André Chastel, Sa Correspondance, Ses Méthodes, Michel Hochmann P
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Page 1 : Léonard de Vinci. La Vierge aux rochers, 1483-1486. Paris, musée du Louvre. Page 128 : Andrea Palladio. I quattro libri dell’architettura…, Libro primo, Venetia, Domenico de’ Franceschi, 1570, p. 65. Paris, Bibliothèque de l’INHA, collections Jacques Doucet [catalogue 67]. Sommaire p. 3 Avant-propos, Antoinette Le Normand-Romain Études p. 5 André Chastel, sa correspondance, ses méthodes, Michel Hochmann p. 15 André Chastel et l’Italie, Eva Renzulli p. 24 André Chastel et l’Allemagne, Isabelle Balsamo p. 29 André Chastel et la Pologne, Julius A. Chroscicki p. 34 André Chastel et l’architecture, Sabine Frommel p. 45 André Chastel et Louis Hautecœur, Antonio Brucculeri p. 56 Les colloques de Tours, Jean Guillaume p. 59 Mythe pour mythe... Dans le sillage du surréalisme, Françoise Levaillant Évocations p. 68 André Chastel historien, Howard Burns p. 73 Chastel, une histoire critique personnelle, Andrea Emiliani p. 78 André Chastel « millimétrique », Carlo Pedretti p. 83 André Chastel et Robert Klein, Henri Zerner p. 84 La correspondance André Chastel - Roberto Longhi, Mina Gregori Sources p. 87 Les archives et la bibliothèque d’André Chastel à l’INHA, Sébastien Chauffour p. 93 Chronologie p. 95 Bibliographie sélective p. 97 Catalogue Avant-propos Plus de vingt ans se sont écoulés depuis la disparition d’André Chastel et cette distance permet de prendre aujourd’hui toute la mesure de son œuvre, – une œuvre qui, à la différence de celles de nombreux historiens de l’art, déborde largement du cadre proprement universitaire. En témoigne ce souci constant, et peu commun, qu’il eut d’assurer une large diffusion à une discipline longtemps demeurée l’apanage des spécialistes et des amateurs, et qui le conduisit à concevoir ce qui allait devenir, après sa mort, l’Institut national d’histoire de l’art. En témoigne aussi le rôle actif qu’il joua dans plusieurs débats publics dont les enjeux ne ressortissaient pas seulement à l’histoire de l’art, mais à la vie dans la cité. De même y a-t-il lieu d’admirer le fait que, tout en menant une brillante carrière de professeur, André Chastel tînt une chronique dans le journal Le Monde durant plus de quarante ans, ce qui ne fut certainement pas sans un retentissement réel, difficile à mesurer, sur deux générations de lecteurs qui n’étaient pas forcément intéressés par les événements artistiques. Si cette exposition s’intercale entre le colloque André Chastel qui s’est tenu à la fin de l’année 2012 à l’INHA et au Collège de France, et la publication des actes de ce colloque, son catalogue poursuit une visée différente : celle d’évoquer non seulement la notoriété internationale acquise par André Chastel, et quelques aspects de son activité – certains parfois inattendus, comme ses rapports avec le surréalisme ; d’autres plus prévisibles, comme l’intérêt croissant qu’il porta à l’architecture –, mais aussi l’homme, dont la figure se dessine bien grâce aux témoignages de personnes qui l’ont connu. En ce sens, cette exposition et son catalogue complètent par avance la future publication universitaire tout en marquant l’aboutissement d’une fructueuse collaboration entre l’École pratique des hautes études et la Bibliothèque de l’INHA, qui a permis le traitement des archives d’André Chastel. Je tiens d’abord à remercier chaleureusement toutes les personnes qui ont consenti, pour cette exposition, des prêts de documents et d’œuvres sans lesquels il aurait été difficile de l’organiser, et en premier lieu bien sûr la famille d’André Chastel. Mes remerciements vont aussi aux trois commissaires, Sabine Frommel, Michel Hochmann et Sébastien Chauffour, et aux équipes de l’INHA impliquées dans ce projet, notamment celle de la Bibliothèque, – laquelle conserve, comme l’on sait, la plus grande partie des archives de celui qui fut l’un des pères de notre établissement. Antoinette Le Normand-Romain Directeur général 3 Études — André Chastel, sa correspondance, ses méthodes Pendant près d’un demi-siècle, André Chastel a été, pourrait-on dire, au centre de l’histoire de l’art en France. Qu’on l’ait admiré ou détesté, c’était par rapport à lui, à son action, à sa pensée, que l’on devait se situer. Mais il occupait une position tout aussi privilégiée en Europe et dans le monde. Peu d’historiens entretinrent un réseau de relations aussi divers et universel. Il connaissait à peu près tous ceux qui comptaient à son époque, dans tous les pays (ce qui allait naturellement de pair avec son rôle au sein du Comité international d’histoire de l’art, dont il devint le secrétaire scientifique en 1961). Comme dans ses ouvrages, il se refusait, dans ce domaine, à tout choix dogmatique et il était en correspondance régulière aussi bien avec Roberto Longhi qu’avec Erwin Panofsky ou Meyer Schapiro. C’est ce qui fait de ses archives, aujourd’hui conservées à la Bibliothèque de l’INHA, un fonds irremplaçable pour la recherche sur l’histoire de l’histoire de l’art (d’autant qu’on peut le croiser avec d’autres, également à l’INHA, comme les archives Francastel, Thuillier ou Grodecki). On y trouve donc des lettres de la plupart des grandes figures de son temps, et elles démontrent la curiosité dont il fit preuve, jusqu’à la fin de sa vie, pour tous les aspects et, en particulier, toutes les nouveautés de sa discipline : il connut presque immédiatement, par exemple, les premiers travaux de Carlo Ginzburg et, malgré certaines réserves, il fut aussi très intéressé par le célèbre livre de Steinberg sur la sexualité du Christ1. En outre, il avait conservé des brouillons, carnets de notes, esquisses, qui nous permettent de mieux comprendre l’ampleur de ses réflexions, en particulier les questions de méthode qu’il n’a cessé de se poser tout au long de sa vie. Ces documents devraient nous faire mieux saisir l’itinéraire intellectuel et la pensée de Chastel, dans toute leur complexité et leurs articulations. On a souvent souligné le refus que Chastel manifesta toute sa vie face à l’esprit de système : comme le rappelait Anne-Marie Lecoq, dans l’hommage qu’elle lui rendit après sa mort, il était en effet « animé par une conviction profonde : la réalité est infiniment plus complexe que ne voudraient le faire croire tous les systèmes théoriques et toutes les vues globales qui cherchent à en rendre compte »2. Mais ce scepticisme ne l’empêcha pas, en même temps, d’interroger les interprétations que ces différents systèmes pouvaient lui proposer, même s’il les considérait toujours de manière critique. C’est donc sur certains aspects des relations complexes qu’il entretint avec les grands débats historiographiques de son temps et leurs protagonistes que je voudrais revenir. L’un des grands apports des archives, c’est en effet de nous permettre de saisir en détail le jeu complexe des rapports de Chastel avec ses contemporains, historiens, historiens de l’art, artistes ou écrivains. Ceux-ci dessinent, tout au long de sa vie, une suite de curiosités et d’amitiés qui se lient intimement à son œuvre. Chastel a d’ailleurs 5 lui-même clairement tracé les principales articulations de sa biographie intellectuelle dans l’introduction à Fables, Formes, Figures et dans l’entretien qu’il accorda à Philippe Morel et Guy Cogeval pour le film que lui consacra Edgardo Cozarinski (André Chastel, un sentiment de bonheur). Il a, en particulier, longuement évoqué les raisons qui l’ont fait s’orienter vers l’histoire de l’art, son intérêt pour le surréalisme, mais aussi sa rencontre avec Henri Focillon, ainsi qu’avec Fritz Saxl et les membres de l’Institut Warburg, par l’intermédiaire de Jean Seznec3. On pourrait penser que ces débuts portaient déjà la marque d’un certain éclectisme méthodologique, puisqu’on a parfois opposé le formalisme de Focillon à l’iconologie de Panofsky et des disciples de Warburg. Mais, comme Chastel le rappelle lui-même dans l’entretien que nous avons cité, les choses étaient en réalité beaucoup moins simples : « Focillon connaissait très bien les gens du Warburg et surtout très bien Panofsky. Le fait est qu’il m’a donné une lettre d’introduction pour Panofsky. Donc, leur complémentarité, qui est aujourd’hui toute claire, était acceptée »4. En effet, ces liens sont bien attestés : Focillon avait invité Panofsky chez lui dès 1925, et il donna lui-même une série de conférences au Warburg en 1937. Après le départ de Focillon pour les États-Unis et sa mort, un groupe de ses élèves continua à se réunir, de manière informelle, chez son gendre Jurgis Baltrusaitis, villa Virginie (rue du XIVe arrondissement). Ce fut là, indiscutablement, l’un des foyers intellectuels où la pensée de Chastel continua à se former et où ses relations avec les héritiers de Warburg se fortifièrent, car, conformément à ce que disait Chastel, Focillon et ses élèves étaient bien, en France, parmi les principaux interlocuteurs des membres de l’institut londonien. Juste après la guerre, ce fut en effet encore chez Baltrusaitis que Fritz Saxl se rendit lors d’un séjour à Paris, en 1946 (mais Chastel, malade, ne put participer à ces réunions)5. Baltrusaitis et Louis Grodecki, lui aussi élève de Focillon et invité régulier villa Virginie, partageaient donc avec Chastel, dont ils étaient très proches, ses intérêts pour les développements de l’iconologie. Lorsque Chastel se rendit aux États-Unis en 1949, comme boursier Focillon, Baltrusaitis lui écrivit régulièrement (en l’appelant « mon cher angelot ») pour le conseiller et lui indiquer les noms de certains élèves de Panofsky qu’il devait rencontrer. Le 19 mars 1949, par exemple, il lui disait de ne pas oublier de faire signe à Millard Meiss et à Harry Bober « qui est un bon ami et a une jolie femme ».