Antoine Wiertz : Étude Biographique
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ÉTrDîi /T fü . LOÜÏSaL AB ABRE V AVjj^is'u imi K usnm et ïa : d’.î PATao<r«-h,. > W «fl tottfl wt Bwo et /ii>;‘ <% îi 1 lw( !- ‘-jr^ , . ' * î- ? 'jf BRUXELLES ^ / >'ArLÜd chez' I/AUTEÜR, 24 , aUE DE ET CHEZ TOL'S LjEk» LUittAntj-;i f ft 4»#._ I r te' V I _ U Bruxelles, typographie lie A. .Mrr.rExs et Fïls, rue de rEscalier, 0 ÉTUDE BIOGRAPHIQUE LOUIS L ABARRE AVEC LES LETTRES DE L’ARTISTE % et la Photographie du patrocle. 1 Une loi'c osi inun champ de bataille. » imUXELLUS, CHEZ L’AUTEUR, 24, RUE DE NAPLES, ET CHEZ TOUS I.ES LIBRAIRES. 1 naa. SOMMAIRE Étude biographique 5 Lettres de Wiertz 17r» Les Feuilletonistes T/ , ANTOINE WIEIÏÏZ I Ce n’est pas à la lueur des funérailles que surgit l’iiistorien d’Achille. Les vivants sont trop près de cette tombe. Au sein de la première nuit, les choses merveilleuses de la réaliid luttent, parmi les esprits, avec le dernier crépuscule de la légende. Pilles vont s’j perdre avec l’imagination populaire. A l’approclic du jour, les superstitions de la nuit iront s’en- sevelir, à leur tour, dans les fabuleuses visions de la veille, faisant place <à l’irrévocable témoignage des yeux. C’est l’heure indécise d’après minuit, où l’aube seulement du grand lendemain descend sur la bannière renversée de la tente en deuil. Sur l’héroïque figure dont les yeux viennent de se clore, l’ombre contemporaine joue encore avec la lumière naissante. Pour que le voile tombe et quQ le mort apparaisse dans toute la mesure de sa taille, il faudra le loin- tain et l’espace au grand jour. Aucun de ceux qui ont vu, la lance au poing, le vengeur de Patrocle, ne lira le bulletin qui, au livre de l’histoire. 1 — 6 - portera son nom parmi les victorieux. Le jour venu, un enfant de ce pays ou un voyageur parlant une langue étran- gère, passera le seuil de la tente veuve du capitaine. Là, s’il est celui qu’attend l’àme sur la tombe, saisi tout à coup d’un souffle surhumain, ce fds de la patrie ou ce citoyen du monde s’armera d’une plume d’airain, et, sous la dictée de l’esprit, retracera les grandes choses qu’il aura vues et qu’il aura ouïes. C’est ce nouveau venu qui imprimera le sceau du temps sur l’œuvre d’Antoine Wiertz, laissant lui-même la trace de son nom inconnu sur le parchemin qui doit vivre avec le mort. Il y aura longtemps alors que l’homme des combats dor- mira au champ d’honneur. Mais, qu’importe le jour qui verra la main de l’histoire ? Il peut attendre le monument écrit celui qui s’est élevé à lui-même un monument plus durable que le bronze du poêle. Pour lui , elle sonnera à temps, la fanfare qui doit retentir à travers les âges. II Mais des hommes vivants aujourd'hui se sont assis à son foyer. Ils ont touché la main armée du pinceau des combats. Ils l’avaient vu partir de ses chers rochers natals pour les premières campagnes. Ils avaient essuyé sur son front la poussière de la lutte des géants. Ils l’avaient suivi sur les champs de bataille de la patrie et de l’étranger. Ils avaient rompu avec lui le pain de la confraternité des armes. Ils avaient escorté, dans le groupe fidèle, le combattant couvert des palmes teintes de son sang. Ils l’ont vu enseveli dans le triomphe. Sur le lit de repos, ils ont donné au héros endormi le dernier baiser de ce monde. Mais ni les larmes amères du long adieu, ni le deuil de leur vie ne les auront acquitte's envers une telle amitié. Le droit que Wiertz, dans une étreinte de sa main, leur fit sur son cœur, se change, devant la tombe, en un devoir envers l’histoire. La mort, en remettant à la postérité qui approche l’œuvre interrompue par elle, a mis fin à leur tâche envers l’homme. Non pas envers l’artiste, qui, comme un fidéicommis à restituer à l’avenir, leur confia les battements de son cœur, avec tous les traits aujourd’hui dans l’ombre, de sa grande face d’homme. A chacun sa part du devoir envers le mort, selon sa place aux côtés du vivant. Entre ceux à qui il avait fait une place dans sa destinée, on compte les compagnons de la veille et ceux qui n’arrivè- rent qu’aprcs les batailles gagnées. De ceax qui, le soir du triomphe, vinrent saluer le pinceau couronné de lauriers, quelques-uns aussi furent les bienvenus. Pour le compagnon de la veillée des armes, il restait une place à part au foyer du capitaine. C’est qu’avant la nuit radieuse de la journée décisive, il s’est passé des nuits sombres et des jours de victoire incer- taine. Il y a eu alors de larges blessures à panser. 11 y a en des cris de détresse partis d’un cœur d’homme. Il y a eu des angoisses et une ombre mortelle dans une âme. Il a dû éclater, devant un seul, des pensées empreintes de la sueur de sang. Le compagnon qui alors était là, a dû se trouver, bien des années avant la chute aux bras de la gloire, le dépo- sitaire des suprêmes volontés du blessé. Au témoin de ces scènes du drame, une part de l’âme vaillante a dû être léguée pour être transmise aux hommes encore à naître. Que chacun, dans la mesure de sa bonne volonté, restitue ce qui lui fut confié du précieux dépôt. Dans l’ensemble des souvenirs que possèdent les amis survivants, il s’en retrou- vera de communs à tous ; d’autres qu’un seul, Wiertz disparu — 8 — du monde, peut fournir pour la fidèle reconstruction de la figure couchée dans la tombe. Cependant, que des hommes lo3mux, amis ou ennemis, qui parcourront ces pages, nul n’y cherche la trace d’un senti- ment étranger au devoir. Le témoin qui parle ici ne se pré- sente que pour déposer des choses qu’il a vues ou entendues. Il lui a été donné d’assister de près aux journées de bataille, et sa part de souvenirs à fournir comme matériaux pour la page monumentale, se rattache aux seuls traits de la j)hysio- nomie militante. Il s’en acquittera avec le môme respect de l’œuvre accomplie, que si le grand mort s’asseyait dans sa tombe, pour prêter l’oreille au récit de son propre témoin. III. Aux jours oublieux de l’adolescence s’est attachée pour moi une des impressions inetfaçables de la vie. C’était sur les bords de la Meuse, dans une rue de ma petite ville natale. Un jeune homme passa tout à coup, au profil de marbre, à la longue chevelure noire, qui, le front large et le regard plein de lumière, s’en allait seul, marchant droit devant lui. Entre cette apparition et l’instant présent se déroule un espace rempli de vivants et de morts, d’événements qui pas- sent, de rois qui fuient, de peuples qui arrivent, d’empereurs qui violent des serments. Pourtant, je me le rappelle comme d aujourd’hui. J’en pourrais redire l’heure. C’était dans l’après- midi, un beau jour de congé au collège. J’ai devant les yeux le point juste de la rue. Je retrouverais le pavé où marchait, au moment fixe dans mon souvenir, le jeune homme au pas rapide. Il y avait, sur le côté, à chacun de ses souliers, une petite boucle d’acier qui luisait. Unique objet de son costume — 9 — .qui rappelât la mode du temps. Car il portait une sorte de tunique noire, un col blanc rabattu et un chapeau à larges bords. Il passa, il disparut. Pourquoi ce souvenir, debout et vivant dans ma mémoire, au milieu de tant d’autres effacés et tombés en poudre? Un des traits étranges de cette figure, c’était, au sortir de l’adolescence, le signe de la virilité sur la lèvre., Plus tard, un autre signe frappa les esprits. C’était la jeunesse em- preinte sur tous ses traits jusqu’au terme de la vie. Car, chez cet athlète d’une trempe supérieure, la pensée avait alors vaincu' le temps. La trace des années ne devait point s’y lire. L’imagination, en domptant la matière, y avait imprimé l’image de sa propre jeunesse. Je l’ai revu dans sa lutte avec les hommes des anciens jours. J’ai vu de près le profil de marbre contracté par la fureur du combat avec les morts et avec les vivants. J’ai revu la mâle et douce face animée par le dernier duel avec la tombe. Le doigt de la mort y avait imprimé l’auguste beauté du génie endormi pour les siècles. Mais en vain une nuit de juin était venue avec son froid linceul, et j’avais vu tomber Achille, frappé au seul point vul- nérable du pied. Le fantôme de la nuit fatale, avec son long crêpe noir déployé sur la ruine du temple antique (1), n’a pas enseveli dans mon esprit la fière et pâle apparition do ma jeunesse. Le mort y est resté le mystérieux passant dont une vie d homme garde la première et indélébile image. IV. Le peintre de et du Canon, mort à Bruxelles, le ISjuin 1805, à dix heures du soir, était né à Dinant, le (I) Le Musée Wierlz représente la ruine du temple de Neptune, à Pæstum — 10 — 22 février 1806, d'un pauvre ouvrier, du nom de Louis- François Wiertz, et d’une femme du peuple, Catherine Li- sière.