Actes Du Colloque « Léopold Sédar Senghor : La Pensée Et L'action
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" LÉOPOLD SÉDAR SENGHOR : LA PENSÉE ET L’ACTION POLITIQUE " Actes du colloque organisé par la section française de l’Assemblée parlementaire de la Francophonie sous le haut patronage de M. Jean-Louis Debré, Président de l’Assemblée nationale, Président de la section française de l’Assemblée parlementaire de la Francophonie et de S.E. M. Abdou Diouf, Secrétaire général de la Francophonie. SECTION FRANÇAISE Assemblée nationale – Salle Victor Hugo Paris - 26 juin 2006 – 2 – Les organisateurs du colloque « Léopold Sédar Senghor : la pensée et l’action politique », qui s’est tenu le 26 juin 2006 à l’Assemblée nationale, ont souhaité que les textes publiés ici soient fidèles aux interventions orales tout en reprenant des informations, des commentaires et des précisions que les temps de parole impartis ne permettaient pas de donner. Laisser à chacun le soin de s’exprimer librement, c’est-à-dire sans limitation de place et dans le respect des opinions personnelles, ne peut en effet qu’enrichir la qualité des débats, diversifier les approches et servir finalement, en l’occurrence, la mémoire de l’œuvre et de l’action de L.S. Senghor. Pour faciliter la lecture de ces actes, des notes de bas de page (suivies de la mention « Note de l’éditeur » (NdE) pour les distinguer de celles des auteurs) ont été apportées par Mme Catherine Atlan et M. Jean-René Bourrel. – 5 – Sommaire INTRODUCTION : - Jean-Louis Debré, président de l'Assemblée nationale ................. 7 - Assane Seck................................................................................... 13 I - LES FONDEMENTS INTELLECTUELS DE LA PENSÉE DE L. S. SENGHOR - Souleymane Bachir Diagne........................................................... 17 - Paul Coulon ................................................................................... 27 II - LES ANNÉES PARLEMENTAIRES (1945 - 1956) - Mauricette Landeroin .................................................................... 59 - Emile-Derlin Zinsou...................................................................... 65 - Catherine Atlan.............................................................................. 71 DÉBAT SUR LES INTERVENTIONS DE LA MATINÉE ............................ 83 - Elikia M'Bokolo ............................................................................ 93 III - LA MARCHE À L'INDÉPENDANCE (1956 - 1960) - Pierre Messmer.............................................................................. 95 - Jean Foyer...................................................................................... 101 - Amadou Mahtar M'Bow................................................................ 113 - Joseph-Roger de Benoist............................................................... 129 IV - LA CONSTRUCTION DE L'ETAT SÉNÉGALAIS (1960 - 1980) - Roland Colin.................................................................................. 137 - Christian Valantin.......................................................................... 149 - Seydou Madani Sy......................................................................... 159 - Mamadou Diouf ............................................................................ 171 DÉBAT SUR LES INTERVENTIONS DE L'APRÈS-MIDI........................... 191 CONCLUSION : Abdou Diouf, secrétaire général de l'O.I.F. ............ 207 ANNEXES.......................................................................................... 215 INDEX .............................................................................................. 265 – 7 – ALLOCUTION D’OUVERTURE JEAN-LOUIS DEBRÉ, Président de l’Assemblée nationale Messieurs les Présidents, Messieurs les Ministres, Chers collègues, Mesdames, Messieurs, Nous commémorons cette année le centième anniversaire de la naissance de Léopold Sédar Senghor qui fut, à la fois, un poète d’exception, un parlementaire clairvoyant et le premier président de la République du Sénégal. Je me réjouis de l’initiative de la section française de l’Assemblée parlementaire de la Francophonie d’organiser, à l’Assemblée nationale, le colloque qui nous réunit aujourd’hui pour rendre ainsi hommage à celui qui fut, il ne faut pas l’oublier, un député de la République française. Ce colloque n’a pas pour but de ressasser un passé, de nous retourner en arrière pour réveiller avec nostalgie les élans impétueux d’un jeune député qui n’est plus. Il ne s’agit pas davantage d’évoquer avec tristesse l’entreprise francophile de Senghor pour conclure que son action remarquable restera pour toujours inégalée. Cela, je crois que Senghor ne l’aurait pas souhaité. Au contraire, nous devons nous inspirer de sa vie, de ses combats, de ses idéaux pour construire, pour imaginer la Francophonie de demain, pour éclairer avec un regard lucide ses enjeux actuels, pour réaliser ce qu’il a jadis rêvé. Parler de Senghor, ce n’est pas se retourner vers le passé, mais bien prévoir un nouvel avenir pour la Francophonie. Cet avenir, Senghor l’avait imaginé haut en couleurs : élu par trois fois député du Sénégal, de 1946 à 1958, il gommait déjà les frontières étroites de la France en chantant les avantages d’une alliance de tous les peuples d’Outre-mer, d’une harmonie culturelle et politique qui dessinerait autour du globe un bel arc-en-ciel de frères de toutes les couleurs. C’est bien une vision poétique et idéaliste que Senghor tenta de transposer en politique. – 8 – Ceux qui opposèrent la lutte pour la négritude et l’attachement francophone de Senghor ont abîmé la richesse d’une pensée plurielle et florissante, partisane du « métissage culturel ». Pour que la « greffe » miraculeuse des civilisations ait lieu, pour que l’Afrique soit en mesure d’adopter et d’apprécier la civilisation française, il fallait au préalable qu’elle puisse offrir, elle aussi, une culture à échanger. Ainsi, Senghor n’établit aucune contradiction mais bien une dépendance entre ses deux combats : « C’est ainsi que, pendant les quinze années de mon mandat, renouvelé, j’ai continué de me battre, et pour la Négritude, et pour la Francophonie » a-t-il écrit en 1988. Alors que l’institution de la Francophonie n’avait pas vu le jour, l’idée d’un grand rassemblement germait dans cet esprit fertile. Il n’est donc pas hasardeux d’affirmer que la lutte que Senghor mena en faveur d’une Union Française flexible annonçait déjà le mariage entre les multitudes humaines autour de l’héritage culturel des Lumières et de la langue française. Pour Senghor, l’Union française avait une mission, celle de construire une fraternité mondiale placée sous l’aile de la langue française. Il a clairement exprimé cette idée lors de la séance du 13 février 1958 en déclarant à la tribune de l’Assemblée nationale : « La France ne peut se contenter d’être heureuse mais petite, limitée spirituellement à l’hexagone, car elle trahirait sa vocation vraie qui est de libérer tous les hommes aliénés de leurs vertus d’hommes » L’opiniâtreté dont Senghor fit preuve pour arracher à la métropole les droits attendus par l’Outre-mer fut souvent incomprise. L’indécision de Paris face au statut des peuples d’Outre-mer ne convenait pas à cet homme entier et sincère : car enfin, disait-il, « il faut qu’une porte soit ouverte ou fermée. Il faut que nous soyons dans la République ou hors de la République ». La pensée que Senghor construisit peu à peu durant ses années parlementaires fut un humanisme adapté aux réalités africaines, au droit coutumier, aux problèmes agricoles, aux défaillances pédagogiques. Cette réalité du terrain, méprisée par les partis de la métropole, fut largement utilisée par Senghor qui en fit la – 9 – source même des programmes politiques du Bloc Démocratique Sénégalais.1 Ce n’est pas parce que Senghor délaissait la France qu’il se dévoua entièrement aux difficultés du peuple sénégalais, mais bien parce qu’il croyait en une France où tout ne serait qu’harmonie qu’il s’engagea à revendiquer plus de droits pour ceux qui en avaient fait leur député. Déjà, en 1945 et 1946, il influença la rédaction du projet de Constitution en prônant avec émotion une réforme totale du statut des indigènes, de ceux qui avaient successivement, lors des deux guerres mondiales, versé leur sang pour un pays réticent à reconnaître leurs droits. Malgré les réformes inscrites dans la Constitution de la IVème république, l’égalité telle que la souhaitait Senghor peinait à éclore, existant à peine dans une forme théorique. Plus de justice pour les territoires revenait à concrétiser l’équité indispensable à la réalisation d’une « Union » française composée de citoyens égaux et solidaires. L’œuvre d’unification qu’il entreprit, en travaillant inlassablement pour revaloriser les statuts des employés sénégalais ou multiplier le personnel éducatif en Afrique, ne peut se comprendre qu’à la lumière de son adhésion à une tradition quasi mythique : celle de la France terre d’égalité, celle de la France mère des Droits de l’Homme. L’autonomie croissante qu’il réclama pour les territoires revenait à construire la République Fédérale française dont il a, un temps, rêvé : une république riche par sa diversité, grande par sa tolérance, universelle par son langage, qui serait le point d’orgue d’un humanisme nouveau à vocation planétaire. Ce n’est pas parce que Senghor était rongé par la fièvre indépendantiste qu’il refusa avec vigueur la loi-cadre de 1956. Bien au contraire. 1Bloc Démocratique Sénégalais (BDS) : parti politique fondé par L.S. Senghor en 1948 après sa rupture avec le parti socialiste français de l’époque, la SFIO. Le BDS remporta brillamment