Myriam MIHINDOU
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Mohamed LEKLETI « Khamsa » Du 19 Janvier au 17 Mars 2019 Sans titre, 2018. Technique mixte et taxidermie sur bois, 114 x 160 cm 3, avenue de Grande Bretagne. 66000 Perpignan / Tél : 04 68 34 14 35 [email protected] / www.acentmetresducentredumonde.com Khamsa L’art que nous aimons et défendons « à cent mètres du centre du monde », est celui qui nous unit, parce qu’il sublime et transcende la vie, et nous ouvre à autrui et au monde. Cet art est celui de la communion d’esprit et de cœur entre tous les gens qui n’ont pas renoncé au sensible, à l’émotion, à la spiritualité, au magique peut-être, et à la nature archaïque et profonde des valeurs qui justifient notre existence sur terre et avec nos semblables. L’art est ainsi, au-delà de ses différents modes d’expression, facteur de réunification entre les hommes, et c’est en ce sens qu’a été conçue cette exposition, par, avec et autour de Mohamed LEKLETI intitulée KHAMSA *, et qui réunit donc fraternellement quatre autres artistes. Nous remercions Mohamed Lekleti pour sa généreuse proposition de partage et de confrontation amicale avec des modes d’expression et des écritures différentes, différents des siennes et différentes entre elles, car elle nous ouvre un large accès au questionnement sur notre Être pensant et sensible. * Platon, puis Aristote pensait que le monde était régi par cinq éléments : l'air, l'eau, la terre, le feu, et la quintessence qui donnait le souffle de vie khamsa signifie en arabe le chiffre cinq. Ici il fait allusion au nombre d'artistes exposés. Par ailleurs, le choix de ce titre n'est pas fortuit car l'exposition regroupe des artistes issus essentiellement du continent africain et du Maghreb. En Afrique du nord, Khamsa, est un symbole utilisé comme amulette et talisman par les habitants pour se protéger contre le mauvais œil, il signifie aussi les cinq piliers de l'islam . Artistes invités Damien DEROUBAIX Mohamed ELBAZ Myriam MIHINDOU Yazid OULAB Mohamed LEKLETI Fatwa, 2018. Technique mixte et taxidermie sur panneau de bois. 130 x 160 cm « Le monde est une fête macabre » Mohamed Lekleti vit avec son talent, une faculté singulière à composer des scènes complexes installées dans la toile d’araignée d’un dessin virtuose. Un fatum en quelque sorte qui lui permet de toucher aux sujets les plus délicats. Son dessin, ses dessins portent des représentations que notre œil reconnaît tout en les distinguant des représentations communes. Mais notre capacité à reconnaître les signes se heurtent immédiatement à l’implosion de notre pensée. Que voyons-nous ? Des images immédiatement politiques sont offertes tour à tour comme les séquences d’un même discours. Les femmes apparaissent sans subjectivité, voilées parfois et voyagent dans l’espace du dessin avec des hommes indéfinissables dont l’identité, l’activité, le désir se logent dans des corps aux organes twistés. Leurs membres tendent vers on ne sait quel pôle d’attraction, absent peut-être, invisible sans doute. Des tropismes secrets connectent les êtres et les ressorts de la sexualité semblent être la plus pauvre explication de ce chambardement. La tension est ailleurs d’abord dans la facture de dessin. Dans le dessin de Mohamed Lekleti tout excède. Les scènes semblent prises dans un déséquilibre dont la meilleure comparaison pourrait aller vers le fonctionnement singulier des textes de Georges Bataille. Le peintre touche comme lui au mille-feuilles composé par les strates politiques, morales, religieuses, toutes résiduelles dans l’échafaudage de notre culture. Cette addition donne au regardeur l’ambition de tenter une recomposition des scènes éclatées. Dans « Confidences » par exemple, un nuage très sombre concurrence l’ombre discrète qui suit la cavalière masquée, ectoplasmique et sans visage. L’âne est par deux fois inachevé : ses deux membres antérieurs se perdent dans le pointillé d’un dessin en devenir, sa tête absorbe le corps d’un homme dont le visage s’émancipe de son propre corps. Une plume apporte une distinction bleue, un petit schéma semble être venu se poser comme dans une planche de l’Encyclopédie et suggère, peut-être la nécessité d’un « plugging ». Nous sommes donc devant ce dessin, dans la dynamique du récit. Avec confiance nous pouvons croire que nous allons sceller le sens de cette charade. Peine perdue, l’élégance dénie la violence implicite, le caractère composite des accessoires met en panne notre imagination recomposante. Sans doute est-ce la force et la dignité du travail de Mohamed Lekleti de nous mettre en panne. Nous savons tout de ces représentations et nous ne savons rien de l’effet e ces représentations sur nous-mêmes. Tes yeux creux sont peuplés de visions nocturnes, 2017 Technique mixte et taxidermie sur papier, 120 x 150 cm Quand nous abordons le diptyque « Jeux d’enfants », certes les enfants jouent dans leur vêture impeccable mais pour l’essentiel ils nous font savoir que tout se jouera à la mêlée, dans l’intensité des gestes et dans l’intensité du jeu, celui-là même qui agite le couple sur une chaise de bureau à droite de la représentation. Les pulsions ici débordent et s’inscrivent dans les corps qui fusionnent. Les « Enfants jouant aux barres » de Gasiorowski, ne sont pas loin. Ainsi va le dessin de Mohamed Lekleti, en lui les femmes sont triples comme des bouquets torturés et la modernité jouxte des figures fantomatiques peuplant les déserts vastes comme les pages blanches de l’artiste. Œuvre après œuvre, c’est l’ambition des sujets qui nous étonne. Pour avoir adopté le dessin l’artiste a trouvé un instrument particulièrement incisif. Ce dessin fonctionne sur le mode de la morsure. Et quand nous avons consommé ravissement et douleur, nous savons que l’artiste nous à la fois offert la complexité du monde et de l’actualité, et dans le même temps le savoir virtuose que son dessin impose comme un soin. Devant cette œuvre nous pouvons demeurer dans nos rêves, penser aux foules galopantes de Jérôme Bosch, aux traits magistraux des illustrateurs de l’Encyclopédies, aux quelques œuvres dessinées militantes et oniriques qui interpellent l’actualité. La couleur, la présence de la taxidermie du corps animal complexifient la proposition de l’artiste. C’est aussi la porte du cabinet de curiosité qui s’entrouvre et s’entend ici, le chant baroque de tous ceux qui y sont captifs Mohamed Lekleti sait aussi quand il le faut abandonner la complexité et se concentrer sur l’efficacité du dessin. Ici comme dans d’autres expositions - où Bachar El Assad fut épinglé-, un dessin qui a valeur d’affiche interpelle la décision de Donald Trump de désigner Jérusalem capitale et ce d’un coup de menton. L’artiste répond, frontalement et le support du dessin devient le support d’un duel. Michel Enrici 2018 Artistes invités Damien DEROUBAIX Né en 1972 à Lille, FR Vit et travaille à Meisenthal, FR Damien Deroubaix a étudié à Saint-Etienne et en Allemagne (Karlsruhe 1998). Depuis 2003, son travail a été exposé dans les meilleures institutions européennes et a fait l'objet de nombreux solo shows particulièrement en Suisse et en Allemagne. Il a effectué de longs séjours à l'étranger, notamment lors des résidences au Künstlerhaus Bethanien à Berlin (2005) et Iscp à New York (2008). En 2009, il est nominé au Prix Marcel Duchamp. Ses oeuvres font partie des plus grandes collections nationales Musée d´art Moderne Centre Pompidou, Mamc Strasbourg, les Frac Midi-Pyrénées, Limousin et Basse Normandie, Fnac cnap, Musée du dessin et de l'estampe originale de Gravelines et internationales, entre autres celles du Museum of Modern Art New York, du Centre Pompidou Paris, du Mudam, Luxembourg, Saarlandmuseum Saarbrücken, Museu Coleçao Berardo Lisbonne, Albrecht-Dürer-Haus-Stiftung Nuremberg, Kunstmuseum St Gallen. La pratique artistique de Damien Deroubaix est marquée par une grande diversité de formes et de techniques : peinture à l’huile, aquarelle, gravure, tapisserie, panneaux de bois gravés, mais aussi sculpture et installation. À cette variété formelle répondent des sources et des références des plus éclectiques, cohabitant souvent au sein de ses œuvres dans un esprit qui n’est pas sans rappeler celui, iconoclaste, des montages Dada. Des motifs empruntés aux danses macabres médiévales s’y mêlent à des évocations de chapitres tragiques de l’histoire contemporaine ; des images d’actualité y côtoient la mythologie ou le folklore ; l’histoire de l’art et la scène musicale metal s’y télescopent. Ouvertement expressionnistes, ses peintures convoquent bien souvent des thèmes apocalyptiques, et c’est peut-être ce qui les rend si intemporels. 3 Figures dans un paysage, 2014. Eau-forte, gratoir, 41,5 x 50 cm Mohamed ELBAZ Né à Ksiba au Marroc, en 1967, Mohamed Elbaz est diplômé en arts plastiques de l’Ecole Régionale d’Art de Dunkerque en 1989, il obtient en 1992 le diplôme supérieur d’expression plastique à l’Ecole Nationale Supérieur de Paris. Il vit et travaille à Casablanca au Maroc et à Lille en France A ras la mémoire ! On raconte que le prophète entra un jour à la maison, trouva une tapisserie (certainement persane) où figuraient des chevaux ailés, qu’Aicha sa jeune épouse rouquine et coquette utilisa pour couvrir « l’armoire » de la maison. Le prophète hostile aux images qui lui rappelaient certainement les idoles tant adulées au temps de son enfance. Il arracha la tapisserie, la déchira en deux et la jeta. La Femme du Prophète prit les deux morceaux et en concocta deux coussins. Le récit de Aïcha se termine ainsi : « et je vis le prophète s’asseoir sur pour se reposer » ! Que nous dit ce récit entre verticalité et horizontalité ? Tout simplement que l’image (la même image de surcroît) est dangereuse quand elle est à contempler.