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THE FINEST IN BELGIAN Jempi Samyn & Sim Simons

Colophon

Auteurs : Jempi Samyn & Sim Simons Traduction française : Philippe Schoonbrood (portraits) et Alias Languages Sprl (historique du jazz belge) Photographie : Jan Vernieuwe, Jacky Lepage, Jos Knaepen Design : Folio, Marijke Deweerdt Imprimerie : Walleyn graphics Brugge

Depot légal : D/2002/9668/3 ISBN 90-807 378-3-6

Photos : Archives Collection Robert Pernet Jos Knaepen Jacky Lepage Jan Vernieuwe VRT

Le livre ‘The Finest in ’ est une publication de : © De Werf, 2002, Brugge Werfstraat 108, 8000 Brugge Tel. +32 50-33 05 29 e-mail : [email protected]

Une initiative du Werf dans le cadre de Brugge 2002, Capitale culturelle de l’Europe

Avec la collaboration de : Brugge 2002, Capitale culturelle de l’Europe - Het Muziekcentrum Vlaanderen - Wallonie-Bruxelles Musiques

Tous droits de réproduction, y compris par la photocopie, de traduction; et d’adaptation, réservés pour tous pays. Contenu

Préface 5

Toots Thielemans 6

Historique du jazz belge 15 Introduction 16 Précisions 17 Little ? 18 L’amateur 20 Clubs et opportunités 21 Les médias 22 Aujourd’hui 24 Les cédés 24 La suite… 25 La décennie (élargie) 26 Le Django d’Or 27 Projets 28 Une haute conjoncture qui repose sur du solide 29 Les origines 30 La préhistoire : ménestrel, et John-Philip Sousa 30 ‘Europe’ et le jazz arrive en Europe 32 Louis Mitchell, Félix Faecq et Robert Goffin 32 Entre-temps… 33 Le swing et les big-bands 35 Stan Brenders 35 35 36 Quelques autres musiciensi 36 Les années de guerre 38 Les rejetons de la guerre 40 Le renouveau du printemps… 41 41 41 René Thomas 42 Benoît Quersin 43 Jacques Pelzer 43 43 Sadi 43 Jean Warland 44 Quelques autres musiciens 46 46 Roger Asselberghs 46 Rudy Frankel 47 Freddy Rottier 47 Jean Fanis 48 Roger Vanhaverbeke 48 L’espoir d’une ère encore plus moderne 50 Félix Simtaine 50 Richard Rousselet 50 Exposition universelle 51 Les années soixante et suivantes 52 La nouvelle tendance : les festivals 53 Comblain 53 53 Jazz Middelheim 53 Fin de la crise ? 55 Clarke-Boland 55 BRT JO 55 Etienne Verschueren 56 WIM vzw 56 Les années septante et suivantes 57 Les Lundis d’Hortense 57 ‘Le jazz d’antan’ 59 Way down yonder… 59 It Don’t Mean A Thing… 60 En conclusion 62

Portraits de musiciens et groupes de jazz belges 63 (voire résumé à la page 304)

Annexe 155 Résumé des musiciens et groupes traités 155 Index 157

Préface

Outre les activités régulières du Werf sur le plan du théâtre et du jazz, 2002 signifie surtout la première de Jazz Brugge (un festival de jazz européen) et l’édition de The Finest in Belgian Jazz (10 cédés des musiciens et groupes les plus marquants sur la scène du jazz belge à l’heure actuelle, choisis par une cinquantaine de journalistes et promoteurs de jazz), complétés par ce livre sur le jazz belge.

Brugge 2002 a été la source d’inspiration et le défi, mais également la date d’échéance pour la réalisation de ce livre, date serrée aussi bien pour Sim Simons et Jempi Samyn (les auteurs) que pour les 3 J’s, à savoir Jan Vernieuwe, Jos Knaepen et Jacky Lepage (les photographes), ainsi que pour les traducteurs Nadine Malfait (version anglaise) et Philippe Schoonbrood (version française), pour Marijke Deweerdt de l’atelier graphique Folio et pour l’équipe du Werf. Il est certain que la réalisation de ce livre n’aurait pas été possible sans les efforts inspirés et inlassables de cette équipe entière ainsi que de la troupe de collaborateurs bénévoles sur et autour de notre ‘chantier’ (traduction litérale du mot néerlandais ‘werf’ ). N’oublions surtout pas non plus tous ces sponsors qui ont plutôt choisi pour la qualité et non pour le pouvoir des nombres et des chiffres, car le jazz, tout le monde en est bien conscient, n’est pas un produit de grande série.

Comme toute autre forme de musique, le jazz est une langue universelle, franchissant chaque frontière linguistique ou culturelle, contrairement au cadre législatif, qui restera toujours lié à ces frontières. Egalement dans cette optique, ce livre peut être considéré comme unique, étant donné qu’il a été mis en œuvre grâce à la coopération du Muziekcentrum Vlaanderen ainsi que de son pendant venant de l’étranger le plus proche de la Flandre, à savoir Wallonie-Bruxelles Musiques. En effet, le jazz belge n’est, par définition, autre qu’un pot-pourri de Wallons, Flamands et Bruxellois, une pollinisation croisée de musiciens, réunis dans un langage créole et jazzy. Le pays de Tintin et Kuifje , de Magritte et Brel, de et : voici la source riche du jazz belge.

Au départ (en l’année ’93 du siècle précédent !), le label W.E.R.F. (remarquez les points) n’était qu’une blague : ‘Wasted Energy Recording Factory’ . Entre-temps, son catalogue compte 25 titres, sans compter les 10 nouveaux cédés dans le cadre de Brugge 2002 . La blague et le chantier appartiennent au passé, mais gardons avant tout les choses ludiques, créatives et jazzy !

Filip Delmotte

TOOTS THIELEMANS Jempi Samyn Non, notre histoire du jazz belge ne commence pas avec le . Cela, par devoir moral à l’égard du père du jazz belge, qui vient de fêter son quatre-vingtième anniversaire, au mois d’avril 2002. Tout le monde associe a priori l’ au monde du blues : ‘Sonny Boy’ Williamson, Harmonica Slim, Sugar Blue, Sonny Terry, Johnny Mars, Junior Wells, Charlie Musselwhite, Kim Wilson, Mike Morgan, Juke Boy Bonner, Big Walter ‘Shakey’ Horton, James Harman, Buddy Moss, Big Mama Thornton, Harmonica Fats, Jazz Gillum, Billy Branch, Driftin’ Slim, Blue Boy Willie, Whispering Smith, Little Walter, Slim Harpo, John Mayall, Shakey Jake Harris, Buster Brown, Steven De bruyn… la liste est sans fin. En jazz, par contre, les joueurs d’harmonica sont plutôt rares. L’harmonica chromatique (avec un bouton poussoir sur le côté) a toujours eu moins de succès que l’harmonica blues. Plus fort encore : le seul véritable joueur d’harmonica dans le monde du jazz que l’histoire ait connu, est né le 29 avril 1922, dans le quartier des Marolles, à Bruxelles. Et, aujourd’hui, il se produit toujours fréquemment. Il s’appelle Jean Baptiste Thielemans, et vous le connaissez sans aucun doute mieux sous le nom de Toots. Ce surnom lui vient de musiciens comme Toots Mondello et Toots Camarata. Toots commence à jouer de l’harmonica chromatique à dix-sept ans. Et, même si des artistes comme Philip d’Arcy, dans les années ‘20, au sein des Fred Hall’s Sugar Babies, et Larry Adler, dans les années ‘30, ont précédé Toots, on ne peut pas comparer la musique populaire et traditionnelle qu’ils jouaient avec cette virtuosité inégalée, qui permet à Toots d’interpréter du jazz de haut niveau. Quelques joueurs d’harmonica de valeur sont apparus sur la scène au cours de ces dernières décennies, parmi lesquels on citera , l’américano-suisse Grégoire Maret, le Français Oliver Ker Ourio et le néerlandais Kim Snelten. Chez nous aussi, quelques musiciens se sont risqués sur les pas du grand Toots. On pense ici à Olivier Poumay, qui écume régulièrement les jams nocturnes à l’Athanor et au Sounds, ainsi qu’à Steven De bruyn, qui démontre une maîtrise solide à l’harmonica chromatique.

L’harmonica n’est pas le seul instrument sur lequel Toots a fait briller ses talents. En écoutant Django Reinhardt, Toots se sent attiré par la guitare. Dès 1941, il commence sérieusement à s’exercer, et au début des années ‘60, il développe même un nouveau son, grâce à l’unisson créé en sifflant tout en jouant de la guitare. Cette technique conduira en 1962, à la naissance d’un succès mondial, aujourd’hui un grand classique : ‘Bluesette’. Il existe plus de cent versions différentes de cette composition, enregistrées sur disque. Mais, la toute première, jouée en public et enregistrée, remonte en 1963, en Suède. Dans le magazine américain Down Beat, une référence internationale pour le monde du jazz, à l’occasion des readers- & criticspoll , Toots se retrouve régulièrement à la première place, dans la catégorie ‘instruments divers’. Toots a même partagé l’amitié de , avec lequel il a figuré à l’affiche du Festival International de Jazz de Paris, en 1949. En effet, Toots était alors membre du Charlie Parker All Stars. Deux ans plutôt, Toots se rendait pour la première fois aux États-Unis. Il avait vingt-cinq ans. Très rapidement, il va se mêler aux nombreuses jams qui se déroulaient le long de la 52ème rue à New York. En 1950, Toots participe à une tournée européenne du sextet de , et deux ans plus tard (au cours de l’hiver ‘51-‘52), il émigre définitivement aux États- Unis. Au bout de cinq années de présence, il deviendra citoyen américain. De 1953 à 1959, il joue au sein du George Shearing Quintet, avant de créer sa propre formation, même si son activité principale allait surtout se dérouler dans les studios. En effet, au milieu des années ‘60, Toots entre en contact étroit avec . Ensemble, ils vont réaliser un grand nombre d’enregistrements, dont la bande-son des films ‘Midnight Cowboy’ (1969) et ‘The Getaway’ (1972). A cette époque, Toots va livrer des airs pour de petits films publicitaires, et des séries télévisées, avec la régularité d’une montre suisse. ‘Old Spice’ deviendra son air le plus connu, même si sa contribution musicale à la série télévisée éducative Sesame street ne passera pas inaperçue. Mais, Toots livrera aussi des musiques pour d’autres films réputés, comme e.a. Turks Fruit, Sugarland Express, Jean de Florette et Cinderella . L’impressionnante liste d’artistes avec qui Toots a travaillé et/ou enregistré comprend des noms illustres comme Ella Fitzgerald, , Oscar Peterson, Art Taylor, Pepper Adams, , , , Gilberto Gil, Milton Nascimento, Eliane Elias, J.J. Johnson, Ferdinand Povel, Joe Pass, Niels-Henning Ørsted Pedersen, , , , Oscar Castro-Neves, , Jerry Goodman, Lee Ritenour, Ernie Watts, , Natalie Cole, , John Zorn, , Billy Joel et encore au moins autant d’autres artistes, comme vous le constaterez dans l’entretien ci-dessous. Le regretté Clifford Brown lui a dit un jour : ‘Toots, avec la façon dont tu joues de l’harmonica, ils ne devraient pas appeler ça un instrument divers.’

Toots se souvient encore, comme si c’était hier : ‘Mon premier disque, c’était un de , il y a près de soixante ans. Et, ce qui m’a tout de suite frappé, c’est la fraternité entre les différentes cultures, surtout entre l’ et l’américaine (du Nord comme du Sud). J’ai été automatiquement vacciné, inoculé pour la vie par le virus du jazz. Je savais alors bien peu que je jouerais un jour avec Louis Armstrong, pour un spot publicitaire : une expérience inoubliable, même si le spot ne durait que vingt-huit secondes. A trois ans, je jouais déjà de l’accordéon. Mais, avant la seconde guerre mondiale, au travers des musiques de films, j’ai appris à connaître le son d’un instrument qui ressemblait très fort à l’accordéon : l’harmonica. J’étais déjà inscrit à l’université quand, un jour, j’ai vu jouer Larry Adler, selon moi, le pionnier absolu de l’harmonica chromatique. Ma décision était prise : je voulais un harmonica aussi. Je n’avais encore jamais vu autant de possibilités musicales rassemblées dans quelque chose d’aussi petit, et facile à transporter, toujours à portée de main, et probablement pas très onéreux. Je suis donc allé m’en acheter un dans un magasin. Et, depuis lors, pas un jour ne s’est déroulé, sans que je souffle, ne serait-ce même qu’un quart d’heure, dans un harmonica. Mais, attention, c’était alors uniquement pour me détendre. En réalité, je voulais devenir professeur de mathématiques. Et même plus tard, alors que j’avais déjà accédé à une certaine notoriété à l’harmonica, la plupart des musiciens me tapaient encore dans le dos, en me lançant : ‘Mais, jette ce jouet !’ . C’est très étonnant. Encore aujourd’hui, certains réduisent toujours l’instrument au statut de jouet banal. Un certain nombre de critiques regrette toujours maintenant, qu’à l’époque, je n’aie pas choisi le saxophone à la place de l’harmonica. Comme si j’étais un musicien de seconde zone à cause de cet instrument. Ils oublient visiblement qu’entre-temps, j’ai aussi joué de la guitare avec les grands noms du jazz, comme avec le George Shearing Quintet. D’ailleurs, Dizzy Gillespie déclarait régulièrement : ‘Je suis sûr que tu dois jouer des trucs grandioses à l’harmonica, mais je préfère ton jeu à la guitare.’ C’est ainsi, qu’à l’occasion du festival de jazz à Montreux, au sein de son trio, je n’ai pas joué de l’harmonica, mais de la guitare. Malheureusement, j’ai perdu beaucoup de force dans ma main gauche à cause d’une thrombose, ce qui complique énormément le jeu à la guitare. Mais, il faut savoir que dans les années ’50, on me citait dans un même souffle avec des gens comme Herb Ellis, Barney Kessel, et plus tard, . Pourtant, je n’abandonnerai jamais la guitare. Ainsi, je viens encore de faire restaurer ma Gibson ES175 semi- acoustique, qu’on appelait parfois la ‘dikke madam’ . a la même. Par le passé, j’ai aussi beaucoup joué sur une Rickenbaker. D’ailleurs, je suis le premier à avoir introduit dans le jazz une guitare avec une caisse faite de bois plein. J’ai une jolie anecdote à ce propos. Un jour en 1963, un fabricant de chez Rickenbaker me téléphone : ‘Allô, Toots, ce jeune groupe d’Angleterre - je crois qu’on les appelle Smittles, Dittles… ? Je ne sais plus, mais un de ces gars-là joue sur ta guitare. Ils seront les invités du Ed Sulivan Show.’ Il s’agissait bien entendu des Beatles qui venaient pour la première fois aux États-Unis. Je les ai rencontrés à l’époque, et John Lennon m’a alors raconté qu’il avait acheté sa Rickenbaker après m’avoir vu avec cette guitare sur une photo de pochette de disque. Il était parti du principe, selon ses dires, que ‘si c’est bon pour George Shearing, ça doit être vachement assez bon pour moi.’ Je ne l’oublierai jamais. Une autre anecdote amusante est aussi liée à la rencontre entre Toots et George Shearing, le pianiste et compositeur qui, dans les années ’50, a introduit le son afro- cubain dans le format d’un quintet, entre autres grâce au vibraphoniste Cal Tjader et au joueur de congas Armando Peraza : Au cours de l’hiver 1951, après avoir attendu pendant six mois mes documents du service d’immigration, je me suis installé définitivement aux États-Unis. L’année avant, j’avais effectué une tournée européenne avec le sextet de Benny Goodman, et, tu peux me croire ou non, mais c’est de Belgique qu’est venu le moins d’intérêt pour ce travail ! A New York, j’ai ensuite encore dû attendre six mois avant de recevoir mon Union Permit . Mais, je savais que toute cette patience serait payante un jour, même s’il ne faut pas s’imaginer que je me suis rapidement enrichi. Un soir, Tony Scott, un véritable frère musicien, est venu me voir, dans un café de New York, où je prenais un verre avec quelques musiciens. Il disait m’avoir entendu par hasard jouer de la guitare au Birdland, où je jouais effectivement de temps à autre, à l’occasion de leurs Nights du lundi. Il avait visiblement été impressionné. En effet, il tenait absolument à me présenter à George Shearing, encore le même soir, puisque son guitariste, Dick Garcia, venait d’être appelé par l’armée. Nous voilà donc partis, tous les deux, vers cet énorme Carnegie Hall, où George Shearing jouait ce soir-là un double concert, avec Billy Eckstine, qui était comme lui sous contrat chez MGM. En un rien de temps, je me suis retrouvé dans la loge de George Shearing : ‘Salut George, comment vas-tu ? Je tiens ton homme ! Écoute-le !’ J’ai alors joué ‘Body and Soul’ sur mon harmonica, que j’avais alors toujours en poche. ‘Et, il joue aussi de la guitare…’ C’était là mon premier contact avec George Shearing. Une semaine plus tard, je devais jouer à Philadelphie, pour le Dinah Washington Show , au Earl Theater, avec le Charlie Parker All Stars, au sein duquel Charlie Parker était entouré de et . J’ai immédiatement remarqué la présence de George Shearing dans le public. Il m’a alors fait auditionner directement après au Rendez Vous Club, où il devait justement jouer la même semaine. J’ai été immédiatement engagé pour une période d’au moins six ans, période que je peux définir comme étant l’aboutissement de ma formation.’ Détail intéressant, en 1946, George Shearing, né de parents londoniens, s’établissait aussi définitivement aux États-Unis. En réalité, la carrière de Toots est composée en grande partie, depuis des décennies, d’un enchaînement considérable de rencontres, avec des musiciens de jazz importants : ‘J’en ai rencontré des musiciens dans ma vie. En 1955, comme membre du George Shearing Quintet, je me suis retrouvé dans le même bus que , , et le Miles Davis Quintet. Ensemble, nous formions le soi- disant Birdland All Stars, tu sais bien, ce fameux club de jazz, à cette époque-là. En face de moi, se trouvait Billie Holiday, avec son chien sur les genoux, un chiwawa. Son mari était assis à côté d’elle, et à côté de moi, se trouvait Eddie Jones, le contrebassiste de Count Basie.

De tous les pianistes avec lesquels j’ai alors enregistré, je considère que Bill Evans reste encore le monument. Mais je dois bien reconnaître que j’avais une admiration sans bornes pour le bassiste Jaco Pastorius. De tous les musiciens de jazz belges de l’ancienne génération, je garde surtout de bons souvenirs de Jacques Pelzer. Il est venu jouer à l’occasion de mon septantième anniversaire, comme moi plus tard pour le sien, à Andenne. Peu de temps après, aux États-Unis, j’apprenais son décès. J’ai alors téléphoné à Steve Houben pour qu’il fasse parvenir des fleurs en mon nom. En 2000, trois jours avant mon anniversaire, j’ai été invité à Rochester, New York, par la Eastman School of Music, où j’avais conduit un workshop en 1972, car on me considérait comme l’exemple d’un musicien à cent pour cent professionnel, qui avait non seulement joué avec les plus grands, mais qui se sentait en plus à l’aise dans tous les styles : jazz, musique de film, de publicités… Tu te rends compte, je devais donc aller jouer là-bas et répondre aux questions de jeunes qui connaissaient mieux la musique que moi ! Donc, vingt-huit ans plus tard, à la demande d’une association de jazz suédoise, cette école avait demandé à Maria Schneider d’écrire une série d’arrangements pour moi. Maria Schneider avait été diplômée dans cette école, et cela faisait plus ou moins huit ans qu’on travaillait assez régulièrement ensemble. Je n’en croyais pas mes yeux, ni mes oreilles. Ils avaient rassemblés suffisamment d’étudiants pour former deux orchestres de jazz complets. J’ai alors décidé de jouer un set avec chaque orchestre, dans ce splendide Eastman Concert Hall, beaucoup plus grand que le Palais des Beaux-Arts de Bruxelles, qui était comble ! ‘Spartacus’, le morceau que j’ai joué au Jazz Middelheim 2001, avec Maria Schneider et le Jazz Orchestra, est un morceau que Maria a composé spécialement pour moi. On a alors aussi joué ‘Wine and Roses’, un arrangement que j’ai écrit, ainsi q’une de mes compositions, ‘Song for my Lady’. Cela me fait très plaisir de constater qu’il y a de nombreux musiciens de jazz excellents, en ce moment, en Belgique, et surtout des saxophonistes, ténors et altos : Frank Vaganée, Ben Sluijs, Jeroen Van Herzeele, Bart Defoort, Kurt Van Herck, , Erwin Vann, Manuel Hermia… trop pour les citer tous ! J’espère en tout cas que tous ces jeunes musiciens bénéficieront de plus de publicité que moi en 1950, quand j’ai joué en Belgique, avec Benny Goodman, à l’occasion d’une tournée européenne. A peine quelques lignes dans les journaux, alors qu’en Suède, les quotidiens étaient remplis de critiques élogieuses : ‘Un Européen avec Benny Goodman qui joue de l’harmonica et de la guitare !’ Et dire que Benny Goodman m’a engagé à l’époque, après avoir entendu une bande enregistrée dans un garage, sur laquelle je jouais mon arrangement sur ‘Stardust’, avec Francis Coppieters, Freddy Rotiers, Jean Warland et un quatuor à cordes. Dès lors, on a pu jouer ce morceau avec Benny Goodman, presque partout en Europe. Sur ‘The Live Takes’ (Quetzal/Virgin), je joue ‘Stardust’ en duo avec Michel Herr. C’est un enregistrement réalisé au Singel à Anvers, en décembre 1998. J’ai joué le même morceau, il y quelques années, à Rome, également avec Michel Herr. Il fallait voir la folie du public quand j’ai annoncé que j’avais interprété ce morceau avec Benny Goodman en 1950 ! Il n’y a pas de plus beau signe de gratitude et de reconnaissance.’

Toots décrit ainsi sa collaboration avec les pianistes : ‘Je considère encore maintenant la chair de poule comme ma meilleure antenne. Voici environ trois ans, je devais jouer avec au Dakota Bar & Grill, un restaurant réputé au Minesota, qui organise des concerts trois à quatre fois par semaine. Quatre ans auparavant, quand j’ai entendu Kenny pour la première fois, il m’a tellement donné la chair de poule, que j’ai eu beaucoup de peine à m’endormir. Pour ce concert, nous étions donc arrivés un jour plutôt, et nous avions décidé, pour faire connaissance, de manger là où on allait jouer le lendemain. On y a entendu une formation de jazz, avec une chanteuse. Mais, on ne pouvait pas les voir, le podium se trouvait un peu en contre- bas dans un coin. Tout à coup, en entendant les premières notes au , je sens que cela me reprend : la chair de poule ! J’ai rencontré le pianiste à l’issue du concert, c’était . Un mois ou deux plus tard, je devais jouer à Minneapolis. Et, comme Kenny Werner n’était pas disponible, j’avais demandé de pouvoir faire appel à Bill Carrothers. J’ai alors pu expérimenter sa très grande virtuosité en direct. Et, quelques années plus tard, on allait de nouveau avoir l’occasion de jouer quelques fois ensemble : d’abord quatre jours à St. Louis, avec Billy Hart à la batterie et Ray Drummond à la contrebasse, au Jazz at the Bistro Club, où chante de temps en temps, et ensuite, au Festival Jazz Middelheim, avec à la contrebasse et Dré Pallemaerts à la batterie. Deux ans plutôt, j’y avais emmené Kenny Werner et, encore quatre ans auparavant, c’était Brad Mehldau que j’emmenais à ce festival. Brad Mehldau est encore un de ces pianistes magnifiques qui m’a aussi donné beaucoup la chair de poule. Je l’ai rencontré grâce à Kenny, qui l’avait invité un jour à jouer avec moi à Los Angeles, parce que lui-même devait se produire le même jour au Japon, avec .’ Jaco Pastorius, bassiste légendaire, décédé le 21 septembre 1987, à l’âge de trente- cinq ans, représente une histoire à part : ‘Le café le plus fort que j’ai bu dans ma vie s’appelle Jaco ! Je l’ai rencontré pour la première fois à Berlin, en 1979. Il venait de quitter , et tournait un peu en rond, en solitaire, dans le monde entier. Il devait jouer en solo à Berlin, au même festival où je me produisais par hasard aussi avec Bruno Castellucci et Rob Franken. J’ai appris plus tard, qu’à l’occasion d’une conférence de presse, un journaliste lui avait demandé quel artiste, présent à l’affiche, il choisirait pour jouer en duo, si on le lui proposait. Il a alors répondu sans aucune hésitation : ‘Donnez-moi Toots !’ On lui a alors tout de suite proposé. Je le vois encore devant moi : lui, seul, avec sa Fender , non frettée, sautillant sur cet immense podium, et puis, tout à coup, un silence : ‘J’aimerais inviter Toots Thielemans à me rejoindre sur scène !’ Nous avons alors joué ‘Sophisticated Lady’ ensemble. Je n’oublierai jamais l’impression que m’a laissé Jaco à l’occasion de notre première rencontre : un jeune chef indien, avec ce beau bandeau autour de la tête, et ses longs cheveux élégants, au vent. Un peu plus tard, il me racontera que son père, John Francis Pastorius (Jack pour les amis), lui-même batteur et chanteur, lui répétait souvent, quand il était encore enfant : ‘Un jour, mon fils, tu joueras avec Toots, et seulement alors, tu auras joué avec un vrai musicien.’ J’ai alors compris ce qu’il m’avait chuchoté à l’oreille, après avoir joué ‘Sophisticated Lady’ à Berlin : ‘Mon père avait raison…’ Par un beau jour d’été, alors que j’étais de nouveau à New York, je reçois un coup de téléphone de Jaco, pour me demander si je n’avais pas envie de jouer avec lui sur son album ‘Word of Mouth’ . Il n’a pas dû me le demander deux fois. Quelques mois plus tard, le 09 décembre 1980, pour être précis - on avait assassiné Lennon le jour avant - Jaco me téléphone, dans tous ses états : ‘Papa - car c’est ainsi qu’il m’appelait - tu dois venir en Floride !’ En effet, il fallait encore réaliser quelques enregistrements complémentaires. J’étais en réalité à Bruxelles, et je ne pouvais pas partir, car j’avais toute une série d’engagements aux Pays-Bas, avec Bruno et Rob. Je lui ai alors demandé s’il ne pouvait pas venir jusqu’ici. Après tout, nous avons aussi d’excellents studios. Il a alors accepté ma proposition, et nous avons réalisé les prises au Studio Cathy, de Marc Arian, à Ohain. Je le vois encore, devant ma porte à Molenbeek : habillé simplement, en jeans, avec sa basse sur le dos. La manière dont il est arrivé jusqu’ici le caractérise tout à fait. ‘Comment j’arrive à Bruxelles de Miami ?’ m’avait-il demandé, en m’appelant de Fort Lauderdale, où il habitait à l’époque. Mais, mes explications n’avaient visiblement pas servi à grand chose. Monsieur n’avait rien trouvé de mieux que de prendre un avion pour Washington, et de là un Concorde vers Paris, et puis ensuite encore un autre avion vers Bruxelles. Ainsi, il est non seulement arrivé beaucoup plus tard que prévu, mais en plus, tout ce voyage lui avait coûté 4.000 dollars plus cher. Mais, il s’en foutait un peu de tout ça. En effet, il avait alors un très bon contrat avec Warner, où ils étaient persuadés que Jaco vendrait autant d’ que les ‘Doobie Brothers’ ou Alice Cooper, par exemple. On avait donc mis un énorme budget à sa disposition, pour financer l’enregistrement de l’album, ainsi que tous les à côtés. Jaco me téléphonait tout le temps pendant le mixage, qui avait lieu à New York, pour me faire entendre le résultat : ‘Papa, écoute ça…’ Il avait un cœur en or. Quand je me suis retrouvé à l’hôpital, après mon opération, il m’a fait entendre au téléphone qu’il apprenait à jouer de la contrebasse, simplement pour me requinquer. ‘Papa, tu vas venir au Japon avec moi !’ , me dit-il, au moment de ma rééducation. Il devait s’y rendre pour une tournée de dix concerts. Je lui fis comprendre que c’était probablement un peu exagéré. Mais bon, j’ai fait venir mon médecin au concert donné à Avery Fisher, où je jouais avec Jaco. A l’entracte, la première chose que mon médecin m’a dit était : ‘Toots, va au Japon ! Ce gars, c’est le meilleur médicament pour toi !’ Sur le cédé ‘Jaco, Live in Japan’ , on entend le résultat. On y entend Bob Mintzer aussi. J’ai vu Jaco écrire rapidement les dernières mesures de l’arrangement pour big-band de ‘Sophisticated Lady’, quand nous étions dans le Bullet Train.’ Tout à coup, Toots se met à jouer les accords de ‘Three Views of a Secret’ sur sa guitare, et l’esprit de Jaco se trouve clairement parmi nous.

Les artistes étrangers n’expriment que des éloges sur notre Toots. Un échantillon de ces réactions : Ronny Jordan : ‘Je considère Toots comme un des musiciens de jazz les plus importants au monde, avec un son absolument unique. Aucun autre guitariste n’aurait jamais eu l’idée de siffler à l’unisson sur ses propres solos. Toots l’a fait, et a ainsi réussi à complètement tournebouler le monde du jazz ! De plus, comme guitariste, il a toujours été lourdement sous-estimé.’

Maria Schneider : ‘J’ai rencontré Toots pour la première fois en 1993. On m’avait demandé d’écrire un projet pour le Norrbottens en Suède. Ils m’ont alors demandé pour quel artiste j’aurais envie d’écrire. J’ai alors répondu ‘Toots’. Je n’avais à ce moment-là aucune idée de l’amour que lui portait la Suède. Toots parle même le suédois. Je me suis donc mise à arranger des morceaux qu’il aimait jouer. Quelle excitation quand il a commencé à jouer mes arrangements. La vie ne peut rien vous apporter de mieux. Tout l’orchestre l’admirait, le sourire aux lèvres. Il est fascinant. La beauté de sa musique est indescriptible. J’ai eu la chance de jouer avec lui au sein d’autres formations : le Stockholm Jazz Orchestra, le Danish Radio Orchestra, et bien entendu, le . Ce fut formidable de faire de la musique, avec Toots, en Belgique, avec le Brussels Jazz Orchestra. On ressentait clairement l’émotion et la fierté de l’orchestre de pouvoir jouer avec lui. Visiblement, ils l’adorent, et sont particulièrement fiers de le connaître. Tout cela donnait un caractère particulier à l’événement. Quant à Toots, il semblait extraordinairement inspiré de jouer avec eux, et en plus, à Bruxelles. J’espère vraiment que d’autres opportunités se présenteront pour pouvoir jouer avec Toots. Faire de la musique avec Toots, c’est vivre l’expérience de la musique, quand elle va au-delà de la musique. C’est ce genre d’expérience que je recherche toujours.’

Kenny Werner : ‘Toots, avec lequel je joue maintenant depuis près de sept ans, est l’artiste le plus respectueux et le plus compréhensif que l’on puisse s’imaginer. De plus, son talent extraordinaire continue de m’épater, jour après jour !’

Dave Brubeck, avec qui Toots dialoguait autour des concepts d’harmonie et de contrepoint, voici cinquante ans, dans un bus de tournée, me déclarait dernièrement, à l’issue d’un concert donné en 2000 au Palais des Beaux-Arts : ‘C’est un des plus chics types, et définitivement le musicien le plus unique que j’aie rencontré dans toute ma vie. Ah, s’il pouvait y avoir plus de gens comme Toots sur cette terre !’

Toots continue de publier des albums avec la régularité d’une montre suisse. Ainsi, ces deux dernières années ont vu l’édition de trois cédés sous son nom : - ‘The Live Takes’ (Quetzal/Virgin), avec des morceaux enregistrés à l’occasion de différents concerts en Belgique et aux États-Unis, sur lesquels on peut entendre quatre sections rythmiques différentes, avec (p), Sal La Rocca (b) et Bruno Castellucci (dm) / Kenny Werner (p), Ray Drummond (b), et Jukkis Uotila (dm)./Michel Herr (p), (elb) et Bruno Castellucci (dm)/ Kenny Werner (p), Jay Anderson (b) et Adam Nussbaum (dm). - ‘Hard to Say Goodbye - The Very Best of Toots’ (Emarcy-Universal) avec des contributions de e.a. Quincy Jones, Shirley Horn, , Rogier van Otterloo, Paulinho DaCosta, Ian Underwood, Philip Catherine, Ferdinand Povel, Rob Franken, Mike del Ferro, James Anthony Carmichael et Kenny Werner. - ‘Toots Thielemans & Kenny Werner’ (Emarcy/Universasl) : le fruit de sept années d’une collaboration intensive avec un grand pianiste et compositeur. Le cédé a été enregistré dans la cafétéria d’une imprimerie à Kalmhout (toutes les personnes présentes sont citées avec leur nom dans le livret du cédé). Le duo interprète de façon inimitable une série de classiques et de standards, en se mettant quelques instants dans la peau de , Bill Evans, Frank Sinatra, , Walt Disney, Charlie Chaplin et J.S. Bach (écoutez attentivement à quel point Brel a dû, en son temps, écouter la ‘Sicilienne’…). On y trouve aussi une composition de Kenny, une ballade de haute facture. ‘Écouter ce cédé, c’est un peu comme quand on revient à la maison, après une longue et froide route dans la nuit noire. On enlève ses chaussures, et on s’enfonce dans un bon fauteuil. En réalité, on s’est toujours senti bien chez soi à l’écoute de Toots Thielemans.’ (Stage Magazine, août 2001) Enfin, dans la série de près de cent cédés, publiée dans la collection ‘Jazz in Paris’ (Universal), on trouve un cédé de Toots, datant de 1961, sous le titre de ‘Blues pour flirter’ . On l’y entend exclusivement à la guitare, avec à ses côtés, George Arvanitas (p), Roland Lobligeois (b) et Philippe Combelle (dm). Vous trouverez une foule d’informations complémentaires en consultant le site officiel de Toots sur la Toile : www.tootsthielemans.com

HISTORIQUE DU JAZZ BELGE Sim Simons

Introduction

Dans un contexte historique, il serait illusoire de prétendre à l’exhaustivité. Plusieurs ouvrages essentiels, d’une valeur inestimable, relatent l’évolution du jazz belge. Si vous vous intéressez réellement au sujet, cela vaut la peine de vous les procurer : on peut encore les trouver. L’incontestable champion dans le domaine est Robert Pernet. Ses ouvrages sont le résultat d’années-lumière d’études, de recherches et de moissons diverses. Sa bible - Jazz in Little Belgium - date de 1966. La partie contenant les enregistrements a été retravaillée 33 ans plus tard et rebaptisée Belgian Jazz Discography. L’histoire était prévue, mais Robert n’a pas pu achever son projet. Heureusement, une ébauche en a été publiée dans Sabam 75, 1922-1999 , un précieux recueil de documents. Citons encore Jean-Pol Schroeder, historien incontournable, notamment dans son introduction au Dictionnaire du Jazz à Bruxelles et en Wallonie (même si géographiquement il s’étend plus au Nord) et dans les biographies de musiciens rédigées par Marc Danval, Robert Sacré, Bernard Legros, Michel De Rudder et Robert Pernet. Son Histoire du Jazz à Liège est tout aussi essentielle. A l’instar de Robert qui était batteur, Jean-Pol a brûlé les planches internationales : en mai 1982 il se met au piano pour enregistrer Jazzmatic pour le label MD de Michel Dickenscheid en compagnie de Fabrizio Cassol. Jean-Pol a jeté, avec Jean-Marie Peterken, les bases de la Maison du Jazz à Liège (www.jazzaliege.be). Il en est le conservateur dévoué. La publication de son magazine Jazz in Time a dû s’arrêter mi-94, mais il reste une mine précieuse d’informations. C’est avec reconnaissance que je fais régulièrement référence aux travaux de recherche, surtout ceux de Pernet et Schroeder. Les magazines Jazz in Time , L’Actualité Musicale , Jazz Hot , Jazz 57 & 58 , Swingtime (édition en néerlandais), Jazz’halo , J@zz@round , Jazzmozaïek et Jazzman , ainsi que témoignages d’un grand nombre de musiciens et de critiques de jazz m’ont également servi de sources.

Robert Pernet (1940-2001) a ressenti un intérêt pour le jazz en écoutant les enregistrements Ronnex de ‘l’Américain’ Freddy Sunder. Il s’est mis à collectionner les 78 tours, les magazines et les livres. Les disques des musiciens belges l’ont incité à les contacter et peut-être à écrire un livre sur le jazz belge. Bien des choses étaient publiées sur le jazz en général. L’un des chevaux de bataille de Pernet était la préhistoire du jazz : le ménestrel(show), le ragtime et le cakewalk. Il avait trouvé des traces évidentes des deux premiers en Belgique. Mais il voulait aussi vivre le jazz en tant que musicien : il choisit la batterie et commença à travailler régulièrement à la Rose Noire à Bruxelles avec Jacques Pelzer. Au Blue Note , il rencontra le propriétaire et bassiste Benoît Quersin, qui l’engagea à de nombreuses reprises et le mit en contact avec Toots Thielemans. Début 1960, il a joué deux semaines avec Toots. ‘Une période au cours de laquelle j’ai plus appris que certains en dix ans …’ Il devient ensuite le batteur du quartette du saxophoniste ténor Babs Robert et réalise des enregistrements avec lui en 1965, 1968 et 1970. ‘Jazz avant-gardiste mais toujours structuré, pas de …’ In 1968, il enregistre également avec Philip Catherine alors âgé de seize ans et en 1972 avec Stéphane Grappelli et Roger Vanhaverbeke. Ces derniers jouaient à l’époque chez Pol Lenders (voir ci-dessous). En 1960, il apparaît également dans un court-métrage intitulé Europe Jazz avec Toots, Sadi et Quersin. 20 ans plus tard, on le voit dans un documentaire BRT sur le jazz belge dont les deux parties sont diffusées en une seule fois. Le musicien devient moins actif : ses derniers ‘gigs’ furent ceux de Jazz for Fun, groupe de vétérans belges comme Herman Sandy (tp), Roger Asselberghs (cl) et Alex Scorier (ts). Précisions

Nous avons essayé d’évoquer le portrait des musiciens, le profil de l’amateur de jazz, les opportunités d’engagement, les médias, le jazz d’aujourd’hui et de la dernière décennie, et les distinctions comme le Django d’Or. Ensuite, certains projets récents et relatifs à la formation de jazz ont retenu notre attention. L’histoire se déroule donc à l’envers : du présent vers le passé. Nous retournons à et aux sources : la préhistoire. Le jazz apparaît en Europe. La Belgique est en première ligne, surtout dans les années pré-jazz du ragtime et des big-bands de l’ère swing. La deuxième guerre mondiale rend la vie difficile au jazz, mais offre, paradoxalement, du travail aux musiciens. En 1949, deux groupes belges se produisent au festival de jazz de Paris. L’histoire du jazz est ensuite faite de portraits de musiciens, artisans du passage du swing au be-bop : Bobby Jaspar, Benoît Quersin, Jacques Pelzer, Francy Boland, Sadi et Jean Warland qui travaillaient à Paris à l’époque, d’autres comme Jack Sels, Roger Asselberghs, Rudy Frankel, Freddy Rottier, Jean Fanis, ainsi que ceux qui ont planté les jalons de la musique actuelle : Roger Vanhaverbeke, Félix Simtaine et Richard Rousselet. Sur le plan historique, l’Exposition universelle de 1958 a relancé la production de disques de jazz. Les décennies suivantes connaîtront aussi des hauts et des bas. De grands festivals voient le jour : à Comblain, à Bilzen et au Jazz Middelheim, on découvre le Clarke-Boland Big Band et l’orchestre de jazz de la BRT avec Etienne Verschueren. Juste avant 1970 naît l’improvisation musicale et en 1976, le collectif de musiciens les Lundis d’Hortense est fondé. Dans cette unité et cette diversité, nous abordons aussi les traces du jazz ‘ancien style’ et de la période swing. Pour certains musiciens, nous indiquons l’instrument par les abréviations suivantes : acc accordéon arr arrangeur as saxophone alto b basse ban bandonéon bb basse en cuivre (tuba, sousaphone) bcl clarinette basse bjo banjo bs saxophone baryton bugle cello violoncelle cl clarinette cnt cornet dm batterie el b basse électrique el p piano électrique, Fender fl flûte traversière g guitare hca harmonica ky clavier lead leader mar marimba mel mélophone ob hobo org orgue p piano perc percussion ss saxophone soprano synth synthétiseur tp trompette tb ts saxophone ténor tu tuba vib vibraphone vln violon voc vocal, chant Little Belgium?

L’histoire du jazz en Belgique est celle d’un petit pays dont le rayonnement s’est étendu sur plusieurs périodes. Il est difficile d’établir des limites strictes. Un nouveau chapitre vient de commencer grâce à une nouvelle génération de musiciens d’excellente qualité et d’un foisonnement étonnant, enrichi et en partie dominé par quelques valeurs sûres, qui ont su évoluer dans le même temps. A l’échelon international, Toots Thielemans reste au sommet de cette longue liste. Dans son voisinage citons Philip Catherine qui conduit une cohorte de guitaristes : Peter Hertmans, Fabien Degryse, Jacques Pirotton, Jeanfrançois Prins, Pierre Van Dormael, Paolo Radoni, Pierre Lognay, Maxime Blésin, Stéphane Martini, Frankie Rose, Raphaël Schillebeeckx, Guy Raiff, Patrick Deltenre, Hendrik Braeckman, Hans van Oost, Karel Van Deun, Marco Locurcio et Mimi Verderame. Entre autres … Les saxophonistes sont également largement représentés : Steve Houben, Ben Sluijs, Frank Vaganée, Kurt Van Herck, Bart Defoort, Erwin Vann, Pierre Vaiana, Fabrice Alleman, Jeroen Van Herzeele, Fabrizio Cassol, Peter et Johan Vandendriessche, André Goudbeek, Dieter Limbourg et Bo Van der Werf. Au niveau européen, voire mondial, nous trouvons les trompettistes Bert Joris et Richard Rousselet, les pianistes Nathalie Loriers, Michel Herr, Eric Legnini et pour l’improvisation libre Fred Van Hove, le tubiste-tromboniste , les trombonistes Phil Abraham et Marc Godfroid, le sax alto Steve Houben et le chanteur David Linx. Parmi les autres flûtistes, épinglons, outre les saxophonistes cités, Stephan Bracaval et Els De Doncker. Le Brussels Jazz Orchestra est de niveau mondial. Ivan Paduart, Erik Vermeulen, Kris Goessens, Diederik Wissels, , Anne Wolf et Pirly Zurstrassen sont des pianistes de très grand talent. Charles Loos est assurément le personnage le plus polyvalent de l’histoire récente du jazz belge. , Nicolas Thys, Bart De Nolf, Piet Verbist, Sal La Rocca, Mario Vermandel, Michel Hatzigeorgiou, François Garny et Daniel Romeo sont des bassistes de grand renom, tandis que le flûtiste Pierre Bernard et les trompettistes Laurent Blondiau, Gino Lattuca, Nico Schepers, Serge Plume et Bart Maris méritent également d’être cités. Dans le domaine de la lounge music, Marc Moulin perfectionne un concept qui a valu le succès en à Saint-Germain, et qu’il avait déjà développé précédemment. Ce style n’est pas apprécié par tous les amateurs des jazz (pour autant que cette typologie reste, sur le plan du contenu, identique à jadis). Dans la fusion avec le rock et les musiques du monde, est une référence. Chris Joris reste le percussionniste le plus important (suivi de près par Michel Seba) et le batteur Dré Pallemaerts demeure le numéro un, le ‘vieux’ Felix Simtaine reste une source inépuisable d’énergie pour divers projets comme le mini-bigband Ten- Tamarre. Les bassistes Jean Warland et Roger Vanhaverbeke couvrent pratiquement tout un siècle d’histoire du jazz en Belgique (et en Europe) tandis que le vibraphoniste Sadi a mis un terme à sa carrière en 1999. Le trompettiste Richard Rousselet, le vibraphoniste Guy Cabay, le pianiste Tony Bauwens et les batteurs Bruno Castellucci et Tony Gyselinck restent des talents ‘avec un arbre généalogique’. Bauwens s’est arrêté en 2002. Les portraits contenus dans cet ouvrage proposent un large éventail de ce firmament national du jazz. Vous les y retrouverez en partie, mais vous y découvrirez aussi les jeunes qui piaffent d’impatience comme les saxophonistes Koen Nijs, Tom Van Dijck, Bruno Vansina, Tom Mahieu, Nicolas Kummert, Sara Meyer, Rhonny Vhentat, Franky Van der Slock, Frédéric Delplancq, Daniel Pollain, Bart Borremans, Robin Verheyen, Jonas Janssens, Toine Thys et Mark De Maeseneer, les pianistes Bart Van Caenegem, Jef Neve, Ewout Pierreux, Dominique Vantomme, Jozef Dumoulin, Fré Desmyter, Marie-Sophie , Philip Joossens, Pascal Mohy et Bram Weyters, les vibraphonistes Bart Quartier et Jan Nihoul, les trompettistes Alexandre Plumacker, Sam Versweyveld, Sam Vloemans et Gregory Houben, les guitaristes Dirk Van der Linden (également pianiste et organiste), Anthony Claeys, Peter Verhelst, Louis Verhelst, Dries Verhulst, Tim Vets, Pieter Thijs, Filip Wouters et Quentin Liégeois, le violoniste Alexandre Cavalière, les bassistes Martijn Van Beul, Samuel Gerstmans, Christophe Devisscher, Peter Verhaegen, Cedric Waterschoot, Janos Bruneel, Benny Van Acker, Thomas Sainderichin, Leen Van Reyn, Steven Van Loy et Dajo De Cauter et les batteurs Lieven Venken, Yves Peeters, Olivier Wery, Nico Manssens, Stephan Pougin, Jan De Meyer, Tom Dewulf, Steven Cassiers, Chryster Aerts, Teun Verbruggen et Isolde Lasoen, de même que le percussionniste Frédéric Malempré. Et – avec toutes nos excuses pour les omissions – encore bien d’autres.

L’amateur Le public des concerts de jazz constitue un univers relativement restreint. On rencontre un noyau dur dans pratiquement tous les événements intéressants, de Liège à Bruxelles, d’Anvers à Gand en passant par . Il serait évidemment souhaitable que ce nombre s’accroisse pour la viabilité des concerts, dont les organisateurs devraient mieux se concerter pour éviter les chevauchements. C’est ainsi que la période de l’ Audi Jazzfestival qui se tient à l’automne s’inscrit – en dépit des bonnes volontés – dans une offre déjà excédentaire. La Belgique est un pays où tout est proche de tout : organiser des tournées de groupes américains coûteux à différents endroits du pays pour se partager les frais ne semble pas être une idée lumineuse. Par contre, les JazzLab Series programment avec succès, dix fois par an et sur de courtes périodes, une douzaine de concerts de groupes belges, ainsi que le font les Tournées des Lundis d’Hortense, comptant chaque fois quatre spectacles. Au départ, l’amateur de jazz moyen n’est pas un grand acheteur de cédés. Le chiffre d’affaires de la musique de jazz des magasins de disques oscille entre 3 et 5 %. Les points de vente de cédés ne font guère la promotion des productions belges. Les labels belges (et il y en a pas mal) qui se choisissent un distributeur n’obtiennent pas toujours le résultat escompté. L’initiative personnelle et la vente lors de concerts ont davantage de succès. Les magasins spécialisés en jazz sont rares dans le pays : Jazz Note à Anvers est, en fait, le seul de ce type. Music Inn à Bruxelles et Banana Peel Records à Ruiselede méritent également d’être cités. Parmi les labels nationaux indépendants (voir aussi Jazz’halo n° 15, novembre 2000), signalons Igloo, W.E.R.F., Carbon 7, Lyrae, Mogno, Quetzal, Travers, Jazz’halo (Tonesetters-vkh), J.A.S., Ispahan. L’âge de l’amateur de jazz varie en général entre 30 à 55 ans. Le blues et surtout le jazz international, plus crossover attirent un public légèrement plus jeune. Le public est parfois saisonnier. En été par exemple, des concerts de jazz s’organisent à la côte. Les golden fifties du Casino de Knokke et les jam sessions de La Réserve et du Duc de Buckingham de Blankenberge appartiennent au passé depuis longtemps. Lorsque le jazz, après le swing, prétendit devenir une musique de danse, bon nombre de fanatiques décrochèrent. On constate aussi des diversités géographiques sensibles : si jadis le triangle Bruxelles-Anvers-Liège était déterminant, l’ouest (Gand, De Werf- Bruges - depuis 1986), et l’est comme le Limbourg (Motives For Jazz/Jazzconnection Limbourg - depuis 1997) prennent aussi de l’importance. Clubs et opportunités Exit le Brussels sur la Grand-place et bonjour le Music Village et le programme du pianiste Ivan Paduart. C’est la vie du jazz : il va, vient, s’en va à nouveau… Bruxelles n’est plus La Mecque des clubs de jazz, le temps du Caveau du Corso, du Cosmopolite, du Boeuf sur le toit, de la Rose Noire est largement révolu. Tout comme à Anvers, celui de l’Exi Club, du September et du Riverside ; et à Liège celui du Jazz Inn, du Lion s’Envoile, du Jazzland (1974-1976 exploité par Jean-Marie Hacquier) ou encore du Chapati de Spa. Les calendriers datant de 1985 nous apprennent l’existence de clubs comme le Oude Poort (Hingene), ‘t Brughuis à Wachtebeke, Crazy Bol à Alost, Toots’ Jazz Club (Zottegem), Gasthof Heidelberg (Loppem) et du Banana Peel Jazz Club qui existe toujours - ‘mini-théâtre pour le jazz et le blues’, qui a, entre autres choses, publié pendant plus de 6 ans le magazine Swingtime. Cela va et (re)vient : fini le Travers et Jules Imberechts qui est rapidement devenu le Brumuse. L’Athanor Studio a repris l’espace de Marcus Mingus. Le Sounds programme quotidiennement du jazz (depuis 1986). A Anvers, le Jazzcafé Hopper le fait aussi, depuis environ 10 ans, 4 jours par semaine. On attend depuis longtemps le So What Jazzclub annoncé. Quelques petites communes sortent aussi du lot : le Jazz 8 à Spy, La Fabrique à Frameries, le Finz’Erb à , le Maazz et le Sjruur à Hasselt, le Lokerse Jazzklub, le Art Home à Oupeye, base du Jazzamor festival. Le Hnita Jazz Club, fondé à Heist-op-den-Berg en 1955, à une époque plus (financièrement) favorable est un cas à part. Gand possède notamment l’Opatuur, les jazzcafés Damberd et den Turk et l’ambitieuse Gele Zaal toute rénovée. Triste disparition (sur le plan géographique également) que celle du club De Kave à Lauwe. Chez nos voisins proches citons le Porgy & Bess à Terneuzen et l’Inoui à Redange. Une place de choix doit être réservée à la période 1959-1991 et des clubs bruxellois de Pol Lenders (1917-2000), du Carton au Pol’s Jazz Club (Pol’s Place) en passant par le Biérodrome. Lenders chantait volontiers ses ‘blues gratinés’ et folkloriques. Mais il disait: ‘Le free, c’est de la merde…’. Personnage tout aussi illustre, Jean-Marie Hacquier est installé à Liège depuis 1961 et mitonne toujours un excellent programme sur le bateau L’ex-Cale, à La Brasserie des Terrasses à Liège et dans le Caveau du Max à Bruxelles. Dans les centres culturels, le jazz n’est (heureusement) pas laissé pour compte. Après une interruption d’un an, deSingel a redémarré en 2002-2003. Le centre le plus actif est De Werf créé à Bruges en 1986. C’est de là que partent les JazzLab Series pour se rendre dans les centres culturels de Mol, Malines, Anvers (Wijkcentrum Sint- Andries), Borgerhout (Rataplan), Saint-Nicolas (Foyer De Spiegel), Alsemberg, Alost, Courtrai. Le CC Luchtbal d’Anvers programme, avec succès, des musiciens américains et européens.

Les médias Le jazz ne peut guère compter sur l’aide réelle des médias commercialisés. Ces derniers considèrent qu’il est logique que cette musique se serve de sa propre presse. Celle-ci se concrétise dans des magazines comme Jazzmozaïek, Jazz’halo, J@zz@round et des périodiques étrangers (français) s’intéressant au jazz belge comme Jazz Hot et parfois Jazzman. Jazz Hot a repris dans ses colonnes de novembre 1948 à 1956 le Hot Club Magazine du Hot Club de Belgique, parfois même en néerlandais … Il y a aussi les prospectus et mailings des jazzclubs et des organisateurs de concerts. Des rubriques de jazz régulières comme celles de Mon Devoghelaere et Juul Anthonissen n’existent plus, l’offre télévisée et radiophonique est insignifiante : en 2002, la RTBF accorde à Philippe Baron un peu plus de temps d’émission que la VRT à Marc Van den Hoof et la BRF à Walter Eicher. Pourtant, la profusion d’enregistrements, réalisés sous la bannière tant de la BRT- ou BRTN- et de la VRT, retrace avec précision l’histoire du jazz mais n’a malheureusement guère de chance d’être un jour publiée. La VAR ( Vereniging voor Audiovisuele Regie ) n’est pas jazzminded . Lorsque Elias Gistelinck a lancé, vers la moitié des années soixante, la section jazz à la BRT, elle diffusait une heure de jazz chaque jour et proposait aux auditeurs des programmes mensuels gratuits sur stencils (les ‘livrets verts’ devenus plus tard les imprimés ‘blancs’). Il est vrai que la RTB – à l’époque l’INR – en avait fait plus en engageant comme orchestre radio le groupe de Stan Brenders en 1936 et en proposant toute une série de programmes mettant en scène les célèbres tandems Albert Bettonville-Carlos De Radzitzky et Nicolas Dor-Jean-Marie Peterken, ainsi que des émissions comme Regards sur le Jazz (C.D.R), Jazz Vivant (A.B.) avec des récitals en direct du studio, Jazz à bâtons rompus (A.B. & C.D.R.), Jazz actualités (A.B., puis Benoît Quersin, qui devint ensuite coordinateur de la section jazz), ‘Cap de nuit’ (Marc Moulin), Jazz pour tous (1956-1969 et à partir de1959 à la télé – N.D. & J.M.P.). La BRT avait aussi ses titres : Jazzmagazine, Original Jazz, Jazz Is, Duke’s Place, In de Club, Mixed Jazz, Criss Cross, Bandstand, Jazzimut, Roots and Fruits, Come Sunday,… Et… à partir de février 1949, le Hot Club du Congo belge diffusait à Jadotville, chaque samedi Le jazz, cet inconnu sur les antennes de radio Elisabethville. Aujourd’hui

Sur le plan de la qualité, le jazz se situe pour le moment au sommet (cela ne fait aucun doute à la lecture de la longue liste de noms cités dans l’introduction). Fort d’un riche héritage international grâce à Toots, Bobby Jaspar et René Thomas, le Brussels Jazz Orchestra commence à percer aux Etats-Unis. Sous la férule du saxophoniste Frank Vaganée, il perpétue la célèbre tradition de big-band dans notre pays, amorcée dans les années trente (Stan Brenders, Jean Omer, Fud Candrix). Après ‘The Music of Bert Joris’ (double cédé sous le label W.E.R.F.) ‘Naked in the Cosmos’ (BJO + Kenny Werner, au Nightbird) paraîtra début 2003. L’été 2002 a vu renaître la collaboration avec Maria Schneider pour le projet ‘Sketches of Spain’ (avec le trompettiste ). Ils se produiront notamment au Northsea Jazz Festival et lors de trois concerts aux Etats-Unis. L’orchestre de jazz de Hoeilaart a sélectionné de nouvelles compositions pour big-band. En novembre il y aura le projet Tango! et en juin 2003 seront donnés plusieurs concerts avec le Koninklijk Filharmonisch Orkest de Flandre. Le bassiste Philippe Aerts (ex-BJO) a joué pendant deux ans à New York avec le Jazz Orchestra (featuring Lew Tabackin). Après Gus Viseur, Jean Omer et Sadi, Philip Catherine (avec Bert Joris), Nathalie Loriers, Eric Legnini, David Linx (avec Diederik Wissels) et Aka Moon ont remporté de francs succès en France. Phil Abraham (tb) et Serge Plume (tp) faisaient déjà partie de l’Orchestre national de jazz). Philippe Aerts joue avec le New Decaband de Martial Solal, le duo de rythme Benoît Vanderstraeten (b)/André Charlier (dm) est très actif notamment avec avec qui ils ont sorti un cédé ‘Onztet de Violon Jazz’. En 1993, ils composaient ensemble le trio belge de Jacques Pirotton. Parmi les éléments ayant contribué (ou contribuant) à ce succès, notons la formation des musiciens de jazz et le dynamisme des firmes de disque et de nombreux organisateurs. De même, le jazz (et pas seulement lui) doit sa nouvelle percée à l’arrivée du cédé aux environs de l’année 1990. Ce dernier a offert aux musiciens débutants davantage de possibilités de produire un disque de démonstration. Il est donc plus correct de définir la dernière décennie comme la période 1987-2002.

Les cédés Si l’analyse de la transition entre les vinyles et les cédés n’est pas chose aisée, nous constatons, assez logiquement, que le premier jazzman belge sur cédé fut Toots. En effet, ce dernier a réalisé, vers la moitié des années quatre-vingts, de nombreux enregistrements sur les marchés japonais et américain. Chez nous, Igloo a produit, en 1987, ‘Extremes’ du Act Big Band & Guests (de Félix Simtaine (dm), avec Joe Lovano (ts), John Ruocco (ts), Michel Herr (p, arr), Erwin Vann (ts), Kurt Van Herck (ts), Peter (as) et Johan Vandendriessche (bs), Bert Joris (bugle, comp, arr), Richard Rousselet (flhn), Marc Godfroid (tb), Philippe Aerts (b) ainsi que Jean-Pierre Catoul (vln) en une seule fois : un véritable ‘all-stars band’. L’enregistrement date de 1986, tout comme ‘Solid Steps’ (Lovano, Joris, Herr, Van de Geyn et Pallemaerts) (Jazz Club) et ‘HLM’ (Houben-Loos-) (Igloo), qui avait paru d’abord sur vinyle. C’est l’époque des rééditions et des compilations comme celle de Juul Anthonissens ‘50 Years of Belgian Jazz’ (Tauro). En 1990, commence la série de cédé ‘Jazz Hoeilaart International Europ’Jazz Contest’ (enregistrements de 1989) (d’abord BRT, puis B.Sharp). Le premier disque de style ancien est le ‘25th Anniversary Album’ du Jeggpap Jazzband (René Gailly) (1987). En 1988 paraissent notamment ‘En public au Travers’ (Charles Loos), ‘Harmonies du soir’ (Loos-Arnould Massart), ‘Storie Vere’ (Paolo Radoni) et ‘Made in Belgium’ (Trio Bravo). En 1989, citons ‘Lemon Air’ (Guy Cabay), ‘Intuitions’ (Michel Herr), ‘Trio’ (Steve Houben) et ‘El Dorado’ (Pierre Vaiana). 1990 voit naître ‘Modern Gardens’ (J.-P. Catoul), ‘Some Other Thing’ (Pierre Lognay), ‘Never Let Me Go’ (Jacques Pelzer), ‘Where Rivers Join’ (David Linx), ‘Tender is the Night’ (Diederik Wissels), ‘Quadruplex’ (Fabien Degryse), ‘Some Sounds’ (Erwin Vann avec Michel Hatzi et Dré Pallemaerts) et ‘Essentiels’ (Eric Legnini). Cette sélection est parfaitement et volontairement subjective et incomplète. La boule de neige commence à rouler et à grossir…

La suite… En 1992 paraissent ‘L’Ame des Poètes’ et ‘Hautes Fagnes’ du H-septet de Pirly Zurstrassen (p). Michel Herr réalise ‘Ouverture Eclair’ et une réédition de ‘Perspective’ (1978) et ‘Solis Lacus’ (1975). Epinglons aussi le tout premier Aka Moon et les deux premiers cédés sur Jazz’halo : ‘Songs for Mbizo’ de Chris Joris avec Johnny Dyani et ‘Spring Cleaning’ de avec Steve Houben (as) et Gilbert Isbin (g). En 1993, le label W.E.R.F. lance ‘Sketches of Belgium’ de Kris Defoort et donne à Igloo ‘Dance Or Die’ de Nathalie Loriers et ‘Salute to the Band Box’ de Jacques Pelzer/Philip Catherine et ‘Waitin’ For You’ de Richard Rousselet. FMP et Fred Van Hove produisent ‘Organo Pleno’ (Bauer/Nozati). Enfin, 1994 nous permet de découvrir un nouveau Sadi (en quartette) et ‘The Hillock Songstress’ de Diederik Wissels. L’événement en 1995 est ‘Variations on A Love Supreme’ de Kris Defoort et Fabrizio Cassol. Nathalie Loriers réalise ‘Walking Through Walls, Walking Along Walls’ , André Goudbeek ‘Nanook of the North’ (projet pour un film muet), Jeroen Van Herzeele et Peter Hertmans ‘At the Crossroads’ et Antoine Prawerman avec Deep in the Deep ‘Au fond dans la mer’ . Parmi les rééditions, notons Steve Houben with Strings (1982), Richard Rousselet ‘No Maybe’ (1984,1986) et ‘Mr. Blue’ d’Etienne Verschueren. (1973, 1984). 1996 - reprise de ‘Postaeolian Train Robbery’ de COS (avec Charles Loos). Sortie de : ‘White Nights’ de Ivan Paduart, ‘Another Day, Another Dollar’ de Kurt Van Herck avec Kris Goessens (p), ‘Aquarelle’ de Ernst Vranckx (p) avec Stephan Bracaval (fl) et Chris Joris (perc), ‘Cinq de coeur’ (le premier No Vibrato), ‘From This Day Forward’ de Diederik Wissels (p) et ‘Unknown Mallow’ de Charles Loos (p), avec André Donni (ts, cl). 1997 - ‘Loop the Loop’ de Fabrice Alleman (ts, ss) avec Michel Herr (p), ‘Clair Obscur’ de Ivan Paduart, ‘Food For Free’ de Ben Sluijs (as, fl) à compte d’auteur, ‘Queen of the apple pie’ de Laurent Blondiau (tp) et ‘Ah Bah Joât’ de Rony Verbiest (acc). 1998 - Michell Herr : ‘Notes of Life’ et, avec Jack van Poll, ‘A Tribute to Belgium’ , ‘Bandarkâh’ de David Linx avec Diederik Wissels. Blondiau et Van Herzeele, ‘Määk’s Spirit Live(s)’ et The Chris Joris Experience ‘Live’ . 1999 - réédition de ‘A Lover’s Question’ de James Baldwin avec David Linx et Pierre Van Dormael et de ‘The Placebo Sessions’ de Marc Moulin, ‘Silent Spring’ de Nathalie Loriers, ‘All Around Town’ de Jeanfrançois Prins (g), ‘L’esprit du val’ de Manu Hermia (as), le premier ‘Foofango’ de Pierre Vaiana, ‘Two Trios’ de Frank Vaganée (as) avec John Ruocco (ts), ‘Passages’ de Kris Defoort avec quartette et Dreamtime, ‘Live at the Beursschouwburg’ de la Flat Earth Society. 2000 - réédition du nonetto de Sadi, ‘True Stories’ de Ivan Paduart, ‘Sad Hopes’ de Charles Loos (p) avec le regretté Jean-Pierre Catoul (vln). Le premier des Demagogue Reacts ‘Action-Reaction’ de Johan Vandendriessche (bs, dm), Paul Flush (org) et Frank Michiels (perc), et de Slang, ‘Los Locos’ (François Garny-b, Manu Hermia-as- fl, Michel Seba-perc) , ‘Candy Century’ de Ben Sluijs, ‘Restless’ Jean-Pierre Catoul et Peter Hertmans (g), collaboration qui s’est terminée abruptement et dramatiquement début 2001. 2001 - Diederik Wissels et Bart Defoort avec ‘Streams’ , Ivan Paduart Trio ‘Live’ , Rêve d’Eléphant Orchestra avec ‘Racines du Ciel’ , ‘Stones’ de Ben Sluijs et Erik Vermeulen (p), compilation avec les musiciens belges ‘10 ans de jazz à Liège (1991- 2000)’ , ‘Songs & Dances’ du Ernst Vranckx Quintet, ‘Voices of Pohjola’ (-p avec ses compagnons belges), ‘Vivaces’ de Pierre Van Dormael, ‘Amazone’ de Anne Wolf (p), ‘Joy and Mystery’ (Olivier Collette-p, notamment avec Kurt Van Herck-ts-ss, Steve Houben-as-fl, Nicolas L’herbette-b, J.L.Rassinfosse-b, Jan de Haas-d, Mimi Verderame-d, Michel Seba-perc, Patrick Deltenre-g, Olivier Bodson-tp), et ‘Heartland’ de Linx-Wissels-Paolo Fresu (tp). 2002 illustre surtout The Finest in Belgian Jazz : 10 cédé de Bruges 2002 & De Werf par le BJO ( ‘The Music of Bert Joris’ ), Greetings From Mercury ( ‘Heiwa’ ), Aka Moon ( ‘Guitars’ ), Nathalie Loriers Trio + Extensions ( ‘Tombouctou’ ), (‘Dimensions’ ), Ben Sluijs Quartet ( ‘Flying Circles’ ), Philip Catherine ( ‘Summer Night’ ), Bert Joris Quartet ( ‘Live’ ), Erik Vermeulen Trio ( ‘Inner City’ ), Defoort- Turner-Thys-Black ( ‘Sound Plaza’ ). Début 2002 ont également paru ‘Back to the Old World’ (Philippe Aerts Quartet avec John Ruocco et Bert Joris), ‘Trinity Song’ de Jambangle, ‘Traces à neuf’ (Pirly Zurstrassen), ‘Sarfalango’ (Foofango), ‘Bowling Ball’ du Maxime Blésin 5tet et ‘The New International Edition’ de Pierre Lognay featuring Mark Turner, par le BJO avec Kenny Werner.

La décennie (élargie) Au cours des dernières années, plusieurs facteurs ont soutenu le développement du temple du jazz belge . - L’implication d’un centre artistique comme De Werf à Bruges, tant en ce qui concerne l’organisation que la promotion et la production structurée de cédés. - Le maintien ou le développement de festivals de plusieurs jours comme Jazz à Liège (dès 1991, et un excellent double cédé avec des extraits des éditions de 1991 à 2000), Gouvy, Gaume, Jazz’Amor, Vooruit Geluid, Jazz And Sounds (J.A.S.) et le Blue Note Festival (Gand), Jazz’halo Music Days (divers endroits), le Brussels Jazz Marathon (surtout le Jazz Rallye avec les enregistrements originaux sur cédé ‘Brussels Jazz Promenade’ de 1992), le festival Audi (automne) le Jazz Festival et Jazz Middelheim (depuis 1981, tous les deux ans). Diverses tentatives proposent une alternative les années paires : le Left Bank Festival de 1984 à Anvers (musicalement trop fastueux et financièrement désastreux) ou l’ambitieux festival Jazz Brugge 2002, Free Music (Anvers) aux accents européens. - La concentration de musiciens autour de petits centres comme Malines : Stephan Bracaval (fl), Els De Doncker (fl), Frank Vaganée (as, ss), Tom Mahieu (ts), Eddy Devos (as, ts, bs), René Jonckeer (p), Dirk Van der Linden (g), Chris Mentens (b), Jean-Philippe Komac (dm), Chris Joris (perc). - L’inventaire du patrimoine de jazz belge réalisé par exemple à La Maison du Jazz de Liège (fondée en 1994 par Jean-Pol Schroeder et Jean-Marie Peterken), puis (dans une moindre mesure jusqu’à présent et plus orientée vers le jazz traditionnel) à Mons (depuis 2000, autour d’Albert Langue et de Luc Mairesse). La Maison du Jazz de Liège a également organisé l’exposition Wallonie-Bruxelles, c’est Jazz. Le matériel photographique est très intéressant mais reste en retrait par rapport aux attentes. Des projets existent aussi pour un centre de jazz au Honky Tonk Jazzclub à Termonde (délai prévu : août 2003). - L’octroi de subsides officiels : en 2002, le Brussels Jazz Orchestra et Octurn en perçoivent depuis quelques années (déjà). - La mise en place et la reconnaissance générale de prix comme le Django d’Or (depuis 1995, voir ci-dessous) et l’Euro Django (depuis 2000, création de Frank Hagège, soutenu en l’occurrence par la PAB (Promotion artistique belge) et la SABAM. En 2001, la Ville de Bruxelles a également décerné son Prix du jeune talent à Nic Thys (b). - Le dynamisme du collectif de musiciens Les Lundis d’Hortense (depuis 1976, voir ci-dessous) et la création d’un remarquable site web. - Un autre fait important a été la disparition au profit de l’euro du billet de 200 francs belges. Ce dernier portait, en plus de l’effigie d’Adolphe Sax (qui a incontestablement exercé une influence de taille sur le jazz grâce à son invention) - et ce, en dépit de l’objection formelle du graveur : ‘ce sont des musiciens quelconques’ - des photos de Jacky Lepage pour les Belges - également celles de Charlie Parker, André Donni et Jeroen Van Herzeele. - Le fabricant d’embouts de François Louis de Bruxelles est mondialement connu. - Les annuels Down Beat Awards sont systématiquement octroyées à Toots Thielemans. - Quelques anniversaires ‘en vrac’: Toots a atteint le cap des 80 ans (le 29 avril 2002 : il est né le même jour que ), les trompettistes Herman Sandy et Albert Langue le précèdent d’une courte année. Le bassiste Paul Dubois a eu 75 ans en 1999, son collègue Warland en 2001 et Sadi en 2002.

Ce fut aussi la décennie de Aka Moon et du Brussels Jazz Orchestra, de Philip Catherine et de Nathalie Loriers, la consécration de Bert Joris (notamment avec le quartette de Catherine et le double cédé ‘The Music of Bert Joris’ du BJO), le couronnement de Richard Rousselet notamment grâce à son projet Ecaroh et ‘A-Train Sextet’ (Jean Warland). Il y eut également une belle pépinière de saxophonistes (voir plus haut) : Frank Vaganée, Ben Sluijs, Jeroen Van Herzeele (Ode For Joe et Greetings From Mercury, avec la star du rap Steven Segers). On a pu admirer Määk’s Spirit avec Laurent Blondiau (tp), et le succès croissant du guitariste Peter Hertmans, qui a été intégré au BJO par Maria Schneider. Pour ses récitals et son cédé enregistré avec ce big-band, Kenny Werner a retenu le guitariste Jacques Pirotton.

Le Django d’Or Ce prix annuel qui ne cesse de gagner en prestige, a été créé en 1992 en l’honneur de Django Reinhardt par Frank Hagège et internationalisé en 1995. Pour la Belgique, on avait opté au départ pour un double palmarès : un musicien francophone et un néerlandophone par an. Voici la liste des lauréats : 1995 Philip Catherine & Marc Godfroid. 1996 Sadi & Bert Joris. 1997 Charles Loos & Kurt Van Herck. 1998 Fabrizio Cassol & Chris Joris. 1999 Nathalie Loriers & Jeroen Van Herzeele. En 1998 et 2000, un prix spécial a été octroyé pour toute leur carrière à Jean Warland et Edmond Harnie. A partir de 2000, un soliste de jazz belge a été mis à l’honneur, en alternant les rôles linguistiques : 2000 Steve Houben. 2001 Frank Vaganée. Une récompense spéciale a été offerte à titre posthume à Robert Pernet pour toute sa carrière passée au service du jazz. Avant l’année 2000, des nominations ou distinctions européennes ont été décernées à Toots Thielemans, Philip Catherine, David Linx et Diederik Wissels. Le premier Euro Django attribué à une Belge l’a été l’année de sa création (2000) à Nathalie Loriers.

Projets Pendant une grande partie de la dernière décennie, plusieurs musiciens de jazz belges ont mis au point d’intéressants projets comme L’Ame des poètes, tournant autour de la chanson française (Pierre Vaiana-ss, Fabien Degryse-g (au départ Pierre Van Dormael-g), Jean-Louis Rassinfosse-b), ou des expériences comme celles de Guy Cabay (vib) sur des textes en wallon.

Crossover : The African Connection : Chris Joris Experience, Foofango (Pierre Vaiana), et The Indian Connection : Aka Moon dans diverses combinaisons, Stephan Bracaval avec le projet Sumari-Flamenco. Kris Defoort : K.D.’s Basement Party, Passages avec Dreamtime et son quartette, opéra pour soprano, orchestre de chambre et ensemble de jazz The Woman Who Walked into Doors sous la direction du metteur en scène Guy Cassiers avec la musique de Lod, qui crée d’autres projets intéressants avec Dick Van der Harst (par exemple La nuit est une sorcière de ).

Projets autour de coryphées du jazz : Tribute to : concert mémorable sur De Kaai le 23 septembre 1991 (Trane 65) avec les saxophonistes Erwin Vann, Kurt Van Herck, Jeroen Van Herzeele, Bart Defoort, Fabrizio Cassol et Pierre Vaiana. The Gil (Evans) & Duke (Ellington - The New Orleans Suite) Jazz Orchestra de Kris Defoort. Far East Suite, Nutcracker Suite, Peer Gynt Suite (Ellington) et d’autres classiques du BJO. The Sacred Concerts (Ellington) : big band et chœurs avec Kristina Fuchs (solo v) du Conservatoire d’Anvers sous la direction de Kurt Van Herck. Ecaroh (d’après ) et Monk de Richard Rousselet. Parker Project : Manu Hermia. Cannonball (Adderley) Project : Rhonny Vhentat. : Ode For Joe de Jeroen Van Herzeele et Peter Hertmans. René Thomas : Big Band Guitares (Fabien Degryse). Tribute to Bobby Jaspar : Robert Jeanne, Steve Houben, Al DeFino. Jaspar-Thomas : Saxo 1000 . Francy Boland : Jean Warland et Sax-Port . The MJQ project : Arne Van Colie (p) et Andres Liefsons (vib) avec Daniel Zanello (b) et Luc Vanden Bosch (dm).

Autres : The Beatles Project/Beatles Jazz : Sergeant Peppers Lonely Hearts Club Band / Beatles Revisited de Phil Abraham avec David Linx, Richard Rousselet et Charles Loos. Projets de films avec André Goudbeek (as, bcl), Nanook of the North et Bert Joris Jeux de reflets et de la vitesse (films muets). Encore Bert avec Le Bal Masqué et Michel Herr avec Just Friends . Les projets Poel-jam de Fred Van Hove sur Free Music. Erwin Vann : ‘Worlds’ avec & Norma Winstone et ‘Koyà’ : solo. ‘Stones’ : un cédé de Ben Sluijs & Erik Vermeulen qui s’articule autour d’un musée de sculptures à ciel ouvert (Middelheim) et de la poésie (Emile Clemens). The Hopper Project : l’orchestre maison (qui s’est enrichi d’un seul homme Kurt Van Herck-ts) du Jazzcafé Hopper d’Anvers, avec Frank Vaganée (as), Philippe Aerts (b), Jos Machtel (b), Dré Pallemaerts (dm). Pierre Van Dormael : ‘Vivaces’ .

Plus ancien : Tap Dance : ‘Charles Loos Old Time Trio - Tap Dance’ (cédé 2002). Ragtime : vers 1970 - Ragtime Cats de Marc Herouet.

Une haute conjoncture qui repose sur du solide Les véritables autodidactes deviennent rares. Depuis la création de l’orientation jazz et musique légère dans les conservatoires, la formation commence dès le plus jeune âge. Les premiers signaux se trouvent dans un magazine belge francophone : L’Actualité Musicale de novembre 1948 parle de la Leo Souris’ Academy de Marchienne-au-Pont (Université de musique contemporaine par correspondance). Souris, (1911-1990) qui était pianiste, compositeur, arrangeur et plus tard homme de radio, s’est illustré dès les balbutiements de l’histoire du jazz belge. En 1941, il jouait, en première partie du récital de Charles Trenet, Léo Souris plays Peter Packay and David Bee. Ces deux coryphées sont cités plus loin. L’expérience de Souris ne dura guère. L’une des premières possibilités concrètes de formation en jazz se profile en 1964 grâce à des stages orga-nisés par la fondation Lodewijk de Raedts de Gand, que l’on appellerait aujourd’hui des ateliers. Au cours de la période 1968-’71, ces derniers se sont tenus parallèlement au . Parmi les co-organisateurs, on reconnaissait le bassiste Maarten Weyler, dont le père fonda, au cours de la même période, la fondation Halewijn. Dès 1975, des stages (sessions de week-end et d’été) se tiennent à Tourneppe. Ces derniers encouragent la création du Weylers Jazz Studio à Anvers (actuellement dirigé par Ondine Quakelbeen), première école de formation en jazz en Belgique. Parmi les premiers étudiants qui y furent formés, on compte les saxophonistes Frank Vaganée et Erwin Vann ainsi que le bassiste Piet Verbist. Cette évolution s’est prolongée tout d’abord en Wallonie. Des musiciens comme Philip Catherine, Pierre Van Dormael, Michel Herr, Charles Loos, Diederik Wissels et Steve Houben sont partis étudier à la Berkley School Of Music de Boston. Houben a entretenu un échange épistolaire enthousiaste avec le directeur du conservatoire de Liège, Henri Pousseur. C’est là qu’en 1979 fut fondé le Séminaire de Jazz du Conservatoire de Liège. Il survivra six ans. Entre-temps, un programme en cinq ans avait démarré dans le Nord du pays : il se poursuit toujours dans des conservatoires connus comme Gand, Anvers et Bruxelles (qui possède un département francophone placé sous la direction du trompettiste Richard Rousselet) et à l’Institut Lemmens de Louvain. Dans le Sud, les académies de jazz ont joué un rôle plus important que les conservatoires. Une chose est cependant essentielle : ce sont généralement nos musiciens expérimentés qui donnent les cours. Ainsi, Guy Cabay enseigne dans le département francophone de Bruxelles l’incontournable histoire du jazz. Une approche des styles anciens (Jean-Pol Danhier), que les étudiants doivent réussir, est inscrite au programme : ils sont tenus d’exécuter en groupe un répertoire s’étendant des premiers jours du jazz à la fin des années trente. Vient ensuite le be-bop : théorie, harmonie, articulation et phrasé. Les autres formations en jazz ne commencent qu’à partir de ce moment. Bruxelles propose également une information sur les styles actuels (Michel Hatzi). Le département néerlandophone a considérablement souffert de la liquidation de son orientation musical et du licenciement de six professeurs/musiciens. Liège fonctionne toujours pour l’improvisation musicale (Garrett List). Pour les musiciens, la présence dans notre pays, surtout à Liège, d’autres Américains qualifiés en pédagogie et en technique de jazz était importante (vers les années 80) : Greg Badolato (ts, ss), (g), Dennis Luxion (p), Kermit Driscoll (b), Joe Lovano (ts) et surtout le spécialiste des anches, John Ruocco, qui donnait aussi régulièrement cours au Jazz Studio d’Anvers. L’important, dans ce processus, consiste à ‘relayer l’attente’ du public féru de jazz. ‘L’extinction’ d’une génération ne signifie pas nécessairement la fin de l’intérêt pour le jazz lié à cette génération. Ce jazz (ou ce qui se fait passer pour lui) – le terme ‘jazz’ est, en soi, affreux et même Duke Ellington et Charlie Parker ne tenaient pas à ce qu’on les associe à ce concept – ne cesse d’évoluer, ce qui rend cette musique passionnante pour l’auditeur sans devenir pour autant accessible. En 1963, Juul Anthonissen faisait déjà œuvre pédagogique en réalisant une tournée dans tout le pays à la demande du ministère de la culture avec Jack Sels et Philip Catherine. La BRT a diffusé de 1965 à 1971 un programme éducatif - Jazz voor de jeugd - puis deux séries de School Days sur les concepts de jazz, dont la deuxième, en 1997, était illustrée ‘live’ dans le studio par le pianiste Kris Goessens.

Les origines

La Belgique offre au jazz un soutien logistique d’une valeur inestimable. Antoine- Joseph Sax, mieux connu sous le prénom d’Adolphe, (1814-1894) a commencé, à vingt-cinq ans, à fabriquer huit tailles de saxophones allant du sopranino à la sous- contrebasse. Ce sont les saxophones soprano, alto, ténor et baryton qui se sont le plus rapidement imposés dans le jazz. Soulignons l’importance du rôle joué par le saxophoniste ténor Coleman Hawkins qui, dans les années vingt, a identifié l’instrument à cette forme musicale. En jazz, outre ce ténor en si, on utilisait également les accords en do. (C-melody sax ou ténor en ut : Frank Trumbauer) En 1846, Adolphe Sax fit breveter le saxophone , qui avait pour modèles les clarinettes en métal et l’ophicléide conçu par Halary (1817) à Paris. En grec, ophis signifie serpent (imaginez un instrument en forme de serpent) et kleides veut dire clefs. Le père Sax était également facteur d’instruments et il cherchait à perfectionner la clarinette. Adolphe a adopté son idée en commençant par la clarinette basse. Sax a également inventé le saxhorn et le saxotrombe. en Belgique étant trop petit, il installe son atelier à Paris. Il figure tout de même sur le dernier billet de banque en francs belges mis en circulation (200 Bef).

La préhistoire : ménestrel, ragtime et John-Philip Sousa Robert Pernet était passionné par l’impact des Black and White Minstrel Shows : à l’instar des ménestrels du Moyen-âge ces acteurs, musiciens, chanteurs et danseurs blancs, parodiant les noirs ont traversé les six dernières décennies du 19ème siècle aux Etats-Unis. Ce genre a eu énormément de succès en Grande-Bretagne et en France, tandis que la Belgique passait déjà à la vitesse supérieure. Les Hooley’s Minstrels sont venus à Bruxelles lors de leur tournée de 1851. Le cake-walk s’imposa ensuite comme danse et connut ses heures de heures de gloire en 1903 (Brussels Cakewalk) avec une musique du compositeur belge Louis Frémaux et en 1905 Les célèbres petits nègres Rudy & Freddy (Walker). Entre-temps, John-Philip Sousa avait créé son ‘band’ à Bruxelles. Le programme mentionnait: ‘en cas de bis, l’orchestre exécutera les cake-walks américains authentiques et des airs populaires des Etats- Unis’. Dans l’orchestre de de Sousa se trouvait un Belge : l’oncle du futur saxophoniste liégeois Raoul Faisant. Plus tard, un autre Belge en ferait également partie : le saxophoniste alto Jean Moeremans qui, au cours de sa période américaine, a également joué pour Arthur Pryor et fut le premier saxophoniste solo enregistré sur disque (et plus sur cylindre) pour la Victor Talking Machine Company. Autres faits saillants : en 1878, eut lieu une démonstration du phonographe d’Edison au Panopticum de Monsieur Castar à Bruxelles et en 1902, un magasin de phonographes, graphophones et gramophones Edison s’ouvrit à Liège. Il offrait aussi un choix de quelque 10.000 cylindres.

Ragtime Il y a trois décennies, le film The Sting (1973) et le hit de The Entertainer ont remis le ragtime au goût du jour. Il ne fallait rien de plus pour encourager le génie des pianistes belges Marc Herouet, Alain Lesire et André Van Lint : voir les lp ‘Belgian Ragtime’ (qui les réunit), ‘Piano Ragtime’ (Lesire) et ‘Marc Herouets Ragtime Cats’ . Le premier succès du ragtime en Belgique avait été ‘Toboggan’ (sous- titre : Intermezzo-Two Step) de Louis Frémaux, spécialiste en la matière. 75.000 exemplaires de la partition se sont vendus, ce qui représentait un chiffre remarquable pour l’époque. Un autre de ses succès était intitulé ‘Défilé de Jass’. Deux morceaux du compositeur-pianiste Jean Pâques ont paru dans les années 70 dans des compilations américaines de ragtime sous des labels aussi respectables que Biograph et Folkways, toutefois Pâques était plus connu dans le genre cocktail. Puis, la première guerre mondiale a éclaté…

‘Europe’, et le jazz arrive en Europe Au cours de la première guerre mondiale, James Reese Europe (1881-1919) fait le tour de l’Europe avec son 369th Infantry Regiment Band (ou les Hell Fighters) pour soutenir le moral des troupe américaines. Europe était pianiste et violoniste. Il ne dirigeait pas à proprement parler un orchestre de jazz, mais la base y était. Noble Sissle (1889-1975) était guitariste et violoniste, il a aussi joué du bassdrum pour Europe. Dans les années trente, Sidney Bechet a fait partie de son orchestre. En février 1919, Europe revient en Europe. En avril de la même année, le Original Jazz Band enregistre à Londres, et le terme ‘jazz’ commence à se répandre en Europe. Un contrat européen pour les Mitchell’s Jazz Kings (avec Sidney Bechet) au Casino de Paris ne peut provisoirement se réaliser et Bechet accepte en juin 1919 de faire une tournée du continent avec Will Marion Cook et son Southern Syncopated Orchestra. Cook (1869-1944), qui avait appris le violon à Berlin, a notamment travaillé au sein du SSO avec Arthur Briggs, qui a joué un grand rôle dans la vulgarisation du jazz en Europe et en Belgique. En 1922, il crée à Bruxelles son Savoy Syncopated Orchestra. Selon le programme, Cook fait exécuter en avant- dernier morceau un ‘clarionet solo’ par ‘Sydney’ Bechet, ‘Characteristic Blues’. Déjà avant et pendant la première guerre mondiale, le batteur Louis Mitchell (1885- 1957) avait joué à Londres et de temps en temps avec James Europe aux E.U., avant de se lancer dans l’aventure. Le 24 janvier 1920, les Mitchell’s Jazz Kings sont à l’affiche de l’ouverture du Théâtre de l’Alhambra de Bruxelles rénové et repris par le directeur du Casino de Paris. En Belgique, le jazz prend racine. ‘La vogue est lancée, le virus se propage et rien ne pourra stopper ça’ écrit Robert Pernet, qui entame également une étude approfondie sur Mitchell mais ne pourra l’achever.

Louis Mitchell, Félix Faecq et Robert Goffin Les Mitchell’s Jazz Kings (à l’écoute, ce n’est pas du , mais ils étaient les premiers et noirs) jouaient de la ‘nouvelle musique’ au bar Le Perroquet de l’Alhambra où se déroulait une revue à laquelle la presse faisait largement écho. Les Jazz Kings furent surtout remarqués par des jeunes comme Félix-Robert Faecq et son ami Robert Goffin. Le ‘band’ joue à Ostende pendant l’été 1920 puis quitte le pays au printemps suivant, mais pas l’esprit de Faecq, sans doute le premier manager de jazz. Le 26 novembre 1921, il organise pour son cercle d’amis une jazz-dance-party et communique son amour du jazz au monde du disque encore tout jeune. Il obtient la représentation pour la Belgique du label britannique Edison-Bell et importe directement des E.U. des marques comme Gennett, Paramount, Perfect et Okeh. Outre les disques, il distribue également des partitions et démarre sa propre société d’édition en 1924, la International Music Company et le Universal Music Store qui vend des disques, des partitions et des instruments. Cette même année, épinglons encore l’édition - avec Paul Naeyaert - du magazine Musique Magazine, qui devient, un an plus tard Music. Le 15 janvier 1926, il organise avec Naeyaert à l’Union Coloniale, rue de Stassart à Bruxelles, le premier concert de jazz de Belgique avec le Waikiki Jazz Band (né en 1920) et le Bistrouille A.D.O. (Amateurs Dance Orchestra). Y jouent aussi : le saxophoniste Harold Connelly et Monsieur Constant Brenders. Au sein du Bistrouille, on reconnaît aussi Peter Packay (Pierre Paquet) (tp) en David Bee (Ernest Craps) (as, cl). Et c’est Faecq qui s’occupera de la publication des compositions de Packay et Bee. Leur réputation s’étend au-delà de l’océan : en septembre 1930, l’orchestre des Luis Russell Bee’s reprend ‘High Tension’ . ‘J’allais souvent danser à l’Abbaye, près de la Porte de Namur. C’était une annexe du Building de l’Elite qui allait devenir le studio de l’INR avant la construction de l’immeuble de la place Flagey, explique Faecq. L’orchestre qui jouait à l’Abbaye a attiré mon attention : Charles Remue (leader sur alto et clarinette), Stan Brenders (p), Harry Belien (dm), Alphonse Cox (tp), Gaston Frédéric (tp) et Remy Glorieux (basse en cuivre).’ Faecq trouve que les musiciens belges n’ont que trop peu d’occasions de réaliser des enregistrements. Au cours de l’été 1927, il présente cet orchestre - Charles (Chas.) Remue and his New Stompers - à Edison Bell. Il remporte un grand succès en Angleterre avant même de réaliser que ces disques sont en fait les tout premiers de jazz belge. Il est également à noter que sur les quatorze morceaux enregistrés à Londres, cinq sont des compositions belges dont ‘Vladivostok’, ‘Pamplona’, ‘Slow Gee-Gee’, ‘The Bridge of Avignon’ (thème travaillé dans l’arrangement d’origine) et ‘Allahabad’ de Bee et Packay. ‘Je connaissais bien Peter Packay. Il avait appris à jouer de la trompette et écoutait Armstrong, Bix et Red Nichols. Peter aimait le band de Jimmy Dorsey. A l’époque, le jazz était quelque chose de nouveau. Peter a choisi le Dixieland avec une inclination spéciale pour les Negro Spirituals. Nous avons commencé à composer à deux, d’abord pour le plaisir. Ensuite, un éditeur - le premier du continent - nous a fait confiance : c’était Félix Faecq. C’est ainsi que notre carrière a vraiment commencé,’ relate Bee Le premier jazzman belge à enregistrer à l’étranger fut le trompettiste et chef d’orchestre liégeois Léon Jacobs. Son Jacob’s Jazz a enregistré en janvier 1927 avec Josephine Baker… une situation totalement différente… Robert Goffin (1898-1984) était poète et avocat (et aussi grand défenseur du jazz). En 1920, il publie dans Le Disque Vert un poème en l’honneur de ce genre musical, puis en 1922 un recueil intitulé Jazz Band . Entre-temps, il avait commencé quelque chose qui, dix ans plus tard, allait constituer le premier livre sur le jazz au monde, Aux Frontières du Jazz , dédié à Louis Armstrong, avec lequel il se lia d’amitié et entretint une importante correspondance (voir Louis Armstrong In His Own Words ). Deux ans avant sa parution, Faecq en publie des extraits dans Music. En 1931, le label Pathé ouvre un studio à Bruxelles. Il enregistrera les meilleurs musiciens de jazz belges comme (et ses Racketeers) avec notamment John Ouwerx (p), Josse Aerts (dm) et les saxopho-nistes Jean Omer et . En 1932, Félix Faecq fonde le Jazz Club de Belgique avec Goffin et quelques amis.

Entre-temps… Robert Pernet précise que dans les années vingt, les nombreux petits orchestres qui naissent chez nous (la plupart sont jazzy plutôt que jazz) contribueront à dessiner la physionomie (par ailleurs relativement florissante) de la scène de jazz belge. L’un des plus anciens et des plus importants date de 1920 : les Bistrouille Amateurs Jazz Kings du batteur et leader René Vinche. Ces derniers restent en retrait après l’entrée en scène du Bistrouille A.D.O. (Amateurs Dance Orchestra), plus connu. Les Waikiki étaient aussi un A.D.O., tout comme (Pernet les cite) Les Minstrels A.D.O., Le Hot & Swing A.D.O., The Collegians, The Excellos Five, The Miami Jazz-Band, The White Diamonds, The Red Beans de Bee et Packay (dans lequel le trompettiste fait son entrée), le Mohawk’s Jazz Band anversois et à l’avant-scène les Doctor Mysterious Six avec comme trompettiste… Robert Goffin. Les paquebots de la Red Star Line comme le Belgenland emploient des orchestres belges pour les traversées Anvers-New York. C’est là une nouvelle occasion pour nos musiciens d’aller écouter, au cours des années 20, le jazz américain on the spot. Nos jazzmen sont appréciés à l’étranger : par exemple, le pianiste Jean Pâques devient le pianiste ‘maison’ chez Edison Bell à Londres.

Le swing et les big-bands

La valeur généralement reconnue des musiciens de jazz belges s’illustre une fois de plus au cours des années postérieures à la crise : au cours de la deuxième moitié des années trente, les orchestres de Stan Brenders, Fud Candrix et Jean Omer comptent parmi les plus célèbres d’Europe.

Stan Brenders Stan Brenders (1904-1969) a suivi avec succès une formation classique et a commencé une carrière dans ce genre de musique. Cela ne l’a pas empêché d’entrer, deux ans plus tard, dans l’orchestre de ‘Chas. Remue and his New Stompers’ aux studios de Londres (1927), après avoir joué en solo avec Fud Candrix lors du tout premier festival de jazz belge jamais organisé (1926). Cinq ans plus tard, il devient le pianiste de l’Orchestre symphonique de l’INR. Il sera le premier en Europe à exécuter, avec cet orchestre, le Concerto en fa de George Gershwin. Quand l’INR lui demande de fonder un orchestre de jazz, Brenders écrit une page de l’histoire de la radio. La première émission est diffusée le 19 janvier 1936. Il a rassemblé dans son orchestre les meilleurs musiciens de jazz belges comme John Ouwerx (p), Chas Dolne (g, vln), Emile Deltour (Eddie Tower) (vln), Sus Van Camp (tb) et plus tard Albert Brinkhuizen (tb) et Janot Morales (tp) et les saxophonistes Arthur Saguet, Jack Demany (aussi vn) ainsi que son ancien ‘boss’, le pionnier Charles Remue. Le band joue également pour des stations de radio étrangères (Hilversum, BBC). Pendant la guerre, le travail avec la radio et en studio se poursuit. Brenders réalise des disques chez Telefunken et Olympia, mais n’enregistrera jamais en Allemagne. L’un des sommets de sa carrière se situe au printemps 1942, tandis qu’il accompagne, comme Fud Candrix et (son) pianiste Ivon De Bie, Django Reinhardt à Bruxelles et enregistre avec lui pour Rythme. Django enregistre avec De Bie ses deux uniques solos de violon. Ils ne sont pourtant pas les premiers ‘Djangobelges’ puisqu’en décembre 1937, Gus Deloof (tp) et Jos(se) Breyre (tb) avaient enregistré avec Reinhardt. Les années de guerre marquent sa carrière d’une empreinte imméritée, comme il apparaîtra plus tard. Brenders se produit encore occasionnellement dans de petites formations ou en solo à l’Archiduc à Bruxelles où son piano trône toujours. Dans les années soixante, il compose pour la BRT De keuze van Brenders. Brenders hérite d’une reconnaissance internationale lorsque Capitol édite, en 1954, l’enre-gistrement de sa composition ‘I Envy’ dans la version de Nat ‘King’ Cole (avec Nelson Riddle) sur la face B de ‘Make Her Mine’ (Capitol 2803)

Fud Candrix L’apparition de Candrix (1908-1974) dans un septette au Jazz Middelheim 1973 fut le couronnement officiel et tardif d’une carrière riche et longue d’un demi-siècle. Avant de maîtriser le ‘jazzfeeling’, il jouait comme violoniste et saxophoniste ténor avec Jean Omer et Charles Remue (1931). Son premier big band se composait notamment de George Clais (tp), Bobby Naret (as), Raymond ‘Coco’ Collignon (p) et Armand Draelants (dm). Les premiers enregistrements datent de 1937. Jusqu’en 1943, il travaille pour Telefunken et édite des disques sous le nom de Fud Candrix und sein (grosses Tanz)orchester, dont la plupart portent des titres en allemand. Il joue pour la BBC, enregistre avec Django en 1942 puis à Berlin où il se produit également (travail obligatoire). Sa section rythmique se compose alors de Gene Kempf (b) et Jeff De Boeck (dm). Plus tard, ses guitaristes s’appellent Frank Engelen (1946) et Jo Van Wetter (1951). Candrix enregistre jusqu’en 1971. Son dernier disque compte, parmi les trois morceaux (15 juin 71) ‘I Envy’.

Jean Omer Omer (1912-1994) réalise ses premiers enregistrements en 1929 à… Milan avec ses Carolina Stomp Chasers, parmi lesquels Chas Dolne (g) et le futur ‘Belge chez les Ramblers’ André Van der Ouderaa (ts). Deux ans plus tard, il est en studio avec Gus Deloof and his Racketeers avec Arthur Saguet et Jean Robert (anches), John Ouwerx (p), Arthur Peeters (b) et Josse Aerts (dm). La même année, il accompagne, avec Robert De Kers et ses Cabaret Kings, Josephine Baker à Paris, en Suisse et en Italie. Les premiers enregistrements de son big band datent de décembre 1937. Il joue dans le style de Jimmy Dorsey. Cette année-là, il ouvre le Cotton Club à Bruxelles. En 1938, il métamorphose le Pingouin en perte de vitesse (l’ancienne Abbaye) pour en faire le Boeuf sur le Toit près de la Porte de Namur : the place to be !, même pendant l’occupation. La première année, Coleman Hawkins y joue souvent avec l’orchestre. Son complice est Jean Robert, le saxophoniste ténor européen, qui reste le plus près possible de ‘Bean’. Benny Carter écrit des arrangements pour l’orchestre. Les disques d’Omer paraissent sous le nom de Jean Omer et son (Grand) Orchestre du Boeuf sur le Toit. L’orchestre regroupe Robert Louis Dehaes, Fernand Debray (et plus tard) Al Goyens (tp), Roger Squinquel (tb), Vic Bayens (ts), Henri Segers (p), ensuite Rudy Bruder (p), Jean Delahaut (b), Lucien Poliet (dm) et ensuite Buddy Heyninck (dm), Gaston Bogaert (dm). Après la libération, il ouvre à Cannes Le Monseigneur et procure ainsi du travail à une vingtaine de musiciens belges. En 1947, il assure la saison d’été à Monte Carlo et revient un an plus tard à Bruxelles pour la réouverture du Boeuf sur le toit. Elle se produit en 1961.

Quelques autres musiciens Même si les orchestres de Stan Brenders, Fud Candrix et Jean Omer sont exceptionnels, la scène belge du swing a bien davantage à offrir. L’amateur de jazz actuel connaît moins les noms d’Emile Deltour, Gene Dersin, Jack Kluger, Robert De Kers, Bobby Naret et certainement Lucien Hirsch.

Emile Deltour (1899-1956) était liégeois, mais il a souvent utilisé le nom d’Eddie Tower, à consonance plus anglo-saxonne. Violoniste classique au départ, il avait un orchestre de swing avec, parmi les anches, David Bee et Arthur Saguet, soutenus par un duo de rythme avec Arthur Peeters (b) et, à partir de 1940, Josse Aerts (dm). Onze ans plus tôt, il avait enregistré avec le Charles Remue Band, deuxième version. Dès 1936, il fait partie de l’orchestre de l’INR de Stan Brenders. Il est aussi de la partie lors de l’enregistrement avec Django. Eddie Tower évolue en grande partie sur le terrain de la musique légère et du cross-over de l’époque : il écrit des concertos de jazz pour violon et pour harpe, des chansons et des œuvres symphoniques.

Gene Dersin (1905-1985), originaire de Jemappes, était très populaire directement après la guerre et a réussi par le choix de ses thèmes à amener ‘avec une main de velours’ des gens qui ne savaient rien du jazz à apprécier ce type de musique. A différents moments, on retrouve dans son orchestre Raoul Faisant, Jacques Kriekels, Vic Ingeveldt et Arthur Saguet (anches) et Lucien Poliet (dm). Il joue d’instruments à anche et laisse les solos à d’autres. Il a aussi travaillé avec des violonistes dont Georges Octors et René Costy. Il a accompagné Bing Crosby et a fait écrire l’arrangement de sa version de ‘White Christmas’ par Peter Packay. Son intérêt pour le jazz lui est venu par le band de Lucien Hirsch avec lequel il a enregistré en 1931 en tant que clarinettiste.

Lucien Hirsch (°1911) est liégeois et - quoique saxophoniste - surtout frontman. Vers 1930, il était très populaire dans sa ville natale. Il n’a réalisé que deux sessions pour Columbia à Bruxelles. Dans la première, (1931) Bobby Naret fait partie du band, dans la deuxième (1937) on retrouve les saxophonistes Jack Demany, Jacques Kriekels et Henry Solbach. Fud Candrix les rejoint parfois. Lors de la mobilisation de 1939, l’orchestre s’est consacré au soutien des troupes sous les auspices de la Fondation reine Elisabeth. D’origine juive, il a cessé toute activité musicale au début de l’occupation.

Bobby Naret (1915-1991) était également liégeois. Saxophoniste alto, il a remporté le référendum du HCB (Hot Club de Belgique) en 1946. Comme clarinettiste, il a trôné en première place. Il a créé son grand orchestre en 1944 avec les trompettistes Janot Morales, George Clais et Edmond Harnie, Albert Brinkhuizen (tb), et encore Saguet (anches), Frank Engelen (g) et arrangeur (comme David Bee et Peter Packay) et la chanteuse Martha Love (Martha Delbecque, découverte par Jack Kluger). Naret fait partie du Swingtette du guitariste-violoniste Chas.Dolne, avec lequel David Bee joue de la harpe, ainsi que Lou Logist (acc) et Frank Engelen (g). Ensemble, ils réalisent également des arrangements (Decca 1940-‘42). On trouve aussi des enregistrements avec Gus Deloof (1941, avec Jean Robert), Jeff De Boeck and his Metro(phone) Band (1941-‘42), avec Janot Morales (tp), Vic Ingeveldt (ts, cl), Ivon De Bie (p), Frank Engelen (g), Gene Kempf (b), Django (1942, avec Candrix et Brenders) et Hubert Rostaing (1942, Naret sur as). Il est avec Candrix de 1934 à 1943, date à laquelle il fonde son propre band (voir plus haut). En 1962, il est à Comblain avec les ‘vétérans’ puis disparaît de la scène.

Jack Kluger (1921-1963) est aussi connu sous le nom de ‘Jay Clever’. Il a commencé comme leader de l’A.D.O anversois. Il fait partie des Collegians en 1932. Trois ans plus tard, il commence, pour le compte du Jazz Club de Belgique, à réaliser des émissions de radio. En 1939, il crée Jack Kluger and his Swing Orchestra/Band, avec Louis Dehaes (tp), Harry Bart, Harry Turf(kruyer), Omer & Marcel De Cock, Vic Ingeveldt (anches), et René Goldstein (b). Après la guerre, il se concentre sur l’édition musicale, la production de disques et la chasse aux talents. Comme le dit Bernard Legros: ‘Sans avoir jamais joué d’un instrument, Jack Kluger est important à cause des bands qu’il a dirigés et parce qu’il comptait parmi les meilleurs en Belgique tant comme producteur que comme manager. Il a contribué à faire connaître le jazz en Belgique et le jazz belge aux EU’.

Robert De Kers (Keersmaeker) (1906-1987) était pianiste avant de se faire connaître comme trompettiste. En 1936, il crée les Cabaret Kings avec David Bee (cl, ts), Ernst van ’t Hoff (p) et Frank Engelen. En 1941, il enregistre aussi des morceaux au vibraphone (& his Vibraswingers) et joue après la guerre en Allemagne occupée. En 1946, il enregistre la musique du court-métrage Modern Mood .

Les années de guerre

La vie musicale continue, mais le jazz est mis à l’index par les nazis dès 1935. De plus, ‘Swing Tanzen ist verboten…’ . L’inventivité des musiciens pour réaliser des titres ‘acceptables’ par le régime est pratiquement illimitée. Le ‘St.Louis Blues’ devient le ‘Lied vom blauen Ludwig’ ou ‘La Tristesse de Saint Louis’ ; ‘At the Woodchoppers Ball’ : ‘Houthakkersbal’ ; ‘Idaho’ : ‘Vous avez un beau chapeau madame’ ; ‘Indian Summer’ : ‘Eté indien’ ; ‘Out Of Nowhere’ : ‘Sorti de nulle part’ ; ‘South Rampart Street Parade’ : ‘Rempart du Sud’ ; ‘Sweet Georgia Brown’ : ‘Douce Georgie’ ; ‘I Know That You Know’ : ‘Je connais tes pensées’ ; ‘Who’s Sorry Now’ : ‘Pourquoi des regrets?’ ; ‘Bye Bye Blues’ : ‘Afscheid’ ou ‘Blues de l’adieu’ ; ‘Stardust’ : ‘Poussière d’étoile’ ou ‘Sterrenstof’ . En dépit de sa transparence, le truc semble fonctionner et tout le monde reste In Guter Stimmung , c’est-à-dire In The Mood . Quand les Allemands se rendent compte que le jazz et le swing restent appréciés, ils décident de combattre le mal par le mal. Le label allemand Telefunken a, par exemple, réalisé des enre-gistrements de Stan Brenders à Bruxelles et a importé les disques dans le Heimat . Un coup remarquable fut réalisé par l’orchestre dirigé par Lutz Templin : Charlie and his Orchestra. Le chanteur ‘Charlie’ Schwedler, personnalité peu claire, interprétait des morceaux de jazz sous leurs titres originaux. Le ministère de la propagande du Reich déterminait le nouveau sujet de la chanson, faisait écrire un texte en allemand qui était ensuite retraduit en anglais. Le contenu parodiait les alliés avec Churchill en Roosevelt pour cibles principales. Le band fut composé avec soin et les enregistrements réalisés entre fin 1941 et mi-1943 à Berlin. Deux Belges faisaient partie de cette compagnie internationale : Josse Breyre (tb) et Jean Robert (ts). Cet accommodement avec les Allemands valut aux musiciens le statut de collaborateur. Stan Brenders y perdit même son contrat avec la radio. Aux E.U., la situation était différente : bon nombre de musiciens furent mobilisés après Pearl Harbour. Les big-bands durent se dissoudre ou trouver des remplaçants. Puis vint la première interdiction d’enregistrer du 1er août 1942 à la fin novembre 1944. De plus, avec le développement du be-bop (Parker, Gillespie,…), le jazz avait connu une (r)évolution qui n’avait pu atteindre l’Europe à cause de la guerre. La production des V-Discs (V pour Victory) avait commencé : ces disques n’étaient pas destinés au commerce mais devaient servir de soutien moral (gratuit) pour les soldats au front. A cause de la restriction sur les enre-gistrements, les V-Discs ne contenaient pas de bop et furent diffusés jusqu’en 1949. Les militaires les revendaient avec empressement. Pendant l’occupation, plusieurs musiciens bruxellois se retrouvaient discrètement dans une petite maison de quatre étages de la rue des Moineaux. L’histoire la connaît sous le nom de Le Kot(t). Léon Demol (‘Podoum’) (tp), Jean-Jacques (Jacky) Jun(e) (anches), Léon Demeuldre (‘Bodash’) (dm), Herman Sandy (tp), Jacky Thunis (dm) et Jean Vandenheuvel (Warland) (b) en faisaient partie. Sous l’impulsion de Bodash fut créé le groupe des Kot Jazzmen, qui a triomphé lors d’un tournoi du HCB et a constitué la base du Jump College. Pendant la guerre, les musiciens belges sont restés actifs mais l’arrivée des disques 78 tours de bop occasionna un choc et un revirement du jazz. On considère généralement les Bob Shots de Bobby Jaspar comme le premier orchestre de be-bop national, mais Jean Warland laisse cet honneur au band de Bill Alexandre (g), avec Warland (b), Sandy (tp), Freddy Lhost (cl, as), Freddy De Bondt (ts), Phil Decae (p) et John Ward (dm). Au printemps, ces derniers ont réalisé (à La Haye) un enregistrement privé, qu’on nomme aussi ‘acétate’. Les premières traces (effectives) de Jaspar et de ses amis datent d’un an plus tard. Nous lisons dans la presse : ‘Un véritable orchestre de jazz au Welfare (service social de l’armée) terrain de prédilection des musiciens Jean Carnin (dm) (19 ans à l’époque), Roger Asselberghs (cl) (23), Roland Thyssen (p) (20), Nic Fissette (tp) (20)’,… ‘Naturellement le band joue du be-bop.’ C’était en 1948. Un peu plus tard, Toots Thielemans fut lancé aux EU par son manager Billy Shaw comme ‘The Belgian King of Bop’. Ses solos dans Modern Mood , un court-métrage, accompagnés par le band de Robert De Kers en 1946 et un enregistrement avec le sextette de Jack Sels méritent en effet déjà un titre de noblesse. Après la guerre, le Welfare a réalisé des émissions de radio et des tournées pour nos musiciens dans les Officers Clubs des militaires américains encore stationnés en Allemagne. Il a aussi lancé une nouvelle génération : Liège a joué un rôle prépondérant avec La Session d’Une Heure (One AM Session), orchestre d’amateurs capables de rivaliser avec leurs maîtres. L’un de ses membres était le saxophoniste alto Jacques Pelzer. ‘En 1941 à Liège, nous jouions en style tantôt Dixieland, tantôt Ellington’, commente-t-il Les rejetons de la guerre

‘C’est aussi au temps des ‘boches’ que les émissions de radio comportaient le plus de jazz et que le plus grand nombre de concerts étaient donnés au Palais des Beaux-arts, alors que nous jouions une musique fortement déconseillée… Mais, en définitive, le public ne l’aimait peut-être que parce que c’était un fruit défendu ?’, s’interroge Gaston Bogart dans son livre Dance band - quand Bruxelles jazzait… Il parle de la période 1937-1957 et raconte son histoire. Boga(e)rt(s) - qui, à la fin de sa carrière, a fondé les Chakachas, modeste orchestre de cha cha cha avec d’autres jazzmen comme Vic Ingeveldt (ts, fl) et Charlie Lots (tp) - a débuté chez Charlie Calmeyn, comme batteur et a joué avec les Continentals, Gus et Pol Clark et Roger Rose (as) avec notamment Mary Kay (voc) et René Goldstein (b). Le nom de Marcel Hellemans (ts), chef d’orchestre de divertissement recouvre des expériences essentielles. Les musiciens étaient arrivés à maturité et avaient assimilé les idées américaines d’avant-guerre tandis qu’ils se trouvaient sur un terrain européen. Juste avant la guerre (1938), quatre jazz clubs étaient nés : le Hot Club de Belgique, le Sweet & Hot, le Antwerpse Jazz Club et le Jazz Club de Belgique, avec des sections en province. Comme l’a compris Bogart, le jazz ne se portait pas trop mal et le jazz belge était enregistré et publié. Des critiques comme Albert Bettonville et Carlos de Radzitzky donnaient des conférences et des soirées d’audition de disques. L’importation de nouveaux disques américains était limitée ; la surprise serait d’autant plus grande… A la Libération, Bruxelles devient le centre des divertissements : les Anglais choisissent le Plaza, les Américains le Métropole. Les clubs comme Le Boeuf sur le Toit, le Caveau du Corso, le 21 Club et le Cosmopolite sur la place Rogier offrent aux musiciens l’occasion de jouer dans la capitale. A Liège, ce sont surtout l’Eden et à Anvers l’Exi Club. Entre-temps, le premier band américain est apparu sur le continent : c’est celui de Don Redman avec Don Byas. Les futures étoiles belges se mettent à briller et conquièrent même massivement les Pays-Bas. En 1948, Fud Candrix joue au Palais de la Danse à Scheveningen et Eddie De Latte et Henri Segers dans les casinos de Scheveningen et Valkenburg. Le renouveau du printemps…

Dans le chef de certains jeunes, dont Bobby Jaspar, l’idée de former son propre groupe avait germé. Ce fut le Swingtet Pont d’Avroy, devenu plus tard les Bob Shots, qui en mai 1947 paraissait déjà en photo dans le magazine américain Down Beat avec la légende The most famous jazz combo in Europe . Le groupe évolua vers le bop; Pelzer et Sadi s’y ajoutèrent, parfois le guitariste Pierre Robert était le leader et René Thomas y jouait aussi. N’oublions pas non plus que Raoul Faisant (ts) était le parrain du jazz liégeois.

Paris Le couronnement (et la fin) des Bob Shots se prépare pour La Grande Semaine du Jazz de Paris en mai 1949. Environ un an auparavant, Jaspar (février 1948) avait joué au tout premier festival de jazz digne de ce nom à Nice. Le Belgique y était représentée par l’orchestre du pianiste Jean Leclère, qui avait ‘revalorisé’ son groupe en y incluant Bobby (ts), Herman Sandy (tp), Jacques Pelzer (as), Sadi (vib) et Toots (g). Ils y accompagnèrent même le ténoriste . A Paris, en 1949, deux groupes belges se produisirent : les Bob Shots et le quartet de Toots Thielemans, dont l’harmonica qui ne séduisit pas immédiatement un public parisien assez peu objectif. Le magazine Jazz Hot (voir ci-dessus) était pourtant assez favorable au jazz belge, écrivant que Robert De Kers est ‘la plus grande autorité belge en matière d’orchestration de jazz’. Il contient aussi un article sur un concours du HCB (Hot Club de Belgique). Le correspondant était Paul Acket, fondateur par la suite du Northsea Jazz Festival à La Haye.

Bobby Jaspar Si Toots Thielemans s’affirme comme le meilleur représentant des événements de jazz belge de l’après-guerre, Bobby Jaspar (1926-1963) est d’importance primordiale pour le rayonnement de l’évolution nationale du bop jusqu’aux Etats-Unis. Ses enregistrements complets chez Columbia avec le tromboniste J.J. Johnson sont ressortis il y a quelques années sous le label des collectors Mosaic. Le 10 février 1947, il avait enregistré avec les Bob Shots sous la baguette de Pierre Robert (g) pour la marque belge Olympia ‘Oop Bop Sh’Bam’ et ‘Moonlight In Vermont’ avec Jean Bourguignon (tp), Jacques Pelzer, Jean-Marie Vandresse (p), Charles Libon (b) et André Putsage (dm). Deux ans plus tard, ils étaient les invités du Festival de Paris. Le band s’était enrichi de Sadi (vib, voc), Francy Boland (p) et John Ward (dm). Miles et Bird jouaient également à Paris. Devant eux, nos musiciens sont restés sans voix même s’ils étaient bien préparés et connaissaient bien les disques… Jean Warland s’explique : ‘Nous avions compris que ce qui se produisait là nous dépassait…’ Outre les distinctions Down-Beat de Toots, le météore Jaspar atteignit en 1956 le top parmi les ‘new stars’. Il enregistra avec , Milt Jackson et John Coltrane et joua avec Miles Davis, même si cela n’a duré que quelques semaines. Le rôle qu’il a joué dans les quintettes de J.J. Johnson et en dit aussi très long. Il s’est produit avec les deux en Europe. Il vécut aussi à Paris. Comme de nombreux confrères belges, il prit ses quartiers à l’Hôtel du Grand Balcon, tenu par Mme André dans la rue Dauphine/rue Mazarin. Il y resta cinq ans, sans compter l’escapade qu’il fit à Tahiti. Paris lui permit de travailler en studio notamment sur la session Saturne récemment rééditée, que l’on peut considérer comme le premier enregistrement de bop français (1951). De nombreux enregistrements parisiens étaient à nouveau disponibles via BMG (Vogue, Swing, de ‘Italiaanse’ RCA’s avec et René Thomas) et Universal (‘Jazz in Paris’, EmArcy, Barclay). Les musiciens français que l’on retrouve régulièrement à ses côtés sont les pianistes Henri Renaud, Maurice Vander, Bernard Peiffer, René Urtreger, et Sacha Distel à la guitare plus les Belges ‘émigrés’ comme Sadi (vib) et surtout Benoît Quersin (b). Un livre remarquable mais rare à son propos(bio- et discographie) reste celui de Mon Devoghelaere. Plus récemment a paru Bobby Jaspar - Itinéraires d’un jazzman européen de Jean-Pol Schroeder.

René Thomas Jazz Middelheim 1973. ‘Ladies and gentlemen, my old friend from Belgium, René Thomas’ . présente l’homme qui l’a accompagné, il y a quinze ans, sur une face du 33-tours ‘Brass and Trio” . En tant que (très) jeune gitariste, Thomas (1927-1975) apprenait par coeur, et sur l’ouïe, les solos de Django Reinhardt. Le parrain liégeois Raoul Faisant le prendra sous sa garde et avec lui, il enregistrera quelques faces pour Olympia, accompagné par l’accordéoniste Hubert Simplisse. Quant aux solos, il devra se contenter de très peux d’espace: p.ex. 8 mesures dans ‘Vous avez un beau chapeau, madame’ (‘Idaho’). Après la guerre, René Thomas formera son propre trio avec Léo Flechet (p) et José Bourguignon (d). Il y a du travail chez les Américains en Europe. Ensuite, il rencontre Jacques Pelzer et Bobby Jaspar, mais ne fera jamais vraiment partie des Bob Shots, malgré les nombreuses occasions de les accompagner, lui offertes par le leader du groupe, Pierre Robert, également guitariste. Le style de René Thomas des années ’50 peut être écouté sur ‘Easy Going’ de Jack Sels, l’extrait d’une emission ‘Jazz Vivant’ d’Albert Bettonville. Jaspar, Sadi, Quersin et Boland émigrent sur Paris, suivis par Thomas et Pelzer (1953). Thomas y entendra les Américains et, surtout, , qu’il prendra comme exemple. Les enregistrements pour Vogue, Barclay et Polydor viennent d’être réédités sur cd. En voyant le jazz perdre son succes en Europe, Thomas part pour le Nouveau Monde, avec le Canada comme destination initiale, où il résidera. Sur ‘United Notions’ , l’album international de Toshiko Akiyoshi (1958), Thomas est libelé Canadien, tandis que Jaspar y est repris en tant que Belge. Thomas apparaît souvent sur la scène New Yorkaise et enregistre même un album sous son propre nom, en compagnie du ténoriste J.R. Monterose: ‘Guitar Groove’ (1960). L’année suivante, il retournera en Belgique (et à Comblain…). Avec Jaspar, Quersin et , il forme un quartette avec lequel il enregistre chez Ronnie Scott’s à Londres. En 1961, un disque de Thomas avec Jaspar et une section rythmique italienne sort sur RCA, le label sur lequel Chet Baker enregistrera avec eux en 1962 ‘Chet is back’ . Ensuite, il aura du travail au studio avec Lou Bennett, (enregistrement pour la radio Hollandaise en 1965 avec Misha Mengelberg et ) et Lucky Thompson (‘A Lucky Songbook in Europe’ avec Sadi, 1969). La même année, il entame sa collaboration avec le Stan Getz Quartet, avec Eddy Louiss (org) et (d) ( ‘Dynasty’ enregistré chez Ronnie Scott). En 1974 sortent encore ‘Hommage à René Thomas’ (Timeless) et ‘TPL’ (Thomas- Pelzer Limited) (Vogel). René Thomas l’a également emporté aux Etats Unis. Verritable classe mondiale!

Benoît Quersin Les bassistes sont rarement nommés en première place pour illustrer un courant, mais avec Jean Warland et Quersin, les choses sont différentes. A l’origine, Quersin était pianiste et a remplacé Warland dans le quartette de Toots Thielemans au festival de Paris de 1949. Il s’est affirmé l’année suivante et a enregistré avec de grandes pointures comme Sidney Bechet, , Dizzy Gillespie et Chet Baker. Avant et après son retour en 1957, il a travaillé régulièrement avec Jack Sels, a dirigé un moment le Blue Note jazz-club de Bruxelles à partir de 1960 ainsi que la section jazz de la RTB. Il fut l’un des premiers à diffuser Eric Dolphy et Ornette Coleman puis partit comme musicologue au Zaïre. Il a réalisé quelques enregistrements marquants avec Bobby Jaspar, René Thomas et Jacques Pelzer.

Jacques Pelzer Sur le deuxième d’une série de trois LP de 25cm Innovation en Jazz, édité à l’époque par les chaînes de grands magasins, René Thomas jouait sous la direction de Pelzer (1924-1994). Pelzer faisait parti du groupe Session d’Une Heure et passait, avec son saxophone alto, de Johnny Hodges à Benny Carter en passant par Charlie Parker (puis Lee Konitz), et sur le soprano, de Coltrane à Steve Lacy. Il n’évitait donc pas le more free. Tout comme Thomas et Sadi, il s’était mis sous la protection de Raoul Faisant. A l’instar de Quersin, il s’intéressait à l’Afrique et s’est mis, comme Jaspar à la flûtre traversière. Au début des années soixante, il a souvent joué avec Thomas, a enregistré avec lui, avec Jaspar et Chet Baker, avec qui il a créé un petit orchestre et s’est produit à Carnegie Hall. La lignée musicale se poursuit par son neveu Steve Houben et sa fille Micheline (dm). Houben et Pelzer étaient ensemble de 1978 à 1981 dans Saxo 1000, un hommage à Thomas, Jaspar et à la ville de Liège qui fêtait alors son millénaire.

Francy Boland En mai 1949, Boland (°1929) était le pianiste des Bob Shots. Grâce à ses études au conservatoire de Liège, il est entré en contact avec la ‘nouvelle’ génération du jazz. On le retrouve à Bruxelles, Anvers (Exi Club, chez Jack Sels dont il a fait partie du Chamber Music comme trompettiste) et à Paris où il enregistre avec Jaspar, Sadi et Henri Renaud et aussi Chet Baker avec qui il part en tournée. A l’instar de Jean Warland, il a fait partie de l’orchestre d’Aimé Barelli et a rencontré le batteur . Au USA, il a réalisé des arrangements pour Benny Goodman, Count Basie et Mary-Lou Williams. En 1958, il réalise ses premiers arrangements pour le band de Kurt Edelhagen pour qui avaient déjà travaillé (ou allaient travailler) les Belges Christian Kellens (tb), Eddie Busnello (bs) et Francis Coppieters (p, arr). En 1960, il se joint à Henri Segers qui dirige aussi le BRT Big Band. Il rencontre ensuite Gigi Campi qui tient un salon de dégustation de glaces à et y programme du jazz, plutôt qu’une musique de salon. Il lui offre ‘Campico’ et l’enregistre en 1960 avec Don Byas. Gigi Campi et Kenny Clarke l’ont encouragé à créer le Kenny Clarke - Francy Boland Big Band (CBBB) dont ont fait partie de nombreux Belges, en plus de grands musiciens européens et de vedettes américaines comme , Benny Bailey, , et Stan Getz,.

Sadi Sadi Lallemand (°1927) résume sa carrière en répondant à quelques questions : ‘PAS d’école de musique. J’ai étudié seul. Ce que je connais, je l’ai appris seul! Autodidacte. New York : J’aimais bien. Kenny Clarke-Boland : J’adorais. Mon orchestre (un big-band) à la ‘Rose Rouge’. Paris : Quel bonheur ! Les années au ‘Ring Side’ Paris (avec quelques visiteurs américains et Django) : Extraordinaire.’ Dans sa liste de disques, il souligne ceux du Clarke-Boland Big Band (CBBB) et de Django Reinhardt (Decca). ‘Paris : J’ai enregistré ce disque (de Django Reinhardt - ss) qui était son tout dernier, 3 semaines avant sa mort en 1953’. En-dessous, un espace manifestement trop petit pour indiquer sa discographie, il écrit : ‘Plus de place !!’ Il a réalisé son tout premier disque le 13 avril 1946 avec Gus Deloof (sur Victory) avec notamment Raoul Faisant (ts) et Alphonse Verlackt (Al Verlane) (dm). Lionel Hampton fut sa première influence, mais aussi Milt Jackson, lorsqu’il faisait partie des Bob Shots. Il a participé à des tournées des American Special Services en Allemagne. Depuis 1950, il a séjourné et habité onze ans en France et a beaucoup enregistré pendant les années cinquante. De 1962 à 1965, il travaille à la télévision RTB, puis devient membre de l’orchestre de jazz de la BRT d’Etienne Verschueren. Au cours de tournées mondiales, il réalise des ‘jazz spot’ notamment avec la chanteuse Caterina Valente. ‘Las Vegas : j’adorais…’

Jean Warland ‘Tout a commencé avec l’accordéon,’ affirme Jean (Bruxelles 1926). ‘Comme pour Toots, Etienne Verschueren et Tony Bauwens’. Depuis ses trois ans, il joue de l’accordéon et, en 1945, dans le band de Chas.Dolne (g) au Century Hotel d’Anvers, où il remplace Lou Logist. David Bee y joue de la harpe, Frank Engelen de la guitare. Il ne savait pas encore lire la musique : il ne jouait les pièces de Dolne qu’à l’oreille. Il lui fut donc conseillé de se perfectionner en solfège. Ce qu’il fit. Il était excellent dans les jam sessions : quand Jack Sels entrait, cela lui coûtait souvent son dernier train pour Bruxelles. Le ‘Blues de l’adieu’ (‘Bye Bye Blues’) venait parfois un peu tard… Il était généralement le plus jeune dans les orchestres et il admirait beaucoup les musiciens comme Jean Robert, Fud Candrix, Bobby Naret, Stan Brenders, Jean Omer, Pol Bevernage (bs), Ivon De Bie et Janot Morales. Lorsqu’au cours de l’hiver 1947-48 Jean Omer décrocha un engagement à Cannes, Jean se produisait avec le band de Bill Alexandre au Boeuf sur le Toit à Bruxelles : ‘Be bop pour la danse…’. Membre du quartette de Toots, il a joué à la Grande Semaine du Jazz à Paris en 1949, avec Francis Coppieters (p) et John Ward (dm). A partir de 1951, il y a, à Bruxelles, énormément de travail en studio. Jean le confirme : ‘Il y avait deux sections rythmiques : A et B. A avec Jaap Streefkerk (alias Steve Kirk) (p), Jo Van Wetter (g), René Goossens (Goldstein) (b) et Jo Demuynck (dm). B avec Frans André (p), Jean Douchamps (John Sweetfield) (g), Jean Warland (b) et Jeff De Boeck (dm). Le studio Philips choisissait toujours le A, tandis que la B n’avait aucune chance.’ Jean l’eut une fois. En 1956-57, il partage à l’Hôtel Le Grand Balcon à Paris la chambre de Sadi et enregistre notamment ‘Kenny Clarke’s Sextet plays André Hodeir’ dans lequel il joue davantage de morceaux que Pierre Michelot. Il avait rencontré Clarke avec l’orchestre de Jacques Hélian (avec Ernie Royal) (ts). Plus tard, il a joué deux ans avec Aimé Barelli à Monte Carlo. Plein de respect, il parle de Lucky Thompson (dont il ne connaissait pas, au début, ‘How Deep Is The Ocean’ ce qui ne rendait heureux ni l’un ni l’autre…) et Dizzy Gillespie (qui lui apprit l’intro correcte de ‘A Night In Tunesia’). En 1956 et 1959, il a travaillé régulièrement avec Lucky Thompson. Il a fait une tournée mondiale avec Caterina Valente et a reçu une offre de Werner Müller. Entre-temps, il a beaucoup travaillé à Cologne avec le Clarke-Boland Big Band (les lp ‘Fellini 7½’ et ‘Change of Scène’ - le dernier avec Getz. Il travaille ensuite régulièrement avec le WDR-Big Band et part à la retraite en 1991 après deux concerts de remerciement. Il dirige ensuite Sax No End et joue au Jazz Middelheim 1993, à l’époque avec Richard Rousselet (tp), les saxophonistes Ben Sluijs, Bart Defoort, Fabrice Alleman, Jeroen Van Herzeele et Bo Van der Werf. Un an plus tard, il devient Sax No End plus Five. Avec les cinq derniers (une jeune section de saxophone allemande), il continue à travailler sous le nom de Sax-Port. Avec Richard Rousselet, il crée en 1998 le groupe ‘A Train Sextet’ qui joue le musique de Duke Ellington. Il travaille ensuite en trio avec Curt ‘Bas’ Bulteel (p) et Laurent Mercier (dm). Son conseil aux jeunes : ‘Ecouter, bien écouter, c’est la base d’un musicien de jazz.’

Quelques autres musiciens

Jack Sels Des musiciens comme Jean Warland et Roger Vanhaverbeke mettent respectueusement Jack Sels au centre de l’évolution du jazz belge de l’après-guerre. Comme une grande partie de sa génération, Jack était un autodidacte. Dans sa gigantesque collection de disques, ceux qui l’ont le plus intrigué sont Lester Young et les disques de be-bop 78 tours. En février 1948, à Anvers, le concert du Dizzy Gillespie Big Band a exercé un énorme impact sur lui et sur ses contemporains. A l’automne 1949, Sels fonda un orchestre semblable avec notamment Charlie Knegtel, Nic Fissette et Herman Sandy (tp), Christian Kellens (tb), Bobby Jaspar (ts), Roger Asselberghs (bs), Francis Coppieters (p), Jean Warland (b), John Ward (dm) (qui avait joué à Paris en mai 1949 avec les Bob Shots et Toots et qui commençait à présent une carrière chez Hazy Osterwald) et Rudy Frankel (perc). Moins de deux ans plus tard, revoilà Sels avec son Chamber Music inspiré par les sessions de Miles Davis ‘Birth of the Cool’ : une fois de plus avec Knegtel, Sandy, Kellens, Asselberghs et Frankel (dm), plus Francy Boland (tp, mel), Jean Fanis (p), Benoît Quersin (basse, mais aussi hautbois, basson, violoncelle et tuba). Ensuite, Jack a joué pour le Welfare en Allemagne - avec Sandy, Fissette, Kellens, Asselberghs, Frankel, Etienne Verschueren et Roger Vanhaverbeke. Après le départ de Jack, Vanha crée avec Etienne et Willy Albimoor (p) les Belgian Bluebirds. On en retrouve plusieurs sur les LP 25 cm ‘Jazz in Little Belgium’ , dont la plus belle composition de Jack ‘Rain On The Grand Place’). Une certaine controverse est née à propos du film Just Friends. Jack, qui ne mettait que rarement le pied au-delà de nos frontières, n’a jamais été en Amérique et n’est que peu représenté sur le marché du disque, quoiqu’un matériel imposant soit disponible surtout à la VRT. En 1961, Jack enregistre un disque en quartette avec Philip Catherine. L’organiste était Lou Bennett avec qui notre excellent guitariste René Thomas enregistrera deux et cinq ans plus tard. Paris n’est pas loin, mais pas pour Sels. Il était pressenti par le directeur de la production Elias Gistelinck pour venir jouer avec son quartette - Jean Fanis (p), Roger Vanhaverbeke (b) et Al Jones (dm) - live dans le studio pour la série radiophonique de la BRT Levende Jazz et plus tard pour exécuter des solos, des compositions et des arrangements avec la section saxophone de l’orchestre de jazz de la BRT sous le nom de Saxorama. Il reçoit un ultime hommage lorsque le critique et homme de radio Mon Devoghelaere publie sur ses deux LP sous le label Vogel une sélection judicieuse de ses archives radiophoniques. Je tiens à citer deux des principaux piliers des big-bands de Jack des années 1949 et 1951 : le clarinettiste et saxophoniste baryton Roger Asselberghs et le batteur Rudy Frankel.

Roger Asselberghs Son intérêt pour le jazz s’éveille par hasard en écoutant les enregistrements de Benny Goodman et Artie Shaw. Fin 1944, il travaille en tant que clarinettiste avec le band de Marcel Bossu (g), et un peu plus tard avec celui de Coco Collignon (p). Il rencontre ensuite Mickey Bunner (tb), qui le forme ainsi que Jack Sels et les prend dans son octette. C’est à la même époque qu’ils découvrent les jam-sessions avec Sadi, Toots, Jean Fanis, Bobby Jaspar et René Thomas. Il fait son service militaire au Welfare et rencontre des musiciens comme Nicolas Fissette (tp), Roland Thyssen (p), Roger Mores (p), le futur chef d’orchestre de la BRT Fernand Terby (vln). Ensuite, il entre au Jump College de Jacky Jun(e) (anches) avec lequel il donne le 1er avril 1951 un remarquable concert au PBA avec Sidney Bechet, , Don Byas, James Moody et Kenny Clarke. Il jouera plus tard avec ces derniers et Dizzy Gillespie. En 1953, il réalise des enregistrements avec Buck Clayton, Kansas Fields (dm) et Taps Miller (tp, voc) pour Ronnex. Il interrompt son séjour avec Jack Sels en Allemagne occupée en 1953 pour étudier la photographie aux USA. Roger n’a réalisé que très peu d’enregistrements commercialisés, mais il existe de ci de là quelques acétates. En 1955, il se retrouve tout de même sur le disque Innovation en Jazz de Henri Carels (tp). Et en 1958 sur deux morceaux du disque ‘Jazz in Little Belgium’ , avec Herman Sandy (tp), Paul Dubois (b), Johnny Peret (dm). C’est ici que se termine sa présence dans les studios (musicaux) mais il joue encore à la Rose Noire, après avoir été recruté en 1957 par le RTB pour le band de Léo Souris avec qui il part en tournée en Afrique (avec Sandy, Pelzer, Quersin). Ensuite, il met un terme à sa carrière de musicien et devient photographe publicitaire. Il réalise tout de même encore d’autres études musicales (1976) et un quintette, Roger Asselberghs and the Goodman Sound (avec Jean Fanis) et joue un moment avec le Fondy Riverside Bullet Band. Dans les années nonante, il fait à nouveau partie du groupe de jazz Jazz for Fun.

Rudy Frankel Frankel (1928-2002) entre directement après la guerre avec Sels, Fanis et Asselberghs dans le band de Mickey Bunner et réalise son premier disque ( ‘13th Port’ ). Rudy n’a réalisé que peu d’enregistrements en comparaison avec son importance sur la scène nationale de jazz et la plupart datent d’avant 1960. Il était un batteur de swing typique, un chronométreur parfait et sobre qui a assimilé systématiquement le passage au bop comme en témoignent ses enregistrements avec le Jacques Pelzer Modern Jazz Sextet (1955). Il joua souvent avec Jack Sels, en 1947 avec Toots (l’acétate existe), en 1951 de nouveau, avec Billy Desmedt (org), et deux autres sessions avec Jaap Streefkerk (alias Steve Kirk) et Sels (‘Rain on the Grand Place’ et avec Lucky Thompson). Il y a également énormément d’œuvres radiophoniques et de variété. Parmi les excellents musiciens américains qu’il a accompagnés, citons Oran ‘Hot Lips’ Page, Bill Coleman, Stuff Smith, Lester Young, Erroll Garner et Bud Powell. Après 1960, il travaille beaucoup avec Jean-Paul (p) et Joanna (voc) Vanderborght, le Victoria Band, Johnny Dover et The Brussels Jazz Gang. Il se produisit souvent avec Herman Sandy avec qui il a eu très symboliquement son dernier boulot…

Freddy Rottier Avec Félix Simtaine, Rottier (1926-1995) est le plus important des batteurs de big- band belge de l’après-guerre. Il a également ouvert la voie à la batterie be-bop dans de petites formations pour les actuels jeunes turcs. Avant de se mettre à travailler avec Jack Sels à la moitié des années cinquante (le film Meeuwen sterven in de haven , beaucoup de radio et quelques enregistrements Ronnex), Freddy jouait déjà depuis 1943 avec de Stan Brenders et dès 1945 avec Robert De Kers. En 1946, il y eut des enregistrements avec Rud Wharton (acc) (avec Toots). En 1953, il travaille avec Guy Grynrock (p) et Raymond Lauwers (s), en 1955, il enregistre avec Herman Sandy, en 1956 avec Janot Morales, en 1958 avec Willy Rockin (avec Sels). Il entretient également une étroite collaboration avec Sadi : quartette (1960-‘61), Big Band (1969- ‘72), à nouveau quartette (1976) puis le célèbre nonette (1987). Il part en tournée avec Caterina Valente et Werner Müller, commence un travail à la BRT (The Modern sous la direction de Theo Mertens et Francis Bay). En 1970, un enregistrement important : ‘Injacktion’ (Jack van Poll) avec les arrangements d’Etienne Verschueren avec qui il enregistre le lp/cédé ‘Early Spring’ en 1983. En compagnie de Roger Vanhaverbeke, il enregistre un disque avec la chanteuse Stella Marrs et deux disques Bop Friends et on le retrouve dans ‘Jazzy Tunes’ de Georges Mox (1992) et ‘Remember Adolphe Sax’ (1994). Jusqu’à sa mort, il fut membre du Vanha’s New Look Trio. Son batteur favori était Billy Cobham.

Jean Fanis A l’instar des bassistes Roger Vanhaverbeke et Jean Warland, la carrière de jazz du pianiste Jean Fanis (°Wépion 1924) couvre environ un demi-siècle. En passant par Ellington, Teddy Wilson, Nat ‘King’ Cole, Earl Hines et Erroll Garner, il a évolué jusqu’à Al Haig et Bud Powell. En 1952-1953, il a joué avec Jack Sels et Roger Vanhaverbeke en Allemagne, mais a dû décrocher à cause de problèmes aux yeux. C’est la raison pour laquelle son parcours est resté très belge : Liège, Bruxelles et Anvers, où il fait des rencontres décisives avec Roger Asselberghs et Jack Sels, à Liège avec Sadi et Raoul Faisant, à Bruxelles il est de 1953 à 1957 le pianiste maison de la Rose Noire, où il accompagne notamment Clifford Brown (en tournée avec Lionel Hampton). Il ne réalise aucun enregistrement sous son propre nom, mais deux petites faces avec Mickey Bunner (1946); des acétates avec Jack Sels and his Chamber Music (1951); les trois lp 25 cm Innovation en Jazz (1955) : n°1 avec Henri Carels et Roger Asselberghs, n°2 avec le Jacques Pelzer Modern Jazz Sextet (avec René Thomas) et n°3 avec le Herman Sandy kwartet (avec Warland et Rottier). Un an plus tard, il réalise également avec Sandy le lp Fiesta ‘Jazz For Moderns’ (avec Pelzer, Warland et aussi Jo Demuynck à la batterie), ‘Rain On the Grand Place’ (avec Jack Sels) (1958) puis avec lui également un Saxorama (1963) et quelques numéros en quartette pour la BRT (1964-65) qui paraîtront finalement sous le label Vogel. Il y eut Didian (1957) et le Willy Rockin Band (1958) et Lucky Thompson (1959). On possède aussi quelques enregistrements épars avec Sadi, Freddy Sunder ou Sandy avec le Brussels Jazz Gang et Jazz Combine avec Mike Zinzen et Patricia Beysens (1981). Jean est toujours actif et a notamment joué pour célébrer les cinquante ans de carrière de musicien de Roger Vanhaverbeke (voir ci-dessous).

Roger Vanhaverbeke Roger (°Oostende 1930) a débuté officiellement le 1er octobre 1950 avec le band de Mickey Bunner au night-club Beaulieu, sous le cinéma Palace à Liège. Pour les deux dernières représentations, il a joué en outre du violon dans le cinéma avec l’orchestre d’Emile Sulon. En organisant lui-même des tournées avec de grands solistes américains comme Harry ‘Sweets’ Edison et Eddie ‘Lockjaw’ Davis, les trompettistes , Carmell Jones, et Idrees Sulieman, les trombonistes Kai Winding, et Slide Hampton, les saxophonistes altos Sonny Criss, Sonny Stitt, Chris Woods et , les saxophonistes ténors , , Scott Hamilton, Don Byas, Lucky Thompson, Johnny Griffin et , Cecil Payne (bs), Milt Jackson (vib) et la chanteuse Deborah Brown, il épargne aux orga-nisateurs des frais importants. Il faut souligner sa tournée avec Nat ‘King’ Cole (et le frère de Lester, Lee Young à la batterie) et les représentations en trio (avec le batteur Freddy Rottier) avec Teddy Wilson, Joe Albany et John Lewis. Le plus beau compliment qu’il ait jamais reçu lui a été décerné par Roland Kirk chez Pol : ‘I want to talk to the bass player… I like your pulsation and your sound. You have the punch that I like.’ Et un autre jour : ‘Hey Vanhaverbeke, do you want to play some more ?’ Il faut aussi citer les Européens comme Stéphane Grappelli, Dany Doriz, Gianni Basso et Ronnie Ross. En réglant lui-même séjours et représentations, il a contribué au renom de ces musiciens en particulier et du jazz en général. Roger a commencé comme violoniste classique. Il a obtenu le premier prix du Conservatoire royal de Bruxelles dans cette discipline puis en violon de jazz. Malheureusement, bon nombre d’enregistrements de la BRT - avec Jean Fanis, Nic Kletchkovsky et Al Jones - ont disparu. A bon droit, Roger admire Jack Sels avec qui il jouera notamment pour le American Officers Clubs en Allemagne occupée (1952-1953). C’est là qu’Etienne Verschueren troque le saxophone ténor pour un alto. Quand Jack revient en Belgique, Roger crée ses Belgian Bluebirds avec Verschueren (as, acc), Willy Albimoor (p), Cees See (dm) et plus tard Pierre Jowat (dm). Parmi les autres Belges en tournée à l’époque, citons Al Goyens (tp), Johnny Renard (tp, vib) et Nic Kletchkovsky (b). En 1955, Roger part jouer pendant sept ans au Grand orchestre du Casino d’Ostende sous la direction de Franz Lebrun. Il se joint ensuite au big-band de la TV belge sous la direction de Henri Segers. Il travaille ensuite surtout en trio avec Jean Fanis (p) (plus tard avec Bob Porter, Tony Bauwens, Johan Clement) et Al Jones (dm) (plus tard Freddy Rottier et Luc Vanden Bosch). Ce qui fut d’abord le Al Jones trio s’appelle à partir de 1983 le New Look Trio. Roger était aussi actif sur le terrain commercial comme accompagnateur des groupes The Platters et The Golden Gate Quartet. Avec Tony Bauwens, Freddy Rottier, Nic Fissette et Etienne Verschueren, il forme en 1977 le Bop Friends. Deux lp Vogel sont édités d’urgence : ‘Live at the Mozart’ (1977) et ‘Live at the Brussels Jazz Club’ (1978). Au moment où le band reçoit une invitation de Paul Acket pour le Northsea Jazz Festival à La Haye (1980), Etienne tombe malade et doit se faire remplacer par Steve Houben. Roger Vanha reste très actif avec le New Look Trio - a musician’s musician. L’espoir d’une ère encore plus moderne

Félix Simtaine Simtaine (°1938, Verviers) est l’un des rares jazzmen belges contemporains qui me demande parfois des ‘vieux’ enregistrements : Sonny Greer ou The Drums de Jo Jones. On peut évoluer sans pour autant renier le passé. Dans son passé liégeois, il a travaillé avec Léo Flechet, Robert Jeanne, Jacques Pelzer et René Thomas ; il en existe un enregistrement de 1968. Tout comme un autre de 1970 avec Rhoda Scott (org), dont il fut pendant quatre ans l’ (unique) accompagnateur. En 1974-75, il réalise un enregistrement du super-groupe Solis Lacus de Michel Herr, en 1978 avec Freddy Deronde (b) il enregistre le triple disque de Michel ‘Ouverture Eclair’ . Il entame les années quatre-vingts avec Christine Schaller (p) et Saxo 1000 ainsi que son propre magnum opus, le Act Big Band. On trouve ses enregistrements avec le band entre 1981 et 1996. Toujours optimiste, il reste très actif au studio dans les années nonante avec par exemple Jeanfrançois Prins ( ‘NY Stories’ ), Eric Legnini et Joe Lovano ( ‘Rhythm Sphere’ ), en trio avec Lew Tabackin à l’Archiduc ( ‘Round About Five’ ). Bête de scène par excellence, il mène également pour le moment le Ten- Tamarre.

Richard Rousselet Actuellement, Rousselet (°1940) est responsable de la formation jazz du département francophone du Conservatoire royal de musique de Bruxelles. En 1960, il se fait remarquer au Festival d’Ostende en compagnie de Félix Simtaine. Sur le plan stylistique, il est polyvalent, Montreux lance réellement sa carrière. En 1969, il s’y produit avec l’orchestre international de Clark Terry (arrangements Ernie Wilkins) et reçoit même un solo. Philip Catherine s’y trouve également. Deux ans plus tard, il reçoit le prix de la presse après un spectacle avec Placebo. Plus tard (1974-75), il joue un rôle important auprès de Solis Lacus puis avec Marc Moulin et Lilith (Claudine Simon) et le Act Big Band. Premier enregistrement sous son propre nom ‘No May Be…!’ (avec John Ruocco, 1984), ensuite (1995) ‘Waitin’ For You’ (avec Jeanfrançois Prins), tous deux avec Michel Herr. Entre-temps, il a pris à Mons la direction du big-band West Music Club. Il travaille ensuite notamment avec les Sweet Substitutes (1993) et sur ses projets Ecaroh, A Train Sextet et Monk, et plus récemment à un hommage à Miles Davis de nouveau avec Herr, Jeanfrançois Prins, Bas Cooijmans (b) et Bruno Castellucci. ‘Mais j’aime également jouer les grands standards des années trente.’ C’est un excellent pédagogue et un grand défenseur du jazz en général. Exposition universelle

1950 constitue un tournant pour les offres de travail : les soldats américains rentrent à la maison (et partent en Corée…), leurs officers clubs disparaissent. Le juke-box apparaît et déloge les orchestres. C’est ainsi que la Mecque du jazz et des divertissements sur le Stadswaag a perdu tout son lustre au cours des années cinquante. Dans quelques boîtes (portant des noms bariolés) comme de Schuur, de Stal, de Zolder, de Gard Sivik, de Beddenbak, het Venushof,… on rencontre, à tous les coups, de petits orchestres de jazz (ou autre). Provisoirement seulement, parce que leur disparition est irrémédiable. Les musiciens de jazz qui ne se sont pas exilés jouent souvent pour gagner leur pain dans des orchestres de danse, tandis qu’au cours de cette moitié de décennie, le rock’n’roll envahit le pays. Il reste quelques salles qui permettent de garder l’espoir, comme la Rose Noire à Bruxelles, l’Exi, le Gruter et le Quellin à Anvers. Les musiciens préfèrent parfois la sécurité à l’incertitude : Gaston Bogart avec ses Chakachas, le guitariste Jo Van Wetter qui a remporté un grand succès avec ‘La Playa’, le guitariste chanteur Frits Sundermann se rebaptise Freddy Sunder, se retrouve dans le hit-parade avec ‘Rio Rita Boogie’ et n’est reconnu que plus tard comme musicien de jazz. Les enregistrements avec ses compagnons du band de Francis Bay (le bassiste Clement De Mayer et le batteur Armand Van de Walle) tout comme ‘The Clouds’ valent vraiment la peine que l’on s’y arrête ! Les amateurs peuvent se rendre au Palais des Beaux-arts de Bruxelles pour écouter les grands noms américains, généralement le dimanche, après un concert en matinée à Anvers. Les Pays-Bas ou Paris offrent d’autres possibilités. Ainsi, le Jazz Club d’Anvers a même organisé des voyages en autocar (avec tombola !) vers La Haye, régulièrement suivis d’un concert nocturne à Amsterdam. Ella, et même Billie Holiday, Basie, Ellington, le Jazz at the Philharmonic viennent sur le continent. En 1959, Armstrong a joué toute une semaine à la Oud België d’Anvers, comme il était de coutume aux States. L’exposition universelle de 1958 à Bruxelles a également donné quelques nouvelles impulsions, malheureusement éphémères, au jazz, pas seulement grâce aux concerts de Benny Goodman et Sidney Bechet mais aussi et surtout grâce à de nombreux nouveaux enregistrements de musiciens belges sous des labels comme Fiesta, pour la série Innovation en Jazz et surtout Decca avec ‘Jazz in Little Belgium’ . Omega (sous- label de la maison belge Decca) et Philips ont engagé pour le Francis Bay Big Band les arrangeurs Bert Paige (Albert Lepage) et Peter Laine (Marcel Peeters) pour faire enregistrer pendant l’année de l’expo des lp dont les plages seraient associées avec Duke Ellington, Tommy Dorsey ( ‘Salute to…’ ), Ted Heath, Artie Shaw ( ‘Swing Low, Great ’ ), Glenn Miller et Benny Goodman. Et aussi des cha cha cha… Avec Edmond Harnie, Louis Dehaes et Charlie Knegtel (également très actif sous le label Ronnex), le band possède d’excellents trompettistes. La section saxo forme avec Frans L’Eglise, Jef Verhaegen, Benny Couroyer, Pros Creado et Guy Dossche le futur Saxorama, dont Jack Sels enregistrera onze sessions (avec Emile Chantrain au lieu de Verhaegen). Jean Evans est le pianiste de Bay, Sunder le guitariste. Bay est le précurseur du futur orchestre de jazz de la BRT. Pendant l’Expo a été organisée une journée du jazz belge. Les années soixante et suivantes

Dans les années cinquante, Sidney Bechet était très populaire. Il a joué à l’Expo et on le voyait régulièrement sur les chaînes de télévision nationales de même que d’autres comme ‘Hot Lips’ Page, Peanuts Holland, Nelson Williams (tous trompettistes) et Kansas Fields (dm). Etrangement, les concerts de Lionel Hampton ont rassemblé autour de 1955 les premiers ‘jazzhooligans’ qui détérioraient des salles. Le tendre Hamp a enregistré ses versions de ‘Toen onze mop…’, ‘Zeg kwezelken’ et ‘Sarie Marais’. A l’Expo Benny Goodman a joué ‘Obsession’ (David Bee) et la ‘March of the Belgian Paratroops’ (Pieter Leemans). ‘La Petite Valse’ de Joe Heyne a été reprise par Erroll Garner et Duke Ellington. Parmi les musiciens de premier plan que nous n’avons pas encore cités dans cet ouvrage, mentionnons (en 1958-1960) Milou Struvay (tp), Johnny Renard (tp, vib), Alex Scorier (ts), Jean-Pierre Gebler (bs), Joel Van Drogenbroeck (p) (qui allait travailler avec le tromboniste suédois Eje Thellin), Jean Beurlys (alias Blaton) (g), José Bedeur (b) et José Bourguignon (dm) (parti au Canada avec René Thomas). Plus tard au cours des années soixante, la BRT a organisé (encore Gistelinck) une série de ‘Jazzpanorama’s live’ au cours desquels on a pu admirer Babs Robert (ts) et Robert Pernet (dm). L’un des plus brillants élèves de Raoul Faisant fut le Liégeois Michel Dickenscheid (ts) qui entrera dans l’histoire surtout comme un excellent technicien du jazz : les premiers disques de Michel Herr (‘Ouverture Eclair’ ), Saxo 1000 (une idée de Jean-Marie Hacquier), le premier Guy Cabay, ‘Mauve Traffic’ (label : MD). Fin des années soixante apparaît le Free Jazz, décrit plus subtilement par Willem M. Roggeman comme le ‘more free jazz’. Citons aussi Fred Van Hove (p, org, acc), en 2002 toujours fidèle à ses idées et à l’improvisation libre européenne à ne pas confondre avec le Free Jazz amércain. Lisez ici le passage sur WIM et n’oubliez pas André Goudbeek (as, ban). Entre- temps, la période de festivals d’été ‘sur l’herbe’ est déjà bien entamée... ou déjà révolue.

La nouvelle tendance : les festivals

Comblain La popularité du jazz s’est regonflée grâce aux festivals de jazz en plein air. Le premier festival de jazz digne de ce nom s’est déroulé en 1948 à Nice. Newport, Rhode Island ont entraîné le jazz en plein air à partir de 1954. Le premier (et le plus dynamique) festival en Belgique a été celui de Comblain-La-Tour (1959-1966). On trouve des informations précises dans les anciens numéros du magazine Jazz in Time, dans le livre Jazz à Liège et/ou à la Maison du Jazz de Liège. Il a démarré un an avant Antibes-Juan-les-Pins et a été pratiquement tous les ans généreusement arrosé par la pluie. Chet Baker y était dès la première année. A l’époque, Léo Souris avait composé un Comblain Concerto pour son New Jazz Group. Une série imposante de musiciens américains y ont joué : Cannonball Adderley (‘Cannon Ball Edely’ dans la presse mal informée), John Coltrane, Jimmy Smith, Stan Getz, Paul Bley, Andrew Hill, Bud Powell, Ray Charles, Memphis Slim, Benny Goodman, et Bill Evans. Mais les Belges aussi ont été largement programmés : René Thomas, Jacques Pelzer, Bobby Jaspar, Sadi, Jack Sels, Francy Boland, Roger Vanhaverbeke, et en 1962 Philip Catherine alors âgé de 20 ans. Des jams de clôture se déroulaient également au Jazz Inn et à la Côte à l’Os à Liège. En 1962, la commercialisation va bon train, réservant une place encore plus large à la pop de l’époque, ce que les spectateurs n’apprécient pas toujours. D’autant que les mesures de sécurité (barbelés) sont renforcées. En 1966, le festival est à sa dernière édition même si, en 1961, il a surpassé, avec ses 30.000 spectateurs, le . Quelques essais de relance ont été tentés en 1969 et de 1985 à 1990. L’artisan de Comblain était Jean-Marie Peterken qui a également démarré en 1991 le Festival International de Jazz à Liège et qui devint, trois ans plus tard, responsable avec Jean-Pol Schroeder de la création de la Maison du Jazz à Liège.

Bilzen Theo Boelen a créé le Jazz Bilzen en 1965 soit avant le déclin de Comblain. Au départ, seul le jazz y était présenté (seul Ferre Grignard dans le rôle du vilain petit canard). On a très vite opté pour un mélange, pas toujours heureux, de jazz et de rock, même si les deux dernières années (1980 et 1981) le programme reposait sur d’autres données. Au cours des années, des grandes pointures du jazz s’y sont produites : Zoot Sims, Archie Shepp, Ornette Coleman, Charlie Mingus, Sonny Rollins, et Dizzy Gillespie. Parmi les Belges, on a vu notamment Robert Pernet comme batteur avec le Babs Robert Quartet tant à Comblain qu’à Bilzen. Jazz Bilzen a connu un sursaut en 1998. Un festival unique s’est tenu en 1968 à Amougies, du côté francophone du Mont de l’Enclus. Des musiciens de renom qui y ont pris part, comme Archie Shepp et le Art Ensemble of Chicago ont ensuite contribué au catalogue de BYG à Paris. Cela ressemblait davantage à un (jazz) en miniature avant la lettre.

Jazz Middelheim Jazz Middelheim est né le 17 mai 1969, jour où la BRT (sous l’impulsion d’Elias Gistelinck), les promoteurs de Middelheim et Jeugd en Muziek Antwerpen ont organisé un concert-promenade de jazz – sous la pluie comme à Comblain – avec le sextette de Nathan Davis (avec Etienne Verschueren et Jan Wroblewski), le quartette de Charles Tolliver et le quintette Eje Thellin avec . Un an plus tard, un gigantesque chapiteau protégeait la foule de la pluie. La crème du more free jazz/improvisation libre européenne s’y trouvait : Willem Breuker, Willem van Manen, Han Bennink, Malcolm Griffiths, , Buschi Niebergall et Fred Van Hove. Fred y était encore un an plus tard, tout comme Paul Van Gysegem, John Tchicai et deux compagnies de jazz-ballets, l’une d’Etienne Verschueren (avec l’orchestre de jazz de la BRT) et l’autre de Theo Loevendie. En 1972, le festival s’est étendu à deux jours, toujours en mai dans le parc-musée du Middelheim. Parmi les personnalités, il y avait , Ian Carr (avec Nucleus) et Jan Garbarek. Walter Boeykens dirigeait aussi l’harmonie du conservatoire de musique d’Anvers. En 1973, le festival déménagea pour un endroit plus spacieux (exempt de statues…) dans le parc Den Brandt tout proche et fut déplacé au 15 août. Le programme était exceptionnel : le Thad Jones-Mel Lewis Big Band, Sonny Rollins (également avec René Thomas en invité), Dizzy Gillespie et M’Boom Re Percussion sous la direction de Max Roach. En l’honneur de Jack Sels, on réalisa une recréation de Saxorama, avec Etienne Verschueren et Nathan Davis comme solistes. Jazz Middelheim s’est poursuivi tous les ans jusqu’en 1981. Il devint ensuite biennal pour des raisons budgétaires et on se mit à la recherche de nouveaux grands sponsors. Pour combler le trou, le Left Bank Festival , entreprise mégalomaniaque et fiasco financier, fut organisé en 1984. Depuis 1998, un Park Jazz -festival d’une journée se déroule à Courtrai (à ne pas confondre avec l’annuel Jazz in ’t Park de Gand, où en 2002 un vaste Blue Note Jazz Festival a été organisé au Bijloke et sur le Gravensteen). Jazz Brugge 2002 est nouveau et devrait se réorganiser dans deux ans. Il a été mis sur pied par De Werf dans le cadre de l’année 2002 au cours de laquelle Bruges fut la capitale culturelle de l’Europe. Logiquement, cette première édition ne présente que du jazz européen. Fin de la crise ?

Clarke-Boland La nouvelle musique ‘légère’ – rock and roll, twist puis soul – a infligé au jazz au début des années soixante un revers sévère et pratiquement mortel. Même si Bobby Jaspar joue avec Miles Davis et René Thomas avec Sonny Rollins, cela n’intéresse guère de monde dans notre pays. Jaspar est mort jeune à New York, Thomas commence à sortir de l’anonymat grâce à ses liens avec Chet Baker et son engagement par Stan Getz (avec Eddy Louiss et Bernard Lubat). Les musiciens belges essaient encore de percer à l’étranger, surtout dans le nouveau ‘paradis’ allemand : le WDR Big Band, le RIAS Tanzorchester, Werner Müller, Kurt Edelhagen, Caterina Valente. Jean Warland (b), Freddy Rottier (dm), Jo Demuynck (dm), René Goldstein (b), Janot Morales (tp), Nic Kletchkovsky (b), Francis Coppieters (p), Eddie Busnello (as, bs), Christian Kellens (tb), Freddy Lhost (cl), Bruno Castellucci (dm), Francy Boland (p, arr) et Etienne Verschueren (as) en sont les invités fort prisés. En 1961, Gigi Campi décide d’engager dans son salon de dégustation de glaces de Cologne un jazz-band au lieu de l’habituelle musique de cocktail. Ce fut le début du (Kenny) Clarke - (Francy) Boland Big Band (CBBB), composé des meilleurs musiciens de jazz européens et de quelques Américains résidant ou de passage sur notre continent. Comme Belges, seuls Boland (originaire de Edelhagen) et Sadi en font plus ou moins partie régulièrement. On peut écouter Jean Warland sur un disque avec Stan Getz, ainsi que Edmond Harnie qui s’y trouve aussi au début. En Belgique, l’orchestre de la RTB d’Henri Segers a été dissous, mais il reste encore la radio néerlandophone, la BRT.

BRT JO Il fut un temps où les stations de radio possédaient leur propre big-band et même leur propre orchestre de jazz. Il en reste des exemples en Europe comme le WDR et le NDR Big Bands, et au Danemark le DRJO… Le BBC Big Band (1995) et le BRT JO (1991) appartiennent maintenant à la légende. Par contre, en France, il existe l’ONJ, Orchestre de jazz national et subsidié. Le premier orchestre radiophonique belge (de jazz) fut celui de l’INR en 1936 (Stan Brenders). En 1965, Etienne Verschueren est nommé directeur du BRT-Big Band, qui devient, deux ans plus tard, un jazz combo avec une formation de dix personnes, puis se transforme en un jazz big-band sous l’impulsion d’Elias Gistelinck. En 1971, l’orchestre de jazz de la BRT se produit pour la première fois au Jazz Middelheim et devient, à partir de 1973 ‘l’orchestre maison’. Gistelinck veillait non seulement à sélectionner ses invités, mais organisait aussi une série impressionnante d’enregistrements en studio avec des vedettes américaines comme Slide Hampton, Phil Woods, Benny Bailey, Nathan Davis, Kai Winding, , James Moody et des grands noms européens comme Jan Wroblewski, Zbigniew Namyslowski, Ferdinand Povel et Martial Solal. Le BRT JO a donné une série de concerts (éducatifs) et a entrepris des tournées au Zaïre, en Tunisie, au Sénégal, en Allemagne et en Union soviétique. Des considérations d’ordre financier ont cependant forcé l’orchestre à se dissoudre. Entre- temps, le Brussels Jazz Orchestra prouve qu’un orchestre bien structuré peut vivre, même dans une conjoncture économique moins favorable. Au cours des années, Edmond Harnie, Nick Fissette, Janot Morales, Bert Joris et Jef Coolen (tp), Frans Van Dijck, Paul Bourdiaudhy, Marc Mercini (Mestrez) et François Hendrickx (tb), José Paessens, Emile Chantrain, Frans L’Eglise, Benny Couroyer, Pros Creado, Eddy Devos, Vic Ingeveldt, Jacky Eddyn, Peter Vandendriessche et Guy Dossche (anches), le vibraphoniste Sadi, et la section de rythme Tony Bauwens, Bob Porter (p), Freddy Sunder (g), Nic Kletchkovsky parfois Roger Vanhaverbeke, Bart De Nolf (b), Armand Vandewalle, Bruno Castellucci, Tony Gyselinck (dm) ont notamment fait partie de l’orchestre.

Etienne Verschueren Etienne (1928-1995) appartenait à la génération de Jack Sels avec qui il a joué dans les années cinquante sur les bases militaires américaines en Allemagne. Il a débuté dans le trio de Willy Albimoor et, tout comme Jack Sels (mais plus tard) il a fait partie du band du tromboniste Mickey Bunner. Il avait également commencé comme accordéoniste. Il a joué avec le big-band de Janot Morales, mais on le voyait aussi régulièrement à la Rose Noire à Bruxelles. En 1959, il devient membre du Big Band d’Henri Segers à l’INR, qui gagne, avec sa composition ‘Suite en Seize’ (avec Sadi dans l’un des rôles principaux) en 1963 la Rose de bronze de Montreux (TV). La même année, il est aussi recruté par la BRT, où il deviendra plus tard chef du BRT JO. Notons encore son importante contribution aux Bop Friends, avec Nic Fissette (tp), Tony Bauwens (p), Roger Vanhaverbeke (b) et Freddy Rottier (dm). Pour des raisons de santé, il se fait remplacer par Steve Houben. Les mêmes pro-blèmes le forcent prématurément à arrêter de jouer en 1985. S’il enregistrait beaucoup (pour la BRT), on ne possède, comme pour Jack Sels, que peu de matériel qui lui soit propre. Le plus courant est le LP/cédé ‘Mister Blue’ , son sobriquet. Une suite prête pour la production n’a pas été éditée. Il y jouait aussi de l’orgue et avait prévu de réaliser l’un de ses meilleurs arrangements, la suite ‘De Fiertel’ pour orchestre de jazz sur des chansons populaires des Ardennes flamandes. Sans oublier ses avancées moins connues vers le more free jazz …

WIM asbl Les Lundis d’Hortense et le Werkgroep Improviserende Musici (WIM) sont tous deux nés d’une nécessité, même si celle-ci était de nature différente. Mais ils sont tous deux gérés par les musiciens eux-mêmes. Lorsqu’ils apparut que pour le Jazz Middelheim 1972 les cachets des participants américains étaient bien plus élevés que ceux des Belges, les interprètes de musique improvisée refusèrent de monter sur la scène. Mieux encore, il se rassemblèrent sous la férule de Fred Van Hove et André Goudbeek dans le WIM et s’organisèrent pendant plusieurs années sous la forme d’un anti-festival de Free Music se déroulant au même moment. Plus tard, il fut déplacé au premier week-end d’août pour éviter la concurrence. L’objectif du WIM a toujours été d’améliorer la situation de l’improvisation musicale. Il a même été établi un ‘Plan pour le jazz en Belgique’ mais aucun ministre de la Culture n’a réagi à la demande de subsides pour les concerts, festivals, lieux de répétition, possibilités d’enregistrements, création de groupes ou de plus grandes formations et bourses d’études. En 1985, le WIM a reçu un subside relativement raisonnable qui ensuite a été réduit à deux reprises d’un tiers et n’a été versé, en 1997 (Free Music 24) qu’après le festival, forçant ses organisateurs à le repousser en novembre. Grâce à un sponsoring privé, le label WIMpro a pu être conservé. Les années septante et suivantes

On garde en mémoire des concerts d’improvisation musicale au Château des Comtes de Gand et les premiers jours de gloire du New Orleans Jazz, près de là. Jean-Pol Schroeder remarque que par analogie, par exemple, avec Weather Report et le , on utilise moins les noms d’orchestre reprenant le nom du leader. Cela donne chez nous Placebo (1970-‘75) avec Marc Moulin (p), Richard Rousselet (tp), Nic Fissette (tp), Alex Scorier (ts), Johnny Dover (bs), Freddy Rottier (dm), Garcia Morales (fils de Janot) (dm), et Cosa Nostra (1971-‘73) avec le Néerlandais résidant en Belgique Jack van Poll (p), l’Américain résidant aux Pays- Bas Charlie Green (tp) ainsi que Robert Jeanne (ts), Freddy Deronde (b) et Félix Simtaine (dm). Ajoutons le premier groupe dans ce style de Michel Herr (p), Solis Lacus (1973-‘75) également avec Rousselet, Jeanne, Nic Kletchkovsky (b), Simtaine ou Bruno Castellucci (dm). Steve Houben (as, fl) démarre avec Mauve Traffic et Open Sky Unit, dans lequel il inclut en règle général ses amis américains comme Bill Frisell (g). Un groupe important rassemblé autour de Charles Loos fut Abraxis, un autre COS (1974-‘79), dans lequel Pierre Van Dormael (g) apparaît à la fin. Vers la fin des années quatre-vingts, Van Dormael forme avec Fabrizio Cassol (as), Michel Hatzi (b) et Stéphane Galland (dm) Nasa Na, le précurseur direct de Aka Moon (1992). Parmi les groupes intéressants des années quatre-vingts, citons Lilith rassemblé autour de Claudine Simon (p) et Baklava avec Gino Lattuca (tp), Michel Massot (tb, bb) et Michel Debrulle. Les jours du Trio Bravo et du Trio Grande approchent. Entre-temps, le LP a fait long feu (provisoirement et certainement pas définitivement) : voici le cédé (voir : ‘De nos jours’). Mais il y a aussi le ‘jazz d’antan’.

Les Lundis d’Hortense Cette association unique de musiciens pour les musiciens a été fondée il y a environ un quart de siècle (1976) suite à des réunions hebdomadaires qui se tenaient le lundi dans la maison communautaire baptisée Villa Hortense à Hoeilaart. Une trentaine d’artistes font partie des LDH à leur création, dont les musiciens de jazz Charles Loos, Michel Herr, Bruno Castellucci, Richard Rousselet, Robert Jeanne et Marc Moulin. Leur premier objectif consiste à promouvoir et à diffuser leurs productions et à faire reconnaître le statut de l’artiste – souhait qui n’est pas encore tout à fait exaucé. Une première tentative avait donné naissance à l’Onyx Club. A partir de 1980, les LDH deviennent une association de musiciens de jazz exclusivement. Son objectif consiste alors à enseigner le jazz et à organiser des concerts dans les Halles de Schaarbeek. Herr devient le premier ‘président du jazz’ (1980-‘84). Des groupes belges sont également envoyés à l’étranger et un festival mémorable est organisé en 1983 à Woluwé Saint-Pierre. A partir de l’année suivante, le festival se tiendra au Botanique et prendra le nom de Jazz au Botanique. A partir de 1995, la semaine de stage Jazz au Vert est organisée et l’année suivante naît l’idée d’un Jazz-Tour. Entre-temps, la première Maison du Jazz belge est installée avec bibliothèque, discothèque, salle d’étude et de répétition. Elle s’adresse surtout aux musiciens. Le concept était un peu mégalomaniaque… Le plan d’assainissement n’a gardé que le festival, le Jazz-tour, les Midis Jazz au Conservatoire (concerts en solo), l’organisation du programme du dimanche sur la Grand Place de Bruxelles pendant le Jazz Marathon, le Jazz au Vert et l’unique site web (administration Ilan Oz). Et bien sûr la lutte persévérante pour le statut. En dépit du démarrage assuré par les francophones, les LDH sont une organisation pour et avec tous les musiciens de jazz belges ‘Le jazz d’antan’

Way down yonder… La Nouvelle Orléans. Ce style de jazz est encore très populaire en Flandre. En partant de Bruxelles vers le Sud, c’est pour le jazz Dixieland que l’intérêt grandit avec, au pinacle, dans les années cinquante les Dixie Stompers avec Jean-Paul Vanderborght (p) et Albert Langue (tp) de Mons. Nouvelle Orléans est synonyme de mouvement de renaissance : la ‘deuxième génération’ américaine qui, juste avant 1940, a été active sous l’impulsion de Sidney Bechet (cl, ss) puis de Bunk Johnson (tp), Jim Robinson (tb), Louis Nelson (tb), George Lewis (cl). C’est à Gand que l’on trouve la base du prolongement belge de cette branche du jazz. Le grand critique et connaisseur Walter Eysselinckx a donné des cours en s’appuyant sur sa collection de disques qui, pour l’époque était exceptionnelle, et s’est intéressé à une série de musiciens comme ‘Pitou’ Pierre Claessens (cl), Walter De Troch (p, bjo) et Pol Gevaert (b). Claessens a fondé le premier orchestre de ce style : The New Orleans Roof Jazzmen (1957) dans le salon de dégustation gantois Veneziana, proche du Château des Comtes, où a notamment joué Jacques Cruyt (tp), futur leader du Cotton City Jazz Band . Ces deux bands existent toujours, mais Cruyt est décédé. Au Cotton, on peut écouter Romain Vandriessche (tb). Rudy Balliu (cl, premier tp) s’y est joint pour un temps, mais ensuite a créé les Rudy Balliu Society Serenaders . Entre-temps, en 1961, débutait à Courtrai un festival de jazz qui existe encore et qui est devenu le plus ancien du pays - le Golden River Jazz Festival , annexe du Golden River City Jazzband . Un an plus tard naissait à Termonde le Jeggpap New Orleans Jazzband sous la direction de Bert Heuvinck (cl). Emiel Leybaert (dm) en fait toujours partie. Aujourd’hui les termes ‘New Orleans’ ont été escamotés dans le nom de l’orchestre parce que le style a évolué vers le swing (voir ce titre). Le même phénomène s’est produit pour le (New Orleans) Train Jazzband d’Alajos Van Peteghem (tb) du pays de Waas, à Tamise- St.-Nicolas. A Klein-Willebroek, sur le Rupel, le Fondy Riverside Bullet Band des frères Camiel (tb) et Johnny (tp, voc) Van Breedam s’est installé dans la (première) Veerhuis (1970). Le batteur actuel - Philippe De Smet - leader du Big Easy Brunch a ouvert le club ‘t Ol van Pluto à Horebeke. Le Fondy a fêté son trentième anniversaire (2000) à la Nouvelle Orléans, notamment par l’enregistrement d’un cédé à l’Audiophile Studio de George H. Buck. C’est aussi ce qu’a fait Rudy Balliu, de même que Norbert Detaeye (p, voc) qui, en 1995 a enregistré une partie de son cédé ‘Jesus On the Main Line’ avec le Lois Dejean Gospel Choir . Detaeye est un personnage étrange dans ce contexte. Après avoir travaillé 20 ans comme pianiste du Jeggpap New Orleans Jazz Band , il a entamé un programme en solo de musique de la Louisiane du Sud intitulé Songs of the South , complété aujourd’hui par les Religious Songs . Il dirige également les Gumbo Four , un quartette N.O. se composant notamment de Bruno Van Acoleyen (tp), qui joue ou qui a joué dans tous les bands flamands de style ancien. Un autre excellent trompettiste, Joris De Cock, est parti à Cologne, et le batteur Didier Geers en Suède. Detaeye a édifié à l’université de Brasov (centre de la Roumanie) une médiathèque qui porte son nom. Il fait également partie (avec Pierre Claessens) de la formation de circonstance The Original Patershol Ragtimers . Le Patershol est un vieux quartier non loin du Château des Comtes, dont Norbert est le bailli… Parmi les personnalités marquantes du phénomène Nouvelle Orléans, il faut mentionner Maurice Van Eyck. Jean-Paul De Smet, co-fondateur du Lazy River Jazz Club (Gand) et grand marshall du Black Diamonds Brassband organise des voyages réguliers (presque des ‘pèlerinages’) au Crescent City (Nouvelle Orléans). Les prix de ces bands et la situation économique font que la grande époque des prestigieux festivals old style (Honky Tonk Jazz Festival de Termonde et Lazy River Jazz Festival à Gentbrugge, à partir de 1971) est révolue. Le festival de Gentbrugge existe toujours, mais dans une version atrophiée, de même que celui de Courtrai. Le Cotton City Jazz Band a longtemps invité les grands musiciens américains de la Nouvelle Orléans (entre-temps décédés) pour des spectacles et des enregistrements. Jeggpap et Fondy l’ont fait dans une moindre mesure. Parmi les invités permanents de tous les orchestres flamands, on trouve la vedette anglo-américaine, archétype adoré du public, Sammy Rimington (cl, ts). Le jazz ancien style flamand est entré dans le 21ème siècle.

It Don’t Mean A Thing… Pour le jazz belge, les années trente sont un âge ‘d’or’. Le pays célèbre son centenaire, en 1932 paraît le livre de Robert Goffin Aux Frontières du Jazz et le Jazz Club de Belgique voit le jour. Les salles comme le Palais des Beaux-Arts et la Madeleine à Bruxelles ouvrent leurs portes au jazz. Dans le courant de cette décennie (et au cours de la suivante), de nombreux musiciens se révèlent comme les trompettistes Robert De Kers, Gus Deloof et et les saxophonistes Fud Candrix, Jean Robert et Bobby Naret. C’est l’époque des trois grands big-bands : Brenders, Omer, Candrix. Après la guerre, on enregistre un certain ‘ralentissement’ dû à l’arrivée du be-bop – les nouveaux disques n’étaient pas disponibles directement dans notre pays et les musiciens ne se rendaient pas couramment à New York. La valeur sûre du jazz reste le mainstream, interprété par les formations comme celles de Willy Rockin, Janot Morales, Eddie De Latte, Francis Bay, Henri Segers et plus tard, l’orchestre de jazz de la BRT, mais l’évolution est évidente. Un important ‘retour aux sources’ se produit lorsque le Belgian Swing Band exécute, à l’occasion du Jazz Hoeilaart 2000, des arrangements de Bee, Packay, De Kers,… La place qu’occupe Roger Asselberghs (cl, bs) est essentielle : il a appuyé les idées de Benny Goodman et Buddy De Franco et a fait partie, en tant que saxophoniste baryton, du mouvement précoce du bop belge qui évoluait autour de Jack Sels (ts). Même s’ils ne figurent plus parmi les intérêts prioritaires, le swing et le mainstream restent encore consi-dérablement actifs en Belgique. Nous commencerons la rétrospective en citant trois situations mettant en scène les pères et les fils : Willy Donni (g) (série de concerts éducatifs avec son propre quartette, propriétaire pendant un temps de son propre De Begijnenzolder à Malines), joue régulièrement au Caveau de la Huchette et au Slow Club à Paris. Son fils André (ts, cl) est l’un des rares jeunes musiciens de jazz belges - avec Dirk Van der Linden (g, org, p) - capable de s’exprimer parfaitement dans le style swing. Vincent Mardens (ts, as) est le fils de Vivi Mardens (dm). André Van Lint (p) a notamment joué avec le regretté Pol Closset et Léon ‘Podoum’ Demol. Le fils de Jean Van Lint (b) se situe dans le style de Slam Stewart et Paul Dubois. Jimmy Vandorpe s’affirme en tant que bassiste all-round. Paul Dubois (b) est l’un des plus importants musiciens de l’histoire du jazz belge d’après-guerre. Il a notamment fait partie du Victoria Jazz Band fréquenté par de nombreux musiciens encore actifs (en grande partie)dans le domaine du swing : Herman Sandy (tp), André Knapen (tb), Phil Abraham (tb), André Ronsse (ts, cl), André Van Lint (p), Alain Lesire (p) (aussi au Cotton City Jazz Band), Jean-Pierre Liénard (g, bjo) (engagé dans les Dixie Ramblers avec notamment Daniel Pollain (ts), Ferry Devos (b), Vivi Mardens (dm) et Rudy Frankel (dm) décédé en 2002. Les années nonante ont vu fleurir le Sweet Substitutes Band de Dubois avec Richard Rousselet (tp), Phil Abraham (tb), André Donni (ts, cl), Charles Loos (p), Paolo Radoni (g) et Luc Vanden Bosch (dm). Des bands encore actifs dans ce genre sont Buster and the Swing (René De Smaele-t, André Ronsse-cl, ts, Marc Herouet-p, Daniel Zanello-b et Bob Dartsch-dm), The Swing Dealers (Vincent Mardens-ts, as, Pascal Michaux-p, également spécialiste de l’orgue et de divers instruments à anches, Jean Van Lint-b et Jan de Haas-dm) et le Brussels Little Big Band (avec Alex Scorier-as, ts, Johnny Dover-bs et Hinderik Leeuwe-tp). Scorier et Dover ont dirigé des orchestres tout au long de leur carrière. Dover créa l’un des premiers ensembles comprenant les cinq saxos plus un section rythmique. Citons encore le trio mainstream de Roger Vanhaverbeke, accompagnateur et promoteur par excellence des solistes américains et historiquement plus ancien (tout d’abord avec les regrettés Al Jones-d et Freddy Rottier-d, actuellement avec Luc Vanden Bosch-dm); le Jeggpap Jazzband (dont les leaders sont Peter Verhas-ts,cl et parfois Freddy Sunder-g, voc) et le Dynamite Trio (avec Eddy Murlot-p, Willy Donni- g et le batteur all-time Charlie Pauwels - aussi connu sous le nom Tony Dynamite). Dans les autres orchestres de Dynamite, certains adeptes du swing ont également joué dont Camille De Ceunynck (p) qui a gagné un premier prix en 1953 à Paris avec le Hot Club du St.-Niklaas Big Band (de Willy Hermans) mais a dû raccrocher pour des raisons de santé. Curt Bulteel est un jeune pianiste extrêmement dynamique (il joue pour le moment avec le trio de Jean Warland-b). Parmi les guitaristes émules de Django, mentionnons Fapy Lafertin, Jokke Schreurs et Koen De Cauter – également excellent saxophoniste soprano et ténor. Jan De Coninck (tp) et Pol Jaspers (ts), tout comme Herman Van Spauwen (cl), ancien leader du Deep Creek Jazzuits (de Diepenbeek) sont également très ac-tifs. Joop Ayal est d’origine indonésienne, mais a été adopté en Belgique. Patrick Wante (dm) (‘A Drum Is A Woman’ avec Jokke Schreurs et André Donni, arrangement pour quartette de la version intégrale de la ‘Far East Suite’ de Duke) mérité également d’être cité. Parmi les Swingcats belgo-néerlandais, on retrouve Dirk Van der Linden (g, p) et Karel Algoed (b). Renaud Patigny (p) est un spécialiste du boogie-woogie. Jean-Paul Vanderborght (p) (‘Jean-Lou’) a dirigé différents groupes avec Henri Carels (tp) et Willy Donni (g). Plus loin dans la liste, nous trouvons les Bab’s / Babs’ All Stars d’André ‘Druss’ Lecomte (ou ‘Babs’). Eddy Devos (as, ts) est polyvalent. Le West Music Club de Mons de Richard Rousselet (tp, arr, lead) le big-band qui reste le plus proche de l’idiome du swing. Jusqu’à tout récemment, son équivalent flamand était le Jos Moons Big Band . En 2001, le projet ‘Olie op Duke/doek’ de Benjamin Boutreur (as) avec notamment André Donni (ts, cl), Thomas De Prins (p), Nico Schepers (tp) et même Félix Simtaine (dm) et Bart Maris (tp) fut une révélation : ce sont des reprises de morceaux d’Ellington datant de 1927-1931 qui s’inscrivent dans un récit amusant de l’acteur Dimitri Leue. A Anvers, le Antwerpse Jazz Club (pour les musiciens afro-américains négroïdes d’avant-guerre et leurs proches successeurs dans la sphère de pensée du critique français Hugues Panassié) et le USA Jazz Club composé notamment de musiciens belges (donnant des concerts live mensuels) tentent de remettre à l’honneur le . A Bruxelles, le Cercle Sweet and Hot travaille en parallèle avec le J.C. d’Anvers. Durant quelques années, ils ont édité un magazine très intéressant intitulé Le Point du Jazz . En conclusion

Il ne m’a pas été possible de citer tous les noms des musiciens belges de jazz. C’est pourquoi, j’invite le lecteur à consulter l’index de la discographie de Pernet ou le site web www.jazzinbelgium.org. Le personnage le plus marquant de l’histoire du jazz belge d’après-guerre est assurément Toots Thielemans qui, par son aura universelle et sa présence permanente dans notre pays, en constitue incontestablement le fil rouge. Si vous voulez collectionner les jeunes talents, optez pour les nombreux groupes actuels et surtout le BJO, véritable modèle en la matière. La suite de cette histoire est en de bonnes mains.

PORTRAITS DE MUSICIENS ET GROUPES BELGES Jempi Samyn

Phil Abraham

Phil Abraham est né à Mons en 1962. Il habite toujours dans un village rural, dans la région de La Louvière, où il a grandi. Après sa formation classique (piano, guitare et harmonie), Phil Abraham a soudainement ressenti un intérêt très marqué pour le jazz. Il était surtout fasciné par le trombone, sur lequel il va immédiatement jouer en autodidacte. Phil Abraham, qui se désigne lui-même aujourd’hui comme un soliste moderne, s’est approprié tous les styles de jazz, en jouant avec des artistes comme e.a. Clark Terry, Toots Thielemans, Anthony Jackson, Deborah Brown, Benny Bailey, Maria Schneider, Paolo Fresu, Art Farmer, , Falvio Boltro, Henri Texier, Michel Legrand, , Klaus Weiss, William Sheller et Lucky Peterson. Phil Abraham, par ailleurs excellent chanteur en scat, est très demandé par les big- bands. Il est un des solistes réguliers de l’Act Big Band et de Ten-Tamarre de Félix Simtaine, mais aussi du VRT Big Band, ainsi que, comme premier belge, d’une des dernières versions de l’Orchestre National de Jazz. Phil Abraham a également remplacé dans le sextet de . On peut aussi l’entendre dans la section des souffleurs, sur ‘Jazznavour’ de Charles Aznavour. De tous ses cédés (jusqu’ici cinq sous son nom), son préféré est ‘Fredaines’ (Lyrae Records), publié en 1999. Il y est accompagné par Frédéric Favarel (g) et (b). Phil Abraham enseigne au Conservatoire Royal de Bruxelles, et donne régulièrement, ici et là, des masterclasses et des séminaires.

Phil Abraham : ‘Dans notre famille, cela semblait tout doucement être une habitude d’envoyer les enfants à l’académie pour y apprendre la musique. Comme mes grands- parents l’avaient fait avec leurs enfants, nous avons été, mon plus jeune frère Christophe et moi-même, envoyés à l’académie de La Louvière. J’avais choisi la trompette parce que s’était l’instrument favori de mon père. Mais, quand je suis rentré avec à la maison, mon père m’a demandé si je n’aurais pas préféré choisir un autre instrument. J’ai alors admis qu’en fait, j’aurais préféré jouer du piano. Comme nous avions quand même un piano à la maison, il a suffi que je ramène rapidement la trompette, même si on aurait mieux fait de la garder, car plus tard, mon frère allait opter pour cet instrument. Je dois ma première rencontre avec le jazz à mon cousin qui possédait une collection impressionnante de disques de jazz. Il créera plus tard La Maison du Jazz à Mons. J’ai souvent joué en duo avec mon cousin, lui-même joueur de banjo. Vers l’âge de quinze ans, après avoir encore un peu joué de la guitare, j’ai créé un petit orchestre de jazz. Les endroits où nous jouions n’étaient pas toujours très encourageants. Il s’agissait parfois de maisons de retraite. Ce qui décevait presque toujours, c’était l’état du piano. Voilà une des raisons pour lesquelles, un beau jour, j’ai commencé à étudier le trombone. Au début, sur un trombone à pistons, que mon père détenait toujours de sa jeunesse. Mais ensuite, j’ai quand même pris un trombone sans pistons, un Amati de Tchécoslovaquie. En passant d’un groupe de dixieland à un autre - je jouais alors dans des clubs et des cafés, mais aussi à l’occasion de mariages, de croisières et pour des parades en rue - j’ai automatiquement rencontré de nombreux musiciens de jazz qui ne se cantonnaient pas au style dixieland. Des gens comme Alex Scorier m’ont par exemple, rapidement fait connaître un jazz plus moderne, et même avant de m’en rendre compte, je jouais du swing et ensuite du be-bop. Pendant une période, aux Pays-Bas, j’ai même joué du free-jazz. Dès le début, je me suis aussi mis à chanter, à commencer par les standards de l’ère du dixieland et de la période swing. Il y avait même une chanson en français, ‘Les Haricots Rouges’, que j’ai interprétée avec mon groupe, Traction à Vent. Ce n’est qu’après que j’ai commencé à chanter en scat. Je tente de rapprocher le plus possible mon jeu au trombone et mon chant. De ce point de vue, je veux arriver un jour à produire les sons au trombone avec autant de spontanéité et de naturel que lorsque j’utilise ma voix. L’espoir que j’y arriverai un jour a été renforcé quand j’ai vu jouer quelqu’un sur un saque-boute, un instrument baroque, qui est d’une certaine façon l’ancêtre du trombone, mais avec un pavillon beaucoup plus petit. Depuis lors, je donne régulièrement des stages sur cet instrument, pour lequel j’écris aussi de la musique. Quant au concept ‘jazz’, j’entends souvent dire qu’il n’est pas possible de le définir. Personnellement, je ne peux pas être d’accord. Pour moi, le jazz est un genre musical construit à partir d’une part, de la mélodie et de l’harmonie, très liées entre elles, et d’autre part du rythme. Sans le swing dans le rythme et sans le blues dans la partie mélodique et harmonique, on ne peut pas parler de jazz. Ceci ne signifie pas qu’un morceau de jazz doit nécessairement être un blues ou un standard du blues, ou qu’il doit reposer sur un rythme ternaire, tant que le son de l’instrumentiste - qui doit par définition être un jazzman - contienne suffisamment de swing et de blues, qu’il improvise ou qu’il interprète. Ce n’est donc pas l’improvisation qui est typique pour le jazz, même si elle est présente à plus de 90%. D’ailleurs, Bach improvisait déjà aussi, bien avant que l’on ne parle de jazz. Sa musique ne contient ni blues ni swing. Quand Stan Getz jouait de la bossa nova, ce n’était pas du jazz, mais comme c’est un jazzman, le son qu’il produisait contenait assez de swing et de blues pour évoquer le jazz. Le jazz peut donc exister sans improvisation. Certains s’interrogent pour savoir si une telle conception offre assez d’espace pour une évolution. Je me demande en fait si une forme artistique, comme une science, doit absolument évoluer, étant donné que l’art est intemporel. La musique de gens comme Louis Armstrong ou Charlie Parker, par exemple, sonne aujourd’hui avec autant d’actualité que quand on l’a entendue pour la première fois à la radio. Ceci dit, je considère le jazz comme une des révolutions musicales les plus spectaculaires et la plus importante du 20ème siècle.’

Philippe Aerts

Philippe Aerts est né en 1964, à Bruxelles. Dès l’âge de onze ans, il commence à jouer de la basse et de la guitare en autodidacte. Trois ans plus tard, son père, un bassiste de dixieland talentueux, lui offre une contrebasse, en mettant par surprise un album de Ray Brown sur le tourne disque. Ce fut l’amour à la première écoute. Le jeune Philippe Aerts s’est alors mis au travail avec acharnement, d’abord en jouant sur les disques, et en imitant les solos de Paul Dubois et Jean-Louis Rassinfosse. Mais, très rapidement, il va faire partie de groupes locaux de jazz dixieland et mainstream. Il a ainsi joué avec des gens comme Pol Closset, Johnny Dover et Léon Demol. Il allait ensuite passer au modern jazz, avant de devenir très rapidement un des contrebassistes les plus demandés en Belgique, comme à l’étranger. Toots Thielemans, Félix Simtaine, Philip Catherine, Michel Herr, Steve Houben, Charles Loos, Kris Defoort, Kurt Van Herck, Bob Brookmeyer, , Lew Tabackin, Joe Lovano, Larry Schneider, Chet Baker, Joe Henderson, Mal Waldron, Steve Grossman, Lee Konitz, Richard Galliano… ils ont tous fait appel un jour à ce musicien de grande classe qui parvient à harmoniser sa créativité avec un sens parfait de la précision, et dont le style est également ca-ractérisé par la combinaison d’un lyrisme délicat avec des sonorités basses, bien ancrées au sol. Après un séjour de trois ans à New York (un passage qu’il conseille à tout musicien), Philippe Aerts va s’établir à Vevey (Suisse), au début de l’an 2000. Il y travaille régulièrement avec Malcom Braff. Depuis peu, il fait également régulièrement partie du New Decaband de Martial Solal. Sur ‘Back to the Old World’ (Igloo), le deuxième cédé sorti sous son nom, après ‘Cat Walk’ (Igloo), on retrouve le trio composé de Aerts, John Ruocco (ts, cl) et (dm), avec, en quartet, Bert Joris au bugle. Dans la série ‘The Finest in Belgian Jazz’, on peut entendre Philippe Aerts sur le cédé de Philip Catherine et de Bert Joris.

Jouer le plus rapidement possible en public : le rêve de chaque musicien Philippe Aerts : ‘Jacques Pelzer, qui avait le be-bop dans le sang, avait réellement développé un son unique. On pouvait le reconnaître immédiatement. C’est le plus souvent Bart De Nolf qui l’accompagnait à la basse. Cependant, je pouvais régulièrement le remplacer. Je n’aurais pas pu imaginer meilleure école. Son jeu profond au saxophone traduisait bien à quel point il connaissait le monde du jazz. Lorsque je joue avec Philip Catherine, je ressens tout à fait la même chose. Comme j’ai appris à jouer de la basse en autodidacte, je n’ai appris à lire les partitions que très tard, même si le solfège ne m’était déjà plus étranger. Dans le big-band de Toshiko Akiyoshi, au sein duquel j’ai joué pendant deux ans, à New York, je n’avais pas le choix. J’ai alors dû me plonger dans le monde de l’écri-ture musicale à une très grande vitesse.’

Le choix du bon matériel Philippe Aerts : ‘Mon souci principal a dès le début, toujours été de trouver une contrebasse avec un bon son. Celle sur laquelle je joue maintenant, date de 1830, construite en France par Pillement. A l’origine, elle ne comportait que trois cordes. Il n’en existerait qu’une quarantaine d’exemplaires dans le monde. J’ai rarement pu jouer sur un instrument aussi précis : chaque note en sort impeccablement, tandis que le vo-lume entre les différentes cordes ne varie pas d’un cheveu, ce qui est exceptionnel pour une contrebasse. Le fait qu’elle a survécu jusqu’ici à tous les voyages en avion, démontre en plus sa très grande solidité. Je tente aussi de me tenir le plus possible au jeu sans amplification, afin de garder tout le contrôle sur le son et la puissance de mon instrument. C’est un choix qui demande un engagement plus grand, et qui m’oblige à beaucoup de répétions pour maintenir la force dans ma main droite. Mais cela en vaut la peine. Je trouve que le son grave de la basse, qui swingue beaucoup plus que quand il est amplifié, se mélange ainsi mieux aux sons des autres instruments. Je préfère avant tout jouer avec des cordes fabriquées à partir de boyaux. En effet, elles produisent un son plus chaud que celles en métal. Hélas, elles coûtent beaucoup plus cher. De plus, elles se désaccordent facilement, ne sonnent pas toujours de manière aussi précise et s’usent très vite.’

Quelques vieux routiers dans le métier Philippe Aerts : ‘Je dois énormément à Félix Simtaine que je considère encore maintenant comme un des meilleurs batteurs européens. Je regrette vraiment beaucoup qu’il soit à ce point sous-estimé. A propos, savais-tu que Félix collectionne les trains miniatures ? Il possède près de 900 locomotives ! J’ai pu rencontrer John Ruocco, en jouant dans le Act Big Band de Félix. Ce que je trouve fantastique chez John, c’est la liberté totale et constante qu’il laisse à ses partenaires musiciens. Il ne faut jamais avoir peur de prendre des risques en jouant avec lui, au contraire, il nous y encourage, comme Joe Lovano d’ailleurs. Il possède une technique au saxophone très solide, tant sur un plan rythmique qu’harmonique. Je connais Tony Levin grâce à Philip Catherine, qui lui, l’a rencontré quand il a été invité par le bassiste allemand Ali Haurand à jouer dans son European Jazz Ensemble. Je trouve que la technique très lyrique de Bert Joris à la trompette est une véritable caresse pour l’oreille. Ce son de velours fait beaucoup plus penser au bugle. Il ne faut pas se demander à quel point cela sonne divinement quand il joue vraiment au bugle. C’est d’ailleurs pour cette raison que je lui ai demandé de jouer exclusivement au bugle sur mon dernier cédé.’

Aka Moon

Avec le temps, Aka Moon a accédé au statut d’un des trios de jazz les plus progressistes et les plus marquants de la dernière décennie. La formule du trio de base, composée du compositeur et saxophoniste alto Fabrizio Cassol, du bassiste Michel Hatzigeorgiou et du batteur Stéphane Galland, et qui s’ouvre régulièrement à d’autres artistes invités pour leurs concerts et leurs enregistrements, rencontre les faveurs d’un pu-blic toujours grandissant. Nous avons toujours en mémoire une série de concerts mémorables, comme le concert donné au Théâtre Royal de La Monnaie (Bruxelles), intitulé Oriental Voices , avec David Linx, les musiciens indiens Umayalpuram K. Sivaraman (mridangam) et Neyveli Santhanagopalan (chant), ainsi que José Miguel Cerro (chant) et Juan Ignacio Gomez ‘Chicuelo’ (g), d’Espagne. Mais aussi, les différents concerts donnés avec le guitariste indien Prasanna et le percussionniste Palanivel, ou encore celui du Jazz Middelheim, où Prasanna était entouré du guitariste new-yorkais David Gilmore (cf. Steve Coleman, Don Byron) et de Pierre Van Dormael (présenté dans cet ouvrage), sans oublier le spectacle total en collaboration avec la compagnie théâtrale Stan et l’ensemble Rosas de la chorégraphe Anne Teresa De Keersmaeker, où musiciens, comédiens et danseurs travaillent ensemble en interactivité (cf. le cédé ‘In Real Time’ ), ni, enfin, les différents projets avec DJ Grazzhoppa… Chacun de ces événements a remporté un succès éblouissant., augmentant par la même occasion la demande pour un nouveau cédé regroupant tous ces invités spéciaux. Le cédé ‘Guitars’ (W.E.R.F.), repris dans le cédé-box Brugge 2002, rencontre en partie cette attente. En effet, on y retrouve Pierre Van Dormael, Prasanna et David Gilmore.

Kaai Toute histoire sur Aka Moon est incomplète sans la référence aux origines, au théâtre Kaai à Bruxelles. Michel Hatzigeorgiou venait de rejoindre le groupe que Pierre Van Dormael était entrain de constituer, à l’époque avec Eric Legnini et Bruno Castellucci. Il en avait assez de toujours répéter sans pouvoir se produire devant un public. C’est ainsi que Pierre Van Dormael, accompagné de son ami Etienne Geraert (et du technicien François Louis), est parti à la recherche d’un endroit où ils pouvaient répéter et se produire en même temps. Ils ont abouti, par hasard, au Kaai, une salle qui se trouvait près du Théâtre Royal Flamand (KVS). Cette salle avait visiblement déjà abrité des concerts, ils pouvaient donc y commencer tout de suite. Ils allaient être rejoints par des gens comme Pierre Vaiana, Antoine Prawerman et Fabrizio Cassol, avec lequel Pierre Vandormael collaborait à un autre projet. Un peu plus tard, Pierre Van Dormael allait créer le groupe Nasa Na, avec Stéphane Galland, Michel Hatzigeorgiou et Fabrizio Cassol, pour pouvoir interpréter ses propres compositions. Le Kaai a été ouvert avec peu de moyens. Les musiciens qui y jouaient tenaient le bar eux-mêmes, et servaient à tour de rôle le public présent, quand ils ne jouaient pas. Il y avait des concerts quasi tous les jours, même si parfois, on rencontrait plus de monde sur la scène que dans la salle. Cependant, comme le Kaai devenait le lieu de rencontre de nombreux musiciens intéressants, il est devenu la pépinière de nombreuses formations musicales prometteuses, dont Aka Moon, issu de Nasa Na, après le départ de Pierre Van Dormael. Le groupe allait rapidement attirer l’attention d’un public de plus en plus nombreux. Cet endroit plutôt défraîchi était devenu un lieu branché, et de nombreux musiciens, du monde entier, y passaient par curiosité, mais étaient aussi admiratifs de ces trois artistes talentueux, qui accompagnaient leur musique de mouvements saccadés et sauvages. Steve Coleman, lui-même, a dernièrement reconnu que son premier contact avec Aka Moon lui avait laissé une impression profonde. L’histoire du Kaai n’aura duré en tout que cinq ans : une gestion plutôt chaotique et donc une comptabi-lité pas toujours bien tenue (la caisse a même disparu plusieurs fois) ont conduit l’endroit à la fermeture définitive. D’ailleurs, pour les groupes un peu ambitieux, cela n’avait aucun sens de poursuivre sur cette scène improvisée, et, comme de jeunes oiseaux, ils allaient donc quitter ce nid à talents en éclosion. Le cédé ‘Live at the Kaai 31.3.1993’ (Carbon7) propose des traces sonores des années Kaai légendaires de Aka Moon.

Les pygmées Aka Leur séjour chez les pygmées Aka constitue un autre élément important dans la naissance de Aka Moon. C’est à l’automne 1991, que quatre jeunes musiciens belges se sont rendus en Afrique Centrale, afin de mieux comprendre le mode de vie très particulier des pygmées Aka. Après beaucoup d’obstacles admini-stratifs, une série d’entretiens préparatoires, le processus d’initiation indispensable et une longue et difficile marche, ils sont enfin parvenus dans un campement primitif au cœur de la brousse. Lentement, avec précaution, ils se sont mêlés à la population locale pour vivre quelque temps parmi eux, en veillant à ne pas influencer de manière déterminante les habitudes de leurs hôtes. Ils ont ainsi expérimenté in situ, qu’au-delà de la première impression de calme général, la musique est constamment présente chez les pygmées Aka. Tant leurs conversations, que leurs rires ou leurs cris, balancent tout le temps entre parler ordinaire, chant et sons vocaux incontrôlés, le tout sans la moindre préméditation. Tout se passe en effet, de la façon la plus naturelle possible, et surtout, ce qui est très important, sans la moindre forme de hiérarchie. Les hommes, comme les femmes ou les enfants peuvent à tout moment prendre la direction du chant qui se déroule en permanence dans une grande harmonie avec les sons de la forêt : le bruissement des feuilles, le sifflement des oiseaux, le cri de l’un ou l’autre animal, le vent… Pour les pygmées Aka, tout contient assez de ‘musique’ pour conduire au chant. La vie de Fabrizio Cassol, Michel Hatzigeorgiou et Stéphane Galland ne sera plus jamais la même après ce séjour auprès des pygmées Aka : Aka Moon allait naître le printemps suivant, et dix ans plus tard, ils ont publié treize albums.

L’Inde Fabrizio Cassol : ‘Nos voyages en Inde représentent le troisième facteur important dans l’existence de Aka Moon. Personnellement, je m’y rends seul plusieurs fois par an. C’est ainsi qu’un beau jour, nous sommes entrés en contact avec le plus grand maître indien du mridangam, Sivaraman, un gourou qui aujourd’hui encore nous apprend toujours de nouvelles choses. ‘Invisible Mother’ (Carbon7) est le résultat des connaissances accumulées avec Sivaraman. A chaque séjour en Inde, nous recevons une nouvelle, minuscule partie de son savoir.’

Abrice Alleman

La fin de ses études aux Conservatoires de Mons (musique classique : premier prix en musique de chambre et clarinette) et Bruxelles (jazz chez e.a. Jean-Louis Rassinfosse, Michel Hatzigeorgiou, Steve Houben et Richard Rousselet), en 1990, marquait en même temps le début de la carrière de musicien professionnel du saxophoniste, clarinettiste, flûtiste et compositeur Fabrice Alleman. Deux ans plus tard, il allait également recevoir le premier prix pour saxophone et histoire, avant de participer à un séminaire donné par Phil Woods, Toshiko Akiyoshi et , au Manhattan School of Music à New York. Les styles dans lesquels Fabrice Alleman se sent à l’aise sont très disparates. C’est ainsi qu’il a travaillé, tant au studio que sur scène, avec Salvatore Adamo, William Sheller, le Calvin Owens Blues Orchesra, Terence Blanchard, Kenny Werner, Garrett List, Eric Legnini, Jean Warland, Steve Houben et Michel Herr. Fabrice Alleman a déjà fait partie de nombreuses formations, comme le Act Big Band, Sax No End, le Richard Rousselet Sextet, l’Ecaroh Quintet, le Jazz Addiction Band (cédé ‘Nice Cap’ , Lyrae Records), le Brussels Jazz Orchestra (sur leur premier cédé ‘Live’ ) et Ten-Tamarre. En 1998, Fabrice Alleman a publié le cédé ‘Loop the Loop’ (Igloo), avec son premier quartet (avec lequel il remporta le prix Nicolas Dor en 1997, au Festival International de Jazz à Liège). A la même époque, il pu-bliait un cédé en duo avec Paolo Loveri, chez Lyrae Records. Ils viennent de sortir leur deuxième album, ‘On the Funny Side of Strings’ (Lyrae Records), accompagné par un ensemble à cordes. Il espère encore publier un cédé avec sa formation de jazz-rock, Fabrice Alleman One Shot Band (dont le regretté Jean-Pierre Catoul fut membre), avant la fin de l’année 2002.

Fabrice Alleman : ‘Mon rêve d’enfant d’une carrière comme joueur de football professionnel a été brisé quand on a constaté que je souffrais d’un souffle au cœur. Ma mère a alors décidé que j’allais apprendre à faire de la musique. En effet, il fallait faire quelque chose en dehors de l’école. J’ai été inscrit à l’académie vers l’âge de huit ans. Je pouvais déjà écarter la flûte, car le professeur venait de décéder. J’ai alors choisi la clarinette, que j’allais abandonner un an plus tard. Mais, un beau jour, l’envie est revenue. J’ai alors continué jusqu’au conservatoire. Dès le début, j’ai toujours aimé improviser sur mon instrument, ce qui n’avait rien à voir avec le fait que l’on écoutait presque toujours du jazz à la maison. Mon père écoutait du jazz depuis l’âge de dix-huit ans (Count Basie, Parker, Konitz, Kenton, Tristano, Jimmy Smith, Miles…), mais, pour moi, cela ne signifiait pas grand chose, c’était de la musique, sans plus. Par contre, ce qui m’inspirait pour faire de la musique, c’était les émotions et les expériences quotidiennes de la vie qui me touchaient, comme par exemple, la lecture d’un livre ou la vison d’un film, ou tout simplement, une conversation. Je me retirais alors régulièrement dans ma chambre pour enregistrer mes extravagances musicales, pour lesquelles je n’avais aucune explication. Un peu plus tard, je transcrivais soigneusement tout cela, avant de le jouer pour ma bien-aimée. Il apparaîtra plus tard que je jouais alors surtout du blues, sans en avoir vraiment conscience. Je devais avoir treize ans. En réalité, encore aujourd’hui, je fais toujours la musique de la même façon. Les émotions continuent de jouer un rôle déterminant dans ma façon de composer. Je ne dois même pas savoir ce que je joue précisément. Cela me perturberait même de rationaliser ce que je fais. Mais, je dois ajouter ici, qu’en plus de ma capacité à pouvoir assimiler les choses avec beaucoup de facilité, j’ai toujours eu la chance d’avoir des professeurs particulièrement doués. Ils m’ont tous remarquablement transmis la technique des instruments que je joue. Cela m’a toujours permis de pouvoir laisser libre cours à mon expression musicale, tant sur le plan mélodique, harmonique que rythmique (je joue aussi de la batterie). D’ailleurs, je construis toujours mes thèmes à partir d’un rythme que j’ai en tête, et pour lequel je trouve immédiatement une mélodie. Les accords ne viennent qu’en troisième lieu. Je suis même convaincu que le rythme est à la base de tous les styles musicaux, dans le monde entier et à toutes les époques. Mon intérêt pour le saxophone s’est manifesté à dix-huit ans, quand j’ai commencé à apprécier l’instrument sur les disques soldés de Weather Report, Chick Corea, Genesis et Supertramp. Ce n’est aussi qu’à ce moment que j’ai commencé à comprendre ce qu’était vraiment le jazz. Je suis par exemple allé racheter ce disque de Eric Dolphy, reçu en cadeau quand j’étais encore un enfant, mais que j’avais aussitôt ramené au magasin parce que je n’y comprenais rien. Désormais, je considérais que le jazz était le style de musique qui offrait le plus de liberté d’expression. En réalité, chaque forme musicale dépasse la puissance des mots. Tu n’as qu’à dire à quelqu’un qu’il peut embrasser tes pieds. Le danger qu’une dispute en résulte est tout à fait réel. Si tu chantes la même chose, on en rigolera tout au plus, même si tu viens d’exprimer la même opinion. Tu peux aller encore un peu plus loin et jouer quelques notes criardes sur ton instrument pour signifier qu’il peut aller se faire foutre. Dans ce cas, il n’est pas exclu de voir ta sortie élevée au rang de déclaration. Cela confirme ma théorie selon laquelle la musique peut être un moyen pour transformer de l’énergie négative en énergie positive, et par définition, pour partager des émotions avec n’importe qui. De ce point de vue, je trouve beaucoup plus important de pouvoir toucher une personne avec une note, que de laisser toute une audience bouche bée après un flot de notes déversé avec virtuosité. Dans ce cadre, je me souviens encore très bien qu’à l’occasion d’un concert, dans un café à Bruges, voici six ou sept ans, où on pensait tous avoir très mal joué, un vieux monsieur est venu me trouver, avec les larmes aux yeux, pour me dire que pendant deux heures, notre musique lui avait fait oublier tous ses problèmes. Un musicien peut difficilement recevoir un meilleur compliment. Je ne peux répondre qu’avec un vieux cliché quelque peu éculé à la question de savoir quelle musique je considère être du jazz : le jazz doit swinguer. Je peux éprouver une admiration sans mesure pour une musique très complexe, jouée avec beaucoup de savoir-faire, mais je ne vais pas pour autant, si on me le demande, la classer automatiquement dans le jazz. Car, la musique est d’abord là pour être écoutée, et non pour être classée dans des cases.’

Pierre Bernard

Ce flûtiste particulièrement doué est né en 1959 à Léopoldville (Congo). Il étudiera la musique classique au Conservatoire de Liège, où il suivra les cours d’improvisation de Garrett List. Pierre Bernard y obtiendra le premier prix, tant pour la flûte traversière que pour la musique de chambre. Pierre Bernard appartient à ce groupe de musiciens de la scène liégeoise qui dans les années ‘80, ont mis connaissances et expériences à profit pour insuffler une nouvelle vie dans le jazz belge. Ils y ont notamment injecté des éléments de la musique classique et contemporaine. A la fin des années ’80, Pierre Bernard était aussi de la partie dans l’aventure légendaire du Kaai (cf. Aka Moon, Bart Defoort et Antoine Prawerman). Il a joué dans l’ensemble de Garrett List, ainsi qu’au sein de La Grande Formation. Aujourd’hui, on peut l’entendre e.a. aux côtés de Kris Defoort & Dreamtime, Parfum Latin et Rêve d’Eléphant. Dans le duo Bed and Breakfast, Pierre Bernard est le partenaire de la pianiste Véronique Bizet.

Michel Bisceglia

Le pianiste, compositeur et arrangeur Michel Bisceglia est né le 04 janvier 1970, à Zwartberg, de parents italiens. En 1992, sollicité par un groupe de jazz allemand, comme accompagnateur, il rencontre , soliste invité par le même groupe. Brecker fut clairement impressionné par le style de Bisceglia au piano. Ils allaient se rencontrer à nouveau à l’occasion d’un concert des Brecker Brothers, programmé le même jour que celui de Sketches, la formation de Michel Bisceglia. En prévision de l’enregistrement de son premier album, Michel décide d’inviter Randy Brecker comme invité spécial. Cependant, il lui fallait un second souffleur. Comme il savait que Randy jouait souvent avec Bob Mintzer, il l’invita aussi. Ils acceptèrent l’invitation et se retrouvent ainsi sur ‘About Stories’ (BMG), le premier cédé de Bisceglia. Bisceglia a travaillé avec d’autres musiciens de jazz comme e.a. Toots Thielemans, Philip Catherine, , Eric Gale, Erwin Vann, , Marcia Maria et Rony Verbiest. Bisceglia est également très sollicité sur la scène pop et rock. C’est ainsi qu’il a déjà accompagné Jo Lemaire, Johan Verminnen, John Miles, Sunny Side Up et Chelsey. Il forme le Trio Cattleya, avec Harald Ingenhag et Volker Heinze, dont le cédé ‘Le Temps Perdu’ (PAO) vient de paraître. Michel Bisceglia enseigne actuellement au Conservatoire Royal de Bruxelles.

Laurent Blondiau

Laurent Blondiau est né le 24 décembre 1968. Trompettiste et joueur de bugle, il a suivi des études dans la section jazz du Conservatoire de Bruxelles, avec Bert Joris et Richard Rousselet. Il obtient son premier prix en 1990. Deux ans plus tard, il reçoit le prix Nicolas Dor au Festival International de Jazz à Liège. En 1998, il publie son premier cédé, ‘The Queen of the Apple Pie’ (W.E.R.F.), avec ses propres compositions, interprétées en compagnie de Nathalie Loriers (p), Otti Van der Werf (elb) et Jan de Haas (dm). Au milieu des années ‘90, le label Jam Records (aujourd’hui JAS) sort ‘Lives’ de Määk’s Spirit, avec Laurent Blondiau (tp, bugle, timb), Jeroen Van Herzeele (ts), Sal La Rocca (b) et Hans van Oosterhout (dm). Sal et Hans seront plus tard remplacés par respectivement Nic Thys et Dré Pallemaerts, avant l’élargissement du quartet à deux chanteuses : Anne Van der Plassche et Galia Benali. En 2001, les spectateurs du 16ème Festival des Lundis d’Hortense étaient les témoins de la nouvelle métamorphose de Määk’s Spirit, devenu entre-temps un quintet composé du saxophoniste ténor Jeroen Van Herzeele, du trompettiste Laurent Blondiau, du bassiste Otti Van der Werf, du tromboniste et tubiste Michel Massot et du batteur Eric Thielmans, avec le guitariste français Jean-Yves Evrard comme invité spécial, pour ce concert. Depuis lors, ce dernier est devenu membre du groupe à part entière, le transformant en sextet. On rencontre aussi Laurent Blondiau dans d’autres formations comme le GVA Quintet, Octurn, Dreamtime, Deep in the Deep, Ernst Vranckx Quintet, Nathalie Loriers Trio + Extensions, Rêve d’Eléphant, Vegetal Beauty, et le Brussels Jazz Orchestra, où il vient d’être remplacé par Nico Schepers.

Laurent Blondiau : ‘Avec des parents qui jouaient de la musique classique, je suis, comme ma sœur, qui est guitariste classique, tombé automatiquement au milieu des notes. Je devais avoir douze ans quand ils m’ont inscrit à l’académie, au début un peu contre mon gré. Mais grâce à ma rencontre avec d’autres musiciens, notamment cinq ans plus tard au Jazz Studio, j’y ai vraiment pris goût, surtout sous l’influence de Bert Joris. De plus, de nombreux condisciples d’humanité (Uccle 2) sont devenus plus tard musiciens : Bo et Otti Van der Werf, Nicolas Thys… On suivait les mêmes cours à l’académie, même si on sentait bien qu’on apprenait plus à l’extérieur, quand on jouait notre propre musique, en compensation de la très ennuyeuse formation classique. Il n’a pas fallu attendre longtemps pour que l’on crée notre premier groupe de jazz, au début des années ’90 : le GVA Quintet, composé de Nic Thys, Bilou Doneux, Fré Desmyter, Bo Van der Werf et moi-même, avec lequel on s’est beaucoup produit, remportant même de nombreuses distinctions. Je n’ai pas suivi le conservatoire, mais j’ai énormément appris de Bert Joris et de Richard Rousselet, mes professeurs à Anvers et Bruxelles. En dehors, j’ai beaucoup appris en étudiant par moi-même, mais j’ai surtout eu la chance de pouvoir jouer rapidement avec de grands musiciens, e.a. avec Octurn et le Brussels Jazz Orchestra, deux groupes dont j’ai vécu la naissance activement. Même si j’ai beaucoup d’admiration pour de grands trompettistes comme Miles, Chet, Tom Harrell et Freddie Hubbard, je ne cèderai jamais à la tentation de copier leurs solos. Je préfère développer mon propre son, auquel je travaille plusieurs heures par jour, en améliorant surtout la respiration et le contrôle du diaphragme, plus que la capacité d’atteindre des notes aiguës. De cette façon, je tente d’obtenir un spectre sonore le plus large et le plus harmonique possible, sans trop de notes aiguës. J’aime aussi expérimenter avec de petits outils, comme de vieux cendriers, pour déformer le son. En ce moment, je ne joue du bugle que lorsque la composition le commande. Autrement, je garde la trompette. J’ai l’impression que quand on maîtrise bien la trompette, on n’éprouve plus aucune difficulté au bugle, ce qui n’est pas vrai dans le sens contraire. J’aimerais sortir quelque chose de nouveau avec mon quintet. Mais, je ne peux pas me plaindre. J’enregistre actuellement un nouveau avec Määk’s Spirit, ma formation préférée du moment, au Centre Culturel de Meent (Alsemberg). Des concerts sont déjà prévus au Maroc. J’ai également énormément de plaisir à jouer dans le sextet de Nathalie Loriers Trio (+ Extensions), comme avec Vegetal Beauty, le projet de Antoine Prawerman. En plus, j’ai encore différents projets de Kris Defoort, dont le récent opéra ‘The Woman Who Walked into Doors’ , produit par Het Muziek Lod et le Ro Theater. Je fonctionne le mieux quand je passe d’une culture à l’autre, d’un style à un autre. C’est précisément ce que je trouve d’excitant dans la vie de musicien, surtout dans le jazz, la forme musicale qui évolue le plus vite et le plus spectaculairement. Je limite consciemment au maximum les cours que je donne aux conservatoires de Bruxelles et de Gand. En effet, je préfère toujours répéter, jouer, travailler à mon propre son. Mon attirance pour la polyvalence dépasse les frontières de la musique. J’ai ainsi terminé mes études d’infirmier. Il est remarquable de constater que ces études m’ont permis de sentir à quel point j’évoluais comme musicien. Il va de soi que la manière dont tu fais de la musique est déterminée, en très grande partie, par ton style de vie. Celui qui ne vit pas en harmonie avec son environnement éprouvera automatiquement des difficultés dans son jeu. Ici, la chance occupe une part non négligeable, par exemple, au travers de rencontres avec des gens avec lesquels on se sent bien. Les tensions entre musiciens d’un même groupe entraînent inévitablement des effets néfastes sur la cohésion. Un groupe ne peut donc bien fonctionner que si un dialogue ouvert est constamment possible entre ses membres. C’est ainsi que je viens d’être la victime d’une injustice, peu digne d’un groupe du niveau de celui où cela s’est déroulé. Ceux qui se rendent coupables de ce type d’action paient un jour ou l’autre la note. Le monde de la musique - et surtout celui du jazz - est tellement petit. Même si notre pays a souvent été l’objet de moqueries, on ne peut pas nier qu’il y fait bon vivre. De nombreux amis français n’hésitent pas à déclarer qu’ils ne s’amusent pas autant chez eux que chez nous, en Belgique. C’est bien pour cela que je considère que l’honnêteté et la sincérité doivent continuer à triompher, sinon, nous en essuierons tous les conséquences.’ On peut entendre Laurent Blondiau dans la série ‘The Finest in Belgian Jazz’, sur le cédé du Brussels Jazz Orchestra ( ‘The Music of Bert Joris’ ), Octurn ( ‘Dimensions’ ) et Nathalie Loriers ( ‘Tombouctou’ ).

Brussels Jazz Orchestra

En mars 1993, après la disparition du BRT Jazz Orkest, le Brussels Jazz Orchestra verra le jour à l’initiative de Frank Vaganée (ancien collaborateur freelance de l’orchestre de la BRT), Marc Godfroid et Serge Plume. Le club de jazz bruxellois Sounds constituera la base de la formation composée de seize musiciens, tandis que les répétitions évolueront rapidement en workshops publics. Au début, ils jouaient des compositions d’auteurs connus comme Count Basie, Thad Jones, Duke Ellington, Bill Holman et Bob Brookmeyer. Mais, petit à petit, ils ont sollicité des compositeurs belges : Bert Joris, Kris Defoort, Michel Herr, Erwin Vann et Frank Vaganée. C’est en 1993, que Jazz Middelheim propose au BJO sa première scène en dehors du Sounds. L’enthousiasme du public a conduit les organisateurs à faire figurer le big- band à chaque affiche de Jazz Middelheim. En 1997, Jean Warland se produit avec eux comme chef d’orchestre invité, tandis qu’en 1999 et 2001, Kenny Werner et Maria Schneider, jouent respectivement en qualité d’invités spéciaux. Toots Thielemans se trouvait aussi sur scène à l’occasion de ces deux éditions. En 1994, les workshops publics du Sounds sont complétés par des concerts mensuels au club Damberd, à Gand, et en 1996, le BJO remporte le prix Nicolas Dor à l’occasion de leur participation au Festival International de Jazz à Liège. La même année, ils rendent hommage à Etienne Verschueren, pendant le troisième Mechelse Jazzdag, dans le cadre du Festival de Flandre, et inaugurent la nouvelle saison du programme radio Sesjun, diffusé par la Tros, aux Pays-Bas. Le BJO publie son premier cédé, ‘Live’ , en 1997, en collaboration étroite avec Radio 3, la chaîne de la BRTN. La même année, ils jouent avec Toots Thielemans à l’occasion du Festival de Jazz à Junas (France), au Singel à Anvers (la nuit de radio 3), au festival de jazz Stranger than Paranoia , à Tilburg (Pays-Bas). Un an plus tard, la curiosité de nos voisins du Nord allait en s’amplifiant : concerts au Porgy & Bess à Terneuzen, le Philip Morris Jazzfestival à Bergen op Zoom. C’est en septembre 1999, qu’ils enregistrent leur deuxième cédé, ‘The September Songs’ (W.E.R.F.), au Studio Toots de la VRT après une tournée en hommage à Duke Ellington. Le niveau qualitatif des interprétations de la musique enregistrée pour cet album révèle un big-band de niveau international. Le cédé propose des compositions de Bert Joris, Frank Vaganée, Michel Herr, Sir William Walton et Erwin Vann. L’année 1999 se termine par un projet de haut-vol autour de Bill Holman, tandis que 2000 sonne l’augmentation significative de la fréquence des concerts en Belgique et à l’étranger : Festival de Jazz des Lundis d’Hortense, avec comme invités spéciaux Philip Catherine et Bert Joris, le Bimhuis à Amsterdam, le Centre Culturel Luchtbal et Jazz à Liège (chaque fois en compagnie de Jeanne Lee), Jazzdag Mechelen (avec Bert Joris), Jazz in ‘t Park à Gand, le Lemmensinstituut à Louvain et la série ClaZZic (Gand et Wevelgem). Début 2001, le BJO participe à New York à la convention annuelle de la International Association of Jazz Educators, avec Kenny Werner. Le BJO est composé aujourd’hui de Frank Vaganée (saxophones alto et soprano, flûte), Dieter Limbourg (as, cl et fl), Kurt Van Herck (ts) Bart Defoort (ts et ss), Bo Van der Werf (bs et bcl), Marc Godfroid, Jan De Backer et Lode Mertens (tb), Laurent Hendrick (tb), Michel Paré, Gino Lattuca, Serge Plume et Nico Schepers (tp et bugle), Bart Van Caenegem (p) et Martijn Vink (dm), qui jouait récemment encore avec le Metropool Orkest et l’orchestre de la WDR. Jos Machtel est devenu le contrebassiste permanent du BJO, depuis que Nic Thys s’est installé définitivement à Brooklyn. Le BJO sollicite également régulièrement les services du guitariste Peter Hertmans. Au lieu de donner la parole aux seize musiciens du BJO, il nous a semblé intéressant d’étendre quelques artistes étrangers qui ont eu l’occasion de jouer avec eux.

Bob Mintzer : ‘J’étais abasourdi quand j’ai vu le BJO pour la première fois à l’œuvre. Après avoir travaillé avec eux pendant une semaine, je ne pouvais que conclure qu’il s’agissait là d’une des meilleures formations de jazz que j’avais jamais entendue, de par le monde. Le fait que tous les musiciens du BJO, sans exception, atteignent un niveau particulièrement élevé, transforme chaque répétiton avec eux en partie de plaisir. De plus, ce qui me frappe, c’est la diversité des styles dans lesquels ces musiciens parviennent à se mouvoir. En fait , cela faisait longtemps que j’étais à la recherche de ce type de formation, étant donné que mes compositions comportent des influences latinos, du swing, du funk et du , et ne s’adressent pas exclusivement à de grandes formations, mais aussi à des ensembles moins importants. Avec le BJO, on a tout cela à portée de main, ce qui, pour un compositeur, représente un luxe impayable. En plus, le big-band est formé de nombreux solistes extraordinaires, et pour autant, cela ne signifie pas qu’un tel va attirer toute l’attention à lui : travailler en équipe, ils ont ça dans la peau. Enfin, ils savent tous exploiter de manière optimale les espaces libres que je maintiens dans mes compositions, pour l’improvisation et pour l’interaction. Ce qui m’apporte de nouvelles idées pour un nouveau travail. C’est justement ce qui rend le jazz aussi passionnant.’

Maria Schneider : ‘Quand Kenny Werner m’a raconté à quel point il estimait ces musiciens, j’étais un peu gênée de n’avoir jamais entendu parler de cet orchestre. Mais j’ai réalisé qu’il n’était pas si connu que cela, malgré l’immense talent de ses musiciens et la qualité extraordinaire de leur musique, que j’avais entre-temps eu l’occasion d’écouter attentivement. Mon opinion était rapidement faite, il s’agissait bien d’un orchestre de niveau mondial. Cela me posait un réel problème que personne n’en ait jamais entendu parler. Cela me frappe d’ailleurs qu’en général, les musiciens de jazz belge ne sont pas tellement connus aux États-Unis. Toots Thielemans et Philip Catherine sont pour ainsi dire les seuls belges dont on parle chez nous, alors que je constate de plus en plus que cela grouille d’excellents musiciens chez vous. Vous devez rapidement remédier à cela. J’espère que le fait que de plus en plus d’artistes américains jouent avec des musiciens étrangers, pourra rapidement améliorer la situation. En ce qui concerne le BJO, Toots m’avait déjà raconté qu’il y avait pas mal de musiciens de haut niveau dans cette formation. Après deux jours de répétitions, j’étais déjà interloquée par leurs prestations. En effet, je peux t’assurer que ma musique n’est pas des plus aisées à interpréter. Je leur avais simplement envoyé les partitions que j’avais en grande partie écrites pour mon propre orchestre, étant donné que la composition des deux orchestres correspondait quasi totalement, y compris les doublures. Quand j’ai entendu avec quelle rapidité ces gars du BJO avaient ajouté du matériel neuf, je n’en croyais pas mes oreilles. De plus, leur jeu sonne si naturel. Et le set que Bert Joris, encore un compositeur méconnu, a joué avec le BJO au Jazz Middelheim était tout simplement grandiose. Je considère mon concert avec Toots et le BJO comme un des moments forts de ma vie ! C’était un de ces soirs où j’aurais vraiment aimé que mes parents soient là ! Les mots me manquent vraiment pour pouvoir décrire cette expérience.’

Kenny Werner : ‘J’ai rencontré Frank Vaganée voici plus ou moins cinq ans, à l’occasion d’une jam session à Jazz Middelheim. J’étais entrain de jouer du piano au milieu d’une bande de bad cats de New York, et soudain arrive sur scène ce mec un peu débraillé, avec ces ‘crolles’ marrantes et ce petit bouc de mousquetaire. Je me demandais ce que cela signifiait jusqu’au moment où je l’ai entendu jouer du saxophone : il a soufflé tous ces mauvais chats de New York sous la table ! J’ai de suite voulu faire connaissance. Il semblait déjà au courant que j’écrivais pour des big- bands, et m’a alors demandé si j’avais envie de faire quelque chose avec le Brussels Jazz Orchestra, à l’occasion du prochain Jazz Middelheim (1999). Nous y avons donc joué ma musique, et je ne pouvais que conclure qu’il s’agissait là d’un des meilleurs big-bands jamais rencontrés dans ma vie. Mais, ce que je ne comprenais vraiment pas, c’est pourquoi jamais personne n’avait entendu parler d’eux, et surtout pas chez nous aux Etats-Unis. Des pays comme l’Allemagne, la France, la Grande-Bretagne et les Pays-Bas auraient déjà tout mis en œuvre pour faire connaître des gens comme cela, à la presse et au public du monde entier. Pourquoi n’est-ce pas possible en Belgique ? En plus, ce n’est pas hors de prix, étant donné qu’à terme, une partie revient sous la forme de précompte professionnel, à l’occasion des concerts à l’étranger. Afin d’offrir une sorte de tremplin au BJO, j’ai pris l’initiative de les proposer aux organisateurs de la convention de la IAJE, qui se tient chaque année à New York. Leur condition pour la participation du BJO, en 2001, était qu’ils devaient jouer mes compositions, ce qu’ils ont bien entendu accepté. Je n’exagère vraiment pas quand je dis que tous les spectateurs - musiciens, organisateurs, journalistes, etc. - ont écouté le BJO, la bouche ouverte. They really blew everybody away ! De plus, grâce à ce concert, de nombreux médias spécialisés se sont soudainement intéressés à mes compositions, à côté de celles des plus grands, parmi lesquels Maria Schneider et Vince Mendoza. Jusque là, j’étais surtout connu comme pianiste interprète. A la fin du concert, les organisateurs et les promoteurs formaient de petites grappes autour d’eux pour les obtenir pour leurs festivals, et qui sait peut-être même pour leurs labels. Incroyable : tout à coup tout le monde savait où se trouvait la Belgique sur la carte du monde ! C’est dommage que votre pays est si petit, au point que sur le plan des tournées, on en a vite fait le tour. C’est une raison de plus pour que les pouvoirs publics entreprennent quelque chose pour éviter que les artistes ne soient pris au piège de leur pays natal, un peu trop serré.’ Pour être tenu au courant des projets à venir du BJO, on peut consulter leur page d’accueil sur : www.jazzinbelgium.org/groups/bjo.htm

Bruno Castellucci

Bruno Castellucci est né à Châtelet (près de ), en 1944. Ses parents, d’origine italienne, l’inscrivent à un cours de solfège à l’académie alors qu’il était encore à l’école primaire. Enfant, après deux ans de cours de piano, Bruno Castellucci se rend compte qu’il n’est pas vraiment fait pour cet instrument. Il choisi alors la batterie, qu’il commence à apprendre tous les jours en autodidacte. A quatorze ans, il reçoit sa première vraie batterie, avant de jouer rapidement dans divers groupes. C’est ainsi que, très jeune encore, il reçoit déjà le prix du meilleur batteur, à l’occasion du festival Adolphe Sax à Dinant. Il va ensuite se faire reconnaître très vite comme musicien professionnel. Il ne faudra pas beaucoup de temps pour que ce batteur, à l’évolution rapide et constante, soit sollicité par e.a. Maurice Simon, Jacques Pelzer, Francy Bolland et René Thomas. A partir de 1963 - il n’avait pas encore vingt ans - il va faire partie du quintet de Alex Scorier. Dix ans plus tard, il participe à la formation de jazz-rock belge, Placebo, avant de suivre Marc Moulin dans un certain nombre d’autres projets, comme ‘Sam Suffy’ . Avec Solis Lacus, dans lequel il jouait aux côtés de Michel Herr, Robert Jeanne et Richard Rousselet, il participera à la montée en puissance du jazz- rock. Avec Félix Simtaine et Freddy Rottier, Bruno Castellucci appartenait déjà au top trois des batteurs belges. Sa rencontre avec Toots Thielemans, qui l’admire encore maintenant pour sa précision, donnera une impulsion favorable à son parcours artistique, déjà bien rempli. En effet, en faisant partie du quartet européen de Toots, Castellucci va pouvoir jouer avec toute la scène belge et étrangère : Benny Carter, Freddie Hubbard, Art Farmer, Slide Hampton, Johnny Griffin, Palle Mikkelborg, Neils-Henning Ørsted Pedersen, Joe Pass, Chet Baker ( sur l’album ‘Chet Baker - Steve Houben - Philippe Defalle’ ) et Jaco Pastorius (sur son album ‘Word of Mouth’ ). Aucun festival, de Montreux à Los Angeles, en passant par Montreal et La Haye, ne lui est étranger.

Le coiffeur n’était pas seulement un amateur de jazz, mais aussi un champion de boxe Bruno Castellucci : ‘J’ai grandi dans une famille d’immigrés italiens. Je me souviens encore très bien qu’enfant, j’écoutais, bouche bée, les chansons des mineurs qui venaient manger leurs tartines dans la cantine de mes parents. Ceci, combiné aux chansons du folklore italien, avec lesquelles j’ai grandi, m’empêchait d’imaginer un monde sans musique. A dix, douze ans, je jouais sur mon petit accordéon, avec les musiciens de l’orchestre qui se produisait tous les dimanches dans le dancing de mon père, qui chantait, jouait de l’accordéon, de la guitare et de la batterie. Je m’amusais beaucoup, même si ça ne les arrangeait pas toujours. La batterie me fascinait déjà énormément, et chaque fois que le batteur prenait une pause, je me défoulais dessus. A l’occasion d’un de ces dimanches, le batteur était malade. Mon père est alors allé acheter une batterie chez Marcel Dubois, à Charleroi, une Sonorus blanche, sur laquelle j’ai joué le soir-même : tangos, paso-dobles, marches, cha-cha-cha, boléros… Un jour, à l’occasion d’une braderie à Châtelet, j’entends la musique de Glenn Miller, par les hauts-parleurs. Je ne savais pas ce que j’entendais ! Je n’ai alors pas tardé à acheter ce disque, et peu de temps après, j’ai aussi découvert le programme ‘Pour ceux qui aiment le jazz’, sur Europe1, au grand dam de ma mère, qui ne voulait pas que je reste éveillé aussi tard, avant d’aller à l’école. Pourtant, je continuais d’écouter, secrètement, avec mon transistor caché sous le coussin. Ce que je n’avais pas saisi de suite, c’était que cette musique-là était jouée par de vraies personnes, jusqu’à ce que je passe un après-midi d’été, chez Clément Depasse, le coiffeur de la rue Tombelle, à Châtelet. Je veux que tu signales ceci, c’est très important. J’entendais chez lui la même musique, jouée par les hauts-parleurs qu’il venait d’installer dans son salon. Il s’avérait être un passionné de jazz ! Du coup, je voulais aller toutes les semaines chez le coiffeur ! Au début, il ne comprenait vraiment pas pourquoi je laissais systématiquement passer mon tour, jusqu’à ce qu’il m’interroge : ‘Tu aimes bien cette musique-là ?’. Je répondis avec enthousiasme que oui. ‘Clem Deps’, neuf fois champion de Belgique de boxe, et coiffeur dans la vie de tous les jours, me coupait les cheveux en me parlant de jazz. Il s’entraînait chez lui, dans son petit jardin, sur du jazz. Mais, pour cela, il avait besoin de quelqu’un qui pouvait interrompre la musique toutes les trois minutes. Il me demanda alors si je ne pouvais pas venir le faire. C’est ainsi que j’ai été confronté aux disques de , Max Roach, Elvin Jones… Un nouveau monde s’ouvrait à moi. Je savais à ce moment que l’on pouvait jouer ainsi de la batterie. Je recommençai donc à m’exercer sérieusement. Je n’oublierai jamais le premier festival Adolphe Sax à Dinant, avec José Bedeur à la contrebasse, Willy Donni à la guitare et Jacques Bély au saxophone ténor. En plus du prix du meilleur orchestre, on y a remporté chacun le prix du meilleur soliste. Jacques Pelzer qui bien entendu, était aussi à l’affiche du festival, m’a emmené à Liège. J’ai alors pu accompagner tous ces musiciens légendaires de Liège : Bobby Jaspar, René Thomas, Maurice Simon, Jean Leclère et Robert Grahame. Je me rappelle que j’ai alors téléphoné, tout enthousiaste, à mon père, pour lui dire que cette musique de jazz, c’était vraiment quelque chose, et qu’en plus, on la jouait pas très loin de chez nous, en public. Lorsqu’un peu plus tard, j’ai fait partie du quintet de Alex Scorier, j’ai commencé à étudier la musique. Johnny Peret, un batteur et vibraphoniste de Jette, m’a appris toutes sortes de structures rythmiques, comme les moulins, en plus des principes de base du solfège pour batteurs.’ Bruno Castellucci explique son amour pour le jazz : ‘Tous les styles honnêtes ont des qualités. C’est une erreur de ne pas vouloir écouter un disque à cause de préjugés sur un style de musique : on peut apprendre à tout apprécier. J’adore par exemple toute la musique brésilienne, mais j’ai par le passé aussi joué du blues, avec beaucoup de plaisir. Pourtant, je dois bien admettre que le jazz était ma première grande passion, à cause de son caractère non-conformiste, mais aussi parce que c’était le premier style de musique à offrir une liberté d’expression totale. Ceci ne signifie pas que le jazz ne demande pas des aptitudes parti-culières aux musiciens. En effet, un malentendu a bien existé au sein du grand public, autour de l’assertion que ‘ces musiciens de jazz jouent n’importe quoi’, alors que des études de musique classique ne suffisent pas pour pouvoir jouer du jazz de qualité, de manière convaincante.’

Philip Catherine

Philip Catherine est né le 27 octobre 1942 à Londres, d’une mère anglaise et d’un père belge. Son grand-père était le premier violon du Symphony Orchestra. Après la seconde guerre mondiale, la famille revient en Belgique, s’installer à Bruxelles. On cite souvent Django Reinhardt et Barney Kessel parmi les premières influences de Philip Catherine, même si la musique de Georges Brassens l’avait séduit avant. appelait Philip Catherine ‘Young Django’ (titre du cédé que Philip Catherine publie en 1980 avec Stéphane Grappelli). Quant à Django Reinhardt, il est malheureusement mort trop tôt (mai 1953) pour qu’une rencontre entre lui et le ‘Young Django’ ait été possible. Cependant, Philip Catherine a souvent joué avec Joseph Reinhardt, le frère de Django, qui était guitariste rythmique au sein du Hot Club de France. Très tôt, Philip Catherine va se produire avec e.a. Sonny Stitt, Lou Bennett (avant René Thomas), Jack Sels et Fats Sadie. Il ignorait alors qu’il recevrait le Django d’Or à deux reprises (en 1995 et 1998), cinq ans après avoir obtenu le prestigieux Bird Prize au North Sea Jazz Festival, avec Stan Getz. En 1973, Philip Catherine forme Pork Pie, légendaire groupe de jazz-rock, avec et Jasper van ‘t Hof. En 1975, accompagné des mêmes musiciens, il publiera ses premiers albums, sous son nom : ‘September Man’ et ‘Guitars’ . Vingt- trois ans après sa création, Pork Pie s’est réuni à nouveau pour enregistrer un cédé, ‘Operanoya’ (Intuition), avec le percussionniste Don Alias, comme invité spécial. A l’automne 2001, Philip Catherine a l’opportunité unique de donner quelques concerts exclusifs en Italie, entouré des guitaristes John Pisano (70) et Mundell Lowe (80), anciens accompagnateurs de Charlie Parker, Billy Holiday, Bill Evans et Red Mitchel. Son cédé le plus récent, ‘Blue Prince’ , publié en 2000 par Dreyfus, sur lequel on peut aussi entendre Bert Joris (tp, bugle), Hein van de Geyn (b) et Hans van Oosterhout (dm), est en ce moment encore un des albums de jazz le plus vendu.

Philip Catherine : ‘Je devais avoir environ treize ans quand j’ai appris mes premiers accords de guitare avec José Marly. C’était comme si un nouveau monde s’ouvrait à moi, surtout dès l’instant où je commençais à jouer avec d’autres élèves. J’essayais aussi de m’exercer le plus souvent possible en jouant sur des disques de Georges Brassens et ensuite Django Reinhardt et Barney Kessel. J’ai également suivi des cours avec Joe Van Wetter, pendant un certain temps. Il n’a pas fallu attendre longtemps avant que je n’aille me produire régulièrement dans les cafés. Quelqu’un m’a visiblement découvert de cette façon, car un beau jour, en 1957, la RTB m’invitait à participer à une émission radio, accompagné par la section rythmique de Francis Bay, avec Armand Van de Walle à la batterie, Jean Evans au piano et Clément De Mayer à la contrebasse. A l’époque, je me trouvais aussi tous les mercredis dans une salle de la Galerie des Princes, où le clarinettiste Henri Van Bemst jouait avec son quintet. A la fin de leur concert, je pouvais jouer un morceau avec eux., du moins s’ils avaient encore un peu de temps, ce qui n’était pas toujours le cas. Dans cette hypothèse, je rentrais chez moi, très déçu. Lesley Span est le tout premier guitariste de jazz que j’ai vu se produire en public, en 1958, à l’occasion d’une jam session à La Rose Noire, dans la petite rue des Bouchers à Bruxelles. C’était après un concert qu’il avait donné avec Quincy Jones et Clark Terry, au Palais des Beaux-Arts. Hélas, je ne suis jamais parvenu à rencontrer Les Span. C’était pourtant possible, car la même année, je jouais déjà aussi dans ce club. J’y ai d’ailleurs participé à une jam avec Sonny Stitt. En 1958 toujours, à l’occasion de l’exposition universelle, j’ai joué sur la scène du Théâtre de la Belgique Joyeuse, avec Freddy Sunder à la guitare. A la même époque, je jouais aussi en trio avec le regretté Robert Pernet. Tout en fréquentant toujours l’école, je gagnais déjà un peu d’argent grâce à mes concerts. En 1960, avec la somme épargnée, et la vente de toute ma collection Märklin, une autre de mes grandes passions, pour 6.000 BEF, je me suis acheté une Gibson ES175, chez Persy à Bruxelles, pour 14.000 BEF. C’est avec cette guitare que je joue encore aujourd’hui ! En 1961, Lou Bennett, alors en tournée en Belgique, m’invite à jouer avec lui au Blue Note Club de Benoît Quersin. Visiblement, cela lui a beaucoup plu. En effet, je l’ai ensuite régulièrement accompagné en tournée, jusqu’en 1969. La fin des années ’60 correspond aussi à la période où je jouais avec Freddy Deronde dans Casino Railway, un projet de Marc Moulin. Pourtant, je n’étais toujours pas décidé à gagner ma vie comme musicien, même après avoir joué sur de nombreuses scènes pendant près de douze ans, aux côtés de différents musiciens professionnels, comme Jacques Pelzer, rencontré grâce à Quersin. Jacques m’a permis, à son tour, d’accompagner d’autres musiciens, le plus souvent à l’occasion de jams organisées pendant le festival de Comblain-la-Tour. Entre-temps, à vingt-et-un ans, j’avais appris la guitare classique pendant un certain temps avec Nicolas Alphonso. J’ignore dans quelle mesure cela a influencé ma technique, mais je peux t’assurer que j’ai eu beaucoup de plaisirs, notamment en étudiant et en jouant des pièces de Segovia, dont j’ai toujours été un grand admirateur. Le plus embêtant fut d’adapter la technique classique à la guitare, avec les doigts, au jeu avec le plectre sur une guitare électrique. Il s’agissait pour moi de deux mondes totalement différents que je n’ai jamais pu réunir, raison pour laquelle, aujourd’hui encore, je ne parviens pas à développer une technique à la guitare jazz avec les doigts. Après neuf mois, j’ai arrêté l’expérience. Cela semble improbable, mais j’ai dû attendre plusieurs années avant de revoir un guitariste de jazz sur une scène. Je jouais alors déjà sur un disque de Lou Bennett. Ce guitariste s’appelait René Thomas et provenait de Liège. Il revenait en Belgique après un long séjour au Canada. Peu de temps après, je voyais Toots Thielemans. Beaucoup de gens ont oublié à quel point c’était un excellent guitariste. Il ne faut pas oublier qu’à ce moment-là, très peu d’artistes de jazz, de format international, venaient jouer en Belgique. On ne peut se l’imaginer aujourd’hui. Ce n’est qu’à la fin des années ’70, alors que je venais de terminer mon service militaire, que Jean-Luc Ponty m’invite pour devenir un membre à part entière de son groupe, et à l’accompagner pour une tournée de deux semaines. J’ai alors décidé de devenir un musicien professionnel, sans pour autant mettre fin à mes études. Imagine un instant qu’il ne m’ait pas téléphoné à l’époque, je travaillerais peut-être aujourd’hui dans l’un ou l’autre bureau. J’ai donc fait partie du groupe de Jean-Luc Ponty pendant seize mois, au moment où on me demandait aussi régulièrement en Allemagne, avec les formations de Klaus Weiss et Ferdinand Povel. En 1973, après mes études au Berklee College à Boston, je suis allé vivre quelque temps à Berlin. J’y ai joué, pendant neuf mois, dans le big-band de la SFB. La même année, j’ai créé le groupe Pork Pie avec Jasper van ‘t Hof et Charlie Mariano. C’était un projet jazz-rock, comme cet autre trio, formé à la fin des années ’70, avec le batteur et le bassiste John Lee. L’arrivée du rock, de la soul, du funk et du rhythm and blues représentait une véritable respiration pour les musiciens de jazz de l’époque, après toutes ces années dominées par le swing et le be-bop, et qui, soyons honnêtes, commençaient tout doucement à nous pomper. C’est là l’explication de cette vague de fusion et de jazz-rock à la fin des années ’60, début des années ’70. Dans les groupes dont je suis responsable, je tente toujours de donner la parole aux autres musiciens, de façon optimale, que ce soit pour les standards ou mes compositions, respectant ainsi leur valeur intrinsèque. Je tiens ainsi toujours compte le plus possible des capacités techniques de mes partenaires. Avant de jouer, on se met d’accord, entre nous, tout en les laissant libre dans leur expression musicale. Mes compositions peuvent toujours évoluer, grâce à l’apport des autres musiciens, mais aussi parce que j’évolue également, bien entendu. J’essaye le plus possible de toujours respecter le public. Après tout, ils ont acheté un ticket, et ont donc droit à un concert convenable. Ceci ne signifie pas qu’il peut attendre n’importe quoi de moi. Les spectateurs de mes concerts ne se sentiront jamais dupés. Prendre l’habitude, tous les jours, de jouer des gammes et des schémas d’accords, et à chaque fois placer la barre un peu plus haut, voilà le conseil que je peux donner à tout jeune guitariste. Par ailleurs, travailler avec d’autres musiciens - et surtout les écouter - est essentiel pour le développement personnel de chaque musicien.’

Jean-Pierre Catoul

Jean-Pierre Catoul est né le 14 août 1963, à Huy. A huit ans, après deux années d’études classiques au violon, le programme de la télévision francophone ‘Feu Vert’ le consacre meilleur jeune talent. A cet âge là, il pouvait aussi déjà jouer au piano. Bref, pour tous, il était clair qu’il s’agissait là d’un virtuose potentiel. Jean-Pierre Catoul se sentait à l’aise autant dans le monde la musique pop, que dans le classique et le jazz. En tant que soliste d’un orchestre symphonique de jeunes, Jean- Pierre Catoul travaillera bientôt avec William Sheller, Jimmy Page, Robert Plant, Stefan Eicher, Pierre Rapsat, B.J. Scott, Alain Souchon, Isabelle Antena, Alain Bashung, Perry Rose, les groupes pops Niagara, Kent, Pow-Wow et Indochine, mais aussi avec Toots Thielemans, Jacques Pelzer, Philip Catherine, Charlie Mariano (cf. cédé ‘True Stories’ , Igloo), Jean-Luc Ponty (qu’il a continuellement cité comme son maître principal), Charles Loos (cf. cédé ‘Summer Winds’ , Quetzal, et ‘Sad Hopes’ , Omnivore), Félix Simtaine, Pirly Zurstrassen (cf. ‘Septimana’ , Carbon7), Fabrice Alleman et Gwenaël Micault.

Jean-Pierre Catoul : ‘Ma mère était une très grande mélomane en musique classique. Cependant, au cours de son enfance, elle n’a pas eu la chance d’étudier la musique. Il ne faut pas oublier ici que l’enseignement de la musique n’est accessible à tout un chacun que depuis une quarantaine d’années. Pour ma mère, cela a dû représenter un manque terrible. C’est probablement la raison pour laquelle, elle nous fait, ma sœur et moi, étudier la musique dès notre plus jeune âge. Ma sœur donne d’ailleurs toujours des cours de piano à l’académie de musique. J’ai commencé à jouer du violon dès l’âge de six ans. A vingt ans, je terminais mes études au Conservatoire. Une fois mon premier prix en poche, j’en avais un peu marre de la musique classique, et je suis alors passé au jazz. Le déclic est surtout venu du progamme ‘Le Grand Echiquier’, diffusé par la télévision publique française. C’est là que j’ai vu pour la première fois Stéphane Grappelli. Jusque là, je n’avais encore jamais entendu quelqu’un jouer du jazz au violon. Je n’y connaissais donc rien, mais je savais que c’était ce que je recherchais. Depuis lors, le jazz ne m’a plus lâché. Tu ne peux pas imaginer quel sentiment libérateur cela représente d’atterrir ainsi dans le chaos rebelle du jazz, quand on vient du monde fortement structuré de la musique classique. Mais attention : j’en connais beaucoup qui n’ont jamais réussi à franchir ce seuil, parce qu’ils se sentaient trop peu sûrs d’eux, et par peur de quitter le chemin balisé par la partition. Et, parfois même pour éviter de porter atteinte à la technique élaborée péniblement pendant des années. Je peux les comprendre, et s’ils peuvent continuer à vivre ainsi, c’est bien entendu leur droit absolu. En 1984, je suis arrivé au Séminaire de Jazz de Liège, où j’ai eu Steve Houben, Richard Rousselet, John Ruocco et Michel Herr, comme professeurs.’ Un an plus tard, il forme le groupe de jazz-rock Equation, avec Eric Legnini, Stéphane Galland et Claude Hastir. En 1986, on le retrouve avec Michel Herr et Joe Lovano, sur le cédé ‘Extrêmes’ (Amplitude-Igloo), enregistré par l’Act Big Band de Félix Simtaine. En 1987, et pendant deux ans, Didier Lockwood sera son professeur de violon jazz. Un an plus tard, Jean-Pierre Catoul prenait sa décision : il allait se consacrer exclusivement au jazz. Le premier cédé de Catoul, ‘Modern Gardens’ (B.Sharp) remonte à 1990, l’année où pour la première fois, il rencontre Stéphane Grappelli avec lequel il va collaborer étroitement, pendant un certain temps. Jean-Pierre Catoul : ‘J’avais envoyé quelques cassettes démos à Didier Lockwood. Peu de temps après, il m’a invité à venir à Paris, où il occupait une grande maison, avec deux autres familles d’artistes. Un de ces artistes était Toure Kunda. J’avais aussi envoyé quelques démos à Stéphane Grappelli. Et un jour, il m’a téléphoné pour me demander si j’étais près à faire quelque chose avec lui. J’ai d’abord pensé que quelqu’un me jouait un tour, mais après un moment, je prenais conscience qu’il s’agissait bien de Stéphane Grappelli. Il m’a alors dit qu’il avait surtout apprécié la cassette de l’enregistrement d’un concert donné avec Jacques Pirotton. Alors que la qualité sonore laissait plus qu’à désirer. Stéphane m’avait envoyé une partition au préalable, pour que je puisse l’étudier à la maison. Hélas, pour autant que je sache, ce concert en duo n’a pas été enregistré. Par contre, j’ai bien un enregistrement du concert que nous avons donné, en 1993, avec son trio, au Festival International de Jazz à Liège, qui n’a pas encore été publié officiellement.’ Avec le temps, Catoul allait de plus en plus souvent utiliser un violon amplifié électriquement. Jean-Pierre Catoul : ‘Jean-Luc Ponty est et reste ma principale idole. La fusion en général m’a toujours passionnée : Pat Metheny, , , et … C’est ainsi qu’un de mes premiers projets, Equation, était un groupe de fusion.’ Sur ‘Restless’ , ce merveilleux cédé enregistré avec Peter Hertmans, et publié par Quetzal peu de temps avant le décès de Jean-Pierre Catoul, on entend encore clairement sa préférence pour la fusion. A propos de sa manière très particulière de composer, Jean-Pierre Catoul nous déclarait : ‘Sur mon clavier, je suis continuellement à la recherche de nouveaux schémas harmoniques. Ensuite, j’arrange les différents instruments autour de ces schémas, avant d’imaginer un thème adéquat pour l’ensemble. C’est ainsi que naissent la plupart de mes compositions. Mais, je dois ajouter ici que j’utilise de plus en plus l’ordinateur, ce qui me fait gagner beaucoup de temps. Je peux entendre directement le son des différents instruments, et cela m’aide beaucoup pour l’écriture des arrangements. Il va de soi que je laisse toujours un espace pour l’improvisation dans mes compositions, même si je suis persuadé qu’en jazz, le plus important est de disposer, à la base, d’une composition bien écrite. Tant que les compositions ne riment à rien, les accords, solos et rythmes de jazz pouvant même être joués à la perfection, cela ne me touchera pas. Mais attention, ceci est mon opinion personnelle. Le free jazz ne répond déjà pas à ce critère, et c’est bien pour cela que je n’ai jamais pu aimer le free jazz, en tout cas pas sur disque. En public, le free jazz peut par contre, être tout à fait supportable.’ Dans la nuit du dimanche 20 au lundi 21 janvier 2001, le sort, incarné par un automobiliste ivre, a frappé sans merci, faisant taire pour toujours un de nos musiciens les plus talentueux.

Michel Debrulle

Michel Debrulle est né le 18 août 1955 à Binche. Il a étudié la musique à Liège, en suivant principalement les cours d’improvisation de Garrett List. Ils participeront ensemble à l’aventure de La Grande Formation qui pu-blia deux magnifiques albums, ‘Everyone Lived in a Pretty How Town’ (Igloo) et ‘Galilée’ (Carbon7). Mais, avant cela, Michel Debrulle avait déjà publié plusieurs enregistrements avec le Collectif du Lion, Baklava Rhythm and Sounds, avec Henri Pousseur et avec Trio Bravo, formation créée en 1984 par ce batteur opiniâtre, avec Fabrizio Cassol et Michel Massot. Ce dernier dirigeait alors aussi le projet Bathyscaphe 5 (un cédé pour Igloo), aussi avec Michel Debrulle. En 1992, après le départ de Fabrizio Cassol, Michel Massot va trouver un nouveau partenaire, en la personne de Laurent Dehors, musicien français et multi-instrumentiste. Trio Bravo deviendra ainsi Trio Grande, tandis que Michel Debrulle intègrera Tous Dehors, le big-band de Laurent Dehors (deux cédés distribués par Harmonia Mundi). Depuis peu, Michel Debrulle s’investit dans un autre projet passionnant : Rêve d’Eléphant, un septet avec lequel il a publié un premier cédé, en 2001, sur le label du W.E.R.F., ‘Racines du Ciel’ . Sur le même label, il vient de sortir le deuxième cédé de Trio Grande, ‘Signé Trio Grande’ .

Michel Debrulle : ‘Curieusement, mon parcours musical est une conséquence logique de mes origines, même si la musique était absente dans ma famille. Mes parents sont originaires de Binche, ce qui signifie des liens très solides avec la culture du carnaval dans la région. Personnellement, j’évoluais déjà dès mon plus jeune âge comme Gilles de Binche. Je peux donc dire que j’ai grandi dans l’ambiance exubérante d’une masse dansante sur des battements de tambours. Ce n’est qu’aux humanités que j’ai commencé à jouer un peu de la guitare, ce qui n’était pas évident dans un internat où ce genre de chose était interdite. Autrement dit, pendant toute cette période, on ne peut pas vraiment parler de formation musicale. Ensuite, lorsque j’étais étudiant à l’université de Louvain-la-Neuve, j’ai organisé des concerts pendant environ deux ans, alors que j’aurais par-dessus tout préféré être moi-même sur cette scène. Après deux années de candidature en sciences économiques, j’ai arrêté les frais, et j’ai annoncé ‘l’heureuse nouvelle’ à mes parents : je voulais devenir batteur. Il ne faut pas oublier que dans les années ’70, les gens, et surtout les jeunes, n’étaient pas comme aujourd’hui, obsédés par l’argent et la propriété privée. Nous nous contentions de peu à l’époque. C’est donc à vingt ans que j’ai plongé sur cette batterie, comme un parfait débutant. Je suis allé suivre des cours de Johnny Peret, un batteur et vibraphoniste fantastique, qui jouait alors souvent au Bieromdrome de Pol Lenders. Il avait aussi donné des cours à Bruno Castellucci. Les trois premiers mois, il m’a appris à jouer sur des congas. Mais, comme il s’exprimait mieux sur une batterie, on y est finalement passé. Ensuite, je me suis rendu à Paris, pour suivre les cours de l’IACP, où j’ai entre autres rencontré Pierre Vaiana. Les longs trajets ont tout doucement commencé à nous poser un problème. C’est ainsi qu’un jour, nous avons réussi à convaincre Henri Pousseur, alors directeur du Conservatoire de Liège, qu’une demande pour une telle formation existait bel et bien. Les premiers séminaires de jazz liégeois, avec ses cours d’improvisation et ses workshops, allaient aussi vite voir le jour. De 1980 à 1982, j’ai organisé une série de concerts au Lion S’Envoile, dont j’étais l’exploitant. J’y faisais également partie d’une section rythmique permanente, avec le pianiste Pirly Zurstrassen et le contrebassiste Daniel Zanello. En 1981, j’ai obtenu une bourse pour pouvoir étudier pendant trois mois au Creative Music Studio à Woodstock. J’y ai surtout suivi des cours de rythmique avec e.a. , Dollar Brand, Collin Walcott et Nana Vasconcellos. La formation reçue de Trilok Gurtu (un percussionniste indien) m’a impressionné au point qu’elle deviendrait une de mes principales sources d’inspiration pour la musique jouée avec Trio Bravo. J’ai formé ce trio en 1984, un peu en suivant l’exemple de Arthur Blythe qui travaillait avec le joueur de tuba Bob Stewart, dont le rôle me semblait tout à fait convenir pour Michel Massot (alors condisciple au Conservatoire et rencontré via Garrett List). Ce n’est que plus tard, que Fabrizio Cassol, le saxophoniste alto du groupe, allait lui aussi se pencher de plus près sur la musique indienne. Une deuxième bourse (de la fondation Spes) m’a permis de me rendre à Madras, en 1994, pour approfondir mes connaissances de la musique indienne, et en 1995, j’ai aussi pu aller à La Havane, pour expérimenter la musique cubaine in situ. Cette dernière expérience m’a conduit à transposer une série de rythmes caractéristiques pour la musique afro-cubaine en figures jouables à la batterie, comme je l’avais d’ailleurs déjà fait pour les rythmes indiens. Quand je compare les arrangements pour Rêve d’Eléphant avec ceux de Trio Grande, une des différences principales me saute aux yeux : la liberté musicale d’un trio est automatiquement plus grande que celle d’un septet. De plus, la créativité incessante de Laurent Dehors rend toute convention avec lui non seulement impossible, mais aussi superfétatoire. Ceci augmente par conséquent, le degré d’imprévisibilité de chaque concert. D’autre part, il est important de signaler que les arrangements écrits pour le jeu entre le tuba et les percussions, dans Rêve d’Éléphant comme dans Trio Grande, demandent une approche très spécifique. Ce que le spectateur entend et voit, est le résultat d’expériences intensives, menées pendant des années, au cours de répétitions, et à l’issue de discussions, pour obtenir un son où l’absence d’une basse ne pose aucun problème, tant du côté des musiciens, pendant l’interprétation, que du côté des auditeurs, confrontés au produit fini. Le fait que je me trouve en ce moment très clairement dans une phase essentielle de ma vie, constitue un autre point important, où je voudrais souligner l’aide et la patience indispensables et inestimables des gens du Werf à Bruges, pour le développement ultérieur de mes deux projets. Sans eux, Rêve d’Éléphant et Trio Grande seraient sans doute tombés dans l’oubli. Bien entendu, j’ai probablement dû décevoir certaines personnes, suite à toute une série de décisions difficiles à prendre. Mais, a contrario, je serai toujours reconnaissant pour les opportunités offertes par les gens du Werf qui m’ont permis de développer utilement mes deux projets. C’est comme si j’avais enfin pu rassembler tous les ingrédients, répartis depuis des années, dans différentes casseroles, laissées sur le feu, pour enfin réaliser le plat principal de ma vie. Et cela, alors que j’avais toujours pensé que tout se passe avant la quarantaine !’

Bart Defoort

L e saxophoniste soprano et ténor Bart Defoort est né en 1964, à Bruges. De 1984 à 1987, il suivra les cours de théorie musicale, d’harmonie et d’histoire au Conservatoire de Gand. Ensuite, il va étudier le saxo-phone pendant trois ans avec Steve Houben, au Conservatoire de Bruxelles, où il recevra un prix en 1991. Cela faisait déjà trois ans qu’il était actif sur les scènes belges du jazz, où il se sentait d’ailleurs à l’aise dans tous les styles, du swing traditionnel au be-bop, et du classique contemporain (Blindman Saxophone Quartet) à l’improvisation libre. Il va ainsi rapidement partager le podium, de différents clubs et salles, avec des musiciens comme Richard Rousselet, Paolo Radoni, Mal Waldron, Félix Simtaine, Michel Hatzigeorgiou, Erik Vermeulen et Chris Joris. Comme de nombreux autres musiciens de jazz contemporains, Bart Defoort désigne aussi le Kaai comme une des scènes les plus importantes, et qui a contribué à son développement comme musicien. Ce club bruxellois modeste était exploité par les musiciens eux-mêmes, et leur donnait la chance d’expérimenter leurs compositions en toute liberté. Bart Defoort fera partie du K.D.’s Basement Party en 1991, et créera le groupe Octurn, en 1993, avec Bo Van der Werf et Jeroen van Herzeele. Il a réalisé trois cédés avec Octurn, et a joué dans de nombreux festivals, à Montréal, New York, Middelheim, Liège et La Haye (North Sea Jazz). En 1993, il rejoint le Brussels Jazz Orchestra. Et, depuis 1995, Bart Defoort interprète aussi régulièrement ses compositions avec son quartet, composé de Erik Vermeulen, Nicolas Thys et le batteur américain Gene Calderazzo. En 1997, ils enregistrent le cédé ‘Moving’ (W.E.R.F.), et se retrouvent à l’affiche de Jazz Middelheim. Entre 1998 et 2000, Bart Defoort se produit avec le Ernst Vranckx Quintet (avec Kenny Wheeler), avec lequel il enregistre deux cédés, et part en tournée en Chine. Pendant la même période, il participe aussi au Chris Joris Experience, notamment à l’occasion de concerts en Suède, en France et en Allemagne. En 1998, Bart joue même en Inde (Bangalore et Bombay) pour un projet avec Amit Heri et le Karnataka College of Percussion. En 1999, il crée le groupe Streams en compagnie du pianiste Diederik Wissels, ce qui a aussi conduit à une série de concerts, et à la publication du cédé ‘Streams’ en 2001.

Bart Defoort : ‘Je n’arrive pas à me souvenir d’un jour sans musique, à la maison. Enfant, j’étudiais déjà la musique, alors qu’on ne nous y obligeait pas. J’ai commencé par la flûte à bec classique. Je chantais aussi régulièrement dans des chorales, surtout parce que mon père est directeur de chorale. Mais, très vite, j’allais entrer en contact avec d’autres styles de musique. J’ai alors commencé à chanter du blues, du folk et du rock, en m’accompagnant à la guitare. A l’époque, j’étais un grand fan de chanteurs à textes comme Neil Young, Nick Drake et Joni Mitchell, une artiste très polyvalente, et qui a contribué à mon évolution vers le jazz. En effet, au même moment, Joni Mitchell commençait à publier des albums avec des gens comme Jaco Pastorius et Wayne Shorter. De plus, j’avais souvent vu mon frère Kris jouer avec son quintette (avec Gino Lattuca et Pierre Vaiana), à l’époque où il étudiait à Liège, chez Dennis Luxion. C’était au début des années 1982. Au même moment, j’ai aussi eu la chance de voir Miles Davis pour la première fois sur scène, à l’occasion de son ‘We Want Miles Tour’, avec Bill Evans au saxophone soprano. Tout ceci m’a conduit à prendre des cours de saxophone chez Pierre Vaiana. Comme la conscience que la musique allait déterminer ma vie s’imposait alors à moi, je me suis également investi de manière intensive dans la musique classique, en m’inscrivant au Conservatoire de Gand. Et, c’est justement après mes humanités, que toutes ces décisions allaient ouvrir un nouveau chapitre de ma vie, et, elles la dominent encore aujourd’hui, jour et nuit. J’ai choisi le saxophone pour le caractère vocal délibéré de l’instrument, mais aussi parce que j’en avais un peu marre de la guitare. Et, comme l’académie de musique ne possédait plus qu’un saxophone soprano, j’ai donc exclusivement joué de cet instrument, pendant quatre à cinq ans. Ce n’est que plus tard que j’ai commencé à jouer du ténor, un enchaînement qui allait finalement avoir une influence parti- culièrement positive sur ma conception du son. Je n’étais alors pas uniquement fan de Steve Lacy, mais aussi de toute une série de ténors comme Sonny Rollins et Dexter Gordon. Je n’ai appris à apprécier Coltrane que plus tard. Les fameux stages d’été orga-nisés avec John Ruocco, qui habitait alors encore à Mechelen, et Joe Lovano, qui venait régulièrement en Belgique, m’ont aussi apporté énormément. Après environ quatre ans d’études au saxophone, je décrochais déjà un boulot au théâtre musical, je faisais partie de groupes d’avant-garde, comme les Simpletones, tandis que je jouais aussi dans le big-band de Fred Van Hove. De manière assez étonnante, je n’ai commencé à me sentir pleinement musicien de jazz qu’à la fin des années ’80, début 1990, un processus que je considère aujourd’hui encore comme loin d’être abouti. J’espère d’ailleurs qu’il en sera ainsi jusqu’à la fin de ma vie. Après tout, un homme évolue, et donc, par définition, sa musique avec lui. Pour le musicien de jazz moderne, tout l’art se situe, selon moi, dans ce défi qui consiste à trouver la voie médiane, entre ce qu’il a reçu de ses ancêtres musiciens, et les nouvelles choses qu’il découvre, principalement par l’improvisation. Tout en tenant toujours compte d’une certaine logique. Ce n’est qu’ainsi que l’on parvient à se créer une identité propre et crédible. C’est pour cette raison qu’un de mes principaux objectifs est de devenir un bon improvisateur, et toujours avec le plus grand respect pour le répertoire jazz existant et tout son vocabulaire. Ce qui n’empêche pas de rester ouvert à d’autres formes musicales. Dès le début de son histoire, le jazz a toujours été marqué par un croisement continuel avec d’autres cultures. Ceci en a d’ailleurs fait un des styles musicaux dont l’évolution est la plus rapide et la plus drastique dans toute l’histoire. Par conséquent, cela n’a aucun sens de vouloir limiter le jazz à toute une série de critères auxquels il devrait correspondre pour pouvoir porter l’étiquette ‘jazz’. Même si le jazz est très exigeant et très difficile à jouer, il faut surtout éviter que le public le ressente comme tel. Sinon, on crée une distance inutile. C’est pour cette raison que dans mes projets, je tiens à garder un lien solide avec des mélodies logiques, des grooves qui swinguent et une sorte de feeling blues. Le jazz est un style musical dans lequel tu peux être totalement toi-même, avec ton propre son et tes idées. Ce qui me fascine aussi complètement, c’est cette possibilité de jouer dans l’ici et maintenant, grâce à l’improvisation, et surtout le fait d’improviser avec d’autres musiciens, d’autres individus, qui comme toi, sont dans un mouvement constant.’ Dans la série ‘The Finest in Belgian Jazz’, on peut entendre Bart Defoort sur le cédé du Brussels Jazz Orchestra.

Kris Defoort

Ce compositeur et pianiste aux talents multiformes est né en 1959, à Bruges. Il a d’abord étudié la musique ancienne et la flûte à bec au Conservatoire d’Anvers. En 1982, il va étudier la musique classique contemporaine et le jazz, au Conservatoire Royal de Liège. De 1987 à 1990, il suit des cours à la Long Island University of Brooklyn, New York. Kris Defoort s’est déjà produit avec de nombreux grands artistes internationaux, comme Lionel Hampton, Lee Konitz, Ron McLure, Mark Turner, Barry Altschul, Adam Nussbaum, Jack DeJohnette, Mike Formanek et Tito Puente. Il publie son premier cédé, ‘Diva Smiles’ , en 1986. Les autres cédés de Kris Defoort sont e.a. ‘Sketches of Belgium’ (avec son ensemble K.D.’s Basement Party - W.E.R.F.), ‘K.D.’s Decade Live’ (W.E.R.F.), ‘Variations on A Love Supreme’ (avec Fabrizio Cassol - W.E.R.F.), ainsi que le double cédé ‘Passages’ (avec Dreamtime et Mark Turner - W.E.R.F.). Kris Defoort a composé la musique et écrit avec le metteur en scène Guy Cassiers, le texte du livret de ‘The Woman Who Walked into Doors’ - an opera for soprano, actress and videoscreen’ . Cet opéra, basé sur un livre du même titre de l’auteur irlandais Roddy Doyle, est une production de Het Muziek Lod (Gand), du Ro Theater (Rotterdam) et une co-production de deSingel (Anvers), de Rotterdamse Schouwburg, La Monnaie (Bruxelles) et la Beethoven Academie (Anvers). Le résultat a pu être jugé en automne 2001, par un public unanimement enthousiaste, au cours de dix représentations à guichets fermés, à Anvers, Bruxelles et Rotterdam. La symbiose parfaite entre la formation de jazz Dreamtime (il fallait voir les balancements de la tête de Nic Thys, au moment où un groove conduit l’opéra vers un climax improbable) et l’ensemble de musique classique Beethoven Academie, sous la direction de Patrick Davin, assurait une architecture musicale encore jamais expérimentée. Elle offrait ainsi un écrin de choix pour la voix de Claron Mc Fadden (soprano) et pour la prestation théâtrale incomparable de Jacqueline Blom. Kirs Defoort a également beaucoup écrit pour le Brussels Jazz Orchestra et pour Octurn (cédé ‘Chromatic History’ et ‘Ocean’). Comme pianiste et accompagnateur, il participe régulièrement à différents enre-gistrements, dont les albums ‘The Unbearable Light’ et ‘Voyage’ (Garrett List), ‘Elohim’ et ‘Invisible Sun’ (Aka Moon), ‘Snake Ear’ (Deep in the Deep) et ‘Vivaces’ (Pierre Van Dormael). En outre, depuis 1996, Kris Defoort enseigne l’arrangement, le jeu d’ensemble et l’improvisation libre au Conservatoire Royal de Bruxelles.

Kris Defoort : ‘Même si j’ai traversé une période d’études inévitablement consacrées au piano, j’ai toujours été obsédé par la composition. C’est ainsi que lorsque je joue au piano, mon jeu est toujours automatiquement lié à la composition. J’ai toujours considéré le piano comme un orchestre complet, dont je peux me servir seul. En improvisant, en jouant sur les touches, je ne pense pas aux notes, mais aux couleurs. Je veux continuellement me surprendre par mon jeu au piano, et surtout dans la communication avec mes partenaires musiciens. Même si j’ai un certain son en tête quand je compose, il peut arriver qu’en commettant une erreur, en jouant ce que j’ai écrit, j’abandonne l’idée originale, parce que l’effet obtenu par hasard est plus intéressant. D’ailleurs, une erreur n’est pas toujours simplement une erreur. Il arrive qu’en jouant une série de notes et d’accords, ton esprit te conduise vers une certaine suite à ces notes, sans y avoir pensé consciemment. L’art consiste à rester continuellement ouvert, malgré les idées préconçues, pour les directions que la musique veut prendre elle-même. Un deuxième effet de surprise important se situe dans le fait qu’à chaque concert, j’ai un autre instrument devant moi. Certains considèrent cela comme un désavantage. Je pense plutôt que c’est un défi, et je me réjouis à l’idée que chaque concert sonnera différemment, à cause de la couleur sonore du piano que l’on me présente. Prends par exemple le symbole d’un la mineur septième. Donne-moi trois différents, je te jouerai ainsi trois la mineur septième totalement différents.’ Le piano semble bien être l’instrument idéal pour composer. Kris Defoort : ‘ Contrairement à un trompettiste, un violoniste ou un guitariste, un pianiste dispose en un clin d’œil, d’une vue d’ensemble de toutes les notes, ce qui est bien entendu un avantage. En les comparant à celles des pianistes, les compositions de saxophonistes ou de guitaristes diffèrent toujours totalement sur le plan de l’approche harmonique. Comme pianiste, en ayant toute l’offre de notes à sa disposition, on a souvent tendance à travailler automatiquement de façon harmonique, même si je m’en défends. C’est justement cette limite qui oblige un guitariste ou un souffleur à jouer de manière contrapuntique, ce qui peut parfois amener des idées originales. Je suis ainsi persuadé que Steve Coleman a pu définir un idiome musical propre grâce au fait qu’il n’est pas un pianiste. J’essaye de tenir continuellement compte de ce genre d’information, ce qui fait que je ne joue pas au piano comme on pourrait l’attendre d’un pianiste. Il y a peu, quelqu’un me demandait quels pianistes j’écoutais pour le moment. Je suis alors arrivé à la constatation révélatrice que sur les disques que j’écoutais ces derniers temps - surtout de la musique orchestrale - on ne rencontre aucun pianiste. J’adore par exemple énormément la musique de Ornette Coleman, qui ne travaille presque pas avec des pianistes.’ Comment Kris Defoort travaille-t-il quand il compose pour un orchestre, pour sa propre formation Dreamtime ou pour un ensemble de jazz comme Octurn ? Kris Defoort : ‘Tout mon passé musical - musique ancienne, musique contemporaine, jazz, etc. - commence à se développer de plus en plus dans un langage propre. Je trouve très passionnant de pouvoir travailler avec de grands ensembles, même des orchestres symphoniques, combinés avec des musiciens de jazz, comme dernièrement avec l’opéra ou avec le Vlaams Filharmonisch Orkest (mai 2002 : Conversations with the Past, pour vingt-quatre souffleurs, harpe, piano, contrebasse et percussion). Dans ce genre de travail, je respecte toujours les univers musicaux auxquels appartiennent les orchestres, en utilisant leurs éléments les plus forts. C’est ainsi que les musiciens classiques vont très loin dans la précision au niveau de la dynamique et dans le contrôle de l’instrument. Avec mon propre ensemble ou avec Octurn, par contre, je tenterai toute une série d’expériences sur place. Leur force se situe plutôt sur le terrain de l’improvisation. Le plus excitant est de réunir ces deux univers, qui fonctionnent la plupart du temps de façon complètement séparée. Mais aussi de voir comment les musiciens communiquent entre eux, fascinés par une composition et créent ainsi un langage commun, par delà les catégorisations.’ A la question de savoir si Kris Defoort se considère plutôt comme un musicien classique ou comme un jazzman, il répond : ‘Je me suis posé la même question pendant très longtemps, mais maintenant, je sais qu’il n’y a plus aucun doute possible : je suis un musicien de jazz. Le point de départ de toutes mes expé-riences musicales - comme compositeur et comme interprète - c’est encore et toujours mon écoute et l’improvisation. De plus, le jazz est constamment en évolution, déjà pendant l’exécution, dans l’ici et maintenant, et ce, bien plus que tout autre style de musique. C’est un genre musical qui se remet continuellement en question, ce que je fais par définition aussi pour moi-même.’

Fabien Degryse

Fabien Degryse est né en 1960, et de 1980 à 1982, il étudiera à la Berklee School of Music à Boston. Il recevra le premier prix pour la guitare et l’harmonie comme étudiant à la section jazz du Conservatoire de Bruxelles. Fabien Degryse a joué avec e.a. Toots Thielemans, Philip Catherine, Charles Loos, Bruno Castellucci et Calvin Owens. Fabien Degryse a pris la place de Pierre Van Dormael au sein du trio ‘L’Ame des Poètes’, aux côtés de Jean-Louis Rassinfosse et Pierre Vaiana. En 1997, il publiera un étonnant cédé ‘Hommage à René Thomas’ (Igloo) avec un Big Band de Guitares formé pour l’occasion. En 1999, Fabien Degryse édite un cours de guitare intitulé L’improvisation jazz par les arpèges pour la guitare . Au sein de son propre quartet, avec lequel il vient de sortir le cédé ‘Fabien Degryse Jazz’ , il est accompagné par le pianiste Michel Herr, le bassiste Roman Korolik et le batteur Laurent Mercier. Sur le site Internet de Fabien Degryse, www.multimedia.com/fabiendegryse/, on peut retrouver son cours et quelques extraits en format MP3.

Jan de Haas

Jan de Haas qui remporte le premier prix du Hoeilaart European Jazz Contest, en 1982, avec son quartet, n’est pas qu’un percussionniste doué. Il se distingue aussi comme batteur et l’a déjà prouvé en accompagnant e.a. Chet Baker, Eddie Daniels, Toots Thielemans, Philip Catherine, Steve Houben, Richard Rousselet, Michel Herr, Jacques Pelzer, Jack Van Poll, Nathalie Loriers, Erwin Vann, Pirly Zurstrassen, Roger Vanhaverbeke, Jerome Richardson et beaucoup d’autres. Sur son premier cédé ‘For the One and Only’ (Igloo) et sur le récent cédé ‘Parfum Latin’ (Mogno Music), Jan laisse entendre la pureté de son jeu à la batterie, mais aussi sa maîtrise au vibraphone, au marimba et sur d’autres percussions. Jan de Haas : ‘Chaque instrument a ses possibilités spécifiques. Au vibraphone, et instruments associés, le défi ultime est de frapper de manière parfaite au bon endroit, dans le bon coin. Même chez les plus grands, la faute reste possible. Il est important que dès le début du concert, on ne se dise pas ‘ et si je frappe à côté…’, car autrement, on fonce tout droit dans le brouillard. Un moment de doute me suffit pour perdre le contrôle de l’instrument. Je ressens cela beaucoup moins à la batterie, mais je connais des gens pour qui c’est justement l’inverse.’

Bart De Nolf

Bart De Nolf est né en 1965 à Bruges. De 1981 à 1984, il participe aux séminaires d’été annuels orga-nisés à Dworp, en suivant les cours de John Clayton et Hein van de Geyn. En 1986 (lorsqu’il devient membre du BRT Jazz Orkest) et en 1987, il obtient les premiers prix pour contrebasse et ‘lecture à vue’ au Conservatoire de Musique à Gand. Depuis 1988, il enseigne aux Conservatoires de Gand et de Bruxelles. Bart De Nolf a eu l’opportunité d’accompagner de nombreux artistes de grand format, entre autres Mal Waldron, Kenny Wheeler, , Horace Parlan, Jacques Pelzer, Toots Thielemans et Michel Herr. En avril 1997, il figure dans l’équipe du concert donné pour le 75ème anniversaire de Toots Thielemans à Bruxelles, avec Oscar Castro-Neves, Philip Catherine et Bert Van den Brink.

Ecaroh

Ein 1997, début 1998, le trompettiste Richard Rousselet (61) considérait que le temps était venu de concrétiser un rêve de jeunesse, un projet musical autour du travail du compositeur et pianiste Horace Silver. Il va alors recruter le saxophoniste soprano et ténor Fabrice Alleman, le pianiste Ron van Rossum, le contrebassiste Jean-Louis Rassinfosse et le batteur Bruno Castellucci. Il ne faudra pas beaucoup de temps pour que ce quintet passe d’un club à un autre, avec un succès grandissant, sous le nom d’Ecaroh (anagramme du prénom de Silver). Ce n’est un secret pour personne qu’on ne gagne pas beaucoup d’argent en jouant du jazz. C’est dire si un seul quintet de jazz peut suffire pour assurer un salaire décent à tous ses membres. Les artistes de jazz sont donc continuellement obligés d’exercer toute une série d’activités complémentaires, comme accompagnateur, membre d’autres compagnies musicales, musicien de studio, enseignant ou même une combinaison de toutes ces fonctions. Ecaroh n’échappe pas à cette règle, et disparaît donc de temps à autre de la scène. Fin 2001, le quintet réapparaît au Sounds Jazzclub de Bruxelles, avec un programme de trois heures, consacré uniquement à des arrangements du répertoire de Horace Silver.

Aller-retour entre le , le hard-bop et le jazz-rock Richard Rousselet : ‘Horace Silver est apparu sur la scène du jazz à un moment très important. D’un côté, on avait le be-bop sauvage, né pendant la seconde guerre mondiale sur la côte Est des États-Unis, en réaction contre le swing dominé par les blancs. Environ six ans plus tard, un nouveau style de jazz, beaucoup plus tranquille, nous arrive de la côte Ouest : le cool jazz, avec des influences de la musique classique, surtout joué par des blancs comme Gerry Mulligan et Chet Baker. Le succès débordant du cool jazz indisposait tellement certains membres de la communauté noire qu’il allait davantage encore radicaliser leur musique, ce que l’on désignera plus tard comme hard-bop. En réaction, Horace Silver, par ailleurs membre fondateur des Jazz Messengers de Art Blakey et leader de son propre quintet depuis 1956, va additionner les éléments du hard-bop et du cool jazz. Il va ainsi aboutir à quelque chose d’unique, une sorte de synthèse de deux courants très importants qui ont alors modifié durablement la direction du jazz. En réalité, Horace Silver est retourné vers le blues, dont la présence fondamentale manquait dans le cool jazz. Il y a ajouté ces mélodies typiques pour le be-bop, trépidantes, de préférence polyphoniques, jouées par les cuivres, et souvent soutenues par des rythmes du swing, fortement influencés par des couleurs latines. Il a ainsi crée un style spécifique, reconnaissable. Personnellement, j’ai toujours été passionné par la musique de Horace Silver. On l’a trop peu entendu en Europe, et même jamais en Belgique, alors qu’au même moment, aux États-Unis, on pouvait l’entendre sur toutes les stations de radio. Aujourd’hui encore, on écarte systématiquement cette musique particulièrement captivante de nos ondes. C’est bien pour cette raison qu’un jour j’ai décidé d’arranger ses compositions, afin de les interpréter ici avec un quintet. Dès le début, le public a beaucoup apprécié la démarche. De nombreux jeunes sont déjà venus me remercier. En effet, ils ont découvert la musique de Horace Silver grâce à Ecaroh.’ Richard Rousselet se souvient encore de sa collaboration avec Marc Moulin, au début des années ’70 : ‘Le succès que Marc Moulin connaît avec son nouveau projet ‘Top Secret’ a conduit de nombreux jeunes à rechercher les albums publiés par Placebo entre 1971 et 1974, et ‘Sam Suffy’ , un disque enregistré sous son nom en 1975. Heureusement, tout ce matériel vient d’être réédité en cédé. Contrairement à Placebo, la formation de base pour les enregistrements de ‘Sam Suffy’ se limitait à trois personnes : Marc Moulin, Bruno Castellucci et moi-même. La musique avait alors été enregistrée dans un studio à Bruxelles, le Studio Madeleine, si je ne me trompe pas. Je me souviens qu’un des enregistrements se déroulait pendant un dimanche sans voitures, à la suite de la crise pétrolière. Nous avions reçu une autorisation écrite du Ministre Willy Claes pour pouvoir quand même nous rendre en voiture au studio d’enregistrement. Nicolas Fissette, moi-même et les autres souffleurs, dont le saxophoniste Nic Kletchkovsky, décidions entre nous qui allait jouer quoi. Nous jouissions d’une très grande liberté dans les partitions écrites et arrangées par Marc. Je jouais sur une trompette amplifiée électriquement, un peu à l’instar de Miles Davis : un microphone incrusté dans l’embouchure était connecté avec un appareil électronique pour faire sonner les notes jouées dans deux octaves à la fois. On pouvait aussi y raccorder toutes les pédales à effets possibles. Les concerts live de Placebo étaient à chaque fois une vraie fête : des salles combles et un public enthousiaste à l’extrême, visiblement mis en appétit par cette nouvelle musique, qui porterait plus tard le nom de jazz-rock. Solis Lacus, le projet jazz-rock de Michel Herr allait connaître le même succès. J’en ai également fait partie avec Robert Jeanne, Félix Simtaine et ensuite Freddy Deronde et Nic Kletchkovsky (à la fin Bruno Castellucci a remplacé Félix).’

Fabian Fiorini

Fabian Fiorini est né à Liège le 23 mars 1973. Il a étudié aux Conservatoires de Bruxelles et de Liège, où il a remporté des prix pour le solfège, l’histoire, l’harmonie et l’analyse. Il obtiendra une distinction pour la composition jazz en 1993, avec le trio Vanderstraeten-Charlier-Fiorini. Le fait que ce pianiste qui évolue de manière remarquable et rapide ne soit pas très connu auprès du pu-blic jazz s’explique par son activité intense sur le terrain de la composition pour le théâtre et le cinéma. De plus, il est toujours actif dans la musique classique. Depuis quelques années, Fabian Fiorini collabore régulièrement avec Aka Moon. Il ajoute ainsi une dimension supplémentaire indiscutable aux compositions de Frabrizio Cassol, grâce à son jeu reconnaissable aux claviers, comme on peut s’en rendre compte sur la trilogie ‘Invisible’ et le cédé ‘In Real Time’ (Carbon 7). La musique de Octurn perdrait également beaucoup de sa puissance sans ces accords typiques de Fiorini, joués au piano et au synthétiseur depuis 2000, date à laquelle il devient membre à part entière du groupe. Dans la série ‘The Finest In Belgian Jazz’ on peut entendre Fabian Fiorini sur le cédé ‘Dimensions’ , de Octurn.

Marc Godfroid

Marc Godfroid est né à Geraardsbergen en 1960. Poussé par son père, dès l’âge de six ans, il va suivre des cours de solfège, et un an plus tard, de piano, à l’académie de Mons. A dix ans, son père lui fait suivre des cours de clarinette. C’est ainsi qu’il arrive par hasard dans le Garret Band, un groupe de Dixieland local. Un jour, à quatorze ans, après avoir vu jouer un tromboniste, directement fasciné par l’instrument, Marc Godfroid va choisir le trombone. Via la fanfare et l’harmonie, le choix pour cet instrument va coïncider avec son entrée dans le big-band local, qu’il dirige encore aujourd’hui. La carrière musicale de Marc Godfroid va vraiment démarrer à vingt-et-un ans - au moment où il dirige aussi Euro Jazz, l’orchestre de jeunes de l’Union Européenne (pendant cinq années, avec Peter Vandendriessche, il est le seul à avoir participé à toutes les sessions) - quand il deviendra membre du BRT Jazz Orkest, sous la direction de Etienne Verschueren. Un an plus tard, il rejoint le Tony Bauwens Sextet. La même année, au sein du Big Band Sound de Wetteren, il remporte le prix du meilleur soliste au Tros Big Band Festival à Amersfoort (NL). Ce qui conduira Félix Simtaine à le recruter pour son Act Big Band. En 1985, la BRT a désigne Marc Godfroid comme représentant de la Belgique, pour rejoindre le European Broadcasting Union Big Band, afin de participer au Festival International de Jazz de Pori (Finlande). Comme membre du Metropoolorkest néerlandais, sous la direction de Rogier van Otterloo, Marc Godfroid aura l’opportunité de faire la connaissance du grand Carl Fontana. Depuis 1991, Marc Godfroid est membre du renommé Rhythm Combination and Brass, du Big Band de Joe Haider et du Joe Haider Sextet. En novembre 1992, à la suite du projet Two Bones , il va jouer avec le WDR Big Band, aux côtés de Bill Watrous. Quatre mois plus tard, avec Frank Vaganée et Serge Plume, il forme le Brussels Jazz Orchestra, aujourd’hui mondialement réputé. En 1995, comme musicien très sollicité par le SWR Big Band de Stuttgart, il a la chance de travailler avec des grands noms comme Silde Hampton, Frank Foster et Clark Terry. La même année, il est le premier musicien flamand à remporter un Django d’Or. Depuis 1986, Marc Godroid enseigne le trombone jazz au Conservatoire de Gand qui l’a engagé, en 1993, comme coordinateur de la section jazz. De plus, depuis septembre 1998, Marc Godfroid est également professeur au Sweelinck Conservatorium à Amsterdam. L’entretien avec Marc Godfroid se déroule dans le café, fraîchement ouvert, au coin du bâtiment Art-Déco de la place Flagey, en cours de restauration et qui offre depuis lors l’hospitalité au Brussels Jazz Orchestra. Marc Godfroid : ‘A quatorze ans, jouer du trombone ne me posait aucun problème, grâce à la formation musicale déjà acquise, tant à l’académie, qu’au sein du Garret Band. De plus, ma technique à la clarinette allait me conduire à jouer des choses inattendues au trombone. Par exemple, je partais du principe qu’il fallait obtenir aussi vite au trombone, les gammes que j’avais l’habitude de jouer à la clarinette. Je m’y étais donc appliqué avec acharnement. Bien entendu, je n’y suis jamais parvenu, mais il en a quand même résulté un jeu au trombone assez inhabituel. Le Big Band Sound de Wetteren était le premier grand orchestre d’un certain niveau dont j’allais faire partie, avec e.a. le trompettiste Edmond Harnie, qui m’introduira ensuite auprès de Etienne Verschueren, son employeur dans le BRT Jazz Orkest. Les trombonistes étaient alors encore plus rares qu’aujourd’hui. Ainsi, à l’occasion des stages d’été de Dworp, comme tromboniste, je recevais des cours de saxophonistes. Cet état de fait a sans doute contribué à ce que Etienne Verschueren me propose une place dans son orchestre, dès 1981. En effet, il se passait de la présence d’un trombone depuis 1978. Mais l’orchestre serait dissout définitivement dix ans plus tard, faute de moyens financiers suffisants pour réaliser de vraies grandes productions. Rendre le jazz viable financièrement est et reste encore une dure lutte, et ce, malgré le niveau qualitatif élevé de cette musique, qui est née et s’est développée dans des clubs et des bars défraîchis, avec des musiciens toujours peu rémunérés pour les heures de divertissement offertes aux consommateurs. Personnellement, je ne me suis jamais senti attiré par le fait de participer à des jams, pendant des nuits entières, dans des cafés, pour à peine cinquante euros, trois tickets boissons, simplement pour la cause du jazz. A contrario, le fait de toujours jouer les mêmes morceaux de Glenn Miller, mais aussi de Ellington et de Basie, avec le big-band en Allemagne, ne me pose pas trop de problèmes. Cela me donne l’occasion, en dehors, de pratiquer le jazz d’une façon plus confortable. Entre-temps, on peut tout de même se réjouir, depuis dix ans, de l’existence de notre Brussels Jazz Orchestra, créé à l’issue d’un combat long et pénible. De plus, c’est grâce à Maria Schneider, une des grandes artistes avec lesquelles le BJO a travaillé plusieurs fois, qu’un monde nouveau vient de s’ouvrir à moi, celui de la salsa. Avec son producteur et le tromboniste néerlandais Bart van Lier, je viens d’avoir l’occasion de participer, à Stuttgart, à un opéra écrit par un Sud-Américain, où les voix solistes étaient accompagnées par un chœur et une formation salsa assez large, composée d’une section rythmique impressionnante et d’un quartet de souffleurs. Une partie de ces musiciens enseigne la salsa à Berklee. Je viens seulement de comprendre quel niveau certains musiciens peuvent atteindre dans cette musique aussi, même s’il ne suffit pas de jouer les choses à la perfection : il faut aussi savoir passer la musique de la façon la plus naturelle et spontanée. Pour y arriver, le fait de travailler sur son instrument reste une condition incontournable. Je tente aussi de faire comprendre à mes étudiants, que la meilleure manière d’approcher la technique de son idole, n’est pas d’essayer tout de suite d’imiter ses solos. En effet, à un moment ou à un autre, on arrive dans une impasse. Il faut plutôt suivre le parcours attentivement et avec patience, en plaçant la barre systématiquement un peu plus haut, avec les exercices nécessaires, bien entendu. De plus, on ne peut pas travailler de façon novatrice, sans connaître et respecter la tradition. Le jazz évolue, c’est une évidence, mais nous ne pouvons pas regarder avec condescendance ce qui a été fait par nos ancêtres. L’innovation enrichit tous les styles de musique, sans qu’un élément du passé ne puisse être éliminé.’

André Goudbeek

André Goudbeek (1946) a donné deux concerts mémorables au cours de la première décennie des annuels Mechelse Jazzdag : avec Fred Van Hove (2000), et avec Xu Fengxia. Il n’avait encore jamais travaillé avec ce dernier, ce fut donc un concert libre et improvisé, dans le plein sens du terme. Après le violon, étudié pendant huit ans, au cours de sa jeunesse, André joue aujourd’hui, du saxophone alto et de la clarinette basse en autodidacte. Il se spécialise aussi au bandonéon, avec Alfredo Marcucci, un grand maître argentin. Le Full Moon Trio, son premier groupe, créé en 1969 (LP six ans plus tard), était composé du bassiste Pol Feyaerts (responsable du Damberd à Gand) et du batteur Ronnie Dusoir. Après, il fondera le WIM avec Fred Van Hove, et en 1976, lancera Hommage, le premier quartet de saxophones européen de musiques improvisées libres : Michel Mast (ss), John Ruocco (ts) et Luc Houtkamp (bs). En 1981, à Jazz Middelheim, Goudbeek joue en duo avec François Jeanneau, Philippe Maté et John Tchicai. Ensuite (1981-1983), il devient membre du Chris McGregor’s Brotherhood of Breath. En 1982, Willem Breuker lui demande d’intégrer le Kollektief. Il fera alors le tour du monde en bien plus que quatre-vingt concerts, douze années durant. La collaboration avec Fred Van Hove est toujours intense : MLB III, le septet flamin MLF7 et ‘t Nonet. Dans les deux dernières formations, Fred Van Hove le désigne comme son premier lieutenant. En effet, André peut plus facilement donner des signes que Fred, calé derrière son piano. En 1995, il reçoit une commande pour écrire la musique du film muet Nanook of the North . La musique est alors jouée live en quartet, à l’occasion des projections en Flandre et aux Pays-Bas, avec e.a. Bart Maris (tp), avec lequel André joue beaucoup, ainsi que Peter Jacquemyn (b), qu’il retrouve aussi au sein du duo V2, et parfois par le trio (lisez le nom deux lettres à la fois) Gojama.

Grand Groove

Un jour, les Jazzlab Series - une organisation pour la promotion et l’aide aux jeunes musiciens émergents, lancée par le Centre Culturel de Werf à Bruges - mettent par hasard la main sur une bande démo avec une étiquette mentionnant le nom de Grand Groove. Il s’agissait d’un projet lancé par le jeune trompettiste Sam Vloemans (élève e.a. de Jarmo Hoogendijk et Erik Vloeimans), pour interpréter ses compositions, écrites pendant de nombreuses années et arrivées à maturation. Avec un certain nombre d’amis (le batteur Jan-Kris Vinken, le bassiste Steven Van Loy, le percussionniste Kobe Proesmans, le claviériste Pieter Van Malderen, le guitariste Stijn Norga, les saxophonistes ténors Wietse Meys et Frank Deruyter), il avait enre- gistré une cassette avec des morceaux de latin-jazz enlevés et très dansants, ainsi que du funk instrumental où les thèmes stricts laissaient néanmoins assez d’espaces pour des improvisations libres en solo. Conséquence : une série de concerts à la clé. L’enthousiasme général du public a clairement démontré que le jazz ne doit pas cesser d’évoluer, et, c’est bien ce que pensent aussi le batteur Teun Verbruggen, le contrebassiste Henk Delaat et l’organiste Arno Krijger, les compagnons de Sam au sein du récent Sam Vloemans Quartet.

Greetings From Mercury

Greetings from Mercury, c’est à ce jour, le nom d’une des créations les plus ambitieuses de Jeroen Van Herzeele. Il s’agit d’un projet qui déplace les frontières, en réunissant le jazz, le rock et le hip-hop, dans un spectacle musical dynamique. Projet né d’un trio, formé du guitariste Peter Hertmans et du batteur Stéphane Galland, avec lesquels il a publié le cédé ‘At the Crossroads’ (Carbon7), en 1994. Depuis, le trio est devenu un sextet, avec l’arrivée du bassiste Otti Van der Werf, du joueur de sitar Michel Andina (chargé du son pendant les enregistrements) et du chanteur Steven Segers. Ce sextet a publié trois cédés : ‘Greetings from Mercury’ , ‘Continuance’ (Carbon7) et ‘Heiwa’ (Tracks/Blue Note). Ce dernier cédé est repris dans le box ‘Brugge Jazz 2002’ et a été enregistré pendant une semaine au Jet Studio’s. Lors d’un concert de Greetings from Mercury, à l’occasion de Jazz Middelheim 1999, j’ai voulu retenir une dame qui se levait irritée, manifestant que cela n’était pas du jazz, pour lui signaler in extremis ce que Steven Segers venait de chanter en rap : ‘Free your mind…’. Sans succès. En entendant les premières notes de be-bop de Charlie Parker, certaines personnes ont, à l’époque, aussi dû se demander à voix haute où était la relation avec le jazz, recourant certainement à l’expression célèbre : ‘It’s a jazz thing’ , ce qui signifie : ‘quel chaos’. Jeroen Van Herzeele : ‘Il est temps que certaines personnes s’ouvrent un peu. Qu’est- ce que le jazz aujour-d’hui ? Notre musique - et cela vaut surtout pour les solos - contient autant de jazz que celle de Miles Davis, John Coltrane, Duke Ellington ou Joe Henderson. Comme eux, nous ne faisons pas une musique pour puristes, et comme eux aussi, nous improvisons tout le temps, ce qui est quand même une des caractéristiques principales du jazz.’ Un certain nombre de critères auxquels, selon certains puristes, une musique doit répondre pour pouvoir être classée comme ‘jazz’, sont basés sur des erreurs. Sur ce point, Steve Coleman nous apprend que : ‘Sans rythme, l’harmonie et la mélodie n’existent pas, car elles ont besoin d’un temps, d’un tempo. Il leur faut une destination, une place où aller. Prenez par exemple Art Tatum et Charlie Parker : ils jouaient tous les deux les mêmes harmonies, mais sur des rythmes complètement différents. C’est la raison pour laquelle leurs styles ne peuvent quasiment pas être comparés. Ce que Monk, Dizzy et même Don Byas allaient jouer plus tard, Tatum l’avait déjà fait bien avant. Ils l’ont d’ailleurs tous admis. On avait l’impression qu’ils étaient occupés à faire quelque chose de totalement nouveau, par le simple fait qu’ils utilisaient d’autres rythmes. Ils n’auraient jamais obtenu cet effet s’ils avaient joué les rythmes de Tatum, avec des harmonies modifiées. En histoire de la musique, on veut nous faire croire que les fameux flat fives (les fameuses quintes dimi-nuées) sont caractéristiques pour le be-bop. Cela ne rime à rien ! Duke Ellington les jouait déjà dans les années ’20. Mais l’endroit, dans la structure du song, où la quinte diminuée est précisément jouée, voilà ce qui fait la différence.’ Selon cette théorie, le rythme est seul responsable pour chaque modification dans la musique. En d’autres termes, une harmonie identique, dans deux chants différents, ne sonnera jamais de la même façon, si les rythmes ne sont pas identiques. Cette donnée intéressante prend une dimension supplémentaire dans la musique de Greetings from Mercury sur ‘Heiwa’ , où pour la toute première fois, les rythmes (Stéphane Galland) et les grooves (Otti van der Werf) forment les éléments de base pour les harmonies et les mélodies, ajoutées à l’occasion d’une étape ultérieure.

Avant et maintenant Jeroen Van Herzeele : ‘Alors qu’à l’époque, on partait de mes mélodies au saxophone, auxquelles j’avais ajouté des rythmes et des grooves étudiés à partir de mon ordinateur - en réalité une approche purement mathématique de la musique - ici, nous sommes partis des rythmes et des grooves pour y ajouter des harmonies et des mélodies, comme dans le travail de Pierre Van Dormael. C’est une des différences principales avec les albums précédents. C’est ainsi que, chose qui n’était encore jamais arrivée au sein de Greetings from Mercury, Stéphane et Otti ont travaillé les grooves et les rythmes à deux, et ce n’est qu’après que Peter s’est concentré sur les harmonies, pendant que Steven y intégrait ses textes, avec refrains. De plus, nous avons postsynchronisé une série de lignes vocales de Steven, les unes sur les autres, en polyphonie. Le système Pro Tools était notre outil principal dans ce travail. De plus, les morceaux sont volontairement courts : en moyenne, ils durent de trois à quatre minutes maxi-mum, et aucun n’atteint les huit minutes, même pas le remix de ‘Closer’ qu’on trouve sur notre cédé live ‘Continuance’ , d’une durée de dix minutes.’ Jeroen Van Herzeele garde résolument ses distances par rapport au rôle de leader du groupe : ‘On tente de plus en plus de faire sonner la musique de Greetings from Mercury comme un son homogène, où aucun élément ne domine et avec un minimum de passages improvisés.’

Steven Segers : ‘La hiérarchie est un trop vilain mot pour l’utiliser en musique. D’ailleurs, je pense que si chaque musicien se sent heureux là où il se trouve en musique, je suis convaincu qu’un leader est superflu, tout au moins dans le sens de quelqu’un avec du pouvoir. Il faut bien que quelqu’un prenne une certaine responsabilité, quelqu’un sur lequel le groupe peut retomber. Un cercle ne peut exister sans point central. Au sein de Greetings from Mercury, ce point central est très mobile et flexible. A n’importe quel moment, n’importe qui peut prendre la direction sur un passage déterminé. D’un autre côté, je ne crois pas dans des choses comme le jazz, le rock, la musique classique, la techno, le folk… la musique est pour tout le monde, et puis c’est tout.’ Si les contributions vocales de Steven Segers ont évolué avec le temps, du texte en rap aux parties chantées, avec un timbre de plus en plus proche des chanteurs de soul et de R & B, il en est de même pour le vocabulaire utilisé dans ses textes. En effet, il met de plus en plus l’accent sur les failles du système : ‘Cela fait longtemps que je n’utilise plus le slang dans le rap, et surtout pas en chantant. Je trouve très important que mes textes soient compris par le plus large public possible. Pour la même raison, je ne chante pas en néerlandais mais bien entendu, je garde tout le respect pour ceux qui le font quand même. Je continue consciemment à utiliser la langue anglaise comme moyen de communication universel. De plus, ce n’est pas intéressant de présenter des textes qui n’ont aucun sens et qui ne touchent personne. D’un autre côté, je ne livrerai jamais aucune critique. A la place, je me limiterai toujours à mentionner des constatations qui portent à la réflexion, et qui peuvent éventuellement conduire à la critique, mais je laisse cela à l’auditeur. Je ne prononce pas de jugement.’

Manu Hermia

Manu Hermia est né le 09 novembre 1967. Pendant dix ans, il suivra des cours de clarinette à l’académie. De 1988 à 1990, il étudie le saxophone à la section jazz de la University of Southern California de Los Angeles. Les quatre années suivantes, il étudiera au Conservatoire Royal de Bruxelles, où il obtient le premier prix pour saxophone en 1992. Manu Hermia a déjà travaillé avec e.a. Fred Wesley (tournée en 1997), Ben Ngabo, Pierre Van Dormael, Gino Lattuca, Mimi Verderame, Paolo Radoni, Daniel Romeo, Roland Van Campenhout et Ron van Rossum. Sur son cédé jazz-rock ‘Acid Colors’ (Team4Action), on retrouve Francis Charlier, Paolo Ragatzu, Willy Nsita et Xavier Tribolet, et sur son cédé le plus récent ‘L’Esprit du Val’ (Igloo) dans le style post-bop, il est entouré de Erik Vermeulen, Sal La Rocca et Bruno Castellucci. Le trio Slang, créé par le bassiste François Garny, où joue également le percussionniste Michel Seba, aux côtés de Manu Hermia, interprète un mix très stylé d’ethno-jazz énergique avec de solides riffs de rock. Jusqu’ici, le trio a publié deux cédés sur Carbon 7 : ‘Los Locos’ et ‘Save The Chilis’ .

Michel Herr

Michel Herr est né en 1949, à Bruxelles. Dès les années ’70, il était déjà actif sur la scène jazz européenne, même s’il n’envisageait pas nécessairement l’avenir comme musicien. En effet, le courant ne passant pas avec son professeur, il a arrêté prématurément les leçons de piano que ses parents lui offraient. Il allait cependant tout de même continuer à jouer par lui-même, d’abord de la musique classique, dont il collectionnait déjà pas mal de disques. Mais, à quinze ans, il entend par hasard un disque du trompettiste Teddy Buckner. Sa passion allait changer de rive, seul le jazz l’excitait encore. New Orleans, swing, be-bop, mo-dern jazz… il allait suivre tout le parcours à une très grande vitesse, bouche bée à chaque nouvelle découverte : Parker, Monk, Miles, Coltrane… un scénario qui depuis lors, est devenu un cliché. Le pianiste s’est également rapidement profilé comme un compositeur inventif, mais aussi surtout comme un soliste hors-pair, à une époque où on ne parlait pas encore d’enseigner le jazz dans notre pays. Il ne pensait toujours pas à une carrière musicale, même si, pendant sa période universitaire, il consacrait tout son temps libre entièrement au jazz, et pas uniquement avec Bill Evans comme modèle, mais aussi des novateurs comme Chick Corea, Herbie Hancock et Joe Zawinul. De manière assez étonnante, il va d’abord écrire des chroniques musicales pour un périodique de cinéma, avant d’évoluer comme musicien. Il tenait à d’abord se perfectionner en profondeur, ce qui n’était possible qu’au travers de stages organisés à l’étranger, à l’origine de nombreuses rencontres intéressantes. Il ne tournera cependant jamais le dos au monde du cinéma. En effet, il livre encore régulièrement des compositions pour des bandes sonores. Il choisira définitivement la carrière de musicien, à la suite d’un prix reçu en 1971, comme meilleur soliste d’un concours de jazz aux Pays-Bas. Un an plus tard, en Allemagne, il rencontre Wolfgang Engstfeld, un saxophoniste avec lequel il joue encore régulièrement aujourd’hui. C’est avec lui qu’il crée Jazz Tracks, suivi par le groupe de fusion jazz-rock Solis Lacus, avec e.a. Richard Rousselet, Robert Jeanne, Freddy Deronde, Nic Kletchkowsky, Félix Simtaine et Bruno Castellucci. En 1978, toujours avec Engstfeld, il crée le Michel Herr-Wolgang Engstfeld Quartet, à l’époque, un des ensembles européens les plus réputés. Aujourd’hui, on retrouve le même saxophoniste dans le Michel Herr European Quintet, avec Bert Joris, Ricardo del Frà et Dré Pallemaerts. Une deuxième rencontre importante se déroulera en 1975, avec le flûtiste néerlandais . Pendant plusieurs mois, Herr fera partie de son groupe Combination. Un an plus tard, après avoir étudié pendant quelques semaines au Berklee College de Boston, sans que cela ne lui apporte grand chose, il rejoint le groupe Solstice de Steve Houben. En 1977, il publie ‘Ouverture Eclair’ , un album avec ses compositions, enregistré avec son propre trio, où il est accompagné par Freddy Deronde à la contrebasse et Félix Simtaine à la batterie. Entre-temps, Michel Herr est devenu très actif comme partenaire dans pas mal de formations, comme le BRT Jazz Orkest et le NDR de Hambourg. En 1980, il fait partie de la grande formation liégeoise Saxo 1000. Dès le début, il sera aussi le directeur artistique de l’Act Big Band de Félix Simtaine. Depuis 1984, Michel Herr est membre d’un des ensembles de Toots Thielemans, avec lequel il a déjà fait quelques fois le tour du monde. C’est ainsi qu’il a eu l’occasion de partager la scène avec des bassistes comme Rufus Reid, Ray Drummond ou Ricardo del Frà et des batteurs comme Adam Nussbaum ou Billy Hart. Michel Herr était aussi un des trois compositeurs-arrangeurs pour le big-band qui assurait le concert organisé à l’occasion du 70ème anniversaire de Toots. Les autres noms étaient Quincy Jones et Peter Herbolzheimer. En 1998, tant la RTBF que la VRT désignaient Michel Herr comme meilleur arrangeur de l’année, avant de diriger, l’année suivante, le Brussels Jazz Orchestra pour l’enregistrement de sa ‘Celebration Suite’ pour le cédé ‘The September Sessions’ (W.E.R.F.). En 2000, Michel fut l’invité d’honneur de la remise des Django d’Or belges. Citer tous les musiciens belges et étrangers avec lesquels il a travaillé occuperait un chapitre entier. Voici tout de même un échantillon : Archie Shepp, Joe Pass, Chet Baker, Joe Henderson, Joe Lovano, Palle Mikkelborg, Palle Danielsson, Johnny Griffin, Steve Grossman, Lew Soloff, Lee Konitz, Bill Frisell, John Abercrombie, Philip Catherine, Didier Lockwood, Scott Colley, Marc Moulin, Daniel Humair, Tom Harrell, Paolo Radoni…

Michel Herr : ‘Enfant, en jouant au piano chez moi, j’ai rapidement compris que la force d’attraction de l’instrument se cachait derrière le fait que, contrairement aux autres instruments comme la trompette, le saxophone ou la guitare, dès qu’on le touche, il produit immédiatement un son correct. C’est ainsi que j’ai tout de suite ressenti l’envie d’improviser. A l’époque, j’ai aussi eu la chance d’accompagner de nombreux grands artistes américains de passage dans notre pays. En effet, faire venir tout un groupe des États- Unis était encore impayable. La Belgique n’avait pas encore d’écoles où on pouvait enseigner le jazz, j’ai donc dû tout apprendre par moi-même. Les stages d’été en Suisse et en Allemagne (alors inexistants en Belgique) m’ont beaucoup apporté. La place du swing représente une des grandes différences dans la conception du jazz entre l’Europe et les États-Unis. En effet, les Américains sont avant tout attachés au swing, au groove et consorts, tandis que les Européens s’en sont détachés pour créer un tout autre type de jazz, dont les racines, pour certains, ne sont parfois même plus à rechercher du côté des États-Unis. Personnellement, j’ai eu la chance d’être à la fois très lié à la culture jazz américaine et d’appartenir à une des premières générations d’artistes à la recherche d’autres influences, dont les musiques folkloriques européennes et la musique classique contemporaine. Je me sens autant à l’aise dans le swing-jazz de Bert Joris ou Félix Simtaine que dans le jazz européen de Erwin Vann ou Jean-Pierre Catoul. Je ne ressens d’ailleurs pas du tout la nécessité de classifier le jazz dans tel ou tel style, catégorie ou courant. Dans mes compositions, surtout nourries par les accords et les mélodies nés des idées développées pendant que je répète à la maison ou pendant mes improvisations, j’attends aussi un apport des autres musiciens, pour enrichir les morceaux que nous interprétons.’

Peter Hertmans

Peter Hertmans est né le 10 avril 1960 à Gand. Il appartient à l’élite des guitaristes de jazz européen. Jusqu’à présent, il a participé à une vingtaine d’albums, comme leader et accompagnateur. En 2000, il publie ‘Restless’ (Quetzal), avec le violoniste Jean- Pierre Catoul, et livre une composition pour ‘True Stories’ (Igloo Sowarex) de Ivan Paduart, auquel il participe aussi. On peut sans risques également conseiller les cédés ‘Buddies’ , enregistré avec Marco Locurcio, Nicolas Thys et Hans van Oosterhout, publié voici quelques années sur le label Jazz’halo, et ‘Waiting’ (Timeless), sur lequel il est accompagné par John Ruocco, Billy Hart et Hein van de Geyn. Par ailleurs, on peut l’entendre régulièrement dans différentes formations, comme Greetings from Mercury et Ode For Joe (avec Jeroen Van Herzeele, Sal La Rocca et Jan de Haas), avec lesquels il joue sur deux cédés (un pour Igloo et un pour le W.E.R.F.). Et, dans la même lancée, pourquoi ne pas écouter sa contribution dans ‘Hommage à René Thomas’ de Fabien Degryse & Guitars Big Band (Igloo) et ‘The Queen of the Apple Pie’ du Laurent Blondiau Quintet (W.E.R.F.). Les autres personnalités du jazz avec lesquels il a collaboré ou collabore toujours sont Toots Thielemans, Philip Catherine, Slide Hampton, Jean-Louis Rassinfosse, Bert Joris, Bruno Castellucci, Phil Abraham, Frank Vaganée, Erwin Vann et Charlie Mariano. De toute évidence, Peter Hertmans est un homme très occupé qui de plus, enseigne au Lemmensinstituut à Louvain, où il assume aussi le rôle de coordinateur.

Peter Hertmans : ‘Les gens me demandent parfois si on peut combiner l’enseignement de la musique et se produire régulièrement. Personnellement je considère plutôt qu’il s’agit d’une ‘pollinisation croisée’. J’enseigne depuis 1983, d’abord au Jazz Studio, et depuis 1992 au Conservatoire de Bruxelles, où je me rends encore un jour par semaine, et trois ans plus tard, je suis coordinateur au Lemmensinstituut. Là, j’enseigne maintenant deux jours par semaine, ce qui signifie que je me retrouve dix- sept heures par semaine devant les bancs d’école, avec comme charge principale la guitare (à Bruxelles, exclusivement avec les étudiants en dernière année que j’accompagne jusqu’à leur examen de fin d’études). Tous les guitaristes qui se retrouvent en dernière année suivent chez moi, deux heures par semaine, un cours dans une des disciplines les plus compliquées en jazz : le jeu en trio (avec basse et batterie). Je leur propose différents morceaux que nous travaillons ensemble, et où ils doivent tout faire eux-mêmes : mise en voix, thème et improvisation… avec régulièrement de petits concerts au conservatoire, comme dernièrement celui avec Quentin Dujardin, un nom à bien retenir. La troisième branche que j’enseigne concerne la didactique. J’y forme les étudiants pour qu’ils puissent plus tard enseigner dans les académies de musique. Au Lemmensinstituut, je donne également un cours d’harmonie aux deux premières années. Enseigner est une activité que je prends très à cœur, dans le sens où je suis très proche de mes étudiants. C’est d’ailleurs indissociable avec le fait de jouer en public, mon autre activité principale. En 1979, à dix-neuf ans, j’ai commencé à jouer du jazz en autodidacte, et encore maintenant, je découvre régulièrement des choses, sur scène ou pendant les répétitions, que j’utilise directement dans mes cours. D’autre part, il m’arrive régulièrement d’être stimulé par l’enthousiasme de mes élèves pour expliquer certaines choses d’une nouvelle manière, ce qui n’est pas sans influence sur mon jeu à la guitare. Personnellement, je suis surtout influencé par e.a. John Scofield, Bill Frisell et John Abercrombie. Je voudrais ici aussi saisir l’opportunité pour placer le constructeur de guitare Jacky Walraet sous les projecteurs. J’avais seize ans lorsque je l’ai rencontré pour la première fois. Il devait en avoir vingt. Jacky a ce que l’on appelle des mains en or : il arrive à tout bricoler avec une grande facilité. Son désir de combiner son savoir-faire avec sa passion sans limites pour la guitare et le jazz l’a conduit dans une école pour luthiers à Puurs. Après deux années, grâce à sa connaissance du métier, on lui a demandé d’y enseigner. Depuis lors, il a été nommé comme enseignant, et c’est sous sa direction que l’on fabrique toutes sortes de guitares acoustiques et électriques. Il construit ou répare aussi des contrebasses. Il a fabriqué deux contrebasses électriques remarquables pour Jean-Louis Rassinfosse (une cinq et une six cordes). En 1990, j’ai demandé à Jacky s’il acceptait de me construire une guitare électrique, et, voici le résultat. De loin, on croit découvrir une Fender Stratocaster, mais dès qu’on l’observe de près, on se rend compte qu’elle est incomparable. Le corps solide a été à moitié évidé. Les éléments (deux microphones à double bobinage et une bobine simple) sont de Seymour Duncan. Je suis convaincu que sans cette guitare, je ne serais pas devenu le musicien que je suis aujourd’hui : je dois toutes mes idées de ces dix dernières années à cet instrument remarquable. J’enregistre sur quatre pistes à la fois, c’est-à-dire en stéréo tant pour la guitare synthétiseur que pour la guitare elle-même. Ceci assure non seulement un son ouvert, avec beaucoup d’espace, mais aussi un grand nombre de possibilités comme le son d’un piano acoustique sur ‘Let the Cat Out’ (cédé ‘Buddies’ ) ou cet effet synthé typique d’instruments à cordes joués à l’archet sur ‘Song Three (le même cédé), régulièrement utilisé par Pat Metheny. D’ailleurs, je trouve que le cédé ‘Buddies’ , enregistré avec Marco Locurcio est encore aujourd’hui mon meilleur album. Sur ce cédé, comme sur ‘Restless’ avec Jean-Pierre Catoul et ‘True Stories’ avec Ivan Paduart, je joue sur une guitare acoustique construite aussi par Jacky. Cet instrument comprend aussi quelques particularités propres : le concept d’origine se dirigeait vers une guitare folk avec une caisse de résonance de l’importance d’une Gibson J200, avec une échancrure simple dans la table, pour pouvoir accéder plus facilement aux aiguës, ainsi qu’une table arrière voûtée destinée à produire un son de guitare jazz, semi-acoustique, avec une table d’harmonie voûtée. Paolo Radoni joue aussi sur une guitare jazz de Jacky Walraet.’ Dans la série ‘The Finest in Belgian Jazz’, on peut entendre Peter Hertmans sur le cédé de Greetings from Mercury. High Voltage Sextet

Celui qui observe ce sextet de près constate qu’il s’agit d’une extension du Bart Van Caenegem Trio (avec le contrebassiste Peter Verhaegen et le batteur Lieven Venken), avec trois jeunes souffleurs du Brussels Jazz Orchestra : le trompettiste et joueur de bugle Nico Schepers (Prix Erasmus 1998 avec son quartet), le saxo-phoniste ténor Dieter Limbourg (cf. Blue Blot) et le tromboniste Lode Mertens. Un concert du High Voltage Sextet révèle six musiciens très prometteurs qui contribuent à la renaissance de la tradition hard- et post-bop, grâce à leur manière d’interpréter le répertoire existant et à la façon dont ils construisent leurs propres compositions. L’enthousiasme du public démontre à chaque fois le professionnalisme avec lequel ces artistes réussissent à rendre des styles traditionnels actuels et pleins de fraîcheur.

Steve Houben

Steve Houben est né le 19 mars 1950, à Liège. Sa mère était pianiste classique et son père jouait du jazz. Pourtant, ce ne sera pas à cause de lui, mais à cause de son cousin, le grand Jacques Pelzer - avec lequel il créera le groupe Open Sky Unit, en 1973 - que Steve Houben va finalement se consacrer au jazz. Dès l’âge de douze ans, Steve Houben commence à étudier la flûte traversière, même s’il joue du piano depuis quelques années déjà. Aujourd’hui encore c’est son instrument préféré. Très tôt, Steve Houben chantait déjà dans un orchestre local, espérant secrètement pouvoir marcher sur les pas de son idole d’alors, Frank Sinatra. Il avait seize ans lorsqu’il a entendu le quartet de Réné Thomas et Jacques Pelzer pour la première fois, en public, au Jazz Inn à Liège. Depuis lors, le monde du jazz n’allait plus le lâcher. Deux ans plus tard, il se retrouve déjà avec son cousin sur une scène à Paris, où il rencontre des artistes comme Archie Shepp et Ornette Coleman. Steve était d’ailleurs fasciné par le saxophone en plastique blanc que Ornette Coleman avait offert à Jacques Pelzer. Il allait donc de soi que Steve Houben s’inscrirait peu de temps après au Conservatoire (à Verviers), où il poursuivrait d’abord l’apprentissage du piano, avant de recevoir le premier prix pour la flûte traversière et la musique de chambre. En 1973, avec son cousin, Steve Houben va créer la formation Open Sky Unit, au sein de laquelle on trouve Guy Cabay (vib), Janot Buchem (b), Micheline Pelzer (dm) et le pianiste américain Ron Wilson. C’est avec Guy Cabay qu’il va ensuite créer le groupe Merry-Go-Round. Au milieu des années ’70, Steve Houben suit les cours du Berklee College à Boston, avant de revenir en Belgique, avec plusieurs Américains, et réaliser son premier enregistrement studio, avec le groupe Solstice. On y rencontre Michel Herr, Janot Buchem, John Thomas, Eddie Davidson et Greg Baldato, ainsi que Chet Baker. Après un second séjour à Boston, en 1978, Steve Houben va lancer la formation de jazz-funk, Mauve Traffic, avec Bill Frisell, Greg Baldato, Kermit Driscoll et Vinnie Johnson (album ‘Oh Boy’ ). En 1979, avec Henri Pousseur, il ouvre le séminaire de jazz au sein du Conservatoire Royal de Liège. A partir du début des années ’80, Steve Houben va participer, comme musicien free- lance, à toute une série de projets, dont Saxo 1000, l’Act Big Band, Lemon Air et le quintet de Richard Rousselet. A l’étranger, il fut sollicité par des gens comme Peter Herboltzheimer, Kenny Wheeler et Emil Viklicky. En 1983, Steve Houben réalise le rêve caché de tout soliste de jazz : un enregistrement avec un ensemble à cordes, composé de pas moins de 14 violonistes, autour d’un sextet formé pour l’occasion, avec Denis Luxion, Michel Herr, Michel Hatzigeorgiou, Guy Cabay et Mimi Verderamme (cédé ‘Steve Houben + Strings’ , Igloo). En compagnie de Charles Loos, il va ensuite travailler à un jazz de chambre assez introverti, avant de passer d’un projet à l’autre : le groupe de fusion Cocodrilo (1986), Steve Houben Invite (dans le cadre de l’année Adolphe Sax, 1994), le trio Pirotton-Houben-Pougin, le groupe Pantha Rei (avec Luc Pilartz), la formation belgo- tunisienne Anfass le collectif belgo-cubain Breeze (avec Didier Labarre)... Steve Houben reçoit le Django d’Or en 2000, et en février 2001, il est invité par Toots Thielemans à le rejoindre sur scène, à l’occasion de son concert au Théatre Royal de la Monnaie.

Intérêt ou passion ? Steve Houben : ‘Très peu de styles musicaux ont connu dans leur évolution des épisodes aussi passionnants que le jazz, qui a connu ces périodes où il demeurait en même temps accessible, particulièrement jouissif, très consommable et tout de même sans compromis. J’ai toujours vérifié que le facteur de jouissance du jazz baisse à mesure qu’augmente l’intellectualisme dans l’approche musicale. Lorsque j’ai besoin d’un accord en mineur ou en majeur, pour faire sonner une ligne mélodique de manière sensée, je l’utiliserai, même si cent critiques, au bord du terrain, me crient que ce n’est plus ‘à la mode’. Que savent-ils de ce que Clifford Brown entendait par ‘The Joyful Conception of Jazz’ . En fait, cela vaut tout aussi bien pour la musique classique. Si quelqu’un entend une interprétation passionnante de Bach, il ne soucie guère de savoir si elle correspond à la méthode imposée par les soi-disant connaisseurs et par les puristes. J’applique ce principe aussi dans la vie quotidienne : cela ne joue aucun rôle de quelle façon et à quel moment tu portes certains vêtements, tant que tu te sens bien dedans. Je ne veux pas signifier par là qu’il faut jeter toute norme par-dessus bord, bien au contraire : les normes doivent continuer à exister pour pouvoir être enfreintes. A une certaine époque, des musiciens de jazz ont précisément commis l’erreur d’éradiquer toute forme de règle, avec pour conséquence qu’il n’y avait plus rien à détruire, et l’arrêt de toute forme d’évolution. D’ailleurs, tu ne peux faire s’effondrer un château de cartes, qu’après l’avoir construit consciencieusement. La fusion, la plus naturelle possible, de cultures provenant des coins les plus éloignés de la terre, me passionne aussi énormément. C’est une des raisons principales de la création de projets comme Anfass ou Pantha Rhei, avec comme défi supplémentaire, comprendre leurs musiques millénaires et parvenir à les interpréter avec nos propres instruments. Ici non plus, cela n’a aucun sens de vouloir tout rationaliser. Il suffit de veiller à ce que les instruments soient joués de manière professionnelle, même si cela représente de nombreuses heures d’études et de répétitions. Mais, le spectateur ne doit pas s’en rendre compte : faire passer la musique comme si elle ne représentait aucun effort, voilà précisément tout l’art. Rendre la musique accessible et passionnante (et la maintenir ainsi), a toujours constitué une de mes préoccupations. La qualité ne doit pas toujours être associée avec une élite. On doit en fait, se méfier de ce qui est considéré uniquement comme ‘intéressant’, car par définition, cela n’a rien à voir avec la passion. Le fait d’être intéressé par quelque chose ne signifie pas encore qu’elle t’excite.’ Gilbert Isbin

Gilbert Isbin est né en 1953 à Bruges. Après une période où il travaillait le luth et la musique baroque, il a développé un intérêt grandissant pour la composition et l’interprétation de musique contemporaine pour guitare. C’est ainsi qu’il a créé un style tout à fait particulier, où le jazz rencontre avec harmonie une musique basée sur des structures polyrythmiques et des types de mesure impairs, à laquelle s’ajoutent des influences ethniques et de classique contemporain. On peut l’entendre clairement sur les huit albums solos qu’il a publiés jusqu’ici, dont certains sur son propre label Tern. En 1999, Gilbert Isbin a produit ‘Twins’ (Dam), en collaboration avec Geert Verbeke, multi-instrumentiste, compositeur et expert en échelle sonore. La même année, il sort l’album ‘Gilbert Isbin Plays Nick Drake’ , une commande du label allemand Traurige Tropen. En 2001, le label Dam publie ‘The Fingerstyle of Gilbert Isbin’ . Gilbert Isbin a travaillé avec e.a. Fred Van Hove, Pierre Vaiana, Steve Houben, Chris Joris, Ernst Reijseger, John Ruocco, Cameron Brown et Eric Thielemans.

Peter Jacquemyn

Peter est un contrebassiste de musique improvisée autodidacte. Pour lui : ‘Chaque action produit un son, chaque son apporte de nouvelles idées, et la musique se construit en fait d’elle-même. Je tente de supprimer la frontière entre moi et mon instrument, je veux le pénétrer, je suis ma contrebasse. D’ailleurs, la contrebasse est un instrument miraculeux, grande et robuste pièce en bois avec quatre cordes que l’on peut caresser ou cueillir ou même marteler. La contrebasse peut résonner comme un gros tambour ou chuchoter comme un petit violon tibétain. Cet instrument peut tout affronter. Parfois, je veux obtenir un son large, aussi haut qu’une cathédrale, parfois je le veux doux comme la soie et sucré comme le miel. Parfois, la contrebasse est aussi tranchante qu’un couteau affûté.’ Depuis près de dix ans, Peter Jacquemyn est membre du WIM, et il co-organise le Free . Il joue souvent en solo, mais aussi avec André Goudbeek, Dirk Wauters, Bart Maris, le saxophoniste américain Jeffrey Morgan, la violoniste allemande Gunda Gottschalk, le contrebassiste allemand Peter Kowald et l’accordéoniste Ute Völker, le percussionniste franco-vietnamien Ninh Le Quan, le chanteur Phil Minton et depuis peu le joueur de guqin chinois Xu Fengxia. Il est membre du MLF7 de Fred Van Hove. Parmi ses projets, on notera un double duo (avec Kowald, Goudbeek et Morgan). Avec ce dernier, il a enregistré ‘Sign of the Raven’ , une production de John Rottiers, fanatique et producteur de radio, qui a également participé au cédé ‘As It Happened’ (WIMpro), avec Goudbeek, Minton et Maris. Peter est également plasticien. Il enseigne le dessin à Bruxelles. Il établit une passerelle entre son travail artistique et la musique sur le terrain de la danse, notamment en travaillant avec la chorégraphe Maria Clara Villalobos.

Bert Joris

Bert Joris est né à Anvers, en 1957. Enfant, il étudia le violon classique, le piano et la contrebasse. Il commence à jouer de la trompette à l’âge de quatorze ans. Creusant de plus en plus le terrain du jazz, il interrompt ses études au Conservatoire d’Anvers. Dès l’âge de 24 ans, grâce à son extraordinaire talent de soliste, il intègre le BRT Radio Jazzorkest, dirigé par le regretté Etienne Verschueren. En 1986, il enregistre l’album ‘Sweet Seventina’ (Jazzcats), avec son propre quartet où il est accompagné par le pianiste Michel Herr, le contrebassiste Philippe Aerts et le batteur Dré Pallemaerts. En 1987, Bert Joris commence à enseigner à la Swiss Jazz School de Berne. Aujourd’hui, il donne également cours au Lemmens Instituut de Louvain. C’est en 1996 qu’il reçoit le Django d’Or du meilleur musicien belge et deux ans plus tard, les auditeurs et la critique le désignent comme meilleur trompettiste belge. En 1996 encore, l’association des Lundis d’Hortense le sollicite, à l’occasion de leur 20ème anniversaire, pour écrire une composition pour le Brussels Jazz Orchestra. Quatre ans plus tard, à l’occasion du festival annuel de la même organisation, qui se déroule au Botanique à Bruxelles, Bert Joris conduit le BJO qui interprète ses arrangements, avec Philip Catherine comme invité spécial. Depuis 1992, il fait partie du quartet de Philip Catherine. Ces derniers temps, on a pu entendre ce quartet à l’occasion de nombreux événements : Brussels Jazz Marathon (Grand Place à Bruxelles), Sounds Jazz Club, ainsi que le festival bisannuel de Jazz Middelheim (où Bert Joris est régulièrement invité). On entend Bert Joris sur le dernier album de Philip Catherine, ‘Blue Prince’ qui, publié en 2000, est une des meilleurs ventes de cédés. Au printemps 2002, le quartet de Philip Catherine est même parti en tournée au Mexique. A l’occasion du festival Europalia Horta, Bert Joris a conduit la représentation You ain’t Heard Nothin’ Yet . Le Brussels Jazz Orchestra et The Sweet Substitutes y interprétaient sa musique, pendant la projection d’une série de films muets, en hommage aux légendes du jazz du passé. On retrouve certains morceaux du spectacle sur les cédés ‘Live’ et ‘The September Sessions’ (W.E.R.F.) du BJO, produits par Bert Joris. Bert Joris est aussi présent sur le tout premier cédé publié par un musicien belge sur Blue Note: ‘Top Secret’ de Marc Moulin, sorti en 2001. La plupart des orchestres au sein desquels Bert Joris était présent comme soliste, jouent aujourd’hui encore ses compositions et ses arrangements (e.a. EBU Big Band, les grands orchestres de jazz de la WDR, NDR, Klaus Weiss, Al Porcino et Peter Herbolzheimer, le Nederlands Metropole Orchestra, l’Act Big Band de Félix Simtaine et le Brussels Jazz Orchestra). Bert Joris a composé et arrangé tous les morceaux joués par le Brussels Jazz Orchestra, les 13 et 14 septembre 2001, au Werf à Bruges, et que l’on retrouve sur le premier cédé de la série ‘The Finest in Belgian Jazz’. Il s’agit d’un double cédé, qui démontre une fois encore le savoir-faire incontestable de tous les musiciens de notre big-band le plus prestigieux du moment. A d’autres endroits de cet ouvrage, vous lirez d’ailleurs avec quel enthousiasme plusieurs artistes nationaux et internationaux, de haut niveau, s’expriment à propos de notre fierté nationale sur le terrain du jazz. La même série de cédés comprend également un enregistrement du quartet de Bert Joris.

Famille musicienne Bert Joris : ‘Ma sœur, mes quatre frères et moi-même, nous avons tous grandis avec la musique. J’étais le plus jeune. Le fait de jouer de la flûte à bec, dès notre plus jeune âge, nous semblait tout à fait naturel. Notre père, organiste à l’église, nous a tous inscrits à l’académie. En fait, nous n’avion pas le choix : chacun d’entre nous allait devoir suivre une formation classique, et devait commencer par une année de piano, avant de pouvoir choisir librement un autre instrument. C’était comme une récompense. Personnellement, je me voyais bien jouer du violon. Je chantais aussi dans le chœur d’enfants à l’Opéra. Cependant, ce que j’attendais vraiment, c’était le jour où on me solliciterait pour jouer à l’église, même si le quartet que mon père accompagnait était exclusivement composé de cuivres. C’est ainsi que je suis passé à la trompette, vers l’âge de treize ans. Environ quatre ans plus tard, lorsque mon frère Dirk est allé étudier au Lemmensinstituut, il a commencé à se consacrer au jazz : ‘A Love Supreme’ de Coltrane, ‘The Real McCoy’ de Tyner, Eric Dolphy et Don Cherry… ce genre de choses. Je l’ai alors assez rapidement suivi. Il pouvait philosopher pendant des heures sur la musique, il en savait tout. A la même époque, un condisciple, lui-même batteur, et qui avait pas mal de disques de jazz chez lui, venait d’acheter ‘Thermo’ , un double 33tours de Art Blakey & , avec Freddie Hubbard à la trompette. Je n’avais encore jamais entendu quelqu’un jouer de la trompette d’une manière aussi fantastique. Je peux même dire que ce disque a changé ma vie, au point que depuis six ou sept ans, j’enseigne le travail des Jazz Messengers à la Swiss Jazz School de Berne. Et, ce n’est que maintenant, à quarante-cinq ans, que je peux enfin jouer correctement ces parties à la trompette. En réalité, je n’ai trouvé mon propre son que depuis que j’ai commencé à jouer avec Philip Catherine, voici plus ou moins dix ans. Au sein de l’orchestre de la BRT, j’avais la réputation d’être un spécialiste des ballades. Ainsi, on ne me laissait rien jouer d’autre. Il faut savoir que jouer une ballade exige beaucoup de concentration et d’assurance de la part du musicien, et j’éprouvais beaucoup de difficultés à maintenir un contrôle permanent sur mon jeu. Les premières années avec Philip Catherine, on jouait en trio, sans batterie. On se retrouvait donc souvent comme solistes, dans une situation assez fragile. L’évidence avec laquelle Philip joue et l’attitude rassurante de Hein van de Geyn m’ont permis d’accroître jour après jour ma confiance en moi. Inévitablement, ceci a également contribué au développement positif de ma technique. Le fait de voir jouer Tom Harrell avec Philip m’a énormément aidé. En effet, j’ai alors pris conscience, avec un regard de spectateur, que sur scène, il n’y avait que des hommes faits de chair et de sang. La façon dont ces trois êtres parvenaient à provoquer des émotions auprès de leur public, allait éteindre chez moi tout désir de voir et d’entendre des aptitudes techniques. Il s’agit probablement là d’un des enseignements les plus importants que j’ai reçu dans ma vie. Il va de soi que je perfectionne ma technique encore tous les jours. J’utilise une embouchure classique, avec une ouverture assez large pour pouvoir créer un son chaleureux. Plus l’ouverture d’une trompette est large, plus il est difficile d’en jouer, à cause de la quantité d’air nécessaire pour produire les sons. La musique que tu entends sur le nouveau double cédé du BJO représente un aperçu de mon parcours musical, entrepris depuis des années, jusqu’à aujourd’hui. C’est ainsi que ‘Walkin’ Tiptoe’ et ‘For the Time Being’ datent encore de l’époque où je jouais avec le BRT Jazz Orkest. ‘Atonal’ pourrait même être encore plus ancien. ‘Jeux de reflets et de la vitesse’, ‘Magic Box’, ‘Nuées d’Orage’ et ‘Warp 9’ remontent aussi déjà à quelques années, ainsi que ‘Mr Dodo’ que j’ai encore totalement écrit au crayon. Je n’ai commencé à exploiter complètement les avantages de l’ordinateur que sur les morceaux comme ‘Innocent Blues’, ‘Blue Alert’, ‘Kong’s Garden’ et ‘Benoit’. Cette dernière composition, je l’ai d’ailleurs écrite dans le bus de la tournée avec Philip Catherine, en 2001, après avoir rempli mon cerveau avec une masse d’informations utilisables, au bout de quelques heures d’essais au piano, chez moi. Quant aux arrangements pour orchestre symphonique de Raymond van het Groenewoud, dans le cadre de Bruges 2002, je les ai entièrement élaborés sur mon ordinateur portable, pendant la tournée suivante avec Philip Catherine, en Allemagne. J’en garde d’ailleurs de merveilleux souvenirs. Comme tu le vois, l’ordinateur offre à terme un gain de temps précieux, même si je dois pour cela sacrifier les visites enrichissantes de cités éloignées, ainsi que la lecture de littératures intéressantes dans les trains, les avions et toutes sortes de salles d’attente. Je considère que ‘The Music of Bert Joris’ est un point de départ pour mon travail en tant que compositeur. En fait, ces quinze dernières années, je n’ai publié aucun album sous mon propre nom. C’est pour cela que j’ai tendance à jouer constamment des morceaux de ce répertoire sur scène. Le fait que ce matériel soit aujourd’hui immortalisé pour la postérité me met dans une situation où je vais pouvoir travailler à une masse de nouvelles idées, pour pouvoir ensuite me présenter avec un nouveau répertoire.’

Qu’est-ce que le jazz ? ‘Je ne considère pas du tout le jazz comme un style de musique, mais plutôt comme une mentalité. Pendant ma formation classique, j’ai presque exclusivement rencontré des musiciens qui s’interrogeaient sur la manière dont d’autres pourraient faire sonner tous ces morceaux du répertoire, sans que la qualité ne puisse être remise en question. Alors que les musiciens de jazz semblent constamment à la recherche de renouveau et de variation. De plus, j’ai toujours eu l’impression que les musiciens classiques mettent l’accent sur une interprétation la plus fidèle possible, alors que pour les musiciens de jazz, le contenu et la sensibilité priment sur la forme. Je ne veux pas ainsi me risquer à une définition personnelle du concept ‘jazz’. Le jour où je pourrai la donner, pour autant qu’on me la demande une fois, me semble, je l’espère, encore très éloigné.’

Chris Joris

Dans les sections rythmiques, le tempo et le rythme sont habituellement déterminés par le batteur et le bassiste. Quand l’ensemble comporte un pianiste, on le compte dans la section rythmique, puisque la partie gauche du clavier est habituellement utilisée pour le soutien rythmique de la mélodie, celle-ci étant jouée en grande partie sur les touches droites du clavier. Ce schéma correspond bien entendu, aux ensembles traditionnels. La communauté noire, lorsqu’elle est arrivée en esclavage sur ‘la terre promise’, a transmis ses habitudes musicales dans le jazz et le blues. Cette influence s’est surtout exprimée dans l’utilisation de toutes sortes d’instruments à percussion. Plus que tout autre style de musique, le jazz s’est continuellement mélangé à d’autres cultures, il s’est donc ouvert dans son instrumentation, au triangle, aux woodblocks, aux bongos, aux congas, au berimbau, au balafon, au didgeridoo, et beaucoup d’autres percussions latines. Même si on les utilise pour interpréter des mélodies, voire des harmonies, le marimba et le vibraphone sont également repris dans la catégorie des instruments à percussion. Ceci est principalement dû aux habitudes liées à la musique classique. En effet, dans un orchestre symphonique, le musicien qui joue des percussions, est aussi celui qui jouera du marimba et/ou du vibraphone. En Belgique, parmi les valeurs sûres du jazz, Chris Joris représente incontestablement un artiste incontournable. Percussionniste, pianiste et compositeur obstiné, il expérimente, depuis près d’un quart de siècle, toute une série de musiques ethniques. Comme personne d’autre, Chris Joris parvient à réaliser une synthèse entre le jazz et les musiques du monde. Il apporte ainsi sa pierre précieuse à l’évolution constante du jazz. Chris se produit tantôt en solo, et parvient à accrocher son public en l’entraînant pendant près de deux heures dans un voyage balisé de sons bizarres et de rythmes endiablés, cela grâce à son impressionnante collection d’instruments à percussion, du monde entier. Dans d’autres circonstances, on rencontre Chris au sein d’un trio ou d’un quartet, et parfois même sur un podium, au milieu de tout un groupe de musiciens originaires de continents différents, comme ce fut le cas pour le spectacle Trans(e)fusie , à Louvain. Dans les années ’60, Chris Joris va créer son Experimental Jazz Trio, avec lequel il provoquera toute une série de rencontres, avec entre autres le pianiste Fred Van Hove, les saxophonistes John Tchicai et Michel Mast, et le bassiste Sud-africain Johnny ‘Mbizo’ Dyani. En 1987, Chris Joris participe à l’album ‘A Lover’s Question’ , reprenant ses compositions, et celles de David Linx et de Pierre Van Dormael, toutes basées sur des textes de James Baldwin. Les autres participants étaient e.a. Jimmy Owens, Slide Hampton, Steve Coleman, Victor Lazlo, Toots Thielemans, Hein van de Geyn, Michel Hatzigeorgiou, Pierre Vaiana, Diederik Wissels, Bob Stewart et Deborah Brown. La très grande créativité avec laquelle Chris Joris parvient à transformer les objets les plus ordinaires, en instruments à percussion à part entière, est une démarche où l’humour n’est jamais très éloigné. De plus, la façon dont il ajoute des éléments traditionnels, comme les toms et les cymbales, dans son jeu aux percussions, lui permet d’occuper pleinement le rôle de batteur. On pourrait d’ailleurs se demander si Chris Joris se considère comme un batteur ou comme un percussionniste. Chris Joris : ‘Ce qui compte surtout pour moi, c’est de pouvoir intégrer le plus possible de percussions ty-piques et populaires, comme le djembé, les congas, le berimbau, le didgeridoo, le likembe, le balafon, ainsi que toutes sortes de cloches, de gongs, de blocs en bois, dans la musique improvisée et dans le jazz. Il a fallu attendre des années pour que tous ces instruments soient acceptés dans le swing, à cause du malentendu selon lequel toutes ces percussions devaient se cantonner dans les styles latinos et africains. Les percussionnistes sont toujours traités de façon impitoyable. On les réduit encore souvent au rôle de celui qui va donner un peu de couleurs au groupe. Qu’il s’agisse des musiques brésiliennes, cubaines, mexicaines ou africaines, ou même tout simplement du jazz, on constate partout à quel point le percussionniste occupe un rôle secondaire, à côté du batteur. C’est précisément cet état de fait que je tente de contrer, depuis des années, notamment par un positionnement central sur la scène, entouré par mes instruments. C’est pourquoi j’utilise aussi mes percussions avec des éléments plus traditionnels, issus de la batterie, comme les cymbales et les toms. Je veux ainsi prouver que l’on peut tenir un rôle dominant dans la rythmique, en n’utilisant que des percussions jouées à la main. De plus, j’essaye de raconter ma propre histoire avec ces percussions typiques d’Afrique et d’Amérique Latine, en évitant de tomber dans les idiomes clichés, tant attendus du côté de ces instruments. Le tout, en respectant, bien entendu, la fonction originelle de ces percussions. Le djembé occupe ainsi un rôle multifonctionnel dans mes concerts : il ne forme pas uniquement l’harmonique inférieure, en accompagnement des cymbales, mais il me sert aussi d’instrument solo, en combinaison avec les toms. Cela semble plus simple qu’il n’y paraît, mais, cela m’a pris de nombreuses années pour pouvoir swinguer sur ces cymbales, en les frappant rien qu’avec les mains. Il en va de même de la manière dont je joue avec mes doigts sur le djembé, pour pouvoir ainsi imiter le son de balais qui swinguent. Cette technique exige beaucoup d’exercices. Dans ce type de travail, le feeling et la motricité diffèrent totalement de celui du batteur, à cause de ce jeu avec les mains. Il m’a aussi fallu attendre de nombreuses années, et dépenser beaucoup d’argent, afin de trouver le matériel adéquat. C’était assez facile de trouver un djembé qui sonne correctement. Quant au choix des cymbales, ce fut moins évident.

La méconnaissance rend impopulaire Une histoire particulière entoure le cédé ‘Benkadi’ , enregistré par Chris Joris, avec Adama Dramé : ‘Un jour, Dora Mols de la Zuiderpershuis (Anvers) me contacte pour me dire que Adama Dramé venait de présenter plusieurs groupes, sous son nom, et tous fort bien accueillis par le grand public. Il semblait même déjà avoir son propre fan-club à Anvers. Dora Mols voulait organiser un concert avec Adama Dramé, entouré de musiciens invités, tous actifs dans d’autres sphères musicales que lui. Quatre rencontres allaient donc être organisées, au cours desquelles nous nous sommes découverts, en lançant déjà quelques tentatives timides pour jouer ensemble. Au final, ce travail s’est traduit par un concert excellent, à l’issue duquel nous avons manifesté notre enthousiasme respectif, en exprimant une gratitude sincère et partagée. Nous avons alors décidé de faire enregistrer le concert suivant, par un studio mobile. Un album d’une grande sincérité, que je viens encore de faire entendre à des musiciens cubains, en a résulté. L’enthousiasme de ces derniers compte bien plus pour moi que cette critique étrange parue à l’époque dans Jazz Hot, et qui caractérisait notre musique comme ‘inclassable’, et conséquemment (!) mauvaise. Alors que la plupart des autres revues ne publiaient que des critiques élogieuses…’

Sal La Rocca

A vingt-trois ans, le jeu de basse de Paul Chambers conduira Sal La Rocca (né autour de Liège en 1961 et au départ, guitariste de rock) à opter définitivement pour la contrebasse. Peu de temps après, il jouera déjà dans le groupe de Jacques Pelzer, grâce auquel il pourra également accompagner e.a. Jon Eardley et Chet Baker. Sal La Rocca : ‘A un certain moment, un ami saxophoniste m’a prêté quelques disques de jazz, pour une écoute attentive. Un nouveau monde s’est alors ouvert à moi, mais tout de même un monde que j’attendais inconsciemment depuis longtemps. Un jour, cet ami m’a dit que j’avais un look de contrebassiste, à cause de ma barbe hirsute. On peut ne pas me croire, mais j’ai pris ses paroles à la lettre, au point de les considérer comme un signe de prédestination, manifestée sous le menton. ‘Tu seras mon bassiste’, ajouta-t-il, et ainsi fut fait !’ Aujourd’hui, Sal La Rocca est un des contrebassistes les plus demandés de Belgique. Ainsi, vous le verrez aux côtés de Philip Catherine ou Bruno Castellucci, mais aussi de Toots Thielemans. Il est membre à part entière du trio de Nathalie Loriers et de la formation Ode For Joe. Dans la série ‘The Finest in Belgian Jazz’, on peut entendre Sal La Rocca sur le cédé ‘Tombouctou’ (W.E.R.F.) de Nathalie Loriers. Gino Lattuca

Gino Lattuca est né en 1955, et commence à jouer de la trompette à treize ans, dans la fanfare de Havré, dans la région de Mons. En 1980, il reçoit le premier prix pour trompette au Conservatoire de Mons. La même année, en compagnie de partenaires bruxellois de jam-sessions ( e.a. Philippe Leblanc, Alain Rochette et René Harvengt), il forme le Minority Sextet. Deux ans plus tard, il crée un quartet avec Michel Ardui (p), Ferdinand Philipot (b) et Koen Vandendriessche (dm). En quelques mois, on le signale déjà sur toute une série de podiums en compagnie de Paolo Radoni, Baklava Rhythm and Sounds, Mimi Verderame, l’Act Big Band de Félix Simtaine, Lilith de Claudine Simon, Kris Defoort, Charles Loos, Jean-Louis Rassinfosse, Michel Herr, Bruno Castellucci, Ivan Paduart et Michel Hatzigeorgiou. Parmi les sources d’inspiration principales de ce trompettiste fort sollicité, on cite Harry James, Louis Armstrong, King Oliver, et dans un stade ultérieur, Freddie Hubbard. Depuis 1989, il se produit avec son propre quartet, composé aujourd’hui de Ivan Paduart (p), Bart De Nolf (b) et Mimi Verderame (dm). Quant à son quintet, il est composé de Kurt Van Herck (ts), Christoph Erbstösser (p), Christophe Devisscher (b) et Mimi Verderame (dm). Depuis leur premier enregistrement en 1997, Gino Lattuca fait également partie de la section de base des souffleurs du Brussels Jazz Orchestra, qui a livré le premier cédé de la série ‘The Finest in Belgian Jazz’.

Don naturel Gino Lattuca : ‘Un camarade d’école qui jouait du bugle habitait en face de chez nous, dans la région de Mons, où j’ai grandi. L’instrument me fascinait. Il m’a alors appris à en jouer : je devais faire comme si je voulais cracher un petit morceau de tabac, et le son en est ainsi sorti tout seul. Peu de temps après, quelques jours avant la Sainte Cécile, en novembre 1968, je me suis inscrit à la fanfare de Havré. Quant à mon condisciple, il est devenu agent de police. On aurait dit que j’avais un don naturel pour jouer du bugle, et que j’avais la gamme en do-majeur dans la peau. Je me souviens encore de la réaction du directeur d’école, lorsque je me suis inscrit à l’académie : ‘Tu es bien sûr que tu ne viens pas t’inscrire juste pour participer à la grande fête de Sainte Cécile, pour y boire et manger ?’ Mais, il a rapidement compris que j’étais passionné par ce bugle. Avec le temps, j’ai également fait l’acquisition d’une trompette, un autre nouveau monde s’ouvrait à moi. Un moment donné, j’ai dû aller gagner ma croûte à l’usine. Cependant, je n’abandonnais pas mes leçons de musique classique. Je comparais les cours du début et ceux de la fin, et je pensais : le jour où je maîtri-serai tout cela, je serai un grand trompettiste. Ma mère m’a alors donné la chance de m’inscrire au Conservatoire de Mons, où j’ai étudié pendant cinq à six ans, car je n’avais pas terminé l’académie. A l’école, j’apprenais le classique, mais à la maison, j’écoutais des disques de jazz, étant donné qu’il s’agissait de l’univers auquel je voulais appartenir. Je n’avais d’ailleurs aucune envie d’aller user mes fonds de pantalon dans l’un ou l’autre orchestre symphonique, où j’aurais dû me mesurer continuellement avec les plus grands virtuoses. Des clubs de jazz : c’est là que je voulais jouer, là se trouvait mon avenir. Chuck Mangione est le premier trompettiste que j’ai vu jouer en public, en 1979, au Théâtre 140 à Bruxelles. J’étais très impressionné par sa technique, même si ce n’était pas tout à fait le genre de musique que j’attendais. Cette musique-là, j’allais l’entendre peu de temps après, chez nous, à Mons, lorsque Richard Rousselet et ensuite Steve Houben sont venus jouer au Vieux Puits. Je me suis alors inscrit au séminaire de jazz à Liège, même si Richard Rousselet m’avait déjà laissé entendre qu’il ne pouvait plus rien m’apprendre. A cette époque, je gagnais un peu d’argent en allant jouer dans les bals du samedi. En 1981, lorsque j’ai obtenu mon premier prix, j’ai déménagé à Bruxelles, où j’ai gagné ma vie tout un temps en jouant dans des groupes de salsa. J’y ai rencontré une série de condisciples du séminaire, dont Charles Loos. Quelques années plus tard, j’ai atterri au Travers, où j’ai finalement habité pendant près de six ans. J’assistais donc à toutes les jams du lundi. Ce fut ma meilleure école, combinée avec les différents cours que j’achetais pour perfectionner mon jeu. Je dois beaucoup à des gens comme Pierre Van Dormael, que je rencontrais régulièrement au Travers. Ils m’ont permis d’élargir sensiblement ma vision du jazz, et ainsi de me rapprocher chaque jour un peu plus de ceux que j’aurais voulu être : Freddie Hubbard ou . Même si je n’ai jamais essayé de copier leurs solos. En effet, je veux avant tout rester moi-même. Je ne me suis d’ailleurs jamais limité aux trompettistes : j’ai tout autant écouté des pianistes comme Bill Evans ou Oscar Peterson. Je dois également beaucoup au batteur Koen Vandendriesche qui, en 1983, m’a offert l’opportunité de jouer à Jazz Middelheim. A la fin des années ’80, j’allais régulièrement jouer au Kaai, comme beaucoup de musiciens de jazz à l’époque. De nouveau, j’y ai atterri dans un univers totalement différent. Tu sais, la vie est une leçon permanente. En ce moment, j’essaye d’améliorer mon jeu, jour après jour, mais je sens que j’ai encore tout un chemin à parcourir. Je me compare souvent à ce vin gardé en cave, dans un grand tonneau, et qui vieillit jusqu’au jour où son propriétaire considère qu’il a atteint l’âge requis pour pouvoir être bu. De temps à autre, j’ouvre un petit robinet, à l’occasion de l’un ou l’autre concert, avant de le refermer aussi vite : pas encore bon pour être consommé ! Les gens me considèrent souvent comme un pessimiste. Je préfère me définir comme un perfectionniste. Le fait qu’il ne faut pas nécessairement être beau pour pouvoir jouer est aussi un autre avantage du jazz.’

Eric Legnini

Eric Legnini (né le 20 février 1970 à Huy) est considéré comme un de nos jeunes pianistes les plus ta-lentueux. Avec une mère cantatrice et un père guitariste, il n’est donc pas étonnant qu’il ait été fasciné par la musique dès l’âge de six ans. Dès 1977, on l’inscrit à l’Académie de Huy, aux cours de solfège, percussion et piano. Il y rencontra Stéphane Galland. En 1982, premier contact avec le jazz, grâce au tromboniste Sébastien Jadot qui le prend dans le Jazz Quartet 47, en compagnie du bassiste Eric Antoine. Eric Legnini recevra ses premières leçons de piano jazz de Charles Loos et Pirly Zurstrassen était son professeur à l’Académie d’Amay en 1985, l’année où il faisait partie du groupe de jazz-rock Equitation, formé par Jean-Pierre Catoul. Dans le même temps, il avait formé un trio avec Stéphane Galland et Jean- Louis Rassinfosse (cf. cédé ‘Natural Balance’ , Jazz Club), régulièrement étendu en quintet avec Michel Massot et Fabrizio Cassol (cf. cédé ‘Essentiels’ , Igloo). En 1988, alors qu’il a commencé à donner des cours, e.a. à la demande des Lundis d’Hortense, Eric Legnini va partir pour Brooklyn, New York, pour y étudier au Long Island University, auprès du pianiste Richie Beirach et du trompettiste Cecil Bridgewater. Pendant ce séjour de deux ans (interrompu de temps à autre pour participer à quelques festivals d’été en Belgique), Legnini participera à de nombreuses jams avec e.a. , et Ron McClure. Depuis, ce pianiste très prometteur s’est produit dans de nombreux pays comme le Canada (Festival International de Jazz de Montréal), le Congo-Brazzaville, le Zaïre, l’Espagne (Bilbao Festival), la Norvège, la Suède, l’Allemagne, la France et l’Italie. Parmi les artistes nationaux et internationaux avec lesquels Eric Legnini a collaboré, on compte e.a. , Mike Stern, Henri Salvador, John Ruocco, Joe Lovano, Toots Thielemans, Jacques Pelzer (cf. cédé ‘Never Let Me Go’ , Igloo), Philip Catherine, Félix Simtaine, Serge Reggiani, Marcia Maria, Bruno Castellucci, Mimi Verderame, Aka Moon et Daniel Romeo (cf. cédé ‘Live at the Sounds’ ). A Paris, où il habite actuellement, Legnini se produit régulièrement avec e.a. André Ceccareli, Stefano di Battista, , Paco Sery, le Belmondo Quintet, et Eric Le Lann. Depuis 1990, Eric Legnini enseigne le piano jazz au Conservatoire Royal de Bruxelles.

Eric Legnini : ‘J’ai grandi dans une famille musicienne (ma mère, une chanteuse classique, me chantait souvent mes negro-spirituals préférés). A sept ans, je me rendais déjà à l’académie de musique. Je voulais absolument jouer du trombone, mais c’était impossible, mes dents n’étaient pas encore formées définitivement. J’ai alors commencé à apprendre le violon, une autre déception. Enfin, ce fut la percussion classique avec tout ce que cela comporte, suivie de près par le piano. La combinaison des deux instruments a provoqué une tendinite, j’ai donc dû arrêter de jouer de la batterie. Après un certain temps - vers l’âge de quinze ans - le piano ne m’excitait plus vraiment. J’ai alors sérieusement pensé à arrêter la musique définitivement. En réalité, je rêvais secrètement d’une carrière de joueur de football, jusqu’au jour où ma mère m’a joué quelques airs de jazz au piano, ce qui m’a complètement fait changer d’avis. C’était tout autre chose, comparé aux exercices que je devais jouer : cette liberté, ce côté ludique. J’ai alors tenté de rejouer ces morceaux, du matin au soir, et avant même de m’en rendre compte, je me préparais à une carrière de pianiste de jazz. C’est ainsi que j’ai rencontré Pirly Zurstrassen, à l’Académie d’Amay. Je me suis aussi inscrit plusieurs fois aux stages réputés organisés à Dworp et Wépion. Pendant la même période, je commençais à me produire de plus en plus régulièrement, notamment avec Guy Cabay, qui m’a intégré dans son groupe dès le début. Ce fut l’origine d’un parcours très passionnant jalonné de rencontres intéressantes avec des artistes remarquables, comme Stéphane Galland (un condisciple) et Fabrizio Cassol. A dix- huit ans, grâce à l’argent de ces concerts, accumulés pendant trois ans, j’ai pu me payer un voyage à New York. Finalement, j’y ai passé deux fois huit mois, principalement à m’exercer seul au Fender Rhodes, parfois à raison de dix heures par jour, si je ne me rendais pas à l’un ou l’autre concert dans un club de jazz. La mission consistait à engranger le maximum d’informations musicales. En 1990, de retour en Belgique, on m’a proposé une place au Conservatoire Royal de Bruxelles. Jusqu’à présent, enseigner s’avère être une de mes grandes passions. J’aime partager les voyages, les découvertes que j’entreprends quotidiennement au travers des nombreux cédés que j’écoute. A la même époque, j’ai eu l’opportunité de beaucoup travailler avec Jacques Pelzer, ce fut d’ailleurs un moment clé dans ma carrière. En effet, j’ai toujours eu beaucoup d’admiration pour les musiciens de la première période du be-bop, et Pelzer, qui habitait près de chez nous, et qui n’était surtout pas contrarié de jouer avec nous, était un des derniers témoins vivants de cette époque. J’allais souvent chez lui, pas uniquement pour faire de la musique, mais aussi pour jouer au ping-pong, aller aux concerts, bref faire le plus possible de choses ensemble. Il m’a beaucoup appris. La période pendant laquelle j’ai pu jouer avec Toots, en remplacement de Michel Herr qui venait de prendre deux années sabbatiques, représente un autre moment clé dans ma vie d’artiste. L’hospitalité et la générosité de Toots ne sont pas que légendaires. Le temps passé au sein de Nasa Na - depuis la création du groupe - ainsi que les répétitions et concerts au légendaire Kaai sont d’une valeur inestimable pour mon développement musical. J’ai rencontré le trompettiste Flavio Boltro tout à fait par hasard au Sounds à Bruxelles. Il jouait alors avec le contrebassiste Rosario Bonaccorso, j’ai participé à la jam, en jouant un morceau avec eux. Ils m’ont alors dit que je devais absolument faire la connaissance d’un jeune saxophoniste, un certain Stefano di Battista. Le hasard a voulu que quelques mois plus tard, lui aussi est venu jouer au Sounds. Il m’a de suite invité à participer à la jam, avant de me proposer de l’accompagner à Paris, où il avait un projet avec Flavio Boltro. En tant que célibataire, je n’avais aucune obligation ici. Je n’ai donc pas réfléchi très longtemps et j’ai tenté ma chance. Après une série de jams, qui débouchaient régulièrement sur des rencontres intéressantes, Aldo Romano se trouvait déjà à nos côtés. Au fil de nos concerts, on sentait que le public était de plus en plus nombreux et enthousiaste. J’ai ainsi atterri très rapidement dans d’autres groupes : le Belmondo Quintet, Eric Le Lann… Jusqu’au jour où j’ai eu l’immense plaisir d’être invité par Paco Sery pour travailler avec lui à un projet autour de Miles. En dehors de Flavio et Stefano, on retrouvait là et Louis Winsberg. J’ai alors exploité cette opportunité pour introduire mon bon ami Daniel Romeo auprès de Paco. Ce dernier semblait très enthousiasmé par les talents de Daniel. Dado Moroni est quelqu’un qui m’a énormément apporté. En un an, il m’a fait acheter près de trois cents vieux 33tours ! Quelle science incroyable ! Cependant, c’est la musique soul noire que j’aimerai toujours le plus, avec une préférence absolue pour Donny Hathaway. En ce moment, j’écoute beaucoup de hip-hop, qui se situe selon moi dans la lignée de la soul. Quant au rôle du musicien dans le groupe, je considère qu’il doit avant tout tenir compte de la musique et du travail en équipe, plutôt que de se mettre en avant. La musique ne sera spontanée et sincère que si chaque membre du groupe joue avec un respect total pour ses partenaires. Il suffit d’écouter avec attention la magie quasi sensible dans la musique de Miles : même s’il était le leader de ses groupes, il veillait à ce que chaque membre - pas les premiers venus - contribue autant au son qui était pourtant le sien. Seul les génies sont capables d’une telle démarche.’

David Linx

Ce filleul de Nathan Davis est né le 22 mars 1965. Depuis l’âge de six ans, il joue du piano auquel il ajoute rapidement la flûte traversière comme instrument principal. Son père, Elias Gistelinck (fondateur du festival Jazz Middelheim), donnait des cours d’harmonie à Hoeilaart. C’est là, à onze ans, que David Linx a rencontré Diederik Wissels, de quatre ans son aîné. Wissels composait alors pour un petit groupe formé de Jan De Haas, Frank Michiels et Nicolas Fiszman. Personnellement, je me souviens avoir vu le jeune David Linx se produire au club bruxellois Le Travers, comme batteur au sein d’une formation avec Hein van de Geyn et Diederik Wissels. J’ignore si c’était avant ou après la période pendant laquelle il habitait chez Kenny Clarke. Mais en 1988, alors qu’il faisait toujours partie d’un groupe avec Steve Coleman, Bob Stewart et Pierre Van Dormael, David Linx a définitivement cessé de jouer de la batterie. On le signalait alors régulièrement comme chanteur au Brussels Jazz Club, aux côtés e.a. de Pierre Van Dormael, Philippe Allaert, Nicolas Fiszman et Philippe Decock. Un an auparavant, le 1 ier décembre 1987, David Linx perdait un très grand ami : le poète James Baldwin (63) chez qui il avait séjourné à New York. Ils venaient d’enregistrer en studio le merveilleux cédé ‘A Lover’s Question’ , avec Pierre Van Dormael et Michel Hatzigeorgiou et une pléiade d’invités comme Steve Coleman, Jimmy Owens, Toots Thielemans, Bob Stewart, Slide Hampton, Deborah Brown, Chris Joris, Pierre Vaiana, Diederik Wissels… trop nombreux pour être tous cités. En guise d’hommage à James Baldwin, David Linx rassembla au grand complet les participants à cet album pour une version live inoubliable. David Baldwin y a lu les poèmes de son frère. Le concert a été enregistré par Sky Channel. En 1998, le Label Bleu publiait une version remastérisée du cédé, accompagnée d’un livret de poèmes de près de cent-cinquante pages. C’est chez James Baldwin que David Linx a rencontré personnellement de grands artistes comme et Miles Davis. A ce jour, David Linx a publié douze cédés, dont le récent ‘Heartland’ (Emarcy- Universal), enregistré avec Diederik Wissels, Paolo Fresu, Palle Danielsson et l’ensemble de cordes dirigé par Jean-Paul Dessy. Il enseigne à l’occasion de master classes, comme à Libramont ou Dworp, à l’Université de New York ou encore au Conservatoire de Bruxelles. Parmi ses élèves, il compte quelques grands noms comme Arno, Khadja Nin, Viktor Lazlo et Marie Daulne. Quel élément a conduit David Linx, pourtant en recherche permanente, à se concentrer presque exclusivement sur le chant ?

Linx : ‘A un moment donné, je me suis rendu compte qu’avec ma voix, je pouvais obtenir bien plus que sur n’importe quel autre instrument. Pour moi, la voix humaine représente beaucoup plus qu’un instrument, quel qu’il soit. Un chanteur dispose ainsi de la force pour traduire une mélodie en mots. Caetano Veloso a, par exemple, très bien compris cela. C’est pour cela que je trouve sa façon de chanter très passionnante. Beaucoup de chanteurs de jazz sont très limités, et j’ai toujours eu horreur de chanter en scat. C’est pour cela que je me suis toujours investi pour exploiter au maximum les possibilités de la voix, qu’aucun instrument ne peut offrir. Betty Carter y est toujours fort bien parvenue, grâce à cette manière très particulière avec laquelle elle utilise sa voix. Pour moi, elle est une des rares à ne pas correspondre aux clichés du vocaliste de jazz. En effet, avec sa voix, elle se situe en permanence dans une zone inaccessible aux instruments. Je me souviens aussi comment, à l’époque où j’étais un jeune batteur, je chantais avec les disques de Ella Fitzgerald. Un jour, j’ai même réussi à la rencontrer personnellement, comme Betty Carter d’ailleurs. J’ai donc commencé très tôt à explorer ma voix, et, cela m’a toujours fasciné de l’entraîner le plus loin possible. De plus, comme j’écoute surtout des voix de femmes, j’ai développé une très grande souplesse dans ma voix, que j’ai ensuite continuellement appliquée aux solos de Charlie Parker, John Coltrane et Michael Brecker. Suis-je alors un chanteur de jazz ? Le jazz signifie pour moi tout d’abord la liberté et le développement d’un langage propre. Mon approche musicale peut donc en tout cas être classée comme du jazz. Mais, ceci ne signifie pas que je considère mon style au chant comme étant du jazz, car selon moi, les styles ne sont rien d’autre que des outils. Pour moi, il n’y a aucune différence entre chanter au sein de Aka Moon ou avec Diederik Wissels, chanter une valse musette ou monter sur scène avec . Voilà précisément la li-berté que je poursuis. La plus grande influence sur mon approche en tant que vocaliste de jazz vient sans aucun doute de Miles Davis. Lorsqu’il est venu en vacances chez James Baldwin, nous avons eu régulièrement de longues conversations. Le conseil en or qu’il m’a donné est : ‘From the beginning, you always have to think you are going to be the best. Never stop thinking it, but never say it loudly.’ Contrairement à ce que prétendent de nombreux journalistes, Miles Davis était un homme très charmant. Le fait qu’il jouait parfois le dos tourné au public n’était en rien une forme d’arrogance chez lui, mais plutôt une forme de timidité avec, toutefois, le respect pour ses accompagnateurs et le souci de jouer le mieux possible. Michael Brecker est un autre musicien qui m’a beaucoup appris. Comme nul autre, il parvient à combiner la perfection technique avec l’émotion. Je trouve cela très important.’ A la question, avec quels artistes de jazz contemporains il se sent sur la même longueur d’onde, David Linx répond : ‘Côté chanteurs : Cassandra Wilson. D’ailleurs, elle, Me’Shell Ndegeocello et moi-même, nous travaillons avec le même producteur, Craig Street. Chris Whitley est aussi fantastique. Côté instrumentistes, ma préférence va sans aucune hésitation vers Fabrizio Cassol. Je me suis toujours retrouvé parfaitement dans ses mélodies, et, je le connais maintenant depuis pus de quinze ans. Étudier un morceau de Aka Moon représente donc pour moi une question de minutes. Je compose surtout au piano, en partant autant de textes que de mélodies. Ces derniers temps, je me concentre surtout sur des mélodies. A la manière dont un chanteur peu chanter une ballade, je peux entendre s’il est capable d’interpréter une composition en up tempo et, inversement, j’admire énormément des musiciens comme Betty Carter et Egberto Gismonti, qui parviennent à me faire pleurer, même avec un morceau en up tempo. Pour moi, il s’agit là d’un signe de connaissance et de sagesse.’

Charles Loos

Charles Loos est né en 1951, à Bruxelles. Pianiste classique, il a très vite été passionné par la musique des Beatles mais exprimait aussi une grande préférence pour la bossa nova. Il allait ensuite s’intéresser au jazz qui intègre des éléments de ces sources d’inspiration. En 1972, Loos part pour Boston, au Berklee College, pour y étudier l’orchestration et la composition jazz. Une fois de retour en Belgique, il impressionne surtout le public jazz-rock par son jeu aux claviers dans COS, avec e.a. Daniel Schell, Pascale Son, et par moments, Marc Moulin. A partir de 1976, il va conduire son propre groupe de jazz, Abraxis, au sein duquel son jeu lyrique au piano va pouvoir réellement s’exprimer. Tout comme dans Julverne, cet autre ensemble éclectique qui a contribué à ouvrir de nouvelles voies au public de jazz belge. Charles Loos publie son premier album solo, ‘Egotriste’ , en 1978. Trois ans plus tard, paraît sur le label LDH, le premier cédé de Sava, une formation internationale où Loos est entouré de Greg Baldato, John Ruocco, Serge Lazarevitch, Ricardo del Frà, Jean-Louis Rassinfosse et Eric Ineke. Pendant la même période, il joue aussi souvent en duo avec Steve Houben, avant de former un trio avec l’arrivée de la chanteuse Claude Maurane, et de devenir ainsi H.L.M., non pas une maison d’habitation sociale dans la banlieue d’une grande ville en France, mais tout simplement les premières lettres de leurs noms de famille. Le titre de leur premier album allait aussi porter ce nom. En 1993, Charles Loos créait le trio de dixieland The Sweet Substitutes, en compagnie du clarinettiste et saxophoniste ténor André Donni et du batteur Luc Vandenbossche. Une série d’albums, parfois sous son nom, vont ensuite se succéder, et la liste des artistes nationaux et étrangers avec lesquels Charles Loos a collaboré va, au fil des années, prendre des proportions démesurées. On y retrouve des noms comme Toots Thielemans, Chet Baker, Philip Catherine, Weber Iago, Johnny Griffin, Etienne Verschueren, Pierre Van Dormael, Ali Ryerson, Félix Simtaine, Dre Pallemaerts, Chris Joris et le regretté Jean-Pierre Catoul avec qui il enregistra ‘Summer Winds’ en 1997 et ‘Sad Hopes’ en 2001. Aujourd’hui, Charles Loos fait partie de l’ensemble Parfum Latin (avec Anne Wolf, Pierre Bernard, Henri Greindl et Jan de Haas). Il travaille aussi à un projet avec Steve Houben (ici exclusivement au saxophone soprano), la violoncelliste Kathy Adam (Pantha Rei) et le violoniste Igor Semenoff (Ictus Ensemble). A travers ce projet, une fois de plus, il livre une contribution solide à l’enrichissement du jazz européen qui se distingue fortement de la culture swing et be-bop des États-Unis. De plus, Charles Loos est particulièrement actif dans le monde du théâtre, et il collabore aussi étroitement avec plusieurs poètes. En 1997, il reçoit le Django d’Or, prix qu’il relativise quelque peu : Charles Loos : ‘Les distinctions sont après tout des instantanés soumis à toute une série de facteurs qui contribuent, dans la plupart des cas, à les recevoir de manière injustifiée. Pendant un moment, j’ai envisagé de refuser ce Django d’Or, mais alors, j’aurais déçu ma mère, et je ne voulais pas lui faire ça. Tu as certainement dû remarquer que je joue souvent avec des cordes, en lieu et place de formations composées selon la bonne tradition du jazz avec un piano, une basse, une batterie, ainsi que des souffleurs et/ou autres solistes. Ceci vient du fait que mon amour pour l’improvisation, un des piliers de l’attitude jazz, est partagé avec une préférence toujours aussi forte pour la musique classique. On ne doit pas oublier qu’à une certaine époque, les musiciens improvisaient aussi beaucoup en musique classique, jusqu’au jour où Schönberg est venu tout contaminer avec ses lois contradictoires. Depuis des années, j’expérimente la réalisation d’une espèce de musique classique (de chambre) improvisée, comme c’était le cas à l’époque, avec Julverne. En d’autres mots, un matériau déjà écrit à raison de 15 à 20 %, et pour le reste, de l’espace pour l’improvisation, quoique structurée. En effet, il ne faut pas perdre de vue que même l’improvisation implique énormément d’obligations. Le fameux mariage entre le monde classique ‘sérieux’ et la scène jazz rebelle, appartenait déjà au rêve de Henri Pousseur, lorsqu’il a créé Les Iles Déchaînées , voici une vingtaine d’années, avec un orchestre symphonique, un groupe de jazz et un ensemble de musique classique contemporaine, où les trois îles, avec leur langage propre, grandissaient les unes vers les autres, jusqu’à ce que s’exprime une gigantesque fusion. Henri Pousseur a toujours été très en avance sur son temps.’

Nathalie Loriers

Nathalie Loriers est née le 27 octobre 1966 à Huy. Tout en bénéficiant d’une formation classique, au fil du temps, elle se sentira attirée par le jazz, grâce aux stages et séminaires où elle rencontra Steve Houben, Charles Loos, John Ruocco, Alex Ulanowsky, Jim McNeely, Dave Frank, Rob Madna et Diederik Wissels. En 1990, au Conservatoire de Bruxelles, où elle a suivi les cours de Dennis Luxion, Steve Houben et Pirly Zurstrassen, elle obtient le premier prix d’harmonie et de piano. Elle a également reçu d’autres prix comme le Sax Price (Jazz Critics Association, 1989), le Belga Price pour le meilleur soliste du Brussels Jazz Rally (1990), le premier prix du Concours Radio francophone (1991), le prix Bobby Jaspar comme meilleur musicien européen (Académie du Jazz, France), le Django d’Or 1999, ainsi que l’Eurodjango en tant que meilleur artiste de jazz européen (2000). Entre-temps, Nathalie Loriers a déjà travaillé avec e.a. Steve Houben, Diederik Wissels, David Linx, Félix Simtaine, Toots Thielemans, Philip Catherine, Ivan Paduart, Laurent Blondiau, Rachel Gould, Paolo Fresu, Aldo Romano, Charlie Mariano, Emanuele Cisi, Al Levitt et Lee Konitz, avec lequel elle enregistre le cédé ‘Discoveries’ (AMC), en 1993. Depuis octobre 1994, elle enseigne le piano au Conservatoire Royal de Bruxelles. Nathalie Loriers démontre ses qualités de compositrice depuis qu’elle a formé son premier quartet, avec Kurt Van Herck, Philippe Aerts et Mimi Verderame (cédé ‘Nympheas’ , Igloo). Elle enregistra son deuxième cédé, ‘Dance Or Die’ (Igloo), avec Rick Hollander et Jeroen Van Herzeele. Aujourd’hui, Nathalie Loriers tourne avec deux formules. Au sein de son trio, on retrouve le contrebassiste Sal La Rocca et le batteur Hans van Oosterhout (cédés ‘Walking Through Doors, Walking Through Walls’ , chez Igloo, et ‘Silent Spring’ , Pygmalion). Quant à la formation du Nathalie Loriers Trio + Extensions, son trio est augmenté de Frank Vaganée (as), Kurt Van Herck (ts) et de Laurent Blondiau (tp). Le premier cédé de ce sextet, ‘Tombouctou’ (W.E.R.F.), vient de paraître dans la série ‘The Finest In Belgian Jazz’.

Nathalie Loriers : ‘ Comme tous ceux qui sont passés par l’académie, j’ai d’abord eu une formation classique. A la maison, nous avions un orgue, sur lequel je jouais pendant des heures. Enfant, j’essayais tout le temps de rejouer les chansons que l’on entendait à la radio. Dans l’interprétation du répertoire classique, tout l’art consiste à faire sonner ces pièces comme si on les avait écrites soi-même, même si ces compositions sont familières au public. Il suffit d’écouter comment Gould interprète Bach. On en attrape la chair de poule. J’ai autant de respect pour ceux qui se consacrent toute leur vie à une œuvre existante ou aux standards du jazz, que pour ceux qui évoluent comme improvisateurs ou compositeurs d’un nouveau répertoire. Comment en suis-je arrivée à me diriger vers le jazz, après une formation classique de près de dix ans ? Simplement parce que j’aime cette musique, et que je n’en ai jamais assez. Ce sont surtout les aspects liés à la communication (avec les artistes comme avec le public) et à l’improvisation qui m’attirent dans le jazz. De plus, le fait qu’on n’arrête pas de découvrir ou d’inventer de nouvelles choses - le plus souvent de façon spontanée et honnête - garde en éveil l’enfant en nous, et contribue à ce que je me sente de plus en plus chez moi dans l’univers du jazz. Et, lorsqu’au téléphone, quelqu’un comme Toots me souhaite d’éprouver comme lui, à quatre-vingt ans, toujours autant de plaisir à jouer du jazz, je me sens à nouveau armée pour affronter tous les contretemps possibles. Ainsi, j’appréhende l’avenir avec le sourire. Ceci n’empêche pas, qu’aujourd’hui encore, j’aime énormément écouter de la musique classique. Je connais d’ailleurs pas mal de musiciens classiques qui appréhendent plein d’espoirs les années, et parfois les décennies, nécessaires pour jouer tout ce qu’ils veulent interpréter. Le tout premier morceau de jazz - ou du moins fragment de celui-ci - que j’ai joué, était de Duke Ellington. Je ne l’oublierai jamais. La dernière page des partitions, que j’avais alors achetées pour m’exercer au piano, comportait toujours, sous forme de publicité, un fragment d’un titre d’un compositeur connu. C’est ainsi qu’un jour, je devais avoir seize ans, mes yeux sont tombés sur une partition de Ellington - je crois ‘Solitude’ - construite à partir d’accords totalement nouveaux pour moi. Quand j’ai commencé à les jouer, j’ai eu l’impression qu’un monde nouveau s’ouvrait : des harmonies que je ne m’étais encore jamais entendu jouer sortaient de mon piano. Cela me rendait folle, et je continuais à jouer ces accords, chez moi comme à l’académie, au grand bonheur de mon professeur qui semblait être un amateur de jazz fervent. Lorsque, peu de temps plus tard, j’ai pu entendre Steve Houben en public, à Dinant, ma conviction était faite : le jazz serait mon truc. J’achetai alors un disque de jazz après l’autre. Et, quand j’ai appris que Steve Houben donnait cours au Conservatoire de Liège, je m’y suis aussitôt inscrite, même si je n’avais pas encore la moindre idée de la manière dont je devais commencer un morceau de jazz. De fil en aiguille, j’allais rapidement jouer du jazz en public avec un certain nombre de mes condisciples. Pendant quelque temps, j’aurais pu choisir le saxophone, mon second instrument pendant mes études classiques. Mais, il apparut rapidement que je me sentais plus à l’aise au piano, instrument qui m’attirait déjà beaucoup lors de mon enfance. De ce point de vue, il me semble très important de laisser l’enfant libre dans le choix de l’instrument qui lui correspond le mieux - s’il le faut, lâchez-le dans un magasin d’instruments de musique, vous serez rapidement fixé. L’approche naturelle et spontanée d’un instrument me semble encore et toujours la bonne. Un vrai virtuose ne montrera d’ailleurs jamais ses capacités techniques sur l’instrument de manière explicite - quelle que soit la complexité du morceau - pour privilégier une transmission naturelle, comme si chacun pouvait le répéter immédiatement chez soi.’

Bart Maris

Ces derniers temps, Bart Maris explore un peu tout : la chaotique fanfare jazz Think Of One, les orchestrations adaptées de Peter Vermeersch pour Flat Earth Society, le collectif hip-hop Yutakasa, l’ensemble néerlandais de musique concrète Blast, la musique agréablement perturbée de la formation Jaune Toujours de son frère Piet, le pop-rock de Betty Goes Green, sans parler de son projet de free jazz Kamikaze, sa collaboration avec André Goudbeek et Fred Frith, de sa participation au collectif de mambo-surf-rock The Whodads, ou même de sa présence sur le dernier album de Marc Moulin, ‘Top Secret’ (Blue Note). Les fans du X-legged Sally trop tôt disparu, rencontraient déjà le nom de Bart Maris sur les différentes pochettes de leurs cédés. Aucun concert n’est trop étrange pour lui. A Maubeuge, il était voici peu l’invité du groupe français Art Zoyd, aux côté de Daniel Denis et Gérard Hourbette. Il n’est donc pas étonnant que Bart Maris se vit décerner le Zamu Award 2000 du meilleur musicien. Bart Maris a eu Marc Godfroid comme professeur.

Bart Maris : ‘Au Conservatoire, j’étais parmi les premiers à suivre des cours de jazz. Marc Godfroid me laissait une liberté totale pour improviser comme je l’entendais, à une condition : savoir lire à la perfection. Sinon, je pouvais tout aussi bien rester à la maison. Je peux t’assurer que j’ai beaucoup transpiré, mais je lui suis toujours reconnaissant pour cela. Même si j’ai encore des problèmes d’articulation. J’ai terminé mes études avec Olivier Bodson pour lequel j’ai une admiration sans fin. Même à la fin, ce type parvenait encore à obtenir 95%, alors que je devais me contenter d’atteindre les 80% ! D’un autre côté, le résultat final, qui dépend surtout des capacités liées à la technique et à la dextérité, ne constitue pas le critère unique pour déterminer les qualités d’un musicien. Le don pour la créativité ne peut d’ailleurs pas être enseigné. De plus, c’est tout un art de transformer ses propres limites en atouts. Plus fort encore : toute limite est une opportunité. Prenons par exemple, Jan Mues. C’est un musicien fantastique, mais comme trompettiste, il est fort limité. Il parvient cependant à puiser sa force dans ces limites, et à créer ainsi un son très reconnaissable, que personne d’autre ne pourra imiter. Quant à Laurent Blondiau, il connaît surtout des limites physiques. Il sait qu’il doit surtout faire attention à sa façon de doser. Serge Plume, par contre, peut presque tout entreprendre avec son embouchure, sans même y penser. A côté, il y a aussi tous ces souffleurs de salsa, comme Arturo Sandoval, qui sont arrivés dans le jazz, et qui jouent toutes ces partitions de jazz sans aucune difficulté. A chaque fois, je me demande si ces gars-là sont encore capables de jouer de manière sobre, et s’ils osent encore jouer ‘fragile’. Je pense alors à des trompettistes comme Bert Joris, conscients qu’il ne peuvent éclater en puissance, transforment cela en marque de fabrique, en élaborant, jusqu’à la perfection, un jeu sobre et délicat. Ils arrivent ainsi à développer un son exceptionnellement émouvant qui impose le silence. On retrouve d’ailleurs constamment ce raffinement dans les compositions et les arrangements de Bert Joris.’

Vivre de sa musique En son temps, Bart Maris a décidé de manière résolue de gagner sa croûte exclusivement en jouant et en composant de la musique : ‘En Belgique, il est vraiment très difficile de pouvoir vivre comme musicien à temps-plein. Je ne donne pas cours et je ne reçois aucune allocation. Je suis donc obligé de participer au plus grand nombre de projets possibles, afin de garder quelque chose dans ma poche. Financièrement, je n’y arriverais pas sans le statut dont je bénéficie en participant à des productions de théâtre comme avec Flat Earth Society, même si je dois y laisser une part de liberté. Le plus dur, c’est qu’on doit parfois quémander pendant des mois ce à quoi on a droit. Surtout auprès de maisons de disques, où l’on ne sait parfois même pas qui tu es, alors que tu joues comme invité sur le cédé du groupe qui au même moment, représente leur meilleure vente. Et c’est une chance, quand à l’évocation des droits connexes, on ne te répond pas que le disque est un four, même quand tu as répondu à toutes les exigences et que tu as respecté tous les accords. Quand je jouais encore avec X-legged Sally, j’ai constaté que les disques étaient vendus chez les disquaires sous l’étiquette ‘musique progressive belge’. Comment alors se plaindre de piètres chiffres de vente ?’ Pas mal de trompettistes de jazz américains grattent la laque de leur instrument, ce qui enrichirait le spectre sonore de l’instrument. Chez Bart Maris, les choses se sont déroulées autrement : ‘Avec le temps, cette laque est tombée d’elle-même. Effectivement, pour relativement peu d’argent, tu peux acheter une trompette Quesnon non laquée, mais certains importateurs les laquent ou les plaquent d’argent eux-mêmes. Ils peuvent ainsi fortement augmenter leur bénéfice. Mais, ce n’est pas comme cela qu’on achète un instrument aussi précis comme par exemple le bugle Kanstul de Laurent Blondiau ou ce vieux Selmer de Bert Joris. Personnellement, je préfère acheter mes instruments dans des marchés aux occasions ou des bourses. On y trouve un choix plus large d’instruments fiables et déjà rodés. C’est ainsi que j’ai pu acheter un jour une trompette de poche Jupiter pour € 125. Bien entendu, cela prend un peu plus de temps, et il faut avoir un peu d’expérience en la matière, mais cela vaut la peine. Je connais ainsi un jeune trompettiste de la région d’Anvers, Bert Bernaerts, qui a réussi à acquérir une Vintage Martin Committee de 1952, la marque sur laquelle jouait alors Miles Davis, dans un marché d’occasion à Boston. Après coup, je me suis renseigné sur l’origine du nom ‘Martin Committee’, et j’ai appris que cette trompette a été conçue par un comité d’une cinquantaine de professeurs de conservatoire. Pour pouvoir produire leur instrument, ils ont transféré la licence de leur brevet, détenu collectivement, chez le fabricant d’instruments Martin.’ Bart Maris détient sa propre théorie pour éviter le feedback : ‘Le meilleur moniteur est encore celui qui repose sur le vieux principe utilisé en son temps par les orchestres de bal : un petit panneau en plexiglas que l’on glisse par-dessus le microphone, pour ainsi renvoyer directement ton propre son, sans feedback. En plus, c’est le moyen le plus naturel pour entendre ton propre son.’

Michel Massot

En tant que musicien classique, le tromboniste et tubiste Michel Massot (1960 à Halle) a déjà joué comme soliste au sein de l’Orchestre Philharmonique de Liège, l’orchestre de la BRT, l’ensemble Musique Nouvelle de Georges-Ellie Octors, la compagnie parisienne Musique Oblique, ainsi que l’Ensemble Synonymes, qu’il a créé lui-même en 1985. Très rapidement, il participera aussi activement à la scène de la musique contemporaine et d’avant-garde, avec e.a. Garrett List, Henri Pousseur et Jean-Pierre Peuvion. Il collabora aussi aux œuvres de Philippe Boesmans et Bernard Foccroule. En 1984, en compagnie de Michel Debrulle et Fabrizio Cassol, il lance Trio Bravo (cf. les 33tours ‘Pas de Nain’ , ‘Hi-o-Ba’ , ‘Compact’ et le cédé ‘Quatrième Monde’ . Voir aussi : Michel Debrulle). Par ailleurs, Michel Massot a également fait partie de Baklava Rhythm and Sounds, La Grande Formation, Le Collectif du Lion (avec Steve Lacy), l’Act Big Band de Félix Simtaine et le projet Variations on a Love Supreme de Kris Defoort. Enfin, il a aussi fondé le groupe Bathyscaphe 5. Aujourd’hui, il est actif dans Rêve d’Eléphant Orchestra, Trio Grande, Kris Defoort & Dreamtime, Thomas & Co, Tous Dehors, Määk’s Spirit et l’Ensemble Ictus. Parmi les artistes étrangers avec lesquels Massot a collaboré jusqu’ici (ou collabora toujours), on rencontre e.a. Claude Barthélémy, Gary Valente, Evan Parker, Christof Lauer, Wolfgang Pusching, Rabih Abouh Khalil, Martial Solal, Louis Sclavis, Henri Texier, Kenny Wheeler, Michel Portal, Ray Anderson, Andy Sheppard, Geoffroy de Masure, Han Bennink, Marc Ducret, François Merville, Nguyen Lè, Gilles Coronado et Guillaume Orti. Michel Massot enseigne depuis plus de vingt ans au Conservatoire de Liège, et donne aussi des cours d’improvisation.

Michel Massot : ‘Je devais être en cinquième année primaire, quand j’ai commencé à jouer sur un saxophone soprano. Après six mois, j’en ai eu assez. Mon père, qui était membre de la fanfare locale, m’a alors mis un bugle et une trompette à disposition. A partir de ce moment, je ne laissais plus planer aucun doute sur mon avenir comme musicien professionnel, et non comme athlète, ainsi qu’on le supposait alors. A treize ans, je recevais déjà un prix à l’académie : un disque de Dizzy Gillespie avec Stan Getz. Immédiatement, je suis devenu complètement dingue de ces mélodies be- bop sauvages, sans savoir d’ailleurs qu’en fait j’écoutais du jazz. Entre-temps, Olivier, mon plus jeune frère (actuellement soliste à l’Orchestre National de Lyon et de Paris), me faisait découvrir la musique de . A quinze ans, je gagnais déjà de l’argent comme trompettiste semi-professionnel, au sein d’un orchestre de bal. Même si mes parents ne se réjouissaient pas de me voir partir ainsi chaque samedi, jusqu’au dimanche matin. Je commençais aussi à jouer ici et là, dans des groupes de Dixieland. Un jour, mon professeur, lui même tromboniste et tubiste doué, me voyait souffrir à la trompette. Il m’a alors laissé jouer sur son tuba. Une semaine plus tard, j’en avais un pour moi. J’avais enfin trouvé l’instrument que je recherchais inconsciemment depuis toujours. De plus, comme le laissait clairement apparaître mon style au trombone, que je jouais depuis un certain temps, j’évoluais déjà en musique comme un bassiste. Les tous premiers musiciens de jazz avec lesquels j’ai joué étaient Gino Lattuca, Philippe Leblanc et Arnould Massart, quand j’étudiais encore au Conservatoire de Mons. Plus tard au Séminaire de Jazz du Conservatoire de Liège, où je suivais aussi des cours d’improvisation, j’ai automatiquement rencontré Garrett List. Je n’allais vraiment pas souvent aux cours. Ce qui m’intéressait surtout alors, c’était les jams avec e.a. Jacques Pelzer, Jon Eardley, Fabrizio Cassol et Kris Defoort. Steve Grossman, qui habitait alors à Liège, venait aussi jouer régulièrement. Cependant, l’hystérie collective qui régnait autour de lui ne me plaisait pas beaucoup. Pendant la même période, 1982-1983, j’ai joué un temps dans un petit groupe de jazz avec Jean- Pol Schroeder - un compositeur d’ailleurs estimable - au piano. En 1984, Michel Debrulle me propose de fonder Trio Bravo avec Fabrizio Cassol. Au début, on jouait des compositions existantes de Pierre Vaiana, Denis Pousseur et Monk. Mais très rapidement, Fabrizio est venu avec ses propres compositions. Sa toute première composition pour Trio Bravo portait le titre de ‘Red Monk’. Les gens ne savaient pas ce qu’ils entendaient. Ils avaient l’impression qu’on venait d’une autre planète. La musique de Trio Bravo, qui reposait alors surtout sur des rythmes binaires, se rapprochait plus du rock que du jazz. L’absence de basse et la formule réduite créaient un certain nombre d’hiatus dans le spectre sonore, que je ne pouvais que combler partiellement avec mon tuba. Ainsi, on devait aussi utiliser la batterie de Michel Debrulle d’une manière plus inventive. Fabrizio et moi, nous avons donc écrits de nombreux arrangements dans ce sens. Aujourd’hui, avec Trio Grande, le problème se pose beaucoup moins. En effet, après toutes ces années, Michel Debrulle est réellement incrusté dans le système mais l’apport créatif de Laurent Dehors avec ses instruments à anches y contribue aussi. Selon moi, le concept ‘jazz’ est impossible à définir. Tous les critères auxquels la musique doit répondre, selon certains, pour pouvoir être considérée comme du jazz, me semblent réducteurs, et par définition, mortels. La frappe systématique sur la cymbale doit-elle vraiment être toujours présente ? Faut-il constamment improviser à tour de rôle ? La contrebasse et le piano doivent-ils toujours jouer de telle et telle manière ? … Je peux déterminer pour moi-même si une musique peut ou non être ressentie comme du jazz. Prenez par exemple, un étudiant en jazz classique. Il sait parfaitement comment il faut jouer un morceau de swing, de be-bop ou n’importe quel autre titre de jazz, parce qu’il l’a appris ainsi, en interprétant des partitions d’autres musiciens, y compris leurs improvisations, sans apport personnel. Ce musicien a appris à phraser, mais il n’a jamais goûté au plaisir d’improviser lui-même. Je me souviens ici d’un cours d’improvisation que j’avais donné en France, à la suite d’une ‘jazz-masterclass’. J’avais alors invité les étudiants présents à jouer chacun à leur tour un petit morceau de jazz. Résultat, j’ai alors entendu les phrasés les plus clichés et les plus prévisibles : un petit morceau de blues mal joué au piano, un passage de walking bass assez raide, une petite mélodie de bossa nova chagrineuse à la guitare, bref du n’importe quoi, et surtout, tout, sauf du jazz. Ensuite, je leur ai demandé de jouer ce qui leur passait par la tête de façon non-contrôlée. Tu aurais dû les entendre, les choses les plus dingues et les plus passionnantes en sortaient : une version polytonale de ‘Au Clair de la Lune’ au piano, un solo sauvage du bassiste, un guitariste qui sortait complètement de ses gonds… J’étais enfin parvenu à les faire improviser avec leur son personnel, et j’ai pu conclure satisfait : ceci est du jazz. La cohésion du groupe joue aussi un rôle énorme. Le meilleur soliste fonce complètement dans le brouillard s’il n’est pas soutenu par une formation au jeu cohérent, où personne ne sort de son rôle. J’en ai encore parlé dernièrement avec Guillaume Orti. Pour moi, c’est un maître absolu sur ce terrain. Il est capable de tout et contrôle réellement l’ensemble des paramètres. Pourtant il ne le montre pas de façon explicite, et reste étonnamment humble, ce qui l’honore.’

Octurn

Ceux qui assistent régulièrement aux concerts de clubs comme le Sounds Jazz Club, l’Athanor Studio ou le défunt Marcus Mingus, savent que ces concerts dérapent souvent en jam-sessions sauvages. Plus d’une fois, il arrive que l’un ou l’autre musicien présent dans le public dispose par hasard de son instrument, se laisse entraîner par l’ambiance, et alors l’envie de participer l’emporte. Pour certains musiciens, participer aux jam-sessions, dans ces clubs, est même devenu une habitude hebdomadaire. Le plus beau arrive lorsque, au bout d’un certain temps, ces rencontres nées du hasard donnent naissance à un groupe régulier et que ces improvisations évoluent vers un répertoire clairement reconnaissable. Ainsi est né le groupe Octurn, au Sounds, au début des années ’90. Le plus remarquable est que la composition du groupe évolue sans cesse. Après avoir publié trois cédés remarquables pour le label brugeois W.E.R.F. (‘Chromatic History’ , ‘Ocean’ , ‘Round’ ), et déjà joué au North Sea Jazz Festival, Jazz A Liège, Jazz Middelheim, Festival des Lundis d’Hortense, What is Jazz à la Knitting Factory (New York), au Festival de Jazz de Montréal et à l’Audi Jazz Festival. Octurn est aujourd’hui composé de Laurent Blondiau (tp, bugle), Geoffroy de Masure (tb), Guillaume Orti (as), Bo Van der Werf (bs), Pierre Van Dormael (g), Fabian Fiorini (p), Jean-Luc Lehr et Otti Van der Werf (elb), ainsi que Chander Sardjoe (dm). Mais, personne ne sait comment sera la composition du groupe demain. La musique que Octurn propose aujourd’hui se situe entre la musique classique contemporaine et poly-rythmique, avec un groove jazz teinté de M-base. Le saxophoniste américain était leur invité à l’occasion de l’édition 2001 de Jazz Middelheim. Le nouveau répertoire a été composé par Geoffroy de Masure, Bo Van der Werf et Antoine Prawerman. Chacun, familier avec leur musique, sait qu’il est impossible de prévoir comment sonnera le métissage des différents styles de ces compositeurs uniques. C’est précisément cette imprévisibilité, en combinaison avec le dialogue entre les beats explosifs et polyrythmiques, les lignes de basse grassement funky et un excellent mix de musique contemporaine, de big-band swing, de boptunes et de jazzrock-fusion, qui fait que le public en demande plus après chaque concert.

Œuvres de compositeurs importants, spécialement pour Octurn La musique que Octurn a jouée pendant leurs derniers projets, n’a pas été composée exclusivement par les membres du groupe. Le pianiste Kris Defoort, qui a déjà joué avec Octurn en invité, a ainsi composé de nombreux morceaux pour le groupe. Mais aussi d’autres compositeurs de renommée, comme le pianiste new-yorkais Kenny Werner, Frederic Rzewski, le saxophoniste new-yorkais Patrick Zimmerli, Walter Hus ainsi que Denis Pousseur. Une telle diversité sur le plan de l’écriture conduit la musique de Octurn au carrefour passionnant de la musique classique, contemporaine et du jazz.

Des musiciens aux parcours et aux formations les plus divergents Bo Van der Werf : ‘Tous les compositeurs qui écrivent pour Octurn nous ont d’abord tous vus à l’œuvre de manière approfondie. C’est justement ce qui est chouette dans notre histoire : en fait, nous n’avons jamais dû convaincre personne, Kris Defoort, comme Walter Hus, Denis Pousseur, Frederic Rzewski et Kenny Werner sont tellement enthousiasmés par notre manière de jouer, qu’ils ont écrit avec beaucoup de plaisir pour le groupe. Le fait de composer pour nous a dû constituer un défi, même pour Kenny Werner, car je n’avais jamais rien entendu de pareil chez lui. Visiblement, il a été inspiré par la façon de jouer de certains d’entre nous, et plus particulièrement par Chander. Récemment, Chander a de manière remarquable, succédé à Stéphane Galland, qui a dû quitter le projet par manque de disponibilité. Chaque morceau se déroule dans un univers totalement différent, ce qui est inévitable vu le parcours divergent des différents compositeurs. Rzewski, Hus et Pousseur sont avant tout des compositeurs classiques contemporains, alors que Werner et Defoort sont plus proches du jazz. Ainsi, il est important pour nous de pouvoir nous dépla-cer d’un monde vers l’autre, le plus naturellement possible, sans aucune diminution de l’attention aiguë permanente. En effet, de nombreuses pièces sont construites à partir de passages changeants, qui prennent régulièrement des orientations imprévisibles. Imagines un instant que le public nous voit souffrir et nous débattre avec toutes ces partitions sur scène. Je n’ose y penser. Ces répétitions difficiles doivent justement nous conduire à interpréter ces compositions comme si elles sortaient naturellement de nos instruments. Ce n’est qu’à cette condition-là que je considère que nous donnons au public son dû pour le prix d’entrée. A une certaine époque, j’ai entendu des réactions de critiques, qui à la lecture de la liste des membres de notre formation, se demandaient si un tel agrégat de musiciens, avec des backgrounds et des formations aussi différents, parviendrait un jour à jouer ensemble de manière cohérente. Ce, jusqu’au moment où ils nous ont vu jouer. Le plus grand défi consiste pour nous à donner une valeur ajoutée aux partitions, écrites par d’autres, grâce à notre façon de les interpréter. Ce type de confrontation rend le travail au sein de Octurn si passionnant. D’un autre côté, tous les compositeurs ne laissent pas autant d’espaces à l’improvisation. Pour le cédé ‘Round’ par exemple, Kenny Werner nous a, dans une première phase, donné quelques fragments de base de ses partitions, à partir desquels, au cours des répétions - auxquelles il participait aussi - nous pouvions déjà improviser. Il a intégré ces nouveaux éléments sous forme de modules. Après quelques adaptations apportées ici et là, il les a collés les uns aux autres, sans coutures. Par contre, dans les partitions de Federic Rzewski (‘The Cradle Will Rock’ et ‘When The Wind Blows’), il n’y a aucune place pour l’improvisation : notre rôle consiste ici à interpréter ce qui est écrit avec le plus de conviction et de soumission possible, même si nous sommes libres de jouer selon nos habitudes. Nous pouvons en effet déterminer des éléments comme les timbres et les grooves. Mais nous avons maintenant décidé de jouer principalement des compositions écrites par les musiciens qui font partie du collectif ou des compositeurs qui sont proches de notre approche de la musique. Du coup, le groupe a pris une nouvelle dimension avec la formule actuelle : le nouveau type de travail que nous avons entrepris nous a ouvert un nouvel horizon qui apparaît désormais sans limite.’ Odds On

La création de Odds On par le composteur et saxophoniste Tom Van Dijck (25 mars 1967), en compagnie du guitariste Andreas Suntrop, du bassiste Mark Haanstra et du batteur Kris Duerinckx est assez récente. ‘About Time’ , leur premier cédé, publié en juin 2002, laisse entendre comment le quartet interprète des standards, revus et corrigés par des sonorités actuelles, au point de rendre les compositions d’origine souvent méconnaissables. La combinaison du son lyrique du saxophone ténor avec la clarté des parties jouées à la guitare, parfois proches de Bill Frisell - les lignes basses fretless typiques avec, dans le même temps, les rythmes frappés de manière dynamique et subtile - livre une sonorité fraîche et séduisante. Elle emporte l’auditeur au carrefour entre le be-bop, le cool, le jazz moderne et des formes musicales associées à la M-base. Le vocabulaire traditionnel du jazz s’enrichit ainsi d’éléments des cultures africaines et indiennes.

Ivan Paduart

Beaucoup d’artistes, dont Tom Harrell, Toots Thielemans, Richard Galliano, Didier Lockwood, Philip Catherine, , Charlie Mariano, Marcia Maria, et Maurane ont déjà collaboré ou fait appel aux talents du pianiste Ivan Paduart (35). Avec ‘Trio Live’ , il vient de publier ce qui doit être son treizième album.

Ivan Paduart : ‘Aujourd’hui, dans le rayon jazz des disquaires, on trouve pas mal de musiques dont on peut difficilement dire qu’elles swinguent. Beaucoup de gens refusent, à juste titre selon moi, de considérer cette musique comme du jazz. D’autres estiment que la seule présence d’un saxophone et de parties improvisées permet d’étiqueter une musique comme étant du jazz. Personnellement, je ne peux pas être d’accord avec cette position. Par exemple, la musique d’Aka Moon n’est pas du jazz pour moi, il lui manque trop d’harmonie. Ceci ne signifie pas que je condamne cette musique, au contraire. Je les trouve très passionnants - Michel Hatzi est pour moi un des meilleurs bassistes du monde - mais, ne me dites pas qu’Aka Moon joue du jazz. Le pianiste Martial Solal est un autre exemple de musicien que je trouve génial, mais une chose est indiscutable : sa musique ne swingue pas.’

Dré Pallemaerts

Dré Pallemaerts est né en 1964 à Anvers. Il suivra ses premières leçons de batterie à quinze ans. Deux ans plus tard, il rencontre le contrebassiste John Clayton qui le met en contact avec Jeff Hamilton. Celui-ci lui donnera des cours de batterie aux Etats- Unis, en 1984. L’année suivante, le ministère de la culture belge (encore fédéral) le sollicite pour jouer au Singapore Jazz Festival, en compagnie d’autres grands artistes de chez nous, parmi lesquels Jacques Pelzer, Steve Houben, Michel Herr, Bert Joris et Charles Loos. Dans le trio de Jack Van Poll, pendant tout un temps, Pallemaerts va partager la scène avec Hein van de Geyn, mais aussi avec des chanteurs et artistes internationaux de haut niveau, comme Deborah Brown, Arnett Cobb, Dee Dee Bridgewater, et Etta Cameron. En Belgique comme à l’étranger, il a aussi été membre de toute une série de formations comme le Brussels Jazz Orchestra, Määk’s Spririt, les quartets de Bob Brookmeyer, Toon Roos et Kurt Van Herck et les trios de Kris Defoort, Erwin Vann, Michel Herr et Frank Vaganée. En 1991, Dré Pallemaerts reçoit le premier prix de ‘Jeugd en Muziek Vlaanderen’ (jeunesses musicales). En 1998, il participe à l’enregistrement de la bande son du film de Julien Vreebos Le Bal Masqué , composée par Bert Joris. Parmi les artistes importants que Dré Pallemaerts a accompagné, on retrouve e.a. Toots Thielemans, John Scofield, Art Farmer, Archie Shepp, Norma Winstone, Slide Hampton, Junior Cook, , Mal Waldron, Wolfgang Engstfeld, John Ruocco, Joe Lovano, , Dave Kikoski, Philip Catherine (cédé ‘Oscar’ , Igloo) et Serge Lazarevitch. Depuis quelque temps, Dré Pallemaerts fait partie du trio de Bill Carrothers (cédé ‘Swing Sing Songs’ ), avec Nic Thys. Dans son projet drum’n’bass Mother, on rencontre le saxophoniste ténor Erwin Vann, le bassiste Otti Van der Werf et la chanteuse Ann Van der Plassche. Dré Pallemaerts enseigne au Jazzstudio à Anvers et au Lemmensinstituut à Louvain. Il donne régulièrement des workshops, e.a. au Conservatoire de Rotterdam et au Swiss Jazz School à Bern. Dans la série ‘The Finest in Belgian Jazz’ on entend Dré Pallemaerts sur le cédé du Bert Joris Quartet.

No judgement Dré Pallemaerts : ‘ Je ressens la musique comme une sorte d’état d’esprit, quelque chose dont j’ai absolument besoin pour me sentir bien physiquement et mentalement, comme d’autres vont au sauna, pêcher, skier, lever le coude ou regarder le football. La musique exerce ainsi un effet méditatif sur moi. C’est ainsi que je trouve toutes les formes musicales passionnantes. Je ne m’arrête donc jamais pour savoir si je fais du jazz, du rock, de la pop ou de la techno. Tant qu’il s’agit de musique. Ce qui est, selon moi, important dans la musique, c’est qu’elle puisse nous délivrer de tout ce qui nous emprisonne sur cette terre. Chaque fois que tu commences à jouer, tant que tu parviens à recouvrer cette liberté, tu réussis à atteindre un des objectifs les plus importants de la musique. Si, en plus, tu parviens à transmettre ce sentiment au public, à former une unité avec ton public et le lieu où tu joues, là tu es sur le bon chemin pour devenir un grand artiste. En fait, ceci vaut également pour d’autres activités humaines, pour les sportif, ébéniste, architecte, fleuriste, capitaine au long cours… Dernièrement, quelqu’un est venu me demander comment je résistais à la tentation d’élargir mon style de jeu à la batterie, un style relativement sobre. Eh bien, simplement par ce que je n’en ressens pas le besoin. D’ailleurs, je ne considère pas mon instrument comme une simple batterie. Il suffit par exemple qu’à un moment donné, je pense à un piano, pour l’entendre effectivement à la place des peaux et des cymbales de ma batterie, sur lesquelles je frappe. Dans mes solos, il arrive que je m’entende tout à coup jouer de la contrebasse, du saxophone, peu importe. A ce moment là, des notions comme ‘tom’, ‘caisse claire’ ou ‘cymbale’ sont aussi éloignées pour moi, que le verglas en Provence ou les feux de forêt au Sahara. Ce qui importe à mes yeux, est surtout le timbre. De préférence, pendant un concert, je préfère le déterminer le plus possible moi-même. Par exemple, j’aime bien jouer avec le son des différentes peaux, en les pliant, pendant l’interprétation, vers les sonorités les plus impensables. On pourrait désigner cette donne dans le jeu musical comme étant ‘l’élément flexible’. Je chante aussi littéralement (la plupart du temps intérieurement) tout ce que je joue à la batterie. Un autre élément, au moins aussi important, dans tout ce que je fais - et donc certainement aussi dans ma musique - est la conservation de l’énergie. C’est bien pour cela qu’il faut mesurer la musique, tout comme un surfer mesure la puissance d’une vague roulante, pour en utiliser le plus d’énergie possible, la maintenir au maxi-mum et ainsi devenir un avec elle. Chaque note que tu joues contient déjà toute l’information sur la sui-vante, vers laquelle tu es en réalité aspiré automatiquement. Cette note, tu ne peux pas la trouver au travers d’une pensée rationnelle, mais bien en te livrant totalement à elle. C’est ce que nous désignons, dans le processus (d’apprentissage) musical, comme étant ‘l’élément non-flexible’. ‘No judgement’ représente encore un autre élément important dans le processus musical. Cela n’a aucun sens de se prendre la tête pour savoir si ce que tu joues est beau ou laid. Dès que tu commences à porter un jugement là-dessus, tu te fragilises et tu perds automatiquement une certaine confiance dans ton jeu. Après tout, ton processus de pensée est un véritable maître ès paradoxes. Il t’imposera toujours des limites dans ce que tu veux faire. Voilà justement ce à quoi il faut toujours résister, autrement, toute spontanéité et toute honnêteté disparaîtra dans ce que tu veux faire. En fait tout commence au moment de l’observation, de la perception, et dans la manière dont tu décortiques ce que tu ressens. Assez souvent, c’est à ce moment-là que la domination de l’intellect se manifeste. De cette façon, de nombreux musiciens naviguent à contre-courant de l’énergie de la musique, alors que, selon moi, l’intellect ne devrait servir qu’à stocker des expériences, y réfléchir, mais pas pour décider ce que tu feras ou ne feras pas. Je fonctionne le mieux avec des musiciens qui se laissent complètement porter par la musique. Je travaille ainsi depuis quelque temps dans un projet électronique, avec Joachim Saerens, un jeune pianiste. Jusqu’ici, il est le seul avec qui ce projet fonctionne vraiment, puisque nous sommes sur la même longueur d’onde quant à la façon de vivre pleinement le moment présent et d’en exploiter toute l’énergie. Joachim utilise un Fender Rhodes comme source sonore, et personnellement je n’utilise que de l’électronique. J’utilise également de plus en plus souvent l’ordinateur portable. Mes sources d’inspirations ? Si tu veux vraiment entendre des noms : Elvin Jones est pour moi le sommet absolu. Tony Williams était un véritable novateur. De Philly Joe Jones et Mel Lewis, j’ai beaucoup appris, grâce à leur façon de faire sonner une batterie comme un orchestre symphonique. Billy Hart et Paul Motian m’ont apporté énormément de choses pour le développement de ma musique. Il s’agit là bien entendu, d’un échantillon hasardeux de l’immense offre disponible.’

Pay Day In March

L’éducation musicale tous azimuts de Tom Wouters (°9 juillet 1971, Turnhout), que nous connaissons de Flat Earth Society, Think of One et Kamikaze, et comme présentateur du trio Pay Day in March, s’est déroulée au travers des disques de sa mère et de son frère (Louis Prima, Louis Armstrong, Charlie Parker, Thelonious Monk, mais aussi le Velvet Underground, Joy Division, Will Tura et Louis Neefs). A neuf ans, il joue des percussions au sein de l’harmonie locale. Au solfège, il ne brillait pas particulièrement à l’exercice de dictée. Aussi, lui conseillera-t-on, à l’âge de quatorze ans, d’affiner son oreille par le jeu d’un instrument mélodique. Il choisit alors la clarinette. Tom Wouters a ainsi pu développer sa technique sur la clarinette basse de Peter Vermeersch, prêtée pour une durée de deux ans. Le compositeur et percussionniste Frank Nuyts, un des professeurs de Tom Wouters, a joué un rôle très important dans son développement musical. Tom Wouters : ‘Ces dernières années, je me concentre surtout sur la transmission la plus spontanée et la plus fluide possible du groove et du swing, chose à laquelle je ne pensais pas quand j’étudiais la musique. Mêmes les choses les plus compliquées que l’on joue doivent être reçues comme simples et évidentes. Je me souviens d’un concert de Captain Beefheart et de ses musiciens, je pensais ‘ça je peux le faire aussi’, jusqu’à ce que je tente de le répéter chez moi…’

Jacques Pirotton

Jacques Pirotton est né à Xhoris (près de Liège), en 1955. Dès l’âge de quinze ans, il joue de la guitare, en autodidacte, dans différents groupes de bal et de rock. Suite à sa rencontre avec le jazz, il prend des cours de guitare avec Bill Frisell au Séminaire de Jazz du Conservatoire de Liège. En 1980, lorsqu’il faisait partie du groupe de jazz- rock Sambal Oelek, Jacques Pirotton opte pour la carrière de musicien professionnel. Un an plus tard, il entame une étroite collaboration avec Jacques Pelzer. En 1984, ils enregistrent un album, sous le nom The Two JP’s. Ensuite, Pirotton travaillera avec e.a. Serge Lazarevitch, John Thomas, Jon Eardley, Garrett List, Chet Baker, Woody Shaw, Dave Pike, Charlie Green, Steve Houben, Michel Herr et Guy Cabay. En 1987, Pirotton crée Artline avec Eric Legnini (ky), Benoît Vanderstraeten (elb) et André Charlier (dm), formation pour laquelle il composera plusieurs morceaux dans le style fusion (‘Labyrinthe’ , Lp). Il publiera encore quelques cédés avec ce trio, sans Legnini. Parmi les différents albums où l’on retrouve Pirotton, on notera ‘Ocean’ et ‘Round’ de Octurn (W.E.R.F.).

Antoine Prawerman

Le clarinettiste Antoine Prawerman, né à Paris et séjournant actuellement à Bruxelles, a déjà publié avec sa formation Deep In The Deep, deux albums de ses propres compositions ( ‘Au Fond, dans la Mer, une Etoile se Reflète sur le Ventre d’Argent des Poissons’ chez Art Public et ‘Snake Ear’ , J.A.S.). Ce projet a depuis lors cédé la place à Vegetal Beauty, où l’on rencontre autour de Prawerman, le trompettiste Laurent Blondiau, le saxophone alto Stéphane Payen, le bassiste Luc Evens et le batteur Franck Vaillant. Leurs représentations se déroulent souvent en collaboration avec Mad Spirit, le collectif de danse hip hop de sa compagne, la chorégraphe Fatou Traoré. Prawerman compose également régulièrement pour Octurn. On retrouve Prawerman sur les cédés de Aka Moon (Carbon 7), le H Septet de Pirly Zurstrassen (Carbon 7), La Grande Formation (Igloo et Carbon 7) et Frabrizio Cassol et Kris Defoort (W.E.R.F.). En 1998, Antoine Prawerman est désigné comme le meilleur clarinettiste de Belgique par les radios publiques, tant francophone que flamande. Antoine Prawerman : ‘Le fait que je me sois investi pendant tout un temps, de manière intensive, dans l’étude des nombres, de leur logique et de leur mécanisme, constitue un des éléments importants dans le processus de création de mes compositions. Cela m’a notamment permis de maîtriser assez rapidement toutes sortes de structures polyrythmiques complexes. Je pense ici surtout au théorème de Pythagore qui est entre autre à la base du principe de l’harmonie arithmétique. Par ailleurs, en composant, je suis également très attentif à l’équilibre parfait entre rythme, harmonie et mélodie, trois éléments qui doivent toujours être présents. De plus, toutes les manières de vivre la musique sont également essentielles, non seulement à travers le chant, mais aussi par la danse ou simplement par l’écoute.’ Paolo Radoni

Paolo Radoni est né en 1949 à Cairo Montenotte (Italie). Encore très jeune, il s’établit en Belgique avec ses parents. Très rapidement, Paolo va développer un intérêt marqué pour la musique, allant du classique au rock et au jazz, en passant par la musique populaire italienne et la variété. L’intérêt pour le jazz lui vient surtout de l’impressionnante collection de 78 tours de ses parents. Dès l’âge de douze ans, il commence à apprendre la guitare, en solitaire, manifestant déjà une très grande ouverture d’esprit artistique. Dans le même temps, il avait déjà son propre groupe. A quinze ans, il tient sa première guitare électrique. Il tente tout de suite de jouer des morceaux des Shadows, des Stones et des Beatles, même si le jazz gardait sa préférence. De 1968 à 1971, Paolo Radoni fait ses débuts comme musicien professionnel dans Here and Now, une formation de blues-rock progressif, avec Marc Hollander, Denis Van Hecke, Vincent Kennis et Daniel Denis. Il deviendra rapidement aussi membre à part entière de groupes cultes comme Kleptomania et Arkam (à nouveau avec Daniel Denis). Pendant environ quatre ans, Paolo Radoni va revenir au monde du jazz en compagnie de Chris Joris et du bassiste Sud-Africain Johnny ‘Mbizo’ Dyani, pour une série de concerts et d’enregistrements. Entretemps, Paolo Radoni ne se produit pas seulement dans la plupart des pays européens, mais aussi au Japon, au Canada et en Afrique. Lee Konitz, Ricardo del Frà, Paolo Fresu, Clifford Thornton, Christine Schaller, Joe Lovano, Rachel Gould, Joe Lee Wilson, Francis Varis… il s’agit là simplement d’un échantillon de la longue liste d’artistes avec lesquels il a travaillé. Voici quelques années, Radoni forme un trio avec Jean-Louis Rassinfosse et Bruno Castellucci, régulièrement élargi en quartet avec le pianiste Ron van Rossum. Ben Sluijs, Bas Cooijmans et Félix Simtaine participent aussi régulièrement aux formations de Paolo Radoni. C’est en leur compagnie, qu’en 1999, il publie ‘Coast to Coast’ (Lyrae Records). Paolo Radoni enseigne la guitare au Conservatoire de Bruxelles. Paolo Radoni : ‘De mon temps, on avait encore des cours de musique à l’école primaire. J’ai eu l’immense chance de recevoir ses cours d’un merveilleux instituteur qui m’a appris à chanter. J’ai tout de suite fait partie de la chorale de l’école, mais je me sentais déjà attiré par la guitare. A douze ans, j’en recevais une en cadeau de mes parents, qui l’avaient achetée pour € 30. Je pouvais enfin m’accompagner en chantant, comme je l’avais toujours rêvé. Je me souviens aussi qu’enfant, j’ai souvent entendu Louis Armstrong à la radio. Nous ne savions alors pas que c’était du jazz. Pour nous, cette musique représentait ce que la pop est aujourd’hui. J’ai très vite compris que Armstrong jouait sur plusieurs tableaux : chanter, jouer de la trompette, animer des émissions et même jouer la comédie dans une série de films. A douze ans, je me suis donc plongé dans sa biographie et son travail, car j’avais le sentiment que plus tard, je prendrais la même direction. Pourtant, à cette époque j’écoutais tout aussi bien de la chanson, de la variété, du rock que de la pop, bref la musique qui passait à la radio et que mes copains écoutaient avec plaisir, avec au sommet The Beatles, The Rolling Stones, Jimi Hendrix, Cream, The Who, Zappa et un millier d’autres noms. A l’école, avec notre petite formation, on jouait le répertoire des Shadows, en privilégiant les titres qui permettaient d’improviser. Ceci démontrait clairement une préférence pour le jazz, mais il s’agissait d’un amour partagé : la place du blues a toujours été très importante pour moi. Selon moi, le jazz doit en grande partie au blues, son sens de l’aventure et de la liberté. J’en ai eu la confirmation lorsque j’ai fait partie du Ambach Cirkus de Paul Ambach (avant qu’il n’ ’insécurise’ les scènes sous le nom de Boogie Boy). En tant que promoteur de concerts, le premier artiste étranger que Ambach va faire venir en Belgique sera Muddy Waters. La première partie était assurée par l’Ambach Cirkus. Voilà probablement une des raisons pour lesquelles, aujourd’hui encore, dans tous mes concerts de jazz, vous entendrez un peu de blues émerger. En réalité, j’ai toujours considéré que le jazz et le blues, comme un immense drapeau, recouvrent un territoire sans fins qui ne doit pas être compartimenté. En écoutant du jazz, je ne passe pas mon temps à savoir si j’entends du New Orleans, du swing, du be-bop, du cool jazz, même si j’appréhende clairement les différences entre toutes ces périodes. Ce qui me gêne, c’est que l’on cultive de plus en plus ces différences. Comme si l’industrie du disque et les médias, à l’encontre des principes de l’évolution naturelle, voulaient faire croire qu’au bout de x années, quelqu’un va consciemment mettre en avant un nouveau genre, avec une espèce de volonté darwinienne pour éliminer tout ce qui précède. Les vrais novateurs ne considèrent d’ailleurs jamais leurs nouveautés comme un objectif, mais beaucoup plus comme le résultat d’un parcours. Avec le temps, a mûri la conscience que le be-bop représente un des piliers fondamentaux dans mon développement personnel comme musicien. Autour de mes vingt-trois ans, pendant un an, je n’ai pratiquement écouté que la musique de Charlie Parker, ce qui m’a fait comprendre que le be-bop était la synthèse naturelle entre le caractère spontané et sauvage du blues et la complexité structurée et sophistiquée de la musique classique. Il faut écouter attentivement Art Tatum et Coleman Hawkins. Ils reprennent parfois des passages entiers de compositeurs classiques dans leurs improvisations, chose insolite pour l’époque. Ce qui me rassure le plus dans la manière dont le jazz est vécu aujourd’hui par beaucoup de musiciens et d’amateurs, c’est l’estompement des frontières entre les différents courants. Pendant un même concert, on peut maintenant fort bien entendre un mélange sain de swing, be-bop, fusion, etc., sans que le public ne considère qu’il s’agit d’une salade désordonnée de styles. Ce qui compte le plus dans le jazz, c’est la personnalité au travers de laquelle l’artiste s’exprime, en se servant de la façon la plus créative et la plus intègre possible de l’immense répertoire existant : every music belongs to everybody, so let’s respect it. ’

Jean-Louis Rassinfosse

Jean-Louis Rassinfosse est né le 09 janvier 1952 à Bruxelles. Il a commencé à chanter des morceaux de chanson française (e.a. Brassens), de pop (e.a. Beatles) et du répertoire rock, en s’accompagnant à la guitare. Il se produisait alors aussi avec son propre groupe de blues. Le petit Rassinfosse a grandi avec la musique de big-band que ses parents écoutaient souvent. Il a tout de même fallu du temps avant que l’écoute d’un disque de Django Reinhardt ne l’attire consciemment vers le jazz. Le fait que Emile Letellier, son sévère professeur de guitare, s’avérait être un amateur de jazz, a conduit le jeune Rassinfosse à jouer de plus en plus de jazz à la guitare. A l’époque, à l’écoute de disques comme ceux de Django, il suivait surtout la ligne de la basse, ceci le décidera un jour à échanger sa guitare pour une contrebasse.

Jean-Louis Rassinfosse : ‘Mes doigts semblaient devenir trop grands pour la guitare. J’ai d’abord tenté de résoudre le problème en utilisant une guitare douze cordes comme une six cordes. Un jour, via une annonce dans un toutes-boîtes, j’ai pu acquérir une contrebasse de 1920. Depuis lors, j’évolue dans la vie comme contrebassiste. Je devais avoir plus ou moins vingt ans.’ En autodidacte, Rassinfosse commencera à jouer du Dixieland et du Middle Jazz sur sa contrebasse, notamment au cours des nombreuses jams avec des musiciens comme Marc Herouet et André Knapen, qui comme lui, feraient rapidement partie du ‘Dixieland Gamblers’ de Pol Closset., formation avec laquelle il réalisa son premier enregistrement professionnel, six mois à peine après avoir joué ses premières notes sur la contrebasse. A l’époque, la Belgique ne comptait que très peu de contrebassistes. En dehors de Roger Vanhaverbeke, Paul Dubois et Freddie Deronde, tous déjà actifs depuis quelque temps déjà, et de Jean Warland qui lui, jouait quasi exclusivement à l’étranger, les groupes de jazz devaient recruter leur contrebassiste à l’étranger. Rassinfosse commençait à transcrire les parties de trombone pour sa contrebasse, ce qui enrichissait la palette sonore de ses lignes de basse, et le faisait évoluer vers le be-bop, lorsqu’en 1975, il rencontre le pianiste Charles Loos. Celui-ci venait de rentrer des États-Unis, après y avoir étudié pendant un temps au Berklee College à Boston. Cette rencontre fut le début d’une collaboration intense de près de sept ans. Entre-temps, en tant que contrebassiste très sollicité, Rassinfosse avait déjà accompagné de nombreux artistes de passage, parmi eux Bill Coleman, Slide Hampton, Philly Joe Jones, Sal Nistico, Pepper Adams, , Joe Henderson et Michel Petrucciani. A l’étranger aussi, on faisait souvent appel à ce contrebassiste qui évoluait de façon extraordinairement rapide. C’est ainsi qu’à l’époque, il a joué au festival de Juan Les Pins avec Sam Rivers et Martial Solal. A vingt-quatre ans, Rassinfosse allait faire une autre rencontre importante, celle du trompettiste Chet Baker, avec lequel il allait d’abord tourner non-stop pendant trois mois, avant une période d’un an. De retour en Belgique, il fut demandé par presque tout le monde pour des concerts et des enregistrements : Toots Thielemans, Etienne Verschueren, Jacques Pelzer, Michel Herr, Philip Catherine, Richard Rousselet, Steve Houben, Bruno Castellucci, Act Big Band, Saxo 1000 etc. Les rencontres régulières avec Chet vont durer dix ans, pendant lesquels celui-ci enregistra six albums avec Rassinfosse. Avec Philip Catherine, ils formaient un trio très sollicité en Europe. Au début des années ’80, Jean-Louis Rassinfosse commence à enseigner au Séminaire de Jazz à Liège. A la même époque, il fut le cofondateur de l’association ‘Les Lundis d’Hortense’. Il publiera, avec Charles Loos, Greg Badolato, Serge Lazarévitch et Félix Simtaine, ‘Sava’ , le premier album du label LDH, créé par les fondateurs des Lundis d’Hortense, et qui deviendra plus tard le très productif Igloo-Sowarex. Jean-Louis Rassinfosse : ‘Aucun label major ne semblait alors intéressé par notre musique, ce qui nous a conduit à prendre les choses en mains nous-mêmes : organiser des festivals, enregistrer des albums et les publier, contacter des clubs de jazz etc. En effet, tant que tu n’enregistres pas ta musique pour la publier, la présenter ainsi à l’extérieur, elle n’évolue pas. C’est ce qui a conduit à la création de l’association des ‘Lundis d’Hortense’, qui devait s’occuper du sort des jeunes artistes de jazz débutants. Elle devait aussi veiller au maintien de l’esprit du jazz, autrement dit, à une parfaite sensibilité démocratique et à la liberté, tant dans la musique que dans les groupes qui l’interprètent. L’improvisation - sur des standards connus comme sur du nouveau matériel - qui constitue un des principes de base du jazz, symbolise cette liberté d’une façon frappante.’ A la fin des années ‘80, Rassinfosse faisait aussi partie du trio d’Eric Legnini, avec Stéphane Galland, que l’on peut retrouver sur plusieurs cédés.

Humour dans le jazz et un son reconnaissable A l’occasion des concerts donnés par l’Ame des Poètes (cf. le récent ‘Elle est à Toi Cette Chanson’ , Igloo) et de son propre octet (cf. le récent ‘Crossworlds’ , Igloo), Rassinfosse annonce les différents titres du programme par des textes remplis d’humour délirant et à double sens. Il brise ainsi auprès du public le cliché d’intellectualisme qui colle aux formations de jazz d’aujourd’hui, et comble le fossé qui séparait le public des artistes. De plus, son jeu de basse fort reconnaissable étonne toujours et encore. Jean-Louis Rassinfosse : ‘Le fait que j’ai toujours été attiré par la musique vocale se traduit dans mon jeu à la contrebasse, qui est surtout mélodique, parfois même mélancolique, plutôt que rythmique. Les contrebassistes qui jouent cantabile comme par exemple Red Mitchell, une de mes grandes idoles, me touchent beaucoup plus,.’ S’agit-il là d’une explication pour la cinquième corde sur la contrebasse de Rassinfosse ? Jean-Louis Rassinfosse : ‘Lorsqu’à l’époque, j’ai acheté la contrebasse sur laquelle je joue toujours aujourd’hui, j’ai bien entendu, été frappé par le fait qu’elle comptait une corde de plus qu’à l’ordinaire. On m’a alors même proposé de la transformer pour en faire une quatre cordes. Mais, en définitive, j’ai gardé l’instrument dans son état d’origine, en y ajoutant une corde en do augmenté, ce qui a posteriori, explique effectivement l’importance grandissante du facteur mélodique dans mon jeu de basse. Surtout si on tient compte du fait que cette corde en do augmenté résonne plus longtemps que les autres.’ En 1998, Jean-Louis Rassinfosse a été élu meilleur contrebassiste tant par les auditeurs de la radio publique francophone (RTBF) que néerlandophone (VRT).

Daniel Romeo

Cet autodidacte qui n’a reçu par le passé, que quelques cours de Michel Hatzigeorgiou, combine les styles de Jaco Pastorius et de Marcus Miller. Fort sollicité par des artistes pops belges comme Axelle Red et Victor Lazlo, depuis son appartenance à l’Electric Six (avec Eric Legnini, Stefano di Battista, Flavio Boltro, Jean-Pierre Taieb et Paco Sery, le batteur du Joe Zawinul Syndicate), même à Paris, Daniel Romeo n’est plus un inconnu. Ceux qui l’ont déjà entendu sur scène, aux côtés de Kurt Van Herck, Nic Thys, Dré Pallemaerts, Eric Legnini ou Stéphane Galland, reconnaissent son jeu de basse unique et énergique. De plus, ceux qui l’ont déjà vu à l’œuvre, au sein de sa propre formation, dans laquelle se rencontrent Eric Legnini toujours, l’organiste Hammond Bert Gielen, le guitariste Martijn Van Agt, le saxophoniste Kurt Van Herck, le claviériste Xavier Tribolet et le batteur Patrick Dorcean, sont persuadés que ce pays est trop étroit pour un si grand talent. Son premier cédé, ‘Live At The Sounds’ , est sans exagérer, d’un niveau international. Sur son deuxième cédé, non encore publié au moment de boucler cet ouvrage, on trouve pour deux titres, la participation du guitariste Mike Stern.

Richard Rousselet (voir Historique et Ecaroh)

Slang

Voici quelques années, un monstre à trois têtes émergeait des marécages torrides, nés de la pénombre toujours grandissante et de plus en plus excitante, entre le jazz, le rock et les musiques du monde, pour se frayer un chemin vers un public de fans de plus en plus important. De nombreuses influences s’unissent dans son cri, et conduisent vers un son tout à fait neuf, où se découvrent le blues, le jazz à la Coltrane, le rock de Hendrix, le jazz-rock de Tony Williams, la musique arabe, sans oublier des éléments latino et flamenco. Le plus étonnant réside encore dans le naturel avec lequel ce mélange de culture se traduit dans les compositions, toutes écrites par les membres du groupe : le bassiste et chanteur François Garny (ancien accompagnateur de Arno et ), le saxophoniste alto, soprano, flûtiste et chanteur Manuel Hermia et le percussionniste et chanteur Michel Seba, réunis sous le nom de Slang.

Ben Sluijs

Ben Sluijs est né le 06 mars 1967 à Anvers. Après cinq ans de musique classique, il suivra pendant quatre ans les cours du Jazz Studio et notamment, l’enseignement de John Ruocco. Ensuite, Steve Houben deviendra son professeur dans la section jazz du Conservatoire de Bruxelles. Sur le premier cédé de Ben Sluijs on retrouve déjà Stacy Rowles, Dré Pallemaerts, Nathalie Loriers et Stefan Lievestro. Depuis lors, le nombre de projets et de groupes dans lesquels on retrouve Ben Sluijs s’accumule : Brussels Jazz Orchestra, Octurn, Paolo Radoni Quartet, Ten-Tamarre, Jan Mues Septet, Emanon Five, Jos Moons Big Band, Yellow City Big Band, BRT Big Band, Sax No End, Act Big Band, Myriam Alter Quintet et l’ensemble de Jean Warland. Il a également travaillé avec Philip Catherine, Joe Lovano, Michel Herr et Bert Joris. En 1992, Ben Sluijs remporte le Jack Van Poll Award, et en 1999, le Prix Antoon Van Dijck. Avec son propre quartet, dans lequel le pianiste Erik Vermeulen, le contrebassiste Piet Verbist et le batteur Eric Thielemans l’entourent pour interpréter ses compositions, Ben Sluijs a déjà publié les cédés ‘Food For Free’ (On Purpose), ‘Candy Century’ (W.E.R.F.) et ‘Seasounds’ (W.E.R.F.). En même temps que ‘Seasounds’ , sortait l’album ‘Stones’ (Jazz’halo), en duo avec Erik Vermeulen.

Punk, new wave et jazz Ben Sluijs : ‘Mon père écoutait exclusivement de la musique classique. Et, même si je n’en raffolais pas, j’en ai tout de même gardé quelque chose, ce qui explique sans doute les influences classiques dans mes compositions. D’ailleurs, mon père tenait à ce que j’apprenne à jouer du violon, et m’inscrivait d’ailleurs pour cela, beaucoup trop tôt, au cours, comme on allait le constater rapidement. Je n’arrivais pas à m’y intéres- ser, et, malgré les cours privés construits à ma taille, je n’évoluais pas vraiment. Le professeur a d’ailleurs fait comprendre clairement que j’étais encore trop jeune. Ma première rencontre avec le jazz remonte à mes onze ans, quand mon frère est rentré à la maison avec un disque de Joe Jackson, ‘Jumping Jive’ , sur lequel celui-ci joue avec tout un big-band. C’était l’époque du punk, suivie par la new wave et tous ses dérivés, comme le reggae de UB 40 et le ska de Madness. J’en étais dingue. Le son du saxophone dans tous ces groupes m’interpellait énormément, mais mon père ne voulait pas m’en offrir un. Jusqu’au jour où, au grand soulagement de ma mère, je suis parvenu à le convaincre, même si je ne pouvais pas abandonner le violon pour autant. J’avais alors quinze ans. Heureusement, le saxophone est un instrument avec lequel on peut, dès le début, évoluer très rapidement et de manière spectaculaire. Je le constate encore maintenant avec mes élèves. Prenez Bart Defoort : il devait avoir dix- huit ou dix-neuf ans quand il a commencé à jouer du saxophone, et regardez où il se situe maintenant ! Je me souviens encore très bien quand ma mère est revenue avec le saxophone alto de l’académie. J’ai tout de suite commencé à en jouer, et le soir même, je ne pouvais même plus tremper mes lèvres dans un verre, à force de souffler, j’avais éclaté mes lèvres. J’ignorais que l’anche devait être tournée vers le bas et non vers le haut ! Et pourtant, cela ne sonnait pas si mal que ça ! Un an plus tard, je jouais déjà dans un petit groupe de new wave. Je me souviens aussi très bien à quel point, lors du premier cours suivi au Jazz Studio à Anvers, qu’il a marqué de son empreinte, le charisme de John Ruocco m’impressionnait. John parvenait à transmettre une étincelle gigantesque à ses élèves. La liberté dont jouissait chacun m’attirait aussi beaucoup au Jazz Studio. J’y ai rencontré des types chouettes comme Jeroen Van Herzeele, Frank Vaganée, Kurt Van Herck (en fait un altiste, on l’entend à sa manière de jouer du saxophone ténor) et Nic Thys. Ce dernier y avait déjà formé un petit groupe de funk, avec le batteur Bilou Doneux, le pianiste Ivan Paduart et le saxophone ténor Frank Deruyter.’

A la recherche de sa propre identité musicale Ben Sluijs : ‘Je suis persuadé que je dois mon besoin de liberté, tant dans la composition que dans ma façon de jouer, à la domination parfois écrasante de mon père, à laquelle je tentais en permanence d’échapper. J’ai l’impression que ma musique contient une bonne dose de fuite, en tout cas, c’est ce que les gens viennent parfois me raconter. Pour moi même, j’ai l’impression que je veux constamment jouer pour m’effa-cer. Mais attention, je ne prétendrai jamais que je renouvelle le genre, car ce n’est pas du tout le point de départ de ma démarche. La seule chose qui me préoccupe, c’est de travailler de la façon la plus créative possible avec le matériau existant, tout en restant le plus sincère possible avec moi-même. Je me remets d’ailleurs constamment en question. Je ne sais pas encore vraiment ce que je veux. Par contre, je sais très bien ce que je ne veux pas, et je le jette d’ailleurs tout de suite par- dessus bord. Ici, je me rappelle souvent une des déclarations importantes de mon professeur, et que je n’oublierai jamais : ‘Don’t play the way you want to play, just play the way you play.’ J’ai toujours considéré la musique comme un mystère où on retrouve la magie et la dynamique dans le son. C’est pour cela que j’accorderai toujours beaucoup d’importance au lyrisme. Ceci ne signifie nullement de ma part un jugement négatif de musiciens comme Steve Coleman, qui placent consciemment le concept d’émotion à l’arrière-plan, et utilisent des ordinateurs pour écrire leurs compostions, ce qui s’entend clairement d’ailleurs. En intellectualisant la musique, on peut la rendre très complexe, ce qui peut donner des résultats très excitants et très impressionnants. Mais, dans le même temps, cela enlève aussi toujours automatiquement une part de mystère et de dynamique à la musique, en la rationalisant et en la rendant ‘intelligible’. Personnellement, je continue à donner la prio-rité à la magie et à la puissance de la simplicité de une ou deux notes jouées avec intensité, au déluge de mélodies superposées sur une structure rythmique complexe. Cela m’impressionne, mais me laisse plutôt indifférent.’

Emmanuelle Somer

Née en 1972, cette compositrice a fréquenté le Conservatoire de Bruxelles de 1989 à 1993, tandis qu’elle étudiait l’improvisation collective avec Fabrizio Cassol et Michel Massot. Elle étudiera l’improvisation jazz pour hautbois et la compostion pendant trois ans, au à Boston, avec comme professeurs, Greg Baldato, Bill Pierce et Ken Pullig. En 1995, elle reçoit le Berklee Annuel Wind Ensemble Concerto Composition Award. En compagnie du pianiste Marc Mangen, Emmanuelle Somer formera le Somer-Mangen Quartet. En tant que leader du Helios Quartet, dans lequel on retrouve e.a. le guitariste Peter Mc Cann, elle interprète ses propres compositions, au carrefour du jazz moderne, du jazz-rock, de la fusion et de l’avant-garde. Elle vient de former un nouveau groupe avec Michel Massot, Chander Sardjoe et Marco Puntin. Enfin, en juin 1998, Emmanuelle Somer a publié le cédé ‘The Appel Tree’ (Lyrae Records), avec son Helios Quartet et les Tone Poets (avec e.a. Chris Potter et Jim Black).

Eric Thielemans

Né en 1969, Eric Thielemans commence à suivre des cours de percussions et de solfège à l’académie d’Overijse, dès l’âge de dix ans. Ensuite, il étudiera le piano classique, l’harmonie et le jeu d’ensemble à l’académie de Bruxelles. Au Jazz Studio à Anvers, il aura comme professeurs Dré Pallemaerts et Jan de Haas. A l’occasion de stages d’été, il suivra aussi les cours de Billy Hart. Enfin, Eric Thielemans a également suivi plusieurs stages d’initiation à la musique indonésienne. Son style raffiné à la batterie est en grande partie caractérisé par une quête permanente de couleurs sonores. Cette approche est très appréciée par de nombreux musiciens : Erik Vermeulen, Michel Hatzigeorgiou, Michel Bisceglia, Erwin Vann, Serge Lazarevitch, Kurt Van Herck, Ben Sluijs… tous font régulièrement appel à ses talents, y compris dans le monde du free jazz (Barre Philips, Eddy Loozen, Véronique Bizet). En 2002, au Meent à Alsemberg, Eric Thielemans a participé à l’enregistrement du nouveau cédé de Määk’s Spirit, la formation de Laurent Blondiau. La même année, il a présenté son propre projet, Rrauw .

Think Of One

Cette joyeuse bande de nomades, qui se déplace dans une camionnette hors d’âge, transformée en podium, produit une musique très séduisante, impossible à réduire sous une étiquette. En public, ces musiciens constituent une vraie révélation : un petit groupe désorganisé qui parvient néanmoins, avec beaucoup de soins, à sortir les morceaux de musique les plus complexes de son chapeau. Le noyau de musiciens autour duquel Think Of One fonctionne est composé aujourd’hui de David ‘Swa Mobile’ Bovée (g, voc), Tomas ‘Matsi’ De Smet (b, bdm, voc), Tobe Wouters (tu), Eric Morrel (ts), Bart Maris (tp) et Roel ‘Porino’ Poriau (dm), avec Tom Wouters (cl), Jan Peeters (bs), Tom Pintens (ky), ainsi que Ruben Deprez (tb) et Stefan Blancke (tb) comme collaborateurs occasionnels. Leur nouveau cédé ‘Naft 2’ vient d’être publié par le label Zonk. Le dialecte anversois y trouve des accents maghrébins étonnants. Quant au style de David Bovée, à la guitare, il est toujours au croisement entre feu Frank Zappa et John Abercrombie. Les parties jouées par les souffleurs soulignent par moments le caractère jazzy, même si l’élément fanfare, mélangé à d’autres fi-gures de style ethniques, est toujours bien présent. Vous découvrirez tout sur cette formation en allant sur les sites internet www.thinkofone.be et www.makerij.be

Nic Thys

Le bassiste Nicolas Thys (32) termine ses études au Conservatoire de Hilversum en 1993, avant de suivre des cours supplémentaires avec Marc Johnson, Marc Helias et . Il devient rapidement un bassiste très sollicité. C’est ainsi qu’il a collaboré avec e.a. Lee Konitz, Michael Clark, Toots Thielemans, Garrett List, Wim Overgauw, Jasper Van ‘t Hof, Mark Turner, Bob Malach, Toon Roos, Rick Hollander, Ferdinad Povel, Kris Defoort, Jarmo Hoogendijk, Richard Rousselet et Marc Ducret. ‘Live’ du K.D.’s Decade (W.E.R.F.), ‘Intensive Act’ de Félix Simtaine (Igloo), ‘Le Singulier des Pluriels’ de Tomas & Co, ‘Another Day, Another Dollar’ du Kurt Van Herck Quartet (Igloo), ‘Live’ et ‘The September Sessions’ du Brussels Jazz Orchestra (BRTN et W.E.R.F.), ‘Moving’ du Bart Defoort Quartet (W.E.R.F.), ‘Into Pieces’ du Eric Vermeulen Icarus Consort (Igloo), ‘Hybrid Offspring’ de Martinez Move (VIAJazz), ‘Clair Obscur’ de Ivan Paduart (A Records), ‘Ocean’ et ‘Round’ de Octurn (W.E.R.F.), ‘Buddies’ de Peter Hertmans (Jazz’halo), ‘Speed Life’ de Nils Wogram (Enja), ‘Standards’ de David Linx (Travers) et ‘Swing Swing Songs’ de Bill Carrothers ne constituent qu’une partie des trente albums sur lesquels on retrouve déjà le nom de Nic Thys. En 1997, il publiera ‘Alice’s 5 Moons’ (Crossover), qui représente selon Jan Kuijken, jusqu’ici la meilleure expérience musicale de sa vie. La pochette est illustrée par une photo de Alice, la fille de Nic, avec au-dessus de sa tête, les Five Moons, les cinq membres du quintet : Thys, Falk Willis (dm), Jan Kuijken (cello), John Schröder (g) et Jeroen Van Herzeele (ts). En 2000, Nic Thys s’installe à New York, sans aucun doute à la recherche de nouveaux défis et d’un avenir meilleur. Il y travaille avec e.a. Bill Carrothers, Ben Waltzer, Takuya Nakamura, D.D. Goodman, Dan Weezer, Christian Ulrich et le High Noon Quintet avec le pianiste John Dryden. Dans son propre pays, Nic Thys débarque régulièrement dans l’un ou l’autre club de jazz, avec une préférence pour l’Archiduc (Bruxelles), comme invité de Take The Duck, la formation de son frère, ou avec Dré Pallemaerts, à la suite d’un concert avec le Bill Carrothers Trio. Bref, toutes les raisons sont bonnes pour traverser de temps à autre l’océan et pour rendre une visite aux amis et à la famille. Contrairement à des musiciens comme Philippe Aerts, Sal La Rocca, Roger Vanha et Mario Pavone, qui ne jouent que de la contrebasse - du moins en public - ou Michel Hatzigeorgiou, Daniel Romeo et Marcus Miller qui ne jurent que par la basse électrique, Nic Thys appartient à cette catégorie de bassistes qui passent sans difficultés de la basse électrique à la contrebasse et vice versa, comme Bart De Nolf, Christian McBride, ou Lonnie Plaxico. Nic Thys : ‘ J’ai commencé la basse électrique à douze ans, en jouant à l’oreille tout le parcours du rock au funk. A dix-huit ans, j’ai étudié pendant un an au Jazz Studio avec Maarten Weyler. J’y travaillais comme un fou sur mon instrument. Ensuite, je me suis retrouvé au Conservatoire de Hilversum. Après un an, vers vingt-et-un ans, mon professeur m’a demandé si je ne voulais pas passer à la contrebasse. Alors que je n’avais jamais vu cet instrument de près, je m’y suis de suite senti à l’aise. Je n’ai jamais éprouvé de difficultés pour utiliser ces instruments alternativement, même si je reconnais que je dois plus m’exercer à la contrebasse qu’à la basse électrique. La contrebasse sur laquelle je joue en ce moment est une Hawks d’Angleterre, du début du 20ème siècle, comme Dave Holland à une certaine époque. Si je dois comparer les Américains et les Européens dans leur approche du jazz, j’en arrive chaque fois à la conclusion logique que chacun reprend automatiquement au moins une partie de sa culture dans sa façon de jouer. Deux points de divergence sautent ici aux yeux. D’une part, l’humilité avec laquelle la plupart des Belges jouent leur instrument, en contraste très net avec le style de la majorité des Américains. D’autre part, quand je joue avec des Américains, je sens très nettement qu’ils sont encore fort liés à la culture traditionnelle du jazz, telle qu’elle s’est développée sur leur continent, au travers de ce mélange de cultures des quatre coins du monde, rassemblés alors chez eux par le jeu du destin. Il ne me semble pas utile ici d’entrer dans les détails : l’histoire est décrite amplement dans de nombreux ouvrages. Si je devais choisir dans le monde, un lieu où habiter, je choisirais certainement la Belgique, même si je dois bien avouer que je m’en sors très bien aux États-Unis, ou plus précisément à New York, la bouillonnante. Le vendredi qui a suivi le fameux 11 septembre 2001, j’ai participé à une jam non annoncée dans un club de jazz, où nous étions un certain nombre de musiciens à nous être réunis. L’écoute entre nous était impressionnante, et la magie que nous avons tous ressentie m’a donné beaucoup d’espoir dans l’avenir de la musique, qui joue encore pleinement son rôle de moyen de communication important, surtout en ces temps de catastrophes et de désolation. C’est justement cet objectif supérieur qui nous donne la force nécessaire pour ramer à contre-courant des principes qui régissent les grandes institutions commerciales et leurs dirigeants. Pour eux, depuis longtemps, ce n’est plus le fond qui prime, mais la forme.’

Alexi Tuomarila Quartet

En 1999, au cours de la 21ème édition de l’International Jazz Contest à Hoeilaart, le pianiste Alexi Tuomarila, né à Pori (Finlande) et alors âgé de 25 ans, remportait le prix du meilleur soliste. Son quartet était composé du saxophoniste ténor Nicolas Kummert, du contrebassiste Christophe Devisscher et du batteur Teun Verbruggen. La formation a tellement impressionné le public comme le jury, qu’elle remporta aussi le premier prix. Alexi Tuomarila commence à jouer du piano à quatre ans, en suivant la méthode Suzuki, et de 1980 à 1992, il étudie le piano classique à l’académie finlandaise Espoo Music. Ensuite, pendant deux ans, il sui-vra les cours du Oulunkyla Pop & Jazz Conservatory à . En 1994, Alexi Tuomarila s’installe en Belgique, où il reçoit l’enseignement de Diederik Wissels et Nathalie Loriers, jusqu’en 1999, au Conservatoire Royal de Bruxelles. Sur le premier cédé du quartet ( ‘Voices Of Pohjola’ , Igloo), on entend clairement comment Tuomarila transpose des éléments de la musique folklorique finlandaise dans ses compositions aériennes et transparentes, ce qui explique d’ailleurs en partie leur caractère. En 2002, le Alexi Tuomarila Quartet a été signé par Warner Music.

Frank Vaganee

Frank Vaganée est né le 19 mars 1966 à Malines. A sept ans, il commence à étudier la musique au sein de l’harmonie locale. Il poursuit en étudiant la musique classique au Conservatoire de Malines et ensuite à celui d’Anvers. Vers quatorze ans, il entre en contact pour la première fois avec le jazz.. Il s’inscrit alors rapidement au Jazz Studio où il suit les cours de John Ruocco. Un an plus tard, il dirige plusieurs formations, et en 1985, on le retrouve déjà à l’affiche du Jazz Middelheim. A partir de 1986, il fera partie du BRT Jazz Orkest comme saxophoniste free-lance, au moment où Bob Porter occupe le poste de chef d’orchestre. Il tourne ensuite en Europe et au Japon, au sein du Glenn Miller’s Timeless Orchestra, avec lequel il a aussi enregistré un cédé. En 1991, alors qu’il faisait déjà partie du Del Ferro-Vaganée Group (avec le pianiste néerlandais Mike Del Ferro) - un quartet avec lequel il a tourné de manière intensive pendant quatre ans, tout en enregistrant deux cédés - Frank Vaganée va publier son premier cédé, ‘Picture A View’ (B-Sharp), avec son propre quintet (Vaganée, Christoph Erbstösser, Frans Van der Hoeven, Dré Pallemaerts, Chris Joris). En 1993, Frank Vaganée contribue à former le Brussels Jazz Orchestra. Cinq ans plus tard, il forme le groupe avec lequel il publie le cédé ‘Two Trios’ (W.E.R.F.), composé du contrebassiste Rosario Bonaccorso et du batteur Dré Pallemaerts. En 2001, il reçoit le Django d’Or belge, tandis qu’on le sollicite pour rejoindre la formation Jambangle de Karel Van Marcke, créée en 2000. Aujourd’hui, il enseigne au Conservatoire de Gand, ainsi qu’au Lemmensinstituut à Louvain. Dans la série ‘The Finest In Belgian Jazz’, on peut entendre Frank Vaganée sur les cédés ‘The Music of Bert Joris’ du Brussels Jazz Orchestra et ‘Tombouctou’ du Nathalie Loriers Trio + Extensions.

Frank Vaganée : ‘A sept ans, sous l’influence de mon père, j’ai rejoint l’harmonie locale, comme mes deux frères. Au sein de l’harmonie s’est rapidement constitué un ensemble à partir des nombreuses jeunes recrues de la formation. La trompette que l’on m’avait mise dans les mains s’avéra, selon moi, rapidement inadéquate. Le bugle que je reçus en remplacement ne me convenait pas tandis que j’étais encore trop petit pour le trombone de cavalerie : l’extrémité touchait le sol ! Ce fut donc le saxophone ténor, qu’ils avaient encore en réserve, alors que ma main droite ne parvenait pas encore à toucher les clés inférieures. Comme je me sentais le plus attiré par cet instrument, au final j’ai joué du saxophone alto. A huit ans, comme une suite logique à la formation au sein de l’harmonie, on m’a inscrit à l’académie, et, au bout d’un temps, j’ y ai suivi des cours classiques pour le saxophone alto, la flûte traversière et le piano. Je devais avoir treize ou quatorze ans, lorsque j’ai rencontré René Jonckeer, à l’occasion d’une soirée traditionnelle de concerts entre harmonies et fanfares. Il dirigeait un autre orchestre, avant de clôturer la soirée avec son big band. Je ne savais pas ce que j’entendais là. Pour la première fois de ma vie, j’étais confronté à la masse de décibels et à l’énergie débordante qu’un big band peut produire. Cette musique se situait à des kilomètres de ce j’étais habitué à entendre au sein de l’harmonie, tout comme cette façon pour les musiciens de se lever l’un après l’autre pour jouer un solo et après, de continuer à jouer comme si rien ne s’était passé. J’allais rapidement participer à leurs répétions, et me retrouver ainsi sous l’emprise du jazz pour big band. Ves 1981, je suis allé avec mon frère suivre des cours de jazz, organisés un dimanche sur deux par la Halewijnstichting. Là, se déroulaient aussi des workshops organisés par Maarten Weyler, qui jouait alors la basse dans le big band de René Jonckeer. Par une accumulation de hasards, ces cours étaient aussi suivis par des gens comme Erwin Vann, Kurt Van Herck, Dré Pallemaerts, bref toute la bande - en fait des gens de mon âge - y était rassemblée. Je suis parvenu assez rapidement à improviser, et à partir de là, tout s’est accéléré. Le Jazz Studio est né à la suite de ces cours de jazz, où nous nous sommes inscrits tous les onze (aux musiciens déjà cités ci-dessus, il faut e.a. ajouter Hendrik Braekman, Kris Goessens et Piet Verbist, alors que Ben Sluijs nous a rejoints un peu plus tard ). On y a suivi l’enseignement de John Ruocco, que je connaissais depuis un temps déjà, étant donné qu’il habitait aussi à Malines, à un kilomètre de chez nous. Il lui arrivait parfois de jouer avec le big- band, et un jour, intrigué par ma manière de jouer, il a demandé à René si cela m’intéresserait de suivre des cours avec lui, ce qui s’est finalement réalisé. Néanmoins, je tenais à poursuivre ma formation au Conservatoire Royal d’Anvers, où il valait mieux qu’on ignore tout de ma participation au Jazz Studio, autrement on m’aurait sans aucun doute mis à la porte. J’ai passé des années fructueuses au Jazz Studio, surtout grâce au fait que l’on pouvait y jouer et jammer pendant toute la journée, ce qui nous conduisait automatiquement à faire des rencontres excitantes. De plus, en 1983, j’y ai constitué mon premier quartet, d’où est né plus tard le quintet Tough Talk, avec lequel j’ai donné mon premier concert devant un public important, à l’occasion du festival Jazz Middelheim, en 1985. Plus tard, de 1987 à 1990, j’ai aussi donné cours au Jazz Studio, avant de devenir membre du Timeless Orchestra de Glenn Miller, pendant deux ans. Ensuite, j’ai enseigné pendant deux ans à Amsterdam, dans la section jazz du Sweelinck Conservatorium. En 1993, l’année où j’ai contribué à la création du Brussels Jazz Orchestra, on m’a sollicité pour donner cours au Lemmeninstituut et au Conservatoire de Gand, deux jobs que j’exerce aujourd’hui encore avec le plus grand plaisir.’

Pierre Vaiana

Né le 14 octobre 1955 à Waterschei, Pierre Vaiana avant son premier anniversaire, déménage avec ses pa-rents à Seraing, commune de la région liégeoise. A quinze ans, il commence à jouer du saxophone soprano. Ce n’est qu’en 1976 qu’il entame des études consacrées au jazz. Au Conservatoire de Liège, il suit les cours du séminaire de jazz donnés par Jacques Pelzer et Steve Houben, par Steve Lacy et Karl Berger, ainsi que par Garrett List pour la classe d’improvisation. En 1981, Pierre Vaiana rejoint l’Act Big Band de Félix Simtaine. D’autres groupes vont suivre rapidement : Diva Smiles, Pirly Zurstrassen Quintet, Richard Rousselet Quintet… Trois ans plus tard, il forme avec succès son propre trio sans piano, Trinacle, avec Hein van de Geyn et Félix Simtaine (album pour le label Igloo). Par ailleurs, comme on peut le lire dans cet ouvrage, Charles Loos évoque Les Iles Déchaînées, une composition de Henri Pousseur, avec Pierre Vaiana comme un des interprètes. De 1986 à 1990, il poursuit des études auprès de Joe Lovano, à la Brooklin School of Music, à New York, entrecoupés de quelques courts séjours en Belgique, jusqu’ à l’obtention du très prisé titre de Bachelor in Fine Arts. En 1988, il participe au projet A Lover’s Question , avec e.a. David Linx, Bob Stewart, Toots Thielemans, Pierre Van Dormael, Byard Lancaster et James Baldwin, à qui l’œuvre est dédiée. La même année, il enregistre l’album ‘Eldorado’ (Igloo) avec Trio Bravo et participe régulièrement aux jams légendaires organisées au Kaai, aux côtés des musiciens qui formeront plus tard Aka Moon. Au cours de son séjour à New York, il a l’opportunité de jouer avec Butch Morris, Mike Formanek et Tito Puente. Il y retournera en 1992, pour enregistrer un album avec Formanek, Salvatore Bonafede et . La même année, il fonde le trio L’Ame des Poètes avec Jean-Louis Rassinfosse et Pierre Van Dormael, remplacé plus tard par Fabien Degryse. Ils ont enregistré quatre cédés pour le label Igloo. Le label Jazz’halo publiait en 1993 le cédé ‘Bihogo’ de Chris Joris, auquel Pierre Vaiana a collaboré. Au milieu des années ’90, Pierre Vaiana va séjourner pendant quatre ans à Ouagadougou (Burkina Faso), pour y enseigner. Avec son groupe Foofango, ramené du Burkina Faso, il a déjà publié deux cédés pour son propre label Azeto, du même nom que l’ethno fanfare dont il fait également partie. Pierre Vaiana collabore aussi régulièrement avec le pianiste malien Jo Kaïat qui tente depuis plusieurs années de transposer la musique pour balafon au piano. Pierre Vaiana : ‘ Je proviens d’une famille sicilienne où l’on écoutait beaucoup de musique. Mon père était un amateur passionné d’opéra. Je voulais plus qu’écouter simplement de la musique. A quatorze ans, je me suis ainsi inscrit à l’académie de Seraing ( je suivais déjà des cours d’arts plastiques à l’Académie des Beaux-Arts). Je me suis tout de suite contenté du saxophone soprano qu’on me proposait, d’autant plus que j’écoutais déjà beaucoup la musique de Sidney Bechet et John Coltrane, même si Jimi Hendrix et Eric Clapton étaient aussi mes idoles. Imagine-t-on que l’on pouvait alors entendre cette musique à la radio, grâce au programme Cap de Nuit de Marc Moulin ? A l’époque, j’ai tout de même hésité entre le saxophone soprano et la guitare, que je devais rapidement chasser de mes pensées, par manque d’argent. Je n’ai pas regretté une seconde d’avoir finalement opté pour le saxophone soprano. Car, dès que je suis rentré avec l’instrument chez moi, j’en ai joué tous les jours, comme un fou. J’étais (encore maintenant) réellement amoureux de cet instrument. A l’académie, j’ai tenu le coup pendant un an. On y interdisait formellement de jouer du jazz, c’est dire si on pouvait l’y apprendre, alors que pendant le même temps, avec des amis, on improvisait sur des thèmes de jazz-rock. Les standards du jazz ne nous intéressaient pas encore, surtout depuis le concert de Miles Davis aux Palais des Beaux-Arts, en 1973. A l’époque, même Jacques Pelzer jouait plus de jazz-rock que de jazz, avec son Open Sky Unit. Jusqu’à l’âge de vingt et un ans, j’ai joué de la musique en amateur. Après la fin de mes études aux Beaux-Arts, en 1976, j’ai loué un atelier où je peignais seul jour après jour. Pour échapper à cette solitude, je décide un soir de me rendre dans un club de jazz, et alors, l’habitude s’est installée d’aller traîner dans les cafés jazz où on pratiquait les jam sessions. La grande fureur du jazz-rock s’était un peu calmée tandis que les standards et le be-bop revenaient en force. C’est dans ces clubs que j’ai fait la connaissance de Lou Mc Connell, un Américain qui habitait à Liège, et qui me donnait pour la première fois l’occasion de connaître les saxophone ténor de près. J’ai alors même pu lui en acheter un, en suivant des cours chez lui, jusqu’à la fin des années ’70, début des années ’80, quand Steve Houben et Henri Pousseur ont créé le séminaire de jazz à l’intérieur du Conservatoire Royal de Liège. Nous sentions que les choses allaient vraiment devenir sérieuses. D’ailleurs on a tout de suite vu des gens intéressants s’y inscrire : Kris Defoort, Michel Massot, Fabrizio Cassol, Pierre Bernard… On sentait que quelque chose s’y passait. J’allais d’ailleurs rapidement jouer dans différentes formations, parmi lesquelles le Act Big Band, et en 1984 je lançais mon propre groupe, le trio Trinacle. Deux ans plus tard, je suis allé vivre à New York, avec ma famille, pendant quatre ans. Pendant la journée, je travaillais pour entretenir ma famille, et le soir je jouais du jazz. Mon amour pour le saxophone soprano et la technique que j’ai développée pendant des années, me donnent aujourd’hui la possibilité de m’exprimer dans les trois registres où je me sens chez moi : celui du jazz traditionnel, avec ses standards, ses ballades et son be-bop, celui de la musique du bassin méditerranéen et celui de la musique africaine. J’aime le défi qui consiste à faire sonner mon saxophone soprano comme un instrument ethnique des traditions arabes ou africaines. Je dois préciser ici, que sans l’embouchure en argent de François Louis, je n’aurais pas pu développer le son que je produis aujourd’hui sans peine au saxophone. Le fait de pouvoir improviser, je le dois entièrement au jazz et à la musique improvisée contemporaine, les deux mondes où, depuis mon adolescence, je me déplace jour après jour. Je suis parti très loin dans la recherche des racines du jazz et de ma propre identité : j’ai habité quatre ans aux États-Unis et ensuite encore quatre ans en Afrique. La conscience très forte que je ne suis ni un Américain, ni un Africain, ne m’a pas empêché de plonger le plus profondément possible dans leurs cultures respectives, avec comme objectif, à chaque retour en Belgique, de livrer une contribution aussi grande que possible à la vie de la culture jazz. Ceci explique ma participation aux événements organisés au Kaai, ma contribution dans la création de l’Ame des Poètes, ainsi que ma quête de nouvelles formes d’improvisation au travers de rencontres avec des musiciens d’autres cultures, ce qui m’a conduit aux projets autour de Foofango et de l’Azeto Orkestra. Aujourd’hui, cette quête me mène vers la mer Méditerranée. Je viens de terminer une tournée au Maroc, avec Jo Kaïat, un musicien fantastique ! En même temps, ici en Belgique, Chris Joris est un musicien qui continue à m’enthousiasmer beaucoup. Je partage avec lui cette opinion sur la musique : la musique est un moyen de communication universel qui rapproche les gens de par le monde, sans qu’ils ne sachent parler les différentes langues ou ne connaissent les différentes cultures.’

Bart Van Caenegem

Fils d’un pianiste de Dixieland, Bart Van Caenegem a côtoyé le piano dès le plus jeune âge. Après ses humanités artistiques à Louvain, il suit les cours de Jan Vermeulen, Ron van Rossum, Bert Joris, Philippe Aerts, Frank Vaganée et Dré Pallemaerts, au Lemmensinstituut. Aujourd’hui, il enseigne en humanités artistiques à Anvers. Bart Van Caenegem a travaillé avec e.a. Dré Pallemaerts, Chris Joris, Gino Lattuca. Depuis quelques temps déjà, il se produit avec le High Voltage Sextet, et fait depuis peu, partie du Brussels Jazz Orchestra et de la formation De Frivole Framboos. Son propre trio est composé de Peter Verhaegen à la contrebasse et Lieven Venken à la batterie. Bart Van Caenegem : ‘Je regrette que l’enseignement classique soit quasi exclusivement dirigé sur la seule reproduction de notes, alors que l’on pourrait tout aussi bien y apprendre à improviser comme dans le jazz. Personnellement, dans la quête de ma sonorité personnelle, je tente de rapprocher la musique classique et le jazz, deux univers longtemps très séparés dans ma tête.’ Johan Vandendriessche

Certains se rappelleront peut-être de Johan Vandendriessche au sein de Milkshake Banana, la formation avec laquelle il remporte les Concours International de Jazz à Hoeilaart, en 1979. Sinon, il est fort probable que son nom renvoie à l’un ou l’autre artiste ou formation de renom : Philip Catherine, Toots Thielemans (avec lequel il a enregistré un album), Randy Crawford, Debbie Harry (Blondie), Roger Hodgson, le BRT Big Band, BRT Jazz Orkest sous la direction de Etienne Verschueren (et plus tard Bob Porter), BRT Filharmonisch Orkest, Act Big Band sous la direction de Michel Herr, West Deutsche Rundfunk Big Band, Filharmonisch Orkest de Flandre, Dirk Van Esbroeck, Claude Maurane, Raymond van het Groenewoud, Johan Verminnen (pendant 7 ans), Claude Nougaro, Clouseau… Il est peu de formations auxquelles Johan Vandendriessche n’a pas participé ! Le 30 avril 1995, au saxophone, il a même joué à l’occasion du Purple-Cucumberconcert aux côtés de The Zucchini Rocking Teenage Combo, Robert Martin, Jake Newman, Andy Jacobson, Andy Treacey, Danny De Cort, le BRTN Filharmonisch Orkest et Bart Maris, ce qui lui a permis de mieux connaître ce dernier, trompettiste polyvalent, avant de le présenter à Marc Moulin, pour participer au projet ‘Top Secret’ . Par ailleurs, Johan Vandendriessche a également eu un trio au sein duquel il jouait de la batterie, avec Mimi Verderame à la guitare. Comment dites-vous ? Vous voudriez le rencontrer personnellement ? Lui demander un autographe ? C’est possible, il suffit de s’inscrire au Conservatoire de Gand pour y suivre les cours d’harmonie, d’histoire du jazz et de la pop, d’étude des orgues, il signera ainsi vos résultats obtenus, en sa qualité d’enseignant. Vous connaissez probablement aussi Johan Vandendriessche de Jive Talk, son propre quartet de rhythm’n’jazz , même s’il est plus probable de l’avoir vu au sein du trio ‘The Demagogue Reacts’ aux côtés de l’organiste (Hammond) Paul Flush et du percussionniste ethnomusicologue Frank Michiels. Dans ce trio, Johan Vandendriessche joue de la clarinette basse, de la flûte traversière, des saxophones soprano, alto, ténor et baryton, mais aussi de la batterie en combinaison avec des congas, ududrums, un Korg-Wavedrum, des cloches, ainsi qu’un didgeridoo improvisé à partir d’un banal tube en PVC et encore une dizaine d’autres instruments- percussions et un sampler mis au point par Frank Michiels. De son orgue Hammond, Paul Flush tente de créer des sonorités très différentes en complément des mélodies exécutées de manière parti-culièrement subtile. ‘Action-Reaction’ (Lyrae Records) est le titre du cédé que le trio vient de publier, et le titre du morceau ‘Take The B-Train’ renvoie au modèle B3 du Hammond. Point de départ de l’entretien avec le multi- instrumentiste Johan Vandendriessche : ‘Un jour Paul Flush a tout abandonné à Eddinbourg, pour s’établir avec femme et enfant à Wakkerzeel. Quand il est venu me rendre visite, je lui ai montré mon orgue Hammond. Il faut savoir que depuis 1967, lorsqu’il est devenu musicien professionnel, Paul jouait presque exclusivement sur Hammond. Ce n’est que plus tard qu’il s’est produit plus souvent comme pianiste. Au cours de sa visite chez moi, il a repris goût au Hammond, et s’en est racheté un. En réalité, l’orgue Hammond, bien plus que le piano, peut être considéré comme un orchestre en soi.

Hammond et jazz Johan Vandendriessche : ‘Parfois, je me pose même la question de savoir si l’orgue est bien un instrument, étant donné que les touches de cet appareil électromagnétique sont en fait des commutateurs et que le volume est commandé en permanence par le pied droit. Le son est produit via une synthèse additive. Les instruments électroniques tombent aussi sous l’étiquette instruments. D’un autre côté, je considère aussi que l’orgue Hammond est un des instruments les plus complets qui existe. D’ailleurs, avec le temps, j’ai jeté tous mes synthétiseurs par la fenêtre. Mon Hammond, je l’ai toujours conservé chez moi. Le désavantage de la disponibilité de la basse au pied avec les orgues Hammond B3 ou le A100, est leur utilisation trop fréquente pour sonner précisément comme un orchestre complet. La musique en devient surchargée et sonne même de manière emphatique. Beaucoup d’organistes tiennent absolument à exploiter toutes les possibilités de l’instrument, et de préférence en même temps. Comme s’il souffrait d’une forme aiguë d ’horror vacui ! Dans le jeu moderne de l’orgue Hammond, auquel Paul Flush s’adonne, on recherche justement ces espaces remplis inutilement, pour ne maintenir que le dialogue entre les deux mains. Il suffit d’écouter le jeu subtil de Larry Young ou de Dan Wall, où l’on entend un jeu continu de questions et de réponses entre les deux mains. C’est de la sensibilité, c’est du Bach ! Même Joey Di Francesco qui semble ne jouer de la basse qu’avec ses pieds, double en réalité ce jeu avec sa main gauche. Beaucoup de joueurs de Hammond gonflent le mythe de la basse au pied, partant du principe qu’ils ont vu ça chez des organistes comme Jimmy Smith, Jimmy McGriff ou Eddy Louiss, alors que la plupart des vrais organistes de jazz n’utilisent que la main gauche pour jouer les basses. Pour quelle autre raison pensez-vous qu’ils demandent tous un Hammond B3 ou A100 sur scène ? Justement parce qu’ils disposent d’une registration qui permet de jouer la basse à la main gauche, ce qui n’est pas le cas des orgues rock comme les modèles L100 ou C3 de Hammond. On y a éliminé quelques générateurs de sons, partant du principe que grâce à la présence automatique d’un bassiste, la main gauche serait libérée pour jouer aussi des accords. D’ailleurs, pour jouer une ligne de basse fluide, on devrait en fait utiliser deux pieds, et se trouver ainsi dans l’impossibilité de commander la pédale du volume avec le pied droit. Néanmoins, chez tous ces grands organistes de jazz, j’entends toujours une ligne de basse très fluide. C’est assez significatif non ?’ Celui qui ‘jazzifie’ la musique populaire se livre souvent à la critique et à la condamnation, alors qu’en fait, le jazz est né en partie de ce type de processus. Johan Vandendriessche : ‘Ce qui m’irrite énormément de la part de prétendus connaisseurs en jazz et de certains musiciens, c’est ce comportement réactionnaire qui consistait hier à adorer le swing jazz, comme un veau d’or, et à s’opposer au rock, funk , hip hop et autres styles, désignés comme des infiltrations dans un genre musical qui devait, selon eux ,conserver une forme de pureté. Ce, jusqu’au moment où leurs propres idoles se sont mises à expérimenter avec ce qui était détestable, et étiqueté comme anti-jazz. Ils ont alors subitement négocié un virage à 180°, pour se lancer comme spécialiste du rock, du funk, du hip hop ou de la techno, ou sont partis en tournée avec un DJ et un rapper. Mais, je ne citerai pas de noms.’

Pierre Van Dormael

Le guitariste Pierre Van Dormael (Uccle 1952) compose, depuis plus de vingt ans de la musique improvisée qui fait autorité. Au sein de la formation Faider Reunion (1980-1981), il développe la musique ‘cyclique’, en superposant plusieurs longueurs de mesure. A l’instar de Steve Reich, la musique répétitive est ainsi étendue vers une répétition non-globale, inspirée par la nature et la philosophie de Henri Bergson. Van Dormael a poursuivi ses recherches autour de la musique cyclique avec le Duo Etoiles (1982), le Van Dormael Orchestre (1983) et le trio Suite Normande (1984). Il écrit aussi pour des projets chorégraphiques - Verified - et en musique contemporaine - Ciel bleu et mouvements à différentes hauteurs du paysage sur 3 tempos différents et dans la tonalité des oiseaux. Entre-temps, en 1981, Van Dormael avait également enregistré ‘L’étendue des extrêmes’, son manifeste sur la théorie de la symétrie des tensions dans la musique Afro-américaine, développée plus tard dans son cédé ‘A Lover’s Question’ (avec David Linx et James Baldwin), avec le quartet Natural Logic (avec Steve Coleman, Bob Stewart et David Linx, 1987), ainsi qu’avec Nasa Na (avec Frabrizio Cassol, Michel Hatzigeorgiou et Stéphane Galland 1989-1992). Pierre Van Dormael s’est établi au Sénégal de 1994 à 1997, pour y étudier les principes de la polyphonie rythmique africaine, et élaborer une théorie qu’il nommera ‘Harmonie Rythmique’, basée sur la symétrie des tensions dans le temps. Il publie le cédé ‘Djigui’ , en 1997, avec Soriba Kouyaté et Otti Van der Werf, et en 2001, le cédé ‘Vivaces’ , sur lequel il va lier les principes précités à un développement plus avancé de l’harmonie.

Dans sa vie, Pierre Van Dormael a finalement opté pour le jazz pour trois raisons fondamentales : ‘En premier, parce que j’adore improviser. Enfant, lorsque je jouais quelque chose de Bach sur mon violon, à partir de la troisième mesure, je commençais déjà à modifier la mélodie, quelle qu’en soit la beauté. Deuxième raison : le jazz, contrairement à la plupart des autres ‘nouveaux’ styles de musique du 20ème siècle, ne s’est jamais détaché de la tonalité sur laquelle les œuvres maîtresses de la musique européenne étaient construites, ni de la simplicité des morceaux de la musique populaire, basée sur des sentiments, l’amour et la vie elle-même. Troisièmement : la rencontre entre les traditions africaines et européennes dans un contexte social américain a conduit à des changements dans la manière dont la musique fonctionne. Ces changements n’auraient jamais eu lieu ni en Afrique, ni en Europe. En d’autres mots, le jazz est une nouvelle sorte de musique qui nous apporte la solution pour le développement de la tonalité, solution que les Européens n’étaient pas en mesure de trouver. Je vois le jazz comme un outil pour l’organisation, la créativité, la liberté et pour exprimer la vie, et non pas comme quelque chose du passé.’ Quant à son approche personnelle de la musique, Pierre Van Dormael déclare : ‘J’ai toujours tenté de comprendre comment les choses cheminent, comment la musique fonctionne. Cela m’a pris beaucoup de temps de tout déconstruire, et plus de temps encore pour rassembler le tout. En analysant et en jouant tous les styles de musique possibles, j’ai appris que la qualité dans un style peut devenir un défaut dans un autre. Ma musique n’est pas basée sur des règles ou des idiomes, mais sur des principes. Chez Miles j’ai trouvé une indication quant au secret de la musique noire américaine d’après la guerre de sécession de 1865, chez Duke Ellington, la manière pour la rendre accessible à un public blanc, chez Charlie Parker, comment on peut jouer trois lignes mélodiques en même temps sur un instrument, chez John Coltrane, comment on peut approcher la tonalité de façon mathématique, chez Joe Zawinul, comment on peut obtenir l’effet sonore d’un médiator en jouant avec les doigts sur les cordes, chez Yousef Yancy, comment faire sonner sa guitare comme une trompette et avec Steve Coleman, j’ai eu la confirmation de mes recherches musicales (‘L’étendue des extrêmes’ , 1981), des tuyaux pour phraser, de nouveaux développements dans le rythme (il a repris le concept cyclique de ma musique), les rythmes d’Afrique Occidentale, hip-hop et la microtonalité dans le temps… et, il y a tant de choses que nous n’avons pas encore entendues.’

Roger Vanhaverbeke (voir Historique)

Kurt Van Herck

Kurt Van Herck est né en 1965 à Westmeerbeek. Il étudie le solfège et le saxophone de 1975 à 1979, à l’académie de Heist-op-den-Berg, avant de suivre des humanités artistiques classiques à Anvers. Entre-temps, le hasard de l’écoute de disques de John Coltrane, Charlie Parker, Dewey Redman, Ornette Coleman et Bill Evans le conduit dans les bras du jazz. A partir de 1978, il s’inscrit aux cours d’été à Dworp, pour y suivre les leçons de John Ruocco. Au Jazzstudio à Anvers, il suit les cours du pianiste Dennis Luxion. Il entreprendra même un voyage spécial à San Francisco pour une formation avec Larry Schneider. Steve Houben, Jeff et John Clayton et Greg Bedolato comptent aussi parmi ses maîtres. A quinze ans, Kurt Van Herck va former son premier groupe avec Erwin Vann et Dré Pallemaerts, deux camarades de classe en humanités artistiques. Cinq ans plus tard, au moment d’intégrer le quartet de Jack van Poll, il devient un musicien professionnel à part entière. Dès 1986, les commandes et les propositions vont se succéder : membre du Serge Lazarevitch Quartet (cf. cédé ‘London Baby’ , Igloo), tournée avec Michel Herr, membre du Nathalie Loriers Quartet (cf. cédé ‘Nympheas’ , Igloo), de l’Act Big Band de Félix Simtaine (cf. cédé ‘Extrêmes’ , Igloo), remplacements au sein du BRT Big Band, collaboration avec le Basement Party de Kris Defoort, recrutement par le Brussels Jazz Orchestra… Plus ponctuellement, il a aussi joué avec d’autres musiciens : Jacques Pelzer, Toots Thielemans, Jean-Louis Rassinfosse, Daniel Romeo, Pierre Van Dormael, Michel Hatzigeorgiou, David Linx, Eric Legnini, Bert Joris, Erik Vermeulen, Stéphane Galland, Philippe Aerts, Bruno Castellucci et Diederik Wissels, mais aussi Viktor Lazlo, Khadja Nin et Axelle Red, ainsi que de nombreux musiciens étrangers de renom, comme Joe Lovano, Slide Hampton, David Liebman, Calvin Owens, George Mraz, Antonio Hart et Danilo Perez. En 1997, Kurt Van Herck reçoit un Django d’Or. Dans la série ‘The Finest in Belgian Jazz’, on peut entendre Kurt Van Herck sur les cédés du Brussels Jazz Orchestra ( ‘The Music of Bert Joris’ ) et Nathalie Loriers ( ‘Tombouctou’ ).

Donnez-nous un peu plus de chauvinisme Kurt Van Herck : ‘Cela peut paraître bizarre, le choix de mon instrument a été déterminé par le fait que ma mère adorait le son du saxophone. De plus, au sein de la fanfare locale, ils avaient encore un saxophone soprano qui traînait, ce qui m’a permis de commencer tout de suite. J’avais plus ou moins neuf ans. J’ai ensuite été inscrit à l’académie de Heist-op-den-Berg, où j’ai pu étudier le solfège et le saxophone alto. Les dix premières années j’ai joué du saxophone alto de manière presque exclusive. Je suis rentré en contact avec le jazz un peu par hasard, notamment en écoutant des disques de jazz, ce qui m’a conduit automatiquement vers Juul Anthonissen. Il m’a alors conseillé de suivre les séminaires d’été organisés à Dworp. Entre-temps, j’avais fait la connaissance de Erwin Vann et Dré Pallemaerts, pendant mes humanités artistiques à Anvers. Je me produisais régulièrement avec eux, ce qui m’a beaucoup appris dès le début, tout comme les milieux de la musique de bals, où j’ai pu perfectionner ma technique au saxophone. C’est alors que je suis passé au saxophone ténor, aux sonorités plus profondes et passionnantes. Au départ, je voulais accumuler un maximum d’informations au saxophone ténor, pour l’appliquer plus tard au saxophone alto, à l’instar d’un saxophoniste fantastique : Gary Bartz. Néanmoins, jusqu’à aujourd’hui, je n’y suis pas encore arrivé, car je m’amuse encore trop au ténor. C’est à l’âge de vingt ans que j’ai pu commencer au sein du quartet de Jack van Poll. Il ne faut pas oublier que l’offre de musiciens de jazz était alors beaucoup plus réduite, donc on obtenait plus rapidement un job. Aujourd’hui, on dispose de beaucoup plus de musiciens de talent, ce que l’on ne peut que saluer. Cela contribuera à maintenir un niveau de qualité, et comme aux États-Unis, cela amènera ici aussi un esprit de compétition, surtout lorsqu’il apparaîtra qu’il n’y a pas de place pour tout le monde. A ce moment-là, on devrait pouvoir compter sur le travail à l’étranger, mais si l’on met les points sur les ‘i’, on sent bien à quel point l’idée européenne est encore éloignée. De plus, tant qu’on sera qualifié par des journalistes belges de ‘moyen, parce que Belge’, donc sans beaucoup de crédibilité dans notre propre pays, je crains que l’on doive encore longtemps trépigner dans notre arrière cour. De ce point de vue, je trouve que le Middelheim est un de nos festivals les plus sincères : on y retrouve toujours une affiche équilibrée entre artistes belges et étrangers. Il nous manque ce chauvinisme que les Français pratiquent à l’envi. On le remarque même auprès du public, où règne encore une très grande dévotion à l’égard de tout ce qui vient des Etats-Unis. Ne prenons que le Hnita Hoeve à Heist-op-den-Berg de Juul Anthonissen : le monde y vient que lorsque des Américains sont à l’affiche. Tant que cette mentalité ne changera pas, on ne pourra éviter des situations comme avec Toots, Philip Catherine, David Linx, Bert Joris et Philippe Aerts, même si on peut l’envisager de manière positive : comme un stimulant pour être encore plus créatif en musique. Le fait que ces Américains présentent tellement de maîtrise technique n’est en soi pas étonnant, quand on connait les efforts qu’ils doivent déployer chez eux pour simplement continuer à compter. Je l’ai vécu personnellement à New York : la première fois que j’y ai participé à une jam, avec Dré Pallemaerts, j’ai remarqué pas moins de sept saxophonistes ténors qui faisaient la file. Et, il ne s’agissait là que d’un banal restaurant. Si ces garçons ne savent pas jouer des solos impressionnants, ils n’arriveront tout simplement pas à monter sur une scène. Heureusement, ici, ce n’est pas encore le cas, mais je conseillerais à tous les jeunes musiciens d’aller faire un tour à New York. Ils en apprendraient beaucoup. Le répertoire constitue une autre grande différence entre l’Europe et les États-Unis. La culture des standards et du be-bop y est beaucoup plus incrustée que chez nous, ce qui est compréhensible, puisqu’elle fait partie intégrante de leur tradition. Ici, nous pouvons nous référer à beaucoup d’autres cultures, d’où émergent automatiquement d’autres sortes de jazz, comme on en rencontre sur le label ECM, pour ne citer que cet exemple. Chez nous, le paysage du jazz est beaucoup plus morcelé, ce qui en constitue justement la richesse.’

Fred Van Hove

Fred Van Hove est né à Anvers en 1937. En réalité, il renaît sans cesse au travers de sa musique (libre) improvisée. Malgré son agenda d’enfer (paradis ?), il part tout de même parfois en vacances, ce qui peut entraver les plans pour une discussion. Piano, accordéon, orgues d’église imposant : il s’agit pour lui, de moyens d’expression enthousiastes de la vie. ‘Je joue de la musique parce que j’en ai besoin et que je veux jouer. Exister signifie s’exprimer et communiquer : je le fais au travers de sons.’ En 1996-1997, Fred était l’ambassadeur culturel de la Flandre. Il l’est toujours : en août 2002, il a joué avec le tromboniste Johannes Bauer au Festival de Beyrouth, bien que le Gouvernement Flamand, pour des raisons de restrictions budgétaires, n’ait pas pu réaliser ses promesses quant aux frais de voyage de ses artistes. Promesses pourtant annoncées dans la presse. ‘Qu’ils s’abstiennent de placer des annonces dans lesquelles il n’est question ni de restrictions, ni de prio-rités !’ Fred a toujours été (à raison) révolutionnaire, déjà lorsqu’en 1972, l’ancienne BRT (télévision publique flamande) pratiquait une différenciation assez grossière entre les gages payés aux musiciens américains et aux musiciens belges, à l’occasion du festival Jazz Middelheim. Ainsi est né le premier Free Music Festival au Muze à Anvers. (cf. chapitre consacré au WIM dans la partie historique) Le père Van Hove était musicien professionnel et possédait une importante collection de disques de jazz. La version de ‘Lover Man’ par Charlie Parker touchait quelque peu Fred, mais sans en faire directement un fanatique du jazz. Pourtant, avec quelques amis, il forma un petit groupe de jazz. ‘En réalité, je ne me suis jamais réellement bien senti chez mois avec cette musique. Même si on en suivait l’évolution pas à pas : Ornette Coleman, John Coltrane, que j’ai entendu à Comblain en 1965.’ Mais, depuis lors… ‘Ce qui me perturbait dans le jazz, c’était l’ordonnancement traditionnel, la structure rigide des thèmes et la suite d’accords clairement déterminée dans l’harmonie. Il fallait quand même trouver autre chose.’ Ce qui arriva régulièrement lorsqu’il pouvait remplacer le pianiste Paul Dumont au sein du Quartet de Mike Zinzen, au Mok à Anvers. ‘A l’intérieur du répertoire consacré du be-bop, il m’arrivait de jouer un solo en modes, plus qu’en accords. De jeunes musiciens comme le saxophoniste Kris Wanders et le regretté batteur Jan Van de Ven se sont joints à nous. Avec eux, j’ai poursuivi la route sur le nouveau chemin, ce qui a conduit, pour l’époque, à une découverte fantastique, quelque chose que j’avais toujours voulu faire. Je venais d’atterrir dans une musique avec des possibilités d’improvisation sans limites, une musique qui se déroulait selon mes idées et non plus selon le schéma traditionnel. Ce devait être en 1967.’ Il apparaît alors que : ‘Dans les pays environnants, un certain nombre de musiciens évoluaient dans la même direction : Willem Breuker, Han Bennink et Misha Mengelberg aux Pays-Bas, Evan Parker et Paul Rutherford en Angleterre, Peter Brötzmann et Peter Kowal en Allemagne, ainsi qu’une suissesse comme Irene Schweizer.’ Au cours de l’année symbolique 1968, il enregistra ‘Requiem pour Che Guevara, Martin Luther King, John F. and Robert Kennedy, Malcom X’ (MPS), à l’occasion du premier (prestigieux) Berliner Jazztage, avec parmi les musiciens cités : Wanders, Breuker, Kowald et Bennink. En janvier 1965, le label MPS avait aussi publié le premier disque allemand de free : ‘Heartplants’ de Gunther Hampels. Six mois avant le ‘Requiem’ , on enregistrait ‘Machine Gun’ , l’album clé pour la musique libre improvisée européenne, sur le label de Brötzmann, réédité plus tard sous une seconde version pour le label FMP (Free Music Production) de Jost Gebers. ‘Jost était lui-même bassiste et connaissait donc ce petit monde de l’intérieur. J’avais moi-même la chance de pouvoir beaucoup travailler en Allemagne, le public y était très curieux de cette nouvelle musique. Il l’appréciait aussi, comme dans l’ancienne partie de l’Est.’ Fred figure sur les cinq premiers albums du label FMP. Vint Gand : ‘Le bassiste Paul Van Gysegem organisait l’Avant garde Festival dans le majestueux Gravensteen, et me demandait d’y jouer en solo, ce que je n’avais jamais fait jusque là.’ Vint ensuite, en 1971, le solo à Jazz Middelheim. Mon Devoghelaere (critique musical) : ‘Cela m’a fait très plaisir que le premier disque pour son propre label soit un enregistrement solo de février 1972. Avec un très joli concept de pochette réalisé par Paul Ilegems : 2/3 de ciel bleu, avec à l’intérieur, le nom du label, ‘Vogel’ en plein vol, 1/3 de terre rouge. A l’horizon un piano noir et une chaise blanche. Pas de titre, mon nom simplement, tout en petites lettres.’ Son deuxième disque portait logiquement le nom de ‘een tweede vogel’ (un deuxième oiseau), cette fois en duo avec Cel Overberghe. Ces albums vont revenir à l’occasion d’un double cédé sur le label UMS à Chicago. Sur ce deuxième album, on entend les cloches, importantes pour Fred, de l’église Carolus-Borromeus, ainsi que les bruits d’un chantier de métro en cours. Cloches, église, orgues d’église. ‘Tout a commencé chez Maurice vande Vannet - aujourd’hui décédé - ancien patron de De Spiegel à Bruges. Un personnage haut en couleurs. Le Conservatoire possédait des orgues d’église. Dikke Maurice (gros Maurice) invitait alors trois pianistes pour donner un concert d’orgues d’église : Alexander Schlippenbach, Misha Mengelberg et moi-même. Depuis l’idée ne m’a plus lâché, cela m’a terriblement fasciné. Je joue le plus souvent en Allemagne, surtout dans des églises protestantes. Le premier enregistrement s’est déroulé à l’église Sankt-Peter de Sinzig am Rhein, en août 1979 (FMP). Il porte un long titre ‘Between 2 battles, the warrior has a wel-deserved rest at the soft breast of his beloved lady and dreams of other dispairs and victories.’ Je ne possède même plus ce disque… Faisons donc ensemble un saut dans le temps. Steve Lacy ? : ‘Nous avons joué ensemble pendant des années, le premier témoignage sonore remonte au duo enregistré sur ‘Five Facings’ pour FMP. Récemment, j’ai encore joué avec lui au Café Central à Bruxelles, dans le cadre de la tournée européenne d’adieu de Steve. Il va devenir professeur à l’université de Boston.’ L’interaction entre les participants constitue une base solide de la musique libre improvisée, en commençant la formule en duo : Fred avec Lacy, Michel Portal, Anthony Braxton, Paut Rutherford, Albert Mangelsdorff, Johannes Bauer, Konrad Bauer, Phil Wachsmann, la regrettée Annick Nozati, Joëlle Léandre (enregistré en 2001 pour une publication par Radio France), le concert grandiose avec André Goudbeek au Mechelse Jazzdag, en juin 1999. Le duo de piano avec Christian Leroy, devenu entre-temps le Quartet de Piano Belge, avant d’évoluer vers les formules MLA/MLB/MLF (Musica Libera Antverpiae/Belgiae/Flandriae), jusqu’au nonet, et dans le passé la WIM-Fanfare. On vient de publier le FIN Trio (Fred, le batteur Ivo Vander Borght et le violoncelliste Nikos Veliotis sur WIMprozes), le f.i. quartet avec le saxophoniste Luc Houtkamp, le trompettiste Herb Robertson et Ivo (X-O), ‘GrafHovOx’ (le saxophoniste et clarinettiste Frank Graftkowski, Fred et le batteur Tony Oxley) sur Nuscope Recordins à Dallas et du matériel inédit de groupes de Brötzmann de Fuck de Boere et l’autre version de ‘Machine Gun’ (également pour UMS à Chicago). Une photo dans la revue française Jazz Magazine montre Fred avec le saxophoniste (alto et soprano) français Etienne Brunet, à l’occasion de la sortie du cédé enregistré sur des orgues en France (dans des églises à Paris) pour le label Saravah, et désigné par ce magazine comme Disque d’émoi.

Erwin Vann

Ce saxophoniste soprano et ténor, est né le 17 décembre 1963 à Anvers. Lorsqu’en 1980 il commence à étudier le jazz, il avait déjà huit ans d’études classiques derrière lui. John Ruocco, Bert Joris, Dennis Luxion et Maarten Weyler étaient ses maîtres de musique au Jazz Studio à Anvers. Plus tard, il suivra des cours de spécialisation et des stages en Belgique et à l’étranger, auprès de Richie Beirach, Joe Lovano, Steve Coleman, Dave Holland, Julian Priester, Kenny Wheeler et David Liebman. Depuis 1985, Erwin Vann joue régulièrement avec Bob Porter et à la VRT (autant radio que télévision) comme soliste, compositeur, musicien de studio et membre du BRT Jazz Orkest. C’est un musicien très demandé, il a ainsi joué avec e.a. Toots Thielemans, Kenny Wheeler, Joe Lovano (sur son dernier cédé ‘Solid Steps’ , JazzClub), Nguyen Lé, Aldo Romano, Simon Goubert, Michel Benita, Paolo Fresu, Maurane, l’Act Big Band de Félix Simtaine, Bruno Castellucci, le North Sea Jazz Tentet avec Hein van de Geyn, le H-Septet de Pirly Zurstrassen, le sextet de Frank Vaganée, l’Octet de Eric Van der Westen et le quintet de Richard Rousselet et, au North Sea Jazz 2002, avec Wayne Shorter. En 1988, à l’occasion d’un stage important à Banff (Canada), avec des cours donnés par Steve Coleman, Dave Holland, Kenny Wheeler et Julian Priester, Erwin Vann rencontre le guitariste Pete McCann et le bassiste Lindsey Horner. Il ne jouera avec eux que plusieurs années plus tard, notamment à New York, où il a séjourné pendant un an et demi. On retrouve Dré Pallemaerts et Michel Hatzigeorgiou au sein de l’Inner Space Band qu’il créa en 1990. Le trio se produit régulièrement avec des invités spéciaux comme Peter McCann, Marc Ducret, Jacques Pirotton et Christoph Erbstösser. Parmi les différentes distinctions remportées par Erwin Vann citons en 1991, le prix du meilleur soliste à l’occasion du Brussels Jazz Rally, le prix Spes en 1995 pour son cédé ‘Worlds’ enregistré avec des invités comme Norma Winstone, Pete McCann, Kenny Wheeler, Adama Drame et Chris Joris (JAS Records), ainsi qu’en 1998, le prix de meilleur saxophoniste ténor (référendum auprès des auditeurs des radios publiques belges, la VRT et la RTBF). Le projet qui lui tient le plus à cœur est Koyà , un projet au saxophone solo avec des effets électroniques. Erwin Vann est également leader et compositeur du quartet formé avec Dré Pallemaerts, Michel Hatzigeorgiou et Jozef Dumoulin, ainsi que co- leader et compositeur avec Peter Hertmans, du quartet avec Nic Thys et Billy Hart et du quartet italien Dufay.

A la recherche du cursus le plus adapté Erwin Vann : ‘ Mon frère aîné, de treize ans, Erik Vanslembrouck, a suivi des études à l’Académie des Beaux-Arts d’Anvers. Partant du principe que l’on pouvait également apprendre le jazz de cette manière, je partais avec beaucoup de bonnes résolutions et d’attentes un peu dans toutes les directions. Je devais rapidement conclure que ce n’était pas possible. Dans un premier temps, je me suis alors inscrit à l’académie de musique de mon quartier, et me suis contenté des concerts auxquels je pouvais assister à l’occasion du Middelheim Jazzfestival. Au début des années ’80, j’ai choisi de suivre des cours en humanités artistiques, même si ça ne me rassasiait pas. En effet, certains cours étaient répétés, car je les avais déjà reçus en 3ème et 4ème humanités classiques, tandis que le retard accusé en musique m’obligeait à rattraper le temps perdu. De plus, cela n’avait toujours rien à voir avec le jazz, et on y disposait de très peu de musique écrite pour saxophone ténor. Ainsi, pendant près de six ans, j’ai d’abord suivi des cours classiques de saxophone alto, avant de m’investir à fond au saxophone ténor, notamment à l’occasion des jazz workshops à Dworp. Par contre, il faut bien admettre que j’ai appris à jouer du piano de manière très passionnante, et que j’y ai rencontré des gens comme Dré Pallemaerts et Kurt Van Herck, deux camarades de classe. Heureusement, plus tard, le jazz a quand même été introduit dans les cours en humanité artistique. A nouveau, je suis probablement né quelques années trop tôt. L’observation des oiseaux, et de leur chant, a énormément influencé ma conception de la musique. J’étais membre d’une association de protection (BJN), influencé par mon père, qui était un observateur d’oiseaux passionné.’

Discipline : la clé pour la maîtrise technique Erwin Vann : ‘La discipline est le terrain où en tant qu’Européens, nous nous distinguons fortement par rapport aux Américains. Je me souviens ainsi de l’inconfort avec lequel Joe Lovano nous observait à l’occasion d’un concert au Théâtre Royal de La Monnaie. En effet, on y buvait notre café sur scène, ce qui est impen-sable aux USA, où ce type de comportement est autorisé pendant les pauses. Aux USA, à l’occasion d’une répétition, Kris Defoort est arrivé cinq minutes en retard, quelqu’un d’autre était déjà assis derrière le piano ! D’ailleurs, on se presse en nombre pour prendre votre place à la première occasion venue. De ce point de vue, je trouve qu’un séjour aux États-Unis - surtout New York - est une excellente école pour tout musicien.’

Hommage à François Louis Erwin Vann : ‘ Comme beaucoup de saxophonistes belges, et de nombreux autres de par le monde, je dois beaucoup à François Louis pour le son de mon instrument. François Louis est un luthier très sympathique de la région liégeoise qui s’est spécialisé dans les embouchures pour saxophones et tout ce qui tourne autour. La manière dont il étudie la conduction des ondes sonores, et parvient à la canaliser, pour optimaliser de manière naturelle le son particulier de chaque musicien, est absolument phénoménal. Cet homme mérite tout notre intérêt, même s’il aura tendance à relativiser son travail. Chaque embouchure réalisée par François Louis est, sans exagérer, une œuvre d’art unique. J’espère qu’il recevra - le plus tôt possible - la reconnaissance qu’il mérite. Un bon accord pour la commercialisation de ses embouchures représenterait déjà un soutien important pour lui.’

Lieven Venken

Lieven Venken (°Genk, 1975) est un batteur né : ‘Comme mon père était violoniste professionnel, et chef de quatre chorales, il semblait évident que j’étudierais le violon, même si à cinq ans j’avais décidé que je serais batteur. Mon cousin, un batteur professionnel, me laissait libre cours sur sa batterie. Tu dois décider pour toi-même ce que tu veux jouer disait-il toujours, et il avait raison. Je lui dois beaucoup, comme à mon professeur de musique à Koersel qui m’a donné des leçons de percussions dès l’âge de douze-treize ans. Elle aussi m’a souvent permis de jouer sur une batterie. Au Lemmeninstituut, où à dix-sept ans je suivais des cours de percussion classique, je faisais aussi partie d’un petit groupe de jazz, avec Bart Van Caenegem à la basse électrique et Alano Gruarin au piano. On se produisait tous les mercredis, et on se réunissait presque tous les soirs pour écouter de la musique, on répétait aussi de manière intensive. J’ai appris énormément des enregistrements réalisés à partir de ce travail, ainsi que de nos fréquents concerts. De plus, deux ans plus tard, à l’occasion de mon passage dans la section jazz, Dré Pallemaerts m’a surtout enseigné la technique du ride cymbal , la base de la batterie de jazz. En fait, on peut décrire une batterie comme un orchestre dont le batteur coordonne quatre timings (à partir desquels on peut en plus, créer différents timbres) et détermine quelles combinaisons d’éléments il va harmoniser l’une avec l’autre.’

Mimi Verderame

Né le 03 juillet 1958 à Tilleur, Mimi Verderame a grandi dans une famille de musiciens. A l’âge de six ans, il commence à apprendre les percussions en autodidacte, et à neuf ans, il joue la batterie dans Les Rebelles du Rythme, l’orchestre de bal de son père. Cinq ans plus tard, il commence à enregistrer sa musique en studio. Entre-temps, il commence aussi à étudier la guitare, en accompagnant les disques de guitaristes de jazz célèbres, et en 1975, il fait ses débuts officiels sur la scène jazz aux côtés de Jacques Pelzer. Rapidement, d’autres noms célèbres vont suivre : Toots Thielemans, Philip Catherine, Michel Herr, Steve Houben, Charles Loos, Larry Schneider, John Ruocco, Dennis Luxion, Jacques Pirotton, Claude Maurane,Isabelle Antena (tournée au Japon en 1985), Richard Rousselet, Eric Legnini, Gino Lattuca… Sur ‘Game Over’ (A Records), son troisième cédé, publié en 1999, on retrouve Rosario Giuliani, saxopho-niste alto très prometteur, vainqueur en 1997 du Jazz Hoeilaart International Contest. Un an plus tard, il publie ‘Nice Cap’ (Lyrae Records) à la tête de son septet, le Jazz Addiction Band.

Peter Vermeersch

La fin de X-Legged Sally, après huit ans et six albums, et au grand dam des nombreux fans, ne signifie pas que le fondateur de cette formation exceptionnelle de speed-funk- punk-classico-jazz baisse les bras. Bien au contraire, avec le temps, la productivité de l’architecte sonore Peter Vermeersch va grandissante : avec A Group par exemple, projet créé voici quelques années avec Pierre Vervloesem, guitariste et compositeur obstiné, avec lequel il produisit tous les premiers albums de dEUS, Mad Dog Loose et Nancy. Ensemble ils collaboraient aussi aux productions théâtre de Josse De Pauw Weg et Larf . Compositeur, clarinettiste et saxophoniste ténor, Peter Vermeersch est aussi l’auteur de compositions et/ou arrangements pour e.a. Rosas danst Rosas , une chorégraphie de Anne Teresa De Keersmaeker, pour laquel-le il a écrit la musique avec Thierry De Mey, comme pour What The Body Does Not Remember et The Weight Of A Hand de Wim Vandekeybus. Et, comme si cela ne suffisait pas, Peter Vermeersch signe seul la musique pour Immer Das Selbe Gelogen et Her Body Doesn’t Fit Her Soul , toujours de Vandekeybus, en jouant un rôle important dans les performances de e.a. Radeis, Dito’Dito, Charlie Degotte, Willy Thomas et José Besprosvany, en composant pour le Duke Quartet, l’Arditti Quartet et l’Ensemble Musique Nouvelle. Il a également participé aux formations de Union (où il rencontra le tromboniste Jan De Backer), de Fred Frith, Jazzwork From Berlin et The Simpletones. Sans oublier The Soluble Fisch : le projet d’opéra réalisé en collaboration avec Ryszard Turbiasz, créé en février 1994, ou encore la suite orchestrale composée en avril 1995 pour un hommage à Zappa au Singel à Anvers ( The Purple Cucumber ), ainsi que les arrangements de 20 chansons de Arno pour le concert de septembre 1997 donné au Botanique (Bruxelles) par un ensemble d’instruments à vents. Depuis quelques années, Peter Vermeersch est très occupé avec The Flat Earth Society (rien à voir avec Waleco, un groupe rock psychédélique américain des années ’60, qui publia alors un album du même nom), un big band composé de seize jeunes musiciens et avec lequel il a déjà publié deux cédés (‘Live at the Beursschouwburg’ et ‘Bonk’ ). La musique varie d’arrangements pour big-band aux mélodies ethno-fanfaresques, de rythmes et mélodies arabes aux chansons pops fraîches avec un petit air de jazz, en passant par la musique concrète au chaos structuré à la Varèse et Zappa. Le tout avec deux principes de base qui traversent comme un fil rouge, tout le projet : qualité et humour. Aucun obstacle n’est évité pour y parvenir. Ainsi, sur le dernier cédé, on retrouve deux morceaux de The Residents, un des groupes de rock d’avant-garde les plus déterminants des années ’70, dont les membres ont réussi à garder leur anonymat pendant des années. Leur musique, souvent élaborée jusqu’à l’absurde à partir de notes musicales aux sonorités étranges et de rythmes très peu conventionnels, résultait de l’utilisation consciemment erronée des instruments et de l’électronique. D’après Peter Vermeersch, le défi consistait ici principalement à faire interpréter cette musique tribale, produite de manière rudimentaire avec une économie de moyens, par un big-band efficace sans perdre la rugosité originelle de la musique. Ce genre de défi ca-ractérise bien l’esprit avec lequel Peter Vermeersch aborde la musique. La faillite du label sur lequel Peter Vermeersch avait enregistré la plupart de ses productions précédentes et le peu d’intérêt d’autres firmes de disques, l’a conduit à créer Zonk. Dans un premier temps, ce label publiera uniquement les productions du Flat Earth Society et - par extension - des autres membres du groupe (Bart Maris, Anja Kowalski, Tom Wouters, David Bovée etc). Le Flat Earth Society était l’orchestre maison de Bruges 2002, Capitale culturelle de l’Europe.

Peter Vermeersch : ‘Les morceaux de Flat Earth Society sont tous composés selon le même principe. Ils sont prêts pour la répétition, mais comportent assez d’espaces pour l’apport des autres membres du groupe, ce qui conduit automatiquement à l’enrichissement du spectre sonore et à la spontanéité lors de l’exécution. Nous voulons aussi briser les clichés autour du big-band. Car, pour la majorité des gens, l’image du big-band se limite à Duke Ellington, Count Basie, Glenn Miller et éventuellement (avec Gil Evans, la plupart décroche déjà !). La composition du Flat Earth Society qui correspond en grande partie à celle des big- band suffit à nous coller la même étiquette, mais l’association s’arrête bien là. Nous voulons tout simplement exploiter au maximum les possibilités offertes par ce type d’orchestration, et les expérimenter jusqu’aux derniers détails. Que ici ou là, par hasard, on y retrouve quelque chose de Duke Ellington, est tout à fait logique. Cela n’a d’ailleurs pas de sens de renier une tradition à laquelle nous devons beaucoup. Dans le passé, il y a déjà eu d’autres big-bands qui ne répondaient pas aux critères de la ‘moral majority’ : Sun Ra, Charles Mingus ou Carla Bley, de grandes orchestrations où, hasard ou pas, chaque membre conservait sa personnalité propre, ce que je trouve très important. Au contraire de ce que l’on pourrait appeler les big-bands policés, où d’une certaine façon chaque membre est interchangeable.’

Erik Vermeulen

Erik Vermeulen est né en 1959. Enfant, il jouera d’abord du violoncelle, avant de passer au piano. Il commence à tourner avec son propre trio à l’âge de vingt-deux ans, avec Hein van de Geyn à la contrebasse (ensuite Philippe Aerts) et le batteur Dré Pallemaerts, remplacé en 1990 par Félix Simtaine. Plus tard, le contrebassiste Sal La Rocca et le batteur Jan de Haas vont rejoindre le trio, comme on peut le constater sur le nouveau cédé ‘Songs Of Minutes’ (W.E.R.F.). Au début de son trio, Erik Vermeulen participait également à différentes petites et grandes formations, avec e.a. Erwinn Vann, Frank Vaganée, Kurt Van Herck, Milkshake Banana, Peter Hertmans et le BRT Jazz Orkest. Erik Vermeulen s’est produit avec de nombreux artistes belges et étrangers, parmi lesquels on retrouve e.a. Clark Terry, Slide Hampton, Steve Grossman, Art Farmer, Jacques Pelzer, Richard Rousselet, Deborah Brown, Ali Ryerson, Joe Lovano, John Ruocco, Bert Joris, Phil Abraham, Bob Mover et David Schnitter. Aujourd’hui, Erik Vermeulen est le pianiste attitré du Bart Defoort Quartet, du Stéphane Mercier Sextet, du Manu Hermia Quartet et du quartet du saxophoniste Ben Sluijs, avec lequel il vient d’enregistrer en duo le cédé ‘Stones’ (Jazz’halo). Il enseigne le piano au Conservatoire de Gand.

Lors de l’entretien avec Erik Vermeulen, son cédé, intégré dans la série ‘Finest In Belgian Jazz’, était toujours en pleine préparation. Après de multiples répétitions et sessions, il n’avait encore aucune idée du matériel qu’il allait considérer comme approprié pour l’enregistrement. Les morceaux improvisés vont-ils primer ou le cédé va-t-il uniquement proposer des compositions totalement écrites ? Un entretien avec Erik Vermeulen n’est pas une sinécure. Comme pour son style pianistique, la plupart des dialogues avec ce pianiste tourmenté dépendent continuellement de ses humeurs changeantes. Une bonne dose de patience, et une série de discussions animées ont été nécessaires avant d’arriver au patchwork de pensées intéressantes et de méditations reproduites ci-dessous.

Standards contre composition (improviser) Erik Vermeulen : ‘ Ces deux éléments ne doivent pas nécessairement être considérés comme des extrêmes opposés. De nombreuses pièces, composées par des musiciens de jazz avec l’objectif de pouvoir improviser dessus, ont ensuite presque atteint le même statut que les standards classiques de Porter ou Gershwin. Personnellement, je ne jouerai jamais un standard dont je ne connais la mélodie qu’au travers de clichés trop souvent entendus dans des versions à tort et à travers. Pour plus de commodité, il est fort probable que l’on considère par exemple une improvisation au piano en mode mineur, qui apparaît après coup attachée à ‘Footprints’ de Miles Davis, comme un standard, alors que Miles a composé le morceau comme un ‘vecteur’ pour projeter ou interpréter une atmosphère particulière qu’il avait en tête. D’autre part, une partie de la ‘forme’ est également déterminée par les musiciens pendant qu’ils jouent. Dans le même esprit, lorsque je joue un morceau (standard ou composition de jazz), je déterminerai la forme en fonction des atouts que la pièce offre. Ceci ne signifie pas que j’utiliserai les mêmes caractéristiques ou les mêmes paramètres comme leitmotiv, à chaque nouvelle interprétation du même morceau. Je veux dire par là qu’improviser et composer peuvent se trouver très proches l’un de l’autre. Lorsque j’improvise réellement, je recherche presque instinctivement la forme et le thème. De ce point de vue, on pourrait éventuellement dire que pour chaque humeur du jour, j’invente une composition. La culture des standards et du be-bop, les différentes manières de composer et de jouer des grandes fi-gures de l’histoire - Louis Armstrong, Art Tatum, Bud Powell, Charlie Parker, John Coltrane, Sonny Rollins, Lenny Tristano, Thelonious Monk, , Joe Zawinul, Herbie Hancock - constituent une autre source d’inspiration. En effet, ils ont tous un style plus ou moins reconnaissable qui constitue une partie de mes bagages. Personnellement, j’ai toujours donné la préférence à l’improvisation et à la composition, tout à fait détachées des standards et des compositions existantes que tu m’entends jouer souvent. Les sources d’inspiration les plus divergentes émergent dans les pièces que j’écris : une mélodie tzigane hongroise, une sonate de Beethoven, quelque chose de Monk… Je jette aussi de très nombreuses pages d’écriture, ce qui est inévitable. Depuis bientôt vingt ans, j’improvise quasiment tous les jours de nombreuses heures au piano, chez moi. Ainsi, j’y démarre de points de départ très différents. Je peux une fois refuser de réfléchir à la direction à prendre et jouer pas à pas, et une autre fois, baliser de manière très claire le chemin à sui-vre, pour expérimenter toutes les variations possibles autour d’un même thème. Une autre possibilité est de travailler par associations et de voir ensuite quelles idées demeurent. Je peux par exemple partir d’un groove, mais tout aussi bien d’une mélodie ou d’une harmonie ou même construire toute une pièce sur un ostinato. Je me demande cependant souvent dans quelle mesure une improvisation est réellement improvisée, car ce que tu joues est à chaque fois le résultat de réflexions qui précédent. Dans quelle mesure peut-on encore vraiment parler d’improvisation ? D’autre part, ça n’a aucun sens de t’obliger à sonner différemment des autres, juste pour l’originalité, le risque est alors grand que la forme prenne le pas sur le fond. Sauf, bien entendu, si tu appartiens aux rares génies de l’histoire de la musique’.

Trio ou section rythmique autonome ? Erik Vermeulen : ‘Je ne considère pas du tout le trio piano-basse-batterie comme une section rythmique, qui jouerait sous l’autorité de quelqu’un, mais plutôt comme un ensemble rassemblé avec soins et plastique. Une des raisons pour lesquelles je joue en trio consiste justement à relativiser la notion de ‘section rythmique’. Je n’ai jamais apprécié la distribution des rôles appliquée dans cette hiérarchisation séculaire entre musiciens. En principe, dans le song, tous les rôles sont à chaque moment interchangeables. De cette façon, le saxophoniste ténor doit par exemple être capable de passer du lyrique au rythmique dès que le batteur joue une certaine mélodie, comme la contrebasse qui réagit au groove lourd du piano en jouant de manière mélodique. Il s’agit là de l’essence du contrepoint. Par contre, la hiérarchie physique entre les notes ne peut presque pas être effacée : l’ouïe prendra toujours les notes les plus élevées et les plus basses comme point de départ, afin de découvrir une structure pour tout ce qui se trouve entre les deux. Les notes les plus basses occuperont un rôle dominant pour l’harmonie, et les notes les plus hautes seront automatiquement désignées comme la mélodie. Alors que le fait de savoir qui doit prendre les notes les plus hautes et les plus basses ne joue aucun rôle. De plus, la taille du trio donne à chacun des trois membres la possibilité d’exploiter et d’élargir son spectre sonore de manière maximale, et de répondre ainsi aux timbres des autres.

Instruments acoustiques ou amplifiés ? Erik Vermeulen : ‘Dans les années ’70, comme beaucoup de gens de ma génération, j’ai beaucoup écouté le jazz-rock de Miles Davis, Herbie Hancock, Mahavishnu, , Georges Duke, Chick Corea et Weather Report, une musique qui m’a toujours fort attiré. J’ai d’ailleurs souvent joué sur un Fender Rhodes, un instrument qui m’excite encore beaucoup aujourd’hui. Le fait que le Fender Rhodes soit amplifié électriquement n’empêche pas que sa sonorité soit produite de manière acoustique, entre autres par la frappe de petits marteaux sur des lamelles, que l’on peut en plus régler manuellement. Au début des années ’80, j’ai même pu en acquérir un d’un musicien qui ne l’avait presque pas utilisé. J’ai usé l’instrument jusqu’à la corde en jouant le répertoire musical des années ’70. Ceci m’a également permis de jouer dans des lieux sans piano disponible.’

Ernst Vranckx

A 21 ans, le pianiste Ernst Vranckx décide de développer ses études musicales en s’inscrivant au Jazz Studio d’Anvers, avant de poursuivre au Conservatoire de Bruxelles, où deux ans plus tard, il obtient un premier prix pour piano jazz. En 1992, à Maastricht, l’International Association of Jazz Educators le distingue au travers du ‘special citation for outstanding musicianship’. En 1994, à l’affiche du Festival de Liège avec son quartet, il reçoit le Prix ‘Nicolas Dor’. A côté de son propre quintet (avec lequel il publie ‘A Child’s Blessing’ en 1998 et ‘Songs And Dances’ en 2001, tous deux sur le label W.E.R.F.), Ernst Vranckx est aujourd’hui un membre actif de The Chris Joris Experience. Il collabora aussi avec John Ruocco, Kenny Wheeler et Bert Joris. Depuis 1993, Ernst Vranckx enseigne le piao et l’harmonie au Conservatoire de Gand et au Jazz Strudio d’Anvers.

Jean Warland (voir Historiques)

Diederik Wissels

A l’âge de cinq ans, Diederik Wissels (°1960 à Rotterdam) jouait déjà du piano, avant d’apprendre la guitare, la flûte traversière et le piano à l’académie. A seize ans, il étudie le piano avec Michel Herr, puis un peu plus tard, part à Boston suivre les cours du Berklee College of Music avec e.a. Kenny Drew et John Lewis. En 1982, il y reçoit son diplôme de Professional Music. De retour en Belgique, il commence à travailler avec Jacques Pelzer et Jean Linsman. Toujours en 1982, il remporte le premier prix de la 4ème édition de l’International Jazz Contest de Hoeilaart, au sein du Jan de Haas Quartet. Depuis lors, ce compositeur-pianiste touché par la grâce va collaborer avec des célébrités comme Toots Thielemans, Sahib Shihab, Joe Henderson, Mark Murphy, Chet Baker, Slide Hampton, Larry Schneider, Philip Catherine, Per Goldschmidt, Junior Cook, Steve Houben, Guy Cabay, Philippe Aerts, l’ancien BRT Jazz Orkest et Isabelle Antena. En 2001, Diederik Wissels surprend tout le monde avec le cédé ‘Streams’ (Igloo), publié avec le saxopho-niste ténor Bart Defoort, accompagnés par le contrebassite Stefan Lievestro et le batteur Lieven Venken. En compagnie du chanteur David Linx, avec lequel, depuis vingt ans, il rencontre régulièrement le succès, Diederik Wissels sortira à la fin de la même année un autre cédé ‘Heartland’ (Emarcy). A côté de Paolo Fresu (tp, bugle), on y trouve le contrebassiste Palle Danielsson et le batteur Jon Christensen, ainsi qu’un quatuor à cordes composé de Igor Semenoff, Cécile Broché, Dominica Eyckmans et Jean-Paul Dessy. De plus, Diederik Wissels se produit régulièrement avec son Silent Song Sextet, avec lequel il interprète le répertoire de Federico Mompou.

Diederik Wissels : ‘ J’ai rencontré David Linx à l’âge de quatorze ans, à l’académie de Hoeilaart. Je répétais alors avec mon petit groupe dans le grenier chez Jan de Haas, David nous rejoignait de temps à autre pour jouer de la batterie. On passait des heures, encore maintenant, à s’échanger des idées, d’où sortait avec la régularité d’une montre un projet de collaboration ou un album. Chez moi, on écoutait vraiment tous les styles de musiques, de cultures et de périodes très différentes. Je n’ai donc pas été influencé pour prendre une direction musicale définie. J’ai toujours pu déterminer si la musique me touchait ou non, quel que soit le style. Je ne savais même pas que ce que mon père jouait - un pianiste de jazz de bonne facture - s’appelait le jazz. Enfant, en essayant constamment de l’imiter au piano, j’ai atterri naturellement sur le terrain du jazz. Je n’ai assimilé que plus tard les frontières entre les différents genres et périodes, même si elles n’apparaissent pas dans mes compositions. Je tiens à créer un son qui m’est propre et reconnaissable, au lieu de devenir une photocopie de quelque chose qui existe déjà, mais, toujours sans me forcer. C’est comme pour Federico Mompou : les choses ne semblent vraisemblables que lorsqu’elles émanent d’un processus naturel. La musique de Mompou, comme elle ne trahit pas ses origines espagnoles, ne peut être classée dans une case. Son unique objectif a toujours été de ne pas perdre sa personnalité dans sa musique, avec pour conséquence que son style difficile à définir n’est jamais vraiment devenu populaire. Tant que tu n’entres pas dans telle ou telle case, tu ne sembles pas compter. Je lutte depuis toujours contre ce principe. Je consi- dère que nous devons plus que jamais nous opposer à cette mentalité du classement, et quels artistes sont mieux armés pour cela que les musiciens de jazz ?’

Pirly Zurstrassen

Né le 15 avril 1958 à Heysy (Verviers), Pirly Zurstrassen apprendra à jouer du piano en autodidacte. En 1977, il s’inscrit au Conservatoire de Verviers. Ensuite, il suivra les cours d’improvisation donnés au Séminaire de Jazz du Conservatoire Royal de Liège. ‘Gallinacée’ est le titre du premier album de Zurstrassen, publié en 1984 avec son quintet (Igloo). L’année suivante il compose la bande-son de la série télévisée Quick & Flupke. En 1987, il fonde le septet H (H du grec hepta , sept). Le premier album de ‘H’ (Igloo) sera couronné par le Prix Sax. En 1993, il remporte le prix André Grosjean pour la publication de ‘Hautes Fagnes’ (Igloo). Pirly Zurstrassen travaille aussi souvent en duo, comme dans ses projets avec Daniel Stokart, la vocaliste suisse Christine Schaller (parfois en trio avec Garrett List) et le regretté Jean-Pierre Catoul (cédé ‘Septimana’ , Carbon 7). Les activités de Pirly Zurstrassen se déploient aussi sur les terrains du théâtre et de la danse. Depuis 1990, Zurstrassen enseigne dans la section francophone du Conservatoire Royal de Bruxelles, et depuis 1995 dans la partie néerlandophone. Pirly Zurstrassen préside depuis quelques années, l’association des Lundis d’Hortense.

Jempi Samyn veut remercier (dans l’ordre arbitraire) : Rik Bevernage, Filip Delmotte, Jan Rachels, Marnix Puype, Miel Vanattenhoven, Ilan & Monique Oz, Guy Van De Poel, Dirk De Gezelle, Jos Demol, Emile Clemens, Luc De Baets, Sim Simons, Guido Geuns, Koen Maes, Jules Imberechts, Christiane Gillaerts, Christine Jottard, Guy Segers, Alan Ward, Jos Knaepen, Jacky Lepage, Dirk Godts, Veerle Vandepoel, Jacobien Tamsma, Patrick Verstraete, Dirk Feys, Ronny Michielsen, Bertrand Flamang, Jan Hautekiet, Emily-Sue Van Horenbeeck, Jean-Marie Vangrudenberg, Bart De Smedt, Marc Tasset, Bruno Deneuter, Renata Kamara, Sergio Duvallioni, Paul Huygens, Jean-Claude Laloux, Patrick Bivort, Kloot Per W, Dirk Fryns, Marc Bosch, Liesbeth, Karel et Lukas, et tous les artistes dans ce livre.

PORTRAITS DE MUSICIENS ET GROUPES (Résumé des musicien et groupes traités, dans l’ordre alphabéthique)

Phil Abraham 101 Philippe Aerts 105 Aka Moon 109 Fabrice Alleman 113 Pierre Bernard 117 Michel Bisceglia 117 Laurent Blondiau 118 Brussels Jazz Orchestra 123 Bruno Castellucci 129 Philip Catherine 133 Jean-Pierre Catoul 138 Michel Debrulle 143 Bart Defoort 147 Kris Defoort 151 Fabien Degryse 156 Jan de Haas 156 Bart De Nolf 157 Ecaroh 159 Fabian Fiorini 161 Marc Godfroid 162 André Goudbeek 165 Grand Groove 166 Greetings From Mercury 167 Manu Hermia 171 Michel Herr 172 Peter Hertmans 176 High Voltage Sextet 179 Steve Houben 180 Gilbert Isbin 184 Peter Jacquemyn 185 Bert Joris 187 Chris Joris 193 Sal La Rocca 196 Gino Latucca 197 Eric Legnini 201 David Linx 206 Charles Loos 211 Nathalie Loriers 213 Bart Maris 217 Michel Massot 221 Octurn 225 Odds On 230 Ivan Paduart 230 Dré Pallemaerts 231 Pay Day In March 236 Jacques Pirotton 237 Antoine Prawerman 237 Paolo Radoni 238 Jean-Louis Rassinfosse 242 Daniel Romeo 247 Slang 248 Ben Sluijs 248 Emmanuelle Somer 252 Eric Thielemans 253 Toots Thielemans 9 Think Of One 254 Nic Thys 255 Alexi Tuomarila 258 Frank Vaganée 259 Pierre Vaiana 263 Bart Van Caenegem 267 Johan Vandendriessche 268 Pierre Van Dormael 271 Kurt Van Herck 274 Fred Van Hove 278 Erwin Vann 283 Lieven Venken 287 Mimi Verderame 288 Peter Vermeersch 289 Erik Vermeulen 292 Ernst Vranckx 297 Diederik Wissels 298 Pirly Zurstrassen 301

INDEX (Musiciens et groupes belges)

Abraham, Phil (tb): 30, 36, 43, 95, 101, 177, 293 Abraxis: 89, 211 Act Big Band: 37, 77, 78, 101, 107, 113, 139, 162, 175, 182, 188, 197, 221, 245, 250, 263, 266, 283 Adam, Kathy (cello): 212 Aerts, Chryster (dm): 32 Aerts, Josse (dm): 52, 56, 57 Aerts, Philippe (b): 31, 36, 37, 44, 105, 187, 215, 257, 267, 275, 277, 292, 298 Aka Moon: 31, 36, 38, 39, 41, 43, 89, 109, 117, 153, 161, 203, 209, 210, 231, 238, 263 Albimoor, Willy (p): 72, 76, 86 Alexandre, Bill (g): 61, 69 Algoed, Karel (b): 96 Allaert, Philippe (dm): 206 Alleman, Fabrice (ss, ts): 30, 38, 70, 113, 139, 159 Andina, Michel (sitar): 167 André, Frans (p): 70 Antoine, Eric (b): 201 Ardui, Michel (p): 197 Arkam: 240 Asselberghs, Roger (cl, bs): 26, 28, 61, 71, 72, 73, 75, 94 Ayal, Joop (ts, cl): 96 Azeto Orkestra: 267 Bab’s / Babs’ All Stars: 96 Baklava Rhythm and Sounds: 89, 143, 197, 221 Balliu, Rudy (cl, tp): 91, 92 Bart, Harry (s): 58 Bathyscaphe 5: 143, 221 Bauwens, Tony (p): 31, 69, 76, 86, 162 Bay, Francis (tb, cond): 74, 79, 94, 134 Bayens, Vic (ts): 56 Bed and Breakfast: 117 Bedeur José (b): 81, 132 Bee, David (Ernest Craps) (as, ts, cl, vib): 44, 51, 57, 58, 59, 69, 81, 94 Belgian Bluebirds: 71, 76 Belgian Swing Band: 94 Belien, Harry (dm): 51 Bély, Jacques (ts): 132 Benali, Galia (voc): 118 Bernaerts, Bert (tp): 220 Bernard, Pierre (fl): 31, 117, 212, 266 Beurlys, Jean (voir Jean Blaton) Bevernage, Pol (bs): 69 Beysens, Patricia (voc): 75 Big Easy Brunch, The: 92 Bisceglia, Michel (p): 117, 253 Bistrouille A.D.O.: 51, 53 Bistrouille Amateurs Jazz Kings: 53 Bizet, Véronique (p): 117, 253 Black Diamonds Brassband: 92 Blancke, Stefan (tb): 254 Blaton, Jean (Jean Beurlys) (g): 81 Blésin, Maxime (g): 30, 39 Blondiau, Laurent (tp, bugle): 31, 38, 41, 118, 177, 213, 215, 219, 220, 226, 237, 253 Bob Shots: 61, 65, 66, 68, 69, 71 Bodson, Olivier (tp): 39, 217 Bogart, Gaston (Gaston Bogaerts) (dm): 62, 78 Boland, Francy (p, tp, mel): 28, 43, 66, 68, 69, 70, 71, 82, 84, 85 Bop Friends: 74, 76, 86 Borremans, Bart (s): 31 Bossu, Marcel (g): 72 Bourdiaudhy, Paul (tb): 86 Bourguignon, Jean (tp): 66 Bourguignon, José (dm): 81 Boutreur, Benjamin (as): 96 Bovée, David (g, voc): 254, 291 Bracaval, Stephan (fl): 30, 38, 40, 43 Braeckman, Hendrik (g): 30 Brenders, Stan (Constant) (p): 35, 36, 51, 54, 57, 60, 69, 74, 85, 94 Breyre, Jos(se) (tb): 55, 60 Brinkhuizen, Albert (tb): 54, 58 BRT Jazz Orkest: 85, 123, 157, 162, 163, 174, 187, 189, 190, 221, 259, 268, 283, 292, 298 Bruder, Rudy (p): 56 Bruneel, Janos (b): 32 Brussels Jazz Gang, The: 17, 21 Brussels Jazz Orchestra: 30, 36, 40, 41, 42, 44, 86, 113, 119, 121, 122, 123, 147, 151, 153, 163, 164, 175, 179, 187, 188, 198, 206, 231, 250, 255, 260, 262, 267, 274, 275 Brussels Little Big Band: 95 Buchem, Janot (b): 182 Bulteel, Curt (Bas) (p): 70, 96 Bunner, Mickey (tb): 72, 73, 75, 86 Busnello, Eddie (as, bs): 68, 85 Buster and the Swing: 95 Cabaret Kings: 56, 59 Cabay, Guy (vib): 31, 37, 42, 45, 81, 182, 204, 237, 298 Calmeyn, Charlie (dm): 62 Candrix, Fud (ts, vln): 36, 54, 55, 58, 59, 63, 69, 94 Carels, Henri (tp): 73, 75, 96 Carnin, Jean (dm): 61 Carolina Stomp Chasers: 56 Cassiers, Steven (dm): 32 Cassol, Fabrizio (as): 17, 25, 30, 38, 42, 43, 89, 109, 110, 111, 112, 143, 145, 151, 162, 201, 204, 209, 221, 222, 224, 238, 245, 252, 266, 271 Castellucci, Bruno (dm): 18, 22, 31, 78, 85, 86, 89, 90, 110, 129, 145, 156, 159, 160, 161, 172, 174, 177, 197, 203, 240, 245, 275, 283 Catherine, Philip (g): 14, 22, 26, 30, 36, 38, 41, 42, 43, 45, 46, 72, 77, 82, 105, 106, 107, 118, 124, 126, 133, 138, 156, 157, 175, 177, 187, 189, 190, 197, 203, 211, 230, 233, 245, 250, 268, 277, 288, 298 Catoul, Jean-Pierre (vln): 37, 39, 113, 138, 176, 179, 201, 212, 301 Cavalière, Alexandre (vln): 32 Cercle Sweet and Hot: 96 Chakachas: 62, 78 Chantrain, Emile (cl, ts): 79, 86 Charlier, André (dm): 36, 161, 237 Charlier, Francis (g): 172 Claessens, Pierre ‘Pitou’ (cl): 91, 92 Claeys, Anthony (g): 31 Clais, George (tp): 55, 58 Clark, Gus (p): 62 Clark, Pol (ts): 62 Clarke-Boland Big Band: 28, 68, 69, 70, 84 Clement, Johan (p): 76 Clever, Jay (Jack Kluger) (lead): 58, 59 Closset, Pol (tp): 95, 105, 244 Clouds, The: 79 Collectif du Lion, Le: 143, 221 Collegians, The: 53, 58 Collette, Olivier (p): 39 Collignon, Raymond ‘Coco’ (p): 56, 72 Cooijmans, Bas (b): 78, 240 Coolen, Jef (tp): 86 Coppieters, Francis (p, arr): 17, 68, 70, 71, 85 COS: 38, 89, 211 Cosa Nostra: 89 Costy, René (vln): 57 Cotton City Jazz Band: 91, 92, 95 Couroyer, Benny (ts, vln): 79, 86 Cox, Alphonse (tp): 51 Craps, Ernest (voir David Bee) Creado, Pros (s): 79, 86 Cruyt, Jacques (tp): 91 Dartsch, Bob (dm): 95 De Backer, Jan (tb): 124, 289 De Bie, Ivon (p): 54, 55, 58, 69 De Boeck, Jeff (dm): 55, 58, 70 De Bondt, Freddy (ts): 61 Debray, Fernand (tp): 56 Debrulle, Michel (dm, perc): 89, 143, 221, 224 De bruyn, Steven (hca): 11 Decae, Phil (p): 61 De Cauter, Dajo (b): 32 De Cauter, Koen (g, ss, ts, voc): 96 De Ceunynck, Camille (p): 96 De Cock, Joris (tp): 92 De Cock, Marcel (anches): 58 De Cock, Omer (ts, cl): 58 Decock, Philippe (synth, p): 206 De Coninck, Jan (tp): 96 De Cort, Danny (g): 268 De Doncker, Els (tp, fl): 30, 40 Deep Creek Jazzuits: 96 Deep in the Deep: 38, 119, 153, 237 Defoort, Bart (ss, ts): 17, 30, 39, 40, 43, 70, 117, 124, 147, 251, 255, 293, 298 Defoort, Kris (p): 30, 38, 39, 40, 43, 105, 117, 121, 123, 148, 151, 197, 221, 222, 226, 228, 233, 238, 255, 266, 274, 286 Degryse, Fabien (g): 30, 37, 42, 43, 156, 177, 263 de Haas, Jan (dm, vib): 39, 95, 118, 156, 177, 206, 212, 253, 292, 298, 300 Dehaes, Robert Louis (tp): 56, 58, 79 De Kers, Robert (tp, p): 53, 56, 57, 59, 61, 65, 74, 94, Delahaut, Jean (b): 56 De Latte, Eddie (vln): 63, 94 Delbecque, Martha (voir Martha Love) Deloof, Gus (tp): 52, 55, 56, 58, 69, 94 Delplancq, Frédéric (ts): 31 Deltenre, Patrick (g): 30, 39 Deltour, Emile (voir Eddie Tower) De Maeseneer, Mark (s): 31 Demagogue Reacts, The: 39, 268 Demany, Jack (s, vln): 54, 58 De Mayer, Clement (b): 79, 134 Demeuldre, Léon ‘Bodash’ (dm): 61 De Meyer, Jan (dm): 32 Demol, Léon ‘Podoum’ (tp): 61, 95, 105 Demuynck, Jo (dm): 70, 75, 85 Denis, Daniel (dm): 217, 240 De Nolf, Bart (b): 31, 86, 106, 157, 197, 257 Deprez, Ruben (tb): 254 De Prins, Thomas (p): 96 Deronde, Freddy (b): 77, 89, 136, 161, 174, 244 Dersin, Gene (as, cl): 57 De Rudder, Michel (bs): 25 Deruyter, Frank (ts): 166, 251 De Smaele, René (tp): 95 Desmedt, Billy (org): 73 De Smet, Philippe (dm): 92 De Smet, Tomas (b, dm, voc): 254 Desmyter, Fré (p): 31, 119 Detaeye, Norbert (p, voc): 92 De Troch, Walter (p, bjo): 91 Devisscher, Christophe (b): 32, 197, 258 Devos, Eddy (as, ts, bs): 40, 86, 96 Devos, Ferry (b): 95 Dewulf, Tom (dm): 32 Dickenscheid, Michel (ts): 25, 81 Diva Smiles: 151, 263 Dixie Ramblers: 95 Dixie Stompers: 91 Dixieland Gamblers: 244 Doctor Mysterious Six: 53 Dolne, Chas (g, vln): 54, 56, 58, 69 Doneux, Bilou (dm): 119, 251 Donni, André (ts, cl): 38, 41, 94, 95, 96, 211 Donni, Willy (g): 94, 95, 96, 132 Dorcean, Patrick (dm): 247 Dossche, Guy (bs, cl): 79, 86 Douchamps, Jean (voir John Sweetfield) Dover, Johnny (bs): 73, 89, 95, 105 Draelants, Armand (dm): 55 Dubois, Paul (b): 41, 73, 94, 95, 105, 244 Duerinckx, Kris (dm): 230 Dumont, Paul (p): 279 Dumoulin, Jozef (p): 31, 285 Dusoir, Ronnie (dm): 165 Dynamite, Tony (Charlie Pauwels) (d): 95 Dynamite Trio: 95 Ecaroh: 41, 43, 78, 113, 159 Eddyn, Jacky (s): 86 Emanon Five: 250 Engelen, Frank (g): 55, 58, 59, 69 Erbstösser, Christoph (p): 197, 260, 283 Evans, Jean (p): 79, 134 Evens, Luc (b): 237 Excellos Five, The: 53 Experimental-Jazz Trio: 194 Faisant, Raoul (ts, cl): 49, 57, 65, 67, 69, 74, 81 Fanis, Jean (p): 28, 71, 72, 73, 74, 76 Favarel, Frédéric (g): 101 Feyaerts, Pol (b): 165 Fiorini, Fabian (p): 161, 226 Fissette, Nic (tp): 61, 71, 72, 76, 86, 89, 161 Fiszman, Nicolas (elb): 206 Flat Earth Society: 39, 217, 219, 236, 289, 291, 292 Flechet, Léo (p): 77 Flush, Paul (org): 39, 268, 269, 270 Fondy Riverside Bullet Band: 73, 92 Foofango: 39, 42, 265, 267 Frankel, Rudy (perc, dm): 28, 71, 72, 73, 95 Franken, Rob: 18, 22 Frédéric, Gaston (ts): 51 Frémaux, Louis (lead): 49 Frivole Framboos, De: 267 Full Moon Trio: 165 Galland, Stéphane (dm): 89, 109, 110, 111, 139, 141, 167, 168, 201, 204, 228, 245, 247, 271, 275 Garny, François (b, voc): 31, 39, 172, 248 Gebler, Jean-Pierre (bs): 81 Geers, Didier (dm): 92 Gerstmans, Samuel (b): 32 Gevaert, Pol (b): 91 Gielen, Bert (org, p): 247 Gistelinck, David (voir David Linx) Gistelinck, Elias (lead): 35, 72, 81, 83, 85, 206 Glorieux, Remy (bb): 51 Godfroid, Marc (tb): 30, 37, 42, 123, 124, 162, 217 Goessens, Kris (p): 30, 38, 46, 262 Goffin, Robert (tp): 51, 94 Golden River City Jazzband: 91 Goldstein, René (René Goossens) (b): 59, 62, 70, 85 Goossens, René (voir René Goldstein) Goudbeek, André (as, bcl, ban): 30, 38, 44, 81, 87, 165, 185, 217, 282 Goya, Francis (voir Jo Van Wetter) Goyens, Al (tp): 56, 76 Grande Formation, La: 117, 143, 221, 238 Grand Groove: 166 Greetings From Mercury: 39, 41, 167, 177, 179 Greindl, Henry (g, b, synth): 212 Grynrock, Guy (p): 74 Gumbo Four: 92 GVA Quintet:: 119 Gyselinck, Tony (dm): 31, 86 Harnie, Edmond (tp): 42, 58, 79, 85, 86, 163 Harvengt, René (vib, p, perc): 197 Hatzi(georgiou), Michel (elb): 22, 31, 37, 45, 89, 109, 110, 111, 113, 147, 182, 194, 197, 206, 231, 247, 253, 257, 271, 275, 283, 285 Helios Quartet: 253 Hellemans, Marcel (ts): 62 Hendrick, Laurent (btb): 124 Hendrickx, François (tb): 86 Hermans, Willy (lead): 96 Hermia, Manu (as, ss, fl, voc): 17, 39, 43, 171, 248, 293 Herouet, Marc (p): 44, 49, 95, 244 Herr, Michel (p): 17, 22, 37, 38, 44, 45, 77, 78, 84, 89, 90, 105, 113, 123, 124, 129, 139, 156, 157, 161, 172, 182, 187, 197, 204, 231, 233, 237, 245, 250, 268, 274, 288, 298 Hertmans, Peter (g): 30, 38, 39, 41, 43, 124, 141, 167, 176, 255, 285, 292 Heuvinck, Bert (cl): 91 Heyne, Joe (arr, comp): 81 Heyninck, Buddy (dm): 56 High Voltage Sextet: 179, 267 Hirsch, Lucien (s, cond): 57, 58 Hollander, Marc (ky, bcl): 240 Hot Club St.-Niklaas big band: 96 Hot & Swing A.D.O.: 53 Houben, Gregory (tp): 31 Houben, Steve (as, ss, fl): 16, 30, 37, 38, 39, 42, 43, 45, 67, 76, 87, 89, 105, 113, 129, 139, 147, 156, 174, 180, 184, 200, 211, 212, 213, 216, 231, 237, 245, 248, 263, 266, 274, 288, 298 H Septet: 38, 238, 283, 301 Hus, Walter (p): 226, 228 Ingeveldt, Vic (ts, cl, fl): 57, 58, 62, 86 Inner Space Band: 283 Isbin, Gilbert (g): 38, 184 Jacobs, Léon (tp): 52 Jacquemyn, Peter (b): 166, 185 Jadot, Sébastien (tb): 201 Jambangle: 39, 260 Janssens, Jonas (s): 31 Jaspar, Bobby (ts, fl, cl, bs): 28, 36, 43, 61, 65, 66, 67, 68, 71, 72, 82, 84, 132, 213 Jaspers, Pol (ts): 96 Jazz Addiction Band, The: 113, 288 Jazz Combine: 75 Jazz for Fun: 26, 73 Jeanne, Robert (ts): 43, 77, 89, 90, 129, 161, 174 Jeggpap New Orleans Jazzband: 37, 91, 92, 65 Jonckeer, René (p): 40, 260, 262 Joossens, Philip (p): 31 Joris, Bert (tp, buglr): 30, 36, 37, 38, 39, 41, 42, 44, 86, 105, 107, 118, 119, 122, 123, 124, 127, 134, 174, 176, 177, 187, 219, 220, 231, 233, 250, 260, 267, 275, 277, 283, 293, 297 Joris, Chris (dm, perc, p): 31, 38, 40, 42, 44, 147, 148, 184, 193, 206, 212, 240, 260, 265, 267, 268, 285, 297 Jos Moons Big Band: 96, 250 Jowat, Pierre (d): 76 Jump College, The: 61, 72 Jun(e), Jean-Jacques (Jacky) (ss, as, ts): 61, 72 Kamikaze: 217, 236 Kay, Mary (voc): 62 Kellens, Christian (tb): 68, 71, 85 Kempf, Gene (b): 55, 58 Kennis, Vincent (elb): 240 Kleptomania: 240 Kletchkovsky, Nic(olas) (b): 76, 85, 86, 89, 161, 174 Kluger, Jack (vr Jay Clever) Knapen, André (tb): 95, 244 Knegtel, Charlie (tp): 71, 79 Komac, Jean-Philippe (dm): 40 Kot Jazzmen: 61 Kowalski, Anja (g): 291 Kriekels, Jacques (ts): 57, 58 Kuijken, Jan (cello): 255 Kummert, Nicolas (ts): 31, 258 Lafertin, Fapy (g): 96 Laine, Peter (Marcel Peeters) (as, arr): 79 L’Ame des Poètes: 156, 245, 263, 267 Langue, Albert (tp): 40, 41, 91 La Rocca, Sal(vatore) (b): 22, 31, 118, 172, 177, 196, 215, 257, 292 Lasoen, Isolde (dm): 32 Lattuca, Gino (tp, bugle): 31, 89, 124, 148, 172, 197, 222, 267, 288 Lauwers, Raymond (s): 74 Leblanc, Philippe (s, bcl): 197, 222 Lebrun, Franz (acc, as, ts): 76 Leclère, Jean (p): 65, 132 Lecomte, André ‘Druss’ (aussi ‘Babs’) (p): 96 Leeuwe, Hinderik (tp): 95 L’Eglise, Frans (as, cl): 79, 86 Legnini, Eric (p): 30, 36, 37, 77, 110, 113, 139, 201, 237, 245, 247, 275, 288 Lemon Air: 37, 182 Lepage, Albert (voir Bert Paige): Lesire, Alain (p): 49, 95 Letellier, Emile (g): 242 Leybaert, Emiel (d): 91 L’herbette, Nicolas (b): 39 Lhost, Freddy (cl, as): 61, 85 Libon, Charles (b): 66 Liefsons, Andres (vib): 43 Liégeois, Quentin (g): 32 Liénard, Jean-Pierre (g, bjo): 95 Lilith: 78, 89, 197 Limbourg, Dieter (as, cl, fl): 30, 124, 179 Linx, David (David Gistelinck) (voc): 30, 36, 37, 38, 39, 40, 43, 109, 194, 206, 213, 255, 263, 271, 275, 277, 298, 300 Locurcio, Marco (g): 30, 176, 179 Logist, Lou (acc): 58, 69 Lognay, Pierre (g): 30, 37, 39 Loos, Charles (p): 30, 37, 38, 39, 42, 43, 45, 90, 95, 105, 138, 156, 182, 197, 200, 201, 211, 213, 231, 244, 245, 263, 285 Loozen, Eddy (p): 253 Loriers, Nathalie (p): 22, 30, 36, 38, 39, 41, 42, 43, 118, 119, 121, 122, 157, 197, 213, 248, 259, 260, 274, 275 Lots, Charlie (tp): 62 Love, Martha (Martha Delbecque) (v): 58 Luypaerts, Claude/Claudine (voir Maurane) Määk’s Spirit: 38, 41, 118, 119, 121, 221, 253 Mad Spirit: 238 Mahieu, Tom (ts, ss): 31, 40 Malempré, Frédéric (perc): 32 Manssens, Nico (dm): 32 Mardens, Vincent (ts, as): 95 Mardens, Vivi (dm): 95 Maris, Bart (tp): 31, 96, 166, 185, 217, 254, 268, 291 Martini, Stéphane (g): 30 Massart, Arnould (ky): 37, 222 Massot, Michel (tb, tu): 30, 89, 119, 143, 145, 201, 221, 252, 253, 266 Mast, Michel (ss): 165, 194 Maurane (Claude/Claudine Luypaerts) (voc): 37, 211, 230, 268, 283, 288 Mauve Traffic: 81, 89, 182 Mentens, Chris (b): 40 Mercier, Laurent (dm): 70, 156 Mercini, Marc (Marc Mestrez) (tb): 86 Merry-Go-Round: 182 Mertens, Lode (tb): 124, 179 Mertens, Theo (tp): Mestrez, Marc (voir Marc Mercini) Meyer, Sara (s): 31 Miami Jazz-Band, The: 53 Michaux, Pascal (p, s, cl): 95 Michiels, Frank (perc): 39, 206, 268, 269 Milkshake Banana: 268, 292 Minstrels A.D.O., Les: 53 Modern Brass Band, The: 74 Moeremans, Jean (as): 49 Mohawk’s Jazz Band: 53 Mohy, Pascal (p): 31 Morales, Garcia (dm): 89 Morales, Janot (tp): 54, 58, 69, 74, 85, 86, 94 Mores, Roger (p): 72 Morrel, Eric (ts): 254 Moulin, Marc (p, ky): 31, 35, 39, 78, 89, 90, 129, 136, 160, 175, 188, 211, 217, 265, 268 Mox, Georges (ts): 74 Mues, Jan (bugle): 219, 250 Murlot, Eddy (p): 95 Naret, Bobby (as, cl): 55, 57, 58, 69, 94 Nasa Na: 89, 110, 204, 271 Neve, Jef (p): 31 New Jazz Group: 82 New Look Trio: 74, 76 New Orleans Roof Jazzmen, The: 91 Nihoul, Jan (vib): 31 Nijs, Koen (s): 31 Nsita, Willy (elb): 172 Nuyts, Frank (perc, comp): 236 Octors, Georges (vln): 57, 221 Octurn: 39, 40, 119, 122,147, 153, 154,155, 162, 225, 237, 238, 250, 255 Odds On: 230 Ode For Joe: 41, 43, 177, 197 Omer, Jean (s): 3§, 52, 54, 55, 56, 69, 94 Open Sky Unit: 89, 189, 182, 265 Original Patershol Ragtimers, The: 92 Overberghe, Cel (ts): 281 Ouwerx, John (p): 52, 54, 56 Packay, Peter (Pierre Paquet) (tp): 44, 51, 52, 53, 57, 58, 94 Paduart, Ivan (p): 30, 33, 38, 39, 176, 197, 215, 213, 230, 251, 255 Paessens, José (anches): 86 Paige, Bert (Albert Lepage) (arr): 79 Pallemaerts, Dré (d): 18, 31, 37, 44, 118, 174, 187, 212, 231, 247, 248, 253, 257,260, 262, 267, 274, 275, 277, 283, 285, 287, 292 Pantha Rhei: 182, 183, 212 Pâques, Jean (p): 49, 53 Paquet, Pierre (voir Peter Packay) Paré, Michel (tp, bugle): 124 Parfum Latin: 117, 157, 212 Patigny, Renaud (p): 96 Pauwels, Charlie (voir Tony Dynamite) Pay Day In March: 236 Payen, Stéphane (as): 237 Peeters, Arthur (b): 56, 57 Peeters, Jan (bs): 254 Peeters, Marcel (voir Peter Laine) Peeters, Yves (dm): 32 Pelzer, Jacques (as, fl): 16, 26, 28, 37, 38, 62, 65, 66, 67, 73, 75, 77, 82, 106, 129, 132, 136, 138, 157, 180, 196, 203, 204, 222, 231, 237, 245, 263, 265, 275, 288, 293, 298 Pelzer, Micheline (dm): 67, 182 Peret, Johnny (dm, vib): 73, 132 , 145 Pernet, Robert (dm): 25, 26, 42, 47, 50, 53, 81, 83, 97, 134 Philipot, Ferdinand (b): 197 Pierreux, Ewout (p): 31 Pilartz, Luc (vln): 182 Pintens, Tom (ky): 254 Pirotton, Jacques (g): 30, 36, 41, 141, 182, 237, 283, 288 Placebo: 39, 78, 89, 129, 160, 161 Plumacker, Alexandre (tp): 31 Plume, Serge (tp, flhn): 31, 36, 123, 124, 163, 219 Poliet, Lucien (d): 56, 57 Pollain, Daniel (ts): 31, 95 Poriau, Roel (d): 254 Pork Pie: 133, 137 Porter, Bob (p): 76, 86, 259, 268, 283, 293 Pougin, Stephan (d): 32, 182 Poumay, Olivier (hca): 11 Pousseur, Denis (comp): 224, 228 Prawerman, Antoine (cl, bcl): 38, 110, 117, 121, 226, 237 Prins, Jeanfrançois (g): 30, 39, 77, 78 Putsage, André (d): 66 Quartier, Bart (vib): 31 Quersin, Benoît (b, ob, cello, tu): 26, 28, 35, 66, 67, 71, 73, 136 Radoni, Paolo (g): 30, 37, 95, 147, 172, 175, 179, 197, 238, 250 Ragatzu, Paolo (p): 172 Raiff, Guy (g): 30 Rassinfosse, Jean-Louis (b): 39, 42, 105, 113, 156, 159, 177, 178, 197, 201, 211, 240, 242, 263, 275 Rebelles du Rythme, Les: 288 Red Beans, The: 53 Reinhardt, Django (g): 12, 42, 54, 55, 57, 58, 68, 69, 96,133, 134, 242 Remue, Chas. (Charles) (as, cl): 51, 52 54, 55, 57 Renard, Johnny (tp, vib): 76, 81 Rêve d’Eléphant Orchestra: 117, 119, 143, 146, 159, 221 Robert, Babs (ts): 26, 81, 83 Robert, Jean (ts): 53, 56, 58, 60, 69, 94 Robert, Pierre (g): 65, 66 Rockin, Willy (as): 74, 75,94Ï Romeo, Daniel (b): 31, 172, 203, 205, 247, 257, 276 Ronsse, André (ts, cl): 95 Rose, Frankie (g): 30 Rose, Roger (as): 62 Rottier, Freddy (dm): 28, 74, 75, 76, 85, 87, 89, 95, 125 Rousselet, Richard (tp, bugle): 28, 30, 31, 37, 38, 41, 43, 45, 70, 77, 89, 90, 95, 96, 113, 118, 119, 129, 139, 147, 156, 159, 160, 174, 182, 200, 245, 247, 255, 263, 283, 288, 293 Sadi (Lallemand) (vib, voc, bongo’s): 26, 28, 31, 36, 38, 39, 41, 42, 65, 66, 67, 68, 70, 72, 74, 75, 82, 85, 86 Saerens, Joachim (p): 235 Saguet, Arthur (anches): 54, 56, 57, 58 Sainderichin, Thomas (b): 32 Sambal Oelek: 237 Sandy, Herman (tp): 26, 41, 61, 65, 71, 73, 74, 75, 95 Sardjoe, Chander (dm): 226, 228, 253 Sax No End: 43, 70, 113, 250 Saxo 1000: 43, 67, 77, 81, 175, 182, 245 Saxorama: 72, 75, 79, 84 Sax-Port: 43, 70 Schaller, Christine (p, voc): 77, 240, 301 Schell(ekens), Daniel, (g): 211 Schepers, Nico (tp,bugle): 31, 96, 119, 124, 179 Schillebeeckx, Raphaël (g): 30 Schreurs, Jokke (g): 96 Schroeder, Jean-Pol (p): 25, 40, 67, 82, 89, 222 Scorier, Alex (ts): 26, 81, 89, 95, 102, 129, 132 Seba, Michel (perc, voc): 31, 39, 172, 248 Segers, Henri (p): 56, 63, 68, 76, 85, 86, 94 Segers, Steven (voc): 41, 167, 169, 171 Sels, Jack (ts): 28, 46, 61, 67, 68, 69, 71, 72, 73, 74, 75, 76, 79, 82, 84, 86, 87, 94, 133 Semenoff, Igor (vln): 212, 300 Session d’une heure: 62, 67 Simon, Claudine (p): 78, 89, 197 Simtaine, Félix (dm): 28, 31, 37, 74, 77, 89, 96, 101, 105, 107, 129, 138, 139, 147, 161, 163, 174, 175, 176, 188, 197, 203, 212, 213, 221, 240, 245, 255, 263, 274, 283, 292 Sketches: 117 Slang: 39, 171, 172, 248 Sluijs, Ben (as, fl): 17, 30, 38, 39, 41, 44, 70, 240, 248, 253, 262, 293 Solbach, Henry (s): 58 Solis, Lacus: 38, 77, 78, 89, 129, 161, 174 Solstice: 174, 182 Somer, Emmanuelle (ob): 252 Son, Pascale (voc): 211 Souris, Léo (p): 44, 73, 82 Squinquel, Roger (tb): 56 Stokart, Daniel (as, ss): 301 Struvay, Milou (tp): 81 Sunder(mann), Freddy (g, voc): 26, 75, 79, 86, 95, 134 Sweetfield, John (Jean Douchamps) (g): 70 Sweet Substitutes: 78, 95, 188, 211 Swing Dealers, The: 95 Swingtet Pont d’Avroy: 65 Take The Duck: 257 Talbot, Marie-Sophie (p): 31 Ten-Tamarre: 31, 77, 101, 113, 250 Terby, Fernand (vln): 72 Thielemans, Eric (dm): 119, 184, 250, 253 Thielemans, Toots (hca, g): 9, 26, 30, 37, 41, 42, 61, 65, 66, 67, 69, 70, 71, 72, 73, 74, 97, 101, 105, 118, 123, 124, 126, 127, 129, 136, 138, 156, 157, 175, 177, 182, 194, 197, 203, 204, 206, 212, 213, 215, 230, 233, 245, 255, 263, 268, 275, 277, 283, 288, 298 Thijs, Pieter (g): 32 Think Of One: 217, 236, 254 Thomas, René (g): 36, 4, 65, 66, 67, 72, 75, 77, 81, 82, 84, 129, 132, 133, 136, 156, 177, 180 Thompson, Lucky (ts): 65, 70, 73, 75 Thunis, Jacky (dm): 61 Thys, Nic(olas) (b): 18, 31, 41, 118, 119, 124, 147, 153, 167, 233, 247, 251, 255, 285 Thys, Toine (s): 31 Thyssen, Roland (p): 61, 72 Tough Talk: 262 Tower, Eddie (Emile Deltour) (vln): 54, 57 Train Jazzband: 91 Tribolet, Xavier (ky, synth): 172, 247 Trinacle: 263, 266 Trio Bravo: 37, 89, 143, 145, 221, 224, 263 Trio Grande: 89, 143, 146, 221, 224 Tuomarila, Alexi (p): 39, 258 Turf(kruyer), Harry (anches): 58 Vaganée, Frank (as, ss, fl): 17, 30, 36, 39, 40, 41, 42, 44, 45, 123, 124, 127, 163, 177, 215, 233, 251, 259, 267, 283, 292 Vaiana, Pierre (ss, ts): 30, 37, 39, 42, 43, 110, 145, 148, 150, 156, 184, 194, 206, 224, 263 Vaillant, Franck (dm): 237 Van Acker, Benny (b): 32 Van Acoleyen, Bruno (tp): 92 Van Agt, Martijn (g): 247 Van Bemst, Henri (cl): 134 Van Beul, Martijn (b): 32 Van Breedam, Camiel (tb): 92 Van Breedam, Johnny (tp, voc): 92 Van Caenegem, Bart (p): 31, 124, 179, 267, 287 Van Camp, Sus (tb): 54 Van Colie, Arne (p): 43 Vanden Bosch, Luc (dm): 43, 76, 95 Vandendriessche, Johan (bs, dm): 30, 37, 39, 268 Vandendriessche, Koen (dm): 197 Vandendriessche, Peter (as): 30, 37, 86, Vandenheuvel, Jean (voir Jean Warland) Vander Borght, Ivo (dm): 282 Vanderborght, Jean-Paul (Jean-Lou) (p): 73, 91, 96 Vanderborght, Joanna (voc): 73 Van der Harst, Dick (ban, g) : 43 Van der Linden, Dirk (g, p, org): 31, 40, 95, 96 Van der Ouderaa, André (ts): 56 Van der Plassche, Anne (voc): 118, 233 Van der Slock, Franky (s): 31 Vanderstraeten, Benoît (elb): 36, 161, 237 Van der Werf, Bo (bs): 30, 70, 119, 124, 147, 226, 228 Van der Werf, Otti (el b): 118, 119, 167, 168, 226, 233, 271 Van Deun, Karel (g): 30 Van de Ven, Jan (dm): 279 Van de Walle, Armand (dm): 79, 134 Van Dijck, Frans (tb): 86 Van Dijck, Tom (s): 31, 230 Van Dormael, Pierre (g): 30, 39, 42, 44, 45, 89, 109, 110, 153, 156, 169, 171, 194, 200, 206, 212, 226, 263, 271, 275 Vandorpe, Jimmy (b): 95 Vandresse, Jean-Marie (p): 66 Vandriessche, Romain (tb): 91 Van Drogenbroeck, Joel (p): 81 Van Eyck, Maurice (dm): 92 Van Gysegem, Paul (b): 83, 281 Vanhaverbeke, Roger (b, vln): 26, 28, 31, 68, 71, 72, 74, 75, 82, 86, 95, 157, 244, 257, 274 Van Hecke, Denis (cello): 240 Van Herck, Kurt (ts): 17, 30, 37, 38, 39, 42, 43, 44, 105, 124, 197, 215, 233, 247, 251 253, 255, 263, 274, 285, 292 Van Herzeele, Jeroen (ts): 17, 30, 38, 41, 42, 43, 70, 118, 119, 17, 167, 169, 177? 215, 251, 255 Van Hove, Fred (p, org, acc): 30, 38, , 81, 82, 87, 150, 165, 166, 184,185, 194, 278 Van Lint, André (p): 49, 95 Van Lint, Jean (b): 95 Van Loy, Steven (b): 32, 166 Van Marcke, Karel (p, comp): 260 Vann, Erwin (Vanslembrouck) (ts): 17, 30, 37, 43, 44, 45, 118, 123, 124, 157, 176, 177, 233, 253, 262, 274, 275, 283, 292 van Oost, Hans (g): 30 Van Peteghem, Alajos (tb): 91 Van Reyn, Leen (b): 32 Vansina, Bruno (s): 31 Van Spauwen, Herman (cl): 96 Vantomme, Dominique (p): 31 Van Wetter, Jo (Francis Goya) (g): 55, 70, 79, 134 Vegetal Beauty: 119, 121, 237 Venken, Lieven (dm): 32, 179, 267, 287, 298 Verbiest, Rony (acc): 38, 118 Verbist, Piet (b): 31, 45, 250, 262 Verbruggen, Teun (dm): 32, 166; 258 Verderame, Mimi (dm, g): 30, 39, 172, 197, 203, 215, 268, 288 Verhaegen, Jef (as, cl): 79 Verhaegen, Peter (b): 32, 179, 267 Verhas, Peter (ts, cl): 95 Verhelst, Louis (g): 31 Verhelst, Peter (g): 31 Verheyen, Robin (s): 31 Verhulst, Dries (g): 31 Verlackt, Alphonse (voir Al Verlane) Verlane, Al (Alphonse Verlackt) (dm): 69 Vermandel, Mario (b): 31 Vermeersch, Peter (cl, ts): 217, 236, 289 Vermeulen, Erik (p): 30, 39, 44, 147, 172, 250, 253, 255, 267, 275, 292 Verschueren, Etienne (as, ts, acc): 28, 38, 69, 71, 74, 76, 83, 84, 85, 86, 123, 162, 163, 164, 187, 212, 245, 268 Versweyveld, Sam (tp): 31 Vervloesem, Pierre (g): 289 Vets, Tim (g): 31 Vhentat, Rhonny (s): 31, 43 Vinche, René (dm): 53 Viseur, Gus (acc): 36 Vloemans, Sam (tp): 31, 166, 167 Vranckx, Ernst (p): 38, 39, 119, 147, 297 Waikiki Jazz Band: 51, 53 Wanders, Kris (s): 279 Wante, Patrick (dm): 96 Ward, John (dm): 61, 66, 70, 71 Warland, Jean (b, acc): 17, 28, 31, 41, 42, 43, 61, 66, 67, 68, 69, 71, 74, 75, 85, 96, 113, 123, 244, 250 Waterschoot, Cedric (b): 32 Wauters, Dirk (perc): 185 Wery, Olivier (dm): 32 West Music Club: 78, 96 Weyters, Bram (p): 31 Wharton, Rud (acc): 74 White Diamonds, The: 53 Wissels, Diederik (p): 30, 36, 37, 38, 39, 42, 148, 194, 206, 208, 209, 213, 259, 275, 298 Wolf, Anne (p): 30, 39, 212 Wouters, Filip (g): 32 Wouters, Tobe (tu): 254 Wouters, Tom (cl, perc): 236, 254, 292 X-Legged Sally: 217, 220, 289 Yellow City Big Band: 250 Zanello, Daniel (b): 43, 95, 145 Zinzen, Mike (as): 75, 279 Zurstrassen, Pirly (p): 30, 38, 39, 138, 145, 157, 201, 203, 213, 238, 263, 283, 301