Monde.20010525.Pdf
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LE MONDE DES LIVRES VENDREDI 25 MAI 2001 LES JEUNES PRISONS PHILOSOPHES Deux sociologues se penchent pages VIII et IX sur l’univers des condamnés aux longues peines et Jean-Marc Rouillan raconte STEPHEN VIZINCZEY son incarcération Le feuilleton RIMBAUD ANNIE PROULX JEUNESSE page XI a de Pierre Lepape page II page III page V page VI Philip Roth, La vengeance de Philip Roth guerre et l’époque glaciale du maccar- parviennent pas toujours à les pas- ple (6). La dureté est au rendez-vous, deux, c’est Roth, et la littérature est thysme. Ce sont des romans plutôt sionner – encore que Ira/Iron, com- Avec « J’ai épousé et surtout le sentiment que, lorsque impitoyable. Dans le combat d’Ira et naturalistes, assez pesants parfois. me ses deux prénoms l’indiquent, Roth parle de la femme de son héros, d’Eve, on retrouve le Roth de tou- Voilà bien l’ultime victoire de Roth, soit un homme en colère, un homme un communiste », Eve, il manifeste une incompréhen- jours, percutant, surpuissant, et sans doute une secrète vengean- de fer, une brute parfois, un person- sion totale pour ce « deuxième effrayant, acharné à montrer qu’en- ce : écrire, à plus de soixante ans (il nage assez singulier et inattendu l’écrivain américain sexe » avec lequel il faut tenter de tre les hommes et les femmes rien est né en 1933) des livres pour les lec- dans l’œuvre de Roth. Pour ses lec- vivre. Quand Ira rencontre Eve Fra- n’est possible sauf le cycle infernal près les sommets que teurs qui n’aiment pas son œuvre. Et teurs de toujours, comme l’observe revient sur l’époque me, une ancienne star de Hollywood séduction-passion-lutte à mort. Une sont Opération Shylock et Le Théâtre il a réussi. Pastorale américaine a con- André Bleikasten dans l’excellente du maccarthysme. qui fut mariée à une autre star dont démonstration à laquelle s’em- Ade Sabbath (1), deux livres éblouis- introduction à Roth qu’il elle a une fille, il est «ébloui». «Il ploient, de manière très ennuyeuse, sants d’un écrivain en pleine maturi- vient de publier dans la faut bien dire qu’elle était éblouissante, beaucoup de supposés romanciers. té, qu’allait donc faire Philip Roth ? Josyane Savigneau collection « Voix améri- Deuxième volet et que l’éblouissement a sa propre logi- Mais que la lucidité infernale et le sty- On croyait que ce créateur hanté par caines » dirigée par que. » Il « croit avoir trouvé l’amour le féroce de Philip Roth rendent irré- le double était allé aussi loin que pos- quis, notamment en France, un Marc Chénetier, « l’écriture de Roth d’une trilogie naturaliste de sa vie. Et avec l’amour de sa vie, on futable. sible dans Shylock en affrontant son public nouveau, amateur d’un cer- est une écriture en ébullition, pleine de ne va pas pinailler sur les détails ». narrateur, nommé cette fois-là Philip tain réalisme. Il devrait en aller de bruit et de fureur, en même temps qui devrait continuer C’est avec une sorte de rage qu’est (1) « Folio », Gallimard, Roth, à un personnage qui est «un même avec J’ai épousé un communis- qu’une écriture en état d’alerte, une décrite la désastreuse histoire d’Ira et no 2937 et 3072. faux lui-même » et s’appelle… Philip te. écriture de résistance et de combat. à séduire ceux qui Eve, version noire de La Belle et la (2) « Folio » no 3533. Roth. Mais ce romancier imprévisible Quant à ceux qui ont tout lu avec Résistance à toutes les pesanteurs, à Bête. Cette affaire vouée d’emblée à (3) A paraître chez Gallimard. pouvait être plus fort encore. Il s’est passion, depuis Goodbye, Columbus commencer par celles de la langue ; jusqu’alors n’aimaient l’échec, qui est au cœur du roman, se (4) « Folio » no 1185. mis à écrire une trilogie avec arrière- (1959) (4), ils sont définitivement combat contre les inerties, les illusions lit évidemment comme l’évocation (5) Houghton Mifflin. fond historique dont voici le deuxiè- acquis à celui qu’ils tiennent pour et les impostures du discours social, le guère son œuvre terrible d’un autre couple, celui du (6) « Folio » no 2803. me volet, J’ai épousé un communiste, l’un des plus grands écrivains prêt-à-penser des idéologies, la folie romancier Philip Roth avec l’actrice (7) Virago Press. après Pastorale américaine (2) et contemporains. Même s’ils s’en- meurtrière des fanatismes – toutes les Philip Roth, menant « cette bataille Claire Bloom (ils se sont rencontrés avant The Human Stain (La Tache nuient à la description minutieuse de formes de ce que, dans La Tache jamais gagnée contre la bêtise » en 1975, mariés en 1990 et ont divor- J’AI ÉPOUSÉ UN COMMUNISTE humaine) (3). Le premier se passe la fabrication des gants en peau dans humaine, il appelle “la tyrannie du « avec une rageuse rudesse qui n’est cé en 1995). Comme l’héroïne de J’ai (I Married a Communist) Stephen Vizinczey, dans l’Amérique des années 1960, Pastorale américaine. Même si les nous” ». qu’à lui ». Ceux qui sont arrivés à lui épousé un communiste, Claire Bloom de Philip Roth. confrontée à sa jeunesse en révolte, démêlés du communiste Ira Ringold Dans cette trilogie historique, il y a par Pastorale américaine seraient tout (qui restera à jamais la jeune Theresa Traduit de l’anglais (Etats-Unis) et le dernier pendant le second man- (devenu l’homme de radio Iron Rinn) sans doute, pour les vrais de même bien avisés de lire dès main- du Limelight de Charlie Chaplin) avait par Josée Kamoun, dat de Clinton. Quant à J’ai épousé un avec les anticommunistes fanatiques « rothiens », un peu trop de « nous » tenant le Philip Roth d’André Bleikas- une fille musicienne que Roth ne sup- Gallimard, « Du monde entier », communiste, il revient sur l’après- de l’Amérique des années 1950 ne et pas assez du « je » magnifique de ten pour prendre la mesure de cet portait pas. Elle raconte en détails 406 p., 130 F [19,82 ¤]). « écrivain incommode » et en finir leurs rapports houleux dans un livre avec une certaine naïveté. Car, com- de mémoires, Leaving a Doll’s House PHILIP ROTH me le disait Roth à la Book Review du (7) que Roth a sûrement lu comme d’André Bleikasten. New York Times en mai 2000, il souhai- une trahison. Malheureusement Belin, « Voix américaines », te désormais « débarrasser [sa] tête pour Claire Bloom, l’écrivain, des 128 p., 50 F [7,62 ¤]). de tout ce sérieux ». «Jeveuxune autre voix pour maintenant. Pendant six mois, un an, je voudrais regarder les choses d’une autre manière. J’essaie de m’arracher à la vision sombre qu’a Zuckerman de la vie américaine. » Et le roman qui vient de paraître aux Etats-Unis, The Dying Animal,estfidè- le à cette déclaration (5). Pour l’heure, en France, lenteur de traduction oblige, c’est encore l’écri- vain Nathan Zuckerman (autre dou- ble romanesque de Roth) qui parle, ou plutôt, comme dans Pastorale américaine, qui écoute le récit du frè- re de son héros. Dans J’ai épousé un communiste, ledit frère est un ancien Arthur Rimbaud, professeur de Zuckerman, Murray Ringold. Dans sa jeunesse, Zucker- man a beaucoup admiré Ira, le com- muniste – subissant même son influence politique –, dont Murray raconte la déroute, la destruction, notamment en raison de la trahison de sa femme, lorsqu’elle a publié un livre de règlements de comptes intitu- lé… J’ai épousé un communiste. «En France, cette phrase n’a rien de scan- daleux », expliquait en riant Philip Roth, venu pour une master class à Aix-en-Provence en 1999. « Aux Etats- Unis, I married a Communist est un titre-choc et, dans les années 1950, c’était, d’emblée, une dénonciation. » Démonter minutieusement, froide- ment, brutalement aussi, les mécanis- mes de la trahison est l’un des propos de ce livre qu’on peut lire de trois manières au moins. Pour compren- dre Ira Ringold et la situation histori- que de son temps. Pour retrouver la méditation de Roth sur l’identité, qui traverse toute son œuvre. Pour explo- rer de nouveau la vengeance person- Annie Proulx… nelle de Roth contre les femmes, qui, elle aussi, est une constante chez lui. Mais ici, l’humour a déserté les lieux, NANCY CRAMPTON contrairement à Tromperie, par exem- www.lemonde.fr 57e ANNÉE – Nº 17521 – 7,50 F - 1,14 EURO FRANCE MÉTROPOLITAINE VENDREDI 25 MAI 2001 FONDATEUR : HUBERT BEUVE-MÉRY – DIRECTEUR : JEAN-MARIE COLOMBANI L’Europe de M. Jospin Une justice ordinaire pour le président ? b a Le premier ministre Les proches de Lionel Jospin proposent que le chef de l’Etat puisse être traité comme tous exposera lundi les justiciables b Ils refusent la procédure de Haute Cour défendue par Arnaud Montebourg b La droite sa vision accuse le premier ministre d’avoir donné son aval à l’offensive de ce député contre Jacques Chirac LE GROUPE SOCIALISTE de double fonction politique : d’une de la construction l’Assemblée nationale discutera, le part, répondre au député socialiste 29 mai, d’une proposition de loi Arnaud Montebourg, qui dénonce européenne constitutionnelle tendant à réfor- l’impunité de fait dont bénéficie mer le régime juridique du prési- Jacques Chirac, mis en cause dans a Au menu, dent de la République. Cette pro- deux instructions relatives aux J. VINK/MAGNUM position, conforme à ce que le PS affaires parisiennes ; d’autre part, GRAND PRIX DU « MIDI LIBRE » avait prévu de faire figurer dans obliger l’opposition et l’Elysée à la réforme son programme pour les élections prendre position sur le principe de du fonctionnement de 2002, dispose que le chef de l’immunité, alors que M.