Les boiseries de la salle du Conseil d'État

Autor(en): Roth-Lochner, Barbara

Objekttyp: Article

Zeitschrift: Genava : revue d'histoire de l'art et d'archéologie

Band (Jahr): 28 (1980)

PDF erstellt am: 11.10.2021

Persistenter Link: http://doi.org/10.5169/seals-728521

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http://www.e-periodica.ch Les boiseries de la salle du Conseil d'Etat par Barbara Roth-Lochner

Lorsque les travaux de rénovation de la la salle du Conseil. Ce texte m'a incité à entre- salle du Conseil d'Etat à la Tour Baudet sont prendre une recherche, dont je livre ici les entrepris en 1901, les ouvriers ont la surprise résultats. de découvrir, sous des tentures vertes, des C'est en mars 1690 qu'une première délibé- fragments de fresques. L'émotion est grande, ration a lieu. Au cours d'une séance du Petit des experts confirment à l'unanimité l'intérêt Conseil 4, le premier syndic Pierre Fabri pro- de ces fresques: «Il faudra s'arranger à les pose aux conseillers de réfléchir «si l'on ne respecter, à les restaurer et à établir des boi- doit pas réparer la Sale du Conseil, et la series de style jusqu'à leur hauteur. On devra mettre dans un état plus décent et plus conve- également changer les corniches On parle nable en y faisant de nouveaux planchers ', y même d'abattre d'autres boiseries qui recou- mettant quelques beaux tableaux, tapisseries vrent sans doute d'autres fresques», lit-on ou peintures en place de la vieille boiserie, et dans le /cwmz/ du 9 août 1901. Le réparant les croisées des fenêtres» h Une com- lendemain, dans le même journal, l'antiquaire mission est nommée, qui fait son rapport cinq expert E. Constantin fait part de ses réflexions : j ours plus tard ; elle estime «qu'il y avoit nécessité «Il s'agit d'une fresque d'une hauteur de 1 m 50 environ, immédiatement en dessous du 1°/ de nettoyer le plancher d'enhaut, et le plafond, étonnamment conservée ; par bonheur, mettre en couleur de gris de perle en l'huilant une boiserie Louis XIV, qui n'avait pas néces- et y mettant des filets et quelques rayes d'or sité pour être mise en place, un repiquage ou de distance en distance; eût fallu un recrépissage comme il peut-être 2°/ de faire le plancher d'embas tout de neuf une tout autre transformation de la salle, pour par des compartimens de chesne et de sapin; avait, au contraire, en la cachant, et en la recouvrant hermétiquement, conservé la beauté 3°/ d'oster les archebancs [coffre allongé et et la fraîcheur de cette frise». étroit, adossé au mur et utilisé comme banc] et Notre propos n'est pas d'entreprendre une y mettre une tapisserie en place; nouvelle étude de ces fresques du xv^ siècle *, 4°/ d'oster les croisées de fenêtres et y en mais de fournir quelques renseignements sur faire d'autres à la moderne.» ces boiseries de style Louis XIV, qui furent conservées et ensuite déposées au Musée d'art Les deux premiers points sont approuvés, et d'histoire, où elles se trouvent aujourd'hui h les autres renvoyés en commission. Mais, mise En effet, aucun historien de l'art ou historien à part une transformation des fenêtres ®, plus n'a jusqu'ici eu la curiosité ou le temps de rien n'est entrepris avant 1698, le Conseil étant rechercher leur origine ou leur auteur'; j'ai sans doute occupé à des affaires plus urgentes. eu la chance de découvrir par hasard, dans le Le 22 février 1698, le premier syndic, à nou- Registre du Conseil de l'année 1711, une déci- veau Pierre Fabri, rappelle aux conseillers «que sion d'effectuer des travaux de rénovation de par diverses résolutions précédentes, il a été

147 trouvé à propos et convenable de réparer la que l'huile rendroit la sale inhabitable pendant Sale du Conseil et la mettre dans un état plus plusieurs années A> '4, Rien n'indique qu'on honête tant à l'égard des planchers, que des ait renoncé au gris. vieux archebancs et peintures toutes délavées, Le 9 septembre, le plafond est achevé. Les il faudroit sans plus tarder y mettre au plutôt registres de mandats de la Chambre des Comptes main» A cette date, et jusqu'en automne 1711 contiennent la liste complète des frais occa- sans doute, les fresques, «peintures toutes déla- sionnés. Je la reproduis a/mo en note, car vées», étaient donc encore visibles. Le 1 " mars, elle me semble intéressante pour les détails les décisions suivantes sont prises : «Qu'on en techniques qu'elle recèle 'h Grisel pose ensuite doit ôter la boiserie soit archebancs et y mettre le parquet, et encaisse fin octobre 1200 florins, en place une tapisserie de haute lisse de ver- «pour payement de vingt-cinq toisés de dure avec des écussons aux armes de la Sei- de plancher parquetté fait en la chambre du gneurie de distance en distance, laquelle tapis- Conseil» A serie tiendra dès le plancher d'en haut jusques La seconde étape de la rénovation de la au banc matelassé sur lequel sont assis les Salle du Conseil se déroule de 1711 à 1713. Seigneurs du Conseil; qu'à l'égard dudit plan- Dans un premier temps les conseillers expri- cher d'en haut on ne fera autre chose que de ment une préférence pour un décor de tapis- le mettre en couleur gris de perle et l'enduire serie: «Le Conseil ayant résolu, il y a quelques d'esprit de vin; et pour celui d'embas sur années, de faire quelque changement dans la lequel on marche, il devra être parqueté d'un chambre où il s'assemble, soit en y mettant parquetage fort et solide, qui ne soit pas sujet une tapisserie, soit un boisage, soit une dra- à être gâté» A Malgré ces résolutions, rien ne perie [le premier syndic Jacques Pictet] le sera entrepris au sujet de la décoration des prioit de se déterminer, sur quoi opiné, la plu- parois jusqu'à la deuxième décennie du ralité des suffrages a été pour la draperie» A xviii® siècle En revanche, le plafond et le Le 20 juillet 1711, une décision est prise au plancher sont rénovés l'été et l'automne sui- sujet de la couleur des tapisseries ou dra- vant cette décision. Dès le mois de mars, la peries: «... de quelle couleur sera le drap dont Chambre des Comptes conclut un accord avec on tapissera la chambre. La pluralité des suf- le menuisier Pierre Grisel, qui s'engage «à frages a été pour le verd». Un peu plus loin plancher la Sale du Conseil en carré, un losange «... si toute la chambre sera tapissée, ou si l'on au milieu, le tour du carré de noyer, de mesme drapera seulement l'intérieur où siègent les que ce qui enferme le losange, et le surplus Seigneurs de céans A et boiser le reste de la de sapin, ledit carré de deux pieds trois pouces, chambre» A On décide de tapisser toute la le tout bien fait et bien lié, de bon bois tant pièce. L'affaire prend ensuite une autre dimen- de noyer que sapin bien sec, pour lequel lui sion : le syndic Pictet, ayant consulté des sera donné quatre escus et demi blanc par «contrepointiers et brodeurs» pour des écus- toise, la toise de trente-six pieds de Roy» ". sons aux armes de la Seigneurie, «ils lui avoient Quant au plafond, des renseignements tech- donné trois différens desseins, dans l'un l'écu niques sont fournis dans le passage suivant a pour supports des lions, dans l'autre des du Registre du Conseil, précédé de la décision anges, et dans le troisième des aigles» A Les de faire démarrer les travaux: «Etant mis en conseillers estiment qu'il conviendrait de con- délibération si on le fera seulement en dé- suiter des experts. La Chambre des Comptes trempe, ou bien en huile, ou si l'on se servira fait appel à Joseph Abeille, architecte et ingé- d'esprit de vin, il a été dit après avoir ouï le nieur, alors en séjour à Genève. Abeille «avoit rapport des Seigneurs de la Chambre des donné un dessein dans lequel il entre du boi- Comptes, qui ont entendu sur celui des experts, sage de noyer, et estimoit que le fonds de la que quoy qu'il en coûtera incomparablement chambre, dès la balustrade, devoit être tout plus de se servir d'esprit de vin, on doit cepen- boisé» Le dessin est soumis aux conseillers dant le faire, puisque la simple détrempe ne et emporte leur adhésion, puisqu'il est dit «que seroit pas honête, convenable ni de durée, et là où précédemment on avoit résolu de mettre

148 Fig. i. Salle du Conseil d'Etat avant la restauration de 1901. de la draperie aussi bien dans le fonds du se verra dotée de tapisseries en 1713. En été côté de l'arsenal que dans les côtés, on le 1712, la commission responsable rencontre pourra boiser». des difficultés «dans l'exécution des ornemens L'essentiel des travaux se déroule lin 1711- qu'on a projetté de faire sur la draperie de la début 17x2; en effet, dans la semaine du 15 au chambre du Conseil à cause qu'on ne trouve 21 janvier 1712, on paye les ouvriers «qui ont pas des moires des couleurs nécessaires pour tendu la tapisserie de la chambre du Conseil» ", la broderie» A.. «il faut écrire au sieur Rat et surtout, à la fin du mois de février, les brodeur demeurant à Lausanne de venir faire maîtres menuisiers Galoix, Jaquet et frères un tour en cette ville pour conférer avec lui Lagrange reçoivent 2555 florins, somme consi- sur ce sujet» A Une rencontre entre la commis- dérable, «pour le boisage qu'ils ont fait à la sion, Rat et Abeille, une nouvelle fois consulté chambre du Conseil» 1200 florins sont ver- comme expert, a lieu en septembre A Le bro- sés au maître menuisier Chassefière «pour le deur et tapissier lausannois exécute la com- lambrissage, bancs et autres boisages» A Le mande pendant l'hiver 1712-1713, et encaisse sculpteur Delor est payé 770 florins «pour les son dû, soit 2975 florins «pour la façon de la ouvrages de sculpture faits aux boisages de tapisserie de la chambre du Conseil, fourni- la chambre du Conseil» A tures de galons, soye, chenilles, toiles pour Outre les boiseries et les draperies vertes doubler, satin pour les armes, filet et tirebolle, tendues en janvier 1712, la salle du Conseil et frais de voyage», en juin 1713 A

149 Fig. 2. Salle du Conseil d'Etat. Genève, Musée d'art et d'histoire.

Pour compléter le tableau de l'aménage- du Petit Conseil sont en place. Le règlement ment de la salle du Conseil aux xvn® et du concierge de l'Hôtel-de-Ville, poste créé à xviii^ siècles, il convient d'ajouter quelques cette date, prévoit qu'«il aura soin de frotter lignes sur les meubles et le chauffage de la et cirer le parquetage et boisage de la chambre pièce. Elle reçoit en 1694 une «horloge à du Conseil, frotter toutes les chaises et bancs pendule» française, envoyée par le chargé d'af- et vergeter [épousseter] toutes les tapisseries faires genevois à car l'ancienne hor- en sorte que le tout soit toujours propre loge «ne vaut absolument rien» 'h Les frères et net» A Lagrange fournissent en août 1711 trente demi- Il est donc possible d'affirmer que les boi- fauteuils en décembre de la même année, series de la salle du Conseil ont été exécutées un fourneau en faïence à motif bleu sur fond sur un dessin de Joseph Abeille. Cet architecte blanc fabriqué par le potier de terre Daniel et ingénieur de en Bretagne, fils de Kûnzi de Serlier, est posé A Une armoire, Biaise Abeille, et décédé en 1756", est loin destinée sans doute à contenir le bois de chauf- d'être inconnu à Genève, où il a séjourné fage, est fournie par Jacob Galoix en 1712 A de 1707 à 1716 environ. Il est l'auteur des à Le 15 septembre 1713, tous les éléments de plans de la maison Lullin-de Saussure la la nouvelle décoration intérieure de la salle Tertasse, de plusieurs fontaines genevoises,

150 et de la première machine hydraulique sur le Genève fin 1731 A il passe plusieurs contrats Rhône qui permit d'alimenter ces fontaines A devant notaire, dont deux contrats de ma- Quant à la salle du Conseil, le lecteur doit riage ^ (ses deux épouses sont d'origine fran- s'imaginer les panneaux de boiseries visibles çaise) et son testament A par lequel il lègue au Musée d'art et d'histoire alternant avec une partie de ses biens au neveu de France des draperies vertes et des tapisseries ornées qu'il a hébergé pendant 15 ans et auquel il a d'armoiries de Genève. La photographie (fig. i) appris sa profession, Jean Boudon. Sa fille antérieure à la renovation de 1901, permet de unique meurt avant son père, à l'âge de s'en faire une idée meilleure que l'aménage- 16 ans 'h Outre les quatre bancs de Saint- ment de la salle du musée A Jusqu'à quelle Gervais, il fabrique encore cinq bancs pour date subsistèrent les tapisseries et draperies le temple de la Madeleine, destinés aux mem- d'origine? Il est difficile de le déterminer. On bres du Conseil des Deux-Cents 'h II est inté- trouve des instructions pour travaux de la fin ressant de noter que Jacques Chassefière est du xviii® siècle A et un budget de réparations analphabète. soumis au Conseil Représentatif en 1835 A Jacob Galoix (ou Galois, Galloy), maître menuisier, né vers 1666, est aussi habitant. Originaire de Bussy près de Châlon-sur-Saône en Bourgogne, il se réfugie à Genève avec sa famille, à une époque que je n'ai pas réussi Qui sont ces artisans du bois qui travaillent à préciser, mais antérieure à 1691, date à en 1698 et 1712 à la rénovation de la salle du laquelle son père Pierre Galoix, maître char- Petit Conseil? pentier et tonnelier, met son fils cadet Pierre Pierre Grisel (ou Griset) menuisier, auteur en apprentissage de boulanger A Avant qu'il du parquet, est originaire des Cévennes. Il est ne travaille aux boiseries de la salle du Conseil, reçu habitant ^ le 24 septembre 1696, et décède on trouve Jacob Galoix une fois au moins au à Genève en 1715 à l'âge de 76 ans A ce qui service de la Seigneurie, en 1699, date à fait remonter sa date de naissance à 1639. Les laquelle la Chambre des Comptes lui verse, documents d'archives ne rélèvent rien de plus ainsi qu'à un autre menuisier nommé Aimé à son sujet. Garlot, 480 florins pour cinq grands corps Le menuisier Jaquet est plus mal connu d'étagères et douze armoires installées à la encore. Ce patronyme est si courant qu'il n'a Petite Grotte, sous la salle du Conseil A Jacob même pas été possible de déterminer son Galoix est un menuisier prospère, puisqu'il prénom ou son statut politique. parvient en 1719 à acquérir, pour 7000 florins, Jean Delor, sculpteur, fils de Tobie, est ori- la bourgeoisie pour lui-même et ses trois fils, ginaire de Lyon; le Conseil le reçoit habitant en dont l'un, Pierre, deviendra maître horloger, 1711 44. Il perd un enfant en bas âge à Genève et un autre, Jacques, négociant. Rares étaient en 1716 4'. Camille Martin signale qu'il est les personnes suffisamment aisées pour obtenir l'auteur de certaines clefs de voûtes du portique à cette époque la bourgeoisie de Genève. Un de l'Hôtel de Ville G autre indice de sa prospérité est la dot qu'il Les menuisiers Chassefière, Galoix et La- accorde à son fils Jacques en 1724: elle s'élève grange ont été plus faciles à identifier. en effet à 6000 livres! A Jacob Galoix ne sait Jacques Chassefière, maître menuisier, ori- pas écrire en 1692 A mais contrairement à ginaire d'Aimargues dans le diocèse de Nîmes Jacques Chassefière il apprend l'écriture et en Languedoc (département du Gard), est reçu signe le contrat d'apprentissage d'un de ses habitant le 31 août 1698. A cette date, il est fils en 1719 A H meurt à Genève en 1748 A installé à Genève depuis quelques années déjà, L'identification des frères Delagrange (ou la puisque Chambre des Comptes lui com- Lagrange) a posé quelques problèmes. Il y a mande quatre bancs de noyer pour le temple en effet cinq Delagrange menuisiers ou tour- de Saint-Gervais en 1695 47. Fils de Charles neurs à Genève au début du xvnA siècle A Chassefière, il est né vers 1663, et meurt à tous originaires de Bussy en Bourgogne!

151 Grâce à l'état civil et aux actes de notaire, qui famille, car il s'agit bien d'une seule famille indiquent souvent les liens de parenté, il a été d'artisans du bois. Le tableau sommaire qui possible de démêler les branches de cette suit permettra au lecteur d'y voir plus clair.

tourneur f avant 1697 i647?-i725 à Genève épouse Antoinette ép. Jeanne Lamande Galoix

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Ces cinq cousins sont alternativement quali- Peut-être les frères Delagrange sont-ils eux- fiés de tourneur et de menuisier. mêmes cousins de Jacob Galoix, puisque leur Les «frères Lagrange» que l'on trouve dans mère s'appelle Antoinette Galoix, et que tous les registres à propos des boiseries de la salle viennent de la même ville bourguignonne. du Conseil sont à mon avis Pierre I et Isaac, Tout un réseau de liens de parenté et de que je soupçonne être de la branche aînée pour liens professionnels se dessine. Il existe une des raisons de date. En effet, ils agissent sou- sorte de solidarité, de communauté de gens vent en commun dans les actes de notaire, du même pays, qui se connaissent sans doute contrairement à leur trois cousins. En 1700, avant le Refuge. De nombreux autres exemples ils acquièrent ensemble une maison à la Tacon- viendraient confirmer cette impression. S'en nerie A A deux*reprises au moins, ils prennent étonnera-t-on? N'est-il pas normal de s'en- ensemble un apprenti. Il vaut la peine de citer tr'aider, de se retrouver dans le nouveau lieu le nom de ces deux apprentis: l'un est Aimé de résidence Lorsque la Chambre des Comptes Garlot, de Bussy en Bourgogne que l'on cherche en 1699 un menuisier pour fabriquer retrouve comme collaborateur de Jacob Galoix des armoires, Jacob Galoix et Aimé Garlot dans la fabrication des étagères et armoires ont peut-être été recommandés par les frères de la Petite Grotte (voir plus haut). Pour être Delagrange. Ceux-ci sont en effet en relation complet il convient d'ajouter que Jacob Galoix avec la Seigneurie : dans les registres des man- lui-même est témoin du contrat d'apprentis- dats de la Chambre des Comptes, du 1" jan- sage de Garlot chez les frères Delagrange! vier 1698 au 31 décembre 1700^, ils ne figu- L'autre apprenti s'appelle Philippe Galoix rent pas moins de onze fois, encaissant au fils de Moyse Galoix de Bussy en Bourgogne, total 2000 florins pour divers travaux effectués habitant à Vevey. Originaire de la même petite pour le compte de la Seigneurie: bancs à ville, serait-il parent, cousin de Jacob Galoix? Saint-Pierre à la Madeleine chaire de

152 l'Auditoire cadre de l'horloge de Saint- sorte qu'il faille attendre les réfugiés de la Révo- Pierre ^ etc. Aucun autre menuisier n'y figure cation de l'Edit de pour décorer comme aussi souvent à cette date. il se doit les églises genevoises et la salle du Un autre fait frappant mérite d'être souligné. Conseil? Voit-on confirmée ici cette pénurie Du menuisier Pierre Grisel au brodeur Antoine de génie artistique genevois que Waldemar Rat en passant par Daniel Künzi, Jean Deonna et d'autres ont constatée il y a long- Delor, Jacques Chassefière, Jacob Galoix et temps déjà? Autant de questions que je sou- les frères Delagrange, sans oublier Joseph mets au lecteur sans pouvoir fournir de réponse Abeille, tous sont étrangers; tous les menui- définitive. siers sont français. Il convient de constater A l'aube d'une période de prospérité, les qu'au tournant du xvin^ siècle, peu de menui- magistrats genevois décident de modifier le siers genevois sont citoyens, la plupart sont cadre de leurs délibérations, pièce qui sert d'origine étrangère. Quant aux ébénistes, ils aussi de salle de tribunal, afin que le Conseil sont rares. Est-ce un métier si peu prestigieux, «puisse siéger avec plus de commodité et de si peu rémunérateur qu'il n'attire pas les bienséance» A Depuis longtemps déjà, les citoyens genevois? L'aisance de Jacob Galoix conseillers s'entourent d'un air d'autorité et et des frères Delagrange vient contredire cette d'importance, appelant le respect. Cette impres- hypothèse. Ou n'existe-t-il tout simplement sion est désormais accentuée matériellement, pas de bons artisans de souche genevoise, de par la richesse austère de leur lieu de réunion.

* Sur les fresques le lecteur consultera: Camille martin, Florins sous deniers A <2 Afö/jvj« L7//. «V., p. 45, note i, p. 54, note 2. A Guillaume Fol pour un jarlot [grand WALDEMAR DEONNA, Op. «/., p. 363. baquet] 4 Waldemar deonna, Co/Zer/Zo/w e/ ^/.r/or/ijwftr, Au gippier pour deux journées employées Musée d'art et d'histoire, Genève, 1929, p. 37. à remplir les fentes avec du piastre 8 Paul rousset, Musée d'art et d'his- Pour piastre toire, Genève, 1975, p. 32 («Images du Musée d'art et d'his- Clous et crosses 4446 toire», 1). Aux frères Lagrange 10 6 4 Le Petit Conseil, ou Conseil ordinaire, est l'organe Pour les culs de lampe et les poser 5 3 exécutif et judiciaire de la République de Genève. Parmi ses Une demie journée de massons 1 6 vingt-cinq membres, quatre syndics dirigent pendant une Un entonnoir 6 année les affaires courantes. Pour bouteilles et poterie 6 8 5 Le plafond est aussi appelé «plancher». Voiture et fabrique des et ^ ponts [transport Registre du Conseil (RC) 190, p. 80, 19 mars 1790. Tous montage des échaffaudages] 14 les documents cités dans cet article sont conservés aux Charbon 2 6 Archives d'Etat de Genève. Deux semaines de manœuvres à piler les 7 RC 190, p. 85, 24 mars 1690. drogues et à servir le peintre 21 ® Il est fait allusion à une telle transformation le 2 no- Au peintre pour vint neuf journées de tra- vembre RC 1697. 197, p. 378. Elle oblige le Conseil à pré- vail à 4 fl. 6 s. par jour 130 6 voir un meilleur chauffage de la salle. A Mademoiselle Lefort et Lejeune selon 9 RC 116. 198, p. leur partie vérifiée 270 RC 198, M® pp. 121-122. A Rubatti apoticaire pour esprit de vin» 275 3 " Dans l'entre-temps, de 1700 à 1705, l'Hôtel de Ville s'agrandit vers l'est, avec la salle du Conseil des Deux-Cents, Au total 801 6 aujourd'hui salle du Grand Conseil. Voir: Camille martin, op. 2® partie, chap. IV, pp. 101-106. Finances I 3, 28 octobre 1698. Finances " A 10 (Registres de la Chambre des Comptes), *7 RC 210, p. 276, 29 mai 1711. f. 146, 25 mars 1698. ^C'est-à-dire les membres du Petit Conseil, qui se '3 A cause de l'odeur? tenaient apparemment dans une partie de la pièce, comme le *4 RC 198, p. 249, 25 juillet 1698. font d'ailleurs encore aujourd'hui les conseillers d'Etat.

153 '9 RC 39 210, pp. 321-322. La description de Waldemar Deonna, de boiseries «zz RC 210, p. 340, 7 août 1711. Ajtozzj- des tentures vertes est peu claire. Cf. Co/zWzozzj- ArZéo- ** RC 210, p. 383, 2 septembre 1711. Le dessin d'Abeille /ogzz/zzAC..., p. 37. est malheureusement introuvable aux Archives d'Etat de 4° Finances J 13, Z><2j\rzA; ce document n'est pas daté. Genève. 4' Mémorial du Conseil Représentatif, vol. 16, p. 492, " Finances V 3 (parcelles du contrôleur), 17x2/3. 18 décembre 1835. *3 Finances I 4 (mandats de la Chambre des Comptes), 4* Les «habitants» sont des étrangers résidant à Genève, f. 135 v», 20 février 1712. qui ont obtenu une sorte de permis de séjour. Il s'agit pour *4 /A»z, 24 février 1712, et Finances V 3, 1712/2. la plupart de réfugiés pour cause de religion. *5 Finances I 4, f. 137 v°, 29 avril 1712; Delor avait reçu 43 EC (état civil). Morts 56, p. 4. une avance de paiement le 18 mars 1712 (Finances A ix, 44 RC 210, p. 61, 17 février 1711. f. 283 v°). 43 EC Morts 55, p. 68, 16 janvier 1716; la femme de Jean Dans le premier passage cité dans cette note, on apprend Delor s'appelle Sara Jolycoeur. 46 que le bois de ces décors sculptés a été fourni par le menui- /.a AGziwz A Uz//?..., p. 94. sier Jaquet, et a coûté 280 florins. 47 Finances A 10, f. 101, 12 juillet 1695. 4® ^Est-ce un problème de fournitures? Il est étonnant que EC Morts 58, p. 223, 29 décembre 1731. 49 l'on ne trouve pas sur le marché de Genève ces moires. Notaire Jean Girard, 4, f. 262 v", 29 août 1698, avec *7 RC 211, p. 346, 8 août 1712. Catherine Montinel, de Montélimard, et Marc Fornet, 22, Finances A 11, f. 297, 19 septembre 1712. f. 56, 1®' août 1715, avec Lucresse Bertoin de Château- *9 Finances I 4, f. 154, 28 juin 1713. double en Dauphiné. 3° RC 194, p. 114, 28 mars 1694. 3° Notaire Marc Fornet, 51, f. 349, 24 décembre 1731. 3' RC 193, p. 48, 11 février 1693. 5* EC Morts 55, p. 151, 9 septembre 1717. 3* Finances V 3, semaine du 31 juillet au 6 août 1711; 5* Finances A 10, f. 191, 15 décembre 1699. Il est précisé pour 315 florins. que ces bancs doivent avoir une «corniche pour mettre les 33 Finances A 11, f. 260 v°, 23 juin 1711. Ce contrat avait psautiers». Les bancs lui sont payés 350 florins le 6 avril déjà été relevé par Camille martin, dans : La ALho» A 1700, Finances I 3. Uz'//Rennes le 4 juin 1756 et conservée aux archives de pour 6300 florins; le vendeur est Jean de Normandie, ancien Genève (Finances J 7, 1 " cahier pairzAz), permet de la premier syndic. déterminer: «La perte que nous venons de faire de notre Notaire Etienne Beddevole, 2, f. 129 v°, 8 mars 1694. père...» y lit-on. Aimé Garlot était alors valet du conseiller Pierre Lullin qui 38 Sur les réalisations d'Abeille à Genève, consulter: finança son apprentissage. EDMOND FATIO et CAMILLE MARTIN, Z.ö AGzUzZ AzZryeOZJT «« Notaire Esaïe Morel, 33, f. 263, 29 août 1697. ^3 t. 2, Berlin, 1912, pp. XXV, XXVI, 31-33. J'ai choisi ces années au hasard. 64 PIERRE BERTRAND, UzZtf AZZZÉWT /w/rzVzV«7Ztf /'Z/o/tf/ Finances I 3, 25 février 1698. A iAzjrzzrtf TV/zzjist-Cz/éJ. ZA^zi/dt Azz«»«£ Genève, 1941. Sur lequel on ne peut fournir actuellement aucun ren- andré lambert, ZAr /ozzZzzAr zzzzrzZ/zwi A GrAw, notice seignement. historique de Francis Reverdin, Genève, 1921. 69 RC 210, p. 305, I«® juillet 1711.

Cm/zV zAo/ograpZz^z/tf :

Etat de Genève: fig. 1 Musée d'art en d'histoire, Yves Siza, Genève: fig. 2

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