DÉPARTEMENT D'HISTOIRE ET SCIENCES POLITIQUES

Faculté des lettres et des sciences humaines

Université de Sherbrooke

L9ABOLm0NDE LA PEINE DE MORT AU : LE DISCOURS POLITIQUE ET L'OPINION PUBLIQUE LORS DES DÉBATS DE 1%6-1%7,1973 ET 1976.

Par

MATHIEU BUREAU

Bachelier en histoire

de l'université de Sherbrooke 1-[Bab

&MOIRE PRÉSENÉ

pour obtenir

LA MAITRISE ÈS ARTS (HISTOIRE)

Sherbrooke

SESSION HIVER 2000 National Library Bibliothèque nationale u*I ofCamda du Canada Acquisitions and Acquisitions et Biblographic Services services bibliographiques 395 Wellington Street 395, nie Wellington WwaON KlAON4 OttawaON K1AW Canada Canada

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L'abolition de la peiue de mort au Canada: le discours politique et l'opinion publique lors des débats de 19661967,1973 et 1976.

Mathieu Bureau

Ce mémoire a été évalué par un jury composk des persom suivaaîe~:

M. Peter Southam, directeur (Département d'liistoire, FLSH)

M Gilles Vandal, examinatein (Département d'histoire, FLSH)

M. Jean-Herman Guy, examinateur (Département d'histoire, FLSW Cc mémoire de xn&r&e perte sur IY&udede l'abolition de la peine capitale au CanaBa. II se penche

sur I'dyse du discours politique et de l'opinion publique lors des debats de 1966-1967,1973 et

1976. Le premier chapitre du mémoire traite de I'humanisation du système judiciaire qui s'effectue

au Canada et dans plusieurs autres pays occidentaux après la Deuxième Guerre mondiale-

- Par la suite, l'étude des @s politiques, du vote des députés et des sondages dans le dedème

chapitre demontre clairement la positionde chaque parti polÏtique surh peine capitale amsi qu'mie

importante dichotomie entre l'opinion Qes députés et celle de la population.

Enfin, les chapitres trois et qumia pdztenf sur I'Wyse du discoun dcs dé- et l'hf3rieace des

groupes de pression- te troisième chpitre permet l'identification de trois thématiques dors que

le dernier illustre les moyens utilisés par les groupes de pression pour influencer les députés. REMERCIEMENTS

Je tiens d'abord à remercier les professeurs qui ont éveillé chez moi la passion pour i'histoire et la politique que je partage avec vous dans ce mémoire. k tiens également à remercier ceux qui, de près ou de loin, m'ont supporté et aidé pour compléter ce mémoire. Merci à mes amis de la maîtrise de I'Université de Sherbrooke et ma famille. Pour ses nombreux conseils, je me dois de remercier particulièrement Patrick Hébert. Enfin, mes sincères remerciements vont à mon directeur de mémoire Peter Southam qui, au fd de mes recherches et de ma rédaction, me prodigua toujours de nombreuses et judicieuses critiques qui me ramenèrent souvent dans la bonne direction. Remerciements

Introduction

Chapitre 1. Humanisation du système judiciaire :le contexte international et le Canada

. 1. La peine de mort et son abolition après la Deuxième Guerre mondiale 1.1 La position abolitionniste de 1'O.N.U. et d'Amnistie Internationale 1.2 Le mouvement abolitionniste dans les pays occidentaux

2. Le mouvement abolitionniste au Canada 2.1 Les origines du mouvement abolitionniste au Canada 2.2 Modifications de I'wage de la peine de mort dans le Code criminel 2.3 La peine capitale et les publications du gouvernement fédéral: 1965-1976

Chapitre 2. Les positions des partis politiques, le vote des députés et les sondages

- 1. L'importance du vote libre lok des trois débats 1.1 Débats de 1966-1967 1 -2 Débat de 1973 1.3 Débat de 1976

2. Le vote des députés lors des trois débats selon l'allégeance politique et les régions 2.1 Répartition des votes des députés selon l'allégeance politique 2.2 Répartition des votes des députés selon les quatre grandes régions canadiemes

3. L'opinion publique et les votes des députés: divergences d'opinions 3.1 Historique de l'opinion publique canadieme sur la peine capitale 3.2 Opinions du public selon les régions 3.3 Comparaisons entre le vote des députés et l'opinion publique selon les régions

Chapitre 3. L'analyse du discours des députés

1. La référence au concept d'humanisation 1.1 L'humanisation dans les débats de 1966- 1967 1.2 L'humanisation dans te débat de 1973 1.3 L'humanisation dans le débat de 1976 2. L'aspect dissuasif de la peine de mort 2.1 L'aspect dissuasif dans les débats de 1966-1967 2.2 L'aspect dissuasif dans le débat de 1973 2.3 L'aspect dissuasif dans le débat de 1976

3. Évocations de la protection du public et des droits et devoirs de l'État 66 3.1 La protection du public et les droits et devoirs de l'État dans les débats de 1966-1967 66 3.2 La protection du public dans le débat de 1973 68 3.3 La protection du public et les droits et devoirs de l'État dans le débat de 1976 70

Chapitre 4. L'influence des groupes de pression

1, Les débats de 1966-1967 1.1 Les Églises 1.2 Les forces policières 1.3 Les autres groupes de pression

2, Le débat de 1973 2.1 Le communiqué de la Société canadie~ede criminologie 2.2 Le communiqué de la conférence catholique canadienne 2.3 Le communiqué de l'Association canadieme des chefs de police

- 3. Le débat de 1976 3.1 Les forces policières 3.2 Les Églises 3.3 Lesautres groupes de pression

Conclusion

Bibliographie TABLE DES TABLEAUX

Tableau 1: Répartition du vote des députés lors des trois débats selon l'allégeance politique

Tableau 2: Répartition du vote des députés fors des trois débats selon les régions

Tableau 3: Population canadienne favorable au maintien de la peine capitale

Tableau 4: Moyennes en pourcentages de l'opinion du public sur la peine capitale selon les quatre grandes régions canadiennes

Tableau 5: Les thèmes et leurs références lors des debats(nornbre1pourcentage) Introduction

Depuis des milliers d'années, l'être humain vivant en groupe ou en société éprouve le besoin de se doter de règles ou codes de conduite à respecter afin de promouvoir l'ordre et la stabilité.

Évidemment, ces codes de conduite et règles peuvent prendre différentes formes selon les besoins des sociétés. 11 enva de même pour les punitions et les châtiments imposés a ceux et celles qui sont jugés discordants ou déviants par leurs semblables.

Pour de nombreuses sociétés, le châtiment ultime imposé à un individu fùt, et reste encore, la condamnatioù à mort. Au cours des sihles et des époques, les décidetus politiques déterminèrent la pratique de la peine de mort avec l'usage de plusieurs modes d'exécutions tels que la décag&ation, la pendaison, La fusillade, la chaise électrique et l'iijection létale. Longtemps utilisée par la plupart des sociétés pour punir et dissuader les c'discordants" de toutes sortes, la peine capitale devint lentement un moyen de punir conteste. On s'accorde généralement pour affirmer que cette - contestation prit véritablement naissance au 1% siècle grâce à Cesare Beccaria qui, en 1764, publia

Des Délits et des Peines1. Il faudra néanmoins attendre plus d'un siècle pour que le mouvement en faveur de l'abolition de la peine capitale se concrétise. Ce courant abolitionniste prit donc de l'ampleur au fur et à mesure que les mentdités concernant la réhabilitation des criminels et la façon de les punir évoluèrent. Par exemple, avant d'être abolie complètement, la pendaison cessa d'être pratiquée devant les foules pour s'effectuer plutôt à l'intérieur des murs des prisons. Ensuite, on en vint à penser que les exécutions ne servaient pas adéquatement la société et que

1. E. THAMIRY, Dictionnaire de théologie catholique, Tome X, Partie 2, 1929, p.2 500. 2

l'emprisonnement, accompagné d'une réhabilitation et de la réinsertion de certains criminels, était

un moyen plus utile pour punir. Nous pensons que la propagation de cette nouvelle idée fut

significative après la fin de la Deuxième Guerre mondiale.

Ainsi, au lendemain de la Deuxième Guerre mondiale, L'Assemblée générale des Nations Unies

adopta, le 10 décembre 1948, la Déclaration universelle des droits de 2 'homme2. Du point de vue

moral, I70rganisationse basa sur ce document pour favoriser l'abolition & la peine de mort dans

tous les pays du globe3. Dans ce courant de ïiowellejustice", de 11-é et d'égalité pour tous, le

gouvernement canadien forma en 1953 un Comité mixte du Sénat et de la Chambre des communes .

pour, entre autres sujets, étudier la question de la peine capitale- En 1956, ce Comité murte

P. recommanda le maintien de la peine capitale4. Sans être abolie officiellement, la peine capitale a

toutefois cessé d'être appiiquée à partir du 1 1 décembre 1962, date à laquelle la justice canadienne

effectua ses deux demières pendaisons'.

Dès l'année suivante, le pays entre dans une ""èrelibérale". En effet, de 1963 jusqu'en 1979, le

Canada fut dirigé par le Parti libéral du Canada. À la fin de deux mandats consécutifs, soit en 1967,

le P.L.C. fit adopter par le Parlement un projet de loi d'initiative ministérielle pour suspendre la

peine capitale pendant cinq ans. En 1973, le projet de loi fut renouvelé par un vote libre des députés.

.I .-: 2, Déclaration universelle des droits de I 'homme, Département de l'information, Organisation des Nations .-. . Unies, t 949. 3. SOLLICITEUR GÉNÉRAL DU CANADA, Questium et réponses relatives à la peine de mort, Division des Communications, 1976, Question #65. 4. Helen McKenzie, Lu peine capitale au Canada' Bulletin d'actualité, Division des affaùes politiques et sociales, , Bibliothèque du Parlement, 10 jdet 1987 (19 novembre 1979)' p, 16. 5. SOLLICITEUR GÉNÉRAL DU CANADA, Quesfionr et réponses ... ,Question #42. 3 - .- Finalement, encore par vote libre du Parlement, la peine capitale fut abolie au Canada en 1976f

Notre sujet d'étude sera l'abolition de la peine de mort au Canada. En conséquence, notre période

d'analyse couvre le troisième quart du 20è siècle avec une attention particulière sur les années

entourant la suspension et l'abolition de la peine de mort au Canada.

Problématiaue

Defaçon plus précise, notre mémoire sera axé sur l'anaiyse de quatre questions. Nous chercherons

d'abord à découvrir dans quelie mesure le processus, qui a mené à l'abolition de la peine capitale

au Canada en 1976, s'insère dans un courant général d'humanisation du système judiciaire qui,

pendant quelques décennies, aurait pu toucher le Canada et plusieurs autres pays occidentaux.

* Ensuite, notre analyse des discours des députés portant sur la suspension et l'abolition de la peine

de mort au Canada nous amènera à nous questionner sur la possibilité d'identifier la position des

partis politiques et des députes. Nous chercherons également s'il nous est possible de comparer

l'opinion des députés avec celle de la population Troisièmement, nous tenterons d'identifier les

thèmes de discussions traités le plus abondamment lors des débats. Enfin, l'analyse des discours

des députés nous permettra également de découvrir dans quelle mesure on a tenu compte de

l'opinion des groupes de pression lors des débats.

Ces quatre questions seront explorées et ce n'est qu'après les avoir toutes analysées que nous

obtiendrons une réponse précise à nos interrogations. Néanmoins, l'énoncé d'hypothèses nous

permet d'identifier des pistes d'analyses. Nous pensons d'abord qu'après la Deuxième Guerre

6. H. McKenzie, La peine capitale... , p. I 7. mondiale, une humanisation du système judiciaire peut être observée au Canada ainsi que dans

plusieurs autres pays occidentaux Quant à l'opinion des partis politiques et des députés, nous

pensons que l'analyse des discours des débats révélera des différences significatives entre les partis:

libéraux et néo-démocrates se rangeant plutôt du côté abolitionniste, conservateurs et créditistes

du côté opposé. Nous nous attendons ainsi à voir que la députation en général est beaucoup plus

abolitionniste que la population canadienne, tel que révélé par les sondages d'opinion publique.

Bien sûr, l'énoncé de ces problématiques et hypothèses renvoie à l'utilisation de quelques concepts

et termes qu'il convient de définir ou d'expliciter davantage.

L'idéologie est le premier concept qu'il est important de définir. Généralement, le terme idéologie - renvoie immédiatement à l'utilisation d'id& et d'opinions qui forment un ensemble ou une . i - -. doctrine. Bien que tréç acceptable, cette définition mérite d'être développée. À cet égard, retenons

-. . . les réflexions sur les idéologies du Canada français exprimées par Fernand Dumont. Ainsi, pour

Dumont, situation -- d'idéologie est une définition explicite de la par les groupements, les classes

, - surtout, qui y sont engagés [...17.» De plus, les idéologies «[...] donnent cohérence, elles fixent des l.

objectifs d'action. Elles sont partie prenante aux mécanismes sociaux. Pour comprendre les

idéologies, il faut les saisir et les comprendre dans leur originalité et leurs structures propres; mais

il faut aussi pouvoir déceler en quoi elles complètent et assument les autres variables d'un ensemble

social8.» Donc, en analysant le rôle des partis politiques fédéraux et des groupes de pression dans

le processus menant a l'abolition de la peine de mort par le truchement de leurs idéologies, nous

7. Femand DUMONT et al., Idéologies au Canadafrançais, 1850-1900, Québec, P.U.L., 197 1, p. 1. 8. F. DUMONT, ?déologies au Canada..., p. 1. 5

devrons identifier les objectifs d'action de ces partis et de ces groupes pour être en mesure de

déceler le degré de complémentarité de leurs idéologies avec celles de la société canadienne.

D'autre part, nous devons expliquer ce que nous voulons désigner en utilisant les termes groupe de

pression et opinion publique. Le terne groupe de pression fait pour nous référence aux diverses

associations ou regroupements qui, par la voie de communiqués, qu'ils soient oraux ou écrits, ont

tenté d'influencer la population et les partis politiques Rappelons que ce ne sont pas les

comminiqués eux-mêmes qui sont l'objet d'une analyse, mais pIutot les réferences faites à de tels

communiqués dans les discours des députés. Quant à l'opinion publique, il est clair qu'elle

_. représente la manière de penser la plus généralement répandue dans une société. Pour amver a - déterminer l'opinion publique concernant notre sujet, nous devrons entre autres utiliser des

sondages. Avant d'aborder plus en détail les sources et la méthodologie, il importe de situer notre

sujet par rapport aux grands courants de l'historiographie.

Historioera~hie

Tout d'abord, notre période d'étude insère obligatoirement notre sujet dans ce que l'on peut appeler

l'histoire actuelle ou l'histoire du temps présent. Cette dernière appellation nous semble la plus

juste puisqu'elle fut utilisée en France lors de la création de l'Institut d'Histoire du Temps Présent

en 1980. Cette histoire très immédiate utilise évidemment les acteurs et les témoins pour poser les

questions au passé. Ce faisant, l'utilisation d'outils relativement nouveaux, comme les sondages, 6 - . _. donne des façons inédites d'analyser la pensée politique9. S'insérant dans le temps présent, nous

croyons que notre sujet peut également être relié à l'histoire de la justice et de la criminalité.

Selon Yves Castan, c'est avec l'avènement de l'histoire sociale, issue de la fondation des Annales,

que l'histoire de la criminalité et de la justice pénale prit son véritable essor. À cet égard, retenons

la citation de Castan :

Un appel vers l'étude de la criminalité et de sa répression, selon la loi pénale ou selon d'autres procédures de contrôle, était effectivement ressenti a travers les multiples travaux sur l'évolution et la mobilité sociale, les transformations de l'habitat, les modes de vies familiaux, le problème de la pauvreté des classes dangereuses et des classes laborieuses, le dégagement de mentalités nouvelle^^^.

Toute I'historiographie de la peine de mort et des autres sujets pouvant y être reliée telle que

l'historiographie de la violence en fait une partie prenante de cette histoire de la criminalité et de

la justice pénale. Par ailleurs, nous croyons que notre sujet doit en grande partie être relié à

l'histoire politique. Comment cette dernière se définitelle? Encore une fois, reportons-nous à la

description du Dictionnaire des sciences historiques. L'histoire politique est ((cellede l'État et des

citoyens qui le constituent Elle traitera donc, à l'intérieur du fonctionnement des pouvoirs publics,

des changements qui les affectent, des mesures (lois, décrets...) prises par eux, et des réactions

éventuelles du corps social ou de tel de ses éléments à ces mesures".)) Notre sujet s'insère dans ce

créneau puisque I'abolition de la peine capitale au Canada implique les pouvoirs politiques, les

changements de la loi criminelle ainsi que la réaction de la population. Bien sûr, l'histoire politique

9. Jedierre AZÉMA, Dictionnaire des sciences historiques, Publié sous la direction de André Bwguiere, Paris, Presses Universitaires de France, 1986, p. 653-654. 10. Yves CASTAN, Dictionnaire des sciences... , p. 163. 1 1. Pierre LÉVÊQUE, Dictionnaire des sciences... , p. 5 15. 7

existe depuis longtemps, mais elle s'est trouvée compromise et critiquée lors de l'émergence de

l'école des AnnaIes. Depuis une trentaine d'années, l'histoire politique renaît car le rôle de l'État,

devenu plus important dans nos sociétés contemporaines, accroît l'intérêt d'étudier l'opinion

publique, les partis et les p~uvoin'~.Notre sujet fait donc partie du nouvel essor de L'histoire

politique. Tout ceci nous permet maintenant d'aborder la description de nos sources et de notre

méthodoIogie.

Sources

Notre corpus de sources est divisé en trois parties. La plus volumineuse est sans contredit celle qui

est constituée des Débats de la Chambre des communes du Canada. Chaque année, le - gouvernement canadien publie les volumes qui contiennent tous les débats et les discussions tenus

lors des sessions parlementaires- Pour notre sujet, nous avons utilisé les volumes correspondants

aux trois débats qui menèrent a la suspension puis a l'abolition de la peine capitale. Les volumes

couvrant les débats de 1966 et 1967,1973 et 1976 ont donc été consultés. L'analyse des Débats de

la Chombre des communes du Cunada est facilitée par l'existence d'un Index des Débats pour

chaque session parlementaire. Son utilisation nous a permis de choisir panni les discours ceux qui

conviennent le mieux à notre sujet.

La deuxième partie de notre corpus est composée de publications de groupes de pression. Elle est

constituée de deux articles de revue et de trois documents exposant les positions sur la peine

capitale adoptées par quatre groupes de pression. Les deux articles de revue nous donnent d'abord

12. Pierre LÉVÊQUE, Dictionnaire des sciences... p. 520. 8 l'opinion de la Conférence catholique canadienne. En effet, au cours de notre période d'étude, ce

groupe de pression religieux se seMt de la revue L ',!?'lise canadienne en 1973 et 1976 pour

exprimer son opinion sur la peine capitale. Ensuite, les trois autres documents font état de la

position de l'Association canadienne des chefs de police, de la Société canadienne pour l'abolition

de la peine de mort et de la Société canadienne de criminologie. Enfin, de nombreuses publications

gouvernementales et un rapport indépendant ont également seM de sources. --

.-a

Les études gouvernementales ont été utiles et sont considérées comme sources, car elles donnent

notamment des résultats de sondages et des statistiques du gouvernement sur plusieurs aspects de

. . la peine capitale tels que les dernières executions, le nombre de sentences commuées, la peine de

e mort et son effet dissuasif, le vote des députés lors des débats, l'entrée en vigueur des nouvelles lois

criminelles et le taux d'homicides lors de la suspension de la peine capitale. Il n'est pas nécessaire

de nommer toutes les études gouvernementales maintenant, car elles sont abondamment décrites

dans le premier chapitre. Afin de bien identifier les députés en rapport avec leur appartenance -*

- - politique et leur provenance, nous avons utilisé les Joumur de la Chambre des communes du

Canada (de 1967, 1974 et 1976), la Liste des membres de la Chambre des communes du Canada

(de 1967, 1973 et 1974) ainsi que les dew guides parlementaires ( "The Canadion Parliomentary

Guide " ) de Pierre G. Normandin publiés en 1967 et 1968. Voyons maintenant le traitement que

nous avons fait de nos sources. Méthodolonie

Tout d'abord, la quantité volumineuse des discours concernant notre sujet requiert, de notre part,

une sélection rigoureuse de ces discours, tenant compte des dimensions à la fois quantitatives et

quatitatives. Puisque nous ne pouvons faire une analyse de tous les discours, ce qui aurait nécessite

une démarche beaucoup trop longue en terme de temps déployé, nous avons choisi d'utiliser les

Index des Débuts de 1966 et 1967,1973 et 1976. L'index nous a permis de faire une sélection des

discours des Débats de la Chambre des communes du Canada représentatifs des opinions, des

thématiques et des enjeux présents lors des débats de 1966-1967,1973 et 1976. Cette sélection a

néanmoins entraîné quelques difficultés. Nous avons dû nous limiter aux thématiques qui furent

abordées plusieurs fois durant les trois débats- Notre choix s'est donc tourné essentiellement vers

- les thèmes donnant beaucoup de références. De plus, notre démarche demanda de notre part une

analyse qualitative des discoun des députés. L'analyse de type qualitatif que nous avons faite des

témoignages ou opinions sur la peine capitale amène forcément i'omission d'élements des discours

que nous jugeons d'importance secondaire. Cette approche nous permit néanmoins d'établir les

iignes de force des trois débats.

Dans un deuxième temps, nous avons utilisé les Journaux de /a Chambre des communes du

Canada, la Liste des membres de la Chambre des communes du Canada ainsi que les deux guides

parlementaires de Pierre G. Nomandin pour identifier l'appartenance partisane et géographique de

chaque député concerné. Cette démarche fut essentielle car elle nous permit de construire les

tableaux du deuxième chapitre sur la position des partis. Les nombreux rapports gouvernementaux

ont, quant à eux, fait l'objet d'une analyse de contenu pour faire ressortir tous les éléments 10 quantitatifs et qualitatifs susceptibles d'apporter des éléments de réponse à notre problématique.

Enfin, les différentes sources relatives aux groupes de pression furent surtout utilisées pour définir correctement la position à laquelle les députés font référence dans leurs discours. Chapitre 1

Humanisation du système judiciaire: le contexte international et le Canada

Sans la prétention de vouloir faire l'histoire de la peine de mort à travers les différentes périodes

ou époques de l'histoire de l'humanité, nous voulons démontrer, dans le cadre de ce chapitre,

qu'après la Deuxième Guerre mondiale, une humanisation du systèmejudiciaire est perceptible à

la fois dans les théories et dans les lois touchant le contriXe des meurtriers. Cette tendance se produit

dans le droit international, dans plusieurs pays occidentaux ainsi qu'au Canada Nous nous

attarderons d'abord a identifier le désir international d'abolir la peine capitale tel qu'exprimé par

l'Organisation des Nations Unies et Amnistie internationale pour ensuite examiner la montée du mouvement abolitionnistedans les pays occidentaux Enfin, le contexte abolitionnistecanadien sera

examiné en identifiant les études gouvernementales portant sur la peine capitale ainsi que les modifications dans le Code criminel de l'usage de la peine de mort-

1. La aeine de mort et son abolition aarès Ia Deuxième Guerre mondiale

1.1 La position abolitionniste de I'ONIJ et d'Amnistie internationale

Dès sa création a la suite de la Deuxième Guerre mondiale' l'organisation des Nations Unies démontre son désir d'assurer la protection de tous les êtres humains en adoptant, le 10 décembre

1948, par le biais de l'Assemblée générale, la Déclaration universeile des droits de 1 'homme'. Ce court document, en raison de sa teneur, se révèle être, comme I'exprime si bien William A .

1. Déclaration universelle des droits de I 'homme,Département de l'information, Organisation des Nations Unies, 1949, n-d.. Schabas, «the cornerStone of contemporary human rights 1awC-.] 2.» D'ailleurs, W. A. Schabas

explique très bien pufquol Ia Décic17afion est un document si novateur.

Les rédacteurs de la D&cImationmiversetle des droifs de l'home ont conçu leur travail à la fais came mie COdi£Idmdu droit inteme en matière de &aÏts et libertés, et à la fois comme un processus de création de nonnes originales et innovatrices, Ia Wction d'un manifeste pour l'ensemble de I'humm-té- Parmi Ies normes "origiriitles" se trouve le droit A la vie, un droit qui occupe une place de première importance daos l'enumération de la Décimation, un droit que subséquemment on qualifiera comme ^le droit primordial) "le noyau irréductible des droits de l'homme" 3.

cette demière ii se prononcer contre la peine de mort Dans un premier temps, l'0.N.U. s'efforce

de produire de la documentation sur l'usage de la peine de mort Ainsi, en 1962, WCAncel

produit un rapport pour les Nations Unies intitulé La Peine Capitale4. Pour rédiger son rapport, -.

Ance1 se basa sur les renseignements qu'il recueillis ainsi que sur les réponses de deux

questionnaires produits prr les NatÏomUnies et envoyés à tous les États membres. Son rapport

s'attarde ii identifier trois problémes relatifs B l'usage de la peine de mort les probI&mesd'ordre

juridique, les problèmes d'application pratique et les problèmes d'ordre sociologique et

criminologique. Cinq ans après ia parutionde ce rapport, 1'O.N.U..sous la plume de Nomai Marris,

publie Curpiul Pzmishrnent, Developments 1963-196.5'? Un peu comme pour le rapport de Anee),

2. William A . SCWAS, The Abdirion qfhe De& Pmhyï~ htermîionat Law, Thèse de Doctorat en droit(LL.D,), Univasité de Montréal, a& 1992, p21, 3. W.A- SCHABAS, TheAbolt&~on O$.-, pfV. 4. Marc ANCEL, La PheCapitak, New Y& Nations Unies, Département des affaires écon&qoes et socides, 1%2,68 pages, 5. M-ANCEL, La Peine Capitale7 p. î - 6. Norval MORRIS, Capid Pamshent, DeveIopments 1961-1963, New York, United Nations, Department of Economic and Soçid Mails, 1%7,58 pages. Fait Intéressant a nuter, 18 première page du rapport mentionne qo'ii s'agit d'me mise à jonr de la pubhcation de Marc Ance1 qui portait sur les annics 1956-1960. LR données fimm amassées grâce à rm questionnaire, envoyé à tom les États- membres, portant sm la loi et la pratiqae de la peine capitale. - les données fiuent massées grâce à un questionnaire envoyé à tous les États-membres et portant . , sur la loi et la pratique de la peine capitale. Il est intéressant de noter que le Canada n'a pas

répondu au dit questionnaire7. Le résumé fourni dans ce rapport révèle plusieurs données

intéressantes sur I'utilisation de la peine de mort au début des années 60. Ainsi, on apprend qu'il

y avait déjà à cette époque une tendance mondiale vers une diminution des exécutions qui peut

s'expliquer par des changements législatifs favorisant l'abolition. De plus. on y dénote que de

nombreux criminels ne sont pas exécutes, car on prend davantage en considération des facteurs

d'exclusions basés sur la santé mentale et physique, les circonstances atténuantes7l'âge et le sexe.

Par ailleurs, une augmentation du nombre des clémences et des procéduresjudiciaires est remarquée

de même qu'un plus grand écart entre la loi et son application8. Une tendance vers l'humanisation

- du systèmejudiciaire et de l'application de la peine de morî a I'échelle planétaire est donc identifiée

par l'ONU dès la fin des années 50 et tout au long des années 60. D'ailleurs, ce travail

d'identification entrepris par l'ONU ne se limite pas aux deux rapports ci-haut mentionnés.

En effet, au début des années 70, celle-ci exprime le désir qu'un autre rapport sur la peine capitale

soit produit pour mettre à jour ceux de Moms et Ancei. Présenté en 1973 par le Secrétaire général,

le rapport mentionne notamment que la position des Nations Unies sur la peine de mort a beaucoup

évolué. Adoptant d'abord une attitude qualifiée de concernée tout en gardant une position neutre,

position qui explique la production objective des deux premiers rapports, l'organisation en est

venue à favoriser une éventuelle abolition de la peine de mortg. Suite à ce rapport, le Conseil

7. N. MORRIS, Capital Punishment, Developrnenh.., p. 1. 8. N. MORRIS, Capital Pzrnishment, Developmen~s... ,p. 34. 9, W. A. SCHABAS, The Abolirion of.., p. 128. 14

économique et social demanda au Secrétaire gédral de produire d'autres rapports, à tous les cinq

ans. Le premier de ces rapports quinquennaux sur la peine de mort fût publié en 197S0. Nous

pouvons donc observer que graduellement, I'ONU prend position sur le bien-fondé de la peine

capitale et son intérêt sur ce sujet l'amène, dans les années 70, a la production de rapports

quinquennaux portant sur cet épineux sujet

Cet intérêt grandissant concernant la peine capitale peut également être constaté dans le travail

d'information et de sensibilisation effectué par Amnistie internationale. Cette organisation, de par

ses statuts, s'oppose à la peine de mort «[...] parce qu'elle constitue une violation du droit à la vie

et que c'est le plus cruel, le plus inhumain et le plus dégradant de tous les châtiments".» Dans cette

-. optique, Amnistie internationale convoque a Stockholm, en 1977, une conférence internationale sur

l'abolition de la peine de mort. Lors de cette conférence, qui réunissait plus de 200 participants, le

mouvement adopta une position fermement opposée à la peine de mort, condamna toutes formes

d'exécutions et s'engagea à travailler pour l'abolition universelle de la peine de mort12. En publiant,

en 1979, son Rapport sur lupeine de mort, Amnistie internationale milite en faveur de l'abolition

de la peine de mort en fournissant des informations sur son application qui furent amassées entre

1973 et 1976'). Ainsi, nous pouvons voir qu'à la fin des années 70, deux organisations mondiales

(l'ONU et Amnistie internationale} promeuvent ou luttent pour l'abolition universelle de la peine

capitale. L'action de ces deux organisations n'est pas étrangère aux politiques abolitionnistes

10. W. A. SCHABAS, The Abolirion O$.., p. 128-129. Comme le rapport de 1973, Schabris note que celui de 1975 est plutôt pessimiste quant à la régression de l'utilisation de la peine de mort. 11. AMNISTIE INTERNATIONALE, Rapporr sur bpeine de mort, Paris, Éditions Mazarine, 1979, p. 15. 12. AMNISTIE INTERNATIONALE, Rapport sur la. .., p. 357-358, 13. AMNISTIE iNTERNATIONALE, Rapporr sur fa.. ,p. 15- 16. 15

-7 . . adoptées à partk des années 50 par plusieurs pays occidentaux Xi importe maintenant d'expliquer

la teneur du mouvement abolitionnistedans les pays occidentaux Le Canada est expressémentexclu

de cette sextion puisque, tout de suite après, nous traiterons de l'expérience canadienne.

1.2 Le mouvement abolitionniste dans les pays occidentaux

Le mouvement pour l'abolition de la peine capitale dans les pays occidentaux ne peut s'insérer

exclusivement après la Deuxième Guerre mondiale- Plusieurs nations ont aboli la peine de mort

bien avant 1945. Ailleurs, certains pays ayant aboli la peine capitale après 1945 ont exercé une

certaine influence sur l'abolition de la peine au Canada. Cette influence ktle résultat de pmximités

géographiques et de liens historiques et politiques.

Dans un premier temps, il convient de mentionner qu'il existe deux types d'abolition de la peine de

mort: l'abolition de droit (de jure) et l'abolition de fait (defacto). Le second type d'abolition est

habituellement mentionné pour démontrer que le pays abolitionniste de droit l'était dans les faits

depuis plusieurs années. Il faut également spécifier que des pays sont considérés comme étant

abolitionnistes même s'ils conservent certaines dispositions de la peine capitale dans leur Code

militaire.

Les premiers pays ayant aboli la peine capitale avant 1945 font partie du vieux continent et plus

particulièrement du nord. En effet, des pays qui, les premiers, ont renoncé à l'exécution capitale,

sont ceux d'Europe du Nord. Partout, Ia peine de mort y est tombée en désuétude avant la Premiere

Guerre mondiale. La Finlande montra l'exemple, dès 1826, avec un bon demi-siècle d'avance sur les pays voisins (Norvège: 1875; Danemark: 1892; Suède: 1910)".» Pour ces quatre pays, l'abolition de droit s'applique à partir du 20è siècle: 1905 en Norvège, 1930 au Danemark, 1921 pour la Suède et 1949 en Finlande 15. Plusieurs autres pays de l'Europe de l'Ouest emboitèrent le pas. Par exemple, I'Italie et l'ancienne République fédérale de l'Allemagne abolirent respectivement la peine capitale en 1944 et 194gL6.Ensuite, à partir de 1965, l'île de Malte (en

1971) et l'Espagne (en 1978)Tont abolie pour les crimes de droit commun alors que la Grèce, l'Irlande et la Belgique sont abolitionnistes de facd7. À ces pays, il est important d'ajouter et d'expliciter plus en détail l'expérience abolitionniste de trois autres nations qui, en raison de leur situation géographique et de leur expérience historique et politique, exercent une influence particulière sur le Canada: la Grande-Bretagne, la France et les États-unis.

En Grande-Bretagne, le mouvement pour l'abolition de la peine capitale prend ses racines bien avant la fin de la Deuxième Guerre18, mais c'est avec la fin de ce conflit que les véritables progrès en matière d'abolition s'effectueront En juillet 1945, le Parti travailliste obtint pour la première fois une majorité des sièges à la Chambre, ce qui donna de grands espoirs aux abolitionnistes car ils pensaient que les travaillistes allaient abolir la peine capitale, ou à tout le moins, la suspendre pour une période de cinq ans comme le suggérait un rapport publié en 1930'~.Conséquemment,

14. Jean-Claude CHESNAIS, Histoire de la violence en Occident de 1800 à nos jours, Paris, Collection Les Hommes et L'Histoire, Éditions Robert LafKont, 1981, p. 125. 15. AMNISTIE INTERNATIONALE, Rapport sur la. .., p. 266,246,273 et 254. 16. AMNISTIE INTERNATIONALE, Rapport sur la..., p. 265 et 242. 17. Roger WOOD, The Death Pen-, A World-wide Perspective, Oxford, Clarendon Press, 1989, p. 9. 18. Pour une historique complète du mouvement abolitionniste en Grande-Bretagne, voir l'excellent ouvrage de Elizabeth Oman TUTTLE, The Crusade against Capital Punishmenr in Grear Brirain, London, Stevens & Sons Limited, 196 1, 177 pages. 19. E. O. TUTTLE, The Crusade againrt..., p.55, 17

dans la vague de discussions portant sur l'adoption d'un "Criminal Justice Act" en juillet 1948, un

vote libre de la Chambre des communes portant sur la suspension de la peine capitale pour une

période de cinq ans fiit tenu le 14 avril 1948. L'issue négative du vote fit en sorte que l'abolition

de la peine capitale fut exclue du "Criminal Justice ~ct"~~.Pour atténuer le désarroi et le

découragement des abolitioniristes, le gouvernement annonça à l'automne 1948 qu'une Commission

royale allait étudier la possibilité de limiter l'usage de la peine capitale? Dans un volumineux

rapport, la Commission Royale adopte la position suivante: «[ ...] a stage bas been reach where little

more can be done effectively to limit the liability to suffer the death penalty, and that the issue is

now whether capital punishment should be retained or abolished?» Il faudra toutefois attendre

jusque dans les années 60 pour que le rêve des abolitionnistes anglais se concrétise. hi,«le

- Murder Act de 1965 a suspendu la peine capitale pour meurtre, pour une période expérimentale.

Cette abolition de la peine de mort a été rendue permanente en Grande-Bretagne pardes résolutions

des deux Chambres, en1969. Une motion tendant a réintroduire la peine de mort pour les actes de

terrorisme avec meurtre a été repoussée par les Communes en décembre 1975?»

En ce qui concerne la France, il faudra attendre jusqu'en 1981 pour que la peine capitale y soit

complètement abolie2'. Comme dans tous les pays abolitionnistes, l'humanisation du système

judiciaire est en grande partie redevable aux pressions exercées par certains individus et groupes.

20. E. O. TUTTLE, The Cnrsade against ..., p. 82. 2 1. E, O. TUTTLE, The Cnîsade against ..., p. 84. 22. Royal Commission on Capital Purrishment, 1949-1953. Report, London, Her Majesty's Staîionery Office, Septernber 1953,505 p., 23. AMNISTIE INTERNATIONALE, Rapport sur la... , p. 272-273. 24. R HOOD, The Death Penalty ..,, p. 9. 7 En France, aune campagne de plus en plus vive pour l'abolition de la peine de mort a recueilli ! ' l'appui de plusieurs grands corps professionnels et de personnalités importantes, dont le président

de la République en exercice, M Valéry Giscard &Estain&?» À cet appui non négligeable pour

l'abolition de la peine, il ne faut pas oublier de rajouter celui du ministre de la Justice de l'époque,

M Alain ~eyrefitte? En 1976, le Syndicat de la magistrature se prononça également pour

l'abolition de la peine capitale tout comme la totalité des adhérents de la Commission pour la

révision du Code pénal2'.

Plus près du Canada, les États-unis ont une expérience assez particulière avec l'abolition de la peine

capitde. Le mouvement abolitionniste y devient important dans les années 50 et 60 grâce

- notamment a l'intervention des médias et des groupes de pression2*. Parallèlement au mouvement,

il y eut un déclin rapide du taux d'exécution à parîïr de 1947 déclin qui, selon Jan Gorecki, serait

3 dû à l'hésitation grandissante des jurés de prononcer la peine, aux nombreuses stratégies et

-- L procédures d'appel et à un certain laxisme des autorités carcérales? Le zénith de ce courant

3 q abolitionniste fut la décision de la cour suprême qui, en juin 1972, jugea l'application de la peine . .-. capitale inconstitutio~elle~~.La dernière exécution remontant au 2 juin 1967, il n'en y eut pas

d'autres avant le 17janvier1 977? Cette exécution fût possible grâce à la cour suprême qui décida,

25. AMNISTIE iNTERNATIONALE, Rapport sur la..., p. 254. On y mentionne d'ailleurs que M. Giscard d'Estaing se prononça contre la peine capitale alors qu'il était candidat pour la présidence. 26. Abel CLARTE, Les Trois Sociétés et les Deux Civilisations, Park, Autoédition de l'auteur par l'imprimerie Gaillard, 1977, préface. 27. AMNISTIE INTERNATIONALE, Rapport sur la..., p. 254-255. 28. Jan GORECKI, Capital Punishment, New York, Columbia University Press, 1983, p. 87. 29. J. GORECKI, Capital Punishment, p. 9 1-93. 30. Hugo Adam BEDAU et Chester M. PIERCE, Capital Punishment in The United States, New York, AMS Press, 1976, p. 3, 3 1. AMNISTIE INTERNATIONALE, Rapport sur la..., p. 16 1. 19

en octobre 1976, que la peine de mort infligée dans les cas de meurtre ne constituait pas un

châtiment cruel et exceptionnel et que donc, la peine capitale appliquée dans ces circonstances ne

violait pas la Constitution des États-~nis~~.Depuis ce jugement et jusqu'à la fin de1998, les 38

États américains ayant la peine capitale dans leurs statuts ont effectué 500 exécutions. De plus, en

date du ler avril 1999,3 500 prisonniers aux Etats-Unis attendaient leur exécution33.

L'étude de l'expérience de ces pays occidentaux avec la peine capitale démontre que nombre d'entre

eux décidèrent d'abolir, en théorie ou en pratique, la peine après la Deuxième Guerre mondiale.

Il faut néanmoins retenir que le mouvement en faveur de l'abolition de la peine de mort, malgré

d'importants progrès pendant la dewieme moitié du vingtième siècle, est loin de feel'unanimité.

C A l'échelle mondiale, les progrès demeurent relativement modestes. Un grand nombre de pays

maintiennent la peine de mort et c'est aux États-unis, le pays le plus puissant et le plus influent, que

le nombre d'exécutions de criminels conmit une croissance particulièrement remarquable ces

dernières années. C'est en tenant compte de ce contexte et., tout particulièrement, en tenant compte

des implications de la tendance, de plus en plus prononcée, à la convergence entre les modes

institutionnels et culturels américains et canadiens, que nous examinerons les circonstances de

l'abolition de la peine de mort au Canada.

32. AMNISTIE INTERNATIONALE, Rapport sur la..., p. 157. 33. AMNESTY INTERNATIONAL, Facfs and figures on the deafh penalty, http://ww.amnesty.or@~lib/intcddp/dpfacts. htm, 18 décembre 1999. 2. Le mouvement abolitionniste au Canada

2.1 Les origines du mouvement aôolitioaniste au Canada

Les premières tentatives d'abolir la peine de mort au Canada se sont effectuées dans le contexte de la Première Guerre mondiale. Ainsi, ces «[ ...] premières tentatives de réforme du droit pénal ont

été faites par Robert Bickerdike qui déposa, en 19 14, 19 15, 1916 et 19 17, des projets de loi pour l'abolition de la peine capitaleY.» Député pour le comte de Saint-Laurent-Montréal de 1904 à 1917,

Robert Bickerdike est en quelque sorte l'instigateur d'un mouvement abolitionniste qui, selon

C.HS. Jayewardene, aurait existé de 1914 à MW5.Robert Bickerdike présente pour la première fois son opinion abolitionniste le 5 février 1914 par le biais d'un projet de loiM. Voici d'ailleurs une courte citation sur l'objectif de son projet de Loi et sur son opinion concernant la peine capitale:

Je voudrais, par ce bill, obtenir l'abolition de la peine de mort en ce pays et y substituer l'emprisomement à vie. [...] Comme je l'ai dit en présentant ce projet de loi, la peine de mort a été une tache pour la chrétienté, une flétrissure pour la religion et un reproche à la nation civilisée qui l'a laissé mettre dans ses statu&'.

Après un long plaidoyer en faveur de l'abolition, Bickerdike fut félicité par le ministre des

Échanges et du Commerce de l'époque, M .George E. Foster, qui tenta toutefois d'ajourner le débat.

Suite au désir des députés de la Chambre, le débat put continuer mais il fut courcircuité par un ajournement proposé par le ministre de la Justice, l'honorable C.L Dohertfs.

34. Helen McKenzie, Lapeine capitale au Canada, Bulletin d'actualité, Division des affaires politiques et sociales, Ottawa, Bibliothèque du Parlement, 10 juillet l987(l9 novembre 1979), p. 11. 35. C.H.S. JAYEWARDENE, <), Revue Canadienne de Criminologie, vol. 14, #Il, janvier 1972, p. 379. Selon l'auteur, les journaux de cette période contiennent de nombreux articles, éditoriaux et letîres d'opinions sur l'abolition de la peine capitale. 36. C.H.S. JAYEWARDENE, «The Canadian Movement... », p. 379. 37. Débats de la Chambre des Communes du Canada, 33 Session, 12è Législame, vol.1 , 5 fév. 1914, p. 508. 38. C.H.S. JAYEWARDENE, «The Canadian Movement ...», p. 379-380. 21

L'année suivante, Bickerdike revint a la charge le 12 février en proposant la deuxième lecnire du

projet de loi numéro 18 qui proposait d'amender le Code criminel pour abolir la peine capitale.

Encore une fois, le gouvernement, toujours par l'entremise de l'honorable C.J. Doherty, tenta

d'ajourner le débaf9. D'ailleurs, selon ce dernier, les arguments apportés à l'appui du projet de loi

ne!e convainquaient pas qu'il devrait être une loia. En 1916, le même scénario se produisit avec

la différence que cette fois-ci, la tentative d'ajournement fut apportée par Robert Borden, premier

ministre du Canada Enfin, en 1917, Bickerdike effectua sa dernière tentative d'abolir la peine -

capitale en proposant l'adoption du projet de loi numéro 3. Encore une fois, sa motion fut débattue

en Chambre pour finalement être rejetée le 2 mai4'.

.-. Suite aux tentatives échouées de Robert Bickerdike, les discussions parlementaires pour abolir la

peine capitale ne reprendront qu'en 1924. En avril de cette année, le révérend William Irvine,

député de la circonscription de Calgary-ES présent. un projet de loi pour abolir la peine capitale.

Passé au vote, son projet de loi fut aisément rejeté par un vote de 29 pour et 92 contre42. La peine

capitale sera par la suite absente des débats pour un peu plus de 25 ans. Elle refait surface lorsque

«en 1950, un projet de loi d'initiative parlementaire pour l'abolition de la peine capitale a été

déposé, puis retiré plus tardj3.» Trois ans plus tard, en 1953, M. Ross Tatcher, député de Moose

Jaw, présente, comme il l'avait fait en 1950, un projet de loi pour abolir la peine capitale.

39. C.H.S.JAYEWARDENE, «The Canadia. Movement ...», p. 380. 40. Débars de la Chambre des communes ch Canada, 5e Sessioa, 12e Législature, vol. 49, 18 fév. 19 15, p. 299. 4 1. C.H.S. JAYEWARDENE, «The Canadian Movement ... », p. 380. 42. C.H.S. JAYEWARDENE, «The Canadian Movement.. .», p. 382. 43. H . McKENZIE, La peine capitale..., p. 11. - Cependant, à la demande du ministre de la Justice, l'honorable Stuart S. Garson, le projet de loi fut

retiré car ce dernier rappela à la Chambre qu'un comité spécial travaillait à amender les lois

criminelles dans l'objectif de produire un nouveau Code criminel. Puisque ce comité suggérait que

la peine capitale, les punitions corporelles et les loteries soient étudiées par une Commission royale

ou un Comité mixte de la Chambre et du Sénat, la Chambre des communes accepta la motion de

Garson qui consistait en la création d'un Comité mixte?

Ainsi, en 1956, le Comité mixte du Sénat et de la Chambre des communes présenta son rapport sur

la peine capitale, les punitions corporelles et les loteries. Dans la partie qui nous intéresse, la

première, on y présente d'abord les arguments en faveur du maintien: l'effet préventif, le châtiment,

C. l'opinion publique. l'administration des prisons et les tendances aux crimes avec violence4s.

Ensuite, les arguments en faveur de l'abolition sont donnés dans l'ordre suivant: l'effet préventif

inefficace, la peine de mort est moralement mauvaise, la peine de mort se fonde sur la vengeance,

les aspects morbidesy le risque d'erreur, l'effet contraire sur I'administration de la justice et

I'administmtion pénitentiairea. Suite aux explications d'ordre théorique et numérique, le comité

en vient à donner 13 recommandations. Elles sont reproduites ci-dessous in extemio4'.

1- Maintien de la peine de mort comme châtiment obligatoire du meurtre. 2- Maintien de la peine de mort pour la trahison et la piraterie.

44. C.H.S. JAYEWARDENE, «The Canadian Movement,..», p. 370. 45. COMITÉ MIXTE DU SÉNAT ET DE LA CHAMBRE DES COMMUNES,Rappom du Comité mixfe drt Sénat et de la Chambre des Communes sur la peine capifaie, 27 juin 1956, les punitiom corporelles, 1l juillet 1956, les loteries, 3 l juillet 1956, Ottawa, 1956, p. 10- 1 1. 46. COMITÉ MIXTE DU sÉNAT ET DE LA CHAMBRE DES COMMUNES, Rapports du Comité..., p. 12-13. 47. COMITÉ MIXTE DU S~ATET DE LA CHAMBRE DES COMMUNES, Rapports du Cornilé..., p. 23-24. 3- Aucun changement dans la définition du meurtre. 4- Aucun "degré" dans le .meurtre. 5- Aucune disposition spéciale pour les femmes. 6- Abolition de la peine de mort pour les délinquants de moins de 18 ans et restriction visant ceux de moins de 21 ans. 7- Divulgation complète de la cause de la Couronne à l'accusé. 8- Attribution d'un conseil compétent et assistance dans fa production de la preuve. 9- Plaidoyer obligatoire de "non culpabilité" dans les cas de peine de mort. 10- Appel d'office a la cour d'appel de la province dans tous les cas de peine de mort, 11- Appel de droit, par une personne déclarée coupable, à la cour suprême du Canada. 12- Lieux centralisés d'exécution dans chaque province. 13- Abolition de la pendaison et son remplacement par l'électrocution ou, comme seconde proposition, la salle d'asphyxie.

Dans ces recommandations, on remarque que le Comité mixte propose le maintien de la peine capitale. Ces recommandations sont particulièrement intéressantes car, comme le fait remarquer

C.HS Jayewardene, les commissions formées dans les autres pays pour étudier la peine capitale ont toutes recommandées son abolitiona. Après 1956, da Chambre a dû se pencher sur la question jusqu'en 1960, car chaque année, des députés ont déposé des projets de loi visant à limiter l'imposition de la peine capitale49.»Tout ceci nous permet maintenant d'aborder les modifications de l'usage de la peine de mort dans le Code criminel.

2.2 Modifications de l'usage de la peine de mort dans le Code criminel

En 1960, lors de I'ouverture de la session parlementaire le 17 novembre, le gouvernement conservateur annonça dans le Discours du Trône que certains amendements concernant la peine capitale allaient être proposés pour modifier le Code criminels0. Présenté sous la forme du «[ ...]

48. C.H.S. JAYEWARDENE, «The Canadian Movement... », p. 370. 49. H . McKENZIE, La peine capitale... ,p. I 1. 50. C.H.S. JAYEWARDENE, «The Canadian Movement... », p. 37 1-372. 24

projet de loi C-92, qui divisait les meurtres en deux catégories, l'une obligatoirement passible de

la peine de mort et l'autre passible de I'empriso~ementà vies», le projet de loi fut adopté en 1% 1

par un vote de 139 pour à 2 1 contres2.

Ensuite, une autre importante modification au Code criminel se fit en 1967 lorsque ia peine capitale

fut suspendue pour une période de cinq anss3. En fait, seul le meurtre qualifié, restreint aux

meurtres de policiers et de gardiens de prison en senice, à la piraterie et à la trahison pouvait

amener à l'exécution capitale? Ayant longtemps refusé d'abolir la peine de mort, ce pas effkctue

par le Canada vers l'abolition totale de la peine capitale peut sembler surprenant Toutefois, il ne

faut pas oublier que le cheminement parcouru par le Canada s'inscrit tout a fait dans le courant

- d'humanisation du système judiciaire observé dans d'autres pays et décrit précédemment.

D'ailleurs, ce cheminement législatif débutant sous les conservateurs en 1961 et se poursuivant à

partir de 1967 avec les libéraux est, à notre avis, très conséquent de l'usage fait de la peine de mort - puisque la dernière pendaison remontait au 11 décembre 1962, date à laquelle deux meurtriers

furent exécutés à Toronto. Cette nouvelle législation adoptée en 1967 coule de source car à partir

de 1963, le gouvernement commua en emprisonnement à vie toutes les peines des meurtriers

passibles de la pendaison5'.

5 1. H . McKENZIE, La peine capitale-.., p. 12. Les crimes punissables de la peine mort avec cette loi étaient le meurtre prémédité, le meurtre de policiers ou de gardiens de prison ainsi que le meurtre commis en même temps que d'autres crimes. 52. C.H.S. JAYEWARDENE, «The Canadian Movement... », p. 372. 53. H . McKENZIE, La peine capitale.. ., p- 16. 54. H . McKENZE, La peine capitale. - ., p. 12. 55. Ezzat Abdel FATTAH, «Canada's successfid experience with îhe abolition of the death penaiw), Canadian Journal of Crirninology, vol. 25, #4, october 1983, p. 421. 25

Avec la fm du moratoire, le gouvernement canadien se îrouvait face a trois options. D'abord, un

retour en amère avec i'application de la légisiation de 1% 1. Cette avenue nous paraît improbable, voire pratiquement impossible, vu le cheminement expliqué précédemment Il ne restait alors que

deux véritables options: la reconduction du moratoire de cinq ans ou un nouveau projet de loi abolissant la peine capitale. Le gouvernement prit parti pour la première option et en 1973, le projet de loi C-2 qui proposait de prolonger le moratoire de 1967 jusqu'à la fin de 1977 fut adoptés6.

Enfin, le 14 juillet 1976, avant la fin du moratoire, la Chambre des communes adopta le projet de

loi C-84 qui sanctionnait du même coup l'abolition defoco de la peine capitale qui, suite à la dernière exécution, avait perduré depuis 196357-Comme l'explique Helen McKemie, «ce projet de loi supprimait la peine capitale du Code criminel et la remplaçait par une sentence obligatoire d'emprisonnement B vie sans libération conditionnelle pour 25 ans dans les cas de meurtre qualifié.

La sanction royale a été accordée le 26 juillet 1976''.» Puisque b processus législatif qui mena à la suspension puis à l'abolition de la peine capitale impliquait un vote libre des députés du

Parlement, le gouvernement canadien sentit le besoin de renseigner ceuxci ainsi que la population sur de nombreux aspects touchant la peine capitale. Il est donc pertinent de s'attarder aux publications gouvenementales qui portent sur la peine capitale et qui ont joué un rôle important dans le processus d'abolition.

23 La peine capitale et les publications du gouvernement fédéral: 19651976

La première étude gouvernementale datant de 1965 avait été rédigée a la demande de l'honorable

56. H . McKENZIE, La peine capital^ ... ,p. 12. 57. E. A. FATTAH, «Canada's successfid experience... », p. 423. 5 8. H . McKENZIE, La peine capitufe..., p. 13. Guy Favreau, alon ministre de la Justice. Intitulée La Peine CapitaIe, Documentation sur son objet et sa valeur, cette étude visait essentiellement à renseigner de façon objective sans prendre partis9.

Le document rappelle d'abord que le 27 juin 1956, le Comité mixte du Sénat et de la Chambre des communes concluait dans son rapport que la peine capitale devait être maintenueM. On y fait

également un résumé des opinions divergentes sur la peine capitale6'. Ensuite, sur près de 100 pages, un appendice fort complet permet de connaître tes articles du Code criminel de cette période qui définissent et classifient le meurtre6'- De nombreuses statistiques relatives aux meurtres et à la peine capitale au Canada de 1867 à 1965 complètent la documentationa.

Dans la même veine et pour faire suite à cette première étude, Jean-Piene Goyer, Solliciteur général du Canada, fit publier en 1972 La Peine de Mort, Données NouyeIIes:I965-1972. La nouvelle étude explique que depuis 1967, le nouveau Code criminel spécifiait que la peine capitale s'appliquait pour les meurtres qualifiés, le meurtre d'un policier ou d'un gardien de prison, la piraterie et la trahison. Ensuite, une longue énumération est faite des arguments avancés lors des débats de 1966 et 1967? Après quelques données sur les sondages, le document réfute l'argument que la peine de mort protège les policiers en devoip? En avançant sensiblement les mêmes arguments qu'en 1965,

59. Guy FAVREAU, La Peine Capitale, Documentation sur son objet et sa valair, Ottawa, Ministère de la Justice, juin 1965, avant-propos. 60. G. FAVREAU, La Peine Capitale..-, p. 4-5. 6 1. G. FAVREAU, La Peine Capitale..., p. 37-39. 62. G. FAVREAU,. La Peine Capitale..., p. 69-7 1. 63. G-FAVREAU, La Peine Capitale... , p. 102-1 13. 64. Jean-Piene GOYER, La Peine de Mort, Données Nouvelles: 1965-1972, Ottawa, Lnformation Canada, 1972, p. 55-68. 65. J.-P. GOYER, La Peine de... , p. 77-79. le volume ajoute une réflexion sur une possible peine de remplacement à la peine capitale? Nous

pouvons remarquer que le gouvernement canadien adopta dans les années 60 une attitude objective

et rationnelle envers la peine capitale pour renseigner le plus efficacement possible les députés et

la population D'ailleurs, dans la conclusion de son rapport, Jean-Pierre Goyer mentionne

sensiblement la même chose: «il est vrai que les discussions relatives à la peine de mort sont

empreintes d'émotivité, mais ce qui justifie la présentation de données et de chiffres, c'est

précisément le désir d'exorciser cette émotivité et de donner au débat un caractère plus réaliste.

Voilà l'objectif qu'ont tenté d'atteindre les publications de 1965 et 1972 sur la peine capitale6'.

. S. Toujours en 1972, le gouvernement fit publier Une étude de I'em intinridanr de Ia peine mort à - partir de la situation canadienne de Ezzat Abdel Fattah. Cette étude avait pour but de «vérifier

scientifiquement l'affirmation voulant que le nombre de meurtres augmente au Canada et que cette

augmentation soit due à la suspension d'application de la peine capitale6'.» Apres une longue

analyse statistique, sa conclusion est sans équivoque: (Nous avons établi qu'il y avait eu Légère

augmentation de l'homicide criminel au Canada au cours des huit demières années. L'augmentation

peutelle être attribuée à la suspension de la peine capitale? Apres avoir examiné les divers aspects

de la question, nous pouvons répondre par un NOM9.»Quatre ans plus tard, en 1976, E. A Fattah

reprend sensiblement les mêmes arguments dans un volume publie par la Commission de Réforme

66, J.-P.GOYER, Lu Peine de,.. p. 110- 1 18. L'auteur expose ici les nombreuses peines de remplacements adoptés par d'autres pays qui pourraient être adoptées par le gouvernement du Canada. 67. J.-P. GOYER, La Peine de.. ., p. 1 18, 68. E. A. FAITAH, Une étude de 1 'effet intimidant de la peine de mort a partir de la situation ca~dienne, Ottawa, Information Canada, Autorisé par le Solliciteur général du Canada, 1972, p. 12. 69. E. A. FATTAH, Une étude de..-, p. 203. 28

du droit du Canada, intitulé La Crainte du Chariment. Ainsi, pour Fattah, «Il semble certain que la

dissuasion a ses limites. [...] On a des raisons de croire que l'efficacité des mesures de dissuasion

est liée à la perception plutôt qu'à la réalité objective des menaces qu'elles représentent7".»

La même année, Robert G. Ham publia un rapport commandé par le Solliciteur général du Canada

Ce rapport avait pour fia d'analyse une étude de l'économiste Isaac Ehrlich publiée l'année

précédente, qui avançait que chaque exécution pouvait empêcher sept ou huit meurtres7'. La

conclusion du rapport est que les travaux de Ehrlich ((présentent de graves lacunes qui font qu'ils

ne peuvent pas être invoqués à l'appui de rune ou l'autre position dans le débat sur la peine

capitalen..» De plus, les différents économistes qui ont étudié les effets dissuasifs de la peine de - mort ne sont justement pas convaincus que le châtiment avait une influence dissuasive sur la

criminalité puisque leur réponse est la suivante: «Nous ne savons pas73.»

Enfin, toujours en 1976, le Solliciteur général du Canada fit paraître un document intitulé Questions

et Réponses relatbes à lu peine de mort ". Des 67 questions, les plus pertinentes traitent de

l'historique de la peine de mort au Canada, des dispositions législatives, de la protection des

policiers, des libérations conditionnelles, de la peine capitale aux États-unis, en Angleterre et en

70. E A. FATTAH, «Une revue de Ia littérature sur l'effet dissuasif de la peine capitalen, La Crainte du Chiriment, Ottawa, Commission de Réforme du droit du Canada, Ministère des Approvisionnements et Services Canada, p. 107-108. 71. Roger G. HANN, Dissuasion et Peine de Murt étude critique des publications économétriques, Division de la recherche, Ottawa, Autorisé par le Solliciteur général du Canada, 1976, p. 2. 72. R. G. HANN, Dissuasion et Peine. .., p. 3. 73, R G. HANN, Dissuasion et Peine. .., p. 65. 74. SOLLICITEUR GÉNÉRAL DU CANADA, Questiom er réponses relatives à la peine de mort, Division des Communications, 1976, md.. 29

France, des aspects dissuasifs, du rapport sus-mentionné de Ehrlich, de l'opinion du public et de

différents organismes, des considérations morales et des sondages.

Ces rapports gouvernementaux avaient pour objet d'aider les députés et la population à se forger

une opinion basée avec des arguments rationnels. Par ailleurs, notre démonstration effectuée dans

ce chapitre vient confirmer que, avec la fin de la Deuxième Guerre mondiale, une humanisation du r- -. .: L.- . systèmejudiciaire s'effectue au Canada et dans plusieurs autres pays occidentaux. Au Canada, ce

processus d'humanisation qui mena à la suspension, puis à I'abolition de la peine capitaie,

s'effectua dans le cadre de trois débats parlementaires. Comme nous I'expliquerons dans le chapitre

, ... qui suit, ces trois débats frnent I'objet de votes libres. Toutefois, il nous est possible d'identifier les - positions des différents partis politiques. De plus, ces votes libres nous permettent d'en faire

l'analyse et la comparaison avec l'opinion de la population concernant la peine capitale. Chapitre 2

Les positions des partis politiques, le vote des députés et les sondages

Dans ce chapitre, notre analyse porte sur les trois votes des députés exercés en 1967, 1973 et 1976

qui menèrent à la suspension puis à l'abolition de la peine capitale. Grâce à l'analyse de ces trois

votes, nous identifierons les positions des partis politiques et des députés suivant leur allégeance

,--- f. politique et les régions canadiennes qu'ils représentent a nous sera également possible d'identifier t :-.-

I. --.- l'opinion de la population et de comparer celle-ci avec celle des députés. Ainsi, dans un premier

temps, notre dessein sera de démontrer que lors de ces trois débats il y eut conseasus sur l'octroi du

vote libre et ce, malgré d'importantes divergences d'opinions des députés quant à la signification t: t:

-. réelle de ces votes ii'bres. En partic&er, mus pourrons nous interroger sur la signification réelle du

vote libre de 1976 alors que tous les partis politiques exprimèrent une position officielle sur la peine

capitale au cours du débat. Ensuite, en utilisant les votes des députés lors des trois débats, nous f établirons concrètement quelles furent les similitudes et les différences d'opinions sur la question t l cl-: de la peine de mort selon les partis politiques et les quatre grandes régions du Canada (Ies i .' . . Maritimes, le Québec, lYQntarioet l'Ouest). Enfin, I'anaiyse des sondages d'opinion publique

effectués dans les années 60 et 70 nous permettra de comparer ceux-ci avec les positions des députés

pour démontrer et analyser les écarts entre le public et leurs représentants politiques sur la question

de la peine de mort. 1. L'immrtance du vote libre lors des trois débats

1.1 Débats de 1961967

Dans le chapitre précédent, nous avons vu que c'est en1967 que la peine capitale fut suspendue pour

la première fois au Canada Le gouvernement libéral de Lester B. Pearson étant au pouvoir, il

decide que tout projet concernant la peine capitale serait soumis au vote libre, ce qui signifie que

chaque député pouvait voter selon sa conscience et non selon la volonté du parti. On sait que cette

décision du gouvemement libéral fut prise des le début des premiers débats puisque le 20 janvier

1966, L G. Diefenbaker annonça a la Chambre que «à l'instar du premier ministre, j'appuie la tenue

d'un vote libre à la Chambre des communes sur cette question, car nous ne saurions tolérer dans

notre recueil de lois une loi qu'on n'applique que partiellement et à laquelle on déroge même

-. souvent1.» Nous remarquons dans cette citation que le chef du Parti conservateur fait référence à . . l'application de la loi. Comme nous l'avons souligné dans le chapitre précédent, les dernières

exécutions remontaient à 1962 et, depuis cette date, toutes les condamnations à la peine capitale

avaient été commuées en peine d'emprisonnement à perpétuité. Lors des débats de 1967, Lester B.

Pearson aborde cette question de la même façon que l'année précédente en mentionnant que «[--.]

peu importe la décision que le gouvernement prendra à ce sujet [continuer ou non les commutations]

ou la façon dont il s'acquittera de sa responsabilité, tous les députés ministériels ainsi que tous les

autres resteront tout à fait libres de se prononcer selon leur conscience2.»

De part et d'autre de la Chambre, les opinions sont divisées sur cette initiative du gouvemement.

1. Débats de la Chambre des communes du Canada, lre Session, 27e Parlement, Volume 1, 20 janvier 1966, p. 53. 2, Débatsde la..., Ire S., 27e P., V. 14, 21 ad1967, p. 15 187. 32

Même si tous les députés sont favorables au principe du vote libre, certains dénonçaient le

gouvernement en soutenant qu'il n'y aurait pas de véritable vote libre car les députés du parti au

pouvoir se verraient obligés de voter selon la ligne du parti. Plusieurs membres de la Chambre

élaborèrent leur opinion en rapport avec cette dénonciation. Pour le créditiste Charles-Eugène

Dionne, «tous ceux qui avaient des doutes en ce qui concerne la liberté du vote auront la preuve que,

généralement, le vote en Chambre n'est pas libre3.» Évidemment, ce droit de powoir voter selon

sa conscience implique en principe que les députés puissent prendre position sans qu'ils aient à

subir des sanctions de leur parti C'est exactement cette idée que le conservateur Terence Nugent

fait valoir lorsqu'il dit que «pour décider en conscience de cette importante question Da peine

capitale], chaque député doit se soustraire aux pressions politiques4.» Stanley Knowles du N.P.D.

P. partage la même opinion que Nugent, mais d'une façon encore plus afknative. Selon Knowles,

«[...] nous avons réussi à créer une conjoncture qui permettra a chacun de voter en toute liberté, de

sorte qu'aucun député n'aura à souffrir de la position que son parti pourra prendre5.»

Lors de la poursuite du débat en 1967, Nugent dément avec véhémence cet énoncé lorsqu'il do~e

sa position sur la peine capitale: «je me prononcerai en faveur de I'abolition, mais quand je vois les

manoeuvres d'en face j'ai honte de voter. Les honorables vis-à-vis vont voter non en conscience

mais d'un point de vue politique6.» (P.C.) développe cette idée en affirmant que

«quiconque croit qu'il s'agit ici d'un vote libre pour les députés de L'autre côte de la Chambre

3. Débats de la... , Ire S., 27e P., V. L,3 1janvier 1966, p. 458. 4- Débats de la... , Ire S., 27e P., V. 3,23 mars 1966, p. 3 074. 5. Débats de la..-, Ire S., 27e P., V. 4,4 avril 1966, p. 3 806. 6. Débats de la..., Ire S., 27e P., V. 4,2 novembre 1967, p. 3 820. s'abw vraiment [...] Le mot d'ordre a circule dans les rangs du Parti libéral: il s'agit d'un projet

de loi du gouvemement et il doit être appuyé'.» De son côté, par la voix de L. T. Pennel, le Parti

libéral donne une version diamétralement opposée:

[...] j'ai l'autorisation de dire que le gouvernement ne considère pas cette question d'un point de vue partisan. La question touche profondément la conscience de chacun et c'est une considération qu'aucune formule de parti ne saurait satisfaire. Conséquemment, tous les députés, y compris les membres du cabinet, seront libres de faire valoir leurs opinions personnelles sur la valeur du bill. L'opinion que je viens d'exprimer est l'opinion réfléchie du gouvernement, et c'est une attitude conforme au précédent établi dans le régime parlementaire britannique8.

Nous powons ici constater l'existence de deux discours bien différents sur la tenue d'un vote libre

sur la peine capitale lors des débats de 1966 et 1967. D'un côté, le parti au pouvoir s'efforce

d'affirmer a plusieurs reprises que le vote est bel et bien libre alors que de l'autre, les membres des

C partis de l'opposition défavorables au projet de loi, dénoncent l'attitude du Parti libéral qui, malgré

l'octroi du vote libre, exercerait selon ewdes pressions a l'interne pour que ses députés votent selon

la ligne du parti. Lors des débats de 1973 et 1976, cette discorde sur le vote Iibre persiste mais elle

fait du même coup surgir un nouvel élément qui implique l'électorat.

1.2 Débat de 1973

Des le début de l'année 2973, le gouvernement fédéral annonce par le biais du Solliciteur général

Warren Allmand que tout comme en 1967, le projet de loi sur la peine capitale allait faire l'objet

d'un vote libre à la Chambre des communesg. Tout comme lors des débats de 19664967,

l'opposition ne se gêna pas pour démentir et tenter de rectifier les faits avancés par le gouvemement.

7. Débats de fa ..,, lre S., 27e P., V. 4,9 novembre 1967, p. 4 117. 8. Débats de la-.., Ire S., 27e P., V. 4,9 novembre 1967, p. 4 077. 9. Débats de la..., Ire S., 29e Législature, V. 1,26janvier 1973, p- 687. 34

Ainsi, pour Jack H . Homer (P.C.), qresque tout le Cabinet votera en faveur du bill. Pratiquement

tous les députés de l'amère-ban là-bas l'appuieront. Seul le Parti conservateur permettra un vote

libre et peut-être les créditistesLO.»Évidemment, le Parti libéral maintient que le vote sera effectué

librement. Le premier ministre Pierre Elliot Trudeau va jusqu'à dire qu'au sein de son parti, tout

vote était un vote libre. Il affimia également que sur le sujet de la peine capitale, les députés

pouvaient ne pas avoir la même opinion que le cabinet parce que ce sujet n'entraînait pas un vote

de confiance envers le gouvernement qui se venait dans l'obligation de démissionner dans le cas

d'un échec1!

Ces nombreuses discussions sur la tenue du vote libre en 1973 dépasseront le simple niveau des

P querelles parrisanes puisque plusieurs députés vont également inclure dans leur discours

l'intéressante question à savoir si un député doit voter selon sa conscience ou selon la volonté de

I'électorat. Ce questionnement est, à notre avis, une conséquence directe de l'infiuence montante

des sondages d'opinion publique qui est d'ailleurs étudiée à la fin de ce chapitre ainsi que dans le

chapitre quatre. Des discours sur ce sujet, nous en avons retenu quatre qui donnent des réponses et

arguments particulièrement intéressants sur les droits et devoirs des députés. Peter Reilly (P.C.) est

le premier à aborder le sujet lorsqu'il prend parole le 29 janvier. «J7ail'intention de voter selon ma

conscience, parce que je crois que telle est ma responsabilité de député. [...] J'espère qu'ils [les

députés] sauront voter selon leur propre conscience et qu'après avoir voté, ils pourront penser à ce

qu'ils ont fait en toute liberté d'e~prit'~.~Quant a Doug Rowland (N.P.D.), le devoir du députe sur

10. Débats de la ..., Ire S., 29e L., V. 1,26 janvier 1973, p. 704-705. 11. Débats de la ..., Ire S., 29e L., V.l, 22 juin 1973, p. 5 017. 12, Débats de la.,., Ire S., 29e L., V. 1,29 janvier 1973, p. 729. la question de la peine capitale est de laisser une place prépondérante à la raison:

La peine capitale est une question qui fait appel aux émotions. C'est le devoir de l'homme politique d'essayer de mettre toute émotivité de côté et de prendre une décision fondée uniquement sur la logique et les faits qui lui sont présentés. S'il doit, pour ce faire, aller à l'encontre des voeux de ses cornmettants, et les cas de ce genre sont rares, c'est son devoir de le faireL3-

Des quatre députés exprimant leur position en faisant référence au mot "conscien~e'~,seul Tom

Cossitt du Parti conservateur exprima L'idée que la conscience des députés devrait les obliger à respecter l'opinion de l'électorat'? En exprimant son opinion le lendemain, David Lewis du N.P.D. donne des arguments contraires a l'affirmation de Cossitt, car il mentionne l'importance du jugement personnel des députés dans leur prise de décision:

Je conviens avec le chef de I'opposition (M. Stanfield) que chacun de nous a le devoir de voter selon sa conscience et son jugement et non de se considérer simplement wmrne l'écho de ses commettants, puce que ce ne serait pas de la représentation mais de la délégation et nous oeuvrons au sein d'un régime représentatif non d'un systkme de déldgués. Nous représentons nos commettants. Nous ne sommes pas la copie conforme de leurs idées".

Les députés qui prirent la parole sur la question du vote libre lors du débat de 1973 ont généralement pris la position que chaque député devrait voter selon sa propre conscience et non en suivant l'opinion de l'électorat. Cette position ainsi que les querelles portant sur l'existence véritable du vote libre ont la même importance trois ans plus tard lorsque les députés débattirent de la peine capitale en vue de son abolition définitive.

13. Débats de la,.. , Ire S., 29e L., V. I,3O janvier 1973, p. 805. 14. Débats de la..., Ire S., 29e L., V.4, 15 mai 1973, p. 3 766. 15. Débats de la.., Ire S., 29e L., V.4, 16 mai 1973, p. 3 848. --, 13 Débat de 1976

Au mois de février de 1976, le Solliciteur général Warren Allmand est l'lm des premiers à aborder

la question du vote libre en Chambre. Sa déclaration, bien que corrigée par la suite, donne de très

bonnes indications sur la véritable position du Parti libéral. Jusqu'à ce moment, les têtes dirigeantes

ainsi que les autres députés du parti affirmaient que le vote serait tout a fait libre. Bien sûr, comme

nous L'avons démontré pour les deux précédents débats, de nombreuxdéputés de l'opposition mirent

en doute ces &mations du parti au pouvoir. Pour ces derniers, il était évident que malgré le vote

libre, le cabinet allait appuyer en bloc un projet de loi venant d'une initiative ministérielle. En

prenant la parole en Chambre, W. Ailmand commet un important impair en disant que a[ ...] nous

agirons comme nous l'avons fait la dernière fois que nous avons étudié la question Une mesure

- ministérielle sera présentée et le gouvernement devra y souscrire, mais les autres députes seront

libres de voter comme ils le jugent bon% En l'espace de quelquesjours, cette bourde fut corrigée

par le leader à la Chambre et le premier ministre qui déclarèrent que le vote était bel et bien libre

pour le cabinet autant que pour les députés ministériels". En théorie, l'octroi du vote libre pour tous

les députés est donc défendu par le Parti libéral. Par contre, en pratique, la règle du parti était

appliquée pour les ministres afin d'assurer un minimum de crédibilité aux projets de lois

ministériels. Le député Eldon M. Wooliams rejoint d'ailleurs notre propos en référant au premier

ministre Trudeau et à Warren Allmand: «si on les presse suffisamment, ils finissent par admettre

que la règle du parti sera relâchée à l'égard des simples députés, mais qu'elle s'appliquera dans

toute sa rigueur en ce qui concerne les ministres e~x-rnêrnes'~.»Cette attitude du gouvernement

16. Débats de lu..., Ire S., 30e L., V.10, 12 février 1976, p. 10 870. 17. Débats de lu..., Ire S., 30e L., V.14, 14 juin 1976, p. 14 478. 18. Débats de lu..., Ire S., 30e L., V.13, 18 mai 1976, p. 13 630. amène même Peter C. Bawden à accuser les 11Wraw de tromper la population: «a mon avis, le public peut constater clairement qu'en appelant ça un vote libre alors qu'il compte sur la solidarité ministérielle et exerce de lourdes pressions sur les députés d'en face, le gouvernement trompe la confiance des canadien^'^.^ Cette allusion à la confiance des Canadiens trouve également écho dans le discours de cinq députés qui, comme lors du débat en 1973, se demandent si les députés doivent voter selon leur conscience ou selon la volonté de l'électorat-

À ce sujet, les opinions avancées en 1976 sont les mêmes qu'en 1973. Trois députés prenant la parole sur ce sujet placent la conscience de leurs jugements au-dessus de la volonté de l'électorat

Pour Andrew Brewin du N.P.D., les députés sont élus pour qu'ils se servent de leur jugement et cette responsabilité doit être respectée même si une majorité de la population n'est pas d'accord20. Le député émet donc l'opinion que peu importe le pourcentage de la population qui est pour le maintien de la peine capitale, les députés doivent faire fi de ces sondages lorsqu'ils votent sur des projets de lois reliés à cette question. Quant au conservateur Douglas Roche, le député qui vote selon sa conscience fait bon usage de responsabilité et de raisonnement:

ceux qui nous ont envoyés ici doivent être capables d'apprécier notre raisonnement. - [...] J'accepte mes responsabilités devant mes électeurs. mais, pour moi, cette responsabilité est le devoir de me former une opinion objective et d'en amver à des décisions logiques au mieux de ma connaissance?

D'autre part, comme plusieurs députés l'ont fait avant lui, Gilbert Parent (P.L.C.) cite Edmund

Burke pour affirmer que les députés doivent voter selon leur conscienceu.

19. Débats de la ,.,, Ire S., 30e L., V. 14, 8 juillet 1976, p. 15 150. 20. Débats de fa,.., Ire S., 30e L., V. 12, 3 mai 1976, p. 13 096. 21. Débatsde la ,.-, Ire S., 30e L., V.13, 5 mai 1976, p. 13 219. 22. Débats de la ..., Ire S., 30e L., V.13, 11 mai 1976, p- 13 405. 38 La position opposée est défendue par Art Lee (P.L.C.) qui pense que malgré le fait que le vote libre

dicte au député de voter selon sa conscience, ce dernier ne devrait pas ignorer l'opinion des

électeurs, car la peine capitale est un sujet très délicat? Enfin. (P.C.) affirme quant

à lui la primauté de l'électorat lorsqu'un gouvernement doit se prononcer sur la peine capitale:

«aucun gouvernement n'a le droit de ne pas tenir compte de la voix du peuple, surtout lorsque celle-

ci se fait entendre aussi nettement que dans ce cas-ciz4.»

Malgré des divergences d'opinions portant sur la valeur à accorder à L'opinion de l'electorat, les

députés sont d'accord qu'il est important de pouvoir voter librement. En dépit de ceci, il est clair

que lors des trois débats menant à la suspension puis a l'abolition de la peine capitale, des pressions L - s'exercèrent au sein des différents partis pour que les députés votent pour ou contre les différents

projets de lois présentés. D'ailleurs, en 1976, tous les partis politiques ne se gênèrent pas pour

exprimer ouvertement leur position.

En effet, c'est par le biais de déclarations de députés que nous pouvons identifier les positions des

partis politiques sur l'abolition de la peine capitale. Au sein du Parti libéral, David M-Collenette

admet clairement que son parti est identifié au courant abolitionniste. Il affirme que le débat libre

sans parti pris est important «car un nombre considérable de personnes à travers le Canada estiment

que le bill visant à abolir la peine capitale est une décision sectaire du Parti libéral2'.» Pourtant, le

désir d'abolir la peine capitale n'a rien d'une décision sectaire lorsque l'on se fie aux propos de Jim

23. Débars de.ïa..., Ire S., 30e L., V.13, 11 mai 1976, p. 13 425. 24. Débars de la..., Ire S., 30e L., V.13, 7 juin 1976, p. 14 218. 25. Débars de la.., Ire S., 30e L., V.13,5 mai 1976, p. 13 217. 39

Fleming. «en congrès, en novembre dernier, nous avons conclu que la peine capitale devrait faire

l'objet d'un vote distinct et d'un vote libre. Nous avons décidé qu'une mesure législative devrait

être présentée pour l'abolir [.. .126.»

Du côté du Parti conservateur, on réitère que les députés exprimeront leurs convictions personnelles

L et que de façon générale, le parti est divisé sur la question d'abolir ou non la peine capitalen. S'il r- k y a ambivalence chez les consewateurs, cela ne ressort pas des résultats du vote qui sont, pour tout i les partis, analysés au point suivant.

t Quant aux créditistes et aux néo-démocrates, le discours des députés les identifie respectivement CI.

* contre et pour l'abolition de la peine. Ainsi, la politique du N.PD est vertement critiquée par deux l députés. Pour Stan Schumacher, «quelqu'un du N.P.D. devrait expliquer pourquoi Leur groupe

parlementaire est si opposé à la peine capitale, contrairement à l'opinion d'un grand nombre de

leurs loyaux partisans28.» La députée Sima Holt en rajoute car pour elle, «le Nouveau parti i.. démocratique est encore pire que les autres, s'en tenant à la ligne du parti sur une question aussi

grave que celle-ci".»

Finalement, les créditistes sont contre l'abolition de la peine capitale et c'est leur chef, Réal

Caouette, qui énonce le plus clairement la position du parti: Monsieur l'Orateury en terminant, je

26. Débats de lu..., Ire S., 30e L., V. 13, 6 mai 1976, p. 13 254. 27. Débats de la..., Ire S., 30e L., V.12, 3 mai 1976, p. 13 092 et 14 094. 28. Débats de la..., Ire S., 30e L., V. 13,4 juin 1976, p. 14 174. 29. Débatsde la ..., Ire S., 30e L., V.14, 12 juillet 1976, p. 15 231. 40

dis ceci: Nous sommes chez les créditistes. II y a 11 députés, et les onze favorisent le maintien de

la peine capitale, non pas par esprit de vengeance, non, mais par esprit de justicem.» A travers les

discours des députés, nous avons pu identifier la position des partis politiques. Il est par contre

pertinent de vérifier si ces positions exprimées dans les discours se transposent dans les votes tenus

en 1967,1973 et 1976. Ce questionnement nous amène donc à une vérification et une analyse plus

poussées du vote.

2. Les votes des dé~utésIors des trois débats selon I'alléeeance ~olitiaueet les réeions

Notre analyse du vote lors des débats de 1967, 1973 et 1976 porte sur deux aspects. Dans un

premier temps, notre analyse est en fonction de l'allégeance politique. Dans un deuxième temps,

- nous analysons le vote suivant les quatre grandes régions canadiennes.

2.1 Répartition des votes des déput& sefon I'allégeance politique

À la lecture du tableau 1, plusieurs obsenrations nous viement a l'esprit. Nous pouvons d'abord

remarquer que lors du premier débat tenu en novembre 1967, la participation des députes au vote

est plutôt faible puisque seulement 175 des 265 députes se présentèrent pur voter, ce qui donne un

taux de participation de 66 %. La participation des députés aux deux autres débats est par contre

excellente puisque les taux sont de 95 % en 1973 et 96 % en 1976. La forte participation des

députés lors des deux derniers votes pourrait s'expliquer par le fait que les votes tenus en 1973 et

1976 revêtaient une importance particulière. En effet, le sujet du vote de 1973 portait sur la

reconduction du moratoire adopté en 1967. Nous pensons qu'après la période d'essai de cinq ans,

30. Débars de la..., Ire S., 30e L., V.13,5 mai 1976, p. 13 217. 41 l'expérience de la suspensionjumelée à la possibilité de voir un possible rétablissement de la peine de mort constituaient des éléments susceptibles de rehausser l'intérêt des députés. Quant à la forte participation lors du vote tenu en juillet 1976, le fait que ce vote portait sur l'abolition et non sur une simple suspension parait être I'hypothèse la plus valable.

Tableau 1: Ré~artitiondu vote des dénutés lors des trois débats seion I'alléneance wlitiaue

1967 (30 novembre) 1973 (29 mai) 1976 (14 juillet) 27e Législature 29e Parlement 30e Parlement

Pour Contre Pour Contre Pour 1 contre Parti libéral du 72 15 83 Canada 82.8 % 17.2 % 80.6 % Parti progressiste 16 47 25 conservateur 25.4 % 74.6 % 24.5 % Parti néo-démocrate 17 O 29 100 % 0% 97 % Parti du ralliement des créditistes Autres Partis politiques Total

Taux de participation 66 % 95 % 96 % Source: Documentation utilisée pour ce tableau: Débals de lu. .., 2e S., 27e P., V. 5, 30 novembre 1967, p. 4 892; Débats de la ..., Ire S., 29e L., V. 4, 29 mai 1973, p. 4 233- 4 234; Débats de la ..., Ire S., 30e L., V. 14, 14 juillet 1976, p. 15 322; Journaux de la Chambre des communes dù Cana&, Ottawa, Ire Session, 27e Parlement, Volume 113, 1967, p. 1 843-1 850; Joumde la Chambre des communes du Cana&, Ottawa, Ire Session, 29e Législature, Volume 119, 1974, p. 851-853; Journaux de la Chambre des communes du Cana&, Ottawa, Ire Session, 30e Législature, Volume 121, 1976, p. 1 467-1 469; Pierre G. NORMANDIN, The Canadian Parliamentary Guide 1967, ûttawa, 1967, p. 148-153; P. G. NORMANDIN, The Canadian Parliamenrury Guide 1968, Ottawa, 1968, p. 147-153. D'ailleurs, nous pouvons remarquer que Le résultat du vote de 1976 fut le plus semi avec un kart de sedement 6 voix en faveur dc !'abo1ition3'. Plusieurs autres chifies du tableau sont forts révélateurs. En effet nous pouvons d'abord remarquer qu'au sein du parti libéral, les députés votèrent généralement pour la suspension et l'abolition. L'appui a la suspension et B l'abolition est nettement en baisse chez les li'béraux passant de 82.8%en 1967 à 80.6% en 1973 et 72.4% en 1976.

Le nombre de L'béraux votant pour le maintien de la peine de mort augmente donc passant de 15 en

1967, a 20 en 1973 et 33 en 1976. Du &te du prîi pragressiste-conservateur, nus dom& démontrent que les élus du parti votaient généralement contre la suspension et IraboIltion Ici aussi' l'appui pour le maintien de la peine de mort augmente tout au long de la période. En ce qui

seul député de ce @ vota contre et cefut lm du debat de 1973. Quant au parti &ig& par Réal

Caouette(Ralliementdes Créditistes). tous les députés ont voté contre les suspensions ou l'abolition

A la lumière de ces informations, il ressort que le vote des députés neodernocrates et créditistes a respecté scrupuleusement la règle de parti. D'ailleurs, le discmdes députésétudié plus haut a déjà démontré les positions fortement polarisées de ces deax tierces partis. 0n peut se demander si le vote pur tes députés de ces partis fût véritablement libre. Du côté des conservateurs et des libéraux, la pression d'appuyer la ligne de parti fut sans aucun doute présente mais les données sur

3 1. Nom volsfons ici attirer l'attention le vute Ge 1573 @ sz- soida par ws voie de 138 pair a 1 13 coritrc alors que les chieindiqués dans nos soa-ces faisairnt &at des chifies 138 pur à 114 contre. Il semble y avoir eu une enair dans le calcul des votes con- la suspensicm car nos propres caiculs des votes indiquent que c'4~bd et bien 113 députés qui votérent contre la rnstion ct non i 10, 43

-- le vote de ces partis démontrent que le vote libre était bel et bien possible. Suite à cette analyse du

vote suivant les allégeances partisanes, il devient intéressant d'étudier le vote des députés seIon leur

provenance géographique. Cette analyse nous permettra par la suite de comparer le vote des députés

avec l'opinion publique dans chaque région.

2.2 Répartition des votes des députés selon les quatre grandes régions canadiennes a- -

:-- La division du vote des députés en quatre régions est un choix qui selon nous, facilite les 1 --

--y comparaisons sans en diminuer la valeur. De par leur taille en terme de nombre de députés, . . l'Ontario et le Quebec sont les deux seules provinces qui ne nécessitent pas un regroupement avec ! ' d'autres provinces.

En effet, ces deux provinces élisent plus de la moitié des députés à la Chambre. Le Qi avait

L. 75 députés en 1967 et 74 en 1973 et 1976, alors que ['Ontario avait 85 députés en 1967 et 88 en

1973 et 1976. En ce qui concerne la région de l'Ouest, celleci était représentée par 72 députés en i - ry 1967 et 70 en 1973 et 1976. Cette région regroupe les provinces et les temtoires suivants: L'Alberta, la Colombie-Britannique, le Manitoba, les ~e&toiresdu Nord-Ouest, la Saskatchewan et le

Territoire du Yukon. Enfin, la région des Maritimes fut représentée par 33 députés en 1967 et 32

en 1973 et 1976. Elle comprend le Nouveau-Brunswick, Terre-Neuve, la ~ouvelle-Écosseet l'Île

du prince-Édouard3'.

32. Liste des membres de la Chambre des communes, Ottawa, 2e S., 27e P., 8 mai 1967, p. 43-88; - Liste des membres de la Chambre des communes, Ottawa, Ire S., 29e L., 4 janvier 1973, p. 43-89; Liste des membres de la Chambre des communes, Ottawa, Ire S., 30e L., 30 septembre 1974, p. 45-91. Tableau 2: Réwrtition du vote des dgnutés lors des trois débats selon les réeions

Source: pour œ tableau: Débats cde /a.-,2e S-, 27e P., V. 5.30 novernbre de le.., Ire S., 29e L., V. 4,29mai 1973. p. 4 233- 4 234; Débuisde h-.,Ire S., 30c L.. V.14.14jdet 1976, p. 15 322;Joummadela ..., Ottawa,lreS.,27eP.,V. 113,1967, p- 1843-1 850; Jountauxde~a---,~w~lreS.,30eL., V. 121, 1976,~.1467-1 469; P. G. NORMANDIN, lk -an Pwliamentq,.., Ottawa, 1967, p. 148-153; P. G. NORMANDIN, Ine C'anPmliantentmy .-.,Ottawa, 1968, p. 147-1 53; Liste &s membres ..., Ottawa, 2e S., P., 29e Liste àès -. 27e 8 mai 1967, p. 43-88; Lisîe desmembres ..., Ottawa, Ire S., L., 4 janvier 1973, p. 43-89; membres ... ,Ottawa, Ire S., 30e L., 30 septembre 1974, p. 45-91.

Tout comme le tableau 1, ce deuxiéme tableau permet d'observer des différences notables sur

l'opinion des députés fédéraux. Ainsi, nos données montrent clairement que les députés du

Québec, bien que favorables à la suspension et l'abolition de la peine de mort, sont divisés dans leur - opinion puisque l'écart observé entre les partisans des options ne fut que de 10 députés en 1967,

4 en 1973 et 3 en 1976. En Ontario, région favorisant également la suspension et l'abolition, cet

écart entre les votes des députés est beaucoup plus grand puisque notre tabieau démontre que lors

de trois votes, il y eut chaque fois au moins deux fois plus de députés qui votèrent pour la

suspension et l'abolition. Quant à la région de l'Ouest, les chifies indiquent qu'elle fut toujours

contre la suspension et l'abolition et notons que cette position est de plus en plus massivement

appuyée du premier au troisième débat. 45

Finalement, par une marge variant de quatre a cinq députés, la région des Maritimes vote en faveur

de la suspension et de l'abolition de la peine capitale. Ces disparités d'opinions entre les régions

exprimées ici par le vote des députés lors de trois débats démontrent qu'en plus des positions

adoptées selon le parti politique représenté, la situation géographique de ces députés sur le territoire

canadien joue un rôle important lors des trois débats.

Il en ressort que même si les députés fédéraux sont favorables à une humanisation du système

judiciaire qui se concrétisa par une modification du Code criminel suspendant d'abord la peine

capitale pour ensuite l'abolir, l'appui à ces mesures tend à s'eflkiter. Cette constatation prend selon

nous toute sa signification lorsque l'on s'attarde à comparer les votes des députés avec l'opinion de

- la population canadienne. C'est pourquoi nous examinerons maintenant l'évolution de l'opinion

publique canadienne sur la question de la peine de mort.

3. L'o~inion~ubfiaue et les votes des dé~utb:divewences d'o~iaions

3.1 Historique de I'opinion publique canadienne sur la peine capitale

L'étude de l'historique de I'opinion publique canadienne sur la peine capitale implique l'utilisation

des sondages car il s'agit de La seule mesure qui nous permet de quantifier l'attitude de la population

envers la peine de mort. Les pressions effectuées par certains groupes peuvent également nous être

utiles et c'est pourquoi elles seront étudiées dans le chapitre quatre, car à cette étape-ci de notre

mémoire, notre analyse a pour objectif de démontrer quelle était l'opinion de la population et non

son influence auprès des députés. 7 Pour identifier l'attitude de la population, nous utilisons des sondages sur la peine capitale et ceuxci

fùrent souvent effectués lors de notre période d'étude car, comme le mentionne C-HS.Jayewardene,

«the aîtitude of the public could perhaps best be detennined through a public opinion poli".» Notre

démonstration de l'évolution de l'opinion publique canadienne concernant la peine capitale ne

nécessite pas un long développement Notre objectif est d'en rapporter le plus clairement et

simplement les résuitats en nous appuyant sur les excellentes analyses de David Chandier.et C.HS

JayewardeneY.Différents tableaux furent construits par ces deuxauteurs pour démontrer l'évolution

de l'opinion de la population canadieme sur la peine capitale. En croisant lem différents tableaux

et données, nous avons construit le tableau suivant:

Tableau 3: Pooulatioa canadienne favorable au maintien de la mine canitale

Années sélectionnées % pour le maintien 1943 73

Source: D. CHANDLER, Capital Punishment in. .., p.41; C.H.S. JAYEWARDENE,Afier abolition of ..., p. 46.

33. C.H.S. JAYEWARDENE, «The Canadian Movement Against The Death Penalty», Rewe Canadienne de Criminologie, vol. 14, # 11, janvier 1972, p.374. 34. David CHANDLER, Capital Punishment in Cana&, Ottawa, Institute of Canadian Studies, 1976,224 p.; C.H.S. JAYEWARDENE, Afrer abolition of the death penahy, Ottawa, Crimcare, 1989, 143 p-. On remarque d'abord en observant ce tableau que la population canadienne a toujours été majoritairement en faveur du maintien de la peine capitale. Ensuite, nous pouvons remarquer que le pourcentage de la popuiation en faveur du maintien de la peine capitale a suivi un mouvement de balancier. D'ailleurs, il s'agit exactement du même constat effectué par layewardene: «the mgjority of have always supportecl the retention of the death penalty but the proportion supporthg the retention appears to be subject to cyclical changes [...]35.» Ainsi, de 1943 à 1960. le pourcentage de la population en faveur de la peine capitale diminue passant de 73 % à seulement

51 %. Par contre, de 1965 à 1975, le pourcentage subit une importante hausse de 54 % a 69 %.

Bien sûr, de tels changements peuvent être attribuables à de nombreux facteurs: libellés des questions posées aux sondés, l'influence du Rapport du Comité mixte du Sénat et de la Chambre des communes, l'execution controversée de William Coffra, I'assassinat de Pierre Laporte, etcM.

Mais, malgré ces quelques hypothèses, il faut retenir l'essentiel de l'évolution dans les sondages effectués sur la peine capitale: une baisse dans le pourcentage favorable au maintien de la peine capitale de la Deuxième Guerre jusqu'en 1960 suivie d'une augmentation Même après l'abolition en 1976, la population a toujours été largement favorable au rétablissement de la peine capitale3'.

35. C.H.S. JAYEWARDENE, Afrer abolition of ..., p. 42. 36. C.H.S. JAYEWARDENE, After aboIition of ..., p. 4546. De nombreuses études avancent plusieurs autres facteurs: D. CHANDLER, Capital Punishment in-., p. 37-73; Ezzat Abdel FATTAH, «Caaada7s successfiil experience with the abolition of the death penalty», Canadian Journal of Criminology, vol, 25, #4, october 1983, p. 423429; C.H.S. JAYEWAUDENE, The Penalty ofDeah: the Canadian experirnent, Toronto, Lexington Books, 1977, p. 75-84; Helen McKenzie, La peine capitale au Canada, BBulletin d'actualité, Division des affaires politiques et sociales, Ottawa, Bibliothèque du Parlement, 10 juillet 1987 ( 19 novembre 1979), p. 3- 11; Anthony James MICUCCI, Factors deteminhg public support for capital punishment in Cana&[microfonnJ: a test of a causel model, Thesis (M.A.), York University, 1986, 121 p.; SOLLICITEUR GÉNÉRAL DU CANADA, Questions et réponses relatives b lapeine de mort, Division des Communications, 1976, Question #66. 37. Pour des statistiques sur le rétablissement de la peine capitale dans les sondages après 1976, consulter les documents suivants: DATA LABORATOEUES RESEARCH CONSULTANTS, Report of a survey of canadian 's attitudes toward capital punishment, April, 1977, Canada, 1977, 22 p.; C.H.S. 48 - Avec ce bref historique de l'opinion du public sur la peine capitale, nous pouvons maintenant 1' aborder l'opinion de ce même public selon les régions afin de pouvoir en comparer les résultats avec

le vote des députés lors des trois débats.

3.2 Opinions du public sebn les régions

Tout d'abord, la construction d'un tableau nous semble être la meilleure façon d'illustrer

efficacement l'évolution de l'opinion du public selon les régions. Grâce aux données contenues dans

le tableau ci-dessous, l'exercice des comparaisons avec les votes des députés n'en sera que plus aisé.

Tableau 4: Movennes en wurcentaees de I'o~iniondu ~ubiicsur la mine ca~italeselon les auatre grandes réeions canadiennes

Les données pour chaque région démontrent qu'en 1971 et 1977, celles-ci étaient toutes

massivement pour le maintien de la peine de mort. Des quatre régions, celle du Québec démontre

JAYEWARDENE, ABer aboZifionof ..., p. 46-47; H. McKENZIE, La peine capitale ... ,p. 3. Dans ce dernier document, McKenPe mentionne par exemple deux sondages: 71 % des Canadiens étaient favorables au rétablissement de la peine capitale en 1984 et 68 % avaient la mCme opinion en 1986. 49 la plus grande stabilité de l'opinion entre 1966 et 1977 et le plus fort appui en faveur du maintien-

L'évolution de l'opinion publique en Ontario et dans l'Ouest est remarquablement semblable, augmentant de 32 % et 34 % respectivement Les Maritimes montrent, quant à elles, une augmentation un peu plus faible par rapport aux deux précédentes régions- Tous ces résultats prennent par ailleurs une signification encore plus particulière lonqu'on les compare avec le vote des députés selon les mêmes régions.

3.3 Comparaisons entre le vote des députés et l'opinion publique selon les régions

En comparant les tableaux 2 et 4, nous observons qu'il y a une large différence d'opinion entre Les députés et l'opinion publique dans chaque région. Mis à part la région de l'Ouest, l'écart entre l'opinion des élus et celle de la population est toujours supérieur à 20 %. Ainsi, 60 % des élus votèrent pour la suspension de la peine capitale en 1967 alors qu'un an auparavant, seulement

37.2 % de la population appuyait l'abolition de la peine. En 1973, les députés sont davantage en faveur de l'abolition que le plus récent sondage par une marge semblable à celle de 1967. Enfin,

Ion du vote de 1976, l'écart entre les deux groupes devient beaucoup plus grand. En effet, les députés votent a 5 1.2 % pour i'abolition de la peine de mort, ce qui constitue une diminution de seulement 3.7 % par rapport au vote tenu en 1973. À I'inverse, lors du sondage effectué en 1977, seulement 15.7 % de la population appuyait l'abolition. L'écart dans les régions est donc partout plus grand, exception faite encore de la région de l'Ouest.

Au niveau des régions, on constate, qu'en 1967, les députés du Québec divergent fortement avec

I'opini~npublique de leur région particdièrement conservatrice. Par ailleurs, à cette même époque, - 50

l'opinion publique dans l'Ouest est 10 % moins favorable au maintien que leur députation. Ce sont

les députés de l'Ouest qui, beaucoup plus que ceux des autres régions, tendent à suivre l'opinion

publique qui est en faveur du maintien de la peine capitale. En définitive, il ressort de toutes ces

comparaisons que peu importe les sondages et les années au cours desquelles ils furent effèctués,

la population canadienne a toujours été pour le maintien de la peine capitale. S'exprimant par vote

libre en 1967, 1973 et 1976, les députés de la Colline démontrèrent une attitude bien différente

puisqu'ils votèrent deux fois pour la suspension de la peine capitale avant de I'abolP. La marge

se rétrécit néanmoins, d'un vote à l'autre, pour presque disparaître et l'évolution de l'opinion

publique a sans doute influencé cette tendance. Malgré l'octroi de ces votes Libres, nous avons

démontré qu'il y eut des pressions internes dans chaque parti pour que les députés votent pour ou

- contre les projets de lois. Néanmoins, l'analyse des votes des députés démontre que chez les

conservateurs et les libéraux, le vote libre a bel et bien existé, ce qui ne fût pas évident chez les

créditistes et les néo-démocrates. De plus, l'appartenance régionale des députés joua un rôle

important lors des trois débats, car un député représentant l'Ontario avait beaucoup plus de chance

de voter pour la suspension et l'abolition qu'un député de venant de L'Ouest du pays. i', ).

L -

Mais, ce qu'il faut surtout retenir, c'est qu'il existe une dichotomie importante entre l'opinion des

députés et celle de la population. Cette dichotomie est largement étudiée par David Chandler lors

des débats sur la suspension et les résultats de ses recherches rejoignent nos conclusions puisque,

selon lui, «in the 1966-67 period, and later in 1973, the majoriîy of the Canadian public supported

38. 11 faut rajouter que lors d'un débat tenu en 1987 portant sur le rétablissement de la peine capitale, la Chambre des communes rejeta la motion par un vote de 148 voix contre 127. Tiré de H. McKENZIE, La peine capitale..., p. 18. - - - the death penalty. Yet many Members of Parliament voted for abolition39.» Il est important de -. tenter de comprendre ce phénomène. Les hypothèses pour l'expliquer sont nombreuses mais nous

souscrivons en particulier celle avancée par David Chandler:

They [les députés] are generally better educated than their constituents, have1 in their jobs, and deal with a wide vanety of legislative topics. [...] Abolition support depends on the proportion of MF's who are younger, lesreligious, highly educated, high status professionais, and who are socially geographically mobile. These factors both insulate the MP fkom retentionist opinion in the constituency and move him as -. an individual towards a more rational, instrumental view of deviancea.

>; :

- . Les députés étaient donc autonomes dans leur attitude sur la peine capitale et théonquement libres

de voter selon leur conscience. Comme nous le démontrons dans le chapitre qui suit, cette liberte

leur permet d'avancer de multiples arguments et opinions se regroupant en thématiques et

- identifiables lors des trois débats.

39. D. CHANDLER, Capital punishment in... ,p. 90. 40. D. CHANDLER, Capital ptrnïshrnent in. .. ,p. 141. Chapitre 3

L'analyse du discours des députés

Les discussions lors des trois débats portant sur la suspension et l'abolition de la peine capitale

publiées dans les Débuts de la Chambre des communes du Canada sont très volumineuses.

Néanmoins, L'utilisation d'un outil de référence tel que 1'lnderdesDébats nous permet d'identifier,

I à l'intérieur de milliers de pages, les thèmes de discussion qui furent les plus abondamment traités '". 4 L.-.: lors des trois débats. L'utilisation de cet index nous permet, dans le cadre de ce chapitre,

d'identifier les trois thématiques principales et d'en analyser l'évolution et l'importance pendant

les trois débats. Dans un premier temps, nous verrons que le concept d'humanisation relie à

L. - l'abolition de la peine de mort est particulièrement présent lors du premier débat. Par la suite, nous

démontrerons que tout au long des trois débats et particulièrement dans le dernier, les évocations

de l'aspect dissuasif de la peine capitale ont une grande importance dans les discours. Enfio, notre r analyse portera sur le thème de la protection du public et des droits et devoirs de l'État qui prend

L -. une ampleur particulière lors du dernier débat Nous avons décidé d'analyser ces trois thématiques

! ' pour des raisons qualitatives et quantitatives. En effet, ces trois sujets ont l'avantage de nous donner

des discours riches en détails et diversifiés, ce qui nous permet d'en faire une bonne analyse de

contenu. D'autre part, comme le démontre le tableau 5, nous avons retenu ces trois thèmes car les

références à ceux-ci dans les débats étaient assez nombreuses pour constituer un bon corpus

nécessaire pour notre analyse. Ces deux paramètres essentiels font en sorte que des sujets tels que

les sondages d'opinion publique, la vengeance et l'abolition dans d'autres pays ont dû être ignorés. Tableau 5 :Les thèmes et leurs références lm des débatdnombre/wurcentaee\L

1966-1967 1973 1976 Hwnanisation 72/35.1% 37/25.4% 43/17.3% Aspect dissuasif 69/33.7% 71148.6% 100/40.1% 1 Protection du public et' droits et devoirs de 64/3 1.2% 38/2 6% 106/42.6% l'État

Total 205/100% L 146/100% A 249/ 100% Source :Index des Ebds de lu Chambre des communes, Ire Session., 27e Parlement, Volume 3, 18 janvier 1966 au 8 mai 1967, p. 532-34; index des Débuts ..., Se S., 27e P., 8 mai 1%7 au 23 avril 1968, p. 273-74; Index des Débatx.,, Ire S., 29e Législature, 4 janvier 1973 au 26 février 1974, p. 380-82; Index des Déba~... , Ire S., 30e L., 30 septembre 1974 au 12 octobre 1976, p. 654-57.

1. La référence au conce~td'humanisation

Dans le cache du premier chapitre, nous avions démontré qu'après la Deuxième Guerre mondiale, une tendance à l'humanisation du système judiciaire est perceptible au Canada et dans plusieurs autres pays occidentaux Au Canada, nous avons vu que cette évolution du système judiciaire se manifesta dans plusieurs changements Iegislatûs. Dans les discours des députés, le concept d'humanisation occupe la place la plus importante dans le premier débat mais connaît ensuite un déclin. De 35.1% en 1966-67, il passe à 25.4% en 1973 et à 17.3% en 1976.

1.1 L'humanisation dans les débats de 1966-1967

En utilisant l'Index des Débats relatif au premier débat, nous avons pu remarquer que de nombreux termes et références sont reliés au concept d'humanisation, en particulier celui de l'abolition. Dès les premiers jours de la rentree parlementaire en 1966, on réfère au concept d'humanisation. Ainsi, le 25 janvier, David Macdonald affirma ceci : J'aime à croire que, lorsque la Chambre sera saisie de la question, nous appuierons de tout coeur l'abolition de la peine de mort. En adoptant cette attitude, nous manifesterons une nouvelle conception de l'emprisonnement et de la réadaptation des criminels. [...] il est grand temps d'adopter une attitude sensée, dans l'esprit du XXe siècle, à l'égard de ceux qui commettent des délits criminels dans notre pays1.

Cette citation évoque un sujet souvent abordé en rapport avec l'humanisation: l'évolution sociale du Canada et les implications de celle-ci en ce qui concerne le traitement réservé aux meurtriers.

A cet égard, ce fut surtout les députés a 19idéo10gieabolitionniste qui ont discuté de ce sujet Gérard

Pelletier est l'un de ceux qui attaquent directement la fibre de la problématique de l'évolution sociale en posant la question suivante: «[ ...] avons-nous atteint le degr6 de civilisation qui permette

à la société de se défendre des meurtriers par d'autres moyens que la mise à mort? La peine capitale est-elle vraiment la seule. l'unique méthode de répression possible?2.»

Évidemment, les opinions sur cette question étaient partagées mais les députés furent par contre unanimes lorsque le sujet du barbarisme de la peine de mort fut invoqué. En effeS de nombreux députés à la fois abolitionnistes et non abolitionnistesjoignirent leurs voix pour dénoncer non pas la peine de mort, mais plutôt le mode d'exécution qu'ils décrivirent en ces termes: «sauvagerie»,

«relique barbare du passe>>,((instrument barbare et démodé)), «acte de barbarie indigne de notre civilisation avancée», «acte de barbarisme moyenâgewu>, «un des derniersvestiges de barbarisme»,

1. Débats de la..., Ire S,, 27e P., V. 1, 25 janvier 1966, p. 268. 2. Débats de la..., ire S., 27e P., V. 3, 24 mars 1966, p. 3 102-3. Pour consulter d'autres citations de députés concernant l'évolution sociale, il est possible de se référer aux sources suivantes : Débats de la..., Ire S., 27e P., V. 3, 23 mars 1966, p. 3 069; Débats de la..,, Ire S., 27e P., V. 3, 24 mars 1966, p. 3 126-27; Débats de la ..., Ire S., 27e P., V. 3, 24 mars 1966, p -3 13 1; Débats de la..., Ire S., 27e P., V. 3, 24 mars 1966, p. 3 134; Débats de lu.,., Ire S., 27e P., V. 3, 28 mars 1966, p- 3 301; Débats de la -.., Ire S., 27e P., V. 4,4 avril 1966, p. 3 801; Débats de la..,, Ire S., 27e P., V. 4, 4 avril 1966, p. 3 820; Débats de la ..., Ire S., 27e P., V. 4,s avril 1966, p. 3 887. -- «pratique barbare)),etc3- Toutes ces dénonciationsenvers k mode particulier d'exécution pratiqué

au Canada rejoignent le courant d'humanisation du système judiciaire décrit au premier chapitre.

Elles peuvent également être liées aux dénonciations faites depuis la Deuxième Guerre par certains

écrivains. Nous pensons notamment aux Réjexiom sur la Peine Capitale de Albert Camus et de

Arthur Koestler publiées en 1957 dans lesquelles ils dénoncent l'usage de la potence et de la

- Il est de notre avis que les discussions sur le thème de l'humanisation étaient plus fréquentes

pendant le débat de 1966-1967 car pour la première fois, les députés savaient que leur opinion

pouvait avoir un certain effet puisque le parti au pouvoir exprimait son désir d'abolir la peine de

mort en présentant un projet de loi d'initiative ministérielle. Du fait même que la peine de mort est

suspendue à partir de 1967, nous observerons que le thème de l'humanisation perd de son

importance dans les débats suivants. -' 4

-: 1.2 L'humanisation dans le débat de 1973 En consultant l'Index des Débats de 1973, nous constatons que l'humanisation est abordée sous

deux principaux aspects : l'abolition et le respect de la vie humaine. Parmi les nombreux discours

portant sur Le premier aspect, nous avons identifié les plus pertinents. Le plus à propos de ces

3. Débuts de la..., Ire S., 27e P., V. 3,23 mars 1966, p. 3 073; Débats de la..., Ire S., 27e P., V. 3, 24 mars 1966, p. 3 119; Débats de la ..., Ire S., 27e P., V. 3, 28 mars 1966, p. 3 269;Débats de la,-., Ire S., 27e P., V.4,4 avd 1966, p. 3 8 17;DEbats de la... , Ire S., 27e P., V. 4,4 avril 1966, p. 3 8 19-20; Débats de la ..., Ire S., 27e P., V.4, 5 avril 1966, p. 3 871; Débatsde la..., 2e S., 27e P., V-4, 14 novembre 1967, p. 4 265. 4. Albert CAMUS et Aiur KOESTLER Réflexions sur fa Peine Capitale, Paris, Éditions Calmann- Lévy, 1957,238 p. 56

discours est celui de bugRowland dont les pensées sont tournées vers l'avenir de la société: «[...]

le résultat de ce débat sera de révéler le niveau général de civilisation, de raffinement, de charité

et de compréhension de la société canadienne. II aidera aussi à déterminer ce niveau au cours des

années à venir. car les lois modifient le comportement social. Ce débat est donc important%>

Quant au thème du respect de la vie humaine, les discours sélectionnés sont également tous r-- 1. abolitionnistes et nous avons retenu celui de l'honorable Warren Alhand: <&'État doit donner l'exemple du respect de la vie humaine par une application tolérante et patiente de la loi qui otne

d'autres moyens plus efficaces de protéger la société et de décourager le crime et même le

meurtre6.» Ces citations de Rowland et de Allmand nous portent à croire que le discours des

- députés abolitionnistes se basait davantage sur la raison que le discours des non-abolitionnistes.

D'ailleurs, Jean Imbert soutient cette assertion. Selon lui, des abolitionnistes actuels sont guidés

par la raison et appliquent leur fioide intelligence à résoudre objectivement le problème si difficile

de la défense sociale et de la réhabilitation du criminel'.» Préoccupés davantage par des questions

d'ordre pratique, les abolitionnistes auraient donc donné moins d'importance à des questions

relatives au sujet de i'humanisation Cette hypothèse expliquerait la diminution des discours portant

sur l'humanisation lors du débat de 1973.

5. Débats de la..., Ire S., 29e L., V. 1, 30 janvier 1973, p. 804. Références des cinq autres discours: Débars de la..., Ire S., 29e L., V. 1, 29 janvier 1973, p. 740; Débats de la..., Ire S., 29e L., V. 1,29 janvier 1973, p. 753; Débats de lu-,,, Ire S., 29e L., V, 4, 16 mai 1973, p. 3 848; Débats de lu..., Ire S,, 29e L., V. 4, 23 mai 1973, p. 4 040; Débats de la-.., Ire S., 29e L., V. 6,24juillet 1973, p. 5 952. 6. Débats de la..., Ire S., 29e L., V. 1, 26 janvier 1973, p- 689. 7. Jean IMBERT,Lapeine de mort, Paris, Collection Sup, Presses Universitaires de France, 1972, p. 200. 1.3 L'humanisation dans le débat de 1976

Lors du débat de 1976, le thème de l'abolition occupe toujours une place importante dans les

discours, mais il est moins associé à l'hurnanisatioa Les arguments portent davantage sur i'abolition

dans d'autres pays. En rapport avec l'humanisation, c'est le thème du respect de la vie humaine qui

prend le dessus en 1976~.Avec un peu plus de 40 reférences, ce thème est le seul pouvant être

systématiquement associé à l'humanisation. Nous avons pu remarquer que sur ce thème, les

.- ! opinions sont partagées. Par exemple, il est inconcevable pour John Gilbert de «[ ...] permettre de I6

- retourner à l'âge des ténèbres de la vengeance et du châtiment%, alon que Ken Hulburt affirmait

que le Canada est allé un peu trop loin dans l'humanisation de son système pénal1'. D'autre part,

.. affirmait que «une société qui, comme la nôtre, a le respect de la vie humaine, doit se

montrer extrêmement prudente avant de déclarer qw les circonstances justifient la mise à mort d'un

être humain1'.» En raison de la teneur de ces propos, nous avons cm bon de présenter en dernier

les paroles tenues par Pierre-Elliot Trudeau sur le respect de la vie humaine:

[...] lorsque nous nous prononcerons sur le projet de loi, nous ferons beaucoup plus que décider de la loi qui gouvernera le pays: nous nous prononcerons awisur la vie ou la mort d'êtres humains. [...] Le respect de la vie est absolument essentiel aux droits et a la liberté dont nous jouissons. Nous devons, dans une société libre, accorder un certain respect même à la vie du criminel le plus endurci12.

8. Les discussions sur le respect de la vie ne se limitèrent pas sedement à Ia suspension et l'abolition de la peine capitale, En effet, cette thématique tùt également abordée peu avant le débat de 1973. En 1972, les députés furent saisis du Bill C-2 qui avait notamment pour objectif de supprimer les peines corporelles du Code criminel. Le projet de loi fut adopté le 17 mai 1972, Référence: Débars de la..., 4e S., 28e L., V.3, 17 mai 1972, p. 2 358. 9. Débatsde la..., Ire S., 30e L., V. 13,6 mai 1976, p. 13 259. 10. Débatsde lu..., Ire S., 30e L., V. 13, 6 mai 1976, p. 13 241. 11. Débats de lu-.., Ire S., 30e L., V. 13, 7 juin 1976, p. 14 215. 12. Débats de la..., lre S., 30e L., V. 13, 15 juin 1976, p. 14 499 et 14 50 1. Cette société libre dont fait allusion Trudeau a toujours été au coeur de ses idées politiques. À cet égard, il fonda et travailla au sein de la revue Ciré Libre qui publia trois articles sur la peine de mort: Jacques &BERT, desmorts de Bordeam, Cité Libre, 1 le année, #24, janvier-février 1960, p. 17-18; 1. &BERT, «Diefenbaker, les Le sujet de l'humanisation de la société canadienne prbccupe donc les députes lors des trois débats

même s'il perd de son importance au profit d'autres sujets tels que I'aspect dissuasif, la protection

du public et les droits et devoirs de l'État. Voyons maintenant comment les députés ont traité de

l'aspect dissuasif de la peine de mort

2. L'as- dissuasif de la mine de mort

Des trois sujets de discussion amïiysés dans ce chapitre, l'aspect dissuasif suscita à notre avis le plus

de divergences d'opinions et de passions lors des trois débats. Comme nous le démontrerons dans

les paragraphes qui suivent, l'énoncé des opinions sur cette question démontre une forte propension

- des députés à négliger les faits et les statistiques au profit de jugements de valeur. Lon des débats,

l'importance de ce thème varie en passant de 33.7% en 1966-1967 à 48.6% en 1973 puis à 40.1%

2.1 L'aspect dissuasif dans les débats de 19661967

Dès les premiers discours des deputés portant sur l'aspect dissuasif de la peine capitale, il est

évident que ceux-ci sont enclins à s'exprimer sur cette question en fondant leurs arguments sur des

opinions personnelles. Ainsi, qu'ils soient pour ou contre la peine capitale, les députés expriment

tous des opinions personnelles sans s'appuyer sur des écrits de spécialistes ou sur des statistiques.

catholiques et la peine de mort», Cité Libre, 1le année, #3û,octobre 1960, p, 12-14; Alice POZNANSKA, «La peine capitale», Cité Libre, 12e année, #39, août-septembre 196 1, p.2 1-24. D'autre part, le volume suivant,fait une bonne synthèse de la vision politique de Trudeau: Pierre-Elliot TRUDEAU et Ron GwT'deau. I 'essentiel de sa pensée politique, Montréal, Le Jour, éditeur, 1998,205 p. 59

Par exemple, pour Ian Grant Wah, i<[...] la peine capitale a un effet préventif un peu plus fort que n'importe quelle sentence d'emprisonnement. À mon sens, nous pouvons tous l'admettre par intuition sans recourir aux statistiques1'.» Ce genre de réflexion a pu être observé dans la plupart des discours des députés soutenant le maintien de la peine de mort

Ainsi, selon Joseph P. O'Keefe, c'est la peur d'être exécutés qui dissuadait les gens de commettre des crimes alors que pour JHHorner, la société n'était& prête à abandonner l'outil de prévention du crime que constituait la peine de mort14. De son côté, il etait tout à fait possible pour Martial

Asselin que l'absence de la peine capitale entraîne des individus dans la voie du crime". Enfin,

Clément Vincent affirmait que les statistiques ne permettaient p&sde savoir si la peine capitale dissuadait de commettre un crime et qu'il fallait alors s'en remettre à la sagesse et à la peur comme mesure préventive 16.

Ces différentes opinions vont tout à fait à contre-courant de la littérature portant sur l'aspect dissuasif de la peine capitale produite à cette époque. En effet, il y avait A cette époque au moins trois ouvrages affirmant que la peine capitale ne dissuade pas les meurtriers. En 1956, dans un ouvrage intitulé Should Canada Abolish the Gallows and the Losh, W.T. McGrath consacre un de ses chapitres sur l'aspect dissuasif de la peine de mort. Dans ce chapitre, il mentionne que l'étude des statistiques des États et pays ayant aboli la peine capitale l'amène a conclure que la peine de

13. Débats de lu..., Ire S., 27e P., V. 3, 24 mars 1966, p. 3 199. 14. Débats de lu..,, Ire S., 27e P., V. 3, 24 mars 1966, p. 3 151et p. 3 129. 15. Débats dela..., Ire S., 27e P., V. 3,24mars 1966, p. 3 133. 16. Débatsde lu..., Ire S., 27e P., V. 3,4avril 1966, p. 3 813. mort n'a aucun effet dissuasif sur les criminels et aucun effet sur te taux d'homicide". D'autre part, en 1967, un rapport publié par les Nations Unies sur la peine capitaie affirmait que cette forme de châtiment n'avait aucune influence sur la stabilité, I'augmentation ou la diminution du taux d'homicide lorsque abolieL8.Le troisième ouvrage est celui de Guy Favreau (1965), déjà cite au chapitre 1, abonde dans le même sens.

11 est surprenant de constater que ces analyses, pourtant facilement disponibles, ne furent pas utilisées par les députés abolitionnistes lors du premier débat. En effet, ceux-ci défendent leur opinion abolitionniste sans s'appuyer sur des preuves statistiques concluantes démontrant que la peine de mort ne dissuade pas les meurtriers. Des nombreux députés qui se sont exprimés sur l'aspect dissuisif de la peine capitale, le seul qui cite des études, L.T. Pennell, en minimise lui- même la portée: «[ ...] je ne tiens pas les données statistiques pour des preuves concluantes, mais a mon avis, il est indiscutable que le rapport de la Commission royale a sérieusement mis en doute l'argument que la peine capitale a un pouvoir de dissuasion spécial et uniqueL9.» Mis à part ce discours, les autres sont donc encore essentiellement formés d'opinions 'personnelles. Par exemple, pour Louis-Paul Neveu, d'effet dissuasif que comporte la peine capitale n'est pas et selon

M. Alkenbrack mous ne pouvons pas même conjecturer logiquement quelle force de dissuasion

17. W.T. McGRATH, Should Canada Abolish rhe Galolows and the Lash, Winnipeg, Delinquency and Crime Division, The Canadian Welfare Council, Stovel-Advoçate Publication, 1956, p. 23-24. 18. Norval MORRIS, Capital Punishment, Developments 1961-1965, New York, United Nations, Department of Economic and Social Mairs, 1967, p. 4. 19. Débats de la..., 2e S., 27e P., V. 4, 9 novembre 1967, p. 4 078. Monsieur Penneil faisait allusion à la Commission royale sur la peine capitale en Grande-Bretagne. 20. Débats de la..., Ire S., 27e P., V. 3,28 mars 1966, p. 3 287. 61 a la peine capitale?» Enfin, G. Pelletier affinnaît que «si l'effet de dissuasion existait, il serait mesurable et démontrabte, ce que personne n'a pu faire jusqu'ici de façon satisfaisantez.»

Donc, même si, en 1967, au moins trois ouvrages démontrent que la peine de mort n'est pas dissuasive, ils ne furent pas pris en considération par les députes lonqu'ils s'exprimèrent sur l'aspect dissuasif. Leurs discours sur cette question se basaient sur des opinions personnelles appuyées par des arguments moraux et philosophiques et non sur des faits scientifiques. En 1973,

Ies députés étaient par contre beaucoup mieux renseignes sur l'avis des spécialistes touchant l'aspect dissuasif de la peine capitale.

2.2 L'aspect dissuasif dans le débat de 1973

Contrairement a ceux qui participèrent au débat de 1966-1967, les députés qui s'exprimèrent lors du débat de 1973 tendent davantage à citer les ouvrages de spécialistes lorsque venait le temps de discuter de l'aspect dissuasif de la peine capitale. Même si les opinions demeurèrent divisées sur le pouvoir de dissuasion de la peine, les députés font référence à la littérature spécialisée dans leurs plaidoyers . À cet égard, Jim Fleming dit ceci: «Je ne crois pas qu'un député de cette chambre, après avoir étudié tous les documents qui nous ont été distribués, puisse encore croire que la peine de mort est un élément de dissuasionz3.» Parmi ces documents distribués aux députés, d'autres discours nous permettent d'en identifier au moins deux types. Monsieur B. Keith Penner est de ceux qui mentionnent un des documents: «[...J le rapport établi par le ministère du Solliciteur général sur

2 1. Débats de la..., Ire S., 27e P., V. 4,4 avril 1966, p. 3 826. 22. Débats de fa-.., Ire S., 27e P., V. 3, 24 mars 1966, p. 3 101, 23. Débats de la..., Ire S., 29e L., V. 1, 29 janvier 1973, p. 729. l'effet dissuasif de la peine de mort auquel il a été fait allusion à plusieurs reprises au cours de ce

débai, conclut que cette augmentation [du nombre d'assassinats] ne peut être attribuée à la

suspension de la peine de mod4.» Monsieur Pemer faisait alors référence au rapport de Ezzat

Abdei Fattah mentionné plus haut. Outre ce rapport émanant du gouvernement (1972)' il est

indeaiable que les députés avaient à leurs dispositions des documents produits par les Nations Unies

car John Gilbert en fait mention: «Des rapports des Nations Unies signalent que l'eude des dossiers

de nombre de meurtres commis avant et après l'abolition ou le rétablissement de la peine de mort,

n'appuie pas la théorie selon laquelle la peine capitale aurait un effet dissuasif exemplaire% Nous

pensons que ce député faisait référence au rapport de Norval Morris (1967) mentionné au précédent

point. Nous pensons par ailleurs que les députés ont dû consulter également des articles écrits à

C. cette période par des auteurs tels que Johannes Andenaes, James J. Teeven et Hugo Adam ~edau?

Les députés en faveur du maintien ou de l'abolition de la peine capitale ont tendance à se servir de

toute cette documentation pour appuyer leur opinion sur l'aspect dissuasif Habituellement, ce sont

surtout les abolitionnistes qui citent directement les documents car ceuxci affirmaient généralement

que la peine de mort n'était pas dissuasive. Les partisans du maintien de la peine capitale, pour leur

part, se fiaient davantage à des cas individuels cités dans la littérature comme celui qui nous est

relaté par :

[...] cet individu, qui avait déjà tué deux citoyens ordinaires a propos desquels il

24. Débats de la..., Ire S., 29e L., V. 1,Sg janvier 1973, p. 739-40. 25. Débats de la... , Ire S., 29e L., V. 1, 29 janvier 1973, p. 757. 26. Johannes ANDENAES, «Does Punislunent Deter Crime?», The Crimiml Law Quater& V. 11, f 1, novembre 1968, p. 76-93; James J. TEEVEN, ,. Il ne s'est pas attaqué à l'agent de police, parce que cela lui aurait valu la pendaison- Vous dites que la peine de mort n'est pas un moyen de dissuasion Vous avez là la preuve. Qu'elle le fût dans le cas de ce criminelz7.

Les députés abolitionnistes constituent donc le groupe qui profita le plus de la multiplication des

études portant sur l'aspect dissuasif de la peine capitale. Il est également intéressant de noter que

pour la première fois, le gouvernement produit uw étude sur l'aspect dissuasif et nous pensons que

l'objectif de cette étude était d'influencer les députés qui croyaient encore a l'aspect dissuasif de .- la peine capitale. Nous verrons maintenant qu'enI976, le gouvenement fit publier trois autres

études sur l'aspect dissuasif et ce sont surtout les députés abolitionnistes qui les utilisèrent dans

. . leurs discours. - 2.3 L'aspect dissuasif dans le débat de 1976

. . La nature même du débat de 1976 a eu, a notre avis, une grande influence sur les évocations de .- - . l'aspect dissuasif Ainsi, le fait que le débat de 1976 portait sur l'abolition de la peine de mort et . ..

. .. non simplement sur sa suspension a contribue a faire en sorte que l'évocation de l'aspect dissuasif i. ':. de la peine de mort reste fiéquent dans les discours des députés. En effet, l'Index des Débats nous

donnait 69 et 71 références pour chacun des deux premiers débats, alors qu'il y en a plus de 100

pour celui de 1976.

À prime abord, il est important de mentionner que les députés participant au débat de 1976 étaient

encore mieux informés du pouvoir de dissuasion de la peine de mort puisque d'autres études sont

27. Débafsde lu -.., Ire S., 29e L., V. 4, 22 mai 1973, p. 3 961. venues s'ajouter à celles distniuées lors du débat de 1973. Ces études, abordées dans le premier chapitre, émanent du gouvernement et furent publiées en 1976 : Questions et Répomes relatives à la peine de mort, Lu Crainte du Chotiment et Dissuosion et Peine de Mort. D'un autre côté, le projet de loi débattu en 1976 suggérait l'abolition de la peine de mort et son remplacement par une peine d'emprisonnement de 25 ans. Ceci fit en sorte que les discussions sur l'aspect dissuasif de la peine de mort portent également sur l'aspect dissuasif de la peine d'emprisonnement de 25 ans, car on cherche à savoir laquelle des deux peines est la plus efficace. D'ailleurs, c'est exactement l'argument que pose E. M Wooliams: «la question pratique n'est pas de savoir si la peine de mort dissuaderait les meurtriers en puissance, mais si elle dissuaderait davantage que l'emprisonnement a perpétuité? »

Évidemment, les députés abolitionnistes privilégièrent la peine d'emprisonnement de 25 ans. Par exemple, après avoir cité les travaux de E.k Fattah, Warren Allmand dit ceci:

- Que peut-on conclure de toutes ces études sur l'effet dissuasif de la peine de mort? À mon avis, si l'on ne peut prouver de façon irréfütable que la peine de mort a un effet plus dissuasif qu'un emprisonnement de longue durée, nous devons accorder la préférence à l'emprisonnement de longue durée et laisser le fardeau de la preuve à ceux qui préconisent la peine de modg.

D'autres députés, comme Jim Fleming, appuyaient le bill abolitionniste de 1976 car ils jugeaient que la peine d'emprisonnement de 25 ans constituait un moyen de dissuasion efficacem. Plusieurs autres, dont la députée Aideen Nicholson, abondaient dans le sens des études gouvernementales et appuyaient par le fait même l'abolition d'une peine de mort n'étant d'aucune aide dans la

28. Débarsde la ..., IreS., 30e L., V. 13, 18 mai 1976, p. 13 447. 29, Débats de la ..., Ire S., 30e L., V. 12'3 mai 1976, p. 13 089. 30. Débats de lu ..., Ire S., 30e L., V. 13, 6 mai 1976, p. 13 253. prévention du crime3'.

Adoptant une ligne de pensée tout à fait différente, les nombreux députés favorables au maintien

de la peine de mort continuèrent d'affirmer que celle-ci est dissuasive. Par exemple, selon Art Lee,

a[..:] la peine de mort peut avoir un effet dissuasif dans le cas de meurtres prémédités et j'ai

l'intention de voter pour le maintien de la peine capitale [...]32.» Enfin, ce groupe de députés ne se

gêna pas pour affirmer que la nouvelle peine d'emprisonnement suggérée dans le projet de loi ne

pouvait être contraigna.de sur les meurtriers?

Si les arguments portant sur l'aspect dissuasif de la peine de mort ont occupé une place encore - importante dans le débat de 1976, cela est probablement dû au fait que les députés avaient

conscience que le bill présenté portait sur I'abolition de la peine capitale et son remplacement par

une peine d'emprisonnement de 25 ans. D'autre part, iI est indéniable que le gouvernement tenta

d'influencer Les députés en publiant trois études démontrant que la peine capitale n'était pas

dissuasive. Par contre, cette stratégie ne fut pas d'un grand succès car les députés contre l'abolition

de la peine de mort continuèrent d'affirmer qu'elle était dissuasive. Face a ce constat, de nombreux

députés abolitionnistes concentrèrent leurs efforts en affirmant que la peine d'emprisonnement de

25 ans était un bien meilleur moyen pour dissuader les meurtriers. D'ailleurs, nous allons

maintenant voir qu'en 1967, des députés argumentant sur le thème de la protection de la société

affirment également que la prison est un bon moyen de dissuasion. En s'attardant sur le sujet de la

31. Débats de la..., Ire S., 30e L., V. 13, 10 mai 1976, p. 13 369. 32, Débats de la ..., Ire S., 30e L., V. 13, 1 1 mai 1976, p. 13 425. 33. Débals de lu. .. , Ire S., 30e L-, V. 13, 5 mai 1976, p. 13 222. 66 protection du public et des droits et devoirs de l'État, nous verrons que ce théme qui n'occupe que la troisième place parmi les trois grands thèmes de discussion en 1966-1967, passe à la deuxième place en 1973 et à la première place en 1976.

3. Évocations de la yotection da mblic et des droits et devoirs de l'État

Les deux thèmes de ta protection du public et des droits et devoirs de l'État soulèvent d'importantes questions d'ordre moral: est-ce que la peine capitde protège la population contre les meurtriers récidivistes? Est-il légitime pour l'État d'exécuter un condamné à mort? état commet-il, lui- même, un meurtre en exécutant le condamné? Sur quel droit s'appuie l'État lorsqu'il exécute? Les rkponses à ces questions dépendent des différents points de vue adoptés et observés dans les trois débats.

3.1 La protection du pubüc et les droib et devoirs de l'État dans les débats de 19661967

Dans le débat tenu en 1966 et 1967, le thème des droits et devoirs de l'État n'occupe pas une place importante puisqu'on ne compte qu'une dizaine de références. Préoccupés par d'autres concepts ou thèmes tels que t'humanisation, les députés ont, en général, esquivé la question du droit de l'État de punir de mort. D'ailleurs, les deux discours qui sont à notre avis les plus significatifs sur cette question défendent le droit de l'État de punir par la peine de mort Le premier fut prononcé par J.P.

O'Keefe pour qui, «l'État peut tuer l'un de ses concitoyens si celuici est en fait un ennemi mortel de la sociétéu.;> Quant ê RN.Thompson, le droit de punir de mort est une question de respect envers l'ordre divin puisque alorsque l'État ôte la vie d'un criminel qualifié, il le fait comme

34, Débats de la ..., Ire S., 27e P., V. 3, 24mars 1966, p. 3 151. représentant de Dieu de qui il détient une autorité expresse3*.»

En ce qui a trait au thème de la protection de la société, ce dernier a préoccupé davantage les

députés puisque nous pouvons en retracer une cinquantaine d'affirmations. Cette fois-ci, deux

discours de partisans de l'abolition de la peine de mort se sont révélés pertinents pour notre analyse.

D'abord, pou. Stanley Knowles, «[ ...] l'emprisomement à perpétuité ou assez longtemps pour

écarter toute récidive protège autant l'individu que la peine capitale. [...] dé état n'assure aucune

protection en maintenant la pratique de la violence, au contraireM.» En comparant ainsi la prison

à la peine capitale. le député KnowIes donnait plus de légitimité à la peine d'emprisonnement car

celle-ci a au moins le mérite de conserver la vie du criminel tout en l'empêchant de récidiver et sa

.- citation laisse également entendre que le meurtrier pouvait être réhabilité. D'ailleurs, les députés,

par l'entremise du projet de loi présenté plus tard en 1976, pensaient qu'un minimum de 25 ans

d'emprisonnement était essentiel pour servir de punition et aider à la réhabilitation du meurtrier.

J.R. Matheson est également d'avis que l'emprisomement à vie constitue le meilleur moyen de . -

,- . protection pour la société car, «la croyance selon laquelle la peine de mort est un moyen unique de I protéger la société contre le meurtre [.. .] ne se fonde actuellement sur aucune preuve digne de

Encore une fois, ce député préconisait l'emprisonnement plutôt que la peine de mort. Bien sûr, les

partisans du maintien de la peine avaient une opinion bien différente de la question de la protection

du public.

35. Débats de la..., Ire S., 27e P., V. 3, 28 mars 1966, p. 3 264-65. 36. Débats de la..., 2e S., 27e P., V. 4, 14 novembre 1967, p. 4 265. 37. Débats de la ..., 2e S., 27e P., V. 4,9 novembre 1967, p. 4 106. 68

.- Par ailleurs, pour plusieurs députés dont P. Caron, le rôle des députés élus a Ottawa était de

défendre la société et leur devoir de député devait passer par le maintien de la peine capitale?

Plusieurs autres députés prenant position contre l'abolition ou la suspension de la peine capitale

dfinnaient exactement le coniraire des opinions avancées jmr les députés Knowles et Matheson-

Ainsi, la peine capitale était pour G. Valade «la seule protection de la société contre la récidive39»

et E.D. Fulton croyait que «le maintien de la peine capitale, B l'heure actuelle tout au moins, est

nécessaire à la protection de la société et qu'aucun moyen assez efficace n'a encore été ~istitue'?»

Ces opinions partagées par plusieurs autres non-abolitionnistes démontrent bien que la peine

capitale constituait pour eux le seul et unique moyen efficace de protéger la population des

meurtriers Notre analyse des deux autres débats démontre que cette opinion n'a pas vraiment - changé.

3.2 La protection du public dans le débat de 1973

Dans un premier temps, il est pertinent de noter qu'aucune référence au droit de l'État de punir de

mort ne fut faite lors du débat tenu en 1973 probablement parce que la peine capitale était dejà

suspendue depuis 1967 et que le débat se prêtait davantage à des discussions portant par exemple

sur l'aspect dissuasif, le vote libre, l'opinion du public et la protection de celui-ci.

Ainsi, I'lndex des Débais de 1973 nous renvoie a 38 citations sur la protection du public. Tout

comme lors des débats de 1966-67, l'opinion des abolitionnistes est diamétralement opposée à celle

38. Débats de la..., Ire S., 27e P., V. 3,24 mars 1966, p. 3 110. 39. Débats de lu..., Ire S., 27e P., V.4,s avril 1966, p. 3 892. 40. Débats de la ..., Ire S., 27e P., V. 3,28 mars 1966, p. 3 274. des non-abolitionnistesesLorsque l'on consulte les citations des abolitionnistes, on remarque qu'ils

sont très préoccupés de la sécurité des Canadiens et des Canadiennes. Cette sécurité doit être

assurée par de nouveaux cadres d'intervention comme la prévention et l'adoption de mesures

législatives qui respectent la vie humaine. Ces préoccupations sont les mieux décrites par Pierre-

Elliot Trudeau et Wanen Allmand. Ainsi, Trudeau afhne que «dans tous nos efforts ici pour

débarrasser le Code criminel de certaines dispositions trop sévères, ou pour cerner les problèmes

sociaux qui sont a l'origine du crime, nous devons prendre soin de ne pas compromettre la sécurité du citoyen respectueux des lois4'.» De son côté, Allmand se réjouissait que Le Canada s'éloigne

a[. ..] de plus en plus des moyens préventifs comportant la punition pour adopter plutôt de véritables

moyens préventifsu.» Par contre, comme nous L'avons mentionné auparavant, ces avis n'étaient pas

du tout partagés par les députés en faveur du retour de la peine capitale.

Tout comme lors des débats de 196667, les députés en faveur de la peine de mort persistaient à croire que la peine capitale constituait encore le meilleur outil pour protéger le public. Par exemple,

G. Caouette dit que «si le gouvernement, en adoptant des mesures - et je le répète - assure à la

société, les avantages que j'ai mentionnés tantôt, c'est-à-dire le bien-être de la populatio~la sécurité des prisons et la possibilité de réhabiliter les prisonniers, à ce moment-là, il pourra penser

à abolir la peine capitale43.»Comme bien d'autres députés partisans de la peine capitale, Caouette pensait donc que les conditions pour que la peine capitale soit abolie n'avaient pas encore été mises en place par le gouvernement. Sans ces conditions, les partisans de la peine capitale comme Lloyd

41. Débats de lu ..., Ire S., 29e L., V. 4, 16 mai 1973, p. 3 842. 42. Débats de la ..., Ire S., 29e L., V. 1, 26 janvier 1973, p. 686. 43. Débats de la .,., Ire S., 29e L., V.4, 22 mai 1973, p. 3 964. 70 - ! .. R Crouse ne purent accepter le projet de loi: «en attendant que l'on ait trouvé une solution de

rechange acceptable a la peine de mort comme moyen de protection de la société, je pense que le

gouvernement ne me laisse pas d'autre choix pour l'instant que de voter contre le projet de loia.»

C'est en conservant le même discours que les députés pour le maintien de la peine capitale

s'exprimèrent en 1976. i t 3.3 La protection du public et les droits et devoirs de l'État dans le débat de 1976 Probablement parce que le projet de loi présenté en 1976 proposait l'abolition de la peine capitale

plutôt qu'une nouvelle suspension, on reirouve de nouveau une trentaine de discours su.le droit de

. . l'État de punir de mort. Généralement, les abolitionnistes s'accordaient pour dire comme Benno

+ Fnesen que l'État devait se comporter de façon rationnelle pour écarter l'idée de vengeance et faire

respecter la justice4'. Cette idée de respect de la justice prenait par contre une signification

différente lorsqu'elle était utilisée par les partisans de la peine de mort, car l'exécution d'un

meurtrier est pour eux « [...] un véritable acte de justice réclamé par la perpétration délibérée d'un

meurtre46.»Encore une fois, cette divergence d'opinion sur la manière de faire respecter la justice

illustre, de part et d'autre du Parlement, la différente perception qu'avaient les députés de la peine

capitale. Cet écart de perception reste par ailleurs le même lors des discours portant sur la

protection du public.

Beaucoup plus nombreuses que celles du débat de 1973, les citations du débat de 1976 sur la

44. Débats de la... , 1 re S., 29e L., V. 1, 3 1 janvier 1973, p. 84 1. 45. Débars de lu..., Ire S., 30e L., V. 14, 8 juin 1976, p. 14 253. 46. Débats de lu..., Ire S., 30e L., V. 13, 19 mai 1976, p. 13 685. protection du public apportent toutefois peu de nouvelles idées au débat, mais elles ont à tout le moins le mérite de renforcer chacune des positions. En effet, la position des abolitionnistes reste centrée sur la théorie qu'il existe plusieurs autres moyens que la pendaison pour protéger la

population. À cet égard, nous avons retenu cette citation de Chas. L. Caccia qui décrit en détail cette position.

Monsieur l'Orateur, je suis convaincu que les citoyens peuvent être mieux protégés par des moyens autres que la pendaison des criminels- par exemple en infligeant des sanctions et M châtiment mérités aux personnes coupables d'homicide, d'attaque à main armée, de viol et d'autres crimes violents, en améliorant les services pénitentiaires ainsi que les règlements régissant la libération conditionnelle des détenus, la libération de jour, les absences temporaires; en adoptant des mesures préventives contre le crime; en dliorant les seMces sociaux et grâce au concours d'animateurs sociaux Les députés savent bien que la tendance au crime se manifeste longtemps avant que le crime ne soit perpétré. Il faut remonter jusqu'aux sources du mal, ce que la potence ne fait pas4'.

Bien entendu, les partisans de la peine capitale en profitèrent pour dénoncer ce type de

raisonnement. Parmi ceux-ci, Leonard C. Jones affirme que «on n'a pas de preuves que l'esprit

généreux qui veut préserver la vie et assurer la coexistence avec des criminels notoires, ait favorisé

de meilleures mesures de sécurité publique4'.» Enfin, comme le dit P-Elzinga, les partisans de la

peine capitale insistèrent une fois de plui que la peine capitale est indispensable pour assurer la

protection de la populationJ9.

En conclusion, nous avons d'abord démontré, à l'intérieur de ce chapitre, que les discussions sur

le concept d'humanisation étaient importantes dans les débats de 196667 car les députés avaient

47. Débats de la..-, Ire S., 30e L., V. 14,30 juin 1976, p. 14 990. 48. Débais de la..., Ire S., 30e L., V. 13,6 mai 1976, p. 13 238. 49. Débacs de la ..., Ire S., 30e L., V. 13,28 mai 1976, p. 13 950. 72

devant eux un sérieux projet de loi d'initiative ministérielle. Par contre' les discussions sur ce thème

perdirent de l'ampleur dans les débats subséquents car les discours étaient davantage orientés vers

des interrogations plus concrètes comme l'effet dissuasif de la peine capitale, la protection du public

et les droits et devoirs de l'État.

Tout au long des trois débats, l'effet dissuasif de la peine capitale occupe une place importante.

Dans les débats de 1966-1967, même si ces discussions furent très animées, elles étaient surtout

fondées sur des opinions personnelles et non sur des études et des statistiques, déjà disponibles à

cette époque, portant sur l'effet dissuasif de la peine de mort. La multiplication de ces études et

statistiques, après le premier débat, permit aux députés abolitioMistes d'étoffer leurs discours sur - l'effet dissuasif de la peine capitale dans le débat tenu en 1973. Lors du débat de 1976, il y eut

encore plus de discours sur l'effet dissuasif car le projet de loi présente proposait l'abolition et non

une autre suspension de la peine de mort. Pendant ce débat, les abolitionnistes affirmaient que la

peine d'emprisonnement représentait un meilleur moyen de dissuasion que la peine de mort qui était

préconisée par les autres députés en faveur de son maintien.

Quant aux thèmes associés à la protection du public et des droits et devoirs de l'État, nous avons

pu remarquer, qu'entre ces deiy il y eut davantage de discussions sur le thème de la protection du

public que sur celui portant sur les droits et devoirs de l'État. En effet, dès les débats de 1966-67,

de nombreux discours nous permettent d'identifier deux positions différentes sur la protection du

public qui continuèrent d'être défendues lors des débats de 1973 et 1976. Pour les députés

abolitionnistes, le meilleur moyen de protéger la population des meurtriers était la prison et la 73 réhabilitation. De leur côté, les députés non abolitionnistes rejetaient ces idées car ils persistaient

à croire que la peine de mort est le seul et unique moyen de protection efficace pour la population.

D'ailleurs, la population canadienne ne resta pas indifférente devant toutes ces discussions thématiques tenues lors des trois débats car, comme nous le verrons dans le prochain chapitre, elle eut une grande influence auprès des députés par le biais de lobby effkctué par les groupes de

pression, Chapitre 4

L'influence des groupes de pression

Dans le cadre de ce quatrième chapitre, notre objectif est de démontrer à quel point pendant les

trois débats amenant à la suspension puis à l'abolition de la peine capitale, les groupes de pression

ont exercé une influence importante. Pour ce faire, nous avons étudié la Fréquence des références

aux groupes de pression dans les discours des députés lors des trois débats. Avant de passer à

L'analyse de ces groupes de pression, nous avons fait le décompte du nombre de références les

concernant dans les Index des Débats. Cet exercice nous indique des fluctuations importantes. En

effet, il y a 49 références aux groupes de pression en 1966 et 1967, seulement 13 en 1973 et 82 en

. , 1976'. Grâce aux Index des Débats, nous illustrerons d'abord que lors des débats de 196667, la * présence des groupes de pression daas les discours des députés fût essentiellement l'affaire

d'organisations religieuses et de groupes représentant les services de l'ordre. Nous verrons qu'a

cette occasion, ce fut le lobby des services de l'ordre qui fut le plus efficace. Dans un deuxième

temps, nous verrons que La fin du moratoire de cinq ans et le deuxième débat tenu eu 1973 amènent

le groupe de pression constitué des services de l'ordre a vouloir conserver ses gains acquis lors du

premier débat et que celui des organisations religieuses est moins actif dans ses interventions.

Enfin, nous démontrerons que le débat de 1976 sur l'abolition de la peine capitale amène une forte

augmentation de l'intervention des groupes de pression. Il sera donc question de l'accroissement

important en 1976 des interventions et des mentions des groupes de pression des services de l'ordre

1. Index des Débats ..., Ire Session., 27e P., Volume 3, 18 janvier 1966 au 8 mai 1967, p. 532-34; Index des Débats ..,, 2e S., 27e P., 8 mai 1967 au 23 avril 1968, p. 273-74; Index des Débats. .., Ire S., 29e L., 4 janvier 1973 au 26 février 1974, p. 380-82; Idex des Débats.. ., 1re S., 30e L., 30 septembre 1974 au 12 octobre 1976, p. 654-57. et des organisations religieuses.

1- Les débats de 1966-1967

Nous avons remarqué au cours du chapitre précédent que les discussions permettaient aux députés

de donner leurs opinions sur un certain nombre de thèmes touchant la peine capitale. Ces opinions

furent dans plusieurs cas appuyées ou influencées par l'intervention de groupes de pression. Lon

des débats de 1966-1967, nous constatons que ce sont surtout les organisations religieuses et les

seMces de l'ordre qui sont cités dans les discours des députés.

-. Avant même de consulter 1'1.des Débors qui nous a permis d'identifier les différents groupes

* de pression, nous doutions que ces groupes étaient présents et actifs lors du premier débat. Ce

soupçon provient de la lecture d'un mémoire de maîtrise rédigé par René Picard dans lequel il

mentionne ceci :

En lisant les Débats des communes, en dépouillant les journaux, en nous entretenant directement ou par téléphone avec les directeurs de groupes et d'associations, nous avons été a même de constater que des pressions furent exercées sur le Parlement canadien, avant ou pendant les discussions sur la peine capitale?

1.1 Les Églises

En consultant l'lndexdes Débats, nous avons constaté que les organismes religieux furent nombreux

à s'exprimer par voie écrite aux députés lors des débats de 1966-67 puisque I'lndex donne des

références au sujet de l'Église mennonite, les Baptistes, l'Église unie, l'Église presbyterieme et

2. René PICARD, Influence des Groupes de Pression sur le Débat de ia Peine Capitale au Cana& mars et avril 1966, Mémoire de Maitrise (M.A), Université de Montréal, 1968, p-73. 76

l'Église catholique. Ces multiples références nous permettent de voir que les organisations

religieuses ont été nombreuses à envoyer des lettres ou des communiqués aux parlementaires. Il

appert que notre inhiition n'est pas erronée puisqu'en 1966, Jack McIntosh dit qu'il a reçu «un grand

nombre de letîres et de mémoires de groupes religieux?» II est donc logique de penser que ces

lettres et mémoires furent égaiement envoyés aux autres députés. Dans tous ces envois reçus,

McIntosh mentionne aussi que les organisations religieuses affirment que la peine capitale va à

l'encontre du droit divin4. Les références aux nombreuses organisations nous permettent de vérifier

cette assertion.

Dans un premier temps, une référence nous envoie à I'opinion de l'Église mennonite. Cette opinion ,-. -. nous est transmise par le député Howard Johnston. Dans son discours, ce dernier mentionne que

l'Église mennonite, lors d'une conférence générale tenue il y a plusieurs centaines d'années, avait

convenu que la pratique de la peine capitale devrait être abolie car elfe ne servait pas les fins des

gouvernements. Ce députe a souligne le fait que la Conférence des mennonites du Canada s'est

servie de cette déclaration pour en faire un projet de résolution qui a été adopté en juillet 1965 à

Clearbrook en Colombie-Britannique5.

Ensuite, selon la première référence disponible, on mentionne que l'Église presbytérienne se

prononçait pour l'utilisation de la peine capitale. En effet, en prenant la parole le 24 mars 1966,

Heath Macquame cite un document presbytérien: «Le droit que possède l'État d'appliquer la peine

3. Débats de lu-.., Ire S., 27e P., V. 3, 24 mars 1966, p. 3 097. 4. Débats de la... , Ire S., 27e P., V. 3'24 mars 1966, p. 3 097. 5. Débats de la,.., Ire S., 27e P., V. 3, 23 mars 1966, p. 3 079. capitale est contesté de nos jours. [.--1 Et pourtant nous reconnaissons aux magistrats le droit

d'imposer la peine de mort pour des crimes comme l'homicide avec malice et préméditation. état

a ce droit en tant que représentant de Dieu [...16.» Par contre, le même jour, John Gilbert apporte

d'importants correctifs à cette position lonqu'il dit ceci:

Le passage qu'il wcquarrie] a cité est tire de l'unique document officiel de I 'Église presbytérienne sur la question de la peine de mort, mais récemment cette position a été révisée, et la 9 1è assemblée générale a nommé un comité spécial, en 1965, pour étudier la question et faire rapport a la 92è assemblée générale qui se tiendra en juin 1966. Le synode de la Colombie-Britannique et au moins une douzaine des 49 paroisses de 1'~gliseont adopté des résolutions en faveur de l'abolition de la peine capitale. Il me semble donc que l'Église presbytérienne du Canada favorise plutôt L'abolition de la peine capitale [...]?

De son côté, John Diefenbaker affirme que la Convention américaine baptiste, par le biais d'une

- résolution, recommandait l'abolition de la peine capitale et des résolutions similaires furent

adoptées au Canada par l'Église unie0. Beauwup moins influent, le "Student Christian Movement"

de L'Université de Toronto fit parvenir aux députés une lettre dans laquelle l'organisation

désapprouve l'utilisation de la peine de mort et ce, quel que soit le crimeg. Quant à l'Église

catholique, elle n'aurait pas envoyé de lettres ou de communiqués aux députés lors des débats de

196667 ce qui contribua à créer une certaine confusion chez les députés. En effet, GA.Gautbier

affirme que l'Église catholique «[ ...] ne s'est pas encore prononcée clairement et définitivement sur

ce sujet'0.» Par contre, la Conférence catholique canadienne avait, en 1960, fait une déclaration

dans laquelle l'organisme représentatif des évêques catholiques du Canada favorisait I'abolition de

6. Débats de la ... , 1 re S., 27e P., V. 3, 24 mars 1966, p. 3 138. 7. Débuu de la..., Ire S., 27e P., V, 3, 24 mars 1966, p. 3 148. 8. Débats de la... , 1re S., 27e P., V. 4,4 avril 1%6, p. 3 799. 9. Débats de la ..., Ire S., 27e P., V, 3, 24 mars 1966, p. 3 148. 10. Débatsde la..., Ire S., 27e P., V, 3, 28 mars 1966, p. 3 292. la peine de morî mais ne niait pas à l'État le droit d'imposer la peine capitale si les circonstances

l'exigeaientLL.Nous verrons un peu plus loin que l'organisme, silencieux lors de ce premier débat,

sera plus actif lors des débats de 1973 et 1976. Nous pouvons donc constater que la plupart des

organisations religieuses étaient effectivement pour I'abolition de la peine capitale et que plusieurs

de ces organisations envoyèrent des letîres ou des communiqués aux députés. Par contre, leur

pouvoir d'influence auprès de ces derniers n'est pas évident lorsqu'on le compare au groupe de

pression des se~cesde l'ordre qui lutta férocement pour le maintien de la peine capitale.

1.2 Les forces policières

11 faut tout d'abord expliquer qu'en date du débat de 1966-1967, le lobby des forces de l'ordre était

actif depuis de nombreuses années. Surtout représenté par la police, ce groupe de pression fit en F

effet très actif car, selon Jayewardene: a[ ...] it was not concentrated into a few years: it was a

sustained effort over a long period of time. They were the most vociferous group calling for the use

of the death penaltyi2.» L'effort d'influence de ce groupe est effectivement concentré sur plusieurs

années puisque dès 1954, le président de l'Association canadienne des chefs de police atFrme que

les services de police sont pour le maintien de la peine capitale pour les meurtres, car elle agit

comme moyen de diss~asion'~.En mars 1955, cette association envoya au Comité mixte un

document dans lequel elle réitérait le pouvoir dissuasif de la peine capitale et elle avançait que le

pays se dirigeait vers l'anarchie si les criminels pouvaient un jour tuer des agents de la paix sans

11. CONFÉRENCE CATHOLIQUE CANADIENNE, «Les évêques catholiques favorisent l'abolition de la peine de mortn, L 'Église Canadienne, Vol. 9, #4, avril 1976, p. 109. 12. C.H.S. JAYEWARDENE, Afrer abolition of the death penalty, Ottawa, Crimcare, 1989, p. 23. 13. C. H.S. JAYEWARDENE, Ajier Aboliiion oJ.., p. 28. ' 79

possibilité d'être par la suite exécutés. Puis, lorsque les libéraux commencèrent a commuer toutes -- les peines de mort à partir de 1963, l'association redoubla ses efforts en envoyant deux lettres: une

au premier ministre Lester B. Pearson en décembre 1964 et une autre au Parlement en février

1965 '". Nous pouvons donc constater que représenté surtout par l'Association canadienne des chefs

de police, le groupe des services de l'ordre avait commencé à influencer les députés et l'opinion

publique avant le débat de 196667. On retrouve plusieurs citations de ce groupe dans le débat.

Ainsi, le 24 mars 1966, Hubert Badanai mentionne qu'il a reçu une lettre de l'Association des

anciens membres de la Gendarmerie royale du Canada demandant le maintien de la peine capitale

et que ce maintien avait été approuvé par les chefs de police lors de Leurs conventions. Il ajoute

également avoir consulté des documents envoyés par le président de l'Association canadienne des

chefs de police? La même journée, les députés Réal Caouette et Heath Macqumie affirment avoir

reçu respectivement une pétition du Metropditan Toronto Police en faveur du maintien de la peine

capitale et une lettre de l'Association du service civil du Canada également en faveur du maintien - de la peine pour des motifs diss~asifs'~.Le 28 mars, le député C.A. Gauthier dit avoir reçu un

télégramme dans lequel il est mentionné que l'assemblée générale de la Fédération des policien

municipaux du Québec qui représente 6 000 policiers a, le 26 mars 1966, décidé de s'opposer à

l'abolition de la peine de mort". Enfin, le 5 avril 1966, Antonio Yanakis rappelle à la Chambre que

14. Carolyn STRANGE, The politics ofpunishment: the deah pemhy in Cam&, 1867-1976, CLHP- WPS-92-10, 1992, p.7. À noter que le Comité mixte dont ii est question et qui reçoit le rapport est celui qui est abordé dans le chapitre 1. 15. Débats de la... , Ire S., 27e P., V. 3,24 mars 1966, p. 3 120. 16. Débats de la ..., Ire S., 27e P., V. 3, 24 mars 1%6, p. 3 124; Débats de la..., Ire S., 27e P., V. 3, 24 mars 1966, p. 3 137. 17. Débats de la..., Ire S., 27e P., V. 3, 28 mars 1966, p. 3 295. l'Association des chefs de police déplore les commutations de peine et affirme que la peine de mort

est le moyen le plus sûr de protéger la police des criminels dangereux1*.

13Les autres groupes de pression

Avant de conclure cette iI nous faut également mentionner l'intervention de deux autres

groupes de pression abolitionnistes. Il s'agit de l'Union canadienne des étudiants et de la Société

canadienne pour l'abolition de la peine de mort. Par le biais de Réal Caouette, nous savons que

l'Union canadienne des étudiants envoya aux députés une pétition en faveur de l'abolition de la

peine capitale19. Quant à la Socikté canadienne pour l'abolition de la peine de mort, elle publia un

bulletin d'information concernant un panel de discussion qui eut lieu au Parlement le 3 juin 1965

- et auquel René Lévesque participa en tant que conférencier. Parmi I'assistance, il y avait 115

sénateurs et députés en plus des représentants du ministère de la Justice et des journalistes2*. Dans

une de ses interventions en Chambre, Gordon Fairweather décrit cette organisation positivement car,

«[ ...] elle n'a rien négligé pour mieux renseigner le public; elle a organisé des groupes de discussion,

des causeries et des débats2'.» D'ailleurs, même s'il n'y a que peu de références sur ce groupe de

pression dans l'Index, tout nous porte à croire qu'il fut très actif à l'occasion des débats de 1966

puisque selon René Picard, «la Société canadienne pour l'abolition a pris une part active au débat

de mars-avril l966*.»

18. Débats de la..., Ire S., 27e P., V. 3,5 avril 1966, p. 3 880-81. 19. Débatsde lu-.., Ire S., 27e P., V. 3,241na.r~1966, p. 3 121-22. 20. LA socrÉ~ÉCANADIENNE POUR L'ABOLITION DE LA PEINE DE MORT, Informarion Bulletin 2, Canada, 1965, p. 3. 2 1. Débats de la..., Ire S., 27e P-,V. 3, 24 mars 1966, p. 3 107. 22. R PICARD, influence des Groupes... ,p. 79. 81

En définitive, il ressort de notre analyse que très tôt dans le débat de 19664967, les groupes de

pression formés respectivement des organisations religieuses et des services de l'ordre ont tenté

d'influencer les députés et la population en exprimant leur opinion par le bais de lettres, de

communiqués et de pétitions. De ces deux groupes, celui des fores de L'ordre était le mieux

préparé et expérimenté face aux débats, en partie parce que son engagement envers le maintien de

la peine capitale datait du milieu des années 50. Conséquemmenf le pouvoir d'influence de ce

groupe auprès des élus fut très efficace. Même si la peine capitale fut suspendue pour cinq ans en

1967, elie resta théoriquement en vigueur pour les meutriers de policiers et de gardiens de prison

Lors du débat de 1973, le groupe des forces de I'ordre cherchera de nouveau a influencer les députés

afin de conserver cet acquis. - 2. Le débat de 1973

Au cours du débat tenu en 1973, les groupes de pression firent moins d'interventions pour tenter

d'influencer les députés puisque nous avons mentionné, au début du chapitre, qu'il n'y a que 13

références à de tels groupes. Par contre, en marge de ces références, nous savons que trois

communiqués ont été publiés pour influencer les députés. Les organisations religieuses et les

seMces de l'ordre ont produit deux des communiqués. 2.1 Le communiquC de la Société canadienne de criminologie

Dans un premier temps, au mois de novembre 1972, la Société canadienne de criminologie, affiliée au Conseil canadien de développement social, publia un exposé officiel de sa politique sur la peine de mort. Dans cet exposé, la S.C.C. demandait deux choses au gouvemement: prolonger la suspension de la peine capitale de deux ans et instaurer une Commission royale d'enquête pour amasser des données et tenir des audiences publiques pour que les citoyens s'y expriment?. La portée de ce communiqué fuf à notre avis, nulle car les députés n'y font aucune référence et le gouvemement n'adopta pas ces demandes puisqu'il n'y eut pas de Commission royale d'enquête et la peine fût suspendue pour cinq ans plutôt que pour deux. Néanmoins, l'intervention de la

S.C.C. est symptomatique des ambitions croissantes de la communauté scientifique à influencer la définition des poIitiques.

2.2 Le communiqué de la Conférence catholique canadienne

La deuxième intervention se fit en même temps que le débat. Ainsi, enjanvier 1973, la Conference catholique canadienne envoya un message aux sénateurs et aux députés dans lequel la Conférence prenait position sur plusieurs aspects de la peine capitale. Voici un résumé de leur position:

1- Ils jugeaient abusifs I'utilisation des textes bibliques comme l'Ancien Testament pour justifier le maintien de la peine capitale. 2- La responsabilité des Canadiens envers la violence devait être le point central de la di&ussion sur la peine capitale. 3- Le chrétien ne pouvait recourir à la peine capitale qu'en dernier recours car le respect de la vie est pour lui un principe fondamental. 4- Selon eux, la nécessité de maintenir la peine capitale n'avait pas été clairement prouvée. 5- Il était essentiel que des comités de recherche étudient à fond toutes les implications de

23. SOCLÉTÉ CANADIENNE DE CRIMINOLOGIE, La peine de mort, exposé officiel de politique, Ottawa, 1972, couverture et pages 1-2. la peine capitale24.

Manifestement, ces positions ne représentent pas un appui univoque pour l'abolition de la peine de

mort. Néanmoins, les interprétations des députés tendent dans ce sens. il est clair qu'en envoyant

ce message, la C.C.C. tentait d'influencer le déroulement futur du débat. Cet objectif de la CCC

fut atteint car malgré une diminution des références sur la position des organismes religieux

(seulement huit), trois députés font allusion a son message. Ainsi, D. MacDonald cite deux passages

du message de la C.C.C. pour ensuite affimier qu'il appuie cette attitude énergique qui exhorte les

députés à abolir la peine de mort? Mme MacImks cite également la déclaration de la C.C.C. alors

que Gordon R Fairweather mentionne que celle-ci s'est opposée à la peine de mort?. Moins actives

que lors du premier débat, les autres organisations religieuses exprimèrent néanmoins clairement - leur position abolitionniste. Par exemple W. Allmand cite un article du United Church Observer

dans lequel plusieurs Églises dont l'Église anglicane et l'Église unie affiirment que la peine capitale

n'est pas dissuasive et qu'elle est immorale et antichretieme? D'un autre côte, le communiqué - envoyé par l'Association canadienne des chefs de police avait lui aussi pour objectif d'influencer

les députés, mais dans un sens contraire.

24. CONFÉRENCE CATHOLIQUE CANADIENNE, «La peine capitale, Message de la Conférence catholique canadienne awmembres du Sénat et de la Chambre des communes du Parlement canadien», L 'Église canadienne, Vol. 6, #3, mars 1973, p. 67. 25. Débats de la... , Ire S., 29e L., V. 1,3O janvier 1973, p. 78 1. 26. Débats de la,.., Ire S., 29e L., V, 4, 15 mai 1973, p. 3 763; Débats de la ..., Ire S., 29e L., V. 4, 24 mai 1973, p. 4 063. 27- Débars de lu.,., Ire S., 29e L., V. 1, 26 janvier 1973, p. 689. 23Le communiqué de PAssofiation canadienne des chefs de police

En effet, en janvier 1973, suite à l'annonce du projet de loi sur la reconduction de la suspension de la peine capitale pour un autre cinq ans, l'Association canadienne des chefs de police tenta d'influencer les députés en leur envoyant un document sur la peine capitale2'. Dans ce document, il y avait plusieurs conclusions et recommandations et nous en avons retenues quelques-unes :

1- La société était sans équivoque pour le maintien de la peine capitale. 2- La peine de mort n'était pas barbare. 3- Aucune étude n'avait été faite lors de la suspension pour démontrer l'existence de mesures alternatives adéquates à la peine capitale et une telle étude devait être effectuée avec la participation de L'Association 4- Les législateurs devaient considérer davantage les droits de la société et non ceux des individus et de l'État. 5- Le principe de punition devait être retenu et les sentences pendantes devaient être exécutées selon la loi et l'utilisation de la prérogative royale par le gouvemement devait se limiter seulement lorsqu'un doute raisonnable de culpabilité subsistaie9.

À travers ces recommandations et conclusions, on peut observer que l'Association s'appuie beaucoup sur l'opinion publique. L'Association dénonçait également la prérogative royale qui permettait au gouvemement de commuer la peine de plusieurs meurtriers. Les membres de l'Association ont probablement été réconfortés de voir que leur rapport a suscité de l'intérêt chez les députés puisque Donald W. Munro et Gilbert Riendeau en font mention dans leurs discod.

De plus, nous pensons que ce rapport a sensibilisé à leur cause un nombre grandissant de députés, car il y a, lors du débat de 1973,74 références sur la commutation et le maintien de la peine capitale

28. C.H.S. JAYEWARDENE, ABer Abolition of.., p. 27, 29. CANADIAN ASSOCIATION OF CHEFS OF POLICE, A brief on capital punishmenr submitted to the federal govemmenr by the Canadian Association of Chiefs of Police, Jarnrary 19 73, p. 17- 18. 30, Débats de la..., Ire S., 29e L., V. 1, 3 1 janvier 1973, p. 832; Débats de la-.., ire S., 29e L., V. 4, 24 mai 1973, p. 4 080-8 1. pour les meurtriers d'agents de police et de gardes de prison3'.

L'analyse de l'intervention des groupes de pression, tors du débat de 1973, permet de constater que ceuxci finent beaucoup moins actifs que lors du précédent débat. Nous pensons que la nature même du projet de loi qui ne proposait rien de nouveau en soi a pu diminuer l'intérêt de ceux-ci à intervenir publiquement dans le débat Par contre, l'intervention de'l' Association canadienne des chefs de police et de la Conférence catholique canadienne démontre bien que ces deux groupes

étaient aux aguets de tout changement IégisIatif concernant la peine capitale et que chaque débat sur ce sujet suscitait leur intérêt.

3. Le débat de 1976

Nous démontrerons maintenant qu'il y a une forte augmentation de l'intervention des groupes de pression et de leur mention dans le débat de 1976. Nous verrons par exempk qu'en plus de l'intervention et de la mention des organisations religieuses et des forces policières, de nouveaux groupes de pression font leur apparition dans les débats de 1976.

3.1 Les forces policières

Fortes de leur expérience en tant que groupe de pression, les forces policières ont accru leurs interventions à I'occasion du débat portant sur l'abolition de la peine de mort. Préconisant le maintien de la peine capitale, les forces policières, d'après les propos de C.H.S. Jayewardene, intensifièrent leur campagne de sensibilisation auprès de la popuIation grâce a des annonces dans

3 1. Index des Débats. .., ire S., 29e L., 4 janvier 1973 au 26 février 1974, p. 380-8 1. 86

les journaux- «In 1976, when the bill for the abolition of the death penalty was introduced, the

Canadian Association of Chiefs of Police placed advertisement in the major newspapers in the

country to argue the need for capital punishment?» Cette visibilité nationale dans les grands

quotidiens démontre l'acharnement des forces policières au maintien de la peine de mort. Dans les

discours des débats, cet acharnement donne un accroissement important des références sur l'opinion

des forces de l'ordre.

En effet, des 82 références aux groupes de pression, 38 concernent les forces policières. Parmi

toutes ces références, il y en a plusieurs qui portent sur une lettre envoyée par L'Association

canadienne de la police. Ainsi, plusieurs députés prenant position contre l'abolition ont cité de

- longs passages de cette lettre. Les extraits de cette lettre exposés ci-dessous furent cités par Dan McKenzïe et ils nous permettent de cerner en détail l'opinion de L'Association:

L'Association canadienne de la police qui représente 40,000 agents de police m~cipauxet provinciaux au Cana& s'est réunie a Toronto en février 1975 pour discuter la question de la peine capitale. L'Association est très inquiète parce qu'aucune sanction rigoureuse n'est imposée à ceux qui commettent un meurtre au Canada [...] La Canadian Police Association estime que les lois actuelles, en ce qui touche la peine pour meurtre, sont inadéquates et n'assurent pas la juste protection des citoyens canadiens. 1.. .] L'application de la peine de mort doit être étendue au- deIa des limites actuelles de manière à inclure tous les crimes dans lesquels des actes de violence entraînent la mort d'une personne33.

Nous pouvons remarquer que cet extrait de la lettre de l'Association affirme que sans la peine

capitale, la population canadienne n'était pas protégée adéquatement. Cette lettre avait pour

objectif d'informer les députés de la position de l'Association mais, comme tout bon groupe de

32. C.H.S. JAYEWARDENE, AferAbolition O$.., p. 25. 33. Débats de la..., Ire S., 30e L., V. 14, 8 juillet 1976, p. 15 148. 87

- pression, l'Association cherchait surtout à influencer les députés qui étaient indécis sur la question

de l'abolition de la peine capitale. Pour appuyer cet effort, de nombreuses associations policières

exprimèrent également Leur position et les députés en identifient plusieurs dans leurs discours.

Par exemple, James k McGrath mentionne que la Fraternité de la police de Terre-Neuve, avec

d'autres organisations similaires, avait mené une campagne de presse pour demander la tenue d'un

plébiscite national sur la question de la peine capitaleY. Il était tout à fait opportun et normal que

les organisations policières demandent la tenue d'un plébiscite national sur la peine de mort car

elles savaient pertinemment que la population canadienne les appuyait dans leurs revendications.

Nous avons d'ailleurs demontré au chapitre II que la population canadienne a toujours été en faveur

- du maintien de la peine de mort et qu'à l'époque du débat, l'opinion pour le maintien était en

croissance.

Les propos de Claude Wagner concernant une entrevue donnée au Ottawa Citizen par le président

de l'Ontario Police Association et la Ottawa Police Association nous permettent par ailleurs de

constater que celles-ci pensaient qu'en abolissant la peine capitale, le milieu criminel et les

délinquants hésiteraient moins à tuer des policiers3'. Active bien avant les débats de 196667 et

1973, l'Association canadienne des chefs de police continua ses interventions auprès des députés

en 1976 car, Armand Caouette mentionne ceci: a[..-] j'ai reçu une lettre, la semaine dernière, comme

tous les autres députés, une lettre du directeur de l'exécutif de I'Association canadienne des chefs

34. Débats de la..., Ire S., 30e L., V. 14-8 juiUet 1976, p. 13 263. 35. Débatsde ka ..., Ire S., 30e L,, V. 13, 11 mai 1976, p. 13 399. de police, M. Bernard Poirier, qui dit: Nous demeurons catégoriquement et de façon non équivoque

opposés à l'abolition de la peine capitale36.>>En ce qui a trait aux chefs de police de la province de

Québec, Léonel Beaudoin confirme qu'ils ont adopté une résolution pour que la peine de mort soit

appliquée. De son côté, grâce aux paroles de John Reynolds, l'Association de police de Calgary,

parle biais d'un mémoire, émet plusieurs commentaires: elle est contre l'abolition de la peine

capitale, tout meurtrier dektêtre puni de mort et la vie des gardiens Je prison est mise en danger . . par le projet de 10i.'~.l

Dans la même optique, Stan Darling mentionne quelques citations tirées d'un autre mémoire

envoyé par le Comité national de la police pour la protection des citoyens. Dans un ton sarcastique,

le Comité questionne les préparatifs du solliciteur général pour accommoder les nombreux

prisonniers non exécutés3'. Enfin, J.H. Homer, en faisant allusion aux associations policières,

identifie une association d'épouses de policiers :

Les associations se sont prononcées assez clairement en faveur du maintien de la peine capitale qui leur assure une protection. Elles estiment que c'est une mesure dissuasive. Et voilà qu'on crée maintenant des associations d'épouses de policiers. Elles ont demandé au gouvernement de maintenir lapine capitale pour assurer la protection de leurs maris. Elles estiment également que la peine capitale est une mesure de dissuasion39-

Tous ces discours des députés nous ont permis d'illustrer l'opinion des organisations policières sur

36, Débats de la... , Ire S., 30e L., V. 13, 14 mai 1976, p. 13 533. Réal Caouette donne pour sa part de très longs extraits de cette lettre. Pour les consulter, voir: Débuts de la..., Ire S., 30e L., V. 14, 12 juillet 1976, p. 15 260-62. 37. Débats de la..., Ire S., 30e L., V. 13'26 mai 1976, p. 13 863-64; Débats de la... , Ire S., 30e L., V. 14, 6 juillet 1976, p. 15 095. 38. Débats de la ..., Ire S., 30e L., V. 14, 7 juillet 1976, p. 15 128, 39. Débats de la ..., Ire S., 30e L., V. 14, 8 juillet 1976, p. 15 178. l'abolition de la peine capitale proposée en 1976. Cet exercice nous permet d'affirmer avec conviction que toutes ces ~rgani~onsétaient contre l'abolition de la peine capitale. Nous pouvons

également constater que ces organisations policières ne négligèrent rien pou.tenter d'influencer à la fois la population et les députés en utilisant la publicité dans les journaux et en envoyant, par exemple, des lettres, des mémoires, des résolutions, des sondages et des pétitions aux parlementaires. Malgré l'abolition de la peine capitale, les organisations policières ont tout de même conscientisé les députés, car une partie importante du Code criminel les concerne. En effet, comme le mentionne Carolyn Strange :

The 1976 "Act to amend the Criminal Code in relation to the punishrnent for murder and certain other serious offenses'' included in the new category of first degree murder al1 killings, mprerneditated or deliberately planned, of police or prison officers- No other victirns were accorded this status. Xnstead of the death penalty, al1 persoas convicted of first degree murder now faced a mandatory sentence of life emprisonment with a minimum term of twenty-five years before the possibility of parole*.

Les nombreux efforts des organisations policières pour influencer les députés lors du débat de 1976 ne furent donc pas totalement vains. Contrairement à ces organisations, la position des Églises allait de pair avec celie du gouvernement.

3.2 Les Églises

S'exprimant unanimement pour l'abolition de la peine de mort, nous démontrerons au cours de ce point qu'il y a une recrudescence de la présence des Églises lors du débat de 1976. Cette recrudescence se démontre par de nombreuses mentions des organisations religieuses dans le débat ainsi que d'un troisième communiqué de la Conférence catholique canadienne.

40. C. STRANGE, Thepolitics of ..., p. 7. Sachant que le Parlement allait être saisi d'un projet de Loi pour abolir la peine capitale, la

Conférence catholique canadienne prit enfin position de façon univoque en 1976 contre la peine de

mort. Publiée dans L 'Église canadienne, voici l'essentiel de l'opinion de la C.C.C. :

Les membres du Conseil d'administration de ia Confërence catholique canadienne (C.C.C) ont approuvé le 4 mars une résolution favorable à l'abolition de la peine de mort au Canada et demandé en même temps au gouvernement du pays de procéder aux justes réformes réclamées pour notre système pénitentiaire et dans tout le domaine de la justice. [...] Cette prise de position des évêques ne nie pas à l'État le droit d'imposer la peine capitale si Les circonstances l'exigeaient; elle n'entend pas lier chaque chrétien daos son opinion personnelle sur ce sujet; mais elle affimie clairement La position de L'organisme représentatif des cent vingt évêques catholiques du pays4'.

Cet objectif est atteint puisque plusieurs députés mentionnent la position de la C.C.C. dans leur

discours. En effet, des 26 références de I'lnder des Débats sur la position des organismes religieux - et des Églises, au moins quatre sont reliées à la position des évêques catholiques. Par contre, le

discours de la Conférence ne fut pas distribue à tous les députés, car Joe Flynn cite plutôt la

déclaration de la Conference publiée en 1973. De son côté, Louis Duclos cite également le message

du 26 janvier 1973 de la Conférence, mais il prend le soin d'y rajouter Le message du même groupe

publie le 4 mars 197642. Quant à l'abolitionniste Len Marchand, le respect de la vie est très

important et il cite entre autres G. Emrnet Carter, pr6sident de la Conférence car, «le groupe le plus

important de l'opinion publique qui a fitvaloir cet argument est, je pense, celui des Églises [...I~~.»

4 1. CONFERENCE CATHOLIQUE CANADLENNE, «Les évêques catholiques ...»,L 'É,,/ise canadienne, Vol. 9, #4, ad1976, p. 109. 42. Débats de la... , 1 re S., 30e L., V. 13, 25 mai 1976, p. 13 805; Débats de la.. ., Ire S., 30e L., V. 13, 28 mai 1976, p. 13 953. 43. Débars de la..., Ire S., 30e L., V. 14, 14 juin 1976, p. 14 476. D'autre parf il ressort avec évidence que le message abolitionniste de la C.C.C. hit utilisé par les

députés non abolitionnistes. Par exemple, Claude Wagner vota contre l'abolition de la peine

capitale en 197640et il se servit à son avantage du communiqué de la Conférence pour rappeler aux

députés que les évêques catholiques du Canada reconnaissaient à l'État le droit de punir de mort et

qu'ils ne voulaient pas lier tous les chrétiens à leur opinion4'.

. -- i. Quant aux autres organisations religieuses, nous avons retenus cinq discours qui donnent leurs - - positions. Len Marchand, après avoir cite le président de la Conférence, fait également allusion a

des citations de l'Église unie du Canada et de l'Église anglicane qui démontrent que celles-ci sont

pour l'abolition de la peine capitale qui, d'une part, va à l'encontre des enseignements du Christ et - qui, d'ampart, ne protège pas la sociétée6. Le discours de Hugh A. Anderson est particulièrement

intéressant car il démontre qu'en plus de dénoncer la peine capitale, les Églises émettaient des

opinions sur l'incarcération des prisonniers. Ainsi, le député Anderson cite William F. Phipps,

président du Comité de travail sur la réforme pénale de l'Église unie du Canada. Nous venons de

! I constater que cette demière réitérait sa position abolitionniste mais elle affirme aussi que le projet de loi présenté aux députés pourrait avoir des effets pervers puisque le nombre de prisonniers

augmentera avec l'abolition et le projet de loi n'est pas accompagné d'autres mesures facilitant la

réhabilitation des prisonniers condamnés à 25 ans de péniten~ier~~.

44. Débats de la -.., Ire S., 30e L., V. 14, 14 juillet 1976, p. 15 322. 45. Débats de la -.., Ire S., 30e L., V. 13, 11 mai 1976, p. 13 398. 46. Débufi de la ..., Ire S., 30e L., V. 14, 14 juin 1976, p. 14 476. 47. Débats de la ..., Ire S., 30e L., V. 14, IO juin 1976, p. 14 348. Nous pouvons également constater que la position des différentes Églises du Canada est exprimée

de façon un peu plus globale. En effet, James k McGrath fait référence à l'opinion du Conseil

canadien des Églises qui représente à l'époque huit des confessions religieuses les plus importantes

duCanada Grâce au discours de McGrath, nous remarquons que le Conseil est contre la peine

capitale parce qu'elle ne diminue pas le mal fait à la victime et parce qu'elle incite a plus de

violence48. Enfin, Andrew Brewùi aborde la question de l'opinion des Églises pour rappeler aux

députés que toutes les principdes Églises (catholique, anglicane, presbytérienne, unie, baptiste et

mennonite) ont affirme être contre la peine capitale4'.

F 33 Les autres groupes de pression

L'Index des Débats de 1976 nous permet d'identifier la position de deux autres groupes de pression

Il s'agit de l'Alliance de la Fonction publique du Canada et des organismes canadiens de défense

des libertés civiles tels que l'Association canadienne pour les libertés civiles.

Ainsi, en 1976, l'Alliance de la Fonction publique du Canada (anciennement I'Association du

seMce civil du Canada) prend position sur la peine capitale. Le député Armand Caouette explique

clairement ce qui motive l'Alliance à s'impliquer de nouveau dans le débat :

L'exécutif du syndicat des gardiens de prisons du Québec et les dirigeants de L'Alliance de la Fonction publique du Canada, afin de discuter d'un ralliement possible avec les policiers ont eu un mandat clair: il faut protester énergiquement contre l'abolition de la peine de mort et négocier notre sécurité une fois pour

48. Débars dela..., Ire S., 30e L., V. 13, 6mai 1976, p. 13 263- 49. Débats de la..., Ire S., 3ûe L., V. 12,3 mai 1976, p. 13 095. L'Alliance de la Fonction publique avait donc pour objectif d'intervenir énergiquement auprès des . députes. L'Alliance semble avoir rempli son mandat puisque I 'Index des Débats donne 7 références su.sa position. Puisque l'Alliance de la Fonction publique du Canada se déclarait ouvertement contre l'abolition de la peine capitale, les 7 discours portant sur sa position fixent donnés par des députés prenant position contre l'abolition qui voulaient placer le gouvernement dans l'embarras.

En effet, signée par Paul Caouette (secrétaire-trésorier général de l'Alliance), la lettre adressée le

24 juin 1976 à tous les députéss1était très dénonciatrice. La transcription que nous avons retenue est citée par Roch Lasalle:

Voici quelques faits dont vous devriez, à notre avis, tenir compte:

1. l'attitude irresponsable dont font preuve les Commissaires des pénitenciers ainsi que les directeurs des institutions face aux groupes de pression qui visitent les instihtions;

2. le manque d'une gestion appropriée de la part des responsables de la plupart des institutions au pays;

3. l'abominable système de classification des détenus qui met en péril la vie des employés de pénitenciers comme celle de la plupart des détenus qui ne demandent qu'à se conformer aux règlements qui leur sont imposés pour la durée de leur peine;

4. l'insuffisance actuelle d'installations propres à assurer la protection et la sécurité des employés de pénitenciers et des détenus contre ces meurtriers incomgibles qui n'auraient plus rien à perdre en vertu des 25 années de réclusion qu'on leur imposerait aux termes du bill C-83,

Pour les motifs qui précédent, l'honorable Warren Allmand, Solliciteur général du

50. Débuts de lu. .., Ire S., 30e L., V. 14, 7 juiilet 1976, p. 15 14 1. Nous pouvons ici remarquer que le premier groupe aurait dû être abordé avec les forces policières mais comme aucun autre texte OU référence sur ce groupe ne fût abordé dans le débat, nous l'avons laissé de côté pour analyser plutôt l'influence de l'Alliance. 5 1. Débats de la ..., Ire S., 30e L., V. 14, 8 juiilet 1976, p. 15 148-49. Canada, qui n'a pas eu le courage de révéler ces faits aux honorables membres des Communes, devrait, en conscience, démissionner de sa charge ministérielle puisqu'il a perdu la confiance de tous les employés de pénitenciers et de tous les responsables du maintien de la loi au paysSZ.

À l'opposé, 1'Association canadienne pour les libertés civiles prône l'abolition de la peine de mort,

ce qui l'empêche d'adopter une attitude agressive envers le gouvemement. L'Association voulait

également influencer les députés car, F.A. Philbrook mentionne ceci dans l'un de ces discours:

i

Borovoy, a félicité le gouvemement de sa position sur l'abolition et a dit que l'organisation

nationale «va travailler d'arrache-pied pour la faire appuyer par les députés de partout au pays)>?»

- Des quatre références sur l'Association dans I'lndex des Débats, nous en avons retenu une deuxième car elle identifie clairement sa position Étant abolitionniste, Lincoln M Alexander cite une

déclaration de l'Association publiée le 27 avril 1976 dans le Citizen d'Ottawa Dans cette

déclaration, l'Association dénonce la peine capitale qu'elle perçoit violente et insensée. Elle

affirme également que la peine d'emprisonnement est plus utile et que de nombreuses études ont

prouvé que la peine capitale ne réduit pas le nombre de meurtres? Quant aux autres organismes

canadiens de défense des libertés civiIes, ils ne sont pas mentionnés dans les discours mais nous

pouvons toutefois connaître leur position en consultant le document Questionr er réponses relatives

à Za peine de mort. À la question #64, le document affirme que daLigue des droits de l'homme,

la Société John Howard de l'Ontario et l'Association pur les libertés civiles de la C.-B. ont pris

52. Débats de la. .., Ire S., 30e L., V. 14, 7 juillet 1976, p. 15 135-36. 53. Débats de la ..., Ire S., 30e L., V. 13, 18 mai 1976, p. 13 650. 54. Débatsde la..., Ire S., 30e L., V. 13, 10 mai 1976, p. 13 370. publiquement position contre la peine capitale5'.»

En définitive, notre analyse des groupes de pression lors des trois débats nous permet d'effectuer

plusieurs constatations. Ainsi, lors des premiers débats tenus en 1966 et 1967, nous pouvons

remarquer que deux groupes de pression ont tenté d'influencer les députés. Le premier est co?istitué

des nombreuses Églises canadiennes et les discours des députés nous démontrent qu'elles se

prononcèrent toutes pour l'abolition de la peine capitale. Le deuxième groupe de pression est, pour

sa part, constitué des organisations représentant les services de l'ordre. L'infïuence de ce groupe

fût, selon nous, plus grande car ce groupe était organisé depuis les années 50. Conséquemment, les

services de l'ordre étaient mieux préparés pour intervenir auprès des députés et cela permit aux

- forces policières et aux gardiens de prisons d'obtenir législativementle maintien de la peine capitale

pour les meurtres perpétres contre eux. Il s'agit d'un gain important puisque la peine capitale fut

suspendue pendant cinq ans pour les autres meurtres.

Lon du deuxième débat sur la suspension tenu en 1973, nous avons pu constater que les groupes de

pression sont beaucoup moins présents dans les discours des députés. La position des forces

policières n'est alors annoncée dans les discours que par l'Association cariadieme des chefs de

police qui recommande le rétablissement de la peine de mort. Quant aux organisations religieuses,

leurs interventions se font encore plus discrètes mais nous avons pu constater que la Conférence

catholique canadienne tenait a annoncer aux députés, par le biais d'un communiqué, qu'elle

55. SOLLICITEUR GÉNÉRAL DU CANADA Questiom et réponres relatives a la peine de mort, Division des Communications, 1976, Question #64. 96

appuyait l'abolition de la peine. Selon nous, ces deux groupes de pression furent moins enclins a

intervenir dans le débat de 1973 A cause de la nature même du projet de loi. En effet, ce dernier

n'apportait pas de grands changements législatifk en proposant la reconduction du moratoire pour

cinq autres années.

D'autre part, le débat de 1976 portant sur l'abolition de la peine capitale eut pour effet d'augmenter

considérablement l'intervention des groupes de pression. Les forces de l'ordre furent très actives

pour tenter d'influencer la population et les députés. D'ailleurs, le discours de ces demiers

démontre que plusieurs organisations policières leur envoyèrent des communiqués prônant le

rétablissement de la peine capitale. Malgré l'abolition de la peine capitale, le Code criminel leur

- accorda une protection spéciale. Quant au groupe formé par les organisations religieuses, ses

interventions furent également plus nombreuses et l'organisation la plus influente auprès des

députés fut la Conférence catholique canadienne. Enfin, le débat de 1976 amena d'autres groupes

de pression comme l'Alliance de la Fonction publique du Canada et l'Association canadienne pour

les libertés civiles à faire entendre leur position. CONCLUSION

II est d'abord intéressant de constater qu'il était pertinent de lier dans notre introduction l'abolition de la peine de mort au Canada à plusieurs grands courants de I'historiographie. Ainsi, notre mémoire s'insère indubitablement dans l'histoire du temps présent car en utilisant les discours des députés, nous avons utilisé ces témoins pour poser les questions au passé. L'utilisation au chapitre deux des nombreux sondages pour analyser l'opinion publique est un outil qui s'insère aussi dans cette histoire qualifiée d'actuelle. Puisque nous nous sommes également attardé à expliquer le long processus législatif qui mena a la suspension et l'abolition de la peine de mort au Canada, notre mémoire rejoint les nombreuses recherches sur l'histoire de la criminalité et de la justice pénale.

Enfin, il est important de rappeler que notre étude fait partie de l'histoire politique car elle aborde plusieurs de ses aspects tels que l'opinion de la population face aux changements législatifs, l'adoption des lois par le gouvernement et la réaction des élus. C'est donc avec ces différentes perspectives que nous avons abordé l'étude du processus politique qui, dans les années soixade et soixante-dix, mena à la suspension et à l'abolition de la peine capitale au Canada. Tout au long de notre mémoire, nous avons effectué plusieurs affirmations et raisonnements qui méritent une réflexion d'ensemble afin de cerner efficacement le fiuit de nos recherches.

Tout d'abord, notre mémoire fait ressortir clairement que dans le cas du Canada, l'abolition de la peine de mort à été réalisée de justesse. En effet, nous avons pu démontrer que de 1967 à 1976, les votes des députés furent de plus en plus serrés. D'ailieurs, les sondages effectués auprès de la population canadienne ont démontré qu'a partir de 1960, celle-ci réclamait le maintien de ia peine capitale et notre mémoire confirme que le vote des députés ne put supporter un trop gros décalage avec l'opinion publique. Pour que la peine capitale puisse être abolie, il fallut que la volonté et le leadership politique d'une génération de dirigeants libéraux jouent un rôle crucial. Les initiatives

5 des leaders libéraux, dans ce sens, s'insèrent idéologiquement dans un courant favorable a l'humanisation affiectant l'ensemble des pays occidentaux à cette époque. On peut dire que ce choix politique a profité, ici, d'une (denêtre d'opportunité)) qui s'est passablement refennée par la suite.

En effet, même si la motion de 1988 visant a rétablir la peine de mort a été battue, le fait qu'un tel projet a été présenté, seulement 12 ans après I'aboiitioq est très significatif. Cet exemple f~t d'ailleurs ressortir des perspectives 3 plus long terme. Ainsi, il n'est pas évident que le courant favorable à l'humanisation soit irréversibie- On peut par exemple se pser de sérieuses questions sur l'influence abolitionniste d'Amnistie internationale qui est très mitigée aux États-unis et dans plusieurs pays européens. A cet égard, la volonté de l'Union européenne de bannir la peine de mort ralentit considérablement, comme pour le cas de Ia Turquie, l'entrée de nouveaux pays membres.

En ce qui concerne le Canada, I'influence américaine demeure fondamentale, car c'est dans l'Ouest du pays, là oii l'infiuence américaine est historiquement plus forte, que la population fut d'abord fortement opposée à l'abolition de la peine de mort. Cette opinion a par la suite gagnée l'ensemble du pays. Réalisée dejustesse, l'abolition de la peine de mort au Canada souligne donc la pertinence d'une réflexion attentive des circonstances l'entourant.

Parmi ces circonstances entourant l'abolition de la peine de mort, l'idéologie des partis politiques ne peut être ignorée. En effet, l'idéologie des partis politiques influence le débat mais la question de la peine de mort peut aussi mettre en relief des divisions au sein des partis. Plusieurs preuves 99

confirment cette assertion. Ainsi, l'influence des idéologies des partis est démontrée par le fait que

c'est au sein du N.P.D. et du Ralliement des Créditistes, qui se présentent comme davantage

idéologiques que consensuels, que la position pour ou contre est la plus unanime. Aussi, en dépit

du vote libre, il ressort qw les directions des partis Libéral et Consemateu.cherchent à imposer une

orientation. Néanmoins, on constate des changements dans le vote à l'intérieur de chacun de ces

partis. D'autre part, cette influence de l'idéologie des partis politiques eut des implications

importantes quant à l'enjeux politique de la peine de mort En effet, l'abolition fut une réalisation

de ce que nous appelons "l'ère libérale" des années 1960 et 1970. Ainsi, l'importance du rapport,

observé dans ce mémoire, entre l'appartenance partisane et le vote sur la peine de mort suggère

qu'une fbture montée de la droite pourrait ramener cette question à l'ordre du jour. Ceci est - d'autant plus probable que la sensibilité des députés à l'évolution de I'opinion publique reste

manifeste.

Cette dernière assertion nous amène à conclure, grâce à deux faits, que l'influence de l'opinion

publique sur le vote des députés s'est accentuée au cours de la période étudiée. Tout d'abord,

I'évolution du vote tend a suivre l'évolution des sondages de I'opinion publique. Ensuite, l'analyse

du contenu des débats révèle que les députés deviennent plus sensibles aux sondages entre 1966 et

1976. Cette constatation de l'influence de l'opinion publique sur les députés suscite évidemment

quelques commentaires. Ainsi, compte-tenu que I'opinion publique demeure favorable à la peine

de mort, la résistance à un éventuel renversement de la législation dans ce domaine dépendra du

maintien du principe de l'intégrité du jugement personnel du député. Mais, l'analyse de contenu

des débats semble indiquer, qu'entre 1966 et 1976, il y eu remplacement de la référence à des 1O0

critères moraux et au jugement personnel du député par la référence à des critères scientifiques et

à la validation par les experts scientifiques. Ce développement a certainement des implications

importantes pour notre sujet et pour connaître leur vrai nature, des recherches plus approfondies

seraient nécessaires. Mais, avant d'aborder cette dernière étape de notre réflexion, il est nécessaire

de s'attarder brièvement aux hypothèses que nous avons effectué au départ pour conclure si elles

sont véridiques ou erronées.

A la lumière de notre analyse, il appert que nos hypothèses de départ sont véridiques. En effet, nous

avons clairement démontré au premier chapitre qu'une humanisation du système judiciaire s'est

opérée au Canada et dans plusieurs autres pays occidentaux après la Deuxième Guerre mondiale. .- Ensuite, en examinant les résultats du développement du deuxième chapitre, il devient évident que

nous avons pu facilement identifier l'opinion des partis politiques et des députés pour la comparer

à celle de la population. D'autre part, t'analyse des débats parlementaires nous a permit d'identifier

trois thématiques abordées dans tous les débats. Finalement, cette analyse nous permit également

de démontrer que les groupes de pression exercèrent une influence énorme auprès des députés.

Même s'il est vrai que nous avons démontré efficacement que nos hypothèses de départ étaient

véridiques, il n'en reste pas moins que notre recherche sur les débats menant à l'abolition de la

peine de mort au Canada tend à démontrer que cette question maintient son actualité sur la scène

politique canadienne même si elle n'est pas aujourd'hui à l'avant-scène. Il est donc important de

s'y intéresser et voici queiques pistes de recherche qu'il n'était pas possible de développer dans le

cadre de ce mémoire mais qui vaudraient la peine d'être approfondies. 101

Dans un premier temps, les débats sur d'autres sujets pourraient être examinés pour voir si notre

hypothèse d'un remplacement de la référence à des critères moraux et au jugement personnel du

député par la référence à des critères scientifiques et à la validation par les experts constitue une

tendance. Ensuite, nous pensons que notre démonstration de l'humanisation du systèmejudiciaire

après la Deuxième Guerre mondiale dans des pays occidentaux autres que le Canada pourrait être

enrichie avec d'autres exemples de pays ou des changements législatifs amenèrent cette

humanisation D'autre part, notre décision d'utiliser essentiellement les discours des débats comme

source afin d'identifier les positions des partis politiques fait en sorte que d'autres sources

pounaient être utilisées pour identifier ces positions. Par exemple, i'utilisation des journaux de

L - cette époque comme source pourrait s'avérer intéressante pour identifier la perception que les - médias et la population avait des débats sur la peine capitale. De plus, les journaux pourraient être ! . . utilisés pour mesurer les campagnes d'information et de sensibilisation effectuées par les nombreux i. groupes de pression.

t D'un autre côté, l'orientation de notre mémoire en rapport des trois thématiques apporte également I d'autre pistes de recherche. En effet, même si nous avons analysé les thématiques les plus

importantes et significatives, quelques thématiques ont du être laissés de côté. Nous pensons

notamment au thème portant sur l'abolition dans d'autres pays et aux nombreux discours sur

l'opinion du public. Quant à l'utilisation de journaux comme source d'analyse, ils peuvent être

d'une grande utilité pour identifier l'opinion générale de la population sur la peine capitale. Par

exemple, il serait intéressant, sur une période déterminée, de répertorier les interventions des

poupes de pression dans les grands quotidiens nationaux. L'analyse des éditoriaux de ces 102

quotidiens revêt également un intérêt dans la mesure où elle permet d'observer une évolution ou une

constante dans les opinions. Par contre, d'autres chercheurs pourraient décider d'adopter notre

cadre d'analyse et de l'adapter à d'autres périodes. II serait ainsi très pertinent d'analyser avec le

même angle de recherche le débat portant sur le rétablissement de la peine capitale qui eu lieu en

1988 alors que les conservateurs de Bnan Mulroney étaient au pouvoir.

Pour terminer, nous pensons que des études approfondies sur tout les autres pays qui ont supprimés

la peine capitale ne peuvent qu'être bénéfiques pour aider à la compréhension de ce mouvement

abolitionniste mondial qui est en constante évolution et qui suscite les réactions variées de penseurs

tels que les historiens, les politiciens, les théologiens, les criminologues, les sociologues, les journalistes, etc. Bref, nous voyons notre mémoire comme une petite contribution aux travaux de

tous les chercheurs et penseurs qui s'intéressent a l'abolition de la peine de mort et à ses

répercussions sur la société. BIBLIOGRAPHIE

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