Les Ambiguïtés De La Juridiction Constitutionnelle Dans Les États De L'afrique Noire Francophone
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weblextenso - http://ressources.univ-poitiers.fr:2175/weblextenso/ar... RDP2015-3-011 Revue du droit public et de la science politique en France et à l'Étranger, 01 mai 2015 n° 3, ! 785 - Tous droits réservés $roit public Les ambiguïtés de la juridiction constitutionnelle dans les États de l’Afrique noire francophone Par Meïssa $'()*(+, Docteur en Droit public /Maître Assistant associé à la Faculté des sciences juridiques et politiques Université Cheikh Anta Diop de Dakar /Sénégal SOMMAIRE I. — LA VULN"RABILITÉ DES GARANTIES STAT TAIRES A. — !"« art » de désigner les juges constitutionnels B. — !"usage suspect des garanties statutaires II. — LA DÉPR"%IATIO! DE L’A TORITÉ DES D"%ISIO!S A. — La faiblesse des solutions jurisprudentielles B. — La précarisation du pouvoir juridictionnel La (ustice constitutionnel+e procède, selon /ans 0elsen. de +' nécessité d’asseoir +' 1arantie (uridictionnel+e de +' %onstitutio* (1) . Rien, par conséquent. n’est aussi important que +’indépendance du (uge en génér'+. et du (uge constitutionnel en particulier qui incarne, en référence aux pertinentes paroles du doyen Vedel. # le &ouvernement de la Constitution $ (2) . %&est ainsi que dans +es États de +’Afrique noire 6rancophone, avec +e # retour du constitutionnalisme : (3) . +' juridictio* constitutionne++e ' acquis une ,+us grande envergure (uridique et institutionnelle 2;3 . L’autonomie de +' (uridiction constitutionnelle (5) est étendue et renforcée. Tel+e est du moins +' position de Théodore Holo lorsqu’i+ écrit < # La justice constitutionnelle est consubstantielle au constitutionnalisme triomphant à nouveau sur le continent africain depuis l"ef%ondrement dans la dernière décennie du ))e siècle des di%%érents régimes autoritaires qui avaient %leuri au lendemain de la décolonisation. $ 2=3 . Cette nouvel+e stature 6onde )ertains changements assurément observés en matière de contrôle de constitutionnalité des +ois 2@3 . de régulation des institutions 2A3 . de contentieux des élections 2B3 et de protection des droits 6ondamentaux (10) . I+ en découle un )9'*1ement notable qui renseigne, C suffisance, sur +’anoblissement de +' juridictio* constitutionnel+e et. particulièrement, +' nécessité de son indépendance 6ortement ressentie dans +es États de +’Afrique noire francophone (11) . La réalité étant pourtant d’un autre ordre, i+ s’impose '+ors +’impérati6 de réinterroger +’indépendance de +' (uridiction constitutionnel+e C +’épreuve des pratiques juridiques et politiques. D bien ré6+échir, +es interrogations ne 5'*4uent pas dans un contexte où +e (uge constitutionne+ est appelé C exercer une autorité '6fectée d’un coefficient politique assez élevé. Guel+e est +' portée de +’indépendance de l' (uridiction constitutionne++e H Comment l&',préhender dans un I (eu de pouvoir : déséquilibré du 6ait de +' # prééminence du Che% $ (12) . Le (uge constitutionnel exerce-t-il ses compétences dans des proportions con6ormes C +' séparation des pouvoirs H Ces questions sont importantes en ce sens que 5ême si les systèmes constitutionnels proclament des 1'ranties d’indépendance pour +' (uridiction constitutionnel+e, cel+es-ci sont souvent remises en cause dans +es États de +&Afrique noire 6rancophone. Sous ce rapport. 'u +ieu de se contenter des idées reçues sur +' thématique de +' (ustice constitutionnelle, +' présente étude '5>itionne de délivrer I un (ugement de réalité : C +' croisée de +’effet d’annonce constitutionnel. de +' dynamique du droit vivant et des contingences politiques. La prépondérance des mobi+es politiques dans +' désignation des 1 sur 30 10/07/2015 11:01 weblextenso - http://ressources.univ-poitiers.fr:2175/weblextenso/ar... (uges et +' contestation de +&autorité des décisions compromettent +’indépendance de +' (uridiction constitutionnel+e. D’ordinaire, +es nominations de (uges et +es décisions rendues sont (ugées suspectes car propres C # sceller l’inscellable dans un +tat de droit, à savoir l’union intime du judiciaire et de l"exécuti% $ (13) . Dans cette situation, i+ n’est pas rare, C des moments cruciaux de +' trajectoire démocratique de +&"tat. que +' splendeur de +' 6onction de (uge constitutionnel soit inopportunément sacrifiée C +’autel des intérêts politiques. Des situations patentes se révèlent très symptomatiques de ce phénomène. En +’occurrence, el+es se mani6estent par des effets qui. contre toute attente. nuisent C +’indépendance de +' (uridiction constitutionnel+e et qui, en tant 4ue tel+es, sont considérées L non sans soupeser +' 1ravité de +’expressio* L comme des '5biguïtés. Au rebours de cette situation, d’autres (uges constitutionnels étendent de manière discut'>+e leurs )ompétences. I+s se révèlent quelquefois asseF engagés voire excessi6s. Sans doute, faut-il reconnaître, +e dessei* de s’imposer en vigie de +' démocratie +es incite quelque6ois C exercer une emprise grandissante sur +es 'utorités politiques. Par +’interprétation extensive de +eurs compétences, ils ont ainsi rendu des décisions téméraires. La tentation est réel+e, pour ce I serviteur de la loi $. de devenir. selon +' 6ormule forgée par Pierre DRAI, un vérit'>le # paralégislateur $ (14) . D +&'*alyse. cette # montée en puissance du juge $ (15) emporte la problématique de +a séparation des pouvoirs. La présente étude s’inscrit dans +' volonté d’étudier +’effectivité de l’indépendance sous +e prisme de +' raison critique, c’est-à-dire +’écart entre +es vœu7 pieu7 exprimés C travers +es textes 6ondamentaux et +&éprouvante réalité subie par +' (uridiction constitutionnelle dans les États de +’Afrique noire 6rancophone. Le ton nous est indiqué par Slobodan MILACIC qui postule que # l’idée d’ef%ectivité implique une approche critique $ (16) . O* saisit '+ors tout +’intérêt d’analyser les prémices d’une dénaturatio* +'rvée de +’indépendance de +' (uridiction constitutionnel+e consécutivement C +' proli6ération des menaces (17) qui contrastent avec +' ,romesse des bel+es 6+eurs de +' # grande saison constitutionnelle $ (18) . selon +’expression de Dodzi 0okoroko. La 6açon tout C 6ait délibérée d’aborder +' question de +' juridiction constitutionnelle sous +&'*1+e d’une critique vigi+ante nous semble d’actualité au regard du postulat posé par Alioune Badar' Q'++. C savoir # quelle que soit la manière dont on envisage le problème du juge en Afrique, on ne peut éviter de partir d’un constat malheureusement bien amer . le juge africain, et par là '/'e la justice en Afrique, est 0en panne’ $ (19) . %&est pourquoi *ous comptons, ,our abonder dans +e 5Jme si+lage que Yédoh Sébastien Lath, articuler une contribution sur +&indépendance de +' (uridiction constitutionne++e dans +es États de +’Afrique noire 6rancophone (20) . Il en résulte +&utilité de 4uestionner +' réalité des pouvoirs du (uge constitutionnel dans +&univers de ces démocraties >'lbutiantes. La réflexion est d’autant ,+us indispensable que +' problématique de +’indépendance de +' (uridiction constitutionnelle est 5ise en observation dans un contexte où +’ordonnancement et +&exercice des pouvoirs suscitent diverses interrogations. Plus que ,'rtout 'il+eurs, +’i5,+ant'tion de +' (uridiction constitutionnelle s’y trouve justi6iée par +&exigence de paci6ication des rapports de pouvoir. Encore, faudrait-i+ 4u’i+ 8 ait des (uges souverains ou du moins indépendants, et dont +es décisions sont acceptées et exécutées. Pour +&ensemble de ces raisons, +e choi7 est apparu incontournable pour une étude systémique des '5biguMtés qui caractérisent les (uridictions constitutionnelles. D notre sens, il tient au partage du système de valeurs de +' transition démocratique. Aussi 6aut-i+ ajouter que +es %ours et Conseils constitutionnels des Ét'ts de +’Afrique noire francophone (21) présentent, pour des raisons historiques datées et connues, des données organiques et 6onctionnelles pertinentes pour +' )omparaison. Abstraction est 6aite du cas de Madagascar C cause de +' dynamique politique propre (22) . Guant 'ux États 5aghrébins (Égypte, Maroc, Mauritanie, Tunisie). >ien qu’i+s soient dotés de (uridictions constitutionnel+es autonomes, i+s ne rentrent pas dans notre spectre d’analyse car leur ordre (uridique, en ,+us de s’i5,régner des idéaux d’inspiration arabo-isl'5ique, subit C +’inst'nt +es convulsions d’une révolutio* inachevée. Tout aussi. +es États en +igne de mire '66ichent une différence par rapport aux États '6ricains '*1+ophones qui. C +’exception de +&Afrique du Sud (23) . ont opté pour une %our suprême. Au demeurant, une erreur serait, de notre part, de croire que +’étendue du )9'5, d’étude i5,+ique une quelconque prétention C +’exhaustivité. Les conditions d’a,,+icatio* différenciée de +' (ustice constitutionnel+e donnent du relief C +’i5port'nce qu’i+ 8 aur' C ne faire ressortir que les aspects dominants et significati6s. En prélude aux développements, i+ convient de préciser que notre approche sera 'dossée 'u registre d&'*'+yse de +' légitimité tel 4ue conçu par El /adj Mbodj 'ux fins de rendre intelligi>+e +&opération successor'+e des chefs d’"tat '6ricains (24) . I+ s’agit. en +’adaptant C notre démarche, de rendre opératoire +’examen critique de +&indépendance de per6ormance de +a (uridiction constitutionnel+e à partir des hypothèses d’indépendance d’entrée. 2 sur 30 10/07/2015 11:01 weblextenso - http://ressources.univ-poitiers.fr:2175/weblextenso/ar... D +' +umière de ces considérations, il sera abordé. les '5biguMtés tenant C +' vulnérabi+ité des garanties statutaires (I) et à +a dépréciation de +’autorité des décisions 2II3. I. — LA VULNÉRABILITÉ DES GARANTIES STATUTAIRES En vertu des dispositions