Victor Hugo L'enfant

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Victor Hugo L'enfant VICTOR HUGO ET L'ENFANT L R CHR. DE BOER VICTOR HUGO ET L'ENFANT VICTOR HUGO ET L'ENFANT ACADEMISCH PROEFSCHRIFT TER VERKRIJGING VAN DEN GRAAD VAN DOCTOR IN DE LETTEREN EN WIJSBEGEERTE AAN DE ROOMSCH-KATHOLIEKE UNIVERSITEIT TE NIJMEGEN OP GEZAG VAN DEN RECTOR MAGNIFICUS MR. E. J. J. VAN DER HEIJDEN, HOOGLEERAAR IN DE FACULTEIT DER RECHTS­ GELEERDHEID, IN HET OPENBAAR TE VERDEDIGEN OP MAANDAG 13 NOVEMBER 1933 DES NAMIDDAGS 4 UUR DOOR JOSEPH PETRUS CHRISTIAAN DE BOER GEBOREN TE AMSTERDAM H. J. DIEBEN WASSENAAR МСМХХХШ AAN MIJN MOEDER, AAN MIJN VROUW. Bij de aanbieding van mijn proefschrift is het mij een aan­ gename plicht, mijn dank te betuigen aan U, Hooggeleerde J. Dagens, zoowel voor Uw bereidwilligheid, om als mijn promotor op te treden, als voor Uw raadgevingen en kritiek, die voor mij een zeer waardevolle hulp zijn geweest bij de samenstelling van dit werk. Aan Uw uitmuntende colleges, evenals aan die van pro­ fessor Titus Brandsma en van Lector B. Weerenbeck, zal ik steeds dankbare herinneringen bewaren. Mijn dank gaat ook uit naar de hoogleeraren Salverda de Grave en Gallas, van de Universiteit te Amsterdam, en naar den heer Stein, van de R.K. Leergangen, voor de lessen, die ik in vroegere jaren bij hen heb mogen volgen. Voor de dienstvaardigheid der beeren bibliothecarissen van de Koninklijke Bibliotheek te's Gravenhage blijf ik erkentelijk. ι \ INTRODUCTION. Victor Hugo a été le grand poète de l'enfant, le plus grand peut-être que la littérature ait jamais connu. On a pu dire de lui, et avec raison, qu'il a introduit glorieusement l'enfant dans la littérature, tout comme il a ouvert les portes de l'art littéraire aux humbles de la terre. Non seulement, il l'a chanté avec tous ses charmes, avec sa beauté et son innocence, et avec le bonheur qu'il porte entre ses petites mains, dans des poèmes qui resteront parmi les plus beaux de la littérature française, mais on peut dire que l'enfant l'a inspiré jusque dans ses romans, ses poèmes sociaux et politiques et ses discours. Sa pitié, sa profonde et sincère pitié des misérables a été éveillée d'abord par la vue des enfants pauvres ou des petits criminels de la Conciergerie. Les souffrances de l'enfant innocent ont ouvert son cœur de père et de poète aux grandes souffrances du peuple. Et c'est aussi par l'enfant qu'il a entendu que se fît la définitive régénération de la société entière; son grand idéal humani­ taire, héritage de la Révolution, il a voulu le réaliser par l'enfant. Enfin, dans ses propres tourments religieux, dans les doutes qui ne le quittaient pas, même vieillard, l'enfant lui a apporté une solution qui lui a semblé définitive. Les enfants remplissent sa vie privée, d'où ils ne s'effacent que temporairement devant les intruses qu'y laisse pénétrer la morale facile du poète. Il leur doit, à eux et à sa fidèle compagne, l'incontestable reflet de dignité qu'il garde malgré ses défaillances morales. 1 2 L'homme se montre aussi dans ses affections d'ordre fa­ milial, ou dans son simple goût pour l'enfant, bien plus sympathique que ne l'ont peint les Biré et les Barbey d'Aure­ villy; ces penchants sont ce qu'il y a de meilleur dans sa personnalité morale. Ce géant à qui on a reproché son goût de l'énorme, de l'excessif, prend des proportions plus hu­ maines quand il se courbe avec un paternel sourire sur les „petits". C'est par son affection pour l'enfant qu'il devient plus accessible. Sa monstrueuse vanité se tait, son humeur vindicative s'apprivoise, les tumultes de son âme s'apaisent; il lui arrive même, chose si rare chez ce génie, de s'oublier. Les cris du cœur que lui arrache la perte de sa fille Léopoldine, ont un accent de sincérité pathétique qui remue le critique le plus prévenu. C'est l'enfant qui nous a fait pénétrer dans l'intimité de la vie de Victor Hugo. Désirant mieux connaître l'homme, nous nous sommes introduits d'abord chez le père, le chef de famille. Le géant, chez lui, entouré de ses enfants ou de ses petits-enfants, devient l'homme le plus simple du monde. Plus rien de terrible, de révolutionnaire. Un bon bourgeois de Paris, assez doux avec sa femme, franchement épris de ses beaux enfants, s'attendrissant, dans l'heureux confort et la douce intimité du foyer, des misères dont souffrent les moins favorisés de la vie, les misérables et surtout les enfants pauvres. Il est loin d'être un mari irréprochable, il donne même dans les „grands ébranlements" d'un amour illicite, mais il n'abandonne pas ses pénates. Il a, en quelque sorte, inventé la poésie familiale. „Je ne vois aucune œuvre qui ait contribué à faire de lui le grand poète de l'enfance et du foyer. Ceci c'est sa création propre", nous écrivait M. A. Le Breton, et cela est parfaitement juste. „Si nous voulons sentir, a écrit encore M. Le Breton, ce que (les Odes) avaient de nouveau, d'original à la date où ils ont paru, interrogeons notre littérature des siècles anté­ rieurs; cherchons chez les grands maîtres de l'époque cías- 3 sique quelque chose d'analogue à cette poésie intime, familière, à ces vers où l'auteur se met lui-même en scène avec son vieux père, sa jeune femme, et ses petits enfants, avec les joies et les deuils de son foyer. Cherchons! mais nous savons d'avance que nous ne trouverons pas". !) Meurice n'a-t-il pas pu proposer, dès 1856, d'éditer un livre intitulé: Les Enfants, par Victor Hugo.2) Et ce livre n'a-t-il pas vu le jour réellement, dans la Bibliothèque d'Education et de récréation chez Hetzel?3) M. Gaston Deschamps a résumé ainsi la poésie familiale de Victor Hugo: „De tous les poètes du XIXième siècle, Victor Hugo est peut-être le seul qui ait chanté toutes les affections qui font, tour à tour, pleurer ou sourire l'humanité. Son rôle social ne l'a pas empêché d'être attentif aux émotions de la vie privée. Sa poésie est tout imprégnée de ce nectar, souvent amer, que Shakespeare appelle „le lait de la tendresse humaine". Victor Hugo a été amant, époux, père et grand-père. Il a fait entrer, triomphalement, dans la littérature, les enfants que le céli­ bataire La Bruyère déclarait: „hautains, dédaigneux, colères, envieux, curieux, intéressés, paresseux, volages, timides, in­ tempérants, menteurs, dissimulés". Il a dit (avecquel charme!) les „douceurs infinies" des yeux ingénus". Et, après avoir épuisé toutes les joies qui nous viennent de l'enfance frêle, il a connu toutes les extrémités de la souffrance et du mal­ heur". 4) 1) A. Le Breton. La jeunesse de Victor Hugo. p.p. 158—159. 2) Le titre proposé primitivement avait été: Le Victor Hugo des Enfants. Le poète lui-même souscrivit au titre proposé par son ami Meurice. v. Correspondance entre Victor Hugo et Paul Meurice. p.p. эа—95. 8) Les Enfants (Le Livre des mères) Nouvelle édition s.d. Avec quelques mots de préface par P. J. Stahl, divisé en 7 livres: Les têtes blondes. Les jeunes filles. Les orphelins et les pauvres. Souvenirs d'enfance. Les mères. Les deuils et les tombes. Раиса meae. 4) Gaston Deschamps. Petit de Julleville. Histoire de la Langue et de la Littérature française, t. VII. p. 266. 4 Il est parfaitement vrai qu'avant Hugo l'enfant n'a pas été chanté dans la poésie française. Les Feuilles d'Automme, Раиса Meae, et l'Art d'être Grand-père n'ont pas eu de pré­ cédent dans les siècles passés. M. A. Chérel a bien pu éditer une copieuse et instructive anthologie uniquement composée de fragments de prose et de poésie qui montrent à quel point la vie familiale était en honneur chez les ancêtres, !) mais il n'y a pas là, à proprement parler, de poésie familiale, ni de poésie inspirée par l'enfant. Il y a bien dans le moyen-âge lointain les femmes fortes des Chansons de Geste, les Dames Erembourg et Guibourg, et les rudes époux et pères, comme Aymeri de Narbonne à la main leste; il y a de magnifiques conseils maternels, comme ceux qu'adressa Dhuoda, femme de Bernard, duc de Septimanie, à son fils de quinze ans, et des „Enseignements" comme ceux du célèbre Geoffroy de la Tour- Landry, mais le caractère général de ces oeuvres-ci est d'un ordre pédagogique et moralisateur; écrivains et poètes ne s'arrêtèrent pas aux charmes de l'enfant. Les „enfants" célèbres de l'épopée médiévale, Gautier de Lens, Aïol, Doon et ses frères, Charlemagne, Roland, Guil­ laume et Vivien se distinguent seulement par leur vigueur extraordinaire et leur héroïsme précoce. Ce sont les enfants- prodiges de ces âges héroïques.2) De même les quinzième et seizième siècles ont vu une riche eclosión de poésie domestique et rurale, mais n'ont pas chanté l'enfant. Ronsard, dont le souple génie poétique se serait prêté facilement à ce travail, oublia l'enfant en payant son tribut littéraire aux charmes de ses maîtresses, les solennels et ennuyeux Scevole de Sainte Marthe et Pierre Poupo se bornèrent à composer de sages sermons nuptiaux qui sont bien loin de la magnifique inspiration de Date Lilia Montaigne était peu sensible aux charmes des enfants. Le dix-septième siècle vit une continuation de la littérature moralisatrice des siècles précédents. Vauquelin de la Fresnaie *) A.
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