à 10 millions de km environ de notre planète. vous par l’ISS ? Inscrivez­vous sur le site http://spotthestation.nasa.gov/

8 ASTRONotes 25 Janvier 2013 A L A M O D E B U Z Z L’ E C L A I R Selon le magazine Time, l’une des 26 meilleures in­ ventions de l’année 2012 est le dernier prototype de combinaison spatiale que la Nasa est actuellement en train de mettre au point. Avec les nouveaux projets d’exploration planétaire, l’Agence Spatiale souhaite mettre à disposition de ses astronautes des combinaisons plus adaptées que celles utilisées jusqu’à ce jour. Pour travailler à l’exté­ rieur de la station spatiale, les bonnes vieilles combi­ naisons développées au début de l’ère de la navette dans les années 70 sont suffisantes mais elles présen­ tent l’inconvénient d’être peu maniables. En raison de leur rigidité, il faut plusieurs heures à un astronaute pour la vêtir et l’enlever une fois réintégré dans le vaisseau. D’où l’idée de développer une combinaison offrant plus de flexibilité aux utilisateurs. Le proto­ type Z1 est ancré à l’extérieur du vaisseau, permet­ tant aux astronautes de l’enfiler en s’y introduisant Photo Nasa par une trappe fixée à l’arrière. L’avantage du sys­ tème rend inutile la présence d’un sas, augmentant l’espace de vie pour l’équipage. Mais ce n’est pas le seul. Lors des missions Apollo, les astronautes rame­ S AV I E Z ­ V O U S Q U E naient avec eux la poussière lunaire qui s’était collée à leur combinaison. Celle­ci s’infiltrait partout, y com­ Le 24 janvier prochain, Opportunity, le rover de la Na­ pris dans les joints des combinaisons, créant de mi­ sa, aura dépassé de 36 fois sa durée de vie initiale ? nuscules dépressurisations. Le prototype Z1 n’ira Conçu pour fonctionner 3 mois, il fêtera ce jour là ses 9 jamais dans l’espace mais servira de base pour la pro­ ans d’activité sur la surface de Mars. chaine génération de combinaisons spatiales.

R E C O N V E R S I O N S PAT I A L E La Nasa vient de solliciter l’avis de la communauté scienti­ fique afin qu’elle soumette des propositions d’utilisation de deux télescopes spatiaux issus d’un projet de satellites espions aujourd’hui abandonné. L’idée n’est pas neuve puis­ qu’elle remonte à janvier 2011 lorsque le propriétaire de ces engins, le National Reconnaissance Office, avait proposé de reconvertir deux de ses satellites stockés en pièces détachées dans un hangar de la compagnie ITT Exelis, à Rochester (illustration ci­contre). Ce n’est qu’en juin dernier que l’an­ nonce a été rendue publique après qu’un collège d’experts ait examiné l’intérêt de l’offre. Chaque engin est équipé d’un mi­ roir de 2,4 mètre dotés d'une focale plus courte et d'un champ plus grand que Hubble. Il existe dans les cartons des astronomes le projet Wfirst évalué à 1,5 milliard $ dédié à l’étude des supernovae loin­ taine. L’idée serait de le concrétiser en utilisant les pièces données par le NRO. La Nasa économiserait jusqu’à 250 mil­ lions $ ainsi que quatre ans sur le calendrier. Il resterait à construire le satellite lui­même équipé de panneaux solaires, d’un système de communication et d’orientation, développer les logiciels qui permettent son exploitation, construire les dé­ tecteurs ainsi qu’assurer le lancement par une fusée. Reste à déterminer si c’est envisageable dans le cas contraire, les suggestions seraient la bienvenue afin de profiter au mieux Photo Nasa de l’acquisition faite par l’agence spatiale.

Janvier 2013 ASTRONotes 25 9 C H A N G E M E N T D E S A I S O N S S U R T I TA N Depuis l’équinoxe de Saturne en août 2009, les scientifiques se sont attardés sur les changements de saison de Titan, la plus grosse lune de la planète aux anneaux. A l’arrivée de Cassini en orbite autour de Saturne en juillet 2004, Titan présentait au pôle nord, plongé dans la saison hivernale, une couche de brume observée par la sonde Cassini. Elle se développe au­dessus de la couche nuageuse tout en restant isolé de cette dernière, surplombant le pôle à une altitude comprise entre 400 et 500 km. En août 2009, arrivait l’équinoxe amorçant le changement saisonnier. L’été s’installait au pôle nord tandis que l’hiver prenait ses quartiers au pôle sud. Au cours des 6 mois suivants, les scientifiques ont observé une hausse significative de la température des gaz atmosphériques entre 400 et 500 km au pôle Sud ainsi que la formation d’un vortex qui aurait pour origine des masses atmosphériques arrivées de l'hémisphère Nord, qui commenceraient à descendre et se comprimer en se réchauffant. La sonde a mesuré une concentration de gaz atmosphériques riches en hydrocarbures au­dessus du pôle Sud qui a augmenté de 100 fois alors que leur vitesse de descente représentait 1 à 2 millimètres par seconde. Le phénomène s’expliquerait par une circulation des masses atmosphériques à plus de 400 km, zone où les molécules fusionnent de manière particulière, formant ainsi la brume. Le plus étonnant est la rapidité avec laquelle les changements s’opèrent. Sur Titan, une saison dure 7,5 ans, ce qui laissait entendre des changements lents. Or, les observations faites montrent qu’il n’en est rien. Tout cela se passe en 6 mois à peine, soit l’équivalent de 12 journées sur Titan.

Photo ESA/C. Carreau

U N A N D A N S L ' E S PA C E On en parlait depuis un moment déjà. Désormais c’est officiel. Deux membres d’équipage resteront à bord de la station spatiale internationale durant une année complète. La Nasa et Roskosmos viennent de sélectionner l’astronaute américain Scott Kelly et le cosmonaute russe Mikhail Kornienko. Ils dé­ colleront du Kazakhstan à bord d’un vaisseau Soyuz au printemps 2015 et reviendront un an plus tard par le même moyen. L’objectif de cette mission longue durée est de préparer les fu­ turs équipages pour des missions à travers le système solaire avec Mars comme point d’orgue. Il s’agit avant tout d’étudier les effets de l’absence de gravité sur une longue période in­ interrompue, notamment sur la masse musculaire, la densité osseuse, la vision mais également les effets psychologiques. Il existe très peu d’études sur le sujet. En effet, la durée des missions à bord de l’ISS n’excède pas 6 mois. Cependant, des expériences du genre ont déjà été réalisées à bord de la sta­ tion russe Mir. Quelques cosmonautes sont restés un an dans l’espace dont Valeri Polyakov qui détient le record absolu du séjour le plus long au cours d’une seule et même mission avec 437 jours, 17 heures et 58 minutes. Photo ENSaAsa/C. Carreau

10 ASTRONotes 25 Janvier 2013 D E U X E C H E C S PA S S E S S O U S S I L E N C E En octobre dernier, le IHS Jane's Analysis publiait dans son hebdomadaire un article qui affirmait, avec images à l’appui, que l’Iran venait d’essuyer deux échecs suc­ cessifs de sa fusée Safir 1B. L’histoire commence le 02 mai 2012 lorsque le direc­ teur de l’Agence Spatiale Iranienne, Hamid Fazeli, an­ nonce la mise sur orbite d’ici 1 mois du satellite . Ses propos sont confirmés dans les jours suivants par deux ministres du gouvernement iranien, à savoir Mehdi Farahi (Ministre chargé des industries et de l’aé­ rospatial) et Ahmad Vahidi (Ministre de la défense). Une date est même avancée, celle du 23 mai. Le Jour J, aucune information n’est diffusée, tant du côté iranien que du côté du NORAD (Commandement de la défense aérospatiale de l'Amérique du Nord) chargé de surveiller l’orbite terrestre. Il faudra attendre le 29 mai pour qu’une déclaration émane des autorités iraniennes. Par la voix de Hamid Fazeli, on apprend que le lancement du satellite Fajr a été reporté d’une dizaine de mois. Les satellites d’observation de la Terre qui survolent régulièrement le site de Semnan disent le contraire et permettent d’affirmer avec certi­ Photo Digital Globe tude qu’il y a bien eu un lancement récemment. Fathollah Karami, membre du Comité de Développe­ ment des Technologies Aérospatiales, maintient la version iranienne tout en expliquant que les micromoteurs destinés aux manœuvres orbitales présentent un défaut. Le 12 juillet, Hamid Fazeli déclare que le satellite Fajr subit ses derniers tests et devrait être lancé bientôt. Il se montre plus explicite dans les jours suivants en fixant le lancement dans 2 à 3 mois ce qui nous amène à fin septembre au plus tôt. Des images satellites indiquent qu’un lancement a bien eu lieu entre le 23 septembre et 25 octobre mais qu’il se serait soldé par un échec. Il semblerait que la fusée ait explosé au décollage, endommageant les installations au sol (image ci­ contre). L’interprétation suivante n’engage que l’auteur. En analysant les évènements, on peut en conclure que les Iraniens ont tenté de passer sous silence l’échec de la mise sur orbite du satellite Fajr du 23 mai. Les déclara­ tions des autorités par la suite ne concernent pas ce satellite Fajr mais sa doublure tout en laissant croire qu’il s’agissait du satellite original. Le second lancement, dont la date est à ce jour impossible à déterminer, s’est terminé par une explosion au sol comme le montre les images satellites prises quelques jours plus tard. Là aussi, la déconvenue est placée sous silence.

PA S D E M E T H A N E P O U R C U R I O S I T Y Le renifleur SAM (Sample Analysis at Mars) qui équipe le rover Curiosity n’a pas réussi à détecter la quantité de méthane à laquelle les scientifiques s’at­ tendaient. Tout au plus, il en a compté 3 particules par milliard contre 15 à 30 pour les observations faites par la sonde Mars­Express et le télescope Ge­ mini situé à Mauna Kea sur les îles d’Hawaï. Ce gaz, qui se mélange très bien avec les autres particules atmosphériques, a une durée de vie de 300 ans. Il résulte d’un processus volcanique ou biologique. Les scientifiques ont effectué une série de 3 mesures afin d’éliminer la possi­ bilité d’une contamination terrestre de l’instrument. Rien n’est perdu pour autant. Les observations précédentes suggéraient une présence locale et sai­ sonnière. Il se trouve que justement les prélèvements de SAM coïncident avec la saison où la présence de méthane est quasi inexistante. D’autres analyses seront effectuées durant la mission qui doit s’étaler sur une année martienne. Avec un peu de chance, et à supposer que le cratère de Gale est un lieu privilégié pour sa présence, peut­être que Curiosity en détectera suffi­ samment lorsque la saison sera plus propice. Photo Nasa/JPL/MSSS

Janvier 2013 ASTRONotes 25 11 L'ESPACE AU JOUR LE JOUR O C TO B R E 2 0 1 2

04/10: Une fusée Delta 4M+(4,2) décolle du pas de tir 37B de la base de lancement de Cap Canaveral en Floride et place sur orbite le troisième satellite GPS IIF. Si le lancement est un succès, il semblerait que le lan­ ceur ait connu un problème en vol. Quelques minutes après la satellisation, l’opérateur ULA annonçait que l’apogée était de 4 km plus bas que celui visé. Le mo­ teur cryogénique de l’étage supérieur, le RL10B­2, au­ rait connu une baisse de régime le contraignant à fonctionner 38 secondes supplémentaires pour compen­ ser le déficit de vitesse. ULA annonce qu’une enquête devra déterminer les raisons de l’anomalie et en atten­ dant, les vols de Delta IV mais aussi d’Atlas V sont suspendus. Bien que le moteur embarqué sur l’étage cryogénique d’Atlas V soit différent de celui de Delta IV, ils ont une architecture suffisamment similaire que pour procéder à des vérifications supplémentaires.

08/10: Début de la mission Dragon CRS­1 (Commercial Resupply Services 1), première mission privée utilisant un vaisseau opérationnel. Elle commence sur le pas de tir 40 à Cap Canaveral en Flo­ ride d’où une fusée Falcon 9 de SpaceX décolle. Elle doit placer sur orbite le vaisseau Dragon et un petit sa­ tellite de communications . Au bout de 80 se­ condes de vol, l’un des neufs moteurs du premier étage cesse de fonctionner. L’incident ne porte pas conséquence sur le lancement puisque la fusée est conçue pour poursuivre sa mission en dépit de la panne d’un moteur en vol. Une analyse de la télémé­ trie indique que l’ordinateur de bord a détecté une baisse de pression dans le moteur et a commandé de suite son arrêt ce qui a provoqué un relâchement de pression au niveau de la protection aérodynamique du moteur qui s'est arrachée (Photo ci­contre). Si le vais­ seau Dragon a pu rejoindre son orbite, le satellite Orbcomm FM44 s’est retrouvé sur une orbite trop basse et n’a pu être sauvé. Il s’est désintégré dans les hautes couches de l’atmosphère dans les heures suivantes. SpaceX et la Nasa annonce la mise en place d’une enquête qui devra déterminer les causes de l’incident et proposer toute une série de mesures correctrices. Photos SpaceX 10/10: Après une course poursuite de 2 jours, le cargo Dragon est arrivé en temps et en heure à son rendez­ 12/10: Une fusée Soyuz 2.1a/Fregat lancée du Centre vous avec la station spatiale internationale. Les astro­ Spatial Guyanais place sur orbite les satellites Galileo nautes l'ont récupéré à l'aide du bras robotisé et l'ont FM­3 et 4 (700 kg chacun). L’Europe dispose désor­ conduit au module Harmony où il restera amarré avant mais d’un embryon de réseau de navigation par sa­ son retour sur Terre le 28 octobre prochain. tellites grâce aux 4 exemplaires IOV (In Orbit Validation). Il ne s’agit pas encore de satellites plei­

12 ASTRONotes 25 Janvier 2013 nement opérationnels mais ils rejoindront la constella­ 29/10: Quelques heures après avoir été désamarré de tion qui comportera jusqu’à 30 satellites d’ici fin 2014. la station spatiale internationale, le cargo de ravitaille­ Leur durée de vie est de 14 ans minimum. Ils ont été ment Dragon a amerri au large des côtes califor­ construits par EADS Astrium pour le compte de niennes. Ce retour sur Terre met un terme à une l’Agence Spatiale Européenne. mission logistique de 18 jours. Il s'agissait de la pre­ mière des 12 missions pleinement opérationnelles de 14/10: Une fusée chinoise Chang­Zheng 2C décolle du SpaceX dans le cadre du programme COTS de la Nasa. centre spatial de Taiyuan. Elle est chargée de placer sur orbite le duo Shijian 9 dédié à la recherche techno­ 31/10: Alors que Dragon vient d’achever sa première logique. SJ­9A et 9B ont été construits par la mission opérationnelle, un autre ravitailleur prend la Commission Chinoise de la Science, Technologie et route pour la station spatiale internationale. Le vais­ Industrie pour la Défense Nationale. L’un des do­ seau Progress M­17M est lancé du cosmodrome de maines de recherche des satellites sera la propulsion Baïkonour par une fusée Soyuz. Au terme d'une procé­ électrique. dure de rendez­vous rapide, 6 heures au lieu de 50 habituellement, l'engin s'amarrait correctement à la 14/10: Quelques heures après le succès de la fusée chi­ station spatiale internationale. A bord se trouve 2,4 noise, c’est au tour de Proton de prendre la route des tonnes de diverses fournitures pour les équipages du étoiles. C’est son premier vol depuis la perte des sa­ complexe orbital. tellites Telkom 3 et Ekspress­MD 2 en août dernier. Cette fois, l’étage supérieur Briz M s’est comporté N O V E M B R E 2 0 1 2 comme prévu et a permis la mise à poste du satellite , le 11ème lancé par Proton pour le compte 01/11: Les astronautes Sunita Williams (ci­dessous) et d’Intelsat. Le satellite d’une masse de 2 730 kg devra Akhihiko Hoshide ont effectué ce jeudi une sortie assurer des services de télécommunications pendant extravéhiculaire afin de réparer une fuite dans le sys­ 15 ans pour les continents américains, africains et eu­ tème de refroidissement à base d'ammoniac du radia­ ropéens. teur de la poutre P6. L'intervention délicate aura duré 06 heures et 38 minutes portant à 1 049 heures et 1 17/10: L’Inde se tourne vers Arianespace pour la mise minute la durée totale des EVA (166) depuis le début à poste de deux de ses satellites et pour deux options de l'assemblage du complexe orbital en 1998. de lancement. G­Sat 7, d’une masse de 2 550 kg, ser­ vira les télécommunications multi­bandes. Insat 3D, 2 100 kg au lancement, est un satellite de météorologie. Le lancement de chacun des satellites est prévu au se­ cond trimestre 2013 par Ariane 5.

23/10: Le vaisseau Soyuz TMA­06M transportant les cosmonautes Oleg Novitskiy, Evgeny Tarelkin et l'astro­ naute américain Kevin Ford s'est envolé cosmodrome de Baïkonour. Après une course poursuite de deux jours, il rejoindra la station spatiale internationale afin de compléter l'équipage Expedition 33 commandé par l'astronaute américaine Sunita Williams.

25/10: Mise sur orbite réussie du satellite BD­2 G6 du programme chinois de géolocalisation COMPASS. Il a été lancé par une fusée Chang­Zheng 3C qui a décollé du centre spatial de Xichang. C’était le 15ème lance­ ment effectué par la Chine depuis le début de l’année.

25/10: Le vaisseau russe Soyuz TMA­06M, transportant les cosmonautes Oleg Novitskiy, Evgeny Tarelkin et l'as­ tronaute américain Kevin Ford, s'est parfaitement amar­ ré à la station spatiale internationale au terme d'une course poursuite de 2 jours. Avec les trois arrivants, l'équipage 33 est au complet, ce qui permet de re­ prendre une activité soutenue à bord du complexe orbi­ tal. Photos Nasa

Janvier 2013 ASTRONotes 25 13 02/11: Une fusée russe Proton M/Briz M réussit la Canaveral. Il doit entrer en service opérationnel par mise sur orbite de deux nouveaux satellites russes 4° Ouest en remplacement d’Amos 2 qui arrivera en après un vol rondement mené de 9 heures. Yamal fin de vie début 2016. 300K est un satellite de 1,6 tonne, construit pour le compte de l’opérateur Gazprom Space Systems. Il de­ 13/11: La sonde Cassini effectue son 87ème survol de vrait assurer des services de communications pendant Titan, la plus imposante lune de Saturne. Le passage 14 ans. Le second passager est le satellite Luch 5B dé­ à 973 km d’altitude. Il s’agit du premier des deux dié aux relais entre les centres de contrôles et les en­ passages dans le cadre de la « Solstice Mission » où il gins en orbite. était possible d’acquérir simultanément des données sur la densité atmosphériques de trois manières dif­ 10/11: Après un report de 24 heures pour conditions férentes, à savoir l’instrument INMS (Ion and Neutral météorologiques défavorables, la 210ème fusée Ariane Mass Spectrometer), l’équipe AACS (Attitude and Arti­ s’élance du Centre Spatial Guyanais. Sous sa coiffe se culation Control Subsystem) et l’équipe de navigation. trouve les satellites et . Le premier est un engin 5 tonnes dédié aux télécommuni­ 14/11: Après la perte du satellite Meridian 5 en cations, réseaux de données et accès Internet sur une décembre 2011, l’armée russe comptait sur un succès large zone s’étendant de l’Europe, à l’Afrique du Nord pour agrandir son réseau de satellites de communica­ en passant par l’Asie centrale et l’Afrique de l’Ouest. tions. C’est chose faite avec la mise sur orbite réussie Le second est un satellite brésilien de 3,2 tonnes. Il de Meridian 6 lancé par une fusée Soyuz 2.1a qui a servira pour les télécommunications dans le nord de décollé du cosmodrome de Plesetsk. Le satellite cir­ l’Amérique du Sud. cule désormais sur une orbite dite Molniya (900 × 39000 km inclinée de 65°).

18/11: Une fusée Chang­Zheng 2C décolle du centre spatial de Taiyuan et place sur orbite basse 4 sa­ tellites. Huan Jing 1C est un satellite de télédétection équipé d’une antenne radar capable de fournir des images de la Terre par tous les temps avec une réso­ lution allant de 3 à 100 mètres. Xinyan­1 est un petit satellite de 140 kg destiné à tester de nouvelles tech­ nologies sur orbite. Les deux derniers passagers font partie d’une seule et même expérience. Fengniao 1A (30 kg) était monté sur Fengniao 1 (160 kg) au lance­ ment avant d’être séparé sur orbite. Ils doivent permettre de tester le vol en formation, Fengniao 1 servant de vaisseau mère pour les liaisons entre le sol et Fengniao 1A.

18/11: La compagnie chinoise CGWIC signe avec Renatelsat un contrat clé en main portant sur le lance­ ment d’un satellite CongoSat 01 par une fusée Chang­ Zheng 3B fin 2015.

19/11: Après avoir passé le flambeau à son collègue Kevin Ford, l'astronaute Sunita Williams a pris le che­ min du retour en compagnie du cosmonaute russe Yuri Malenchenko et l'astronaute japonais Akihiko Hoshide. Ils ont embarqué à bord du vaisseau Soyuz TMA­05M, mettant un terme à leur mission dans l'espace qui au­ ra duré 126 jours 23 heures et 13 minutes. Le retour sur Terre s'est déroulé sans problème et le vaisseau Photo ESA/CNES/Arianespace, optique vidéo du CSG s'est posé tôt ce matin dans la steppe du Kazakhstan.

12/11: Spacecom sélectionne SpaceX et sa Falcon 9 20/11: Troisième succès pour Proton en quelques se­ pour le lancement du satellite israélien de télécommuni­ maines. La fusée russe, affrétée par l’opérateur ILS, cations Amos 6 (5,5 t). Il devrait être lancé dans le décolle du pas de tir 200/39 à Baïkonour et place sur courant du mois d’août 2015 depuis la base de Cap orbite de transfert géostationnaire quelques heures

14 ASTRONotes 25 Janvier 2013 plus tard le satellite américain de télécommunications capacité de lancement accrue. Echostar XVI de 6,3 tonnes. Il rejoint son poste de tra­ vail par 61,5° Ouest quelques jours plus tard. 27/11: Après un report de quelques jours pour prob­ lème technique, la fusée Chang­Zheng 3B place cor­ 21/11: Il semblerait que l’Iran vient d’essuyer deux rectement sur orbite le satellite de télécommunications échecs successifs de sa fusée Safir 1B selon le Jane's 12. Celui­ci, construit par l’européen Thales Defense Weekly datant du 21 novembre. Les dates de Alenia Space, pesait au décollage 5 tonnes. Il doit re­ lancement n’ont pas été confirmées mais il semblerait joindre sa position par 87.5°Est. A noter qu’une par­ qu’il y ait eu une tentative le 23 mai dernier pour sa­ tie de la charge utile est louée au Sri­Lanka sous le telliser Fajr et une dont la période s’étend du 23 sep­ nom de SupremeSat 1. tembre au 23 octobre pour placer sur orbite la doublure du satellite perdu en mai. Les images prises 28/11: AsiaSat et Sea­Launch annoncent avoir trouvé par les satellites de Digital Globe du centre spatial de un accord afin d’utiliser la fusée Zenit 3 pour l’un des Semnan et datant du 25 octobre, montrent un pas de deux satellites (AsiaSat 6 ou 8) réservé à l’origine sur tir gravement endommagé, ce qui supposerait une ex­ Falcon 9 dont la mise sur orbite est prévue pour 2014. plosion du lanceur au décollage. (Lire la rubrique Actua­ L’accord deviendra effectif si SpaceX ne peut lancer les lité) satellites à la date prévue. Un tel accord existe égale­ ment avec Proton pour l’autre satellite ainsi qu’AsiaSat 25/11: Les lancements s’enchaînent à un rythme soute­ 9 prévu pour 2015. nu en Chine puisqu’il s’agit de la 17ème mission de l’année 2012. La fusée Chang­Zheng 4C s’élance du 29/11: Quatre­vingt huitième rendez­vous entre la centre spatial de Jiuquan avec le triplet Yaogan 16. Il sonde Cassini et Titan. Cette fois, l’engin est passé à s’agit de trois satellites équipés d’un radar dédié, selon 1 014 km de distance de la lune de Saturne. Trois les sources occidentales, aux écoutes électroniques. instruments ont été mis à contribution. Il s’agit du VIMS (Visible and Infrared Mapping Spectrometer) 26/11: Signature d’un accord pluriannuel pour le lance­ pour l’acquisition d’image de la région d’Aldiri avec une ment de plusieurs satellites américains Echostar par résolution d’un kilomètre, du CIRS (Composite Infrared Arianespace. Ces satellites, dont les noms n’ont pas Spectrometer) pour observer les aérosols et les gaz encore été communiqués, seront lancés par Ariane de­ atmosphériques dans la région et de l’ISS (Imaging puis le Centre Spatial Guyanais. Ce nouveau contrat Science Subsystem) pour observer la couche nua­ donnera à EchoStar une plus grande souplesse et une geuse.

Photo NASA/JPL/Space Science Institute/P. VOLVERT

Janvier 2013 ASTRONotes 25 15 D E C E M B R E 2 0 1 2 technologies qui pourraient être utilisée à l’avenir sur des plateformes réutilisables. Le premier vol du X­37B 02/12: Une fusée Soyuz 2.1a lancée de la Guyane s’était déroulé en 2010 et avait duré 220 jours. Le place sur orbite le second satellite français d’imagerie second vol, impliquant un autre exemplaire du X­37B, terrestre . Pléiades HR­1B rejoint son jumeau avait battu le record en restant 469 jours dans lancé un an plus tôt sur une orbite héliosynchrone l’espace. culminant à 695 km d’altitude. Le satellite a été construit par Astrium et Alcatel pour le compte de 12/12: La Corée du Nord entre dans le club restreint l’agence spatiale française. Au décollage, il pesait 970 des pays ayant réussi à satelliser une charge utile par kg. ses propres moyens. La fusée Uhna 3, qui a décollé du centre spatial de Sŏhae, a placé sur orbite le sa­ 03/12: Le consortium Sea­Launch termine l’année sur tellite Kwangmyŏngsŏng 3B (100 kg). La nouvelle a un succès. La fusée Zenit 3 décolle de sa plate­forme été accueillie par un tôlé de critiques venant de la part Odyssey dans l’Océan Pacifique et injecte sur orbite le des pays occidentaux, notamment ceux qui sont enga­ satellite de télécommunications (5,3 gés dans les pourparlers sur la dénucléarisation de la tonnes). Il doit rejoindre son poste de travail par Corée du Nord, principalement les Etats­Unis et le 70,5° Est où il remplacera Eutelsat 70A en service de­ Japon. Quant à la Chine, allié de toujours de puis 10 ans. Pyongyang, elle a montré de la réserve et demandé de la retenue afin d’apaiser les esprits. 04/12: La compagnie chinoise CGWIC signe avec Apstar un contrat clé en main portant sur le lancement 13/12: Après avoir quitté son orbite parking sur le d’un satellite Apstar par une fusée Chang­Zheng 3B à point Lagrange L2 à 1,5 million de km de la Terre, la la fin 2015 depuis le centre spatial de Xichang. sonde chinoise Chang’e 2 s’est approchée de l’asté­ roïde Toutatis à 3,2 km de distance. Elle en a profité 05/12: L’US Air Force passe commande auprès de pour prendre une dizaine de photographie avec une SpaceX pour un montant de 262 millions $. Le contrat résolution maximale de 10 m. L’avenir de Chang’e 2 porte sur le lancement du satellite Deep Space Climate est incertain mais certains parlent d’une autre ren­ Observatory fin 2014 par une Falcon 9 et Space Test contre d’astéroïde. Les cibles potentielles seraient Program 2 quelques mois plus tard par Falcon Heavy. Apophis ou Tukmit. Toutes deux doivent partir depuis la base de Cap Cana­ veral.

08/12: Le satellite Yamal 402 (5 250 kg) lancé par une fusée Proton se trouve sur une orbite de 35 677 x 3 072 km avec une inclinaison de 26,1° au lieu de 35 696 x 7470 km à 9,0°. Lors de la quatrième et der­ nière séquence de propulsion, l’étage supérieur Briz M n’a fonctionné que 5 minutes environ sur les 9 pré­ vues. Une rupture de la turbopompe du moteur serait à l’origine de l’anomalie. Après une semaine de manœuvres, le satellite est récupéré et amené sur son orbite géostationnaire par 55°Est. Les 4 phases de propulsion qui auront été nécessaires pour rehausser l’orbite ont néanmoins réduit la durée de vie opération­ nelle du satellite, la faisant passer de 15 à 11 ans. Le satellite a été construit par Thales Alenia Space pour le compte de l’opérateur russe Gazprom Space Systems.

11/12: Le premier exemplaire du drone X­37B entame sa seconde mission dans l’espace. Il a été lancé de­ puis la base de Cap Canaveral par une fusée Atlas V/501. Selon les chasseurs de satellites, il aurait été repéré sur une orbite de 343 × 360 km et inclinée de 43,5°. Aucune information n’a filtré sur la durée ni les objectifs de sa mission, mais il est vraisemblable qu’elle soit dévolue à l’expérimentation de nouvelles Photo CNSA

16 ASTRONotes 25 Janvier 2013 17/12: La Nasa met fin à la mission GRAIL (Gravity Recovery and Interior Laboratory) commencée 1 an plus tôt. Les deux engins, rebaptisés Flow et Ebb, se sont écrasés à la vitesse de 1,7 km/s sur une mon­ tagne haute d'environ 2,5 kilomètres située près du cratère Goldschmidt. Le site de l’impact a été rebapti­ sé Sally Ride, en hommage à l’astronaute disparue récemment. Lancées en septembre 2011, elles avaient pour mission de dresser la carte précise du champ gravitationnel de notre satellite naturel.

18/12: Dix­neuvième et dernier lancement de l’année pour la Chine. La fusée Chang­Zheng 2D­III s’est élan­ cée du centre spatial de Jiuquan et a placé sur orbite le satellite turc Göktürk­2. L’engin, d’une masse de 450 kg, est dédié à la reconnaissance militaire pour le compte du ministère turc de la défense. Avec son sys­ tème optique développé par la Corée du Sud, il devrait permettre de fournir des images avec une résolution pouvant atteindre 2,5 m. Quant au satellite en lui­ même, il est de fabrication nationale. Il a vu le jour dans les ateliers de Turkish Aerospace Industries à Ankara.

19/12: C'est par une température particulièrement basse sur le cosmodrome de Baïkonour que s'est élan­ cée une fusée Soyuz transportant un nouvel équipage à destination de la station spatiale internationale. Le décollage est intervenu à 12h12. Moins de 10 minutes après le départ, la fusée plaçait sur orbite le vaisseau Soyuz TMA­07. A son bord ont pris place le Russe Roman Romanenko, le Canadien Chris Hadfield et l'Américain Thomas Marshburn. Ils doivent s'amarrer à l'ISS dans la journée de vendredi.

19/12: C’est à Ariane que revient l’honneur de fermer la cuvée 2012 des lancements. La fusée européenne a décollé du Centre Spatial Guyanais et a placé sur or­ bite ses deux passagers. (4 800 kg) est un satellite dédié aux communications sécurisées construit pour le compte du département de la défense britan­ nique. Mexsat 3 Bicentenario (2 935 kg), comme son nom l’indique, est un satellite mexicain. Il servira pour les communications sur le territoire national pen­ dant au moins 15 ans.

21/12: Le vaisseau Soyuz TMA­07M s’est parfaitement amarré à la station spatiale internationale. Ses occu­ pants rejoignent les trois membres d’équipage déjà à bord du complexe orbital. L’équipage 34, commandé par l’américain Kevin Ford, restera en place jusqu’au 14 mars prochain.

Photo Nasa/Carla Cioffi

Janvier 2013 ASTRONotes 25 17 E U R O P E L ' H E U R E D E S D E C I S I O N S es 20 et 21 novembre dernier, annoncé pour octobre prochain. des données météorologiques de du beau monde s’était déplacé L’Agence devrait poursuivre le déve­ qualité pour l’après 2020. Mis à àLNaples pour débattre de l’avenir loppement de la mission LISA mal ces derniers temps pour diver­ des programmes spatiaux euro­ Pathfinder destinée à l'observation gence politique, le programme péens avec en ligne de mire amélio­ des ondes gravitationnelles de GMES (Global Monitoring for Envi­ rer la croissance et la compétitivité basse fréquence depuis l'espace et ronment and Security) s’en sort européennes en même temps que de BepiColombo pour l’étude de la avec une enveloppe de 91 millions le progrès scientifique. planète Mercure. Le lancement de d’euros qui sera répartie entre dif­ la première est attendu pour 2020 férents postes, notamment les mis­ C’est dans un contexte économique tandis que la seconde devrait sions Sentinel 5 et Jason CS. Le plutôt morose que s’est ouvert le prendre le chemin pour l’espace en programme initié par l’ESA et 20 novembre dernier le Conseil des août 2015. De nouvelles missions l’Union Européenne semblait dans Ministres chargés de la politique décidées récemment par l’Agence l’impasse alors que le Conseil de spatiale. Mais au terme des dé­ ont été approuvées par les mi­ l’Europe était divisé sur le finance­ bats, c’est une enveloppe de 10,3 nistres. Il s’agit de Solar Orbiter, ment du projet et que le Parlement milliards d’euros qui a été dégagée. Euclid and Juice. Les deux pre­ européen ne voulait pas d’un pro­ C’est certes 2 milliards de moins mières font partie des missions de gramme intergouvernemental que ce que n’espérait l’Agence taille moyenne. Solar Orbiter, me­ contrairement à ce que proposait la Spatiale Européenne mais c’est suf­ née conjointement avec la Nasa, de­ Commission européenne. fisant pour établir une feuille de vrait être lancée en 2017 pour Le plus gros du budget, 1 milliard, route qui puisse permette de étudier le Soleil. Euclid est un téles­ est dévolu à l’Earth Observation maintenir un haut niveau d’activité, cope spatial destiné à cartographier Envelope Programme 4. Il reprend voire même d’engager des études la matière noire de l’Univers. Son les missions inscrites dans le cadre préliminaires pour de nouveaux pro­ lancement devrait intervenir en du programme Earth Explorer ainsi grammes. 2019. Quant à Juice, elle est consi­ que l’exploi­ dérée comme une grosse mission et tation de De la somme allouée par les mi­ doit être lancée en 2022 par Ariane leurs nistres, 3,7 milliards sont dévolus 5 avec pour objectif d’étudier le sys­ don­ aux activités obligatoires. Elles re­ tème jovien, notamment les princi­ nées prennent entre autres la participa­ pales lunes de Jupiter. . tion à la gestion de l’Agence Spatiale Européenne et à ses infra­ Le reste du budget voté est réparti structures mais également une par­ comme suit : ticipation au programme Un milliard neuf cents millions scientifique et au programme de re­ sont consacrés à l’observation cherche technologique. de la Terre. En plus du maintien des missions en Dans le programme scientifique, les cours, les Ministres ont Ministres ont approuvé à l’unanimi­ accepté de financer té la poursuite des missions en la prochaine gé­ cours et les missions en développe­ nération de pla­ ment dans le cadre du programme teformes Cosmic­Vision pour les années polaires comptables 2013 à 2017. Au cours afin d’as­ de cette période, l’ESA devrait lan­ surer la cer la mission Gaia, mission d’astro­ conti­ métrie qui permettra de cataloguer nui­ plus d'un milliard d'objets jusqu'à la té magnitude 20. Son lancement est Photo ESA/D. Ducros

18 ASTRONotes 25 Janvier 2013 architecture utilisant principalement Centre Spatial, construit initiale­ la propulsion solide. La version ment par la France, s’européanise PPH, qui avait la faveur de la plus avec une participation des France, est composée de deux autres pays plus importante. L’ESA étages à poudre identiques montés consent à investir 348 millions dans l’un sur l’autre. La partie haute re­ les quatre prochaines années. Dix prendrait l’étage ECB emprunté sur millions ont également été dégagés Ariane 5. On modulerait la capacité pour mettre au point le démonstra­ du lanceur en adjoignant des propul­ teur orbital réutilisable PRIDE seurs latéraux, eux aussi, à poudre. (Program for Reusable In­orbit De­ Selon le CNES, la nouvelle version monstrator in Europe). du lanceur devrait permettre de transporter jusqu’à 7 tonnes en or­ Les Ministres ont attribué une en­ bite de transfert géostationnaire veloppe de 867 millions au pro­ pour 70 millions. Les études de fai­ gramme ARTES (Advanced sabilité devraient être entamées Research in Telecommunications Photo ESA/D. Ducros dans les prochains jours avec Systems) de recherche à long Un milliard trois cents millions sont comme point d’orgue le prochain terme destiné à développer les ser­ consacrés au domaine des vols habi­ Conseil des Ministres en 2014 et vices et les produits liés aux sa­ tés. La majeure partie servira à fi­ qui devraient alors accepter de lan­ tellites de télécommunications. Il nancer la contribution européenne à cer officiellement le développement s’articule autour de plusieurs thé­ la gestion de la station spatiale du lanceur. En parallèle, l’ESA s’est matiques allant des phases internationale que l’Europe souhaite engagée dans le programme VECEP d’études aux phases d’exploitation poursuivre en fournissant le module (VEga Consolidation and Evolution des technologies avancées dans de service au vaisseau Orion mis au Preparation Programme) qui des domaines nécessitant des ser­ point par la Nasa. Le restant sera consiste à améliorer les perfor­ vices de télécommunications. Cela réparti à travers les différentes re­ mances du lanceur VEGA tout en ré­ va des satellites en eux­mêmes cherches inscrites dans le pro­ duisant ses coûts d’exploitation. Le aux applications intégrées comme gramme ELIPS (European par exemple la gestion du trafic aé­ Photo ESA/D. Ducros Programme for Life and Physical rien, les liaisons entre les engins Sciences in Space) comprenant sur orbite et les stations de récep­ entre autre un programme prépara­ tion à terre. toire à l’exploration robotique de Mars. L’Europe souhaite maintenir son in­ vestissement dans le domaine de la S’il y a bien une décision qui était géolocalisation (voir AstroNotes attendue au Conseil Ministériel, 21). Pour se faire, elle a souscrit c’est bien celle concernant l’avenir un montant de 118 millions pour des lanceurs spatiaux. Un budget étudier la prochaine génération des de 1,2 milliard a été débloqué pour satellites GNSS. ce poste. Il a été décidé de mettre en service en 2017 Ariane 5ME équi­ Le prochain Conseil Ministériel de­ pée de l’étage supérieur cryo­ vrait avoir lieu d’ici fin 2014 avec génique ECB propulsé par le moteur d’importantes décisions à prendre, réallumable Vinci. Le développe­ notamment avec l’adoption d’Ariane ment de cette ultime adaptation de 6. la cinquième génération Ariane se fera en synergie avec les équipes Pour en savoir plus sur la réparti­ qui travaillent sur l’après Ariane 5. tion du budget voté au dernier Les Ministres ont entériné la déci­ Conseil Ministériel, je vous invite à sion de commencer les études de lire le tableau détaillé publié par faisabilité d’Ariane 6. Cette der­ Air&Cosmos à cette adresse nière devrait voir le jour après http://www.air­ 2020 et remplacerait petit à petit cosmos.com/static/Souscriptions.pd Ariane 5. Après de longues tracta­ f tions, les avis des uns et des autres ont fini par converger vers une

Janvier 2013 ASTRONotes 25 19 LLEESS PPIIOONNNNIIEERRSS

22 D u c a r b u r a n t s o l i d e a u l i q u i d e

26 L e s F r a n ç a i s d e l a p r e m i è r e h e u r e

28 A l a m o d e a l l e m a n d e

20 ASTRONotes 25 Janvier 2013 Photo Nasa LLEESS PPIIOONNNNIIEERRSS

Depuis la nuit des temps, l’Homme caresse le rêve de voler voire même de toucher les étoiles. Il a construit des machines dans l’optique que ce rêve devienne réalité. A l’heure d’aujourd’hui, nombreuses sont les inventions qui permettent de voler. Parmi celles­ci, il y a les fusées. Ce numéro est consacré aux prémices de la conquête spatiale.

Janvier 2013 ASTRONotes 25 21 DU CARBURANT SOLIDE AU LIQUIDE L A P O U D R E N O I R E Fong par les Mongols en 1232, la fu­ et une fumée impressionnante. sée est utilisée pour la première Lorsqu’elle se dissipa, les assistants l faut remonter au VIIème siècle fois comme arme défensive. L’in­ ne purent que constater la dispari­ pour retrouver les premiers té­ vention s’exportera dans un pre­ tion de Hu, emporté par l’explosion mIoignages de l’utilisation de fusées. mier temps au Moyen­Orient avant de l’engin (Photo gauche). Certes, elles sont bien éloignées de se propager en Europe puis en des fusées qui volent dans l’espace Amérique avec les voyages des ex­ Au XIXème siècle, le Colonel mais le principe de base de leur uti­ plorateurs tel que Marco­Polo. William Congreve améliore la tech­ lisation remonte à cette époque. nique des fusées. Contrairement C’est en Chine sous la dynastie des Une légende datant du XVIème aux canons, les fusées n’ont pas de Tang qu’est inventé la poudre noire siècle rapporte que Wan Hu aurait recul, ce qui pousse Congreve à composée d’un mélange de souffre, imaginé l’utilisation des fusées pour imaginer des fusées plus lourdes et salpêtre et charbon de bois. Elle se déplacer. Il aurait fabriqué un plus puissantes lancées depuis le est utilisée dans le cadre de festivi­ siège volé propulsé par 47 fusées. sol ou un bateau. Il développe une té religieuse comme feu d’artifice Le jour où tout a été prêt, il deman­ fusée de 11 kg qui atteint la mais c’est dans le domaine militaire da à 47 assistants, armés de distance record de 1 830 m. L’an­ qu’elle prendra un véritable essor. torches, d’allumer les fusées. S’en cêtre des missiles est né. Ces fu­ Lors du siège de la ville de K’Ai­ est suivi un vacarme assourdissant sées seront notamment utilisées lors des guerres napoléoniennes (Photo droite).

En 1813, William Moore publie « Le traité du mouvement des fusées » qui décrit avec précision la trajec­ toire de la fusée selon la troisième loi de Newton du mouvement, c'est­à­dire que pour chaque ac­ tion, il existe une réaction égale et opposée.

A la fin du XIXème siècle, plusieurs visionnaires vont bouleverser le principe des fusées et vont rendre possible l’accès aux étoiles grâce à elles.

Photo Nasa

Photo Nasa

22 ASTRONotes 25 Janvier 2013 comme membre de l'Académie des Sciences de l'URSS en 1918. Plutôt théoricien que praticien, Tsiolkovski ne mettra jamais en pratique ses recherches dans le domaine spatial. Il décède à Kalouga le 19 septembre 1935, à l'âge de 78 ans non sans laisser une longue série d’ouvrages traitant du voyage spatial dont deux romans de science­fiction sorti en 1895 et 1920. Dans Rêves de la Terre et du ciel, il parle de colonisation de l’espace tandis que dans Au­delà de la Terre met en scène les personnages historiques de l'astronomie tel que Galileo, Newton pour expliquer le

Photo Nasa mouvement des astres, comment les atteindre. T S I L O K O V S K I , L E P E R E Il y développe notamment le principe de fonctionnement d’un C’est à Tsiolkovski que l’on doit D E L ' A S T R O N A U T I Q U E vaisseau habité. cette célèbre citation datant de 1911 et qui est encore d’actualité Le premier d’entre eux est le russe Décrit comme un doux rêveur dans aujourd’hui « La Terre est le Constantin Edouardovitch Tsiolkovs­ les premières années, il sera berceau de l'humanité, mais on ne ki. Il est considéré comme le père reconnu par la communauté passe pas sa vie entière dans un de l’astronautique moderne. Il est scientifique russe en l’élisant berceau. » né à Ijevskoïe en septembre 1857. Handicapé par une scarlatine qui le rendra dur d’oreille, Tsiolkovski sera refusé dans les écoles tradition­ nelles. Il devient autodidacte et trouve un certain attrait pour les mathématiques.

C’est sa rencontre avec le philo­ sophe Nikolaï Fiodorov qui lui fera découvrir l’espace. Il imagine plusieurs moyens pour rejoindre l’espace, notamment une tour de 36 000 km de haut permettant d'amener par un ascenseur des charges sur orbite.

En 1903, il publie un ouvrage sur « L'Exploration de l'espace cosmique par des engins à réaction » où il parle pour la première fois d’une alternative à la fusée à poudre. Il explique les avantages d’une fusée consommant des ergols liquides, des fusées à étages ainsi que d’autres aspects techniques.

Dans les années suivantes, il publie une suite à son premier ouvrage. Photo Nasa/P. Volvert

Janvier 2013 ASTRONotes 25 23 G O D D A R D , D E L A plus tard, il prouve lors d’un essai la somme de 5000 dollars pour qu’une fusée peut fonctionner dans poursuivre ses recherches. Re­ T H E O R I E A L A P R AT I Q U E le vide spatial conformément à ce cherches qui aboutissent le 16 qu’avait prédit Isaac Newton dans mars 1926 par le premier essai en Si Tsiolkovski apprécie plus le côté sa troisième loi sur le mouvement, vol d’une fusée consommant des théorique de l’exploration spatiale, à savoir que pour chaque action ergols liquides. La fusée, qui n’a ce n’est pas le cas de son homo­ résulte une réaction. rien à voir avec qui existe depuis la logue américain Robert Hutchings Seconde Guerre Mondiale, s’élève à Goddard. En juillet 1914, il réussit à faire bre­ 12m de haut en parcourant 56 m veter deux de ses idées. Sous les de distance à la vitesse de pointe C’est à Worcester dans l'État du numéros 1.103.503 et 1.102.653, de 96 km/h. Un premier pas ve­ Massachusetts que naît le 5 octobre elles concernent les fusées étagées nait d’être franchi dans la propul­ 1882 l’expérimentateur hors paire à ergols solides et les tuyères pour sion liquide. (Schéma ci­contre) Robert Goddard. Très tôt, il s’in­ les fusées à ergols liquides. Jus­ téresse aux sciences et notamment qu’à sa mort, il déposera quelques Dans les années suivantes, il au vol. Il expérimente les cerfs­ 214 brevets. Alors que la Première améliore la technique de ses fusées volants puis les ballons. Pour Guerre Mondiale est sur le point de et trouve un appui inattendu, celui chaque essai, il note scrupuleuse­ s’achever, il finalise les essais d’une de l’aviateur Charles Lindbergh. Ce ment toutes les données qu’il peut nouvelle arme qu’il a conçue, le ba­ dernier est fasciné par les travaux recueillir. zooka. de Goddard et lui obtient l’appui fi­ nancier de la fondation A sa sortie des études en 1904, il Après la guerre, il reprend ses re­ Guggenheim qui lui octroie est engagé à l'Institut cherches dans le domaine des fu­ d’importants subsides. Il poursuit Polytechnique de Worcester où il sées à ergols liquides. Il étudie ses travaux jusqu’à son décès en est remarqué par A. Wilmer Duff, le plusieurs types de mélange, notam­ août 1945. Dans les années 60, la directeur du département de phy­ ment hydrogène/oxygène, mais pré­ Nasa rachètera tous les brevets dé­ sique, qui en fait son assistant de férera le couple kérosène/oxygène posés par Goddard et honorera sa laboratoire. En parallèle, il y pour­ qu’il juge moins dangereux et plus mémoire en baptisant son centre suit ses études et obtient en 1908 simple d’utilisation. Ces deux mé­ de recherche situé en Alabama, le son doctorat en physique. Son ap­ langes sont encore utilisés de nos Goddard Space Flight Center. pétit pour les études le pousse à jours pour bon nombre de lanceurs accepter un poste à l'Université spatiaux. Il publie également un Alors que l’expérimentateur hors Clark où il obtient une Maitrise en ouvrage intitulé « A Method of pair qu’était Goddard s’éteint, un Art en 1910 et un Doctorat en Reaching Extreme Altitudes ». autre va lui succéder dans la re­ Physique en 1911. En 1913, il re­ cherche spatiale aux Etats­Unis. Il çoit une bourse de l'Université de La Smithsonian Institution s’in­ s'agit de Wernher von Braun. Princeton qu’il se doit d’abandonner téresse à ses travaux et lui octroie quelque mois plus tard pour raison de santé.

Après la lecture du roman « La guerre des mondes » d’Herbert G. Wells, il montre un intérêt grandis­ sant pour l’exploration spatiale. A tel point que le 19 octobre 1899, alors qu’il élaguait un cerisier, il se prend à rêver d’un voyage vers Mars. Depuis ce jour, il fêtera le 19 octobre comme un jour particulier, celui où il eut sa plus grande inspi­ ration.

En 1909, il publie une série d’article sur la propulsion à ergols liquides qu’il estime, à juste titre, plus avan­ tageuse que la propulsion classique, la propulsion à poudre. Trois ans Photo Nasa

24 ASTRONotes 25 Janvier 2013 Photo Al Blasko

Janvier 2013 ASTRONotes 25 25 LES FRANCAIS DE LA PREMIERE HEURE

urant la première moitié du brevet pour le manche à balai. par fusées de la très haute atmo­ XXième siècle, bon nombre de sphère et la possibilité des voyages pDassionnés d’astronautique ont ten­ Juste avant que la Première Guerre interplanétaires ». En 1930, il pu­ té de concrétiser le doux rêve du Mondiale ne soit enclenchée, il pro­ blie un ouvrage de vulgarisation voyage dans l’espace. Certains nonce à Moscou un discours sur sur l’astronautique consacré à l'en­ d’entre eux ont réussi à mettre au "Les considérations sur les résultats semble des connaissances de point les premières fusées qui don­ d'un allégement indéfini des mo­ l'époque sur le vol spatial. En neront naissance aux lanceurs teurs" qui fait référence à la perte parallèle aux conférences qu’il spatiaux tels que nous les connais­ de masse par les fusées à mesure tient, il poursuit ses recherches sons aujourd’hui. qu'elles brûlent leurs ergols. Il tien­ dans le domaine de la propulsion li­ dra le même discours à Paris lors quide en utilisant différents types R O B E R T E S N A U LT­ de l'Assemblée générale de la de mélange. C’est au cours de l’un Société Astronomique. de ces tests qu’il perd l'extrémité P E LT E R I E de ses quatre doigts de la main En 1925, il créée avec André­Louis gauche. En France, on peut citer Robert Hirsch le prix international d'astro­ Esnault­Pelterie. Il est né le 8 no­ nautique qui vise à récompenser En 1936, il est élu membre de vembre 1881 à Paris. Après avoir d’une valeur de 5000 francs le l'Académie des Sciences. Après la terminé ses études en physique meilleur ouvrage scientifique, théo­ Seconde Guerre Mondiale, il part dans la capitale française, il met en rique ou expérimental. Le premier s’exiler en Suisse où il décède le place un laboratoire de recherche lauréat est l’allemand Hermann 06 décembre 1967, le jour de l’hu­ sur les moteurs qui équiperont Oberth. miliant échec de la première tenta­ planeurs et avions de toute sorte. tive américaine de placer sur orbite Ingénieur et aviateur, il développe Deux ans plus tard, il fait un expo­ un satellite. le moteur en étoile et dépose un sé qui a pour thème « l'Exploration

Photo Topical Press Agency/Getty Images

26 ASTRONotes 25 Janvier 2013 J E A N ­ J A C Q U E S B A R R E Laboratoire de recherches ba­ spécialise dans le domaine de la listiques et aérodynamiques pour le­ propulsion solide. Il réalise de quel, il est envoyé à deux reprises nombreux tirs de fusées de sa en Allemagne afin de visiter les propre création, jusqu’à 360. Les installations de poursuite et de cont­ essais ont lieu au sein de l'Institut rôle du V2 à Ober­Raderach et aéronautique de Saint­Cyr puis de Friedrischshafen, en zone d'occupa­ l'École centrale de pyrotechnie. Il tion française mais également construit la plus grande fusée fran­ l’usine d’assemblage des V2 à çaise d'avant­guerre, un engin trié­ Nordhausen. De ces expéditions, il tage d'un diamètre de 133 mm. ramènera neuf wagons de pièces di­ Sa contribution à l’astronautique ne verses dont quatre V1 et un qua­ se limite pas aux fusées. On lui Photo ESA druple jeu de pièces de V2 doit l’invention d’un banc d'essais Jean­Jacques Barré, né en 1901, allemands. capable d'enregistrer de façon s’intéresse très jeune à l’astrono­ permanente et automatisée un mie. C’est lors de l'Assemblée gé­ De retour d’Allemagne, il reprend grand nombre de variables. nérale de la Société Astronomique ses recherches dans le domaine de donnée par Robert Esnault­Pelterie la propulsion et plus particulière­ Après la Seconde Guerre Mondiale, que sa vocation pour le voyage ment sur les statoréacteurs et la les brevets qu’il a déposés sont spatial prend naissance. Il entre­ propulsion cryogénique. En même réquisitionnés par les Américains tient une abondante correspon­ temps, il dispense des cours sur les mais sera dédommagé par la suite. dance durant 6 années avec ce engins autopropulsés à l'Ecole Natio­ Il diversifie ses recherches scienti­ dernier afin de partager ses ré­ nale Supérieure de l’Armement. fiques et s’intéresse à l’optique en flexions sur la propulsion des fu­ Jean­Jacques Barré recevra plu­ inventant le diascope et l’épidia­ sées. Il intègre son équipe en sieurs récompenses dont le Prix scope avant de s’éteindre le 2 1930 et travaille au développement Galabert et le Prix Muteau de l'Aca­ décembre 1969 à Levallois­Perret. de moteurs à ergols liquides avant démie des Sciences pour l’ensemble Malgré son importante contribution de se pencher sur les obus pour le de son travail. Il décède en 1978 au développement de l’astronau­ compte de l’armée. en laissant un important héritage tique, son nom l’un des noms les sur la technologie des fusées. moins connus dans le monde du Durant la les années 30, il publie spatial. plusieurs articles consacrés aux L O U I S D A M B L A N C obus et à la combustion de proper­ C A S I M I R ­ E R A S M E gols liquides et solides. A partir de C O Q U I L H AT 1937, il réalise plusieurs tests d’obus. La qualité de son travail se­ Le Général­Major Casimir­Erasme ra récompensée à plusieurs reprises Coquilhat (1811­1890) n’est pas par des primes offertes par l’armée. français mais belge. S’il a pu être reconnu comme un pionnier de Au cours de la Seconde Guerre Mon­ l’astronautique, c’est grâce à trois diale, il poursuit clandestinement historiens du domaine spatial. Au ses travaux et développe la fusée bout d’un travail de recherche mi­ EA­1941, la première fusée à ergol nutieux, ils ont pu constater que la liquide française qu’il teste au camp formule mathématique de la du Larzac dès 1941. Les années Photo Agence Meurisse/BNF propulsion par fusée dans le vide suivantes, l’engin sera amélioré et n’était pas de Tsiolkovski mais du portera le nom d’Eole. Dans un pre­ Moins connu qu’Esnault­Pelterie ou Général­Major belge. Ils ont re­ mier temps, les tests sont effectués Barré, Louis Damblanc n’en reste trouvé sa trace dans le dernier en France mais pour des raisons évi­ pas moins l’un des grands noms de chapitre du Mémoires de la Société dentes de sécurité, les tests seront l’astronautique moderne. Il est né Royale des Sciences de Liège, inti­ effectués à Hammaguir en Algérie le 29 juin 1889 à Lectoure et tulé « Trajectoires des fusées vo­ qui deviendra en 1962 la première termine ses études à Grenoble où il lantes dans le vide » publiée en base spatiale française. obtient un diplôme d’ingénieur. 1873. L’aboutissement de l’en­ quête a été rendue public lors du Alors que la Guerre se termine, Spécialisé dans le domaine aéronau­ 59ème Congrès international d’as­ Jean­Jacques Barré intègre le tique, il se tourne dès les années tronautique à Glasgow en 2008. 30 vers l’astronautique où il se

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i l’astronautique a fait Winkler est également rédacteur et Hermann Oberth est un physicien S quelques pas en avant grâces l'éditeur de la revue « Die Raketen allemand né le 25 juin 1894 à Sibiu aux inventions françaises, c’est ». Durant la Guerre 40­45, il tra­ en Roumanie. Son intérêt pour sans nulle doute l’apport allemand vaille à l’Institut de Recherche l’espace remonte à l’âge de 11 ans qui concrétisera le rêve avec la Aéronautique allemand où il dessine après avoir lu le livre « De la Terre mise au point des premières fusées le Jet Assisted Take­off et quelques à la Lune » de Jules Verne mais modernes. fusées­sondes sans avoir pu c’est vers le monde médical qu’il concrétiser aucun de ces projets. s’oriente lorsqu’il débute ses études L’histoire commence à Breslau, de­ Sa santé affaiblie par la guerre, il supérieures. venue depuis Wroclaw en Pologne. décède à l’âge de 50 ans au camp C’est le 05 juillet 1927 sous l’impul­ de réfugié de Braunschweig­ Après la Guerre 14­18, il change sion de Johannes Winkler que la Ve­ Querum. de direction et se tourne vers les rein für Raumschiffahrt est créée. mathématiques, la physique, la chi­ En français, son nom signifie Asso­ mie et l'astronomie. Sa première ciation pour les voyages dans thèse de doctorat s’intitule « Des l'espace. Au plus fort de son activi­ fusées dans l'espace interplanétaire té, elle comptera jusqu’à 500 ». Bien qu’elle ne soit pas validée, membres, tous des passionnés de elle connait un succès certain sous voyages spatiaux. Parmi eux, on re­ la forme d’un livre. Il fait des re­ trouve certains grands noms de l’as­ cherches théoriques sur les fusées tronautique comme Hermann et arrive aux mêmes conclusions Oberth, Eugen Sänger, Max Valier que Tsiolkovski, à savoir que pour ou encore Esnault­Petrie. Les es­ atteindre l’espace dans les sais de fusées et de moteurs sont meilleures conditions qu’il soit, la réalisés à Reinickendorf, ville de la fusée doit être étagée. En 1929, il banlieue de Berlin. Plusieurs pro­ est appelé en tant que conseiller jets seront réalisés dans le cadre scientifique pour le film « Une de l’association. Suite à des soucis femme dans la Lune » de Fritz financiers, ses activités cesseront Lang où il doit construire une fusée en 1934. qui sera lancée à la première du film. Ce dernier sera un succès J O H A N N E S W I N K L E R mais la fusée ne décollera jamais. Photo NMMSH Cet échec n’entame en rien sa dé­ termination à poursuivre ses re­ Johannes Winkler est né le 29 mai cherches dans le domaine de la 1897 à Bad Carlsruhe. Dès son H E R M A N N O B E R T H propulsion. Après avoir réussi le plus jeune âge, il s’intéresse aux test du moteur Kegelduese en machines volantes. Alors qu’il n’a 1930, il engagé par l’armée rou­ que 13 ans, il est fasciné par le pas­ maine puis rejoint von Braun à sage de la comète de Halley. C’est Peenemünde pour travailler sur les de cette époque que date sa pas­ missiles V2. La guerre finie, il tra­ sion pour l’espace. A 30 ans, il vaille comme consultant et écrivain, décide d’allier sa passion pour le notamment en proposant de nom­ vol et l’espace en créant la Verein breuses idées en termes de für Raumschiffahrt dont il deviendra voyages spatiaux. En 1955, il part le premier président. Bricoleur hors vivre aux Etats­Unis où il trouve pair, il construira dans le cadre de une place dans l’équipe de von la VfR la première fusée à Braun. combustibles liquides en Europe. Pour financer ses recherches, il pos­ Il prend sa retraite en 1962 mais tule chez le constructeur d'avions restera actif en s'intéressant princi­ Junkers en tant qu’ingénieur et tra­ palement à des questions philoso­ vaille sur les moteurs. Johannes Photo todaysengineer.org phiques. Lors de la Crise du Pétro­

28 ASTRONotes 25 Janvier 2013 le, il propose des idées alternatives Les militaires souhaitent mettre en M A X VA L I E R à l’énergie fossile. Il retourne en application les idées de Sänger Allemagne dans les années 80 où il Bien que n’ayant vécu que 35 ans, finit paisiblement ses derniers Max Valier a laissé une trace in­ jours. Il décède en 1989 à Nurem­ délébile dans les livres d’histoire de berg. l’astronautique. Il est né à Bolzano le 9 février 1895. Il entame des E U G E N S A N G E R études universitaires en physique à Innsbruck lorsque la Guerre 14­18 éclate. Il est appelé sous les dra­ peaux Austro­Hongrois pour faire de la reconnaissance aérienne.

Photo DLR Après la Guerre, il se met à l’écri­ ture et publie plusieurs ouvrages dans le cadre du programme Ameri­ parlant de l’espace. En 1928, il est ka­Bomber qui vise à bombarder engagé chez Fritz von Opel et tra­ les Etats­Unis au moyen d’un bom­ vaille sur des projets de véhicules bardier parti d’Allemagne. Pour équipés de moteur à réaction. L’un remplir cet objectif, il développe le deux, Valier­Heylandt Rak 7, est la concept de bombardier Silbervogel, première voiture propulsée par mo­ l’un des premiers lifting body imagi­ teur­fusée à carburant liquide. Il né dans le monde. Le lifting body réalise de nombreux tests de mo­ trouve son originalité par le fait que teurs à l’usine Haylandt près de l’aéronef trouve sa portance non Berlin. C’est au cours de l’un d’eux plus grâce à ses ailes mais à son qu’il trouve la mort le 17 mai propre fuselage. 1930. Alors qu’il réglait les der­ niers détails d’un moteur qu’il sou­ Après la guerre, il part travailler en haitait présenter à la prochaine « France sur le Griffon, prototype de Semaine de l’Aviation » une explo­ chasseur supersonique. Il échappe sion se produit. L’un des débris à un projet de tentative d’enlève­ projeté lui sectionna l’aorte. En ment ordonné par Staline, qui Photo DLR quelques minutes, il n’y avait plus voyait en Sänger un ingénieur hors rien à faire. Eugen Sänger est né le 22 sep­ pair capable de développer des tech­ tembre 1905 en République Tc­ nologies utiles pour l’Union hèque. Il s’inscrit aux Universités Soviétique. En 1949, il fonde la Fé­ techniques de Graz et de Vienne où dération Astronautique et devient il étudie le génie civil. Après avoir deux ans plus tard, le premier pré­ lu le livre « Des fusées dans sident de la Fédération Internatio­ l'espace interplanétaire » d’Oberth, nale d’Astronautique. il décide de s’orienter vers des études aéronautiques. Il sort diplô­ Au milieu des années 50, il re­ mé ingénieur en aéronautique en tourne en Allemagne où il prend la 1930. Au départ, sa thèse de fin direction de l'Institut de la physique d’étude était consacrée au vol et de la propulsion par réaction à propulsé par fusée. Rejetée par l'école technique de Stuttgart. Le l’Université car jugée trop fantai­ 10 février 1958, il décède laissant siste, il fait le choix d’un sujet plus un important héritage consacré aux classique. Néanmoins, sa thèse de statoréacteurs et aux liftings body, départ sortira sous forme de livre héritage que la Nasa utilisera pour en 1933 sous le nom de « Tech­ développer toute une série d’avions nique de vol des fusées » qui sera expérimentaux qui donneront nais­ l’un des plus importants traitant du sance quelques années plus tard à domaine des fusées. Il publie éga­ la navette spatiale. Bien que lement plusieurs articles sur le su­ n’ayant que peu de rapport avec le jet qui attireront l’attention du lifting body, la navette en est néan­ Ministère de l'Aviation du Reich. moins un des ses héritiers. Photo Library of Congress

Janvier 2013 ASTRONotes 25 29 OU DECOUVRIR L'ESPACE B R I T I S H S C I E N C E M U S E U M

Exhibition Road South Kensington Greater London SW7 2DD (Royaume­Uni)

Le Science Museum explore le développement de la science, de la technologie, de l'industrie et de la méde­ cine dans 40 galeries différentes. Il existe une partie entièrement consacrée au spatial avec entre­autres la présence d'un exemplaire de la fusée anglaise Black­ Arrow et d'une fusée américaine Scout.

Visitez le site à l'adresse http://www.sciencemuseum.org.uk

Photo Martin Addison

A G E N D A C U LT U R E L 1 2 / 0 1 / 2 0 1 3 ( 1 4 h )

Conférence animée par Michel Viso, responsable de l’exobiologie au CNES Paris. Le rendez­vous se déroulera en salle Caquot musée de l'Air et de l'Espace au Bourget.

Une conférence, une exposition se déroule près de chez vous? N'hésitez pas à contacter Destination Or­ D A N S L E P R O C H A I N A S T R O N O T E S bite. Une annonce sera publiée au numéro suivant. L e s p i o n n i e r s Dans le prochain numéro, retrouvez la suite des pionniers de l'espace avec entre autre, le duel Korolev/von Braun

Photo Nasa

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