Stéphane Galland Interview Par Camille-Alban Spreng / Bruxelles, Juin 2019
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STÉPHANE GALLAND INTERVIEW PAR CAMILLE-ALBAN SPRENG / BRUXELLES, JUIN 2019 19 Bonjour Stéphane. Tu as beaucoup d’actualité Récemment, j’ai reçu pour le moment, peux-tu nous parler de ce qui arrive prochainement ? le Sabam Jazz Award. Ce mois de septembre marque le début d’une C’est super. nouvelle aventure avec Ibrahim Maalouf, un nouvel album qui sort le 27 septembre et qui Je ne m’y attendais s’intitule « S3NS », et une série de concerts pas du tout. qui commencent à l’Olympia les 23, 24 et 25 septembre et qui se poursuivent jusque Félicitations ! Peux-tu nous présenter fin décembre. En même temps, une tournée ton projet (the mystery of) Kem ? avec mon projet (the mystery of) Kem com- C’est un groupe qui me tient très fort à cœur mence à Bruges le 27 septembre, durant parce qu’il y a vraiment un échange et un laquelle il y aura une nouvelle création à De travail avec les musiciens du groupe, Syl- Centrale à Gand où l’on invite pour l’occa- vain Debaisieux, Bram De Looze et Federico sion un percussionniste turc incroyable qui Stocchi. Ce sont d’anciens élèves du conser- s’appelle Levent Yildirim, qui n’est autre que vatoire que j’ai eu dans mes cours de rythme et le frère de Misirli Ahmet avec qui j’ai beau- d’ensemble. Pour ce projet, j’ai écrit des com- coup joué dans le cadre de mon projet LOBI positions à partir de concepts rythmiques par- ou avec Aka Moon « Alefba » et « Alifbata ». ticuliers que j’ai développés à partir de toutes En parlant d’Aka Moon, nous venons d’enre- les expériences que j’ai eues. Je voulais réunir gistrer un nouvel album qui sortira au prin- des musiciens ouverts et enthousiastes par temps prochain, autour de Beethoven. Je rapport à cet univers rythmique et avec qui je continue également à donner des cours au pourrais vraiment avoir le temps de travailler KCB, le conservatoire flamand de Bruxelles, en profondeur. J’ai conçu une approche pour où je mène aussi actuellement un projet de apprendre ces morceaux et je voulais voir recherche et doctorat sur le rythme. J’ai quels seraient les résultats de cette méthode. aussi un tout nouveau projet que j’ai créé au Je me suis dit que ce serait un vrai échange Gent Jazz Festival le 6 juillet dernier qui s’in- de partager cet univers avec eux. Ils profitent titule « Yhi », en rapport avec la déesse du de ma vision, mon expérience et ma méthode même nom, et qui est un duo avec Adriaan de travail et moi cela me permet d’approfon- Van de Velde (mieux connu sous le nom de dir cette recherche. Il y a des musiciens avec Pomrad), avec une direction plus électro. qui j’aurais pu faire facilement ce projet parce 2020 prépare son lot de bonnes surprises… qu’ils ont un bagage rythmique très fort. Cela Et en parlant de surprise, récemment, j’ai aurait aussi pu être sympa, mais ce sont des reçu le Sabam Jazz Award. C’est super. Je musiciens étrangers très occupés et cela ne m’y attendais pas du tout. aurait été compliqué logistiquement. 20 Et le projet aurait sans doute été posé 2 titres, et encore, ceux-ci étaient carré- très différent. ment influencés de morceaux traditionnels déjà Oui, mais je ne dirais pas mieux ou moins bien. existants. Alors que pour (the mystery of) Kem, C’était beaucoup plus ardu et on a mis trois tout part de moi. Ce sont des idées que j’ai tra- ans avant de faire le premier concert, mais vaillées, développées et puis transmises à des j’éprouve beaucoup de satisfaction d’avoir musiciens pour les faire vivre. pris ce chemin. On n’a pas bossé en continu, mais on a fait régulièrement des petites ses- Peux-tu nous parler de ta rencontre avec sions entrecoupées de pauses de plusieurs Malcom Braff ? Vous avez chacun développé mois pour prendre le temps d’intégrer la votre univers rythmique, j’imagine que vous matière. Aujourd’hui, la musique est ancrée. avez échangé là-dessus… Il y a vraiment des racines. C’est hyper agréable Oui, en fait, on s’est rencontré sur scène. Je et ça me motive à poursuivre l’aventure avec jouais avec Dhafer Youssef au Cosmo Jazz, peut-être un nouvel album dans un an. J’ai un super festival dans les montagnes à Cha- déjà de nouvelles idées prêtes à être jouées. monix. Et après le concert, je suis allé à la jam du festival qui avait lieu chaque soir à Quelles ont été tes influences pour l’hôtel. Cela fait longtemps que je ne vais plus l’écriture de ce répertoire ? dans des jams, mais là j’étais dans un mood Il n’y a pas d’influences précises. Au départ ce où j’avais vraiment envie de jouer. Il y avait sont des idées rythmiques qui me sont venues une bonne ambiance et à un moment je suis et que j’ai développées. Par après, j’ai un peu monté sur scène. On s’est marré comme des analysé les morceaux et j’y ai reconnu beau- fous et ça groovait d’enfer. Et puis, il y avait ce coup d’influences africaines, des Balkans, pianiste que je ne connaissais pas du tout… de la musique contemporaine, mais aussi de musiques plus urbaines et groove. Celles-ci ne Avec une grosse barbe ! m’étaient pas apparues clairement lors du pro- Ben non, justement quand je l’ai connu, il était cessus de composition. complètement rasé ! Après la jam, on s’est féli- cité mutuellement et puis plus rien. Par après, Par rapport à LOBI, ton disque précédent, j’ai enregistré mon disque Lobi. Le disque était est-ce que tu sens que tu as pris avec le pianiste Tigran Hamasyan, mais il ne une direction différente ? pouvait pas faire les concerts parce qu’il était Oui, d’une certaine manière c’est l’opposé. Pour pris par ses tournées. Pour le remplacer, il me LOBI, j’étais parti des musiciens qui m’entou- fallait un pianiste qui puisse s’inscrire dans le raient. J’étais le rassembleur et mon rôle était contexte de Lobi et qui amène un background de faire quelque chose de cohérent avec ce culturel différent de celui des autres. Ce n’était que chacun amenait. Le concept était de revi- pas si évident à trouver. Et puis Magic Malik siter des musiques traditionnelles existantes en m’a suggéré Malcom. Je me suis dit que c’était les remettant au goût du jour avec une vision parfait. J’adore comment il joue et il rentrait actuelle et personnelle. J’avais seulement com- parfaitement dans le concept. Il est brésilien, 21 il a vécu au Sénégal et aujourd’hui il vit en avec Pierre Van Dormael, ça a été la bombe Suisse. Je l’ai appelé et il était super content. atomique ! Il est arrivé avec une approche Il est venu jouer dans LOBI puis après il m’a complètement nouvelle de la musique, du jazz, invité plusieurs fois pour remplacer le bat- de l’improvisation. Je me suis retrouvé face à teur de son trio. Puis, en jouant sa musique, un nouveau monde et depuis ce jour-là, ma j’ai commencé à voir son concept rythmique motivation est revenue. que je trouve super. Il a une approche autant intuitive et organique qu’intellectuelle. Pour des européens qui sont peut-être plus dans La rencontre avec la tête et le contrôle, sa méthode permet d’ex- Pierre Van Dormael, périmenter le ressenti du groove tout en gar- dant une approche très cartésienne. C’est ce ça a été la bombe que j’ai trouvé vraiment intéressant dans son atomique ! approche qu’aujourd’hui j’inclus aussi dans mes cours et mes masterclasses. C’était quoi cet univers musical ? Je suis très curieux de t’entendre sur Notamment ses compositions qui sont les débuts d’Aka Moon. Peux-tu m’expliquer d’une richesse incroyable et qui n’appar- la création et le contexte ? tiennent pas à une tradition particulière. Il Cela a commencé avec le groupe Nasa Na y avait des mesures composées, des mélo- qui était composé du guitariste Pierre Van dies polyphoniques, des harmonies assez Dormael, Fabrizio Cassol, Michel Hatzigeor- osées inspirées de la musique contempo- giou et moi. C’était une initiative de Pierre qui raine mais aussi de la musique pop. C’était voulait avoir un groupe pour pouvoir expéri- une personnalité très riche. menter régulièrement et on a commencé à jouer chaque mercredi dans ce lieu légendaire qu’était le Kaai. Pierre est une des personnes Il était le seul à proposer ça en Belgique les plus importantes dans mon développement à l’époque ? de musicien. Je l’ai rencontré quand j’avais 18 Oui, avec Fabrizio Cassol qui avait aussi des ans. Je venais de finir l’école et à ce moment-là compositions très originales influencées par j’étais un peu en crise. J’étais sûr depuis long- la musique contemporaine. Pendant trois temps de vouloir me consacrer à la musique ans, on a joué en tant que Nasa Na, principa- et je faisais déjà beaucoup de concerts d’un lement des compositions de Pierre Van Dor- peu toutes sortes mais à un moment j’ai perdu mael. Puis, Fabrizio a commencé à amener le goût de jouer. Je sortais de l’école, quelque ses compositions et à un moment donné il y part ma vie commençait, et puis d’un coup j’ai a eu un clash.