Soixantetroisieme
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MAX ENGAMMARE MAX ENGAMMARE AMMARE ENG SOIXANTE-TROIS AX SOIXANTE-TROIS M LA PEUR DE LA GRANDE ANNÉE AvaNT-PROPOS DE CLIMACTÉRIQUE À LA RENAISSANCE JACQUES ROUBAUD TITRE TITRE COURANT COURANT Depuis l’Antiquité, les hommes ont interprété la numé ration des années de leur vie, tel l’empereur Auguste, autre manière de retenir le temps qui fuit. Des théories médicales ont ainsi avancé que la matière se renouve- lait toutes les sept ou neuf années. Le produit de ces deux chiffres (l’un dévolu au corps, l’autre à l’esprit) donne soixante-trois, et la soixante-troisième année de la vie humaine, grande climactérique, était regardée comme très critique. C’est sous le signe du nombre et du temps que Max Engammare fait l’histoire de l’intérêt inquiet pour cette année qui reprend vigueur à la Renaissance, avec Pétrarque, mais surtout avec Marsile Ficin. On croisera la plupart des grands noms du temps, dont des théologiens, à l’instar de Philipp Melanchthon, le bras droit de Luther, et de Théodore de Bèze, celui de Calvin, mais aussi de Rabelais, celui qui a introduit le mot en français. La question du soixante-troisième roi de France, Henri III ou Henri IV, sera également posée par des Ligueurs qui ne savaient pas en 1587 ou 1588 que les deux mourraient assassinés, et l’on jouera même au jeu de l’oie. Il s’agit de comprendre l’arithmétique de ces peurs antiques e réactualisées dès la fin du XV siècle et qui n’ont TE-TROIS pas complètement disparu aujourd’hui, preuve en est Sigmund Freud ou la soi-disant malédiction des 27 N répertoriant tous les artistes célèbres morts à l’âge de vingt-sept ans (trois fois neuf). ISBN 978-2-600-00553-1 OIXA S 9 782600 005531 ISSN 1420-5254 DROZ 25 € TTC France DROZ DROZ TC41-53 63 c3.indd 1 18/04/13 16:57 LIBRAIRIE DROZ Tous droits réservés par la Librairie All rights reserved by Librairie Droz Droz SA en vertu des règles de propriété SA as proscribed by applicable intellectual intellectuelle applicables. Sans autorisation property laws. Works may not, fully or in écrite de l’éditeur ou d’un organisme de part, be reproduced in any form, nor adapted, gestion des droits d’auteur dûment habilité et represented, transferred or ceded to third sauf dans les cas prévus par la loi, l'œuvre ne parties without the written authorization peut être, en entier ou en partie, reproduite of the publisher or a duly empowered sous quelque forme que ce soit, ni adaptée, organization of authors' rights management représentée, transférée ou cédée à des tiers. and except in instances provided for by law. 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ISBN : 978-2-600-10553-8 ISSN : 1420-5254 © 2015 by Librairie Droz S.A., 11, rue Firmin-Massot, Genève. All rights reserved. No part of this book may be reproduced, translated, stored or transmitted in any form or by any means, electronic, mechanical, pho to copying, recording or otherwise without written permission from the publisher. 41_53_P1014_Texte.indd 6 12.04.13 09:26 AVANT-PROPOS Jacques Roubaud LES NOMBRES SONT-ILS DES CAUSES ? 1 « Le jour de son entrée dans sa soixante-troisième année, à l’aube du 20 juillet 1366, Pétrarque, …. rédigea une lettre à son cher ami Boccace, sur les dangers de la soixante-troisième année », écrit Max Engammare au commencement du chapitre premier de son passionnant ouvrage. Par cette lettre, qui ‘ouvre le livre VIII des Lettres de la vieillesse’, j’ai fait pour la première fois connaissance avec le ‘problème climatérique’. C’était pendant les premiers mois de 1981. Il était partout question en France d’une élection pré- sidentielle qui allait changer la face du pays sinon du monde. Elle ne m’intéressait guère. Pour échapper à la quasi-hystérie générale, j’avais entrepris d’étudier, plus systématiquement que je ne l’avais fait jusque là, l’histoire du sonnet, forme poé- tique qui me préoccupait depuis presque vingt ans. Et dans ce but j’avais lu attentivement un livre : Vita del Petrarca e La for- mazione del « Canzoniere », d’Ernest Hatch Wilkins. Bien que le sonnet soit né en Sicile dans le premier quart du XIIIe siècle, c’est véritablement Pétrarque qui est à l’origine de sa vogue européenne à la Renaissance. La préoccupation ‘climatérique’ dont il fait preuve dans sa lettre à Boccace ne me surprit pas, car je n’y vis qu’un exemple, parmi bien d’autres, de sa fasci- nation pour les dates, passion numérologique dont le livre de Wilkins témoigne abondamment. Je ne fis pas attention au fait quej ’étais alors dans ma 49e année, étant né à la fin de 1932. 41_53_P1014_Texte.indd 7 11.04.13 15:37 VIII AVANT-PROPOS 2 M. Engammare dans son introduction, m’attribue, ce que je considère comme un grand honneur, la naissance de son intérêt pour ‘l’an climactérique’. J’avais, dans un livre de 1996, raconté, en l’attribuant à un personnage de fiction, Mr Goodman, comment l’inquiétude, l’angoisse même, asso- ciée à la ‘grande climatérique’, celle de la 63e année, s’était alors brusquement emparée de moi. « Depuis la troisième semaine d’octobre de l’année der- nière, je suis confronté à un phénomène désagréable, inat- tendu et récurrent. Les circonstances en sont toujours les mêmes : deux, trois fois par semaine, brusquement et très tôt, je me réveille, nettement plus tôt que mon heure de réveil habituelle, cinq heures du matin. Il est trois heures. J’ai très peu, très mal dormi. J’ouvre les yeux sur une nuit que je ne reconnais pas, une nuit défamiliarisée par une puissance hostile, lourde, oppressante, entière, au pouvoir absolu. Je me sens incapable de bouger, de tendre la main pour allumer la lampe. Je reste étendu, insecte pensant, sur le dos. Une angoisse effrayante me saisit. Toujours la même, répétée de nuit en nuit sans changement, sans atténuation. Je sais, je suis sûr, j’ai appris de source sûre, que je vais mourir. Ce sera bientôt. Très bientôt. Je n’ai été envahi d’aucun cauchemar. Je n’ai été victime d’aucune hallucination. Je n’ai vu se dresser devant moi aucune apparition spectrale venue d’une danse macabré, avec squelette ricanant, dents d’ébène et tête de mort. Je n’ai souf- fert, alors, à cet instant, d’aucune gêne physique, d’aucun mal. Rien ne me restait d’un rêve, aucune mise en scène prémoni- toire du futur proche de cette mort qui m’était, et m’est depuis, chaque fois, annoncée. Car telle est la source de l’angoisse. Cette mort, ma mort, est proche, est là. Elle me touche. J’en ai la conviction. Elle va m’arriver dans peu, très peu de temps. … J’ai essayé de réflé- chir au moment que je venais de vivre. L’angoisse ne se dissi- pait pas. Malgré la lumière, malgré la preuve de vie des gestes routiniers, je me sentais devant mourir, en train de mourir. … Et il m’est venu spontanément un mot pour qualifier la proxi- mité de cette mort : climatérique. » 41_53_P1014_Texte.indd 8 11.04.13 15:37 AVANT-PROPOS IX Je suis aussitôt allé à la Bibliothèque nationale, dans la salle Labrouste aujourd’hui abandonnée, pour me renseigner. Et je me suis adressé, comme il est naturel pour un petit-fils d’instituteurs de la Troisième République, disciples de Ferdi- nand Buisson, au monument de lumières dix-neuviémistes dans le genre encyclopédique qu’est, résolument républicain, positif et sceptique à l’égard de toutes superstitions, réelles ou supposées, le grand dictionnaire de Pierre Larousse. J’en fus, bien sûr, un peu réconforté. Ma soixante troisième année s’acheva sans trop d’accidents. Et je fis aussitôt le récit de mon expérience : « L’année dans laquelle je suis maintenant est l’année 1996. Ceci veut dire que j’ai achevé mon année climatérique ; et sans catastrophes visibles. Cela ne veut pas dire que quelque fêlure invisible, comme celle qui affecta le Vase Brisé de Sully Prud’homme (« Le vase où meurt cette verveine… »), ne me prépare pas en secret un sérieux cataclysme vital, à brève échéance.