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スーパー戦隊 私の愛 * * Super Mon Amour

Compagnie du 7ème étage

Association loi 1901 - Siret: 531 478 089 00026 - APE: 9001 Z - N° de licence: 2-1086611 Les Studios de Virecourt - 1 domaine de Virecourt, 86470 BENASSAY スーパー戦隊 私の愛 * * Super Sentai Mon Amour

Une équipe de super-héros japonais multicolore fait passer le temps dans son QG jusqu’à ce qu’elle décide d’aller tuer Dieu.

Sentai [sɛntaj] : Le terme sentai signifie en japonais “escadron de combat”. Il désigne également toutes les oeuvres audiovisuelles nippones (généralement des séries télévisées) mettant en scène un groupe de super-héros costumés. Le terme précis utilisé au Japon est “super-sentai” : Flashman, Bioman, etc.

Amour : L’amour désigne un sentiment d’affection et d’attachement envers un être vivant ou une chose qui pousse ceux qui le ressentent à rechercher une proximité physique, spirituelle ou même imaginaire avec l’objet de cet amour et à adopter un comportement particulier.

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J’ai toujours eu un plaisir honteux avec le super Sentaï. Je l’ai découvert avec Bioman dans les années 80, et il n’est pas étranger à ma passion pour l’esthétique tokyoïte de la fin des années 70. Un jour, à la Japan expo au début des années 2000, j’ai vu des trentenaires déguisés en personnages de manga, j’ai pris peur et j’ai enfoui cette passion, j’ai renié cet amour. Quinze ans plus tard... Shinzo Abe, premier ministre du Japon, au moment de la cérémonie de clôture des J.O. de Rio, apparaît déguisé en Mario Bros, tel un cosplayeur1 chevronné, pour présenter la prochaine nation organisatrice. Identification à échelle nationale d’une mascotte de jeux-vidéo ? Les japonais se reconnaissent-ils en Mario, le reste du monde reconnaît-il les japonais au travers de la mascotte de Nintendo ? Est-ce que ça fonctionnerait avec Bioman ? Comment en est-on arrivés là ?

1 Cosplay : Activité axée sur la personnification, qui consiste à se costumer en personnage de fiction, issu d’un jeu vidéo, d’une bande dessinée ou d’un film d’animation, et à jouer en public son personnage en imitant son comportement. Photos : (1966) et Shinzo Abe lors de la cérémonie de clôture des J.O. de Rio 2016 2 RedBuster “broken helmet”, dans un épisode de la série télévisée Tokumei Sentai Go-Busters diffusée au Japon le 26 février 2012.

Genèse du projet

La paternité approchant, les questions de vie se chamboulent. Régler ce qu’on a laissé en suspens, penser très égoïstement et succinctement au long cheminement vers l’âge adulte. On passe par des phases assez régressives liées aux moments de l’enfance, notamment celles passées devant les héros du petit écran. Dans les années 80 les super-héros ont vécu une crise de la maturité quasi-prométhéenne qui les confrontait à leurs auteurs. Par le truchement des dramaturgies, ils se retrouvaient face à leurs créateurs, comme au temps d’Ulysse. L’envie de pousser toujours plus loin les frontières avec la fiction incite à rencontrer non plus des images de la création mais les auteurs et autrices eux-mêmes. Ce ne sont plus des allégories mais des tentatives de débordement du monde imaginaire dans le réel des créateurs, ainsi, des dialogues s’imaginent avec les concepteurs. Les enfants, comme les héros, doivent tuer le père d’une manière ou d’une autre pour s’affirmer comme entité autonome capable de discernement et d’esprit critique, résister à toutes les contradictions inhérentes à leur condition. En s’attaquant à une analyse plus approfondie de la figure du héros, on doit pouvoir enquêter sur les circonstances de sa création et de sa pérennité dans la tête du consommateur de fiction ou dans l’inconscient collectif.

En quête d’émancipation il s’agit, pour lui, d’en finir avec le temps de l’insouciance et de rentrer dans le monde de la responsabilité. Pour passer à l’âge adulte il faut régler un complexe, rompre avec son héritage : tuer le père, tuer le créateur, tuer Dieu. Cependant, si le héros est toujours omniprésent c’est peut-être que, à l’instar du fantôme, il n’a pas terminé sa mission. Défenseur des opprimés, je m’imagine prenant la défense de la culture populaire japonaise en apparence déviante et débridée, souvent moquée pour son mercantilisme facile et sa morale de cour de récréation, trop manichéenne pour être honnête. Si l’on enquête sur la généalogie esthétique de celle-ci, on découvre un déni lié à un traumatisme gros comme un champignon atomique. C’est tout l’enjeu de ce projet : exposer, tant que la proximité historique nous le permet, l’origine d’une histoire destinée aux enfants et devenue archétypale. Une histoire reprenant le rôle jadis tenu par les contes de traditions orales. De l’objet de consolation à l’objet de consommation

Mars 1954, plusieurs pêcheurs japonnais perdent la vie suite aux essais nucléaires américains de Castle Bravo1. La même année, dans une réponse instinctive et spontanée, Ishiro Honda, réalise le premier Godzilla. Il y aborde la question du nucléaire au Japon et de sa démilitarisation qui n’ont pas été posées depuis la fin de la guerre, 10 ans plus tôt. L’idée de traiter d’une thématique aussi sérieuse et complexe que la dissuasion nucléaire avec des suit-motion2 prête à débat. Pourtant c’est ce que le média audiovisuel japonais digère depuis lors avec les productions de la Tōhō3 au cinéma et de la Toei4 à la télévision. Godzilla incarne d’abord un danger venu de la mer. Un événement si destructeur qu’il met en perspective l’utilisation d’une arme amorale, tout aussi dangereuse. Il devient par la suite un allié des humains, puis un symbole de paix, et ne tarde pas à devenir une mascotte, pour les petits comme pour les grands. On passe du cinéma d’auteur au cinéma d’exploitation tout public et international dès son troisième opus qui propose une rencontre avec King-Kong. En 60 ans, même si les effets spéciaux et le matériel de tournage se sont développés, les opus de Godzilla et les épisodes des séries super-sentai sont demeurés sensiblement écrits, réalisés et montés de la même manière. Cependant le public ne faiblit pas, au contraire. De 1954 à nos jours, la franchise Godzilla a donné pas moins de 31 films. De 1975 à 2016, ce sont 40 séries sentai (comprenant entre 35 et 85 épisodes à chaque fois), et 17 metal hero5 de 1982 à 1998. La série « Kamen-rider » comprend plus de 30 variations depuis 1971. Ultraman, record de longévité depuis 1966, est à l’affiche de 29 séries, 30 films, 33 téléfilms et exclusivités VHS, 9 mini-shows, 3 séries pour les tout-petits, 94 jeux vidéos. Sans compter les films cross-over entre les séries, les adaptations live, les remake chinois, taïwanais, coréens… C’est véritablement indénombrable. Le temps aidant, les choses deviennent de plus en plus schématiques. A la base l’idée est de se purger avec des fictions mettant en scène un ennemi commun à l’humanité, qui, dans sa défaite, garantira une paix mondiale. Pourtant, le propos change avec le temps et petit à petit l’effort des scénaristes s’oriente vers un sentai « vitrine de jouet », supplantant ainsi les messages universalistes et pacifistes des débuts. Ce n’est pas qu’il n’y a plus d’ennemi, il n’y en a jamais eu, c’est que les super héros sont devenus des super vendeurs, voire des super-vendus.

1 Castle Bravo est la bombe H la plus puissante jamais testée par les États-Unis. L’explosion eut lieu sur l’atoll de Bikini, le 1er mars 1954 lors de l’opération Castle. 2 Suit-motion : procédé qui consiste à filmer un comédien intégralement costumé pour donner vie à un personnage irréel ou fantaisiste. 3 Tōhō : créée en 1932, elle est une des plus grandes maisons de production de cinéma japonais à qui l’on doit notamment la fameuse série des Godzilla et autres créatures ainsi que plusieurs des films du réalisateur Akira Kurosawa. 4 Toei : société de production et diffusion de téléfilms, séries et films d’animation, créée en 1950. 5 Metal-heros : héros en armure métallique.

4 Histoire d’une grammaire audiovisuelle

La grammaire audio-visuelle des Kaijū eiga (litt. « cinéma des monstres ») est réutilisée dans la plupart des séries télé de héros : les rues de Tokyo qui se vident, le sol qui s’ouvre en deux, le gigantisme des ennemis, des alliés également... Tout ceci est une manière de parler du Japon, dans son rapport à l’occupant américain, à ses tremblements de terre, dans sa relation schizophrénique avec le nucléaire comme arme et comme énergie. Tout un pan de pop-culture se conclut dans l’animation, comme dans le « live » par l’apparition de géants robotisés, monstrueux, extra-terrestres, etc.

Accaparation d’une esthétique - inspiration méthodologique

La culture du mitate est partie prenante de la tradition artistique nippone, (c’est-à-dire voir quelque chose non pas tel qu’il se présente sous sa véritable nature, mais sous forme de transposition, d’évocation ou de métaphore). Les théâtres Kabuki et Nô constituent des exemples du mitate. À l’intérieur du costume de monstre, il y a un humain qui l’anime ; néanmoins l’illusion fonctionne en acceptant cette convention. De la même façon, on ignore le Kuroko (l’aide de scène vêtue de noir) dans le théâtre de marionnettes. Idem avec un film de monstre. Cf. Minoru Kawasaki1. Dans la majorité des films fantastiques japonais, le but n’est pas de reproduire la réalité mais plutôt de présenter une imagerie à la fois attrayante et stimulante. À l’opposé des images empreintes d’un très grand réalisme des artisans américains d’effets visuels des films de science-fiction et de la majorité des films fantastiques, cette imagerie peut même parfois se révéler poétique et évocatrice.

Co-créateur de Godzilla, le spécialiste des effets spéciaux Eiji Tsuburaya, crée la Tōhō, boîte de production à l’origine de toutes ces séries basées sur le même modèle dramaturgique. Comme beaucoup de japonais, il est partisan du suit-motion en réaction à la suprématie de la stop-motion2, un homme costumé rend plus compte du vivant qu’une figurine animée. Il n’a jamais caché son envie d’étendre le public de ses créations. Il produira Ultraman, recyclant les monstres de la Toho, les séries Tokuhatsu3, etc. Anecdote sympa mais pas indispensable : En comparaison, la version américaine du premier Godzilla était amputée de nombreuses scènes. Les contre-champs étaient tournés aux USA avec un acteur américain. Godzilla devenait l’histoire d’un journaliste interprété par Raymond Burr (Perry Mason, L’homme de fer). 50 ans plus tard Haim Saban rachète les droits de série Super Sentai et fait la même chose en inventant les , il garde les scènes costumées et retourne tout le reste avec des teenagers américains. Choc des esthétiques. L’art visuel japonais tente rarement d’être réaliste à la manière occidentale. Ce n’est tout simplement pas une préoccupation, et critiquer cette absence de réalisme dans l’art japonais s’avère hors de propos.

1 Minoru Kawasaki dans “Godzilla: Une métaphore du Japon d’après-guerre” de Alain Vézina. 2 Stop-motion : animation image par image qui consiste à prendre une photo fixe d’une scène fixe, de modifier légèrement le contenu de la scène, reprendre une autre photo fixe, modifier, ad libitum. 4 Tokuhatsu (contraction de tokushu satsuei qui signifie « effets spéciaux ») :séries télévisées japonaises très riches en effets spéciaux. On en distingue en plusieurs catégories : - le henshin heros, c’est-à-dire des héros se transformant () - le metal hero, c’est-à-dire des héros en armure métallique (X-Or, Jiban, B-Fighters) - le super sentai, c’est-à-dire des héros en armure colorée (Bioman, Liveman, Jetman) - le onna senshi, c’est-à-dire des jeunes filles sauvant le monde () - le , c’est-à-dire des monstres géants dévastant des villes ou se combattant entre eux (Godzilla, Gamera) 5 Note d’intention

Vers un théâtre des échelles et des figurines. En s’inspirant des codes cinématographiques développés plus haut, nous chercherons à reproduire au théâtre les effets visuels des Kaijū eiga. Dans un hangar, quartier général de Super Sentai, une équipe joue avec les gadgets qui lui sont proposés. Une caméra permet de retransmettre du live en jouant sur les échelles entre les figurines-jouets et les acteurs. Nous rêvons d’une pièce pleine de gadgets, de robots géants et de vidéos sur la gestion post-traumatique d’une apocalypse. Autopsie de la culture pop. Dans ce lieu, nous irons de la décision de la capitulation japonaise en 1945, au futur le plus lointain, quand le sentai sera devenu une religion, en passant par le plateau de tournage du film Godzilla. C’est facile de se moquer d’une culture pop déviante et ridicule, mais si l’on pousse un peu, que peut-on trouver dans la psyché d’une pop culture ? Après avoir travaillé sur le monde du recrutement et les masques sociaux lors de notre dernière création, nous avons développé un procédé d’écriture qui nous est propre. Chaque membre de l’équipe artistique (metteur en scène, comédiens, techniciens) apporte des matériaux, littéraires ou autres, en lien avec les thèmes choisis. Nous alternons entre la table et le plateau, parfois même mêlons les deux. Puis vient le temps des « traversées », vraie phase d’écriture au plateau. Durant les traversées, nous essayons divers montages, tentons d’inclure les éléments travaillés lors des préparatifs, tout en se laissant surprendre par le présent du plateau et des situations. Le but est d’amener les comédiens à se surprendre mutuellement. Il s’agit de rendre le plus présent possible l’échange entre les acteurs et notre procédé de création qui laisse la place au risque et aux accidents. Trois actes : d’abord la constitution d’un traumatisme, où l’on imaginera le rôle des dé- cideurs japonais dans le choix de la capitulation après Nagasaki. Puis, la création d’une mythologie adaptée à une communication de mascottes, où l’on verra comment travestir une œuvre artistique puissante en matrice à vitrine de jouets ; et enfin une dernière partie sur le rôle des super-héros quand il n’y a plus d’ennemi à abattre.

1 Kaijū eiga : litt. « cinéma des monstres »

6 L’équipe

Sébastien Chassagne Comédien, metteur en scène (CRR Versailles et ESAD) Collectif Le Foyer Romain Duquesne Comédien et auteur (cons. VIème arr. et ESAD) Master II en art du spectacle Intervenant formateur (EFDV) Jean Pavageau Comédien et metteur en scène (cons. Hector Berlioz et ESAD) Fondateur Cie 7ème étage Intervenant formateur (EFDV) Maëlia Gentil Comédienne (ESAD) Clément Belhache Comédien, metteur en scène (EDT91 - Groupe 4 - Comédie Errante) Compagnie comme si Formateur à l’EDT91 Karl Ludwig Francisco Régisseur et créateur lumières (CFPTS) Formateur (CFPTS)

7 Compagnie du 7ème étage

CONTACTS

Compagnie du 7ème étage Association loi 1901 Siret: 531 478 089 00026 APE: 9001 Z N° de licence: 2-1086611

Siège Social 1 Domaine de Virecourt (les Studios de Virecourt) 86470 BENASSAY

adresse postale 18 avenue Victor Cresson 92130 Issy les Moulineaux

email [email protected]

site internet www.cd7e.com

X-Or, le shérif de l’espace (宇宙刑事ギャバン, Uchū Keiji Gyaban), série télévisée japonaise du genre « metal heroes » (1982).