Danielle Bleitrach, Richard Gehrke, Bertolt Brecht Et Fritz Lang. Le Nazisme N’A Jamais Été Éradiqué
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1895. Mille huit cent quatre-vingt-quinze Revue de l'association française de recherche sur l'histoire du cinéma 78 | 2016 Varia Danielle Bleitrach, Richard Gehrke, Bertolt Brecht et Fritz Lang. Le nazisme n’a jamais été éradiqué. Sociologie du cinéma La Madeleine, LettMotif, 2015 François Albera Édition électronique URL : http://journals.openedition.org/1895/5155 DOI : 10.4000/1895.5155 ISSN : 1960-6176 Éditeur Association française de recherche sur l’histoire du cinéma (AFRHC) Édition imprimée Date de publication : 1 mars 2016 Pagination : 233-235 ISBN : 978-2-37029–078-6 ISSN : 0769-0959 Référence électronique François Albera, « Danielle Bleitrach, Richard Gehrke, Bertolt Brecht et Fritz Lang. Le nazisme n’a jamais été éradiqué. Sociologie du cinéma », 1895. Mille huit cent quatre-vingt-quinze [En ligne], 78 | 2016, mis en ligne le 15 juillet 2016, consulté le 23 septembre 2020. URL : http://journals.openedition.org/ 1895/5155 ; DOI : https://doi.org/10.4000/1895.5155 © AFRHC Revue_1895_78-16117 - 22.4.16 - page 233 233 CHRONIQUES soient ainsi disse´mine´es dans le chaˆteau mais l’on e´crit ainsi : « Issu de l’animation, le cine´ma margi- prend plaisir a` observer la correspondance, les pho- nalisa celle-ci pour en devenir finalement un cas tographies, les gravures, les films mais aussi les particulier » s’interroge : « comment les films Par- outils de l’artiste, le tout dans une ambiance d’ate- ker-Alexeı¨eff pensent-ils le cine´ma aujourd’hui ? » lier parfaitement rendue. Lucie Cabanes revient en de´crivant sur « le mode mineur – en l’occur- dans l’ouvrage sur le passage d’Alexeı¨eff de la gra- rence micrologique, analytique et interpre´tatif – vure a` la gravure anime´e, Marina Feodoroff rap- comment le dispositif biface Parker-Alexeı¨eff s’est pelle combien l’œuvre de Berthold Bartosch a e´te´ trouve´ imager la mutation du cine´ma ». primordiale pour Alexeı¨eff, qui mieux que l’artiste Le lecteur trouvera pour finir une filmographie en ´ canadienne, re´alisatrice de le Grand Ailleurs et le images ainsi qu’une selection de textes d’Alexandre 1895 petit ici (2012), pour e´voquer l’instrument dont Alexeı¨eff commente´s par Dominique Willoughby. elle se sert e´galement : l’e´cran d’e´pingles ; tout Le tout agre´mente´ d’une tre`s riche et tre`s belle ´ comme Jacques Drouin, re´alisateur du Paysagiste iconographie. Cet ouvrage des Editions de l’Œil REVUE D’HISTOIRE DU CINE de`s 1976. Occasion de rappeler que c’est graˆce a` a` qui l’on doit de´ja` deux autres beaux livres sur des ´ Norman McLaren (qui conside´rait Une nuit sur le cine´astes d’animation (Emile Cohl et Walerian mont Chauve comme un chef-d’œuvre absolu) et a` Borowczyk) est indispensable pour appre´hender l’Office national du film du Canada qu’un he´ritier l’exceptionnel travail d’Alexandre Alexeı¨eff et de avait e´te´ trouve´ a` Alexeı¨eff et a` Parker. Claire Parker, montreurs d’ombres. Marcel Jean consacre un article entier a` l’impor- Se´bastien Roffat tance de l’ONF dans la conservation de l’e´cran d’e´pingles ; Maurice Corbet retisse les liens existants entre le couple et Annecy tandis que Jean-Baptiste Danielle Bleitrach, Richard Gehrke, Bertolt Garnero et Sophie Le Te´tour dresse l’inventaire du Brecht et Fritz Lang. Le nazisme n’a jamais fonds Alexeı¨eff-Parker au sein du CNC. e´te´ e´radique´. Sociologie du cine´ma, La Made- ´ Le catalogue de l’exposition se termine par la re´so- leine, LettMotif, 2015, 397 p. MA n nance contemporaine de l’œuvre d’Alexeı¨eff-Par- Cet ouvrage due a` une sociologue d’Aix en Pro- ker. Philippe Moins e´voque ainsi Nag et Gise`le vence (l’Usine et la vie,Maspe´ro, 1979 ; Classe Ansorgeavecla«fluidite´ malle´able », Caroline ouvrie`re et social-de´mocratie. L’exemple de Lille et Leaf qui utilise de la matie`re a` l’e´cran (sable, pastel Marseille, E´ditions sociales, 1981) spe´cialiste de la sec et cire) et bien suˆr Youri Norstein avec le Conte mondialisation et du de´veloppement, du mouve- des Contes (« anime´ en papiers de´coupe´s, le film ment ouvrier ame´ricain et de l’Ame´rique latine o re´ve`le quelques affinite´saveclestyled’Ale- (Cuba, Fidel et le Che, le Temps des Cerises, 78 PRINTEMPS 2016 xeı¨eff »)... Pour la pe´riode plus contemporaine, 2008), reprend un me´moire de Maıˆtrise ancien sont e´galement e´voque´s Joan Gratz, Ferenc enrichi de conversations avec un architecte, Cako, Florence Mihaile, Piotr Dumala ou Alexan- Richard Gehrke (dont le nom n’apparaıˆt dans le dre Petrov qui exe´cutent tous le dessin sous la meˆme corps que celui de Bleitrach). Son objet came´ra ; William Kentridge (avec ses grands central est le film de Fritz Lang dont le sce´nario fusains anime´s) ou le street artist Vincent Glo- de de´part e´tait duˆ a` Bertolt Brecht, Hangmen Also winski et son « human brush » (la came´ra capte Die (les Bourreaux meurent aussi, 1943). L’analyse les images re´surgentes des mouvements du dessi- du film est de´ploye´een13chapitresquisont nateur) ont avec Alexeı¨efflesavoir-faireetla autant de « stases » examinant des questions sous- prouesse technique comme points communs. En jacentes, affe´rentes, connexes au film proprement conclusion, Herve´ Joubert-Laurencin, faisant en dit : de la mise en place de l’UFA a` la re´volution partie e´cho aux propos de Lev Manovich dans le spartakiste, de l’ave`nement du nazisme a` sa vic- Langage des nouveaux me´dias (2010 [2001]), qui toire, de Prague a` Hollywood (et de « Prague » a` Revue_1895_78-16117 - 22.4.16 - page 234 Hollywood), a` l’antifascisme aux E´tats-Unis puis du « vice-protecteur » de Boheˆme-Moravie, Rein- au maccarthysme. Si le livre s’ouvre sur un « syno- hard Heydrich, sinon marginalement (dans le psis » du film, ce n’est pourtant qu’au douzie`me groupe des otages figure un Juif) ? Heydrich e´tait chapitre qu’on aborde la « collaboration e´pique » un dignitaire nazi qui supervisait l’action d’Eich- entre Brecht et Lang. mann dans la de´portation des Juifs vers les camps Si la re´flexion sur le film lui-meˆme demeure inte´- de la mort, il a dirige´ l’entreprise des Einzatgrup- ressante le livre se ressent de l’e´poque ou` il a e´te´ pen en Russie, une anne´e avant son assassinat il est conc¸u et re´dige´ ou` nombre de sources n’e´taient venu s’entretenir avec Bousquet a` Paris des actions pas disponibles qu’il s’agisse de la biographie de a` entreprendre pour rationaliser les rafles et de´por- Lang – fortement ide´alise´e ici – comme des condi- tations des Juifs de France. L’autre question est : tions de production a` Berlin ou a` Hollywood de ce pourquoi n’e´voque-t-on pas la re´pression qui film et de quelques autres que l’auteure relie a` frappa la population tche`que en re´ponse a` cet celui-ci (M, You and Me, par exemple). Ainsi l’au- assassinat mais « invente-t-on » un complot de la teure dit n’avoir pu consulter le recueil de donne´es population de Prague, livrant un faux assassin a` compile´es par Bernard Eisenchitz a` partir des l’occupant, un collaborateur ? Les re´ponses fonds conserve´sparlaCine´mathe`que franc¸aise devraient eˆtre e´taye´es par les conditions de produc- (Fritz Lang au travail). C’e´tait sans doute vrai a` tion et de re´alisation de ce film, ses vise´es comme l’e´poque de son me´moire mais pas aujourd’hui ! l’encouragement a` la re´sistance et la de´nonciation En outre Plusieurs erreurs factuelles e´maillent l’ou- de la collaboration qui s’inscrit dans la « politique » vrage (Paul Dessau cre´dite´ de la musique de Kuhle hollywoodienne encourage´ede´sormais par Wampe) et quelques « raccourcis » ternissent les Washington dans l’adresse a` la population ame´ri- descriptions (dans M, le ballon d’Elsie roule hors caine dont les soldats allaient devoir aller se battre des fourre´setseprenddanslesfilste´le´gra- en Europe. Mais cette approche est plutoˆt effleure´e phiques...), ce qui est un peu regrettable. qu’aborde´edemanie`re approfondie, faute de Mais c’est en lisant l’e´pilogue que l’on comprend recherche dans des sources primaires qui se trou- qu’il y a une cle´ a` ce livre qui est de nature per- vent dans les archives des studios, les fonds per- sonnelle. sonnels des protagonistes. On a vu avec la the`se de L’auteure, petite fille, juive re´fugie´e avec sa famille l’historien australien Ben Urwand (Collaboration. a` Cannes pendant l’Occupation, e´chappe de jus- Le Pacte entre Hollywood et Hitler, voir 1895 revue tesse a` une rafle de la Gestapo au Palace Bellevue d’histoire du cine´ma no 74) la complexite´ de ce (transforme´ en logements pour re´fugie´s), graˆce a` qu’il appelle la « collaboration » entre Hitler et l’action d’un « montreur d’ombres ». On est en Hollywood et les e´checs de tous les films qui furent septembre 1943. Date e´galement de la sortie aux entrepris qui prenaient la situation des Juifs E´tats-Unis du film de Lang que l’auteure ne de´cou- d’Europe comme sujet. vrira cependant qu’en 1975 a` Paris. De cet e´pisode La re´ponse de Danielle Bleitrach effectue une traumatique de son enfance, elle garde une « fausse contextualisation plus vaste en situant les deux trace » dans l’image de la petite Elsie de M quand « auteurs » du film dans les vingt anne´es pre´ce´den- l’ombre du «vampire» s’e´tale sur l’affiche de la tes au plan des e´ve´nements historiques et en fonc- colonne Morris indiquant qu’on recherche l’assas- tion de ce qu’elle appelle le « champ artistique » sin et qu’il y aura re´compense a` qui y aidera.