Sur les pas de Paul

Brest Quimper Centre de recherche Société archéologique bretonne et celtique 1997 du Finistère Sur les pas de Paul Aurélien

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Document numérisé en 2015 i

1r Sur les pas de Paul Aurélien

Colloque international Saint-Pol-de-Léon • 7-8 juin 1991

organisé par le Centre de recherche bretonne et celtique de l'université de Bretagne occidentale

Actes réunis et publiés par Bernard TANGUY et Tanguy DANIEL

Dragon de la page de couverture : cliché J. Feutren.

I.S.B.N. 2-906790-02-8 Brest Quimper Centre de recherche Société archéologique Tous droits de reproduction interdits bretonne et celtique 1997 du Finistère SOMMAIRE DU COLLOQUE

Colloque intemational

organisé par Vendredi 7 juin Le Centre de recherche bretonne et celtique (C.R.B.C.), • Université de Bretagne occidentale, Brest, Le Comité Paul Aurélien, Président de séance : Yves LE GALLO, professeur émérite à l'université de Bretagne occiden­ tale, C.R.B.C. avec le concours . P. GALLIOU, maître de conférences à l'université de Bretagne occidentale, C.R.B.C. du Conseil général du Finistère, -Avant saint Paul: le Léon à l'époque romaine. de la Ville de Saint-Pol-de-Léon, de l'Association culturelle et artistique du Léon et de Radio-France Bretagne Ouest. Président de séance: Gwenaël LE Duc, professeur à l'université de Haute-Bretagne, Rennes Il.

Sean Mc GRAIL, professeur à l'université d'Oxford. - De la Grande à la Petite Bretagne au temps de saint Paul Aurélien. Alan LANE, senior lecturer à l'université du pays de Galles, Cardiff.- La Grande-Bretagne occidentale du V' au VIr siècle: l'arrière-plan insulaire de saint Paul Aurélien. François KERLOUÉGAN, professeur à l'université de Franche-Comté, Besançon. -La Vita Pauli Aureliani d'Uurmonoc deLandévennec. · Bernard MERDRIGNAC, chargé de cours à l'université de Haute-Bretagne, Rennes II. -Des origines insulaires de Paul Aurélien.

Diaporama sur Paul Aurélien (M. et Mme Caouissin).

7 Samedi 8 juin

Président de séance: Jean KERHERVÉ, professeur à l'université de Bretagne occidentale, C.R.B.C.

Bernard TANGUY, chercheur au C.N.R.S., chargé de cours à l'université de Bretagne occidentale, C.R.B.C. -L'itinéraire religieux de saint Paul Aurélien en Léon. Jo IRIEN, archéologue et écrivain, Tréflévénez. - Le culte de saint Pau! Aurélien et de ses dis­ AVANT-PROPOS ciples. Yves-Pascal CASTEL, chercheur à l'Inventaire général de Bretagne. -Les reliques de Paul Aurélien.

Visite guidée de la cathédrale. Il y a six ans, les 7 et 8 juin 1991, se tenait à Saint-Pol-de-Léon le col­ loque international «Sur les pas de Paul Aurélien>>. Ce colloque s'inscrivait Table ronde: Paul Aurélien, son époque, sa vie, son culte. dans le cadre des manifestations organisées par la municipalité saint-poli­ Présidence: André CHÉDEVILLE, professeur à l'université de Haute-Bretagne, taine pour célébrer le quinzième centenaire de la naissance du saint fonda­ Rennes Il. teur de la cité, qui naquit, aux dires d'Albert Le Grand, «l'an de grâce 492>>. Participants: Y.-P. Castel, P. Galliou, J. Irien, F. Kerlouégan, A. Lane, G. Le Duc, Jean­ Organisé conjointement par le Centre de recherche bretonne et celtique et le Louis Le Floc'h (archiviste diocésain), S. Mc Grail, Marc Simon (moine à l'abbaye de Comité Paul Aurélien, avec le concours du conseil général du Finistère, de Landévennec), B. Tanguy. la ville de Saint-Pol-de-Léon et de l'Association culturelle et artistique du Léon, ce colloque, à l'instar de celui qui s'était déroulé àLocronan en 1989, Exposition Marc Robert à la maison prébendale : Mythes celtiques et nordiques. avait l'avantage de se tenir in situ et d'être ouvert à un large public. Le suc­ cès rencontré par cette formule, succès qui s'est confirmé, trois ans après, avec le colloque consacré à l'abbaye de Saint-Mathieu, témoigne qu'elle per­ met de répondre à une attente débordant largement le cercle du happy few des initiés. Le sujet aurait pu pourtant rebuter, saint Paul Aurélien appartenant aux temps les plus obscurs de l'histoire de la Bretagne, avec ce qu'ils com­ portent d'incertitudes et de difficultés d'appréhension pour le spécialiste et, a fortiori, pour le néophyte, fût-il averti. Tâche ardue que celle de l'historien, quand le témoignage principal est celui d'un hagiographe écrivant la Vie de son héros quelque trois siècles plus tard et regrettant lui-même de ne pou­ voir, parmi ses frères et sœurs, en citer que trois, les autres ayant «disparu du trésor de la mémoire en raison de l'énormité du temps écoulé depuis et de l'étendue considérable de mer et de terre séparant son pays du leur>>. Tâche passionnante cependant quand, soumis, sous des. angles différents, à la cri­ tique la plus experte, ce témoignage conduit à la redécouverte d'un pan d'his­ toire qui, s'il n'apparaît en pleine lumière, retrouve néanmoins forme et consistance.

8 9 Sur les pas de Paul Aurélien Avant-propos Écrite en 884 par le moine Wrmonoc, la Vita sancti Pauli Aureliani, l'une L'organisation matérielle n'aura pas été en reste. La municipalité de des plus importantes vitae bretonne.~ anciennes, ne pouvait être qu'au centre Saint-Pol-de-Lédn, en la personne de son maire, M. Adrien Kervella, et de de ce colloque. Aussi convenait-il, en premier lieu, d'en éclairer la forme et son adjointe à la Culture, Mm• Marie-Thérèse Mesguen, le Comité Paul le contenu. Nul n'était mieux désigné que M. François Kerlouégan pour étu­ Aurélien n'ont pas ménagé leurs efforts pour que le colloque se déroule dans dier les conditions de sa rédaction, ses aspects stylistiques, les différents les meilleures conditions et que s'instaure un climat de convivialité et de cor­ manuscrits qui en assurèrent la transmission. Quant au contenu, la partition dialité entre les participants. Nous les en remercions vivement. de l'ouvrage en deux livres, l'un consacré à la partie insulaire, l'autre à la Nous adressons ces mêmes remerciements à Mm• Chantal Guillou, partie continentale de la vie du saint, suggérait qu'il fasse l'objet d'une secrétaire administrative du Centre de recherche bretonne et celtique, dont double analyse : spécialiste incontesté de l'hagiographie bretonne, M. l'action fut déterminante pour la mise sur pied aussi bien que pour la tenue Bernard Merdrignac se chargea de la première, nous-même de la seconde. du colloque, ainsi qu'à Mm• Isabelle Bray, qui la seconda avec efficacité. L'examen des données de la Vit a appelait des prolongements. Il était Nous y associons, pour son précieux concours, M. Denis Le Guillou, tech­ essentiel d'apporter un éclairage, d'une part, sur l'arrière-plan insulaire et nicien du service audio-visuelde l'université de Bretagne occidentale. plus spécialement sur celui de l'ouest de la Grande-Bretagne àl'époque du S'agissant de l'organisation scientifique, nous remercions vivement éga­ saint, ainsi que sur les problèmes posés par la navigation en ces temps recu­ lement M.. Patrick Galliou pour le soutien qu'il a apporté à sa réalisation, lés, d'autre part, sur la situation du Léon à la fin de l'époque romaine. En la notamment pour s'être chargé de solliciter la participation des chercheurs matière, il était souhaitable de faire appel à la compétence d'archéologues. britanniques et d'assurer la traduction de leurs communications. Se fondant sur les données les plus récentes de l'archéologie, deux cher­ cheurs britanniques spécialistes, l'un, M. Alan Lane, de l'archéologie médié­ Publiés aujourd'hui avec le concours de la Société archéologique du vale de l'Écosse, de l'Irlande et du pays de Galles, l'autre, M. Sean Mac Finistère, les Actes du colloque n'ont pu voir le jour plus tôt. Des difficultés Grail, de l'archéologie maritime, se penchèrent sur les deux premiers aspects matérielles en ont différé la parution. Sans doute, d'aucuns regretteront que de la question, tandis que M. Patrick Galliou, spécialiste de la Bretagne le point d'orgue se soit fait attendre, mais nous sommes persuadé que le romaine, faisait le point sur le troisième. - contenu des Actes ne les décevra pas. Les communications sont présentées dans l'ordre de leur déroulement. Certaines d'entre elles ont été remaniées Se devait d'être aussi abordé le culte du saint en Bretagne et en sa ville ou augmentées, parfois notablement, par leurs auteurs mais conservent la de Saint-Pol. Parfait connaisseur de l'hagiographie bretonne, l'abbé Jo lrien substance de l'exposé qui en a été fait. Ces Actes fourniront au lecteur un consacra une étude exhaustive au culte du saint et de ses disciples dans la état de la recherche. Il lui faudra sans doute remettre en question certaines péninsule. Il revenait à un Saint-Politain de souche, l'abbé Yves-Pascal idées reçues, mais il est des renoncements salutaires quand ils conduisent Castel, chercheur à l'Inventaire, spécialisé, en particulier, dans le domaine vers la recherche d'une plus grande vérité historique. de l'orfèvrerie religieuse ancienne, de traiter de la question des reliques et des objets liés au culte du saint, notamment de sa cloche et de son étole. Si, en clôture, lors de la table ronde, présidée par M. André Chédeville, d'autres aspects n'ont pu être évoqués que très succinctement, grâce à la Bernard TANGUY présence, outre des intervenants, de M. le chanoine Jean-Louis Le Floc'h, Chargé de recherche au C.N.R.S.- C.R.B.C. de frère Marc Simon et de M. Gwenaël Le Duc, le colloque aura du moins permis,- et les Actes sont là pour l'attester-, de parvenir à des conclusions, qui pour n'être pas toutes définitives, ont le mérite d'offrir une vision très largement renouvelée tant en ce qui concerne la vie du saint et le contexte de son époque que les manifestations de son culte. Que les différents inter­ venants et les présidents de séance soient remerciés d'avoir par leur compé­ tence et leur disponibilité contribué à la réussite scientifique de l'entreprise et de lui avoir conféré un haut niveau. 10 11 Avant saint Paul: le Léon à l'époque romaine

.·par Patrick Galliou *

Ignoré des historiens et géographes de conquise dans les dernières décennies du l'Antiquité, longtemps négligé par les archéo-· u• siècle avant notre ère. La diffusion des logues qu'attiraient plus volontiers les vins italiens dans l'ouest de la péninsule bre­ vestiges des capitales des cités armoricaines tonne, diffusion dont témoignent les ou des grandes villas parsemant le littoral amphores italiques mises au jour sur les îles méridional de la Bretagne, le Léon n'occupe Geignog et d'Jock, à Milizac ou à ~lounévez- qu'une bien maigre place dans les ouvrages consacrés au lointain passé de la région. *Centre de recherche bretonne et celtique (U.R.A. 374 Il faut pourtant bien admettre que ce du C.N.R.S.), Université de Bretagne occidentale. petit terroir, bien délimité par ces frontières 1 Cf. par exemple, J.-L. MONNIER, «Le Paléolithique du naturelles que sont la Manche et l'Atlantique Finistère : un état de la question», Bulletin de la Société archéologique du Finistère, t. CXV, 1986, p. 17-41 à l'ouest et au nord, l'Élorn et les monts (Porspoder, Plouzané, Kerlouan, etc.). d'Arrée au sud et, dans une moindre mesure 2 P.-L. GOULETQUER, J.-L. MONNIER, «Les civilisations le Queffieuth à l'est, a une longue histoire, de l'Épipaléolithique et du Mésolithique en Armorique», que des groupes humains l'ont fréquenté dès dans H. DE LUMLEY (éd.), La Préhistoire française, vol. le Paléolithique!, s'y sont progressivement Jf2 Civilisations paléolithiques et mésolithiques, Paris, installés àu Mésolithique2 et surtout au C.N.R.S., 1976, p. 1456-1460 (Bertheaume en Néolithique3, parachevant leur développe- Plougonvelin, Saint-Michel en Plouguemeau, etc.). > ment à l'âge du bronze4 et à l'âge du ferS. Les 3 Cf. par exemple: Y. LECERF, <

ji ~·: Sur les pas de Paul Aurélien Patrick Galliou Avant saint Paul: le Léon à l'époque romaine Lochrist?, est une preuve patente de l'exis­ avons ici les traces patentes supposait que l'époque moderne. Les rares fouilles smvres site ayant d'abord été occupé par une ferme à tence de ces commerces maritimes, qui se soient dégagés des surplus qui, vendus hors entreprises sur des sites de ce type (Kera­ murs de terre et de bois, puis par une villa à poursuivaient d'ailleurs à travers la Manche ·· des limites de la région, engendraient des pro­ dennec en Saint-Frégant17, Le Valy-Cloistre · galerie de façade22, Ce phénomène, récem­ vers l'île de Bretagne8. Bien que nous ne fits, réinvestis par la suite dans la parure des en La Roche-Maurice18, etc.) ont mis au jour ment observé sur le site de La Guyomerais en sachions pas grand-chose de l'organisation villes (monuments publics) et des demeures des édifices bâtis selon les techniques ro­ Châtillon-sur-Seiche (l.-et-V.)23, traduit assu­ politique des peuples laténiens d'Armorique, rurales (villas) ainsi que dans l'achat de den­ maines, avec murs maçonnés, sols bétonnés rément des mutations sociales au cours des il est fort probable que le Léon était occupé, rées que ne produisait pas le terroir (vin, et toits de tuiles. L'organisation de ces vestiges siècles de la paix romaine, nées de l'enrichis­ dès avant la conquête romaine, par une ou huile, etc.l4). permet d'y reconnaître les restes de villas sement de certains groupes du peuple osisme. plusieurs des unités territoriales quasi auto­ S'il est encore presque impossible de bâties sur des modèles en vogue dans tout le Il est d'ailleurs possible que ces derniers aient nomes du vaste peuple des Osismes9. Cette reconstruire le paysage agricole de la région nord-ouest de l'Empire19 et qui associaient complété les revenus qu'ils tiraient de l'agri­ partition ne fut pas supprimée par l'autorité au cours des premiers siècles de notre ère, les aux bâtiments agricoles nécessaires à l'exploi­ culture par des ressources annexes, puisées conquérante et le développement de la petite nombreux gisements de tuiles signalés sur le tation du sol des demeures rurales dotées dans l'exploitation et la transformation des ville gallo-romaine de Vorganium (Kerilien en plateau léonard nous permettent d'imaginer d'un certain confort (thermes, chauffage par minerais24, du sel marin25, de l'argile enfin26. Plounéventer), au cœur de ce terroir, s'ac­ une population assez dense et un habitat dis­ hypocauste, murs et plafonds ornés, etc.). corde bien avec ce que nous savons de l'or­ persé de fermes souvent espacées de Il est certain que nous avons là les pro­ 17 R. SANQUER, P. GALLIOU, <> gallo-romain ganisation des pagi en Gaule romainelO, Ces quelques centaines de mètres15, Il n'y a là, à priétés et résidences de groupes sociaux rela- · cellules de base y sont en effet d'ordinaire de Keradennec en Saint-Frégant>>, Annales de Bretagne, vrai dire, rien d'étonnant si l'on songe à l'or­ tivement aisés - les villas armoricaines n'at­ t. LXXVIII, 1969, p. 177-189; t. LXXVII/1, 1970, p. pourvues d'un chef-lieu, jouant, à son échel­ ganisation de l'occupation humaine dans le teignent cependant jamais au luxe des grands 163- 227 ; t. LXXIX/1, 1972, p. 167-215. le, un rôle semblable à celui de la capitale de Léon à la fin de La Tène16 ou pendant palais d'Aquitaine comme Chiragan, 18 R. SANQUER, P. GALLIOU, <>, Annal!s de Bretagne, nous appelons aujourd'hui le Léon était, à t. LXXIX/1, 1972, p. 216-251. 7 P. GALLIOU, Les amphores tarda-républicaines décou­ tant leur domaine directement ou par l'inter­ cette époque, occupé par un ou plusieurs médiaire d'un intendant (villicus). Les élé­ 19 Cf. P. GALLIOU, <>, dans S. MACREADY, populations rurales>>, = deux), de membres de cette classe de paysans Aufstieg und Niedergang der romi­ proche d'un des deux noms anciens F. H. THOMPSON (éd.), Cross-Channel Trade between schen Welt, t. Il, 3, 1975, p. 98-111. libres dont on sait aujourd'hui qu'elle formait d'Ouessant (Axantos, selon Pline12) et très Gaul and Britain in the Pre-Roman Iron Age, Londres, 21 Cf. P. GALLIOU, L'Armorique romaine, op. cit., p. 96. 1984, p. 3-23. l'une des composantes principales de la socié­ probablement antérieur à la Conquête. 22 R. SANQUER, P. GALLIOU, <> gallo­ 9 C'est du moins ce que laisse supposer l'étude, encore té gallo-romaine20, romain de Keradennec ... >>, art. cité, Annales de Bretagne, très partielle il est vrai, des mo~nayages osismes. L'étude attentive des vestiges archéolo­ On doit néanmoins se garder de conce­ t.LXXIX/1, 1972, p. 167-179. 10 Cf., en particulier, A. CHASTAGNOL, <>, dans A.-M. ROUANET-LIESENFELT et 'sur-Seiche, Rennes, 1990 (fouille A. Provost). al., La civilisation des Riedones, Brest, 1980, p. 192-196. bien que fondamentalement de nature com­ villes et campagnes et sur l'existence d'un 24 Étain de Saint-Renan : une monnaie de Vespasien et un 11 C. CUISSARD, <>, Revue de leur décor. Comment douter, en effet, que R. SANQUER, «Antiquités de la région de Plouzané>>, connaît ailleurs en Armorique et en Gaule13. celtique, t. 5, 188113, p. 438, 441. la grande villa de Keradennec en Saint­ Bulletin de la Société archéologique du Finistère, t. XCII, 12 PLINE, Hist. nat.,"IV, 103. - HOLDER, Alt-celtischer 1966, p. 22-23. Le monde agricole, comme dans toutes Sprachschatz, Graz, 1961 (réimpr.), p. 318. Frégant, d'une part, et les modestes habitats 25 Dans la saunerie de Beg-ar-Vrr en Lampaul-Plouarzel, les sociétés occidentales avant la fin du des contreforts des monts d'Arrée d'autre 13 P. GALLIOU, !:Armorique romaine, op. cit., p. 54, 85, des fragments de céramique du I" siècle apr. J.-C. sont XVIIIe siècle, y constituait le pôle majeur et 92. part21, correspondent à des degrés fort diffé­ associés au gisement ; P.- L. GOULETQUER, <>, 14 J. PERCEVAL, The Roman Villa, Londres, 1976, p. 35. rents de l'échelle sociale ? L'étude fine du pre­ Les denrées qu'il produisait (céréales, vian­ Annales de Bretagne, t. XXVI, 1969, p. 137-147 ; ID., - J. DRINKWATER, Roman Gaul, Londres, 1983, p. 42. mier ensemble a d'ailleurs montré que le der­ <>, Annales de Bretagne, t. LXX­ de, etc.) servaient certes à nourrir les habi­ 15 P. GALLIOU, Carte archéologique de la Gaule: le nier état de la grande villa de Keradennec, VII, 1970, p. 153. tants des campagnes et des villes, mais il est Finistère, Paris, 1989. k daté de la première moitié du nr siècle, n'était 26 Four de potier à Penfrat-Bihan en Ploudaniel: P. GAL­ évident que l'économie de marché dont nous 16 Cf. J.-Y. ROBIC, La cité des Osismes ... , op. cit. que le stade ultime d'une longue évolution, le LIOU, Carte archéologique de la Gaule, op. cit., p. 110. 14 r 15

~-: ·~~.·..•· .. ·.•.. ' Sur les pas de Paul Aurélien Patrick Galliou Avant saint Paul: le Léon à l'époque romaine Assurant les transférts osmotiques entre le pont de Rohan29 alors que se dressait, au Mespau134, fut mis en place dans les premiers breuses trouvailles qui y ont été faites nous les campagnes environnantes et les villes plus fond de la ria de Morlaix, dans les environs temps de la présence romaine, réutilisant apportent la preuve d'une véritable romani­ éloignées, diffusant vers les populations de la rue Longue et de la rue des Fontaines, peut-être en partie des itinéraires indigènes, sation des techniques et des modes. Mais cela rurales l'idéologie et les modes de la nouvelle une petite agglomération occupant les pre­ et se double d'un maillage extrêmement signifie-t-il pour autant que les Gaulois qui culture, les petites villes de la Gaule romaine mières pentes30, On ne sait en revanche pra­ dense de chemins ruraux35. Il survécut long­ peuplaient ce terroir parlaient tous le latin ? - les vici -jouèrent un rôle capital dans l' évo­ tiquement rien d'une éventuelle occupation temps à la chute de l'Empire et ce sont bien C'est très improbable et, bien que les don­ lution de la province. Le Léon, ici encore, ne urbaine des sites de Saint-Pol-de-Léon et de des voies romaines que saint Paul et ses com­ nées épigraphiques soient pratiquement diffère guère des autres pays de Bretagne et Brest. Dans le premier cas, seuls quelques pagnons empruntèrent pour se rendre de inexistantes, la très grande majorité de la de Gaule et l'agglomération de Vorganium fragments de tuiles et une urne cinéraire Lampaul-Plouarzel à Saint-Pol-de-Léon36, Il population devait parler le gaulois, sans tou­ (Kerilien en Plounéventer)27 y joue de toute signalent la fréquentation des lieux au Haut­ est indéniable qu'il était complété par des tefois l'écrire. Le latin, comme dans bien des évidence le rôle de capitale ·régionale. Bien Empire31, tandis qu'à Brest les parages du routes maritimes et fluviales37, la jonction régions de Gaule, devait être la langue des que les fouilles y aient été d'ampleur limitée et château, où l'on serait tenté de placer un entre les deux systèmes se faisant dans les <> et des classes sociales les de nature imparfaite, il est certain que l'étoile habitat groupé, ont subi de telles modifica­ ports qui parsemaient la côte. On voit ainsi que dessinent autour de la ville les voies tions qu'il est illusoire d'espérer la découver­ que Landerneau et Morlaix sont fort bien venant de Carhaix, Morlaix, Saint-Pol, te de quelque preuve formelle que ce soit32, placés au débouché d'un riche hinterland 34 P. MERLAT, L. PAPE, <> gallo-romain de Keradennec ... ••, art. cité, concevoir, comme nous l'avons souligné plus repéré par les prospecteurs y désignent une Annales de Bretagne, t. LXXVI, 1969, p. 1~1-184. haut, sans l'existence de voies de communi­ de Vorganium. bourgade de quelque importance, réorganisée 36 Cf. C. CUISSARD, op. cit., p. 442. cation, terrestres, fluviales ou maritimes per­ Il est certain que c'était par ces ports que dans le courant du II" siècle selon un plan 37 L'Élorn jusqu'à Landerneau, en particulier. régulier généralement réservé aux capitales mettant, entre autres fonctions, l'exportation transitaient les denrées exportées et les importations destinées à être vendues dans 38 Nous ne rouvrirons pas ici le dossier du Portus de cités28. Il est dommage que nous ne des surplus agricoles et l'importation de den­ Staliocanos signalé par PTOLÉMÉE, Géographie, Il. 7. sachions pas grand-chose des rapports qu'elle rées et objets divers. On voit ainsi que le les villes et campagnes du Léon. Nous ne Bien qu'une voie importante se dirige de Kerilien en entretenait avec le pays qui l'entoure. Léon est irrigué par un réseau fort dense de savons rien des premières - céréales, viande, Plounéventer vers les parages de la grève de Porsliogan voies et chemins antiques reliant les villes et étain de Saint-Renan ? - , alors que les en Plougonvelin, aucun vestige de quelque importance On peut néanmoins raisonnablement bourgades de la civitas et desservant ainsi secondes ont laissé de très nombreux vestiges n'a été découvert près de celle-ci. En dernier lieu, voir penser que les rusticani des parages venaient Y. CHEVILLOTTE, «Le port antique de Porsliogan ?>>, l'ensemble du pagus. Ce réseau, comme le tangibles. La présence, sur tous les sites Bulletin de la Société archéologique du Finistère, y vendre diverses denrées agricoles et y ache­ montrent le milliaire de Kerscao en Kernilis, romains de la région, de fragments de céra­ t. CXVIII, 1989, p. 119-124. ter ce que leur offraient les échoppes des arti­ élevé sous le règne de Claude en 45 ou mique rsigillée de Gaule du Sud ou du ·39 Une voie, issue de Kerilien en Plounéventer, se dirige sans. Il est probable, aussi, que le théâtre 46 apr. J.-C.33, et de Sainte-Catherine en Centre40, d'amphores à vin (d'Italie, de vers le Corréjou en Plouguerneau, dans les environs accueillait, pour des fêtes profanes ou Catalogne, de Gaule du Sud)41 et à huile (de duquel plusieurs toponymes en moguer- signalent vrai­ sacrées, les foules venues des environs. la vallée du Guadalquivir)42, nous permet de semblablement l'existence de vestiges antiques. 40 Par exemple à Kerilien : P. GALLIOU, R. SANQUER, Nous connaissons encore moins bien les 27 Ce nom est donné par PTOLÉMÉE, Géographie, Il, 8, et toucher du doigt la réalité de ces échanges à longue distance et nous montre bien que, loin La sigillée décorée de Kerilien en Plounéventer, Brest, petites bourgades de Landerneau et de par le milliaire de Kerscao en Kernilis (C.l.L., XIII, 1979,67 p. 9016). d'être une frange arriérée du vaste Empire Morlaix, situées aux franges du terroir léo­ 41 Amphores Dresse12-4 et Pascual 1 à Kerilien, Saint­ nard, mais tout permet de penser que leur 28 L. PAPE, La civitas des Osismes à l'époque gallo-romai­ romain, la Bretagne occidentale était déjà Pol, etc., cf. P. GALLIOU, « Days of wine and roses ? situation de premier gué sur l'Élorn et la ne, Paris, 1978, p. 88-94 et A 149 - A 156. intégrée dans un réseau d'échanges com­ Early Armorica and the Atlantic wine trade ••, dans rivière de Morlaix, et donc de passage obligé 29 Cf. P. GALLIOU, Carte archéologique de la Gaule, op. plexes. S. MACREADY, F. H. THOMPSON (éd.), Cross-Channel cit., p. 92, avec bibliographie. Trade between Gaul and Britain in the pre-Roman Iron à plusieurs voies importantes, leur conférait Si l'étude fine des vestiges archéolo­ 30 ID., ibid., p. 112-113, avec bibliographie. Age, Londres, 1984, fig. 12-13 en particulier. un rôle commerçant ou artisanal - ou les giques nous permet de dresser un tableau 31 ID., ibid., p. 184. 42 Avec estampille L.A.G. à Kerilien : R. SANQUER, deux - non négligeable. Le centre de la bour­ relativement complet de l'activité écono­ «Chronique d'archéologie antique et médiévale>>, gade occupant l'actuel site de Landerneau se 32 ID., ibid., p. 38-40, avec bibliographie. mique du Léon romain, il faut bien avouer Bulletin de. la Société archéologique du Finistère, t. CI, situait ainsi dans la vallée, à proximité d'im­ 33 C.l.L., XIII, 1906. Cf. P. MERLAT, L. PAPE, <> et d'archéologie de Bretagne, t. XXXVI, 1956, p. 6-9, avec hommes qui peuplaient ce terroir. Comme gallo-romain de Keradennec ... ,, art. cité, Annales de et d'autre d'un gué aujourd'hui masqué par bibliographie. nous l'avons souligné plus haut, les nom- Bretagne, t. LXXVII, 1970, fig. 27. 16 17 f-

Sur les pas de Paul Aurélien ' Avant saint Paul: le Léon à l'époque romaine Patrick Galliou plus riches, le commun des indigènes se même de l'Empire. Si l'on ne connaît pas tèrent pas à installer un four rustique contre étonnante, bâtis dans les temps anciens59,,, contentant de quelques termes qu'il écorchait encore toutes les raisons de l'effondrement les décors peints ou à allumer de grands feux car l'on sait que, dès le III" siècle, de nom­ à l'occasion. de l'économie armoricaine à la fin du dans les salles d'apparat54. Cet exemple n'est breuses villes de Grande-Bretagne (Exeter, Bien que nous soyons extrêmement mal III" siècle, on ne peut toutefois douter que la d'ailleurs pas isolé et ce phénomène se voit Dorchester, Winchester, etc.) furent ainsi renseignés sur la religion de ces communau­ chute ait été brutale, que l'exacerbation des dans toutes les villas fouillées à ce jour en protégées60, alors qu'au Bas-Empire les forti­ tés -le Léon n'a livré que quelques statuettes tensions sociales et politiques ait provoqué Bretagne. Perdant leur rôle au sein d'un fications de terre ne sont pas rares sur les en terre blanche et en bronze qui ne diffè­ une totale dislocation des réseaux de com­ monde en pleine dérive, les villes, les villas ne limites de l'Empire. Il est donc fort possible rent pas de celles qui se rencontrent commu­ munication et d'échange, signifiant ainsi la pouvaient plus servir que de refuges tempo­ que l'une des deux enceintes, dont on dis­ nément en Armorique et une seule statue de mort d'un système socio-économique qui ne raires à des groupes sociaux différents ou en tingue encore la trace sur le plan de Saint­ pierre, exhumée au XVIIIe siècle près du fort pouvait fonctionner en circuit fermé52. Les voie de marginalisation, avant leur abandon Pol levé en 177661 et dont un fossé fut récem­ du Bloscon et d'interprétation difficile43 - et enfouissements monétaires contemporains définitif à la fin du IVe siècle55. ment repéré dans le bas de la place Charles­ de ces événements exhumés dans le Nord­ de-Gaulle par le commandant Cheval62 ait sur leurs pratiques funéraires44, tout permet La reprise en main des provinces par le de croire que les Gaulois qui peuplaient le Finistère sont nombreux53 et témoignent abrité une petite garnison au IVe siècle. Elle certes de l'acuité de cette crise. Mais plus pouvoir central, opérée dans les dernières avait toutefois été abandonnée par celle-ci Léon romain avaient conservé leurs cou­ années du III" siècle par les empereurs de la tumes et croyances ancestrales et n'avaient manifestes encore sont les signes d'abandon lorsque saint Paul y pénétra. qui se voient, en cette fin de siècle, à Kerilien Tétrarchie, permit certes de freiner le cours adopté, des nouvelles pratiques et mentalités, catastrophique que prenaient les événe­ Cette chaîne de forteresses avait cepen­ que celles qui n'attentaient pas à leurs tradi­ et à Keradennec. C'est ainsi que, vers les ments, mais non de l'inverser. C'est en effet à dant l'inconvénient de ne fournir qu'une tions pérennes. Ils ne différaient donc guère, années 280-300, les thermes de la grande cette époque (ou dans le courant du défense trop statique pour affronter un enne­ en cela, des autres Armoricains romanisés. villa de Keradennec furent utilisés comme habitat par des groupes humains qui n'hési- IVe siècle) que furent élevés les remparts mi extrêmement mobile. Divers inpices nous Cette permanence de traditions indi­ urbains56 et que furent édifiées, pour les incitent de la sorte à penser que ce réseau fut, gènes ne signifie pas, pour autant, que ces défenses des côtes, de vastes forteresses telles au cours du IVe siècle, complété par l'établis­ sement de contingents de paysans-soldats sur peuples occidentaux se soient enfermés dans 43 Cf. P. GALLIOU, Carte archéologique de la Gaule, op. celle dont les vestiges sont encore visibles une opposition farouche au conquérant, et cit., p. 184, avec bibliographie. aujourd'hui dans l'enceinte du château de des terres abandonnées, selon une politique tout nous montre au contraire qu'ils furent 44 Cf. P. GALLIOU, Les tombes romaines d'Armorique, Brest57. Cet imposant castrum, dont la partie prompts à saisir l'occasion qui se présentait Paris, 1989, p. 127 (Diriguin en Saint-Méen). la mieux connue est une muraille de briques de s'enrichir à l'abri d'une paix civile enfin et de petit appareil, munie de tours et longue 54 R. SANQUER, P. GALLIOU, << Le <> gallo­ 45 Rappelons que le milliaire de Kerscao est daté de 45- romain de Keradennec ... ,, art. cité, Annales de Bretagne, établie. L'archéologie nous montre en effet 46 apr. J .-C. de 180 rn, était très certainement I'Osismis de t. LXXVII, 1970, p. 200-205 ; t. LXXIX, 1972, p. 195- un développement économique qui se mani­ 46 Le Valy-Cloistre en La Roche-Maurice, vers 80-90 la Notifia dignitatum58 et abritait une garni­ 199. feste, dès le rr siècle de notre ère, par la mise apr. J.-C. son de Maures osismiaques chargée de la 55 P. GALLIOU, L'Armorique romaine, op. cit., p. 114.56 Il en place des principaux éléments du réseau 47 P. GALLIOU, «Sigillée de Gaule du Sud en Armorique: défenserdes côtes contre les pirates. Les pré­ est possible, si l'on en croit la trouvaille de neuf antoni­ routier45, la construction de villas46 et de diffusion et problèmes>>, Rei Cretariae Romanae, occupations militaires prenant le pas sur l'ad­ niani de Gordien Ill, Philippe, Valérien et Gallien place Fautorum, Acta XXIlXXII, 1982, p. 117-130. de Viarmes, sur le tracé des anciennes murailles, que quartiers urbains, l'apport, surtout après 40, ministration civile, il est probable que cette 48 P. GALLIOU, «Monnaies d'or d'époque romaine Morlaix ait été protégé par un rempart, cf. P. GALLIOU, de céramiques du sud et du centre de la place devint bientôt la capitale des Osismes à d~couvertes en Bretagne>>, Archéologie en Bretagne, Catalogue des collections d'archéologie gallo-romaine du Gaule47, d'amphores à vin et à huile, la diffu­ n 30, 1981, p. 11-38. la place de Vorgium (Carhaix), tout comme, à musée de Morlaix, Morlaix, 1976. sion, enfin, de monnaies d'or48. Le IIe siècle et 49 P. GALLIOU, L'Armorique romaine, op. cit., p. 241-247. la même époque, chez les Coriosolites, 57 R. SANQUER, << Les origines lointaines de Brest ,, la première moitié du III" siècle virent s'am­ Corseul perdait son rang en faveur d'Alet. dans Y. LE GALLO (éd.), Histoire de Brest, Toulouse, 50 Selon L. Pape, le plan d'ensemble de Vorganium fut 1976, p. 28-35. plifier cette croissance49, dont témoignent de modifié vers 150 par la mise en place d'un maillage régu­ La distance entre ces grandes places forti­ vastes programmes de rénovation urbaine50, lier de rues et l'édification du théâtre, cf. L. PAPE, La fiées et munies de garnisons (Cherbourg, 58 Notifia dignitatum,Occ., XXXVII, 17. de transformations des villas51 ou bien enco­ civitas des Osismes, op. cit., p. 93-94. Coutances, Alet, Brest, Vannes, Nantes) est 59 C. CuiSSARD, op. cit., p. 442-443. re la diffusion, dans tout le terroir, de céra­ 51 Second état du Valy-Cloistre, second et troisième état telle, cependant, qu'il faut imaginer l'existen­ 60 J. S. WACHER, << Earthwork defences of the second de Keradennec. miques importées. ce de fortifications côtières secondaires s'in­ century ,, dans J. S. WACHER (éd.), The Civitas Capitals of Roman Britain, Leicester, 1966, p. 60-69. Dès les années 250, cependant, les pre­ 52 P. GALLIOU, L'Armorique romaine, op. cit., chap. XV. sérant entre celles-ci. La description que 5 61 Ce document m'a été communiqué par Y.-P. Castel et mières fissures commencèrent d'apparaître 3 Bourg-Blanc : P. GALLIOU, Carte archéologique de la nous donne Wrmonoc de l'oppidum de Saint­ Gaule, op. cit., p. 116 ; Brest : ibid., p. 38 ; Lannilis : ibid., B. Tanguy, que je remercie. dans ce bel édifice alors que montaient les p. 104; Plounévez-Lochrist: ibid., p.l31-132; Le Relecq­ Pol prend tct toute son importance : 62 P. GALLIOU, J.-P. LE BIHAN, <>, Bulletin de la Société archéolo­ Sibiril: ibid., p. 185, etc. l'entour par des murs de terre d'une hauteur gique du Finistère, t. CXVIII, 1989, p. 61-62. 18 19 Sur les pas de Paul Aurélien Patrick Galliou Avant saint Paul: le Léon à l'époque romaine fort répandue à cette époque sur toutes les continent, était en effet radicalement diffé­ comme nous l'avons souligné plus haut, les me77 pour replonger dans une protohistoire frontières de l'Empire63. C'est ainsi que les rent de celui qu'avait connu la région lors des importations de céramiques et les apports de qu'il n'avait peut-être jamais totalement quit­ éléments de cingulum mis au jour à siècles précédents. monnaies s'interrompent dans les premières tée. Keradennec en Saint-Frégant proviennent de Les Armoricains s'étaient, on le sait, décennies du siècle et nous n'avons, par l'uniforme de militaires installés en ces lieux séparés de l'Empire en 410, après que l'em­ conséquent, aucun élément de datation pour au IVe siècle64, de même qu'une fibule exhu­ pereur Honorius leur eut refusé toute aide les périodes postérieures. Il est certain, en tout 74 Un certain nombre de bourgs du Léon (Guilers, mée dans les thermes de la villa de Gorré­ contre les assauts des barbares. Nous ne cas, que le cadre de vie des Armoricains s'était Ploumoguer, Plouzané, etc.) ont livré des vestiges Il antiques. Nous ne savons pas, toutefois, si cette super­ Bloué en Plouescat65. est fort probable que savons rien, pourtant, du pouvoir qui succé­ substantiellement modifié, l'abandon des villes ces contingents étaient, pour une très large position correspond à une permanence de l'occupation da à l'Empire, même s'il est probable que les et des villas signifiant la naissance de nou­ en certains sites ou à une banale utilisation des ruines part, constitués de Bretons,. dont certaines élites politiques des civitates armoricaines veaux habitats, peut-être groupés74, dont nous antiques comme carrière. céramiques importées ou apportées du Dorset aient alors saisi l'occasion d'étendre leur ignorons tout, faute de mobilier associé 75 Révolte bagaude de 407, soulèvement de Tibatto. en (black-burnished ware) signalent peut-être pouvoir. Y eut-il alors développement d'un datable. 435-437 et 442, cf. P. DOCKÈS, <>, dans P. DOCKÈS, J.-M. SERVET, Les violentes révoltes sociales qui affec­ Sauvages et ensauvagés, Lyon, 1980, p. 143-261. Les trouvailles de céramiques d'Ar­ rappelant celui qu'avait connu l'Armorique à tèrent l'ouest de la Gaule du ve siècle75 mon­ 76 Mainmise des grands propriétaires fonciers sur les gonne ou d'Aquitaine faites sur des sites léo­ l'âge du bronze et au début de l'âge du fj;!r ? trent bien, toutefois, que les tensions sociales terres les plus fertiles ? Tensions entre Armoricains et nards67 et celle d'un très important enfouisse­ Nous n'en savons rien, à vrai dire, et le et économiques s'étaient encore exacerbées76 Bretons? ment de monnaies et d'argenterie à Meznaot Wizur de la Vita correspond probablement à en dépit d'une très forte baisse démogra­ 77 Alors que celles-ci abondent sur les côtes occidentales en Saint-Pabu (environ 11 000 monnaies et un état bien plus tardif de l'organisation poli­ phique et d'une extension des friches. des îles Britanniques (cf. C. THOMAS, A Provisional List trois vases en argent)68 nous montrent certes tique du Léon, contemporain de Wrmonoc, of lmported Pottery in post-Roman Western Britain and une reprise des activités économiques et des même s'il paraît associé à l'agglomération de Ce monde, dont nous distinguons très freland, lnstitute of Comish Studies, 1981) les céra­ échanges maritimes dans les premières Kerilien 73. imparfaitement les linéaments, est un monde miques importées du bassin méditerranéen aux V'­ complexe, confus, et qui, en dépit des liens de vr siècles sont excessivement rares en Bretagne, le seul décennies du IVe siècle, à l'abri du système fragment certain étant celui de l'île Lavret en Bréhat, De la société armoricaine du ve siècle, plus en plus affirmés qu'il entretenait avec les défensif mis en place le long des côtes du pas nous ne savons pas grand-chose non plus, car, cf. P.-R. GIOT, G. QUERRÉ, <>, Revue archéologique de l'Ouest, t. 2, 1985, cadre totalement différent de celui du Haut­ continentale et du grand commerce mariti- p. 95-100. Empire. Alors même ... que de nombreuses terres retournaient à la friche - on en trouve­ 63 P. GALLIOU, Z:Armorique romaine, op. cit., p. 268-270. ra la preuve dans les analyses polliniques 64 R. SANQUER, P. GALLIOU, «Le «château» gallo­ menées sur des tourbières du Centre­ romain ... "• art. cité, 1972, fig. 14, 701b 1-4. Finistère69, dans la vie de saint PauFO et 65 P. GALLIOU, L'Armorique romaine, op. cit., p. 266. dans celle de saint Patrick71 - aucune des 66 À Lannerchen en Plouguemeau, par exemple, cf. villas fouillées à ce jour ne montre d'indice· P. GALLIOU, J.-P. LE BIHAN, <>, Bulletin de la Société archéologique du Finistère, herbes folles, et alors que se développaient t. cv, 1977, p. 97-98. de nouvelles formes d'habitat - peut-être les 70 Bœufs sauvages, ours, lieux isolés, etc. ancêtres de nos villages - l'Occident gaulois 71 En 436 celui-ci, traversant la Bretagne, marche vingt­ entrait dans une nouvelle phase de son his­ huit jours per desertum, cf. J. CARNEY, The Problem of toire. Saint Patrick, Dublin, 1961, p. 62 ff. 72 Les dernières monnaies de Kerilien sont d'Honorius Le monde que rencontrèrent saint Paul (395-423). et ses compagnons, à leur arrivée sur le 73 Motte de Morizur.

20 21 De la Grande à la Petite Bretagne au temps de saint Paul Aurélien

par Sean McGrail*

Depuis que la remontée du niveau marin, *Professeur à l'université d'Oxford (E.R.). vers le milieu du VIII" millénaire avant notre Traduction : Patrick Galliou. èrel, a isolé la Grande-Bretagne de l'Europe 1 R.M. JACOBI, <>, Proceedings ofGeologists' Association, t. 93, 1982, archéologiques, tels les haches polies de pro­ p. 65-90. venance française découvertes en Grande­ 2 W.A. CUMMINS, T.H. McK. CLOUGH, Stone Axe Studies, Bretagne2, nous apportent des témoignages CBA Research Report 67, vol. 2, 1988, cartes 1 et 10. indirects sur ces premières traversées d' épo­ 3 K. MUCKLEROY, <>, Proceedings of the Prehistoric Society, ·qui se développa au Bronze moyen3. Ces t. 47, 1981, p. 275-297. échanges entre les deux rives de la Manche 4 J.P. MURPHY, Rufus Festus Avienus: Ora maritima, Chicago, Ares, 1977.- STRABON, 4. 5. 2.- B. CUNLIFFE, occidentale paraissent avoir connu leur apo­ Iron Age Communities in Britain, Henley, RKP, 1978, 2' édi­ gée à la fin du rr millénaire avant notre ère4. tion, p. 111-114; ID., <>, Au coùrs de la période romaine, les princi­ Oxford Journal of Archœology, t. 1, 1982, p. 39-68 ; ID., paux itinéraires maritimes se déplacèrent vers Greeks, Romans and Barbarians : spheres of interaction, Londres, Batsford, 1988 ; ID., Mount Batten, Plymouth, la Manche orientale, vers le Rhin et la Gaule Oxford University Commitee for Archœology 26, 1988. Belgique d'une part, la Tamise, la Stour, la -P. GALLIOU, <>, dans Blackwater et la Colne dans le sud-est de la Problèmes de navigation en Manche occidentale à l'époque Grande-Bretagne d'autre part, mais on conti­ romaine, Cœsarodunum, n° 12, 1977, p. 496-499 ; ID., <

1 il se retira à l'île de Batz, au nord de Roscoff, l'Europe du Nord-Ouest était bien plus bas 1 1 et fonda un monastère dans la partie sud-est qu'ill' est aujourd'hui12. C'est ainsi qu'en 6000 Gue~nsey tt:J" IJ 1 de celle-ci10. av. J .-C., le niveau de la mer dans le sud-ouest de la Grande-Bretagne était inférieur de plus 1 De nombreux documents nous montrent de 25 mètres à son niveau actuel13, et il est 1 que l'utilisation des îles pour le commerce 1 donc certain que les côtes et les eaux côtières 1 international est un fait commun à toutes les sociétés et ce, depuis les temps les plus recu­ Île d'Ouessant o lésll. Les îles présentent, en effet, des avan­ 7 M. TODD, op. cit., p. 231-239. -P. GALLIOU, M. JoNES, tages, tant pour le marin et le marchand que . The Bretons, Oxford, Blackwell, 1991, p. 128-139. pour les autorités locales ou régionales. 8 D. ATTWATER, Dictionary of Saints, Harmondsworth, Aisément reconnaissables pour un navire Penguin, 1974, p. 269.- D.H. FARMER, Oxford Dictionary venant du large, elles offrent un refuge au of Saints, Oxford University Press, 1987, p. 340. marin, à l'écart des dangers abondant au long 9 D. ATTWATER, op. cit., p. 269. des côtes. Le marchand, pour sa part, y trouve 10 G.H. DOBLE, Saints of Cornwall, 1960. 30 60 n.m. f une base sûre, d'où il peut commencer à explo­ 11 S. McGRAIL, Ancient Boats in North-West Europe, 1 rer le continent. Les autorités locales, enfin, Londres, Longman, 1987, p. 271. ! c=====1IOO=====:::J200 kms voient dans les îles une zone clairement défi­ 12 J.T. GREENSMITH, M. J. TüüLEY (dit.). «Sea-levels nie, où l'on peut isoler, protéger et surveiller les movements during the last deglacial hemicycle», IGCP marchands internationaux et les marins étran­ Project 61, Proceedings of Geologist's Association, 1982, gers et prélever des droits de douane. t. 93, p. 1. Fig. 1.- La région entre le sud-ouest de l'Irlande, le sud-ouest de la Grande-Bretagne et le nord­ 13 A. HEYWORTH, C. KIDSON, «Sea-levels changes in ouest de la France. Il est certain que les missionnaires tels south-west England and in », ibid., t. 93, p. 91-111, Carte de l'Institute of Archreology, Oxford. que saint Paul avaient des exigences iden- fig. 5.

24 25 Sur les pas de Paul Aurélien Sean McGrail De la Grande à la Petite Bretagne au temps de saint Paul Aurélien Paul Aurélien, la topographie des côtes et' le · BC,AD -> des enseignements qu'apportaient leur expé­ lorsqu'il voulait repérer des chenaux sûrs. Paul conserva son cap au sud (ou, disons, rience personnelle et les traditions. Comment Dans le cas où un vent relativement fort * «La baie de Morlaix est encombrée de sud-sud-ouest), ou tout au moins aussi près de donc saint Paul put-il se diriger sans faillir aurait soufflé de l'ouest, on peut penser qu'il petites îles, de roches et de hauts-fonds. celui-ci que le permettait la tenue au vent de vers la Bretagne à travers les immensités se serait dirigé vers le sud-sud-ouest avant de L'accès en est difficile.>> son navire. Pour ce faire, il observa la direc­ marines? Nous n'avons, sur ce point, aucun se trouver en vue d'un repère convenable, tion du vent ou de la houle - c'est-à-dire du * «La côte, entre les îles de Batz et renseignement contemporain, mais nous pou­ dans les parages de Gwanap Head, lui per­ mouvement de surface de la· mer ')Ui subsiste d'Ouessant, est émaillée de roches et de hauts­ vons déduire les méthodes de navigation qu'il mettant de commencer sa traversée. après que le vent est tombé - que les naviga­ fonds jusqu'à trois milles du rivage. utilisa probablement de ce que nous appren­ En vue de Lizard Head, que l'on dis­ teurs des Shetlands appellent la «vague L'amplitude des marées est forte, et les cou­ nent les auteurs classiques des connaissances tingue par beau temps de plus de 14 nau­ mère,,23. Il lui était aussi possible de conserver rants de marée atteignent parfois quatre qu'avaient les Celtes de l'astronomie et de la tiques, il changea de cap pour se diriger vers le son cap - bien que cette opération soit plus dif­ nœuds. L'accès de nombreux petits ports et façon dont_ils se transmettaient, de génération sud, car l'île d'Ouessant se trouve plein sud de ficile - en observant la course du soleil, à criques est difficile si l'on ne connaît pas par­ en génération, leurs traditions et leur Lizard Head, dont elle est distante de 95 nau­ condition bien sûr que celui-ci soit visible. La faitement les parages.>> sciencel6. De plus, on trouvera dans le récit tiques. Il est d'ailleurs probable que le cap nuit, il utilisait le pôle céleste, le point d' équi­ *«L'île d'Ouessant est entourée d'écueils qu'Homère nous fait des voyages d'Ulysse choisi était plutôt de direction sud-ouest que libre autour duquel le ciel noctume semble qui s'étendent vers l'ouest jusqu'à un mille et certains renseignements sur les méthodes de plein sud, afin de compenser tout à la fois la toumer. Aujourd'hui, l'étoile polaire (Polaris) demi des côtes. Les courants de marée attei­ navigation des premiers marins de Méditer-' dérive r,engendrée par les vents dominants est très proche de ce point d'équilibre ; au gnent parfois cinq nœuds et demi et sont par­ ranéel7, et des indices fort utiles dans le Voyage soufflant de l'ouest et la dérive très légère vr siècle, elle se trouvait plus loin du pôle, ticulièrement violents entre l'île et le conti­ de saint Brandan, texte du 1x• siècle qui nous qu'entraînent les courants de surface en mais suffisamment près cependant pour qu'on nent. L'accès au port qui se trouve au décrit le périple du saint et navigateur irlan­ Manche, remontant vers le nord-est à la puisse l'utiliser24. On pouvait aussi utiliser sud-ouest de l'île (baie de Lampaul) est diffi­ dais du vr siècle qui, des côtes occidentales vitesse moyenne de 6 nautiques par jour21. cile en raison de vastes zones de rochers d'Irlande et d'Écosse, cingla vers les îles du Les courants de marée en Manche occiden­ affleurants.>> septentrionl8. On apprendra beaucoup aussi tale, déterminés par les mouvements des 19 O.T. ÜLSEN, Fisherman's seamanship, Grimsby, 188S.­ en étudiant les méthodes de navigation simple astres, que modifient localement la topogra­ A.L. BINNS, Viking Voyagers, Londres, Heinemann, 1980. * «Entre l'île d'Ouessant et le continent phie et le temps, circulent dans une direction 20 D. LEWIS, «Polynesian and Micronesian Navigation s'étend un archipel d'îles, de récifs et de hauts­ nord-est-sud-ouest à une vitesse atteignant Techniques>>, Journal oflnstitute ofNavigation, t. 23, 1970, fonds qu'il est imprudent d'approcher si l'on p. 432-447; ID., We the Navigators, Canberra, National 15 J. PURDY, New Sailing Directory for the English parfois trois nœuds. Au cours de chaque cycle ne connaît pas parfaitement les parages. La University Press, 1972. Channel, Londres, Laurie, 1842, 9' éd. - Admiralty de marée, le flux affectant le milieu de la côte qui fait face à l'île est bordée d'îlots, de Channel Pilot, 1931 et 1977. 21 S. McGRAIL, <> 17 S. McGRAIL, <

28 29 Sur les pas de Paul Aurélien Sean McGrail De la Grande à la Petite Bretagne au temps de saint Paul Aurélien d'autres constellations, s~rtout d'ailleurs au ne ftlait que quatre nœuds, il arriva dans la soi­ moment où elles se lèvent ou se couchent25. rée du jour 2, avant la coucher du soleil On estimait la distance parcourue sur la (disons à 19 heures); si, enfin, il ne faisait que base d'une <> standard. deux nœuds et demi, il faut situer son arrivée à Celle-ci était fondée sur la vitesse « moyenne >> Ouessant dans la matinée du jour 3 (disons à d'un navire «ordinaire>> par beau temps et belle 9 heures). mer. On calculait la vitesse réelle par rapport à Avant que saint Paul ne découvre la côte cette vitesse standard en observant les embruns bretonne, divers signes, tels les nuages orogra­ et la pression exercée par le vent de course, ou phiques, le vol des oiseaux, les changements de bien encore en utilisant un «loch hollandais>> couleur de l'eau et le mouvement des vagues lui (Dutchman's log), c'est-à-dire un objet jeté par­ indiquèrent que la terre était proche. Ouessant dessus bord, dont le temps de passage de la a la réputation de se trouver souvent dans le proue à la poupe est mesuré à l'aide d'une brouillard, même en été, et si une visibilité phrase rituelle chantée par le marin26. médiocre l'empêcha de distinguer l'île avant La traversée de Lizard Head à Ouessant d'en approcher, il est probable qu'il utilisa la prend environ vingt-quatre heures à quatre sonde et resta en permanence sur le qui-vive. nœuds de moyenne. Comme de nombreux L'île d'Ouessant est en fait la plus occiden­ documents nous montrent qu'il s'agit là d'une tale des îles bretonnes et l'une des plus élevées vitesse souvent atteinte par beau temps en (son nom breton est Enez Eussa, l'île la plus Méditerranée à l'époque classique ainsi qu'en haute). Par beau temps, du large, on la dis­ Europe du Nord à l'époque des Vikings et au tingue d'environ seize nautiques et il est donc Moyen Âge27, il est possible que ce passage de certain que, dès que saint Paul l'eut identifiée, Fig. 4.- Déchargement d'un bateau à l'ancre sur la côte bretonne, début du xx· siècle. la Manche occidentale ait pris d'ordinaire une il n'eut qu'à modifier son cap afin de se rap­ Cliché National Maritime Museum. journée. Si le navire de saint Paul était procher d'un point de débarquement situé contraint de louvoyer parce qu'il ne pouvait dans la baie de Lampaul (fig. 3). pas remonter suffisamment au vent pour Une connaissance particulière de ces côté nord-est de la baie de Lampaul (fig. 2). Un manuel de pilotage du XIX• siècle30 conserver le cap direct, il est possible qu'il n'ait parages ou l~aide d'un pilote expérimenté Ce lieu a servi de débarcadère pendant des nous apprend que l'accès à la baie de Lampaul furent certainement nécessaires aussi lorsque, · siècles, et ce fut probablement là que saint atteint que deux nœuds et demi (les documents n'est «connu que des habitants du lieu>>. Si prouvent qu'on peut atteindre cette vitesse par quelque temps après, saint Paul passa Paul aborda. Le petit port est aujourd'hui saint Paul et ses compagnons n'avaient encore très mauvais temps28) et que la traversée ait d'Ouessant au continent, tout particuliè­ abrité par deux môles, mais il est certain qu'au jamais navigué dans ces eaux, il est probable alors duré un jour et demi. La probabilité de rement lorsqu'il lui fallut longer ces côtes vr siècle il n'y avait là qu'un point de débar­ qu'ils attendirent au large qu'on vienne les rencontrer des vents forçant le navire à lou­ extrêmement dangereuses. Une telle traver­ quement informel, qui n'avait sans doute guider jusqu'au point de débarquement. Ils voyer est de 34% environ29, D'autre part, si le sée impose au navigateur d'utiliser la marée. guère reçu d'aménagements ou de protections. étaient, de toute manière, contraints d'at­ navire de saint Paul pouvait atteindre cinq C'est ainsi que si l'on veut emprunter vers le Il est toutefois possible qu'on y ait édifié une tendre la marée montante pour entrer au port. nœuds, le passage ne dura guère plus de dix­ sud le chenal de la Helle ou le chenal du Four, cale en bois ou, comme sur le site du rr siècle huit heures. à l'est d'Ouessant, on doit attendre un vent et av. J.-C. d'Hengistbury Head31, qu'on ait un courant de marée favorables et qu'il est aménagé une zone gravillonnée où l'on pou­ Pendant la saison de navigation estivale, 25 S. McGRAIL, «Cross-Channel...>>, art. cité, p. 315-317; prudent d'effectuer ce passage de jour. Une vait échouer les navires sans risque de les voir de juin à août, il y a (et il y avait au vr siècle) ID., «Pilotage and navigation in the times of St Brendan in navigation nocturne dans ces parages - et s'enliser dans la vase. Ceux-ci pouvaient être de quatorze à seize heures de jour; et il était lreland>>, dans J. DE C., D.C. SHEEBY (dir.), Atlantic VZsion, Dun Laoghaire, Boole, 1989, p. 25-35 (p. 29-31). même dans les zones les plus favorables - ne ancrés en eaux peu profondes, devant prudent de quitter la côte de Cornouailles et peut guère s'accomplir que par pleine lune. Lampaul (fig. 4), et aborder à marée descen­ 26 S. MACGRAIL, «Cross-Channel...», art. cité, p. 317- d'arriver en vue d'Ouessant en pleine lumière. dante, la marée montante les soulevant à nou- Le tableau 1 montre que si saint Paul quitta les 318; ID., <>, p. 31-32. parages de Lizard Head avant le coucher du 27 ID., Ancien! boats ... , op. cit., p. 262-264, tableau 13, 3. Les points de débarquement 28 ID., ibid., p. 262-263, tableau 13, 3. soleil le jour 1 (disons à 19 heures) et ftla cinq 31 B. CUNLIFFE, «Hengistbury Head : a late prehistoric nœuds, il arriva en vue d'Ouessant dans 29 ID., «Cross-Channel. .. », art. cité, tableau 3. Le principal point d'accès à l'île haven>>, dans S. McGRAIL (dir.), Maritime Celts, Frisians l'après-midi du jour 2 (disons à 14 heures); s'il 30 J. PURDY, New Sailing Directory ... , op. cit. d'Ouessant est aujourd'hui Lampaul, sur le and Saxons, C.B.A. Research Report, n° 71, 1990. 30 31 Sean McGrail De la Grande à la Petite Bretagne au temps de saint Paul Aurélien Sur les pas de Paul Aurélien celui reconnu dans le port de St Peter Port, à grands clous de fer à la forme très caractéris­ veau. C'est ainsi qu'on ~tilise aujourd'hui les Guernesey38. Ces deux vaisseaux sont munis tique. Ces navires de commerce étaient munis bateaux dans la plupart des régions du monde... du bordé de chêne, des lourdes membrures et d'une voile unique qui, dans les premiers À l'île de Batz, le débarcadère se présen­ des épais clous de fer que nous décrit César temps, était une voile carrée, remplacée par tait de la même manière. Toutefois, comme il (fig. 6 et 7). Ces derniers, qui fiXent le bordage une voile à bourcet à partir du n• siècle. La n'y a aujourd'hui à marée basse pas plus de aux membrures, sont abattus d'une façon très forme de leur coque et leur gréement leur don­ deux mètres d'eau dans le chenal qui sépare caractéristique, l'extrémité de la pointe étant naient d'assez bonnes performances au vent. Roscoff de Batz, il est fort possible qu'au repliée à 180° pour rentrer à nouveau dans la Il est possible que saint Paul ait utilisé un vais­ vr siècle, époque où la mer n'avait pas encore membrure (ftg. 8). seau de ce type pour traverser la Manche et atteint le niveau qui est le sien aujourd'hui, Fig. 5. - Monnaies de Cunobelinus. Sur ces deux navires, les collets de pied de aller en Bretagne. l'île ait été rattachée au continent par une À gauche : Canterbury. mâts se trouvent au niveau du tiers de la ligne Mais rien, par ailleurs, n'interdit de pen­ chaussée naturelle, découverte en période de À droite : Sheepen, près de Colches­ de flottaison, cette position étant idéale pour ser qu'il utilisa un navire à ossature de bois, mortes-eaux (B. Tanguy m'a indiqué que, ter. un mât de halage. Cependant, nos deux recouverte d'une <> étanche constituée selon la Vita de saint Paul, datée du 1x• siècle, Dessin : lnstitute of Archreology, Oxford. bateaux paraissent bien être destinés à la navi­ de peaux de bêtes40. Le modèle réduit en or on pouvait passer à gué de Roscoff à Batz). gation de haute mer et non au commerce flu­ découvert à Broighter, près du Lough Foyle On utilisa de tels débarcadères informels Certaines des monnaies frappées par vial. Si un mât dressé à cet endroit sur un dans le nord de l'Irlande (ftg. 9), et daté du dans toute l'Europe du Nord-Ouest -c'est-à• Cunobelinus, un roitelet celtique qui régna sur navire portait une voile carrée, il est certain rr siècle av. J.-C., présente la même forme et dire dans les régions qui se trouvaient hors de le sud-est de l'île de Bretagne entre 20 et 43 qu'il était difficile de manœuvrer ce dernier les mêmes proportions générales qu'un bateau la zone d'influence de l'Empire romain -jus­ apr. J.-C., figurent un navire qui pourrait bien par des vents ne venant pas de l'arrière. Il est de haute mer à coque faite de pem;x, du type qu'au vnr siècle, époque où l'on commença être l'équivalent insulaire des vaisseaux en donc possible que ces navires celtiques des n·­ curach ou umiak41. Ce bateau était mû à la d'édifier, dans certains comptoirs particu~ère­ bois des Vénètes (fig. 5). Il semble que les m• siècles aient été équipés d'une voile rame, mais était aussi muni d'une voile carrée ment prospères, de véritables ports, mums de bateaux britanniques aient été pourvus d'un aurique, d'une voile à bourcet, par exemple, placée sur un mât avec vergues, dressé au quais32• gouvernail latéral et d'une seule voile carrée qui ne créerait pas de problème de navigation, milieu du navire, ainsi que de perches servant placée sur_ un mât dressé au milieu du navire. mais, bien au contraire, offrirait aux navires à faire avancer le navire en eaux peu pro­ Deux lignes venant s'attacher aux fusées de de Blackfriars 1 et de St Peter Port d'assez fondes. On le dirigeait à l'aide d'un aviron Le navire de saint Paul vergues représentent peut-être les bras per­ bonnes performances au vent. Selon placé sur l'arrière du travers et il était muni mettant d'amener au vent les vergues et la Elmers39, les représentations de navires cel­ d'une ancre à quatre griffes. César33 et Strabon34 nous apprennent voile. L'étrave en forte saillie donne aussi à tiques des Ir-III" siècles sur une mosaïque de On trouve chez les auteurs romains plu­ qu'au 1"' siècle av. J .-C. les Vénètes du sud­ penser que ces navires tenaient bien le plu~ Bad Kreuznach et sur une stèle funéraire de sieurs références aux bateaux de haute mer à ouest de la Bretagne possédaient des navires près. La possibilité de naviguer par vent sur Jankerath, dans la région du Rhin, figurent coque faite de peaux qu'utilisaient les Celtes. de haute mer construits en bois qui, dans les l'avant du travers était un avantage certain aussi des voiles à bourcet. Il est donc possible Pline, par exemple, nous dit que les Bretons mers difficiles bordant le nord-ouest de la pour la traversée de la Manche. qu'au n• siècle, ces dernières aient commencé France, se révélèrent plus manœuvrables que Deux bateaux de haute mer récemment à remplacer les voiles carrées celtiques du ceux de César. Les navires vénètes étaient, en mis au jour et bien datés des n• - nr siècles rr siècle apr. J.-C. et des siècles précédents 38 M. RULE, «The Romano-celtic ship excavated at St effet, capables de naviguer plus près de la côte relèvent probablement aussi de cette tradition (navires vénètes, bateau de Broighter Peter Port, Guemsey», dans S. McGRAIL (dir.), Maritime que ces derniers et pouvaient aborder sans celtique : il s'agit du navire dit Blackfriars 1, [cf. infra], vaisseau figuré sur les monnaies de Celts ... , op. cit., p. 49-56. 39 D. ELLMERS, «Keltischer Schiffbaw>, Jahrbuch des peine dans des eaux peu profondes. Ils étaient découvert dans la Tamise à Londres37, et de Cunobelinus). Si cette hypothèse est correcte, bâtis d'un bordé à joints lisses qu'on calfatait nous aurions ici la preuve la plus ancienne de Romisch-Germanischen Zentralmuseums Mainz, vol. 16, à l'aide d'algues ou de mousses35, ou peut-être p. 73-122; Io., «Antriebstechniken Germanischer Schiffe l'utilisation de voiles à bourcet dans le nord­ in 1. Jahrtausend n. Ch.», Deutsches Schifffahrtsarchiv, encore de roseaux que, selon Pline36, les 32 S. McGRAIL, Ancient boats ... , op. cit., p. 273. ouest de l'Europe. n° 1, 1975, fig. 8 ; lo., «Shipping on the Rhine during the Belges du 1"' siècle av. J .-C. utilisaient pour 33 De Bello gallico, 3. 13. La documentation archéologique ne nous Roman period», dans J. DU PLAT TAYLOR, H. CLEERE calfater les coutures de leurs navires. Le bor­ 34 4. 4. 1. (dir.), Roman shipping and trade, C.B.A. Research Report, permet pas d'aller plus loin, mais on peut pen­ 1978, t. 24, fig. 3. dage des vaisseaux vénètes était fixé à des 35 Communication personnelle d'E.V. Wright. ser que, dans les régions bordant la Manche, 1 40 S. McGRAIL, Ancient boats ... , op. cit., p. 173-187. membrures épaisses d'un pied (0,30 rn) par 36 Hist. nat., 16, 158. existait une tradition d'architecture navale des clous en fer d'un pouce (25 mm) de dia­ 41 A.W. FARRELL, S. PENNY, «Broighter boat: a reas­ 37 P. MARSDEN, «A re-assessment of Blackfriars h, dans produisant des navires de haute mer dont le mètre. Ces navires étaient pourvus de voiles S. McGRAIL (dir.), Maritime Celts, Frisians and Saxons, sessment», Irish Archœological Research Forum, vol. 2/2, l bordé était fixé à d'épaisses membrures par de 1975, p. 15-26. en cuir et d'un gouvernail latéral. C.B.A. Research Report, no 71, 1990, p. 66-74. fL 33 32 1 1

\ Sur les pas de Paul Aurélien Sean McGrail De la Grande à la Petite Bretagne au temps de saint Paul Aurélien

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Fig. 8. - Clou caractéristique d'un bateau romano-celtique : Blackfriars 1. Dessin : Museum of London.

Fig. 9. - Petit modèle en or d'un bateau de engagés dansJle commerce de l'étain utilisaient Broighter, comté de Derry, Irlande, des bateaux à armature d'osier couverte de 1er siècle av. J .-C. Fig. 6. - Plan du bateau de Blackfriars 1. peaux cousues42, tandis qu'Avien us nous Cliché : National Museum of Ireland. Dessin : Museum of London. apprend qu'au vr siècle av. J.-C. les peuples intrépides et industrieux habitant les îles et les côtes voisines d'Œstrymnis (Ouessant) utili­ pas la terre pendant fort longtemps et qu'ils saient des navires de ce type pour leurs navi­ devaient donc avoir (et cela dès le VI" siècle av. gations vers l'Irlande43. Dans cette région, les J.-C.) une très bonne pratique de la navigation vents dominants se situent - et se situaient­ en haute mer (cf. supra). entre le nord-ouest et le sud-ouest, ce qui· signi­ César44 nous apprend que les bateaux de fie que, pour un voyage de direction nord-sud, peaux des. Bretons étaient pourvus de quilles. ces vaisseaux celtiques devaient naviguer avec De même, dans sa lrîe de saint Columban (vr­ vent de travers ou sur l'avant du travers. Ce VII" siècle)45, Adomnan fait-il référence à des 1 voyage devait comporter deux parties (fig. 1) : Area of wreck excavated Floor-timber with mast step and recorded in situ on allait d'abord des environs d'Ouessant à la région du cap Lizard et des Scilly, puis, des 42 4. 104 ; 34. 156. .10 Metres ~==~~==~~======~ parages de Land's End et des Scilly, on se diri­ 43 J.P. MURPHY, Rufus Festus Avienus... , ·op. cit. geait vers Carnsore Point dans le comté de 44 De Bello civili, 1. 54. Fig. 7. - Plan du bateau de St Peter Port, Guernesey. Wexford (sud-est de l'Irlande). Il est certain 45 A.O. et M.O. ANDERSON (éd.), Adomnan's Life of St Dessin : Margaret Rule. que, de la sorte, ces navigateurs ne voyaient Columba, 1961. 34 1 35 -f

f.~ Sur les pas de Paul Aurélien curachs munis de quilles, ce que confirment d'autres auteurs médiévaux46. Un dessin de la fin du XVII" siècle, de la main du capitaine ' Phillips47, montre un grand curach irlandais muni d'une voile, d'une quille et d'une étrave (fig. 10). Une coque d'osier tressé venait dou­ bler le revêtement de peaux de ce navire, et les La Grande-Bretagne occidentale descriptions que donnent César, Lucain, Pline ·du ye au VIle siècfe : et Dion Cassius48 laissent penser que les navires britanniques et irlandais primitifs L'arrière-plan insulaire de saint Paul Aurélien étaient construits de la sorte. Il existe, pour le Moyen Âge, de nom­ breux documents sur les navires irlandais de par Alan Lane* haute mer construits sur ce modèle, et nous savons, en particulier, qu'au VI" siècle saint Brandan et saint Columbcille (Columban) uti­ lisèrent des bateaux de ce type49. Ces docu­ ments sont tout aussi abondants pour l'ouest Fig. 10. - Dessin de curachs par le capitaine de la Grande-Bretagneso, et il est probable que Thomas Phillips, fin du xvu• siècle. Je voudrais tout d'abord remercier les l'ouest de la France, de manière plus généra- saint Paul, qui passa sa jeunesse au pays de Cliché : Pepys Library, Magdalene College, organisateurs de leur aimable invitation à ce le). • colloque, à l'occasion du 1500• anniversaire Galles et en Cornouailles, connaissait bien ces Cambridge. Je m'attacherai surtout à l'étude des navires. Il est donc possible qu'il ait choisi l'un de saint Paul Aurélien. Comme ma recherche porte sur le haut Moyen Âge en Grande­ documents archéologiques, sans pour autant de ces bateaux - avec une forte quille pour le message chrétien dont saint Paul était por­ Bretagne et en Irlande et que j'enseigne à négliger les données historiques, lorsque cela freiner la dérive, et des rames pour la propul­ teur ait sans doute été étranger aux habitants Cardiff, dans le sud du pays de Galles, non sera nécessaire. sion auxiliaire - plutôt qu'un vaisseau en bois, de la Petite Bretagne, ses méthodes de naviga­ loin de l'endroit où, selon la tradition, Paul fut pour traverser la Manche vers la Bretagne. tion leur parurent très certainement familières. élevé, j'espère que cette communication s'inté­ gréra dans le thème général du colloque et Le christianisme en Bretagne romaine Conclusion BIBLIOGRAPHIE (complément) retiendra l'intérêt d'un public français. Dans ce qui suit, je m'attacherai plus par­ Si l'on considère le développement du S. McGRAIL. «Boats and boatmanship in the christianisme en Bretagne romaine, on ne Dans leur passage entre la Grande et la ticulièrement à trois thèmes: late prehistoric southem North Sea and Channel peut manquer d'être frappé par la minceur de Petite Bretagne, les navigateurs ont toujours region>>, dans S. McGRAIL (éd.), Maritime Celts, 1) le développement du christianisme la documentation en ce domaine. Les textes dû faire face à des difficultés et à des dangers, Frisians and Saxons, C.B.A. Research Report, dans l'ouest de la Grande-Bretagne et dans mais il est certain que les problèmes de naviga­ n° 71, 1990, p. 32-48. (Titre ?). nous font connru"tre trois martyrs dont la vie ces régions d'où saint Paul pourrait être origi­ se situe (peut-être) au IIJ" siècle: Alban, qu'il tion en haute mer avaient été résolus dès le naire ou qui purent l'influencer ; faut probablement placer à Verulamium, VI" siècle av. J.-C. Saint Paul et ses marins 46 G.J. MARcus, «Factors in early Celtic navigation», 2) les documents archéologiques témoi­ héritèrent donc de leurs prédécesseurs des pra­ aujourd'hui Saint-Albans, dans le sud de Études celtiques, vol. 6, 1953-1954, p. 312-327 (p. 315). gnant du dév~loppement du christianisme au tiques bien établies, que résumaient des règles l'Angleterre (mais au VI" siècle est le 47 Cambridge, Pepys Library. haut Moyen Age et tout particulièrement les empiriques et que leurs successeurs continuè­ premier à nous donner ce renseignement!), et 48 CÉSAR, De Bello civili, 1. 54. - LUCAIN, Pharsale, 4. nouvelles recherches menées au pays de rent d'utiliser pour traverser la Manche occi­ Aaron et Julien qui, d'après la tradition, 136-138. -PLINE, Hist. nat., 7. 205-206 ; 34, 156.- DION Galles et dans d'autres parties de l'ouest de la étaient citoyens de Legionum urbis (la ville des dentale. Ces traditions maritimes faisaient par­ CASSIUS, 48, 18-19. Grande-Bretagne ; tie de la culture des peuples bordant les deux 49 S. McGRAIL, «Pilotage and Navigation... », art. cité. - rives de la Manche, comme de celle ·des A.O. et M.O. ANDERSON, Adomnan's Life•.. , op. cit. 3) les éléments qui nous permettent d'analyser les sociétés celtiques qui émergè­ * Maître de conférences à l'université du pays de Galles, Irlandais. Les navires qu'ils empruntèrent, 50 J. HORNELL, «British coracles>>, Mariners' Mirror, à Cardiff; qu'ils fussent de bois ou de peau, relevaient t. 22, 1936, p. 5-41, 261-304. rent dans l'ouest de la Grande-Bretagne et Traduction : Patrick Galliou. aussi de cette tradition celtique. Ainsi, bien que Traduction : P. Galliou. ceux qui attestent l'existence de contacts entre 1 C. THOMAS, Christianity in Roman Britain to A.D. 500, la Bretagne insulaire et la petite Bretagne (ou Londres, Batsford, 1981, p. 47-50. 36 37 Sur les pas de Paul Aurélien Alan Lane La Grande-Bretagne occidentale du V au VII' siècle

Légions), vraisemblablement Caerleon dans païennes et l'on peut se demander si ces asso­ IVe siècle12. Des documents archéologiques, Mais, vers le milieu du ve siècle, la le sud du pays de Galles où se dressait autre­ ciations ne sont pas le fait d'esprits plus éclec­ nombreux et parfois spectaculaires, témoi­ Grande-Bretagne eut à subir de sérieuses fois une église dédiée à ces martyrs, bâtiment tiques que totalement convertis à la nouvelle gnent de la persistance de cultes païens pen­ incursions anglo-saxonnes et, selon la que les textes nous signalent à partir du foi. On trouvera heureusement des éléments dant tout ce siècle13. Au début du ve siècle, en Chronique gauloise de 452, la Grande-Bretagne IXe siècle2. Nous connaissons quelques plus encourageants dans les résultats foumis revanche, l'Église bretonne se souciait appa­ tomba aux mains des Saxons vers 411-44220, évêques du IVe siècle (ceux de York, Londres par la fouille de cimetières chrétiens, où il est remment plus de l'hérésie que constituait le Cela ne signifie vraisemblablement pas que la et peut-être Lincoln) par leur présence aux parfois possible d'identifier des chapelles pélagianisme que de la survie du paganisme14, totalité du diocèse de Bretagne soit passée conciles tenus sur le continent3, tandis que cémétériales et diverses structures associées. bien que certains historiens considèrent que le sous la coupe des Anglo-Saxons, mais qu'un Charles Thomas suppose l'existence de plus À Colchester, un bâtiment à abside d'une cer­ christianisme ait été toujours minoritaire à événement sérieux (suffisamment sérieux, en de vingt évêques en Bretagne romaine, instal­ taine importance se dressait dans un cimetière cette époque15, Lorsque. Gildas rédigea son De tout cas, pour que le chroniqueur en fasse lés sur les sites majeurs de la province et en situé hors les murs9. Bien que l'interprétation Excidio dans la première moitié du vr siècle, il mention) était intervenu dans une partie de particulier dans les capitales de civitates4. On · des sépultures orientées soit encore chargée déclara que les temples païens étaient aban­ l'île. Au cours des cent cinquante à deux cents ne peut néanmoins manquer d'être frappé par d'incertitudes, il existe divers sites, comme donnés et rien, dans sa diatribe, ne permet de ans qui suivirent, la totalité de la Grande­ la maigreur de la documentation historique Poundbury dans le Dorset, où certaines des penser que le paganisme posait encore problè­ Bretagne, de la rivière Forth en Écosse jus­ ayant survécu aux invasions barbares du structures exhumées sont très vraisemblable­ me. Selon Gildas, les péchés des Bretons rési­ qu'à la Manche et, vers l'ouest, jusqu'à la ve siècle et à la destruction de l'Église romano­ ment des tombes et mausolées chrétiens10. dent dans la violence et la cupidité des puis­ Sevem21 fut soumise à la domination politique britannique dans ces zones de l'Angleterre du Par ailleurs, les découvertes d'objets isolés et sants, la richesse et le relâchement des clercs, des Anglo-Saxons, peuples d'origine germa­ Sud-Est qui furent peuplées par les Anglo­ d'enfouissements à figurations chrétiennes et non dans l'existence d'une population non nique qui demeurèrent païens jusqu'à la fin dù Saxons. Nous n'avons pas ainsi de liste épis­ vont croissant. Il n'est pas toujours certain encore convertie16. Rien, donc, ne nous per­ vne siècle. met de déterminer aveq certitude le moment ,. copale continue pour un seul évêché majeur qu'ils témoignent d'activités chrétiennes in Au cours de cette avance, l'Eglise roma­ de Grande-Bretagne et c'est donc vers l'ar­ situ, bien que l'on ne puisse douter du sens à où la balance pencha en faveur du christianis­ me dans les îles Britanniques. C'est là un élé­ no-britannique subit d'irréparables dom­ chéologie que nous sommes contraints de donner aux grands ensembles de vaisselle mages, la conquête anglaise ayant apparem­ nous toumer afin de mettre en évidence l' em­ liturgique, comme par exemple celui de Water ment important de l'appréciation que nous pouvons porter sur l'Église au pays de Galles ment eu des effets bien plus dommageables prise du christianisme à l'époque romaine. Newtonli. ~t dans l'ouest de la Grande-Bretagne, cette Mais, là encore, notre documentation est Eglise qui, selon sa Vita du IXe siècle, forma le parcellaire et parfois ambiguë ou sujette à Le haut Moyen Âge jeune Paul Aurélien. C~tte Église était-elle le 12 D. WATT, Christians and Pagans in Roman Britain, Londres, Routledge, 1991, p. 215-227. controverse. Nous n'avons ainsi aucun vesti­ Il n'est guère facile d'estimer l'emprise du successeur direct de l'Eglise romano-britan­ 13 A. WOODWARD, op. cit., p. 17-80. ge archéologique substantiel des églises christianisme en Grande-Bretagne à la fin du nique ou, bien au contraire, une structure ré­ urbaines, bien que certains sites, comme introduite de l'extérieur en Grande-Bretagne 14 C. THOMAS, op. cit., p. 55-60. Lincoln ou Verulamium, aient livré des struc­ dans la période postromaine ? 15 E.-A. THOMPSON, Saint Germanus of Auxerre and the tures correspondant peut-être à celles-ci. On a 2 W. DAVIES, An early Welsh Microcosm, Londres, Royal Le fait même que je puisse poser cette end of Roman Britain, Woodbridge, Boydell, 1984, p. 15- par ailleurs récemment remis en question l'in­ Historical Society, 1978, p. 181. question témoigne de la pauvreté de la docu­ 19. terprétation du bâtiment de Silchester où l'on 3 D.S. EVANS «Ûur early Welsh Saints and History ''• mentation historique concemant cette pério­ 16 M. WINTERBOTTOM, Gildas : the ruin of Britain and voyait traditionnellement une égliseS. De dans G.-H. DOBLE, Lives of the Welsh Saints, Cardiff, de. Il convient donc d'insister sur la destruc­ other documents, Chichester, Phillimore, 1978, p. 29-79. University ofWales Press, 1971, p. 1-55 (p.2). même, l'attribution de divers vestiges à des tion du diocèse de Bretagne et de ses archives 171. WooD, « The Fall of the Westem Empire and the églises rurales est-elle aujourd'hui fortement 4 C. THOMAS, op. cit., p. 197-198. historiques par les invasions anglo-saxonnes. End of Roman Britain», Britannia, t. 18, 1987, p. 251- controversée, comme dans le cas des tran­ 5 ID., ibid., p. 166-170. - A. WOODWARD, Shrines and Peu après 410, une rébellion et des incursions 262. chées de fondation d'lcklingham6 ou de la Sacrifice, Londres, Batsford, 1992, p. 99-101. barbares en Gaule contribuèrent à séparer la 18 C. THOMAS, op. cit., p. 50-60. séquence d'Uley. Sur ce dernier site, le temple 6 C. THOMAS, op. cit., p. 17. Br~tagne de l'Empire romain d'Occident17, 191. WOOD, <

40 41 Sur les pas de Paul Aurélien ··"iiiii--·- Alan Lane La Grande-Bretagne occidentale du V' au VIr siècle dans toutes les branches de la philosophie, de ne étaient probablement bâties en pierre, mais Comme nous l'avons souligné ci-dessus, Les sépultures la poésie et de la rhétorique, de la grammaire il semble qu'après 400 les Bretons aient perdu les indices témoigpant de l'existence d'églises Les découvertes d'ensembles funéraires et de l'arithmétique40,, , puis serait plus tard les techniques de la construction en pierres du haut Moyen Age au pays de Galles sont nous ont permis de recueillir de nombreuses devenu abbé du lieu41. Selon la Vita Pauli maçonnées, ou qu'ils n'en aient plus ressenti plutôt maigres. On pense ainsi que la structu­ données nouvelles et particulièrement intéres­ Aureliani que Wrmonoc rédigea au IXe siècle, la nécessité. Il est possible, cependant, que re en bois, mesurant 4 rn sur 3 rn, mise au jour santes. Nous avons ainsi aujourd'hui un bon à Burry Holms (Glamorgan), date du d'autres saints (David, Gildas, Paul Aurélien) quelque part dans l'est du pays de Galles ou nombre de cimetières à inhumation que les xr siècle47, et l'église d'Ynys Seiriol (Camar­ auraient aussi été les élèves de saint Illtud42. dans l'ouest de l'Angleterre, on retrouve un datation~ radiocarbone placent au haut vonshire) recouvre peut-être une structure en La principale église associée au culte d'Illtud jour les vestiges d'églises élevées en pierre au Moyen Age et qui peuvent être chrétiens. pierre plus ancienne48. Il n'existe à vrai dire est Llanilltud Fawr (en anglais Llantwit ve siècle. Ainsi à Uley, dans l'ouest de Dans certains d'entre eux les sépultures sont au pays de Galles aucun indice de l'existence Major), dans le sud du pays de Galles. Si la l'Angleterre, a-t-on mis en évidence une protégées par des coffres en pierre, tandis d'églises bâties en pierre antérieurement à la Vie de Samson date bien du vne siècle et si séquence architecturale complexe, un temple qu'ailleurs elles sont en pleine terre. l'on peut déduire la chronologie d'Illtud en se romano-britannique ayant été remplacé par fm du xl" siècle49 , mais l'on ne peut s'empê­ fondant sur le floruit de Samson au VI" siècle, un bâtiment en bois à deux nefs où le fouilleur cher de penser que de telles structures exis­ À Plas Gogerddan près d' Aberystwyth, on peut estimer que le maître vécut entre 450 voit une basilique chrétienne44 probablement taient bien dans la région. Ainsi Llantwit dans l'ouest du pays de Galles, un cimetière où les tombes sont orientées est-ouest est ins­ et 520 environ. Bien que les sources concer­ élevée dans le courant du V siècle et à laquel­ Major est-elle située dans la partie la plus nant l'importance de ne soient le fut substituée une structure en pierre de romanisée du sud du pays de Galles, à peu de tallé près de tumuli préhistoriques. Les diffé­ pas contemporaines des faits et que les ampli­ taille beaucoup plus restreinte au cours du distance de la villa la plus élaborée de tout le rences de coloration du sol montrent que cer­ fications de l'histoire d'Illtud dans les Vies vne siècle45. Sur d'autres sites occupés par des pays. Les fouilles des XIXe et xxe siècles taines des sépultures avaient été placées dans postérieures résultent peut-être de l'expansion temples romano-britanniques ont été aussi avaient mis au jour un vaste cimetière qui des cercueils en bois, tandis que trois d'entre elles avaient été installées à l'intérieur de par les copistes d'un noyau originel contenu reconnues des structures tardives semblant avait été installé dans les ruines de la villa structures en bois, de forme rectangulaire. La dans la Vie de Samson, on ne saurait pour correspondre à la transition du paganisme au romaine, mais n'avaient exhumé aucun élé­ ment d'une église postromaine. Une récente mieux conservée des trois mesurait 5,5 rn sur autant négliger l'importance du sud du pays christianisme, et les rares indices recueillis en étude géophysique du site a toutefois reconnu 3,8 rn, les poteaux porteurs étant dressés dans de Galles dans l'histoire du christianisme de Irlande et au pays de Galles attestent l' exis­ l'existence de structures enfouies qui une tranchée de fondation. Une date radio­ Bretagne et de Comouailles. L'éducation de tence de structures de bois à plan simple, n'avaient pas été détectées jusque-là. L'église carbone calibrée de 236-636 apr. J.-C. permet Gildas témoigne bien de la maîtrise des Écri• recouvertes -par des oratoires de pierre datant médiévale, où se voient des sculptures préro­ 4' attribuer cet ensemble au haut Moyen tures et de la philosophie par Illtud ainsi que au plus tôt du VIII" siècle. La chronologie de manes, n'est située qu'à 1500 mètres au sud Age52. On connaît d'ailleurs un cimetière sem­ de la place éminente que tenait encore au ces sites est souvent quelque peu hypothé­ de là villa. C'est sans doute dans cette zone blable à Llandegai, dans le nord du pays de ve siècle la culture latine dans l'ouest de la tique, mais à Church Island, dans l'ouest de Bretagne insulaire43. qu'il nol!s faudra chercher l'église du haut Galles, où l'on a aussi reconnu une structure l'Irlande, et à Ardwall Island, dans le sud­ Moyen Age. De plus, la présence de sculp­ rectangulaire semblable. À Tandderwen, éga­ ouest de l'Écosse, de petits ensembles de trous , tures (croix et éléments architecturaux) en ces lement dans le nord du pays de Galles, des de poteaux mesurant environ 3 rn sur 2 rn l'archéologie de l'Eglise postromaine lieux donne à penser qu'une église en pierre sépultures placées dans de petits enclos carrés avaient été masqués par de petites chapelles fut élevée à Llantwit Major au IXe ou au fermés par des fossés correspondent peut-être de pierre datant sans doute du vme siècle46. xe siècleSO. On admettra cependant que l'ab­ ~ des inhumations sous tumulus. Là encore Les églises sence générale de structures bâties en pierre une date radiocarbone de 433-680 apr. J .-C. Si nous considérons maintenant les don­ montre que la plupart des bâtiments ecclésias­ nées archéologiques, le premier problème que tiques du pays de Galles furent bâtis en· bois 40 G.-H. DOBLE, Lives of the Welsh Saints, op. cit., p. 88. jusqu'aux Xl"-XIIe siècles51. 47 D. HAGUE, <

42 43 Alan Lane La Grande-Bretagne occidentale du V' au VII' siècle Sur les pas de Paul Aurélien "iiiiiiiii----- semble indiquer l'utilisation au haut Moyen des églises. O'Brien, se fondant sur les don­ fut seulement remplacé bien plus tard par l'en­ Galles, en Cumbria et en Cornouailles sem­ Âge d'un site funéraire bien plus ancien53. Il .. nées irlandaises et sur les textes du haut clos du cimetière. Au xu• siècle, enfin, on édi­ blent, il est vrai, conforter cette hypothèse et est d'ailleurs possible qu'à Casteil Dwyran, Moyen Âge, a supposé qu'on avait continué à fia une église en pierre sur le site. Bien que ce montrer que ces enclos curvilinéaires sont une dans le sud-ouest et Penbryn dans l'ouest du inhumer selon les pratiques pillennes dans des soit là une date fort tardive pour l'édification des caractéristiques des établissements reli­ pays de Galles, des caims et des tumuli soient cimetières familiaux jusqu'à la fin du d'une première structure ecclésiastique, il est gieux antérieurs à la conquête dans ces zones associées des pierres inscrites. Rien ne nous vu•siècle. Selon lui, ce n'est qu'à ce stade de n'est pas inutile de souligner que la séquence des îles Britanniques, mais les seuls exemples assure cependant que pierres et tumuli sont l'établissement du christianisme en Irlande imaginée par Charles Thomas (cf. supra) peut datés au pays de Galles (à Capel Maelog et contemporains. Toutefois, des fouilles récen­ que l'Église commença à imposer l'inhuma­ parfois être extrêmement tardive60. Burry Holms) paraissent appartenir à la fin tes à Tintagel, en Comouailles, ont montré tion des défunts en terre consacrée58. Sur certains sites romains, on remarque du premier millénaire. En Cornouailles, que, dans certaines parties de l'ouest de la une continuité de l'utilisation des cimetières cependant, les recherches de Preston-Jones Il est aujourd'hui certain que, sur certains ont montré que ces enclos curvilinéaires Bretagne insulaire, on construisait encore des sites, on dressa des églises au milieu de cime­ ou, au contraire, }'occupation de nouvelles chambres en encorbellement au-dessus de zones funéraires. A Caerwent, la capitale de étaient probablement précoces, sans toutefois tières plus anciens. À Arfryn, dans le nord du fournir de dates précises65. L'une de ses obser­ coffres en pierre au cours du VI" siècle apr. pays de Galles, des inhumations en pleine civitas du sud du pays de Galles (la partie la J.-C.54. À Bayvil, dans l'ouest du pays de plus romanisée du pays), le cimetière établi à vations pouvant concerner la Bretagne conti­ terre orientées nord-sud furent remplacées nentale est le fait que de nombreux sites cor­ Galles, un vaste cimetière comportant tombes par des sépultures en coffre et en pleine terre l'extérieur de la porte orientale de la ville en coffre et en pleine terre qui avait été instal­ recouvre des bâtiments romains abandonnés niques dédiés à Winwaloe sont entourés de qui semblent avoir été orientées par rapport à tels enclos66. lé à l'intérieur d'un enclos de l'âge du fer a l'emplacement originel d'une croix latine ins­ et les datations radiocarbone indiquent très donné une date radiocarbone calibrée de 640- crite. Il est possible que, sur ce site, nous nettement la période allant du v• au vu• siècle. Le développement des prospections 883 apr. J .-C. D'autres cimetières semblent ayons une séquence complète se terminant Des sépultures, datées des 1v·-vm• siècles, ont aériennes a donné de nombreux exemples de avoir été utilisés pendant fort longtemps, mais par l'érection d'une chapelle en bois59. Sur aussi été signalées à l'intérieur de l'ancienne ces sites curvilinéaires67, mais a aussi com­ mencé à mettre en évidence une certaine com­ ne montrent aucun vestige d'édifices cultuels. certains sites, des tombes en coffre et des inhu­ enceinte urbaine et sont peut-être associées à plexité de ces systèmes d'enclos. Bon nombre Ainsi à Barry, dans le Glamorgan, la four­ mations orientées peuvent avoir été masquées la fondation d'un monastère en ces lieux61. À Llandough, juste à l'extérieur de Cardiff, la de sites gallois et comiques montrent en effet chette chronologique s'étend-elle du 1v• au par la construction d'églises et, voici bien des fouille d'une villa romaine située à l'ouest de les traces de vastes enclos extérieurs, bien plus IXé siècle, bien que la plupart des dates sem­ années, Charles Thomas avait supposé que l'église médiévale a exhumé des tombes post­ vastes que les cimetières voisins des églises blent se concentrer entre les v• et vu· siècles55. les cimetières ouverts avaient par la suite été romaines voisines d'un site monastique déjà qu'ils abritent. A. Preston-Jones a publié des enclos, le demier stade du processus étant Aucun de ces cimetières gallois du haut connu par les textes62, tandis que de nouvelles exemples de ces ensembles, comme celui de parfois marqué par l'érection d'églises. Cette Moyen Âge ne donna naissance à une église. fouilles, en 1994, ont mis au jour, à l'est de cet Saint-Mawgan en Comouailles68, tandis que évolution se distingue presque entièrement à Ils paraissent avoir été abandonnés et nous ne ensemble, un vaste cimetière-non encore daté. pouvons même pas être certains qu'ils sont Capel Maelog, dans le centre du pays de , bien chrétiens, la pratique des sépultures Galles, où des sépultures furent placées à l'in­ 60 ID., ibid., p. 98-99. orientées n'étant pas en effet exclusive au térieur d'un enclos fossoyé du Bas-Empire ou Les enclos 61 N. EDWARDS et A. LANE (éd.), Early Medieval christianisme56. Dans certains cas, comme à du haut Moyen Âge et à l'ouest de celui-ci. De Settlements in Wales A.D. 400-1100, Cardiff, Department of Plas Godderdan57, ces cimetières sont nette­ nouveaux fossés servirent à isoler le cimetière Les enclos entourant les églises sont l'une Archeology, 1988, p. 35-37. ment installés sur des nécropoles de l'âge du jusqu'à la mise en place d'un enclos ovale qui des structures les plus facilement observables 62 H. JAMES, art. cité, p. 98. bronze ou de l'âge du fer. Rien ne permet de au pays de Galles, en Comouailles et en 63 C. THOMAS, The Early Christian Archeology of North penser qu'il y ait là l'indice d'une véritable Irlande et l'on a supposé que ces enclos curvi­ Britain, Oxford, University Press, 1971, p. 38-43, 51-53. 53 ID., ibid., p. 92-93. linéaires étaient caractéristiques de ces continuité à travers les millénaires et il est pro­ 64 N. EDWARDSet A. LANE, The Early Church in Wales ... , 54 C. THOMAS, Tintagel, Arthur and Archeology, Londres, « << bable qu'il y a plutôt là l'effet du choix délibé­ contrées celtiques et correspondaient à des op. cit., p. 4-5. Batsford, 1993, p. 102-105. sites occupés à très haute date63. Les données ré de sites funéraires protohistoriques, attitude 65 A. PRESTON-JONES, «Decoding Comish Churchyards >>, mentale relevant d'un processus complexe de 55 ID., ibid., p. 96-98, 103. permettant de dater ces enclos sont toutefois dans N. EDWARDS et A. LANE, The Early Church in fort peu nombreuses et bien que beaucoup légitimisation d'une appropriation d'un terri­ 56 N. EDWARDS et A. LANE, The Early Church in Wales ... , Wales ... , op. cit., p. 104-124. d'entre eux soient probablement antérieurs à toire et de droits ancestraux. Il est possible que op. cit., p. 6. 66 ID., ibid., p. 120. la conquête normande, il est fort possible ces sépultures correspondent à une première 57 H. JAMES, art. cité, p. 90-92. 67 T. JAMES, «Air photography of ecclesiastical sites in qu'ils datent des vm·-x· siècles plutôt que de la étape de l'organisation des sépultures par le 58 N. EDWARDS et A. LANE, The Early Church in-Wales ... , south Wales>>, dans N. EDWARDS et A. LANE, The Early période immédiatement postérieure à la fin de op. cit., p. 22-32. Church in Wales ... , op. cit., p. 62-76. christianisme, avant que soit imposée l'inhu­ l'Empire64. Les études menées au pays de mation dans les cimetières aménagés auprès 59 ID., ibid., p. 96. 68 A. PRESTON-JONES, art. cité, p. 120-121. 44 45 Alan Lane La Grande-Bretagne occidentale du V au VIr siècle Sur les pas de Paul Aurélien Certaines de ces pierres, enfin, ne portent tant de noter que ces pierres ne sont pas nom­ Llanlleonfell qui était peut-être placée hori­ Terry James attirait l'attention des chercheurs breuses dans le sud-est du pays de Galles, qui zontalement ou servait de panneau frontal à sur des sites tels que Llanwinio, dans l'ouest qu'un seul nom au génitif, telle celle exhumée à Arfryn où se lit : Ercagni ( <> ). fut la région la plus romanisée du pays. Elles une tombe-autel81. ' du pays de Galles69. T. James a également sont presque entièrement réparties dans Par ailleurs, il existe en Bretagne conti­ publié des photographies de séries de crop­ Ces inscriptions permettent de distin­ l'ouest, et plus particulièrement à proximité de nentale un certain nombre de pierres ressem­ marks apparaissant dans les environs des guer différentes influences culturelles. Les la mer d'lrlande75. Cela peut sans doute aussi blant beaucoup aux monuments insulaires. églises et de divers enclos, tels ceux de éléments latins sont présents dans le style être considéré comme un signe d'influence Celle de Louannec, dans les Côtes-d' Armor, Llangan et Llangynog70. Des prospections au des inscriptions, dans les noms et les for­ irlandaise qui, selon Charles Thomas, est porte l'inscription verticale suivante : ... Di­ sol et la fouille de certains de ces sites seront mules. En revanche, la forme de ces monu­ prioritaire et déterminante dans le développe­ sideri fili Bodgnous et l'on pourrait sans peine nécessaires pour que nous puissions établir la ments ne se laisse souvent pas distinguer de ment de cette série76. chronologie et la fonction de ces enclos mul­ celle de pierres levées préhistoriques, bien lui trouver des soeurs au pays de Galles ou La chronologie de ces monuments est dans le sud-ouest de l'Angleterre. Une autre tiples. qu'il existe aussi des inscriptions romaines relativement semblables. Certains milliaires, encore incertaine. Selon Charles Thomas, les stèle, à Plourin-Ploudalmézeau (Finistère), premières inscriptions monolingues en ogham utilise la formule hic iacet82. Les pierres inscrites comme les deux exemplaires de Tintagel en Comouailles73, sont ainsi très grossièrement seraient apparues à la fin du IVe siècle ou au La plupart des pierres inscrites les plus début du siècle suivant, puis le style de ces ins­ Les données que nous apportent les taillés. Les influences irlandaises se distin­ anciennes (le groupe 1 de Nash-Williams) ne pierres inscrites sont l'une des clés de notre guent nettement dans l'utilisation de l'ogham, criptions aurait évolué jusqu'à la fin du portent pas de symbole chrétien, bien que des recherche, bien que les témoignages qu'elles les noms et les mots irlandais, la gravure ver­ vue siècle ou au début du vnr siècle, la plupart croix simples ou des croix irlandaises se voient de ces monuments appartenant cependant la fournissent soient parfois fort ambigus. Il exis­ ticale de certaines inscriptions, ainsi peut-être à sur certaines pierres appartenant peut-être à période s'étendant du veau vue siècle77. Dark te en effet plus de deux cents monuments de que dans l'accent qui est mis sur la filiation et la fin du ve siècle ou au déb~1.t du vr. a attaqué la chronologie de Nash-Williams en pierre inscrits, disséminés en Comçmailles, au enfin la forme même de ces monuments. L'habitude consistant à graver des inscriptions pays de Galles et dans le sud de l'Ecosse, que en étendant la fourchette du IVe au sur ces monuments déclina en importance au Certaines des caractéristiques de ces l'on qualifie d'ordinaire de «monuments chré­ XII" siècle78, mais a récemment reconnu que cours du VIle siècle, et l'on se mit à inciser des tiens du haut Moyen Âge>>. Certains portent monuments rappellent celles des monuments seules quelques pierres inscrites pouvaient croix simples (groupe 2) sur des monolithes et en effet gravés des symboles chrétiens, mais de Gaule. Ainsi les termes et expressions du être postérieures au VIle siècle, point que des dalles. Ce n'est qu'à la fin du IXe siècle sur la plupart d'entre eux ne se voit qu'une type hic iaiet, his requiescit, in hoc tumulo, in Nash-Williams lui-même avait d'ailleurs par­ qu'apparurent les croix isolées (groupe 3)83. inscription latine ou une inscription bilingue pace et memoria trouvent-ils tous leur pendant faitt:ment admis79. Dans un travail resté irlandais-latin. Certaines de ces inscriptions dans les inscriptions du continent, et il est pro­ inédit, Tedeschi a présenté une nouvelle étude Il est cependant clair que ces pierres ins­ sont explicitement chrétiennes. Ainsi celle de bable que les éléments de cette tradition furent des caractères utilisés dans ces inscriptions. Il crites, témoignant d'une occupation de cer- Llanerfyl, près de la frontière anglaise, importés de l'ouest de la France entre le a mis en évidence une série typologique qui va indique-t-elle : ... Hic in tumulo iacit Rosteece milieu et la fin du ve siècle74. En Grande­ des inscriptions romano-britanniques les plus 75 L. ALCOCK, Arthur's Britain, op. cit., p. 239. filia Paternini ani XIII in pace, c'est-à-dire: Bretagne, ces éléments se mêlèrent aux tradi­ tardives à la calligraphie insulaire des manus­ «>. de la filiation (c'est-à-dire la formule: <> de Roman inscriptions in Western Britain, Cardiff, University ofWales Press, 1994. (Nash-Williams, 1950, n° 294). Nous avons là fille de>>) et furent gravés sur des monolithes Llangadwaladr, dans le nord du pays de une inscription assez romanisée, en bonnes qu'il n'est pas toujours facile de distinguer des Galles), en passant par les nombreuses ins­ 77 ID., ibid. capitales romaines, et donnant l'âge du défunt. pierres levées de la préhistoire. Il est impor- criptions sur pierre des ve-vr siècles ( COillffiU· 78 K. DARK, «Epigraphie, art-historical and historical C'est la formule in pace qui nous permet de nication personnelle). approaches to the chronology ofClass 1 inscribed stones "• dans N. EDWARDS et A. LANE, The Early Church in dire qu'il s'agit d'une inscription chrétienne71 • 69 T. JAMES, art. cité, p. 69-79. La fonction de ces pierres n'est pas non Wales ... , op. cit., p. 51-61. D'autres inscriptions ne comportent pas de 70 ID., ibid. plus définie avec certitude, car on ne peut être référence chrétienne. C'est ainsi que la pierre 79 K. DARK, Civitas to Kingdom ... , op. cit., p. 266-269. 71 L. ALCOCK, op. cit., p. 240-241. assuré qu'elles aient toujours été à l'origine d'Eglwys Gymyn, dans le sud-ouest du pays associées à des tombes. Beaucoup d'entre 80 N. EDWARDS et A. LANE, The Early Church in Wales ... , de Galles, porte l'inscription latine suivante, 72 ID., ibid., p. 241. elles, cependant, ont été réutilisées dans des op. cit., p. 5. gravée verticalement : ... Avitoria filia Cunigni 73 C. THOMAS, Tintagel, Arthur. .. , op. cit., p. 14. sépultures80. Thomas signale que bon nombre 81 C. THOMAS, And shall these mute stones ... , op. cit., p. 323. (c'est-à-dire <>) et, 74 J. K.NIGHT, «The Early Christian Latin inscriptions of d'entre elles ne furent probablement pas utili­ 82 J. K.NIGHT, art. cité, p. 50. Britain and Gaul: chronology and context>>, dans sur l'un de ses bords, l'inscription suivante en sées sous forme de monolithes convention­ 83 M. REDKNAP, The Christian Celts, Cardiff, National N. EDWARDS et A. LANE, The Early Church in Wales ... , op. ogham: ... Avittoriges inigena Cunigni (c'est­ nels. C'est le cas de la grande dalle de Museum ofWales, 1991, p. 50-51. à-dire <> )72. cit., p. 45-50. 47 46 Sur les pas de Paul Aurélien AlanLane La Grande-Bretagne occidentale du V' au VIr siècle tains sites entre le V" et le vn• siècle, n'intéres­ féremment de la Cornouailles où ces éléments près de Cardiff, fournissent de précieux ren­ alors qu'elles sont bien avancées en sent que des zones restreintes de l'aire breton­ ont été rassemblés par A. Preston-Jones87. En seignements sur de nombreux sites du sud du Cornouailles. ne84. L'absence de monuments de ce type dans mettant en corrélation la localisation des pays de Galles. Elles font en effet référence à certaines terroirs ne signifie pas nécessaire­ églises, les documents historiques qui les· trente-six monastères et trente-huit ecclesiae, ment que le christianisme ne s'y était pas concernent, la présence d'éléments sculptés, qui sont peut-être aussi des monastères89. La ~archéologie du monde séculier implanté. On constate aip.si que le sud-est du les toponymes anciens et la forme des cime­ date et la fiabilité de ces chartes ont été mises pays de Galles, entretenant des relations par­ tières, elle a suggéré que ces sites anciens pou­ en doute, car elles doivent leur survie et leur ticulièrement intenses avec la Bretagne conti­ vaient présenter un certain nombre de carac­ présente forme aux scribes de la période pos­ Si nous considérons maintenant le monde nentale, n'a que fort peu de pierres du groupe téristiques communes. Ils sont en général pla­ térieure à la conquête, qui les ont peut-être séculier, le contraste entre les périodes romai­ la bien que les chrétiens dussent y être nom­ cés sur la côte ou au bord d'estuaires, sont sou­ transformées ou purement et simplement ne et postromaine est plus net encore. Les breux à la même époque. Ce manque n'est vent entourés d'enclos curvilinéaires, abritent fabriquées selon les besoins du moment. La campagnes d'époque romaine étaient parse­ peut-être dû qu'à la présence d'une population parfois des monuments gravés. Leur nom, plupart des chercheurs reconnaissent néa'n­ mées de villas, de villes, de forts, de villages et plus fortement romanisée que celle des régions enfm, est souvent préfixé en lann-. Selon moins qu'elles constituent une source docu­ de hameaux. Nous connaissons des milliers voisines, encore attachée à ses racines roma­ Preston-Jones, les premiers développements mentaire irremplaçable pour l'histoire du pays de sites, qui nous livrent en abondance mon­ no-britanniques et que n'affectaient donc pas du christianisme en Cornouailles sont dus à de Galles avant la conquête normande90. naies, poterie, verre, objets en fer et en bron­ les pratiques barbares d'origine irlandaise qui l'influence galloise, un certain nombre de sites ze produits en masse. Même au IV" siècle exis­ se rencontrent plus à l'ouest. de la côte septentrionale de la Cornouailles Les toponymes gallois posent plus de pro­ tent encore de très nombreux sites romains, étant à l'origine des filiales des monastères gal­ blèmes que ceux de la Cornouailles, où la bien que certains d'entre eux paraissent avoir lois. Cependant, la plupart des sites en lann- de conquête anglo-saxonne et l'imposition de la été abandonnés ou avoir perdu de leur impor- Toponymie, dédicaces et chartes haute époque se trouvent dans les zones les langue anglaise constituent un horizon chro­ tance première93. • plus fertiles du sud de la Cornouailles et la plu­ nologique parfaitement établi en ce qui L'archéologie des Bretons des v·­ Nous pouvons associer aux données de part des dédicaces sont à des saints indigènes, concerne les phénomènes linguistiques. Au bien que certaines de celles-ci aient aussi été pays de Galles, il est possible que la formation vi• siècles est, quant à elle, bien maigre. l'archéologie celles que nous fournissent la L'ensemble du pays semble avoir connu un toponymie, les dédicaces et les chartes. Ce ter­ faites à des saints bretons ou gallois, ce qui sug­ des toponymes gallois ait continué jusqu'à une effondrement dramatique de sa culture maté­ rain est difficile, car la plupart de ces éléments gère bien sûr-des contacts avec la Bretagne et époque très récente, et bien que Roberts ait rieQe. Dans l'est de l'Angleterre, les données n'apparaissent guère avant le Moyen Âge le pays de Galles88. Il est curieux de constater dressé une liste plausible de formes archéologiques sont celles que fournissent les (c'est-à-dire après 1100-1200). On ne croit que les sites comiques en lann- dédiés à des anciennes9I, on ne saurait dater celles-ci en plus aujourd'hui que les dédicaces celtiques saints gallois sont assez nettement subrectan­ l'absence de documents écrits les concernant. tombes anglo-saxonnes et les établissements, furent nécessairement données par le saint gulaires, indiquant par là que la circularité des Si l'on fait exception des cimetières abritant chaque jour plus nombreux, qui leur sont originel au cours de ses périgrinations. Malgré enclos n'est pas nécessairement le critère des monuments chrétiens de haute époque, associés. Mais les indigènes romano-britan­ ces réserves, il semble bien que la plupart des d'une fondation ancienne, ou bien alors que nous ne savons donc pas grand-chose de nos niques sont, quant à eux, pratiquement invi­ dédicaces celtiques soient antérieures à la ces dédicaces galloises n'appartiennent pas à la sites les plus anciens. Ainsi à Llantwit Major, sibles en termes archéologiques, bien que des conquête normande, tandis que certains phase la plus ancienne de la christianisation. le site le plus important qui soit associé à toponymes témoignent de leur présence94. Les groupes de dédicaces pourraient correspondre Nous sommes moins bien renseignés sur llltud, n'existe aucun monument ancien, alors 1 à l'existence de territoires ecclésiastiques de les sites anciens du pays de Galles, bien que les qu'on y voit encore d'importants éléments 89 W. DAVIES, Wales in the Early Middle Ages, op. cit., date fort ancienne85. Les toponymes conte­ chartes de la cathédrale romane de Llandaff, sculptés des IX"-x• siècles. Cette absence s'ex­ p.l43. nant des éléments tels que lian, basaleg et mer­ plique peut-être par le fait que Llantwit Màjor 90 P. SIMS-WILLIAMS, Religion and Literature in Western thyr peuvent, eux aussi, dénoter l'existence de se trouve à l'extérieur de la zone irlandaise, où England, 600-800, Camhridge, University Press, 1990, sites anciens, mais la chronologie en est affai­ 84 D. BROOK, «The early Christian church east and west se rencontrent de nombreux monuments p. 45-47, 51-53; contra K. DARK, Civitas to Kingdom ... , op. re di:fficile86. ofOffa's Dyke», dans N. EDWARDS et A. LANE, The Early chrétiens de haute époque. Caldey (le monas- cit., p. 140-148. Church in Wales ... , op. cit., p. 77-78. . tère insulaire de Piro est mentionné à la fois 91 T. ROBERTS, art. cité. 85 K. DARK, Civitas to Kingdom ••. , op. cit., p. 130-133. dans les Vies de Samson et de Paul) a, en Synthèse 92 E. CAMPBELL, Imported Goods in the Early Medieval 86 T. ROBERTS, «Welsh ecclesiastical place-names and revanche, livré des tombes, un monument Celtic West: with special reference to Dinas Powys, Cardiff, archeology», dans N. EDWARDS et A. LANE, The Early gravé et des céramiques importées entre le V" University ofWales, 1991 (thèse inédite). Church in Wales ... , op. cit., p. 41-44. Ces diverses catégories documentaires et le v11• siècle92. Mais notre exploration de ces 93 A.S.E. CLEARY, The Ending of Roman Britain, n'ont pas encore fait l'objet d'une synthèse en 87 A. PRESTON-JONES, art. cité. sites et la reconstruction du paysage religieux Londres, Batsford, 1989. ce qui concerne le pays de Galles. Il en va dif- 88 ID., ibid., p. 120-124. ne font que commencer au pays de Galles, 94 HIGHAM, 1992;

48 49 Sur les pas de Paul Aurélien AlanLane La Grande-Bretagne occidentale du V' au VIr siècle

établissements de type romain, bâtis en pierre rares97. Ces découvertes proviennent de sites phique est aujourd'hui confirmée par plu­ piètement. Coygan Camp, dans l'ouest du (maisons, villas, villes) sont abandonnés, de , fortifiés de hauteur, occupés à la fin du V" siècle sieurs dates radiocarbone, couvrant les V" et pays de Galles, vaste promontoire barré qui a même que l'usage des produits manufacturés. et au début du siècle suivant. Les sites romains VI" siècles. Mais là encore n'existent pas sur le livré de nombreux vestiges d'époque romaine, Ces mutations s'accompagnent d'un indiscu­ traditionnels (villes et villas) paraissent avoir site d'éléments mobiliers bien datables pou­ était peut-être l'un des principaux sites contrô• table effondrement technologique. Certains été abandonnés à cette époque ou n'avoir abri­ vant correspondre à l'existence de structures lant la côte du sud-ouest du pays de Galles105. chercheurs ont tenté de prouver que les pay­ té que des activités de très faible ampleur, car bâties relevant d'une architecture grandio­ Dans le nord de la région, d'autres sites forti­ sages et la population ne s'étaient guère modi­ aucun de ces sites n'a livré de ces céramiques se101. fiés de hauteur, tels Dinas Emrys et Dinorben, fiés et ont, par voie de conséquence, minoré importées. On y voit cependant souvent dans Les données les plus fiables concernant ont livré des mobiliers témoignant d'une occu­ l'importance d'éventuels déplacements ou des­ des niveaux tardifs les maigres vestiges d'une cette période proviennent des fouilles de sites pation de quelque importance, bien que dans tructions de la population indigène95. Un livre occupation postérieure à l'époque romaine fortifiés de hauteur, tels que Dinas Powys, les deux cas, des fouilles d'ampleur limitée ou récent a tenté de pousser cette idée encore (pavements, ossements d'animaux, foyers, _ dans le sud du pays de Galles, que l'on pense d'une qualité médiocre n'offrent aucune certi­ plus loin en supposant que des éléments charbon de bois, etc.). C'est ainsi qu'à avoir été occupé à la fin du V" siècle par un tude quant à la densité de l'occupation ou à la majeurs de la culture romano-britannique Caerwent, capitale de civitas du sud-est du petit prince ou un aristocrate ayant déjà un chronologie de celle-ci106. avaient survécu aux V" et VI" siècles96. Il reste pays de Galles, plusieurs tombes datées par le mode de vie fort différent de celui des classes En dehors du pays de Galles, les fouilles cependant à voir si ce point de vue sera accep- radiocarbone et divers éléments métalliques supérieures de la société romaine. Dinas d'Alcock à South Cadbury dans le sud-ouest té par la communauté des chercheurs. d'époque postromaine montrent que le site ne Powys fut fouillé par Leslie Alcock dans les de l'Angleterre, ont révélé l'existence d'une Dans l'ouest de la Grande-Bretagne, les fut pas totalement abandonné à la fm de la années 1950 et, depuis la publication que ce ample fortification venant compléter la multi­ indices d'activité concernant le v· siècle se font période romaine. On peut toutefois penser dernier lui consacra en 1963102, on a considé­ vallation d'un grand fort de l'âge du fer. Il est extrêmement rares après 410-420. Certains qu'ils correspondent à une occupation des ré ce site comme représentatif de l'occupation possible que ce nouveau rempart da.te de la fin sites romains présentent certes des séquences ruines par une communauté monastique plu­ humaine de l'ouest des îles Britanniques au du V" siècle ou du siècle suivant et atteste la stratigraphiques accumulées au-dessus de tôt qu'à la permanence d'une présence civile98. haut Moyen Âge. C'est pour cette période le résistance des Bretons à l'avance anglo­ niveaux bien datés du IV" siècle. C'est ainsi le L1;1 fouille des vestiges d'un bâtiment mili­ site le plus complètement fouillé et, jusqu'à saxonne. On ne saurait cependant plus sous­ cas de temples, comme celui d'Uley que nous taire à Glan-y-mor, près de Cardiff, nous per­ une date très récente, la seule fouille d'un crire aujourd'hui à l'hypothèse du fouilleur avons discuté ci-dessus. Cependant, les don­ met de mieux comprendre l'évolution des sites ensemble majeur qui ait été publiée. Mais l'in­ qui associait Cadbury à l'aventure arthurien­ nées les plus sûres concernant l'ouest du pays mineurs. Une occupation des lieux postérieu­ terprétation qu'en donna alors Alcock a été nel07. Les contextes postromains de South -depuis lors revue et corrigée. Alcock pensait correspondent à la fin du V" siècle seulement, re à la fm de l'époque romaine se manifeste Cadbury devraient être publiés à la fin de la presque totalité du siècle étant marquée par par la présence d'ossements d'animaux et de en effet que dans la phase postromaine, le fort 1994, nous permettant ainsi de comprendre le de Dinas Powys n'avait été protégé que par un hiatus apparent dans les structures et le niveaux de pierres datés par le radiocarbone, site dans sa globalité. Les fouilles de la fin des un ensemble terroyé (rempart et fossé) de peu mobilier archéologiques. où manquent cependant les structures indis­ :années 1960 et du début des années 1970 à d'ampleur qu'il datait de la fin du V" siècle ou cutables et les artefacts bien datables99. Cadbury-Congresbury ont, quant à elles, déjà Les éléments archéologiques sur lesquels du VI" siècle, cette petite forteresse princière été publiées et l'on y remarque un ensemble nous basons l'essentiel de notre réflexion sont Un petit nombre de villes romaines pour­ faiblement défendue étant considérée comme important de structures, dépôts et mobiliers des céramiques importées du bassin méditer­ rait, si l'on en croit les archéologues, avoir typique des fortifications de hauteur de l'ouest ranéen et que l'on date d'ordinaire de la pério­ connu une certaine permanence de l'occupa­ des îles Britanniques103. Un récent réexamen de allant de la fin du V" siècle au milieu du tion. C'est le cas de Wroxeter, à la frontière de la stratigraphie de Dinas Powys a cepen­ VI" siècle, bien qu'elles appartiennent peut-être galloise, où des structures en bois très élabo­ dant montré que non seulement le rempart 2 101 K. DARK, Civitas to Kingdom ... , op. cit., fig. 14. à une période encore plus brève. On connaît rées paraissent avoir été installées sur des était d'époque postromaine, mais que l'en­ 102 L. ALcoCK, Dinas Powys. An Iron Age, Dark Age and bien aujourd'hui les zones de production de niveaux romains100. Cette séquence stratigra- semble de la multivallation ajoutée à cette pre­ early Medieval settlement in Glamorgan, Cardiff, ces céramiques, appelées A ware et B ware en -" mière défense (remparts 1, 3, 4) datait de la fin University ofWales Press, 1963; Arthur's Britain, op. cit., Grande-Bretagne. L'A ware est eii fait un 95 ID., ibid. du VI" siècle ou du VII" siècle et non de p. 212-213. ensemble de céramiques à engobe rouge pro­ 96 K. DARK, Civitas to Kingdom, op. cit. -l'époque de la conquête norm~nde comme le 103 ID., Arthur's Britain, op. cit., p. 212-215. duites en Asie Mineure (Phocean Red 97 E. CAMPBELL, lmported Goods ... , op. cit. pensait Alcock104. Slipware) et en Mrique du Nord (African Red 104 E. CAMPBELL, lmported Goods_. •• , op. ~it., p. 108-109. 98 N. EDWARDS et A. LANE, Early Medieval Settlements ... , La fouille d'autres sites fortifiés de hau­ Slipware). Elle se rencontre dans une zone op. cit., p. 35-38. 105 N. EDWARDS et A. LANE, Early Medieval teur du pays de Galles a montré que Dinas Settlements.~., op. cit., p. 44-46. très limitée du sud-ouest de l'Angleterre et du 99 ID., ibid., p. 76-78. Powys n'était pas un cas isolé, bien que ce soit 106 E. CAMPBELL, lmported Goods •.• , op. cit. sud du pays de Galles, les trouvailles exté­ 100 P. BARKER (éd.), From Roman Viroconium to Medieval rieures à ces régions étant extrêmement Wroxeter, Worcester, W. Mercian A.C., 1990. encore le seul site à avoir été fouillé aussi corn- 107 L. ALcocK, Arthur's Britain, op. cit.

50 51 Sur les pas de Paul Aurélien AlanLane La Grande-Bretagne occidentale du V' au VIr siècle des v• et vi• siècles108. Le site de Cadbury­ de Cornouailles112 et l'un des principaux semblables115. Seule une poignée de sites insu­ eux aussi importés au vn• siècle. Bien que le Congresbury est particulièrement important points d'importation de céramiques méditerra­ laires a livré des fragments de céramique à nombre de trouvailles soit très élevé (plus de 3 car, selon le fouilleur, une des phases de l'oc­ néennes et de leur contenu (huile et vin)11 • engobe gris dite <> (D ware), importée de Bordeaux ou de en localiser l'origine. Ces verres coniques v· siècle, c'est-à-dire à une période antérieure montoire barré, défendu par de puissantes l'estuaire de la Loire en très petites quantités constituent en tout cas avec les céramiques de à l'arrivée des importations méditerra­ défenses terroyées. On y distingue les vestiges et peut-être postérieurement à la phase princi­ type E l'un des principaux fossiles directeurs néennes, où l'on utilisait encore les mobiliers de nombreuses structures, encore non datées. pale des commerces méditerranéens116. Les pour l'archéologie de cette période. Campbell romains de la fin du Iv• siècle109. Par ailleurs, Aucune des fouilles qui furent menées sur ce autres mobiliers présents sur ces sites ne sont a récemment noté des similitudes dans la cou­ une séquence chronologique où l'on voit se site n'a encore été publiée et l'abandon de l'hy­ ·guère luxueux (quelques fibules, des cou­ leur et la forme de ces vases avec des verres succéder des structures rectangulaires en pothèse primitive qui voulait voir en ce site un teaux, des armes, des ustensiles divers à usage du VI" siècle exhumés à Bordeaux, ces der­ matériaux très légers puis des structures établissement monastique a été freinée par domestique, agricole et industriel) et sont en niers n'étant toutefois pas ornés à la manière rondes et ovales de types variés pose la ques­ cette absence de données. On considère tout cas bien éloignés des objets standardisés des gobelets britanniques118. Il n'est toutefois tion de la relation de ces bâtiments avec les cependant aujourd'hui que Tintagel fu~ l'une que livrent les sites romano-britanniques. Il y pas impossible qu'ils aient été produits architectures classiques de la période romai­ des principales résidences des rOis de là une preuve supplémentaire de la profonde quelque part dans l'ouest de la France au Cornouailles qui y étaient peut-être intronisés, ne110. rupture technologique entraînée par l'effon­ cours du VI" siècle. Dans ce cas, ils seraient et qu'elle jouait également un rôle majeur drement de l'Empire romain d'Occident. légèrement antérieurs aux importations de La plupart des sites ayant livré des céra­ dans les commerces dont témoigne la présen­ céramique de type E. miques importées sont défendus et j'ai déjà ce de céramiques importées de Méditer­ A la fin du VI" siècle ou au début du siècle suivant, Les importations de ces céramiques et de souligné l'absence de ces importations sur les ranée114. ce commerce méditerranéen prit fin sites romains classiques. Le site non défendu et fut remplacé par un nouveau réseau ces verres semblent s'interrompre .à la fin du Ces importations nous permettent ainsi établi sur le promontoire de Longbury Bank d'échanges entre l'ouest de la France et les VII" siècle, le terme de ces commerces rendant de mettre en évidence un ensemble de sites est une exception à cette règle. Il fut découvert côtes de la mer d'Irlande, jusqu'à l'Écosse. On de plus en plus difficile l'identification des sites à la fin du siècle dernier et au début de notre majeurs, côtiers pour la plupart, et qui étaient, en trouvera la preuve dans la présence sur les ne livrant pas d'artefacts aisément identi­ siècle, mais seulement fouillé à la fin des à notre avis, fréquentés par des marchands sites britanniques de céramique de type E (E fiables et datables. La période suivante, du années 1980. La nature de ce site est encore méditerranéens venus chercher de l'étain, et ware), poterie bien cuite à parois rugueuses et vm• au XI" siècle, est, du point de vue de l'ar­ incertaine et l'on n'y distingue pas les diffé­ peut-être d~ l'argent et du plomb dans ces aux formes dérivées du répertoire franc, que chéologie, la plus obscure de l'histoire du pays rences ordinaires entre établissements sécu­ parages. La preuve qu'il s'agissait là d'un l'on pense avoir été produite dans l'ouest de la de Galles. On peut soupçonner que les sites liers et établissements monastiques. On y commerce direct et non réglé par des intermé­ France. Les ateliers sont malheureusement fortifiés de hauteur, occupés entre le v· et le retrouve, comme à Dînas Powys, tous les élé­ diaires établis en France nous est donnée par inconnus, bien que quelques vases de ce type vn• siècle, furent abandonnés pour la plupart, ments indiquant une occupation aristocra­ la nature même des car_gaisons, qui semblent aient été recueillis dans des niveaux du en faveur de sites de plaine, de type ouvert. tique, mais l'ensemble n'est pas défendu. Par venir directement de l'Egée ou d' Mrique du vn• siècle à Tours, en Bretagne et en Mais à part une poignée d'établissements et le la taille, l'emplacement et les activités qui y Nord, bien que certains sites espagnols et Charente117. S'il est possible que ces céra­ seul crannog du pays de Galles à Llangorse, étaient pratiquées, il ressemble à Dînas peut-être Bordeaux aient livré des céramiques miques aient été tournées dans la région de nous ne savons rien de ces nouveaux habi­ Powys. Il pourrait s'agir d'une résidence prin­ Bordeaux, la plupart des archéologues britan­ ;tats119. cière ou du centre d'un domaine, d'un lieu de niques pensent aujourd'hui qu'elles viennent commerce ou même d'un site religieux. Il ne 108 P. RAHTZ et aL, Cadsbury Congresbury 1968-1973. A de la vallée de la Loire et qu'elles accompa­ se trouve qu'à un kilomètre de l'important late post-Roman settlement in Somerset, Oxford, Tempus gnaient les commerces avec Noirmoutier. Reparatum, 1992. monastère de Penally et est situé sur !e domai­ Nous ne savons pas cependant pourquoi les 109 Jo., ibid., p. 227-228. ne de Llandaff qui fut donné à l'Eglise au sites des côtes de la mer d'Irlande ne reçurent 115 E. CAMPBELL, Imported Goods ... , op. cit., fig. 6. 110 Jo., ibid., p. 214-223. qu'un seul type de poterie importée au xr siècle. Nous pensons néanmoins qu'il 116 ID., ibid., p. 29-30, 189-190. s'agit plutôt d'une résidence aristocratique ou 111 E. CAMPBELL et A. LANE, <>, dans J. PRICE (éd.), Outre ces céramiques de type E, de nom­ Glass in BritainA.D. 350-800, Londres, British Museum (à tionner Tintagel, longtemps considéré comme 112 L. ALCOCK, Arthur's Britain, op. cit., p. 249-251. l'archétype des sites monastiques du haut breux sites britanniques reçurent aussi des paraître). 113 C. THOMAS, Tintagel, Arthur... , op. cit. Moyen Age, mais où l'on voit plutôt aujour­ gobelets coniques, faits d'un verre décoré de 119 N. EDWARDS et A. LANE, Barly Medieval d'hui l'une des principales forteresses des rois 114 ID., ibid. filets d'un blanc laiteux qui, selon nous, furent Settlements ... , op. cit.

52 53 Sur les pas de Paul Aurélien

Conclusion Aurélien entretenait des relations avec Llantwit Major, nous aurons les linéaments d'une tradition romano-britannique relative­ Que peut-on dire, au bout du compte, de ment conservatrice et dont l'archéologie ne l'arrière-plan insulaire de Paul Aurélien ? nous révèle presque rien. Il nous faut fouiller Les documents historiques et archéolo­ sous certaines de nos grandes églises galloises, La Vito Pauli Aureliani d'Uurmonoc giques nous permettent d'esquisser les comme cela a été fait, avec les résultats excep­ grandes lignes d'une évolution qui vit appa­ tionnels que l'on sait, à Wells ou Winchester. de Landévennec raître des rois et des petits royaumes dans tout Il nous faut aussi en savoir plus sur la transi­ l'ouest des îles Britanniques, et disparaître les tion qui s'opéra au ve siècle entre la province cadres de la société romano-britannique, alors romaine et les royaumes chrétiens, ainsi que même que, comme nous le montre l'exemple sur le hiatus archéologique de la première par François Kerlouégan* de Gildas, la culture latine était en partie pré­ moitié du même siècle. L'archéologie nous servée. En même temps, dans l'ouest de la donne à voir des sites fortifiés de hauteur, Bretagne insulaire, se perpétuait et se déve­ avec des assemblages de mobiliers assez loppait un christianisme qui avait conservé simples, mais contenant néanmoins quelques des contacts avec la Gaule et la Méditerranée, importations étrangères. Au vne siècle appa­ !:époque (Batz) les Normands viendraient un jour, mais dont certaines pratiques devenaient par­ raissent les céramiques de type E et les verres qu'ils la dévasteraient de fond en comble et ticulièrement conservatrices. importés. C'est dans le courant de l'année 884 que qu'ils raseraient tous ses bâtiments, soit en les . En termes archéologiques, il nous faut Nos connaissances de l'archéologie post­ fut achevée, et peut-être rédigée, la Vie de Paul abattant, soit en les incendiant. Tous savent rechercher ces cimetières de très haute romaine de l'ouest de la Bretagne insulaire Aurélien, qui est l'une de nos sources que ce malheur est déjà arrivé sans aucun époque et les enclos curvilinéaires qui les s'accroissent sans cesse et j'espère que les principales pour la connaissance de ce doute. Depuis ce temps et jusqu'aujourd'hui accompagnent. Si Paul avait des contacts documents présentés dans ce qui précède personnage et un document important sur le ces barbares ne cessent de dévaster l'île par avec l'ouest du pays de Galles, nous rencon­ fourniront un arrière-plan intéressant aux milieu culturel de l'abbaye de Landévennecl. des raids fréquents et de voler tous ce qu'ils trerons peut-être des monuments inscrits et discussions concernant les liens qui se nouè­ . Nous sommes alors dans une période trouvent. Et ils ne cesseront jamais si Dieu peut-être même les témoignages d'une rent entre Paul Aurélien et la petite assez instable de l'histoire de l'ancienne n'apporte son aide.2,, influence irlandaise. Si par contre Paul Bretagne. Gaule. Charles le Chauve est mort en 877. Les souverains se succèdent à un rythme le lieu. Culture. accéléré: Louis le Bègue de 877 à 879, puis Production littéraire ses fùs, Louis III de 879 à 882 et Carloman de 879 à 884. En 884 leur frère Charles le Simple Cette Vie de Paul Aurélien a été écrite est encore mineur et Charles le Gros assure la dans le monastère dirigé par l'abbé Uurdisten, régence. Mais il achète le départ des Normands assiégeant Paris au lieu de les combattre et il doit abdiquer un peu plus tard *Université de Franche-Comté, Besançon. en 887. 1 Éditions : F. PLAINE, Analecta bollandiana, t. 1, 1882, p. 209-258, d'après le ms. Paris, Bibl. nat., lat. 12942 (XI'­ En Bretagne, Salomon a été assassiné en XII' siècle). -Ch. CUISSARD, Revue celtique, t. 5, 1881- .875 et les Normands, déjà présents à 1883, p. 417-458, d'après le ms. Orléans, Bibl. de la Ville, Noirmoutier en 819, puis à Nantes en 843, 261 [217] (IX'-X' siècle). BHL 6585. profitent des rivalités qui dressent l'un contre 2 Chap. 21 : <> 54 55 Sur les pas de Paul Aurélien François Kerlouégan La Vita Pauli Aureliani d' Uurmonoc de Landévennec c'est-à-dire à Landévennec :·<>, éd. d'Aniane, voulait mettre fin à la diversité des vers qui continue celle qu'a donnée Clément ébranle, il faut le dire, une construction bâtie Ch. DE SMEDT, Analecta bollandiana, t. 7, 1888, p. 172- règles. Le document de 818 qui nous rapporte (15 strophes irrégulières), une homélie en au début du siècle par le jeune historien R. 264 · «Homélie>> [BHL 8959], éd. A. DE LA BORDERIE, la volonté de l'empereurS nous donne le nom LatouchelO et qui donnait satisfaction par sa Car;ulaire de l'abbaye de Landévennec, Quimper, 1888, de l'abbaye, sans doute la vraisemblance : le récit composé par un p. 129-135; <> [BHL 8960], éd. Landeuinnoch, R. FAWTIER, <>, Mélanges d'archéologie et d'histoire 32, Rome, studium animauit (Deus), qui in Uuinuualoei sui sanctique être pas un monastère illustre mais il est Certes on a des exemples du mouvement 1912, p. 34-44 (n'a d'original que les chapitres 1-7; mei describendis actibus mirabile librorum construxit opus. inverse. Quoi qu'il en soit, si elle était admise, probablement en contact avec les insulaires Sub quo abbate ego, presbyter et monachus nomine Uurmo­ donne ensuite le texte de l'Homélie); <>, éd. comme avec les centres de culture du nocus, in eiusdem sancti regulari monasterio depinxi tale elle priverait Clément d'une œuvre, mais en R. LATOUCHE, Mélanges d'histoire de Cornouaille_ (V­ opus.» revanche Uurdisten ne serait plus un simple xr siècle), Paris, 1911, p. 97-112 (Bibliothèque de l'Ecole continent. La grande quantité de citations des hautes études, 192) [traduction dans les Actes du qu'on peut relever dans les productions 4 F. KERLOUÉGAN, «Les Vies de saints bretons les plus remanieu~, c'est toute la Vie qui lui. serait colloque de Landévennec (p. 323-335) cités ci-dessous, littéraires de l'abbaye montre que la biblio­ anciennes dans leurs rapports avec les îles Britanniques», attribuée. Le Landévennec du !Xe s1ècle ne n. 9]. thèque des moines est richement pourvue dans Insular Latin Studies, Papers on Latin texts and perd donc pas une ligne de latin. Manuscripts of the British Isles: 550-1066, éd. M.W. HER­ 9 C. BRETT, <>, dans Landévennec et le monachisme breton dans le haut Moyen Francs, dans le mouvement de circulation 5 Ce document forme le chapitre 13 du livre 2 de la Vie de coups de pouce, il faudrait citer des ouvrages Age, Actes du colloque du 15' centenaire de l'abbaye de provoqué par la réforme carolingienne, qui a saint Guénolé par Uurdisten. qui ne sont pas des œuvres littéraires mais des renouvelé la pratique du latin, la reproduction Landévennec (25-27 avri11985), s.!., 1986, p. 253-266. 6 Ibid., 1, 19. manuscrits utilisés pour la lecture spirituelle et et l'étude des textes; manuscrits venus 10 R. LATOUCHE, op. cit., p. 3-39. 7 F. KERLOUÉGAN, <>, dans les Actes cités pour la formation intellectuelle, comme ~n Vie de Guénolé l'épisode du jeune saint qui d'auteurs latins chrétiens dans les Vies de saints bretons ci-dessus n. 9, p. 289-321). - Landévennec: aux origines Virgile de Bernell. La date de ces manuscnts de la Bretagne, catalogue de l'exposition de Daoulas, guette un navire en partance pour l'Irlande6. carolingiennes», ibid., vol. 19, 1982, p. 215-257.­ N. WRIGHT, <>, ibid., prouvée de façon certaine. Mais une activité l'école de Saint-Sauveur de Redon p,,, dans Haut Moyen vol. 20, 1983, p. 161-175; ID., <>, d'écritoire est tout à fait vraisemblable à côté P. Riché, coord. M. Sot, La Garenne-Colombes, 1990, l'Eglise : Augustin, Grégoire le Grand, Isidore ibid., vol. 23, 1986, p. 163-185. d'une bibliothèque aussi riche. p. 317-318. 56 57 Sur les pas de Paul Aurélien François Kerlouégan La Vita Pauli Aureliani d'Uurmonoc de Landévennec mais le dénigraient quand il n'était pas là12: faire plaisir. Mais quelle est la destination de laïcs, et l'instruction des jeunes élèves de Léon, l'arrivée dans l'oppidum, qui deviendra peut-être parce qu'il était le meilleur et, cet écrit ? Ici encore les deux passages cités l'évêque. Cela n'est pas pour nous surprendre. Saint-Pol, et à Batz, la consécration de Paul à partant, le préféré. On remarquera le nom : plus haut semblent nous renseigner. Uurmo­ Paris par le roi Childebert, sa mort et la On sait qu'au Moyen Âge peut exister Uurmonoc, comme Uurdisten pour le pre­ noc écrit : <> (breton chaire épiscopale>>. Il s'agit d'utiliser la vie du première écrite , prose ou vers, sert de modèle moderne gour) et de monoc <> : breton saint lors de sa fête, dans son église cathé­ à la seconde. C'est ce qu'on appelle la Style de la Vito Pauli Aureliani moderne Gourvenec13, drale. L'usage bien connu était de lire . réécriture. Nous en avons un bon exemple publiquement des extraits de la Vie du saint avec les deux Vies de Guénolé. La Vie en prose, L'ouvrage se signale d'abord par son Uurmonoc paraît bien connaître le Léon solennellement honoré ce jour-là. plus facile à comprendre, est destinée à la style. Alors que beaucoup de Vies en prose car il décrit l'itinéraire de Paul avec une lecture publique daris l'église abbatiale, que sont écrites dans un style très simple, certaine précision et il. cite plusieurs noms de <> fréquentaient des moines de culture inégale. accessible à la majorité des lecteurs, lieux non fantaisistes. Aussi a-t-on pensé qu'il Ici Uurmonoc pense aux élèves de l'évêque. Ainsi Raban Maur de Fulda (t 856) écrira : Uurmonoc affectionne les phrases longues, où était léonard. Bien mieux, le chanoine Doble a Le mot latin est alumni, proprement <>, Il était souvent employé, au Moyen que j'avais écrit en vers pour la louange de la tient que la phrase la plus longue de la latinité venir de la plebs Telmedouia, c'est-à-dire de Âge, pour «discipleS>>, <<élèves>>, Il y avait sans sainte Croix puisque à cause des difficultés de est dans le Système de la grammaire latine de Ploudalmézeau14, doute auprès de la cathédrale une école de l'ordre des mots et de la nécessité de faire des Priscien, professeur à Constantinople au Voici donc notre moine qui se met à la jeunes clercs dirigée par l'évêque. Ces jeunes figures de style le discours du mètre semble début du VI" siècle, avec 215 mots. Or la rédaction de cette We de Paul, un saint étran­ gens sont instruits en latin et il faut leur obscur et le sens, moins clair.>> En revanche les première phrase de notre chapitre 19 en ger à Landévennec. Il nous dit lui-même à qui fournir des textes pour l'étude de la langue et vers sont réservés à l'élève qui médite dans sa contient 251 et elle n'est pas la seule à il va l'envoyer. En effet, par deux fois, il pour la méditation. cellule, pour être ruminés, comme modèle de dépasser les 200 mots. s'adresse à un certain Hinuuoret, dans la pré­ La ·Vie a donc une double destination, à style (vocabulaire et versification) et comme Mais ce n'est pas seulement la longue face et dans les vers de conclusion : mon avis : l'édification des fidèles, clercs et leçon de morale17. Dans le cas présent, nous phrase qui fait la difficulté de la Vie. En latin, n'avons qu'une seule version, la version en <> 12 Ces lignes font suite au texte de lan. 3 : «Quorum simul peut être libre, une épithète peut être séparée protectus alis, expecto me ab insanis inuidorum dentibus rééciire son texte de prose en vers. En tout du nom auquel elle se rapporte puisqu'ils 2. <>, titre que l'on donne à un abbé ou à un dénigrement sera la purification de mes péchés.>> ; Ainsi, au lieu d'écrire dans l'ordre El Nl E2 N2, <>, il évêque. Il dit aussi : <> Enfin Hinuuoret a un 14 G.H. OOBLE, «Saint Paul Aurelian (Saint Pol de en latin quelque chose comme : <>. Ce personnage est donc abbé Saints of the Land's End District, Chatam, 1960, p. 29 et premier s'étend de la naissance de Paul à son n. 59(= Cornish Saints Series, n° 46, S. Paul ofLéon, with départ outre-mer. On nous parle de l'école ou évêque, dans un lieu où Paul est honoré. a History ofthe Parish of Paul in Cornwall, 1941). Mabillon a pensé qu'Hinuuoret avait été d'Iltud, avec Paul, Samson, Gildas et David, 17 P. BOUET-F. KERLOUÉGAN, «La réécriture dans le 15 1. Préface: <

Ce tour, qui est caraétéristique de la présente chez tous les auteurs pour la raison poésie latine et qui donne à la prose une que c'est le livre lu par tous les clercs. Elle se couleur poétique20, ne peut évidemment être manifeste ici sous la forme de courtes rendu en français, où nous sommes liés par un citations, aussi bien de l'Ancien que du ordre assez strict. Mais même en latin il fallait Nouveau Testament. Les chrétiens, comme certainement un bon entraînement pour le on peut s'y attendre, sont en bonne place. Les saisir. poètes: Juvencus, Sédulius, Prudence; les Mais Uurmonoc ne s'arrête pas en si bon vies de saints : Guénolé, très sollicitée, chemin et propose un ensemble comme El E2 Samson, Benoît, avec le livre 2 des Dialogues E3 E4 Nl N2 N3 N4, soit quatre adjectifs de Grégoire le Grand ; les historiens : Orose, suivis de quatre noms auxquels ils se rappor­ pour la description du dr~on de l'île de Batz, tent dans l'ordre. et Gildas ; les auteurs spirituels : Cassien et Il faut remarquer que ces structures Cassiodore ; un philosophe, Boèce. La littéra­ enchevêtrées n'apparaissent que dans les ture païenne est certes le parent pauvre mais chapitres 1 à 10, c'est-à-dire dans le l•r livre. elle est quand même représentée par l' Enéide J'attire dès maintenant l'attention sur le fait de Virgile et la première phrase de la préface qu'une phrase où se présente une suite aussi est calquée sur la première phrase du Système compliquée ne peut être lue qu'à tête reposée. de Priscien21. La présence dans cette liste de Boèce et de Priscien est particulièrement intéressante car ce sont des auteurs presque • Les citations dans la Vito Pauli Aureliani inconnus au siècle précédent et qu'on redé­ couvre au 1x• siècle. C'est avec la multipli­ Un autre ornement de choix est constitué cation des copies et la diffusion croissante des par les citations d'auteurs anciens, païens ou œuvres antiques, fruits de la réforme caro­ chrétiens. Embellir, enrichir un texte en lingienne, que-leur connaissance progresse. empruntant à tel ou tel auteur des pass~es Priscien et Boèce cités à Landévennec en qu'on appréciait, en les adaptant au besoin, 884 : nous avons la preuve que le monastère à était une pr~tique courante dans l'Antiquité et cette époque est en relation vivante avec au Moyen Age. Aujourd'hui nous attendons d'autres centres de culture. l'originalité, le personnel. Jadis un tel souci n'existait pas: l'auteur pouvait intégrer à sa Le manuscrit Orléans 261 création la création d'autres auteurs, l'essen­ tiel était le résultat. Uurdisten dans la Vie de Ce que je viens de dire sur la Vita nous Guénolé ne s'est pas privé d'emprunter large­ renseigne sur son auteur et son milieu, sur ses ment : certains chapitres du 1er livre sont des centons de Grégoire le Grand et d'Isidore de 20 F. KERLOUÉGAN, <>, dans De Tertullien aux Mozarabes, Mélanges miracle des oiseaux». offerts à J. Fontaine, éd. L. HOLTZ et J.-C. FREDOUILLE, Fin du récit et début des vers élégiaques. On remarquera sur le dernier vers des signes de construction syntaxique modération que son maître. Dans la Vie de t. 2, Antiquité tardive et christianisme ancien (vr­ (ses) 1 d ·f· .~ • oo( • • J"' d" ., Pau/Aurélien, nous trouvons d'abord la Bible, IX' siècle), Paris, 1992, p. 183-189. : n om1tas 1ta oues qm quas1 c au 1t aues. . 60 61 Sur les pas de Paul Aurélien François Kerlouégan La Vita Pauli Aureliani d'Uurmonoc de Landévennec

lectures et sa pratique du latin. Mais nous près de l'original, on peut se demander si page recto et que les chapitres 1, 14, 18, 20 et et celle de Malo, due à la plume de Bili et datée pouvons en apprendre encore plus en suivant précisément on ne tient pas là l'original : 23 en terminaient une au verso. Sinon nous de 86924. Bien mieux, dans cette demière au les premières années de la transmission de Landévennec, 884. aurions des chapitres coupés en deux, ce qui chapitre 18 du livre 2, une discussion entre un l'œuvre à travers le manuscrit Orléans 261. n'est pas le cas. Ma supposition serait accep­ clerc d'Alet et un clerc de Saint-Pol se termine Il faut répondre par la négative. Les pages table si les médiévaux avaient eu comme nous par le triomphe de la puissance de Malo sur Nous avons de la Vita deux manuscrits : qui nous intéressent, 42-134, représentent en celle de Paul, ce qui pousse l'évêque le premier, des IXe et xe siècles, est conservé à l'habitude de séparer les chapitres par le blanc fait non pas un manuscrit unique de la Vita, de bas de page qui en termine un et le blanc de Clotuuoion, vers 850-860, à faire célébrer la la bibliothèque de la ville d'Orléans sous la relié avec d'autres, mais deux manuscrits haut de page qui précède le suivant. Or ils fête de Malo à Saint-Pol. Aussi Hinuuoret cote 261 (217) et provient de l'abbaye toute distincts par le support, l'écriture, la songe-t-il à reprendre les vieux textes, dont proche de Saint-Benoît-sur-Loire, ancienne­ serraient à la suite, pour ne pas perdre de présentation des titres et reliés l'un à la suite Uurmonoc nous parle dans sa préface25, et à ment Fleury, l'autre des xr-xne siècles, autre­ place et économiser le parchemin. La présen­ de l'autre. Nous avons donc: faire rédiger une belle Vie de Paul, dans le goût fois à Saint-Germain-des-Prés, est actuelle­ tation supposée relèverait donc d'un hasard 1er manuscrit: 01: p. 42-73: partie la plus de l'époque. Mais sa petite école manque de ment à la Bibliothèque nationale sous la cote proprement miraculeux. Latin 12942. ancienne, IXe siècle sans doute : contient les stylistes confrrmés. Il pense alors au monas­ chapitres 1, 15-18, 21-23. tère d'Uurdisten, qui relève de Quimper sans Mais, avant d'aller plus loin, signalons Le manuscrit Orléans 261 à Saint-Pol doute, mais qui est le centre le plus actif de la 2e manuscrit: 02: p. 74-134: partie la que dans notre manuscrit se trouvent d'autres Bretagne occidentale. L'abbé propose le plus récente, sans doute du xe siècle : contient textes sans rapport avec la Vita : extrait de les chapitres 2-14 et 19-20. Il faut abandonner la version de travail à l'un de ses disciples, qui est léonard et Martianus Capella, prières de la messe, l'accident et penser à un acte volontaire. Le qui de surcroît se trouve être son élève le plus extrait du pseudo-Méliton, Vie interpolée de Cette curieuse répartition fait problème. texte a pu être tronqué et réduit aux chapi­ doué: n'écrit-il pas volontiers dans un style Grégoire le Grand par Paul Diacre, office de Pour la résoudre on peut imaginer que d'un tres 1, 15-18 et 21-23. Plus tard, on a éprouvé brillant qui éveille la jalousie de 8es condis­ la fête de Tous les Saints, soit les pages 1-41 et manuscrit antérieur les chapitres 2-14 et 19- le besoin de le compléter à partir d'un ciples? Uurmonoc s'attelle à la tâche et 135-151. La Vita occupe donc les pages 42- 20 ont été perdus à la suite d'un accident de manuscrit intégral. Ramenée au premier compose un ouvrage dans un latin très l34. C'est en effet une habitude au Moyen reliure par exemple, de sorte que du groupe, la Vie est utilisable. Le chapitre 1 recherché. Il a pensé, comme c'est normal, à Age de regrouper sous la même reliure manuscrit primitif ne seraient restés que les présente Paul et sa famille. Ensuite, sautant la fois à la solennité de la fête de saint Paul et plusieurs petits manuscrits ou de copier chapitres 1, 15-18 et 21-23, qui auraient alors les épisodes situés dans l'île de Bretagne et sur aux jeunes élèves d'Hinuuoret. Hélas, cette plusieurs textes qui formeront le même été recopiés à la suite et auraient formés un la côte occidentale du Léon, nous arrivons magnifique composition est trop longue et manuscrit. C'est ainsi que le second manus­ premier cahier. Un peu plus tard on aurait avecle saint et ses compagnons dans le futur surtout trop difficile, en particulier dans les crit de la Vita, le BN lat. 12942, contient recopié sur un second cahier les chapitres Saint-Pol puis dans l'île de Batz, où a lieu le premières pages, aussi bien pour la lecture l'Histoire ecclésiastique de Bède, la Vie de saint manquants, à partir d'un manuscrit complet. miracle du dragon vaincu. Nous sont ensuite publique - personne ne comprend - que pour Léonard, des extraits de canons, des extraits de Enfin les deux cahiers auraient été juxta­ donnés les prophéties de Paul, sa mort et le ·r étude - les élèves s'enlisent dans les compli­ Remi d'Auxerre sur la messe, en plus de la Vie posés, avec cet ordre curieux que nous avons retour miraculeux de son corps dans sa ville. cations de la construction. L'évêque fait faire dans Orléans 261. de Paul. Ce qui a été négligé, ce sont les chapitres alors des coupes sombres dans la Vie pour ne conserver que le plus facile, en gros le livre 2 C'est le premier qui nous retiendra, le Mais, pour que cette hypothèse soit insulaires, éloignés de la Bretagne, l'arrivée et même uniquement les chapitres qui concer­ plus intéressant par son ancienneté, par son recevable, il faut supposer que dans le dans le Léon occidental, le long chapitre 19 origine et par sa structure22. manuscrit qui allait être démembré, les sur la consécration épiscopale de Paul à Paris nent directement Saint-Pol et Batz. chapitres 1, 2, 15, 19 et 21 commençaient une et le chapitre 20 sur la consécration de ses Ancienneté et origine se renforcent. successeurs. La Vie raccourcie est centrée sur 24 Gw. LE Duc (éd.), <>. ,J'ai trouvé, pour compléter le précédent sur un manuscrit qu'il est plein de «bavardage breton». Il avait c'est vrai, dans un écrit les hauts faits de ce saint, mais d'Uurmonoc : phrases longues, ordre des mots intégral, peut-être celui qu'Hinuuoret avait donc écourté les phrases, remis les mots à leur tellement défigurés par le bavardage breton qu'ils en reçu d'Uurmonoc. troublé, jugement qui correspond peut-être à devenaient pesants au lecteur... J'ai mis mon soin à place ; il regrettait d'avoir dû conserver des ce qu'a pu éprouver Hinuuoret à l'usage. rendre les phrases moins longues .et j'ai réglé l'ordre des L'histoire de la Wta Pauli à Saint-Pol noms bretons inharmonieux mais il a pu en mots, autant que j'ai pu, jusqu'à la perfection ... Que paraît donc assez tourmentée. Mais il reste à rayer beaucoup, comme les noms des frères C'est la We de Vitalis qu'ont éditée les l'esprit du lecteur ne soit pas troublé par les noms savoir pourquoi 01 et 02 se sont retrouvés de Paul et les noms de ses compagnons, qui bollandistes dans les Acta sanctorum au inharmonieux des Bretons que j'ai intercalés parce que je xvn• siècle. Il a fallu attendre 1880 pour que n'ai pas pu totalement les éviter: ils forment en effet le tous les deux à Fleury. sont plus gênants qu'utiles27. sujet de l'œuvre. J'en ai évité beaucoup: ainsi j'ai laissé de le bibliothécaire de la ville d'Orléans, Charles côté sans y toucher les noms des frères de l'homme de Cuissard, publie le manuscrit de son établis­ Dieu parce qu'ils me sont parus barbares et pas le manuscrit d'Orléans à Fleury 26 L. GoUGAUD, «Les relations de l'abbaye de Fleury­ sement dans la Revue celtique. nécessaires à mon travail et j'ai laissé les noms des prêtres sur-Loire avec la Bretagne armoricaine et les îles Je remercie vivement Gwennole Le qui, lit-on, accompagnaient partout le saint parce que j'ai Britanniques (X" et XI' siècle), 1. Fleury et la Bretagne cru qu'ils seraient plus une charge qu'un avan­ L'abbaye bénédictine de Fleury, fondée armoricaine», Mémoires de la Société d'histoire et Menn, éditeur des Mélanges L. Fleuriot, qui m'a tage ... » Cette vie (BHL 6586) est connue par les mss. Vat. vers le milieu du vn• siècle, fut réformée en d'archéologie de Bretagne, t. IV, 1923, p. 3-15. Le cas de aimablement autorisé à utiliser ici le contenu Reg. lat 458, f" 37-52 + 646, f" 58-59, tous les deux du XI'­ 930 par Odon, abbé de Cluny, et devint une Liosmonoc est intéressant mais discuté. On lui a attribué de l'article retenu pour cette publication. Le XII' siècle et peut-être écrits à Fleury (E. PELLEGRIN, manière de monastère modèle, un centre de le ms. Vat. Regin. lat. 81, contenant la recension A des texte latin de la Wta Pauli est celui que j'ai , Bibliothèques retrouvées. Manuscrits, bibJiothèques et Hisperica Famina, en plus du Vat. Regin. lat. 296, un bibliophiles du Moyen Age et de la Renaissance, Paris, 1988, réforme qui exerça une influence interna­ Orose glosé en vieux breton, qui contient son nom dans établi à partir des manuscrits d'Orléans et de p. 247 (=Bulletin d'information de l'Institut de recherche et tionale. Les Bretons l'ont-ils connu plus tôt ? l'explicit. Ces deux manuscrits auraient été copiés à Paris en vue d'une édition future. La d'histoire des textes, 12, 1963, p. 21). Elle est éditée dans Il est possible en effet que le moine Liosmonoc Fleury au IX' siècle. Cf. P. GROSJEAN, «Confusa caligo», traduction est également la mienne. les Acta sanctorum, mart. Il, p. 111-120. y ait séjourné dans la première moitié du Celtica, vol. 3, 1956, p. 38-40. -M. LAPIDGE, «The IX" siècle26. hermeneutic style in tenth-century Anglo-Latin litera­ ture», Anglo-Saxon England, 4, 1975, p. 71, n. 7 et 73, n. 1, Vers 960, l'évêque de Saint-Pol, Mabbon, et ID., «L'influence stylistique de la poésie de Jean Scot>>, arrive à l'abbaye pour y finir ses jours auprès dans Jean Scot Erigène et l'histoire de la philosophie (Colloque du C.N.R.S., Laon, 7-12 juillet 1975), Paris, des restes de saint Benoît. Peut-être était-il 1977, p. 448, reprend P. Grosjean mais date Liosmonoc déjà en relation avec Fleury depuis quelque du x• siècle. En revanche L. Gougaud doute que le temps ? Mabbon n'arrive pas les mains vides. Fleury du X" siècle ait pu être une école de latinité Il apporte avec lui des reliques de saint Paul et hispérique. plusieurs manuscrits, dont un Des devoirs de 27 On a fait de Vitalis un Breton, qui aurait participé avec saint Ambroise, aujourd'hui à Berne : nous un autre B~ton de Fleury, Félix, premier abbé de Ruis restauré, au relèvement de cette abbaye. Vitalis aurait en connaissons la provenance grâce à l'ins­ succédé à Félix et aurait écrit la Wta Gildae (BHL 3541). cription qu'il contient: «L'évêque Mabbon a Voir A. VIDIER, Ehistographie à Saint-Benoît-sur-Loire et donné ce manuscrit à saint Benoît.» les miracles de saint Benoît, Paris, 1965 (thèse de 1898 non publiée), p. 246, addition à la p. 102, n. 193. L. Gougaud, Puisqu'il y avait des reliques de Paul dans art cité, p. 6 et sq., ne voit en lui que l'auteur de la Wta ses bagages, pourquoi ne pas supposer que Pauli. C'est une question de chronologie et il est possible parmi les manuscrits donnés en présents que nous ayons deux Vitalis, l'un de Fleury, l'autre de figurait un document bien utile pour honorer Ruis, à quelque distance dans le temps l'un de l'autre (Cf. A. VIDIER, op. cit., p. 110, n. 258). Voici le passage de le saint, la Vila Pauli, dans la version courte, la Préface ici concemé : «Huius sancti uiri gesta scripta probablement accompagnée du complément, quidem reperi sed Britannica garrulitate ita confusa ut qu'il aurait fait recopier pour laisser à Saint­ legentibus fierent onerosa... Longitudinem sententiarum Pol l'original. En tout cas notre manuscrit abbreuiare curauimus et uerborum ordinem, prout potuimus, d'Orléans provient bien de Fleury, comme ad unguem direximus ..• Nec turbetur lectoris animus absonis Britonum nominibus, quae interposuimus, quiae haec uitare l'indique l'ex-libris: «Livre du monastère de ex toto nequiuimus: in ipsis enim operis materia consistit. s. Benoît de Fleury.» Vitauimus equidem plurima : nam ipsius uiri Dei fratrum 65 64 Des origines insulaires de Paul Aurélien par Bernard Merdrignac

La Wta Pauli a été rédigée en 884, à Lan­ tort. Cependant, il nous a plu d'illustrer cet dévennec, par Wrmonoc, prêtre et moine, ouvrage de leurs noms comme autant de sous l' abbatiat de Wrdisten qui, peu aupara­ perles. En effet, nous savons qu'ils ont des vant, avait rédigé plusieurs versions de la Vita sanctuaires (memorias) et des églises (basi­ de saint Guénolé et qui avait été le précepteur licas) érigés en leur honneur et qu'ils ont de notre auteur. L'ouvrage se présente comme grandement mérités d'être élevés rtuprès du la réponse à une commande de l'évêque de Seigneur4.>> Léon Hinworet (sans doute pour fournir un De tels passages sont importants car ils manuel aux clercs de l'école épiscopale!). Il révèlent une méthode de travail qui n'est pas est d'ailleurs dédié à ces deux notabilités : particulière à Wrmonoc. Les hagiographes <> écou­ 2 CUISSARD (éd.),<< Vita Paufi,, Revue celtique, 1881-1883, lé depuis lors et de <

70 71 Sur les pas de Paul Aurélien Bernard Merdrignac Des origines insulaires de Paul Aurélien brève Paulus, soit sous plusieurs formes traditions relatives à Paul de Penychen dont il donc, selon Gildas, à la tête du parti britto­ forteresse d'Ambrosius)39. L'enfant révèle à développées dont Paulennanus paraît la plus a connaissance. Or, il est significatif qu'il fasse romain, opposé à celui de Vortigern qui fait Vortigern que ce sont les combats de deux valable27,, Ainsi s'explique le passage de Pau­ allusion à ce personnage alors qu'il vient de appel à des fédérés saxons pour défendre les dragons, figurant les Bretons et les Saxons, lennanus à Paulinus. Le chanoine Doble donner le cognomen du saint : Aurelianus. Il côtes de Grande-Bretagne, au risque de les qui empêchent la construction de l'édifice. Il faisait déjà remarquer une évolution analogue paraît donc de bonne méthode de suivre cette voir s'incruster. L. Fleuriot, qui assimile se présente ensuite : <>) des sources continentales, recons­ Guletic.>> Les Triades galloises confirment que Sa stèle funéraire porte une inscription de la A la suite de J. Loth34, L. Fleuriot a titue ainsi sa carrière : il serait né vers 420 ; cette dénomination s'appliquait bien à Am­ seconde moitié du vr siècle qui a été traduite remarqué que ce ne peut être un hasard si ce Vortigern appelle les Saxons vers 440 contre brosius Aurelianus en portant au discrédit de ainsi : <>, dans le cercle restreint des chefs bretons des deviennent encombrants. Ambrosius s'oppose Emrys Wledig et Uthur Penndragon de l'île Ce personnage était connu en Bretagne ve-vr siècles: outre Paul Aurélien, on relève longuement à Vortigern et doit se réfugier un vers l'Armorique40,,, Il s'agit d'un titre qui continentale : il est l'éponyme du cimetière Aurelius Caninus, mentionné par Gildas dans temps en Armorique ; il finit cependant par semble avoir été porté à l'époque romaine par médiéval de Saint-Urnel -ou Saint-Satur­ son De Excidio ; celui-ci pourrait descendre du éliminer son adversaire et réussit à contenir les chefs de troupes indigènes41, C'est nin- en Plomeur (Finistère) et une liste épis­ prestigieux Ambrosius Aurelianus35 dont le les Saxons. En 469, de retour sur le continent pourquoi, il est intéressant de voir l'enfant copale douteuse, au xur siècle, a même porté floruit prend place vers 460-480. à l'appel de l'empereur Anthemius, il aurait poursuivre, au mépris de la cohérence nar­ un sanctus Saturninus au nombre des évêques essuyé un revers face aux Wisigoths, mais il Attachons-nous d'abord à ce personnage. rative : <>, Après la défaite de être une coïncidence si c'est précisement dans Bretagne, apporter à Fleury-sur-Loire les de son ancestrale noblesse36,,, Ambrosius est Syagrius, en 489, à Soissons, il serait sans la même région que d'autres documents reliques de saint Paul. Or, alors que la fête doute retourné outre-Manche pour combattre localisent l'aire d'activité de Paul de Peny­ chen, présenté comme l'un des fils de Glywys, (natalis) de celui-ci tombe le 12 mars30, cette 27 D.B.G., «Paulus (Aurelianus) ou Paulennanus, pre­ les Saxons. Peut-être est-ce lui qui remporta la translation de ses reliques est commémorée le mier évêque du Léon», Bulletin de la Société archéologique bataille décisive du mont Badon (février 482) l'éponyme de ce territoire. 10 octobre, date qui coïncide avec la fête de du Finistère, t. XCVII, 1971, p. 142. qui a freiné l'expansion saxonne pendant une Aurelius Caninus est beaucoup moins saint Paulin d'York. Dans divers calendriers 28 G.H. DOBLE, éd. par D.S. EVANS, Lives ... , op. cit., quarantaine d'années38? célèbre qu'Ambrosius Aurelianus dont il est p.l49. (comme celui d'Angers, ms. 322-273) la Or cet important personnage est men­ peut-être un des descendants si l'on se fie à la mention de la translatio sancti Pauli a rem­ 29 P.-R. GIOT, J.-L. MONNIER, <>, Archéologie tionné à diverses reprises dans l'Historia Bri­ placé la notice primitive de saint Paulin tonum attribuée à Nennius qui n'en fut d'York31 et celui d'un bréviaire de Chartres médiévale, t. 8, 1978, p. 71. 30 Vita Pauli, Il, 12, p. 455. pourtant qu'un des remanieurs. La version la 37 L. FLEURIOT, ibid., p. 174-175. (XIVe siècle) mentionne, à cette date, Paulinus plus ancienne remonte certainement au 38 A. CHÉDEVILLE, H. GUILLOTEL, La Bretagne des saints ep. Leonensis32. Au pays de Galles, la même 31 A.VIDIER, !:historiographie à Saint-Benoît-sur-Loire et les Miracles de saint Benoît, Paris, 1965, p. 101, n. 186. vur siècle. Dans cet ouvrage, le chef britto­ et des rois, Rennes, 1984, p. 29. - D. McCARTHY et D. confusion s'est produite entre Paulin d'York OCROININ, <> de Vortigern conseillent 39 LI. LAING, Ce/tic Britain, London, 1981, p. 152 et 192. qu'à Llandeusant, la foire annuelle se tenait p. 151. à celui-ci de sacrifier pour que la tour qu'il -comme par hasard -le 10 octobre33! 40 R. BROMWICH, Trioedd Ynis Pridein ... , op. cit., 51, 34 J. LOTH, Les Mabinogion du Livre rouge de Hergest, projette de fonder sur le mont Snowdon (Mons p. 131-132. Paris, 1913, t. I, p. 238, n. 1. Pourtant, alors que l'identification entre Hereri) tienne debout. Il s'agit là d'une L'équivalent breton de ce titre, gloedic, est encore 35 L. FLEURIOT, Les origines de la Bretagne, Paris, 1980, 41 Paulus et Paulinus devait déjà être acquise à légende topographique puisqu'il existe effec­ attribué à un comte de Comouaille, dans un document du p.l76. son époque, Wrmonoc, on l'a vu, ne peut tivement au pied de la montagne une XV" siècle : ibid., p. 454. 36 De Excidio, c. 4. -Cf. R. BROMWICH, Trioedd Ynis s'empêcher- au prix de contradictions inter­ F. LOT, Nennius ... , op. cit., p. 182. Prydein. The Welsh Triads, Cardiff, 1978, p. 345. forteresse de l'âge du fer réoccupée après 42 nes - de rattacher aussi à son héros les - L. FLEURIOT, Les origines ... , op. cit., p. 238. l'époque romaine appelée Dinas Emreis (la 43 Io., ibid., p. 180.

72 73 Sur les pas de Paul Aurélien Bernard Merdrignac Des origines insulaires de Paul Aurélien remarque de Gildas sur l~ dégénérescence de désigne comme «roi>> ou «prince,,51 et dont il Bannhedos ou Caer Banhed56 dont rien ne Or Giou, l'éponyme de Gloucester n'est la postérité de ce dernier. En effet, il figure au donne le nom complet: «Le roi Marc qu'on prouve qu'il ne s'agisse de l'ancien nom de pas inc~nnu en Bretagne continentale au nombre des cinq rois bretons flétris par l'au­ appelle d'un autre nom Quonomor52_,, Le Castel Dore, mais la toponymie bretonne Moyen Age. La généalogie qui ouvre la vita teur du De Excidio qui lui reproche vaguement saint aurait fait en quelque sorte figure vient confirmer l'identité de Marc et de de saint Gurthiern contenue dans le cartulaire sa fornication et plusieurs adultères44. F. Ker­ d'aumônier militaire à sa cour avant de se établie par l'hagiographe. En effet, de Quimperlé (compilé, au début du xn• siècle, louégan s'est efforcé de clarifier l'origine de ce décider à émigrer quand celui-ci l'aurait invité alors que la vila de saint Méloir situe à par Gurheden) présente, en effet, le saint surnom de Caninus. à accepter «l'épiscopat de sa région>> (ponti· Boxidus (Castel Veuzit) en Lanmeur une comme «fils de Bonus, fils de Giou, fils Pour beaucoup de spécialistes, il s'agit ficatum suae regionis)53. Les listes généalo­ résidence de Conomor, L. Fleuriot a relevé à d'Abros ... >> pour remonter à Constantin le d'une latinisation abusive du nom de Conan giques de Domnonée insulaire mentionnent proximité le lieu-dit Ruvarq (*Run Marc) qui Grand66. Certes L. Fleuriot et, récemment, (gallois : Cynan) qui renvoie à la racine cun-, un Kynfawr, descendant de Cynan Meria­ ne peut que contenir l'anthroponyme Marc57. B. Tanguy ont montré qu'il était impossible de con-: «Sommet» (d'où le gallois moyen cun: dog54 qui pourrait bien être ce même per­ L'assimilation entre Marc et Conomor prendre à la lettre ce texte confus et cor­ <>). Mais le nom aurait été sonnage. De plus, on sait qu'il a été découvert, paraît donc fort plausible. Il semble, par con­ rompu. Cependant, il convient de rappeler ici compris, à tort, comme un dérivé d'une autre en Cornwall une inscription du milieu du tre, beaucoup plus hypothétique d'identifier que le nom de saint Gurthiern n'est qu'une racine cun- («meute, armée>>) qui se rattache vr siècle indiquant : «> (Drustaus hic iacit Cynomorifilius). probablement l' Aurelius Caninus de Gildas. che, entre autres méfaits, d'avoir introduit des Saxons dans l'île et qu'il inclut dans les mêmes D'autre part, l'anthroponyme britan­ Cette pierre se trouvait à proximité du site En effet, les sources généalogiques font men­ jérémiades qu'Aurelius Caninus. Abros, pré­ nique Cunignus attesté sur deux inscriptions archéologique de Castel Dore, près de Fowey, tion de Kynvarch, fils de Meirchawn58 tandis senté ici comme son arrière-grand-père, doit du v· siècle45, renvoie au gallois Cynin qui à présent interprété comme la réoccupation qu'un barde du xn· siècle fait de March le être restitué en Ambros, équivalent breton du désigne le «petit d'un animal>>. Gildas paraît médiévale d'un hillfort antérieur55. Certes successeur de Meirchyaun à la tête du pays de gallois Emreys. Nous sommes donc toujours avoir en tête cette signification puisqu'il fait Wrmonoc localise la cour du roi Marc à Villa Galles. Une Triade présente Drystan comme en présence d'Ambrosius Aurelianus67. implicitement un jeu de mot entre Cunignus et le porcher de « March fils de Meirchyawn59,, Caninus en donnant à Aurelius le surnom de et une autre le présente comme l'un des trois En dépit de ses incohérences, ce docu­ «lionceau>> ( C atulus leoni nus )46. 44 F. KERLOUÉGAN, Le De Excidio Britanniae de Gildas. «navigateurs>> (ou «propriétaire de navires>>) ment, qui s'inspire d'ailleurs peut-être d'un Les destinées de la_ culture latine dans l'île de Bretagne au de l'île de Bretagne60, ce qui s'appliquerait fort Ce Cunignus est très probablement le vr siècle, Paris, 1987, p. 530-533. bien au détenteur d'un royaume double61. Or Cunin Cof (glosé memorie: «de [bonne] mé­ 45 R. BROMWICH, Trioedd Ynis Pridein ... , op. cit., p. 313. ce Meirchion (altération de Marcianus ?), fils 56 Vita Pauli, 1, 8, p. 432. moire>>) dont les généalogies galloises font le -Ch. THOMAS, And Shall These Mute Stones Speak ?, op. 57 L. FLEURIOT, Les origines ... , op. cit., p. 118. cit., p. 250. de Glywys, figure à diverses reprises dans la fils de Tudwal Befr (ou Pefir: «le rayonnant>>; de saint Iltud qui lui donne «le prénom de 58 P.C. BARTRUM, Barly Welsh Genealogical Tracts, op. cil., 46 F. KERLOUÉGAN, Le De Excidio ... , op. cit., Notes, vita Flaui dans le De Situ Brecheniauc)47. Laissons Vesanus62,, et le titre de «roi de Glamorgan>> ' p. 44 ; Kinmar se rencontre dans l'Historia regum p. 179-180; cf. T.D. O'SULLIVAN, The De Excidio of Britanniae (IX, 12) de Geoffroi de Monmouth. aux linguistes le soin de déterminer s'il est Gildas; ifs authenticity and date, Leiden, 1978, p. 97, (regis Glatmocanensium63). Si le roi Marc est correct de rapprocher ce surnom du nom du n. 55. bien le fils de ce Meirchion, il convient de réfu­ 59 R. BROMWICH, Trioedd Ynis Pridein ... , op. cit., p. 45. père de Paul Aurélien, le comte Perphirius 47 P.C. BARTRUM, Barly Welsh Genealogical Tracts, op. cil., ter l'hypothèse qui, en le confondant avec 60 ID., ibid., p. 25. (var. Perphius)48. Childebert devient bien p. 15-18. Aurelius Caninus, en ferait un parent de Paul 61 T.D. O'SULLIVAN, The De Excidio ... , op. cit., p. 100. «Philibert>> dans l'œuvre de Wrmonoc49 ! 48 L. FLEURIOT, Les origines ... , op. cit., p. 176, n. 51, voit Aurélien. Par contre, cette filiation présente - A.-Y. BOURGÈS, <> breton du VI" siècle», Mémoires de la dans ce nom une «forme plus ou moins correcte de l'intérêt de mettre le saint breton en relation Certains historiens britanniques n'ont pas Porphyrius>>. Société d'histoire et d'archéologie, t. LXXIV, 1996, p. 419- avec un chef de la région dont il est donné 427. hésité, pour leur part, à esquisser un rappro­ 49 Vita Pauli, Il, 15, p. 442. chement entre l' Aurelius Caninus de Gildas et comme originaire, l'actuel Glamorgan. 62 W. J. REES, Lives... , op. cit., Vita Iltuti, c. 8, p. 164. 50 L. FLEURIOT, Les origines ... , op. cit., p. 189. -A. CHÉ• Conomor, personnalité historique attestée DEVILLE, H. GUILLOTEL, La Bretagne ... , op. cit., p. 76. Selon certains, Aurelius Caninus aurait 63 ID., ibid., c.U, p. 172. aussi bien par l'Historia Francorum de Gré­ 51 Vila Pauli, 1, 8, p. 431; Il, 17, p. 445. pu diriger, probablement à l'extrême fin du 64 J. MORRIS, The Age of Arthur, London, 1975, p. 203. goire de Tours (IV,4; 20) que par les plus - G. ASHE (éd.), The Ouest for Arthur's Britain, London, 52 Ibid., 1, 8, p. 431. v· siècle, la région de Gloucester et le sud-est anciennes vitae bretonnes où il ne tient pas 1982, p. 180. 53 Ibid., p. 432. du pays de Galles64. D'autres historiens, sur la souvent le beau rôle. Contemporain de Chi­ foi de l'Historia Britonum admettent que c'est 65 W. DAVIES, Wales in the Barly Middle Ages, Leicester, 54 R. BROMWICH, Trioedd Ynis Pridein ... , op. cit., p. 337. 1982, p. 95~96. debert J•r (511-558), il a dû contrôler lui aussi Vortigern qui régnait sur cette région avant un royaume double, de part et d'autre de la 55 Ch. THOMAS, Christianity in Roman Britain to A.D. 500, 66 B. TANGUY, <>, p. 181. London, 1981, p. 268. Voir, cependant L. ALCOCK (dir.), que ses descendants n'imposent leur pouvoir Manche50. Or, précisément, Wrmonoc met au centre du pays de Galles (en Builth et 67 L. FLEURIOT, <<Üld Breton Genealogies and Early «Cadbury Castle-Somerset>>, The early medieval archeo­ British Traditions», The Bulletin of the Board of Ce/tic son héros en contact avec Conomor qu'il logy, Cardiff, 1995, p. 133. Gwrtheon)65. Studies, vol. 26/1, 1974, p. 2.

74 75 .. Bernard Merdrignac Des origines insulaires de Paul Aurélien Sur les pas de Paul Aurélien sément les liens familiaux de saint Paul origines bretonnes étaient avant tout l'élément original britannique68, a l'intérêt de prouver qu'avaient les hagiographes trégorois de l' exis­ Aurélien, d'autant que la personnalité de son <> des couches dirigeantes de l'émigra­ que les mêmes traditions avaient cours de part tence, sur la côte méridionale du Cornwall, ·dans la péninsule de Penwith, des deux pa­ père, le «comte Perphirius>>, reste énigmatique. tion. Au reste, le nom de Paul n'est pas excep­ et d'autre de la Manche à propos des origines tionnel dans cette lignée de Glamorgan. Une roisses voisines de Paul et de Madron76. Cependant, il me semble que suffisam­ bretonnes69. Aussi est-il permis de rapprocher liste généalogique (Jesus College ms. 20) qui Comme le culte de saint Tudual, présenté par ment d'indices se recoupent qui autorisent à le début de cette généalogie de celle de corrobore celle de Nennius mentionne encore, ses vitae comme le maître des éponymes de reconnaître en lui un membre du prestigieux Vortigern dont la plus ancienne occurrence dans la seconde moitié du vne siècle, un P awl ces deux localités, n'a guère laissé de traces en lignage britto-romain des Aureliani dont on apparaît chez Nennius: << ... Guorthigirn Gor­ map ldnerth, quatre générations après Gwr­ Cornwall, il est permis de penser que ces deux ye theneu de Guitaul, ftls de Guitolin, ftls de discerne les implications, depuis le siècle, theyrn gurthenev79. Gloui. Bonus, Paul, Mauron furent trois frè­ personnages n'ont historiquement rien à voir dans les bouleversements de la vie politique en res, fils de Gloui qui bâtit une grande ville sur avec l'évêque de Tréguier. Ces deux topony­ Grande-Bretagne et en Gaule. Les faveurs D'autre part, le cas de Vortigern qui, la rive du fleuve Severn qui s'appelle en mes doivent plutôt leurs noms aux ftls de dont Childebert aurait comblé Paul Aurélien comme le rappelle cette généalogie, appartient breton Caer Gloui et en Saxon Gloecester. On Gloui. Or, c'est dans cette même péninsule de se justifieraient tout à fait puisque ce roi franc au même milieu, constitue un parallèle en a dit assez de Guorthigirn et de son ligna­ Penwith, probablement dans la baie de St­ est le <>) qualifiant Gloui et proposait de continent77. Aussi, le nom de la paroisse de sud-est du pays de Galles, la région la plus restituer ainsi le texte initial : «... Guitolin ftls Paul pourrait-il bien conserver le souvenir du de sa vie, opérant miracles et prodiges avant et fortement romanisée, les assises territoriales après sa mort80,,. • de Gloui le Bon. [Guitolin], Paul, Mauron fondateur de Saint-Pol-de-Léon. du pouvoir de cette lignée. Dès lors, on est en furent trois frères, ftls de Gloui.. _71,,. droit de se demander si, en assimilant d'em­ Ce rapprochement entre les deux personnages est rien moins qu'artificiel: les Le <> Juthael, ftls d'Aidan, * blée son héros à Paul de Penychen, Wrmonoc reliques de Paulennan ne figurent-elles pas qui a composé la généalogie de saint Guthiern ** (ou les traditions qu'il reprend) n'aurait pas parmi celles qui furent retrouvées à l'île de aurait donc été victime de cette confusion. Il a approché la vérité historique ... quitte à s'en Groix, en même temps que celles de saint d'ailleurs aussi escamoté les noms de Guitaul écarter ultérieurement sous l'influence du Il faut maintenant conclure : ces docu­ Gurthiern, après les invasions normandes81 ? et Guitolin, faisant l'impasse sur une géné­ ments généalogiques sont trop corrompus pour clergé de Léon, commanditaire de la vita, qui ration et n'a pas éprouvé le besoin de men­ que l'on puisse espérer reconstituer préci- confondait déjà Paul et saint Paulinus de tionner les noms de Paul et de Mauron, frères Carmarthenshire. de l'hypothétique Bonus dont il fait le père de Il ne faut pas trop s'étonner de voir les 78 L. FLEURIOT, Les origines ... , op. cit., p. 189. 68 B.TANGUY, «De la vie de saint Cadoc... », art. cit., son héros. textes hagiographiques plus tardifs d'outre­ P.C. BARTRUM, Barly WelSh Genealogical Tracts, op. cit., p.173. 79 Manche présenter Paul de Penychen comme p. 46.- Cf. F. LOT, Nennius ... , op. cit., p. 122-123. Cependant, ceux-ci ne sont pas, non plus, 69 L. FLEURIOT, «Üld Breton... », art. cité, p. 4. un chef laïque qui semble avoir peu de points 80 Trad. B. TANGUY, «De la vie de saint Cadoc ... », art. des inconnus pour les hagiographes bretons. 70 Historia Britonum, c. 49. - F. LOT, Nennius ... , op. cit., En effet, la seconde Vita de saint Tudual, en communs avec le saint évêque que célèbre cité, p. 171. Cf. N.K. CHADWICK (éd.), Studies in the early p. 189.- P.C. BARTRUM, Barly WelSh Genealogical Tracts, Wrmonoc. Beaucoup de spécialistes s' accor­ British History, Cambridge, 1959, p. 33-46. rapportant la sépulture de son héros dans le op. cit., p. 8. -Cf. L. FLEURIOT, «Üld Breton... >>, art. cité, dent pour reconnaître que les saints des 81 B. TANGUY, ibid., p. 172. monastère de Val-Trégor qu'il avait fondé, p. 3 . -B. TANGUY, «De la vie de saint Cadoc ... », art. cit., rapporte qu' <<à ses pieds furent enterrés Paul p.174. et Mactronus72, deux de ses disciples73,,. La 71 F. LoT, Nennius ... , op. cit., p. 189, n. 3. Vita Ilia reprend cette précision (Machtronus ; 72 Le manuscrit de Chartres donne la variante Macchro­ var.: Macronus, Matronus74) après avoir préa­ nus (Analecta bollandiana, t. 8, 1889, p. 110). lablement inséré un récit de miracle de saint 73 LA BORDERIE (éd.), Vita ua Tutgali, c. 12, p. 20. Tudual dans lequel Matronus tient le second 74 ID., Vita Ilia, c. 16, p. 32. rôle en tant qu'abbé du monastère de Lan­ 75 ID., ibid., c. 26, p. 39. mern (Lanmerin)75. 76 G.H. DoBLE, A Clue to the early History of the Parishes of Madon and Paul, Truro, 1930. Compte rendu par Le chanoine Doble considérait pertinem­ P. GROSJEAN, Analecta bollandiana, t. 50, 1932, p. 197. ment qu'il s'agissait là d'une simple légende 77 G.H. DOBLE, éd. par D.S. EVANS, Lives ... , op. cit., topographique, inspirée par la connaissance p. 159-161. 77 76 L'itinéraire religieux de saint Paul Aurélien en Léon par Bernard Tanguy*

Après avoir raconté dans le premier itinéraire religieux à partir des indications livre de la Vita sancti Pauli l'existence topographiques contenues dans la Vita. insulaire de son héros, depuis sa prime enfance jusqu'à sa jeunessel, le moine Wrmonoc entame, avec le second livre, l'aventure armoricaine de celui qu'il appelle *Chargé de recherche au C.N.R.S. • saint Paul Aurélien <

Carte 1. - Le Léon au temps de Paul Aurélien. Carte dessinée par Gilles Couix. 79 Sur les pas de Paul Aurélien Bernard Tanguy L'itinéraire religieux de saint Paul Aurélien en Léon un <>. Peu disert <>. cet endroit arrosé par une fontaine aux eaux on jeta l'ancreS. Les deux noms cités ici par rocher situé au bout de cette pointe a conservé limpides et abondantes, qu'il bénit, que saint Wrmonoc ont disparu, semble-t-il, de la l'empreinte des genoux du saint. Ajoutons Notre auteur affectionne l'étymologie. Il Paul et les siens s'installèrent, construisant toponymie nautique. Amachdu a été qu'au sud, en face de Corsen, une roche est l'a déjà montré dans le premier livre. Il y un petit oratoire avec un autel de pierre et rapproché par Léon Fleuriot6 du gallois dite Pierre de saint Paul. traduisait notamment le nom de la province des cabanes pour l'usage commun. Ils y moyen Avacdu, <> (?), galloise de Penn Ohen par caput boum <>, assortissant son étymologie de une variante du vieux breton abac <>, terme qui serait avaient jadis adoré comme divinité une tête 6 Dictionnaire des gloses en vieux breton, Paris, C. Cuissard, Revue celtique, t. V, 1881-1883, p. 437), représenté aujourd'hui par le breton avanc Klincksieck, 1964, p. 60. de bœuf. Faut-il voir dans le choix du <> un écho de ce nom insulaire? On considère qu'il s'agit d'un accusatif. Cependant ne saurait le dire3. Portus Boum devrait avoir l'éventualité d'une forme vieille-bretonne correspondant à l' U xisama de -Strabon, retenue par J. Loth (Revue pour correspondant breton *Porz-Ohen. Mais celtique, t. XXIV, 1903, p. 295), n'est pas à exclure. le mot ohen n'est plus employé à Ouessant, Cf. notre Dictionnaire des nom de communes, trèves et pas plus que dans le reste du Léon : il y a ét_é paroisses du Finistère, Douarnenez, éd. ArMen - Le remplacé par le mot ejened, pluriel de ejen. A Chasse-Marée, 1990, p. 139. défaut d'un Porz-an-Ejened, il existe du moins 3 Cf. Bernard MERDRIGNAC, art. cité.

Carte. 2. - L'itinéraire religieux de saint Paul Aurélien : Ouessant. Carte 3. -L'itinéraire religieux de saint Paul Aurélien :Lampaul-Plouarzel. Carte dessinée par Gilles Couix. Carte du Service hydrographique et historique de la màrine.

80 81 Sur les pas de Paul Aurélien Bernard Tanguy L'itinéraire religieux de saint Paul Aurélien en Léon Bien que le nom de Lampaul fasse solitaires. C'est au milieu de bois très épais, comme le propose François Kerlouégan, l'Aber-Benoît à Tréglonou, dont l'église lui est référence à un établissement monastique, près d'une fontaine donnant naissance à un luuehinus. Il s'agit de saint Joevin alias Jaoua, dédiée et où l'ancien passage du Truc portait Wrmonoc ne fait état d'aucune fondation faite ruisseau que J oevin établit sa cabane. Il fut qui, pour n'être pas l'éponyme de Plouvien, jadis son nom1S, et l'Aber-Vrac'h à Pont­ en ce lieu par saint Paul. Dans la même très mal inspiré car un bœuf sauvage avait comme l'avance dom Plaine, possède une Crac'h, sur le pont du Diable. Au-dessus de ce phrase, il dit que, débarquée, la troupe se mit coutume de venir s'y abreuver chaque jour. chapelle dans cette paroisse. L'édifice contient gué pavé, près duquel se dresse une petite en route et arriva dans une certaine paroisse Créature du diable, l'animal se rua sur la son tombeau, monument sur lequel on peut croix monolithe, se trouve la chapelle de Prat­ du pays d'Ac'h portant le nom antique de cahute, la détruisant de fond en comble. Sitôt lire l'inscription : S. loevin, Ep(iscop)us Leo­ Pol, dont saint Paul est l'éponyme et le Telmedovia. C'est dans cette plebs Telmedovia, rebâtie, elle fut à nouveau détruite le ne(nsis).fuit. hic. sepultus <> C'est sous son autre les trois sources qui coulent respectivement vrirent un certain domaine, devenu, selon Le quatrième jour, de guerre lasse, Joevin alla nom de lahoevius qu'il est cité par Wrmonoc sous la chapelle, devant l'édifice et dans le pré Wrmonoc, possession du saint, c'est-à-dire de trouver saint Paul, qui lui proposa d'échanger parmi les disciples de saint Paul et comme son en bordure du chemin. Témoignage de l'évêque de Léon, où se trouvait un lieu avec sa cabane contre la sienne. Alors qu'ils s'en­ successeur à la tête du diocèse. Fêté le 2 mars, l'importance ancienne du lieu, deux stèles une fontaine nommé Villa Petri, du nom, à ce tretenaient tous deux, l'animal reparut. Mais il a été pourvu par Albert Le Grand d'une Vie gauloises, dont l'une a disparu, se dressaient qu'on rapporte, dit Wrmonoc, d'un parent du quand elle vit le saint debout devant le seuil, la fabuleuse13, Celle-ci, qui le fait abbé de près de la chapelle, tandis qu'une troisième saint. Un petit oratoire et de petites cabanes bête s'avança tremblant d'épouvante et Daoulas et recteur de Brasparts, lui donne christianisée se trouve au village voisin de pour successeur saint Tusvean, qu'on re­ construites, le saint et les siens y séjournèrent s'inclina trois fois à ses pieds, tête baissée Ran-ar-Groas. trouve titulaire de l'ancienne chapelle de quelques jours7• · jusqu'à terre: ,,Je te pardonne, lui dit le saint; Saint-Usven à Ploudalmézeau précisément. Si jusqu'à présent l'identification des S'il est vrai qu'ils débarquèrent à va en paix, mais veille à ne jamais revenir un lieux cités n'a pas, en dehors d'Amachdu et de Lampaul-Plouarzel, la route qu'ils durent jour ici.>> L'animal obéit et disparut. Saint Mediona, posé de problème maje,pr, avec la emprunter est celle qui joint Saint-Mathieu à Paul bénit alors la fontaine et, ayant construit De Lampaul à Kasteii-Paol plebs Lapidea et la villa Wormawi le champ Ploudalmézeau, en passant par Ploumoguer, un oratoire et une petite cellule, demeura là des conjectures s'est tout à coup ouvert. Plouarzel, Brélès et Plourin, pour aboutir au quelque temps. C'est ce lieu, dit Wrmonoc, D'aucuns ont vu dans la plebs Lapidea bourg actuel de Ploudalmézeau, après avoir que maintenant on appelle ermitage (mo­ Peu de temps après, l'ange lui ayant Ploumoguer <>, ce qui est impossible, cette paroisse de Guitalmézé-Coz. Cet itinéraire, qui est, sur en Ploudalmézeaull. région, de s'informer sur les mœurs et les lois appartenant au pays d' Ac'h. Arguant de la le territoire de Plouarzel, jalonné par cinq du pays et de rechercher un endroit plus retiré présence à Prat-Pol de trois sources, d'autres Ainsi donc naquit Lampaul-Ploudal­ croix monolithes présumées être du haut où il puisse se soustraire au commerce des l'ont identifiée avec Le Grouanec <>, en Plouguerneau, à un peu village de Kerber, correspondant exact de fontaine, avec sa statue, à peu de distance au pagnons. Ils parvinrent ainsi à l'extrémité du ·plus de 2 km au nord-est de Prat-Pol16. Villa Petri, au nord-est de l'actuel bourg de sud de l'édifice. On n'y honore pas son· pays de Léon, au bord de la mer bretonne, Outre que son territoire ne confine pas à la Ploudalmézeau. Il y avait autrefois en ce lieu, compagnon. Son nom, lu Vivehinus par dom dans une paroisse que ses habitants appellent mer, Le Grouanec ne fut érigé en paroisse une petite chapelle dédiée à saint Pierre-ès­ Plaine12, Junehinus par Cuissard, est, en fait, Lapidea <> (M. CRÉAC'H, Les le tribus, dit Wrmonoc -, et se construisirent Y.-P. CASTEL, Saint Paul Aurélien. Vie et culte, Minihi Wrmonoc transporte directement le lecteur du pays d'Ac'h, dont la limite orientale manoirs du Léon occidental entre l'Aber-Benoît et l'Aber­ des huttes en des lieux plus retirés. L'un d'eux Levenez, 1991, p. 39-42. lldut, Brest, mémoire de D.E.A., 1993, p. 53). était l'Aber-Vrac'h, à l'autre bout du pays de se nommait luuehin et était appelé par tout le 11 Édition Cuissard, p. 439-440. 16 Cf. notamment les développements de l'abbé monde <>, à cause de son mode de vie 12 Analecta bollandiana, t. 1, 1882, p. 236. Cette version Léon, borné à l'est par la mer et le cours du A. THOMAS dans Saint Pol-Aurélien et ses successeurs, austère et de son goût pour les endroits est celle du manuscrit de Paris. Queffleut. On peut imaginer qu'il franchit Quimper, 1890, p. 59-61.

82 83 Sur les pas de Paul Aurélien Bernard Tanguy L'itinéraire religieux de saint Paul Aurélien en Léon à la plebs Lapidea n'est pas déterminante et la L'expression via publica s'applique très glose Meinin <>, où il a pris l'anthroponyme Carte 4. - L'itinéraire religieux de saint Paul Aurélien : Saint-Pol-de-Léon. <> - nommée Golban de Wrmonoc sur l'existence d'une enceinte en portitor et l'on arriva au lieu appelé jusqu'à au­ terre, sorte de murus gallicus, comme celui du jourd'hui Secretum, où le comte Withur, fuyant camp d'Artus au Huelgoat ? Il se pourrait l'agitation du monde, s'était retiré. Quand le bien que cette enceinte, partiellement rem­ saint entra, il achevait la transcription des placée par un rempart en pierre, existât quatre livres des Évangiles. Les deux hommes encore de son temps. Le fait qu'il précise que, se reconnurent et tombèrent dans les bras l'un bien qu'étant d'une hauteur étonnante, elle de l'autre car ils étaient cousins et frères en était moins élevée que l'actuel rempart, peut Jésus-Christ. Ils se racontèrent leurs sou­ reposer sur sa propre observation. C'est sans venirs depuis leur séparation. doute à la tradition qu'il se réfère quand il dit qu'elle fut construite dans les temps antiques. Le saint en était à évoquer la cloche du Le nom de Legio que donne à la ville l'évêque roi Marc quand le serviteur chargé du vivier Mabbo dans sa Tr.anslation de saint Mathieu du comte entra, portant d'une main un n'est pas sans renforcer les dires de Wrmonoc. saumon d'une taille étonnante, de l'autre une cloche merveilleuse, dont l'anneau, plein de C'est un oppidum à l'abandon que sangsues marines, était perforé t!t rongé. découvre saint Paul. Ses seuls habitants sont Saint Pol reconnut la cloche du roi Marc. Le une laie et ses petits, des abeilles, un ours et un comte la lui offrit29, Cette cloche qui, aux bœuf sauvage. Touchant de la main la laie, le dires de Wrmonoc, devait par la suite guérir saint l'apprivoisa. Elle fut à l'origine, selon nombre de malades et même ressusciter un Wrmonoc, d'une lignée de porcs de <>, Les abeilles furent, elles, réparties par <>, en breton hirglas, per cunctos le saint dans d'innombrables ruches. Quant à Carte 5.- Plan de la ville de Saint-Pol-de-Léon. lativorum populos, dit le texte. On a proposé de l'ours, il s'enfuit à sa vue et disparut dans une corriger lativorum en letaviorum, et de voir ici Plan de l'ingénieur Bénard (1776). fosse très profonde, non loin du castellum, Cliché Inventaire général, Artur-Lambart. les habitants de la Letavia, nom donné par fosse située dans le terroir que les habitants les Gallois à l'Armorique. Cette hypothèse appellent, dit Wrmonoc, pars Brochana25. oblige à une double correction, ce qui est Traduction probable du breton ran Broc(h)an, doute la place tomba-t-elle en ruines et Outre que le plan ancien de la ville fait beaucoup. Peut-être vaut-il mieux retenir la disparut-elle sans laisser de traces. apparaître autour de la cathédrale un qua­ attesté comme toponyme dans le Cartulaire de Plus, elle s'effaça jusque dans le souvenir drilatère, tout comme celui décrit à Carhaix Redon au IXe siècle26, ce nom a disparu, mais par l'ancien château, le nom même de Kastell­ le terroir de Crech-Brocken mentionné en 1698 des Léonards. En dépit du nom même de 24 G. LE Duc, «Vie de saint Malo, évêque d'Alet>>, Les Kastell-Paol, l'un d'eux, faisant, à la fin du Paol suffit à attester l'existence d'une for­ dans le vicariat de Saint-Pierre pourrait en Dossiers du Ce.R.A.A., ne B - 1979, p. 254, 256. perpétuer le souvenir27. xve siècle ou au début du xvr siècle, l'éloge de tification. Si l'on sait par Wrmonoc que ce 25 Édition Cuissard, p. 443. nom était déjà en usage en 884, Bili, l'auteur la Bretagne et plus spécialement de son pays, Quant au bœuf sauvage, que nombre de 26 A. DE COURSON, Le cartulaire de l'abbaye de Redon en se vante de ce que <>, Et d'estimer que cette de l'enceinte, au-dedans et au-dehors, du sel parmi les biens dépendant de la cathédrale, sans avoir pu ville est <>, Les de quatre milles ou un peu plus, soit six 28 Carmes <>, Dossiers du Ce.R.A.A., ne B - 1979, p. 254, 256. kilomètres28. 29 Ibid., p. 445-446.

86 87 Bernard Tanguy L'itinéraire religieux de saint Paul Aurélien en Léon Sur les pas de Paul Aurélien leçon latinorum du manuscrit de Paris, ce qui empruntée à un passage de l'Historia désignerait le <>, est glosé par promon­ actes de Redon à la même époque, Wrmonoc torium <> dans le manuscrit de se sert du muid de semence comme unité de Paris du XII" siècle. Cette traduction ne surface, la céréale de référence étant pour lui s'accommodant guère du site tant du côté de l'orge, culture qui demeura dominante à Roscoff que de Batz, c'est sans doute au sens Batz jusqu'au XIXe siècle. Mais, faute de originel de <> qu'il faut l'entendre savoir la mesure exacte du muid, il est (cf. Penn-ar-C'holvan, rocher d'Ouessant). impossible de calculer la superficie du re­ Le mot portitorium, variante de portorium, paire. On ne dispose pas non plus indique l'existence d'un péage. d'indication pour le localiser. Les noms de Quant au lieu traduit Secretum, il Toull et de Puns-ar-Sarpant, attachés à une conserve lui aussi son secret. Si toute anse rocheuse au nord-ouest de l'île34, localisation reste aléatoire, un site attire pérennisent sans doute l'endroit où le dragon cependant l'attention : celui du Jardin disparut dans la mer. colonial, au sud de Penn-Batz. Outre qu'y En plus de la cloche, Withur fit alors don furent mises au jour quelque quatre-vingts à saint Paul, en oblation perpétuelle, de l'île, tombes à coffre de l'âge du bronze, il y de l'oppidum et des Évangiles transcrits par existait un énorme mur qui aurait eu quelque lui. Charte à l'appui, il exemptait pour les 2 m de haut et 3 m de large. Son origine reste siècles à venir ces possessions de tout cens malheureusement obscure. versé au pouvoir temporel. Saint Paul l'en Après avoir reçu la cloche de Marc, remercia et fit sa demeure tant de l'île que du Phot. 1. - Île de Batz, Toull-ar-Sarpant. saint Paul s'occupa du dragon qui ravageait castellum, y restant jusqu'à sa mort pour Cliché Y.-P. Castel. la côte orientale de l'île. C'est à peine si les servir Dieu. Il établit, en effet, dans l'un et cadavres de deux hommes et de deux bœufs pouvaient apaiser quotidiennement sa faim. l'autre lieu un monastère. Ayant reçu la son monastère. C'est là du moins que 30 Ce serait en ce cas un démarquage de l'expression per Pourvu d'une queue immense, il mesurait cunctos Latinorum fines employée par Wrdisten dans son bénédiction du saint, Withur, quant à lui, s'élevaient, avant que les sables ne les 120 pieds ou plus (soit près de 40 m). homélie (Édition A. de La Borderie, Rennes, 1888, gagna d'autres résidences que Wrmonoc dit recouvrent, l'église qui lui était dédiée et la Wrmonoc, après avoir douté de l'estimation, p. 133). Cf. notre étude «La cloche de Paul Aurélien», être voisines, sans autre précision. chapelle du Pénity. La chapelle Sainte-Anne la croit fondée d'après la taille de son · dans les Mélanges offerts à M. François Kerlouégan (Paris, les remplaça35. Il serait aléatoire de dire que parmi elles repaire : selon les paysans, il ne faudrait pas 1994, p. 611-621), à qui nous sommes redevable de cette précision. se trouvait le château de Morizur, en Plou­ Les donations faites par Withur au saint moins d'un muid et demi de semence d'orge, 31 À Batz, près de la grande jetée, un lieu nommé Le néventer. Outre que la présence en ce lieu préludèrent à son élévation à l'épiscopat. céréale la plus cultivée dans l'île, pour en Goéland sur les cartes est dit localement Karreg-ar­ d'une motte féodale assigne aux retran­ Sachant que s'il lui demandait d'assumer la ensemencer la surface. Saint Paul marcha Goelvenn, dénomination que L. Dujardin et A. Le chements qui y subsistent une origine plus charge d'évêque il essuierait, comme le roi vers la bête d'un pas ferme et lui ayant passé Berre, auteurs de la Toponymie nautique de l'Ile de Batz et récente, le toponyme reste énigmatique. Le Marc, un refus, Withur eut recours à un son étole autour du cou, il y fit un nœud, de ses abords (Paris, 1965, p. 380) traduisent par le nom de Withur se rencontre quant à lui dans dans lequel il glissa, en guise de corde, son «rocher de la mouette>>. Un rapprochement avec le mot golban reste hasardeux. les actes de Redon au IXe siècle et il est encore bâton. Ille conduisit ainsi à l'extrémité nord 35 Selon le général Marescault, qui fit une mission dans 32 Édition Cuissard, p. 447-449. ~ttesté comme nom de famille, sous la forme de l'île et lui ordonna de disparaître à jamais l'île en 1807, on voyait à Penn-Batz <> (cité parC. CAM, Batz dans les profondeurs marines32. and historians in early mediœval Brittany», Etudes C'est sans doute à l'extrémité orientale au XVIII" siècle, Brest, mémoire de maîtrise d'histoire celtiques, vol. 23, 1986, p. 182. 1985, t. 1, p. 8, n. 8). Ces observations sont impossible~ La description que fait Wrmonoc du de l'île, à Penn-Batz, que saint Paul établit dragon n'a rien d'original. Elle est, en effet, 34 Cf. L. DUJARDIN et A. LE BERRE, op. cit., p. 384. à vérifier. 89 88 Sur les pas de Paul Aurélien Bernard Tanguy Eitinéraire religieux de saint Paul Aurélien en Léon stratagème : ille chargea de porter une lettre Saint Paul assura sa charge de saint Samson, il fut libéré, put réunir une fixé lui-même les limites quand il dit ne au roi des Francs, dont il était le vassal. Bien nombreuses années. Wrmonoc ne consacre armée et récupérer le trône paternel. Il que Wrmonoc l'appelle Philibert, ce qui lui que quelques lignes à son action, encore s'en pouvoir citer que deux des huit frères du semble, d'après ce que dit Wrmonoc, qu'il saint et une de ses trois sœurs, en raison de permet de l'assimiler au saint de ce nom, il tient-il à des généralités : il fit détruire les n'avait pu encore à cette époque assurer son l'énormité du temps écoulé (quatre siècles) et s'agit de Childebert l'r, fils de Clovis, qui temples païens, édifier des églises et des pouvoir que sur une partie de la Domnonée. de la distance terrestre entre le Léon et le régna sur le royaume de Paris de 511 à 558, monastères et participa à l'évangélisation des pays de Galles. Son texte est, cependant, la souverain qui intervient dans nombre populations. Quand il sentit le poids de la Après l'intronisation de Cetomerin, saint Paul, fidèle à son idéal monastique, alla seule source ancienne dont on dispose pour d'autres Vies de saints bretons, dont celle de vieillesse, il demanda à son disciple J aoua de éclairer aussi bien le personnage que les saint Samson. Dans cette missive, scellée du le remplacer. Celui-ci mourut un an plus se retirer dans son monastère de l'île de Batz où, au milieu d'une très nombreuse origines du diocèse de Léon. S'il n'est pas sceau royal, Withur demandait au roi de tard, tout comme Tiernmael son successeur. douteux qu'il ait mis à contribution des sacrer d'autorité saint Paul évêque. Ne Saint Paul dut assurer l'intérim un court communauté, il finit ses jours. Avant de mourir, il ordonna aux siens que sa dépouille sources écrites, c'est sans doute surtout dans pouvant s'opposer à la décision du roi, il fut intervalle avant qu'un autre de ses disciples, mortelle fût transférée dans son monastère la tradition orale qu'il a puisé la plus grande donc intronisé dans les règles, en présence de Cetomerin, n'occupe le siège. Le jour de son sur le continent, qu'on appelle maintenant, partie de ses renseignements. trois évêques. Après quoi Childebert lui intronisation, saint Paul guérit un aveugle. dit Wrmonoc, son château, c'est-à-dire à octroya, en diocèse perpétuel, cent tribus ou Parmi les témoins du miracle se trouvait Si on ne peut en vérifier le bien-fondé, on domaines, exemptés de tout cens royal Kastell-Paol, afin d'éviter aux pèlerins qui doit reconnaître que les étapes de la Judual, surnommé Candidus «blanc, bénit''· viendraient honorer ses restes l'inconvénient pendant les siècles, dans les pays d' Ac'h et de formation du diocèse telles qu'elles sont Celui-ci, qu'on disait être cousin de saint de la traversée du bras de mer. C'est le Léon. Cette donation fut consignée dans une Samson et qui régnait sur la majeure partie présentées par Wrmonoc paraissent quatrième jour des ides de mars, c'est-à-dire plausibles. L'image de l'institution est charte comme le furent, dans de très de la Domnonée, fit alors don au saint du un 12 mars, qu'il s'éteignit39. nombreuses autres, les noms et les territoire, dit Wrmonoc, << que nous disons conforme à celle du monastère-éyêché de débornements de ces domaines. Wrmonoc a maintenant être sous la consécration de Quand vint le moment de transférer le type celtique. Sans doute fonctionna-t-elle cru bon de ne pas les insérer du fait que ces Paul37,_ corps, un débat mit aux prises les moines de ainsi jusqu'à l'époque carolingienne. On ne parchemins étaient conservés, selon ses Batz et les prêtres de Kastell-Paol en un lieu connaît les noms de certains des successeurs dires, près de la tête du saint36. Ce territoire est très certainement, appelé maintenant, dit Wrmonoc, Signaculum de saint Paul, comme Goulven, Ténénan, comme l'a dit G: Bernier38, le Minihi-Paul ou <>, Bulletin a pour siège un monastère. jusqu'au Jxt! siècle, Rennes, 1982, p. 72-73. de la Société archéologique du Finistère, t. CXXII, 1993, faut, une œuvre historique42. Wrmonoc en a p. 361-386. 90 91 Le culte de saint Paul Aurélien et de ses disciples

par Job an lrien

Je ne vous entretiendrai pas longuement Le culte de saint Paul Aurélien du culte liturgique de saint Paul de Léon : Doblel et Duine2 en ont fort bien parlé.. Il Il y a d'abord tous les lieux qui font partie nous suffit de savoir qu'il est présent dans la de la topographie de la Vita, et dont Bernard plupart des livres liturgiques de Bretagne aux Tanguy a parlé. Je me contenterai de les citer : XV', XVI" et XVII" siècles et qu'il fut longtemps Ouessant, Lampaul-Plouarzel, Lampaul­ honoré dans le Maine, l'Anjou, le Poitou et la Ploudalmézeau, Saint-Pol-de-Léon et l'île de Saintonge à cause de la présence de ses Batz. Sur le chemin qu'a pu stiivre saint Paul, reliques à l'abbaye de Fleury dès le x• siècle. il faudrait encore signaler: Feunteun-Baol en Pour nos sources bretonnes anciennes, le Landunvez, Truc-Paol en Tréglonou, Prat­ premier évêque de Léon est appelé sous la Pao} en Plouguerneau, Feunteun-Baol en forme développée «Paulinan». La forme Plouvien. «Paul», à part dans sa vie par Wrmonoc, Il y en a d'autres qui ne sont pas sur cet n'apparaît qu'au Xl" siècle, et, d'abord, dans itinéraire. Et en premier lieu : la chapelle de les documents de Fleury, Saint-Benoît-sur• Tybaol en Plougonvelin4. On en trouve Loire. Sa fête est au 12 mars. Mais comme la mention dès 1507. En 1563 elle fut rebâtie fête de saint Paul tombait le même jour que grâce à la générosité de Jean de Kerlec'h, et celle de saint Grégoire le Grand le 12 mars, à consacrée par un évêque peu ordinaire, Odon Fleury la translation de saint Paul de Léon va de Kervalan, d'Irlande, évêque de Clochare. être substituée à la déposition de saint Paulin Les registres paroissiaux l'appellent capella d'York célébrée le 10 octobre. Vexemple. de divi Pauli Leonensis. Elle tomba en rtiines au Fleury sera contagieux : il sera suivi par le xvm• siècle. missel de Bréventec au XIII" siècle et même par le bréviaire de Léon de 15163. 1 G.H. DOBLE, ThesaintsofCornwall, part one, Chatham, Ces points signalés, je voudrais m'atteler 1960, p. 55 et sq. au sujet que je me propose de traiter devant 2 F. DVINE, Inventaire liturgique de. l'hagiographie bretonne, Paris, 1922, p. 25, 34, 37-38, 43, 45, 47, 51, 58, vous : le culte de saint Paul et de ses disciples 60, 70, 73, 75, 85, 98, 129, 161, 174, 175, 193, 200, 206, ou, plus précisément, l'examen de ce culte 212,213,215,217,218,221,229,273. permet-il de préciser la double mention de 3 Propre de Quimper et de Léon, 1990, p. XXIX. (J. Irien). Wrmonoc : saint Paul Aurélien de Dom­ 4 Y. CHEVILLOTIE, Histoire d'une chapellenie, de sa nonée? fondation (1563) à sa fin (vers 1730), inédit. 93 Sur les pas de Paul Aurélien Job An /rien Le culte de saint Paul Aurélien et de ses disciples En second lieu, il y a Chapel-Baol, l'existence de certains des cinq lieux toujours debout à Brignogan, sise sur une précédemment cités au temps où Wrmonoc butte entre des rochers et à proximité de Porz­ écrivait sa Vita, ICI le doute n'est Paol. Une curieuse statue géminée en normalement pas possible, d'autant plus que, provenance d'un calvaire y représente sur le territoire de la trève, se trouvent l'évêque. La légende locale raconte que Paul Kroaz-Paol et Feunteun-Baol. Cela précise débarqua à Porz-Paol dans une auge de déjà les limites du savoir de Wrmonoc. pierre ; il demanda à un voisin de traîner son Albert Le Grand comblera cette lacune en auge à l'aide de son cheval jusqu'à l'église de brodant sur Coat-ar-Zarpant et les deux Plounéour-Trez, car il se trouvait sur cette dragons du Faou. paroisse. Le cheval s'arrêta au sommet de la butte, refusant d'aller plus loin. On attela un Plusieurs villages de Lampaul faisaient second, puis un troisième cheval sans plus de partie des regaires de l'évêque de Léon, et résultat. Et saint Paul demanda aux habitants celui-ci avait sa résidence d'été à Coat-an­ de construire une chapelle en cet endroitS. Escob, ainsi qu'en témoigne un acte de 1551 L'auge de pierre s'y trouve toujours. signé de Mgr Christophe de Chamingné «par la grâce de Dieu évesque de Léon et... En troisième lieu, il y eut peut-être une demeurant... en sa demeure et manoir de chapelle dédiée à saint Paul au Drennec, Coatanescob au Tref de Lampaul Bodénès en suivant minu du 2 janvier 1607 qui rappelle la Paroisse de GuycmiliaulO». • date de sa construction : «>, Bulletin de la Commission diocésaine d'archi­ de Carhaix à l'Aber-Wrach. Le vieux cadastre tecture et d'archéologie, 1903, p. 192 (Bodilis). montre en cet endroit une structure 9 R. COUFFON, A. LE BARS, Diocèse de Quimper ... , op. cit., grossièrement rectangulaire aux angles p. 146-151.- P. PEYRON, J.-M. ABGRALL, <>, Bulletin diocésain ... , 1916, passim. 10 Copie de l'acte transmise par l'abbé Calvarin, recteur Il y· a enfin, et surtout, Lampaul­ de Lampaul. Guimiliau, ancienne trève de Guimiliau9. Si 11 R. COUFFON, A. LE BARS, Diocèse de Quimper... , op. l'on peut raisonnablement douter de cit., p. 408.

94 95 JohAn /rien Le culte de saint Paul Aurélien et de ses disciples Sur les pas de Paul Aurélien le vicomte du Faou qu'il fit enfermer, ainsi que l'ancien diocèse de Léon13. Étant donné la son fils, dans le château de Daoulas à la même .disparition de la tradition orale et le fait que, période. dans plusieurs cas, saint Paul soit représenté sans son dragon et sans nom, il est probable À la même époque, les vicomtes de Léon que cette carte demanderait révision. Ce qui dominaient également l'ouest du Trégor, la frappe, cependant, c'est le grand vide dubas zone comprise entre le Douron et la rivière de Léon, mis à part les traces côtières. La même Morlaix12. C'est sans doute la raison de absence est remarquable tout autour de l'existence d'une chapelle dédiée à saint Paul Saint-Pol. Est-ce la proximité de la limite dans la paroisse de Guimaëc sur le bord de la Léon-Cornouaille qui a poussé les paroisses côte. · du haut Léon à affirmer ainsi leur Cet ensemble, en somme, semble bien appartenance ? Ou est-ce la présence de la circonscrit : il s'agit de l'évêché de Léon et de résidence d'été de l'évêque à Lampaul­ ses abords immédiats, et nous restons bien Guimiliau ? Ou s'agirait-il d'une trace d'une dans le cadre de la Vita écrite par Wrmonoc. présence particulière de saint Paul lui-même en cet endroit? Quoi qu'il en soit, l'omission Cependant, au nom de cette Vita, de ce lieu par Wrmonoc laisse pantois. faudrait-il dénier toute vraisemblance à la fondation des paroisses de Paule et de Lamballe par Paul Aurélien ? Au point où Les disciples de saint Paul Aurélien nous en sommes, il est impossible de répondre à cette question. Il nous faut examiner d'abord Voici le passage où Wrmonoc les cite14 : les traces du culte de saint Paul et surtout <>. Il y avait autrefois en fontaine de la chapelle de Langristin lui est Boquého (Tréguier) une chapelle Saint­ protection de Paul, comme ce sera expo.se autre nom Towoedocus.» Il s'agit ici de saint dédiée. De même à Spézet où l'on célébrait dans la suite, si Dieu le perm~t. Ensmte Goueznou dont la forme hypocoristique a Quellec ; elle a disparu. Reste un nom de lieu son pardon le jour de l'Ascension auprès de <> en Saint-Igeaux (Quimper). Toseocus qui était surnommé Siteredus, et donné Go~ézec en Cornouaille, et Lanvoézec la fontaine Saint-Guinou : il faut se souvenir Woednovius, qu'on appelait aussi d'un autre en Pouldergat. Précédé du préfixe << To>> il est que Spézet dépendait de la juridiction de <>. L'église de Saint-Marc de nom, Towoedocus ; et Gellocus et Bretowenus conservé dans Saint-Touézec, en Plounez Lesneven, et ce encore au XVII" siècle. Il Brest eut originellement pour patron saint et Boius · ensuite Winniavus et Lowenanus, et (diocèse de Saint-Brieuc): la chapelle Sai?t­ s'agirait là d'un culte que les Léonards <>, forme attestée en 1486. Ce même aussi To~theus, dit aussi Tochicusj Chielus, et Thouec a été dédiée après coup à samt auraient implanté dans leurs fiefs. La même saint est éponyme de la paroisse de Hercanus que l'on appelait d'un autre no~ Dogmael et détruite vers 1870. La fonta!ne raison pourrait sans doute valoir pour Plouigneau (Tréguier). L'évolution du nom en Herculanus; l'ancienneté e~facée l'a fait mentionnée avec la chapelle en 1659, eXIste Esquibien dont le patron est saint Onneau, <> ( <>, 1692) disparru"tre pour nous, ou bien la,. torp.eur toujours, ainsi que le village de Landouézec. alias saint Goueznou. permet de penser qu'en Saint-Igneuc (Saint­ mauvaise de la négligence, sœur de l maction, Brieuc) nous avons un hypocoristique de Il a donné son nom à la paroisse de nous empêche de voir de 9-uel.s éclats dt; Dans l'actuel diocèse de Saint-Brieuc, Winniavus. lumière ils ont brillé ; néanmoms il nous a éte Gouesnou <> est l'éponyme et le saint noms comme d'autant de perles, car nous paroisse où se fait tous les ans sa tromeme le édifice rectangulaire conservant des restes du patron de Tréflaouénan. Dans la litanie du savo~s qu'il y a des tombeaux et des égli~~s jour de l'Ascension. Il ~ c~mnu. ~ne XV' siècle. Puis le voici à Plélo : la chapelle missel de Saint-Vougay, nous • trouvons importantes édifiés en leur honneur, .et qu ils extraordinaire fortune dans l ancien dmcese Saint-Gouéno est dite <> en 1300. À <>. Ce saint possédait une chapelle en vivent pleins de mérites auprès du Seigneur.>> de Léon où dix églises, chapelles ou lieux-dits Saint-Brieuc, il y avait une fontaine et une Ploulec'h (Tréguier) : Saint-Lohan, appelée nous le rappellent. En Landéda, à Saint­ chapelle de saint Gouéno, ainsi qu'une rue par la suite Saint-Lavant. Aujourd'hui en Quel dommage que Wrmonoc ne nous ait Éveltoc ·il reste une petite chapelle en ruines Saint-Gouéno. Un acte de 1369 précise : <>. Signalons chapelle Saint-Loba, qui existait encore au simplifié. Il nous faut donc nous lancer dans la église paroissiale de Brouennou, et .son pardon XVIII" siècle. recherche quelque peu hasardeuse des traces enfin la paroisse Saint-Gouéno, auprès de s'y faisait le jour de l'Ascension. ~l e~t Collinée, dont il est le patron et où il a sa que ces saints auraient laissé,es dans l~s. noms <> est l'éponyme de Plouguiel toujours le patron de l'église de ~anarvily. A statue. de lieux. Nous nous réfererons ICI aux (Côtes-d'Armor). · Guiclan il avait une chapelle ; il reste une travaux de Joseph Loth15 et de Bernard statue au calvaire de Kerjégu. À Locmélar Quant à la fontaine Saint-Ouéno en <> ou <> qui, à cause Tanguy16. aussi l'ancien ossuaire lui était dédié. Il a Plédran et au Pré-Saint-Gouéno en Saint­ de la sévérité de sa vie et du choix qu'il fit «Quonocus que .d'autres appellent disparu ainsi que sa chapelle auprès du Gilles-du-Vieux-Marché, il s'agit ici proba­ d'une habitation particulièrement solitaire, Toquonocus.>> Il exerçait l'o~ce ?e prieur. Il manoir du Rest en Plouénan. La chapelle de blement de saint Gwénael, écrit «Guenaulx>> était appelé moine. C'est notre saint J aoua, s'agit ici évidemment du srunt eponyme de Bodonnou en Plouzané porte son nom ainsi sur une statue. honoré à Plouvien où il a sa fontaine, sa Saint-Thégonnec en Léon. Accolé au préfixe qu'une fontaine en Plouguerneau. En~n, <> nous le trouvons à Plogonnec en Langoeneau en Plounéour-Trez semble bien redus.>> Avec le préfixe <> il a donnéson de Brasparts avant de devenir évêque de Léon. Il a sa statue au Faou et à Saint­ Corno~aille (à Pleugueneuc non loin de être un ancien Lan-goueznou. nom à Landézéoc en Guipronvel ; peut-être Dinan, il s'agit d'un autre saint, en raison de aussi à la paroisse de Lanvézéac en supposant Thégonnec. · la forme ancienne «Plogonoet» ). À cette fois un préfixe << Mo >> et une terminaison Il reste plusieurs autres noms dont nous Plogonnec, il y a une chapelle Sain~-Thé­ 15 J. LOTH, Les noms des saints bretons, Paris, 1910, 149 P· en -ac à la mode irlandaise. Il est l'éponyme de savons peu de choses. Ainsi <> est-il gonnec, de même qu'à Guerlesqum. À 16 B .TANGUY, Dictionnaire des noms de communes, trèves la paroisse de Sant-Séo (Sainte-Sève), un nom commun mal compris ou un nom Plounéour-Trez, c'est auprès de Lescon?ec et paroisses du Finistère, Douarnenez, ~Men, 19?0 ; ID., Dictionnaire des noms de communes, treves et paroz~ses de~ démembrement de l'ancienne paroisse primi­ d'homme? Il y a bien un saint Degan à que nous trouvons une chapelle Sru';lt­ Côtes-d'Armor, Douarnenez, ArMen, 1992. - Vorr ~uss1 tive de Pleyber. Il est à l'origine de Lanzéo, Brec'h, et dom Plaine en fait l'éponyme de Egonnec forme qui résulte d'une mauvruse R. COUFFON, Répertoire des églis~s et c~apelles du dwcèse village de La Chapelle-Neuve (Tréguier). Pleudihen (Dol). De <> nous ne coupure.' En haute Cornouaille, la paroisse de Saint-Brieuc et Tréguier, Samt-Bneuc, 1939-1941, Enfin il est éponyme de Lancieux (Saint­ savons rien d'autre que sa présence dans une 4 vol., 728 p. (Extr. des Mémoires de la Société d'émulation Saint-Connec lui doit son nom. Enfin en Malo) : <> en 1166, litanie de Salisbury sous la forme <>. Quessoy, ancien diocèse de Saint-Brieuc, il Y des Côtes-du-Nord). 99 98 Job An [rien Le culte de saint Paul Aurélien et de ses disciples Sur les pas de Paul Aurélien Joseph Loth fait de < du . . . ' Plus au nord-ouest, en bordure de mer, est ausst pmssant que tu le dts.» Et de son côté chapelle Notre-Dame de Berven en Morbihan. Si l'on peut éliminer celui de nous trouvons Pléboulle, dont l'éponyme le serviteur de saint Malo, nommé Bud­ Plouzévédé. Mais ce saint Berwen peut être Melrand qui est un <> et celui de Locoal-Mendon continue à pose; souvient que les Gallois disent <> demeurent parfaitement incon­ problème. S'agit-il d'un autre Paul? Pennychen» 18. ensemble, et le serviteur de Paul tua un oiseau nus. Quant à <>, il est peu probable au nom de saint Malo, comme il l'avait dit qu'il s'agisse de Landecheuc en Lanrivoaré. Toujours en Domnonée, on pourrait se * demander si Ploezal, étant donné la forme * * tandis que le serviteur de saint Malo n'eut rie~ Au point où nous en sommes de notre <>, La première ville de Budhoeiarnn, de la parrochia de saint Malo, 17 B. TANGUY, Dictionnaire ... des Côtes-d'Armor, op. cit., dans le plou de Guillac, le contredit en louant Wrmonoc n'écrive la vie de saint Paul. Lamballe était située là où plusieurs pièces de L'anecdote ou la parabole ne fait aucune terre portent encore aujourd'hui le nom de p. 101. son Seigneur Malo. Que dire de plus ? Alors <> ; d'autres dites <> sont désignées dans les anciens titres 19 ID., ibid., p. 199. sauvages descendirent sur une plaine près de 21 BILI, Vie de saint Malo, éd. par G. LE Duc, Les Dossiers sous le nom de terre de Pol ou Palle ; tout cela 20 ID., ibid., p. 163. nous. Alors le serviteur de saint Paul, nommé du Ce.R.A.A., n° B, 1979. 101 100 Sur les pas de Paul Aurélien allusion aux saints patrons des évêchés jusque-là de la sphère d'influence de saint intermédiaires, probablement puisque ceux-ci . Paul ? Dans ce cas, il nous faudrait voir saint n'existent pas encore en tant que tels. Le . Paul et ses disciples comme des pérégrinants propos de Bili ne révélerait-il pas la volonté sur l'ensemble de la Domnonée, saint Paul d'exister d'un diocèse de saint Malo s'étendant revenant régulièrement à la communauté qu'il désormais sur un territoire qui aurait relevé a établie à l'île de Batz. Les reliques de Paul Aurélien

par Yves-Pascal Castel-Kergrist

S'en remettant au mouvement instinctif de Les honneurs et les soins réservés dès créatures indifférentes à l'enjeu, le cercueil fut l'origine de la chrétienté aux corps saints est posé sur deux chars placés cul à cul, l'un un fait religieux incontournable. L'autel des tourné vers la terre ferme, l'autre vers l'île. basiliques primitives s'érige sur la confessio, la Les bœufs engagés sans hésitatiod dans le tombe du martyr. Partout, plus tard, s'amplifie chenal, guéable en ce temps, comme il l'est en Occident un phénomène dont il serait futile presque encore aux très fortes marées, de mettre en cause le bien-fondé si chargé fût­ entraînèrent le précieux fardeau vers le il d'ambiguïtés, tant il demeure que le culte des continent. reliques véhicule nombre d'éléments utiles à la connaissance d'un passé souvent obscur. L'inhumation de Paul fut donc faite dans Nous tenant à égale distance de la crédulité l'église dont il avait été le premier évêque, et, naïve et du rationalisme desséchant, nous selon la tradition, au pied du maître-autel. suivrons la saine et fructueuse leçon de Quant à savoir quelles furent les modalités de Bernard Tanguy étudiant saint Hervé. S'il la sépulture, le mystère demeure. Le n'est pas de l'autorité de l'historien de se sarcophage de pierre, au bas de la cathédrale prononcer sur l'authenticité des reliques elles­ qui passe pour être celui du roi Conan, trop mêmes, il se doit d'être attentif aux traditions beau, sans doute, pour être celui d'un moine, diverses qui les entourent pour ne pas se n'est pas la pierre qui reçut la dépouille de priver des informations qu'elles transmettent, Paul Aurélien. Le corps du saint moine avec la coloration particulière qui appartient reposa paisiblement au lieu de sa sépulture aux <> de ces lointaines époques. originelle durant trois siècles, selon Wrmonoc, auteur de la Vila Pauli, qui le dit être sans corruption (mundus), en 8841. 1. Du décès de Paul aux invasions Les invasions normandes tarderont, normandes pourrait-on dire, à le déranger. Alors que, dès 836, le corps de saint Philibert quitte l'île de Quand Paul Aurélien, Paulennan, décède Noirmoutier pour Saint-Philbert-de-Grand­ dans son monastère de l'île de Batz, aux Lieu, le transfert de Paul Aurélien n'aura dernières années du vr siècle, l'on disputa, rapporte sa Vie, qui, des moines de l'île ou des 1 Vita sancti Pauli, éd. Plaine, p. 51. - A. DE LA habitants de Léon, en assurerait la sépulture. BORDERIE, Histoire de Bretagne, t. 1, p. 459.

102 103 Sur les pas de Paul Aurélien Yves-Pascal Castel-Kergrist Les reliques de Paul Aurélien guère lieu avant le xe siècle; au temps où néanmoins d'être examiné à la lumière des le jeûne, on reconnut publiquement le crâne s'accélère le processus de l'exode des corps textes anciens. pour être vraiment celui de saint Paul et un saints2. A la mort d'Alain le Grand, les office à trois leçons fut institué. Or, par un entreprises normandes, à la suite du traité de trait de la divine Providence, la châsse du Saint-Clair-sur-Epte de 911, fondent sur la Il. Le chef de saint Paul au Bouffay saint ne laissa pas de troubler nuitamment ses péninsule, provoquant maintes émigrations à Nantes, selon la chronique gardiens à Glonne. L'abbé Sigon décida donc vers des lieux plus paisibles. En 913, de Saint-Florent de lui donner plus grande solennité lui abandonnant leur monastère ruiné, les accordant non plus trois, mais douze leçons. moines de Landévennec, emportent, par un Fleury «L'abbé Robert de Saint-Florent [sous itinéraire connu, le saint corps d~ Guénolé (Saint-Benoît• Selon la chronique du monastère de vers le refuge de Montreuil-sur-Mer3. sur-Loire) Saint-Florent par l'abbé Michel, proche des qui s'étaient déroulés ces divers événements] événements qu'il relate, la notice qui concerne fut enseveli près de saint Maximin9, Le corps de Paul Aurélien, attendant son monastère qu'il avait aussi gouverné, le heure, reste soigneusement caché en Léon l'abbatiat de Robert, décédé en 1011, ne manque pas de détails intéressants pour notre sixième des ides d'août, l'an 1011)0,, [Voir le pendant l'occupation normande de 919-921. texte latin, Annexe Il]. Néanmoins la victoire de Trans, le 1er août sujet7. Le «chef» de saint Paul est localisé au 939, gagnée par Alain Barbetorte, n'arrête château du Bouffay à Nantes, avant d'être On ne niera pas l'intérêt du document, pas les flottes agressives des hommes du déposé au monastère de Saint-Florent-le­ négligé par La Borderie et traité avec légèreté Nord. Un jour les reliques de saint Paul se Vieil : «Je ne puis laisser sous silence, écrit par Oheix. Bernard Tanguy nous fait l'abbé Michel, le don que Dieu nous fit de verront condamnées à un exil, qu'évoquent 50 lOO 150 km judicieusement observer qu'il illustre en deux lieux fort distants l'un de l'autre, Fleury­ 1 1 1 Paul, pontife de Bretagne. En effet, au temps frligrane les relations nouées à l'époque entre sur-Loire et Nantes. de la désolation dont j'ai parlé [l'invasion Hesdren, évêque de Saint-Pol, et la région de normande], la tête de ce bienheureux fut Cette double localisation mentionnée par Fig. 1. - Carte des tribulations des reliques de Nantes, des relations que ne manque Paul Aurélien. cachée au Bouffai à Nantes, sans beaucoup d'ailleurs pas, cette fois, de rapporter La différents textes a plongé dans l'embarras plus de soin, mais non sans précaution. Or le d'un historien. Ainsi, La Borderie ne se risqua Borderie. En 939, Alain Barbetorte ayant comte de Nantes et de Thouars [Aimeric, desserré l'emprise normande sur la péninsule, pas à prendre en compte la chronique de complètes «le cors et chiez (tête)>,, le corps de tuteur de Judicaël], suivant en cela l'avis des Hesdren, appelé aussi Octreo, Hoctron ou Saint-Florent par l'abbé Michel. Il préférera saint Maclou est noté... «sanz le chief» . Quant moines de Saint-Florent, demanda de lui faire Hostron, vient à Nantes féliciter le libérateur voir dans le «S. Fleurent sur Loire>> évoqué à saint Sanator, on lit qu'il y a «partie du cors subir l'épreuve du feu, trois fois à la paille de qui en retour lui offre le siège épiscopal, libre par Le Baud une faute d'impression qu'il en grant quantité et de son chiez... 6». lin, trois fois aux sarments. Authentifiée de propose de corriger en «Fleuri»4. Oheix suit depuis la mort d'Actard. On peut penser que Il n'y a donc pas contradiction à voir cette manière, et confiée à un moine elle fut La Borderie dans l'attitude simplificatrice, se transférée et déposée au monastère de Glonne refusant à prendre en compte des pièces aptes mentionné le corps de saint Paul à Fleury-sur­ [Mont-Glonne : abbaye de Saint-Florent-le­ à à fournir un éclairage capable de résoudre ce Loire, alors que la tête est attestée au château 7 Dom H. MORICE, Mémoires pour servir de preuves Vieil sur la rive gauche de la Loire8]. A ce que l'histoire ecclésiastique et civile de Bretagne, t. 1, Paris, qu'il prend pour une pure contradiction. du Bouffay à Nantes, ce qui mérite l'on raconte, celui qui en fut chargé, rentrant 1742, col. 121. Devant une bilocation qui lui paraît par le pays des Andecaves [une tribu celte 8 Le monastère du Mont-Glonne avait eu bien des impossible, Oheix se laisse d'ailleurs aller à dont la capitale Juliomagus deviendra déboires. Il se disait pillé vers 850 par Nominoé. Les l'ironie facile: <>, la perle du trésor de contredire, apportent, quand on en croise les Nicolas La Colonge donne un saisissant solennelsll. toute église locale (voir le texte d' Aimoin, rayons, de nouveaux éclairages. Le moindre portrait de François de Visdelou, un prélat décédé quarante ans auparavant. L'intérêt Et ne serait-ce pas le même Hesdren qui annexe 1). n'est-il pas celui qui montre, dans une époque porté à la glorification du cinquante-neuvième apporta le chef de Paul Aurélien qui fut Ainsi, le corps de Paul Aurélien est en troublée, les relations étroites entre l'évêché évêque de Léon, n'a pas, sans doute, alors, d'abord déposé, selon la chronique· de l'abbé possession de Fleury. Il n'en partira plus. armoricain de Léon et les monastères manqué de raviver, si modestement que ce fût, Michel citée plus haut, au château du Associé aux reliques de saint Benoît, on le ligériens, que ce soit celui du Mont-Glonne à le souvenir du premier de la lignée. Ainsi, en Bouffay? L'on sait que Hesdren n'a pas gratifie d'une grande châsse garnie d'argent. Saint-Florent-sur-Loire, que ce soit celui de 1712, la << fausse châsse >> médiévale cède la longtemps tenu le siège que lui accorda Un autel lui est dédié dans l'église de l'abbaye. Fleury, à Saint-Benoît-sur-Loire. place à la simple dalle que nous connaissons, Barbetorte. Déçu par un personnage doté Et lorsque, en 1535, le cardinal Duprat, abbé Né au IX• siècle, au temps des irivasions foulée par tous, mais peu remarquée. d'autant d'inertie que de naïveté, comme le commendataire, fait construire une arcade normandes, le souvenir de ces relations mal montre l'histoire de la fausse boule d'or, le duc triomphale pour l'exposition permanente des connues ne sera d'ailleurs jamais totalement La pierre tombale est posée au ras du sol, s'en débarrassa en le renvoyant vers son saintes reliques qui sont la richesse de Fleury, perdu. Ainsi, à douze kilomètres à l'est de au devant du marchepied du maître-autel. Léon, les précieuses reliques léonardes l'insigne corps de Paul Aurélien fait partie du Nort-sur-Erdre, en Loire-Atlantique, se Elle mesure 2,20 m. sur 0,96 rn et pèse, selon demeurant au lieu de leur exil où elles étaient dispositif au centre duquel prend place, tout dressait jusqu'en 1927 une chapelle appelée la l'estimation faite dans les comptes du chapitre, plus en sécurité. Quant à Hesdren, la pression naturellement, la châsse de saint Benoît, le Chapelle-Breton. On y vénérait une statue de l'équivalent de quatre tonneaux de vin, de des Normands qui ne cesse de s'exercer sur fondateur des moines d'Occident. Paul Aurélien en bois polychrome du 1 000 à 1 500 kg. Investie de l'extrême les rives léonardes le conduira à se retirer sans XV siècle. Transportée, lors de la démolition simplicité des grandes sépultures, son marbre tarder à Fleury où il fmit ses jours. de la chapelle, à l'église de Mouzeil, chef-lieu noir est zébré de fines lignes, blanches et IV. Les reliques de Fleury brûlées de la commune, on l'y voit toujours au-dessus tremblées. Apparaissent par endroit les au temps de la Ligue de la porte d'entrée méridionale. enroulements d'une gryphée fossile. Le bloc Ill. Le corps de saint Paul emporté par avait été extrait des carrières de Laval, en Mabbon à Fleuri (Fleury-sur-Loire) Mayenne, d'où la Basse-Bretagne faisait venir Mais bientôt les turbulences de la V. Tombe de Paul Aurélien ses marbres, pour des autels, des colonnes de Réforme atteignent un monastère dont l'abbé retables ou de rares plaques commémoratives. À Saint-Pol, au règne de l'évêque commendataire, Odet de Coligny, cardinal de Hesdren succèdent ceux relativement courts Châtillon, vient de passer aux rangs des Avant de suivre les pérégrinations des Le bloc coûta 140 livres, qui furent de Jacob et de Conan. Puis vient Mabbon, qui réformés. Au mois d'avril1562, les calvinistes reliques de Paul Aurélien, on aurait dû payées en deux tranches. La première sur vers 960, fuit sous une nouvelle menace de Condé, dans leur quête de métaux précieux s'arrêter au lieu de la première sépulture, dans lettre de change de 75 livres expédiée à normande, emportant, non plus la tête, mais le chœur de la cathédrale. Mais ne fallait-il pas à transformer en monnaies, s'en prennent aux Laval le 10 avril 1712, par le sieur Rou­ l'ensemble du corps du fondateur de l'évêché. se laisser entraîner sur les traces du défunt, châsses d'argent, jetant au feu les reliques dautet, la seconde, 65 livres, trois mois plus Évitant l'embouchure de la Loire, qui n'est avant de se pencher sur un tombeau qu'abomine la nouvelle religion. Seules seront tard, le 15 juillet, à Nantes. De la carrière désormais plus sûre, il remonte loin en aval, désormais vide ? sauvées des flammes celles de saint Benoît, mayennaise à la cathédrale léonarde, le vers Fleuri, Fleury-sur-Loire, qu'il connaît. soustraites au vandalisme par un prieur avisé Il faut attendre l'année 1712 pour voir transport se fit en trois étapes de longueur fort En 954, n'a-t-il pas apposé son seing comme qui les cache dans le logis même d'Odet de signalée, sur le lieu de la sépulture primitive, différentes, et selon des tarifs fort divers. Pour témoin sur une charte ? Désormais, ayant Coligny que les troupes de Condé n'oseront << une fausse châsse >> dont il ne reste, à notre 65 livres, les bateliers conduisirent le bloc par définitivement abandonné sa charge violer. En revanche, les reliques du moine connaissance, ni description, ni dessin. On la Mayenne, la Maine et la Loire jusqu'à pastorale, il n'aspire plus qu'à la paix du peut néanmoins l'imaginer de type médiéval, Nantes, où la barque de Jean Henry le prit en cloître. Le moine Aimoin, historien de breton disparaissent dans le brasier. Une perte qui aurait été irrémédiable si Fleury avait c'est-à-dire en forme de tombeau élevé, ce qui charge. Des bords ligériens au port de Saint­ l'abbaye de Fleury, s'attache à donner à cette ne manquait pas d'être senti comme bien Pol, cela coûta 75livres. Débarqué ici, Jacques retraite des raisons purement spirituelles. encombrant en un temps où le souffle de la Péron et François Perrot utilisèrent un fardier Semblant tout ignorer du contexte tumultueux 11 B. TANGUY, Saint Hervé, vie et culte, Minihy Levenez, modernité fait irruption dans le choeur de la spécial pour monter la pierre jusqu'à la ville, ce des incursions normandes, il simplifie, 1990, p. 11. cathédrale, pour aboutir, en 1745, à la mise en qui coûta 18 livres, une somme relativement 106 107 Yves-Pascal Castel-Kergrist Les reliques de Paul Aurélien Sur les pas de Paul Aurélien diverses sommes que nous venons de Voilà donc, pour une antique sépulture, renfermé, reconnaît-il, en deux différentes mentionner12. une dalle relativement récente. Les textes, on cassettes en fer blanc, avec des bandes en l'a dit, manquent qui permettraient de ruban de différentes couleurs, cachetés en cire L'inscription gravée par Keranfors fut remonter plus haut que 1712. Un examen rouge des deux bouts : martelée à la Révolution. Mais au travers du archéologique du sous-sol apporterait sans picotage superficiel, dont s'est satisfait le zèle «1 °. Dans la plus grande cassette, se doute ici d'utiles renseignements. Mais la trouvent le chef de saint Paul, un de ses doigts des vandales, on déchiffre encore les beaux porte est murée à l'arrière du choeur ! Sous le elzévirs qui s'alignent sur trois lignes : incrusté d'argent, les reliques de saint Hervé, parquet de bois du sanctuaire, les murs qui se avec leur authentique, un paquet de reliques SEPVLCHRVM SANCTI PAVLI coupent à angle droit paraissent avoir été de quelques autres saints, des cendres qui se AVRELIANI LEONENSIVM EPISCOPI établis, en 1745, pour le soutènement du trouvoient dans phioles brisées lors de grand autel de marbre. Quant à une possible l'enlèvement des chasses et remises par moi ETPATRONI. crypte, nous n'y avons jamais, pour encore, dans une espèce d'éponge qui est au fond de la (Sépulcre de saint Paul Aurélien, évêque eu accès ... même cassette. et patron de Léon). «2°. Dans la seconde cassette, sont un os Les choses restèrent en l'état jusqu'au VI. Les reliques conservées à Saint-Pol du bras droit, et un du bras gauche de saint jour où Pol de Courcy le signala dans sa Paul, un os des reliques de saint Laurent. monographie descriptive de la cathédrale de Si l'on a pu, avec une certaine précision, «Les différentes dénominations ci-dessus, 1841. Fut alors gravée, toujours en creux, une suivre l'exode des reliques de saint Paul vers étoient gravées sur les différentes ciJasses qui seconde inscription, dont on pourrait penser renfermoient ces restes précieux. qu'elle allait être une restitution fidèle de la Saint-Florent et vers Fleury, il faut première. Mais le texte, foumi par l'abbé maintenant examiner celles qui sont «Je déclare en vérité, n'avoir diminué ni Macé, recteur de Sainte-Sève, à Courcy, conservées à Saint-Pol même, et sur lesquelles altéré en aucune manière, les reliques, et diffère légèrement du texte primitif, sans que les textes d'une ancienneté fort relative n'avoir trouvé d'autre authentique dans les l'on puisse savoir si les changements ont été demeurent discrets. chasses, que l'authentique de saint Hervé. volontaires : En 1628, le chapitre de la cathédrale paie Quimper vingt-neuf aout mil huit cent trois, Dumay prêtre.l3>>. SEPULCHRUM SANCTI PAULI 72 livres à l'orfèvre chargé de remplacer le bras d'argent qui contient la relique de saint Quelques années plus tard, le 6 juillet CIVITATIS Fig. 2. - Dalle marquant la sépulture de Paul Paul, d'où l'on conclut qu'il s'agit d'un os du 1809, les reliques, alors renfermées dans deux Aurélien, cathédrale de Saint-Pol­ LEONENSIUM PONTIFICIS bras. L'inventaire dressé le 31 décembre 1790 boîtes de bois ordinaires, pourront être authentifiées, sur le témoignage de MM. de de-Léon. fait état, avec deux châsses en argent doré à ETPATRONI. Poulpiquet et Le Dall de Tromelin, par En marbre noir, dans le chœur liturgique de la l'autel, de deux bras en argent. Les reliques cathédrale. OBIIT A. D. DLXX. conservées dans les châsses ne sont pas Mgr Dombidau de Crouseilhes. «Entre autres décrites. En revanche, on peut être certain le doigt de saint Paul... le chef de saint Paul et (Sépulcre de saint Paul, pontife et patron importante pour une demière étape qui est fort qu'il y avait des reliques de Paul Aurélien un os de son bras. Restes de Saint-Pol, de la cité de Léon. Il mourut l'an du Seigneur courte. Mais on ne dit pas combien de chevaux dans la boîte en bois qui servait de piedestal à reliques de saint Hervé et Epine de la 570). furent mobilisés pour traîner un fardier qu'il sa statue en argent. L'inventaire du Couronne du Seigneur dans un tube de fallut sans doute équiper spécialement pour un Par rapport au texte de 1712, celui de 31 décembre a donc été fait avant le cristal, ainsi. qu'une relique du diacre saint transport peu commun. 1841 s'alourdit de génitifs assez mal gérés, et 3 mars 1791 où l'évêque Jean-François de La Laurent.>> Le dessin de la tombe fut payé au deux mots ont été changés.Civitatis remplace Marche prend le chemin de l'émigration. Il ne Aureliani, le patronyme romain de saint Paul, s'agit d'ailleurs pour le · moment que charpentier de marine de Roscoff Keranfors, 13 Arch. de l'évêché de Quimper, texte inédit un entrepreneur en tout genre équipé de et pontificis recouvre episcopi. La nouvelle d'inventaire. Lorsque arrivera le jour de la obligeamment transmis par le chanoine Jean-Louis Le poutres, de câbles et de rouleaux, 1livre version ajoute la date présumée de la mort de réquisition, en 1793 ou en 1794, les ossements Floc'h. Pour les orfèvreries elles-mêmes, les Archives 7 sols. La mise en place définitive fut assurée Paul: A(NNO) D(OMINI) 570. seront soigneusement mis de côté et sauvés de départementales de Loire-Atlantique, sene Q, la profanation par le curé constitutionnel relativement abondantes sur les expéditions des matières par Ollivier Maguer, pour 6 livres. précieuses à la Monnaie par les districts fmistériens Au total, furent déboursées 305 livres Dumay, comme en témoigne la précieuse comportent, du moins dans notre consultation, en 1970, attestation qu'il délivre le 29 août 1803 : ,,J'ai 7 sols, environ huit de plus que l'addition des 12 Arch. dép. Finistère, 6 G 41 et 103. une grave lacune pour celui de Morlaix.

108 109 Sur les pas de Paul Aurélien Yves-Pascal Castel-Kergrist Les reliques de Paul Aurélien Le 12 octobre 1839, Guillaume Le Toux, avec nef et bas-côtés, mais cela dans le une zone claire. Serait-ce la trace d'usure aumônier des Ursulines de Saint-Pol, en vertu caractère et les lignes qui conviennent à un provoquée au temps où, porté dans une d'une commission spéciale donnée le 25 mars · travail en métal. La façade principale est châsse, il frottait la cloche de Marc, roi précédent par Mgr de Poulpiquet de composée de trois arcades, séparées par des autrefois, la trace remarquée par le moine Brescanvel, fut autorisé à retirer les reliques colonnes à bases et chapiteaux xnr siècle, qui breton qui passa à Olonne vers l'an mille ? des deux boîtes de bois ordinaires. Il les porte un fronton encadrant une ouverture en déposa dans des boîtes en bois d'ébène, trèfle dans laquelle est exposé le Chef vénéré L'os du bras est désigné par une soutenues par des socles, à quatre frontons de saint Pol, comme l'indique l'inscription inscription en écriture contemporaine placée STI PAULI EPISCOPI LEONENSIS. funéraires, le tout avec astragale de citronnier, émaillée qui l'entoure: CAPVT SANCTI PAVLI en 1897 : Les écritures des autres reliques, SANTI IOVENI revêtues d'ornements argentés, et surmontées EPISCOPI LEONENSIS. L'arcade du milieu pour l'os de saint Joévin, s HERVAEUS et s du buste de saint Paul. contient l'os du bras du même saint : HERVAEU(s), pour l'omoplate et la vertèbre de E BRACHIO EIVSDEM (du bras du même) ... Sur A. saint Hervé, sont d'une encre et d'une Le 18 juillet 1889, le chanoine Tho­ les rampants du fronton, on a posé deux mas, étudiant saint Pol Aurélien et ses graphie plus ancienne, caractéristique du dragons ailés, à l'allure fière et terrible, au xvm• siècle mais où s'introduit déjà l'usage premiers successeurs, reçut permission de dessin vigoureux et archaïque ; autour de leur Mgr Lamarche de briser les sceaux aux armes caractéristique de l'u à la place du v. Sur le cou est enlacée l'extrémité de l'étole dont le de Mgr Nouvel qui se trouvaient sur les deux côté droit, l'os long porte l'inscription : milieu vient s'enrouler autour de la crosse ou SANCTI LAURENTII MARTYRIS. châsses. Après examen, le chanoine scella de bâton pastoral qui forme l'antéfixe de cette nouveau les reliquaires avec le sceau confié façade. On sait quand les deux reliques de saint par Mgr Lamarche. Notons au passage la Hervé, dont nous avons vu •le corps remarque désabusée du chanoine qui constate <>. considérable d'un os de saint Jaoua ou de finesse avec les ciselures des chapiteaux et En prévision de ces fêtes qui furent Joévin. les encadrements moulurés des arcades)S,,. Quant à l'insigne relique de saint Paul grandioses une grande châsse-reliquaire en lui-même, le chef, nous n'avons aucun <>. On distingue sur la gauche du crâne Commission diocésaine d'architecture et d'archéologie, 1904, p. 141-142 (Châsse de Saint-Pol-de-Léon). 110 111 Yves-Pascal Castel-Kergrist Les reliques de Paul Aurélien Sur les pas de Paul Aurélien ANNEXE! Nam sub praedicta vastitate caput B. Pauli in La main-reliquaire Une scène de chasse y représente deux cavaliers à la haute coiffure présentés de trois Aimoin, moine de l'abbaye de Fleury, con­ Bufeto [le Bouffai] Namnetis saris inculte, sed non incaute reconditum est. Quod Toarcensis & Le trésor de la cathédrale conserve aussi ·quarts et en sens contraire, tenant au poing tinuateur des Miracles de saint Benoît au xr siècle : la main-reliquaire de saint Paul. Commandée Namnetensis Princeps, consultu S. Florenti des faucons. Aux extrémités de la pièce qui est <> tissu que l'on nomme l'étole de saint Paul et q~i sociale au Minihy dans l'évêché de Léon sous l'Ancien congrégation le reçurent avec respect et lui (Dom MüRICE, Mémoires pour servir de est conservée à l'île de Batz. Elle se rattache a Régime. Brest, 1972, 2 vol. (dactyl.), mémoire de donnèrent un rang honorable dans la preuves ... , op. cit., t. 1, col. 121). la légende du dragon tenu en laisse par le maîtrise. communauté, tant qu'il vécut avec eux. Quand il moine-évêque qui lui passa son étole au cou. CHARDRONNET (Joseph). Le livre d'or des eut achevé le cours de sa louable vie, il reçut la ANNEXE III saints de Bretagne. Rennes, 1977, p. 202. sépulture devant l'autel de saint Jean l'Evangéliste, Le crâne du Bouffay vu par Oheix : CLECH (J.). Saint-Pol-de-Léon. Morlaix, 1907. dans la basilique de sainte Marie, mère de Dieu. On plaça le corps du confesseur Paul dans un cercueil «Quelques hagiographes (voir dom PLAINE, LE GRAND (Albert). Les vies des saints de la spécial, derrière celui de notre très saint père « Vie de saint Paul Aurélien>>, p. XIV), disent que Bretagne Armorique, édition Thomas, Abgrall, Benoît. Tous deux étaient enfermés dans une Mabbon laissa à Saint-Pol-de-Léon la tête et divers Peyron. Quimper-Brest-Paris, 1901. cassette plus grande, couverte d'argent (Corpus ossements de saint Paul : cela est possi ble quoique PEYRON (Paul). La cathédrale de Saint-Pol et le antedicti confessoris Pauli, cum proprio loco, post Déric (Histoire ecclésiastique de Bretagne , 2' édition, Minihy Léon. Quimper, 1901. loculum sanctissimi patris Benedicti posuerunt, uno t. Il, p. 534 ), prétende que sa tête ait été portée à TANGUY (Jean-Yves). Le port et havre de tamen ampliori scrinio, etiam argento tectum erat Nantes. Travers va même plus loin et raconte le fait Roscoff ou histoire d'une vocation maritime. La utrumque concludentes ).>> suivant : «On trouva au Bouffai (à Nantes), du Baule, 1975. (Miracula sancti Benedicti, lib. III, cap. Xl, temps du comte Aimeric, tuteur de Judicaël, une Nous remercions le père Alphonse, archiviste édition E. de Certain, p. 154-155, cité par A. tête enfermée dans une cassette que les derniers OHEIX, « Note sur la translation des reliques de ravages des Normans avaient fait cacher dans la à Saint-Benoît-sur-Loire, pour la communication d'extraits des Annales de l'abbaye de Saint-Benoît• saint Paul Aurélien à Fleury,,, art. cité. terre. Quelque renseignement trouvé avec elle de-Fleury (1990). faisait conjecturer qu'elle était de saint Paul de ANNEXE II Léon. Robert, abbé de Saumur, conseilla d'en faire la preuve par le feu, suivant l'usage adopté dans ces Extrait de la Chronique de Saint-Florent de temps pour éprouver la vérité des reliques. On 16 Inventaire général des monuments et des riches~es l'abbé Michel: Fig. 4.- Étole dite de saint Paul, église de l'île artistiques de la France, région de Bretagne, dossier l'enferma par trois fois dans un feu de glettes ou de canton Saint-Pol-de-Léon. «Nec summi Britanniae Sacerdotis Pauli paille de lin, et par trois autres fois sous un feu de de Batz. nobis a Deo munus collatum debeo praeterire. sarmens de vine ; on l'en retira sans qu'elle eût reçu Cliché J. F eutren. 17 A. TERROINE, L. FOSSIER, op. cit. 113 112 Yves-Pascal Castel-Kergrist Les reliques de Paul Aurélien Sur les pas de Paul Aurélien · invitation confirmée par les dessins en coupe des aucun dommage ; elle fut en conséquence jugée six cloches à main de Bretagne qu'a donnés véritable et sainte relique. Robert la demanda au Cormac Bourke sans d'ailleurs en exploiter tous les comte Aimeric et la plaça dans son monastère de enseignements. Glonne ou de Saint-Florent-le-Vieux, dans le pays de Maulge;>> Ainsi, les cloches de saint Goulven, de saint Mériadec et de Perros-Guirec (?) ont une bélière (N. TRAVERS, Histoire civile, politique et fondue à même le haut du vase. C'est la preuve religieuse de la ville et du comté de Nantes, Nantes­ formelle qu'elles étaient destinées, dans l'intention Paris, t. I, 1836, p. 181-182). <> suspendu à l'intérieur. En revanche, la cloche de saint Symphorien et celle de saint Paul démunies ANNEXE IV de bélière originelle n'ont pas été conçues pour Hir-glaz, la cloche-gong de Paul Aurélien vibrer sous l'action d'un tel battant. Ne doit-on pas conclure que voici des gongs résonnant sous la La pièce la plus ancienne, la plus chargée frappe extérieure d'un maillet de bois et non d'un d'émotion du trésor de la cathédrale de Saint-Pol­ battant. de-Léon est la cloche de Paul Aurélien. Les gens du pays, depuis mille ans au moins, la nomment Quant à la cloche de saint Ronan, feuille de <>, un mot breton calqué sur le métal rivetée, son type particulier invite à la ranger <>, de la Vie de saint Paul. <> -bretonne, longue fauve>> latine, ces noms L'on voit donc qu'une étude approfondie doit curieux désignant un profil oblong de couleur dissocier «les six cloches à main des saints celtiques bronze difficile à définir restent mystérieux. de laBretagne primitive>>, Conservée dans une simple niche-crédence vitrée de la cathédrale, à l'arrière de l'autel des reliques, la grande valeur de Hir-glas exigerait, soit dit en passant, une protection plus efficace ... L'état d'origine de Hir-glaz D'habitude on l'étudie dans un ensemble Fig. 5. - Cloche de Paul Aurélien. Pour appréhender correctement la <> Vue générale. de saint Paul, on la dépouillera des adjonctions factice composé de six objets qui furent exposés en Cliché Y.-P. Castel-Kergrist. Fig. 6. - Cloche de Paul Aurélien. 1985 à l'abbaye de Daoulas. <> de faites à diverses époques. La plus récente est de Détail de l'anse vue de biais, cuivre avec la Bretagne primitive, selon Cormac Bourke, toute évidence la poignée sculptée en gueule de traces d'argenture. <>, selon Bernard poisson ingénieusement retenue par une languette Cliché Y.-P. Castel-Kergrist. Merdrignac, dans une étude récente, Au milieu du lot, on isolera cette dernière telle figurant la langue même du poisson... En relation dénominations simples qui semblent préjuger de la que les siècles nous l'ont léguée pour la mettre en avec le récit du vivier, cet élément de bois a été véritable nature d'objets qui sont fort différents. sculpté en 1897 à l'occasion des fêtes de la relation avec les textes qui y font allusion, antique Ce déshabillage idéal accompli, l'objet se Alors qu'outre-Manche on en compte près Vie de saint Paul (Vita Pauli) de Wrmonoc, ainsi translation des reliques. Il remplaçait une poignée de bois en forme de chapeau de gendarme qui ne présente dans son état originel bien que mutilé : un d'une centaine en majorité irlandaises, la liste des qu'avec des documents d'archives plus récents. vase de section rectangulaire aux angles arrondis. remontait pas au-delà du début du XIX' siècle et «cloches>> de la péninsule armoricaine est brève : La mutilation est celle de l'anse qui était fondue dont une carte postale ancienne donne une· bonne 1. Cloche de saint Goulven, église de Goulien, avec le corps, d'une même coulée. Ajoutons que Cloches et gongs image. Ces poignées, modernes, sont des artifices Finistère. Les représentations sculptées du haut Moyen l'absence sous le cerveau du vase de toute trace de commodes qui permettent la suspension mobile de bélière confirme que le son primitif ne pouvait être 2. Cloche de saint Symphorien, église de Âge en Irlande attestent deux types de cloches à la cloche elle-même. Paule, Côtes-d'Armor. main, les sonnées et les frappées. Ainsi sur le relief obtenu qu'au moyen d'une frappe avec un maillet En second lieu, il faut ôter le battant intérieur de bois. 3. Cloche de Perros-Guirec (?), Saint-Brieuc, méplat de Killadeas, comté de Fermanagh, un personnage tient en main une cloche dont le battant pendu par un crochet en S, à un second crochet Ainsi Hir-glaz n'est pas une cloche, mais un Musée, passé au travers du cerveau, crochet dont la tête 4. Cloche de saint Ronan, église de Locronan, dépasse la patte. En revanche, le bas-relief de gong. Néanmoins, que l'on fasse fonctionner White Island ne laissant point deviner de battant, il écrasée est marquée d'une croix. l'instrument de l'une ou de l'autre manière, il s'en Finistère. y a toute vraisemblance qu'il s'agisse d'une cloche Détachons enfin, du moins théoriquement, dégage une note agréable chargée d'harmoniques 5. Cloche de saint Mériadec, église de Stival, heurtée comme un gong. l'anse de cuivre maintenue par quatre rivets entre le la dièse et le si bémol. Précisons, en Morbihan. Ces représentations fort précieuses sont donc latéraux battus, qui a été placée en 1633, et sur manière d'inventaire, que la hauteur de l'objet sans 6. Hir-glaz, cloche de saint Paul Aurélien, déjà une invitation à ne pas tout confondre, laquelle nous reviendrons. sa poignée est de 22,2 cm, et que son ouverture fait cathédrale de Saint-Pol-de-Léon, Finistère. 115 114 Sur les pas de Paul Aurélien Yves-Pascal Castel-Kergrist Les reliques de Paul Aurélien 18 2 sur 16 2 cm. Le métal est un bronze martelé refuse à partager, comme on le verra plus loin, les <> . renseignements. "dont on entoure le vénérable objet s'émurent. Un large sourire se répandit surses Qu'en est-il? La lecture <> des L'objet le plus proche de Hir-glaz est la cloche lèvres, puis il éclata de rire, ce qui étonna le comte : lignes de Wrmonoc n'exclut nullement qu'elles ne de saint Symphorien, conservée à l'église de Paule, Tel un midrash rabbinique, le vieux récit <>. <> l'anneau Manche, à Castel-Dore (Banhed[os]) en Comwall, compagnes de noms évocateurs et variés : (annulus), désormais disparu de Hir-glaz, ille voit où le roi Marc-Conomor tient sa cour. Les invités à tintinnabula, cymbalum, cloca ... Aussi, sans prétendre jouer à plus savant, ouvert et dédoublé tel l'anneau de Paule. Si cela la table royale y sont convoqués par l'appel de sept avec toutefois d'honnêtes arguments tirés de la Vie, était vrai, on peut imaginer les sept <> cloches, dont il est dit qu'elles surpassaient toutes La page de Wrmonoc continue sur une action nous n'avons aucune raison sérieuse de douter que de grâces, beau prétexte pour l'hagiographe de du palais de Marc alignés sur un support pour les autres en qualité, <>. Paul Aurélien, qui muer l'éclat de rire du saint en louange au Dieu­ nous garderons la datation haute transmise par la Providence qui finit toujours par accorder ce qu'on fixes résonnant sous les maillets de quelque habile exerça là quelque temps son ministère, souhaite, tradition, le VI' siècle. En y ajoutant toutefois, en lui demande, avec un jeu allusif sur les diverses musicien. avant son départ, emporter l'un de ces timbres bémol, un point d'interrogation, suivaht en cela le significations du mot pulsando ... merveilleux. Mais il se le voit refuser par Marc lui­ sentiment de ceux qui l'ont classée parmi les L'anse de 1633 même, dépité de voir s'en aller un religieux de la <> (Car il n'en va pas autrement pour information documentaire précieuse, livrée par les nos demandes quand Dieu temporise. Il se rend un Relique insigne, la cloche de saint Paul a comptes du chapitre de la cathédrale. En 1633, il séjoume Withur, son parent, dans ce qui deviendra le siège où le moine gallois établira la vie jour, à notre insistance qui <> avec toujours été tenue localement en grande est remis 7 livres 4 sols <> rabbinique, le récit de la cloche illustre le fameux <> de l'évangile. Il invite à démêler différents interlocuteur plein de curiosité, Paul s'attachait à niveaux de lecture où le propos didactique spirituel traduirons par le retour en santé de quelque patient bouterolle dont on trouve la marque sur des calices rendre compte de tout dans le détail. Lorsqu'on en condamné par les médecins. conservés' de Goueletanvez, alias Richard Daniel. vient expliciter des données proprement arriva au point de la séparation d'avec le roi Marc, archéologiques. D'autre part, la feuille repliée encadrée de deux le moine parla de la merveilleuse cloche Guérisseuse, la cloche avait pour privilège folioles droites sur les plats de l'anse est un décor (cymbalum) qu'il avait prié le prince de lui remettre d'éloigner les maléfices, une croyance quasi commun à l'orfèvrerie de ce temps. Car il s'agit et que ce demier lui avait refusée. Et voici que sur Pour une datation haute, le VI' siècle superstitieuse qui provoquera des abus. Ainsi Mgr de Rieux dans ses statuts de 1629-1630, essaie de bien ici d'un motif végétal. Il n'était point ces entrefaites, se présenta, les bras fort chargés, le La cloche est-elle du IX' siècle, ou remonte-t­ freiner l'ardeur intempestive aussi bien des fidèles nécessaire pour Cormac Bourke de mettre en serviteur responsable du vivier (gurgustium). D'une elle au VI' siècle, au temps même du saint ? doute le sentiment d' Allen et de proposer la forme léonards que des pèlerins du Tro-Breiz. On main, il tenait un poisson (esox, une espèce de Les diverses réflexions de Cormac Bourke d'un oiseau vu de dos, interprétation fantaisiste qui saumon ou de brochet) de taille peu commune, de constate alors deux types de rites, le baiser de la ne tient pas auprès des familiers de l'orfèvrerie l'amènent à une datation basse. <> de la cloche <>. (Cuius annulus marinis plenus entretenait avec la Grande-Bretagne et l'Irlande au survient vers le temps où le chapitre cathédral se sanguisugis petforatus atque ambesus erat) [. .. ]. ses vénérables frères les chanoines à s'opposer à ce IX' siècle, et plus vraisemblablement durant la qu'on la pose sur la tête. Des nuances où l'on 116 117 1'1

Sur les pas de Paul Aurélien Liste des congressistes soupçonne quelque conflit d'autorité entre l'évêque Bibliographie et son chapitre. ALLEN (J. R.). Celtic art in Pagan and Force est de constater que l'imposition Christian Times. London, 1904. capitale demeura en usage, quitte à revêtir une Aux origines de la Bretagne, xvi? centenaire de la forme quelque peu différente. En plein XX" siècle, fondation de l'abbaye de Landévennec. Catalogue ce n'est pas la simple osculation prônée par Mgr de d'exposition, Daoulas, 1985. Rieux qui était de mise chez les fidèles saint­ politains, mais l'imposition. Certes, on ne faisait Bouruœ (C.). «Les cloches à main de la LISTE DES CONGRESSISTES plus reposer la cloche à même les chefs. On se Bretagne primitive>>. Bulletin de la Société archéo­ logique du Finistère, t. CX, 1982, p. 339-353. contentait, le jour du grand pardon, de demander ÀMISE (Roger), Morlaix FAVÉ (Vincent), Saint-Pol-de-Léon aux prêtres de la balancer à grandes volées au­ Constitutiones synodales illustrissimi ac ABASQ (Joseph), Saint-Herblain FRÈRE (Yvon), Saint-Derrien dessus des croyants agenouillés sur le degré du Reverendissimi D. D. Renati de Rieux, Episcopi AUBRÉE (Arlette), Brest sanctuaire. En revanche le prêtre approchait des Leonensis, promulgatae Paulopoli in Leonia annis AUBRÉE (Serge), Brest GAC (Yvon), Lesneven lèvres du fidèle la main-reliquaire. Voilà le rite tel 1629 et 1630. Paris, 1630. qu'en peuvent témoigner nombre de saint-politains AUBRY-BRETON (Marie-Louise), Rennes GAONAC'H (Louis), Quimper pas si âgés. Selon une expression qui rappelle le MERDRIGNAC (B.). <>. PEYRON (P.). La cathédrale de Saint-Pol et le BERVAS (Élie), Logonna-Daoulas GRIMA (Cécile), Orléans Et plus d'un se souvient, dans la Ville sainte, Minihy Léon. Quimper, 1901, p. 141. BIHAN (Yvon), Brest GUÉGUEN (Jean), Ergué-Gabéric des processions du pardon de septembre où la PEYRON (P.). Eévêché de Léon de 1613 à 1651, BIHAN-FAOU (François), Plounéour-Trez GUÉMARD (Anne-Marie), Lorient cloche de Paul Aurélien, suspendue sous la nef Quimper, 1916. BIRRIEN (Jean), Saint-Pol-de-Léon GUÉRIN (Alice), Brest de la maquette du Kreisker, faisait résonner sa WRMONOC. Vita S. Pauli Aureliani, éditée par BOURGÈS (André-Yves), Guimaëc GUESNIER (Valérie), Saint-Pol-de-Léo~ note antique dans les rues de l'ancienne cité dom F. PLAINE, Analecta bollandiana, t. 1, 1882, BOUTOUILLER (Paul), Saint-Pol-de-Léon GUÉZENNEC (Marie), Brest épiscopale vibrante omme au temps de son p. 209-258, et par C. CUISSARD, Revue celtique, BOZEC (André), Brest GUIGON (Philippe), Bédée premier évêque. vol. V, n° 4, avril1883, p. 413-460. BRAY (Isabelle), Brest GUILLOU (Danielle), Roscoff BRILLET (Denis), Crépy-en-Valois GUILLOU (Bernard), Saint-Pol-de-Léon BRUSQ (André), Ploéven GUILLOU (Louis), Saint-Pol-de-Léon GUIVARCH (Jean), Quimper CADIOU (René), Roscoff CARAËS (Hervé), Saint-Pol-de-Léon HENRY (Germaine), Saint-Pol-de-Léon CAROFF (M.), Saint-Pol-de-Léon HÉTET (Auguste), Brignogan CAROFF (Yves), Le Faou HOLSTEIN (John), Rennes CASTEL (Henri), Sizun HURTEAUX (Pierre), Saint-Pol-de-Léon CATTOIS (Lina), Roscoff HVRTEAUX (Sylvie), Saint-Pol-de-Léon CAVELLAT (Pierre), Carantec CHEVAL (Paul), Saint-Pol-de-Léon INIZAN (Albert), Tréflaouénan CHOLET (Madeleine), Saint-Pol-de-Léon JÉZÉQUEL (Armelle), Saint-Pol-de-Léon 1 CORRE (Jean), Saint-Pol-de-Léon CORRE (Jean-Michel), Plouescat KERAUTRET (René), Saint-Pol-de-Léon COURTÉ (Michel), Guilers i1 KERBOUL (Y.-M.), Sautron CROGUENNOC (Dominique), Porspoder KERDILÈS (Yvette), Saint-Pol-de-Léon CROGUENNOC (Valetine), Porspoder KERMENGUY (Anne de), Carantec KEROMNÈS (Jean-Yves), Morlaix DANGUY DES DÉSERTS (Mad), Le Faou KERSÉBET (Marie-Louise), Saint-Pol-de-Léon DAVID (Marie-Claude), Rennes KERVOAS (Loïg), Gurunhuel DEBARY (Michel), Versailles DELALONDE (André), Carantec LACOLEY (Valérie), Rennes DESHAYES (Albert), Quimper LAHELLEC (Michel), Clermont-Ferrand 118 119 Sur les pas de Paul Aurélien

LALLOUET (Jean-Louis), Roscoff NAUDOT (Nadine), Saint-Pol-de-Léon LAOT (Germaine), Saint-Pol-de-Léon NIVART (Jean), Châteauneuf-du-Faou LARHANTEC (Lucienne), Saint-Pol-de-Léon LAURET (Raymond), Plougastel-Daoulas ÜLIER (Yvonne), Rennes LAURET (Thérèse), Plougastel-Daoulas LE BER (Suzanne), Saint-Pol-de-Léon PENNEC (Alain), Quimperlé TABLE DES ILLUSTRATIONS LE BORGNE (Marie), Saint-Pol-de-Léon PÉRENNOU (Édith), Neuillac LE BouRDELLÈS (Hubert), Saint-André PÉRENNÈS (Marie-Anne), Brest LE BRUN (Annick), Saint-Pol-de-Léon PERROT (Jeannine), Saint-Martin-des-Champs LE BRUN (Joseph), Saint-Pol-de-Léon PERROT (Paul), Saint-Martin-des-Champs LE FRANC (Jean), Roscoff PEUZIAT (Josick), Douarnenez Sean McGRAIL.- De la Grande à la Petite Bretagne au temps de saint Paul Aurélien. LE GALL (Charles), Brest PHILIPPON (Marie-José), Porspoder LE GALL (Gabriel), Plogonnec PICART (Thierry), Saint-Pol-de-Léon Fig. 1. - La région entre le sud-ouest de l'Irlande, le sud-ouest de la Grande- LE GALL (Joël), Brest PoRCHER (Jeanne), Roscoff Bretagne et le nord-ouest de la France ...... 24 LE GOFF (Anna), Gouézec POUCHARD (Jean), Saint-Pol-de-Léon Fig. 2. - Courbe générale de 1' évolution du niveau de la mer pour le nord-ouest LE GOFF (Lucien), Plounévez-Lochrist PROUFF (Yvonne), Brest de l'Europe ...... 26 LE GOFF (Michel), Gouézec Fig. 3. - La Bretagne occidentale ...... 27 LE GoFF (Valérie), Cléder QUÉMÉNEUR (Alfred), Locquénolé Fig. 4.- Déchargement d'un bateau à l'ancre sur la côte bretonne début du LE GoUALHER (Jacques), Saint-Brieuc QUÉMÉNEUR (Francis), Brest xx.e siècle ...... ~ ...... ~...... 31 QUÉMÉNEUR (Liane), Locquénolé LE MÉTAYER (Pierre), Clohars-Camoët Fig. 5. - Monnaies de Cunobelinus ...... 32 QUÉRAT (François), Gourlizon LE MIGNON (Simone), Locquénolé Fig. 6. - Plan du bateau de Blackfriars 1 ...... 34 LEMOINE (Didier), Saint-Pol-de-Léon LEMOINE (Louis), Pleumeur-Bodou RAGUÉNÈS (Jean), Saint-Pol-de-Léon Fig. 7.- Plan du bateau de St Peter Port, Guernesey...... 34 LEMOINE (Michel), Saint-Pol-de-Léon RIMBERT (Marie-Yvonne), Roscoff Fig. 8. - Clou caractéristique d'un bateau romano-celtique : Blackfriars 1 ...... 35 LE Roux (Claude), Quimper Rio (Joseph (Locoal-Mendon Fig. 9.- Petit modèle en or d'un bateau de Broighter, comté de Derry, Irlande ..... 35 LE Roux (Jeanne), Plougasnou RIOU (Yves-François), Plougasnou Fig.10.- Dessin de curachs par le capitaine Thomas Phillips ...... 36 LE Roux (Louis), Saint-Pol-de-Léon RIOU AL (Roger), Corgoloin LE Roux (Marie), Concarneau RoussEL (Geneviève) François KERLOUÉGAN.- La Vita Pauli Aurelian,i d'Uurmonoc de Landévennec. LE Roux (Valérie), Brest ROZE (Catherine), Saint-Maugan LE Roux (Yvette) Fig. 1. - Vita Pauli Aureliani, Bibliothèque de la ville d'Orléans ms 261 (217) LE SANN (Laurent), Saint-Pol-de-Léon SALAÜN (Jean-Louis), Cléder fol. 88, chap. 4: «Le miracle des oiseaux» ...... ~...... ~ 61 LE THÉRISIEN (Yves), Le Relecq-Kerhuon SIMON (Jean-François), Plouzané Bernard TANGUY.- L'itinéraire religieux de saint faul Aurélien en Léon. LE VERGE (René), Landéda STÉPHAN (Mylène), Brest LOUIS (Marcel), Plomodiern STERVINOU (Florence), Coray Carte 1. - Le Léon au temps de saint Paul Aurélien ...... 79 LOZACH (Raymond), Ergué-Gabéric Carte 2. - L'itinéraire religieux de saint Paul Aurélien : Ouessant ...... 80 TANDÉ (René), Saint-Pol-de-Léon THÉPAUT (Louise), Saint-Renan Carte 3. -L'itinéraire religieux de saint Paul Aurélien: Lampaul-Plouarzel...... 81 MARCILLE (Jean-Louis), Carantec THOMAS (Gabrielle), Landévennec Carte 4. -L'itinéraire religieux de saint Paul Aurélien: Saint-Pol-de-Léon...... 85 MARCILLE (Marie-Thérèse), Carantec TOSTIVINT (Yvonne), Saint"Pol-de-Léon Carte 5. -~lan dela ville de Saint-Pol-de-Léon...... 86 MARTIN (Louis), Louannec MÉAR (Marie-Françoise), Saint-Pol-de-Léon Phot. 1. - Ile de Batz, Toull-ar-Sarpant ...... 89 UGUEN (Albert), Saint-Pol-de-Léon MENGUY (Louis), île de Bréhat URSULINES, Saint-Pol-de-Léon MÉRIADEC (Yves), Plougasnou Job AN IRIEN.- L'itinéraire religieux de saint Paul Aurélien en Léon. MEUDIC (Jean), Saint-Pol-de-Léon VASSEROT-CUEFF, Roscoff Carte 1. - Le culte de saint Paul Aurélien ...... 94 MIOSSEC (Hervé), Logonna-Daoulas MOIGN (Claire), Brest Carte 2. - Les disciples de saint Paul Aurélien ...... 97 MoNDIEGT (Marguerite), Quimper 121 120 Sur les pas de Paul Aurélien Yves-Pascal CASTEL-KERGRIST.- Les reliques de Paul Aurélien. Fig. 1.- Carte des tribulations des reliqùes de Paul Aurélien...... 104 Fig. 2.- Dalle marquant la sépulture de Paul Aurélien, cathédrale de Saint-Pol- de-Léon ...... 108 Fig. 3.- Reliquaire en bronze doré, 1897, cathédrale de Saint-Pol-de-Léon···'············ 111 TABLE DES MATIÈRES Fig. 4. - Étole dite de saint Paul, église de l'île de Batz ...... 112 Fig. 5.- Cloche de Paul Aurélien...... 114 Fig. 6.- Cloche de Paul Aurélien, détail de l'anse ...... 115

Sommaire du colloque...... 7 Bernard TANGUY.- Avant-propos...... 9

Patrick GALLIOU.- Avant saint Paul: le Léon à l'époque romaine...... 13 Sean McGRAIL. - De la Grande à la Petite Bretagne au temps de saint Paul Aurélifin...... 23 Alan LANE.- La Grande-Bretagne occidentale du v• au vn· siècle: l'arrière-plan insulaire de saint Paul Aurélien...... 37 François KERLOUÉGAN.- La Vita Pauli Aureliani d'Uurmonoc de Landévennec...... 55 Bernard MERDRIGNAC.- Des origines insulaires de Paul Aurélien...... 67

Bernard TANGUY.- L'itinéraire religieux de saint Paul Aurélien en Léon...... 79 Job AN IRIEN.- Le culte de saint Paul Aurélien et de ses disciples...... 93 Yves-Pascal CASTEL-KERGRIST.- Les reliques de Paul Aurélien...... 103

Liste des congressistes...... ,...... 119

Table des illustrations...... 121 Table des matières ...... :...... ,...... 123

122 123 Achevé d'imprimer sur les presses de l'Imprimerie Régionale • 29380 Bannalec

Dépôt légal 3' trimestre 1997 Patrick GALLIOU. Avant saint Paul : le Léon à l'époque romaine.

Sean McGRAIL. De la Grande à la Petite Bretagne au temps de saint Paul Aurélien.

Alan LANE. La Grande-Bretagne occidentale du v• au VII" siècle: l'arrière-plan insulaire de saint Paul Aurélien.

François KERLOUÉGAN. La Vita Pauli Aureliani d'Uurmonoc de Landévennec.

Bernard MERDRIGNAC. Des origines insulaires de Paul Aurélien.

Bernard TANGUY. L'itinéraire religieux de saint Paul Aurélien en Léon.

Job AN IRIEN. Le culte de ~aint Paul Aurélien et de ses disciples.

Yves-Pascal CASTEL-KERGRIST. Les reliques de P3:ul Aurélien.

I.S.B.N. 2-906790-02-8